Almanach des Gourmands  

From The Art and Popular Culture Encyclopedia

Jump to: navigation, search

Related e

Wikipedia
Wiktionary
Shop


Featured:

Almanach des Gourmands Alexandre Balthazar Laurent Grimod de La Reynière was the first restaurant guide. It appeared in Paris from 1803 to 1812.

==Text dump of first issue==Rappel de votre demande:

Vues 1 à 274 sur 274

Nombre de pages: 274

Notice complète:

Titre : Almanach des gourmands : servant de guide dans les moyens de faire excellente chère / par un vieil amateur

Auteur : Grimod de La Reynière, Alexandre-Balthazar-Laurent (1758-1837). Auteur du texte

Auteur : Coste d'Arnobat, Charles-Pierre (1732-1808?). Auteur du texte

Éditeur : Maradan (Paris)

Éditeur : Imprimerie de CellotImprimerie de Cellot (Paris)

Éditeur : Imprimerie de CellotImprimerie de Cellot (Paris)

Date d'édition : 1803

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343982165

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb343982165/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 1371

Description : 1803

Description : 1803 (A1).

Description : Collection numérique : Patrimoine gourmand

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k8857906

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, V-30008

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 18/09/2012

Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 86%. ho

r 1

JL

rt' g S I « r CD

O-i

Tir^i—=-a

O CD c/j a

K £0 o-l ° o o !

o ^

a o-i-i |

& —. 2. G)

- C ^ pi a cd- i <! H CD c 1

n

o gr

2 93 '*• J

O O

13 CD *1 en O 3 O __r*

3

V—' r-<'

<î ►1

H* CD

a en

s

CD,

es^

2. 3*

V*

2.

  • "J en

-a P

P <'

31 d* HJ

P*

en

CD ri*

V__J •

O

en

en ’

P

<î 2.

o'

3

CD g

P*

S.

r* CD

P"

r-* cr

5" V-J •

CD en

0? 13

3 p

p # en

13 P -s

P 3 en

CD en 2. 3*

CLi CD 3 P

2. 5! en en

U *-i O O o-

3. CD* 3 CD

en CD -1 H—1 CD

â ri* CD*

P; O 3"-

CL. CD

0 CL.

U-J O ri*

p H* •

CL. O

r-b CD

en O

P 3 ■

2. CD* O

P hj • P <3

Pi e*

P O en en

P <-»* HJ • H—

3 13 en

13 >-l CD Î3

O* -i O

V*

CD

0

A-

Q-»

Cu

en

O

CD ,.Q

c> n*

3 CD

CD Oi

CD

CI

anc

Sue,

ALMANACH DES GOURMANDS.

!

â

AVIS.

On trouve chez le même Libraire, et chez l’Auteur, rue des Champs- Elysées, n°. 8 , l’Alambic Littéraire, > par M. Grimocl de la Reyniere ; 2 vol. in-8°. de plus de 400 pages chacun. Prix : 7 fr. 5o cent., et 10 fr., franc de port par la poste,

almanach DES GOURMANDS, o U CALENDRIER NUTRITIF, SERVANT DE GUIDE DANS LES MOYENS DI FAIRE EXCELLENTE CHERE ; Suivi de l’Itinéraire d’un Gourmand dans divers quartiers de Paris , et de quelques Variétés morales, apéritives et alimentaires, Anecdotes gourmandes, etc. PAR UN VIEUX AMATEUR.

Tnnquani leo rugiens, circuit qusereus quem dcvoret. S. Petr. epist., cap. vi, vers. 8.

A PARIS,

Chez MarAdan , Libraire , rue Pavée- Saint-André-des-Arcs, n°. 16.

AN XI.

l8o3.

SUJET DU FRONTISPICE, Au fond d’un cabinet, décoré dans le t out le plus moderne, c’est-à-dire , avec es.meubles du stile le plus antique,, se trouve un corps de bibliothèque, sur les tablettes duquel on aperçoit, au lieu de livres, toute espèce de provisions alimentaires , parmi lesquelles on distingue un cochon de lait, des pâtés de diverses sortes, d’énormes cervelas , et autres menues friandises , accompagnées d’un bon nombre de bouteilles de v>in , de liqueurs , bocaux de fruits confits et à l’eau-de- yie , etc. Du plafond pend, en guise delanterne, lin monstrueux jambon de Bayonne. Sur le devant de la scène est une table chargée de mets recherchés, servie pour plus de quinze personnes , et sur laquelle on voit seulement deux couverts. Un buffet, sur lequel est le second service, et une servante placéeentre les deux sièges , annoncent que ce dîner solitaire ne sera troublé par la présence d’aucun domestique. On lit au bas de l’Estampe: La Bibliothèque d'un Gourmand du XIX. siècle,

V

AVIS DU LIBRAIRE.

L’idée de ce petit Almanachr fut conçue en même - temps par. l’Auteur et par le Libraire, dans un déjeûner splendide, auquel ils se trouvoient tous deux, le dimanche 2.3 Brumaire dernier. Saisie avec avidité par tous les convives, l’exé- cutionendevintpour eux une espèce de défi , auquel il fallut bien céder. Le public seul peut décider si la gageure étoit bonne ou mauvaise ; mais ceci explique la précipitation avec laquelle cet Almanach a été rédigé et imprimé , pour qu’il pût paraître dans le courant de Janvier. Ces circonstances ne sont point sans doute une excuse, et il y a long-temps que Molière a dit que: .... Le temps ne fait rien à l’affaire. Aussi n’a-t-on voulu que sonder le goût du public, par un essai. S’il accueille cette bagatelle avec ri

— — - '

vi Avis du Libraire. indulgence , nous lui en promettons pour l’année suivante une édition beaucoup plus complette et même plus soignée. La matière est bien vaste , sans doute, pour un simple Almanach; mais cette forme commode et portative étant du goût d’un grand nombre de lecteurs , plus d’un âuteur grave n’a point dédaigné de l’adopter pour répandre des vérités utiles ; et, lorsqu’on a le temps de resserrer ses idées, et d’être court, on peut de cette manière renfermer beaucoup de choses dans un petit volume. Nous nous bornons donc, cette année, à provoquer seulement l’appétit des amateurs , sauf h les satisfaire en 1804, pour peu qu’ils prennent goût à la chose. N. B. Ou recevra avec reconnoissance tous les avis, renseignemens, et mémo échantillons 3 que les personnes qui s'intéressent au succès et aux progrès de cet Ouvrage , voudront bien faire passer à J'Auteur, en les adressant, francs do port, au Libraire*

\

%

TU

ÉPITRE DÉDICATOIRE A Monsieur D’AlGREFEUILLE , ci-de- vaut Procureur-Général de la Cour des Aides de Montpellier , Chambre des Comptes unie, etc., etc.

Monsieur,

\ A

qui pourrions-nous plus convenablement offrir l’Almanach des Gourmands , qu’à l’homme aimable qui possède l’art si difficile et si peu connu de tirer le meilleur parti possible d’un excellent repas? qu’au dégustateur éclairé de ce que la Nature produit de meilleurpour l’appétitde l’homme? qu’à l’appréciateur savant des combinaisons alimentaires les plus recherchées ? enfin, qu’au convive le plus fait pour honorer une table opulente, par la dextérité de ses manières, son profond usage du monde et le charme toujours varié de sa conversation? A tous ces titres , Monsieur , qui vous classent parmi les Gourmets du premier ordre , vous unissez celui d’ami, de Protecteur éclairé des Arts ; et

- k-

VIII

Épitre dédicatoire. ceux qui tiennent à l’esprit ne vous sont pas moins familiers que tous ceux qui ont quelque rapport avec la bonne-clière. Cette alliance, si rare aujourd’hui chez le même individu , auroit suffi pour déterminer notre choix, si vous n’y aviez pas d’ailleurs une foule d’autres droits incontestables , de l’énumération desquels nous faisons grâce à votre modestie. Daignerez-vous, à tous ces titres, honorer de quelqu’indulgence ce petit ouvrage ? Paroissant sous vos auspices , et fort de votre appui, son succès ne sera plus un problème. Ami chaud, autant que juge éclairé, vous couvrirez de l’ombre de vos ailes cet essai d’un nouveau genre, que nous aurions voulu pouvoir rendre plus digne de vos bontés et de votre bienveillance officieuse. Nous sommes avec respect, Monsieur, Vos très - humbles , très- obèissans, et très-dévoués serviteurs , L’AUTEUR et I’éditiur de l’Almanach des Gourmands. ns

PETIT ALMANACH DES GRANDS GOURMANDS.

AVERTISSEMENT DE L’ÉDITEUR. Cet Almanach ne renferme point, ainsi que son titre pourroit le faire présumer, les noms et adresses des grands gourmands de la Capitale, ce qui ne seroit utile à personne; mais bien l’indication raisonnée de tout ce qui peut y flatter ta sensualité , ce qui peut l’être à beaucoup de monde. Le bouleversement opéré dans les fortunes , par une suite nécessaire de la Révolution, les ayant mises dans de nouvelles mains, et l’esprit de la plupart de ces riches

î) 'Avertissement d’un jour se tournant sur-tout vers les jouissances purement animales, on a cru leur rendre service en leur offrant un guide sûr dans la partie la plus solide de leurs affections les plus chères. Le cœur delà plupart des Parisiens opulens s’est tout-à-coup métamorphosé en gésier; leurs sentimens ne sont plus que des sensations, et leurs désirs que des appétits; c’est donc les servir convenablement que de leur donner, en quelques pages, les moyens de tirer, sous le rapport de la bonne chère, le meilleur parti possible et de leurs penchants et de leurs écus. Au reste,les plaisirs qu’on doit à la cuisine ont toujours tenu un rang distingué parmi tous ceux des hommes rassemblés en société.En dépit des stoïciens, l’on conviend ra que ce sont les premiers que l’on éprouve, les derniers que l’pn quitte^ et ceux

de ïÉditeur. iij que l’on peut goûter le plus souvent. Pour beaucoup de gens, un estomac à toute épreuve est le premier principe de toutbonheur; et il nous seroit facile de prouver que, même chez tous les hommes, ce viscère influe, plus que l’on ne croit, sur les destinées morales de la vie. Mais sans nous perdre ici dans des discussions métaphysiques,qui neseroient peut-être pas comprises par tous ceux pour qui nous écrivons , et qui appartiennent à la philosophie beaucoup plus qu a la cuisine , revenons au principal objet de cet Almanach, qui est de guider et d’éclairer les Gourmands dans le labyrinthe de leurs jouissances apéritives. Qu’on se figure un riche chargé d’or, pressé du besoin de le dépenser , et sous la tutelle d’un cuisinier ignorant ou fripon, et l’on sentira combien notre petit ouvrage étoit t **

iv Avertissement nécessaire.Notre Midas, sans guide dans celle vaste carrière , se ruinera sans se faire honneur ; et de malins parasites se moqueront encore de lui et de la chère qu’il leur aura fait faire , qui , pour être dispendieuse, n’en sera pas moins, fort souvent, détestable. Si ce riche, au contraire, possède à fond la topographie manducatoire de la France, ou même, à son défaut , seulement celle de Paris ; s’il ccnnoît le rapport des saisons avec les comestibles ; si, raisonnant son appétit, il sait le diriger d’après des principes invariables et sûrs; enfin, si, présidant lui-même aux achats, il les fait faire en temps utile et en magasins convenables; il se trouvera alors avoir résolu le problème que l’intendant d’Harpagon pro- posoit à Maître Jacques, et qu’aucun cuisinier, passé , présent et

de l'Editeur. v. futur , n’a jamais voulu comprendre et ne comprendra probablement jamais : celui de faire bonne chère avec peu d’argent. On voit que, sous ce dernier rapport, noire Almanach ne deviendra pas moins utile aux fortunes bornées qu’aux maisons opulentes. Dans un travail de cette nature, ilfalloitsuivreun plan régulier ,ety faire régner une sorte da méthode. Le titre de notre livre en a réglé d’abord la distribution, et les douze mois de l’ancien Calendrier (car le moderne n’a pu s’adapter encore à cette division ) formeront autant de chapitres consacrés aux productions alimentaires correspondantes à ces époques. Nous ferons ensuite, dans Paris, quelques Promenades nutritives, et nous nous arrêterons avec com-

vj .Avertissement plaisance dans les magasins les plus faits pour exciter l’appétit par leurs assortimens , et pour le satisfaire par leurs prix raisonnables. Nous donnerons, en même temps, dans ce petit Voyage, d’une espèce nouvelle, l'adresse exacte f et quelques détails particuliers sur les Artistes les plus célèbres dans la confection des alimens recherchés; et l’on verra que, si la Révolution a été funeste, en France, à la plupart des arts , celui de la cuisine, loin d’en avoir souffert, lui a dû ses progrès rapides et sa mobile activité. Enfin, sous le titre de Variétés, nous rassemblerons quelques anecdotes inédites, quelques fragmens de morale, quelques détails originaux, qui, rentrant dans le but de notre travail, se rapporteront tous à l’art alimentaire, pour la plus

de l Éditeur. vij grande gloire duquel nous l’avons entrepris. Il nous reste à solliciter l’induL, gence du Public pour ce petit écrit, qui ne peut acquérir quelque perfection que par la suite. Ceci n’est, en quelque sorte, qu’un essai; mais si l’on nous donne occasion de le répéterchaque année, nous profiterons des lumières qui nous seront communiquées; et cet Almanach méritera pour lors, sous un double rapport, le titre d'Almanach des, Gourmands, puisqu’il deviendra iout-à-la-fois leur guide et leur ouvrage. Ajoutons , en finissant cette longue Préface, que le Rédacteur , que des raisons de modestie ont empêché de se faire connoître, nous permet d’annoncer que, fils d’un père qui passoit pour tenir l’une des tables les plus recherchées de

viij Avertissement de l’Éditeur. Paris, et descendant d'un ayeul mort au champ d’honneur, c’est- à-dire , des suites d’une indigestion de pâté de foie gras , il avoit plus que bien d autres, peut-être, des litres et des moyens pour donner au Public l’Almanach des Gourmands. N. B. La précipitation avec laquelle ce petit ouvrage a été conçu, composé,rédigé et même imprimé, nous exposera , sans doute, à beaucoup de reproches et de réclamations. Nous irons au-devant avec un mot : c'est que la perfection est la hile du temps ; et si beaucoup d'excellens ragoûts, d'habiles artistes et de magasins attrayans manquent encore ànotre nomenclature; l'amour-propre ne doit point se hâter de s'en plaindre et de nous condamner. Sans autres secours que ceux qu'il a tirés de lui-même pour cette rédaction , l'Auteur a dû nécessairement y laisser beaucoup de lacunes. C'est à tous ceux qu'elles intéressent à vouloir bien l’aider à les remplir. Un recueil absolument complet dans ce genre , est l’ouvrage de vingt années de soins , de recherches, de travail et de méditations.

ALMANACH DES GOURMANDS.

1

CALENDRIER NUTRITIF.

JANVIER. Il est peu de mois c-n France plus favorables à la bonne chère, que celui de Janvier, qui, en dépit du calendrier républicain , commence loujours l’année gourmande , depuis Charles IX. Sans parler de lalèle des Rois, qui est également celle des pâtissiers et l’occasion d’un grand nombre d’indigestions, le temps des étrennes est aussi celui des rassemblemensnutritifs. Cette époque de l’année, regardée comme celle de 1 extinction des haines , du rapprochement des familles , des visites de devoir etc. , est un véritable temps d’amnistie et de jubilation; carpresque tous ces nambreuxrapprochemens sont signalés par de grands repas. Il est prouvé qu’on ne se réconcilie bien

ï o Almanach qu’à table , et que les nuages de l'indifférence et de la brouillerie ne sont jamais entièrement dissipés que par le soleil de la bonne chère. D’ailleurs le jour de l’an est l’époque des étrennes , et presque toutes celles qui se donnent en argent, se transforment ensuite en comestibles. Les comestibles eux-mêmes son! les étrennes les plus agréables que l’on puisse offrir. Ils se donnent et se reçoivent sans conséquence; et tel commis , tel Journaliste qui se ferait scrupule d’accepter un étui d’ivoire , reçoit sans se compromettre un pâté de l’oies gras de Strasbourg ou de Toulouse, qui coûte dix lois davantage. Ce ne sont point seulement ces mets solides qui sont la matière de la libéralité parisienne dans ce mois: on sait que c’est celui de la circulation des bon- bonsetdessucreries de toutes les espèces; et la rue des Lombards l’emporte alors sur larue Saint-Honoré.L’indus- trie des confiseurs s’étudie chaque année à varier les inventions de leurs surprises et de leurs ingénieux colifichets. Le sucre prend, sous leurs mains «droites, mille formes diverses, pour

des Gourmands. n séduire les y eux et flatter le goût, et ces marchands se sont classés, par leur industrie, au nombre des artistes. Ce ne sont pas ceux dont on visite le moins souvent les alteliers. Les dragées, dont il n’étoit question autrefois que pour les baptêmes, se mangent aujourd’hui pendant toute l’année; et la plupart des poches ont été métamorphosées en bonbonières. Si le mois de Janvier est l’un des De ea' plus favorables à la bonne chère , ce Viande de n’est pas seulement parce qu’il est Bouciieiue, celui desétrennes, del’épiphanie et du commencement du carnaval, mais parce qu’il partage , avec l’automne , l’avantage de rassembler les productions nutritives les plus faites pour exciter et pour satisfaire notre gourmande sensualité. C’est dans ce mois que l’on voit arriver en foule, à Paris, ces énormes bœufs de l’Auvergne et p u du Cotentin, chargés d’une graisse succulente, et dont les flancs recèlent ces aloyaux divins, le premier fondement d’un bon repas , et dont l’appétit se lasse beaucoup moins que des mets les plus recherchés. Ces aloyaux bien mortifiés, cuits à l'anglaise; c'est-

13 Almanach à-diresaignans, et accompagnés d’une sauce stimulante , dans laquelle les anchois de Maille et les câpres fines tiennentlepremierrang, sont, en cette saison, le rôti le plus convenable à une table nombreuse et affirmée. Ces mêmes bœufs produisent d'admirables ‘ bouillis; sur-tout, lorsque songeant moins au potage qu’au plat qui le relève, on préfère la culotte à la tranche, et la pointe de la culotte à son milieu. Si, pour plus grande satisfaction, l’on entoure cette culotte de morceaux de choux carrément coupés , cuits dans un bouillon foncé , séparés par des cloisons épaissesd’un lard embonpoint, etcouronnéspardes saucisses courtes ; on pourra se flatter alors d’avoir un mi lieu digue de la table des plus grands princes , et un bouilli dans tout son luxe. Les consommateurs plus modestes se contentent de l’enclore d’une muraille de pommes de terre cuites dans unbon jus, etarroséesd’une sauce aubeurre.Ce collier estmoins apparent et moins dispendieux sans doute; mais iln’est pas moins substantiel. Si, aux choux, aux petites saucisses et au lard précités, l’on joint des colonnes de c»~

des Gourmands, i3 roltes et de navels , symétriquement découpés , et incorporées avec eux ; alors on aura une véritable charireusè en chapelet, ce qui ne laissera pas d’être fort gracieux pour beaucoup d’amateurs. Le bœuf ne se borne pointa nous offrir l’aloyau et le bouilli; il est d’une ressource inépuisable pour varier les entrées, et même les hors- d’œuvres d’une table bien servie. Avec s.a queue et de nombreuses carottes , on forme un hochepot qui, fait avec soin, et dressé avec art, présente l’enchanteur coup d’œil d’un buisson nutritif. Avec ses palais, on établit, soit au gratin, soit en pâté-chaud, l’une des entrées les plus succulentes. Avec ses entre-côtes bien frottées d’huile , panées et mises sur le gril (avec poivre et sel seulement) on peut offrir un fort hors-d’œuvre des plus tendres et des plus aimables.'Si vous coupez avec art, entranches minces , le filet du dedans de la seconde pièce d’un aloyau; que vous les couchiez quelques instans sur le gril, et que vous les dressiez sur un plat chaud, sans autre assaisonnement que des morceaux

14 Almanach d’un beurre extrêmement frais,et sans autre entourage que des vitelottes passées au beurre, et entières; vous vous trouverez avoir ce que les Anglais appellent beef'steak, mets qui forme le principal plat de leur dîner, et qui mérite bien qu’on passe la Manche pour le connoître. Cheznous, ce n’est qu’un hors-d'œuvre; mais lorsqu’il est à son point, il est peu de ragoûts que l’on puisse lui comparer. Notre dessein n’est point d’entrer ici dans tous les avantages qu’on peut retirer du bœuf ; cet animal est une mine inépuisable entre les mains d’un artiste habile; c’est vraiment le Roi de la cuisine. Sans lui point de potage , point de jus ; son absence seule sufii- roit pour affamer et attrister toute une ville.Heureux Parisiens! félicitez-vous; car , s’il faut en croire les voyageurs les plus gourmands, vous mangez dans vos murs le bœufle plus délectable de l’univers. L’Auvergne et la Normandie fournissentlesmeilleurs; mais dans le lieu de leur naissance , ils ne sont pas comparables à ce qu’ils deviennent à Paris. Semblables à ces jeunes gens stupides, dont l’esprit ce se forme et

M •W

des Gourmands. 1-5 ne se développe qu’en voyageant, ces succulentes bêtes ont besoin d'arriver dans la capitale pour acquérir le complément de leur mérite. Dans ce long trajet, leur graisse se l'ond, s’identifie avec leur chair, et lui donne un degré de bonté qu’elle n’auroit jamais acquis dans sa patrie. Ce n’est donc pas pour eux qu’un poète a dit que : Rarement à courir le monde On devient plus homme de bien. Le veau n’a pas besoin d’aussi longs voyages pour se former : sa délicatesse lui prescrit un exercice plus modéré ; d’ailleurs comme ce n’est pointa pied qu’il chemine, de trop longues courses deviendraient poürlui dispendieuses. Les meilleurs sont ceux de Pontoise , de Rouen ( connus sous le nom de veaux de rivière ) de Caen et de Mon- targis. On en élève aussi dans les environs de Paris, qui ne sont point à dédaigner, et les entours de Mantes sont couverts de vaches-laitières, dont tout le lait sert à nourrir ces jeunes enf'ans, qui feront bientôt l’ornement de nos tables. Le veau est meilleur à Paris que par-tout ailleurs, d’abord

Tlii Vt»nH

16 Almanach parce que celle viande y étant toujours chère , on élève avec plus de soin ceux qu’on destine à sa consommation; jusqu’à les nourrir, comme à Pontoise par exemple , avec de la crème et des biscuits : ensuite parce que l’on y observe plus strictement qu’ailleurs les régie mens qui défendent de les mettre à mort avant l’âge de six semaines. Plus jeune, le veau n’offre qu’uue chair fade et aqueuse ; ce n’est qu’à cet âge qu’il a acquis ce degré de force, de blancheur et d’embonpoint nécessaire à sa perfection ; aussi un veau de Pontoise est- il, à cet âge , le plus délicieux rôti que la boucherie puisse offrir. Le morceau du rognon passe pour le plus hon- nêterc’est vraiment une poularde à quatre pieds; et la substance même du rognon offre incontinenllaressource d’un entremets , sous le nom d’omelette. Mais le morceau d'apiès, quoique moins somptueux, n’est assurément pas à rejeter ; beaucoup d’amateurs même le préfèrent, parce qu’il est moins gras , plus en chair et d’un goût plus relevé; cependant l’on donnera toujours, sur

les tables recherchées, la préférence à l’élégant rognon. Il est un moyen de tout concilier, c’est de servir la longe entièx'e, qui présente les deux morceaux : c’est le rôti le plus apparent qui sorte des mains du boucher ; mais il faut une table nombreuse pour le fêler convenablement j car une belle longe de veau ne pèse guères moins de 12 à i5 livres. Le veau, dans sa condescendance,se prête à tant de métamorphoses, que l’on peut, sans l’offenser, l’apeller le caméléon de la cuisine. Il est peu d’animaux qu’on nous présente sous plus de formes diverses, qu’il n’entre point dans notre plan d’énumérer ici. On en trouve beaucoup dans les livres qui traitent de l’art alimentaire 5 mais il en existe bien plus encore dans la brillante imagination des cuisiniers habiles. Ce n’est pas seulementle corps du veau, sa personne, proprement dite, qui fait l’ornement de nos tables : sa tête et ses issues offrent encore une foule de mets succulens. Nous ne parlerons pas en ce moment des têtes de veau, farcies du Puits-Certain , qui trouve-

t

I

~ ■ - - ■ -t-rj,- ,

a 8 AlmanacfL ront leur place dans notre Itinéraire nutritifj mais qui n’a pas mangé des têtes de veau au naturel, bouillies simplementavec leur peau, etrelevées par une sauce aiguisée ? C’est un mets aussi salutaire qu’alimenteux, et que la cuisinière la plus novice peut servir avec succès. Les pieds de veau, à la poulette, frits, au gratin, etc.; les cervelles de veau, sous les mêmes apprêts et dénominations; les ris de veau en fricandeau, piqués en fin, offrent autant d’entrées bienfesantes, que l’art du cuisinier varie plus ou moins, pour la satisfaction de sa gloire et pour la prospérité de notre appétit. Nous ne parlons ni du foie , ni de la fraise, ni des oreilles, qui partagent avec les précédentes issues l’honneur de parer nos tables. Qui ne connoît les foies à la bourgeoise, le relevé le plus ordinaire et le plus compact des tables sans prétention? La fraise, cuite à l’eau et mangée au simple vinaigre , est une nourriture aussi saine qu’agréable , et renferme un mucilage ami des poitrines délicates. Ce plalestpeu dispendieux lorsqu’on le prend chez la tripière ; mais il revient à un prix

des Gourmands. 19 excessif si l’on se le fait fournir par les bouchers, vû la sordide habitude qu’ont ces messieurs de mettre tout dans la balance. Les oreilles de veau, ont de commun avec les pieds et les cervelles, l’avantage de pouvoir être frites on mangées à la poulette ; et de plus elles se laissent farcir, accommoder aux pois, aux oignons, au fromage, etc. Il n’est pas jusqu’à la langue et même aux yeux du veau , qui ne se disputent la gloire de réveiller la sensualité de l’homme : enfin sa fressure (qui, comme l’on sait, comprend le cœur, le mou et la rate) sans être un mets bien recherché, sa prête à tous les caprices d'un cuisinier profond, et peut, sous divers dé- guisemens, tromper encore notre apm pétit, et même le réveiller. D’après cette rapide énumération, il est facile de voir que le cochon seul, l’emporte sur le veau, par la variété des mets que son estimable individu peut fournir à nos tables ; mais avant de le tirer de son toit-à-porc, nous avons à parier du mouton. Il ne faut pas se le dissimuler; le DuMouton, mouton qui arrive par troupeaux, à

2.0 Almanach Paris, est bien inférieur au bœuf et même au veau : il faut le tirer de lciu et le faire venir exprès, si l’on veut le manger excellent. Celui des Ardennes, de Cabourg, de Pré-salé et d’Arles, tient, sans contredit, les premiers rangs. On peut nommer ensuite celui de Beauvais, de Reims , de Dieppe et d’Avranches ; mais ceux du Berri, de la Sologne et des environs de la ^ ) Capitale, sont en général inodores, et leur chair longue est rarement tendre. Il n’appartient donc qu’aux hommes opulens , et qui s’occupent sérieusement de la gloire de leur table ( car l’argent seul ne suffit pas pour faire excellente chère ), de manger cet animal dans toute sa bonté : mais le Parisien qui n’a point voyagé, n’est pas si difficile, et il s’accommode fort bien du mouton qu’il trouve à la boucherie. Ceux du Cotentin sont les meilleurs qu’on y rencontre. De gigot du mouton estle rôti le plus ordinaire des tables bourgeoises; mais quoique vulgaire il n’en est pas moins un manger nutritifetsuccu!ent;sur-tout si, attendu comme le qume de la loterie nationale deFrance, mortifié comme

i

des Gourmands. îi un menteur pris sur le fait, et sanguinolent comme un terroriste, il conserve tout-à-la-fois son goût, sa tendreté et sa succulence. C’est dire assez qu’il ne doit pas être trop cuit pour être mangé dans toute sa gloire. De longs ruisseaux de jus doivent sortir de ses flancs lorsqu’on le dépèce ; et ses tranches , minces et d’un beau rouge incarnat, seront alors délicieusement savourées par le palais, avant de fournir aux estomacs les plus délabrés un aliment aussi salutaire que solide. Si le gigot n’est pas assez cuit, il est facile d’y remédier, quoique découpé, en passant un moment ses tranches dans la casserole, sur un feu clair; mais s’il l’est trop, plus de remède, c’est un malheur irréparable ! Ce point, sans doute, est fort difficile à saisir ; car un tour de broche de plus ou de moins, peut faire la honte ou la gloire du plus distingué des gigots : mais ce sont de ces vérités que les livres seuls ne peuvent enseigner, et que l’expérience même ne suffit point pour apprendre. L’art de rôtir les viandes à leur degré précis, est l’un des plus difficiles qui existent : on trouve mille bons cuisiniers, contre

22 Almanach un parfait rôtisseur. Cent villes, en Europe, ont la réputation de fournir d’excellens ragoûts; et, s’il faut enr croire madame Turcaret, l’on n© mange de rôtis supérieurs qu’à Va- logne. Le gigot qui ne se trouve point assez tendre pour supporter les honneurs de la broche, figure très-bien à la braise, où, sous le nom de gigot da sept-heures, il repose mollement étendu sur un lit de légumes, variés selon les saisons : dans celle-ci on lui fait un matelas de haricots de Soissons, de chicorée, de céleri, d’épinards, etc. etc. Ces gigots, glacés d’un bon jus, cuits dans une braise savante, et assaisonnés selon les principes de l’art, offrent des relevés fort estimables, et tiennent même quelquefois lieu du rôti, dans une table sans prétention. L’épaule, à la broche, est souvent, plus tendre que le gigot, et elle a un goût particulier qui trouve beaucoup d’amateurs ; mais ce rôti, dédaigné par l’orgueil et l’opulence, est ordinairement celui du pauvre. L’épaule, aussi complaisante que le gigot, se prête aussi à diverses autres prépara-

tions : on la mange au four, en ballon, en croustade, à la roussie, voire même à la Sainte-Menehoult. L’esprit d’un grand cuisinier est un catalogue inépuisable de recettes savantes. Le carré du mouton se mange également en rôti, mais plus souvent en entrée , dressé sur un trône de légumes, comme les gigots à la braise : ceux en terrine à l’anglaise, aux lentilles, et ceux à la Conti sont très-es- timés. On en mange aussi de fort bons aux concombres ; mais l’on sent bien que ce ne peut être dans cette saison. Un carré de mouton à la broclie, et piqué de persil, n’est point un mets indifférent : c’est le rôti du philosophe. Au reste chaque mois , en cuisine comme en volupté , a ses jouissances particulières. Ce seroit nous écarter du plan de cet ouvrage, que d’entretenir nos lecteurs des autres parties du mouton, qui fournissentà la cuisine le tribut de leur excellence. La manière seule de diversifier les côtelettes, ferait le sujet d’un gros livre, et d’un livre fort savant. Que seroit-ce s’il falloit parler des filets f de la poitrine, de la queue,

24 Almanach des pieds (qui ont suffi pour faire la réputation et la fortune d’une maison de Paris, dont nous parlerons dans notre itinéraire); des rognons, qui ont pris une telle faveur aujourd’hui, qu’ils sont devenus la préface obligée de tous les déjeuners à la fourchette ; des langues qui, fendues sur le gril et servies avec une sauce piquante, sont bien venues par-tout ; enfin des cervelles, qui , dans les mains d’un praticien instruit, remplacent celles de veau au point de tromper souvent les palais les plus exercés ; tant est grand, en cuisine l’art des métamorphoses ! On voit par cetaperçuque les issues du mouton, quoique moins multipliées que celles du veau , ne sont guères moins estimables. N’y eût-il que les rognons, elles soutiendroient la concurrence; et encore nous ne parlons point de ces rognons extérieurs, connus sous le nom d'animelles, et qui ne sont autre chose que les signes appa- rens de la virilité du bélier. Ces animelles , très-recherchées autrefois , et qu’on payoit un prix excessif, ne trouvent plus aujourd’hui que peu d’amateurs,

des Gourmands. i5

d’amateurs, très-heureusement pour la propagation de la moutonnière es-» pèce. Comme rien n’est plus naturel tjue | de passer de l’oncle au neveu, ce seroit ici le cas de dire quelque chose de l’agneau ; mais l’ordre des temps s’y oppose, et nous aurons assez celui d’en venir à cet innocent animal, lorsque nous traiterons du mois d’avril : ce seroit un solécisme en cuisine que d’en parler avant Pâques. Le mérite du cochon est si géné- Cochon, râlement reconnu ; son utilité en cuisine est si profondément sentie, que son panégyrique est ici superflu. C est le Roi des animaux immondes : c’est celui dont l’empire est le plus universel, et les qualités le moins contestées : sans lui, point de lard, et par conséquent point de cuisine ; sans lui, point de jambons, point de saucisses, point d'andouilles, point de boudins noirs, et par - conséquent point de charcutiers.Les médecins ont beau dire que sa chair est indigeste , pesante et laxative; on laisse crier les médecins , qui seraient bien fâchés qu’on les écoutât, car le cochon est, sous le 2

2 6 Almanach rapport des indigestions, l’un des plus beaux fleurons de leur couronne. Les juifs, d’un autre côté, ont beau regarder le porc avec horreur; quoique beaucoup de chrétiens d’aujourd’hui soient de véritables juifs, tous n’en mangent pas moins des boudins et des andoudles. Enfin , quoique la cocho- naille soit beaucoup meilleure à Lyon etàTroyes qu’à Paris, ce qui.tient à la personne de l’animal, plutôt qu’au talent de l’artiste ; nos charcutiers sont venus à bout de triompher de tous les obstacles, et de varier leurs compositions, de manière à se placer au premier rang, dans l’art de faire prendre au cochon les formes les plus multipliées et les plus exquises. La Nature a si bien arrangé les choses, que tout est bon dans un cochon , et que rien n’en est à rejeter. \ Les arts disputent à la cuisine l’honneur de tirer parti de ses dépouilles; et si M. Corps et M. Dulhé ( deux des premiers charcutiers de Paris ) doivent leur fortune à sa chair, le poilde son dos est devenu, comme chacun le sait, le premier instrument de la gloire de Raphaël.

des Gourmands. 27 Lorsqu’on traité de cette estimable bête, on ne sait donc comment entrer en matière , ni par quel bout la prendre. Si nous commençons par le plus noble, nous verrons, que, sans un grand travail, on fait de sa tête une hure de sanglier, et cela par des procédés tout contraires à l’art de la civilisation. Ses côtelettes, soit simplement grillées , soit en ragoût, s’offrent de bien des manières à notre sensualité; ses cuisses et ses épaules ont fait, sous le nom de jambons, la réputation et la fortune de Mayence et de Bayonne , et nous y reviendrons au mois d’avril. Ses oreilles, sa langue et ses pieds, exercent simultanément le cuisinier et le charcutier, et l’on en fait des menus»droits, que bien des gens préfèrent aux trop fameux Droits del’homme. Sa fressure, sa panne, sa crépine et ses boyaux, sont ou les premiers fondemens on l’étui nécessaire à toute espèce d’andouilles, de saucisses et de boudins: son sang même a, sur celui de tous les autres animaux, l’avantage de tourner au profit de notre appétit. Sa viande , hachée menue comme chair à pâté, outre les diverses

n

métamorphoses qu’elle subit dans les boutiques, devient, dans nos cuisines, le principe de plus d’une farce savante, et s’accommode à merveille des cavités d’une dinde à la broche. Sa poitrine en petit-salé, son carré rôti, son échinée en côtelettes, sa tête désossée en fromage, enfin sa graisse convertie en lard , s’offrent chaque jour à nos regards satisfaits, sans exciter davantage notre reconnoissance. Que dis-je? on a poussé l’ingratitude à son égard jusqu’à faire une grossière injure du nom de l’animal le plus utile à l’homme, lorsqu’il n’est plus : on outrage sa mémoire, tout en dévorant sa chair, et l’on ne paie que par des mépris ironiques, les ineffables jouissances qu’il nous procure! Si ces lignes peuvent faire rentrer en eux-mêmes ces détracteurs iniques , nous n’aurons qu’à nous en applaudir; mais, tel que soit leur sort, nous nous féliciterons au moins d’avoir essayé de rétablir , par nos éloges sincères, la réputation, si injustement flétrie, du cochon: nous n'en rencontrons jamais sans les saluer avec le sentiment d’une gratitude profonde.

I

des Gourmands. 29 Ce serait ici le lieu, sans doute, de parler de l’héritier présomptif de son rang et de sa destinée, et de placer après l’éloge du vénérable porc, celui du gentil cochon de lait ; mais l’ordre des saisons s’y oppose , et nous attendrons le retour de l’été pour nous en occuper. Le mois de Janvier n’est guères d u moins favorable au gibier qu’à la viande Gibier. de boucherie. Il abonde en grosses bêtes , parmi lesquelles il faut distinguer le chevreuil, le daim de l’année, et le sanglier de compagnie; la laie plus délicate encore et le gracieux marcassin; tous hôtes des bois, et que l’homme y relance au milieu des dangers etdes fri- mats , pour les faire, en dernier résultat, figurer surlès tables somptueuses. La hure du sanglier se sert en en- DuSanglicr. trcmets froid : c’est l’un des plus honorables ; et il n’appartient pas à tout le monde d'offrir à ses convives la plus noble portion de ce prince indompté dès forêts. Du reste , il n’y a guère que son fumet, sa noblesse sauvage èt son indépendance, quidistinguent ie sanglier du cochon. Ils appartiennent à la miinc famille; leur hure se pré-

3o Almanach pare de la même manière ; leurs pieds se servent simultanément à la Ste.- Menehoult, et leurs filets également piqués à la broche. Mais c’est là que finissent leurs rapports; et si le sanglier se refuse à la confection du boudin, des saucisses et des andouilles , ce qui seroit pour lui une dérogeance réelle ; il permet que l’on serve à la broche , et comme un rôti des plus distingués, ses quartiers de devant et de derrière, après les avoir fait mariner convenablement. Ce républicain sauvage se sert aussi en pâté froid , en civet, en boeuf à la mode, et même en pâle en pot; mais ces métamorphoses sont pour lui de véritables humiliations. Quant au marcassin son fils , auquel nous reviendrons cet été, il ne paroît guères sur nos tables que piqué, en superbe plat de rôt. Nourri dans les forêts, il en a la rudesse : c’est l’Jïyppolite de la cuisine. Les parties de derrière du daim sont les plus estimées. Ce charmant animal, dontla liberté n’a rien de féroce, et que son agilité sembleroit devoir préserver des atteintes de notre dévorateur

-v

des Gourmands. 31 appétit, figure élégamentsur les tables distinguées, lardé degroslard, mariné convenablement, et rôti sous la salutaire influence d’une pluie savante et nutritive. On lui fait, pour achever de l’honorer, une sauce dans laquelle dominent les apéritifs anchois, le citron verd, les échaloftes et la farine frite, mouillée de son dégoût - on la lie avec un coulis, et c’est alors un manger délicieux. Le faon du daim se traite à-peu-près comme monsieur son père-; mais si l’on veut le fétoyer encore davantage, on en sert une cuisse avec la croupe , moitié panée , moitié piquée, avec des petits pâtés pour garniture, et une poivrade dessous. Il n’est pas besoin que nous ajoutions qu’un tel mets n’a rien de démocratique : il eût suffi il y a peu d’années pour faire traduire toute une famille au tribunal révolutionnaire. Le chevreuil,quiestlachèvredesbcns, se sert à la bourguignone,en casserole, en civet, en pâté froid, et rôti avec différentes sauces. C'est de cette dernière façon que, bien mariné, piqué en fin et cuit d’une manière sanguinolente, il nous semble préférable. C’est vrai*

Du Chevreuil.

Du Lièvre.

32 Almanach ment alors le gigot de l’opulence. On tire aussi un parti fort gracieux des tétines du chevreuil, blanchies à l’eau, coupées par rouelles, frites avec du jus de citron, cuites dans un ragoût approprié, et hachées ensuite : ou en fait une omelette dans le goût de celles au rognon, mais bien autrement distinguée. Il y a entre filles la même différence qu’entre un Electeur et le bourguemestre d’une petite ville. Si des grosses bêtes nous descendons auxmoyennes, le mois de Janvier nous offrira des lièvres et des lapins excellens et dans toute leur maturité. Parmi les premiers, on doit préférer ceux des montagnes à ceux des plaines,' et lorsqu’ils ont été bien courus à la chasse, il n’eu valent que mieux. Le trois-quarts qui tient le milieu entre le levraut et le capucin, est le plus estimé par les gourmands. O11 fait, comme l'on sait, un civet du train de devant ; et le train de derrière, piqué en fip, figure merveilleusement rôti. Cet aimable animal se met complaisamment à toutes sauces pour stimuler nos jouissances apéritives. On en fait des pâtés froids et chauds, des daubes j

des Gourmgnds. 33 ■on le sert à la bourgeoise -, à la suisse , à la saingaraz; et quoique sa viande ait été fort calomniée , etque d’aprèsl’opi- niondu célèbre docteurPedroReiio de TirteaFuera, beaucoupide personnes la regardent comme terrestre et mélancolique, nous pouvons assurer qu’elle est un mets savoureux et de facile digestion; et que de toutes les viandes noires, celle du lièvre est la plus légère, la la moins ferme , la moins pesante, et celle dont le jus est le moins âcre. Tel est au moins le sentiment actuel des médecins les plus éclairés ; nous lè rapportons ici dans l’espoir de réhabiliter la mémoire de ce philosophe des plaines, qui, ainsi que beaucoup de gens, vaut mieux que sa réputation. Quoiqu’au premier coup-d’œil, le Du Lapin, lapin ait avec le lièvre de grands rapports, il en diffère essentiellement par ses mœurs , ses habitudes et la nature de sa chair. Elle est bien plus blanche, plus tendre et plus succulente. Mais ces bonnes qualités n’appartiennent qu’au lapin sauvage ; le lapin domestique doit être écarté de toutes les tables un peu jalouses de leur bonne renommée; et depuis Despréaux, ces gibiers d’écurie et d’étable,

Êlevds dans Paris, Sentent eneor le chou dont ils furent nourris. C’est un mets qui ne convient qu’à l’indigence. Le lapin sauvage, au contraire, nourri de tliym, de marjolaine, de serpolet et d’autres herbes odoriférantes, est le véritable parfumeur d’un bon garde-manger. Choisi jeune (et pour n’y pas être trompé, il faut lui tâter les jointures des pieds de devant, au-dessous du genou : si vous y trouvez une petite grosseur comme une lentille, soyez sur que c’est un adolescent ), c’est un manger aussi sain que délicat. On le sert à la broche, •piqué ou bardé, en giblotte, àl’étu- vée, en fricassée de poulet, en cas- serolle , en brezoles, à la polonoise, à l'italienne , à l’anglaise, à l’espagnole, au gîte , à la rossane, au coulis de lentilles , et de mille autres manières ; on en fait même des boudins, et jusqu’à des papillotes. De tous les lapins qu’on mange à Paris, ceux de Cabourg sont les plus estimés. DuCanarà Si du poil, nous nous élevons jusqu’à sauvage. la plume, le mois de Janvier nous conduira encore dans une nuée d’oiseaux

des Gourmands. 3 5 I plus délicats les uns que les autres - et pour commencer par les plus gros y toujours sans sortir de la classe du gi- I bier, qui ne vénérerait pas des canards sauvages, oiseaux de passage, dont les os sont un véritable thermomètre, au futur, dans lequel on lit le degré de température qu’aura l’hiver ; et dont la chair agréable et succulente forme un manger beaucoup plus sain que celle t des canards domestiques, parce que ses principes sont plus exaltés ? Ce canard subit les mêmes préparations que celni de nos basses-cours ; mais il nous semble que c’est le rabaissée fort au-dessous de sa valeur, que de le manger autrement qu’à la broche , où il conserve tout son fumet, sans rien perdre de ses autres qualités.' Permis au reste, après qu’il a été rôti, de le découperet d’en faire sur la table * même une espèce de salmi aiguisé , dont nous possédons depuis long-temps la recette , qui nous a été donnée par le procureur d’une abbaye de Bernardins , et dont nous réservons la connoissance à nos amis les plus intimes. Cette recette ne se trouve dans aucun traité de l’art alimentaire, et

L

Du Pluvier doré.

!3e Ta Sarcelle.

M

36 Almanach elle a cela de précieux, que n’étant point particulière aux seuls canards , elle étend sa bénigne influence sur toute espèce de gibier noir à plumes, et principalement sur les perdrix et les bécasses • ce qui la rend inappréciable. Le pluvier doré (excellent lorsqu’il gèle, et qui fait sa résidence ordinaire près des étangs, des rivières, et dans les lieux humides ) étant presque toujours en mouvement, ses principes se volatilisent, et sa chair est de facile digestion. On le mange à la poêle, au gratin, à la braise et à la broche. C’est de cette dernière façon qu’il est préférable , sur-tout lorsque joignant la jeunesse à la tendreté, il promet de bien figurer dans le salmi du Bernardin. La sarcelle est un oiseau aquatique, qui se mange également en maigre comme en gras, ce <jui le l'endoit fort intéressant pour les chartreux et pour les carmélites. Depuis la destruction des ordres religieux eu France, elle y a un peu perdu de son crédit,Sa chair est savoureuse , quoique moins amie de l'estomacl» que celle du pluvier doré j niais

-V-

des Gourmands. Zj mais elle se prête à plus de métamorphoses , puisqu’on la mange à la ro- cambole , aux choux-fleurs, aux mon- tans de cardons d’Espagne, aux huî-> très, aux olives, aux navets , enfin aux truffes,en pâté et même en terrine. Mais ces volatiles ne peuvent se , , , , , 1 - , Bécasse, comparer a la bécasse, le premier des oiseaux noirs , et la Reine des marais , qui, pour son fumet délicieux, la volatilité de ses principes et la succulence de sa chair, se voit recherchée par les Gourmands de tou tes classes. Ce n’est, hélas , qu’un oiseau de passage ! mais on en mange pendant plus de trois mois de l’année. Des bécasses à la broche , sont un des rôtis les plus distingués que l’on puisse offrir aux personnes d’une grande considération ; et c’est même dans ce genre ( après le faisan) la plus haute marque d’estiino et de respect que l’on puisse leur donner. On vénère tellement ce précieux oiseau, qu’on lui rend les mêmes honneurs qu’au Grand-Lama. C est dire assez que ses déjections sont , non- seulement précieusement recueillies sur des rôties mouillées d’un bon jus de citron , mais mangées avec respect

'f

38 Almanach

De la Perdrix,

par les plus fervens amateurs. On mange la bécasse en salmi, farcie, aux truffes, aux olives , à la provençale, à l’espagnole ; et l’on en fait, à l’aide du morlier,une purée sur laquelle on sert de petites côtelettes panées ou autres dessus. Cette purée , qui passe pour être le dernier degré du luxe eu cuisine, est la plus délicieuse cbosa qui puisse honorer le palais de l’homme sensuel j mais c’est une jouissance réservée aux seuls Dieux de la terre. Si vous prodiguez tant d’éloges à la bécasse , va s’écrier ici un disciple de .Cornus, quels seront donc ceux que vous réserverez à la perdrix ? Il nous semble d’abord que leur mérite respectif est assezgénéralement reconnu pour qu’on puisse louer l’une même jusqu’à l’enthousiasme , sans pour cela offenser l’autre. Si la bécasse est la Reine des marais , la perdrix est celle des plaines. Attendue à son point, c'est- à-dire, plusieurs jours, c’estun aliment savoureux et sain, délicat, léger, et d’une digestion facile. C’est principalement au perdreau que ,ces trois derniers éloges sont applicables, et ses ailes entrent de-prime-abord dans le r»*

des Gourmands. 3<j gime de tout convalescent. La perdrix plus ferme, plus substantielle, et d’un fumet plus relevé, convient mieux à l’homme qui jouit de toute la plénitude de ses facultés digestives , ce qui ne veut pas dire que toute leur étendue soit nécessaire à sa coction. Au reste, on est mal placé à Paris pour juger de toute l’excellence de la perdrix. Celles que ses environs fournissent sont en général peu savoureuses, et ne peuvent se comparer aux perdrix de Cahors, du Languedoc et des Cevennes. Mais telles qu’elles sont, un Gourmand peut très-bien s’en accommoder encore. Le perdreau rAti,piqué ou bardé, est un morceau délicieux, sur-tout lorsque la bienfesante enveloppe d’une feuille de vigne le concentre en lui-même , et ne laisse échapper aucune de ses jparties volatiles. On le sert aussi à la polonoise,à la prévalaie, à l’orange, au coulis de son propre foie , au par- jnesan , aux truffes, en biberot, en Çapillottes. On en fait des pâtés - chauds, des tourtes. Enfin un potage» »le perdreaux en profiteroles, est le début le plus brillant d’un grand re- ‘'3 *

40 » Almanach pas , et lien ne peut donner nno plus haute idée de tout ce qui doit suivre: nousy reviendrons dans sa saison. Les perdrix, qui se divisent en rouges , blanches et grises, sont nommées ici dans l’ordre de leur mérite. C’est dire assez que les premières, fort communes dans le midi de la France , et les secondes, qui nese trouvent que dans les Alpes et les Pyrénées, sont les plus estimées. Les grises cependant tiennent une place distinguée dans la cathégorie alimentaire ; surtout lorsque dans la force de l’âge, et distantes également de l’enfance et de la décrépitude. leur chair a acquis tous les avantages qu’on doit à la maturité. Sans doute, elles cèdent à leurs fils les honneurs de la broche ; mais une perdrix à la braise , à la daube, à la sauce de carpe , à la provençale, auxmontans,aux mousserons, à maître Lucas , à la czarine , à l’espagnole et même à l’étouffade , est , par tout pays, une entrée fort recherchée. Nous ajouterons même qu’une perdrix au coulis de lentilles ou simplement aux choux, flanquée d’un double bastion de lard entrelardé , quoique juaqins.

des Gourmands. 41 distinguée sans - doute et sous une Forme moins noble et moins savante , présente un relevé très - capable de réjouir l ame des convives, et de dilater leur estomac. Et si l’on substitue ce relevé au potage , ce sera offrir un bouilli des plus recherchés, et faire ainsi d’une entrée vulgaire , un plat fort distingué. Tout dépend , comme l’on voit, de la place où l’on met les hommes et les choses. Ea perdrix, fort complaisante de sa nature, se prête aussi à d’autres métamorphoses, et nous offre, ainsi que M . son fils, de très-succulens potages. iNous ne citerons que ceux à la reine , et aux lentilles, garnis de cervelas : ils suffiront pour donner une idée des autres. Ne sera-ce point insulter aux connaissances de nos honorables lecteurs , que d’ajouter que la perdrix nous fournit les tombeaux les plus distingués de la classe giboyeuse. Qui ne connoît ces admirables pâtés de perdrix de Cahors et de Périgueux 5 ces lits délectables où les perdrix reposent sur les truffes , les truffes sur les perdrix, ettoujours ainsi jusqu’au sommet?

DelaBar- tavelle.

42 Almanach Leurs têtes huppées, fichées en manière de girouettes dans le centre même du couvercle , servent tout-à-la-fois de parure et d’enseigne à ces mausolées nutritifs. De toutes les manières d’apprendre le nom de ses locataires 4 des convives, l’on conviendra que celle-ci n’est pas la plus indifférente. La bartavelle est à la perdrix ca que les cardinaux sont aux évêques- Originaire de la Grèce, elle a conservé le sentiment de sa grandeur, et ne sa plaît que dans les lieux élevés, où ella règne en souveraine. L’excellence da sa chair, sa rareté et le prix excessib qu’ony met, ajoutent encore à son mérite. C'est un mets de souverain. Une faut en parler qu’avec respect, et ne la manger qu’à genoux. Quoique ce soit peut-être offenser la sagacité des véritables Gourmands, que de leur indiquer la manière de distinguer les jeunes perdrix d’aveu les vieilles , cette connoissance est trop nécessaire pour la passer sous silence. Nous dirons donc, en peu de mots, que les enfatis ont la première plume de l’aile pointue , le bec noir, et les pattes plus noires que leur»

des Gourmands. 4»

mères. Avec un peu. d’habitude, il est impossible de s’y méprendre. Au reste, un rôtisseur qui, abusant de l’inexpérience d’un chaland novice, lui feroit prendre l’un pour l’autre,méritc- roit d’être rangé dans la classe des faux monnoyeurs et puni comme tel. Ce serait ici le lieu de parler du d u Faisan. Faisan, ce véritable oiseau royal, originaire de la Colchide , et naturalisé depuis long-temps parmi nous. Quoiqu’il ait été l’une des premières vic- timesdusystême démocratique adopté en France depuis 1789, on en trouve cependant encore quelquefois , qui ont échappé aux poursuites révolutionnaires. Il se sert à la broche, revêtu d’une feuille de papier, qui doit être pour le moins celle d’un poëme épique. On l’en dégage ensuite pour lui faire prendre une belle couleur, chose peu ordinaire aux savans; puis on l’accompagne d’une sauce au verjus, avec poivre et sel; ou, pour en agir plus noblement avec ce monarque emplumé, on substitué l’orange au verjus. Lorsque les faisans éloient plus communs, on les servoit à la braise , à la sauce de carpe, en filets et même

4 4 Almanach en pâté-chaud. Mais leur rareté rend aujourd’hui ce luxe impossible ; peu de personnes même peuvent atteindre à la hauteur d’un semblable rôti. L’éÇymologie du mot faisander annonce assez que le faisan doit être attendu aussi long-temps que la pension d’un homme de lettres qui n’a jamais su flatter personne. Naturellement un peu coriace, c’est de cette longue attente que résulte sa tendreté et la succulence de sa chair; ce qui en interdit l’usage aux personnesdontleshumeurs tournent vers la putridité. On le suspend par la queue , et on le mange lorsqu’ils’en détache. C’est ainsi qu’un faisan pendu le Mardi-gras , est susceptible d être embroché le jour de Tâques. Celte nomenclature est déjà si fort étendue, que nous serions forcés de passer sous silence les gelinottes, les guignards, les rouges-gorges et les alouettes, si elles ne réclamoient im; é- lieusement notre attention. Ce n’est point notre faute si le mois de Janvier, si fertile en bons morceaux, est vraiment celui de la bonne-chère : l’histoire de ses frères cadets sera beaucoup plus courte.

des Gourmands. 43. La gelinotte est un oiseau solitaire, ^es une espèce de philosophe , qui vit nottes- dans les bois , dont on ne le tire qu’avec peine. Quoique le pays de Caux en fournisse dexcellens, c’est sur-tout dans les montagnes couvertes de sa- pius, qu’il se plaît de préférence, parce qu’il fait de leurs bourgeons sa principale nourriture. La gelinotte se tient honorée de subir toutes les préparations du faisan, et il faut convenir qu’on le serait à moins. C’est un manger fort délicat, et digne des estomacs les moins vulgaires. On con- ïioît aussi une gelinotte d’eau , qui participe de la nature de la poule et du canard : elle s’apprête comme le canard sauvage , mais elle a sur lui l’avantage de pouvoir être mangée les jours maigres. Cependant les jansénistes lui contestoient ce privilège. Le guignard est un oiseau de passage, j), 3 à-peu-près de la grosseur du pluvier Guignards. doré.Sa chair passepour être savoureuse et c’est un gibier fort recherché. Chartres en fournit chaque année un grand nombre à Paris. On le mange à la broche, et on l’accommode comme le pluvier. On en fait aussi des pâtés

Du Rouge- Gorge.

De l’Alouette.

4 6 Almanach ■ fort recherchés. Ceux auxquels le célèbre Philippe, de Chartres, a dû sa réputation , et que la muse aimable de M. Collin-d’Harléville a si bien chantés,étoientdes pâtés de guignards. Le rouge-gorge est la triste preuve de cette vérité : que le Gourmand est par essence inhumain et cruel ; car il n’a aucune pitié de ce charmant petit oiseau de passage, que sa gentillesse et sa familiarité confiante devraient mettre à l’abri de nos atteintes. Mais s’il falloit avoir compassion de tout le monde, on ne mangerait personne ; et, commisération à part, il faut convenir que le rouge-gorge, qui tient un rang distingué dans la classe des becs-figues , est un rôti très-succulent. On en fait à Metz et dans la Lorraine et l’Alsace, un assez grand commerce. Cet aimable oiseau se mauge à la broche et en salmi. Il en est de même de l’alouette, qui est aussi un oiseau voyageur, mais bien plus commun dans les environsds Paris , que le rouge-gorge. Elle s’engraisse par le brouillard avec une rapidité surprenante, et maigrit aussi promptement.Les alouettes grasses.

des Gourmands. 47 connues dans la capitale, sous le nom do mauviettes, sont un manger fort délicat. On les sert rôties, bardées,et l’on recueille précieusement ce qui en découle, sur des rôties qui leur servent ensuite de matelas. Ces sortes de rôts sont fort agréables sans doute , mais c’est à la suite d’un bon dîner nutritif; car le meilleur rouge-gorge et l’alouette la plus grasse, ne sont guè- res, entre les mains d’un homme de bon appétit, qu’un petit faisceau de cure-dents, plus propre à nétoyer la bouche qu’à la remplir. Les alouettes ses mangent en caisse , en ragoût, en tourte et en salmi ; elles sont d’un grand usage dans les garnitures , et font partie , en cette saison, de celles de ces fameuses Têtes de veau farcies du Puits-Certain, dont il sera question dans le cours de cet ouvrage. On fait d’excellens pâtés froids avec les mauviettes. LouisXV, quisecon- noissoit en bonne - clière , les avoit mis à la mode. Les meilleurs se font à Pithiviers, dans l’Orléauois, chez M. Provenchere le jeune, qui, à ce que nous espérons du moins, vit et travaille encore. Il en expédioit jusqu’aux

'48 Almanach Indes ; et ee genre d’industrie éloit, pour cet habile artiste, l’objet d’un commerce immense, qu’ilfaisoitavec une loyauté, une noblesse, un désintéressement, peu communs. Ces pâtés de mauviettes de Pilhiviers sont un des plus délicieux mangers qui puissent vergetter le palais d’un galant- liomme. La croûte en est excellente, et l’assaisonnement inimitable. Nous avons passé en revue toutes les sortes de gibier que le mois de Janvier,si clierauxGourmands,amène sur nos tables ; nous pourrions maintenant passer à la volaille et aux poissons que cette saison fournit; mais, comme ces sortes sont les mêmes dans les deux mois suivans, nous pensons qu’il est plus convenable de parler poularde dans les jours gras, et poisson en carême, que d’alonger encore ce chapitre, déjà fort étendu. Avant de finir, nous allons cependant parler de quelques légumes, dont l’industrie de l’homme prolonge pendant ce mois l’existence ; car la terre cesse d’en produire bientôt après les premières gelées.

des Gourmands, 4g

Les épinards, les choux-fleurs, les cardons d'Espagne, le céleri, les salsifis, les carolles, les oignons, les navels et les poireaux, sont les principaux légumes que le mois de Janvier Concède encore à nos cuisines. I.es épinards tiennent eu ce genre le premier rang, par la facilité qu’on a de s’en procurer de frais pendant huit ou neuf mois de l’année. Quoique ce légume soit fort commun, il n’en est pas moins le désespoir de l’avarice et celui de l’industrie, parce que son apprêt est aussi dispendieux que difficile, sur-tout pour le faire paraître dans toute sa gloire. L’épinard vaut peu par lui-même, et c’est une cire- vierge, susceptible de recevoir toutes les impressions ; mais entre les mains d’un homme habile, il peut acquérir une grande valeur. Tel plat d’épinards a fait, à lui seul, la réputation d’un cuisinier. L’épinard, le plus sain des légumes, et qui convient à tous les estomacs, s’accommode au jus, an beurre, à la crème, au coulis: on en fait des potages, des tourtes, des rissoles, des crèmes, etc. : il sert d’accompagnement à plus

des iegumes.

Des Epinards.

3o Almanach d’un mels distingué : c’esl après l'oseille le matelas le plus ordinaire des fricandeaux; c’est toujours celui des langues à l’écarlate, et des tranches de bœuf fume de Hambourg. Enfin , il est la ressource delà table du pauvre, comme là gloire de celle du riche : tout dépend des mains par lesquellesil passe, lies Choux- Le chou-fleur est également d’une fleurs. grande ressource pendant une partie de l’année, et se conserve frais jusqu’à la fin de Janvier, et même un peu plus tard. Won moins sain que l’épinard, il offre moins de difficulté dans ses apprêts ; et sans être extrêmement habile, un cuisinier peut vous faire manger d’excellens choux-fleurs à la sauce blanche , au jus de mouton, frits en pâte, et au parmesan; ce qui est la manière la plus-piquante et la plus distinguée de les servir. Les choux-fleurs servent aussi d’entourage à plusieurs sortes de milieux, et de garnitures à beaucoup de ra- f ’ oûts ; on en fait même des salades. !n tout, c’est un fort beau légume , et qui se prête fort bien à la décoration d’une table. Il faut choisir les têtes de choux-fleurs, blanches, fermes

des Gourmands. S i et serrées : celles qui sout d’un blanc sale, et grenées, doivent être rejetées. On distingue deux sortes de cardes : Celles de la poirée, qui sont les grosses côtes dépouillées de leurs feuilles et de leurs cuticules j et celles d’artichaut , beaucoup plus grandes, et connues sous le nom de cardons d’Espagne. Ces dernières sont les plus distinguées et les seules admises sur les tables recherchées. Dans l’une et l’autre espèce , les plus blanches et les plus épaisses sont réputées les meilleures. Il en est des cardes en cuisine comme du sonnet en poésie. Des- preaux a dit qti’ Un sonnet sans defauts vaut seul un long poème ; Mais en vain mille auteurs y pensent arriver, Et cet lieurçuxphdnix est encore à trouver. L’on peu t en dire autant d’un plat de cardes: c’est, en fait d’entremets potagers, le nec plus ultrà de la science humaine ; et un cuisinier en état de faire un plat de cardes exquis, peut s’intitu- ler le premier artiste de l’Europe.Dans

5a Almanach l’ancien régime, l’on n’en cïloil qu’un seul à Paris , comme supérieur eu ce genre : celui de M. le comte de Tessé, premier écuyer de la Reine. Nous ignorons ce qu’il est devenu ; mais nous lui devions la justice et la distinction de le nommer. On pense bien qu’il s’agit ici seulement des cardes au jus, au coulis et à la moelle; car en maigre et au parmesan, on peut les faire bonnes sans un éminent savoir. Nous conseillons donc à ceux qui n’auront pas en eux le sentiment d’un génie supérieur,, de se borner à ces deux dernières façons; l’on peut encore , en y excellant , acquérir beaucoup de gloire. u Céleri. Le plus grand usage du céleri est en salade , ou plutôt en remolade. Bien assaisonné d’un bon coulis , il sert aussi de garnitures à des relevés ou à de fortes entrées, telles qu’un gigot à la braise , un carré de mouton , etc. Dans les petits ménages , on en fait un entremets peu dispendieux, accommodé comme les cardes poirées : mais la manière la plus noble de l’admettre sur nos tables, c’est en crème ; une crème au céleri bien

des Gourmands.' 53 •faite , honore d’autant plus un bon cuisinier, quelle offre d’assez grandes difficultés. Quoique le céleri, lorsqu’il est cuit, perde une partie de ses qualités médicinales , on ne peut se dissimuler cependant que ce ne soit une plante aromatique, stomachique, apéritive, échauffante , et par - conséquent assez éminemment aphrodisiaque.Nous sommes obligés, pour l’acquit de notre conscience, d’avertir les personnes timorées de cette dernière propriété du céleri, afin qu’elles s’en abstiennent , ou n’en fassent qu’un prudent nsage. C’est dire assez que ce n’est point la salade des célibataires. Les choux sont d’un grand se - Des Chousy cours dans la cuisine , même dans la cuisine savante. Un hahile artiste sait tirer un parti avantageux de cette plante pour varier ses potages, ses garnitures et ses entourages. Nous avons vu qu’une culotte de bœuf, et même une perdrix dans s» maturité, tiennent à honneur d’être flanquées d'une épaisse muraille de choux,Tout dépend de l’assaisonnement. C’est ainsi que les termes les plus vulgaires

Des Saisies.

Almanach s’annoblissent sous la plume d'ua grand poe'te. CJn chou à la bavaroise , qui, sous celte dénomination, est le matelas de prédilection d’une an- douille, n’estpoint un ragoût ordinaire. Enfin, onfait, dans toute l'Allemagne, çt même en Alsace , avec des choux rouges fermentés , une préparation connue sous le pom de chou-croûte , qui, faisant perdre au chou toutes ses qualités délétères, le rend un aliment aussi sain qu’agréable : c’est même pour l’hiver " une grande ressource , soit comme entourage , soit comme matelas , etc. Depuis quelques années , la chou - croûte a pris faveur à Paris. De toutes les racines potagères, les salsifis ou scorsonères sont les plus usitées en entremets d’hiver. C’est un légume aussi abondant que peu dispendieux , à Paris, et qui se conserve jusqu’au printemps.Lamanière la plus ordinaire de les accommoder, c’est à la sauce au beurre, ou bien frits dans la poêle : ils prennent alors le nom de chironis. Assaisonnés au parmesan, ils offrent un manger fort agréable, etres- semblent à l’œil aux macaronis. C’est

des Gourmands. 5 5 une nourriture fort saiue et qui n’est point à dédaigner. On en fait à Lyon d’excellens potages qu’il seroit très- intéressant d’acclimater à Paris. Les carottes, les oignons , les poi- Des Ca- ïeaux et les navets sont plus employés rottes , Oi- comme assaisonnemens et garnitures , gn ° ns > N *“ que comme mets principal. La carotte ’ est d’une très-grande ressource en cuisine, et l’excipient le plus ordinaire des jus , des coulis et des ragoûts. Mais, à ï exemple des gens modestes et vraiment utiles , elle sert plus souvent quelle ne se montre ; et elle a cela de commun avec l’oignon, autre factotum, dont la présence estindispensable dans îa plupart des assaisonnemens. La carotte cependant se montre à découvert dans le Loche-pot; là, tournée avec art, elle fait briller le talent d’un cuisinier dans celui du dessin. Quoiqu’elle ne soit dans ee plat que comme garniture, l’accessoire y est cependant plus apparent que le principal ; la queue de bœuf se cache avec modestie, et lui laisse dans cette circonstance tous les honneurs du triomphe. Il en est à-peu-près de même des navets lorsqu’ils accompagnent un canard. Le

i 6 Almanach poireau est la plus modeste de ces quatre plantes potagères ; il ne paroîfc jamais sur nos tables que dans la soupe, à laquelle il sert à donner un boa goût ; on l’emploie au même usage dans quelques ragoûts en bouquet garni : c’est un légume fort sain, et dont on pourroit peut-être tirer un parti plus apparent, sur-tout comme garniture. C’est un texte que nous laissons à méditer aux hommes de l’art. Comme les Gourmands auxquels cet ouvrage est spécialemet destiné, s'arrêtent engénéral fort peu sur le chapitre du dessert, etque leur dîner est presque toujours fini lorsque l’entremets dispa- roît, nous ne ferons point mention des! fruits dans cette nomenclature. Toutes qui appartient à ce dernier service, le plus agréable aux dames et aux appétits plus friands que solides, feroit la matière d’un livre très-étendu, et nous pourrons y revenir un jour, si hqus nous occupons jamais d’un Almanach des friands , pour servir de second tome à celui - ci. Ris. Le riz et les pâtes sont d’une grande utilité pour varier les potages et les

des Gourmands. 57 entremets d’hiver : le premier se sert en. gras, en maigre, à tonte espèce de purée ; 011 en fait des cassoles, le mausolée le plus honorable dans lequel on puisse ensevelir une fricassée de poulet ; on en fait du pilau, ragoût ottoman digne d’être naturalisé en France. Il sert de garniture à des chapons, quiluicommuni quentleursuccu- lence: en entremets sucré, il s’apprête à la chancelière , au caramel, en crème soufflée et en gâteaux. C’est un véritable caméléon, qui prend toutes les formes pour nous plaire, et qui y réussit généralement, car il est du goût de tout le monde. Parmi les pâtes d’Italie, le vermi- celle est la plus usitée ; on le sert en E e , soit en gras, soit en maigre. lat d’une volaille bouillie, et mouillé d’un bon jus dégraissé, il prend îe nom de nouilles : c’est un ragoût aussi sain qu’il est distingué. Les lazagnes ne se servent guère qu’en potage, soit -u gras, soit au maigre, avec du parmesan râpé. Quant aux macaronis, qui doivent, en France, toute leur réputation à Arlequin , et qui n’ont fait qu’un saut du théâtre

5>8 Almanach italien sur nos meilleures tables, 1 c’est un entremets des plus nutritifs et des meilleurs ; mais il ne faut y épargner ni le beurre, ni le fromage. Cependant lorsqu’on veut aller à l’économie, on peut mettre moitié gruyère et moitié parmesan. Les gourmets les plus subtils pourront seuls s’en apercevoir; l’essentiel est de lui faire prendre , sous le four de campagne, une belle couleur dorée, et avec un peu d’attention et d'habitude , cela n’est pas très-difficile. Ces trois espèces de pâtes sont les F lus en usage; les autres , variées à infini, tirent leurs noms de leurs différentes formes, telles que les étoiles, les graines de céleri, etc. On est parvenu à les fabriquer à Paris, toutaussi. bien qu’en Italie ; mais la qualité des nos farines n’y étant pas aussi propre , nos pâtes ont en général moins de coips, et se délayent plus facilement que celles qu’on tire de Gênes et de Naples. Il est donc très-essentiel de leur donner quelques degrés de cuisson de moins , et alors elles se maintiendront dans toute leur inlé gtité.

des Gourmands.

T É V R I E K. Ce mois, qui, ainsi que son nom l’indique, étoit en partie consacré chez les Romains aux expiations, a reçu, cliez nous une destination bien différente. Comme il renferme le carnaval, c’es t bien plutôt ici le temps des souillures , on tout au moins celui des indigestions : il n’est point de mois qui, sous ce rapport, rend e plus à la Fac u lté, parce que c’est celui où les occasions d’en gagner sont les plus fréquentes. Beaucoup de gens, graves et sérieux pendant tout le cours de l’année, choisissent ce temps de folie pour se livrer à quelques excès; et nous ne pouvons f as dissimuler que c’est la saison où estomac a le plus de besoin de toute la force de ses sucs gastriques, car c’est celle où les voraces appétits des Gour-r mands lui donnent le plus d’exercice. Au reste, s’il faut les en croire, tout le soin de l’estomac c’est de bien digérer; s’il s’en acquitte mal, cela regarde la Faculté, et le Gourmand met tout sur son compte. D’après ce principe, il n’est point surprenant que les indiges-

Du Carnaval.

do "Almanach fions, qu’ils n’appellent jamais que fausses digestions , à quelques excès qu’ils se soient livrés, soient si communes. Convenons aussi que de tous les péchés mortels que l’homme peut commettre , le septième est celui qui paroît charger le moins sa conscience , et lui donner le moins de remords. jLa Nature semble ici d’accord avec nos usages : Février n’est pas moins que son aîné le mois de la bonne- chère , et il offre à-peu-près les mêmes productions. Le bœuf y est presque aussi gras, le veau aussi blanc, et le mouton aussi succulent ; le cochon n’est jamais plus souvent sollicité que dans ce mois de nous fournir de solides hors-d’œuvres , et jamais la consommation du boudin, des an- douilles etdessaucisses, n’estqdus forte que pendant le carnaval. Quoique le gibier n’y soit pas tout-à-fait aussi commun qu’en janvier, il y est à-peu- près le même. Les malles des courriers plient sous le poids des dindes aux truffes , des pâtés de foies de canards , des pâtés de Périgueux, des terrines de Wérac, et autres menues friandises

des Gourmands. Si . - 1 • f» friandises qui accourent en poste du nord et du midi, pour devancer le carême. Strasbourg s’empresse aussi de nous expédier ses indicibles pâtés de foies d’oies, bien faits pour réconcilier, avec les chrétiens, les juifsquisonten possession de les préparer. Trqyes envoie, pardouzaines , ses hures de sanglier, et par grosses ses petites langues inimitables, dont la délicatesse est exquise,etdont le secret semble être concentré dans ses murs. Enfin leslettres se serrent dans cesbienheureuses malles, pour faire place aux mortadelles de Lyon, aux bartavelles du Dauphiné, aux perdrix de Cahors, et aux truffes du Périgord, qui, de leur succulent parfum , embaument toute la dépêche. C’est principalement aux déjeuners Des que ces productions indigènes qui font Dejeuners» de la France le meilleur pays de l’univers , figurent dans ce mois. Un déjeuner est un repas sans conséquence, qu’un homme qui veut cacher sa fortune, qu’un célibataire qui n’a point de ménage , qu’un gourmet sans prétention, peut donner sans faire jaser ses voisins et ses voisines. Comme les femmes en sont ordinairement exclues^ 4

i*Û

62 Almanach comme l’heure donne à l’exercice des mâchoires une très-grande latitude; enfin, comme l’appétitdu matin est le plus vit et le moins dangereux à satisfaire; la trituration est l’objet principal de ces rassemblemens , auxquels quelques clayères d’huîtres vertes servent de prélude. Viennent ensuite des pigeons masqués en côtelettes; des pyramides de saucisses et de boudins; des pieds de cochon farcis aux pistaches , et même le fameux chapon au gros sel de la marmite perpétuelle , peut s’y montrer en négligé et y tenir lieu du. potage, auquel une étiquette sévère et rigoureuse ne permet jamais d’y paroi tre. Une volaille en salade , accompagnée de tout ce qui peut stimuler l’appétit et enflammer le gosier (tels que truffes , gelée savante , anchois de Maille, cornichons et petits oignons confits au vinaigre , huîtres marinées, etc., etc.),relève le chapon, et peut même le faire oublier. Le rôti est également exclu de ce repas matinal ; mais il s’y trouve remplacé par un énorme pâté de dinde piquée de truffesetde jambon, et dont l’assaisonnement est combiné pour celte

des Gourmands. G 3 époque du jour. Quatre entremets sucrés ( car les légumes sont également proscrits d’un déjeuner bien réglé ) , tels que charlotte , crème , tourte-mi-parlie, beignets composés , etc., lui servent d'acolytes. Le tout est relevé par un dessert succinct, et qui n’est seulement là que pour né- toyer les dents et 'entretenir la soif. On peut le terminer par quelques jattes d’un punch ami de l’estomac ; mais sa clôture obligée est toujours le café à l’eau, suivi de la liqueur, sa compagne inséparable. Ceux qui veulent faire grandement les choses, finissent par parfumer la bouche de leurs convives ( cm plutôt de leurs amis, car c’est ainsi que s’appellent les convives d’un déjeuner), avec deux ou trois tasses de glaces deM. Zoppi y on se la rince ensuite avec un grand verre de marasquin , et puis chacun se retire en hâte chez soi.... pour aller manger la soupe. Il y a loin sans doute de ces déjeuners du jour , dont nous n’avons donné qu’une simple esquisse, à ceux de nos pères, qui se bornoient à quelques tasses de café à la crème t gu 4 *

Des Noces,

64 Almanach de chocolat à la vanille , et qui, lorsqu’ils vouloient, pour nous servir de I expression vulgaire, graisser le couteau , se contentoient d’une tranche de jambon de Baïonne, dont on pré- cipitoit la digestion avec quelques douzaines de petits pâtés ; ou bien d’un fromage d'Italie, que suivoient humblement quelques saucisses. Mais la Révolution a tout changé en France. II est vrai que si elle n’avoit opéré que des métamorphoses de cette espèce , l’on seroit en général moins tenté de s’en plaindre. Quoique le carnaval soit la saison d’étiquette pour les déjeuners, cela ne veut pas dire que l’on n’y donne pas aussi des dîners somptueux. Les Noces qui sont fort fréquentes avant le carême , qui ne permet point d’en célébrer, en sont le prétexte le plus ordinaire ; et comme il n’y a point de noces sans lendemain ; comme les parons opulens se piquent à leur tour de fêter les mariés, c’est un enchaînement d’indigestions qui ne laisse pas le temps de respirer. Heureux alors celui qui, comme dans la comédie du joyeux Picard, peut passer pour être le Cousin de tout le monde;.

des Gourmands. 6 5

Ce seroit sortir des bornes de noire sujet, que de décrire ici un repas de noce du mois de février. Mais qu’il nous soit permis d’indiquer à leurs ordonnateurs, comme l’un des relevé* les meilleurs, les plus apparens et les plus solides , ces fameuses Têtes de veau du Puits-Certain, qu’on a nommées avec raison l’encyclopédie d» la bonne chère. Ce mets, par son attitude imposante , la richesse de ses garnitures, l’éclatante livrée de ses gardes-du-corps,etl heureuse symétrie de ses dispositions, est l’un des plus propres à devenir le dormant nutritif d’une table nombreuse. C’est un centre contre lequel tous les appétits viennent s’échouer, car il est tel, qu’il peut lessatisfaire tous sans s’épuiser: enfin, parlamodicilé de son prix et la supériorité de sa confection,il satisfait tout- à-la-fois l’économie et la vanité, deux f grands motifs pour qu’il soit long-temps de mise. Nous avons annoncé que nous nous occuperions de la volaille dans les d e jours gras : c’est en elfct alors son plus Voljulle, beau triomphe; et si l’on en excepte la Saint-Martin, qui est proprement

C>6 Almanach la fêté des-dindons (et nous n’en parlerons qu’alors), jamais l’affluence n’est plus grande à la Vallée que dans la dernière semaine du chaînage. Le plus pauvre ouvrier veut alors atteindre à la plume, et le plus étique Rentier réunit tous ses efforts pour tâcher de s’élever jusqu’à la hauteur d’un poulet. Cette concurrence, dont les fàctrjces de la Vallée et de la Halle ( qui n’est dans cette partie qu’une Vallée de la seconde main) savent tirer un merveilleux parti, fait monter la volaille à des prix dont elle-même est étonnée. 11 laut consulter le thermomètre avant de faire cette course ; car pour peu qu’il soit au-dessous du point de congélation , les chapons , les dindes et les oies sëront inabordables. Du Pigeon. Pour allerdu petitaugrand, nousde- vions commencer par le pigeon ; mais quoiqu’on en mange à Paris presque toute l’année, tant cet animal estchaud dans ses amours , ce n’est point dans ce mois qu’il est le meilleur, et nous y reviendrons plus tard. 'bu Poulet. Le poulet est au carnaval dans toute sa force et dans toute sa splendeur. C’est alors qu’on mange les

des Gourmands. C.7 poulets gras qui forment à eux seuls un rôti très-présentable, et dont l’embonpoint succulent réjouit trois sens à la fois. Le poulet est le fils du coq; et de la poule ; mais c’est un enfant que l'on préfère à ses parens ; car la poule , sur-tout lorsqu’elle est d’un certain âge, ne trouve sa place que dans le pot pour donner de la force au bouillon; et le coq ne paraît jamais sur nos tables que lorsqu’il est vierge : c’est aloi's un manger très-délicat, d’un goût particulier; et s’il faut en croire un fort habile médecin , c’est même une viande très-aphrodisiaque ; ce qui prouve que non-seulement la mort n’éteint point dans cet animal son tempérament tant envié, mais que sa foi'ce est telle, qu’il communique une partie de ses bonnes qualités à ceux qui le mangent. Nous le retrouverons dans l’été. Pour revenir au poulet, il faudrait un livre tout entier pour décrire les différentes métamorphoses qu’on lui fait subir sur nos tables. Mémo à la broche, il y a plus de vingt façons;' de le servir : telles qu’à la Choisi, à la chia, à la ciboule, à la Cracovie,

Delà Poularde.

1)8 Almanach à la génoise, à la liollandoise, à Dantzick, à l’espagnole , à la rocam- bole, à la perce-,pierre, h l’ivernoise , a l’allemande , à l’italienne ; d’où l’on voit que presque toutes les nations de l’Europe se sont réunies pour nous enseigner la manière de faire rôtir un poulet. Mais si de la lèchefrite nous sautons dans la casserole , ce sera Lien autre chose encore. Sans parler des fricassées de poulets , la manière la plus simple et peut-être l’une des meilleures de les manger en ragoût, nous y verrons les poulets à l’ivoire , au Beurre-vert, à maître- Lucas ; les poulets en bouteille, en culotte , en chauve-souris, à la Beaubourg, à la Caracallaj les poulets en surprise, en hoche - pot, en boudin blanc, etc , etc. On voit que l’imagination des hommes de l’art a varié sans fin ces combinaisons savantes. Si, passant à la ligne collatérale, nous laissons là le fils pour nous occuper de sa tante, nous nous perdrons encore dans une éternelle nomenclature. D’abord le Mans et la Flèche se disputeront jusques dans le sanctuaire des lois, et sur l’aimable Théâtre du

des Gourmands. 6<j Vaudeville, la gloire de nous envoyer les plus succulentes poulardes; et la Bresse seule pourra les mettre d’accord en les départageant. Mais si nous suivons ces aimables voyageuses de leurs bourriches dans nos cuisines, nous verrons d’abord en elles, l’un des meilleurs, des plus fins et des plus succulens rôtis quiait jamais honoré la Broche; et,si remplaçant leurs entrailles par d’excellentes truffes, nous les laissons tourner devant le feu dans cet état, toute la maison sera embaumée d’un parfum délicieux. L’humble cresson pourraremplacer, au besoin, la truffe opulente , mais il faut l'aiguiser avec de fort vinaigre , et n’en bourrer la poularde que lorsqu’elle est arrivée àsadernièreetglorieuse destination. Ce seroit offenser une poularde que de la piquer à labroche .Une bonne Barde d’un lard gras et onctueux , est l’habillement qu’elle préfère, et il faut avouer que c’est pour elle le plus convenable et le plus décent. On ne compte pas moins de manières de manger à la broche le» -poulardes que les poulets. Consultez les artistes fameux, ouvrez les meil-

’Oie.

170 Almanach leurs traités de l’art alimentaire, et vous y verrez les poulardes dans cet état, se servir à la Jamaïque, à la Villeroy, aux cerneaux , aux écrevisses , aux olives, aux petits œufs , et même aux lmitres. Si c’est en ragoût que vous les préférez, vous aurez à choisir à la provençale, à l’étouffade , en ballons , en cannelons , en croustade, à la crème frite, à l’anguille, à la flamande , ù la crème , et même à la cendre. Mais }’on sent bien qu’on ne les accommode de cette dernière sorte que le lendemain du mardi gras; la cendre étant la livrée du carême. Si cependant, dans une matière aussi grave, il nous est permis d’avoir un avis , nous oserons dire que c’est déshonorer une poularde fine que de la mangerautrement qu’à labroche. Elle vaut tant par elle-même, que c’est 1 enlaidir que de chercher à la parer; et c’est le cas de lui dire avec l’amoureux Orosmane : L’art n’cal pas Fait pour toi, tu u’rti as pas besoin. C’est sans doute un peu déroger que de passer subitement de la poularde à

des Gourmands. y t l’oie , et sur-tout-à l’oie domestique. Mais une bonne oie bien jeune, bien grasse et bien tendre , a aussi son mérite. C’est une brune piquante , dont on s’accommode encore fort bien , surtout dans l'absence de la chère blonde. Ainsi, à défaut de poularde, une oie qui réunit les qualités que nous venons d’énumérer, n’a jamais souillé la broche ; et quoique ce soit un rôti réputé bourgeois, nous connoissons des estomacs très-qualifiés quis’en accommodent à merveille. Mais la dissection d’une oie rôtie a des règles particulières, qu’il est très-essentiel de con- noître pour ne point commettre d’incongruités. Malheur à celui qui s'attacherait d’abord aux cuisses de notre aimable brune; il dévoilerait son manque de savoir vivre , et d’usage du monde. On commence par lever en aiguillettesl’estomac d’une oie comme celui d’un canard. Et si l’on accompagne ces aiguillettes d’un jus de citron ou de bigarade , et d’un filet d’huile vierge , on aura doublé leur prixauxyeux desconnoisseurs. Iln’est pas besoin d’avertir que la graisse qui découle de l’cie lorsqu’elle est à la

Almanach broche doit être précieusement recueillie etconservée. Onlaccommode avec les légumes , et sur-tout les épinards , auxquels elle communique un goût très-distingué. L’oie ne fournit pas à la cuisine une aussi grande variété de ragoûts que le poulet et la poularde. Mais quand on n’auroit point à citer deux espèces de potages, dont elle est la base, qui ne connoît ces fameuses cuisses d’oies qu’on prépare dans le Languedoc , et qu’on nous envoie tous les hivers, en barils ou en pots , confites dans leur graisse ? Ces cuisses, qu’on dresse sur une purée de pois, ou sur un matelas d’oignons émincés et frits, ou sous une sauce àRobert, sontunmanger très-substantiel, et d’une très-grande ressource dans une bonne maison. Mais ce qui mérite à l’oie toute la reconnoissance des véritables Gourmands , ce qui lui assure un rang très- distingué parmi les volatiles , ce sont ses foies dont on fabrique à Strasbourg ces pâtés admirables , le plus grand luxe d’un entremets, et dont nous avons dit précédemment unmot.Pour obtenir ces foies d’une grosseur convenable , il

pi... des Gourmands. 7 3 il faut sacrifier la personne de la bêle. Bourrée de nourriture , privée de boisson, et fixée près d’ungrand feu, clouée par les pattes sur une planche , cette oie passe, il faut en convenir, une vie assez malheureuse. Ce seroit même un supplice inhumain pour elle , si l’idée du sort qui l’attend ne lui ser- voit de consolation. Mais cette perspective lui fait supporter ses maux avec courage; etlorsqu’elle pense que son foie, plus gros qu’elle-même , et lardé de truffes, ira dans une pâte savante porter dans toute llîurope la gloire de son nom, elle se résigne à sa destinée , et ne laissemême couler une larme. Le canard partage avec l’oie l’honneur de donner naissance à des pâtés, qui ne sont guères moins estimés, et qui plus pgut-être que son parlement et leurs métropoles, ont rendnles villes de Toulouse et d’Auch si chères aux gourmets. Vu l'éloignement de la capitale , ces pâtés se font dans des terrines de faïence, et si cette enveloppe n’est point nutritive, elle a l’àvantage au moins de servir à conserver plus long-temps le précieux dépôt qn’ou lui

J*

Du Canard domestique f I ! il

H

>74 Almanach. confie. De toutes les manières de faire voyager les truffes du. Périgord, celle de les amalgamer avec des foies de canard dans ces terrines succulentes, n’est ni la moins agréable,, ni la plus économique • mais aussi c’est pour les Dieux de la terre, c’est-à-dire, pour les hommes opulens,qu e de telles jouissances sont réservées. Heureux encore lorsque leur palais sensuel et délicat en sent tout le prix ! Le canard domestique paroît rarement à la broche sur une table recherchée. Cet honneur est réservé à son cousin le sauvage, à qui une vie indépendante , active, et beaucoup plus propre , donne des principesplus exaltés et un bien autre fumet, ainsi que nous l’avons vu précédemment. Ce n’est pas cependant qu’un jeune caneton de Rouen, soit à la broche une chose toul-k-fait indifférente'; mais sa modestie s’accommode mieux d’un lit de navets , fait dans une braise succulente. On le sert encore aux cardons d’Espagne, au céleri, aux anchois, à la chicorée , aux concombres , aux huîtres, aux olives, à la purée verte , au coulis dç lentilles, à l'italienne,

—r -■ . ... y . .„.t-

des Gourmands. 75 etc., etc. Tentes ces variétés nutritives, fournissent autant d’entrées succulentes , qui masquent avec art la tasse origine de ces sales tartoleurs j c’est tien le cas de dire que plus souvent qu'on ne le croit l'habit fait l’homme. Les légumes qu’on mange en février sont à-peu-près les mêmes que dans le mois pi'écédent : nous en excepterons cependant les choux-ileurs qui commencent à devenir rares, et nous les remplacerons par les champignons, venus sur couches , assez communs dans ce mois , lorsque le froid ne les contrarie point. Le secours des champignons, comme véhicule dans les ragoûts, est multiplié à l’infini. Comme aliment principal, leur emploi est plus borné ; cependant on les mange à la crème, au four, au gi’as, en caisse, même frits. La manière la plus ordinaire, et qui n’est pas la plus mauvaise , est de les servi*gravissant sur une croûte. On les sèche -, enfin on en fait une poudre , que l’on conserve pour le besoin, et qui n’est pas l’une des moindres ressources d’une cuisine savante.

Des Champignons.

5*

MARS. Nous avons remis à parler dans ce mois, des poissons qu’on mange pendant l’hiver, et qui sont à-peu-près les mêmes qu’en janvier et février : c’est la saison où la marée est dans toute sa gloire, et où elle abonde à la halle. Ainsi l’on y voit arriver en foule l’esturgeon, le saumon, le cabillaud, la barbue , le turbot, le tur- botin, les soles, les carrelets, grands et petits; les limandes, les vives, les truites de mer, et saumoiinées rouges; les merlans, les harengs frais ( qui cependant ont cessé d’être laités dès le mois de décembre ) , les huîtres vertes et blanches, etc., etc. Si nous voulions entrer dans le détail des diverses préparations qu’on fait subir à ces habitans de l’Océan, avant de les admettre sur nos tables, cette nomenclAure deviendrai tun gros volume. De toutes les productions nutritives que la bienfaisante providence accorde à l’appétit de l’homme, il n’en est aucunes sur lesquelles l’industrie d’un artiste habile s’exerce avec plus

des Gourmands. 7 7 de succès que sur le poisson, et surtout sur le poisson de mer, qui naturellement un peu fade; doit emprunter de l’art, et de même l’art le plus profond, le secret de piquer notre sensualité, et de stimuler notre appétit. Ceci paraît, au premier coup d’œil, un paradoxe ; car dans la plupart des tables, les poissons que nous venons de nommer ne paraissent guères que bouillis ou sortant de la poêle ; mais en admettant celte vérité, n’est-ce donc rien d’abord qu’un court-bouillon fait dans tous les principes d’une cuisine savante ? Les auteurs sont partagés sur la nature de cette sauce, ou plutôt de ce berceau, de tout poisson qui n’est ni rôti, ni grillé, ni frit. Les dispensaires de la cuisine sont remplis de formules, plus ou moins recherchées , et qui varient même selon les climats : à Lyon, par exemple, i! est de principe que le poisson une fois hors de l’eau, n’y doit jamais rentrer. A Paris , comme le vin est plus cher, oh y est plus relâché sur ce précepte. On fait des courts-bouillons en gras , ainsi qu’en maigre, et l’on pense bien que les premiers sont plus succulens j

rj 8 Almanach mais comme la loi de l’église les interdit aux jours d'abstinence, il faut tirer des racines un jus aussi apéritif que des viandes, et c’est-là que les études d’un cuisinier habile lui servent merveilleusement, et le distinguent de la foule de ces simples cutseurs d’alimens , qui méritent tout-au-plus le nom de fouille-au-pot. Le turbot, surnommé, à cause de sa beauté, le faisan de la mer, et qui mérite, par sa majestueuse amplitude, le titre de Roi du carême, se sert ordinairement au court-bouillon; c’est la manière la plus noble de le mangée dans son entier; il cesserait d’être l’honneur et la gloire d’une table somptueusement servie, si on le di- visoit avant de l’y placer. Un beau cordon de persil à l’entour, une sauce au beurre servie à part, voilà ses seuls accompagnemens ; ajoutons-y une truelle d’or, ou tout au moins de vermeil, pour le servir; car ce serait une incongruité que d’employer la cuiller- dans cette splendide circonstance. Ceux qui veulent varier les services, l’apprêtent à la hollandoise, à la minime , à la périgord, à la reine, à la

des Gourmands. 79 Sainte-Menehoult, au coulis d’écrevisses , en casserole, aux laitances de carpe, etc.; mais tout cela nous paroît moins noble qu’un turbot au court- bouillon : il a la simplicité des héros , comme il en a la majesté; et toute espèce de parure l’offense bien plus qu’elle ne l’honore. Mais le lendemain de sa première apparition, c’est autre chose : on peut se permettre alors de le déguiser; ses excellentes qualités le feront assez reconnoître. Le meilleur de ces dé- guisemens, c’est de le mettre en Béchamel , préparation ainsi appelée du nom du marquis de Béchamel son inventeur, qui s’est immortalisé à jamais par ce seul ragoût. L’esturgeon, à cause de son prix De l’Estur-, •et de sa rareté , ne paroît guèresdans 6 eon- . son entier que sur des tables souveraines. Alors on le sert à la broche , piqué d’anchois et d’anguilles, arrosé d’une marinade liée d’un coulis d’écrevisses. C’est un manger du plus grand luxe , et le rôti du vendredi- saint. Mais il est plus ordinaire de l’acheter par portions , et de le servir en ragoût, soit aux croûtons , soit aux

J

80

Almanach

R (

1 1 I

fines herbes, soit en fricandeaux au gras , soit en haricot aux navels ; enfin soit froid à l’huile et au vinaigre. De toutes manières , c est un manger des dieux, mais un peu ferme , et en cette double qualité, le principe d’un grand nombre d’indigestions. Du De saumon, autre prince de la mer. Saumon, mais qui comme l’esturgeon, s’huma

nise assez pour remonter les fleuves , même jusque près de leur source , quoiqu’assez commun à Paris , y est toujours fort cher, parce qu’il est de garde , et peut attendre l’acheteur pendant plusieurs jours sans impatience. Il ne paroît donc en son entier que sur les tables les plus opulentes , et dans des repas d’étiquette ; car il est, de sa nature , ami du cérémonial. De court - bouillon , est la manière la plus honorable de le servir, surtout si on a eu le soin de lui mettre , dans le ventre , une livre de bon beurre manié de farine. On le sert quelquefois pané et cuit au four, de belle couleur, et avec une sauce hachée ; enfin on le fait suer à la braise, on le mouille de deux bouteilles d’excellent vin de champagne, et on le

R (

| 1 1

\

des Gourmands. Si dresse, garni d’ailerons de dindons glacés, etd’uné douzaine de superbes écrevisses cuites dans le même nectar. Ainsi paré, un saumon es t vraimentune pièce curieuse ; bien des gens payeraient pour le voir. En morceaux, on le sert glacé, mariné, enfilets, auxfines herbes, au vin de champagne (ce poisson, comme l’on voit, est un peu ivrogne, et encore lui faut-il du meilleur ), en bâtelettes , en terrine. On mange ses darnes en caisse , en ragoût , à la bourgeoise ; sa hure se sert à la braise, soit en maigre soit en gras. Enfin on en fait des pâtés froids , avec la précaution de les retirer du four à moitié cuits, de verser, par le soupirail, une chopine de coulis clair de veau et de jambon, et de les y remettre ensuite pour s’achever de cuire , et prendre cette belle couleur dorée, sans laquelle un pâté n’est jamais sur une table , que ce que paraît aux lumières une blonde sans rouge. .Nous ne dirons rien du thon, qui DitTlion. 51e se prend que dans la Méditérranée, et qui n’arrive en conséquence presque jamais frais à Paris : mais on nous l’expédie en pâtés, ou maj’iné à l’huile

De la Barbue, (les Soles , des Carrelets , des Limandes, etc.

8 2 Almanach vierge. Ce poisson, surnommé le veau des chartreux, en a le goût et la blancheur : il est encore très-profitable à la Faculté, comme la source de beaucoup de digestions pénibles. La barbue et le turbolin, poissons délicats, et dont le premier surtout est une crème nutritive, s’apprêtent à- peu-près de la même manière , et comme le turbot, sont préférables au court-bouillon. Les soles, les carrelets et les limandes ne se mangent guères que frits; mais les premières ontl'avan- tage de pouvoir être découpées sur la table même , en filets, etlà, arrosées d’un bon jus de citron et d’une cuillerée d’huile vierge, elles acquièrent tant pour le goût que pour l’estomac, des qualités fort estimables. Les merlans frits sont un très-délicat manger, et un rôti maigre présentable partout, pour peu qu’ils soient gros. Les harengs frais sur le gril, avec une sauce à la moutarde de santé ou odorifère de M. Bordin, sont un fort joli hors- d’œuvre ; mais il est d’étiquette qu’ils soient laités ( ce qui ne leur arrivant guères en cette saison, fait que nous y reviendrons plus tard, ainsi qu’aux

des Gourmands. 83 merlans) , autrement ils ne sont point admis dans la bonne compagnie par excellence. Quant aux huîtres,dont les Parisiens Des Huîtres sont si friands, on fait une grande différence entre celles qui arrivent en bateau , et celles qui viennent en voiture. Ces dernières, qui se distribuent par cloyères, dans la rue Montorgueil, qui, de temps immémorial, est le lieu de leur débarquement, sont toujours plus fraîches et plus délicates. Cependant, par un temps froid,celles de bateau sont très - admissibles les deux premiers jours qu’elles sont à port. La manière la plus ordinaire de manger les huîtres, c’est de les manger crues, avant le potage. Beaucoup de gens même ne se doutent pas qu’on puisse les servir autrement, et se permettent tout-au-plus de les égayer par- une pincée de poivre et un idet de jus de citron. Que diroicnt-ils donc en apprenant qu’il y a plus de vingt manières différentes de les apprêter? Qu’on les sert à la bonne-femme, à la daube, au bon-homme, au Parmesan , eu casserole , au hachis , en paille , farcies, frites, sautées, gril-

8 4 Almanach lées , en papillotes, en caisse ; qu’on en fait des ragoûts en gras et en maigre, des garnitures de toutes sortes , et jusqu’à des potages et des petits pâtés ? C’est alors que , confessant leur ignorance, ils s’humilieroient devant toute l’étendue de l’art qui nous occupe, et reconnoîtroient qu’il n’en est aucun qui nous présente des jouis- üances plus variées. Les huîtres sont, comme nous l’avons déjà fait remarquer, la préface ordinaire , et en quelque sorte obligée, de tous les déjeuners d’hiver. Mais c’est une préface qui revient souvent fort chère, par l’indiscrétion des convives , qui mettent presque toujours leur amour propre à les engloutir par centaines dans leurs estomacs sottement vaniteux. Jouissance doublement insipide, en ce qu’elle ne procure aucun plaisir réel, et qu’elle afflige souvent un Amphitrion estimable. Il est prouvé par l’expérience qu’au-delà de cinq à six douzaines, les huîtres cessent bien certainement d’être une jouissance.

des Gourmands. 85 Les rivières et les étangs disputent Du Poisson à la iner l’avantage de fournir, dans d’eau-douce ce mois , de légers ulimens à nos tables. Parmi les poissons qu’ils nous offrent, la carpe et le brochet tiennent sans doute le premier rang. Ce dernier, qu’on peut appeler le prince de l’eau douce, est d'une belle apparence j et sa taille leste et dégagée, la forme de sa queue , la disposition de ses dents, lui donnent un air tout- à-la-fois élégant et terrible. Véritable Attila des étangs, il est de sa nature , un grand dévastateur; car il avale tout le monde, et ne trouve ici bas son maître que dans l’homme. C’est dans son genre un petit crocodile. Le brochet s’apprête d’une infinité DuBrochef, de manières ; on le mange à la genevoise, à l’allemande, à la sauce blanche, à l’étuvée , en casserole, en li- lets frits , en salade , farci, en terrine, en pâté-chaud , eu tourte , etc. ; mais la manière la plus noble de le servir c’est à la broche, piqué d anguille , si c’est en maigre, et de lard, si c’est en gras. On a soin de l’arroser pendant sa rotation, de bon vin blanc , vinaigre et jus de citron verd; et si

■ -J. Tlt. l^jljP^,

5 6

Almanach

De la Carpe.

l’on veut rendre la chose plus tou- chante, on le sert, quoique rôti, sur une sauce au coulis, dans laquelle on a fait fondre , comme par manière d’acquit, quelques anchois, etoù l’on a fait amortir des huîtres avec des câpres et du poivre blanc. Rien de plus noble et de plus apparent qu’un brochet qui se présente ainsi; mais l’on pense bien que pour mériter tant d’honneurs, il faut qu’il soit d’une taille au-dessus de la moyenne. On enagitplus cavalièrement avec la commère la carpe, à-moins qu’issue des bords du Rhin, elle ne soit arrivée, en grande pompe, de Strasbourg. Nous devons cependant avertir, par amour pour la vérité, que ces prétendues carpes du Rhin n’ont jamais vu ce fleuve de plus près que d’un quart de lieue. Ce sont des carpes pêchées dans les étangs de Lindre, de Gondrechanges, et autres situés dans la Lorraine-Allemande, qu’on amène encore jeunes à Strasbourg , où elles s’engraissent dans la rivière d’Ill renfermées dans de vastes boutiques. Telle de ces carpes vaut jusqu’à trente louis. Nous y en vîmes une.

I

des Gourmands.

en 1786, qui avoit fait deux fois dans sa vie le voyage de Paris , et qui ctoit revenue à Strasbourg, faute d'acheteurs. Elle avoit lait sa route dans la malle du courrier , et sans autre nourriture que du pain trempé dans du vin. Elle existe peut-être encore. On sent bien que ce seroit déshonorer de pareils personnages , que de les apprêter autrement qu’au court- bouillon. C’est un manger de prince, ou tout au-moins de fournisseurs républicains. Les carpots du Rhône et les belles carpes de Seine, (assez estimées dans cette capitale , pour prouver qu’eu dépit du proverbe , l’on est quelquefois prophète dans son pays ), se servent de même. Quant aux carpes moyennes, elles ne se serventguè- res que frites, à l’étuvée , à l’italienne, en fricassées de poulets, farcies, aux champignons, etc. C’est un manger fort sain et très-agréable , sur-tout , lorsqu’issue d’un étang , elle a dégorgé quelque temps dans une eau vive, et perdu ses manières bourbeuses , pour prendre une allure plus engageante, Les carpes sont fort communes à Paris pendant le carême ,

T)fi la Truite et de l’Ombre.

88 Almanach clics y arrivent de loutes paris. On sait que leurs laitances sont uii mets fort délicat 5 on les vend souvent séparément , et on les sert soit frites, soit en ragoût, soit en Iourtes, etc. La langue des grosses carpes cuites au court-bouillon, est un morceau très- distingué. Les véritables gourmets en sont très-friands, et demandent toujours la tête afin de l’avoir. Ils sont quelquefois trompés dansleur attente : car on a vu des carpes avoir leur langue sous la queue , tout exprès pour se jouer de leur sensualité. La truite et l’ombre - chevalier , lorsqu’ils sont issus du lac de Genève, sont un manger divin, que les Bour- valais du siècle se procurent quelquefois à Paris ; mais c’est une jouissance fort rare. Ces belles truites, cuites dans un savant court-bouillon, et mangées avec une sauce à la ge- névoise , qui rappelle leur origine , et qui leur convient plus que toute autre, honorent les tables les plus recherchées. On prie plus de quinze jours à l’a» vance , etn’est pas invité qui veut. Les ombres s’apprêtent et se mangent de meme : elles ont cela de remarquable.

des Gourmands. 8g que cesont les seules ombres palpables qui existent dans ce bas monde. I Quoique l’anguille ne porte point De ses vues si haut, et que, humble en l’Anguillft sa naissance , comme dans ses mœurs, elle fuie la lumière , et cède le pas même à la carpe , sa modestie est récompensée par un bon accueil sur les tables même les plus opulentes ; mais elle n’y paraît jamais dans son. entier, même lorsqu’elle est à la tar- tare , la plus noble manière d acco- moder les plus grasses. Cependant, si elle l’étoit extrêmement, alors ou pourrait la mettre à la broche enveloppée d’un papier beurré, et la servir sous une sauce savante. Mais ce ne serait qu’en qualité de monstre qu elle obtiendrait un tel honneur. Ordinairement elle se contente d être mangée en matelotte , à la poulette , etc.; et . son emploi le plus fréquent est d’entrer dans les garnitures, dont elle est le plus bel ornement, et le personnage le plus recherché, récompense bien due à son extrême humilité. Le bon La Fontaine l'a immortalisée sons une autre forme ; mais ce n’est guères que dans ses Contes qu’on trouve encore

f

9 o

Almanach

des pâtés d’anguilles. Elles sont trop chères à Paris pour y figurer ainsi. De la La perche de Seine est un poisson Perche, de convalescent, mais distingué par sa délicatesse et son Bon goût. La meilleure manière de l’accomoder est de la faire cuire à la watterfitch , et de la manger avec une sauce d’excellent beurre. DelaLotte. La lotte , assez rare à Paris pour n’y paroître presque jamais qu’une ou deux fois pendant tout le carême, s’apprête comme l’anguille ; on en mange aussi en compotes, frites, à la bourgeoise, glacées au lard , à l’italienne, à la V illeroi, à la romaine, à la prussienne, au vin de champagne , avec un ragoût de leurs foies. Ces foies sont un mets extrêmement délicat, et les millionnaires s’en font, une fois dans leur vie, servir un plat, afin da pouvoir se vanter d’avoir atteint à l’un des plus grands bonheurs réservés sur la terre aux riches gourmands. Du Gou- Les autres poissons d’eau douce mé- jon , des ritent peu d’arrêter un gourmand. Ce- Brenies, des pendant une friture de véritables gou- eules Écre ) ons c ' e Seine, n’est pas une chose indit- visses. férente : c’est l’éperlan des rivières, et

mm

des Gourmands.

9 1

unpaquetdecure-dentsfortdistingués, à la suile d’un grand repas. On laisse au vulgaire les fritures de brème et d’ablettes , et même les tanches et les barbillons. On a tort cependant de trop déprécier ce dernier. Un beaubar- billon mérite quelque estime. Quant aux écrevisses, les moyennes servent dans une foule de garnitures, en gras ou en maigre; et les grosses, cuites dans un bon court-bouillon, ou mieux encore au vin de champagne, forment un milieu d’entremets que nous ne pouvons mieux comparer qu’au buisson ardent de Moïse. Le temps consacré àla pénitence, n’est point, comme l’on voit, étranger à la bonne chère. C’est celui de l’année où le poisson est le meilleur; et la religion s’accorde ici très-bien avec la sensualité. Il est nécessaire d’ailleurs , sous le rapport de l’économie politique , de laisser aux bestiaux le temps de se reproduire, et la viande seroit moins chère, plus abondante et meilleure, si le carême étoit plus généralement observé. Les légumes sont à-peu-près les mêmes en mars qn’en janvier et fé-

ç2 Almanach vrier; et comme la-terre n’en produit point encore, on ne mange que ceux qu’on a su conserver. Les choux-fleurs ont disparu ; les salsifis sont plus robustes, et les pommes de terre encore davantage. Mais le carême est proprement la saison des farineux, et celle où l’on fait le plus d’usage des haricots blancs , des lentilles et des pois secs. De ces trois légumes, on pérmet tout au plus au premier de se montrer dans son entier parmi les entremets d’une bonne table, ou comme matelas d’une éclanche ; les deux autres n’y paroissent jamais que sous la forme de coulis ou de purée; et nos heureux du siècle ne céderoient point leur droit d’aînesse pour un plat de lentilles, comme fit autrefois Esaii; même à présent que ce droit, en France , a cessé d’être bon à quelque chose. ' A y B. I L. De3 Aloses, Fes premiers jours de ce mois appartiennent encore communément aii carême : ils nous suffiront pour manger des aloses , poisson de mer qui remonte les rivières pour venir trouver les gourmands dont il est très-estimé.

des Gourmands. g 3 Les aloses de Seine méritent sur-tout de l’être par la délicatesse de leur chair, qui est une véritable noisette aquatique. C’est-là que de maigre et sèche qu’elle étoit dans l’Océan, l’alose devient grasse et charnue : on la mange au court-bouillon ; mais la manière la plus ordinaire , est de la servir soit rôtie , soit grillée, sur une bonne farce à l’oseille ; c’est le lit de repos sur lequel elle se complaît le mieux. Le temps pascal est tout-à-la-fois la fête des agneaux et celle des jambons : 1 : le premier pour rôt, le second pour relevé d’entremets. Quoique l’agneau soit une viande assez fade et trop jeune , on le lui pardonne en laveur de sa blancheur et de sa tendreté. Un quartier d’agneau à la broche est donc un mets assez estimé , surtout si, ayant manié environ une livre d’excellent beurre, avec persil, ciboule et fines herbes hachés , on la place sous l’épaule de l’agneau brûlant avant de la dépecer; il en résulte une sauce qui donne à celte viande le relevé et la graisse qui lui manquent naturqllenieiit. Les gquxjaajicb font

DuJambon.

94 Almanach peu de cas d’un rôti d'agneau sans cette opération préliminaire, qui devient d’ailleurs un petit divertissement pour les convives. Car nous avons remarqué que ces sortes dé ragoûts qui s’exécutent ainsi sur table, raniment la joie et l’appétit des amateurs, surtout lorsque la main succulente et fraîche d’une jeune et jolie femme se charge de les apprêter. Les jambons de Bayonne ’ et de Mayence sont les plus estimés ; ce. qui tient autant à la manière de les faire , qu’à la personne même du cochon, qui, sous deux latitudes si différentes, réunit presque le même degré d’excellence. Les jambons de Bayonne sont plus gros, et pèsent ordinairement de quinze à vingt livres : ceux de Mayence, plus petits, sont aussi plus délicats ; ce que nous n’aurions pas osé remarquer tant qu’ils éloient une denrée éxolique : mais maintenant que, grâce à nos conquêtes, ils sont devenus pour nous une jouissance indigène, on peut les louer sans compromettre son patriotisme. Les jambons se mangent à la broche , à l’allemande, au vin de champagne,

des Gourmands. gj cuits sans feu et sans eau. On en tire une essence qui, dans une cuisine savante, devient une espèce de panacée : on le sert en tranches, à la poêle , etc. Mais toutes ces préparations ne conviennent qu’aux jambons vulgaires : ceux de Bayonne et de Mayence veulent être servis en entremets froid, panés et parés , ou tout au plus glacés dans les grandes occasions , comme fêtes, bals, etc. C’est à Pâque qu’ils sont dans toute leur bonté ; et jusqu’à la Pentecôte, c’est le relevé de rôti le plus noble et le plus succulent. Mais c’est surtout à déjeûner que le jambon est apprécié comme il mérite de l'être. Pour peu qu’on réunisse cinq à six amis à cette heure, autour d’un de ces jolis mayeu- çois, il disparoît en moins d’une heure; sur-tout, si, pour né pas le dépayser, l’on a soin de l’arroser d’un excellent vin du Rhin, qui en est le digestif; comme le vin de Pic - Pouille, et autres vins du Roussillon , est celui des jambons de Bayonne. C’est un égard qu’on leur doit de ne les arroser qu’avec du vin de leur pays. C’est avec les bayonnois que se font

ç/6 Almanach ces excellens pâtés, qniont immortalisé à Paris le pâtissier Le Sage, et que M. X/eblatic, son successeur, (dans la rue de la Harpe , car lui-mpme vient de se rélablir rue Montorgueil ) reproduit aujourd'hui dans toute leur gloire et dans toute leur bonté. Nous y reviendrons dans notre Itinéraire nutritif ; mais qu’il nous soit permis de dire ici que de toutes les bibliothèques de pâtissier , il n’en est aucune plus curieuse à voir que celle de M. Leblanc, au commencement d’avril. Quinze à dix-huit cents jambons , dont le plus léger pèse vingt livres , pendant par le manche à tous les étages d’une maison , dont ils forment les plafonds , les planchers, et dont ils remplissent tous les vides , sont un spectacle d’autant plus intéressant, qu’il est unique dans son genre. Les divisions de cette succulente demeure sont à claires voies j ensorte que l’air circulant librement, caresse et conserve en même-temps ces précieux ouvrages. L’accès est interdit au jour dans celte bibliothèque d’une espèce nouvelle, afin d’en écarter les mouches ; et pour s’opposer à l’introduction des souris et des rats ,

un

des Gourmands. 97 un superbe matou , noir et blanc, est préposé à la garde de ces dix - huit- cenls jambons ; et ce discret animal a cela de commun avec plus d’un bibliothécaire , qu’il ne touche jamais au dépôt qui lui est confié. On récompense sa probité par une nourriture abondante; mais sa discrétion 11’en est pas moins louable. Combien de gens, qui, bien payés et bien nourris , n’en sont pas pour cela plus sobres ni plus fidèles ! Quoique tous ces jambons soient destinés à être mis en pâté ( et quelquefois cette énorme provision devient insuffisante ) , M. Leblanc eu détache quelques - uns, qu’il cède , cuits à sa manière, à ses véritables amis. C’est ce qn’on peut manger de plus succulent et de plus délicieux à Pâques. Le mois d’Avril, sans être des plus stériles pour la bonne chère , ne soutient pas , à beaucoup près, la réputation de ses trois aînés. Ainsi, comme le remarque un auteur célèbre , en parlant du printemps : « Si cette par- » tie de l’année est la plus agréable,' » elle est aussi la plus ingrate en Vo- » failles, gibier, légumes et fruits ».

g 8 Almanach Il faut donc en revenir à la boucherie ; pelotter avec les agneaux en attendant partie ; se distraire avec les jambons , et vivre dans l’espoir des petits pois et des maquereaux, qui ne tarderont pas à paraître. Des Sur la fin de ce mois on voit pointer Asperges, les asperges, ce qui devient une grande consolation pour ceux qui, las de pommes-de-terre et de farineux desséchés , soupirent après la verdure. Ce légume, toujours cher à Paris , et qui ne convient qu’aux riches , parce qu’il est peu substantiel et légèrement aphrodisiaque , est un manger fort délicat. On sert les grosses cuites à l’eau , pour les manger , soit à la sauce blanche , soit a l’huile. Les petites s'accommodent en façon de petits pois , pour tromper notre espoir et calmer notre impatience. Mais dès que les véritables petits pois sont arrivés, elles n’osent plus se présenter sous cette forme. C’est ainsi qu’une belle sur le retour , qui, à l’aide de nombreuses lumières, avoit usurpé nos hommages, fuit à l’aspect de l’aurore et n’ose soutenir le paralèlle avec une Hébé parée seulement de ses dix- huit printemps.

des Gourmands. 99 Les asperges se servent aussi à la crème, au jus, confites, même en omelettes. Elles servent de garnitures à divers ragoûts : on les confit ; mais nous le répétons , leur plus bel apanage est de paraître dans leur entier cuites au naturel. C’est un fort beau platd’entremets, et l’un des faisceaux les plus agréables à rompre.

M A 1.

Les maquereaux nous appellent, et il faut convenir que leur présence est à Paris, l’un des plus grands charmes du printemps. Ce poisson a cela de commun avec les bonnes gens , c’est qu il est aimé de tout le monde. Devenu nécessaire à tous, il est bien reçu partout. Le bourgeois et l’homme opulent l’accueillent avec le même empressement, et si les illustres maquereaux ont seuls le privilège d’être admis à la table des grands et des riches ; ceux d’un ordre inférieur s’accommodent très-bien de celle du pauvre. Enfin les deux sexes le recherchent, et il plaît aux jeunes gens comme aux vieillards. La cuisine s’est emparée de ce pois- 6 *

Des Maquereaux.

ioo Almanach son pour en varier les apprêts, et quoique celui à la maître-d’hôtel, c’est-à- dire, cuit sur le gril dans un papier gras, fendu par le dos, et farci d’un bon morceau de beurre frais manié de fines herbes, soit le plus en usage ; on voit les maquereaux paraître sur les tables somptueuses, tantôt à l’espagnole et piqués; tantôt à la flamande, en caisse,à,la Périgord; en fricandeaux, aux écrevisses, en hâteîeltes, en papil- lottes et même en potage. On les accommode encore en gras, après, avoir fait suer du jambon , et les avoir arrosés d’une bonne essence lorsqu’ils sont dressés. Cette dernière méthode est extrêmement succulente , et même aphrodisiaque. Les maquereaux conviennent donc ainsi aux appétits à stimuler et aux tempéramens éteints. Des Pi- Les pigeons se mangent pendant geonneaux. presque toute l’année, tant cet animal se complaît dans de fréquentes reproductions; mais on dirait qu’il attend le retour des petits pois, pour être dans toute sa bonté, et nous offrir avec eux l’une des meilleures entrées du printemps . Mais il ne boni e point là sa complaisance , et cet aimable oiseau se plaît à faire briller dans tous les sens

des Gourmands. i o I le talent d’un cuisinier habile. Ainsi il paroît tantôt à la bourgeoise , à la braise , à la Gobert, à la Gardi, à la dauphine, à la Fleuri, àlaliollandoise, à la lune ; tantôt à la Stanislas, à la I/uxembourg, à la royale , à l’étouf- f'ade , à la poêle, à l’impromptu, au basilic, au beurre , au gratin, au jambon, au point du jour, au Parmesan, au salpicon , au soleil, aux câpres , aux tortues, aux navets, au roux j en surprise, en surtout, en taupes, en timbales, glacés, soufflés , marinés , piqués , à la cendre ; puis quittant tout-à-coup ce dernier rôle de pénitent pour prendre celui d’un ivrogne, il se fait voir à l’eau-de-vie, et.même à l’esprit-de-vin. Quel caméléon, va-t-on dire, que cet oiseau à demi- domestique ! Mais nou3 n’avons pas parlé de toutes ses métamorphoses. Il se sert en potage de plus de dix espèces, en terrines, en tourtes, etc. Enfin, mis à la broche, bardé et enveloppé de feuilles de vigne , c’est un rôti du second ordre sans doute, mais très-admissible même chez les gens du premier, surtout lorsque servant sa culotte aux dames, au lieu du clié-

/

' .

t >

Des Petits Fois.

103 Almanach rubin, on sait le disséquer selon toutes les règles de l’art et de l’usage du monde. Pois rainés, pois écossés! c’est la chanson du mois de mai, et la musique qui plaît le plus aux oreilles gourmandes. En effet, comment seroit-on insensible à l’apparition du plus tendre , du meilleur et du plus délicat des légumes ? D’un légume qui nous procure à Paris quatre mois consécutifs de jouissances variées, qui se marie avec toute espèce de viandes et de volailles, et qui, par lui-même peut être considéré comme le prince de l’entremet? Il faudrait un in-4 0 . tout entier et des plus épais encore, pour énumérer les diverses préparations qu’on fait subir aux petits pois. On les sert à la crème, à la demi - bourgeoise , à la 11 amande, à la Rambouillet , au lardj on en fait des potages au gras et au maigre, des purées vertes, sans fin. On les met sous des tendrons de veau, sous des abatis de volaille, sous des pigeonneaux , sous de petites côtelettes parées, sous des pieds de mouton j on les mêle avec des fricassées

des Gourmands. io3 de poulets, des palais de bœuf, des oreilles de veau, etc. Enfin, il n’est point d’animal sur la terre ou dans les airs, qui ne se tienne honoré de son alliance, et le tout pour la plus grande satisfaction de notre succulent appétit. Tant qu’on mangera des pois fins à Paris, l'on n’aura pas le droit de s’y croire malheureux; sur-tout lorsqu’ap- prêtés en entremets parles mains d’un artiste consommé , Lhen maniés de beurre, privés de sauce, etirés enliiçon de mortier savant, ils se présenteront comme une montagne de verdure que chacun brûlera d'entamer. Béni soit donc cet heureux mois de mai, qui ouvre la porte aux maquereaux, aux petits pois et aux aimables pigeonneaux ! C’est un mois cher aux gourmands , tout aussi bien qu’aux amoureux, avec cette différence pourtant, qu’il n est qu’une courte saison pour l’amour, et que la vie entière est l’heureux domaine de la gourmandise. Nous ne le quitterons pas sans dire BuEeurre. un mot du beurre; les herbes étant alors dans toute leur force, le beurre est aussi dans toute sa bonté. Le meilleur qu’on mange à Paris, vient d’Isigny

i «4 Almanach l’hiver, et de Gournay l’été; mais quoiqu’exccliens tous deux, le premier est Lien supérieur, et c’est l’éloignement seul qui l’empêche d'arriver dans les chaleurs. De toutes les mottes qu’on rencontre dans ce Las monde, celles de Gournay et d’Isigny, sont les plus recherchées par les gourmands. Elles pèsent jusqu’à 15o liv., et ce beurre a un goût de noisette qui lui est particulier, et une onctuosité qui le fait distinguer dans les ragoûts. C'est à bon droit qu’on l’appelle la tête du beurre. Les bas beurres , les beurres en livre, et ceux dits de Pays, ne conviennent qu’à l’indigence. JUIN. Plus nous avançons vers l’été et plus le cercle de nos jouissances apéritives se rétrécit ; nous entendons parler, des jouissances solides, de celles que procurent la boucherie, la basse-cour, les plaines etles forêts ; car les jouissances végétales sont au contraire fort multipliées dans cette saison. Heureuse et sage combinaison de la providence , qui a pensé dans son immuable sagesse que les aliinens légers convenaient'

...

des GourTnands. ïo5 mieux en été à l'estomac de l’homme que les viandes succulentes ! Si nous voulions ne pas forcer la Nature, et nous contenter de ce qu’elle produit dans chaque saison, notre santé s’en trouverait mieux, et notre goût aussi - mais les indigestions sont la suite naturelle de l’intempérance, et surtout de l’espèce d'orgueil qu’on met à braver l’ordre des saisons, qu’on n’outrage jamais impunément. La viande de boucherie est la même dans ce mois que dans les précédens. Elle n’en diffère que par la qualité. Les veaux sont plus blancs et meilleurs , les montons plus parfumés. Comme ils ont cessé d’être nourris au sec , leur constitution s’en ressent. Quant au bœuf, il est bon sans doute , mais loin de ce qu’il sera à la fin de l’automne, et lorsque sortant de ces gras pâturages, où l’herbe croît sous sa dent, il aura pompé tous les principes nutritifs qu’il doit à ces prairies verdoyantes , les véritables nourrices de l’homme. Quoique l’été ne soit pas la saison de la volaille, ce mois nous offre cependant les jeunes poulets, la.pou-

1 o6 Almanach larde nouvelle , le dindonneau , le caneton de Rouen, les coqs-vierges , et les pigeons de toute espèce. Nous avons traite précédemment des poulets, des poulardes et des canards, et nous avions trop de respect pour eux, pour avoir négligé d’en parler au temps de leur plus grande gloire; car la gloire d’une poularde est d’être grasse , > comme celle d’un poète et d’un savant de paroître étiques. Nous avons egalement parlé des pigeons, constans amis de l’homme, et qu’il trouve pres- qu’en tout temps sous sa main. Il nous reste à dire un mot des coqs-vierges et des dindonneaux. Du Coq* Le coq-vierge est, ainsi que son Vierge. titre l’annonce , le célibataire de nos basses-cours. Il doit à sa continence un goût et un parfum qui le distinguent éminemment de son oncle le chapon , qui a renoncé malgré lui aux plus douces jouissances de ce bas- monde pouraccroître les nôtres. Lecsq qui seroit dur, s’il n’étoit pas vierge, est, dans cet état, un manger d’autant plus recherché, qu’il est rare , et puissamment aphrodisiaque. C’est du pays de Caux que viennent les meilleurs. On le

des Gourmands. 107 mange à la broche et simplement bardé. Ce seroit l’offenser que de le piquer , et le déshonorer que de le mettre en ragoût. Il n’en est pas de même de sa crête. Elle entre dans presque toutes les bisques et les meilleurs ragoûts. On les sert farcies, au gratin, à la poulette , etc. ; mais leur usage le plus ordinaire est pour les garnitures , car un plat de crêtes ne convient guères , vû son prix , qu’aux modernes Lu- cullus. Le "dindonneau qui commence en Le Din-* ce mois à voler de ses propres ailes, donneau. est un rôti d’autant plus honorable , que l’absence du gibier rend sa présence précieuse. Mais c'est manger son blé en herbe que d égorger ces aimables adolescens , au lieu de songer à les engraisser, pour les servir dans la force de l’âge. Wons devons même ajouter, pour nous opposer autant qu’il est en nous à la dépopulation de l’espèce , que le meilleur des dindon-, neaux, Eit aimé par l’orgueil plu» que par la Nature, ear il flatte beaucoup plus la vanité

ss^.^ssswesfe

.

i

108

. Almanach.

par sa présence , que le palais par sa digustation. Pour le rendre plus apéritif, on le sert presque toujours piqué : affront que l’on n’a jamais songé à faire à la dinde , et qu’elle ne souf- friroit même pas.

JDelaEaie. Excepté la morue nouvelle, l’on

voit en ce mois peu de bons poissons de mer. Cependant la raie , qui arrive à Paris tous les jours de l’année, et dont on ne. se lasse jamais, étant plus mortifiée en été, et presque le seul poisson qui, dans les grandes chaleurs , brave l’élévation du thermomètre , on se réserve dans cette saison le plaisir de la servir. Il y en a de deux espèces, également bonnes ; la raie bouclée , et la grosse raie , ou raie de turbot. Il n’y a guères que deux manières fort usitées de la faire paraître sur nos tables , à la sauce - blanche, lorsqu’elle est fraîche ; au beurre noir, entourée de persil, lorsqu’elle est soupçonnée d’être suspecte. Cependant un cuisinier habile rougiroit de se borner à ces deux préparations vulgaires , et il vous servira la raie à la Sle.-Me- nehoult, à la sauce de son propre foie, à la sauce à Robert, en ragoût et même

frite,

des Gourmands. 109 frite. Cette dernière manière est la seule dont on use avec les raies de la Méditerranée, beaucoup plus petites que celles de lOcéan , et bien moins savoureuses, quoiqu’en puissent dire les Languedociens. La carpe, la truite et la perche sont les poissons d'eau douce les plus estimés dans cette saison. Mais ce mois est celui où les bons Des liari- légumes arrivent en loille sur nos ta- cots verts, blés avides de verdure. Outre les petits pois qui sont excellons à Paris, jusqu’à la mi-août, nous devons au mois de juin les haricots verts qui, soit à la sauce blanche , soit à l’anglaise , soit à la crème , soit au vin de Champagne , forment un entremets „ „ aussi sam qu agréable ; les concom- com b res . bres, légume aqueux, rafraîchissant, humectant , mais peu nutritif, à moins qu’il ne soit farci d’une bonne chair à saucisses, mêlée d’une farce savante, mais qu’on sert communément fricassés à la sauce-blanche j les fève ® e , s Peti- de marais, dont l’agréable amertume marais* 3 s’accommode très-bien d un peu de crème et de beaucoup de sucre, et auxquelles surtout il ne faut pas oublier

no Almanach de joindre un bouquet de sariette, qui est leur parfum nécessaire ; les Des Choux- choux-fleurs , qui sont alors dans leur Fleurs. primeur, et n’en sont pas meilleurs pour cela, ce qui oblige en cette saison de les aiguiser avec le parmesan ; DesLaitues. les laitues, dont on fait dans la bourgeoisie un entremets fort agréable , soit lorsqu’elles sont farcies à la dame Simone, soit lorsqu’on les sert en ragoût maigre ou gras ; mais que , dans les grandes maisons, l’on n’emploie que comme garniture, principalement dans les braises. Voilà, comme l’on voit, de quoi varier nos entremets, et ce mois est celui où les jardiniers commencent à avoir de grands rapports avec la cuisine. Convenons cependant que le meilleur des légumes* a besoin de tout l’art d’un artiste habile pour paroître dans tout son éclat. C’est un tableau médiocre, et qui ne vaut que par la richesse du cadre ; au lieu qu’un bon lièvre, par exemple, est un Raphaël, et un bœuf à l’écarlate un Rubens. Ceux-là peuvent aisément se passer de bordure.

JUILLET. Plus nous avançons dans l’été, et plus nous parcourons une saison ingrate pour la bonne chèrejcar l’homme véritablement digne du titre de Gourmand, ne regarde guères les légumes et les fruits, que comme des moyens de se récurer les dents et de se rafraîchir la bouche, et non comme des productions capables d’alimenter un strident appétit. Aussi prend-il moins d’intérêt à la végétation des potagers et des vergers, qui commencent à se couvrir de trésors, qu’à la croissance rapide des lapereaux, perdreaux, levrauts , et autre succulent gibier. Il voit avec plus de plaisir encore le veau de Pontoise acquérir dans ce mois les bonnes qualités qu’il doit aux principes, que le lait de sa mère retire de nos prairies verdoyantes. Il se réjouit de l’arrivée des cailles et cailleteaux de vigne, oiseaux de passage qui nous sont amenés par les vents chauds de la fin du printemps , et qu’on ne retrouve plus dès le commencement d’octobre. 7. *

Des Cailles et Cailleteaux.

1 I i

I

112 Almanach Ce ne sont point les qualités morales, attribuées à la caille par les Anciens , qui nous arrêteront ici : peu nous importe d’apprendre qu’ils at- tachoient de grandes vertus à cet oiseau lascif, jusqu’au point d imaginer que la présence d'une caille, dans une chambre à coucher, y procuroit, à l’heureux dormeur, des songes vé- •nériens. Permis à nos lecteurs d’en faire l'innocente épreuve ; mais pour nous qui nous occupons , dans cet ouvrage, de jouissances plus solides, nous leur dirons qu’une caille bien grasse il la broche , bardée d’un frac de lard, et enveloppée d’un surtout de feuilles de vigne, est un rôti des plus recherchés dans cette saison, et digne, par sa délicatesse, de la table des Dieux: aussi cet aimable petit oiseau est-il toujours fort cher à Paris, quoi- qu’arrivant dans une saison où la chaleur de l’atmosphère forcerait les fac- triees de la Vallée d’être traitables, si, pour les cailles, il ne se trouvoit pas toujours moins de vendeurs que d’acheteurs. Cette rareté, suite nécessaire de l’empressement, soutient donc la caille à un prix qui lui ouvre l’en-

des Gourmands. 11 3 trée des seules maisons opulenles. Un beau rôti de cailles coûte autant que deux poulardes. Mais ce n’est pas seulement à la broche que cet oiseau de luxe se sert, et quoique ce soit sa plus noble et sa meilleure manière d’être mangé, les cuisiniers savans l’apprêtent à la braise, à la poêle , au gratin', en surtout, aux choux, au coulis de lentilles, etc.; et dans les heureux pays où son abondance le rend abordable, comme à Marseille, par exemple , on en fait des tourtes, qui, au moyen de ris de veau, de champignons , truffes, lard râpé, moelle de bœuf, poivre assorti et fines herbes , ne le cèdent en rien aux plus savans pâtés de godiveau. Dans la saison de3 alouettes, bien plus communes que les cailles, on trompe quelquefois notre appétit, en les apprêtant ainsi; mais il n’est pas même besoin de ses yeux pour en sentir la différence; un aveugle la saisiroit dès le premier coup de dents, et quoique l’alouette ait des qualités fort estimables, il y a autant de distance enlr’elle et la caille, que le public en met entre le grandRacine, et tel autre tragique de nos jours , que

J1+ Almanach nous nous dispenserons de nommer, ne voulant humilier personne. AOUT. Ije moisd’Auguste n’est gnères plus favorable à la bonne-chère , que celui de Jules-César : aussi la plupart des gens riches vont-ils alors dans leurs terres ; les tables de Paris sont renversées, et les parasites font diète. Cependant les lapereaux commencent à devenir lapins, les perdreaux perdrix, et les levrauts se changent en lièvres ; mais ne les arrêtons point dans leur croissance. Les jouissances prématurées sont toujours, et dans tous les genres, des jouissances imparfaites. Laissons ces animaux aimables vivifier nos champs et nos forêts, en attendant qu’ils alimentent nos tables : nous saurons toujours bien les retrouver, car rien n’échappe à l’active industrie de l’homme: alors un levraut, devenu trois-quarts, remplira convenablement un plat de milieu, et n’aura pas besoin Qu’un long cordon d’aloueltes pressées, Et sur les bords du plat six pigeons étales , Présentant pour renfort leurs squelettes brûlés ,

des Gourmands. Ii5 lui servent d’accompagnement, comme dans le fameux repas de Boileau , que tout amateur de bonne-chère doit étudier avec soin, pour éviter d’en donner un semblable. Cependant si quelques uns de nos lecteurs , trop pressés de vivre, vouloient absolument manger leur blé en herbe, et faire entrer à toute force ces enfans dans leur cuisine, il est de notre devoir de leur indiquer lameilleure façon de les produire sur leur table. Nous leur, dirons donc qu’on mange les lapereaux en terrine et à l’eau-de-vie. Cette dernière façon, au moyen des nombreux ingrédiens qui la composent , devient un ragoût fort savant et même un peu chimique. Les levrauts se mangent à la suisse, à la czarienne, à la saingaraz. Les perdreaux en bi- berot, en papillottes, en tourtes; on en fait des potages simples, des potages en profiteroles, etc.; mais, nous le répétons, c’est un véritable infanticide que d’égorger ainsi, dans son jeune âge , une génération qui ne croît et ne s’engraisse que pour notre plus grande satisfaction. Ce que nous venons de dire deslapereaux, levrauts et

Des LapreauxJ

Des Levrauts J Des Perdreaux.;

t

116 -Almanach perdreaux, doit s’entendre également des tourtereaux et ramereaux, etc. Il nous larde de changer de matière. De l’Albran Ce ne sera cependant pas sans avoir dit un mot de l’albran, jeune canard, qui devient au mois d’octobre canardeau , et canard en novembre ; et passe ainsi rapidement de l’enfance à l'adolescence, et de l’adolescence à la virilité. L’albran , bien retroussé , et passé à la casserole , avec champignons, truffes et culs d’artichauts, est un manger assez délicat. Ils se servent aussi en ragoût d’olives, aux mont an» de cardons, à la rocambole et même aux navets, quoique ce dernier honneur appartienne plus particulièrement à Monsieur son père. Lorsque nous avons traité du sanglier féroce, et de l’inestimable personne du cochon, nous n’avons presque rien dit du marcassin ni du cochon de lait : il nous semble que c’est ici leur place , et le mois où ils sont le plus délicats, et où l’absence du gibier et de la volaille, dans toute leur splendeur, rend leur présence plus désirable. Du Le marcassin, qu’on peut regarder Marcassin.

des Gourmands. 11 7 comme l’héritier présomptif du roi de nos forêts, ne se montre guères qu’à la broche ; on le pique partout de petit lard, à la réserve du cou et de la tête , et on le sert pour rôt : il passe pour un mets délicat, de bon goût, et sa chair, quoique nourrissante, se digère assez facilement ; cependant les personnes délicates, celles dont les sucs digestifs manquent de cette activité qui seule peut faire, d’uu homme ordinaire, un véritable Gourmand, feront prudemment de s’en abstenir. Le marcassin, malgré sa noble et sauvage origine, ne vaut pas en vérité les frais d’une indigestion. Nous n’en dirons pas de même du cochon de lait, soit que nos inclinations soient naturellement roturières, soit qu’élevés avec cet aimable enfant, l’homme ait naturellement pour lui ce sentiment qui nous attache à ceux que nous avons vu naître ; il est toujours bien venu sur les tables même le plus recherchées, et sa présence y devient une véritable fête. La manière la plus ordinaire, et peut - être aussi la meilleure de l’y produire, c’est à la broche : après l’a-

Du Cochon de lait.

118 Almanach voir écliaudé à l’eau bouillante, et lui avoir farci le ventre d’un gros morceau de bon beurre, manié de fines herbes, et accompagné de ciboules, oignons piqués de clouds, etc. j on l’embroche, et ne le perdant pas plus de vue qu’une jeune fille à marier, on l’arrose sans cesse d’huile vierge , pour lui faire prendre une belle couleur : si l’on veut qu’il soit meilleur, on le farcit avec son foie haché avec lard blanchi, truffes, champignons, rocamboles, câpres fines , anchois de Nice , fines herbes, assaisonnés de poivre de la Jamaïque et de sel marin, le tout passé à la casserole. Lorque notre petit ami a tout cela dans son ventre, on le ficelle et on le fait cuire de belle couleur, comme ci-dessus. Dans tous les cas, on lui sert, en forme d’acolyte , une sauce à l’orange avec sel et poivré blanc. Dès que le cochon de lait, ainsi rôti, est arrivé sur la table, il faut, toute affaire cessante, commencer par en faire un gentilhomme, c’est-à-dire , en français , lui trancher la tète : au~ trement sa peau naturellement croquante , et la meilleure partie de lui-.

des Gourmands. j j g même selon beaucoup d’amateurs, deviendroit flasque et molle ; et les dames seroient en conse'quence les premières à la rebuter. Ce pre'cepto est donc de la plus grande rigueur, et l’on ne sauroit trop s’en pénétrer, autrement mieux vaudroit pour ce cher animal n’avoir pas quitté le teuton de sa mère. Le cochon de lait se sert aussi en daube, au père Douillet, en ragoût, et dans toutes ces préparations l’on s’occupe de relever le goût de sa chair naturellement fade , difficile à digérer (comme toutes les viandes non faites ), et qui ne fournit que des sucs grossiers , ce qui fait que les gens de lettres feront bien de s’abstenir d’en manger. Mais les robustes estomacs des riches du jour s’eu accommodent à merveille, et quoique cet aliment visqueux émousse les sens digestifs, et lâche souvent le ventre, nous ne prendrons point sur nous de le leur interdire. SEPTEMBRE. Malgré le proverbe , si connu à Paris , qui nous assure qne les huîtres y sont bonnes dans tous les mois

i îo Almanach dont le nom renferme une R , nous ue conseillerons à personne d’en manger eu Septembre; elles n'y sont ni assez Fraîches , ni assez grasses pour piquer la sensualité d’un gourmand. Ce n’est gnères qu’au commencement de dé. eutbre qu’elles sont vraiment dignes de figurer sur sa table. Mais en revanche ce mois-ci nous offre toute espèce de gibier déjà parvenu à une raisonnable grosseur, mais il sera meilleur encore dans les snivans. Nous en exceptons la griv- de vigne, parce que sa principale nourriture étant le raisin , son embonpoint dépend de sa maturité. Ces aimables vendangeuses sont un manger fort délicat et qui mérite bien qu’on s’y arrête quelques instans. Des Grives. Ta g V i ve se me t à la broche sans être vidée , et elle a cela de commun avec l’alouette ; on |es sert aveo des rôties dessous , et ces rôties arrosées de leur suc., sont un manger délicieux, et nous offrent en quelque sorte l’esprit de la bêle. Telle est la manière la plus simple de les sei vir eu rôti ; mais si l’on veut y ajouter quelques ometuens, on les flambera, tau»

des Gourmands. iîi dis qu’elles rôtissent, avec du lard, en les saupoudrera de pain et de sel mêlés, et après avoir frotté le plat avec une échalotte ou mieux encore, une rocambole , on les y dressera incou* tinent avec poivre et verjus. Si de la broche nous sautons dans la casserole, nous y trouverons les grives à la braiseet même en ragoût, composé d’un verre de vin blanc , de fines herbes, lard fondu , etc., le tout aiguisé d’un bon jus de citron. Mais si nous retournons du fourneau dans la cheminée, nous y commencerons des grives au genièvre , qui méritent bien une description particulière. On débute par les couvrir de bardes d'un lard succulent, pour les envelopper ensuite d’un papier conservateur; on les attache ( car l’on sait que les petits oiseaux ne s’embrochent jamais que dans des brochettes fixées à la grosse broche ) après solidement à la broche, et on les abandon ne à sa rotation. Pendant ce temps f vous mettez dans une casserole parties égales de jus et de coulis , mouil. lés d’un verre d’excellent vin blanc, «tdu jus d’ua citron vert. Vous laissez

Des Arti t hauts.

122 Almanach ce mélange jeter quelques bouillons, puis vous faites blanchir douze grains de genièvre( on peut même aller jusqu’à quatorze ) que vous mettez dans votre coulis avec les grives, à leur descente de la broche. Vous laissez mitonner le tout, et dégraissez votre coulis avant de servir. Lorsque ce petit ragoût est bien fait, il y a de quoi s’en lécher les doigts jusqu’à la moelle:on mangeroitson proprepère à cette sauce. La recette du Bernardin dont nous avons parlé plus haut, s’applique aux grives et à toute espèce de petit gibier noir, aussi bien qu’aux bécasses et aux canards; et cette sorte de salmi impromptu fait sous les yeux des friands convives, est, comme nous l’avons dit, l’un des plus doux spectacles dont on puisse jouir pendant qu’on mange. Parmi les légumes de ce mois , il faut distinguer les artichauts d'automne, remarquables par leur bongoût et leur délicatesse. Les meilleurs nous viennent de Laon, et sont faciles à distinguer , étant toujours fort halés des suites du voyage; car ce légume a

des Gourmands. ia3 le teint très-délicat. Les gros artichauts se servent cuits à l’eau , pour être mangés soit à la sauce au beurre le plus lin, soit à l’huile, et dans cetétat, il fautconvenirque c’est un entremets fort apparent. Les moyens et les petits qui ne sont pas les moins tendres, s’apprêtent de tant de manières, que ce légume devient un caméléon véritable dans les mains d’un savant artiste. On les mange à l’espagnole, au jus, au verjus en grain, en cristaux, en fricassée de poulets, en purée, frits, à la barigoulie, tournés etc. Les culs d’artichauts, que les religieuses n’appeloient jamais que des portefeuilles, desséchés convenablement, se conservent long-temps, et servent pendant toutes les saisons de garniture à beaucoup de ragoûts. C’est dans les fricassées de poulets et dans les pâtéschauds, qu’on les rencontre avec le plus de plaisir. L’artichaut rend, commel’on voit, d’éminens services à la cuisine; on ne peutguères s’en passer; aussi lorsqu’il manque, c’est une véritable calamité. Nous devons ajouter que c’est un aliment très-sain, nourrissant, stomachi-

j i 4 Almanach que , astringent et légèrement aphrodisiaque. C’est un mets qui convient aux personnes délicates , aux estomacs foibles , et par conséquent aux gens de lettres; mais s’il leur est si favorable lorsqu’il est cuit, ils doivent l’éviter comme un poison lorsqu’il est crud, car alors son acidité et son as- triction trop fortes peuvent leur faire beaucoup de mal. C’est dire assez que ces sortes de personnes doivent s’abstenir absolument d’artichauts à la poivrade, qui ne conviennent qu’aux estomacs populaires. Un beau buisson d’artichauts frits d’uue belle couleur etgarnis de persil frit, est l’un des plus ravissans coups- d’œil qui puisse s’offrir à l’entremets à des convives déjà bien repus. des murs. C’est dans ce mois que'les œufs abondent à Paris, qu’ils sont les meilleurs, et à plus bas piix, deux avantages qui se trouvent presque toujours aller de pair pour tout ce qui so mange. Il convient donc d’en faire alors sa provision pour l’hiver, car ils ne tarderont pas à sauter à chaque marché. On les conserve dans un lieu sec et frais, soit dans du son, soit

des Gourmands. 125 dans de l'huile. De cette dernière ma- nière on peut les manger frais et même à la coque pendant plus de six mois. I ’œuf est à la cuisine ce que les articles sont au discours, c’est à-dire, d’une si indispensable nécessité que le cuisiuier le plus habile renonceroit à son art, si on luien niterdisoitl’usage. Aussi l'église elle-même qui se con- noît en bonne chère, convaincue do cette nécessité, s’est-elle relâchée en leur faveur de la rigueur des lois du carême, et les permet-elle jusqu’au Vendredi oe la Passion Depuis ce jour jusqu’à Pâques,l'imaginalion des cuisiniers est à la torture pour y suppléer. C’est le temps de l’année le plus dur à passer pour eux. L'oeuf est la liaison nécessaire delà plupart dessauces, de tous les ragoûts maigres, de presque tous les entremets. C’est un aimable r onciliutrur qui s’interpose entre toutes les parties pour opérer leur rapprochement et les identifier les unes aux autres. C’est l’indispensable fondement de toutes les espèces de pâti s, soitbrisées, soit feuilletées, soit croquantes ; en un mot La bgse de toutee qui appartientau grand

126 Almanach comme au petit four, voire même au four de campagne. Sans lui donc point de crcmes, point de pâtisseries, point d’entremets sucrés, et surtout point d’omelettes. O n connoit en France 543 manières différentes d’accommoder les œufs , sans comptër celles que nos savans imaginent chaque jour; car la cuisine est un pays dans lequel il y a toujours des découvertes à faire. Leur seule nomenclature occuperoit plus de vingt feuilles en nompareille, et ne seroit pas encore épuisée. On les mange à l’allemande, à la bonne-femme, à la hourguignone, à la duchesse, a la commère, à la huguenotte, à la j ésuitc, à la grand’mère, à la philisbourg: on les apprête à la périgord, à la monime, à la régence, à la sicilienne, à la portugaise,à la suisse, à la sauce àRobert, à l'eau de roses, à l'huile au verd, à l’estragon, au basilic, au blanc de perdrix, au blanc de poularde, à l’italienne , à l’orange, au fromage fondu , au lard , à la Coigny , au père Douillet, au soleil, aux écrevisses, aux truffes, au verjus, au vert galant; on les sert en crépine, en peau d’espa-

des Gourmands. 127 gne, brouillé* tantôt à la chicorée, tantôtau jus, tantôt au coulis, tantôt aux pointes d’asperges ; en filets, en rochers, en panade, en surtout, eu timbales , en toutes saisons. On les poche, on les frit, on les saute, enfin qae 11’en fait-on pas ? Les œufs sont l’un des plus doux présens que la divine providence ait jamais faits à l’appétit de l’homme. Ceux de poule sont les seuls dont on se serve en cuisine, ( nous ne parlons pas de ceux de coqs qui ne sont en usage que dans les garnitures ), et quelquefois ceux de cane qui se confondent de temps en temps avec eux, quoique sensiblement plus gros. Les oeufs arrivent à Paris de plus do quatre-vingtlieuesàla ronde; ondiroit que les poules de la Normandie, de la Picardie , de la Beauce , de l’Orléa- nois, etc. ne ponden t que pour nous. Ils viennent dans d’énormes paniers qui en renferment souvent plusieurs milliers, sans autre emballage qu’un peu de paille. Ils essuyent en route mille cahos; ils sont chargés et déchargés plusieurs fois, et, chose miraculeuse! il ne s’en casse jamais un seul.

T 28 Almanach Les meilleurs sont ceux de Mortagne? Pour choisir les œufs , il faut les présenter à la lumière, et lorsqu’on les voit clairs et transparens , on peut être assuré qu’ils ne sont pas vieux. Cardans ce cas te temps auroit brouillé leurs parties, et ils paroîtroieut nébuleux. Les œufs ainsi choisis s’appellent œujs mires. Les marchands en gros ont soin dèsleur arrivée de faire cette élection avec uue patience qu’on ne saurait trop admirer. Ces œufs mirés, ainsi mis à part, sont réservés pour leurs ptatiques. Les œufs sonten général unalimeut sain et ami de l’homme ; mais leurs qualités médicinales dépendent beaucoup de leur préparation. Rien do iplus salutaire qu’un œuf frais ; rien, de plus indigeste qu’un œuf dur ; et c'est pourtant l’enfant de la mémo poule. Le blanc de l’œuf est de toutes les substances nutritives celle qui s’assimile le plus promptement aux sucs nourriciers de l’homme, parce qu'elle approche beaucoup de la nature de la lymphe. Le jauue est une substance particulière qui joint à l’avantage d’être tres-uourrissante, celui d’atté-

des Gourmands. iitj nuer, de dissoudre les corps gras et do favoriser leur mélange avec les sucs digestifs. Dans les œufs à la coque, ces substances n’ont subi aucune altération , et conservent tous leurs pria-* cipes bienfaisans ; aussi ces sortes d’œufs , la nourriture la plus simple que nous offre le règne animal, sont- ils permis aux convalescens , aux en- fans , et aux personnes les plus délicates. Mais lorsqu’ils ontété dénaturés de mille manières par l’art de la cuisine , leurs propriétés ne sont plus les mêmes, et ils rentrent dans la classe des alimens dout il ne faut pas user avec excès. Nous devons dire cependant ,_ qu’excepté durcis , les œufs conviennent en général à tous les tem- péramens , et que la plupart des estomacs s’en accomodent assez bien. Les œufs joignent à toutes leurs autres propriétés, celle d’être accommodés en très-peu de temps, et d’offrir une ressource instantanée dont les avantages sont inappréciables. C’est un ami chaud , toujours prêt à s’immoler pour nous, et qu’on trouve au besoin à tous les instans de la vie.

OCTOBRE. Nous voici en plein automne , et nos jouissances alimentaires commen- cent à devenir plus abondantes et plus vives. Les levrauts sont devenus tout à fait lièvres , et les dindonneaux ont fait place aux dindons. Les poulets de grain présentent un satisfaisant embonpoint, et tout est en activité, depuis l’étable jusqu’aux forêts ; depuis la plaine jusqu’à la basse-cour, pour honorer l’appétit de 1 homme. Cependant ce mois est peut-être à Paris celui où il y a le moins de ras- semblemens nutritifs. C’est celui où les vacances des tribunaux , des collèges , la stagnation des affaires , le soin des vendanges , la stérilité des spectacles, éloignent presque tous les gens riches et les propriétaires de Paris. 11 n’y reste guères que les malheureux rentiers, qui ne connoissent la bonne chère que par souvenir , et qui sont réduits à jeûner, lorqu’ils so Des Para res P ectent assez pour ne pas exercer sites. le honteux métier de parasite. Ce rôle n’avoitautrefois rien d’humiliant,parce qu’il se trouvoit à Paris beaucoup

des Gourmands. i3ï plus de dîners que de dîneurs ; mais aujourd’hui quec’est tout le contraire, l’homme ruiné qui conserve encore quelque délicatesse , aime mieux jeûner chez lui, que de s’exposer h des indigestions , honteuses , lorsqu’on, considère la plupart de ceux chez qui on les prend. Est-il séant d’ailleurs de fréquenter ceux qu’on méprise? et cette alliance des voleurs avec leurs dupes, et des bourreaux avec leurs victimes, convient-elle à celui qui conserve encore, au sein de la misère, des sentimens honnêtes, et auquel la Révolution n’a pu ravir tout h la fois sa fierté et sa fortune ? Quoiqu’il en soit, tous les êtres dont l’existence viendra se terminer a notre broche, ou sur nos fourneaux , profitent de l’espèce de relâche , que l’emploi du temps des grands consommateurs leur donne dans ce mois , pour s’engraisser à l’snvi et nous préparer de solides et succulentes jouissances. Ce n’est pas que les hôtes des forêts et des plaines soient fort en repos. C’est l’ouverture de la saison des chasses ; et Dieu sait si les lapins, les lièvres et les perdrix, n’ont pas

Du Merlan.

13 a Almanach besoin de toutes les ressources de leur esprit pour échapper au fusil meurtrier du chasseur! Le bœuf commence à nous fairo jouir dans ce mois de l’embonpoint qu’il a passé tout l’été à acquérir, et qui fera nos délices pendant l’hiver } le mouton est aussi plus succulent ; le ve.iu , moins délicat qu’au printemps, u est cpendan t pas à déda igner. La marée commence aussi à rie plus redouter les chaleurs , et les merlans à défiler pourserendresur nos tables. Ce poisson délicat , et en général peu cher , surtout dans le moyen , est d’une grande ressource à Paris pendant six mois de l’année. La manière la plus usitée de le servir, c’est frit , d’une belle couleur dorée , et saupoudré de sel blanc. Lorsque cette friture est bien croquante , ce qui dépend presque toujours de sou degré de chaleur , le merlau ainsi servi forme un rôti , en maigre , ou un relevé de rôt en gras, qui n’est asssu- rément pas sans mérite. Mais ses préparations sont loin de Se borner à la poêle. On le sert en entrées de diverses manières , toutes plus apéritives les unes

des Gourmands. i33 unes que les autres , car ce poisson , naturellement très-doux, a besoin d’être relevé. On peut donc l’apprêter avec confiance à la bourgeoise , à la romaine , en miroton ; on en fait des pâtés-chauds, des tourtes savantes et ses filets se servent en ragoût , en salade, frits, à la sauceàRobert, etc. On en fait aussi d’excellentes quenelles. Le merlan est la première nourriture animale qu’on permet au convalescent ; sa chair tendre et délicate est un des mets les plus sains pour les estomacs débiles , surtout lorsqu’il n’entre pas beaucoup de beurre dans son assaisonnement. Le merlan convient donc 1 tous oeux que leurs occupations condamnent à mener une vie sédentaire; et, sous ce rapport, c’est l’un des meilleurs et des plus discrets amis des gens de lettres. Si dans la crainte de donner trop d’étendue à cet ouvrage , nous n’en avions pas rigoureusement exclu tout ce qui a rapport au dessert, et si même nous ne nous étions pas imposé sur les fruits un silence absolu , c’eût été ici le lieu de placer les pommes , ce a ui nous auroit conduit naturellement 8

Des Pommes

Des Crèmes et Pâtisseries.

i34 Almanach à frire avec elles en beignets , ou à figurer en charlottes. Ces deux plats que nous ne nommons à regret qu’en passant, sont parmi les entremets sucrés , d’une considération majeure. Nous en pourrions dire autant de toute espèce de crèmes, et de pâtisseries, sources inépuisables de friandises, sans sortir seulement de l’entremets. Maiscet Almanachseroitdevenu aussi épais que celui de la Nation ( qui compte cette année 810 pages, et près du double de fautes ), si nous avions vouluentrerdanslacarrièresucrée. Le titre que nous lui avons donné,motive au reste notre silence. Le véritable Gourmand dédaigne ces bagatelles; il ne s’y arrête au moins que très-légèrement , et les abandonne de bon coeur aux dames. Pour peu que le dîner soit, comme il doit être, sa réfection est prise après le rôti. Les entremets solides ne sont même pour lui qu’un amusement,et les autres une superfluité : quant au dessert, il n’y prise guères que le fromage et les marrons qui, en leur qualité d’altérans, lui servent de véhicule pour apprécier tout le mérite d’une cave, Il se parfume

i35

des Gourmands. ensuite la bouche avec le café, et se la rince avec les liqueurs , sauf à recommencer au bout de 24 heures, car le Gourmand,digue de ce nom,n’a j amais fait qu’un seul repas. Hélas ! notre nature est si fragde, qu’il faut, dans bien des genres, se borner à l’unité , si l’on veut prolonger la saison de ses jouissances. NOVEMBRE. Les campagnes se dépeuplent; les He la Saint- vents, les pluies et les gelées qui com- mencent, et les feuilles qui tombent, ramènent insensiblement tout le monde à la ville , et dès la S. Martin , tout ce qui appartient à la classe respectable desGourmands s’y trouve réuni.' Cette fête est vraiment celle de la bonne-chère. C’est le patron des festins , et le Saint le plus généralement invoqué par tous les hommes de bon appétit. Nous ignorons si ce célèbre évêque de Tours , étoit de son vivant un mangeur distingué ; mais ce que nous savons positivement , c’est que l’anniversaire de sa mort est la cause , l’origine cl le témoin d’un grand nombre d'indigestions. Catholiques, Lu- 8 *

j 36 Almanach thériens , Calvinistes, Quakers, Ana- batistes, Anglicans, Presbyte'riens , Grecs schismatiques ou unis , toutes les sectes chrétiennes tant divisées sur tous les points de'leur croyance, se réunissent pour fêter S.-Martin. De tous les bienheureux habitans du ciel, c’est celui dont le culte est le plus universellement répandu. 11 n’y apas jusqu’aux incrédules, et même jusqu’aux philosophes , qui n’aycnt pour lui la plus grande véuération. Ces derniers même , en leur qualité de Gourmands du premier ordre, ont plus de foi eu scs reliques que tous les autres. Grand Saint-Martin! patron delà Halle, mais surtout de la Vallée, qui ne sent son appétit se réveiller à votre approche? Quoique votre fêle ne soit point précédée, comme tant d’autres moins solennelles d’un vigile et jeûne, combien de gens jeûnent pendant trois jours pour la mieux célébrer ! C’est pour les hommes bien portansla saison de l’émétique et des clystères. Chacun s’empresse à l’euvi de récurer son estomac , pour lui faire prendre de nouvelles forces ; et la veille de votre fête est vraiment celle des apothicaires.

r des Gourmands. i3 7 De leur côté les cuisiniers récurent leurs chaudrons, grattent leurs marmites , ratissent leurs broches , éclaircissent leurs grils , et font étamer leurs casseroles ; et comme à la veille des jours solemnels, l’on pare à qui mieux mieux les autels, le jour qui précède la S.-Martin, on balaye les fourneaux, on ramone les cheminées, et la cuisine prend l’aspect d’un boudoir. Tant de préparatifs ne seront pas ses Dindes perdus: à peine tout est-il convena- et Dindons, blement disposé qu’une dinde arrive tout à point pour être embrochée. Ce volatile est l’oiseau de Saint-Martin comme le bœuf est celui de Saint-Luc j et qui oscroit sans lui sacrifier au saint du jour ? C’est le rôti obligé du 11 novembre ; aussi le feu est-il à la * 'V’alléetdepuisles cuisinières jusqu’aux académiciens, tout le monde s’y bat pour avoir un dindon ; et la concurrence en faisant hausser le prix , on les paye alors plus cher qu’un faisau doré. Quiconque aime les dindons ( et qui ne les aime pas dans le monde ? ) ne sauroit haïr les jésuites, car c’est dit-on à ces bons pères ( qui cepen-

3 38 Almanach dant n’éloierit pas dindes ) que nous devons l’introduction de cet oiseau en France , où il n’a pas tardé à s’acclimater au point qu’il y est maintenant indigène. Lesuns le font originaire de l’Inde, les autres de la Numidie , eh! qu’importe d’où il vienne, pourvu qu’il soit tendre? C’est en 1570 , aux noces de Charles IX, que les premiers ont paru ici, et l’accueil qu’ils y ont reçu en a bientôt multiplié l’espece. L’art de les élever , celui de les engraisser , sont devenus bientôt des arts utiles et précieux au monde , et ce n’a pas été sans peine qu’on est venu à bout de les naturaliser français. Leur éducation est même encore beaucoup plus pénible que celle de tous les autres kabitan3 de la basse-cour. Leur enfance délicate redoute également le froid et l’humidité de notre climat nébuleux. Mais une fois sauvés das dangers de ce premier âge , ils prospèrent à vue d’œil , et leur extrême gloutouuerie les rend assez faciles à s’engraisser , et seconde merveilleusement les vues qu’on a sur eux. Ils se prêtent à merveille aux désirs de l’homme } et acquièrent en peu d®

des Gourmands. 139 mois l’emboupoint necessaire au but de leurs instituteurs. Les meilleures dindes a Paris nous arrivent du Gâtinois et de l’Orléanois, où il s’en faitum très-grand commerce. Ces dernières sont connues à la Vallée sous le nornde mangeuses de pommes. Après avoir vérifié qu’elles sont jeunes et tendres , le premier soin est de s’assurer qu’elles ne sont point amères. Ge secret n’est pas des plus propres à indiquer , mais comme il est très-bon à connoître , on nous pardonnera son inconvenance en faveur de son utilité. Les dames voudront donc bien ne pas s’effaroucher,si nous disons qu’il consiste à introduire l’index dans l’anus de l’animal, et à le sucer ensuite avec une forte aspiration. Ce moyen est immanquable. Toutes ces vérifications étant faites ( nous ne parlons pas de celle de la saignée, commune à toutes les espèces de volailles, depuis le pigeon jusqu’à l’outarde ), il est néessaire de mettre la diude à sou point; mais comme il est beaucoup plus difficile de mortifier un sot qu’un homme d’esprit, e’est l’affaire d’un certain nombre de

140 Almanach jours, selon la température de l’atmosphère. Il est question seulement de s'arranger de manière que cette mortification soit coraplette le jour même de la fête du grand Saint-Martin. Il ne s’agit plus alors que de vider , flamber , trousser , et embrocher la bête , convenablement bardée, et enveloppée d’un papier blanc. Ceseroit lui faire un affront que de la piquer ; cette cérémonie ne convient qu’aux dindonneaux. Du peu avant son entière cuisson , vous la déshabillez de son enveloppe, pour lui faire prendre une belle couleur ; vous la dressez sur le plus beau plat qno renferme le buffet, et vous la servez aux acclamations réitérées des convives. Ces acclamations seront bien plus vives et plus sincères encore, si cette dinde est farcie d’un demi-cent de marrons de Lyon , et d’une dou- zaiue de petites saucisses de Nancy. Elles iront jusqu’au transport, si l’on y ajoute une ou deux livres d’excellentes truffes du Périgord. Mais il est rare que les bonnes soient arrivées à Paris à cette époque. Il y en a cependant des exemples.

/

des Gourmands. 141 Telle est dans tonte sa pompe une jeune dinde à la broche. C’est, selon nous, le premier des rôtis adés : si ce n’est pasleplusfin , c’est celui qui convient le mieux dans les réunions nombreuses, et ce n’est pas le jour do St.-iWartin seulement qu’011 vmtbeau- coupde geus d’esprit rassemblés avec respect autour d’un opulent dindon. Ma fille, serrez les cuisses ; tel est le premiermotqu’unemère de famùlo dità l’aînée de ses demoiselles., des quo la dinde est disséquée ; et les cuisses aussitôt de voler de la table dan» le buffet, pour reparoître le lendemain, soit en retnouiade , soit aux oignons , soità lasauce à Robert.Dans les tables opulentes personne ne serre les cm. ses, on les mange ; mais cependant il est d’usage qu’avant de les diviser , celui quidécoupeen ait recul’ordre réitéré du maître de la maison. Les convives ne manquent pas par politesse de faire mine de s’y opposer; maisau fond de leur âme , ils sont bien aises que,là ainsi qu’ailleurs,on neserre pas toujours les cuisses. La dinde n’a pas été flambée , que déjà sa dépouille, sous le nom d’a-

ï4 a Almanach bâtis , qui comprennent lesailerons , les pattes , la tête , le cou , le ge'sier , le cœur , le foie, etc. est devenue le principe d'une entrée qu’on diversifie d’un grand nombre de manières. Car on mange ces abatis aux navets, à la purée de lentilles , en fricassée , au blanc , au roux, etc. etc. Mais les ailerons seuls(et alorsden fautréunir aumoins quatre à cinq paires ) fournissent d’autres entrées plus délicate» et plus savantes. Ainsi ou le» apprête tantôt à la Sainte-Menehoult, à l’espagnole , a la d’Estrées ; tantôt à l’essence , aux navets , aux écrevisses , aux huîtres , aux petits pois , au parmesan, en fricassée de poulets ; tantôt on les sert frits , au blanc, au four, aux petits oignons , etc. et de toutes façons , c’est un plat distingué quoique peu nutritif. Les conva- lescens peuvent se les permettre bouillis à la croque-au-sel, ou même aux nouilles , saus le moindre inconvénient , car c’est le biscuit de la cuisine. Les dindes ont tantde méritepar elles-mêmes , qu’elles se prêtent complaisamment à toute espèce de méta-

des Gourmands. 143 morphoses, sans crainte de compromettre leur réputation. Ainsi, sans nous écarter de la broche, nous dirons qu’on les sert de cette manièreà la cardinale,farcies de foies gras,etc.etc., et c’est un moyen aussi sûr qu’agréable de varier ce rôti. Le dindon , qui n’est autre dans les bonnes maisons , qu’un jeune dinde bien gras et bien en chair, se sert à la princesse , à la provençale,' aux anchois _, aux concombres , b l’essence , aux oignons , aux huîtres , farci aux fines herbes , piqué de jambon à l’échalotte , passé à l’estragon, mariné , en filets , en salmi, en pâté froid lardé de truffes , etc. Les honneurs de la daube sont réservés aux dindes douairières ; ce n’est guères qu’ainsi qu’on les admet sur nos tables ; tant on est injuste envers le beau sexe , dès qu’il n’est plus dans l’âge de la jeunesse. On n’a presque jamais de mémoire pour les plaisirs passés, et c’est ainsi qu’on se dispense trop souvent de la reconnoissance. Les pieds de dindon se mangent à la Sainte-Menehoult ; on peut aussi les tremper dans une pâte à frire, les

144 Almanach noyer dans une Ste.-Menehoult bien liée, les paner , les griller et les servir à sec ; mais de toutes maniérés ce ne sera ; amais que de gros cure-dents.On. dit au reste que ce, pattes font dormir; mais l’on dort fortbien sans cela dans la compagnie des dindons. La cbair des dindes et des dindons, je.unes et tendres, gras et potelés, est un aliment de facile et d’agréable digestion, et non moins sain que nutritif, telle chose qu’onen ait pu dire; car ils ont été calomniés presqu’au- tantquc s’ilsétoientdcs gensd’esprit. Mais dans un âge avancé, cette même chair devient sèche , duriuscule ,poui ne pas dire dure , et même quelquefois coriace. C’est alors seulement que le estomacs délicats feront prudemmen de s’en abstenir. Ce serait nous répéter que de rap peler tout ce qui constitue la bonn chère dans le mois de novembre. Oi peut consulter janvier, ce sont à-peu près les mêmes productions animales mais nous devons avertir les friand amateurs que c’est en novembre qui les harengs frais arrivent à Paris, et qu’ils sont les meilleurs ; car, pass

des Gourmands. 145 le premier décembre , c’est en vain qu’on y cliercheroitdes laitances,qui, comme l’on sait, sont la partie la plus noble et la plus délicate du hareng, et même la seule qui lui serve de passeport pour être admis sur les tables somptueuses. Le hareng, qui se pêche en grande Des Ila- quantité, tant au printemps qu’àl’au- rengs. tourne, sur lescôtes de la Normandie etde la Bretague , se divise en frais , salé , et saur ou sauret; mais nous ne nous occuperons ici que du premier, le seul véritablement bon et sain. La manière la plus ordinaire de le servir , c’est cuit sur le gril, accompagné d’une sauce au beurre , aiguisé de moutarde fiue de Maille , ou de moutarde de santé et odorifèro deBordin. Mais il est essentiel d’observer que ce poisson ne demande qu’à voir le feu pour être cuit. Ce seroit vraiment le désobliger et surtout le dessécher que de l’y laisser pendant tout un Pater : un Ave lui suffit. Vous pourrez aussi le manger eu matelotte, habillé proprement; mais de tontes manières ce ne sera jamais qu’un hors-d’œuvre. Le hareng n’a point la prétention de s’é- 9

Des Mate- ^ottes.

I4& Almanach lever à la hauteur d’une entrée. St vous voulez absolument en servir de salés , il faut les faire dessaler dans du lait. Mais n’est-ce pas offenserDieu que d’employer le lait à cet usage î Passe encore s’il s’agissoit de morue. Le hareng frais est un aliment léger, savoureux , facile à digérer , et qui convient à tout le monde. C’est tout Je contraire s’il s’agit du liareng-salé, qu’il faut fuir comme un poison ; tant un peu de sel de plus ou detnoins sur une tête , peut changer dénature les personnes et les choses ! DÉCEMBRE. Nous n’avons rien dit des rnate- lottesau mois de Mars, quoiqu’on en mange presque toujours une à la mi- carêuie , pour nous donner le plaisir d’en parler aujourd’hui. Elles ne sont pas moins bonnes dans l’Avent que dans le Carême , et comme la saison est toujours plus belle à Paris à la fin de l’automne qu’au commencement du printemps, beaucoup de personnes choisissent le mois de décembre pour faire leurs stations à la Râpée ou au

des Gourmands.

  • 4 7

Gros - Caillou. Elles sont bien aises d’ailleurs de remettre leurestoinacdes fatigues de la S.-Martin , et de le préparer aux travaux de la nuit de No'cl. Une matelotte de la Râpée est ce que l’on peut manger de plus appétissant et de meilleur en fait de poisson d’eau douce. Le cuisinier le plus habile , le plus profond dans son art, le mieux et le plus abondamment pourvu de toutes les provisions de luxe, inhérentes h une cuisine somptueuse , n’atteindra jamais à l’excellence de ces sortes de matelottes , et malgré toutson savoir,il pâlitdevant la Râpée. Nous ne chercherons point à approfondir les causes de cette singularité , très-rcelle , et très - indépendante du plaisir de faire une partie loin de chez soi, et de l’appétit qu’on gagne en se rendantà ces guinguettes. Nous avons analysé avec beaucoup de soin les matelottes faites à la Râpée ( très-supérieures maintenant à celles du Gros- Caillou,qui n’est plus guères fréquenté aujourd’hui que par le peuple ou tout au plus par les bourgeois de l’île des Cygnes ); uqus les aYQtu comparées ayeç

)

ïe»

148 Almanach Je même ragoût, confectionné dans Jes maisons de Paris les plus renommées autrefois par l’cxcelleucede leur table , et nous avons toujours trouvé les premières infiniment supérieures. Il en est de cela comme des fricassées de poulets, toujours plus appétissantes dans les cabarets que dans les Lôtels. Ainsi , si vous voulez voir une matelottedans toute sa succulence et dans toute sa gloire, faite dans tous les principes de l’art, et combinée de sorte queplusvous en mangez et plus votre appétit s’augmente , allez à la Rapce : autrement elle vous coûtera beaucoup plus cher , et lui sera toujours fort inférieure Cependant la confection d’une matelotte n’est pas plus un secret à la Râpée qu’ai Heurs , et les cuisiniers de M. Guichard et de Madame veuve Re- nat opèrent devant tout le monde. Là, comme au centre de Paris, une matelotte se compose d’un barbillon, d’une carpe, d’une anguille, et do huit ou dix écrevisses entières, sans être blanchies, et dont on n’ôte que les pattes. Là, comme ailleurs , on coupe ce poisson, tout yiirant, par

des Gourmands. 149 tronçons, 011 y ajoute de petits oi- gnous blanc*, blanchis et cuits à moitié, et des champignons en dés; là, comme chez vous, 011 fait un petit roux avec de la farine et du beurre mêlés de bon bouillon ( avec cette différence que ce h» une est certainement moins frais) , ou y met le poisson . vécun bouquetgarni, vin rouge, sel, poivre, et les autres ingrédiens ci-dessus prescrits ; enfin on fait cuire le tout à très-grand feu , et on ajoute, en servant, des croûtes frites. \ oilà tout ce qui compose une ma* telotte ordinaire. M. Guichard et madame Rcnat ne les font pas autrement. Pourquoi donc, nous ne cesserons de le demander , sont-elles chez eux si délicieuses , et partout ailleurs si médiocres ? C’est un problème dont nous abandonnons lu solution à la sagacité des Gourmands. S’il s’établit jamais à Paris un Institut national de cuisine, cette questiqn y sera sans doute proposée des premières , et l’objet d’un concours et d’un prix. Elle eu mérite mieux la peine que tant d’autres questions académiques beaucoup plus oiseuses et bien moins utiles.

— -

i5o Almanach La viande de boucherie, le gibier, le poisson, et la volaille ont en décembre le même degré de bonté que dans les deux mois suivans, et celui- ci n’appartient pas moins incontestablement à la bonne-chère que janvier et février. Mais comme c’est la fin do l’année , la saison des faillites, celle de la conclusion de beaucoup d’affaires , et que presque tou't le Inonde y est plus occupé de ses travaux que de ses plaisirs, les rassemblemcns nutritifs y sont beaucoup moins fré- qucns. On se dispose aux visites du jour de l’an, qui sout presque toujours des visites préparatoires, et dans lesquelles s’arrangent ces festins qui mettront les familles d’accord. Car il n’est plus permis de se bouder lorsqu’on a dîné ensemble; et la bonne harmonie, suite nécessaire d’un excellent festin , doit durer au moins six mois, Il en est de même de la re- connoissanee pour celui qui l’a donné; on doit s’interdire toute espèce de médisance sur sou compte pendant le même période. Cette retenue est même chez tous les Gourmands un devoir sacré.

des Gourmands. i5t Les légumes de décembre sont les Des Tau mêmes que ceux de janvier , mais mates \ cependant meilleurs, comme étant plus récens. Mais il est rare que les tomates, appelées par le vulgaire pommes d’amour, et par les savans lycopersicum, aillent au-delà de la St. -Thomas. Elles ont même cessé d’être bonnes dès le commencement de ce mois, ce qui nous fait un devoir de nous y arrêter un moment ici. Ce légume ou fruit , comme on voudra l’appeler , étoit presqu’en- tièreiuent inconnu à Paris, il y a quinze ans. C’est à l’inondation do gens du midi que la Révolution a conduits dans la capitale , où presque tous ont fait fortune, qu’on doit do l’y voir acclimaté. D’abord fort cher , il est ensui te devenu très-commu n , et dans l’année qui vient de finir, on lo voyoit à la Halle par grands paniers, tandis qu’il s'y vendoit auparavant par demi-douzaine. Quoi qu’il en soit, les tomates sont un grand bienfait pour une cuisine recherchée. On en fait d’excellentes sauces qui s’allient à toute espèce de

i52 Almanach i viande, même rôties ; mais qui sur tout conviennent admirablement au bouilli ; elles lui. tiennent lieu de moutarde , que le bon ton écarte de quelques tables avant l’hiver ( quoique la moutarde qui ne vient pas après dîner soit bonne en toute saison), et donnent aux plus médiocres un goût délicieux. On s’en sert comme coulis dans les potages an riz en gras , çt elles lui communiquent une saveur aigrelette extrêmement fine et apé- riLive. Mais ce n’est pas seulement aux fonctions d’auxiliaire que les pommes d’amour bornent leur service. On en fait un plat d’entremets délicieux : après avoir ôté les pépins on le bourre d’une farce savante , ou meme tout uniment d’une simple chair h saucisses dans laquelle on a mêlé nue gousse d’ail ( excipient nécessaire de la pomme d’amoYir ), persil, oiboules, estragon hachés ; ou met le tout cuire sur 3e gril , ou ce qui vaudroit mieux encore, dans une tourtière, sous un four de campagne, avec une bonne rediu- gotte de chapelure. L’expression d’un jus de citron ( au moment de servir.

des Gourmands. 15 3 dans la tourtière même ) couronne cet entremets, qui eu telle quantité qu'il soit servi, n’est jamais assez abondant. Comme ce mets est nouveau à Paris , la recette ne s’eu trouve dans aucun dispensaire y et nous croyons ajouter au me'rite de cet Almanach, et acquérir quelques droits a la recon- noissauoe de nos gourmands concitoyens en la consignant ici Nous ne connoissons même que cette manière d’accommoder les pommes d’amour, (manière commune aux aubergines autre légume languedocien assez rare dans la capitale); mais nous 11e doutons pas que ce joli petit truit, abandonné aux méditations profondes des hommes de l’art > ne devienne par la suite le principe d’un grand nombre de jouissances savantes et variées. Nous laissons aux érudits le soin Des p, de déterminer l’époque précis? à la veillons, quelle l’usage des Réveillons s’est introduit parmi les chrétiens ; et nous renfermaut dans notre objet, nous nous bornerons h observer que ce repas a cela de particulier et même d’unique , que ce n’est ni un déjeuner, ni un dîner, ni un goûter, ni un son-

ïî)4 Almanach per, ni une halte ; c’est un Réveillon, ce mot dit tout; aussi ne le fait-on qu’une fois par an , dans la nuit de Woel , c’est-à-dire, le a5 décembre entre i et 3 heures du matin. Tant que les Jacobins et le Directoire qui leur a succédé, ont régné en France, comme la Messe de minuit y étoit interdite , le Réveillon s’y trouvoit également proscrit, an graud regret des rôtisseurs et des charcutiers, qui n’ont pas été des derniers à se réjouir de la révolution du 18 Brumaire de l’an 8 , qui, en permettant à la religion de renaître, a, par une conséquence nécessaire,ressuscité tout d’un temps les Réveillons. Ce repas , qui mériteroit plutôt le nom de restaurant que celui de Réveillon (car il y a long-temps qu’on est levé, et l’on n’a pas ordinairement envie de dormir lorsqu’on le commence), a été imaginé pour réparer les forces des fidèles , épuisées par une séance de quatre heures à l’Eglise, et rafraîchir les gosiers fatigués à force d’avoir chanté les, louanges du Seigneur. Caria graud’niesse de minuit «st précédée des trois nocturnes de ma-

des Gourmands. i55 tiues, du TeDeum, et suivie de Laudes , ce qui compose une suite de treize psaumes,et de trois cantiques, sans compter les antieunes , les hymnes , les versets et les répons chantés à plein cœur, et à l’issue desquels on ne peut s’empêcher de bénir l’instituteur des Réveillons. Uue poularde an riz , à laquelle Des Pou- 11 est permis cependant d’être un cha- lardes auria pon , est le milieu obligé de ce repas nocturne , et y tient lieu du potage qui n’y paroît jamais. Quatre liors- d’œuvres, de saucisses brûlantes»d’an- douilles grassouillettes , de boudins blancs à la crème, et de boudins noirs bien dégraissés, lui servent d’acolytes. Le tout est relevé par une langue à l’écarlate, ou plu tôt fourrée,comme ou doit l’étre à la fin de décembre, qu’ac- compagncutsy métrique ment unedou- fcainc de pieds de cochon farcis aux truffes et aux pistaches, et un plat do côtelettes de porc-frais. Aux quatre coins de table sont deux pièces de petit four comme tourte et tartelettes, et deux entremets sucrés , tels que crème et charlotte. Neuf plats de dessert au plus terminent le Réveillon, et

3 56 Almanach ]es fidèles ainsi restaurés se retirent pour aller chanter dévotement la inessede l’aurore, précédée de prime , et suivie de tierce. On reyient ensuite chez soi faire un petit somme, afiu d’assister soit à jeun , soit après mi leger déjeuner, à la messe du jour accompagnée d’un sermon, et suivie de sexte. C’est ainsi que se passe, àParis, la matinée du jour de Noël. Ou voit que le cochou joue un tics grand rôle dans les Réveillons, puisqu’il fait presque à lui seul les honneurs des deux services. Cela n’a point été imaginé sans cause, et il est à présumer que les premiers chrétiens pour mieux se distinguer des juifs auxquels l’usage du porc étoit interdit par leur ancienneloijOut pensé qu’ils devoieut introduire sur leur table ce bienfaisant animal, qui n’a rien d’immonde pour nous, et qui estdevenu le principe de tant de jouissances nutritives, qu'il est sans exemple qu’un Gourmand ait abandonné la loi de J. C. pour celle de Moyse, de même qu’un ivrogue ne s’est jamais fait Turc. On voit que dans plus d’une occasion la gourmandise vient au secours de

des Gourmands. iS- la foi , et que même en morale elle est bonne à quelque chose. Les rues de Paris ofïreut la veille et la nuit de Noël un spectacle vraiment appétissant et digue d’être observé. Les boutiques des charcutiers sout illuminées comme des salles de bal. Les restaurateurs ont compagnie ; les rôtisseurs font tourner la broche; et presque tous les états qui tiennent à la bouche sont sur pied. La consommation alimentaire qui se fait alors est prodigieuse ; et comme tel jour que tombe la fête de Noël , on fait toujours gras, MM. les cochons ne cessentdaus aucun temps d’en faire les honneurs et de payer cette nuit-là, plus que jamais , de leur personne^

Nous venons de pareourir rapidement le cercle alimentaire de l’année; et si nous n’avons fait qu’effleurer la matière, c’est que d’une part le temps nous a manqué pour l’approfondir davantage , et que de l’autre nous avons été bien aises de sonder le goût du publie dans ce premier essai, afin de pouvoir une autre année le satisfaire plus amplement. g ***

J

De îa Nuit de Noël. *

t

15 8 Almanach Nous allons maintenant, ainsi que nous l’avons promis , faire une petite promenade dans la capitale , accompagnés d’un Gourmand d’une expérience et d’une érudition reconnues, et qui ne manquera pas de nous faire faire à tous les bons endroits des stations apéritiyes, consolantes, et nutritives.

Fin du Calendrier nutritif.

des Gourmands. 15 g

ITINÉRAIRE NUTRITIF, O U PROMENADE DÏÏH GOURMAND DANS DIVERS QUARTIERS DE PARIS.

Si Paris, devenu depuis long-temps la capitale de l’Europe , est la ville du monde la plus fréquentée par les étrangers, il le doit peut-être autant à la bonté de ses comestibles , qu’à ses monumens, à ses Arts , et à l’antique urbanité de ses habitans. C’est incontestablement le lieu de l’univers où l’on fait la meilleure chère, et le seul en possession de fournir d’ex- cellens cuisiniers à toutes les nations policées du monde. Quoique Paris par lui-même ne produise rien , car il n’y croît pas un grain de blé , il n’y naît pas un agneau, il ne s’y récolte pas un chou-fleur , c’est »n centre où tout vient aboutir de tous les coins

du globe, parce que c’est le lien où

Consommation de Taris.

160 Almanach l’on apprécie Je mieux les qualités respectives de tout ce qui sert à la nourriture de l’homme. Le tribut journalier de tous les empires du monde y entretient l’abondance et en bannit même jusqu’à un certain point la cherté $ car si Paris est le lieu où l’on fait la chère la plus exquise , il faut convenirque c’est aussi celui où, proportion gardée, l’on vit à meilleur compte. Un excellent repas s'y obtient bien plus aisément, et il y coûte beaucoup moins que partout ailleurs. La prodigieuse consommation nutritive qui se fait à Paris , même eû égard à sa population , qui est moins forte que celle de Londres , fait que toutes les routes qui y aboutissent, ( et qui depuis l’établissement de la taxe d’entretien sont devenues impraticables) , sont couvertes de voilures chargées de comestibles de toute espèce, et d’innombrables troupeaux d’animaux de tous les genres qui viennent s’engloutir dans ce gouffre dévorateur. Quelques-uns, mais en petit nombre , en sortent manufacturés ; mais en général presque tous s’y consomment, et pour quelques centaines de pâtés de

des Gourmands. 161 jambon, etc., qui s’expédient de Paris, il y en entre des milliers , soit de foies gras, soit de perdrix, soit de canards , soit d’alouettes, soit de thon , soit de rougets, soit de veau de rivière , soit de poulardes, etc., qui n’en ressortent jamais. L’appétit des Parisiens est insatiable , et la plus aimable galanterie que lesProvinciaux puissent leur faire , c’est sans contredit une bourriche dont le port est acquitté. De cet aperçu il résulte que l’industrie des Parisiens a du se tourner principalement vers tout ce qui tient à la bonne-chère. Aussi n’est- il aucune ville dans le monde où les marchands et les fàbricans de comestibles soient aussi multipliés. Vous y comptez cent restaurateurs pour un libraire , et mille pâtissiers pour un ingénieur en instrumens de mathématiques. Mais c’est depuis quelques années surtout que les états de bouche ont pris à Paris un accroissement et même un éclat qu'on n’y connoissoit point auparavant. Nos ancêtres ne man- geoient que pour vivre, leurs des- cendans semblent ne vivre que pour

162 Almanach manger. L’emploi de toutes les nouvelles fortunes s’est tourné vers les jouissances animales les plus réelles et les plus solides ; et les écus de nos millionnaires aboutissent presque tous à la Halle. Heure II ne nous appartient point de louer des Repas. 0 u de blâmer cette nouvelle façon de vivre. Si la conversation y perd quelque chose , la table en revanche y gagne beaucoup. On ne fait plus il est vrai qu’un repas en règle , qui commence vers six heures et qui se prolonge jusqu’à neuf. Mais ce repas est précédé de deux déjeûners , dont le second, dit à la fourchette, est d’une respectable solidité ; et dans beaucoup de maisons de la Nouvelle-France, il est suivi d’une collation en ambigu, qui, pour ne commencer qu’à deux heures du matin , n’en est pas moins nutritive. On conviendra qu’il faut des estomacs à l’épreuve de la bombe, pour supporter un tel genre de vie. Aussi nos petites-maîtresses à vapeurs ont-elles disparu avec lancien régime; et les beautés robustes du jour, tiennent tête aux mangeurs les plus vigoureux, et déjeunent avec des ailes

y

des Gourmands. i63 de poularde et des tranches de jambon , aussi lestement que leurs devancières avec du thé ou de l’eau de tilleul. De cet ordre dè choses qui fait que toutes les pensées se dirigent vers restomac , et que le désir d’avoir une bonne table est le mobile de toutes les ambitions parisiennes, il a dû naître nécessairement un nouvel art. Celui du cuisinier n’étoit autrefois qu’un simple métier : concentrés dans un petit nombre de maisons opulentes, soit de la Cour,soit de la Finance, soit de la Robe, ils y exer— çoient obscurément leurs talens utiles; et le nombre de leurs bons juges étoit assez circonscrit. La Révolution, en ruinant tous ces anciens propriétaires, a mis tous les bons cuisiniers 1 Origint sur le pavé. Dès-lors , pour utiliser j^esta^ra- leurs talens,ils se sont faits marchands teurs. de bonne-chère sous le nom de Restaurateurs. On n’en comptoit pas ioo avant 1789. H .y en a peut-être aujourd’hui cinq fois autant. C’est ainsi que se sont successivement établis les Meot , les Robert , les Roze , les Very , les Léda , les Brigault , le»

ïfiq Almanach

Legacqtie, lesBeauvilliers,lesNaudet, lesEdon, etc., autrefois marmitons obscurs , aujourd’hui presque millionnaires. Cette révolution dans la cuisine, et la fortune de ces restaurateurs habiles tient encore à deux autres causes : la manie de l’imitation des mœurs anglaises (car les Anglais, comme l’on sait, mangent presque toujours k la taverne ), et celte subite inondation de législateurs sans domicile, qui, finissant par donner le Ion,ont entraîné par leuroxemple tous lesParisiens aucoba- fet. Ajoutons que la plupart des nouveaux riches rougissant de leur subite opulence , et voulant la cacher , n’o- Soienl d'abord point tenir de maison, ni afficher un luxe de table qui auroit pu les trahir. Ces champignons révolutionnaires ont donc été 1 une des principales causes du rétablissemcnlde la fortune des grands cuisiniers sans place de 1 ancien régime. Le goût de la bonne-chère s'étant successivement accru et répandu dans toutes les classes, et tel qui ne vivoit autrefois que de fromage, se nourrissant aujourd’hui de truffes et d’ortolans , les marchands de comestibles se

'f-V

des Gourmands. i65 «ont multiplies dans la proportion dudé- veloppemenl de ces nouveaux appétits. On ne citoit guères autrefois dans cetto partie que l’hôtel des Américains (qui a traversé glorieusement tous les orages de là Révolution, et qui est même aujourd’hui l'un des meilleurs entrepôts de victuailles ) , l’on seroit peut- être assez embarrassé s’il falloit les compter tous à-présent. Sur dix boutiques nouvelles qui s’ouvrent, il y en a trois pour la parure et quatre pour la gourmandise. L’on voit par ces détails, auxquels nous pourrions donner beaucoup plus d’étendue, qu’un Voyage nutritif dans Paris qui n’eût été presque rien autrefois , devient aujourd’hui presqu’aussi •long à faire qu’un Voyage autour, du inonde. Les marchands renchérissant Etalage!» > p * l 1 m 1 T\Tnf riti le : a 1 envi 1 un sur I autre pour donner la plus grande extension au luxe des étalages, absolument inconnu autrefois. Au-lieu de ces énormes vases d’étain , qui obstruoient la boutique des pâtissiers , on y voit des montres vraiment appétissantes par les objets quelles renferment, et plus élégantes même que celles des bijoutiers de

i66 Almanach l’ancien temps. Avant la Révolution l’on n’avoit pas imaginé de mettre ainsi les pâtés et les brioches sous verre. On ne voit plus , à la porte des charcutiers ces lampes de cuivre flamboyantes qui éclairoient toute une rue ; mais à travers les carreaux de leurs châssis dorés, on distingue des pyramides de saucisses , de boudins, et d’an- douilles tout-à-fait appétissantes ; sans compter des chapelets de cervelas , de toutes grosseurs , dont plusieurs même figurent indécemment d’énormes phallus, et des pièces de lard , qui descendent jusques sur le pavé , et qui sont disposées de manière à graisser l’habit de tous les passans. Les restaurateurs ne le cèdent ni aux hommes de pâte, ni à ceux de cochon , dans l’art de disposer avec adresse ces tentateurs étalages. Des filets de bœuf, des lièvres , des perdreaux, tous piqués et prêts à être embrochés , semblent avoir été négligemment oubliés sur leurs fenêtres, mais n’y sont pas mis sans préméditation, Qu’on se figure un malheureux rentier qui n’a pas un écu dans sa poche , et dont 4 chaque coin de rue les yeux

des Gourmands. 167 sont attirés et fixés par de tels objets , et l’on se persuadera aisément qu’il faut à ce nouveau Tantale une vertu presque surnaturelle, pour rester alors imperturbablement fidèle au dixième commandement de Dieu. Il ne faut cependant point trop rigoureusement blâmer ces étalages , car c’est à eux que la plupart de ces marchands doivent leurs pratiques. Il est difficile de résister à la tentation , lorsqu’on a les moyens de la satisfaire, et beaucoup plus de Gourmands qu’on ne le croit , établissent leur 6alle à manger de chaque jour daprès le plus ou moins d apparence de ces enseignes. Nous devons cependant aux très-fameux restaurateurs la justice de dire , que , regardant de tels moyens comme au-dessous d’eux , ils ne se permettent jamais de les employer; il est vrai que cela seroit difficile pour ceux qui occupant de vastes hôtels ne sont pas en boutique. Mais jamais on 11’a vu les Meot, les Roze, lesLéda, les Robert, le» Legacque et les Yery tendre aux passans affamés de pareils filets. Les pratiques de ces messieurs sont presque tous des habi-

X 68 Almanach tués, et ils ne reçoivent pas indifféremment tout le monde. - Ces considérations générales expliquent la métamorphose qui s’est opérée dans les rues de Paris depuis douze ans , et qui en a tellement changé l’aspect, que pour un homme absent de cette capitale depuis 1789, elles offrent une ville absotumentnouvelle... Mais il est temps de la parcourir cette ville gourmande, et nous voyons d’ici plus d’un lecteur s’élever contre celte longue préface qui n’excite ni 11e satisfait son impatient appétit. Ce sera dans la compagnie d’un Gourmand renforcé et vraiment digne de ce nom , que n’obtient pas qui veut , que nous allons faire ce petit Voyage. Son odorat subtil guidera notre inexpérience , et nous ne doutons pas que le fumet de tous les bons morceaux que nous allons passer en revue, ne l’avertisse de s’arrêter à tous les bons endroits. Vor ” Parlant donc de la Porte Sto-Honoré, dam ails, et remontant la rue de ce nom, nous ferons une courte station , au coin de JJJù lferly. la place Vendôme , chez M. Berly , tout-a-ia-fois restaurateur et limonadier;

des Gourmands. 169 dier, qui a joui d’une grande réputation , et qui vit encore sur elle. Ses montres sont apérilives ; son local, l’un des plus beaux de Paris ; sa bourgeoise , qui maintenant voyage, élégante et jolie; mais sa salle nous paroît un peu déserte. En général nous n’aillions pas que I on cumule deux professions trop différéntes dans leurs moyens et dans leurs résultats, pour qu’elles ne se nuisent, pas réciproquement , et doit une seule, exercée avec éclat, suffit pour immortaliser un artiste. Entrons aux Tuileries, puisque nous voici près du passage étroit et jamais Iralayé des Feuillans ; et en suivant la terrasse de ce nom, nous admirerons le restaurant de JVI. Very, où l’acajou, les glaces, le marbre et les bronzes , se disputent la gloire d’attirer les amateurs, et méritent à ce local la réputation d’être le plus somptueux de Paris en ce genre. JNous ne doutons pas que 1 excellence de la cuisine ne réponde au faste du sallon , à l’éclat de la vaisselle , et ne justifie l’énormité des prix ; mais nous en serions plus sûrs encore , si nous y voyions des rassern- fclemens plus nombreux de consom- 10

M. Very.

170 Almanach mateurs journaliers. Le même M. Very a le privilège exclusif d’abreuver, de liqueurs fraîches , les promeneurs des Tuileries; et la tente qui est au bas de la terrasse, bien illuminée pendant tout l’été, est souvent remplie de monde; mais les buveurs de bière en sont exclus et sont rélegués dans sa cave. M. Le Gac- S’il est question de foule, c’est chez 1 ue- son voisin M.leGacque qu’il faut l’ai 1er chercher, car elle s’y porte sans cesse ; et cest peut-être, en ce moment, le restaurateur de Paris qui réunit le plus de riches et de solides amateurs. Scs salions n'ont rien de somptueux; mais il faut que sa cuisine soit excellente , ses vins exquis et ses prix modérés, pour lui procurer chaque jour une compagnie aussi nombreuse. Sortons de l’enceinte du palais du Gouvernement par la rue de l’Echelle, et après avoir admiré , en passant au coin des rues St.-Honoré et des Frondeurs , l’éclatante boutique do M. II, Odiot. Odiot, le premier orfèvre de Paris, et dont le génie , s’étudiant sans cesse à varier , de la manière la plus élégante , toutes les pièces du plus riche

des Gourmands. 171 buffet et rie la table la plus somptueuse, mérite , à ce titre , 1 hommage d’un Gourmand, arrêtons-nous au coin de la rue Ste.-Anne et de celle de l’An- glade, pour contempler la superbe viande de M. Simon, le boucher de Paris dont l’étalage annonce le plus beau choix de marchandises , surtout quant aux parfaits veaux , dont la blancheur est telle que les yeux ont quelque peine à en soutenir l’éclat. 11 est vrai , que lorsque l’on entre dans cet étal , on sait ce qu’y coule la viande • mais ce n’est pas cette considération qui arrête un riche Gour- mand.ll a, pour vis-à-vis, un rôtisseur dont l’étalage le dispute aux plus brillantes places de la Vallée. Traversant le marché des Quinze- Vingts , dans lequel nous ne nousarrê- terons point, parce que, ainsi que tous les marchés subsidiaires de Paris , il n’est qu’une superfétation de la Halle, nous reprendrons la rue Saint-Honoré, et nous nous asseycrons avec volupté dans la boutique du célèbre Rouget, vis-à-vis la place du palais Royal. M. Rouget a joui pendant vingt ans delà réputation bien méritée d'étre le

M. Simon.

M. Biennait

M. Rouget.

173 Almanach premier pâtissier de Paris, surtout dans la partie des entremets et du petit four j ce qui comprend les tourtes sucrées, les tartelettes, les gâteaux d'amandes, les darioles, et ces innombrables pâtisseries légères qui suivent tous les caprices delà mode. Ses biscuits éloient connus dans toute l’Europe, et nous savons de bonne part qu’il en a même été question chez l’empereur de la Chine , dont tout le regret ctoit de ne pouvoir les manger sortant du four. M. Rougeta depuis vendu sou fonds ; et ce n’est que depuis quelques années , qu’il s’est rétabli rue Saint- Honoré, à quelques toises de son successeur, dont la boutique est en ce moment vacante. Là, il n’épargne rien pour prouver qu’on ne perd pas toujours la partie lorsqu’on la quitte. Loin d’étre étranger aux progrès que l’art du four a faits pendant sa retraite, il paroît qu’il l’a mise à profit pour s’en mieux pénétrer. Sa boutique est donc encore l’une des meilleures et des plus friandes de Paris. On cite surtout ses galantines. Ha dam a Suivant toujours la rue Saint-Ho- Dubourj;. n0 ré, et après avoir admiré l’étalage

des Gourmands. lyZ de madame Dubourg, épicière, près îa rue de Valois , toujours très-bien fournie en denrées provençales, nous nous rendrons, sans nous arrêter, à l’hôtel des Américains, au-dessus de la rue de l’Oratoire. Nous en avons dit un mot plus haut, et celte maison jouit d’une si ancienne et si bonne renommée, qu’il nous suffira d’ajouter qu’elle la mérite toujours, tant pour la douceur de ses prix, que pour l’excellente qualité de ses marchandises. La liste en scroit trop longue; nous nous bornerons à dire que cet hôtel écréme tout ce que chaque ville de France produit dans tous les genres de plus fait pour piquer la sensualité. On ne peut faire ailleurs un cours plus complet de géographie nutritive. Quittons la rue Saint-Honoré, qui ne nous offriroit plus rien de digne de notre appétit, et revenant sur nos pas, entrons dans ce fameux Palais-Royal, où tous les sens de l’homme sont attaqués à la fois, par des tentateurs eE des tentatrices de toutes les espèces. . Parmi les nombreux marchands de comestibles qui tapissent ses galeries, *t qui s’_y multiplient chaque j.our.

Hôtel des Américains,

Palais- Royal,'

ly/j. Almanach nous en distinguerons seulement trois, M. Hyrment, M. Chevet, et M. Corcëllet. H.Hyrment Le premier, qui pour être le plus ancien , n’est pas celui qui fait aujourd’hui le plus d'affaires, a sa boutique au coin de la galerie neuve, derrière le théâtre de la République. Son étalage piramidal est assez séduisant; les pâtés de toute nature y sont entremêlés avec les liqueurs, les vinaigres et les moutardes de Maille. Les langues fourrées, les dindes farcies, les truffes cuites et crues , les homards et autres monstres marins, formentun ensemble d’autant plus agréable , que le local est vaste et bien éclairé. Nous n’en dirons pas autant du petit M. Chevet. trou 0 jj SCur q U ; ser t Je boutique à M. Chevet, au commencement de la galerie vitrée, qui ne l’est point encore à sa porte , ce qui fait qu’il fait chez lui si noir ; mais ce petit trou ne désemplit point d’acheteurs, alléchés par le fumet admirable des marchandises entassées dans cet étroit garde- manger. Des daims tout entiers pendent àsa porte, et lui servent d’enseigne. C’est là , surtout , que le gros

des Gourmands. 17 ,*i gibier se plaît de préférence; ce qui n’empêche pasaux superbes homards, aux belles écrevisses , aux harengs d’Hollande, auxsardinesfraîches, aux huîtres grasses et succulentes de Ma- renes, d’y montrer le petit bout de leur nez, pour y annoncer leur présence. Mais les Gourmands entendent à demi-mot, et ce petit bout suffit pourat tirer l’acheteur des quatre coins de la ville. On s’étouffe dans cette petite boutique, le maître ne saità qui répondre ; mais il ne se plaint point de tout l’embarras qu’on lui donne. Au contraire, il n’épargne rien pour entretenir par la haute qualité de ses marchandises, et la modération de ses prix, cette benigne et lucrative affluence. M. Corcellet peutse flatter d’avoir la plus belle boutique de comestibles, qui soit au Palais Royal, et meme dans Paris. Elle termine la galerie des Bons- Enfans, dont la colonnade sert en quel- que sorte de péristile à ce temple de Cornus. Toutes les faces en sont à jour , et c’est à travers de superbes carreaux de verre de Bohême, qu’on aperçoit rangés avec autant de goût

M. Corcellet

J y 6 Almanach que de symétrie , tout ce qui peut émouvoir lesdésirs de l’homme le plus blasé sur la bonne-chère. Chaque morceau élégamment étiqueté vous apprend son origine, en sorte qu'on peut se donner, à peu de frais, les airs d’un érudit en entrant dansce magasin; il suffit d’en étudier un moment les montres. Il faudroit un très-gros volume, pour énumérer seulement les genres de comestibles que renferme ce temple, et une encyclopédie toute entière, s il çn falloit décrire les espèces. Qu’on se contente de savoir, que c’est là que les pâtés de foies d’oies de Strasbourg, de foies de canards de Toulouse, de veau de rivière de Rouen, de mauviettes de Pithiviers, de poulardes et de guignardsdeCharlreSjde perdrix dePé- rigueux, etc., se rendent de préférence en arrivant à Paris. Ils s’y trouvent en pays de connoissance avec les terrines de Nérac, les mortadelles de Lyon, les saucissons d’Arles, les petites langues de Troies, et autres succulens compatriotes ; etilsne tarderont pas à lafaire avec le béeuf fumé d’Hambourg, si bon et si modeste ; quoique , venant

des Gourmands. 177 d’aussi loin , il lui fût permis de s’en faire accroire. Ce n’est pas seulement par la partie succulerfte etnutrilive, que brille M. Corcellet ; il ne dédaigne point les friandises, pour peu qu’elles arrivent de loin. Aussi l’excellent pain d’épice, les nonettes et les rousselets de Reims ; les prunes de roi d’Agen ; les gelées' de pommes de Rouen; les pâtes d’abricot de Clermont, le Cotignac de Mâcon et d’Orléans, etc., semblent servir chez lui de petites pièces aux grandes. C’est une farce aimable, qui vient àla suite d’une excellente tragédie ; ou pour parlerle langage delà profession,' un dessert délectable qui, succédant à un dîner solide, complelte celte brillante géographie. Arrachons-nous, quoiqu’avecpeine,' de cet admirable magasin qui, même; comme simple objet de curiosité, mérite d’être vu, et disons un mot des cafés du Palais Royal. Ils y sont tellement multipliés, que personne ne peut se flatter de les avoir fréquentés tous. On en voit à tous les étages ; au premier , au second , k' l’entre-sol, au rez-de-chaussée et

178 Almanach jusques dessous terre. Mais dans ces innombrables boutiques d eaux chaudes ou condensées, il y a untrès-grand choix à faire ; car les frais de loyer sont tels ici, qu’un limonadier qui ne réunit pas une grande affluence, ne peut s’y soutenir qu’en altérant ses préparations. Café deFoi. On oe comptoitjadis aupalais Royal que deux cafés, celui de Foi et le Ca- Café veau, et tous deux étoient excellens. du.Caveau. S’il faut en croire ceux qui u’ont point cessé de les fréquenter, tous deux soutiennent encore leur ancienne gloire, et occupent toujours le premier rang, qu’ils ne partagent qu avec celui de Café Valois et celui des Etrangers.renommé de Valois, principalement pour 1 excellence de Café des son café à leau. On prend chez M. ït.angers. tp or j ou j f ort Jj 0n chocolat, et l’on m. Tortoni. n 0US assure que le café Corazza n’a Gafe point déchu dans les mains de madame Corazza. j jeno i ri femme du meilleur ton, et l’une des plus belles limonadières de Paris. JjO reste ne raut pa» l’honneur d’etre nommé. Nous n’avons parlé des cafés avant les restaurateurs, que pour nous dé-

des Gourmands, 179 graisser un peu les dents en sortant de chez M. Corcellet. Ces restaurateurs sont aussi multipliés que les limonadiers, et peut-être davantage. M. Robert, l'un des plus anciens, et ci-devant M. Robert; cuisinier de M. l’archevêque d’Aix, passe encore pour le meilleur et le plus savant. On nomme après lui M. M. Yery. V ery , M. Naudet, et les frères Pro- M. Naudet. vençaux , renommés pour les ragoûts Frères à l’ail et leurs excellentesbrandades de t Proven- merluche. JNous ne connoissotis tous é aux - Cesmessieurs-là,qqé parla renommée; randades. mais le Gourmand qui nous accompagne, et qui les a fréquentés, nous assure que leur réputation est méritée, et qu’ils ne négligent rien pour la soutenir, ce que le grand nombre de consommateurs qu’ils réunissent chaque jour , achève de nous persuader. D irons - nous un mot du célèbre fabricant de gouffres à la flamande, M. ^ an - Van - Roosmalen , dit la Rose , qui laRos».’ depuis vingt ans ne cesse de les faire excellentes, et qui malgré la hausse successive de tous leurs principes constituans, a eu la délicatesse de ne point les augmenter de prix ni diminuer de Yolume? JËtdeTattrayant pâ-

ï8o Almanach \ JH. Carné, tissior M. Cnrné, dont l’étalage présente des pièces de petit four singulièrement tentantes? Gui, ne fut-ce que pour la satisfaction des jeunes demoiselles et des friands écoliers qui liront cet ouvrage. w. Berthel- Mais nous nous ferions un véritable lemot. scrupule de quitter le Palais Royal , sans entrer dans le magasin de M. Bertbellemot; C’est la plus belle boutique de confiseur qu’il y oit h Paris , à beaucoup d’égards la meilleure , et très-certainement la plus chère. Mais on ne regrette point chez lui son argent, parce que les yeux y jouissent autant 'quels palais. M. Berthellemot excelle, non seulement dans son art j mais il est, dans celui du dessin sucré et des inventions nouvelles , un fort irabile artiste. Enfin les'devises de ses bonbons, sont l’ouvrage des poètes les plus célèbres delà nouvelle France. Que peut-on désirer de plus chez un confiseur ? Sortons du Palais Royal par le passage toujours si fréquenté de l’ancien café de Foi, afin que tournant à droite dans la rue de Richelieu, nous puissions faire un petit doigt de cour à l’aimable , madame

des Gourmands. i8t madame Laban, la première crémière Md. Laban.; de Paris, dont toutes les préparations laiteuses, caseuses et butireuses, font la gloire des desserts et des Thés ; et, saluant en passantle fameux Léda, ros- M. Léda. taurateur célèbrede la rueNeuve-des- Petits-Champs, revenons vîte sur nos pas, pour admirer le magnifique étalage du charcutier Jean , vis-à- vis M. Jean» l’hôtel des Domaines, et qui est le déjeuners premier de Paris, pour les déjeuners à la lyon- àla lyonnoise ; puis nous traverserons noise, cet hôtel pour aller goûter chez M. Lemoine, rue Vivienne, cet onctueux chocolat broyé par des procédés nou- ^-Lemoine veaux , qui, joint à ses excellentes liqueurs, lui a fait une réputation solide et brillante. Ensuite , laissant à droite et à gauche deux bons restaurateurs, nous reprendrons en sortant du passage Feydeau la rue de Uichelieu , qui n’a pas moins d’un quart de lieue de longueur, et en enfilant la rue Grange- Batelière qui n’en est que la prolongation, nous ne ferons qu'entrer et sortir de l’hôtel de Choiseul, le plus riche Hôtel entrepôt des meubles les plus magni- Choiseul. fiques et les plus somptueux qu’il y ait M. à Paris ( ce qui ne fait rien aux Gour- Baudouin. 11

18a Almanach mouds), niais dans lequel ou trouve un assortiment com let de liqueurs dites des îles , qui ne sont pas moins bonnes que si elles en arrivoient en droiture et qu’elles'coâlassent 8 liv. au lieu de 4. 3Nous y dégusterons aussi d autres liqueurs indigènes, de premier choix, du marasquin des Dieux, d’excellens vins de liqueur tant nationaux qu é- trangers, et du chocolat d’Espagne, d’une qualitésupérieure, eldelamême cuite que celui dont S. M. C. déjeune tous li s matins Cet heureux mélange des bouteilles avec les pendules, et du chocolat avec les bronzes, est singulièrement commode pour les riches amateurs , qui trouvent en même temps ici leurs amenblemens et leur dessert, de riches décorations et d’excellens déjeuners. Feu M. Descendant le boulevart Italien, Roze. nous déplorerons, en passant devantla rue le Pelletier, la mort assez récente du célèbre Rozè , qui jouît long-temps de la réputation méritée d’être l’un dès meilleurs de nos plus fameux restaurateurs; et comme la douleur donne de l’appétit, nous nous arrêterons chez Wd. Hardy, madame Hardy, pour_y déjeûner avec

des Gourmands. i83 les meilleurs rognons de la capitale; et nous prendrons la plus haute idée de la prospérité de son café, en apprenant qu’elle a donné sans regret 20,000 fr. de pot de vin, pour s’en faire conserver le bail : puis après nous être parfumés la bouche avec l’excellent chocolat de M. Tortoni, presque aussi bon que celui du roi d'Espagne, nous remarquerons en passant dans la rue de Marivaux, près des Italiens, M. Dupont, pâtissier justement célèbre pour ses vol-au-vent et ses petits pâtés au jus à la dernière mode, et les meilleurs qu’on puisse manger. Puis passant rapidement devant Frascati où nous féliciterons M. Garchi, sur le luxe de son superbe palais, et sur la réputation de ses glaces, nous nous hâterons de gagner la rue Montmartre pour nous rapprocher de la Halle , ce centre immuable, duquel partent sans cesse, comme autant de rayons diver- gens dans tous les sens, tous les bons morceaux qui se mangent à Paris. Mais avant d’y arriver , ne dirons- nous rien de ce cher père de famille, de ce bon M. Rat , dont la très- Hiodeste boutique, située entre les 11 *

M. Tortoni. M. Dupont. M. Garclri.

M. Rat.

184 Almanach rues du Mail et des Fossés - Montmartre, est des plus appétissantes ; car il ne se borne point à tenir l’entrepôt des célèbres pâtés de canards d’Amiens, qui arrivent chez lui chaque jour de la semaine et à chaque heure du jour, sans pouvoir suffire à l’appétit des consommateurs; il fabrique , de ses propres mains, d’excellens pâtés froids de toute grandeur, voire même des pâtés chauds exécutés dans tous les principes de l’art. Tournant à droite dans la rue des Fossés-Montmartre, nous M Bouchon î etelons un cou P d’œil sur M. Bouchon , qui a quitté le faubourg Saint- Honoré , où il jouissoit d’une incontestable primatie , pour prendre ici le fonds ducélèbre Jaquel, dont les pâtés de Jambon rivalisoient, au temps pas- M. LeSage. cal , avec ceux de l’immortel le Sage, qui, retiré pendant long-temps du commerce , et ruiné par une confiance dans les assignats, qui fait plus l’éloge de sa bonté que de la leur, vient de se rétablir rue Montorgueil, près le passage du Saumon , où il continue d’exercer , avec succès , les talens auxquels il dut sa renommée.... des pâtés de jambon de Bayonne.

des Gourmands. i85 Puisque nous voici dans la rue Mon- torgueil, nous nous trouvons pris entre un parc et un rocher fameux, contre lesquels vient échouer, chaque jour, la bourse des friands amateurs d’huîtres vertes et blanches. Nous voulons parler du Hocher de Cancale et du Parc d’Etretat. C'est là qu’on mange à toute heure les meilleures huîtres de Paris. Il s’y en fait une consommation si prodigieuse , que bientôt leurs seules écaiiles, s’élevant au niveau des plus hautes maisons de celte rue, pourront devenir elles-mêmes de véritables rochers. Ces deux messieurs tiennent aussi chacun un restaurant , en sorte qu’on dîne fort bien et fort chèrement chez eux , tout en y mangeant des huîtres. Nouyaimerions, en retournant dans la rue Montmartre par la cour Man- dar, qui a pris le nom de rue, depuis la suppression de ses inutiles grilles, à nous arrêter chez M. de Launey, dont la boucherie fait face au corps- de-garde de la pointe Saint-Eustache. Nous y serions invités par la très- belle viande qui décore son étal, et

Roclier de Cancale. Parc d’Etretat.

M. de Launey.

Epiciers en gros.

ï3 6 Almanach par un phénomène qui meuble glorieusement son comptoir (1)5 mais comme l’on nous a assure que, depuis l’établissement des nouveaux poids , l’on ne trouve jamais son compte dans les pesées de celte boutique , nous nous en sommes écartés. 11 se peut, au reste, que ce 11e soit qu’une erreur; mais il est très-sûr, au-moins , que cette erreur ne se commet jamais qu’au préjudice des acheteurs. Lorsqu’on se trompe toujours ainsi , l’on est bien sûr de ne se ruiner jamais. Un aimant îles plus forts nous attire à la Halle; nous y résisterons un moment pour entrer dans la rue de la Grande-Truanderie,où se tiennent les plus forts épiciers en gros, de Paris, dont la plupart s’humanisent maintenant jusqu’à faire le demi-gros; c’est-à-dire qu’ils consentent à vendre jusqu’à la livre , la brique ou le litre inclusivement, selon la nature des marchandises. C’est dans cette rue qu’il faut faire ses provisions de sucre, (i) Une tiouclière brune et svelte, tandis que toutes celles de Paris sont blondes et grasses! telle est Mile, de Launey, et ds plus, fort jolie et très-gracieuse.

des Gourmands. 187 de cassonade , de savon , d’huile , de café, de thé fin et d’épiceries fines. Ces gros matadors tiennent à déshonneur qu’on les annonce; ils prétendent que leurs vieilli s baraques ( c’est ainsi qu ils nomment modestement leurs maisons de commerce ) , ne sont point dans cet usage ; et il est sûr qu’elles peuvent en effet se passer de ce secours. Mais comme, dans cet Almanach , nous ne devons avoir rien de caché pour le public, nous espérons que MM. Martignon et compagnie , successeurs de l’illustre maison Pochet, qui même jfait encore commandite , ne s’offenseront point si nous les désignons ici comme tenant le magasin le mieux assorti dans les articles que nous venons d’énumérer. Enfin, cédant à l’impatience de nos lecteurs , nous entrons , sans plus de retard , à laPIalle. C’est là qu’à chaque pas que l’on fait, l’on sent que l’on a des vœux à former et des regrets à ressentir. On voudroit tout envahir, tout emporter, pour alimenter sa cuisine. C’est là surtout qu’on sent , plus que par-tout ailleurs, l avantage d’étre riche. Aussi ne conseillons-

M. Marti- gnou.

La Halle,;

i88

Almanach

nous point au pauvre rentier de traverser ce lieu célèbre où toutes les tentations se trouvent réunies. 11 n’en ' rapporteroit que de douloureux souvenirs et d’impuissans regrets.

La Marée. La marée est ce qui frappe les yeux, et ce qui s’empare d’abord de votre odorat, en entrant à la Halle. Tous les monstres de l’Océan, grands et petits, pères et mères, frères et sœurs, enfans même, s’y donnent, chaque matin,un rendez-vous qui n’est jamais interrompu que dans les très-courts jours d’une excessive chaleur. C’est là que l’orgueilleux saumon , le fier esturgeon et le majestueux turbot se trouvent côte- i à-côte avec le merlan modeste, le maquereau patelin et l’humble hareng; ils y sont réunis non pas ainsi que dans la mer; mais comme nous léserons tous un jour dans l’empire des morts, c’est-à-dire , dans le sein d’une éga

lité parfaite.

Mail. Dieu. Le temps nous presse , et forcés de

n’indiquer dans ce genre qu’une seule maison, nous nommerons madame Dieu., comme la marchande de marée le plus souvent entourée de monstres. En s’assurant bien do leur fraîcheur,

des Gourmands. 189 l’on sera Lien certain de n’étre jamais trompé par elle. La volaille abonde à la Halle ; mais elle nj vient que de la seconde main, c’est dire assez qu’elle y est toujours plus chère qu’à la Vallée, première et inépuisable source de tout le poil et de toute la plume qui se vendent à Paris. Le commerce des issues est très- considérable à la halle, où les tripières tiennent leur rang tout aussi bien que les rôtisseurs. C’est là que les pieds de veau et les rognons de mouton, leurs cervelles respectives, les têtes de tous deux , les foies et les ris du premier, les langues du second, etc., se trouvent en grande abondance. D’autres tripières plus modestes, mais quin’eri font pas moins partie de la communauté, vendent des issues d’un ordre inférieur ; telles que des pieds de mouton , les cœurs , les mous , les foies et les palais du bœuf, les tetines de la vache , etc. Ce commerce n’est pas sans doute aussi glorieux que l’autre 5 mais chaque chose a son prix , et ces dames s’estiment tout autant que si elles vendoient des têtes et des

Tripières

igo Almanach oreilles de veau -, tant il est vrai que la vanité trouve toujours un petit coin pour se nicher dans ce bas-monde , et surtout chez les dames. Herbes et Les végétaux de toute espèce abon- Légumes. J ct ,t à la Halle, dans une telle quantité, qu’on en a divisé le commerce entre les marchandes d’herbes et celles de légumes proprement dits. Ainsi celle qui vend des carottes ne vend point de petits pois, et les navets elles choux- fleurs ne se trouvent point réunis dans les mêmes mains. Parmi les marchandes de légumes les mieux assorties, nous nous plaisons à nommer madame Noël , qui fournit les plus gros restaurateurs. Cette vente continuelle , et à chaque instant du jour, offre, ainsique la marée, de grandes variations dans ses prix, et le thermomètre a sur eux une inconcevable influence. C’est ainsi qu’on voit le ma- niveau de champignons passer quelquefois de dix sols à six francs , dans le cours de la même semaine, et la botte de persil sauter, dans le même temps, de deux sols à trois livres. 11 faut une grande habitude delà Halle pour n’être étonné de rien.

des Gourmands. i g i Le poisson d’eau douce a plus de fixité. Le médiocre est, surtout l’hiver, àun prix assez raisonnable. Mais les grosses carpes , et surtout les anguilles, y sont presque toujours assez chères. Dans la semaine-sainte, elles deviennent inabordables. Quant au brochet, il ne faut s’en approcher qu’avec précaution, surtout si c’est un monstre. A l’exception des gougeons, brèmes et ablettçs , tout. le poisson d’eau douce se vend vivant à la halle. 11 faut se méfier de celui qui n’est plus, et sur lequel on vous lâche très-facilement la main. Les écrevisses, les limaçons et les grenouilles s’y vendent également vi- vans. Ces deux derniers , dont nous avons omis de parler dans notre Calendrier, sont un manger très-recherché, lorsqu’ils ont passé par les mains d un cuisinier consommé dans son art. Le commerce du beurre et des œufs est tenu , à la Halle , par les mêmes marchands , qui cumulent souvent avec cette vente celle des fromages de Brie, de Marolles et de Neuchâtel. Ce sont de forts capitalistes, qui tirent ea

Poisson.? nerie.

ÜVIds. de Beurre et d’CEuts,

M. Theur- lot,fruitier.

192 Almanach droiture , ou achètent en gros sur le carreau. Ils approvisionnent toutes les fruitières de Paris , et vendent ainsi tout-à-la-fois au quintal et à l’once. L’on ne dira pas que ce soit là être fier. Ils se tiennent sous les piliers des potiers d’étain , et l'on y distingue avantageusement M. Theurlot. Le commerce des fruits n’est pas moins considérable à la Halle que celui des autres denrées , mais il y est plus apparent 5 et le coup-d’œil que présentent les superbes étalages des boutiques de la rue du marchéaux Poirées , est vraiment unique. C’est là qu’on peut dire avec Boileau : Paris es! pour le riche un pnys de Cocagne ; Sans sortir de la ville, il trouve la campagne. Il peut dans son jardin , tout peuplé d’arbres vert* , Becéler le printemps nu milieu des hivers. Avec celte différence cependant qu’au lieu d’inutiles arbres verts , le riche trouve dans le jardin de la Halle (le plus riche potager de l’Europe), des fruits de toutes les saisons, qui semblent y être venus comme par enchantement. On y voit des fraises au mois de janvier, des raisins à

des Gourmands. ig3 Pâques , et des ananas toute l’année. Le cours du soleil est interverti, les saisons sont mêlées, et les deux hémisphères se confondent pour ajouter un plat de plus aux brillans desserts de nos modernes Lucullus républicains. Parmi ces fruitiers-orangers , qui mériteroient à eux seuls qu’on fît, pour les voir, le vovage de la Halle, nous MClénlcnt _ nous bornerons ,à citer M. Clément Madame et madame Fontaine, si célèbre avant Fontaine , son deuxième mariage sous le nom c ‘ ' devant i ri ■ t • veuve l’rie- dc Pne-Livernois. Livernois. Sans sortir du même alignement, nous trouverons les plus beaux .ma- Epiciers de gasins d’épiceries de Paris, et les plus j a Halle, superbes étalages, dans la partie des salaisons, fruits confits et fruits secs. Fruits secs Les anchois de Nice , les harengs etl>a ' aiso “ s ' dHollande , la morue verte, le thon mariné , les olives farcies , les câpres fines, les cornichons confits, s offrent de toutes parts à l’œil altéré: les pruneaux de Tours et d’Agen, de toutes qualités; les raisins secs, jubis, muscats, et de Malaga ; les figues fines et mi-fines d’OIioules, et les grosses de Calabre ; les poires et pommes

IQ4 Almanach tapées de Reims ; les dattes ; les jujubes ; les brignoles fleurettes , eu garenne et en boîtes ; les avelines j les amandes princesses, en coque et cassées ; les pistaches vertes, etc., ne vous laissent pas le temps de respirer dans ces étonnans magasins , qui ne sont ouverts que de jour , et où l’on voit pendre , en guise de lustres , d’énormes jambons de Bayonne. Ces boutiques sont au nombre de sept à huit, et c’est là que se fournissent la plupart des marchands de comestibles du Palais-Royal, des articles quils ne reçoivent pas en droiture par les courriers : la plus apparente jd’une des mieux assorties, et où l’on est traité le plus favorablement pour les prix , est celle de la Truie qui file, si célèbre autrefois, qui avoit entièrement dégénéré dans les dernières années de M. Mauduit, et qui, H.Pelletier J an s les mains de M. Pelletier, jouit Provençaux• au j our d’hui du plus grand éclat. Nous Les Mois- citerons après lui les deux Provençaux sonneurs, et les Moissonneurs. Rueiles Quelque peine que nous éprouvions Lombards, à quitter la Halle, il faut pourtant nous en arracher , si nous voulons achever

des Gourmands. ig5 noire petit Voyage; et nous devons au moins un coup - d’œil à la rue des Lombards, non pour ses nombreux droguistes, mais pour ses aimables confiseurs, dont la renommée flaire comme baume dans toute l’Europe, où il n est pas un enfant qui ne suce ses lèvres au seul nom de cette rue fameuse, le chef-lieu sucré de l’univers. C’est là que le sucre depuis Bonbonsct deux siècles , se combine de mule surprises, manières pour piquer la sensualité friande : c est là que le carton, s’amollissant sous les doigts , prend mille formes variées , pour , sous le nom de surprises, et toutes ses cavités remplies d’excellens bonbons , devenir des étrennes sans conséquence. INous devons dire cependant, que depuis la Révolution, ces jolis hochets de l’âge mûr ont un peu perdu de leur crédit; pn s’attache davantage au solide, et la friandise trouve mieux son compte dans les bonbons en sacs, que dans ceux en surprises. Au reste, les confiseurs n’y ont rien perdu : car s’ils gagnent moins d’un côté , ils vendent beaucoup plus de l’autre ; ce qui

196 Almanach rétablit en leur faveur l’équilibre deï bénéfices. Peu M. Le Fidèle Berger, qui, depuis un Iluusscau. siècle , a peu fait d’inconstans , jouit toujours de son ancienne réputation, et ne néglige rien pour la soutenir. Nous n’en dirons pas autant du Grand Monarque, si justement célèbre il y a quinze ans, et si complettement oublié aujourd’hui. Le nom peu démocratique de son enseigne y abeaucoup contribué dans les premiers temps de la Révolution. Dès lors, le découragement s’en est mélé, tout s’en est ressenti, et cette fameuse boutique ne vit plus même sur son antique renommée : c’est vraiment dommage j M. Durai, car M. Duval est un véritable artiste. Mais si le public républicain s’est M. Oudard. éloigné de la cour des rois , il faut convenir au moins qu’il est non-seulement resté fidèle à ses Vieux amis, mais qu’il leur donne aujourd’hui une préférence marquée sur tous les magasins de la rue des Lombards. C’est celui où l’on voit abonder le plus de monde , et surtout de marchands, pendant tout le cours de l’année ) et les marchandises s’y pèsent continuel-.

des Gourmands. 197 lement au quintal, plutôt encore qu’à la livre. C’est la première fabrique de sucre-d’orge de Paris ; il s’en fait, depuis la Circoncision jusqu’à la Saint- Sylvestre, trois ou quatre cuites, de trente à quarante livres chacune, par jour; et cette prodigieuse consommation est une suite de sa bonté autant que de son prix modéré. Tout se travaille en grand dans cette maison; confitures sèches et liquides , fruits au candi, dragées , pralines , sucre de pomme , sucre-tors , pastilles de guimauve , pistaches assorties, pâles de jujubes et de guimauve , objets qui sont, comme l’on sait, les articles les plus courans et les plus solides de l’état de confiseur. Tout y est d’excellente qualité , fabriqué sans minutieuse recherche , mais dans les bons principes de l’art; et la manière loyale et coulante de traiter de M. Oudard, ne contribue pas moins que la qualité de ses marchandises à lui mériter la palme. C’est la maison qui fait le plus d’affaires, et d affaires solides. Il expédie aux quatre coins de ta France, et aux deux bouts de l’Europe.

Ï98 Almanach M. Bordin. C’est une assez vilaine rue que la rue Simon-le-Franc, soit qu’on y entre par la rue Maubuée, soit qu’on y arrive par la rue Beaubourg, soit même qu'on en sorte par la rue Ste.- Avoie : cela n'empêche pas qu’elle ne renferme l’une des premières fabriques de moutarde et de vinaigre qu il y ait dans Paris : nous dirions même la première , si celle de M. Maille ( qui, par la mort de son successeur, Acloque , a passé dans des mains adolescentes ) n’existoit plus. M. Bordin (2), par sa moutarde de santé et odorifère, et ses vinaigres de table et de toilette , qui ont figuré avec honneur à la dernière exposition des produits de l’industrie française au .Louvre , s’est acquis une véritable gloire , et la reconnoissance de tous les Gourmands, dont il stimule journellement l’appétit. Sa moutarde , approuvée depuis vingt-cinq ans par la Faculté de médecine, et par les plus habiles chimistes actuels, est reconnue

(2) Au mois de messidor, sa fabrique sera transportée dans un très-beau local , rue St.-Martin , près celle do Venise.

des Gourmands. 199 pour autant favorable à la santé, cpie moutarde peut l’être : elle a plus de montant que celle de M. Maille, sans pourtant en avoir trop j ses pots sont plus profonds, etses prixmoins élevés. Quant à son vinaigre, il a beaucoup de force j mais peut-être est-il un peu trop parfumé , surtout celui quil appelle aromatique , et qui nous a paru trop bien justifier ce nom. Depuis plus de trente ans que M. Bordiu exerce sa profession , qui est devenue un art, il ne cesse de travailler à perfectionner ses connois- sances ; aussi chaque année ses marchandises acquièrent des qualités de plus : son commerce est très-considérable, et il expédie sa moutarde dans les ports de mer par caisses de six à huit cents pots. Puisque nous voilà si près de la rue M. Lange. Sainte-Avoie , et que nous sommes même obligés d’y passer pour nous rendre chez M. Corps, jetons un coup-d’œil sur la superbe fabrique de lampes à double courant d’air de M. Lange , leur , ou du moins l’un de leurs principaux inventeurs. Ce n’est point que nous y trouvions rien

2.oo Almanach de bon à manger; mais un véritable Gourmand n’est point insensible au plaisir de voir une table splendide , magnifiquement éclairée ; et elle ne sauroit l’étre mieux que par leslampes de M. Lange, quia porté sa découverte et sa fabrique, ou plutôt son immense manufacture , au dernier degré de perfection. C’est l’une des plus belles de Paris, et des plus curieuses à visiter. M. Corps. Il ne nous appartient point de décerner la palme, même dans l’art de varier toutes les formes du cochon ; mais s’il falloit porter un jugement dans cette partie, nous serions bien tentés de la donner à M. Corps, charcutier, rue St.-Antoine, prèscelle Cloche-Perche, très-renommé chez lesGourmets pour toutes les marchandises qui sortent de sa fabrique. Ses saucisses sont croquantes, et d’un excellent sel ; ses boudins sont de la crème en boyau ; ses andouilies délicates, sansétre trop grasses;ses cerve- lats,soit au poivre,soit aux truffes, soit à l’ail, rivalisent avec ceux de Lyon; son jambon a ce degré de sel qui est le secret des grands hommes de l'art ; «es pieds de cochon farcis aux truffes

des Gourmands. 201 «t aux pistaches , sont dignes de Ja table des Dieux : enfin, ses langues n’ont jamais dit que d’excellentes choses. Aussi la foule est-elle chez M. Corps , malgré son éloignement du centre de Paris; et n’a pas, de ses articles, qui veut: car, malgré l’activité de cinq à six aides et de plusieurs commis , il ne peut suffire aux demandes verbales, ni à la correspondance. La rue Saint - Magloire est sans contredit l’une des plus courtes de Paris, et cependant l'on y trouve adossés côte-à-côte deux magasins que les Gourmands visitent avec re- connoissance : l’un est la boutique de M Malherbe , charcutier , l’un des Mal- plus habiles et des mieux assortis de 1161 e ’ la capitale, ce dont on s’étonnera peu en apprenant qu’il est le neveu de M. Corps, et que madame Corps elle- même a tenu pendant six mois cette boutique pour i’achalander, à quoi elle a très-bien réussi : l’autre est le magasin de M. Guelaud, confiseur, qui, M.Guelaud, pour la partie des fruits à l’eau-de-vie, principale branche de son commerce, /eraint peu de riyauj;.

202 Almanach èu> eaU ^ ous ne passerons certainement pas dans la rue de la Joaillerie sans nous y arrêter. L’antique Châtelet est tout-à-fait renversé ; mais l’airuable Veau qui tète , toujours sur ses quatre pieds depuis deux siècles, nous invite gracieusement à y faire une station. Son domicile a l’air d’un mauvais cabaret borgne , quoiqu’il soit décoré du titre fastueux de restaurateur : mais on y mange des pieds de mouton meilleurs que dans des salons dorés ; et ce mets, aussi simple que vulgaire, est si merveilleusement apprêté au Veau qui tète , qu’il n’est point de Gourmand , qui, au moins une fois dans sa vie , n’y ait fait un pèlerinage, avec autant de dévotion , et surtout plus d’appétit, que les bons musulmans ne font celui de la Mecque. Avant de traverser la rivière , voyons si nous n’avons rien oublié dans cette partie de Paris. Ah ! M. M.Brigault. Brigault, restaurateur, rue Fromen- teau, jouissoit de quelque réputation : allons voir s’il la mérite toujours. Mais, quoi ! Sa porte, ci-devant ouverte k tout le monde, et son hôtel, le passage le plus commode et le plus fréquenté

des Gourmands. 20 3 de Paris, sont impitoyablement fermés. Fuyons ! Un restaurateur qui, mû par quelque motif que ce soit, fait une telle insulte au public, ne mérite plus que le public se rende chez lui. Puisse-t-il, puisqu’il ferme ainsi sa porte au nez des gens, n’être jamais troublé dans son égoïste solitude ! . Quoique le plus célèbre parfumeur M. Fargeon.: de Paris n’ait aucun rapport avec la cuisine ( car,fût-elle de Grasse ou de Montpellier, on ne lie point les sauces avec la pommade , et l’on ne pare point les beignets avec de la poudre , telle blanche et bien purgée qu’elle soit), nousne pouvons nous empêcher de nous arrêter un instant dans la belle fabrique deM. Fargeon, rue du Roule, pour y goûter son excellente eau de fleur-d’orange, si digne d’aromatiser les meilleurs entremets sucrés. Pour y arriver, nous avons longé la rue des Prouvâmes, où se trouvent les meilleurs fabricans.de pûtes, façon d’Italie ; telles que le vermicelle , les lazagncs, petites étoiles, et mille autres sortes ingénieusement variées, etnous avons distingué le magasin de M. Ca- jj Cabaret baret , successeur de M. Guérin, ' 1

204 Almanach comme l’un des mieux assortis, tant pour la qualité que pour le nombre des marchandises. Si vous voulez trouver dans la même rue un fort bon distillateur, tant pour les liqueurs que pour les sirops , entrez dans le beau M.Sauvel. magasin de M. Sauvel, et vous aurez satisfaction. Nous ne parlons pas de H. Boitson. M. Bodson, qui n’a conservé de ses sirops que leur extrême cherté. Rien ne nous empêche plus de passer le Pont-Neuf, si ce n’est ces pyramides d oranges, quifont, du terre- plein qui le partage , le vrai jardin Oranges du des Hespérides. Mais comme la plu- Font-Neuf. part des marchandes qui les vendent, se fournissent chez les gros fruitiers de la Halle , nous y renvoyons nos lecteurs. Les dames du Pont-Neuf ne tirent point en droiture. _ _ . Mais à peine sommes-nous au bout, CaiéConti. p 1 1 i ■ que 1 embarras du choix nous arrête. l)e quel côté tournerons-nous nos pas, après avoir pris une tasse d’excellent chocolat ( de la fabrique de M. Ra- damel ) dans le café Conti, qui soutient avec honneur la réputation qu’il avoit autrefois, d’être l’un des meilleurs de Paris ?

Parcourons

des Gourmands. 20 5 Parcourons la Vallée, qui est vraiment celle de Josaphat pour toutes les bêtes à plumes, et même pour quelques animaux à poils , tels que les lièvres et les lapins. C’est là que toute espèce de volatile, soit sauvage, soit domestique , se donne après sa mort un rendez-vous journalier; beaucoup même , tels que les pigeons, les dindes et les cochons de lait, y arrivent vivans; mais il est rare qu ils en sortent avant d’avoir passé les sombres bords. Pour parler sans figures, la Vallée est, après la Halle, le lieu le plus ehen aux Gourmands. On a vu dans notre Calendrier nutritif un petit échantillon de ce qui s’y trouve. INous nous contenterons de dire aux amateurs, que là , comme à la Halle , il faut vigoureusement défendre sa bourse, et n’avoir pas honte de mésolfrir, surtout dans les temps ordinaires, et lorsque le thermomètre est haut et l’atmosphère humide. Mais dans les fêtes gourmandes et les temps de gelée, l’insolence des factrices de la Vallée est à son comble, et elles vous surfont à peine d’un sixième. Il faut donc prendre garde de les fâcher 12

LaVallée.

20 6 Almanach alors j on s’en trouveroit mal. Le plus sûr est de s’abstenir de leur approche dans ces jours critiques, ou de ue les aborderqu avec de grosfondsd avance. Ces boutiques légères sont en général assez également bien garnies. Nous nousborneronsdonc àcitercelle dp M. M.Massieu. Massieu, comme l’une des plus honnêtes, et où l’on ne vous vendra jamais une vieille pour une jeune , un coq pour un chapon , ni une poule pour un poulet. Il y a à gagner de n’aller à la Vallee que les jours de grands marchés, et de n’acheter qu’aux marchands forains. Mais il faut être fin connoisseur et bien sur ses gardes; car la probité n’est pas la vertu des gens de campagne, qui viennent vendre cliat en poche à Paris. Ainsi, si vous n’êtes pas parfaitement prémuni contre toutes les ruses delà volaille, le plus sûr est de donner votre confiance à une fac- trice de la Vallée, et de vous abandonner ensuite à elle télé baissée. Marmite A propos de volailles, nous serions perpétuelle, sinon ingrats, au moins injustes, de passer sous silence la marmite per- ïtt.DeL.ar»e pétuelie Ue M. Deharuic, rue des

des Gourmands. 207 Grands - A ugustins. Les chapons au gros sel n’ont qu’un pas à faire pour s’y rendre; etdepuis quatre-vingt cinq ans que cette marmite est sur le feu, il _y en a peut-être passé plus de trois cent mille. A toute heure du jour ou de la nuit que l’on se présente dans cette succulente maison , un chapon sort tout dressé de ce gouffre nutritif', où ils se régénèrent sans cesse d’une manière étonnante. Rien de plus délicieux, de plus sain , que ce relevé splendide qui se rend chez les amateurs au premier signe qu’ils lui font. Cette marmite , célèbre dans toute l’Europe , est encore ce qu’elle étoit autrefois, et ces chapons sont un des meilleurs restaurans qu’on puisse offrir à un estomac délicat et délabré. La rue de l’ancienne comédie française ( rue des Fossés - Saint - Ger- main-des-Prés ) réclame un moment notre attention , ne fût-ce que pour prendre au café Zoppi ( si fameux autrefois, et si cher aux gens de lettres sous le nom de Procope ) les meilleures glaces en tasse de Paris, et même les plus copieu ses, hiver comme été; et pour signaler M. Edon (frère 12 *

Café Zoppi.

M. Edon.

3o8 Almanach de l’estimable notaire de ce nom, rédacteur habile de presque tous les actes du quartier Saint - Antoine ) , comme l’un des meilleurs restaurateurs du faubourg Saint-Germain, et le meilleur de Paris peut-être pour la confection d’un déjeûner solide et distingué tout ensemble ; tel , par exemple , que celui que nous avons décrit dans notre Calendrier. Son restaurant est le rendez-vous habituel de tous les riches Gourmands du quartier, qui ne font pas moins de cas de sa cave que de sa cuisine. Le pâtissier qui lui fait face , qui s’appeloit autrefois M. Courtois, et SI. Gonet. qui est aujourd’huiM. Gouet, fabrique d’excellentes tablettes de bouillon, fort gracieuses en voyage et dans toutes les circonstances où l’on est bien aise de manger une soupe grasse sans mettre le pot au feu. La moutarde et les vinaigres du M. faille. c e lèhre Maille , qui dut son talent à l’étude des sciences chimiques, et sa renommée à la fréquentation des gens de lettres, sont si connus, qu’il nous paroît inutile de nous y arrêter. Son magasin, toujours situé rue Saint-

T' des Gourmands. 205 André-des-Arcs , est tenu maintenant par les enfans de M. Acloque , son successeur 5 et quoiqu’ils n’aient point été élevés dans la moutarde , nous ne doutons pas que tous les secrets de M. Maille ne leur aient été fidèlement transmis. Ce n’est pas la peine d’aller jusques dans la rue de Bièvre , au coin de celle Saint-Victor, pour nous assurer si M. Londeau, célèbre charcutier 1 d’autrefois , existe encore ; et en cas qu’il ne soit plus, si sa boutique soutient sa bonne réputation. Nous avons donné dans cette partie des indications assez multipliées, pour familiariser nos lecteurs avec le cochon préparé dans toute sa gloire. Aussi-bien le temps nous presse, et tout nous appelle dans la rue de la Harpe, vis-à-vis l’ancien collège d’Harcourt, pour y admirer l’excellente fabrique de pâtés de jambons de Bayonne, tant illustrée par M. Lesage , et qui , dans les mains de M. Leblanc, son digne successeur, a pris une activité nouvelle. L’immense four de cette manufacture alimentaire , brûlant nuit et jour, pen-

M. Londeau

M. Leblanc,

210 Almanach danl toute l’année, peut h peine suffire à l’avide impatience des consommateurs, qui, dans le temps de Pâques surtout , sont à la queue chez M. Leblanc. C’est qu’ils sont bien suis que tous les jambons qui sont emprisonnés dans ces croûtes savantes, sont nés natifs de Bajonne; et s’ils en doutoient, M. Leblanc les introduirait dans sa succulente bibliothèque , l’une des curiosités de Paris les plus faites pour ravir 1 œil d’un Gourmand, et que nous avons décrite dans notre Calendrier. M. Leblanc soutient également la réputation que M, Lesage devoit aussi à ses petits pâtés, qu’on venoit chercher de toutes les extrémités de Paris. C’est en tout une excellente boutique. Têtes de Mais si nous épuisons cour elle nos Veau du éloges , que réserverons-nous donc l’uits-Cer- pour celle du Puits-Certain , 1 unique . . fabrique des Têtes de veau farcies, et ju.Cuucliois , . . , - ’ _ ou IVl. Lauenois, successeur de MM. Varin et Promont, a laissé bien loin derrière lui ses devanciers; car par le haut degré d excellence auquel il a porté ce succulent ragoût, il peut passer pour en être l’inventeur. Nous renvoyons pour la description de ces

des Gourmands. in létes savantes, à ce que nous en avons dit à differentes reprisesdans les Petites •Affiches de M. Ducray-du-Minil, le journaliste de Paris le plus connois- seuren bonne chère, et sous ce rapport le plus digne d’apprécier noire travail. M. Cauchois mérite des autels pour ses Têtes de veau, qui font souvent tourner la sienne, par la multitude de demandes dont il est accablé. Il en mérite aussi pour ses pâtés chauds, soilmontés, soit en simples godiveaux, pour ses pâtésfroids de gibier, surtout de bécasses,pour scs tourtes de frangipane, ou mi-parties, etc. Enfin, tout ce qui sort de sa modeste et peu. apparente boutique (rueduMont-St.- Hilaire), dont lui seul gouverne le four, et dont il fait les honneurs avec une simplicité et une politesse dignes de 1’ ancien régime, et qui prouvent que ses succès ne l’ont point aveuglé , atteste l’artiste le plus distingué el le plus consommé dans son art. Nous ne pourrions mieux finir notre Voyage qu’en entrant dans ce four dont M.Hémart. il sort à toute heure tant de bonnes choses. Mais puisque nous voici à moitié chemin de la montagne, allons

212

Almanach

jusqu’au sommet, ne fût-ce que pour goûter (dans la rue des Amandiers) , de très-bon pain d’épice , d’excellentes nonettes, gimblettes et croquignoles de la fabrique de M. Hémart, où pend pour enseigne la ville de Reims, que l'on retrouve toute entière dans ses marchandises. Il est temps de retourner à notre point de départ, et de rentrer au logis. Aussi nous ne nous arrêterons pas même dans le bon restaurant de M. M.Billiotte. Billiolte, quoique, faisant face au pont Royal, il se trouve sur notre chemin; et la rigueur de la saison où nous sommes, ne nous permet pas de faire un tour aux Champs-Elysées, où les M. Lebreuf. restaurateurs Lebœuf et surtout du M. du Ber- Bertret mériteroient bien de nous fixer , sauf à nous parfumer la bouche en sortant de chez eux avec les briques ^ . de M. Mazurier, l’un des plus habiles glaciers de raris. Ainsi parvenus à notre point de départ nous allions nous séparer,lorsque le Gourmand qui nous servoit de guide dans cette course savante , se frappant le front , comme un homme qui a «ublié quelque chose d’important,nous

des Gourmands. 21 3 pria de l’accom pagn pr seulement j usqn’à la Place Ro_yale pour_y admirer, dans la boutique de Mde. Lambert, I une des meilleures fabriques de fromagps à la crème de Paris. Quoique très- fatigués nous 11’hésitâinPS point à remplir ce devoir , et nous en fûmes récompensés par des petits pains de beurre au lait d amande, et des fromages panachés, moitié-glacés, moitié- fouettés, à la rose, à la fleur-d’orange et à la vanille , qui sont l’un des plus veloutés alimens qui puissent traverser le palais d’un homme sensuel. Pardon, ami Lecteur, de vous avoir fait faire un aussi long voyage. Mais nous avons encore ménagé vos jambes, car nous sommes bien sûrs d’avoir passé soussilenceplusd’un artiste estimable, très-digne d’être fêté par notre appétit. Nous y reviendrons dans une autre édition , si votre indulgence nous permet de vous l’offrir.

Ma de me Lambert.

FIN DE L’iTINÉRAIRE NUTRITIF.

VARIÉTÉS NUTRITIVES.

MAXIMES , RÉFLEXIONS , ANECDOTES , FOLIES GOURMANDES , JEt quelques principes généraux de bonne- chère.

ncipes J L f au t manger sa soupe bouillante, maucls el prendre son café brûlant, Heureux ceux qui ont le palais délicat el le gosier pavé! Le fer ne doit jamais approcher du poisson dès qu’il est sur la table. Un maître de maison qui sait vivre, offre jusqu’à trois fois à chacun des convives du même plat : il doit venir au secours des appétits timides , car il en existe encore surtout parmi les Gens de lettres. Le plus grand outrage qu’on puisse

des Gourmands. 21& foire à un Gourmand c’est de l’interrompre dans l’exercice de ses mâchoires. Il est donc de la dernière inconvenance de rendre visile a des gens qui mangent. C’est troubler leurs jouissances , les empêcher de raisonner leurs morceaux , et leur causer des distractions fâcheuses. Il n’est guères moins impoli d’arri- vez à un dîner commencé dont on de- voit être ; ainsi lorsque les gens sont à table, les convives survenans doivent s’abstenir d’entrer, dussent-ils jiûner tout le reste du jour en punition de leur inexactitude. Un véritable Gourmand ne se fait jamais attendre. Levin du crû, un diner d’ami, et de la musique d’amateurs , soi t trois choses également à craindre. La méthode de servir plat à plat est la rocambole de l’art de bien vivre. C’est le moyen de manger chaud , long - teins et beaucoup. Chaque plat étant alors un centre unique auquel yiennent aboutir tous les appétits.

316 Almanach Rien ne paraisse plus l’appétit que la présence 'les valets à table. Ils ne doivent entrer que pour apporter les plats et se rotin r aussitôt ; les servantes faisant le service courant des assiettes. Ilseroit même mieux encore de faire passer chaque metsdans un tour, saufà l’un des convives de se lever pour l’aller prendre. Mais ily a des moyens mécaniques qui leur évitent jusqu’à cette peine. C’est un grand abus que l’usage qui charge quelques-uns des convives de dépecer les grosses pièces : comme c’est une corvée d autant plus grande , qu’une politesse mal-entendue oblige le dépeceur à ne garder pour lui que le plus mauvais morceau , chacun cherche à l’éviter. Elle tombe donc ordinairement sur les plus mal-adroits, et le rôti s en ressent. Un maître de maison doit savoir disséquer et servir toute espèce de viandes et de poissons, selon les principes de l’art. Cela faisoit autrefois partie intégrante de la bonne éducation, et il y avoit dans l’ancien régime

des Gourmands. 217 des maîtres à découper, comme des maîtres de danse.

Les Allemands nous sont en cela bien supérieurs. Chez eux c’est le sommelier qui découpe.Il enlève chaque pièce dès qu’elle a paru , et la rapporte divisée avec une adresse dont on 11e peut se former une idée. Alors elle fait le tour de la table ; chacun se sert lui-méme à son rang, et selon son goût. V oilàce qui s'appelle savoir tirer parti d’un bon. dîner. La principale étude d’un maître de maison , à table, doit être l’état de l’assiette de chacun des convives; et son premier devoir, de la tenir toujours garnie, ainsique son verre plein. 11 doit avoir horreur du vide. La digestion est l’affaire de l’estomac , et les indigestions celle des médecins. Les valets ne doivent jamais enlever un service qu’ils n’en ayent reçu l’ordre du maître de la maison ; et le maître ne doit jamais donner cet ordre sans s’être assuré que les convives ont renoncé sur tous les plats.

218 Almanach Le morceau le plus délicat d'une poularde rôtie, c’est l’aile. Le meilleur d une volaille bouillie, c’est la cuisse, surtout si cette cuisse est blanche , grasse et charnue. Depuis quelques années,les dames s’attachent aux croupions; et si ce sont des perdrix, à l’estomac. On distingue , dans un aloyau, le morceau du procureur et celui des clercs. Le dernier est le moins tendre. Il nous semble que ce devroit être le contraire, car rien n’est ordinairement plus coriace qu’un vieux procureur. La queue d’un lapin ou d’un lièvre, est le morceau de distinction du poil. C’est une espèce de ballon d’essai qu’on offre au plus qualifié: des convives; ensuite le rable,puis les cuisses, qu’on ne serre jamais. Selon les fameux Règlemens du célèbre M. Aze, en grande vigueur dans plus dune société de Paris, l’on encourt une amende de 5oo fr., si, ayant accepté l’invitation à un dîner, on néglige de s’y rendre. Cette amende est réduite à 3oofr. , si l’on a prévenu

des Gourmands. 219 48 heures d’avance qu’ôn ne le pourroit pas. Plus tard, on l’encourt toute entière. Le même M. Aze disoit qu’il vaut mieux se griser avec du vin qu’avec de l’encre, parce que c’est moins noir. C’étoit là l’un de ses meilleurs bons mots. Toutes les cérémonies lorsqu’on est à table vont toujours au détriment du dîner. Le grand point c’est de manger chaud, proprement et beaucoup. Les vrais Gourmands ont toujours achevé leur dîner avant le dessert. Ce qu’ils mangent par-delà le rôti n’est que de simple politesse. C’est insulter un maître de maison, que de laisser des morceaux sur son assiette, ou du vin dans son verre. C’est s’inviter à dîner pour une autrefois que de plier sa serviette 5 aussi, cela ne se fait point à Paris, à moins qu’on ne soit extrêmement libre dans la maison. Toutes les fois qu’on vous invite ne général et sans fixer de jour, c’est que

Maximes et Kéflexions nutritives.

220 Almanach l’on veut vous faire une politesse insignifiante , et l’on se trouveroit dupe d’être pris au mot. Les seules invitations acceptables se font à jour nommé, et même par écrit, parce, que dans tous les cas , le billet fait titre. De toutes les actions de la journée , le dîner étant la plus importante ( surtout depuis qu’on ne soupe plus), on ne sauroit apporter une attention trop scrupuleuse à tout ce qui y a rapport. Il est presque aussi malhonnête d’arriver trop tôt pour un dîner , que de survenir trop tard ; surtout dans les ménages bourgeois, où l’hôtesse s’occupe par elle-même de la cuisine. Se faire attendre au-delà de l’heure fixée , c’est s’exposer à faire languir les entrées , et retarder les entremets. Aussi, chez les véritables Gourmands, l’on se met à table au coup de l’horloge , puis l’on ferme la porte. Il est commode de dîner tard, parce qu’on peut alors concentrer toutes ses pensées sur son assiette, ne songer qu’à ce qu'on mange, puis s’en aller coucher après.

221

des Gourmands. Un vrai Gourmand aime autantfaire diète, que d’être obligé de manger précipitamment un bon dîner. Cinq heures à table sont une latitude raisonnable, pour un dîner nombreux et une chère recherchée. Les dîners fins se font en petits comités. Et comme une fricassée de poulets ne sauroit être parfaite si l’on en met plus de trois, de même un repas de foncés amateurs ne doitpas excéder dix couverts. Quelques personnes redoutent à table une salière renversée, etle nombre treize. Ce nombre n’est à craindre qu’autant qu’il n’y auroit à manger que pour douze. Quant à la salière, l’essentiel est qu’elle ne verse point dans un bon plat. Le fromage est le biscuit des ivrognes. Toute chose a son prix dans ce bas monde , à plus forte raison un bon dîner. Si donc tel convive ne peut le rendre en nature, il faut qu’il s’acquitte d’une autre manière: la plus usitée c’est

322 Almanach de mettre en avant sa langue au lieu de sa bourse, et d’amuser la compagnie lorsqu’on est dans l’impuissance de la régaler. C’est ce qui s’appelle payer en monnoiede singe ; mais cette monnoie a cours à Paris. Les femmes qui, partout ailleurs , font le charme de la société, se trouvent déplacées dans un dîner deGourmands, où l’attention , qui ne veut point être partagée , est toute entière pour ce qui garnit la table, et non pour ce qui l’entoure. Aussi dans ces importantes occasions, l’oie la plus stupide l’emporte sur la femme la plus aimable. Mais après le café,lebeausexe reprend tous ses droits. On prétend même qu’a- lors il en a acquis de plus vifs encore. La visite de digestion est un sacré devoir, auquel tout homme qui sait vivre , et qui n’a point perdu l’appétit pour une autre occasion , ne manque jamais. L’étendue de cette visite se règle, dans quelques pays, sur le degré de bonté du repas dont on s’acquitte ainsi. L’on en a vu durer trois heures. Bien des Amphitrions dispenseroient

des Gourmands. 223 tels et tels convives d’une aussi longue marque de reconnoissance. Un article- strictement obligatoire des fameux Règlemens deM. Azé (3) défend de médire de l’homme chez lequel on a dîné,etcela pendant un temps proportionné à l’excellence du festin. Pour un dîner ordinaire il est de huit jours j mais il ne peut jamais excéder six mois, après lesquels M. Aze rend à la langue toute sa liberté. Mais il dépend toujoursde l'Amphitryon de l’enchaîner de nouveau par une invitation, faite en temps utile. On conviendra que,de toutes lesmaoièresd’empécher de mal parler de soi, celle-ci n’est pas la moins aimable.

( 5 ) Nous donnerons quelque jour au public ces Règlemens , à la suite des Mémoires de ce grand personnage. En attendant , l’on peut voir sa très - curieuse adresse, à la suite de l’énumération , plus curieuse encore, de tous ses titres, dans la Correspondance philosophique de Caillot Duval, l’ouvrage le pins original et le plus plaisant qui ait paru depuis bien des années : il s’en trouve encore quelques exemplaires chez Batilliot père , rue du Cimctière-St.-André-des-Arcs , n°. i5, à Varia, et peut-être aussi chez Desenno.

M. Aze.

m!

224 Almanach L’extrême légèreté de mœurs des liabitans de Paris , fait qu’ils attachent trop peu de prix aux invitations man- ducatoires. Sortapt d’une époque où il s’y trouvoit plus de dîners que de dîneurs, ils croient que la reconnois-^ sance doit être des deux côtés au moins égale ; et pour justifier cette espèce d’ingratitude , ils demandent ce que l’Amphitryon feroit tout seul avec son grand dîner. Mauvaise logique! raisonnement d’un cœur faux et corrompu ! car ce grand dîner n’existeroit point s’il n’avoit invité personne ; et ce n’est que pour engraisser ses convives qu’il les attend et qu’il a fait autant de dépense. La re- connoissance d un vrai Gourmand est plus réelle ; et comme elle prend sa source dans son estomac, l’on ne sau- roit mettre en doute sa sincérité. En province , au contraire, et surtout dans les petites villes du midi , où l’on fait excellente chère, un grand dîner est une affaire d’Etat; on en parle trois mois d’avance , et sa digestion dure au moins six semaines. Folie Gour- mande. Un Gourmand célèbre, qui dînoit

des Gourmands. 22$ dans une société où l’on comptoit quelques profanes,c’est-à-dire, des jeunes- gens sobres , se trouva engagé dans une discussion dont les suites l'amenèrent à établir un parallèle entre les femmes et la bonne chère. En sa qualité de Gourmand , l’on pense bien qu’il donuoit la préférence à la table. Voici comment il s’y prit pour établir et prouver son opinion ( 4 ). « Posons les principes , dit-il. Vous Discour» conviendrez d’abord, Messieurs, que d’un vrai les plaisirs que procure la bonne chère, Gourmand, sont ceux qu’on conuoît le plutôt, qu’on quitte le plus tard , et que l’on peut goûter le plus souvent. Or, pourriez - vous en dire autant des autres ?

(4) Ce morceau a paru, il y a quelques années , dans le Censeur dramatique, tome 4, page 186. Mais outre que nous le Faisons revivre avec des change- mens , l’on conviendra, après l’avoir lu, que c’étoit ici sa véritable place. D’ailleurs se malheureux Censeur est oublié depuis long-temps , au grand contentement de certains comédiens, qui n’ont rien épargné pour le faire proscrire, et qui, enfin, en sont venus à bout. Ali ! si l’Auteur avoit pu l’être aussi, quel complément de joie pour ces honorables Frères et amis !

22 6

Almanach

Parallèle «Est-il une Icmme , tant jolie que nutritif. vous la supposiez, fut-elle une demoiselle VVeimer , ou une dame Recamier, qui puisse valoir ces admirables perdrix de Cabors, du Languedoc et des Cevennes, dont le fumet divin vaut mieux qne tous les parfums de l’Arabie ? La mettrez-vous en parallèle avec ces pâtés de foies d’oies ou de canards, auxquels les villes de Strasbourg , de Toulouse et d’Auch, doivent la meilleure partie de leur célébrité ? Qu’est-elle auprès de ces langues fourrées de Troies,de ces mortadelles deLyon,de ce fromage d’Italie de Paris, et de ces saucissonsd’Arles ou de Bologne , qui ont acquis tant de gloire à la personne du cochon ? Pou- Avantages vez-vous mettre un joli petit minois <tr la bonne Bien fardé , bien grimacier , à côté eu. io suites jg ces admirubles montons des Vosges ou des Ardennes, qui, tondant sous la dent, deviennent un manger délectable ? Qui osera la comparer à ces indicibles veaux de rivière de Pontoise ou de Rouen , dont la blancheur et la tendreté feroieut rougir les Grâces mêmes? Quel est le Gourmand assez dépravé pour préférer une

des Gourmands. 227 beauté maigre et chétive à ces énormes et succulens aloyaux de la Limagne ou du Cotentin , qui inondent celui qui les dépèce, et font tomber ea pâmoison ceux qui les mangent ? Rôtis incomparables ! c’est dans vos vastes flancs, source de tous les principes vitaux et des vraies sensations , que le Gourmand va puiser son existence,' le musicien son talent, et le poète son génie créateur ! Quel rapport pouvez-vous établir entre cette figure piquante, mais chiffonnée, eteespoulardes de Bresse, ces chapons de la Flèche et du Mans , ces coqs-vierges du pays de Caux, dont la finesse, la beauté, la succulence et l’embonpoint exaltent tous les sens à-la-fois, et délectent merveilleusement les houppes nerveuses et sensitives de tout palais délicat? Et dans mes argumens, remarquez, Messieurs , que je ne comprends pas même les pâtés de mauviettes de Pilhiviers, ceux de canards d’Amiens, ceux de guignards de Chartres ; les rouges-gorges de Metz, les grives d’Alençon, les langues fumées de Constantinople , le bœuf à l’écarlatte et fumé de Hambourg, la

z 28 Almanach cabillaud d’Ostende, les huîtres de Marennes , de Dieppe , de Cancale et d’Etretat ; que je ne parle point du beurre de Bretagne , d’Isigny ou de laPrévalaye, ni de la délicieuse crème de Sottcville j que renonçant même aux armes que je pourrois puiser dans des argumens plus doux et plus sucrés, je passe sous silence les noix confites et la gelée de pommes de Rouen, les pruneaux de Tours, les poires de Rousselet et tapées , le pain d’épice et les nonettes de Reims, les mirabelles de Metz, les groseilles de Bar, le cotignac d’Orléans, l’épine-vinette de Dijon , les raisins de Roquevaire et de Corinthe , les figues-fines d’O- lioules , les prunes tapées de Bri- gnoles, les raisins muscats de Pezénas, les prunes de Roi, et la fleur-d’orange pralinée d’Agen , les dragées et les pastilles à la rose et à la vanille de Montpellier, les pâtes d’abricots de Clermont, les confitures sèches de Beaucaire et de Béziers, etc. Que je ne vous cite pas même, renonçant aux forces qu’ils pourroient me fournir dans cette discussion , l’anisette de Bordeaux, l’eau-de-vie d’Andaye et

des Gourmands. 229 de Dantzick, l’eau de noyau de Phals- bourg, l’huile d’anis et de kirschwasser de Verdun , la crème de moka de Montpellier, l’eau de Colladonde Genève , l’huile de rose de Cette, l’huile de jasmin de Marseille ( la meilleure de toutes les liqueurs indigènes), le ratafia de cerises de Louvres et de Grenoble , l’eau de la côte Saint- André j enfin, le baume humain, la crème de menthe, et les autres liqueurs de la Martinique, etc., etc. Sachez- moi donc gré, Messieurs, de mon silence, et voyez si vous pouvez établir quelque comparaison entre ces comestibles et ces boissons délectables, et les caprices d’une femme , ses humeurs , ses bouderies , et, osons trancher le mot, même ses faveurs. Figurez-vous les mets que j’ai énoncés d’abord, prépares par des cuisiniers de la nouvelle France , torréfiés par des rôtisseurs de Valogne; enfin, dépecés par des sommeliers d’Allemagne, et puis soutenez encore votre opinion !.. « Résumons nous donc, et convenez que les jouissances que procure la bonne chère à un riche Gourmet, doivent être mises au premier rang; que,

a3« Almanach Lien autrement prolongées que celles qu’on goûte dans l’infraction dusixième commandement de Dieu, elles n’amènent ni langueurs , ni dégoûts , ni crainte, ni remords ; que la source s’en renouvelle sans cesse , sans jamais s’épuiser j que loin d’énerver le tempérament ou d’affoiblir le cerveau, elles deviennent l’heureux principe d’une santé ferme, d’idées brillantes et de vigoureuses sensations. Ainsi, loin d’enfanter des regrets , de disposer à l'hypocondrie, et de finir par rendre un homme insupportable à lui-même, et trop souvent aux autres, on leur doit au contraire cette face de jubilation, le cachet distinctif de tous les enfans de Cornus, bien différente de ce visage pâle et blême, le masque ordinaire des amoureux transis ». Tel fut le discours de notre Gourmand. Nous ignorons s’il ramena tout le monde à son avis j mais ce que nous savons positivement, c’est que le lendemain l’on compta dans cette société plus d’une Ariane et cinq ou six indigestions. M, de Xi.... étoit dans son temps

%

des Gourmands. 231 le plus illustre Gourmand de Paris , La Monil- et ce n’est pas peu dire. Riche finan- le tl: e i uu til* cier, il n’avoit besoin que de beaucoup d’appétit pour se satisfaire : aussi toutes les casses de son bureau et tous les tiroirs de son secrétaire étoient-ila remplis de tout ce que la France produi- soit alors de meilleur, et qu’il tiroit en droiture, ayant par sa place tous les courriers de la malle à ses ordres. Il mordoit dans un pâté de foies gras , comme daDS une brioche , avaloit les truffes comme des échaudés , et ses petits pains étaient de gros cervelas. Mais sa femme, qui redoutait sans doute le veuvage, ne cessoit de le contrarier dans ses goûts, et il étoit obligé de s’enfermer pour s’y livrer sans obstacle. Enfin il tombe malade, et le premier remède que. les médecins prescrivent à un Gourmand, c’est la diète. C’étoit pour le nôtre le pire de tous, et il 1 auroit sans doute bien mal observé sans la vigilance de madame de L .. . . qui, s’emparant de toutes les clefs, et s’établissant sa garde-malade, le mit absolument en tutelle, ainsi que l’est dans sa propre maison tout homme forcé de s’aliter.

202 Almanach Les remèdes opèrent, et M. de L .... entre en convalescence. On lui permet enfin de manger; etle médecin,quicon- noissoit le foible de son malade, prescrivit scrupuleusement la dose des ali— mens, qui consistèrent pour cette première fois en un œuf frais , accom- E agné d’une seule mouillette. M. de i., .auroitbien voulu que cet œuf fût sorti du ventre d’une autruche, plutôt que de celui d’une poule ; mais il s’en dédommagea sur la mouillette. Il fit acheter le pain le plus long qu’on put trouver dans Paris, ensorte que celte mouillette avoit plus d’une aune et pesoit près d’une livre. Madame voulut contester , mais il n’y eût pas moyen, puisque l’ordonnance étoit suivie à la lettre. On apporte l’œuf en grande pompe; on met le couvert sur le lit du malade , qui se dispose à jouer des mâchoires. Mais en suçant le lait de cet œuf frais , il huma si fort, qu’il avala le jaune en même- temps ! ô fâcheux accident, déplorable précipitation , qui rendoit cette belle mouillette inutile ! Aussi,madame de L.... la fit-elle emporter gravement avec la coquille. M. de L.... en pensa

des Gourmands.

2 33

retomber malade de désespoir. Il n’en fût consolé qu’à sa première indigestion. C est le même à qui son médecin, dans une occasion semblable , ayant permis et toujours par écrit, une cuisse de poulet , ajouta dinde au bout de la ligne ; ce qui, comme l’on voit, changeoit solidement l’état des choses. Des dames habitant le château Le Curi de *** , voulant tirer une petite ven- bien avisé, geance du curé du lieu (homme renommé dans toute la province pour sa gourmandise), ou seulement s’amuser à ses dépens, imaginèrent de lui jouer ce tour. Ce curé, recherché dans ses goûts, faisoit plus de cas de la chère fine et délicate, que de la grosse chère. Cependant, comme il étoit gros mangeur, il ne se mon- troit difficile que lorsqu’il y avoit à choisir. Ces dames fondèrent là-dessus leur espièglerie. M. le curé , invité au château, trouva la table chargée de grosses pièces , viande commune , entremets nourrissans , etc.., et rien de plus. Il se livra donc à

a 34 Almanach

son appétit, prenantle temps comme il venoit, et se consolant de l’absence des ortolans par la présence des aloyaux. Les damesne mangèrent presque point, et il ne s’en inquiéta guèrcs ; mais, ne voilà-t-il pas qu’au lieu du dessert, on met sur table un second dîner,composé d’entrées délicates , gibier fin , petits pieds, et le tout accommodé de la manière la plus attrayante. {Votre curé, qui en avoit jusqu’à la gorge , devient . furieux à cet aspect, apostrophe durement les dames , se lève de table, et sort très-en colère , sans vouloir rien écouter , et sans qu’on puisse le retenir. Les dames se reprochoient déjà d’avoir poussé la plaisanterie trop loin , lorsque le curé, reparois- sant, feint d’être appaisé , se rasseoit, et mange comme quatre. On devine ce qu’il avoit été faire pendant sa courte absence.... Mais, ce qui n’est pas moins sûr, c’est que les mystificatrices, mystifiées à leur tour, comprirent par-là qu’il ne faut jamais s’attaquer à un véritable Gourmand , sur le chapitre de la bonne-chère. Le Capucin subtil. J) es jeunes-gens voulurent un jour

H

i'

des Gourmands. 235 s’amuser également aux dépens d’un bon père capucin , qu’ils avoient invité à dîner. On servit un fort beau coclion-de-lait à la broche ; on pria le religieux de le découper ; et comme il s’y disposoit, le plus vigoureux des jeunes gens prit la parole , et lui dit : « Mon père , prenez garde » à vous ! car nous avons irrévoca- » blement décidé , entre nous , de » vous traiter absolument de même » que vous allez traiter cet animal ; » et vous pouvez être sûr que soit que » vous lui coupiez un membre , ou a même la tête , il vous en arrivera » à l’instant tout autant. Jamais la loi » du Talion n’aura été plus rigoureu- » sèment exécutée ». Le capucin, sans s'effrayer, fit au cochon ce que nous avons dit (dans notre calendrier), qu’il falloit faire aux dindes de la Vallée , pour s’assurer qu’elles ne sont point amères ; puis s’adressant aux jeunes convives : « Messieurs, dit-il, » je vous prie de m’en faire autant, » selon votre menace. Vous voyez » qu’elle ne m’effraye point ». (lui fut sot alors ? ce furent les mystificateurs. Ainsi seront traités tous ceux

236 Almanach des Gourmands. qui, voulant se jouer d’un Gourmand, croiront avoir plus d’esprit que lui. Nous voulons bien leur apprendre ici, que jamais un sot n’a mérité ce nom. Potage de Nous ne pourrons mieux terminer > fr. ce volume qu’en disant quelque chose d’un potage de soixante francs, sur le- quelles renseignemens nous sont parvenus trop tard pour en donner la recette en son lieu. Comme le temps et l’espace nous manquent également pour la placer ici, nous nous bornerons à dire que ce phénix des pota- tages , qui , vu le cours actuel des denrées,reviendroit aujourd’hui à plus de 90 francs , est de l’invention de M. Camerani , ci-devant Scapin de la Comédie italienne , et qui, par la profondeur dé ses connoissances dans toutes les parties de l’art alimentaire , méritoitd’en être l’Arlequin. Soixante livres une soupe pour deux personnes! Quel texte à méditer pour un Gourmand! Nous l’abandonnons en finissant à la profondeur des réflexions de nos honorables lecteurs. Fin de ïAlmanach des Gourmands. \ "'r r ■ I

2 3,

y table ALPHABÉTIQUE j _ _ D E s.sommaires et des matières principales renfermés dans VAlmanach des Gourmands.

Ann,, s (des). . . . page gi Agneau ( de 1’ ) g3 Aigrel’euille (M. d’) vu Alambic littéraire ( de 1’ ) ri Albran ( de 1’ ) 116 Aloses ( des ) 92 Alouettes ( des ) 46 Américains ( hôtel des) i,3 Amphitryons (des) i58 Anecdotes gourmandes 23o Anguilles ( des ) 89 Août 1x4 Artichauts (des). . . 122 Asperges ( des ) g8 Avantages de la bonne-chère (des ). . 226 Avertissement de l’Editeur. ... i Avis 11 Avis du Libraire v Avril gz Aze ( des réglemens de M. ). . . . 218 Barbillons (des) go Barboteurs ( surn. des canards dom.). ,5 Barbue ( de la ) 82 Bartavelles ( des ) 42 Baudouin ( M. ). ...... , 18*

238 Taille Alphabétique. Baudson ( M. ) lok Beaucage (Mde. ), tripière 18g Beauvilliers ( M. ) , restaurateur. . i64 Bécasse ( de la ) 3-j Berly ( M. ) , restaurateur j(i8 Berthellemot ( M. ) , confiseur. . . 180 Beurre (du) io3 — (marchands de) igi Biennait ( M. ), rôtisseur 171 Billiote (M. ), restaurateur. . . .213 Bœuf (du) et de ses diverses préparât. 11 ■Bonbons ( des ) . 195 Bordin (M. ), vinaigrier-distillateur. J97 Bouchon ( M. ), pâtissier i84 Brandades de merluche. ..... 17g Brèmes (des) go Brigault( M. ), restaurateur. . . . 203 Brochet ( du ) . 85 Cabaret ( M. ), vermicellier. . . . 2o3 Café du caveau 178 ——Conti 2o4 —.— Corazza, aujourd'hui Eenoir. . 178 des Etrangers Ibid. Tortoni Ibid. ——de Foi Ibid. de Valois Ibid. Zoppi , ci-devant Procopo et Dubuisson 207 Cailles et Cailleteaux. ( des ) . . .112 Caillot Duval (Correspondance de). 223 Calendrier nutritif. ...... g républicain ix Camerani ( M. ). 236 Canard domestique (du ) 73 sauvage 34 Capucin subtil ( le ), anecdote. . . . 234 Carchi(M. ), glacior i85

Table 'Alphabétique. 2.Z<j Cardes et cardons ( des ) 5i Carême (du) 76 Carnaval ( du ) 60 Carné ( M. ) , pâtissier 180 Carottes ( des ) 55 Carpe (delà), 86 Carpes du Rhin Ibid. Carrelets ( des ) 82 Cauchois ( M. ), 'pâtissier. . . . 210 Céleri ( du ) 52 Censeur dramatique ( le ), cité. . . 225 Champignons ( des) Chat, gardien de plus de 1800 jambons. 97 Chevet ( M. ), Md„ de comestibles. . 174 Chevreuil ( du ) 3i Choiseul ( hôtel de ). . . . . . . 181 Chou (du) 55 Choux-fleurs ( des ) 5o Clément ( M. ), fruitier-oranger. . .195 Cochon ( du ) et de ses divers apprêts. iS Cochon de lait (du) 117 Collind’Harleville (M.) ,Hom. delet. 46 Concombres (des) 109 Consommation de Paris ( de la ). . . 160 Coqs vierges ( des) 106 Corcellet ( M. ) , Md. de comestibles. 174 Corps (M. ), charcutier 200 Cousin de tout le monde ( le ). . . 64 Crèmes et pâtisseries (des). . . . i34 Cuisse de poulet dinde( la )., anecdote. 223 Curé ( le ) bien avisé 233 Daim (du) ... 3o Décembre i46 Deharme ( M. ), traiteur de la marmite perpétuelle 206 Déjeuners chauds (des) 65 ■ à la fourchette (des). . . 61

a4o Table Alphabétique. Déjeuners à la Lyonnoise ( des ). . . 181 Delauney ( M. ) , boucher r85 — ( Mde ), bouchère, brune et svelte. 186 Dernier avis du Libraire ab-j Dieu ( Madame ), Mde. de marée. . 188 D igestion (la) est l’affaire de l’estomac. 217 Dindes et dindons ( des ) 187 Dindonneaux ( des ) 107 Discours d’un Gourmand , anecdote. 226 Dubertret( M. ), traiteur 212 Dubourg ( Mde. veuve ) , épicière. . 172 Ducray-du-Minil M.), journaliste. . 211 Dupont lM. ) , pâtissier i83 Duthé ( M. ), charcutier, rue Neuve-St.- Eustache 26 Duval ( M. ), confiseur 196 Ecrevisses ( des ) 90 Edon ( M. ), notaire 208 Edon ( M. ), restaurateur 207 Epiciers en gros 186 Epiciers de la Halle ig5 Epinards (des) 49 Errata 248 Esturgeon ( de 1’ ) 79 Etalages nutritifs l65 Etrennes ( îles ) les plus agréables aux gens de lettres , etc 10 Faisan ( du ) .45 Fargeon(M.), parfumeur-distillateur. 203 Farineuses (des pâtes). bq Farineux (des légumes) 91 Fèves de marais ( des petites). . .109 Février. 5a Fidèle Berger (le) 196 Folies Gourmandes 2i4 Fontaine ( Mde. ), fruitière-orangère. xg5 Frascati. - . i«3 ’ “ “ " " Fruitiers

Table Alphabétique. u'n Fruitiers-orangers de la Halle ( des . 193 Fruits ( des ). . . - J92 Fruitssecs, et salaisons (Mds. de ). . ig.3 Gelinottes (des) 45 Georges (Mlle.), voyez Weimer. . 226 Gibier ( du ). . ._ 29 Gouet (M. ), pâtissier 208 Goujons ( des ) go Grand-Monarque ( le ) 196 Grenouilles ( (les ) agi Grives ( des ). 120 Guélaud ( M. ), confiseur 201 Guichard ( M. ), traiteur i48 Guignards ( des ). 45 Halle ( de la ) 187 Hardy (Mde. veuve) , limonadière. . 182 Harengs, frais et salés (des). . . . i45 — -laites Ibid. Haricots blancs ( des )...... 92 verts 109 HémartfM. ), fabr. de pain d’épice. 211 Herbes et légumes ( marchands d’). igo Heures et nature des repas actuels à Paris, 162 Huîtres à l’écaille (des) 83 Anglaises i85 en garenne 85 — marinées ig5 vertes i85 Hyrment (M.), marchand de comestibles, 174 Indigestions ( des ) 26, etc, Itinéraire nutritif, ou Voyage d’un Gourmand dans Paris i5g Jambon ( du ) g4 Jambons ( des ) de Bayonne. . . . ib. ■ - ( des ) de Mayence . . . ib. i4

Janvier. 9 Jean ( M. ), charcutier 181 Jour de Pan ( du ) g Juillet m Juin io4 Laban ( Madame ), crémière. . . . 181 Laitues ( des ) 110 Lambert (Madame ),crémière . . . 2i3 Lange( M. ), fabricant de lampes. . . 199 Lapereaux ( des ) n5 Lapin ( du ) 53 Lazagnes ( des ) 5j Leblanc (M. ) , pâtissier 209 LebœuffM. ), traiteur 212 .Léda ( M. ), restaurateur 181 Legacque ( M. ), restaurateur. . ». .170 Légumes (des) propres à chaque saison. 4g Lemoine ( M. ) , marchand de liqueurs et de chocolat 181 Lenoir ( Madame), limonadière. . . 178 Lentilles ( des ) 92 Lesage (M. ), pâtissier i84 Levrauts ( des ) ii5 Lièvre ( du ) 62 Limaçons ( des ) 81 Limandes ( des ) 82 Lombards ( de la rue des ) 1 g4 Londeau ( M. ), charcutier. .... 209 Lottes ( des go Macaronis ( des ) 5y Magasin de jambons ( singulier). . 96 Mai . . . • 99 Maille (M.), vinaigrier-distillateur. . 208 Malherbe ( M. ) , charcutier. . . . 201 Maquereaux ( des ) g9 Marcassin ( du ) 116 Marée ( de la ). . s . . . • », . 76

Table Alphabétique. 243 Marée ( Halle à la ) 188 Marmite perpétuelle 206 Mars , . . 76 Martignon aîné (M.), épicier en gros. 187 Martin (de la St.-) i35 Massieu ( M. ), rôtisseur à la Vallée. 206 Matelottes ( des ) i46 ( des ) de la Râpée. . . . i48 Maximes nutritives 2i4 Mazurier (M. ), limonadier-glacier. 212 Merlan ( du ) i52 Merlans (arrivée des) à Paris. . . Ibid. Moisonneurs (lés) , magasin d’épiceries , fruits secs et confits ig4 Mouillette inutile ( la ), anecdote. . 25i Moutarde de Maille 208 — odorifère, etdesanté.deBordin. . 197 Mouton ( du ) et de ses diverses préparations. ... 1 19 Naudet(M. ), restaurateur. . . . 179 Navets (des) 55 Noces ( des repas de ) 64 Noël (de la nuitet du jour de). . . . i5j Noël (madame), Mde. de légumes. . igo Novembre ]35 Observation î . . . i58 Octobre i3o Odiot ( M. ), orfèvre. . -. . . . 171 Œufs (des) ia4 ■— ( manière de choisir et de conserver les) I24etsuiv. ( marclians d’) igo Oie domestique ( de 1’ ) 70 sauvage ( de 1’) 71 • ( cuisses d’) 72 Oignons ( des ) 55 Ombres-chevaliers ( des ) 88 14*

a 44 Table Alphabétique. Oranges (marchandes d’) 244 Oudard ( M. ) , confiseur 196 Outarde ( de 1’ ) . . . 109 Pain d’épice ( fabrique de ). ... 212 Palais-Royal iy3 Parallèle nutritif, anecdote. . . - 226 Parasites ( des ). . i3o Parc d’Etretat i85 Pascal (du temps) g3 Pâtés il’allouettes (des) de Pithiviers, 4 7 — ( des ) d’anguilles 09 ( des ) de canards , d’Amiens. . i84 ( des) de foies de canards d’Auph et de Toulouse V3 — ( des ) de foies d’oies de Strabourg. 72 (des) de Guignards de Chartres. 46 ( des ) de jambons de Bayonne. 96 ( des ) de perdrix rouges de Péri- gueux 4i (des) de poulardes de Chartres. 176 (des) de rougets de Montpellier. 161 ( des ) de thon de Marseille. . 8l —— ( des) de veau de rivière de Rouen, ... 176 Pâtisseries ( des ) i34 Pelletier (M. ) , épicier à la Halle. . ig4 Perches ( des ) de Seine 90 Perdreaux ( des ) 115 Perdrix ( des ) 38 Picard (M.), Homme de lettres. . 64 Pieds de mouton du Veau qui tète. . 202 Pigeon ( du ) 66 Pigeqnneaux f (les ). . . . j . . 100 Pluvier doré ( du ) 36 Poireaux (des) 55 Pois ( des petits )

102

Table Alphabétique. 245 Pois secs ( des ) . . . gi Poisson d’eau-douce (du) 35 Poissonnerie de la Halle( de la ). . . îqi Pommes ( des ) i 55 Pommes d’amour. ( Vayez tomates ). i5x Potage de 60 francs 236 Poularde au riz i55 Poulardes ( des ) 63 Poulet ( du ) - . . 66 Principes gourmands. ... . 2i4 Provençaux (les deux ), mag. d’épic. ig4 • ( les frères ), restaurateurs , 179 Provenchère (M.), célèbre pâtissier de Pi-' thiviers bq Puits-Certain ( têtes de Veau farcies du), 210 Quinquet( lampesàla). Voyc\Lange. îgg Kaie ( de la ) lois bouclée ( de la ) ib. (de la grosse) ou raie de Turbot, ib. de la Méditerranée ( de la ). . . 109 Rat ( M. ) , pâtissier i85 Recamier (madame). 226 Réflexion nutritives 2i4 Réglemens de M. Aze ( des ). . . . 226 Renat ()Mde. veuve ), traiteur. - . i48 Restaurateurs,(de l’origine des) et de leur ' ‘ ' ... i65 . . . i53 ... 55 . . .179 . . . i85 fabricant de • • .• 179 ... 46 . . .171

multiplication Réveillons ( des ) de Noël. Riz ( du ) Robert ( M. ), restaurateur Rocher de Cancale ( le ). Roos - Malen ( M. Van ) gaulfres à la flamande. Rouges-gorges ( des ). . Rouget ( M. ) , pâtissier.

^46 Table Alphabétique. Rousseau (feu M. ) , confiseur. . .196 Roze ( feu M. ), restaurateur. . . 182 Salnii d’un Bernardin ( recette du ). "T 35 Salsifis [des]ouscorsonnères. ... 5* Sanglier [du] '29 Sarcelle [de la] 36 Saumon [du] . 80 Sauvel [M.] distillateur et liquoriste. ao4 Septembre 119 Serrez les cuisses *4i Simon [M.], boucher *7 l Sole [ de la J Sujet du frontispice * v Table Alphabétique tôq Terrines de Nérac *9 2 Theurlot[M.], md. de beur. etd'œufs. 193 Têtes de Veau du Puits-Certain . • 210 Thon [du] frais et mariné Tomates [des]. t5i .Tortoni [M.] , limonadier-glacier , fabricant de chocolat ...... i83 Tripières de la Halle [des]. . . .189 Truie qui file [la] 194 Truites [des] 88 Turbot [du] 78 iTJstenciles de cuisine [époque remarquable pour récurer les] i37 Vallée [ de la ] 2o5 Variétés nutritives. ...*.* 2i4 Veau [du] et de ses div. prépara. . . i5 Veau qui tète [le] 202 Vermicelle [ du ] 5? Véry [ M.] restaurateur. . . 169 et 179 Viande de boucherie [ de la ]. ... it Vieux amis [ les ] 196 Visites de digestion 222 Volaille [ do la ] 65

Table Alphabétique. Voyage d’un Gourmand dans Paris. 1G8 Weimer [ Mademoiselle Georges], . 226 Zoppi [ M. ], limonadier, glacier, et chef d’un célèbre cabinet littéraire.. . 20y

Fin de la Table de l’Almanach des Gourmands.

DERNIER AVIS DU LIBRAIRE; Les Réglemens du célèbre M. Aze ; dont il est plus d’une fois question dans le cours de cet Ouvrage, ajant été fréquemment demandés au Libraire , comme une règle invariable de conduite dans presque toutes les circonstances de la vie , il croit devoir prévenir ici qu il a chargé l’Auteur de l’Almanach des Gourmands de les rédiger, et qu'ils paraîtront définitivement dans quelques mois.

FIN.

243

ERRATA.

Xj*Auteur croit, pour sa justification, devoir observer ioi que fie toutes les fautes dont se compose cet Errata , aucune ne se trouvoit sur sa dernière épreuve. Il est donc bien clair que ce n f est point à lui qu’elles doivent être imputées. Page 12 , lig. 3, anchois de Maille; lisez, anchois de maille. — 35, lig. 4, des canards; lisez, les canards. — 38, lig.6, côtelettes panées ; lisez, côtelettes parées. — 54 , lig. 27 , chironis ; lisez , chirouis. — 62 , lig. 7 , clayères; lisez, cloyères. 1 — ih., lig. 21 et 22 , anchois de Maille 9 lisez, anchois de maille. — 66, lig. 21, devions ; lisez , devrions. — 72 , lig. 2 , On l’accommode; lisez, On accommode. — 77 , lig. 4, et de même l’art ; lisez, et même de l’art. — 97 , lig. 10 , en pâté; lisez , en pâte. — 108, lig. 2, digustation; lisez , dégustation. ■— 119, lig. 22 , les sens ; lisez, les sucs. ■— i38, lig. 26, s’engraisser; lisez, engraisser. — i55 , lig. 6 , cœur ; lisez, chœur. — i64, lig. 18, d’abord point; lisez, point d’abord. — 185, lig. 17 et en marge, Garchi; Usez } Carchi. — 192 , à la marge, M. Theurlot, fruitier; Usez, M. Theurlot. Fruitiers. — 2o4 , lig. 9 et à la marge , M. Bodson j lisez, M. Baudson. Fin de VErrata,

o "n

03

a

o C-.

P ■* o o, “03 (-1 P O a<

§

<D *-a *3 <L> S O *-4 O

(U cn 3 O 04 ‘D t-4 P O 04

YEN DÉMI AIRE, an n. Signe , la Balance jl. Automne. Septembre et Octobre 1801.

i jeudi

ste Thecle

  • 3 «

2 vend

s. Andoche

24 3

3 saine

s. Firmin

Kg

4 16 dim

ste Justine

26 M

S lundi

s. Corne et D.

27 w

Nouv. L.

6 mardi

s. Ce'ran

28 *->

le j , à 0 h.

7 merc

s. Michel

29 0

5 rninu. du

8 jeudi

s. Je'rôme

3 0 •

matin.

9 vend

s. Remy

I

i o same

ss. Anges G.

10

11 17 dim

s. Denis l’Ar.

33

il lundi

s. François

4 a

Pr. Quar. le 12,34 !'•

13 mardi

ste Aure

c »

14 merc

s. Bruno

6 *

4S min. du

15 jeudi

s. Serge

7

soir.

16 vend

s. Démêtre

8

17 same

s. Denis

9

1818 dim

s. Ge're'on

IO

19 lundi

s. Nicaise

il

PI. Lune

20 mardi

s. Wilfrid

il

le 19 , à 8 h.

21 merc

s. Ge'raud

13

7 minu. du

11 jeudi

s. Caliste

14

matin.

13 vend

ste The'rèse

15

24 same

s. Gai y abbe

16

25 19 dim

s. Cerboney

17

26 lundi

s. Luc,e'vang.

18

Dern. Q.

27 mardi

s. Savinien

19

le 26, à 0 h.

28 merc

s. Sendou

20

5 minu. du

29 jeudi

ste Ursule

11

soir.

30 vend

s. Mellon

12

Les jours et 51 le

diminuent de 51 minutes le mafin , soir.

ël

■rfRSii.--

BRUMAIRE. C Brouillards ). Signe, le Scorpion n\. Octobre et Novembre.

i same

s. Hilarion

23 0

2 20 dim

s. Magloire

24 H

3 lundi

s. Cre'pin Cr.

15 «

4 mardi

s. Rustique

»«£

Nouv. L.

5 merc

s. Frumence

z 7 ‘

le 4 , à 4 h.

6 jeudi

s. Simon s. Ju.

28

43 min. du

7 vend

s. Faron

29

soir.

8 same

Vigile-Je une

30

921 Jim

s. Lucain

31

10 lundi

TOUSSAINT

1 Z

11 mardi

les Morts

12 merc

s. Marcel

3 w

Pr. Quîr.

13 jeudi

s. Charles

le iz, à 1 h.

14 vend'

ste Bertile

sS

20 min. du

15 same

s. Leonard

6 *

matin.

16 22 dim

s. Willebron

7

17 lundi

stes Reliques

8

18 mardi

s. Mathurin

9

PI. Lune

19 merc

s. Le'on

IO

le 18, à 6 h.

20 jeudi

St.-M ART IN

11

56 min. du

21 vend

s. Rene'

12

soir.

12 same

s. Gendulfe

13

23 23 dim

s. Martin

1+

24 lundi

s. Eugène

  • 5

25 mardi

s. Eucher

16

merc

s. Agnan

‘7

Dern. Q.

27 jeudi

ste Aude

18

le is , â 7 h.

28 vend

ste Elisabeth

19

57 min. du

29 same

s. Edmond

20

Imatin.

30 24 Jim

Fre's. de N. D

11

I

Les jours

diminuent de

45 min. le matin.

et 45

le soir.

>

î

FRIMAIRE. ( Frimats. ) Signe , le Sagittaire Novembre et Décembre.

i lundi

ste Ce'cile

2221

2 mardi

s. Clément

23 §

3 merc

s. Severin

4 jeudi

ste Catherine

2 S E

Nouv. L.

5 vend

ste Geneviève

26 tn

le 4, à 8 h.

6 same

s. Vital

17

4 minut. du

7 i dim

VAvent

28

matin.

8 lundi

s. Sosthcnes

29

9 mardi

s. André

3 °

io merc

s. Eloi

xg

ii jeudi

s. François X.

2 O

Prem. Qu.

iz vend

s. Mirocle

3 g

le 11, à s h.

13 sa me

ste Barbe

4*

t3 min. du

142 dim

s. Sabas

5 - m

matin.

r 5 lundi

s. Nicolas

6

16 mardi

ste Fare

7

17 merc

Conception

8

18 jeudi

ste Gorgonie

9

PI. Lune

19 vend

s. Valère

IO

le 1 s , à 7 h.

20 same

s. Fuscien

11

49 min. du

21 3 dim

s. Dainase

12

matin.

22 lundi

ste Lute

13

23 mardi

s. Nicaise

■4

14 merc

Quatre-temps

15

2 5 jeudi

s. Mes min

16

26 vend

ste Adélaïde

>7

Dern. Qu. -

27 same

ste Olympiade

l 8

le 16, à j h.

284 dim

s. Meuris

‘9

42 min. du

29 lundi

s. Philogone

20

matin.

30 mardi

s. Thomas

21

Les jours diminuent de 19 minutes le matin

et 19 le

soir.

J

NIVOSE. ( Neige ). Signe, le Capricorne %. Hiver. Décembre et Janvier.

i raerc

s. Ischyrion

22 ai

2 jeudi

s. Yves

23 n

3 vend

Réveillon

1+3

Nouv. Lu.

4 sanie

NOËL

25g

le 3 , à 9 h.

5 d.man

s. Etienne

26 »

+9 min. du

6 lundi

s. Jean Evan.

27

soir.

7 mardi

ss. Innocens

28

8 merc

s. Thomas

2 9

9 jeudi

ste Colombe

30

io vend

s. Sylvestre

3 1

Preni. Qu.

11 same

Circonsicïon

1 c_

le 10, à 5 h.

12 diman

s. Basile

11 min. du

i 3 lundi

ste Genevieve

3 5

soir.

14 mardi

s. Rigobert

+ 5

1 5 merc

s. Sime'on

5 -

16 jeudi

Epiphanie

6 0

17 vend

s. The'au

7 •

Pleine Lu.

18 same

s. Lucien

8

le 17,à 11 h.

1 p 1 dim

s. Pierre

9

9 niinut. du

20 lundi

s. Paul, Her.

10

soir.

21 mardi

s. Hygin

I 1

21 merc

s. Arcade

12

23 jeudi

Bapt. de N. S.

13

24 vend

s. Hilaire

14

2 5 same

s. Maur , abbe'

15

26 2 dim.

s. Guillaume

16

Dern. Qu.

27 lundi

s. Antoine

  • 7

le 26, à 3 h.l

28 mardi

Chaire s. Paul

18

1 minut. du

2ç merc

s. Sulpice

19

matin.

30 jeudi

s. Sebastien

20

Les jours croissent de 18 minutes le matin et 19 le soir.

PLUVIOSE. (Pluies). Siffic , le Verseau —. Janvier et Février.

i vend

ste Agnès

«s*

2 samedi

s. Vincent

22 ^

3 3 dim.

s. Ildefanse

23 w

Nouv. Lu.

4 lundi

s. Babylas

14 w

le 3 , à ic h.

5 mardi

Conv. s. Paul

2 5 £

8 minu. du

6 merc

ste Paule

26°

matin'

7 jeudi

s. Julien

2 7 *

8 vendr

s. Cyrile

28

9 samed

s. Franç. de S.

-9

104 dim.

ste Batilde

30

Prem. Qu.

11 lundi

s. Pierre Nol.

31

le 10, à 2 h.

12 mardi

s. Ignace

1

10 minu. du

13 mercr

Purification

o W-

matin.

14 jeudi

s. Biaise

3 S

15 vend

s. Phile'as

+ 3

16 samed

ste Agathe

5 ’

17 diman

Septuagcsime

Pleine Lu.

18 lundi

s. Ro muai de

7

le 17 , à 4 h.

19 mardi

s. Jean de M.

8

46 min. du

20 merc

ste Appoline

9

soir.

21 jeudi

s. Scolastique

10

22 vend

s. Severin

11

23 samedi

s. Me'lece

12

24 diman

Sexagésime

13

25 lundi

s. Valentin

14

Dern. Qu.

26 mardi

s. Faustin

15

le 2 s ,3 9 h.

27 merc

ste Julienne

16

53 min. du

28 jeudi

Jeudi-Gras

17

soir.

29 vend

s. Sim don

18

30 samed

s. Moïse

19

Les jours croissent de 4+ minutes le matin et 4S le soir.

"T33>-

VENTOSE. ( Vent). Signe , les Poissons j(. Février et Mars.

i diman

Dimanche gras

20 ’ T I

2 lundi

s. Flavien

2 1 <

Nouv. Lu.

3 mardi

Mardi-Gr.

22 2

e 2 , à 9 h.

4 merc

Cendres

23 »

14 min. du

5 jeudi

s. Matthias

2+’

soir.

6 vendr

Les $ Plaies

15

7 samed

s. Porphyre

26

8 i dm.

uadragésime

  • 7

9 lundi

s te Honorine

28

Pretn. Qu.!

io mardi

s. Aubin , e'v.

1 a

le 9 , à 0 h.

11 merc

Quatre- temps

2 >

56 min. du

ii jeudi

sie Cune'gond

3*

s^ir.

13 vend

s. Casimir

4

i^samedi

s. Drausin

5

152 dim.

Reminiscere.

6

16 lundi

ste Perpétue

7

17 mardi

s. Jean de D.

8

Pleine Lu.

18 merc

ste Françoise

9

le 17, à 11 h.

19 jeudi

s. Doctrovée

10

31 min. du

10 vend

Les 40 Martyrs

11

matin.

21 samedi

s. Pol, évêque

I 2

21 3 dim.

Oculi

13

23 lundi

s. Lubin

1+

14 mardi

s. Euphrasie

<5

25 merc

s. Abraham

16

Dern. Qu.

26 jeudi

Mi-Carême

17

le 15, à 1 h.

27 vend

s. Alexandre

18

!S minu. du

28 samedi

s. Joseph

19

soir.

29 + dim.

Lee tare

20

30 lundi

s. Benoît

21

1

Les jours

croissent de 52 minutes le matin

et 5 2 le soir.

GERMINAL ( Sève. ) Signe , le Be'lier Y. Phkieiü, Mais et Avril.

i mardi

s. Paul, e'v.

12 2;

2 merc

s. Victorien

2 3 a 1

Nouv. Lu.

3 jeudi

s. Simon

2 +“

e 2 , à 7 h.

4 vend

Annonciation.

2 S

f minu. du’

5 samed

s. Ludger

26

matin.

6 $ dim.

Passion

27

7 lundi

s. Gontrand

28

8 mardi

s. Eustase

29

9 merc

s. Rieule

30

Prem. Qu.

io jeudi

s. Acace , e'vê.

31

e 9 . à 1 h. j

11 vend

Compassion

I

53 min. du:

12 samedi

s. Franç. de P.

2 !> matin.

136 dim.

les Rameaux.

3 5

14 lundi

s. Ambroise

4 r

15 mardi

s. Vincent F.

5 *

16 merc

s. Prudence

6

Pleine Lu.

17 jeudi

s. He'ge'sipe

7

le 15 > à 5 h.

18 vend

Vendredisaint

8

33 min. du

19 samed

ste Marie e'gy.

9

matin.

20 dim.

PAS QU ES

10

21 lundi

s. Lc'on

11

21 mardi

s. Jules , pape

12

23 merc

s. Hermeneg.

13

2+ jeudi

s. Tiburce

14

25 vend

s. Paterne

1 5

Dern. Qu.

26 samed

s. Fructueux

16

jle 1 s, à 0 h.

271 dim.

Quasimodo

  • 7

i31 min. du

2 5 lundi

s. Parlait

1 8

matin.

29 mardi

s. Elphege

19

3 men.r

s. Hildegonde

20

1

Les jours croissent de ji minutes le matin et ji le soir.

FLORÉAL. {Fleurs). Signe, le Taureau y. A v k i i. et Mai.

i jeudi

s. Anselme

21 >

Nouv. Lu.

2 vend

ste Opportune

22 &

le 1 , à 3 h.

3 same

s. Georges

23 r

50 min. du

4 2 dim.

ste Beuve

14

soir.

5 lundi

s. Marc ,absti.

25

6 mardi

s. Clet, pape

26

7 merc

s. Polycarpe

27

Prem.Qu.

8 jeudi

s. Vital

28

9 vend

s, Robert

29

le 8 , à 4 h.

io same

s. Eutrope

30

3 6 min, du

il 3 dim

s. Jacq. s. Ph.

soir.

il lundi

ste Athanase

13 mardi

Inv. ste Croix

3 r

14 merc

ste Monique

+

15 jeudi

Conv. s. Aug.

5

Pleine Lu.

16 vend

s. Jean P. Lat.

6

17 same

s. Stanislas

7

le 16, à 9 h.

184 dim.

s. Desire'

8

23 min. du

19 lundi

s. Gre'goire N.

9

soir.

20 mardi

s • Gordien

IO

21 merc

s. Mamert

11

22 jeudi

s. Ne're'e

12

23 vend

s. Oncsime

13

24 same

s. Servais

1+

Dern. Qu.

2 SS dim

s. Isidore

15

le 24, à 8 h.

26 lundi

Les Rotations

I<»

29 min. du

27 mardi

s. Paschal

  • 7

matin.

28 merc

s. Eric

18

29 jeudi

ASCENSION

19

30 vend

ste Cdlestine

20

Les jours croissent de 44 et 44 le soir.

minutes le matin

PRAIRIAL. ( Prairies ). Signe, les Gémeaux tl. Max et Juin.

i same

s. Hospice

21 g

Nouv. Lu.

2 6 dim

s. Austre'ges.

2xï

le 1, à 0 h.

3 lundi

s. Didier

23

7 minu. du

4 mardi

s. Donatien

24

matin.

5 merc

s. Urbain

6 jeudi

s. Philippe N.

26

7 vend

s. Jean, pape

27

8 same

Vigile-Jeûne.

28

Prem. Qu.

9 diman

PENTECOT

29

le s , à 9 h.

iolundi

s. Augustin

30

32 min. du

1 1 mardi

s. Germain

3 1

matin.

12 merc

Quatre- l'ems.

1 ^

!3 jeudi

s. Potliin

vend

ste Clotilde

••4 3 *

i s same

s. Optât , e'v.

4

16 i dim

La Trinité

5

Pleine Lu.

17 lundi

s. Norbert

le 16,à 10 h. 1

1 8 mardi

s. JJoniface

7

33 min. du

I 19 merc

s. Me'dard

8

matin.

20 jeudi

Vête-Dieu.

9

21 vend

s. Landry s. Barnabe'

TO

22 same

I I

232 dim

s. Justin

12

Dern. Qu.

2* lundi

s. Ant. de P.

13

le 23 , à 1 h.

as mardi

s. Kufiin

! +

S 8 min. du

2 6 merc

s. Guy, mart.

I 5

soir.

27 jeudi

Ocf. jYétc-D.

16

28 vend

s. Avit, abbe'

17

Nouv. Lu.

29 same

ste Marine

18

le 30.

303 dim

s. Gervais

19

Les jours croissent de 20 et 19 le soir.

minutes le matin

y- '

h

) |

/

MESSIDOR. ( Moisson ). Signe, l'Ecrevisse ®. É t 4. Juin et Juillet.

i lundi

s. Sylvere

10 c

2 mardi

s. Leufroi

21 M

3 merc

s. Paulin

22 •

4 jeudi

Vigile-Jeûne

23

5 vend

Nativ. s. J. B.

24

6 same

s. Prospère

25

7 4 éfim.

s. Babolein

2 6

î lundi

s. Ladislas

27

Prem. Qu.

5 mardi

Vigile-Jeûne

18

le 8 , à 2 h.

io merc

s. Pierre s. P.

29

4P min. du

11 jeudi

Conv.s. Paul

30

matin.

il vend

s. Martial

13 same

Visit. deN. D.

2 r

  • 4 5 dim

s. Anatole

3 ^

IJ lundi

Trans. s. Mar.

4 ?

Pleine Lu

16 mardi

ste Zoe', mart.

5

le 1 j, à p h.

17 merc

s. Tranquille

6

18 min. du

i8 jeudi

ste Aubierge

7

soir.

ip vend

ste Elisabeth

8

20 same

s. Cyrille, c'v.

9

216 dim

ste Félicité

10

2i lundi

Tr. s. Benoît

11

Dern. Qu.

23 mardi

s. Gualbert

12

le 22, i 6 h.

24 merc

s. Turiaf

U

ip min. du

15 jeudi

s. Bonaventur

14

soir.

26 vend

s. Henry

15

27 same

s. Eustache

16

Nouv. Lu.

28 7 dim

s. Spe'rat

■7

le 29 , à 7 h.

ip lundi

s. Clair

18

2 5 min. du

30 mardi

s. Vincent

19

soir.

Les jours et 15 le

diminuent de 14 minutes le matin soir.

t* t

THERMIDOR. (Chaleur) Signe , le Lion Juillet et Août.

i merc

ste Marguerite

10 ?

z jeudi

s. Victor

«P

3 vend

ste Madeleine

12 5

4 same

s. Appolinaire

23 r 3

5 8 dim

ste Christine

24

6 lundi

s. Jacques mi.

25

7 mardi

s. Christophe

26

Prem. Qu.

8 merc

s. Georges

27

le 7 , à 7 h.

9 jeudi

ste Anne

28

59 min. du

10 vend

s. Loup, éwù.

29

soir.

11 same

s. Abdon

30

iz 9 dim.

s. Germain

31

13 lundi

s. Pierre ès-li.

1

14 mardi

s. Etienne

2 §

15 merc

Inv. s. Etienne

3 H

Pleine Lu.

16 jeudi

s. Dominique

4

le is , à (S h.

17 vend

s. Yon , mart.

5

55 min. du

18 same

Transfigurât.

6

matin.

1910 dim

Susc. ste. Cr.

7

20 lundi

s. Justin , m.

8

21 mardi

s. Romain

9

Dem. Qu.

zz mecr

s. Laurent

IO

le ai,à 11 h.

23 jeudi

Sus. ste. Cou.

11

9 minu. du

24 vend

ste Claire

• 12

soir.

25 same

Vigile-Jeûne

13

26 11 dim

s. Alexandre

14

27 lundi

ASSOMPT.

15

Nouv. Lu.

28 mardi

s. Roch

16

le 29 , à 8 h.

29 merc

s. Mammès

17

28 min. du

30 jeudi

ste Hélène

18

matin.

Les jours diminuent de 41 minutes le matin et 41 le soir.

J

FRUCTIDOR. (Fruits\

i vend

s. Louis, e'vê.

19 £>

‘ 2 sanie

s. Bernard

20 g

3 11 d'un

s. Privât

2.1 s 22 *

4 lundi

s. Symphorien

5 mardi

s. Sidoine

23

6 merc

s. Barthe'lemi

24

7 jeudi

s. Louis

2 5

Prem. Qu.

8 veful

s. Ae'phirin

26

le 7, à 0 h.

9 sanie

s. Ce'saire

27

24 min. du

io 13 dim

s» Augustin

2g

soir.

11 lundi

Dec. s. Jean

29

12 mardi

s. Fiacre

30

13 merc

s. Me'de'ric

3i

i+ jeudi

s.Leu,s. Gilie

1 «

Pleine Lu.

i s vend

s. Lazare

2 2

le 14, à 3 h.

16 same

s. Grégoire

3 w

40 min. du

1714 dim

ste Rosalie

4S

soir.

18 lundi

s. Berlin

5 S

19 mardi

s. One'siphe

6 *

20 merc

s. Cloud

7

21 jeudi

Nati. de N. D.

8

Dern. Qu.

22 vend

s. Orner

9

le zi, à 6 li.

23 same

s. Nicolas

10

3 minu. du

24 15 dim

s. Patient

11

matin.

25 lundi

s. Serdot, e'v.

12

26 mardi

s. Maurille

13

27 merc

Exal.ste Croix

14

Nouv. Lu.

28 jeudi

s. Nicomède

1 5

le 29, à 0 h.

2s vend

s. Cyprien

I 6

i minu. du

30 same

s. Lambert

l 7

matin.

J 0 V R

C O M P L É M

ENTA1R ES.

I 16 dim

s.Chrisostôme

18?

2 lundi

s. Janvier

is'S

3 mardi

s. Eustache

20 g

4 merc

Quatre^Xcms

21 H*

Prem. Qu.

î jeudi

s. Mathieu

12."

6 vendr

s. Maurice

23

le \L~

i






Unless indicated otherwise, the text in this article is either based on Wikipedia article "Almanach des Gourmands" or another language Wikipedia page thereof used under the terms of the GNU Free Documentation License; or on research by Jahsonic and friends. See Art and Popular Culture's copyright notice.

Personal tools