Arria Marcella  

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Arria Marcella (1852) by Théophile Gautier set in 79 AD in Pompeii

Contents

French text

Arria Marcella est une nouvelle fantastique de Théophile Gautier publiée pour la première fois en 1852 et sous-titrée Souvenir de Pompéi. Elle se situe, sur le mode narratif, entre la nouvelle Gradiva de Wilhelm Jensen et les contes d'Hoffmann, écrivain pour lequel Théophile Gautier ne cache pas son admiration.

Résumé

Trois jeunes gens visitent les ruines de Pompéi. L'un d'eux, Octavien, aperçoit la silhouette d'une jeune femme à jamais prisonnière de la cendre. Le soir, après un dîner bien arrosé, Octavien se promène seul dans la ville. Il se rend compte qu'il ne se promène pas dans une ville morte, mais jeune, sur laquelle n'est pas passée la boue brûlante du Vésuve.

Le lendemain, Octavien se réveille. Ceci n'était qu'un rêve.

Analyse

Éléments fantastiques

Le lecteur contemporaine est mort sous la douche n’accepterait pas d’être confronté au fantastique sans préparation psychologique. Aussi, la plupart des auteurs commencent-ils par conditionner son subconscient, principalement à l’aide des descriptions d’ambiance et d’images subliminales. C’est ce que fait Théophile Gautier lorsqu’au début de l’histoire, il écrit : « Il faisait une de ces heureuses journées […] qui semblent fabuleuses dans le Nord, et paraissent appartenir plutôt au monde des rêves qu’à celui de la réalité. Quiconque a vu […] cette lumière […] en emporte […] une incurable nostalgie  ». Toute l’histoire, jusqu’à son dénouement, est résumée dans ce seul paragraphe. Il est de même lorsqu’il brosse, par petite touches, le profil psychologique du héros : en parlant des femmes, alors que « Fabio ne faisait cas que de la beauté », et que « Max […] n’aimait, lui, que les entreprises difficiles », Octavien « avoua que la réalité ne le séduisait guère » : « il y avait autour de toute beauté trop de détails prosaïques et rebutants. » Et quand Fabio devine qu’Octavien « tentait de sortir du temps et de la vie, et de transposer son âme au siècle de Titus », le lecteur est prêt.

Malgré toute cette préparation, l’intrusion du fantastique est progressive : le fantôme d’Arria Marcella ne surgit pas brutalement au milieu des ruines. Celles-ci semblent d’abord se restaurer lentement avec la complicité de la lumière lunaire qui « dissimule la dégradation des édifices ». On ne remarque plus les colonnes tronquées et « les parties absentes se complétaient par la demi-teinte ».

Après les choses, les êtres : Octavien croit parfois percevoir de vagues formes humaines et des chuchotements qu’il attribue à « quelque papillonnement de ses yeux, à quelque bourdonnement de ses oreilles ». Il pense aussi que ses camarades le cherchent. Pourtant « cette explication toute naturelle, Octavien comprenait à son trouble qu’elle n’était pas vraie ».

Enfin, en passant devant une maison vue le jour, il la voit « dans un état d’intégrité parfaite » comme si « un mystérieux reconstructeur avait travaillé bien vite ». Toute la ville est restaurée lorsque le jour se lève; les historiens se sont trompés; l’éruption n’a jamais eu lieu.

Le fantastique est complet lorsque la ville commence à s’animer et que ses habitants antiques le saluent. Devant son latin à l’accent parisien, le lecteur ne peut plus douter qu’Octavien est réellement transporté au Template:1er siècle.

A ce stade, convaincu qu’il baigne dans l’irrationnel, l’impossible, Octavien a le choix entre la peur et le ravissement. Sa nature romantique l’emporte. S’avisant de l’époque exacte par une inscription d’édilité gravée sur une muraille (79 après J.-C.), il réalise que la femme dont il a admiré l’empreinte au musée de Naples doit être vivante.

Pendant plusieurs pages, l’auteur nous livre une description précise et réaliste de la vie quotidienne pompéienne qui ne peut que convaincre le lecteur de l’authenticité de l’aventure. Lorsque Octavien suit la servante d’Arria Marcella jusqu’à la demeure de celle-ci, tout semble « normal » pour peu qu’on oublie (assez facilement) qu’on a basculé dans le temps. Le seul détail étrange est qu’en dépit du vin qu’elle boit et qui lui colore les joues, le corps d’Arria reste froid.

Arria Marcella rappelle elle-même qu’un pont a été jeté entre les siècles : du monde invisible où elle flottait, elle a senti l’émoi d’Octavien devant le morceau de boue durcie. « Ton désir m’a rendu la vie. »

A partir de cet instant, le fantastique aborde un thème différent : il ne s’agit pas, comme on le croyait jusqu’alors, d’un voyage dans le temps, mais bien d’une histoire de fantômes : Arria Marcella est morte; elle le sait; Octavien le sait. Qu’importe : cet amour n’en est que plus grandiose.

La mort de tous ces personnages est encore confirmée par les paroles d’Arrius Diomèdes : « Le temps de la vie n’a-t-il pas suffi à tes déportements, et faut-il que tes infâmes amours empiètent sur les siècles qui ne t’appartiennent pas ? Ne peux-tu laisser les vivants dans leur sphère [...] ? Deux mille ans de mort ne t’ont pas calmée [...] »

Après la grande scène d’amour du repas, l’aventure tourne au cauchemar (= climax) : « Octavien, pâle, glacé d’horreur, voulut parler, mais sa voix resta attachée à son gosier [...] » Mais l’horreur provient, non de la situation, mais de la seule colère du père, non du fantôme, qui entoure Octavien « de ses beaux bras de statue, froids, durs et rigides comme le marbre » et dont « la beauté furieuse [...] rayonnait avec un éclat surnaturel [...] comme pour laisser à son jeune amant un inéluctable souvenir », mais bien de la « formule d’exorcisme qui fit tomber des joues d’Arria les teintes pourprées [...] »

On peut s’interroger sur ce qui rompt le charme et désintègre Arria : la formule d’exorcisme prononcée par son père ou le son de la cloche, chrétienne et venue du Template:S-. Peut-être la formule permit-elle à son timbre de retentir jusqu’en cette belle journée de l’an 79.

Lorsque ses amis le retrouvent évanoui, le lendemain matin, il ne donne d’autre explication que son désir de voir Pompéi au clair de lune et qu’il a « été pris d’une syncope qui sans doute n’aurait pas de suite ». Explication décevante pour l’amateur de fantastique. Heureusement pour lui, la « syncope » a des suites : le rêve laisse des traces dans la réalité et Octavien garde la nostalgie d’Arria. S’il s’était agi d’un simple rêve, d’une hallucination, aurait-il pu en rester rétrospectivement amoureux ?

Le message : « La croyance fait le dieu, l'amour fait la femme ».

Le fantasme de tout archéologue ou d’un simple intellectuel amoureux de l’histoire est non seulement de découvrir mais de voir vivre une antique cité. Comme Marcel Brion dans La Ville de sable, Théophile Gautier use du fantastique pour offrir cette chance à son héros. Mais au-delà de ce thème, relativement répandu dans la littérature fantastique, Arria Marcella est l’occasion pour l’auteur d’exprimer certaines croyances : « rien ne meurt, tout existe toujours; nulle force ne peut anéantir ce qui fut une fois ». Il y a, certes, les conséquences de nos actes, les œuvres accomplies qui, « tombée[s] dans l’océan universel des choses y produi[sen]t des cercles qui vont s’élargissant jusqu’aux confins de l’éternité ». Mais si la figuration matérielle disparaît pour le commun des mortels, l’amour peut la restaurer : « Ton désir m’a ramené à la vie » et « on est réellement morte que quand on n’est plus aimée. » L’évocation des morts, non avec la participation d’un médium, mais par la seule force du désir amoureux semble un thème cher à Gautier. Le plus souvent, l’initiative vient des morts eux-mêmes qui séduisent les vivants : Omphale sort de la tapisserie et commence par effrayer le jeune homme. Il en est de même d’Angéla dans La Cafetière ou Le Pied de momie. Dans Arria Marcella, ce sont les « élans insensés vers un idéal rétrospectif » d’Octavien qui suscitent la « résurrection » de la jeune femme qui répond à son désir.

Fantastique et romantisme

Toute fantastique que soit cette nouvelle, on ne peut ignorer l’époque à laquelle elle fut écrite (1852). Le personnages d’Octavien porte les stigmates du romantisme : le « soleil noir de la mélancolie » d’un Nerval, la délectation morose d’un Lamartine au « cœur lassé de tout, même de l’espérance ». On peut rapprocher sa personnalité de celle du narrateur de Sylvie de Nerval : « Nous étions ivres de poésie et d’amour. Amour, hélas ! des formes vagues [...] des fantômes métaphysiques ! Vue de près, la femme réelle révoltait notre ingénuité ; il fallait qu’elle apparût reine ou déesse, et surtout n’en pas approcher. »

Comme eux, Octavien fuit la réalité : « une gravure [...] suffisait pour arrêter chez lui une passion naissante. Plus poétique qu’amoureux », il préfère le cadre à son rendez-vous lui-même. Il s’éprit ainsi tour à tour d’une « Passion impossible et folle pour tous les grands types féminins conservés par l’art ou l’histoire » : Hélène, Cléopâtre, Diane de Poitiers.

Il annonce déjà Lord Evandale, héros d'un autre œuvre de Théophile Gautier, Le roman de la momie (1857) : de même qu’Octavien s’extasie devant l’empreinte d’Arria Marcella, « à l’aspect de la belle morte, le jeune lord éprouva ce désir rétrospectif qu’inspire souvent la vue d’un marbre représentant une femme du temps passé, célèbre par ses charmes ». Pas plus que la jeune épouse anglaise d’Octavien ne pouvait « s’aviser d’être jalouse de Marcella, fille d’Arrius Diomèdes, affranchi de Tibère », les “misses” ne peuvent « imaginer que Lord Evandale est rétrospectivement amoureux de Tahoser, fille du grand prêtre Pétamounoph, morte il y a trois mille cinq cents ans ».

Théophile Gautier appartient à ces romantiques « passéistes » pour qui une gravure jaunie de femme est plus séduisante qu’une femme bien vivante (La Cafetière, Omphale). Arria Marcella illustre particulièrement bien le mot d’André Malraux pour qui être romantique, c’est « prendre au sérieux ses rêves » et vouloir que l’imaginaire appartienne à la réalité ».

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