Bibliographie romantique  

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Bibliographie romantique (1872) by Charles Asselineau.

Full text[1]

BIBLIOGRAPHIE

ROMANTIQUE


Catalogue anecdotique et pittoresque des éditions originales des œuvres de

VICTOR HUGO — ALFRED DE VIGNY

PROSPER MÉRIMÉE — ALEXANDRE DUMAS — JULES JAN1N

THÉOPHILE GAUTIER — PÉTRUS BOREL

ETC., ETC., ETC., ETC.

PAR

CHARLES ASSELINEAU


SECONDE ÉDITION, REVUE ET TRÈS-AUGMENTÉE AVEC UNE EAU-FORTE DE BRACQUEMOND


M


PARIS

P. ROUQUETTE, LIBRAIRE-ÉDITEUR

83-87, passage cuoiseul, 85-87 M DCCC LXXII


BIBLIOGRAPHIE

ROMANTIQUE


1872. — ALENCON. TYPOGRAPHIE E. DE BROISE.


BIBLIOGRAPHIE


ROMANTIQUE


Catalogue anecdotique et pittoresque des éditions originales des œuvres de

VICTOR HUGO — ALFRED DE VIGNY

PROSPER MÉRIMÉE — ALEXANDRE DUMAS — JULES JANIN

THÉOPHILE GAUTIER — PÉTRUS BOREL

ETC., ETC., ETC., ETC.

PAR

CHARLES ASSELINEAU


SECONDE ÉDITION, REVUE ET TRÈS- AUGMENTÉE AVEC UNE EAU-FORTE DE BRACQUEMOND


M


m


PARIS

P. ROUQUETTE, LIBRAIRE-ÉDITEUR


85-87, PASSAGE CHOISEUL, 85-87


M DCCC LXXII


"vjrvvorsïïàr

BIBLIOTHECA Ottavi«ns'«9


^ BIBLIOTHÈQUES






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Tirage à 412 exemplaires:

300, in-8 carré, papier vélin collé ; 100, in-8 jésus, papier vergé ;

8, in-8 jésus, papier de chine ;

4, in-8 jésus, papier de couleur.


THEOPHILE GAUTIER

LE COMMANDEUR DES CROYANTS EN POÉSIE

CETTE SECONDE ÉDITION

MOINS INDIGNE DE LUI QUE LA PREMIÈRE

EST DÉDIÉE PAU

SON ADMIRATEUR ET AMI

C. A.


1872.


AVANT-PROPOS.


DE CETTE


SECONDE ÉDITION


On ne peut le nier, les romantiques sont aujourd'hui classes en bibliographie. Il y a des collectionneurs de roman- tiques, des librairies et des catalogues où les éditions roman- tiques sont cotées à des prix cpii m'étonnent moi-même.

J'en suis bien aise; d'abord parce qu'on n'est jamais fâché d'être un peu prophète, et ensuite parce que ces aimables ou- bliés, tout cet art charmant, — petit art, si l'on veut, mais un art, — des Johannot, de Devéria, de Gigoux et de Célestin Nanteuil , méritait vraiment de renaître et d'être conservé.

Ce livre enfin, catalogue imparfait et incomplet, quelque zMe que j'aie mis à le compléter et à le parfaire, on le réim- prime ; et c'est bon signe pour les curieux et les brocanteurs.

Je transcris dans cette nouvelle édition les notes recueillies sur les marges de la première depuis 1866, collections, addi- tions, informations, etc. Bon nombre de vignettes rares et dif-


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ficiles à trouver , qui m'avaient échappe jusqu'alors, seront décrites ici pour la commodité des chercheurs.

Je me félicite particulièrement d'avoir pu augmenter de

quelques indications nouvelles la liste des dessins et gravures

exécutés par Tony Johannot, Nanteuil et Gigoux , pour les romans

et autres ouvrages de prose ou de poésie dont les auteurs n'ont

. point d'articles spéciaux dans ce volume.

On trouvera en somme dans cette édition nouvelle plus d'exactitude, de recherches, un texte plus correct et mieux ordonné. J'espère avoir ainsi mérité la confiance de ceux qui m'ont fait l'honneur d'accorder à ces notes quelque autorité.

On aurait mauvaise grâce, en tête de la seconde édition d'un livre, à se plaindre du succès de la première. J'aimerais mieux, pour ma part, me borner à un acte de reconnaissance envers mes lecteurs, comme aussi envers ceux de mes confrères de la presse desquels j'ai reçu à propos de ce petit travail soit des éloges, soit des encouragements (1).

Il m'a été pourtant adressé un reproche auquel je tiens d'autant plus à répondre qu'il s'est plus d'une fois reproduit en dehors de toute publicité, sous la forme amicale de conseil ou de regret.

J'ai été accusé, non pas de partialité, mais plutôt de paresse, ou de caprice.

On m'a demandé compte de mes préférences et de mes omis- sions. C'est, comme on le voit, presque un procès de tendance , et si je tiens à m'en expliquer, c'est que je crois qu'd repose

(1) Je citerai notamment M. Francis "Wey qui m'a accordé dans le Bulletin du bibliophile (janvier 1867) un long article des plus bien- veillants, plein de renseignements et de souvenirs jiersonnels dont j'ai tâché de profiter; M. Xavier Eyma dans la Liberté; MM. Feyrnet, du Temps, Dauriac, du Monde illustré, Philippe Burty, dans la Chronique des arts et la curiosité, etc.


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sur un mal-entendu. Je n'ai pas su me faire comprendre, ou je n'ai pas été compris.

« Pourquoi, m'a-t-on dit, ceux-ci plutôt que ceux-là? Pour- quoi tant de noms oubliés, célèbres, illustres même, quand vous accordez de si longues notices à des écrivains de peu d'oeuvres, obscurs, inconnus après un demi-siècle? dominent, dans un catalogue de « bibliographie romantique » ne trouve- t-on d'articles ni sur Sainte-Beuve, ni sur Emile Deschamps, ni sur Charles Nodier? Pourquoi enfin ne donner que deux pages à Théophile Gautier, deux à Jules Janin, une seule page à de Vigny et a Mérimée, quand vous en donnez neuf à Regnier- Destourbet, quinze à Eusèbe de Salles, dix-neuf à Philothée O'Neddy? »

A cela je croyais avoir répondu d'avance en disant dans ma préface que ce que j'avais voulu faire n'était ni de l'histoire, ni des portraits, mais un catalogue « sui generis » , l'étude « d'une période de l'histoire des livres » — des livres et non des let- tres — de la bibliographie et non de la littérature. « Notre catalogue, disais-je, est plutôt descriptif et pittoresque qu'ana- lytique » c'est-à-dire critique.

Ce n'est pas ma faute s'il n'y a pas de vignettes aux pre- mières publications de Sainte-Beuve, d'Emile Deschamps, de (maries Nodier et d'Alfred de Musset, et si les éditions origi- nales de leurs œuvres ne donnent rien à l'examen du biblio- graphe.

« Soit ! me dira-t-on. Mais les œuvres de Charles Dovalle, de Regnier-Destourbet , de Théophile de Ferrières , et le Roland de Napoléon Peyrat n'ont point non plus de vignettes, et pourtant vous les avez catalogués. »

Il est vrai, et je reconnais que sur ce point le littérateur a joué un tour au bibliographe. Les livres reprochés se recoin-


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mandaient par un intérêt d'un autre genre, l'intérêt de l'in- connu, le besoin de justice et de réparation, et j'avoue que je n'ai pas su résister au désir de les faire connaître au public. Quant à l'inégalité des notices, la raison en est toute simple, et je n'ai qu'à la répéter : si j'ai parlé de ceux-ci plus longue- ment que de ceux-là, c'est (pie tout était dit sur les seconds, et qu'il restait tout à dire sur les premiers.

N'oublions pas d'ailleurs, et cette conclusion, si elle n'est pas une réponse, sera du moins une excuse , qu'un catalogue est toujours essentiellement un ouvrage spécial. Celui-ci est le catalogue d'une collection particulière, qui est la mienne. D'au- tres (jue moi pourront le compléter par l'inventaire des leurs.

Ce n'est donc pas d'oubli qu'il faut m'accuser, d'omissions, peut-être ; mais ces omissions étaient exigées par les conditions de mon travail. Par contre, bien des livres insignifiants selon mon programme, m'ont été en quelque sorte imposés par leur vignette. N'est-ce pas un hasard pur et simple que Célestin Nan- teuil ait gravé deux planches pour la Bédouine de B. Poujoulat, qui assurément n'a rien de romantique? Pour le reste, je m'en réfère à ce que j'ai dit en tète du catalogue des gravures.

J'aurais bien envie, pendant que j'y suis, de relever un autre reproche, celui-ci plus général, et, comment dirai-je ? plus fondamental. On ne s'est pas contenté de me demander compte de mes choix. On les a contestés et même un peu rail- lés. Je m'y attendais bien.

D'aucuns ont trouvé à mon panthéon une odeur de nécro- pole. Que nous veut-il, ont -ils dit, avec ses admirations rétrospectives? A quoi bon ces résurrections, ces exhumations de cadavres décomposés par l'oubli ? Que nous veut-il avec ses Fontaney, ses Fouinet, ses Arvers et ses Destourbet ?

D'autres ont trouvé impertinente la préférence maintes fois


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marquée dans le cours de l'ouvrage pour les talents de second ordre du temps passé sur les talents du même ordre dans le temps présent. Ceux-là ont eu le nez plus fin : ils ont senti le piège. Eh bien! oui, il est temps de le dire, ce catalogue qui n'est qu'un catalogue aujourd'hui, était un pamphlet en 1866. Que voulez-vous ? Depuis vingt ans je me demandais compte à moi-même de l'infériorité, non pas des talents, Dieu me garde de le dire ! mais des œuvres dans la littérature movenne, et j'en croyais trouver la cause dans le sans-façon, le « lâché », l'abandon de gens d'esprit qui ne croyant plus à ce qu'ils font, travaillent au jour le jour, sans souci du lendemain, et escomp- tent la gloire en succès éphémères et en éloges de journaux.

Et je me rappelais un temps où l'on osait braver le public, s'imposer à lui, et au lieu de ju'endre de lui le mot d'ordre, le lui donner. Et je me disais : Voilà ! voilà des livres qu'on relit, qu'on peut relire, qui méritent d'être recherchés et qui peuvent se réimprimer sans déshonneur. Qui de vous est sur d'être relu et redemandé dans vingt ans ?

Des jeunes gens de talent et de bonne volonté, mais cha- touilleux sur l'honneur de leur époque et qui n'entendent j)as raillerie sur le chapitre du progrès, ont protesté contre cet escompte injurieux du jugement de la postérité. Comment ont-ils répondu, méprisez- vous à ce point notre temps et nos œuvres? L'un deux, plus audacieux que les autres, est allé jusqu'à dire : Vous nous la baillez belle avec vos romantiques! Foin rie vos poètes à rimes riches et de vos ciseleurs de phrases! Le romantisme a fabriqué, sculpté une magnifique lanterne « que la génération actuelle a mission d'allumer, ET QU'ELLE ALLUME DÉJÀ (1) ! »'

(!) M. Alphonse Duchêue, dans le Paris-Magazine


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Ils l'ont si bien allumée qu'ils l'ont brûlée. Et ne voilà-t-il pas des gaillards bien modestes pour faire le procès aux « ou- trances » de malheureux poètes, ciseleurs de lanternes, si vous voulez, mais qui du moins n'ont jamais voulu faire flamber que leurs vers :

Et d'un art lumineux faire un art flamboyant !

Malheureusement pour le prophète, dans le même numéro du journal où il se posait ce modeste programme, à demi réa- lisé selon lui, un de ses confrères, enthousiaste de son temps et de ses merveilles , entreprenait le dénombrement des gloires nouvelles, et comme Herminie, monté sur la haute tour, les appelait de leurs noms et de leurs armes.

Ces noms, je ne les répéterai pas, quoiqu'il m'ait un instant semblé de bonne guerre de reproduire ici cette liste en regard de celle de mes préférés. Quel bon effet, par exemple, eût fait Louis Bertrand en regard de M. Henri Meilhac, et Félix Ar- vers en face de M. Sardou ! Mais par raison et par humeur, je n'aime pas les guerres de noms propres.

Le plus beau de l'affaire , c'est que dans cette nomenclature des talents a du jour » , le héraut faisait entrer des noms d'écrivains qui ne doivent d'être actuels qu'à leur longévité, M. Victor Hugo, M. Michelet, Georges Sand, etc. Il pouvait tout aussi bien y faire entrer Balzac qu'on réimprime cette année, et Alfred de Musset que l'on joue tous les soirs au Théâtre-Français. Mais si cela est ainsi, nous nesommes pas si loin de nous entendre. Faire figurer parmi les gloires « actuel- les » Victor Hugo et Georges Sand, et Michelet, et tout autre de leurs contemporains, n'est-ce pas dire que depuis trente ans nul ne s'est présenté pour les détrôner? S'ils sont les gloires


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(le ce temps-ci, c'est qu'ils sont des gloires, et ils le seront toujours, parce qu'il n'y a pas de prescription contre le génie.

Mais ce n'est pas seulement leurs œuvres qui nous restent. Il y a encore leur exemple et leur tradition. Si nous avons encore une littérature, où la trouverons-nous, sinon dans ce groupe, peu nombreux à l'heure qu'il est, d'écrivains parmi lesquels, suivant l'expression consacrée — « frétille la queue du romantisme » — c'est-à-dire ceux qui ont conservé pure et nette la tradition de 1830 : amour du beau, culte de l'art, soin du Lien dire et conscience dans le travail ; je le dis de Charles Baudelaire comme de Théodore de Banville, de Leconte de Lisle comme de Paul de Saint-Yictor , de Gustave Flau- bert comme de Barbey d'Aurevilly et comme d'Edmond et Jules de Concourt, comme de tous ceux, selon la maxime de Chateaubriand, qui croient encore qu'écrire est un art, que cet art a ses principes, et qui se donnent la peine de les apprendre et de les appliquer. Parlez-moi d'un poète qui fait bien les vers, et d'un écrivain qui écrit bien ; je donnerais le reste pour un fétu.

Eh bien ! j'en demande pardon à mon contradicteur, mais il me semble que si les écrivains dont nous parlons ont vécu jus- qu'à nous — sans parler de l'avenir — c'est précisément parce qu'ils ne se sont occupés que de leur a lanterne ». Nés avec la passion de la gloire, ils lui sont restés fidèles, sans prétendre à nulle autre qu'à celle qui leur revenait, et sans envahir le champ du voisin. Ils ont trouvé le leur assez vaste pour leur ambition et leur courage. Le titre de bon écrivain et de bon poète leur a semblé assez beau dans ce vieux pays de France, dans la patrie de Ronsard, de Rabelais, deMarot, de Régnier, de Corneille, de Pascal, de- Racine, de Chateaubriand et de Victor Hugo. Et ils l'ont poursuivi avec désintéressement,


loyalement, se dis;mt apparemment que la meilleure façon de servir son pays, c'est encore d'être conséquent à sa vocation et de n'employer ses dons et ses forces que dans leur sens naturel et exclusif. Nous avons vu ce que sont devenus les autres, et de quelle lumière ils ont éclairé cette « lanterne » de laquelle ils parlent si superbement. Innocents qui ne savent pas que le vrai poète crée du même coup la lanterne et la flamme !

Je n'ai plus qu'un tout petit mot à dire. En 1867, la Pe- tite revue, recueil publié par le premier éditeur de ce cata- logue, annonça une suite à ces notices. Ce devait être, sous le titre de Minores du romantisme comme un supplément destiné à des ouvrages plus récents, à des auteurs plus jeunes ou attardés, ne se rattachant aux premiers que de loin et par des analogies. Cette seconde série a été interrompue dès le premier numéro, à cause de l'impossibilité aussitôt reconnue de lui donner une étendue suffisante. Les noms manquaient. J'ajoute néanmoins à la fin de ce volume la seule de ces notices qui ait paru, et qui en marquera le ton et l'intention.

Ce livre en somme restera dans la seconde édition ce qu'il était dans la première, sauf les corrections et augmentations partielles que j'ai pu y introduire. Puissé-je, comme je le di- sais la première fois, avoir en m'amusant avancé j)our ma petite part la besogne du futur historien des lettres et des livres au dix-neuvième siècle.


'25 Septembre 1871.


PRÉFACE


PREMIÈRE EDITION


Voici an livre qui s'est fait tout seul. Certes, je ne me dou- tais pas en écrivant ces notes au hasard de la découverte et pour le seul soulagement de ma mémoire, qu'elles seraient jamais jugées dignes d'être reunies, coordonnées et livrées au public.

Il s'est cependant trouvé un jour que, sans y penser, j'avais dressé la chronique d'une période de l'histoire des livres au XIX e siècle.

Expliquons-nous. Toutes les grandes époques littéraires ont eu un contre-coup dans l'art de fabriquer les livres et de les orner. Notre renaissance poétique du XVI e siècle a eu les im- pressions de Kerver, de Vascosan, de Jean de Tournes; les écrivains du cycle de Richelieu ont eu l'in-quarto ^majestueux de Courbé et de Sominaville,- les portraits de Thomas de Leu, de Léonard Gaultier et de Claude ÎMellan ; le règne de


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Louis XIV a trouve Barbin et Mabre-Cramoisy , Edelinck, Nanteuil, Romyn de Hooghe et Bernart Picart ; le charmant groupe des conteurs sceptiques du XVIII e siècle, des Hamilton, des Caylus et des Dorât, nous a valu les délicieux frontispices de Cochin, de Marillier, de Gravelot, d'Eisen, de Moreau le jeune et de Saint-Aubin. Eh Lien! l'Ecole romantique a eu l'in-octavo de Gosselin et de Renduel, les impressions d'Everat ; elle a eu les eaux-fortes de Célestin Nanteuil, les vignettes de Joliannot, de Devéria et de Jean Gigoux, et la gravure sur Lois restaurée par Thompson et Porret.

Et quant à moi, je n'aurais pas d'autres preuves de la grandeur réelle et légitime du mouvement littéraire de mil huit cent trente que cet essor nouveau donné à la librairie et aux arts qui en relèvent, que j'y croirais déjà. Inutile de dire que j'en ai quelques autres.

Ces éditions originales sont déjà recherchées, et méritaient de l'être, comme monument d'un temps qui, indépendamment du génie des maîtres qui l'ont illustré, eut un goût, des ambi- tions, une physionomie Lien à lui. Quelques-uns des livres publiés à cette époque ont été réédités depuis lors à plus grands frais et avec un plus grand luxe. Ces dernières éditions, quel- que soin et quelque argent qu'elles aient coûté , auront-elles dans l'avenir plus de prix que les premières ? Je ne le crois pas. H y a vingt ou vingt-cinq ans, le libraire Perrotin a donné une splendide édition - keepsake de Notre-Dame de Paris, enrichie de gravures sur acier d'après les compositions des premiers artistes contemporains. Croit-on que cette édition ma- gnifique ait jamais pour un amateur intelligent et lettré l'inté- rêt et la saveur des quatre volumes in-douze publiés en 1831 par Gosselin, imprimés par Cosson, et dont les yeux qui ont bonne mémoire peuvent voir encore la couverture jaune de


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chrome, décorée en guise de fleuron de la tête de Quashnodo, encadrée dans la lucarne de la Grand' salle du Palais ?

Il n'était pas, dès à présent, inutile de cataloguer ces édi- tions princeps, empreintes de la fraîcheur des premières inspi- rations. D'ailleurs la plupart, tirées à petit nombre, sont de- venues rares — quelques-unes introuvables — par la grâce du cabinet de lecture et du bouquiniste. Les exemplaires moi- sissaient sur les quais il y a vingt ans, lorsque par piété litté- raire je commençais à les y recueillir. Tel volume que j'ai ramassé dans la case à cinq sous — que n'ai-je pu les ramas- ser tous ! — se cote actuellement dix et quinze francs sur les bulletins de librairie. Et en vérité il n'était que temps de se mettre en quête. Le soleil, la pluie, la poussière, le pouce des portières et des femmes de chambre ont bien vite raison d'un livre, voire d'une édition tout entière. Les estampes arrachées des volumes se sont fanées dans l'alcôve des grisettes et dans le pupitre des écoliers. Aussi, je le déclare, trouver un exem- plaire de ce temps-là en bon état, épargné par le ciseau des cartonniers et pourvu de ses vignettes, est un vrai quine à la loterie, surtout depuis cpie de certains amateurs à qui j'ai mon- tré l'exemple — je puis le dire sans me vanter — se sont jetés sur le gibier romantique.

Ce livre est donc avant tout un catalogue : je dirai même qu'il n'est que cela. S'il n'en a pas gardé le titre et la forme exacte, c'est que nécessairement il a dû en dépasser les propor- tions.

Quelques-uns de mes chers romantiques sont aujourd'hui un peu bien oubliés. Il fallait justifier mes préférences et mon- trer l'auteur en même temps que le livre. Ainsi s'exjdique l'i- négalité des notices consacrées aux divers auteurs catalogués. Je n'avais rien à révéler sur Victor Hugo, Dumas, Théophile


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Gautier, Jules Janin, de Vigny,' presque rien même surPetrus Borel ; j'avais tout à dire de Fontaucy, d'Arvers, d'Ernest Fouinet, d'Eusèbe de Salles et de Philothéc O'Neddy.

Peut-être me dira-t-on qu'il y avait mieux à faire, et qu'au lieu d'une série de portraits inégaux de faire et de dimension, on pouvait essayer un taLleau d'histoire. A cela j'aurais plu- sieurs réponses à faire, dont une qui les résume toutes : c'est qu'écrire l'histoire de l'Ecole romantique, ce serait écrire l'histoire de la littérature du dix-neuvième siècle.

Il y a encore des gens qui imaginent que le romantisme a été un accident, une catastrophe, comme on l'a dit de la révo- lution de 1848, une parenthèse regrettable ouverte dans le cours naturel et glorieux de notre littérature, une invasion des barbares , un instant subie et heureusement repoussée.

La seule objection à faire à ce raisonnement, c'est que si la littérature romantique n'est pas la littérature du dix-neuvième siècle, le dix-neuvième siècle n'a pas de littérature. Retranchez de la littérature contemporaine tous les écrivains, tant poètes que prosateurs, qui ont été honorés ou flétris de l'épithète de romantiques , ôtez Chateaubriand, madame de Staël, Lamartine, Victor Hugo, Alexandre Dumas, Charles Nodier, Alfred de Vigny, Sainte-Beuve, Emile et Antony Deschamps, Balzac, Auguste Barbier, Georges Sand, Théophile Gautier, Mérimée, Philarète Chasles, Alfred de Musset, Jules Janin, Marceline \ al more, et je vous demande ce qui vous restera ?

Quoi qu'on dise et qu'on fasse, ce mot de romantisme est l'étiquette littéraire du siècle, et ceux même qui le répudient et voudraient le proscrire , sont contraints de l'accepter sous peine de renier leurs maîtres, ceux dont ils procèdent et qui les ont fait ce qu'ils sont.

Ne l'oublions pas : ce mot qui n'a plus de sens aujourd'hui,


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qui du moins n'a plus de sens que dans le temps, qu'un sens historique, a été, il y a quarante ans, un cri de guerre et de liberté, un hurrah littéraire qui a poussé en avant, hors des sentiers poudreux de la routine et de l'imitation, toute une gé- nération jeune et vaillante qui voulait vivre et qui surtout voulait résolument rompre avec l'ennui.

C'a été mieux qu'une protestation — une affirmation. Et si le mot n'a plus de sens actuellement, c'est que l'évolution est faite, et que la bataille a été gagnée. C'est qu'il y a eu Hernani et Marion Delorme, et les Orientales, les Médi- tations, Joseph Delorme, Volupté, Sfello, Chatterton, Antony , Albertus, Mademoiselle de Maupin, la Ballade à la lune, l'Ane mort et la Peau de chagrin. Et dans ces œuvres audacieuses, écrites à coudées franches, et qui faisaient hausser le sourcil aux gardiens jurés des nécropoles de la tra- dition, nous avons appris, ingrats, le français qu'on ne parlait plus dans les Deux gendres, et l'art qu'il n'y avait pas dans Art axer ces et dans Ni nus II.

Quand on se rappelle d'où est partie cette génération, quand on songe à ce qu'elle a remplacé, à ce qu'elle a renouvelé. à ce qu'elle a vivifié, on n'a pas assez de bénédictions pour ce vieux drapeau mutilé et déchiré au vent des combats, qu'il faudrait suspendre pieusement aux voûtes d'un panthéon; car il a sauvé la patrie, la République des lettres.

Ceux qui l'ont porté ont été les émancipateurs, les conqué- rants, les rénovateurs. Si le roman est sorti des fadeurs et des frivolités de la fin du dernier siècle, s'il est devenu une œuvre virile et sociale qu'on a pu lire et écouter sans honte ; si le drame a surpris et ému ; si le vers a retenti deux fois sur l'en- clume ; si la prose a guéri des langueurs et des chloroses du style académique, si elle a repris la vigueur et l'éclat de la


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santé, c'est à ceux-là que nous le devons ; c'est à leur fran- chise, à leur courageuse horreur de l'ennui, à leur amour sin- cère du nouveau, delà joie, de la vie, et enfin à cette témérité juvénile qui n'a recule ni devant le ridicule, ni même devant l'absurde, pour assurer au dix -neuvième siècle cette précieuse conquête, la liberté dans l'art. Aussi sachons-le tous, grands et petits tant que nous sommes, grands s'il en est, il ne s'écrit pas actuellement une ligue, il ne se fait pas un vers qui ne doive tribut à ces braves, à ces conquérants.

C'est là sans doute le livre qu'il faudrait faire ; ce sont ces arguments qu'il faudrait développer, détailler et appuyer de mille preuves. On comprendra facilement que je ne l'aie point essayé dans une simple jnéface. Ce livre, je n'en doute pas, sollicitera quelque jour le zèle d'un enthousiaste, dévoué à la gloire des lettres et à la justice. Pour moi, mes desseins sont plus humbles, et si plus tard, dans cinquante ans d'ici par exemple, un brave homme tenté de se faire le Justin ou le Flo- rus de notre littérature, vient chercher dans ces pages quel- ques renseignements pour l'histoire de nos idées et de nos dé- bats, mon ambition sera remplie. C'est tout ce que j'ose prétendre d'un travail accompli au jour le jour, selon mon ca- price et pour mon plaisir.

Disons tout de suite, pour prévenir le reproche de lacune ou d'oubli, que je n'ai jamais entendu faire la bibliographie de tous les ouvrages publiés de 1820 à 1840.

Une telle besogne qui eût été méritoire au seizième siècle pour un de Thon, au siècle suivant pour un Baillet, serait tout à fait superflue dans un temps où nous avons le Journal de la librairie. Pas davantage, on ne trouvera ici la biblio- graphie complète des divers auteurs mentionnés.

Notre catalogue est plutôt descriptif et pittoresque qu'ana-


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lytique. Il s'informe moins de l'intérieur des livres que de leur physionomie et de leurs conditions diverses. C'est une phase, une période de temps que j'étudie, et pour en dégager l'esprit et l'inspiration propre, je les cherche dans ses produc- tions immédiates, dans ces premières éditions où la pensée et le goût de l'auteur senihlent tout gouverner, jusqu'au caractère du titre et au dessin du frontispice.

Il y avait en ce temps-là, comme à toutes les époques de conviction et de lutte, un tel concours de volontés, une telle unité d'intentions, que l'œuvre du dessinateur et de l'impri- meur, l'épigraphe, ce luxe d'alors (1), et les annonces même de la couverture complètent le livre et le commentent. Tout ce petit art de la confection et de l'ornement des livres a un ca- ractère charmant d'improvisation et d'intimité.

Devéria a dessiné cette vignette pour le roman de son ami Janin. Célestin Nanteuil a gravé ce frontispice au retour d'une de ces représentations orageuses où lui-même il organisait la tempête. Tony, quand il composait les quatre délicieuses vignettes de Notre-Dame de Paris, connaissait le livre autre- ment que par la communication des épreuves. Il le savait par cœur, il l'avait vécu, pour ainsi dire, dans les conversations de la Place-Royale et dans les confidences du poète.

(1) « Une autre perte notable que nous avons faite, est celle des épigraphes, tout à fait passées de mode aujourd'hui. Or, les épigra- phes fournies par toutes les gloires littéraires du pays et de l'étranger, n'étaient certainement pa^ le moindre agrément de la petite poésie contemporaine ». Fontaney, article de la Revue des deux mondes du 15 décembre 1836. — C'est vrai, mais ce n'est pas assez. Ce qu'il fallait dire, c'est que les épigraphes, en révélant les lectures favo- rites de chaque auteur, dénonçaient en même temps les préférences et les ambitions de tous. Les poètes, les écrivains auxquels on em- pruntait des épigraphes, c'était ceux dont on s'inspirait généralement et auxquels on voulait ressembler.

2


— XVIII —

Je ne veux pas médire des compositions magistralement gra- vées sur acier pour les éditions définitives, pour les éditions revues et corrigées, les éditions d'oeuvres complètes. Ce sont des chefs-d'œuvre. Mais ce qui leur manque, c'est précisément ce caractère donné par un souffle de vie et par une inspiration commune. Qu'est-ce que ces maîtres du burin et du pinceau ont jamais connu des pensées intimes et des ambitions de ceux dont ils ont décoré les œuvres ? Ont-ils espéré, ou conspiré avec eux ? ont-ils maudit les mêmes juges ? applaudi aux mêmes succès ?

Au temps dont je parle, le crayon était vraiment confident de la plume, et complice aussi. La vignette se faisait en même temps que la page. Elle se faisait même avant, par intuition, tellement on était sûr de se comprendre et de marcher au but. Et c'est pourquoi cet art charmant des vignettistes d'alors, des Johannot, des Devéria, de Jean Gigoux et de Célestin Nan- teuil, est encore un art tout à fait à part, un art perdu, et qui ne pourrait se retrouver que sous l'influence et par le concours de circonstances analogues.

Et les annonces donc ! n'y a-t-il pas toute une révélation dans ces titres de livres pressés au verso des couvertures? Que de Quiquengrognes ! que de livres qui n'ont jamais été faits, mais qui ont été rêvés du moins, et dont les titres attes- tent par leur bizarrerie, par leur insolence même, les préten- tions et l'humeur du moment. C'était : Pâture à liseurs; Faust Dauphin de France; Appel aux jeunes Français à cœurs de lions ; puis les Contes du Bousingo, par une ca- maraderie -, puis les Aventures de deux gentilshommes pè- rigourdins, un beau titre à la Scarron ; Fumée de ma pipe, choses quelconques; Contes du froc et de la cagoule, etc. Seul, Théophile Gautier, le fidèle, l'immuable, a acquitté


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la dette du Capitaine Fracasse, et ce retour aux inspirations de sa jeunesse lui a porté bonheur.

.Peut-être demandera-t-on à quoi bon ces violences, ces bru- talités, ces défis ? Pourquoi ces broussailles au devant d'un livre, ces épouvantails sur le fruit que l'on offrait? Eh bien! oui, c'était là ce qu'on voulait : comme aux jours de révolu- tion et de scission, on exagérait la cocarde et l'on chargeait les couleurs du drapeau. Et plus le titre était surprenant, plus la vignette était farouche, plus l'épigraphe saugrenue, plus la préface outrecuidante et hérissée de points d'exclamation, plus on était sûr de n'être pas confondu avec l'ennemi, d'épouvan- ter le bourgeois et d'exaspérer le critique.

Oh ! les bonnes fanfaronnades ! et comme souvent ils ont dû rire entre eux, les bons apôtres, des terreurs qu'ils cau- saient aux uns et des fureurs qu'ils excitaient chez les autres !

Heureux temps ! heureuses gens ! ceux-là, certes, ont eu leur jeunesse. Ils ont appris l'art dans la liberté et dans la joie ! De leur temps on ne citait point les poètes en police cor- rectionnelle. Ils n'ont eu à redouter ni le pouce mystérieux du censeur, ni l'index menaçant du rédacteur en chef. En un mot, ils ont fait tout ce qu'ils ont voulu, gaîment ; c'est encore le meilleur moyen d'arriver à faire quelque chose de bon. Aussi s'en sont-ils donné de tout leur cœur. Ils ont couru de toutes leurs jambes, crié de tous leurs poumons, et c'est pourquoi ils sont restés bons marcheurs et bons parleurs. Les Djinns et la Ronde du Sabbat, qui firent tant de bruit dans leur temps, ont-ils empêché Victor Hugo d'être le plus grand poète de son siècle ? Les Contes goyuenards ont-ils nui au talent de Théo- phile Gautier ? Je crois, au contraire, qu'ils y ont servi. Dans ces œuvres excessives, épanouies, de leur jeunesse, ils ont ac- quis la conscience de leurs forces et gagné la beauté du mou-


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veinent libre. Et généralement, je l'oserai dire, c'est parce que le siècle a fait Champaverl et Feu et flamme, et toutes les extravagances et les folies reprochées à son commencement, qu'il a produit dans sa vigueur les œuvres saines et robustes qui l'honorent, et qui l'ont mis au rang des grands siècles de la littérature française.

Plus d'un parmi les écrivains dont je parle, et ceux-là même dont j'ai le plus longuement parlé, ont été dénoncés à ma cu- riosité par le titre de leur livre et par la vignette. Je les ai tous lus, et sans m'en repentir. Les lecteurs qui, sur ma re- commandation, achèteront ces ouvrages comme pièces rares et curieuses, peuvent les ouvrir. Us seront choqués quelquefois, souriront de temps à autre, et par-ci par-là hausseront les épaules : ils ne s'ennuieront pas. Ils auront d'ailleurs la chance de trouver dans le nombre des œuvres remarquables, et même quelques chefs-d'œuvre. J'en réfère pour le détail à ce que j'ai dit dans les notices.

Ce qu'on apprendra surtout par ces lectures et ce que moi- même j'ai plus d'une fois signalé au passage, c'est l'incontes- table supériorité des talents de second ordre de ce temps-là sur les talents du même ordre dans le temps présent. Et c'est tout simple : le mouvement était donné •, tout le monde marchait. « Les grands, a dit Jules Janin, entraînaient les petits. » Joseph Delorme faisait les poètes, et Balzac les romanciers.

Ce qui est remarquable encore, c'est la parfaite tenue litté- raire de ces extravagants. Ces mystificateurs se prenaient au sérieux. Jusque dans leurs plus grandes audaces, on trouve un soin de la forme et comme un besoin de perfection. Tous pa- raissent convaincus qu'ils écrivent sous le regard du public, et même sous l'œil de la postérité. Bien fiiire, faire le mieux pos- sible, tel est le programme commun. Et même chez ceux qui


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se sont le plus trompes, chez les faibles comme chez les maî- tres, cette sincérité d'efforts est touchante.

En somme, j'ai eu plus d'une occasion de le répéter dans le cours de ce travail, on peut juger par ce qu'elle a laisse perdre, de la force de cette génération. On est surpris et charmé de rencontrer dans les limbes de l'oubli des talents fins, vigoureux, bien venus, des livres tels que le Samuel Bach de Théophile de Ferrière, que Louisa, ou les douleurs d'une fille de joie, par Regnier-Destourbet, (pie la Sakontala d'Eusèbe de Salles, que la Strega d'Ernest Fouinet, que les Scènes de la vie castillane de Fontaney, livre incomplet qu'il serait facile de compléter, car la suite a paru dans la Revue des deux mondes.

Quant à Louis Bertrand, c'est un maître.

Je serai moqué peut-être pour mes prédilections et mes en- thousiasmes. Cela m'est égal. Je suis consolé et vengé d'a- vance par les plaisirs que j'ai eus comme lecteur et comme curieux.

Ces livres, je les aime. Us sont mes favoris, mes classiques. Je les ai quêtes, recueillis, triés sur le volet; je les ai fait habiller de mon mieux par les meilleurs tailleurs pour livres. Au grand jour de ma vente après décès, les amateurs recher- cheront les exemplaires de cette collection d'originaux.

26 Novembre 1866.


L'AUBE ROMANTIQUE


Mil huit cent (rente ! Aurore Qui m' éblouis encore, Promesse du destin, Riant matin !

Aube oh le soleil plonge ! Quelquefois un beau songe Me rend l'éclat vermeil De ton réveil.

Jetant ta pourpre rose En notre ciel morose, . Tu parais, et la nuit Soudain s'enfuit.


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La nymphe Poésie Aux cheveux d'ambroisie, Avec son art subtil Revient d'exil ;

L'Ode chante, le Drame Ourdit sa riche trame ; U harmonieux Sonnet Déjà renaît.

Ici rugit Shakespeare. Là Pétrarque soupire ; Horace bon (/arçon Dit sa chanson.

Et Ronsard son poème. Et l'on retrouve même L'art farouche et na'if Du vieux Bdif.

Tout joyeux, du Coeyte Rabelais ressuscite, Pour donner au roman Un talisman ;


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Et l'amoureuse fièvre Qui rougit notre lèvre Défend même au journal D'être banal !

La grande Architecture, Prière sainte et pure De l'art matériel, Regarde au ciel;

La Sculpture modèle Des saints au cœur fidèlr. Pareils aux lys vêtus De leurs vertus,

Et la Musique emporte Notre âme par la porte Des chants délicieux Au fond des deux.

grand combat sublime Du Luth et de la Rime.! Renouveau triomphal De l'Idéal !


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Hugo, sombre, dédie Sa morne tragédie Aux grands cœurs désolés, Aux exilés,

A la souffrance, au rêve; Il embrasse, il relève Et Marion, hélas ! Et toi, Buy-B/as!

Et déjà, comme exemple, David qui le contemple, Met sur son front guerrier Le noir laurier.

George Sand ouvre l'âme Tremblante de la femme; Musset, beau cygne errant, Chante en pleurant ;

Balzac, superbe, mène La Comédie humaine Et nous fait voir à nu L'homme ingénu.


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Pour le luth Sainte-Beuve Trouve une corde neuve ; Barbier lance en grondant L'ïambe ardent ;

La plainte de Valmore Pleure et s'exhale encore En sanglots plus amers Que ceux des mers,

Et sur un mont sauvage L'Art jaloux donne au sage Théophile Gautier Le monde entier !

En ces beaux jours de jeûne Karr a plus d'amour jeune Qu'un vieux Rothschild pensif N'a d'or massif;

De sa voix attendrie Gérard dit la féerie Et le songe riant De l'Orient :


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Les Deschamps, voix jumelles, Chantent : l'un a des ailes, L'autre parle à l'écho De Roméo.

Frederick ploie et mène En tyran Melpomène, Et la grande Dorval L'a pour rival ;

Berlioz qui nous étonne, Avec l'orage forme, Et parle dans l'éclair A Meyerbeer ;

Préault, d'un doigt fantasque, Fait trembler sur un masque L'immortelle pâleur De la Douleur,

Tandis qu'à chaque livre Johannot d'amour ivre, Prête un rêve nouveau De son cerveau ;


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Pour Boulanger qui l'aime, Facile, et venant même Baiser au front Nanteuil Dans son fauteuil,

La Peinture en extase Donne la chrysoprase, Et le rubis des rois A Delacroix.

Daumier trouve l'étrange Crayon de Michel-Ange — Noble vol impuni! — Et Gavarni

Suit en amant la trace De V amoureuse Grâce Qu'à l'Esprit maria Devéria!

Mais, hélas ! où m'emporte Le songe ? Elle est bien, morte L'époque ou nous voyions Tant de rayons !


— XXX —

Où sont-ils, les poètes Qui nous faisaient des fêtes, Ces vaillants, ces grands cœurs, Tous ces vainqueurs,

Ces soldats, ces apôtres ? Les uns sont morts. Les autres. Du repos envieux, Sont déjà vieux.

Leur histoire si grande N'est plus qu'une légende Qu'autour du foyer noir On dit le soir,

Et ce collier illustre Qu'à présent touche un rustre, Seine ses grains épars De toutes parts.

II ami et qu'on abandonne. Est seul et sans couronne Même dans Elseneur : Adieu l'honneur


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De l'âge romantique/ Mais de la chaîne antique Garde-nous chaque anneau, Asselineau !

Comme le vieil Homère Savamment cnumère Les princes, les vassaux, Et leurs vaisseaux,

Redis-nous cette guerre ! Les livres faits naguère Selon le rituel De Renduel!

Fais-les voir à la file ! Jusqu'au Bibliophile Montrant page et bourrel, Jusqu'à Borel !

Car tu sais leur histoire Si bien, que ta mémoire N'a pas même failli Pour Lassailly.


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Dis-nous mil huit cent trente, Epoque fulgurante, Ses luttes, ses ardeurs Et les splendeurs

De cette apocalypse, Que maintenant éclipse Le puissant coryza De Thérésa !

Car il est beau de dire A notre âge en délire Courbé sur des écus :

Gloire aux vaincus !

Envahi par le lierre, Le château pierre à pierre Tombe et s'écroule ; mais Rien n'a jamais

Dompté le fanatisme Du bon vieux Romantisme, De ce titan du Rhin, Au cœur d'airain!


Théodore de Banville.


BIBLIOGRAPHIE

ROMANTIQUE


VICTOR HUGO


Les éditions des poésies de Victor Hugo publiées avant 1829, n'offrent rien de remarquable au point de vue du biblio- phile : c'est le format et la physionomie typographique de la collection des Poètes français du dix-neuvième siècle^ de Gosselin.

Nous signalerons cependant les diverses éditions des Odes, à cause des pièces supprimées ou successivement ajoutées.

1822. — Odes et poésies diverses, par Yictor-M. Hugo. Paris, Policier, place du Palais-Royal, n° 245, imprimerie de Guiraudet, in-18.

Les pièces supprimées plus tard sont : Raymond d'As- soli, élégie; les Derniers bardes, poème-, Idylle (entre un vieillard et un jeune homme). Cette dernière pièce a été insérée


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dans le tome troisième des Annales romantiques (1825), sous le titre : les Deux âges.

40 fr., broché, non rogné, Liepmannssolin ; 96 fr., broché, non rogné, Sainte-Beuve.

1823. — Odes, par Victor-M. Hugo. Seconde édi- tion, augmentée de deux odes nouvelles. Paris, Persan, rue de l' Arbre-Sec, n° 22, Pélicier, place du Palais-Royal , n° 243 ; de Busscher, imprimeur, in-18.

1825. — Odes, par Victor Hugo. Troisième édi- tion. Paris, Ladvocat; imprimerie de J. Pinard, in-18.

Vignette-frontispice de Devéria, gravée par Mauduit : la Chauve-souris :

Et chaque soir, rôdant sur le bord des abîmes, Jette aux vautours du gouffre un pale voyageur !

Ode xxi.

1824. — Nouvelles odes, par Victor-M. Hugo. Paris, Ladvocat; imprimerie de J. Pinard, in-18.

Vignette-frontispice de Devéria, gravée par A. Godefroy : le Sylphe.

15 fr. , veau ant. , Liepmannssolin ; 12 fr. , mar. rouge, Amand.

1826. — Odes et ballades, par Victor Hugo. Paris, Ladvocat; imprimerie de J. Tastu, in-18.

Vignette-frontispice de Devéria, gravée par Ch. Mauduit.


32 fr., broché, non rogné, Liepmannssohn.

Les trois derniers volumes réunis, qui peuvent être consi- dérés comme la première édition collective des poésies, 40 fr. , maroquin vert-clair, Amand.

1829. — Odes et ballades, par Victor Hugo. Qua- trième édition, augmentée de Y Ode à la Colonne et de dix pièces nouvelles. Paris, Charles Gosselin, rue Saint-Germain-des-Prés, n° 9, Hector Bossange, quai Voltaire, n° 1 1 ; imprimerie de J. Tastu, 2 vol. in-8.

Une préface datée d'août 1828, indique les changements opérés pour fondre en deux les trois recueils précédents (Odes, Nouvelles odes, Ballades) ; elle est suivie des préfaces de 1822, 1824 et 1826. L'édition a deux vignettes sur bois, d'après Louis Boulanger : 1. V Eglise Saint-Germain-V Au- xerrois en proie aux démolisseurs ; 2. le Géant, gravé par C. Cousin; et deux gravures sur acier, d'après le même artiste : pour le tome premier, Ode à la Colonne, très-curieux portrait de Hugo, vêtu d'une redingote longue et accoudé sur les cous- sins d'un canapé; à droite, dans un rayon prismatique, la co- lonne de la place Vendôme, autour de laquelle tournoie un vol d'aigles; à terre, des papiers et un globe terrestre : pour le tome second, la Ronde du Sabbat, composition différente du tableau.

1829. — Les Orientales, par Victor Hugo. Paris, Gosselin et Bossange, libraires; imprimerie de Paul Benouard, in-8.

Préface datée de janvier 1829. L'édition est ornée d'un frontispice : Clair de lune, gravé sur acier par C. Cousin,


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et d'une vignette sur bois : les Djinns, l'un et l'autre d'après Louis Boulanger.

62 fr., maroquin rouge , mosaïque, Amand.

La gravure du Clair de lune est reproduite en tête des édi- tions in-18 du livre, parues la même année, avec une seconde préface datée de février.

Septième éd., 21 fr., maroquin vert, Amand.

1827. — A LA COLONNE DE LA PLACE VENDOME , par

Victor Hugo. Paris, Ambroise Dupont; imprimerie de Tastu, in-8.

Le poésies politiques de Victor Hugo ont été souvent publiées à part. Un savant bibliographe de province, M. Léon de La Sicotière, aA r ocat à Alençon, nous signale les publications suivantes, portées en août 1822 au catalogue d'Anthelme Boucher, imprimeur-libraire, rue des Bons-Enfants , 34 :

« Les Destins de la Vendée, ode , par V.-M. Hugo.

» Prix : 75 c, et 80 c, franc de port.

« Ode sur la naissance de S. A. R. Monseigneur le duc de Bordeaux, suivie d'une ode sur la mort de S. A. R. Charles-Ferdinand d'Artois, duc de Bcrry, fils de France; par Victor-Marie Hugo, de l'Académie des Jeux floraux. Paris, in-8.

» Prix : 1 fr., et 1 fr. 10 c, par la poste.

» Cette ode a été lue le 3 mai , à la séance de la société des Bonnes-Lettres, présidée par M. le vicomte de Chateaubriand, et a obtenu les suffrages les plus honorables.

» Le Télégraphe, satire, par V.-M. Hugo, avec cette épi- graphe :

Ici des machines qui parlent ; Là des bêtes que l'on adore.


Paris, Dclaunay, 1819, in-8. Prix : 75 c, et 80 c, franc de port. »

Cette pièce très-rare n'a jamais été reproduite dans les œuvres.

Il faut ajouter à cette liste :

Le Génie, ode à 31. le vicomte de Chateaubriand, par Victor- Marie Hugo. Paris, Boucher, imprimeur-libraire, 1821, in-8.

Buonaparte, ode. Paris, Pélicier, 1822, in-8.

Le Sacre de Charles X, ode, par Victor Hugo. Paris, im- primerie royale, 1825, in-4.

A la colonne de la place Vendôme, ode, par Victor Hugo. Paris, Ambroise Dupont; imprimerie de J. Tastu, 1827, in-8.

Le Retour de l'Empereur, par Victor Hugo. Paris, Delloyc, 1840, in-8.

1826. — Bug-Jargal, par l'auteur de Han d'Is- lande. Paris, Urbain Canel; imprimerie de Lâche- ra rdi ère fils, in-18.

Vignette-frontispice de Devéria , gravée à l'eau - forte par Pierre Adam : Hadibrah cherchant à entraîner Léopold d'Au- vernay avec lui dans l'abîme.

35 fr., demi-rel., Liepmannssohn.

La couverture porte l'avis suivant :

« N. B. Les amateurs qui seraient curieux de se procurer la traduction anglaise de Han d Islande, ornée de quatre gra- vures admirables du fameux Cruiskhank, la trouveront chez le même éditeur, au prix de 15 francs : Hans of Iceland. London. J. Ilobins and Co. Albion press. Ivy Lane, Paternoster Row. Sur papier vélin cartonné, 4 gr. de Cruiskhank.


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1830. — Hernani ou l'honneur castillan, drame par Victor Hugo, représenté sur le Théâtre-Fran- çais, le 25 février 1830. Paris, Marne et Delaunay- Vallée; imprimerie de Lachevardière, in-8.

62 fr., broché, Sainte-Beuve; 25 fr. maroq. rouge, Amancl.

Les exemplaires portent comme signature de l'auteur le mot espagnol Hierro, qui signifie fer.

On peut ajouter au livre une vignette représentant la der- nière scène du drame, lithographiée par A. Devéria, et publiée par la Silhouette, journal d'illustrations (Catalogue Dutacq, n° 578) : Hernani, en costume de velours, est étendu à terre sur le dos ; dona Sol en robe blanche se penche sur lui ; Ruy Gomez est à gauche, debout, enveloppé de son domino, tète nue et sans masque :

Mort ! non pas!... nous dormons.... Il dort! c'est mon époux, vois-tu, nous nous aimons, Nous sommes couchés là. C'est notre nuit de noce.... Ne le réveillez, pas, seigneur duc de Mendoce... Il est las...

Ce drame a été très-parodié ; on peut, à titre de curiosité, joindre aux éditions originales :

Harnali, ou la contrainte par cor, parodie, en vers, par A. de Lauzanne. Paris, 1830, in-8.

N. I. Ni., ou le danger descastilles, amphigouri-roman- tique, par Carmouche et Dupeuty. Paris, 1830, in-8.

Fanfan le troubadour à la représentation cl Hernani. Paris, 1830, in-8.


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1831. — Notre-Dame de Paris, par Victor Hugo. Paris, Charles Gosselin, libraire; imprimerie de Cosson.

Notre-Dame de Paris parut dans la même année in-12 et in-8. L'édition in-12 est en quatre volumes, dont chacun est orne d'une vignette gravée sur Lois par Porret, d'après Tony Johannot. Tome I : Esmeralda dansant sur la place du Parvis; — T. II : Esmeralda donnant à Loire à Quasimodo sur le pilori ; — T. III : l'Amende honorable; — T. IV : Esmeralda portée au gibet. Fleuron répété sur la couverture des quatre volumes : Quasimodo montrant sa tête par la lucarne de la Grand'salle du Palais.

Cette édition livrée aux cabinets de lecture est devenue très- rare.

L'édition in-8 n'a que deux des quatre vignettes de l'édition in-12; pour le premier volume : Esmeralda donnant à boire ; pour le second : l'Amende honorable. Tirée seulement à onze cents exemplaires, elle a fourni quatre éditions fictives qui s'é- coulèrent dans l'année. La quatrième est annoncée comme très- rare et cotée vingt-cinq francs sur la couverture de la Maré- chale d'Ancre, d'Alfred de Vigny, publiée à la fin de 1831, chez le même éditeur.

25 fr., demi-rel., basane viol., Liepmannssohn ; 42 fr., ex. derelié, vente d'un Homme de lettres bien connu (M. Charles Monselet) .

L'édition in-12, tirée à deux mille, a fourni sept fausses édi- tions, la dernière à la date de 1832.

52 fr., ex. derelié, vente d'un Homme de lettres bien connu.

La seconde édition réelle- de Notre-Dame de Paris est la huitième, Paris, Renduel , 1832, 3 vol. in-8, augmentée de


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trois chapitres nouveaux, égares , dit la préface datée du 20 octobre, au moment où le livre s'imprimait pour la première fois; c'est : Impopularité ; — Abbas beati Martini; — Ceci tuera cet a.

33 fi\, demi-rel. maroquin rouge, Amand.

En 1832, la maison Rendue] annonça, comme complément à la nouvelle édition des œuvres de Victor Hugo, une collec- tion de gravures à F eau-forte par Ce'lestin Nanteuil. Cette col- lection devait paraître par livraisons de quatre planches, au prix de trois francs la livraison. La première livraison seule parut le 20 décembre de cette même année, et se composait ainsi :

1. Portrait de Victor Hugo, encadré de vignettes en com- partiments représentant les scènes principales de ses ouvrages (Hernani, Cromwell, le Roi s'amuse, Mario a Del orme, les Feuilles d'automne, Han d'Islande, Odes et ballades, Noire-Daine de Paris, le Dernier jour d'un condamné, Bug-Jargal, Lucrèce Borgia, les Orientales).

2. Bug-Jurgal tenant le drapeau noir ; encadrement historié : animaux et plantes de l'Amérique.

3. Le Dernier jour d'un condamné. — Le condamné assis de face ; encadrement : le tribunal et la guillotine ; sur les côtés, têtes roulant dans le vide; au bas, un ange apporte la tête tranchée au pied du tribunal de Dieu.

4. Notre-Dame de Paris : — Je te dis qu'il est mort! (liv. vil, ch. 4 : Lasciate ogni speranza) . Encadrement d'ar- chitecture gothique à compartiments; sujets tirés de l'ouvrage : adroite, Claude Erollo; à gauche, Phœbus de Châteaupers; en haut, Esmeralda tendant sa gourde à Quasimodo sur le pilori.


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Très- rares. — Les quatre vignettes ont été payées à M. Célestin Nanteuil soixante francs (1).

1831. — Marion Delorme, drame (représenté le 8 août). Paris, Eugène Renduel; imprimerie d Éve- rat, in-8.

La signature Hierro au verso du faux-titre. 25 fr., maroquin rouge, Amand.

On peut ajouter la lithographie de Tony Johannot, publiée dans l'Artiste, tirée du III e acte, se. 6 :

Un seul baiser au front, pur comme nos amours.

1832. — Les Feuilles d'automne. Paris, Renduel ; imprimerie dEverat, in-8.

Préface datée de novembre 1831.

Vignette sur bois de Porret, d'après Tony Johannot : Deux jeunes hommes, enveloppés de manteaux, traversent un cime- tière au soleil couchant.

24 fr., demi-rel. maroq. rouge, Amand.

(1). Dans la même année (1832) l'éditeur Renduel commanda à M. Célestin Nanteuil quatre vignettes à l'eau-forte, pour la première édition du Spectacle dans un fauteuil, d'Alfred de Musset, qui parut en 1833, in-8, imprimée par Everat : 1. Frontispice; — 2. la Coupe et les lèvres : Belcolor apparaissant à la fenêtre de la chambre où Frank, en costume de chasseur tyrolien, embrasse Deïdamia; — 3. A quoi rêvent les jeunes filles : Ninon et Ninette sur la terrasse (acte n, se. 2.); costume de fantaisie, cheveux poudrés, robes sans paniers; les deux jeunes filles accoudées à une balustrade surmontée d'un gros vase; lune voilée par les nuages; 4. Namov/na : Hassan sur un divan et fumant le chibouq. Toutes signées et datées de 1833. Ces quatre vignettes n'ayant pas agréé à Alfred de Musset, les planches furent détruites.


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1832. — Le Roi s'amuse, drame. Paris, Eugène Rendue] ; imprimerie d'Everat, in-8.

Vignette-frontispice gravée sur Lois par Andrew, L. B., d'après Tony Johannot, et tirée sur chine : Triboulet recon- naissant sa fille (acte V, se. 4). Triboulet est dessiné dans le costume de la représentation : justaucorps de velours noir, à manches larges , une marotte pendue au côté ; le corps de Blanche est étendu transversalement , à demi-tiré hors du sac, la tête renversée, la bouche béante, la poitrine découverte; à gauche, la maison de Saltabadil; au fond, la grève de la Seine et la porte des Tournelles illuminée par l'éclair.

24 fr. , demi-rel. maroquin rouge, Amand.

1833. — Lucrèce Rorgia, drame. Paris, Eugène Renduel; imprimerie d'Everat, in-8.

Frontispice à l'eau-forte de Célestin Nanteuil, tiré partie sur le vélin et partie sur chine : Lucrèce Borgia versant le poison du flacon d'or à Gennaro (acte II, partie I, se. 5). Salle boisée et sculptée; Alphonse de Ferrare, en riche costume et coiffe d'une toque à plume blanche, assis à gauche dans son fauteuil ducal, s'accoude, une coupe à la main, à une table couverte d'un tapis sur lequel sont posés un flacon et une coupe. Lu- crèce, vêtue de blanc et debout derrière la table, verse le poison à Gennaro, à droite, vêtu de noir et tète nue. — Au- dessus du carré de chine, deux anges déroulent le titre du drame sur une banderolle festonnée à la façon d'un faite de palais italien.

Autre frontispice du même artiste (acte III, se. 2) : la salle du festin au palais Negroni. A gauche, le groupe des invités retranché derrière la table et les sièges. Les pénitents blancs


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et noirs envahissent la salle sur deux files. Dona Lucerezia apparaît à la porte du milieu exhaussée de trois marches , et écarte un rideau derrière lequel on aperçoit la chambre du fond , tendue de noir et éclairée par une croix blanche : Vous êtes chez moi !

Cette vignette n'a pas été mise dans le commerce.

Marie Tudor, drame. Paris, Eugène Renduel; imprimerie d'Everat, in-8.

Frontispice à l'eau-forte de Celestin Nanteuil : la reine est à droite, debout et appuyée contre une tahle près de laquelle est un escabeau portant la couronne royale ; à gauche, Gilbert à demi-renversé ; à droite, derrière la reine, le lord-chancelier apportant la Bible tout ouverte; à gauche, entourant Gilbert, Fabiani, Jane et Simon Renard, seigneurs et hallebardiers ; par la porte du fond, on aperçoit une longue galerie éclairée. — Encadrement formé de groupes de femmes et de génies re- liés entre eux par des arabesques. — Une des plus belles eaux- fortes de M. Celestin Nanteuil.

24 fr., maroquin rouge, Amand.

Dans le catalogue Renduel de 1833, ce drame est annoncé comme sous presse avec le titre : Marie d'Angleterre, ou sou- vent femme varie. Sur le frontispice de l'édition originale, le titre est aussi : Marie d'Angleterre, sans le sous-titre.

1834. — Angelo, tyran de Padoue, drame. Paris, Eugène Renduel; imprimerie d'Everat, in-8.

34 fr., maroquin rouge, Amand.

On trouve sur ce drame, dans le Monde dramatique, une vignette de Louis Boulanger (acte IV, se. dernière) : la Thisbé


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mourante et prononçant les dernières paroles de la scène ; Ro- dolfo soutient dans ses bras la Calarina qui se reveille.

Le même recueil a donné un portrait de Marie Dorval dans le costume de Catarina Bragadini , lithographie' par Célestin Nanteuil.

1838. — Œuvres complètes de Victor Hugo. Drame. Tome septième. Ruy Blas. Paris, H. Del- loye, et Leipzig, Brockhaus et Avenarius; impri- merie de Béthune et Pion, in-8. — Au verso du faux-titre : Représenté pour la première fois le 8 novembre 1838, pour l'ouverture du théâtre de la Renaissance.

Le Monde dramatique de la même année a donné une scène de ce drame (acte v) , lithographiée par Romain Cazes.

Ruy Blas a eu en 1838 une autre édition à l'adresse de Leipzig, Brockhaus et Avenarius, aussi imprimée chez Béthune et Pion, in-12.

1843. — Les Burgraves, trilogie. Paris, Michaud; imprimerie de Pion, in-8.

Dans la semaine qui suivit la représentation, V Illustration donna les portraits des acteurs en costumes, et la scène finale du deuxième acte : Barherousse reconnu.


ALEXANDRE DUMAS


1825. — Élégie sur la mort du général Foy. Paris, Sétier, imprimeur-libraire, et Lemoine, in-8.

Nous citons cette brochure et le petit volume suivant comme débuts d'Alexandre Dumas.

1826. — Nouvelles contemporaines. Paris, Sanson; imprimerie de Sétier, in- 12.

1830. — Stockholm, Fontainebleau et Rome, tri- logie dramatique sur la vie de Christine, cinq actes en vers, avec prologue et épilogue; représenté à Paris, sur le théâtre royal de TOdéon, le 30 mars 1830. Paris, Barba; imprimerie de Lachevardière, in-8.

Lithographie-frontispice de RafFet (acte V, se. 6) :


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L'infâme Nous trahit toutes deux !— Toutes deux?— Je suis femme !

Ajouter une lithographie de Devéria , publiée par la Sil- houette (acte V, se. 7):

Eh bien! j'en ai pitié, mon père... Qu'on l'achève.

1831. — Antony, drame en cinq actes, en prose. Représenté pour la. première fois sur le théâtre de la Porte-Saint-Martin, le mardi 3 mai 1831. Paris, Auguste Auflray, in-8.

La seconde édition de 1832 a une vignette de Tony Johan- not, mise sur bois par Tellier et gravée par Thompson (scène 8 du IV e acte) : Antony et Adèle après la scène du bal. — Cette vignette est curieuse à un double titre : comme reproduction des toilettes et de l'idéal d'élégance d'alors, et comme ressem- blance des deux acteurs, Bocage et madame Dorval.

Autre composition d'Alfred Johannot , lithog. de Lemercier, publiée dans l'Artiste (acte v) : le colonel d'IIervey enfon- çant la porte; Antony soutient d'un bras Adèle assassinée, et tend de la main droite le poignard au colonel : Elle me résis- tait... je l'ai assassinée.

1832. — Térésa, drame en cinq actes et en prose, représenté à la salle Ventadour, le 6 février 1832. Paris, Barba, in-8.

L'Artiste a donné une lithographie de Tony Johannot re- présentant la scène 4 de l'acte V, Arthur renversé aux pieds de Delaunay : Vous croyez donc que l'âge a brisé mes forces.


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1833. — Impresssions de voyage. Au bureau de la Revue des deux mondes, rue des Beaux- Arts; im- primerie de Foumier, in-8,

Cinq volumes; les deux derniers publies en 1837. Le tome premier a un frontispice eau-forte de Celestin JNanteuil, repro- duit mais en très-mauvaises épreuves dans le tome second : la cathédrale de Milan entourée de vues de Suisse et de sujets de chasse et de pèche (l'ours au hifteak) ; en haut : un moine du Saint-Bernard et un voyageur; clair de lune; en bas : Guil- laume Tell traversant le lac à la nage , encadré par les figures allégoriques du Rhône et de la Saône; dans un coin, à droite, un perroquet (? ).

Les cinq volumes, 35 fr. , brochés, non rognés, exemplaire du peintre Dauzats, Liepmannssohn.

— Angèle, drame en cinq actes, en prose, repré- senté à la Porte Saint-Martin, le 28 décembre 1833. Paris, Charpentier, 1834, in-8.

Frontispice eau-forte de Celestin Nanteuil (scène dernière du drame) : Henri Muller soutient Angèle éplorée, et donne la main droite à la comtesse qui s'appuie sur son épaule. — Le décor est un salon ouvrant sur un jardin : à droite, une che- minée surmontée d'une pendule et d'un vase ; on aperçoit à droite un personnage confus, accoudé à une table, et qui doit être le notaire. — Encadrement : dentelles, oiseaux, fleurs.

27 fr., demi-rel. veau fauve, non rogné, Liepmannssohn.

1834. — Catherine Howard, drame en cinq actes et en huit tableaux, représenté à la Porte Saint- Martin, le 2 avril 1834. Paris, Charpentier, in-8.

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Eau-forte frontispice de Célestin Nanteuil ( scène 10 de l'acte iv) : Catherine posant la main sur le cœur d'Ethelwood évanoui ; à droite, une fenêtre à châssis de plomb par où l'on aperçoit la lune.

Autre frontispice du même artiste (sans doute supprimé et non mis dans le commerce) : Catherine couchée sur sa tombe ouverte ; à droite, le roi à genoux sur les degrés ; à gauche, derrière Catherine, Ethelwood étend le bras pour éclairer le roi avec la lampe, et tire de la main droite un poignard :

HENRI

Oh ! il faut que je la voie encore une fois !

ETHELWOOD

Regardez-la donc , sire !

1834-1836. — Théâtre d' Alexandre Dumas. Paris, Charpentier, rue de Seine-Sain t-Germain, 31; im- primerie d'Éverat, 6 vol. in-8.

Le tome premier a un admirable frontispice de Célestin Nanteuil, imprimé à deux tons (un des plus compliqués et des mieux réussis de son œuvre) : — Cartouche encre rouge, por- tant le titre et la tomaison, encadré de huit médaillons repré- sentant les scènes principales des drames, savoir : en haut, Christine : mort de Monaldeschi ; — à gauche, 1. la Tour de Nesle : mort de Gaultier d'Aulnay; 2. Térésa : Delaunay maudissant Arthur de Savigny ; — à droite, 1. Charles VII : Bérengère poussant Yacoub à assassiner le roi ; 2. Antony : scène dernière (Elle me résistait... je l'ai assassinée) ; — en bas, 1. Richard DarlitUjton : Richard traînant Jenny vers la fenêtre ; 2. Henri III : le duc de Guise demandant au roi de reconnaître la Ligue; 3. Angèle : Alfred d'Alvimar intro-


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duit Henri Millier, les yeux bandés, dans la chambre d' An- ge] e. — Les huit médaillons sont reliés par des sujets fan- tastiques et allégoriques.

Cette première collection des œuvres dramatiques d'Alexandre Dumas, arrêtée au sixième volume, contient les œuvres sui- vantes : Henri III, Antony, Christine, Charles VII, Té- résa, Richard Darlinglon, la Tour de Nesle, Angèle, Ca- therine Howard, Napoléon Bonaparte, Don Juan de Ma- rana et Kean. La couverture du cinquième volume annonce une série de dix vignettes « gravées par les premiers artistes d'après les dessins de M. Louis Boulanger, pour l'ornement de cette édition; » ces vignettes n'ont jamais paru. L'édition a été reprise plus tard par Passard, éditeur, rue des Grands- Augustins, qui en a publié deux nouveaux volumes (tome "VII et VIII, 1846) contenant : Mademoiselle de Belle-Isle, Halifax, Paul Jones et l'Alchimiste.

Gigoux a lithographie pour l'Artiste la principale scène de mademoiselle de Belle-Isle (acte III, scène 4) : Gabrielle assise à gauche, près d'une table qui supporte un vase de fleurs ; Raoul debout, chiffonnant une lettre.


PROSPER MERIMEE


1825. — Théâtre de Clara Gazul, comédienne espagnole. Paris, Sautelet; imprimerie de H. Four nier, in-8.

La notice sur Clara Gazul est signée Joseph L'Estrange. Un exemplaire de l'édition de Paris, H. Fournier, 1830, in-8, qui a deux pièces de plus que la première (l'Occasion et le Car- rosse du Saint-Sacrement), n° 534, du catalogue Fossé d'Arcosse, était orné d'un portrait lithographie, prétendu de Clara Gazul , qui était celui de l'auteur habillé en femme ; ce portrait n'a pas été mis dans le commerce.

1827. — La Guzla, ou choix de poésies illyriques, recueillies dans la Dalmatie , la Bosnie, la Croatie


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et l'Herzégovine. Paris et Strasbourg, F. -G. Le- vrault, in-12.

Anonyme; orne d'un portrait d'Hyacinthe Maglanovich, signé A. Br., lithographie d'après un croquis de l'auteur.


CHARLES DOVALLE


1830. — Le Sylphe, poésies de feu Ch. Dovalle, précédées d'une notice par M. Louvet, et dune préface par Victor Hugo. Ladvocat, Palais-Royal, 1830, in-8.

Couverture noire imprimée en argent.

70 fr. , broche , non rogne , Liepmannssohn.

Il y a des exemplaires sur papier de couleur.

Charles Dovalle n'est point une des étoiles radieuses de la poésie moderne, c'est plutôt une nébuleuse au reflet doux qui se mêle, sans s'y confondre, à la trace lactée des poètes de la première phase de notre renaissance poétique. Dans cette période où la poésie française cherchait à se régénérer par l'étude du sentiment, en attendant la rénovation puissante de forme et


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d'expression que devait lui donner l'auteur des Orientales, Charles Dovalle eut son heure ; sa voix a été entendue, écou- tée, et méritait de l'être. Il a eu même son jour de gloire, et ce jour-là, malheureusement, a été le lendemain de sa mort. Les œuvres de Dovalle ont le caractère de la poésie du temps où il apparut, ce caractère un peu vague, cette forme un peu voilée, un peu abstraite de la poésie des Edmond Géraud, des Loyson, des Brugnot, et des premières œuvres de Rességuier, de Fontaney et de Labenski, de tout ce chœur en un mot qui procédait plutôt de Lamartine que de Victor Hugo, mais que la publication des Ballades et des Orientales allait pousser vers une facture plus sévère et plus savante.

L'œuvre de Charles Dovalle, interrompue à sa vingt-deuxième année par un événement sinistre, a conservé toutes les incerti- tudes d'un art qui bégaye. Mais ces incertitudes même d'une muse de vingt ans sont-elles sans grâce ? a Une poésie toute jeune , a écrit M. Victor Hugo , enfantine parfois ; tantôt les désirs de Chérubin , tantôt une sorte de nonchalance créole ; un vers à gracieuse allure, trop peu métrique, trop peu rythmique parfois , mais toujours plein d'une harmonie plutôt naturelle que musicale ; la joie, la volupté, l'amour , la femme surtout , la femme divinisée , la femme faite muse ; et puis partout des fleurs, des fêtes, le printemps, le matin, la jeunesse, voilà ce qu'on trouve dans ce portefeuille d'élégies déchirées par une balle de pistolet... » Ajoutons seulement que la poésie de Do- valle a souvent des cris , un mouvement , un sentiment , ou plutôt un appétit de la forme rythmique qui permettent d'affir- mer qu'il eût facilement acquis de lui-même la fermeté d'exé- cution qui manque aux œuvres de sa jeunesse. Son œuvre est une aurore pâle comme toutes les aurores , mais qui eût pu avoir son midi coloré.


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Les poésies de Dovalle, publiées par ses amis, l'année même de sa mort, sont devenues rares. On a respecté sur la dernière pièce trouvée dans le portefeuille qu'il portait le jour du com- bat, la trace de la balle qui l'a traversée. C'est à propos de cette publication, cpie M. Victor Hugo écrivit cette lettre mé- morable, insérée plus tard dans les deux volumes de Littéra- ture et philosophie mêlées, et qui sera le passe-port de Dovalle pour la postérité.

La vie de Dovalle ressemble à son œuvre : une enfance douce et laborieuse, se développant joyeusement dans la liberté de la vie de campagne, et d'une campagne pittoresque, toute pleine de vieux souvenirs et hérissée de vieux châteaux ; succès préco- ces, amours timides, excursions poétiques, vol de papillon sur les fleurs et sur les ruines. Il arrive à Paris à vingt ans, le porte- feuille et le cerveau pleins de rimes, et de ce premier choc avec la réalité de la vie, le poète est écrasé.

Il y a quelques années, un ami posthume et un compatriote de Charles Dovalle, M. Emile Grimaud, lui a consacré dans la Revue de Bretagne et de Vendée (numéro d'octobre 1857) une notice biographique qui aurait besoin d'être complétée par l'histoire de sa vie à Paris. Dovalle était né h Montreuil- Bellay, petite ville du département de Maine-et-Loire, le 23 juin 1807. Il mourut à Paris le 30 novembre 1829, des suites d'un duel causé par un article de journal (1). Ses amis lui ont élevé un tombeau dans le cimetière Montmartre.


(1) L'article avait paru dansie Journal rose (Voy. Descuiens, n° 605, au supplément). Le duel eut lieu le 9 novembre ; l'adversaire de Do- valle était Mira-Brunet, fils de l'acteur. Brunet.


ALFRED DE VIGNY


1822. — Poèmes. Helena, la Somnambule, la Fille de Jephté, la Femme adultère, le Bal, la Prison. Paris, Pélicier; imprimerie Guiraudet, in-8.

Première édition anonyme très-rare ; Sainte-Beuve en a parlé, article Alfred DE Vigny des Nouveaux lundis, t. vi, p. 404.

1829. — Poèmes, par M. le comte Alfred de Vi- gny , auteur de Cinq-Mars, ou une conjuration sous Louis XIII. Troisième édition. Gosselin et Urbain Canel; imprimerie Lachevardière.

Sur le titre vignette de Tony Johannot, gravée sur bois par Lacoste : la Frégate la Sérieuse'.

12 fr., demi-rel. veau, Liepmannssolm ; 23 fr., maroquin rouge, Amand.


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1831. — La Maréchale d'Ancre, drame. Paris, Charles Gosselin ; imprimerie de Cosson, in-8.

Lithographie de Tony Johannot, représentant la dernière scène du drame.

15 fr., broché, non rogné, Liepmannssohn ; 66 fr., même état, Sainte-Beuve, avec envoi autographe de l'auteur.

1832. — Stello, ou les diables bleus. Première consultation du Docteur noir. Paris, Gosselin et Rendue! , in-8.

Trois charmantes vignettes de Tony Johannot, gravées par Brevière : Mademoiselle de Coulanges malade ; Chatterton brûlant ses manuscrits ; André Chénier et madame de Saint- Aignan.

50 fr., broché, non rogné, Liepmannssohn.

La seconde édition, Paris, Charles Gosselin, 2 vol. in- 12, a les mêmes vignettes ; deux dans le tome premier.

1835. — Chatterton, drame. Paris, Hippolyte Souverain , imprimerie de Casimir, in-8.

Eau-forte-frontispice d'Edouard May.

30 fr., broché, non rogné, Liepmannssohn; 26 fr., demi- reliure maroquin rouge, Ainand ; 60 fr., broché, non rogné, Sainte-Beuve.

Le frontispice est une composition architectonique assez com- pliquée, qui a l'aspect d'un panneau de bois sculpté et rapporté. Au centre, dans un médaillon ovale, Chatterton et Kitty-Bcll se parlent au bas de l'escalier ; Kitty a l'un de ses enfants sur le bras et tient l'autre par la main. A droite et à gauche de ce


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médaillon, sur des culs-de-lampe, deux groupes représentant, l'un les œuvres dramatiques, l'autre les poëmes et les romans de l'auteur : à gauche, Chatterton, Otello, la maréchale d'Ancre; à droite, Saiil [Poèmes antiques), Cinq-Mars et le Docteur noir. Les titres sont inscrits sur des handerolles.

Au dessous, dans des niches ouvrées à la gothique, à gau- che : Gilhert mourant, assisté par le Docteur noir ; à droite : André Chénier, étendu sur la paille, à qui le geôlier fait signe de se lever. Entre ces deux sujets, le titre du drame, Chat- terton, inscrit sur une plinthe estompée, et au dessous, dans un cartouche, le nom de l'éditeur.

Au dessus du médaillon , dans une frise, le portrait de l'au- teur de profil, soutenu par deux anges dont l'un écrit sur une tahlette ; l'autre tient une branche de laurier et une trompette. Pardessus, une niche vide que domine un cygne éployé, posé sur un piédestal en pas-de-vis. On sait que le cygne était l'em- blème adopté par Alfred de Vigny. Signé à gauche : Edouard May, 1835 (1).

On peut ajouter à cette première édition de Chatterton un charmant portrait, en pied, de Marie Dorval, dans le costume de Kitty-Bell , dessiné sur bois par Edmond Hédouin d'après l'aquarelle de Henry Monnier, et gravé par Pisan, publié dans la Gazette des beaux-arts, première année.

(1) Edouard May a composé des frontispices pour des romans du temps, entr'autres : la Tour de Londres, par Alphonse Brot; Paris, Auguste Labat et Lelong, 1835, 2 vol. in- 8; et Entre onze heures et minuit, par E.-M. de Saint-Hilaire et Alphonse Brot; Paris, Hippo- lyte Souverain, 2 vol. in-8. La vignette du tome premier est de Lécu- rieux et représente un homme chatouillant les pieds d'une femme étendue.


E.-T.-A. HOFFMANN


1831 — 33. Œuvres complètes de E.-T.-à. Hoff- mann, traduites de l'allemand, par Loëwe-Wei- mars. Paris, Eugène Renduel, 20 volumes in-12.

Publiées par livraisons de quatre volumes. — Vignettes de Tony Johannot. Il n'y a que trois vignettes, répe'te'es sur les quatre volumes de chacune des trois premières livraisons.

La première (l re livraison), tirée je crois de Salvator Rosa, n'est point signée; j'hésite à la croire de Tony Johannot, et dans tous les cas, elle est fort mauvaise.

La seconde vignette (tomes V à Vin) est probablement tirée de Maître F/oh , et représente le Diable conseillant un vieil- lard; sans signature de dessinateur ni de graveur; c'est une des plus remarquables vignettes de Tony.


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Tomes IX à X : le chat Murr sur un coussin.

La quatrième livraison (t. XIII à XVI ) n'a point de vignette, non plus que la cinquième.

Le tome XX, qui contient la Vie d'Hoffmann, par le tra- ducteur, est orné d'un portrait dessiné par Ilenriquel Dupont, et gravé sur acier par Pelée.


CONTES BRUNS


1832. — Contes bruns. Par une (tête à l'envers, vignette de Tony Johannot : MM. de Balzac, Charles Rabou, et Philarète Chasles). Paris, Urbain Canel et Adolphe Guyot; Everat, imprimeur, in- 8.

La vignette de la couverture , gravée par Cherrier d'après Tony Johannot, représente un homme poursuivi par une tête de femme echevelêe.

30 fr. , broché, Liepmannssohn ; 34 fr., demi-rel. maroquin citron , Amand.

Titres des contes : Entre onze heures et minuit, de Balzac; — l'Œil sans paupières, Chasles; — Une bonne fortune, Chasles; — Geurnerius , Rabou; — la Fosse de l'avare, Chasles; — les Regrets, Rabou; — les Trois sœurs,

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Chasles; — le Ministère public, Rabou; — le Grand d'Es- pagne , de Balzac.

Les deux contes de Balzac ont été refondus dans ses œuvres.

L'Œil sans paupière a reparu dans les Caractères et pay- sages, par Ph. Chasles. Paris, Mame-Delaunay, 1833, in-8, avec une vignette de Tony Jobannot, gravée sur bois par Porret. — Cette même vignette a été reproduite dans la Revue de Paris, tome xxxiv. Une autre vignette sur le même sujet, du même artiste, gravée aussi par Porret, a été donnée par la Caricature du 9 février 1832.

Les trois nouvelles de M. Pbilarète Chasles ont été publiées dans l'Artiste, avec lithographies : VOEU sans paupière, deux lithographies, non signées; les Trois sœurs, par Devéria : paysage; une jeune femme mourante, assise sur un banc entre un vieillard et un jeune homme : Je vais où sont mes sœurs... — Une bonne fortune, par Devéria : Quittons cette femme...


JULES JANIN


1829. — L'Ane mort et la femme guillotinée. Paris, Baudouin, rue de Vaugirard; imprimerie de Rignoux , 2 volumes in- 12.

Deux vignettes gravées par Porret d'après Devéria : 1 . mort de Chariot à barrière du Combat; 2. Henriette à la Bourbe.

1830. — Deuxième édition. Paris, Delangle frères, rue du Battoir-Saint-André-des-Arcs (sic) ; impri- merie de Jules Didot l'aîné, in- 18.

Vignette eau-forte d'Alfred Johannot : le chiffonnier venant reprendre son enfant (cbap. XXVl).

Frontispice grave : Henriette ensevelie. Vignette sur le titre : l'âne mort.


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1830. — La Confession, par l'auteur de l'Ane mort et la femme guillotinée. Paris, Alexandre Mes- nier, place de la Bourse; imprimerie de Duverger, 2 volumes in-12.

Vignette eau-forte d'Alfred Johannot : Juana dans la man- sarde du prêtre espagnol (chapitre Xiv); Fra José, assis à droite, se détourne, en étendant les mains, de Juana qui se tient debout à gauche, enveloppée d'un domino et coiffée d'un voile; dans le fond, à droite, une harpe.

La seconde édition, même éditeur, même année, a une vignette sur Lois de Porret, d'après Tony Johannot : Anatole arrivant au presbytère.

50 fr., exemplaire sur chine, maroquin violet, non rogné, envoi d'auteur, Armand Bertin.

1832. — Deburau. Histoire du théâtre à quatre sous, pour faire suite à l'histoire du Théâtre-Fran- çais. Paris, Charles Gosselin, in-8.

Tiré à vingt-cinq exemplaires : un sur peau de vélin (voir Catalogue Armand Bertin; Techener, 1854, n° 1019) ; douze sur papier coquille de couleur ; douze sur vélin blanc superfin d'Annonay.

Les éditions suivantes ont été publiées en deux volumes in-12, avec couvertures quadrillées répétant les culs-de-lampe des volumes.

Frontispice d'Aimé Chenavart, gravé par Porret, répété sur les deux volumes : portrait de Deburau, encadré dans une lucarne; à droite, un pierrot lui offre à boire; à gauche


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un arlequin gesticule ; en haut, singes habilles sonnant de la trompette sous un pavillon chinois ; en bas, enfant poursuivi par un taureau.

Vignette du tome premier : Deburau appuyé sur la balus- trade du harem , par Auguste Bouquet , grave par Porret ; du tome deux : Deburau en savetier (scène du Billet de mille francs), gravé par Cherrier d'après A. Bouquet.

Illustrations courantes : tome premier, page 47, Deburau en paillasse, porté sur une échelle , dessin de Tony Johannot, gravé par Porret; tome deux, page 50, scène de la pantomime du Bœuf enrayé : Pierrot assis à terre et déjeunant d'un pâté; il tient une bouteille à la main ; signé Aug. Bouquet. Cul de lampe : scène finale d'une pantomime; un jardin; Arlequin lève sa batte sur son rival agenouillé devant Cassandre, lequel donne un bras à Colombine et l'autre à Pierrot; musiciens à l'or- chestre; pas de signature.

Un exemplaire qui nous est obligeamment communiqué par M. Richard-Desaix a deux cartons ; l'un pour les pages 3 et 4, qui donne une lettre ornée, Pierrot étranglant Arlequin, signée de Bouquet et de Cherrier; l'autre, pour les pages 13 et 14, offre un fac-similé de la signature de Deburau.


THÉOPHILE GAUTIER


1833. — Albertcs ou lame et le péché, légende théologique, par Théophile Gautier. Paris, Paulin, place de la Bourse, in- 18.

Vignette eau-forte de Ce'lestin Nanteuil : Albertus se don- nant au Diable. Un salon sombre , divans profonds et tapis- series épaisses ; Véronique attire Albertus sur le divan ; l'ange s'envole à gauche dans la lumière ; à droite , Mcphisto derrière une table chargée de flacons et de verres :

Eh bien donc, à jamais sois maudit!

Cria l'ange gardien d' Albertus. Je te laisse,

Car tu n'es iilus à Dieu. — Le peintre, en son ivresse,

N' entendit pas la voix, et l'ange remonta.

Un nuage de soufre emplit la chambre. Un rire


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De Méphistophélès, que l'on ne peut décrire, Tout à coup éclata.

(Strophe 94).

Ouvrages annoncés sur la couverture :

— Champavert, par Pétrus Borel.

— Faust, traduction de Gérard.

— Les Contes du bousingo (sic).

Ce volume très-rare, surtout avec la vignette tirée à petit nombre, n'est que la seconde édition des poésies de Théophile Gautier, augmentée du poème à' Albert us. La première avait paru en 1830, Paris, Ch. Mary, in-12.

Autre vignette (sans doute supprimée) : même sujet traité dans une plus petite dimension et avec quelques changements. Le divan ne s'aperçoit pas et l'ange tient plus de place. Signé Célestin Nanteuil, 1832.

1833. — La Jeune-France, romans goguenards, par Théophile Gautier. Paris, Renduel, in-8.

Frontispice eau-forte de Célestin Nanteuil, représentant les principaux personnages du livre dans des compartiments reliés entre eux par des arabesques et des figures allégoriques : Onuphrius peignant la Jacintha ; Celle-ci et celle-là ; Rosette ; Jacintha. Dans les angles, en haut, à gauche, un chevalier armé ; à droite , un page assis ; en bas , des groupes de jeunes-France et des bousingots mêlés à des attributs, mé- daillons , bustes , têtes de mort , etc. ; dans le coin à droite , trois livres dont on lit les titres : la Peau de chagrin, Volupté, la Salamandre (cités dans le dernier conte, le Bol de punch) ; le cul-de-lampe est formé par la tête du mime


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Dehurau , que domine un squelette. Signé Célestin Nan- teuil, 1833.

140 fr.. demi-rel. maroquin amaranthe, Licpmannssohn.

1838. — La Comédie de la mort, par Théophile Gautier Paris, Desessart; imprimerie de A.Everat, grand in-8.

Vignette de Louis Boulanger, grave'e par Lacoste : la grotte de la Chimère; le poète drape' dans un manteau est amené par une femme nue et échevelée.

40 fr. demi-rel. veau fauve, Liepmannssohn ; 102 fr. , ma- roquin vert, avec dorure allégorique en mosaïque et un étui- enveloppe maroquin, Amand.

Il y a eu quelques exemplaires sur grand papier vélin , avec la vignette tirée sur chine libre.


PETRUS BOREL


1832. — Rhapsodies, par Pétrus Borel. Paris, Levavasseur, au Palais-Royal, in- 16 carré.

Vous dont les censures s'étendent Dessus les ouvrages de tous, Ce livre se moque de vous.

MALHERBE.

Hautain, audacieux, conseiller de soi-même, Et d'un cœur obstiné se heurte à ce qu'il aime.

REGNIER.

La première édition a pour frontispice une gravure à la manière noire, anonyme, de Joseph Bouchardy, représentant un jeune homme coiffé du bonnet phrygien, assis sur un esca- beau et appuyé sur une table recouverte d'un tapis. Il est en chemise et bras nus, et tient à la main un long et large couteau


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dont il paraît vouloir se frapper. Le mur de la chambre est bâti en colombage; draperie retombant à gauche comme un rideau de théâtre. — Est-ce un portrait de Fauteur ? ou seu- lement une allégorie révolutionnaire? — Elle a de plus deux vignettes lithographiées à l'intérieur du volume, signées Napol, Napoléon Thomas, ami de l'auteur, qui a fourni des illus- trations à quelques livres, de 1830 à 1840 : — 1. pour la pièce intitulée Fantaisie, un bousingot couché sur la paille d'un cachot; fers scellés dans la muraille; à gauche, une cruche et un morceau de pain noir. — 2. Ma croisée : autre bousingot en grande toilette , accoudé à une fenêtre encadrée de vigne. Annoncés comme sous presse sur la couverture :

— Pâture à liseurs, par Pétrus Borel; in-8 orné de vignettes, par Napol. Thomas et Joseph Bouchardy (1).

— Du même auteur : Appel aux jeunes Français à cœurs de lions, brochure in-8.

— Odelettes et études dramatiques, par Gérard (de Nerval) .

— Mosaïque, parPhilothée O'Neddy (2).

— Odes artistiques, par Théophile Gautier.

— Mater dolorosa, par Augustus Mac-Keat (Aug. Maquet).

— Essai sur l'incommodité des commodes, par Jules Vavre (ou Vabre), architecte.

150 fr., Stuart de Rothesay. .

1833. — Deuxième édition. Bouquet, successeur de Levavasseur, au Palais-Royal.

Même tirage. Le frontispice de Joseph Bouchardy est rem-

(i) Le dramaturge.

(2) Anagramme de Dondey. C'est l'auteur de Feu et flamme, dont nous reparlerons plus loin.


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placé par une vignette eau-forte de Célestin Nanteuil : un ange vêtu d'un corset et d'une cotte au milieu d'un cartouche blanc où sont inscrits le titre et l'adresse de l'éditeur; enca- drement de figures diverses , têtes de morts , médaillons , tableaux , livres , chevaliers armés , jeunes filles , démons , klephtes, effets de lune, ossements, etc., etc.; en bas, un cru- cifix renversé ; signé Célestin Nanteuil.

Annoncés sur la couverture :

Du même auteur : — Faust, dauphin de France ; un fort volume in-8.

— Les Contes du bousingo (sic), par une camaraderie.

Comme la plupart des ouvrages annoncés dans cette liste, les Contes du bousingo n'ont jamais paru. Une très-obligeante lettz-e de M. Théophile Dondey de Santeny , l'auteur de Feu et flamme, nous apprend quelle fut l'occasion de ce projet col- lectif, et fixe en même temps le sens et l'orthographe du mot qui devait servir de titre au livre. Il ressort de cette lettre que la qualification de bousingo ne fut jamais acceptée par la jeune-France de la camaraderie de Pétrus Borel. Elle leur fut au contraire infligée à l'occasion d'un procès au tribunal de police municipale, qui fit quelque bruit en son temps. Quelques- uns des camarades furent arrêtés une nuit dans les rues de Paris, pour avoir chanté trop haut et trop tard une chanson dont le refrain était : Nous ferons ou Nous avons fait du bousingo (du bruit, du bouzin). C'était au moment du fameux complot de la rue des Prouvaires : la police alarmée engloba les perturba- teurs dans la poursuite, et l'affaire se résolut pour quelques-uns d'entre eux par une incarcération de quelques jours à Sainte- Pélagie. Gérard de Nerval, un des incarcérés, a consacré dans un article intitulé :)M> es prisons (inséré dans la Bohême galante (Michel Lévy, 1855), le souvenir de cette algarade. Cependant


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l'affaire avait fait du bruit , et le mot bousingo était devenu populaire. Les journaux bien pensants affectèrent de'sorinais d'appeler bousingots les ennemis de l'ordre et du repos public. Ce fut pour donner aux bourgeois et à leurs journalistes une leçon d'orthographe que les amis résolurent de composer collectivement un recueil de contes auquel on donnerait le titre de Conte du bousingo. Le projet, comme je l'ai dit, n'eut pas de suite. Le seul Gérard, m'a-t-on assuré, aurait fourni sa contribution , et le charmant conte de la Main enchantée, qu'il publia plus tard, fut composé exprès pour ce recueil .

1833. — Champavert , contes immoraux, par PétrusBorel, lelycanthrope. Paris, Eugène Renduel; imprimerie de madame veuve Poussin, in-8.

Vignette sur bois de Jean Gigoux, gravée par Godard, sujet du troisième conte : André Vesale.

Pétrus Borel marque une phase ou plutôt une déviation du romantisme, produite par l'invasion de la politique dans la littérature , après la révolution de Juillet. Cette phase a eu son symbole , son type , le bousingo ou bousingot , que l'on retrouve fréquemment dans les lithographies du temps, avec son gilet à la Robespierre, sa grosse canne, sa longue barbe et ses longs cheveux, coiffé tantôt de la casquette rouge à chaî- nette , tantôt du chapeau ciré. Le bousingot transporta dans la vie politique le style et les allures de l'école romantique. Ce fut une variété du genre jeune-France, mais aussi rude, aussi cynique que les autres étaient dandies et raffinées. En véri- table artiste , il trouva tout de suite et avec génie la plastique de son idée. La passion de la couleur et de la « localité » avait


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poussé les écrivains romantiques vers le luxe et l'éclat. Le Jjousingot plongea dans la crapule et affecta les habitudes popu- lacières. Il opposa le « brûle-gueule » et le « petit bleu s aux narguilehs et aux hanaps. Des mêmes fusées, des mêmes soleils de métaphores qui se tiraient ailleurs en l'honneur des marchesines et des cathédrales, il fit des cartouches pour tirer sur le roi et sur les sergents de ville ; mais c'était bien au fond le même procédé et la même poétique. Romantiques et bousin- gots se rattachaient d'ailleurs par un point commun : la haine du bourgeois et l'horreur de la platitude. Les esprits les plus distingués de l'école subirent cette épidémie de la politique. Gérard de Nerval qui avait chanté Napoléon sous la Restau- ration , en fut atteint des premiers ; témoin la charmante odelette qui commence ainsi :

Dans Sainte-Pélagie Sous ce règne élargie...

Théophile Gautier aussi a payé tribut à 1' « influenza » par ce sonnet de son premier recueil , qui justement a pour épi- graphe deux vers bousingots du même Gérard :

Liberté de Juillet, femme au buste divin, Et dont le corps finit en queue.

GÉRARD.

Avec ce siècle infâme il est temps que l'on rompe, Car à son front damné le doigt fatal a mis, Comme aux portes d'enfer : Plus d'espérance! — Amis, Ennemis, peuple, rois, tout nous joue et nous trompe.

UN BUDGET-ÉLÉPHANT BOIT NOTRE OR PAR SA TROMPE.

Dans leurs trônes d'hier encor mal affermis, De leurs aînés déchus ils gardent tout, hormis La main prompte à s'ouvrir et la royale pompe.


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Cependant, en Juillet, sous le ciel indigo,

Sur les pavés mouvants, ils ont fait des promesses

Autant que Charles dix avait ouï de messes.

Seule, la poésie incarnée en Hugo,

Ne nous a pas déçus, et de palmes divines,

Vers l'avenir tournée, ombrage nos ruines.

Chez ceux-là, ce ne fut qu'affaire de mode et de fantaisie. La fusillade de Saint-Merry et les lois de septembre furent le Waterloo du bousingot. Du jour où il lui fut interdit de pro- tester d'une manière visible , du moment où on lui retira ses insignes , son gilet , sa canne et sa pipe à tête de poire , le bousingot dut abdiquer. Il se fit homme grave , économiste et philosophe humanitaire, et écrivit pour fronder la société et le pouvoir, des romans « où l'idée prédominait sur la forme ». Le roman à tendances , cette monstruosité littéraire , est le seul legs que le bousingot ait laissé à la littérature du dix- neuvième siècle.

1836. — Robinson Crusoé, par Daniel de Foë, traduction de Pétrus Borel, enrichie de la vie de Foë, par Philarète Chasles, avec notice sur le mate- lot Selkirk, par Saint-Hyacinthe, sur l'île de Juan Fernandez, sur les Caraïbes et les Puelches, par Ferdinand Denis, et d'une dissertation religieuse par l'abbé La Bouderie. Paris, Fr. Borel et A. Varenne, 2 volumes in-8.

Deux cent cinquante gravures sur bois, d'après Nanteuil, L'evéria, Boulanger et Napoléon Thomas. 20 fr. , cartonné , Liepmannssohn.


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1839. — Madame Putiphar, par Pétrus Borel, le lycanthrope. Paris, Ollivier, 33, rue Saint-André- des-Arts; imprimerie de Terzuolo, 2 vol. in-8.

Dédicace à L. P. (Lucinde Paradol) : Ce livre est à toi et pour toi, mon amie.

Deux vignettes sur bois ; tome premier : Patrick à Trianon, insultant madame de Pompadour (chap. XXVl), non signe; tome second : Déborah reconnaissant Patrick à la maison des fous ; Patrick est nu , hagard , avec un crucifix sur la poitrine ; à gauche, Déborah à genoux; signe' L. B. (Louis Boulanger), gravé par Lacoste.

J'ai vu chez 31. Dondey de Santeny un exemplaire en grand papier avec cet hommage autographe : A monsieur mon très-cher frère Théophile Dondey, offert du meilleur de mon cœur.

Annoncés sur le faux-titre, comme du même auteur :

— Rhapsodies, poésies (épuiséj; 1 vol. in-16.

— Champavert, contes immoraux; 1 vol. in-8.

— Robin son Crusoé, édition illustrée; 2 vol. in-8.

— Janniquette (?); 2 vol. in-8.

SOUS PRESSE :

— Tabarin; 2 vol. in-8.

C'est en tête de Madame Putiphar que se trouve le mor- ceau souvent cité, préface ou prologue, dont Charles Baude- laire louait « la sonorité si éclatante-et la couleur presque pri- mitive à force d'intensité », et que l'extrême rareté du livre nous engage à citer.

G


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PROLOGUE

Une douleur renaît pour une évanouie;

Quand un chagrin s'éteint, c'est qu'un autre est èclos;

La vie est une ronce aux pleurs épanouie.

Dans ma poitrine sombre, ainsi qu'en un champ-clos ,

Trois braves cavaliers se heurtent sans relâche,

Et ces trois cavaliers, à mon être incarnés.

Se disputent mon être, et sous leurs coups de hache

Ma nature gémit; mais sur ces acharnés

Mes plaintes ont l'effet des trompes, des timbales,

Qui soûlent de leurs sons le plus morne soldat,

Et le jettent jotj eux sous la grêle des balles,

Lui versant dans le cœur la rage du combat.

Le premier cavalier est jeune, frais, alerte; Il porte élégamment un corselet d'acier , Scintillant à travers une résille verte, Comme à travers les pins les cristaux d'un glacier. Son œil est amoureux; sa belle tête blonde A pour coiffure un casque orné de lambrequins , Dont le cimier touffu l'enveloppe et l'inonde, Comme fait le lampas autour des palanquins; Son cheval andalous agite un long panache Et va caracolant sous ses étriers d'or , Quand il fait rayonner sa hache et sa rondache Avec l'agilité d'un vain toréador.

Le second cavalier, ainsi qu'un reliquaire, Est juché gravement sur le dos d'un mulet


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Qui ferait le bonheur d'un gothique antiquaire;

Car sur son râble osseux, anguleux chapelet ,

Avec soin est jetée une housse fanée,

Housse ayant affublé quelque vieil escabeau,

Ou caparaçonné la blanche haquenée

Sur laquelle arriva de Bavière Isabeau.

Il est gros, gras, poussif; son aride monture

Sous lui semble craquer et pencher en aval :

Une vraie antithèse — une caricature

De Carême-prenant promenant Carnaval!

Or, c'est un pénitent , un moine, dans sa robe

Traînante enseveli, voilé d'un capuchon ,

Qui pour se vendre au ciel ici-bas se dérobe,

Béat sur la vertu très à califourchon.

Mais Sabaoth l'inspire, il peste, il jure, il sue;

Il lance à ses rivaux de superbes défis

Qu'il appuie à propos d'une lourde massue :

Il est taché de sang et baise un crucifix.

Pour le tiers cavalier, c'est un homme de pierre, Semblant lefiommandeur, horrible et ténébreux; Un hyperboréen ; un gnome sans paupière, Sans prunelle et sans front , qui résonne le creux Comme un tombeau vidé lorsqu'une arme le frappe. Il porte à sa main gauche une faulx dont l'acier Pleure à grands flots le sang , puis une chausse-trappe En croupe, où se faisande un pendu grimacier, Laid gibier de gibet. Enfin, pour cimeterre , Se balance à son flanc un énorme hameçon Eiiibrochant des filets pleins de larves de terre Et de vers de charogne à piper le poisson.


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Le premier combattant , le plus beau — c'est le monde !

Qui pour m'attraire à lui me couronne de fleurs ,

Et sous mes pas douteux, quand la route est immonde,

Etale son manteau, puis épanche mes pleurs.

Il veut que je le suive — il veut que je me donne

Tout à lui, sans remords, sans arrière-penser ;

Que je plonge en son sein et que je m'abandonne .

A sa vague vermeille — et m'y laisse bercer ;

C'est le momie joyeux, souriante effigie!

Qui devant ma jeunesse entrouvre à deux battants

Le clos de l'avenir, clos tout plein de magie,

Où mes jours glorieux surgissent éclatants.

Ineffable lointain ! beau ciel peuplé d'étoiles!

C'est le monde bruyant, avec ses passions ,

Ses beaux amours voilés, ses laids amours sans voiles,

Ses mille voluptés, ses prostitutions !

C'est le monde et ses bals, ses nuits, ses jeux, ses femmes,

Ses fêtes, ses chevaux, ses banquets somptueux ,

Où le simple est abject, les malheureux, infâmes!

Ou qui jouit le plus est le plus vertueux!

Le monde et ses cités vastes, resplendissantes ,

Ses pays d'Orient , ses bricks aventuriers,

Ses réputations partout retentissantes ,

Ses héros immortels, ses triomphants guerriers ,

Ses poètes, vrais dieux, dont, toutes enivrées,

Les tribus baisent l'œuvre épars sur leurs chemins ;

Ses temples, ses palais, ses royautés dorées,

Ses grincements, ses bruits de pas, de voix, de mains!

C'est le monde! il me dit : — Viens avec moi, jeune homme;

Prends confiance en moi, j'emplirai tes désirs;

Oui, quelque grands qu'ils soient, je t'en paierai lasomme!


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De la gloire, en veux-tu?... J'en donne... Des plaisirs? J'en tue — et j'en tuerai! Ces femmes admirables Dont V aspect seul rend fou, tu les posséderas, Et sur leurs corps lascifs tes passions durables, Comme sur un caillou, tu les aiguiseras!

Le second combattant, celui dont l'attitude

Est grave et l'air bénin, dont la componction

A rembruni la face, or, c'est la solitude,

Le désert ; — c'est le cloître où la dileclion

Du Seigneur tombe à flots, oh la douce rosée

Du calme, du silence, édulcore le fiel,

Où l'âme de lumière est sans cesse arrosée :

Montagne où le chrétien s'abouche avec le ciel!

C'est le cloître ! il me dit : — Monte chez moi, jeune homme,

Prends confiance en moi, quitte un monde menteur

Où tout s'évanouit, ainsi qu'après un somme

Des songes enivrants; va, le seul rédempteur

Des misères cl' en-bas, va, c'est le monastère,

Sa contemplation et son austérité!

Tout n'est qu'infection et vice sur la terre,

La gloire est chose vaine, et la postérité

Une orgueilleuse erreur , une absurde folie!

Voudrais-tu sur ta route élever de ta main

Un monument vivace?... Hélas! le monde oublie,

Et la vie ici-bas n'a pas de lendemain.

Viens goûter avec moi la paix de la retraite;

Laisse l'amour charnel et ses impuretés;

Romps, il est temps encor ; ton âme n'est pas faite

Pour un monde ainsi fait; de tes virginités

Sois fidèle gardien, viens ! et si la prière,


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La méditation ne pouvait Vétancher ,

Alors tu descendras dans la sombre carrière

De la sage science, et tu pourras pencher

Sur ses sacrés creusets ton front pale de veilles,

Magnifier le Christ — et verser le dédain

Sur la philosophie outrageant ses merveilles

Du haut de ses tréteaux croulants de baladin ;

Tu pourras, préférant l'étude bien-aimée

De l'art, lui rendre un culte à l'ombre de ce lieu;

Sur ce dôme et ces murs, fervent Bartholomée ,

Malheureux Lesueur , peindre la Bible et Dieu!...

Le dernier combattant , le cavalier sonore,

Le spectre froid, le gnome aux filets de pêcheur,

Celui que je caresse et qu'en secret j'honore,

Niveleur éternel, implacable faucheur,

C'est la mort, le néant!... D'une voix souterraine

Il m'appelle sans cesse : Enfant, descends chez moi,

Enfant, plonge en mon sein, car la douleur est reine

De la terre maudite, et l'opprobre en est roi!

Viens, redescends chez moi, viens, replonge en la fange,

Chrysalide, éphémère, ombre, velléité!

Viens plus tôt que plus tard; sans oubli, je vendange

Un par un les raisins du cep humanité.

Avant que le pilon pesant de la souffrance

Tait trituré le cœur , souffle sur ton flambeau;

Notre-Dame de Liesse et de la Délivrance,

C'est la mort! Chanaan pi'omis, c'est le tombeau!

Qu attends-tu? que veux-tu?... Ne crois pas au langage

Du cloître suborneur; non plutôt crois au mien;

Tu ne sais pas, enfant, combien le cloître engage!


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Il promet le repos; ce n'est qu'un bohémien

Qui ment , qui vous engeôle et vous met dans sa nasse!

L'homme y demeure en proie à ses obsessions.

Sous le vent du désert il n'est pas de bonace;

Il attise à loisir le feu des passions.

Au cloître, écoute-moi, tu n'es pas plus idoine

Qu'au monde; crains ses airs de repos menso?igcrs ;

Crains les sahjriasis affreux de saint Antoine;

Crains les tentations, les remords, les dangers,

Les assauts de la chair et les chutes de l'âme.

Sous le vent du désert tes désirs flamberont ;

La solitude étreint , torture, brise, enflamme;

Dans des maux inouïs tes sens retomberont !

Il n'est de bonheur vrai, de repos qu'en la fosse :

Sur la terre on est mal ; sous la terre on est bien ;

Là nul plaisir rongeur ; là nulle amitié fausse;

Là point d'ambition, point d'espoir déçu... rien!

Là, non , rien, le néant!.... une absence , une foudre

Morte, une mer sans fond, un vide sans écho!...

Viens, te dis-je!... A ma voix tu crouleras en poudre,

Comme aux sons des buccins les murs de Jéricho!

Ainsi depuis longtemps s'entrechoque et se taille Cet infernal trio — ces trois fiers spadassins : Ils ont pris — les méchants — pour leur champ de bataille, Mon pauvre cœur meurtri sous leurs coups assassiîis, Mon pauvre cœur navré qui s'affaisse et se broie, Douteur, religieux, fou, mondain, mécréant! Quand finira la lutte, et qui m'aura pour proie, Dieu le sait ! — du Désert , du Monde ou du Néant ?


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Pétrus Borel a écrit dans un grand nombre de journaux, à la Revue de Paris, à l'Artiste, au Messager, au Commerce, etc. Il a donne à ce dernier journal, en 1844, des articles de critique dramatique qui ont été fort remarqués.

Un de ses biographes (1) a donné la liste de ses articles à l'Artiste :

1835. — Une nouvelle : Jérôme Chassebœuf.

1844. — Une nouvelle : le Vert galant.

1845. — De la chaussure chez les anciens et les moder- nes (trois articles).

— Diverses poésies.

— Le Général Marceau et Clémence Isaure.

— Philologie humoristique.

— Pierre Bayle.

— Rêveries ethnologiques.

— Des Fantaisies grammaticales.

— Alger et son avenir littéraire.

1847. — Du jugement publicque (sic), pastiche de la langue de Montaigne.

M. Claretiea complété cette liste, dans la Petite Revue, par les indications suivantes :

1834. — Vendrapedon ; dans le Journal des demoi- selles.

— Le maréchal de Gié ; id.

1835. — Promenade en Espagne ; id.

1843. — Daphné; 19, 20, 21 et 22 novembre, le Messager. 1841. — Le capitaine François de Civile; 8 juin 1841, le Commerce.


(i) M. Jules Claretie: Pélrus Borel, le lycanthrope, sa vie, ses écrits, etc. Paris, Pincebourde, 1865, in- 16.


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1811. — Revue dramatique ; avril à juillet 1844, ici.

1845. — Le fou du roi de Suède ; 30 décembre, id.

1846. — Quelques mois chez les Amazoulous ; 8 janvier, Journal des chasseurs.

Pétrus Borel a donne' encore :

A la Revue de Paris, 1843, le Trésor de la caverne d'Ar- cueil.

Aux Cent et un, tome xm, l'Obélisque de Louqsor, pam- phlet , reimprime en brochure , Paris , chez les marchands de nouveautés, imprimerie de Dondey-Dupré , 1836, in-8. Il y a eu des exemplaires sur grand papier.

Aux Français peints par eux-mêmes, deux types : le Cro- quemort; le Gniaffe.

La troisième édition de la facétie intitulée : Comme quoi Napoléon n'a jamais existé (1836), est précédée d'une pré- face signée P. B., qui est de Pétrus Borel.

Je trouve encore de lui une Anne de Bretagne dans le Livre de beauté, recueil de portraits historiques publié chez L. Janet, éditeur rue Saint-Jacques, 1834, in-8, avec préface de Charles Nodier.

On a annoncé comme sous presse , de Pétrus Borel , sur la couverture de la Liberté, journal des arts, Paris, Normand libraire, 1832, Graisse d'ours, un fort volume in-8, vignettes; sur la couverture de Fortunio de Théophile Gautier , Paris , Desessart , 1838, Aimez-vous la cornemuse? deux volumes in-8 , et sur la couverture de Chants et prières , poésies , par Ch. de Maricourt et Eug. Tourneux, Paris, Desessart, 1838, un autre roman , en deux volumes , la Belle Cordière.

Pétrus Borel a été le fondateur et le directeur de divers journaux : la Liberté, journal des arts; la Revue pitto- resque ; l'Ane d'or; le Satan.


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Son portrait en pied par Louis Boulanger figurait au Salon de 1839. L'auteur de Chantpaverl est représenté debout et la main droite appuyée sur la tête d'un chien assis à ses pieds. Ce portrait a été gravé à l'eau-forte, pour l'Artiste, par M. Célestin Nanteuil.

Charles Baudelaire qui avait personnellement connu Pétrus Borel, a publié sur lui un article intéressant dans la Revue fantaisiste du 15 juillet 1861 , réimprimé au tome III de ses œuvres complètes, V Art romantique, Paris, Michel Lévy, 1868, in-18.


ERNEST FOUINET


1832. — La Strega, roman , par Ernest Fouinet, un des collaborateurs du livre des Cent et un. Paris, Silvestre, 2 volumes in-8.

Deux vignettes sur bois, de Jean Gigoux; tome premier: la Strega apparaissant au fond de la cheminée de la grande salle du château pendant le bal de noces; lustres au plafond, pano- plies et massacres aux murailles ; costumes du XV e siècle ; la cheminée est armoriée et sculptée; à droite un escabeau; gravé par Andrew, B. et L.; tome second : mort de Paula (ch. XXXIV); femmes agenouillées au pied du lit; -à gauche un prêtre pré- cédé par la croix apporte le viatique ; la Strega entre par la droite , pieds nus et appuyée sur un bâton ; costumes du XVIII e siècle ; gravé par Cherrier.


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Ernest Fouinet est un de ces écrivains dont la fécondité étonne , quand sous leurs noms presque oubliés on veut mettre l'adresse de leur esprit. Avec des dons très-réels et très-variés, une instruction solide, une imagination vraiment poétique, Fouinet s'est perdu dans la multitude d'œuvres et surtout de talents qui ont pullulé autour de lui. On peut dire de lui comme de Fontaney, d'Arvers et de quelques autres, qu'ils peuvent servir à mesurer la force de l'époque où ils ont vécu; une génération littéraire qui laisse au second rang des talents aussi complets , prouve par là même sa puissance et sa fécondité.

Ernest Fouinet a eu ses brevets de poète signés par Victor Hugo dans les notes des Orientales, et par Sainte-Beuve dans les Consolations , où une des pièces les plus remar- quables lui est dédiée. Sa réputation littéraire date du livre des Cent et un, auquel il fournit trois articles. Son premier roman, la Strega, publié en 1832, porte au-dessous de la signature ces mots : l'un des collaborateurs des Cent et un. Deux ans auparavant , il s'était signalé comme orienta- liste en contribuant à un recueil de poésies arabes , sanscrites , malaises, etc., etc., publié dans la Bibliothèque choisie de Laurentie (1). La Caravane des morts (1836), récit très-dra-


(1) Bibliothèque choisie, par une société de gens de lettres sous la direction de M. Laurentie, 1829-1830. — V e section. Choix de poésies orientales traduites en vers et en prose par MM. Ernest Fouinet, Gar- cin de Tassy, Grangeret de La Grange, Humbert, Klaproth, Langlès , G. Pauthier, Reinaud et Sylvestre de Sacy, recueillies par M. Fran- cisque Michel.

Les morceaux fournis par Ernest Fouinet sont : la Mort de Keni- Tambouhan, poème malais; un pant&m (sic); Chant de mort de Taabbatta-Charrdn , tiré du Hamasa; une moallakat de Libid.

Ces traductions, toutes en vers, sont signées E. Fouinet, membre de la Société asiatique de Paris.


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matique, emprunté aux légendes smyrniotes, se rattache aux mêmes études. Vers le même temps parurent Un village sous 1rs sables, Roch le corsaire , et un peu plus tard, Gerson ou le livre des enluminures, auquel l'Académie décerna une mention. Divers recueils et keepsakes du temps, entre autres les Annales romantiques (années 1826, 1830, 32, 3i), Paris- Londres, etc., ont inséré des vers et de la prose d'Ernest Fouinet. En 1839, il obtint l'accessit au concours de l'Aca- démie française, dont le sujet était l'Inauguration du musée de Versailles. Comme on le voit , la poésie ne forme pas la partie la plus considérable du bagage littéraire d'Ernest Fouinet. Néanmoins , comme chez tous les écrivains de la même géné- ration, qui tous ont débuté par la poésie, on peut dire que c'est la faculté poétique qui domine en lui. Ses romans, un surtout, non pas le meilleur peut-être , mais celui où l'auteur a pris le plus librement ses allures et où il s'est épanché davantage , la Strega, ont tous ce même caractère spontané et jaculatoire qui trahit l'homme habitué à obéir à l'inspiration. Grand sujet de méditation pour la critique actuelle ! C'est surtout par la com- paraison des romans de ce temps-là avec ceux d'aujourd'hui qu'on apprend à faire la différence d'œuvres méditées à loisir , entreprises et menées par l'amour du bien-faire et par le soin de se satisfaire soi-même , avec des écrits exécutés hâtivement , dans le seul souci de plaire au public et de remplir exactement le programme d'un directeur ou d'un rédacteur en chef. D'un côté les complaisances , les compromis , une uniformité déplo- rable dans les données et dans les moyens , uniformité com-

G'est dans la première que se trouvent ces deux vers qui causèrent quelque stupeur à l'une des soirées de l'Arsenal :

A Wira Dendani Radin dit : Oh! demeure!

Mon père, où donc est-il l'oiseau de tout à l'heure?


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mandée par la mode on exigée par la « demande » ; de l'autre, une originalité plus ou moins attrayante, plus ou moins de bon aloi , mais enfin de la variété , de l'imprévu , quelque chose de personnel et de libre qui fait songer davantage à l'homme et moins au tâcheron assis devant sa table : partant plus de chances d'être amusé et surpris. Ainsi dans le roman dont je parle , à travers une fable attachante où l'esprit du lecteur est comme balancé perpétuellement entre le fantastique et le réel , le poète prend par instants la place du romancier : il décrit , il rêve , il évoque ; ses souvenirs de voyage l'assaillent et il s'y arrête ; l'émotion le gagne et il se livre à elle. Voici les paysages de la Sicile , les soleils couchants , les nuits étoilées sur le lac de Côme. Si l'héroïne , au sortir du couvent, se trouble dans l'ap- préhension du maître inconnu , l'âme du poète aussitôt vibre à l'unisson de sa créature , et nous chante en prose rhythmée les Plaintes de la jeune fille; si l'époux outragé, domptant sa fureur, se résout à couver dans le silence une vengeance sûre , l'effet de ce silence effrayant s'empare des nerfs et du cerveau du narrateur , et voilà deux pages de strophes sur le silence et sur sa puissance mystérieuse :

« Rien n'est sublime, imposant, effroyable comme le silence; c'est le silence qui produit les terreurs de la nuit ou l'involon- taire effroi qu'on éprouve dans un cimetière.

» Tout orage est précédé de silence ; le ciel et la terre sont muets avant l'ouragan.

» L'on adore Dieu en silence, en silence on l'implore; c'est la solitude et le calme de son temple qui en font la majesté redoutable.

» Si le silence du ciel nocturne , si le silence des morts nous épouvante, que sera-ce donc que le silence des vivants?


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» Le silence des vivants endormis nous communique la sensa- tion de calme qu'ils éprouvent; ils ne font que rêver; mais le silence des vivants dont l'œil reste ouvert donne un sentiment de terreur pareil à celui qu'inspire le mystère de l'avenir et de la vie future.

» Quelles pensées minent et rongent ces hommes qui restent muets de longues heures au milieu du bruit ? Ce sont des pen- sées solennelles, qu'elles soient divines ou infernales.

» On révère l'homme taciturne parce qu'il inquiète : c'est par le silence que les prêtres de l'antiquité se préparaient aux divins sacrifices ou aux rites mystiques ; c'est par le silence que les chevaliers se préparaient aux grandes choses de la che- valerie; c'est dans le silence que le magicien s'initiait aux hautes sciences et aux ténéhreuses opérations.

» Par le silence on se rend redoutahle, parce qu'on s'isole des hommes. Mais pour le silence ou la solitude, il faut de la force — et Toraldi n'en avait pas, etc. »

Ces digressions lyriques, dont on a fait plus tard une ma- nière, un procédé, me charment chez ceux qui les ont inventées. Je trouve à ces libres façons quelque chose qui sent davantage la méditation et le caprice d'un esprit solitaire et indépendant, et moins la régularité d'un fonctionnaire discipliné. Evidem- ment le garçon d'imprimerie n'attendait pas dans l'antichambre les feuillets de cette copie écrite à loisir, et la fatale et suite à demain » ne planait pas comme un vampire au-dessus de la tête de l'auteur. J'ai dit que la Streya n'était peut-être pas le meilleur roman d'Ernest Fouinet; le Village sous les sables serait sans doute mieux, au gré des esprits méthodiques, dans les conditions normales du genre : mouvement, pathétique, etc. Tout ce que je puis dire, en me résumant, de ces ouvrages en


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prose d'Ernest Fouinet, c'est que ceux qui les liraient aujour- d'hui y trouveraient plus de plaisir, du plaisir qu'on peut se promettre d'une lecture romanesque, que dans la plupart des écrits du même genre qui se publient actuellement.

L'auteur de la Strega avait en vers la grande manière de son temps. Il avait fréquenté à la Place-Royale, et une pièce de lui a été copiée sur les marges du fameux exemplaire de Ron- sard , donné par Sainte-Beuve à Victor Hugo , et dont les amis du grand poète avaient fait un album.

Ernest Fouinet avait été sous-chef au ministère des finances; il s'en est souvenu dans un de ses articles du livre des Cent et un, intitulé : le Jour du payement des rentes au Trésor. Les deux autres ont pour titres : Une course en omnibus; Une maison de la Cité.

Je retrouve encore de lui le Pâtre andéol , dans Paris- Londres. 1842.


FELIX ARVERS


1833. — Mes heures perdues, par Félix Arvers. Paris, Fournier; imprimerie de Crapelet, in-8.

Vignette sur chine : un papillon sur une branche, dans une feuillée.

Rarissime.

Un sonnet a sauve le nom de Félix Arvers , que ses comé- dies et ses vaudevilles auraient peut-être laisse périr. Ses poé- sies , publiées en plein romantisme (1833), contenaient plus de promesses que de chefs-d'œuvre; mais c'était beaucoup dans un temps affamé de poésie, où l'on tenait compte aux poètes de leurs moindres bonnes intentions. Les deux pièces principales étaient un drame, /« Mort de François I er , et une comédie, Plus de peur que de mal. Le drame était patlié-

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tique, la comédie était spirituelle et gaie; mais surtout on retrouvait , dans l'un comme dans l'autre , les vives préoccu- pations du moment, la recherche de la tournure et du style, la passion de la vie empruntée aux sources historiques de l'art étudié d'après les vieux modèles. Plus de peur que de niai est un pastiche un peu léger , mais assez amusant , des vieilles comédies romanesques d'avant Molière et de ses premières comédies d'intrigue et d'amour, le Sicilien ou l'amour pein- tre, Sganarelle et l'Etourdi. Le drame raconte au vif et sans périphrases la vengeance de l'avocat Féron. En tête du second acte dont la scène est « un mauvais lieu de la rue Froid- Mantel » , l'auteur a placé un avis en vers aux mères de famille, oncles et tuteurs , pour les prévenir charitablement que cet acte fourmille de passages scabreux et de vers immoraux :

Si des livres nouveaux le ton vous scandalise,

Quelle nécessité qu'une vierge les lise ?

Est-ce qu'une œuvre d'art a la prétention

D'être un cours de morale et d'éducation ?

Non que f approuve au moins ce barbouillage obscène

Qui déborde aujourd'hui la peinture et la scène!

L'art n'est pas éhonté, mais croyez qu'en effet

Votre étroite pudeur n'est pas du tout son fait.

L'art n'est pas fait pour vous, mesdames les comtesses,

Il s'accommode mal de vos délicatesses ;

Pour vous, prudes beautés, bégueules de salon,

Qui n'osez regarder en face l'Apollon,

Qui jetez un manteau sur les lignes hardies

De la Vénus antique....

On reconnaît le ton et les prétentions (la date d'ailleurs est la même) des premières strophes d'Albert us et du premier


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chant de Namouna. Ce drame d'Arvers est d'un bon style; les vers en sont solides et vigoureux. Nous en citerons un court échantillon , autorises par l'extrême rareté du volume.

Féron s'adresse à François I er qu'il vient de surprendre aux genoux de sa femme :

C'est un étrange abus de ce que la naissance

A mis en votre main de droits et de puissance!

Que vous avais-je fait? et quelle trahison

A cette préférence a marqué ma maison?

Ai-je forfait aux lois? suis-je un sujet rebelle

Ou tardif à payer la taille et la gabelle ?

Ou bien suis-je entaché d'hérésie, et dit-on

Que ma voix ait prêché Luther et Mélanchthon ?

Tétais calme et joyeux; le travail et l'étude

Suffisaient au bonheur de cette solitude.

J'étais heureux , f avais une femme, et jamais

Vous ne pourrez savoir à quel point je l'aimais!

Elle m'aimait aussi , j'en suis sûr , et ma vie

Aux puissants de la terre aurait pu faire envie :

Quel infernal génie a donc guidé vos pas

Chez un pauvre bourgeois qui ne vous cherchait pas ?

N'est-ce point assez pour vous, lui dit -il, des faveurs empressées des dames de la cour?

La honte est un métier pour elles; leurs maris Viennent là, sachant tout, en recevoir le prix. Alors on les fait ducs et leurs femmes duchesses; Pour eux sont les faveurs, pour eux sont les richesses; On leur donne en retour l'ordre de la Toison, Ou le droit de porter des lis dans leur blason.


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Mais à nous qui tenons ces honneurs pour infâmes, Qui n'avons au logis que l'amour de nos femmes , Simples et pauvres gens, pourquoi nous le voler, A nous qui n'avons rien pour ?wus en consoler ?

Il y avait bien là certes de la bonne éloquence dramatique , et l'on peut se demander comment après cela Félix Arvers put aller faire naufrage dans le vaudeville. C'est qu'en ce temps là le théâtre était moins accessible qu'il ne l'a été depuis aux auteurs nouveaux. On avait encore peur alors, surtout au Théâtre-Français, du spectre rouge romantique. Pour s'y faire accepter, il fallait prendre la courbe, et se présenter avec un brevet de capacité signé de deux ou trois des tenanciers ordinaires du répertoire. C'était la règle , et Arvers s'y con- forma. Mais lorsqu'il revint au bout de cinq ou six ans avec son certificat signé Scribe, Bayard et Paul Foucher, toute une révolution s'était faite dans le goût public. Le « bourgeois » longtemps roulé par le « rapin » l'avait roulé à son tour. Ce n'était plus, au théâtre comme dans le roman, qu'homélies à la gloire des vertus médiocres et domestiques. Les chantres les plus intrépides de la lagune et du Corso avaient fait chacun leur Petite bourse bleue, leur petite nouvelle bourgeoise et modeste. Et voilà pourquoi Arvers, le chantre de la ^jelle Féronnière, l'imitateur de Bocace et de Byron (car il y a de tout dans ses essais) fit son entrée au Théâtre-Français avec une comédie où û faisait parler en vers des avocats et des colonels.

Les autres pièces du volume d' Arvers sont , comme je viens de le dire , des imitations , point trop indignes cependant ni trop éloignées de ce qu'il prétendait imiter. La préface, d'un ton très-personnel et d'un sentiment très-fin, mériterait d'être citée,


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si nous pouvions multiplier les citations. Mais parmi ces imi- tations et ces réminiscences, odes , contes, etc., se trouvait un sonnet exquis de forme et d'une invention délicate , un sonnet ! ces quatorze vers ont suffi pour sauver la réputation poétique d'Arvers , malgré ses vaudevilles et sa piètre comédie de « l'école du bon sens ». Les meilleurs juges l'ont retenu : Sainte-Beuve tout des premiers nous l'avait recommandé , et M. Jules Janin , au tome troisième de son Histoire de la lit- térature dramatique, l'a cité avec ce commentaire qui est la vraie oraison funèbre d'Arvers :

« .... On lisait pour lire, on lisait pour oublier; on lisait les petits écrivains parce que les grands étaient en marche : le nombre est considérable des lecteurs que Balzac a donnés à ses confrères. — Tel jeune homme, à lire les Odes et ballades, se trouvait poète et s'écriait : Et moi aussi!.... Nos souve- nirs ont conservé des pièces charmantes écrites sous la vive et première impression de Joseph Delorme. Ecoutez par exemple ce sonnet, et dites-moi s'il n'est pas dommage que ces choses-là se perdent et disparaissent comme des articles de journal :

Ma vie a son secret, mon âme a son mystère , Un amour éternel en un moment conçu : Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire, Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.

Hélas! j'aurai passé près d'elle inaperçu, Toujours à ses côtés et pourtant solitaire, Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre, N'osant rien demander, et n'ayant rien reçu.


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Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre. Elle suit son chemin, discrète, et sans entendre Ce murmure d'amour élevé sur ses pas.

A l'austère devoir pieusement fidèle ,

Elle dira, lisant ces vers tout remplis d'elle :

Quelle est donc cette femme?... et ne comprendra pas.

» La langue est belle, la passion est vraie; il faut y croire. L'auteur est mort au moment où il allait prendre sa place au soleil... »

Toute la vie , toute la gloire de Félix Arvers tiennent dans ces quelques lignes. Il restera comme une preuve de plus de la fécondité de ce temps où les grands talents faisaient si vigou- reusement germer les petits. En voyant ce que cette époque a laissé perdre , en relevant le trop plein de son catalogue , on jugera quelle était sa force et quelle était sa grandeur.

M. Abel d'Avrecour a donné dans sa Revue rétrospective , numéro du 15 décembre 1869, une note biographique et anec- dotique sur Arvers, suivie d'une poésie inédite, la Ressem- blance.


CALIBAN et LES ÉTOILES


1833. — Caliban, par deux ermites de Ménil- montant, rentrés dans le monde. Paris, Denain, libraire, rue Vivienne, 2 volumes in-8.

31 fr. demi-reliure maroquin rouge, Amand.

Deux vignettes à l'eau-forte, par Alfred Albert : 1. Caliban, d'après Rruiksbank ; 2. sujet de la seconde nouvelle du tome II : le Monde et la vertu. — Imitation de la manière de Célestin Nanteuil.

Les deux ermites sont : l'un, Edouard Pouyat, ancien maître d'études, plus tard saint -simonien et rédacteur du Globe, et qui, après la dispersion de la colonie de 3Ienil- montant, se fit homme de lettres. Il fut, en 1834, l'éditeur du magazine intitule les Etoiles. L'autre , Richard Lislener ,


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nomme sur les annonces de la couverture , serait , suivant la Lorgnette littéraire de M. Charles Monselet, Charles Mé- trier , auteur dramatique , rédacteur de la Gazette des théâtres.

Annonces de la couverture :

Laquelle des deux? par E. Pouyat, 1 volume in-8.

Après boire, par A. Chevalier et E. Pouyat, 2 volumes.

Contes dramatiques, par Richard Listener, un des auteurs de Caliban.

1834. — Les Étoiles, nouveau magazine, publié par Edouard Pouyat. Paris, Alex. Johanneau, édi- teur, in-8.

Eau-forte frontispice de A. Provost : figures d'hommes et de femmes nus , groupés en ovale , dont les mouvements sem- blent provoqués par l'appel d'une double trompette que sonne en planant une figure ailée; quelques amours se jouent au milieu de fleurs en buisson; en bas, une femme nue, debout, appuyée sur une grande lyre, entre deux masques comiques, va lancer une couronne.

Sommaire :

Prologue. •

Le Cadavre, vers par Lassailly;

Sagha Vamça , par Xavier Raymond ;

Rocambo, par Tristan ;

Histoire du Vaudeville, par Edouard Pouyat;

Entre deux siècles, par Hippolyte Fortoul;

Critique contemporaine : Victor Hugo, par B. Tilleul;

Le Clergé anglais, par Milady Sophie Cavadia;

M. Prosper Bias, par E. Pouyat;


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Si j'étais femme, vers, par Jules Mercier;

Hélène, par B. Tilleul.

Appendice.

La réunion est curieuse : Charles Lassailly est l'auteur des Roueries de TriaJph (1), folie des plus folles; M. Xavier Raymond est rédacteur du Journal des débats , et Hippolyte Fortoul a été ministre de l'instruction publique. Ce recueil se rattache comme tendance au romantisme bousingot de Pétrus Borel , plus la tendance utilitaire et le langage prophétique du Saint-Simonisme. L'étude sur Victor Hugo reproche déjà à l'auteur des Orientales « de sacrifier l'idée à la forme. » Le prologue de l'éditeur est écrit dans le style mystique et imagé des brochures de Charles Duveyrier.

Le « magazine » d'Edouard Pouvat devait être une revue périodique. L'appendice annonce parmi les articles qui devaient composer la seconde livraison , un fragment sur la philosophie de la Médecine homœopathique, par le docteur Léon Simon; une Histoire de l'invasion et des progrès du tabac à fumer, par B. Tilleul; un proverbe de MM. Coignard frères :

(l) Les Roueries de Trialph, notre contemporain avant son suicide, par Charles Lassailly. Paris, Sylvestre, 1833, in-8.

Je me crois dispensé de revenir sur ce livre, dont on s'est beau- coup occupé à cause du titre, et qui n'est, en fin de compte, qu'une débauche d'esprit d'un feuilletonniste de l'école du bon sens exaspéré. — Il est parlé de Lassailly dans les Mémoires d'Alexandre Dumas , dans l'Histoire de lu littérature dramatique de Jules Janin, et dans le Balzac en pantoufles de Léon Gozlan.

Les Roueries de Trialph, devenues rares après avoir traîné en nom- bre sur les quais pendant vingt ans, sont 'aujourd'hui recherchées à haut prix par ceux qui n'ont pas eu l'esprit de les ramasser dans la case à cinq sous.

J'ai joint à mon exemplaire le j>oème sur la Mort du fils de Bona- parte (1832, une feuille in-8), absolument ridicule. La couverture annonce deux romans philosophiques de l'auteur : Robespierre et Jésus-Christ. Ils n'ont point paru, et c'est bien dommage!


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( On ne s'attendait guère A voir Coignard en cette affaire).

un Traité de l'amabilité; etc., etc.— Cette seconde livraison n'a jamais paru. Edouard Pouyat est mort avant 1848, rêvant un privilège de théâtre aux Champs-Elysées.

Ce filon saint-simonien n'était pas inutile à marquer dans une carte du romantisme. D'ailleurs, le talent ni l'esprit n'ont point manqué à Edouard Pouyat et à ses amis. Ses contes, ceux de Richard Listener, ne sont inférieurs ni par le style ni par l'intérêt à beaucoup d'autres fort vantés depuis. Pouyat était écrivain; ses récits de la vie des jeunes littérateurs pauvres d'il y a quarante ans ont une saveur de poésie que trente années de réalisme font goûter avec plaisir.

Le tome XI des Cent et un contient un vif et amusant article d'Edouard Pouyat : les Dëjeuneurs de Paris.


LOUIS BERTRAND


1842. — Gaspard de la nuit, fantaisies à la ma- nière de Rembrandt et de Callot, par Louis Bertrand ; précédé d'une notice par M. Sainte-Beuve. Angers, imprimerie-librairie de Victor Pavie , rue Saint- Laud ; Paris, chez Labitte, quai Voltaire, grand in-8.

32 fr., papier fin, demi-rel. maroquin vert, Sainte-Beuve; 80 fr. maroquin brun, Amand.

Dans l'article place' en tête de ce volume , Sainte-Beuve a payé à Louis Bertrand la dette des contemporains. Il a marque son rôle dans l'assaut auquel il a pris part, et signalé le pennon qu'il y porta. Pour nous, postérité d'un quart de siècle, qui sommes dans notre droit en ayant plus d'égard aux résultats


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qu'aux efforts, quelle place donnerons - nous à l'auteur de Gaspard de la nuit ?

Sans réclamer pour lui le premier rang qu'il convient sans doute de réserver à des talents plus amples et plus robustes , je ne ^crains pas de dire que parmi les écrivains du second, en ce temps là , il est peut-être celui dont le nom est le plus assuré de vivre , par cette seule raison qu'il s'est plus exclusi- vement qu'aucun autre attaché à l'art. Il s'est placé lui-même dans la famille des écrivains-artistes, « des architectes de mots et de phrases », comme a dit l'un d'eux (1), des Rémi Belleau, des La Fontaine , des La Bruyère , des Paul-Louis Courier. Son rôle dans la littérature du dix-neuvième siècle a été de démontrer la puissance du mot et de ses combinaisons ; de faire voir tout ce que cette langue française que , sur la foi du dix- huitième siècle, on s'obstine à considérer comme la langue abstraite du raisonnement et de la discussion philosophique , peut acquérir entre des mains habiles de relief, de couleur, de nombre et de sonorité. Il semble qu'il ait vanné tous les voca- bles de la langue pour ne garder que les mots pittoresques , sonores et chromatiques. Sa phrase courte est néanmoins très- pleine, parce qu'il en exclut avec rigueur tout terme sourd, terne ou abstrait. Il y combine tous les moyens d'expression et de relief, le son et la figure , l'onomatopée et l'orthographe. Et c'est ainsi que dans ses brièves peintures , il arrive à des intensités d'effet prodigieuses auxquelles d'autres n'attein- draient que par de longs développements , des répétitions , des surcharges, etc. Des esprits absolus pourraient trouver dans cet art si fini, si contenu, quelque chose de la minutie flamande, mais Louis Bertrand ne prétendait pas se restreindre toujours

(1) Joubert.


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à ces compositions menues. Il songeait au théâtre : il lut même au directeur d'un des théâtres de Paris un drame qui lui fut rendu avec le regret de ne pouvoir l'adajiter aux exigences de la scène. Ce qu'il serait curieux de rechercher , ce sont les articles qu'il puhlia vers 1828 dans les journaux de sa pro- vince, notamment dans le Provincial , de Dijon, dirigé alors par M. T. Foisset ; le Patriote de la Côte d'Or devrait être aussi feuilleté. Peut-être une page improvisée, animée du souffle de la polémique , quelques morceaux développés , nous révéle- raient-ils un Louis Bertrand nouveau à côté de 1' « Aloysius » , du patient émailleur des « sylves » et des « chroniques (1). » D'ailleurs , même à défaut de ces renseignements , la préface romanesque de Gaspard de la nuit , petite nouvelle de vingt pages , et le heau fragment intercalé dans la notice de Sainte- Beuve (récit d'une nuit passée dans une auberge bourgui- gnonne ) , prouveraient suffisamment que Bertrand savait s'é- tendre et que la brièveté de ses ballades était la mesure voulue de l'œuvre et non la mesure du talent de l'auteur.

Quoiqu'il en soit de nos conjectures et de nos regrets, ce seul volume suffira à faire vivre le nom de Louis Bertrand. L'importance du travail sous le rapport de la linguistique , les qualités de précision, de sincérité, de patience qu'y a dépensées l'auteur, donnent à ce livre une valeur vraiment classique.

(t) Nous avons essayé nous-même, depuis lors, de réaliser ce vœu, en publiant à la suite d'une nouvelle édition de Gaspard de la nuit un certain nombre d'articles, d'essais, de lettres, etc., glanés dans les colonnes du Provincial et du Patriote : Gaspard de la nuit, fan- taisies à la manière de Rembrandt et de Callot, par Louis Bertrand; nouvelle édition, augmentée de pièces. en prose et en vers, tirées des journaux et recueils littéraires du temps, et précédée d'une intro- duction. Paris, René Pincebourde, 1869, in-8, frontispice eau-forte de M. Félicien Rops. M. Poulet - Malassis a donné ses soins à cette édition imprimée à Bruxelles.


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C'est un des classiques du romantisme, et l'art qui comme toute divinité' récompense au centuple le moindre effort fait en son nom , lui doit un siècle d'immortalité.

La typographie même la plus recherchée est à peine au niveau de cette prose si savante ; il eût fallu l'art délicat d'un scribe du moyen - âge. Cependant ce volume imprimé par M. Victor Pavie avec le soin d'un ami et dans le loisir de la vie de province, est un monument typographique assez remar- quable. Les blancs n'y sont pas ménagés et les caractères sont assez variés pour produire un effet pittoresque en rapport avec le génie de l'écrivain. Les exemplaires peu nombreux sont devenus rares.

Nous n'avons pas cru devoir rapporter ici les faits biogra- phiques consignés dans la notice de Sainte-Beuve, laquelle se retrouve d'ailleurs réimprimée au tome II des Portraits lit- téraires. Nous donnerons seulement , à titre de pièce rare et curieuse , la lettre de David d'Angers où sont racontés les derniers moments de l'auteur de Gaspard de la nuit. Cette lettre a été publiée dans la Revue du Maine' et de l'Anjou, tome I, pages 41 et suivantes, en 1857, un an après la mort du célèbre sculpteur. On verra dans l'en-tète signé \ .P. (Victor Pavie), quels scrupules ont fait longtemps différer la publi- cation de cette lettre et quels motifs l'ont enfin déterminée.

LETTRE DE DAVID D'ANGERS A SAINTE-BEUVE SUR LA MORT DE LOUIS BERTRAND

Pendant l'hiver de 1829, un jeune homme apparut, sous les auspices du peintre Boulanger, à ce foyer de l'Arsenal dont la famille Nodier faisait si hospitalièrement les honneurs. Ses allures gauches, sa mise incorrecte et naïve, son défaut d'équi-


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libre et d'aplomb , trahissaient l'échappé de province. On devinait le poète au feu mal contenu de ses regards errants et timides. Son nom était Louis ou plutôt Aloysius Bertrand, selon les habitudes de renaissance gothique d'alors. Sans aller jusqu'à dire qu'il était Lorrain par son père, Italien par sa mère , Piémontais par son berceau , il suffisait de l'entendre pour affirmer à tout le moins que la Bourgogne était sa patrie adoptive. Quant à l'expression de sa physionomie où je ne sais quel dilettantisme exalté se combinait avec une taciturnité un peu sauvage , il n'était que trop facile d'y reconnaître une de ces victimes de l'idéal et du caprice, qui chassées du terroir par les incompatibilités de race , s'en vont chercher fortune ou misère à Paris.

On lisait ce soir-là. Quand arriva son tour, il tira de sa poche et lut, moins qu'il ne récita, une manière de ballade dans le goût pittoresque de l'école , ciselée comme une coupe , colo- riée comme un vitrail, dont les rimes tintaient comme les notes d'un carillon de Bruges. Ceux qui survivent n'ont pas oublié, après trente ans, l'effet que produisit sous les chevrottements de sa voix grêle le retour périodique de ces deux vers :

L'on entendait le soir sonner les cloches Du gothique couvent de Saint-Pierre de Loches.

Sa leçon débitée , il se dissimula tout honteux dans l'embra- sure d'une fenêtre où Sainte-Beuve le recueillit et le déter- mina.

Nodier ne le revit plus; Boulanger pas davantage. Des mois se passent. Un matin d'été, on frappe à la porte de Sainte-Beuve ; entre Bertrand avec sept cahiers sous le bras. C'est ainsi que la Sibylle dut se présenter chez Tarquin.


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L'aspect du manuscrit qu'il déposa sur la table ne démentait en rien cette impression : il était rehaussé de rubriques rouges et bleues, illustré de lettrines avec des figures cabalistiques sur les marges , et portait pour titre : Gaspard de la nuit, fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot; ce n'était plus des vers, mais de petites pièces en prose, divisées en sept livres , avec des alinéas par strophes , où le rhythme de la période et l'harmonieux enchevêtrement des mots suppléaient par delà au mètre et à la rime. A peine le critique absorbé quelques minutes dans ce monde de prestiges , d'évocations et de chimères , en eut-il aspiré les premières vapeurs, qu'enivré et ravi, il releva la tête... Mais l'auteur avait disparu.

A quelques jours de là, nous montions, David et nous, l'escalier de Sainte-Beuve. Les feuillets de Gaspard étaient disséminés sur la table et sur la cheminée. Ecoutez bien , dit-il. Il nous lut le Maçon, Harlem, la Viole de Gamba, Padre Pugnaccio, V Alchimiste. Nous sortîmes de chez lui avec des bluettes sur les yeux.

De ce moment, Louis Bertrand, ou plutôt le Maçon, car c'est du nom de cette pièce la plus caractéristique de toutes, qu'il se plaisait à l'appeler, fut pour David l'objet d'une recherche assidue. Il voulait le connaître, et ce qu'il soup- çonnait de la situation précaire de l'inapplicable songeur , n'était pas de nature à refroidir ses sollicitudes. Et le Maçon? demandait-il à Boulanger, à Nodier, à Sainte-Beuve, — ces patrons désertés tour à tour, moins par ingratitude, hélas! que par pudeur, — qu'en faites-vous? où est-il? à quand la publication de son livre]?

Enfin il le trouva. La lettre à Sainte-Beuve nous apprend l'étrange et imprévue rencontre chez Renduel devenu le pro-


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priétaire, à maigres deniers, du volume. Renduel rêvait alors (et qui ne m r ait en ce temps là!) d'une édition de luxe avec vignettes, culs-de-lampe, arabesques, etc. Il est vrai que pour un libraire, rêver, c'est dormir. Le temps marchait; Juillet avait se'vi ; l'idéal pâlissait devant les splendeurs de la Bourse ; l'éditeur rêvait toujours. Bref, douze années se passèrent, de luttes, de mécomptes, de voyages à Dijon, de retours à Paris, d'éblouissements, réels ceux-là, la faim les causait, jusqu'à la crise suprême dont la lettre à Sainte-Beuve résume si pathéti- quement les phases.

Une lugubre coïncidence nous fit arriver à Paris le jour même de l'enterrement de Bertrand. Nous entrions chez David, sous le coup du violent orage qui mêla ses terreurs aux déso- lations de la mort. Il rentra peu après de son côté, le corps brisé, l'âme meurtrie, et nous raconta ses impressions d'une façon plus poignante encore que la lettre.

« Eh bien donc, que la mort toute cruelle qu'elle soit, lui soit meilleure que la vie. Tirons Gaspard de cette fosse où ils ont descendu Bertrand! » — Nous convînmes d'exaucer le vœu du pauvre Aloysius , en imprimant son œuvre sur sa tombe.

On retrouva le manuscrit sous une couche de romans, de poèmes et de drames accumulés dans la période de 1839 à 1841 ; David le racheta. Nous l'éditâmes sans vignettes, sans culs-de-lampe, sans luxe aucun, mais sans délai. Une notice de Sainte-Beuve remplaça la fantasmagorie de Renduel. Inutile d'ajouter que l'œuvre de Bertrand n'a rien perdu de son mystère en passant par la presse. Il s'en plaça au moins, tant donnés que vendus, vingt exemplaires. C'est un des beaux échecs dont les annales de la librairie fassent mention, échec prévu : ce Gaspard de la nuit n'était pas né pour la lumière.


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N'importe ! avec un tel artiste pour patron, et peur caution un tel critique, il pouvait se passer de lecteurs comme d'ache- teurs. Que ce soit sa consolation comme la nôtre.

C'est à l'occasion de la notice de Sainte-Beuve que la lettre de David fut écrite. La rupture du silence instamment recom- mandé par lui, s'explique moins encore par l'effet des circons- tances actuelles que par une autorisation expresse à cet égard. La bonne action de David — gère perennius — ne pouvait se trahir plus à point qu'à l'heure même de la publication de son œuvre.

V. P.

a La veille de la mort de Bertrand (1), j'ai passé plusieurs heures près de son lit ; ses yeux, quoique brillant encore, ne distinguaient plus les objets qu'avec difficulté ; il cherchait à rassembler ses idées qu'il exprimait par des phrases fiévreuses et inachevées . Votre nom , mon cher Sainte-Beuve , était souvent prononcé par lui; il disait : « Puisque vous tenez tous à ce que mon Gaspard de la nuit soit imprimé, tâchez de le retirer des mains de Renduel ; mais, hélas! j'ai bien des choses à y retoucher... je ferai cela quand je pourrai me lever ; ce qui ne sera pas long, je l'espère. Dans tous les cas, quelques mots de Sainte-Beuve en tète de mon ouvrage auront sur son succès une grande influence. » Il voulait dire d'autres choses, mais de pénibles idées semblaient retenir ses paroles sur ses lèvres mourantes ; ensuite il me disait : a Parlez-moi, car je ne vous vois plus. »

» Vers neuf heures, le lendemain matin , je me présentai à l'hospice Necker : « Il est inutile d'aller plus loin, monsieur,

(I) Il mourut dans les premiers jours de mai 1841.


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me dit le portier, le n° 6 vient de mourir. » Déjà son corps avait été' transporté dans l'ensevelissoir. Je demandai au garçon de salle de m'y conduire ; il souleva la toile grossière qui recouvrait le corps décharné du poète ; ses yeux, naguère étincelants de génie, où se reflétaient avec tant de puissance les vagues effets du ciel et les fantastiques créations du monde, étaient caves et ternes ; l'intelligence qui revêtait tous les objets d'une forme si neuve, si originale, qui eût interprété encore poétiquement la nature, si le malheur n'eût submergé cette pauvre barque errante et disjointe dont la seule ancre était une pauvre vieille mère , maintenant repliée sur son désespoir et égarée sur cette terre, ne les animait plus.

» Quelques heures à peine se sont écoulées depuis que l'âme a quitté, pour un meilleur séjour, sa frêle enveloppe, et ses poings restaient encore contractés , sa tête était levée vers le ciel, sa bouche ouverte, comme si son dernier soupir eût été un blasphème contre le sort, une énergique protestation contre le malheur.

» Je détachai une petite médaille en cuivre qu'une sœur de l'hospice lui avait passée au cou depuis plusieurs jours, et qui désormais ne quittera plus la poitrine décharnée qui l'allaita ; je coupai de ses beaux cheveux noirs ; je lui fis ensuite couvrir la tête d'un de mes bonnets, et ensevelir le corps dans un drap. J'éprouvai un sentiment de douce mélancolie, quand je le vis si bien enveloppé dans ce linge blanc et portant par hasard mon chiffre sur cette poitrine dans laquelle avait battu un si noble cœur ; j'étais soulagé de penser que la rude serpil- lière du n° 6 n'imprimerait plus sa trame sur sa chair.

» Le lendemain , je fis placer dans le cercueil ces vestiges humains qui sont aussi le cercueil de l'âme sur cette terre, et chaque coup du fatal marteau retentissait en écho douloureux


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dans mon cœur. Quelques clous, quatre faibles planches mal jointes suffisent pour ce dernier acte qui doit cacher à la lumière ce monde sublime devenu désormais inutile. Les garçons de salle transportèrent le le'ger fardeau à la chapelle ; il fallut traverser les cours où se traînaient les convalescents ; les uns regardaient d'un air hébété, d'autres avec insouciance, d'autres enfin riaient de ce rire infernal des naufragés sur un radeau. L'hôpital est bien le séjour où l'égoïsme se montre dans toute sa laideur ; cependant j'ai vu avec reconnaissance une jeune fille émue à la vue de ce cercueil sans drap mortuaire, nu comme les inflexibles murs d'un cachot , et quelques vieilles femmes faisant un signe de croix.

» L'orage qui grondait sourdement pendant ce triste trajet, fit entendre, à notre arrivée à la chapelle, son énergique et sombre rumeur. Le prêtre, assisté d'un servant, dit l'office des morts devant moi, seul représentant de la famille du pauvre abandonné des hommes. Pendant cette cérémonie des éclairs ne cessèrent de déchirer le ciel et d'illuminer les saints de la chapelle d'une lumière blafarde. Le prêtre partit ; je restai seul dans l'église, attendant pendant plus de trois quarts d'heure l'arrivée du corbillard ; le tonnerre hurlait violem- ment, et moi , gardien des restes inanimés mais éloquents du pauvre Bertrand , je sentais remuer au fond de mon âme un monde de sensations impossibles à décrire. — Quelques visages rongés par la maladie paraissaient par intervalles à l'ouverture de la porte ; au fond de la chapelle une sœur de l'hospice décorait un hôtel de guirlandes pour la fête du lendemain.

» Le corbillard arriva enfin; nous sortîmes de l'hospice pour nous rendre au cimetière de Yaugirard : la pluie tombait alors par torrents ; le char poursuivait sa route funèbre ; nous


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étions seuls, le mort et moi, car l'orage avait chasse' tous les promeneurs, et d'ailleurs qui pouvait deviner que ces restes étaient ceux d'une intelligence élevée? Il n'y avait ni chevaux caparaçonnés, ni char décoré des riches emblèmes d'un pouvoir éteint par la mort, ni de longues files de voitures armoiriées, ni de compagnies de soldats avec armes baissées, mais le corbillard des pauvres, suivi d'un homme inconnu.

» Le coup de sifflet du portier du cimetière annonça l'arrivée d'un nouvel hôte dans la demeure de l'oubli ; deux hommes prirent le cercueil et le confièrent à l'une de ces bouches altérées et béantes toujours prêtes à engloutir indistinctement le crime, la vertu, le génie et l'ignorance stupide. La terre résonna sourdement sur les planches caverneuses, et lorsqu'elle se fut élevée en monticule et ne parut plus qu'une cicatrice , j'adressai un dernier adieu à la triste relique. Je fis planter une croix portant pour inscription un nom qui sans doute fût devenu populaire, si les hommes moins absorbés dans leur égoïsme se fussent préoccupés de soutenir le génie étouffé trop souvent par l'envie et l'indifférence.

» Ce triste et prématuré débris d'un être si noblement doué, me rappelait ces beaux navires étouffés dans les glaces des mers du Nord et dont l'existence se révèle quelquefois long- temps après leur perte par les feuillets d'un journal de bord recueillis par hasard sur une plage déserte. Ainsi les pensées échappées à la plume de notre pauvre poète, vont, grâce à vous, être conservées à la mémoire des hommes.

» Lorsque tout fut terminé, la pluie cessa, le soleil reparut, et les oiseaux insouciants qui jouissent de tant de liberté dans ces bosquets de la mort, recommencèrent leurs chants.

» Chaque grande catastrophe qui s'adresse directement au cœur de l'homme rompt l'un des liens qui l'attachait au rivage


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éblouissant et mensonger de l'existence. Ainsi se brisent succes- sivement les chaînes qui nous cramponnaient à la vie ; un dernier fd se rompt , et l'ancre va pourrir dans la terre.

» Comme les amis en sortant d'un banquet vont se conduire, le dernier qui regagne sa triste demeure jette un regard mélancolique sur la fleur déjà fanée du bouquet ; ainsi la petite branche que nous emportâmes du cyprès planté sur le tombeau de l'un de nos amis, déjà fauée à notre entrée au logis, ne reverdira plus que sur notre tombe !

» Ma liaison intime avec Bertrand date de son entrée à l'hospice Necker ; là, pendant près de six semaines, presque tous les jours, j'ai recueilli dans mon cœur sa fiévreuse conver- sation. C'est, il y a déjà longtemps, dans votre petite chambre de la rue Notre-Dame-des-Champs , que nous fûmes, Victor Pavie et moi, initiés à quelques unes de ses productions. Vous m'aviez inspiré une juste estime pour ce jeune talent ; aussi, dès le lendemain, j'étais chez lui, mais je n'y trouvai que sa vieille mère. Quelques années après , je causais chez Renduel et avec lui, de mon admiration pour Bertrand. Il était là et je l'ignorais; il avait pu juger de la haute estime qu'il m'ins- pirait, il se fit connaître à moi avec timidité. La seconde entrevue se passa chez moi; il venait dans une circonstance désastreuse faire appel à mon cœur ; je ne l'ai plus revu que sur son lit de mort.

» Il passa l'année dernière huit mois à l'hospice de la Pitié; j'y allais souvent visiter un jeune sculpteur ; Bertrand me reconnut de son lit, mais il se couvrit la tête de son drap, craignant, m'avoua-t-il depuis, que je ne le visse à l'hôpital. Combien je regrette ce sentiment d'orgueil! alors peut-être j'aurais pu le sauver.

» Si vous parlez de sa mort, ne me nommez pas, je vous en


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supplie, vous me rendrez un réel service d'ami ; accédez à ma prière.

» En écrivant une notice sur ce malheureux jeune homme, vous accomplirez , mon ami , un saint devoir , vous lui consa- crerez un monument honorable et éternel. C'est une noble compensation à sa douloureuse existence, il a tant souffert pendant sa courte apparition sur ce triste théâtre de la vie ! Vous le dédommagerez réellement , car en enchâssant ce diamant dans un travail précieux , vous ferez comprendre aux hommes toute sa valeur , puisqu'il s'est attiré votre attention.

» Croyez que je vous en suis reconnaissant du plus profond de mon cœur.

•» David. »


ANNALES ROMANTIQUES

§ I er -

1823-1836. — Douze volumes in- 18.

Cette collection qu'il est rare de trouver complète , a eu deux titres et trois éditeurs.

Le premier volume, celui de 1823, parut sous le titre de Tablettes romantiques, à Paris, chez Persan, rue de l' Arbre- Sec, et Pélicier, place du Palais-Royal , préface signée J. A. :

« L'éditeur de ce recueil est resté neutre dans cette grande

question.. Il a entendu dire que le "genre romantique n'existe pas, et il a rassemblé les pièces qu'on va lire; il a entendu dire que le genre romantique est le genre détestable , et il a voulu mettre le public en état de juger »


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Ce premier volume a pour frontispice un dessin allégorique lithographie' , représentant une femme voile'e et drape'e , cou- ronnée d'étoiles , et emportée dans les espaces sur un char antique attelé de deux chevaux noirs galopant. La lettre nous dit que c'est là la « muse romantique » , et cette symbolique nous déconcerte un peu actuellement. Il est au moins curieux de voir dans ce dessin de Louis Boulanger quels attributs on donnait alors à la poésie romantique : virginité , chasteté , éclat stellaire, aspiration indéfinie vers la pureté céleste. Qu'on livre cette allégorie en rébus aux esprits d'aujourd'hui , ils croiront reconnaître ou la poésie mystique , ou la vierge clas- sique des anciens palinods , ou encore la patronne de quelque hérésie nouvelle. Ce n'est pas la muse vigoureuse, agile et clair- voyante des Orientales ou des Emaux et camées qui se fait ainsi promener sur un char olympique à travers l'azur silen- cieux. — En plus, quatre portraits lithographies par A. Colin, de Soumet , Alexandre Guiraud , Ancelot et Charles Nodier.

Les plus grands noms du temps se trouvent réunis dans ce volume : Chateaubriand , Joseph de Maistre , Lamennais , de Lamartine , Casimir Delavigne , Emile Deschamps , Alfred de Vigny , de Latouche , Victor Hugo , Nodier , Béranger , Fon- tanes, mesdames Valmore , Delphine Gay , etc. On y trouve un fragment du poème de Grainville, le Dernier homme, inséré probablement par Charles Nodier , et trois morceaux , deux de prose , un de vers , d'Eugène Hugo , le second frère de Victor Hugo, mort en 1837 (1) : la Dernière assemblée

(1) La Biographie universelle qui nous donne cette date (supplé- ment, t. lxvii), mentionne du même auteur une ode sur la mort du duc d'Enghien, et une ode à Murât. Le premier volume du Conteur, veil- lées d'hiver, recueil publié par l'éditeur Charpentier (1833), à l'imi- tation du livre des Cent et un et du Salmigondis , contient une nou- velle d'Eugène Hugo, intitulée Trahison pour trahison.


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des Francs-Juges , fragment; la Bataille de Denain, ode, et le Duel du précipice, donné sans nom d'auteur (1).

Sainte-Beuve, dans une première étude sur Victor Hugo [Revue des deux mondes, 1831 , tome m, 3 e livraison), a dit quelques mots de ce frère , le cadet d'Abel Hugo , l'aîné de \ictor qu'il précéda dans la carrière poétique. Après avoir parlé des doutes , des tourments, des « orages » qui assaillirent les poètes dans ce temps de renouvellement et d'enfantement pour la poésie : « Eugène , dit-il , à qui nous devons bien ce triste et religieux souvenir , Eugène , plus en proie à la lutte , plus obsédé et moins triomphant de la vision qui saisit toutes les âmes au seuil du génie et les penche échevelées à la limite du réel sur l'abîme de l'invisible , a exprimé cette pensée pénible, cet antagonisme désespéré, ce Duel du précipice; la poésie soi-disant erse, qu'il a composée sous ce nom, est tout un symbole de lugubre destinée. Les nombreux articles de critique dans lesquels il juge les ouvrages et les drames nou- veaux (2) respirent une conscience profonde et accusent un retour pénétrant sur lui-même , et comme un souci effaré de l'avenir. Après le succès de Marie Stuart, de M. Lebrun , il écrivit : « En général , une chose nous a frappé dans les com- positions de cette jeunesse qui se presse maintenant sur nos théâtres : ils en sont encore à se contenter facilement d'eux- mêmes. Ils perdent à ramasser des couronnes un temps qu'ils devraient consacrer à de courageuses méditations; ils réussis- sent, mais leurs rivaux sortent joyeux de leurs triomphes.


(1) Gomme on le verra plus bas, cette pièce a reparu signée dans les Annales de 1831.

(2) Dans le Conservateur littéraire, rédigé par Soumet, et qui parut de 1819 à 1821 (voy. Deschiens, Bibliographie des Journaux).


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Veillez, veillez, jeunes gens, re'unissez vos forces; vous en aurez besoin le jour de la bataille : les faibles oiseaux pren- nent leur vol tout d'un trait ; les aigles rampent avant de s'élever sur leurs ailes. » — Et pourtant son hardi et heureux frère ne rampait déjà plus ! »

Nous donnerons ici , à cause de l'extrême rareté des deux recueils, les Annales et le Conservateur, deux des pièces d'Eugène Hugo.


LE DUEL DU PRECIPICE

POÉSIE ERSE (t)

— Je t'atteindrai , je te frapperai de mon épée , et ton crâne me servira dans mes festins , dit le Danois.

— Mes chiens ont faim, répondit le Saxon; ils demandent du sang , et ce ne sera pas la première fois que mes chiens auront été servis avant les fils de tes aïeux.

Il dit, et il ricane comme un corbeau qui croasse à l'aspect d'un cadavre. — Attends-moi seulement, dit le Danois. Et il parcourt le bord de l'abîme, cherchant un passage. — La place où je t'attends, tu y attendras les vautours, répond le Saxon , toujours immobile et debout dans ses armes.

Mais l'abîme qui les sépare est large et profond ; il est semé de rochers, et un torrent roule au fond comme un tonnerre. C'est en vain que le Danois cherche un passage : il rugit de fureur. Cependant à l'aspect du combat des deux barbares

(1) Ce morceau est traduit d'un ouvrage peu connu en France, publié à Stockholm en 1805 par le savant professeur M. Merner. et intitulé Exquisitiones philosophiez.'.


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les armées s'arrêtent, les trompettes font silence; les coursiers frappaient du pied la terre , et le sang ruisselait le long des piques.

Un sapin était là, un vieux sapin qui ayait été abattu par les tempêtes. Les esprits de la nuit l'avaient roulé du haut de la montagne, afin qu'il descendit vers les mers et qu'il conduisit dans les contrées voisines les héros, leurs enfants; mais le sapin s'était arrêté sur le bord de l'abîme , sachant qu'il ne verrait jamais de cornbat plus terrible que celui dont il allait être témoin.

Le Danois s'avance rapidement, plié sous l'horrible far- deau; le Saxon, son glaive nu à la main, se tient prêt à s'élancer sur le pont que son ennemi lui prépare. Tout à coup le Danois s'arrête , et le sapin tombe en retentissant sur les deux bords.

Ils se sont rencontrés au milieu du pont fragile ; ils se sont saisis; ils se tiennent, ils se pressent, pied contre pied, poitrine contre poitrine ; tous les deux ils veulent s'enlever et se préci- piter dans le gouffre; tous les deux ils sont immobiles : on dirait qu'ils ne combattent que des yeux.

Tout à coup un cri se fait entendre , un cri terrible. Le Saxon a enlevé son ennemi ; il le tient entre ses bras au-dessus de sa tête , il le balance en rugissant de triomphe , il va le lancer dans le précipice.

Alors on vit les bergers qui s'étaient enfuis par crainte de la bataille , s'avancer sur le haut des rochers ; on entendit les loups hurler dans la solitude des forêts , et l'on aperçut dis- tinctement dans les airs les fantômes emportés par les vents qui se penchaient sur le bord des nuages.

Mais le Danois d'une main a saisi son vainqueur par sa rouge chevelure, de l'autre il le frappe au visage de son poi-


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gnard. Les cris de joie se changent en cris de détresse. La tête du Saxon se rejette en arrière ; il chancelle, le pied lui manque; ils vont tomber.

— Epargne-moi! crie-t-il au vaincu. — Regagne la terre! répond le Danois. Et le Saxon s'avance, aveuglé par le sang; il marche à pas lents, suspendu sur l'abîme, tenant toujours entre ses bras son ennemi qui le guide.

Enfin il a franchi l'abîme; il a mis le pied sur la terre, ils sont sauvés. Tout-à-coup, emporté par la douleur, il se retourne et veut lancer son ennemi dans le gouffre. — Meurs ! s'écrie le Danois. Il le frappe; le Saxon frappé chancelle, il tombe et il entraîne le Danois avec lui.

Ils roulent, ils roulent de roc en roc. Bardes, chefs, soldats, tout est accouru sur le bord du précipice. On les voit se saisir, se frapper, se combattre encore. Tout-à-coup ils arrivent à un endroit où le roc est à pic, ils disparaissent, et on entend leurs corps se briser sur un rocher qui s'avance en esplanade au-des- sus du torrent.

Ils restent quelque temps sans mouvement : peu à peu on voit les cadavres se ranimer et se chercher encore à coups de poignard. — Arrêtez! criaient les Sénécions, les Sénécions dont l'aspect doit être assez puissant pour faire rentrer au fourreau les glaives déjà tirés; vaines clameurs! ils se relèvent, ils se frappent, ils se roulent. Tout-à-coup, chose horrible! un ours énorme sort de dessous les glaces , il se jette sur les deux guerriers, et aux cris de toute l'armée, il les entraîne en rugis- sant dans sa caverne.




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LA BATAILLE DE DENAIIS

Dulce et décorum est pro patrià mori.

Vous qui triomphez de vos frères, Mortels, montrez-vous généreux; N'insultez pas à leurs misères, Et tremblez plutôt d'être heureux. Songez qu'il suffit d'un outrage Pour rendre un reste de courage A l'orgueil qui vit dans leurs cœurs; Souvent le lion se relève Terrible au dernier coup du glaive, Et vient terrasser ses vainqueurs.

Pourquoi, monarques de la terre, Pourquoi ces nombreux étendards? Pourquoi cet appareil de guerre, Et ces coursiers traînant des chars? OU vont, à travers la poussière, Au bruit d'une marche guerrière, Ces bataillons audacieux, Pareils aux troupeaux dans les plaines, Qui venant des terres lointaines, Chassent les sables jusqu'aux deux?

Ils ont dit, dans leur espérance : Punissons d'orgueilleux succès!


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Rendons à la superbe France Les maux que ses fils nous ont faits ! Déjà leurs phalanges sont prêtes A venger sur nous ces conquêtes Dont ils gardent le souvenir, Prompts à commettre en leur victoire Ces mêmes crimes de la gloire Que le ciel leur donne à punir.

Que fera donc ce vieux monarque Qui règne au trône des Français, Et qui menacé par la Parque, L'est plus encor par leurs succès? La faim dévaste ses provinces , Le trépas a frappé ses princes Au sein des peuples effrayés. Faudra-t-il donc qu'il s'humilie Et qu'en sa vieillesse il supplie Ceux qu'il vit jadis à ses pieds ?

Hochstedt en ses marais célèbres Avait vu périr nos soldats; Ramillie en ses champs funèbres Les voit se rendre sans combats; En vain, respirant la vengeance, Villars à Malplaquet s'avance, Nos jours de gloire n' étaient plus , Et nos soldats pleurant de rage, Dans cette plaine de carnage Enterraient leurs drapeaux vaincus.


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Respectons le destin terrible D'un roi qui prie en s 'abaissant ; Dieu seul, mortels, est invincible, Ce Dieu qui seul est tout puissant. Il est beau, quand le sort nous dompte De savoir accepter sa honte Pour sauver un peuple abattu. Avoir vaincu, c'était la gloire, Mais savoir céder la victoire , Mortels, c'est plus, c'est la vertu!

Mais l'étranger plein d'arrogance Croyant à des succès certains, Oubliait, dans son insolence, L'instabilité des destins. Il n'accordait à nos pières Qu'une de ces paix meurtrières , Honte et ruine des états, Et dans cet accord téméraire Louis trouvait toujours ta guerre , Et l'honneur ne s'y trouvait pas.

— Partez, Villars! allez combattre Et, s'il le faut, allez mourir! Nous, si le ciel veut nous abattre, Sur vos pas nous irons périr. Oui, si le sort vous est rebelle, Moi-même à mon peuple fidèle Je veux annoncer leurs projets , A fin qu'à ma voix tout s'assemble,


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Et que du moins tombent ensemble Le roi, le trône et les sujets !

vous que la France contemple Comme ses maîtres glorieux, Rois, que ce mémorable exemple Soit toujours présent à vos yeux! Quelque danger qui les menace, Les Français peuvent sans audace Ne point abaisser leurs drapeaux; nos rois! acceptez la guerre; Vous frapperez du pied la terre, Il en sortira des héros!

Pourtant V armée imprévoyante De ces vainqueurs audacieux Dormait dans sa joie imprudente Sous ses drapeaux victorieux. Oubliant que, dans sa colère, Le ciel ou propice ou sévère, Fait seul les combats malheureux , Les insensés, dans leur démence, Méprisaient ces fils de la France Qu'ils supposaient vaincus par eux.

Soudain les trompettes sonnantes Ont retenti de toutes parts , Et par cent bouches foudroyantes Leur camp voit battre ses remparts; Bientôt à travers la fumée S'avance à grands pas notre armée.


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En poussant des cris de courroux. Français! voici le jour de gloire! Osons essayer la victoire, Marchons, et le camp est à nous!

Albemarle qui s'épouvante Au sein de ses murs foudroyés, Ranime en vain l'ardeur tremblante De ses bataillons effrayés. Partout Villars dans la tempête , Calme et terrible à notre tête, Dirige avec art le danger. Tremblez, Germains! il faut se rendre; Vaincus, cessez de vous défendre, C'est au salut qu'il faut songer!

En vain Eugène plein de rage Accourt pour sauver ses soldats, En vain il tente le passage Du fleuve ouvert devant ses pas. Il voit-, enchaîné sur les rives, Se rendre ses troupes craintives Que nul art ne peut protéger, Et remporte dans sa retraite L'affront d'avoir vu la défaite Sans pouvoir même la venger.

Tout demeure en notre puissance, Armes, chefs, soldats et drapeaux ? Nous retrouvons cette espérance Qui parmi nous fait les héros.


r


BIBLIOTHECA Ottaviona'i.


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Bientôt ?ws villes prisonnières Relèvent leurs blanches bannières, Libres enfin par ce succès, Et les sauveurs de nos murailles, Vainqueurs sur le champ des batailles, S'arrêtent en criant : La paix!

Au bruit de ce coup de tonnerre Qui jusqu'à Vienne a retenti, Le monde étonné considère Le roi qu'il crut anéanti. Louis content de sa vengeance, Consulte les maux de la France, Sans chercher des succès plus grands, Et redevenu formidable, Il signe une paix honorable Conquise sur les conquérants.

Honneur à toi! monarque illustre , Qui par un titre glorieux Sus ajouter un nouveau lustre Au noble nom de tes dieux. La postérité qui t'admire Aux jours brillants de ton empire Fixera longtemps ses regards, Car toute grandeur te fut chère, Et sous les lauriers de la guerre Tu fis croître ceux des beaux-arts.

Qu'importe qu'aujourd'hui l'envie, T accusant de vaines hauteurs.




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Cherche à flétrir ta noble vie Par ses cris calomniateurs! La calomnie et les outrages Sont les plus nobles témoignages Qu'un héros conquiert ici-bas. Sur la terre où le ciel l'exile, Sa tâche serait trop facile Si les mortels n'étaient ingrats.

Aristide était grand peut-être , Il fut puni de ses vertus; On vit Socrate comparaître Devant les bourreaux d'Anilus. Quand lui-même un Dieu tutélairc Voulut descendre sur la terre Pour sauver un monde orgueilleux , Pour prix de ses leçons divines, C'est le front couronné d'épines Qu'il fui renvoxjè dans les deux.

En 1825, le libraire Urbain Canel devient l'éditeur des Annales romantiques ; il continue de l'être jusqu'en 1828.

Le volume de 1825 a pour frontispice une vignette de Deveria, gravée sur acier par Fauchery, qui représente une jeune mère défendant son enfant contre la mort ; sujet tiré d'une des pièces du volume, la Mort, par madame Amable Tastu. — Charmante vignette.

On trouve dans ce volume : la Dolorida d'Alfred de Vigny ; un fragment sur l'amour, de Benjamin Constant ; le Supplice des suicidés , ode de Chènedollé ; les Adieux au collège de Belleij, de Lamartine ; deux fragments en prose de Château-


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briand ; le Sylphe, de Denne-Baron ; le Juif et l'Athée, fragments par l'abbé de Lamennais ; Voltaire, par le comte Josepb de Maistre ; les Adieux aux romantiques, de Charles Nodier; le Centaure, d'Alphonse Rabbe, etc. Principaux collaborateurs : MM mes Tastu , Desbordes- Valmore , Delphine Gay; MM. Victor Hugo, Béranger, de Latouche , Philarète Chasles, Casimir Delavigne, Emile Deschamps, de Fontanes, Victorin Fabre, A. Guiraud, Guttinger, Jules Lelèvre, Loyson, A. Malitourne, feu Millevoye, Marchangy , de Salvandy, Scribe, Gaspard de Pons, de Rességuier, Villemain.

1826. — Frontispice : le Châtelain de Crozan, sujet d'une ballade en prose de Henri de Latouche, dessiné par Desenne, gravé par Leroux.

La Forêt, de Chateaubriand ; un rondeau de Clotilde de Surville ; l'Idiot, ballade d'Ernest Fouinet ; l Inconstant, par madame Sophie Gay ; la Douleur d'une mère, par madame de Krudner ( extrait de Valérie) ; Auguste et Crocotas, par Alphonse Rabbe ; les Oies, fable, par Rouget de l'Isle ; l'Indifférence, par le comte de Peyronnet ; la Cour d'Alphonse VI à Païenne, par Villemain, etc., etc.

1827-28 (en un seul volume). — Frontispice : l'Esprit de Dieu, sujet de l'ode de Lamartine publiée dans ce volume , dessiné par Desenne, gravé par Fontaine.

Ce volume contient particulièrement : un fragment de l'Homme sans nom, de Ballanche ; Mon grenier, chanson de Béranger ; des vers adressés à lady Blessington , par lord Byron , et la réponse en vers de lady Blessington (avec la traduction) ; ! Aveugle, par Théodore Carlier; des vers inédits d'André Chénier :


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Près des bords où Venise est reine de la mer...

la Résurrection , par Antony Deschamps; lord Byron et ses rapports avec la littérature actuelle, article en prose par Victor Hugo, déjà publie dans la Muse française; le Roi des eaux, traduit de Lewis, par Loève -Veimars; Dédicace à Chateaubriand , par Elisa Mercœur; un fragment du comte de Montlosier ; Y Ode à (a rime et le Dernier vœu, de Sainte- Beuve (signe's S.-B.); le Songe, de Jean Paul, traduit par madame de Staël ; la Mort , sonnet de 3Ionti , traduit par Stendhal, et enfin deux pièces de vers de Honore de Balzac, «pie je n'ai jamais vues réimprimées ailleurs :

A UNE .JEUNE FILLE


Du sein de ces torrents de gloire et de lumière Où sur des harpes d'or les esprits immortels Aux pieds de Jéhovah redisent la prière De nos plaintifs autels;

Souvent un chérubin ci chevelure blonde, Raillant l'éclat de Dieu par son front reflété, Laisse au parvis des deux son plumage argenté, Et descend sur le monde.

Comprenant du Très-Haut le sublime regard, Il vient sourire au pauvre à qui tout est souffrance. Et par son tendre aspect rappeler au vieillard Les doux jeux de l'enfance.


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Il inscrit des méchants les tardifs repentirs, A la vierge amoureuse il accourt dire : Espère ! Et le cœur plein de joie, il compte les soupirs Qu'on donne à la misère.

De ces anges d'amour un seul est parmi nous, Que le soin de notre heur égara dans sa route; En soupirant il tourne un regard triste et doux Vers l'éternelle voûte.

Ce n'est point de son front l'éclatante blancheur Qui m'a dit le secret de sa noble origine, Mais son tendre sourire et l'accent enchanteur De sa plainte divine.

Ah ! gardez, gardez bien de lui laisser revoir Le brillant séraphin qui vers les deux revole ; Trop tôt il lui dirait la magique parole Que pour nager dans l'air ils prononcent le soir.

Vous les verriez, des nuits perçant les sombres voiles, Comme un point de l'aurore atteindre les étoiles,

De leur vol fraternel , Et le marin, le soir, assis sur le rivage, Levant un doigt craintif aux campagnes du ciel, De leurs pieds lumineux montrerait le passage.


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VERS ECRITS SUR UN ALBUM


Le magique pinceau, les muses mensongères N'orneront pas toujours de ces feuilles légères Le fidèle vélin ,

Et le crayon furtif de ma jeune maîtresse Me confiera souvent sa secrète allégresse Et son muet chagrin.

Et quand ses doigts plus lourds à mes pages fanées Demanderont raison de ses jeunes années,

Aujourd'hui l'avertir, Alors, veuille l'amour que de son beau voyage

Le fécond souvenir Soit doux à contempler comme un ciel sans nuage !

En 1829, les Annales romantiques deviennent la propriété de L. Janet, éditeur, rue Saint- Jacques, qui en prévient le public dans un avis placé en tète du volume de cette année, et qui annonce en même temps que M. Charles Malo est chargé de la direction littéraire du recueil. Entre les mains de Janet, éditeur-inventeur du keepsake français, les Annales perdent leur première physionomie. Le frontispice disparaît et est remplacé par des collections de gravures anglaises intercalées dans les volumes et correspondant plus ou moins aux sujets des pièces insérées. — En cette année là, M. Viennet fait sous les auspices de INI. Charles Malo son entrée dans le camp romantique ! !

1830. — Ce volume contient la Chaumière, de Louis Bertrand (réimprimée plus tard dans Gaspard de la nuit), datée du 2 janvier 1829, et suivie de cette apostille supprimée


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dans l'édition d'Angers : « Le roi ne lira jamais cette pièce ; mais mes amis la liront et sauront que moi aussi je rêve tout éveille, que je me suis bâti un chalet dans les Alpes, pour y couler de paisibles jours avec ma mère et mes sœurs, et que cet heureux chalet , hélas ! est un château en Espagne !» — le Coteau, de Joseph Delorme ; le Songe, de Drouineau ; les Vers à la mémoire de Joseph Delorme, d'Emile Deschamps; le Sylphe, d'Alexandre Dumas; le sonnet A deux heureux , d'Ernest Fouinet, écrit sur la marge du Ronsard donné par Sainte-Beuve à Victor Hugo, et les stances de Fontaney à madame Nodier, que nous allons citer; le Chien misanthrope, d'Ymbert Galloix; la Pluie d'été, de Victor Hugo; Parisina, par Théodore Carlier, etc. Le nom d'Eugène Sue s'y trouve pour la première fois, au bas d'un fragment de prose intitulé le Billet d'amour, probablement tiré d'un de ses romans :

A DEUX HEUREUX

(M. ET M me VICTOR HUGO)

Dans la création tout est harmonieux ,

Comme l'ordre éternel d'où jaillirent les mondes.

Sur de tendres ijeux bleus tombent des tresses blondes;

De vastes rayons d'or voilent l'azur des deux.

Les champs de la Provence, aux soleils radieux, Sont pour les jeux, le rire et les joyeuses rondes. Les forêts de Bretagne, obscurités profondes, Sont pour l'isolement aux rêves soucieux.

Une femme penchée embrassant une harpe, Déployant mollement son bras comme une écharpe, C'est un groupe suave, une harmonie encor.


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Mais la beauté, la grâce alliée au génie,

La colombe de l'aigle accompagnant l'essor,

C'est l'accord le plus beau : c'est là votre harmonie.

5 juillet 1820. A MADAME N*** (1)

Le luth et le pinceau, quand votre voix commande,

Prodiguent à l'envi les accords, les couleurs ;

Ce sont là les tributs dont on vous doit l'offrande ;

Chaque gloire à votre guirlande

Est fière de mêler ses fleurs.

La jeune muse a fait de ses nobles conquêtes Flotter autour de vous les nouveaux étendards ; Vous avez une cour de peintres, de poètes,

On voit rassemblés à vos fêtes

Les fils de la lyre et des arts.

Qu'ils sont beaux vos concerts.' Tantôt c'est Lamartine, C'est ce jeune Ossian, chantre mystérieux Des intimes amours, homme à lame divine ,

Exhalant aux deux qu'il devine

Le souffle qui lui vient des deux.

C'était ce cygne, hélas .' chantant son agonie, Del orme, que la mort entre nos bras frappa ; Puis, versant à grands flots sa fougueuse harmonie,

Victor Hugo par son génie

Emporté comme Mazeppa !

(1) Madame Charles Npdier.


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Tastu se dérobant à l'encens des louanges,

Et voilant de son luth la pudeur de ses traits ;

Deschamps, vif éclair cur de nos jeunes phalanges ;

De Vigny, le frère des anges,

Dont il a trahi les secrets.

D'une autre muse encor, votre fille, suivie, Dans votre esquif brillant, sans qu'il s'arrête aux ports, Voguez longtemps ; glissez, enivrée et ravie, Sur ce beau fleuve de la vie, Pendant qu'on chante sur ses bords.

Des souffles de génie enflent toutes vos voiles ; Pilote harmonieux et savant, un époux. Une lyre à la main, les yeux sur les étoiles,

Quand la nuit revêt ses longs voiles,

Au gouvernail veille pour vous.

Bien longtemps il a bu dans une coupe amère ;

Mais de sa course enfin il a franchi recueil ;

La palme de son front n'était pas éphémère. Heureuse épouse, heureuse mère, Marchez donc dans un double orgueil !


Il s'est enraciné le cèdre des montagnes, Qui domine aujourd'hui les trembles, les ormeaux; Se tenant par la main, la vierge et ses compagnes, Fraîche guirlande des campagnes, Viennent danser sous ses rameaux.


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Arbre-roi qu'ont frappé des tempêtes sans nombre, Chaque aurore l'a vu rafraîchi par ses pleurs ; Que le ciel désormais soit brûlant, pur ou sombre,

Le grand cèdre donne assez d'ombre

Pour couvrir la forêt de fleurs.

1831. — Le Ciel d'Athènes, de Pierre Lebrun; scène du Moïse (acte IV), de Chateaubriand; la Fée du lac, de Dovalle; Misraël, par Alexandre Dumas (souvenir du Sylphe de Victor Hugo); le Palais de Nangasaki, de Denne-Baron; la Vie et la mort du ramier, de madame Desbordes- Yalmore ; les stances sur Saint-Germain, d'Emile Deschamps; les vers à madame Pauline F***, signes Joseph Delorme; le Duel du précipice, d'Eugène Hugo (déjà donné, sans nom d'auteur, dans les Annales de 1823); les Rêves, de Victor Hugo (Amis, loin de la ville....); le Cri de l'âme, de Lamartine; le Printemps, de Charles Nodier; les Ruines de Pompèia, d' Eli sa Mercœur; la Promenade, par Jules de Saint-Félix; Ursule et Henri, ballade d'Ernest Fouinet (médiocre, et faite, je crois, pour servir de prétexte à la gravure) ; la jolie ballade sur Sorrente , de Delphine de Girardin , et le sonnet de Théodore Cartier :

Désert pour qui le ciel n'a pas d'eau fécondante,

d'un beau mouvement, mais imparfait; la Malade, de Gérard; le Dernier jour de Salvator Rosa, de Henri de Latouche; la traduction fameuse du sonnet de i\Ianzoni, par madame de Staël (Jésus apparaissant à Adam dans les limbes) ; Amertume, par Drouineau ; une Prière, par Fontaney, jolie de ton, mais pleine d'entortillages et d'incorrections; Elle... et le vieux


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chien, fragment de prose d'Eugène Sue, etc. etc. De toutes ces pièces, inconnues pour la plupart, et dont les plus remar- quables ont été réimprimées dans les œuvres de leurs auteurs , je ne vois véritablement à citer qu'une ode très - belle de Polonius, Ixion, que je n'ai point retrouvée dans ses deux recueils (1) :

IXION

Sur une roue infatigable Qu'emporte un vague tourbillon, Je vois rouler comme le sable Au vent fougueux de l'aquilon, Autour de moi, voûtes brûlantes, Spectres confus, ombres volantes , Hymnes funèbres, chants hideux... Et toujours la roue inflexible, Qui tourne, tourne, irrésistible , A travers l'abîme orageux!

Quels oiseaux en troupes bruyantes A grands cris la suivent dans l'air.' Est-ce vous, hydres effrayantes , Chiens terribles de Jupiter? J'entends des ailes dans le vide; Aux rayons de l'orbe rapide, Je crois voir s'attacher des mains... Est-ce vous, noires Euménides? ,

Venez-vous dans mes flancs livides Plonger vos ongles inhumains?

(0 Poésies de Jean Polonius. Paris, 1827, in-8. — Empédocle, vision poétique, suivie d'autres poésies. Paris, 1829, in-18.


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V aines paroles ! à ma vue Tout fuit , tout passe sans repos; Autour de moi, dans l'étendue, Formes, couleurs, tout est cahos . De mes cheveux le vent me fouette; Mon cer vécut bat contre ma tête; Mon cœur bondit, et tout mon sang, Comme un liquide qu'on secoue, Des pieds au front . suivant la roue, Tour à tour monte et redescend.

Quel supplice! Et naguère encore,

Enivré du nectar des deux,

Sur les nuages de l'aurore

Je pressais la reine des dieux.

Nous "mêlions tous deux nos haleines;

Je sentais couler dans mes veines

Le feu divin de son regard ;

Quand soudain sur ma bouche avide

Se brisant , le fantôme vide

N'a laissé qu'un amer brouillard.

Ah.' reste, reste, douce image! Daigne encore échauffer mon cœur. Quoi! tu n'étais qu'un vain nuage, Qu'air glacé, qu'infecte vapeur! Quoi! ces yeux, ce regard humide, Ces cheveux flottant dans le vide, Ces traits souffrants de volupté, Ces transports, cette vive étreinte,


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Tout n'était qu'ironie et feinte D'un spectre en mes bras avorté?

Illusion, fatale amie!

Qu'il est divin, ton court sommeil!

Mais sur le sein d'une furie

On se retrouve à son réveil.

Tu nous berces de rêve en rêve,

Ton flot sublime nous enlève

Jusqu'au cintre des deux ouverts;

Puis soudain l'onde se retire,

Et nous restons, comme un navire

Couché nu sur des bancs déserts.

Mais qu'un autre pleure sans gloire

Sur ses rêves évanouis;

Je veux au fond de ma mémoire

En éterniser les débris.

Mon cœur s'attache à leur image

Comme la voile dans l'orage

Au mât par la houle emporté.

Oui, mon bonheur ne fut qu'un songe;

Mais qu'importe si le mensonge

Valut pour moi la vérité!

Je fus heureux! moment d'ivresse, De mon sein tu ne peux sortir. Je fus heureux! dieu ni déesse Ne sauraient plus f anéantir! Que Jupiter sur toi s'attache! Que sa main du passé t'arrache!....


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Du passé, rebelle à sa loi, Feuille éternelle, ineffaçable, Ton souvenir impérissable Est à moi, pour jamais à moi!

En vain des sombres Euménides

Le fouet sanglant brise mes os;

En vain cent flammes homicides

Autour de moi roulent leurs flots;

De tes baisers, céleste amante,

La volupté toujours vivante

Se mêle encor dans mes tourments

Au son des fouets, au bruit des ailes,

Au feu cuisant des étincelles

Que sur ma chair chassent les vents!

Tu croyais donc sur cette roue , Tyran des deux et des enfers, En enchaînant un corps de boue , Charger l'âme des mêmes fers? Elle se rit de ta puissance, Cette âme ait 1ère, elle s'élance Jusqu'au pied de ton trône d'or; Elle vole, à ta main jalouse Arrachant ta divine épouse, Sous tes yeux l'embrasser encor!

Oui , dans ces gouffres de misère Où ton pied m'a précipité, Je jouis plus de ma chimère Que toi de la, réalité.


\0


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Seul possesseur de ta déesse, En ses bras la langueur t'oppresse, Et, roi suprême, être éternel, En vain tu cherches dans ton âme Une étincelle de la flamme Qui dévora V humble mortel !

Ah! toi-même, ô dieu trop sévère! En mon sein pourquoi l'allumer Cette flamme que sur la terre Rien d'humain ne pouvait calmer? A mon regard pourquoi toi-même Offris-tu la beauté suprême Dont l'Olympe admire les traits? Si Junon m'était défendue, Fallait-il à ma faible vue Révéler ses nobles attraits ?


Ris, triomphe, insulte à mes peines! Ce captif courbé sous ta loi, Ce ver écrasé sous tes chaînes Eut un cœur plus noble que toi. Dévoré d'une ardeur grossière, Tu viens sans cesse sur la terre Chercher la basse volupté, Et moi, faible enfant de la poudre, J'ai volé, jusque sous ta foudre, Ravir l'immortelle beauté!


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Le recueil de 1832 s'ouvre par la pièce d'introduction des Feuilles d'automne (Ce siècle avait deux ans...). Des noms nouveaux s'y produisent : Théophile Gautier, Gérard, Pétrus Borel , Léon Gozlan. La pièce de Pétrus Borel, intitulée Heur et malheur, n'est qu'un extrait du Barde, déjà inséré dans les Rhapsodies. Théophile Gautier a donné la Demoiselle ; Gérard la pièce, tant de fois réimprimée, Sur un air ancien :

Il est un air pour qui je donnerais

Tout Rossini, tout Mozart et tout Webre...

Il faut citer pour leur rareté une charmante pièce d'Ernest Fouinet, la Magie de la voix, et une jolie romance de Regnier-Destourhet :

LA MAGIE DE LA VOIX

à madame Louise L*** écrit sur un album musical

Notes qui vous taisez, retournez à votre âme, Car vous n'en avez pas sans la voix d'une femme, Signes mystérieux des rhythmes ravissants. Vous couvez, je le sais, des airs pleins de tendresse, Mais pour vous évoquer, il faut l'enchanteresse Qui vous fait mélodie avec ses purs accents.

Pour que l'encens parfume, il-faut que l'encens brûle; La harpe eolienne au mourant crépuscule Ne soupire qu'au gré de la brise et du vent; L'amour au fond du cœur serait longtemps encore,


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Sans le regard, le mot qui le vient faire éclore, Comme la fleur éclat sous le soleil levant.

Les cordes ne sont rien sans la main qui les touche ;

L'œil n'est rien sans regards, et qu'est-ce que la bouche

Satis un mot caressant, un rire gracieux?

Redemande la vie, ô musique muette!

A celle qui te chante et qui rendrait poète

A ces accords si doux qu'ils font penser aux deux!

RIEN, PLUS RIEN (1)

Dans la vallée , en ton absence, Nos jolis oiseaux font silence... Ils chantaient si bien autrefois,

Clémence, Quand ils entendaient près du bois

Ta voix!

La jeune fleur dans la prairie A présent se penche flétrie... La primevère était si bien

Fleurie , Quand tu venais ici.... Mais rien!

Plus rien!

Rien, plus rien à l'âme trahie, A l'ami qui n'a plus d'amie...

(1) Regnier-Destourbet paraît avoir eu une grande prédilection pour cette romance qu'il a rappelée et reproduite avec quelques variantes dans deux de ses romans : Louisa (ebap. ix), et Un bal sous Louis- Philippe (chap. xv). Voir plus loin l'article sur Regnier-Destourbet.


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Car j'ai laissé dans tes yeux bleus

Ma vie, Et suis seul où nous étions deux

Heureux !

Moins triste est la pauvre hirondelle Qui ne trouve plus la tourelle Où chaque printemps de retour,

Fidèle, Elle chantait, volant autour,

L'amour.

Mais pour go i"; ter le charme de ces petites pièces d'une grâce un peu molle et déjà surannée, peut-être faut-il faire la part du temps. La langue poétique étant alors moins arrêtée qu'au- jourd'hui, le poète s'exprimait par des sous-entendus, par des attitudes, par des signes de convention cpie tout le inonde entendait, et que nous n'entendons plus. Pour cette raison, je ne citerai ni les Ames d'Alexandre Dumas, ni les Baijadères de Léon Golzan , qui comme tournure et comme accent paraî- traient invraisemblables aujourd'hui :

Sonnez, tambours chinois, et dansez, bayadères! Voici les éléphants et les hauts dromadaires... Plus de pudeur ! volez !...

Laissons aussi dans l'ombre la Marguerite d'Auguste Barbier, qui par sa mignardise à la Deshoulières contrasterait peut-être agréablement avec la farouche énergie des ïambes, mais dont les grâces négligées déconcerteraient les lecteurs non prévenus. 11 reste encore à signaler un des plus jolis contes de


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Mérimée, Federigo ; Octave, d'Alfred de Musset; les Derniers moments du duc d'Albe, fragment en prose de Jules Janin; les Amants de Montmorency , d'Alfred de Vigny ; le Comte Gatti, d'Antony Deschamps ; un article de voyage de Charles Dovalle, où l'on retrouve le rédacteur de petit journal enfoui sous le poète, et une nouvelle fantas- tique d'Honoré de Balzac qui raconte les perplexités d'esprit d'un homme sorti ivre d'un déjeuner de garçons, et qui croit avoir volé le dôme des Invalides. Enlin Brizeux, Casimir Delavigne, madame Yalmore, Emile Deschamps, Drouineau, Chateaubriand, Lamartine, Guttinger, H. de Latouche, Jules de Saint-Félix, Théodore Carlier, Soumet , madame Tastu complètent ce volume, un des mieux remplis et des plus inté- ressants de la collection. C'est qu'aussi l'on était en pleine lutte et en pleine ferveur littéraire, en 1832 !

1833. — Ce volume contient une vraie curiosité : c'est une pièce signée de Victor Hugo, et qui ne se retrouve pas dans ses œuvres :

CÉSAR AU RUBICON

Déjà des monts alpins qu'il avait su franchir César voyait an loin les vieux sommets blanchir ; Des bords du Rubicon menaçant l'Italie, De la guerre à venir son âme était remplie.

Une nuit, à ses yeux apparut toute en pleurs Sa tremblante Patrie exhalant ses douleurs. Ses cheveux sont épars; triste, le regard sombre, D'une pâle lueur elle brille dans l'ombre,


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Et les bras nus, levant son front chargé de tours : « Arrêtez.' contre qui tournez-vous mes secours? Où courez-vous ? restez sur ces bords déplorables; Jusqu'ici, citoyens! un pas vous rend coupables.»

Elle s'enfuit. César a frissonné d'horreur.

Sur la rive longtemps l'enchaîne la terreur :

« toi, dit-il enfin, qui vois Home et la terre,

De ce roc Tarpéien où gronde ton tonnerre;

Vous, Dieux puissants d'Iule, et toi, grand Quirinus,

Jupiter, dont l'œil veille aux murs de Latinus ;

Feux sacrés de Testa; toi devant qui tout tremble,

Toi qui peux plus sur moi que tous les dieux ensemble,

Rome ! écoute ma voix : César victorieux

Ne veut point t accabler sous son bras furieux.

Rome ! heureux vainqueur de la terre et de l'onde,

Ton esclave ne veut que f asservir le monde.

Parle, et César encor peut être ton soutien :

C'est ton ennemi seul qui me rendra le tien ! »

II dit , et sans tarder fendant les flots rapides,

Il plante à l'autre bord ses aigles intrépides.

Ainsi quand un lion dans ses déserts brûlants

Voit de loin l'ennemi s'avancer à pas lents,

Par de longs coups de queue excitant son courage,

Il s'arrête incertain, et rassemble sa rage;

Sa vaste gueule exhale un sourd rugissement ;

Sa crinière à grands flots couvre son corps fumant;

Il la dresse, il bondit, et si le dard d'un More

Dans son flanc enfoncé de son sang se colore,


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Blessé, mais fier encor, vainqueur en succombant, II fond sur le chasseur, et l'écrase en tombant.

Le Rubicon pourpré, sortant d'une humble source, Roule en de beaux vallons qu'il arrose en sa course ; Ses eaux marquant les bords asservis à nos lois, Quand l'été les tarit bornent les champs gaulois. Alors des noirs torrents de leurs neiges fangeuses Les Alpes grossissaient ses vagues orageuses. Chaque escadron, brisant leur cours impétueux, Oppose un front oblique aux flots tumultueux , Et l'armée avançant dans l'onde ralentie, Guide au sein du courant sa marche appesantie.

César touchant ces bords qu'il n'eût pas dû revoir :

« Loin, dit-il, vains traités, vaines lois du devoir !

Fortune, je te suis! la victoire est mon titre!

J'ai trop cru les destins ; que Mars soit mon arbitre! »

Soudain, tel qu'un caillou par la fronde chassé,

Tel qu'un trait que le Part lie en fuyant a lancé,

Il vole; encourageant ses bataillons qu'il guide,

Il hâte dans la nuit son armée intrépide,

Et vers l'heure où Phébé voit pâlir son croissant,

Il entre à Riminum en vainqueur menaçant!

Nous ne trouvons à signaler parmi les autres pièces du volume que la Sorcière , traduction de Southey ; Elias Wildmandstadius , de Théophile Gautier; la Femme sans larmes, pièce anonyme, d'un sentiment très-fin, et le Drame, ode à Victor Hugo, par Ernest Fouinet, où l'auteur analyse les


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sensations du poète dramatique pendant la représentation de son œuvre, et quiise termine par ces deux vers :

On vit un siècle. Enfin la toile se déroule, Drapeau de victoire! ou linceul....

Le poème de Notre-Dame de Théophile Gautier, réimprimé dans la Comédie de la mort, inaugure le volume de 183 5. La pièce rare du recueil est un dialogue en prose d'Alfred de Musset, intitulé la Matinée de don Juan. La scène est à Paris. Don Juan s'éveille et sonne Leporello , pour lui demander le journal. Les créanciers hurlent et se battent dans l'antichambre: « Faites -les boire! » Pour se désennuyer , Juan se fait relire par son valet la liste des trois mille, en commentant chaque nom d'un souvenir. Grand brouhaha sous les fenêtres! ce sont des femmes qui passent, « jeunes, vieilles , dévotes et fillettes. » Don Juan dicte à Leporello un billet de déclaration d'amour et lui ordonne de le laisser tomber « sur le plus petit pied qu'il apercevra. » Leporello décrit toutes les femmes qui passent, une à une; le billet tombe aux pieds d'une grisette. — Réaction en faveur du goût français du XVIII e siècle contre les don Juan d'Espagne et d'Italie. — Pauvreté, par Félix Arvers (déjà parue dans les Heures perdues) ' le Marquis de liosemonde , par Jules Janin (extrait du Piédestal) ; un Paysage, poésie par E. Fouinet (médiocre) ; le Prêtre , nouvelle en prose de Josépin Soulary , d'un « poncif » audacieux ; un sonnet de Paul Foucher ; Théodore Carlier , Emile Deschanrps , Charles Dovalle , Drouineau , Victor Pavie (la Forge, odelette)', Jean Polonius, Edouard Turquety.

1835. — Fragment du poème de Napoléon, d'Edgar


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Quinet; Odelettes, par Gérard (de Nerval) : Il est un air pour qui je donnerais... Déjà les beaux jours, la pous- sière.... la Grand' mère (réimprimes dans la Bohême galante), et Dans les bois, non réimprimé, que voici :

DANS LES BOIS

Au printemps, l'oiseau naît et chante ; N'avcz-vous pas oui sa voix ?.... Elle est pure, simple et touchante, La voix de l'oiseau — dans les bois !

L'été, l'oiseau cherche l'oiselle ; Il aime, et n'aime qu'une fois. Qu'il est doux, paisible et fidèle, Le nid de l'oiseau — dans les bois !

Puis quand vient l'automne brumeuse, Il se tait avant les temps froids. Hélas ! qu'elle doit être heureuse, La mort de l'oiseau — dans les bois !

Le Printemps en Bretagne, prose, par Chateaubriand ; Laura, sonnet, par Auguste Barbier:

LAURA

Dans Avignon la sainte, à l'ombre d'une tour, Parmi les murs croules d'un cloître solitaire, Deux noirs et longs cyprès groupés avec mystère, Et quelques fûts de marbre, allongés alentour,




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Voilà ce que le Temps, ce vieillard sans amour, De la tombe de Laure a laissé sur la terre; Voilà ce qu'il a fait de cette dame austère Qu'un poète chanta jusqu'à son dernier jour.

Mais qu'importe, après tout, qu'il ne reste rien d'elle ! Le bon Pétrarque a fait sa mémoire immortelle, Et rangé son beau corps à l'abri du trépas ;

Car ces pieux sonnets sont un tombeau splendide, Où le Temps usera toujours sa faux rapide, Et que son large pied ne renversera pas.

Paganini, par madame Desbordes- Valmore ; Melancholia, par Théophile Gautier ; l'Homme et la fourmi, par Charles Nodier; la Grande Chartreuse, par Alexandre Dumas, stances ; Neuf heures, poème en prose, par Alphonse Karr ; le Malheur , à M. le vicomte de Bonald , par le comte de Peyronnet (daté de Ham) ; Théodore Carlier , Emile Deschamps , Alphonse Esquiros , madame Ségalas , Emile Souvestre, Edouard Turquety.

1836. — Scène de Cromwell, de Victor Hugo ; sonnet de Charles Nodier, A Emile Deschamps :

Mon nom parmi leurs noms! y pouvez-vous songer...

L'Ange gardien, par madame Valmore ; les Superstitions de l'amour, par Henri de Latouche; la Médecine de Chiron, a hérologue, » par Nepomucène Lemercier ; Après le bal, et Rococo, par Théophile Gautier; Une scène des Apennins,


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par Emile Deschamps. Jules de Rességuier, l'Amour d'une femme ; Ernest Fouinet, Retour du bal ; Cliênedollé, Léon Gozlan , Guttinger , Alphonse Le Flaguais , madame Hermance Lesguillon , Elim Metschersky , Jules de Saint-Félix , Soumet , Turquety , etc.

La pièce la plus intéressante du volume est une ardente élégie de M. Philarète Chasles , intitulée Ma mère! C'est la plus longue pièce de poésie que nous connaissions de cet auteur. Notons encore, pour la curiosité, une Vision de M. Alexandre Bida, pastiche romantique des plus vio- lents. Si le signataire de cette pièce est le peintre , aujour- d'hui célèbre , de ce nom , il clôt dignement dans ce der- nier volume des Annales romantiques la série des artistes- rapsodes de 1830.


§"•


Avant de clore ce chapitre des Annales romantiques, je voudrais revenir sur quelques-uns des poètes dont les noms s'y retrouvent le plus souvent.

Il va sans dire que je n'ai en vue ni Chateaubriand, ni Charles Nodier, ni Théophile Gautier, ni aucun de ceux sur qui la renommée n'a rien laissé à dire ; mais ceux-là seulement qui, après avoir été de bons soldats et d'utiles pionniers pendant le siège, ont été, au jour de la victoire, noyés dans la gloire des chefs, et dont les efforts partiels marquent plus sensiblement la marche de l'entreprise et la difficulté du but poursuivi. Chacun d'eux nous montre dans son œuvre, ceux-ci sous le rapport du sentiment, ceux-là sous le rapport de la langue et du style , une fraction de l'effort général , et malgré


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l'inégalité de ces résultats particuliers, n'est-il pas juste, autant qu'il est intéressant, après le triomphe définitif et éclatant de la muse moderne, de réclamer au nom de l'art tout le talent, tout l'esprit, tout le génie même (il y en a souvent dans ces œuvres oubliées) qui ont contribué à l'assurer ? On est frappé , en serrant de près ces hommes et ces œuvres éclipsés, de la supériorité des talents secondaires d'alors sur ceux du même ordre dans le temps présent.

Quelques-uns de ces oubliés du XIX e siècle, Arvers, Ernest Fouinct , Dovalle , Régnier - Destourbet , nous ont fourni l'occasion de les étudier dans l'ordre méthodique de ce catalogue. Quelques autres, tels que Fontaney, Jean Polonius, Ulric Guttinger, Drouineau, Théodore Carlier, Jules de Saint- Félix , ne pourraient, sans injustice et sans regrets, être négligés à côté d'eux.

FONTAXEY, dont nous avons cité deux pièces au paragraphe précédent, est un des plus distingués parmi les poètes de ce rang. Né en 1803, il prit pendant dix ans, de 1827 à 1837, date de sa mort, une part active à la rédaction de la Revue (le Paris et de la Revue des deux mondes. Les divers keepsakes et recueils littéraires, et le Livre des cent et un contiennent de ses vers et de sa prose.

Le sonnet suivant, qu'il adressa à "Victor Hugo, le 19 août 1829, au moment où le poète venait de refuser l'indemnité que lui otïrait le ministère, en compensation du refus de laisser jouer Mario n DeJorme , et qui s'est retrouvé inscrit sur les marges du fameux Ronsard (lj dédié par Sainte-Beuve à

(1) Voir, sur ce Ronsard-album, le Tableau de la poésie française au seizième siècle, de Sainte-Beuve, édit. Charpentier, page 315, et le n° 4 de la l re année de la Correspondance littéraire, de Lud. Lalanne.


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l'auteur des Odes et ballades, a été longtemps célèbre comme un des premiers sonnets « parfaits » qu'eût produits la nouvelle renaissance poétique :

Sur un trône plus haut encor viens te placer ; Tu l'avais dit : ton sceptre, ô Victor! c'est ta lyre Les insensés pourtant, quel était leur délire ! Avaient cru que son poids te dût sitôt lasser.

Quoi ! sur ton char de gloire en te voyant passer, Par cet appât vulgaire ils pensaient te séduire, Et que dans ton chemin cet or qu'ils faisaient luire, Comme un prix de tes chants tu V irais ramasser !

Majesté du génie, à toi le diadème Radieux, éternel ! tu l'as conquis toi-même, Et tu sais le porter, et tu ne le vends pas !

Qu'ils tremblent de fouler ces domaines de rame, Tes royaumes, volcans assoupis, dont la flamme A ta voix en Etnas jaillirait sous leurs pas!

Le premier livre de Fontaney, qui est un recueil de vers (1), parut en 1825. C'est de ces essais comme on en faisait tant alors, dans une époque tourmentée de poésie, où chacun était en quête de modèles. L'auteur va de Bûrger à Thomas jMoore, et de Wordsworth àManzoni. La Lènore, Y Ode sur Napoléon Bonaparte , morceaux classiques alors et qui furent pour

(1) Ballades, mélodie* et poésies diverses, par M. Fontaney. In-lS.


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l'éducation littéraire des contemporains de Fontaney ce que le Cimetière de campagne de Gray avait été pour l'éducation de la génération précédente, y sont traduits sans trop d'infériorité à l'original. Fontaney s'y montre ce qu'il fut toute sa vie, non seulement au courant, mais à toute la hauteur des idées et des inspirations de son temps. Il fut un de ces poètes de la prose, poètes par leur éducation, qui de leurs premières luttes avec la langue et de leur attrait naïf vers le beau, gardèrent toujours dans leurs écrits un soin exquis et un goût scrupuleux. Poète, il l'était même dans sa \ie, terminée par un roman douloureux dont les mémoires d'un célèbre romancier nous ont livré à demi le secret (1). Ceux qui l'ont connu nous le dépeignent comme un homme élégant, spirituel, passionné, mais plein de réserve et de pudicité, comme sont toutes les âmes délicates qui craignent incessamment de se commettre ou de se vulga- riser (2). Cette réserve quelque peu britannique, accrue peut- être de son commerce assidu avec la littérature et la société anglaises , se dénote encore par la répugnance qu'il avait à livrer son nom au public. Les Ballades et mélodies sont en effet le seul ouvrage que Fontaney ait signé de son nom véritable. Dès 1833, les articles qu'il publia dans les revues ne sont plus signés que d'un Y ou de divers pseudonymes, Andrew O'.Donnor et surtout Lord Feeling, nom qui semble une réminiscence du roman célèbre d'Henry Mackensie.

C'est de ce nom qu'il signa son meilleur livre, les Scènes de la vie castillane, auxquelles nous reviendrons tout à l'heure,

(1) Voir Y Histoire de via vie, par George Sand, t. ix.

(2) Il y a un beau portrait de Fontaney, lithographie par Devéria . mais il est très-rare. Un autre portrait peint par Louis Boulanger, que beaucoup de personnes m'avaient dit avoir vu , n'a pu être retrouvé.


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et que par surcroît de précaution il fit précéder d'une biographie du faux lord. Je trouve mêlés à cette biographie apocryphe deux sonnets doiit le premier A une jeune améri- caine du nord, a été, ce me semble, répété par les keepsakes. Je citerai néanmoins l'un et l'autre à titre de curiosité, les poésies de Fontancy n'ayant plus été réunies depuis la publi- cation des Ballades et mélodies :

Vous cachez vainement votre front gracieux

Et vos longs cheveux blonds sous la longue mantille ;

De cet ardent climat, non, vous n'êtes pas fille,

Et votre âme est surtout étrangère en ces lieux.

L'œil noir de l'Espagnole est fier, audacieux, Plus de flamme peut-être en son regard pétille ; On voit au fond du vôtre une larme qui brille, Le ciel est tout entier dans l'azur de vos tjeux.

Non, l'Espagne n'a pas vos grands bois d' Amérique ; Ici ne laissez pas aux souffles de l'Afrique Le bouton se faner si jeune et si vermeil.

Sur ce sol où l'amour tarit l'âme embrasée, Gardez bien dans le cœur votre pure rosée, Fleur du nord, qui venez vous ouvrir au soleil !


Quel plaisir de fumer au Prado son cigare, Le soir, quand l'air brûlant que le jour enflamma Revient frais et glacé par le Guadarrama ! On s'assied : on entend bourdonner la guitare.


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Pais passent les enfants avec leur tintamarre, Les moines, les majos. C'est un panorama. On aperçoit de loin les femmes qu'on aima ; Dans sa voiture bleue on voit la Transtamare.

Cependant le cigare exhale son encens ; Au parfum du tabac lame s'est embaumée : On regarde monter et s'enfuir la fumée.

Cette fumée, hélas! dont s'enivrent les sens, Il semble de l'amour que ce soit un symbole : Il enivre aussi vite, — aussi vite il s'envole.

A peine sait - on aujourd'hui quel e'tait. le prénom de Fontaney, il n'en livra jamais que la lettre initiale. On nous a raconté comme une preuve de ce de'goût, de cette peur instinc- tive de la publicité donnée à sa personne, qu'il affectait, au théâtre, de se placer ailleurs que là où se tiennent ordinaire- ment les gens de lettres, afin d'éviter de paraître profiter de ses entrées.

Tel il est aussi dans ses œuvres, pleines de délicatesses et de grâces contenues. Ses articles de critique, d'une maturité de jugement et d'une finesse de goût qui les ont empêchés de vieillir, sont semés de malices fuyantes et d'ironies couvertes qui rappellent les pince-sans-rire de la tonne compagnie . Jamais il n'éclate, jamais il ne se fâche, jamais il ne blesse ; mais à propos des femmes -poètes, des poètes « dévots ou convertis », il a tout à coup des réticences, des concessions, des scrupules qui, par le flegme et l'impassibilité même, arrivent à l'extrême comique. — Les nouvelles de Fontaney sont des aventures esquissées plutôt que racontées, moins des

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récits que des confidences , moins des tableaux que des a esquisses », comme il les appelait lui-même. Dans l'Adieu, publié dans la Revue des deux mondes, en 1832, un jeune attaché d'ambassade hante, pendant toute une année, à Madrid, le salon d'une très-jeune comtesse mariée depuis un an à peine. Il reçoit tout à coup de son gouvernement l'ordre de partir pour le Brésil , et c'est dans une dernière entrevue qu'il s'aperçoit qu'il est éperdument amoureux de la ]eune dame et qu'il en est très-tendrement aimé. Le suprême adieu s'échange dans un petit salon solitaire, à deux pas du mari, à la faveur d'un air espagnol que la comtesse chante en étouffant ses sanglots (1).

L'Espagne et l'Angleterre étaient connues de Fontaney. Après la révolution de Juillet, il avait été attaché, dans un poste un peu vague, nous dit-on, à l'ambassadeur de France à Madrid, le duc d'Harcourt. Cet essai de la carrière diploma- tique, suivi, nous dit-on encore, d'amers désappointements, fut du moins pour Fontaney l'occasion de charmantes études, d'un accent très-poétique et très-personnel, publiées par la Revue des deux mondes, et dont une partie seulement a été réimprimée en volume (2) ; cette publication mériterait d'être complétée.

(1) Francis "Wey a commenté ainsi cette anecdote : « J'assistais à ce dénouement-prologue, et je n'ai jamais vu Madrid. Pour les initiés la scène était bien pius pathétique. Envoyé en Espagne, Fontaney, avant de se résoudre au départ, avait paraphrasé le réci- tatif d'Arnold : « Aller mourir sur la terre étrangère. » Mais, au lieu de répondre : — Restez ! Mathilde lui chante les Adieux de l'hôtesse arabe...» Bulletin du bibliophile. Juillet 1867.

(2) Scènes de la vie castillane et andalouse. Paris, Charpentier, 1835, in-8.

Table : Une course de taureaux à Aranjuez. — La Bella malcasada.


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On trouve dans le dernier recueil d'Antoni Deschamps, Résignation, 1839, une pièce A la mémoire de Fontaney.

ULRIC GUTTINGER a été l'un des hérauts du réveil de notre poésie au commencement du siècle. L'importance de son rôle à cette époque nous est attestée par d'illustres témoignages : Victor Hugo lui a dédié une ode ; Sainte-Beuve a chanté à lui et pour lui , et tout le monde connaît ces vers que lui a adressés Alfred de Musset dans les Contes d'Espagne et d'Italie :

Ulric, nul ceil des mers n'a mesuré l'abîme, Ni les hérons plongeurs, ni les vieux matelots. Le soleil vient briser ses rayons sur leur cime, Comme un soldat vaincu brise ses javelots.


— Le Campo-Santo. — D. Diego. — La Muger del ahorcado. — Les Parisiens à Madrid. — II Entierro de \in pobre. — Un incendie. — Une profession.

27 fr., demi-rel. maroquin rouge, Amand.

L'ouvrage est annoncé comme devant paraître en deux volumes in-8, dans le numéro de la Revue des deux mondes du 15 février 18 35.

Le volume qui nous occupe, le seul paru, porte : «Première série. »

Les articles du même genre mentionnés sur les tables de la Revue des deux mondes sont: La Horca (1 er janvier 183:2). — Une soirée à Tolède (1 er mars). — Une course de novillos à Madrid (15 juillet). — Paquita (15 novembre). — Les Dernières fêtes de la Jura (octobre et novembre). Ils devaient vraisemblablement composer la deuxième série. On pourrait y joindre les nouvelles comprises sous le titre général d'Esquisses du cœur: F Adieu; les Bouquets.

Parmi les nombreux articles de critique donnés par Fontaney à la Revue des deux inondes, on remarque une délicate étude sur Charles Nodier et ses œuvres (octobre 1832).

Signalons encore, dans la Revue de Paris du 25 juin 1837, la Sœur grise, nouvelle.


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Ainsi nul œil, Ulric, n'a pénétré les ondes

De tes douleurs sans borne, ange du ciel tombé.

Tu portes dans ta tête et dans ton cœur deux mondes,

Quand le soir près de moi tu viens triste et courbé.

Mais laisse-moi du moins regarder dans ton âme, Comme un enfant craintif se penche sur les eaux ; Toi, si plein, front pâli sous des baisers de femme, Moi, si jeune, enviant ta blessure et tes maux!

Ces vers, dates de juillet 1829, indiquent l'idéal qu'on cherchait alors de tous côtes dans les arts et dans l'art en général : — la passion — la passion ahsolue et implacable , la passion-martyre, la passion-île « escarpée et sans Lords », où brûlait d'entrer pour n'en jamais ressortir, pour y mourir assouvie et consumée, toute une génération d'hommes à qui les abus d'esprit du dernier siècle avaient donné l'horreur de la galanterie banale et de la licence fleurie. Etre heureux et en mourir ! tel était le cri de toute la jeunesse d'alors; cri de désespoir, qui accusait l'ennui de la vie qu'on lui avait faite et le besoin impérieux de se reprendre à quelque chose de mâle et de périlleux.

Ceux qui chercheraient dans les poésies d'Ulric Guttinger, dans les premières surtout, cet accent de passion violente et fatale, seraient peut-être déçus par la douceur, je dirai presque par la langueur du ton et de l'expression. Hahitués, par huit années de victoires et conquêtes de la poésie, à la facture riche et à la sévérité rhythmique, les lecteurs d'aujourd'hui trouveraient terne et un peu lâché ce style en vers libres, et dont le ton est plutôt celui de l'émotion timide que celui de la passion même. Et pourtant, à de certains cris, à de certains


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débuts surtout, on reconnaît un poète préoccupe de varier, ou, si l'on veut, de régénérer le langage de l'amour, en s'essayant à rompre par de sincères élans le moule suranné de la galan- terie poe'tique :

Ils ont dit : L'amour passe et sa flamme est rapide...

Oh! pourquoi dans tes yeux cette douleur rêveuse...?

Ah ! je voudrais mourir ! vous pleureriez peut-être; Je le verrais du ciel, si l'amour y conduit !

C'était là des notes nouvelles, et qui devaient se faire écouter. Je trouve dans un petit poème, le Bal, publié en 1824, avec le sors-titre significatif de « poème moderne, » la tentative avouée de rajeunir non-seulement la langue, mais la matière poétique, en dégageant, comme on a plus tard appris à le dire , l'élément épique ou dramatique des mœurs contem- poraines. Coquetterie, jalousie, duel ; l'amant véritable, l'amant aimé meurt de la main de son rival d'une soirée, et triomphe par sa mort de l'infidélité de sa maîtresse qui meurt de douleur après lui. C'était là le petit drame que chacun voulait faire en ce temps-là, en s'inspirant plus ou moins de Childe-Harold et du Corsaire, et comme contraste aux lacs de félicité des voltigeurs de l'ancien régime poétique. Ce petit poème, que je ne voudrais pas défendre ou louer absolument, reste dans l'expression bien loin sans doute de l'art qu'on entrevoyait déjà. La périphrase, les phrases détachées et fondues à la Delille y abondent ; les « beautés renommées » s'y couronnent de touffes de roses

Sous les doigts de Nattier nouvellement écloses;


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et plus d'une respire , avec un « doux soupir , »

Le bouquet dont Arthur se plut à l'embellir.

Mais enfin il y a là une bonne volonté manifeste d'être neuf et d'être vrai. Triompher dans la mort ! c'était bien alors une innovation; car le beau vers de Quinault, dans Atys, si mala- droitement critiqué par Boileau,

Je suis assez vengé, vous m'aimez, et je meurs!

était à coup sûr bien oublié. Il semble que c'eût été la vraie destinée de Guttinger, et son rôle véritable, de montrer et d'éclairer les voies, d'un peu loin quelquefois, sans jamais y entrer lui-même bien avant. Mais dùt-on n'entrer que des yeux dans la Terre promise, le rôle de Moïse est assez beau. Aussi , quoique Guttinger ait atteint plus tard à plus de fermeté et à plus de rigueur dans la facture, quelque bien qu'il ait profité pour lui-même de la révolution dont il avait été l'un des promoteurs, c'est dans ses premières œuvres surtout que j'aime à rechercher l'effort, l'accent, le cri de la poésie du dix-neuvième siècle à son éveil. C'est là, en effet, dans cette langue un peu hésitante où la passion se fait jour par éclairs et par élans, où le vers, souvent « dru » et « spacieux », comme le voulait Joseph Delorme, traîne après lui une queue de vieilles formules et de vieux tropes qui parfois le font trébucher; c'est dans cette lutte avec l'inconnu et dans ce déblayement du passé que se trouve le vrai Guttinger, l'Ulric héroïque, le précurseur, le pionnier.

De 1824 à 1845, date de la réimpression des poésies complètes d'Ulric Guttinger, je compte quatre publications


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successives : les Mélanges poétiques, le Bal, Charles Vil à Jumiêges (1827), suivi de poèmes et de poésies diverses, et un dernier recueil publie chez Fourmer en 1829, sans titre ni signature, ce vrai ide'al d'impression comme en doit souhaiter pour ses « arcana cordis » tout poète amoureux, délicat et dédai- gneux, et qui contenait « l'histoire d'une passion alors encore brûlante ». Ce n'est qu'en 1836 que Guttinger reçut la consé- cration de ses efforts et de son talent par la main de son illustre ami Sainte-Beuve, et à propos d'un ouvrage en prose, d'un roman, publie sans nom d'auteur, et qui était en même temps la confession du poète et le commentaire de son œuvre.

Arthur n'était pas, il est vrai, le premier roman publié par Guttinger. Nadir, histoire orientale en prose et en vers, où l'auteur s'est inspiré du Lai la Roockh de Thomas Moore, avait paru précédemment avec l'approbation de Charles Nodier. Un autre roman, d'un genre tout différent, comme l'indique son titre, Amour et opinion, avait encore paru vers 1827 (1). ce Elégie de fin d'empire, écrite par un ex-garde d'honneur, dit Sainte-Beuve, où les personnages sont de beaux colonels et des généraux de vingt-neuf ans, de jeunes et belles comtesses de vingt-cinq ; où la scène se passe dans les châteaux et le long des parcs bordés d'arbres de Judée et de Sainte -Lucie. » Amour et opinion, peinture de la société sous l'Empire, pouvait être l'introduction d'Arthur, où les sentiments et les mœurs de la Restauration sont peints avec une fidélité très- vive. Quoi qu'il en soit, de l'aveu du critique, ami non suspect de l'auteur, Arthur est bien « le seul et vrai roman d'Ulric Guttinger, et dispense de lire L'autre . »

(1) Amour et opinion, histoire contemporaine, par U.... G***. Paris, Tenon, libraire, rue Hautefeuille, 3 vol. in- 12. La seconde édition (1828 porte le nom de l'auteur.


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Ce roman écrit avec le soin exquis que les poètes mettent à leur prose, est l'histoire d'une âme de poète ; une élégie encore, mais une élégie fortifie'e de ce que la poésie avait gagné de 1815 à 1830. Toute la première partie, où le poète que le désespoir, le dégoût, la fatigue de souffrir doivent plus tard jeter aux pieds de Dieu, raconte ses agitations et ses combats, est un vrai roman tel que le pouvait écrire un homme qui avait vécu de toute la vie d'une époque, et que réclament dans l'ordre littéraire Valérie, Obermann, le Rouge et le noir , le Monde comme il est, tous les meilleurs de ce temps-là. C'est bien là la lutte dont je parlais tout à l'heure de gens nés trop tard pour la guerre, et qui cherchent les combats dans la vie. Les passions nées de l'oisiveté de la Restauration, passions de la tête et du cœur, débats littéraires, luttes autour du piano, y sont exprimées avec une finesse, avec une intelligence, qui déjà donnent au livre tout l'intérêt de mémoires. L'homme du monde de la Restauration, l'homme des salons, le « beau », demi-causeur, demi-héros, y est étudié et parfois résumé d'un trait qui l'évoque et le fait vivre. « C'est un mélange du Gymnase, de Corinne, et de la Comédie-Française; le Werther s'y montre par instants , mais avec une certaine pudeur. » Valérie n'eût pas mieux dit. Sainte-Beuve note avec raison , parmi les pages les plus frappantes du livre , parmi celles où l'art a le mieux retenu l'émotion, une fuite en chaise de poste par un temps gris, sur une route défoncée par les pluies d'orage, et où mille accidents rappellent le volup- tueux et le romanesque au sjiectacle des maux réels de l'huma- nité : la rencontre d'une diligence sordide, peuplée de figures ignobles et fatiguées ; un marché de petite ville, où marchands et acheteurs se querellent dans la boue ; le cantonnier broyant les cailloux sur le bord de la route : « Ln vieux roulier, d'un


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teint plus cuivré, plus fatigué cpie celui d'un nègre africain penché dans les sillons de l'Amérique, s'approcha du canton- nier et alluma sa pipe noire au charbon de la sienne. Le regard, le silence de ces deux misérables créatures , le remereîment sombre et court de cette « consolation » si bizarrement puis- sante, me sont pour toujours présents. — Le roulier retourna à ses maigres chevaux... Le fouet s'agite, siffle ! une impré- cation se fait entendre, avec une malédiction du malheur au malheur ! La voiture marche avec ce craquement des roues qui brisent le pavé et semble aussi le gémissement de ce qui est animé sur la terre, où il faut que tout souffre et se plaigne. Ce gémissement m'a souvent causé une émotion profonde dans les nuits passées en la chambre bien close de quelque beau château paisible, entouré des vieux arbres d'un parc voisin d'une grande route peu fréquentée. Eveillé par une rêverie heureuse dans mon lit d'oisif et d'homme inutile, j'entendais, avec je ne sais quel trouble mêlé de remords, ce bruit nocturne du roulier lointain, ce broiement lent et laborieux de la terre telle que l'ont faite les hommes... » J'ai donné toute la page, parce que, après tout, la prose d'un poète est encore de la poésie, et que dans cette prose de Guttinger se trouvent un accent mâle et une énergie qui manquent quelquefois à son talent poétique.

Dans ses Portraits contemporains, Sainte-Beuve a réuni dans un même article CHARLES LOYSON, AlMÉ DE LOY et JEAN POLOMUS. C'était en quelque sorte marquer la gradation d'une même inspiration et sa marche à travers le temps.

Loyson, mort en 1820, est, comme le dit Sainte-Beuve lui- même, un intermédiaire entre Millevoye et Lamartine.

De Loy, qui vécut jusqu'en 1834, indique une nouvelle transition, celle des premières élégies en vers libres : Cueillons,


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cueillons la rose au printemps de la vie... Oui, l'Anio murmure encore — aux premières pièces rhythmées des Méditations : le Lac, le Soir, l'Automne, l'Isolement.

Avec Labenski, son contemporain, mais qui lui survécut de quelques années, nous sommes en plein Lamartine et même un peu au-delà : entre les Nouvelles méditations et les poèmes philosophiques de M. de Laprade, par exemple. Parvenu à une époque de maturité poétique, Labenski put donner à son génie un développement plus libre. Certaines pièces d'un exécution très-ferme, telles que l'Exil d'Apollon, ou certaines parties de son Empédoclc, sont bien à lui et d'un caractère qui lui constitue une originalité de bon aloi. Son âme de philosophe s'y meut à l'aise et pleinement dans une forme grave et arrêtée, aussi distante de la mysticité vague du lakisme français, que de la frivolité du dernier siècle. Erostrate, sa dernière œuvre, publiée en 1839, donne la mesure de son ambition plutôt que la mesure de son talent. Non pas qu'il ne se trouve dans ce poème mûrement conçu et largement déve- loppé (il a plus de trois cents pages) de grandes beautés poétiques. Il y règne un sérieux, une solennité de tragédie ou d'épopée. La fable est profondément méditée et conduite avec l'art des grands poètes. Dans Erostrate, le poète a personnifié tous les désespoirs, tous les désenchantements, cette lutte de l'ambition et du dégoût qu'on a longtemps appelée, vers 1820, « le mal du siècle. » Aussi, le peu de succès que ce poème a obtenu lors de son apparition doit- il s'expliquer surtout , suivant moi, par un anachronisme. Venu dix ans plus tôt, il eût trouvé à qui parler ; il eût été à l'unisson des âmes et des esprits. Sainte-Beuve qui a connu personnellement l'auteur d'Erostrate, nous apprend qu'il travailla pendant de longues années à ce poème, interrompu dans son travail par mille


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affaires distantes de la poésie. Cette lenteur, ces interruptions qui ont nui au succès de l'œuvre, ont aussi nui à l'œuvre elle- même. La pensée blasée et distraite se traîne dans un style lâche et languissant, où rien ne relève la monotonie des rimes accouplées. Erostrate, en un mot, a été écrit de mémoire, et non d'inspiration. L'auteur avait été plus heureux dans Empédocle, poème du même genre, où se trouvait en germe la pensée développée plus tard dans Erostrate, mais exprimée dans une forme plus serrée et en même temps plus variée. Aussi l'éminent critique que j'ai déjà cité a-t-il eu toute raison de dire que, malgré les efforts sérieux et sincères, malgré le talent dépensé dans son dernier ouvrage, Labenski doit rester surtout l'homme de ses premières œuvres, l'auteur d'Empé- docle et des pièces qui lui firent cortège de 1827 à 1829. C'est bien là sa date en effet , et à considérer l'espèce de défaillance que j'ai signalée dans son dernier poème, il est douteux qu'il pût aller bien loin en avant, ni se mettre au pas d'une nouvelle évolution de la poésie. Peut-être serait-il plus facile, comme sentiment et surtout comme manière, de le faire reculer en deçà; témoin la pièce suivante que je ne transcrirais pus dans un excerpta parmi les meilleures du poète, mais que je dois citer ici comme marquant le point de départ, et comme expliquant son éducation :


A**


Ma voix trop grave à présent, vous ennuie; Vous demandez des chants moins sérieux, Tels que naguère, au matin de ma vie, En modula mon caprice amoureux.


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Que voulez-vous ? les chants qu'Amour inspire

Sont dédaignés de ce siècle inconstant.

La France est grave, à ce qu'elle prétend:

Sur un ton grave il faut monter la lyre.

Moi-même, hélas ! oublié des amours,

Je deviens sombre, et les soins de l'étude,

Loin d'enchaîner ma triste solitude,

Ont trop souvent rembruni mes beaux jours.

De mon avril, idole passagère,

J'ai vu l'amour, au bout de l'horizon,

S'enfuir pareil à la brume légère

Qu'au fond des deux disperse l'aquilon.

De ses transports la mémoire affaiblie

Déjà s'efface et bientôt va mourir.

Irai-je encore, au gré de votre envie,

Interroger leur cendre refroidie ,

Ne chantant plus l'amour qu'en souvenir ?

Ah! pour le peindre, il le faudrait sentir!

Daignez 771' aimer... vous serez obéie.

Nous ne sommes pas loin de YAlma7iach des Muses et des stances à la marquise Duchâtelet. Compares à ce badinage , à ce petit esprit de charade et de salon, l'Exil d'Apollon et le monologue d' Empéclocle marquent un progrès considérable. Néanmoins ce parentage avec le dix-huitième siècle n'était point indiffèrent à noter chez un poète philosophe. Les élégies, celles du premier recueil au moins, sont trop souvent de ce ton : sans doute il faut faire sur ce point la part de l'origine étrangère de l'auteur qui naturellement , pour quelque temps du moins, a dû laisser son éducation littéraire un peu en retard du mouvement français. Lahenski se relève dans les


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stances , dans les petits poèmes composés : la Folle, les Cygnes, Stances à un ami, la Jeune veuve, où se trouve ce vers charmant , de ceux qu'on n'oublie pas :

Elle sourit pourtant du fond de sa tristesse....

Ne devine-t-on pas une âme vivement impressible et plus attentive qu'on ne l'était généralement alors aux charmes de la nature , dans ce début de la pièce intitulée : Au bord de l'eau :

Le soleil meurt; ses doux rayons Teignent de rose l'eau tranquille. Le daim s'endort sur les gazons, Le cijgne rentre dans son île. Vers les rivages où l'osier Sur l'onde étend sa tête avide, Lassé du jour, le batelier Va ramenant sa barque vide.

Entendez-vous ces bruits lointains ? Les faneurs quittent la campagne...

Le poète s'est peint , il a peint son âme vaillante à la pour- suite de l'idéal , dans ces derniers vers de l'hymne A la perfection :

Hélas! je t'invoquai dès ma première enfance; Tu brillais devant moi dans un lointain obscur, Comme un de ces grands monts dont la cime s'élance Sur un vague horizon de vapeur et d'azur.


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Le voyageur les voit quand ils dissipent l'ombre;

Il les voit quand la nuit recommence son cours;

Il s en croit toujours près , mais des ravins sans nombre

L' éloignent de ce but qui recule toujours.

Au pied de la montagne il parviendra peut-être; Mais qui toucha jamais son sommet éternel? Nul pied ne l'a foulé, nul oiseau n'y pénètre, Rien!... que les vents de l'air et les rayons du ciel.

Ainsi tu m' apparais, incertaine, inconnue, Beauté que je cherchai dès l'aube de mes jours. L'aube a fui, — de midi l'heure est presque venue, Et sans t 'atteindre, hélas! je te cherche toujours !

Je ne t' atteindrai pas , montagne inaccessible! Mais ton pic rayonnant , de loin toujours visible, Sert de but à ma course et de phare à mes pas. Je ne t'atteindrai pas, — mais ta clarté chérie Aura du moins doré l'horizon de ma vie, Et détourné mes yeux des fanges d'ici-bas.

Je trouve enfin dans les dernières strophes d'une pièce sans titre cette belle image où l'on peut louer encore , outre la grâce et la fraîcheur d'expression , l'art de donner pour langage à la passion l'impression des Leautés naturelles :

Le fond du lac n'est pas toujours limpide : Qu'un voyageur, qu'un téméraire enfant Jette une pierre en son cristal humide, Un noir limon s'en élève à l'instant.


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Mais par degrés plus tranquille et plus claire, On voit bientôt la vague s'aplanir, Et tout brillant de sa splendeur première, L'azur du ciel revient s'y réfléchir.

Souvent ainsi le tourbillon du inonde, De mes penser s troublant la douce paix, Vient y mêler comme une fange immonde, Qui dans mon sein voile un moment tes traits. Mais lorsque a fui la foule murmurante , Lorsque le calme en mes sens est rentré, Le voile tombe, et ta forme charmante Se peint encor sur mon cœur épuré!

C'en est assez sans doute sur un poète que ses efforts , mal- gré un talent sincère ; n'ont pu porter au premier rang, mais qui n'en mérite pas moins d'être compté parmi les initiateurs et les premiers pionniers de la poésie moderne. Dans Empé- docle et dans les pièces que j'ai citées, Labenski a conquis une place, et la doit garder, entre Auguste Barbier dont il fut un jour l'émule , — Barbier plus passionné et plus véhément sans doute, mais auprès de qui il se soutient fermement dans sa gravité philosophique, — et Lamartine, dont il fut mieux que l'élève.

Erostrate est le premier et le seul ouvrage que Labenski ait publié sous son nom. Les deux précédents volumes avaient été signés du pseudonyme Jean Polonais. En ce temps de res- pect pour l'art, le public n'exigeait pas du poète qu'il lui livrât sa personne et sa vie, la curiosité ne débordait pas sur l'admiration. Le poète, plus encore que l'homme, gagnait à cet


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éloignement. Il était encore en ce temps là l'être mystérieux et symbolique chante dans les Méditations :

Nonchalamment bercés sur le courant de l'onde, Ils passent en chantant loin des bords, et le monde Ne connaît rien d'eux que leur voix!

Lorsque Erostrate parut, le masque tomba. L'on apprit que Polonais « n'était autre que M. X. Labenski , longtemps atta- ché à la légation russe à Londres, et plus tard à la chancellerie de Pétersbourg. »

On connaît de THÉODORE CâRLIER un volume, Tu X ,, publié en 1838 (1), et qui, ce n'est pas à la honte du poète que je le dis, s'est beaucoup vu sur les quais, où les majuscules grecques de son titre attiraient l'œil des collégiens. C'est un beau volume in-8 de 400 pages , superbement imprimé sur papier fort par Everat , avec de belles marges et des blancs splen- dides; un volume en tout conforme aux prescriptions des an- ciens privilèges royaux , du temps où les rois aimaient assez la beauté dans les choses pour n'accorder de patentes qu'aux livres « imprimez sur bon papier et en beaux caractères. » J'ignore l'âge qu'avait Théodore Carlier lorsqu'il publia ce volume, mais j'aimerais à le supposer jeune , pour m' expliquer la fai- blesse des premières pièces comparativement aux dernières. Le style des premières pièces est inégal, confus et vague; le lieu commun y abonde; le mot prosaïque (position, caractère dans le sens d'humeur , etc. ) , les termes arbitraires de la conver-


ti) Il existe un précédent recueil de Théodore Carlier, Voyages poé- tiques, suivis d'une traduction en vers du Giaour. Paris, Levavas- seur. IS30, in-18.


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sation y détonnent, les images n'y sont pas suivies ni correctes. Ainsi, dans un sonnet que j'avais voulu citer d'après les Annales romantiques de 1831 , qui commence par un très- beau vers, et se soutient très -heureusement jusqu'au dou- zième :

Désert pour qui le ciel n'a pas d'eau fécondante, Le Sahara sans borne, océan sablonneux , Déroule ses flots d'or comme un serpent ses nœuds, Quand le simoun le fouette avec son aile ardente.

Là se traîne la soif à la langue pendante; Là le pied brûle au sot; là nul trou caverneux N'offre d'ombre, et l'hyène au regard soupçonneux Y fait rugir l'écho de sa voix discordante.

Là, baigné de sueur, on s'égare souvent

A chercher le palmier que rafraîchit le vent,

Et près de l'oasis le ruisseau qui tournoie,

Point vague, imperceptible , à l'horizon lointain...

le sens est tout à coup faussé dans le dernier tercet par cette conclusion inattendue et inapplicable:

Ainsi le cœur meurtri par les coups du destin, Renferme tant de maux que le bonheur s'y noie!

L'auteur a comparé le cœur desséché par le malheur à un désert sans eau , et il tire de cette comparaison une belle image , mais où donc le bonheur trouvera-t-il à se noyer dans cette plaine aride « sans oasis » et « sans ruisseau » ? Et comment

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le bonheur s'y prendra-t-il pour se noyer dans un tas de maux renfermés dans un cœur? Et combien faut-il de maux entassés pour noyer un bonheur ? Et...? Et...? Et...?

Vers la seconde moitié du volume (je compte par dates et non par pages), ces incorrections disparaissent et l'on peut juger plus sûrement du talent de Théodore Carlier. Carlier n'était , ou n'est point un poète lyrique : sa poésie n'a pas le mouvement de l'ode ; hors du sonnet , rhythme éminemment philosophique par sa concision, et dont les périodes rappellent les formules sévères du syllogisme, il s'inquiète peu des coupes et des combinaisons rhythmiques. Sa forme est celle du dis- cours alexandrin , et dans ses heures de fantaisie , il ne va pas plus loin que la stance simple et régulière. C'est un poète phi- losophe, méditatif et sympathique. L'âme humaine, ses atti- tudes et ses comportements , l'âme humaine dont il a pris le nom divinisé pour titre de son livre , en est en effet l'unique ma- tière. Les pièces les plus développées du recueil sont des études de phénomènes psychologiques et moraux auxquels on pour- rait donner pour titres, comme aux chapitres de Montaigne, des formules démonstratives, par exemple : Qu'il ne faut pas regarder de trop près aux amitiés humaines {Désenchantement, p. 33). — Que les maux imaginaires s'évanouissent devant un malheur réel (Une goutte d'eau et la mer, p. 42). — Qu'un amour bas flétrit la vie (Imprévoyance). — Que les blessures reçues dans l'enfance influent parfois sur la conduite et sur le caractère moral de l'homme (Comparaison, p. 62). — Que les idées qu'on a sur la mort changent avec l'âge (Bizarrerie). — Que l'honneur, la poésie et l'amour sont préférables à la richesse, à la gloire et au plaisir (Préférences). — Qu'il est plus aisé de tirer profit de la mauvaise fortune que de faire bon usage de la prospérité (Écueil, p. 103). — Que les souvenirs


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d'enfance aident à supporter les maux de la vie (p. 113). — Qu'il faut quelquefois aimer la main qui nous Liesse (Inexpé- rience, p. 293;. — Que souvent le honneur n'est compris qu'après qu'il est passe (Aveuglement). — Que le lendemain d'un adieu est plus pénible que l'adieu même (Départ, p. 399). Dans ces pièces et dans toutes celles du même genre , l'auteur , commandé par son sujet, ne s'écarte guère du ton calme et froid d'un raisonnement philosophique. Dans certaines autres , d'un intérêt moins général et plus personnel , il arrive à l'élo- quence, à la chaleur, à d'heureuses finesses de pensée, au bien- trouvé, plus encore dans la conception que dans l'expression. Par malheur, le mouvement du style est rarement soutenu jus- qu'au bout , et l'on aurait peine à trouver une période pleine et entière sans accroc, ni défaillance. xVutrement , l'on aimerait à citer, par exemple, dans la pièce intitulée Prédilection , la tendre et véhémente apostrophe d'une mère à l'enfant mal venu et disgracié qu'elle préfère à ses frères plus beaux et plus aimables :

...Frêle, chétif, fleur pâle, fruit taché,

Triste , et parfois despote avec ceux de so?i âge,

II n'était accueilli de nul du voisinage;

Voilà pourquoi sa mère, aux regards l'enlevant,

Contre son sein ému le serrait si souvent ,

En lui disant : « Viens, viens, que sur moi je te presse!

Qui te caressera, si je ne te caresse?

Oh! quand tu seras seul , j)our consolation,

Rappelle toi du moins ma vieil/" affection.

Si te monde, plus tard , te. fait des meurtrissures,

Mon image mettra du baume a tes blessures,

Et tu t'efforceras , plus confia/)/ />/> foi,


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De devenir encor cher à d'autres que moi... Non, tu n'es pas méchant ! »

Malheureusement, ces vers que nous cueillons pour ainsi dire, pour les rapprocher et les grouper, sont intercales dans le texte de pensées communes et de vues faibles qui ralentissent et tuent ce mouvement qui pourrait être fort beau.

La pièce intitulée Châtiment est le développement d'une de ces fortes pensées qui me séduisent chez Théodore Carlier, malgré ses imperfections de forme et ses trop fréquentes incor- rections. Un homme a offensé son ami, et l'ami est mort. N'est- ce pas , dit le poète , le comble de la misère humaine que ce tort dont la réparation est impossible?

Un naufrage de biens se répare. . .

La perte d'un enfant avec te temps s'oublie, Lorsque naît un enfant.

Oui, sans doute, oui, souvent le calme suit l'orage; La vague, aux lois de Dieu, quelle que soit sa rage,

A la fin s'asservit ; Un chagrin quelquefois cède au cri de l'enfance; On se prête une excuse à côté de l'offense...

Lorque l'offensé vit!

Mais l'être intime et cher qui de lui l'a reçue S'est, des maux d'ici-bas cherchant l'unique issue,

Endormi dans la mort! Et lui que le ciel force à rester sur la terre, Payant de son repos son crime involontaire ,

Il porte un lourd remords.


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Il marche, il marche donc, troublé, sombre, en silence, Sans voir le fruit qui brille et que le vent balance

Aux arbres du chemin; Sans voir si quelque ami, le regard triste et tendre, En passant près de lui s'arrête pour lui tendre,

D'un air ému, la main.

N'essayez pas, cherchant les paroles sensées, De détourner le cours de ses noires pensées ;

Ce serait vainement. Il ri entendrait , soigneux d'éviter votre approche, Rien que sa conscience oh le bruit du reproche

Gronde éternellement.


Vos discours, fussent-ils doux comme une harmonie

Comme un concert d'élus, N'égaleront jamais la douceur indicible De ce mot qu'il demande à la tombe inflexible :

« Je ne me souviens plus ! »

Assurément il y avait là l'écho d'une pensée grave et d'une conscience sévère ; mais malgré les entailles et les amputations pratiquées dans les passages que nous venons de citer, combien encore le penseur est-il trahi par le poète ! Il n'est que trop vrai que très-souvent les poésies de Théodore Carlier gagne- raient à être racontées ou traduites..

Dans Autrefois, l'auteur exprime avec une candeur très- louable, à mon avis, le plaisir indirect et impersonnel que cause la rencontre d'un contemporain qu'on n'aime point, — cama-


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rade, dit-il, et non point ami, — mais dont la présence rap- pelle les années heureuses et les souvenirs chers :

Une suave époque en toi m'est ramenée


Peins-moi mon plus jeune âge et mon adolescence ; Peins-moi les traits de ceux dont l'éternelle absence

Fait saigner mon sein douloureux ; Monument resté seul debout dans mes décombres , Oh! je te chérirai, toi l'ombre de leurs ombres,

Sinon pour toi, du moins pour eux!

Oh! je te chérirai — comme un anneau, doux gage! Comme un chiffre, un billot dont le muet langage

Répond à de tendres aveux ! Comme un portrait reçu d'une femme adorée! Comme le médaillon dont la boite dorée

Serre une boucle de cheveux!

Que des plaisirs goûtés et des pleines souffertes Les images souvent par toi me soient offertes,

Garde-toi de me rien celer! Dis-moi mes biens, mes maux, mes épines , mes roses; De ce temps qui n'est plus raconte-moi les choses,

En te montrant , — sans me parler !

Et pour prix de ces visions évoquées par ta présence , je te regarderai tant, ajoute-t-il, cjiie tu t'en croiras aimé!

On pourra trouver quelque férocité dans ce mépris si bruta- lement confessé d'un être qui se croit aimé et qui n'est qu'utile.


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Il n'est pas mauvais, cependant, ni injuste, de proclamer rpic les affections sont affaire de discernement , et que les imbéciles n'ont pas le droit d'exiger qu'on les aime pour eux-mêmes. L'ironie persistante sous la gravité, cette ardeur à enguirlander un sot pour obtenir de lui ce qu'on désire , et rien que ce que l'on désire , c'est-à-dire sa présence et son silence , auraient pu faire de cette pièce de Théodore Carlier un chef-d'œuvre, si là encore il avait su se garder du lieu commun et de la mollesse.

Calice, c'est la comparaison , détail pour détad , de la mort calme et de la mort désespérée.

Ici le vers éloquent et soutenu est moins rare que dans les pièces précédentes; nous trouverons même plus d'une strophe à citer sans repentirs :

Mourir, lorsqu'on ne va qu'en des routes choisies! Lorsqu'il n'est pas de vœu qu'on ne puisse accomplir!


Mourir , lorsqu'on est belle et que l'on est aimée:


Mourir, lorsqu'on est mère, et que, débile et frêle, Un tout petit enfant vous rit de son berceau, Auprès d'un frère aine qui grandit sous votre aile, Comme, à l'abri du vent, sous l'arbre un arbrisseau!

Mourir, lorsque le sort dont la. main complaisante D'éblouissants reflets dore votre horizon, Vous caressant toujours , jamais ne vous présente Que le bonheur pour lot, que l'été pour saison.


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Mourir , lorsqu 'en partant après soi l'on est sûre De laisser un chagrin sans pouvoir le guérir; Sans pouvoir la fermer de faire une blessure; Alors, il est alors bien cruel de mourir!...


Mais quand au désespoir l'existence est livrée,

Quand vous ne prévoyez , pour le jour qui doit suivre Que des chagrins plus grands que ceux du jour passé;

Quand vos fils sourds, hélas! aux conseils qu'ils entendent, Masquent des sentiments que vous avez trop lus; Quand jaloux l'un de l'autre, en secret ils n'attendent Pour se haïr que l'heure oh vous ne serez plus;

Quand on sent, — pour avoir déjà pu reconnaître Un suc plein d'amertume aux fruits de ses rameaux,— Qu'en expirant, demain l'on changera peut-être En théâtre de crime un théâtre de maux;

Quand un noir ouragan bat votre onde avec rage; Quand partout votre ciel d'éclairs est sillonné; Quand l'avenir s'annonce encor plus gros d'orage; Alors, mourir alors, c'est mourir en damné!

Pauvres âmes! là-haut allez, allez- plus calmes! Reprenez confiance en remontant aux deux : A quiconque souffrit Dieu réserve des palmes ; Dieu ne ferme jamais ni ses bras ni ses yeux.


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De ceux que vous aimiez il lavera les fautes. Il sait leurs deuils, vos pleurs , et comment les finir. Dans son sein réunis un jour , célestes hôtes , D'extases inondés, vous n'aurez qu'à bénir !

Remariée! est une des conceptions les plus originales du livre : c'est l'adultère des secondes noces démontre par des arguments poétiques.

La jeune veuve est restée quatre ans fidèle à son premier serment :

Lasse à la fin d'errer tristement solitaire

Dans sa route encor longue à parcourir sur terre,

Un jour qu'en pleurs brûlants son chagrin débordait,

Elle accepta la main qu'un ami lui tendait,

Et se remaria.

Dans l'église prochaine Lorsqu'elle fit bénir cette seconde chaîne, A travers ses grands cils, réseaux d'aspect soyeux , On vit en ses regards luire un rayon joyeux. C'est que ses noirs ennuis, ses angoisses sans trêve, Lui parurent alors n'avoir été qu'un rêve.

Il lui vint à l'esprit que jusque» à présent Elle avait eu sur l'âme un cauchemar pesant , Oui lui parlait de fièvre et d'être cher qui souffre, D'adieux, d'abîme ouvert, d'époux qui tombe au gouffre, Et que sur ce théâtre où le sort la jouait Heureusement son drame enfin se dénouait. Elle crut un instant, de bonheur éperdue,


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Etre la jeune fille, à sou passé rendue,

Qui jadis cachant mal tout son ravissement ,

Devant le même autel fit le même serment.

Mais ce songe éveillé ne fut à sa nuit sombre

Qu'un éclair fugitif qui brille et meurt dans l'ombre;

Car elle tressaillit et son corps devint froid

En voyant qu'elle avait deux anneaux à son doigt.

Le soir, quand, de retour, le cœur gros d'amertume,

Elle s'agenouilla, comme elle avait coutume,

Elle n'osa prier

Elle crut en son trouble entendre au fond de l'âme Une secrète voix qui lui jetait un blâme; Car elle sentait bien qu'elle avait mérité Qu'on ne l'attendît plus pour une éternité.

Et lorsque à ses côtés l'époux nouveau prend place , A ses baisers de flamme elle paraît de glace; Elle s'observe, osant répondre à peine : Oui, non; Car, hélas! elle a peur de se tromper de nom. Et lorsqu'elle s'éveille au jour qui vient de naître, Elle est pleine d'effroi de ne pas reconnaître , Dans les traits de cet homme auprès d'elle endormi, Les traits qu'à son sommeil offrait un rêve ami.

Aussi la voyant grave et si préoccupée , Ne dites pas : Quel coup l'a donc encor frappée ? Non, mais dites plutôt : C'est qu'elle est obsédée, Et sans cesse et partout , de cette unique idée : Pour marcher avec moi dans le même chemin Deux hommes ici-bas ont recherché ma main;


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Là-haut , après des jours que la tristesse abrège, Lequel doit ni accueillir? auquel appartiendrai-je!

Je ne sais si par ces citations, par les dernières, du moins, j'aurai donne' l'ide'e du genre de mérite que je trouve aux poésies de Théodore Carlier. Les défauts, je les ai marqués ; ils sont ceux du temps, ou pour mieux dire, du moment. Par la date de son recueil, en effet, l'auteur de iv/r, se rattache à la réaction de 1840, alors qu'on combattait pour la philosophie contre l'art dans les travaux de l'esprit , et par là il s'apparente avec le poète qui va venir après lui. Théodore Carlier était un esprit subtil, réfléchi, ingénieux; il a des déductions inat- tendues, des finesses d'analyse qui surprennent et qui plaisent. Les épigraphes de ses poésies témoignent de bonnes lectures. 11 est un exemple de ce que le talent peut perdre à négliger l'art .

Théodore Carlier est mort professeur en province.

Je n'ai jamais été bien attiré par les romans de GUSTAVE DkOUINEAU, esprit systématique, pédant et troublé par les visions humanitaires. Ni le talent ni l'invention n'ont manqué à Drouineau ; mais nul n'a été atteint plus que lui par la grande maladie de l'époque : la manie de sauver le monde. Il a même été quelque temps considéré comme le fondateur d'une religion, le a Néochristianisme. » Ceci est grave. Le Manuscrit vert et Résignée se braient avec intérêt et avec plaisir si l'auteur n'avertissait à chaque page et dans ses préfaces qu'il n'emploie la forme romanesque qu'à son corps défendant, et seulement pour s'accommoder à la frivolité du siècle. Il proteste qu'il n'a d'autre but que de mettre la société en face d'elle-même, et de faire pénétrer dans le public, emmiellées de poésie et de litté- rature, des idées régénératrices qu'il se propose de condenser


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plus tard dans un livre plus grave, qui n'a jamais paru. Le châtiment ne s'est pas fait attendre : à mesure cpie le philosophe et l'apôtre se perfectionnaient en Drouineau, l'écrivain, l'artiste périclitait. Après avoir dit dans une de ses préfaces « qu'il n'avait pas le temps de hien écrire parce qu'il pensait trop, » il a fini par déclarer que les langues n'avaient pas de mots pour rendre ses pensées ni ses rêves, et qu'il serait plus conve- nahle au poète de s'exprimer par des cris, comme les animaux, que par des paroles. Il est actuellement dans une maison d'aliénés, à la Rochelle.

On devine ce qu'un pareil système pouvait produire en poésie. Son unique recueil de vers, les Confessions, Charles Gosselin , 1834, in-8, est attaqué de la même maladie que ses romans : la morgue , le ton pédantesque et prêcheur ; et comme le temps qui lui manquait pour soigner sa prose lui manquait encore plus pour soigner ses vers, le style est presque uniformément lâché, confus, défectueux de coupe et de rimes, et bourré de ces généralités vagues qui sont les chevilles de la pensée. A peine trouve-t-on par hasard une idée qui sente le poète, ou un mouvement qui révèle un artiste. La mémoire retient, par exemple, une petite pièce en stances de six vers (1), dont chacune ramène ce refrain mélancolique :

Pourquoi suis-je prêt à pleurer ?

La campagne est verte ; le printemps rit dans le ciel et dans les cœurs, et fait éclater la verdure des bourgeons ; et toujours la larme revient à l'œil et le soupir aux lèvres. Une jeune fille passe, jolie, gaie, alerte, s'amusant du vent et des

(1) La Jeune fille dans les prés.


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fleurs. Qui est-elle ? où va-t-elle ? que fait-elle seule et sans sa mère? Hélas! tu seras trompée peut-être un jour, et tu souffriras !

Pourquoi suis-je prêt à pleurer ?

On trouve clans la pièce intitulée les Tapisseries la vie ou plutôt la légende de Napoléon , résumée avec une vigueur et un élan qui rappellent — mais de loin — les ballades guerrières de Kœrner. Dans une autre pièce encore, les Toits, Drouineau a voulu peindre la rêverie délicieuse d'un écolier réfugié sur le toit d'une maison et jouissant dans l'ivresse de la liberté du panorama de la ville, avec la mer à l'horizon, et près de lui, à une fenêtre, une jeune fille belle et charmante qu'il admire et qu'il aimera l'année qui vient. Louis Bertrand, le visionnaire, l'auteur de Ma chaumière et du Maçon, eût fait un chef-d'œuvre avec cette donnée que Drouineau a gâtée avec ses incertitudes de forme et sa fluence.

De tout le volume, je ne vois rien à citer que seize vers où le poète a su garder, sans faillir et sans s'embrouiller, le ton de la méditation ardente ou de l'oraison jaculatoire :

RÊVERIE

Encor si l'on savait le secret de la tombe, Si lame s'élevait , ainsi qu'une colombe A travers le ciel bleu, vers cette immensité Où Dieu jouit de tout et de l'éternité ! Si l'âme, se trouvant sous la forme d'un ange, S'enivrait à jamais de bonheur sans mélange; Si rejetant la coupe ou l'on boit tant de fiel,


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Les âmes qui s'aimaient se revoyaient au ciel !

Si des mondes roulants l'ineffable harmonie,

La majesté de Dieu, sa puissance infinie,

L'orgueil d'être immortel, de voir créer sans fin,

D'unir son chant d'amour au chant du séraphin ;

Si les plaisirs sacrés du céleste domaine,

Qui n'auraient point de mot dans toute langue humaine,

Dont notre esprit a soif et qu'il ne conçoit pas,

Se montraient devant nous au delà du trépas!

Dans cet article commémoratif, j'ai dû naturellement ne m'attacher qu'aux oublies et aux contestes. Je n'ai donc point à réclamer pour Emile et Antoni Deschamps, quoique, pour tout dire, la réputation d'Antoni ne me paraisse point à la hauteur de son mérite. Sa fermeté, sa tenue, son instinct du grand et du sévère, le sentiment du relief et de la couleur lui donnent place parmi les plus excellents poètes de ce temps-ci ; l'avenir le fera classique. J'ai souvent entendu parler de l'impression causée dans le monde artiste par la publication de ses vives et fermes peintures de la vie italienne : le Jour des moccoli , l'Enterrement de la jeune Romaine, le Jeune homme assassiné, etc., etc. Lui seul a eu dans notre siècle le sens et l'accent sincère de la satire indignée, froide et superbe. 11 a gardé de F époque de ses débuts, époque sérieuse pour l'art, la gravité du poète qui travaille sous l'œil de la postérité. Enfin n'oublions pas qu'il est le seul poète français qui ait jouté heureusement avec le Dante, en s'attachant moins à la lettre qu'au mouvement, et plus au ton qu'à la phrase. Cette traduction fragmentaire est la meilleure étude que nous ayons d'après la Divine comédie, celle qui fait le mieux comprendre le génie de son auteur.


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Cette vindication, ou plutôt cette consécration d'une noble et mâle figure poe'tique, tentera quelque jour, je l'espère, un critique enthousiaste et dévoué aux lettres (1).

J'ajouterai, comme dernier regret à exprimer, que quelques poètes de ce temps-là, dont j'aurais aimé à parler ici, n'ont jamais réuni leurs œuvres en vers, et que les échantillons que j'ai rencontrés çà et là ne suffisaient point pour établir un

(1) Ouvrages d'Antoni Deschamps : — la Divine comédie de Dante Alighieri, traduite en vers français. Paris, Gosselin, Canel et Leva- vasseur, 1829, in-8, avec une lithographie représentant l'Enfer, le Purgatoire et le Paradis. — Trois satires politiques, précédées d'un prologue. Paris, Riga, "Werdet, 1831, in-8. Ces trois satires : Aux hommes du passé, prologue; I. l'Amour d'aujourd'hui ; II. les Flatteurs de la populace; III. les Hommes politiques; se retrouvent dans le recueil suivant, mais modifiées. — Dernières paroles (poésies, anonyme). 1835, in-8. — Résignation, poésies. Paris, imprimerie de Crapelet. 1839, in-8.

En 1841, le libraire Delloye donna dans sa Bibliothèque choisie une édition en un seul volume des poésies complètes d'Emile et d'Antoni Deschamps (les deux parties ont été quelquefois séparées), avec deux vignettes, l'une, pour Emile, la Mort de Rodrigue, dessinée par Claudiils Jacquand ; l'autre, pour Antoni, Rencontre de Dante et de Béatrice, par Louis Boulanger, toutes deux gravées par F. Delanoy. En tête des poésies d'Emile Deschamps , la préface fameuse des Etudes françaises et étrangères (in-8, 1828) est remplacée par un avant-propos de quatre pages.

La Bibliothèque choisie de Delloye méritait d'être citée ici. Ce fut comme une dernière protestation de la librairie à intentions pitto- resques contre l'avènement de la loi du bon marché, décrétée par Charpentier, et qui progressivement devait nous conduire à l'abîme de la librairie à quatre sous. Obligé de subir l'uniformité de l'in-18 et de la mauvaise typographie, Delloye auquel on doit d'ailleurs d'assez beaux livres illustrés, protesta du moins en décorant ses éditions de gravures sur acier, assez jolies, quelques-unes même à l'eau-forte, exécutées par Trimolet et Daubigny, qui travaillaient l'un et l'autre dans le même temps à la belle publication des Chansons populaires de la France, entreprise par le même éditeur. Plusieurs livres de la Bibliothèque choisie méritent donc d'être recherchés au moins pour les vignettes, tels que le Maçon, de Michel Masson ; le Moine, de Lewis ; Fortunio, de Théophile Gautier.


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jugement. Comment, par exemple, n'avons-nous pas un recueil des poésies d'Alexandre Dumas, qu'il serait intéressant ou tout au moins curieux de retrouver ? (Voir dans les Annales romantiques, d'après les indications données dans le para- graphe précédent, le Sylphe, les Ames, Mazracl, la Grande Chartreuse.) Alexandre Dumas a écrit sur les marges de l'exemplaire des poésies de Ronsard donné par Sainte-Beuve à Victor Hugo, et à l'occasion du même événement qui a inspiré le sonnet de Fontaney, une longue pièce en vers libres dont on retrouvera un fragment dans le numéro de la Correspon- dance littéraire auquel j'ai déjà renvoyé. Même excuse au sujet de Jules de Saint-Félix, un vrai, sincère et élégant poète, qui laissera deux charmants livres : les Nuits romaines, collection de très-fines études sur la littérature latine, et une belle et large étude antique : Cléopâtrc.


REGNIER-DESTOURBET


1 830. — LOUISA OU LES DOULEURS DUNE FILLE DE JOIE,

par l'abbé Tiberge. Paris, Delangle, 2 vol. in- 18.

Vignette de Tony Johannot, gravée par Porret, répétée sur le titre de chaque volume : une croix de bois, entre une tête de mort , un écrin et des roses.

Une note écrite sur le feuillet de garde de mon exemplaire indique que l'auteur de Louisa, Ilippolyte Regnier-Destourljct, était né à Langres, et qu'il mourut à Paris, le 23 septembre 1832.

Le livre est dédié à M. Jules Janin , qui dans un article du Musée de la caricature en France (1) a parlé ainsi de l'œuvre et de l'auteur :

(1) Musée de la caricature, par Jules Janin, Philarète Ghasles, Leroux de Lincy, Charles Nodier, etc., etc. 1834-1838, 2 vol. in-4.

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« Histoire des douleurs d'une fille de joie! C'est le titre d'un charmant petit volume, d'un style vif et triste, dont l'auteur est mort, il n'y a pas six mois, d'une maladie de langueur. Ce jeune homme, si vite oublié, et qui était poète dans le fond de l'àme, s'appelait Regnier-Destourbet. Après avoir occupé suffisamment la renommée pendant deux ans, Regnier-Destourbet s'est éteint lentement, tout seul et rêvant encore un avenir vers lecpiel il tendait vainement ses mains desséchées par le mal. Qui songe à lui à présent, le pauvre jeune homme ? Qui se rappelle ses folles bouffées de joie et ses longs accès de tristesse, et ses heures d'enthousiasme religieux et de dévotion catholique, apostolique et romaine ? Hélas ! personne ne pense à lui , plus personne en ce monde. Et moi- même, qui fus son ami, moi à qui il a dédié son premier roman , voilà qu'à présent je me prends à penser au livre et à l'auteur, à la vue de trois gravures du siècle passé (1)!... Regardez ces trois planches : ce sont trois drames complets qui se tiennent par je ne sais quel lien de malheur et de vice. C'est la fille publique, et encore la fille publique de la dernière classe, qui est l'héroïne de ces trois romans dessinés et gravés avec tant de soin, et qui bien certainement ont été accueillis avec intérêt sous le roi Louis XV et sous son successeur ; oui, c'est la fille de joie elle-même, dans toute sa faiblesse, dans toute sa misère, dans tout son abandon ; cet être hideux qui vend l'amour tout fait , au coin des rues , le soir ; en un mot , l'héroïne de mon pauvre et malade et insoucieux ami Regnier- Destourbet qui l'a étudiée dans toutes ses misères, et qui a raconté tous ses malheurs. Comme il nous l'a montrée venant


(1) Désespoir des vestales poursuivies dans le sanctuaire; — les Vestales tondues; — le Départ des vestales; publiées dans le Musée de la caricature.


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de Neuilly dans Paris, la grande ville, fraîche encore, inno- cente encore, déjà toute préparée au vice, mais encore peu façonnée par le vice, conservant encore sur sa peau blanche et veloutée ce léger duvet de la pêche, signe certain d'une honnête sinon d'une douce origine! Puis, peu à peu, le pauvre Régnier a suivi sa Louisa, son héroïne, de cloaque en cloaque, d'impu- retés en impuretés, de misères en misères : il nous l'a montrée honnie, battue, pillée, emprisonnée, emmenée à l'hôpital, au coin des rues, puis enfin, enfin, se brisant la tête contre la borne qui lui servait de comptoir. Et c'est avec raison qu'il a intitulé cela : les Douleurs d'une fille de joie. Et quels horribles détails il a trouvés ! Etait-ce une réhabilitation? Etait-ce une satire ? Etait-ce de la pitié pour le vice, ou bien était-ce de la colère contre le vice ? Nul ne saurait le dire après avoir lu le livre. Ce n'était ni de la pitié, ni de la colère : c'était de l'histoire, l'histoire des douleurs d'une fille de joie ! »

M. Janin est revenu à parler de Regnier-Destourbet et de son livre (Histoire de la littérature dramatique , t. i), à propos des drames napoléoniens joués sur les différents théâtres de Paris dans les commencements du règne de Louis-Philippe. « Le Napoléon de l'Odéon, dit-il (celui d'Alexandre Dumas), avait été précédé de quelques jours par un autre Napoléon, en deux parties, joué par le vrai et légitime empereur de 1830 et années suivantes, Napoléon Gobert ; cette pièce était de M. Regnier-Destourbet ; elle fut jouée pendant toute une année en présence d'une foule qui s'enivrait de la gloire et des larmes de son empereur. » Je citerai le passage jusqu'au bout, à cause de l'intérêt des détails biographiques, que ne détruisent pas quelques répétitions inévitables avec ce qui précède : « Ce nom nous rappelle un jeune homme qui n'était pas sans talent.


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Il avait été magistrat ; il donna sa démission pour se livrer complètement à la vie et à l'exercice des lettres. Il vint du fond de sa province à Paris, apportant son tribut à la muse des petits livres, et si je puis le dire ici, ce livre de Regnier- Destourbet, qui était dédié à l'auteur de l'Ane mort et la femme guillotinée, était une copie de cet étrange livre qui n'a guère porté que des fruits stériles. Le pauvre Regnier- Destourbet toucba donc à la coupe enivrante des rêveurs de profession, mais il s'en dégoûta bien vite, et son roman publié, son drame épuisé, il se retira, pauvre âme inquiète et malaisée, au séminaire de Saint-Sulpiee , dans ce monde à part que gouvernait le sévère et tendre abbé Emery , l'honneur des sulpiciens de ce siècle. Un jour de fête carillonnée, un jour de Pâques, à Saint-Sulpice, j'ai vu Y abbé Regnier-Destourbet qui servait d'acolyte au prêtre officiant , et si calme était son attitude, et si recueillie en Dieu son humble démarche, qu'il eût été impossible de reconnaître le brillant et éloquent semeur de paradoxes. Le pauvre homme espérait en vain que le joug de Saint-Sulpice lui serait doux et léger ; il jeta sa robe aux orties , il rentra dans le monde qui déjà ne le connaissait plus. Il mourut tout de suite, et sans que l'on ait su comment il est mort. C'est pourtant lui qui, le premier en France, a remis en lumière l'empereur Napoléon ! » Que le roman de Regnier- Destourbet fût une copie du roman de Jules Janin, ou du moins que l'un eût inspiré l'autre, car raisonnablement le mot de copie est trop fort, c'était, à ce qu'il parait, un bruit accré- dité. Nous en avons un second témoin, c'est Théophile Gautier, dans une des pièces de son premier recueil de poésies , intitulée Un vers de Worsdworth. Regnier-Destourbet avait pris pour épigraphe du premier chapitre de Louisa oit les douleurs d'une fille de joie ce vers du poète anglais :


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Sj)ires whose silent finger points to heaven... Clochers dont le doigt silencieux montre le ciel...

L'auteur d'Albert us reprit le vers, et en fit le texte d'une pièce en stances, commençant ainsi :

Je n'ai jamais rien lu de Wordsworth, le poète Dont parle lord Byron d'un ton si plein de fiel, Qu'un seul vers; le voici, car je l'ai dans la tête: — Clochers silencieux montrant du doigt le ciel!

Il servait d'épigraphe, et c'était bien étrange, Au chapitre premier d'un roman, Louisa, Les douleurs d'une fille, œuvre toute de fange, Qu'un pseudonyme auteur dans l'Ane mort puisa.

La fange est pour la rime : le pauvre Regnier-Destourbet rpii se flattait d'être lu par les dames de charité et les sœurs de Saint-Vincent de Paul, eût sans doute trouvé le coup un peu rude.

Le sujet du roman est certainement scabreux ; mais l'auteur a si bien su se placer en dehors, il a jeté tant de fleurs virgi- nales, tant de gazes nuptiales sur cette trame sinistre, il a été si savant dans l'opposition et dans le dérivatif, qu'il en a fait une histoire presque chaste, et, soyez tranquille , si l'histoire eût été vraie, il ne l'aurait pas si bien contée : informez-vous là-dessus chez les réalistes d'aujourd'hui. Copie ou imitation, peu importe, la peinture est bonne :- le ton en est léger, doux, clair, presque gai à force de modération. C'est un récit plein d'horreur, mais où l'horrible ne dépasse jamais les teintes argentines de la mélancolie de Sterne racontant la mort de cet


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âne qui, lui aussi, a inspiré l'Ane mort, preuve que les plus puissants originaux ont eu aussi leurs modèles . Regnier- Destourbet était une âme pure et calme ; il savait parler du même ton, sans rien forcer, et de la fille des rues et des dames d'honneur . Somme toute , cette histoire de Louisa est un charmant roman, et qui mériterait d'être réimprimé (1).

De 1830 à 1832, Destourhet avait publié deux autres romans : Un bal chez Louis- Philippe, par l'abbé Tiberge, auteur de Louisa; Paris, Dumont, 1831, 2 vol., in-12, roman anecdotique, où l'on peut étudier le républicain de la Restau- ration, sorte de prologue du bousingot; — et Charles II ou l'amant espagnol', même éditeur, 1832, 4 vol., récit très- dramatique et très-attachant de l'histoire de cette infortunée Louise de France qui mourut de douleur et d'amour, les uns disent pour le Dauphin, les autres pour Louis XIV lui-même.

Je veux citer de cet écrivain aimable, gentil, fin, ingénieux et dont les mérites ont été trop vite outragés par un oubli injuste, pour l'intérêt des dates et des idées, quelques passages de la préface de son second roman, Un bal sous Louis - Philippe (2) ;

(1) Il a été effectivement réimprimé en 1866; Paris, librairie centrale, in-18, avec préface, non signée, de Charles Rabou qui avait été, parait-il, le collaborateur de Regnier-Destourbet pour un roman de sa jeunesse, désavoué plus tard, et publié sous le pseudonyme de Emile de Palman : Histoire de tout le monde; Paris, Dureuil, 1829, 3 vol. in-12. On trouve dans cette préface quelques renseignements biographiques sur Regnier-Destourbet, entre autres qu'il dut se marier deux fois.

L'année même de sa publication, Louisa avait eu une seconde édition en Belgique ; Bruxelles, imprimerie romantique de Feuillet- Dumus, 1830, in-12.

(2) Il a paru dans l'Artiste de 1832 une lithographie d'Eugène Devéria représentant une scène de ce roman : le Baiser sur le front.


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« Un livre et une romance s'achètent aujourd'hui non pour le texte, mais pour les vignettes; et M. Dumont qui ne veut pas me faire faire de vignettes ! Mon livre ne se vendra pas. Ah ! mon pauvre ami Delangle, où êtes- vous avec votre Tony Johannot qui dessinait si bien les folies du Roi de Bohême ! Mon cher Delangle, vous qui m'avez si bien imprimé ma Louisa, qui eûtes l'esprit d'y ajouter le dessin d'une jolie femme, grâces vous soient rendues, à vous et à Tony Johannot!.. Vous avez pris la peine d'écrire une œuvre touchante et vraie, le public ne vous en tiendra nul compte ; il s'en moquera, ou, ce qui est pis encore, il n'y donnera aucune attention. Mais qu'un beau matin vous vous avisiez d'écrire : « Bonjour , monsieur ; comment vous portez- vous ? Avez-vous bien passé la nuit? » Ah! le beau roman, criera-t-on, que cela est touchant ! Jean-Jacques Rousseau et Chateaubriand n'ont rien de pareil. Et les femmes pleureront... Moi qui ne mérite pas la justice de la postérité, et qui n'attends pas celle de mes contemporains, je n'écris que pour M. Dumont, l'honorable M. Dumont qui paye bien et comptant, qui change contre de l'or à l'effigie de la république, de l'empereur ou du roi les chiffons de papier que mon père jetait au feu quand j'étais à Dijon, et dont aujourd'hui ma cuisinière ne voudrait pas pour envelopper le manche d'un gigot. Si M. Dumont me dit que j'ai de l'esprit, que m'importe ce que diront les gens auxquels je n'ai pas affaire ? C'est lui qui m'importe , et après lui mon caprice ; c'est lui qui m'inspire, c'est à lui que je veux plaire! On m'accusera d'avoir fait un livre avec les cinquante-six journaux de la capitale : M. Dumont l'a permis ; d'avoir pris l'impu- dence pour franchise et gaieté : M. Dumont l'a permis ; d'avoir traité l'histoire par-dessous jambe : M. Dumont l'a permis ! »


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Regnier-Destourbet avait encore publie dans la Revue de Paris (t. XXX, 1831) une nouvelle, Sophie, petite anecdote vertueuse de huit pages, qui est comme une contre-partie de Manon Lescaut , et dans la même année, une histoire de la loterie, en deux articles (t. XXX et XXXl).

Son drame de Charlotte Corday, joué après la révolution de juillet au Théâtre-Français, obtint un succès honorable. C'est l'événement vu par le côté domestique et intime; mais le ton en paraîtrait aujourd'hui un peu pâle, et pour tout dire, quelque peu enfantin. Il y aurait aussi plus d'un compte à demander à l'auteur pour les libertés qu'il a prises avec l'histoire. Marat et son temps sont actuellement trop bien connus pour qu'on s'accommodât des amours de l'Ami du peuple avec une marquise. On trouve un compte-rendu de cette représentation dans la Bévue de Paris, 1831, t. XXVI, p. 72. — La pièce imprimée a paru chez Dumont et Barba, in-8, avec une paire de ciseaux en fleuron.

Dès 1829, les frères Delanglc avaient publié à trois éditions l'ouvrage suivant, sans nom d'auteur ni mention de pseudonyme, mais que tous les catalogues attribuent à Regnier- Destourbet, et qui est bien de lui comme ton et comme manière : les Septembriseurs, scènes historiques; Paris, in-8; neuf scènes historiques dialoguées : la Mairie ; — l'Abbaye ; — les Carmes; — la Salpêtrière; — Bicêtre ; — Un souper chez V mua; — la Mort de Marat; — la Mort de Danton ; — la Mort de Robespierre. Bien qu'appuyé sur une commu- nication des mémoires inédits de Brissot, cet ouvrage, amusant d'ailleurs, est sans valeur historique. De même que notre exemplaire de Louisa, notre exemplaire des Septembriseurs porte une note autographe (Regnier-Destourbet avait donc beaucoup d'amis et des amis soigneux de sa gloire), indiquant


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le nom de l'auteur, son pays, etc., mais qui donne de plus la date de sa naissance, 1805. Il serait donc mort dans sa vingt- septième année.

Régnier- Destourbet a donné, au tome VI des' Cent et un, les Demoiselles à marier, une boutade de célibataire endurci. M. Jules Janin a une fois encore manifesté son amitié pour lui en lui consacrant quelques lignes dans la Nécrologie des cent et un, au tome XIV de la collection.


EUSÈBE DE SALLES


1832. — Ali le renard ou la conquête d'Alger, roman historique, par Eusèbe de Salles, ancien élève à l'Ecole royale des langues orientales, offi- cier supérieur interprète au quartier général de l'armée d'Afrique, auteur du Diorama de Londres, traducteur de lord Bvron, etc., etc. Paris, Charles Gosselin, éditeur; imprimerie de Crapelet, 2 volu- mes in -8.

Deux vignettes de Tony Johannot', grave'es par Porret : 1. la Géorgienne Rirkor , vêtue en officier et le sein découvert . s'interposant entre les Arabes et le lieutenant Duclos lie' à un arbre ; 2. séparation du commandant d'Aubagne et de


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Fanny Shaler dans le port d'Alger; deux Arabes détachent la chaloupe où sont assis le quaker et sa femme , et où Fanny se prépare à descendre; d'Aubagne, en uniforme de hussard, est appuyé sur son sabre.

1833. — Sakontala a Paris, roman de mœurs contemporaines, par Eusèbe de Salles, auteur d'Ali le renard. Librairie de Charles Gosselin ; impri- merie de Lachevardière , in-8.

Vignette de Tellier , gravée par Brevière : Sakontala tombant évanouie au bal de l'Opéra.

23 fr., maroquin rouge, Amand.

En relisant Sakontala à Paris, j'ai toujours été tenté de demander compte à l'esprit public, au temps, aux circonstances, de la fatalité qui régit les destinées des livres et de leurs auteurs. Un livre bien pensé et bien écrit, qui exprime une attitude, une physionomie, un comportement de la passion moderne; qui l'analyse, et après l'avoir analysé, le synthétise, le met en scène et en action dans le milieu le plus favorable à son développement extrême et logique ; qui crée et groupe autour de lui les incidents, les caractères les plus propres à aider à ce développement , un tel livre sombre dans l'oubli et roule sous les flots ténébreux, au-dessus desquels vogue et se balance en pleine lumière la médiocrité frivole et agile. Peut- être faut-il demander la raison de cette fatalité au titre même de l'ouvrage, qui n'a pourtant qu'attrait pour tout esprit curieux et sagace : ce nom de Sakontala aura effrayé la masse liseuse, comme une menace d'exotisme et d'érudition, les deux choses dont les lecteurs de romans se détournent le plus volontiers. Le titre, indépendamment des raisons données par


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l'auteur qui excipe de sa qualité d'orientaliste pour vouloir un personnage oriental dans toutes ses fictions , n'a cependant d'autre danger que d'indiquer clairement tout un côté du problème posé dans le livre : — quelles souffrances et quelles joies particulières un Parisien pourra-t-il trouver dans l'amour d'une Indienne ?

Sakontala serait Anglaise, ou Française même, que la position des deux amants n'en serait point changée; mais d'abord, comme le remarque l'auteur, une femme telle que Sakontala, malgré une éducation européenne, pouvait seule avoir gardé assez de naïveté et de « simplesse » pour sacrifier si facilement tout intérêt personnel et tout devoir à la passion , et ensuite la mollesse orientale était peut-être nécessaire pour expliquer l'imprévoyance et le laisser-aller qui causent une partie des douleurs de Calixte.

Sakontala à Paris est un roman de l'école philosophique, comme Adolphe et comme Valérie. Il est du genre de ceux qu'on a appelés plus tard romans sociaux, ou d'analyse sociale. Au fond, la donnée est la même que dans le célèbre roman de Benjamin Constant : la satiété dans l'amour. Mais l'œuvre est toute différente. Ainsi que le remarque l'auteur dans sa préface, A'io/phe est moins un drame ou un récit qu'une méditation abstraite, et il regrette que l'illustre écrivain ait dédaigné (ce sont ses termes) « de répandre dans un genre réputé frivole en son temps, tout le talent dont il a donné de si belles preuves comme publiciste et comme tribun. »

En dramatisant son récit, en le traitant en détail, en le personnalisant, M. Eusèbe de Salles .avoue donc qu'il a espéré faire mieux que Benjamin Constant , et malgré l'audace que suppose un tel aveu, j'avouerai moi-même que je crois qu'il a réussi. Dans le roman de Benjamin Constant, Adolphe échappe


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par son âge à toute responsabilité' ; il n'a pour contre-poids à sa passion que l'autorité d'un père, et l'on peut s'attendre à tout instant à voir la situation tranchée par un acte de cette autorité. Eléonore ne dépend aucunement de lui ; il ne peut rien pour elle ; elle ne veut rien de lui que son amour. Dans le roman de M. Eusèbe de Salles, Calixte de Saint-Tropez, indépendant et militaire, éprouvé par la guerre et par la persé- cution, est un homme. Lady Jenny Sakontala Graham, en se donnant à lui, l'a constitué son protecteur et son tuteur, et l'abandon, l'innocence du caractère indien ont rendu plus rigoureux encore les devoirs de cette tutelle. Calixte est un Adolphe viril, expérimenté, sans illusions, qui fait en pleine connaissance de cause le sacrifice de sa liberté et de ses ambitions. Les commencements de la liaison de Calixte et de Sakontala sont révélés sous forme d'introduction par une correspondance du jeune homme avec un de ses anciens com- pagnons d'armes, capitaine de hussards, vrai soudard, dont la crânerie soldatesque et la fatuité idiote font le plus absolu contraste avec la gravité sentimentale de son ami.

Calixte de Saint-Tropez, officier de l'armée impériale, s'est réfugié à Londres après 1815. C'est là que, pendant les loisirs inoccupés de la belle saison et dans le décor charmant des promenades qui environnent la ville, se forme, grandit, s'exalte la passion des deux amants. La passion de Calixte, d'abord tendre et languissante comme une convalescence, se fortifie bientôt de toute l'énergie de son caractère violent et de toute l'ardeur de la nature provençale. Ses révélations s'arrêtent toujours là où la confidence devient trop lourde pour l'oreille d'un lovelace de garnison. En 1817, Calixte a obtenu, par les démarches de quelques amis, la permission de rentrer en France; mais déjà il a pu, en jugeant sa maîtresse, envisager


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clairement l'avenir qui l'attend dans une union mal assortie. Calixte, homme à passions sérieuses, et grave dans ses empor- tements, ne s'est point jeté étourdiment, comme Adolphe, et avec l'irréflexion de la jeunesse, dans une union illégitime. Aimé de Sakontala, il a voulu l'épouser pour rendre sa protec- tion bien complète. A ses propositions de mariage, la veuve de lord Graham répond en lui faisant lire le testament par lequel son mari, l'un des chefs de l'administration anglaise dans les Indes, ne lui a laissé la disposition de son immense fortune qu'à la condition qu'elle resterait veuve.

Sakontala se remariant est immédiatement dépouillée par sa fille , et n'a plus rien à attendre que de sa générosité. Saint- Tropez, trop peu riche pour offrir à lady Graham un état sortable, a dû renoncer à un projet qui ne lui réserve, en com- pensation de son opulence perdue , que le partage de la médiocrité. 3Iais en renonçant au titre d'époux , il a entendu en garder les devoirs ; il s'est promis d'être le protecteur et le conseiller de Sakontala, l'administrateur de sa fortune, le tuteur de sa fille et l'économe de sa maison. Alors commence, à travers mille tracas, à travers des malentendus, des désaveux, des déboires sans nombre, la lutte d'un dévouement ferme, clair- voyant, assidu, contre la mollesse qui se dérobe, l'ineptie qui ne sait pas voir, la nonchalance qui trahit. Sakontala ne désole pas seulement Calixte par sa faiblesse et ses désordres, elle le blesse chaque jour plus intimement et avec de bien autres douleurs, par l'ignorance même de son dévouement et par l'inintelligence de sa tendresse.

Il aperçoit de jour en jour davantage, sous la grâce aimable et sous la naïveté qui l'ont charmé, la nullité d'esprit, la stupidité des femmes de l'Orient. Il rêve, auprès de Sakontala somnolente, à ces unions fortes et actives où les cœurs et les


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volontés se concertent, où les regards et les pensées se com- prennent. Souvent, pendant les longues soirées silencieuses, il épie le réveil de cette âme engourdie: a Attentif, j'écoute... espérant surprendre son secret. — Une ère nouvelle serait-elle sur le point de commencer pour nous ? Notre silence serait-il l'épreuve pythagoricienne ? »

La manière dont lady Graliam conduit sa vie est déplorable. Sa maison n'est fréquentée que par des hommes et par des femmes compromis ; des aventuriers de tout pays, de tout âge et de tout sexe tirent sur sa bourse, rognent ses revenus, et la font vivre dans la gène et dans les dettes. Calixte entreprend de la débarrasser de ces parasites , et se fait autant d'ennemis de ceux et de celles que la mollesse de son amie a protégés contre lui.

L'éducation de Rachel, fille de Sakontala, est abandonnée à une institutrice anglaise, romanesque et intrigante, qui favorise les prétentions d'un prétendu chevalier de Jérémie, soi-disant émigré et ruiné par la révolution de Saint-Domingue. M. de Jérémie , qui s'est fait communiquer , par l'institutrice , le testament de lord Graham, exerce sur Rachel les séductions d'un charmant visage, et s'applique à la compromettre pour contraindre Sahontala à la lui donner pour femme.

Instruit de ces menées, Calixte provoque le chevalier ; ils se battent, et Calixte reçoit une balle dans la poitrine. Mais Rachel, déjà séduite, a pris aussitôt en haine l'adversaire, l'ennemi de son amant. Elle est près de lui demander compte de cette intervention dans sa destinée et de cette autorité usurpée sur sa vie. Depuis longtemps Rachel a changé pour lui ; les caresses qu'enfant, à Hamps-Stead, elle rendait à l'ami de sa mère, elle les refuse à présent à l'étranger dont la présence lui est suspecte.


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Le soleil de l'Inde l'a faite pre'coce'ment femme ; la passion l'a faite femme clairvoyante. En l'écoutant, en la regardant parler, Calixte est un jour frappé, comme d'une révélation, de l'éclat de cette belle fleur indienne violemment épanouie , malgré la froideur du climat d'Occident. Il découvre avec épouvante qu'il aime Rachel, et avec terreur qu'elle l'a deviné. Rachel a tout compris , et le mépris de l'amant, de l'amant infidèle à sa mère, s'ajoute dans son sourire à l'horreur du censeur intéressé. Tant d'éléments de discorde et de -malheur font explosion dans la même soirée. Calixte a conduit sa maîtresse au bal de l'Opéra. Il l'y a conduite malgré lui et en cédant à un caprice auquel il a longtemps résisté. Une de ces femmes équivoques qu'il est parvenu à faire évincer du salon de lady Grabam les a reconnus, insultés, poursuivis. Calixte et sa compagne deviennent les victimes de l'un de ces scandales communs au bal de l'Opéra, il y a quarante ans, lorsque la mode de l'intrigue y autorisait toute licence de paroles. Honnie, montrée au doigt, Sakontala s'évanouit ; son ennemie, furieuse, profite du désordre pour lui enlever son masque, sous prétexte de la secourir. Ramenée chez elle accablée et à demi-morte, lady Graham apprend que sa fille, profitant de son absence, s'est enfuie avec son amant. La faible raison de Sakontala succombe à tant de honte et de douleur. A travers ce présent confus, plein d'angoisses, les images poétiques de son passé reparaissent. Lady Jenny Graham redevient Sakontala, la fille des bords du Gange, la veuve du nabab. Calixte la voit traîner au milieu de la chambre un lourd coffret qui contient tout l'appareil de deuil des veuves indiennes, répandre sur ses cheveux épais les cendres du foyer, et approcher un tison enflammé d'un monceau d'étoffes disposé en lit funèbre. Elle psalmodie d'une voix délirante tantôt la prière des morts des

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Hindous, tantôt des passages de leurs livres sacrés. Calixte lui- même se transforme à cette lueur de délire rétrospectif, et devient le serpent Addisechou que Sakontala a recuedli chez elle pour se le rendre favorable, et dont le venin l'a marquée pour l'enfer. Elle lui prédit d'une voix terrible le supplice éternel des adultères et des inhospitaliers : « En présence de Moïssassous et de ses huit cent millions de démons, dans les profondeurs du Taptaschoumuz, il serrera dans ses bras une statue de femme de fer brûlant ! »

Un kakatoès qui rappelle le choucas de Jean-Paul Richter, dans Titan, et le corbeau fatidique d'Edgar Poë, ajoute à l'étrangeté de cette scène, en jetant à travers les déclamations de l'insensée des lambeaux de phrases hindoustaniques , apprises pendant les leçons autrefois données par Sakontala à Calixte, et qui achèvent d'exalter sa démence, en se présentant comme des oracles. Cette scène de délire, plutôt que de folie, est une des plus saisissantes et des mieux traitées que la litté- rature romanesque ait inventées. — Au bout de quelques jours, délai voulu par le chevalier Jérémie pour constater l'enlève- ment, Rachel Graham reparaît chez sa mère. Sakontala revient à elle-même en reconnaissant sa fdle. La faute des fugitifs est mise sur le compte d'une passion irrésistible, et pardonnée. Calixte voit avec désespoir s'accomplir ce mariage, tant com- battu par lui, de la fille de son amie avec un misérable perdu de dettes et de débauches. « Mon destin est, dit-il, d'avoir toujours la souffrance la plus ignoble : prévenir le malheur, le craindre et le causer; avoir, lorsqu'il arrive, les bras enchaînés, et se déhattre dans l'impuissance. » C'est là, en quelque sorte, la moralité, la formule du roman.

Rachel et Jérémie mariés et installés chez leur mère, Calixte ne croit plus pouvoir se maintenir avec dignité dans la maison,


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et se retire. Il sent d'ailleurs le cœur de Sakontala refroidi pour lui, par l'effet des insinuations perfides de Jere'mie. Les suites de sa blessure, aggravée par une affection de poitrine qu'il a négligée, l'obligent bientôt à garder la cbambre et le lit. Nous voyons alors reparaître, à titre de consolateur et de garde-malade, le capitaine de hussards des premiers chapitres. Les réflexions inouïes et les conseils outrecuidants de ce Sancho Pança héroïque font une opposition divertissante à la mélancolie des faits qui précèdent ; c'est la petite pièce après la grande - , le commentaire d'un fat et d'un butor sur le drame de la passion sincère. L'auteur a donné une autre preuve de sa souplesse dans l'épisode des infortunes de Rachel Grahani après son mariage, racontées en traits vifs et nets, à la façon de Fielding ou de Hogarth. Il semble que dans cette peinture du faux amour d'une dupe et d'un escroc, il ait prétendu venger à pleine ironie les douleurs de l'amour véritable.

Rachel a quitté sa mère et est passée en Angleterre avec son mari. Maltraitée, ruinée, trahie, battue, elle est contrainte, après six mois de mariage , de plaider en séparation , et de coucher avec son avocat pour l'intéresser à sa cause. — Saint- Tropez mourant n'a plus rien à donner à lady Grahani que son nom. Le mariage est célébré, in extremis, à Paris, dans la chapelle de l'ambassade anglaise. L'espoir d'échapper à l'in- fluence de la chute des feuilles dans un pays « où les feuilles ne tombent jamais, » le désir insensé de refaire une fortune à Sakontala, l'engagent à partir avec sa femme pour Calcutta.— Quelques mois après, le capitaine de hussards apprend que le navire l'Asia, qui portait les nouveaux époux, a péri en doublant le cap de Bonne-Espérance.

Je voudrais, par cette analyse, avoir suffisamment marqué les saillies principales de ce remarquable ouvrage, pour en faire


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mesurer la profonde et vigoureuse contexture, et pour justifier ce que j'en ai dit eu commençant. Je ne retire rien de ce que j'ai avance. M. de Salles a aborde de front mille difficultés que Benjamin Constant avait éludées en plaçant son action dans un milieu social où les conséquences des actions humaines sont à peu près indifférentes, et en laissant son héros à un âge où les torts sont généralement excusables et réparables. Adolphe ne lutte que contre lui-même, ou plutôt il île lutte pas : il subit, il souffre et il se plaint. Calixte lutte et agit : il lutte non-seulement contre lui-même, mais contre le monde et les difficultés de la vie, contre sa maîtresse et son entourage; il est vaincu, mais il tombe avec noblesse. Cette chute, d'ailleurs, était dans la logique du sujet. En un mot, le roman des malheurs d'une union illégitime étant à faire, Benjamin Constant n'en a donné que l'esquisse ; M. Eusèbe de Salles l'a donné tout entier. Le style, dans Sakontala à Paris, est moins égal que dans Adolphe, mais il a, par moments, plus de fermeté et de relief; quelquefois commun, parfois aussi incorrect ou vague, il se relève, dans certains endroits, par des élans d'éloquence impétueuse et effarée ; c'est le style sobre et contenu d'un philosophe plus préoccupé des idées que des formes, avec les éclairs de la passion. L'auteur a d'ailleurs montré son agilité et sa science d'écrivain dans les épisodes que j'ai cités. La scène du désespoir de Sakontala, au retour du. bal de l'Opéra, n'a pas d'analogue dans Adolphe; Benjamin Constant surtout n'eût jamais osé risquer le perroquet. Que ceux qui trouveraient cette observation singulière réfléchissent à la difficulté d'introduire dans une scène pathétique un objet burlesque, sans en atténuer la gravité. Une autre qualité qu'il faut porter au compte de M. Eusèbe de Salles, et sans laquelle, suivant nous, il n'y a pas de vrai romancier, c'est la puissance


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comique. Certains personnages, celui du capitaine de hussards, fat , bête , bon enfant ; celui du médecin Lasinec (charge évidente du docteur Laënnec, l'inventeur du stéthoscope) ; le comique terrible des scènes conjugales entre Rachel et Jérémic, montrent chez l'auteur cette faculté double du rire et des larmes, qui dénonce le contemplateur. A la sincérité du ridicule chez le docteur et chez l'officier, comme à la réalité des idiosyncrasies orientales chez Sakontala, on devine un peintre compétent. Médecin, militaire, orientaliste, M. de Salles sait beaucoup de choses ; c'est une partie de sa force.

Le précédent roman de M. Eusèbe de Salles, Ali le renard ou la conquête d'Alger, fait plus que se dérober à l'analyse. il la défie. C'est une sorte de roman-panorama où l'auteur, officier interprète à l'année d'occupation, ainsi qu'il signe sur le titre, a dramatisé avec un talent remarquable les souvenirs de l'expédition et les notes de son journal. Les esprits pratiques, qui sont actuellement en majorité, plus curieux de renseigne- ments que sensibles aux efforts de l'art, pourront regretter que M. de Salles ait cru désirer aller plus loin que le simple exposé. Maïs en 1832 les choses allaient tout autrement : c'était alors l'histoire, la statistique et la science qui avaient besoin du secours de la littérature, et l'auteur à' Ali le renard a pu espérer plus de faveur de la forme romanesque donnée à son récit et à ses observations. Ce serait le contraire aujourd'hui. L'auteur donne d'ailleurs une autre raison de ce choix : c'est qu'avant à juger des mesures, des intentions, des entreprises qui toutes n'ont pas son approbation , des personnes qui ne lui étaient pas également sympathiques, il a pensé que la forme impersonnelle du roman couvrirait davantage son im- partialité.


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Mêlés à des personnages imaginaires, les personnages réels échappent plus facilement au blâme et à la critique. Ils y échappent d'autant mieux que l'auteur, usant largement et jusqu'au bout de la liberté qu'il s'était donnée, les a tous débaptisés. Toutefois un lecteur contemporain des faits recon- naîtra sans trop de peine, sous le masque du pseudonyme, non- seulement les généraux en chef, Bourmont, Berthezène , etc., mais jusqu'aux artistes et aux écrivains attachés à l'expédition: Merle, Isabey, Gudin et quelques autres. A la distance où nous sommes aujourd'hui des événements, le livre de M. Eusèbe de Salles a tout l'attrait d'une chronique romancisée et pitto- resque. On y saisit toutes vives les impressions premières de notre armée sur la terre d'Afrique. On y surprend à sa source et dans ses causes le périlleux antagonisme des administrations militaire et civile. A travers une multitude d'accidents , d'anecdotes, d'épisodes imaginés par le narrateur pour attirer l'attention sur tel ou tel détail, se détachent comme lignes principales les événements capitaux de la conquête , la prise de la Casbah, la trahison du bey de Titery, et enfin la commotion produite dans l'armée par la nouvelle de la révolution de juillet. Le sentiment du comique, que j'ai déjà reconnu à l'auteur de Sakontala, se manifeste dès ce premier ouvrage par deux ou trois physionomies amusantes de soldats et d'admi- nistrateurs. En somme, lecture très-agréable, et qui, l'on s'en convainc à l'accent sincère de l'auteur et à la finesse de ses observations , peut encore beaucoup apprendre après les traités ex professo des touristes politiques et des économistes.

Ali le renard ou la conquête d'Alger fut d'abord publié par fragments dans le journal le Voleur, et avec un grand succès. Le livre eut deux éditions en un an. Un contemporain nous écrit qu'à l'une des soirées de Nodier, à l'Arsenal, où se


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trouvèrent M. Eusèbe de Salles et M. Victor Hugo, il vit « autant d'index dirigés vers l'auteur d'Ali le renard que vers l'auteur de Notre-Dame de Paris. »

Le Dictionnaire des contemporains de Yapereau donne une assez nombreuse liste de divers ouvrages de M. de Salles sur la médecine, l'ethnographie, etc.; nous citerons: Pérégri- nations en Orient, 2 vol. in-8; Histoire générale des races humaines ; une Histoire des sciences médicales, et une Vie de Mahomet.

Un autre roman, l'Anévrisme ou le devoir, annoncé sur la couverture de Sakontala, n'a paru qu'en 1868, chez Pagnerre (1). Ce roman rentre dans la série que j'appellerai les « romans de la révolution de Juillet , » et à laquelle appar- tiennent déjà Résignée, de Drouineau , et Un bal sous Louis- Philippe, par Ïlegnier-Destourbet. La fougue méridionale de l'auteur qui ne se montre que par endroits et épisodique- ment dans Sakontala, son amour du tumulte et du foisonne- ment, le goût d'intrigues croisées et de la multitude, déjà manifeste dans Ali le renard, éclatent dans ce nouvel ouvrage qui par moments semble une symphonie conduite à grand orchestre. L'action engagée à Hyères, et qui se poursuit pendant les deux premiers chapitres du volume dans le décor de la nature méridionale, s'achève à Paris, et déroule les premiers évé- nements du règne de Louis-Philippe, les premières émeutes, etc. Cette seconde partie présente plus d'un renseignement curieux qu'il faut déchiffrer, comme dansÂfô, sous la pseudonymie des personnages, entre autres l'histoire des amours de M. Th — ,


(1) L'Anévrisme ou le devoir, suivi des Bas-à-jour, nouvelle algé- rienne, in- 18.


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et de M me Tern.... — Eu somme, ce roman est digne de ses deuxaîne's, et se recommande par les mêmes qualités. Il eût été Lien regrettable qu'il ne vît pas le jour.


NAPOL LE PYRÉNÉEN


La pièce qu'on va lire a été une des premières que nous ayons admirées dans notre enfance, et pendant une vingtaine d'années le nom de son auteur a été pour nous une énigme insoluble et laborieuse. Qnérard, dans ses Supercheries (t. III, n° 5050) , le déclarait absolument inconnu , et Emile Des- cbamps, le héraut des gloires poétiques de notre âge, qui savait si bien par cœur les noms des plus obscurs soldats de la muse française, se trouvait en défaut au sujet de Napol le Pyrénéen. Lorsqu'en 1862 nous insérâmes, en témoignage d'un ancien enthousiasme , ces magnifiques strophes dans le quatrième vo- lume de l'anthologie des poètes français, publiée par M. Eugène Crépet, nous avions renoncé à toute recherche : l'auteur de Roland était pour nous'mort ou fabuleux ; quand un article de M. Paul Boiteau, dans la Revue de l'instruction publique,


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vint inopinément nous révéler le nom si longtemps poursuivi sous le domino de l'anonyme. Nous apprîmes alors que Napol le Pyrénéen était, au vrai, M. Napoléon Peyrat, pasteur protestant, ami de Lamennais et de Béranger , et auteur de plusieurs ouvrages en prose (1). Le vœu que nous exprimions dans la notice de l'anthologie, de voir les révélations de M. Boiteau complétées par la publication des poésies de M. Peyrat , fut réalisé l'année suivante. Il en parut tout un recueil (l'Arise, romancero, par Napoléon Peyrat; Paris, Meyrueis, in-16), où la pièce de Roland se trouve naturellement comprise, mais avec de tels changements qu'il nous a paru intéressant de reproduire ici la version primitive , en invoquant la piété des souvenirs. Yoici donc ce texte original consacré dans notre mémoire par les premières impressions de la jeunesse , le voici tel que nous l'avons redonné déjà au quatrième volume de l'anthologie des poètes français, et avec le commentaire qui l'y précède et que l'éditeur auquel ce livre doit déjà quelques complaisances du même genre , nous a permis de rappor- ter ici :

« Deux livraisons d'une encyclopédie populaire publiée vers 1833 ont révélé aux liseurs de vers le nom et le talent de Napol le Pyrénéen. Cette encyclopédie dirigée par un écono- miste , avait réservé , parmi toutes sortes de traités de chimie et d'abrégés historiques , deux livraisons à la poésie moderne , et contre l'ordinaire en pareil cas , le choix des auteurs et des morceaux à citer avait été confié à un lettré judicieux qui avait eu le bon sens et le courage d'aller prendre la poésie moderne là où elle était alors , c'est-à-dire dans les rangs de la nouvelle

(1) Histoire des pasteurs du désert; les Réformateurs de la France et de l'Italie au XII e siècle; Histoire tic Vigilance; Béranger et Lamen- nais, correspondance, entretiens et souvenirs.


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génération. De nombreux morceaux de Victor Hugo, de Lamar- tine, d'Auguste Barbier, de de Vigny, de Sainte-Beuve, d'Emile et d'Antony Deschamps , etc. , manifestaient franche- ment la sympathie et les intentions du collecteur. Si nous ajoutons à ces noms ceux de Théophile Gautier, de Jean Polo- nius, Fontaney, Ernest Fouinet, Drouineau, Ulric Guttinger, on conviendra que, pour 1833, c'était assez d'audace. C'est dans ce recueil que se produisit , pour la première et la seule fois , le nom de Napol le Pyrénéen , au bas de la pièce que nous citons. Cette pièce , et c'était tout. Mais l'allure en était si vive , le mouvement si pittoresque , la couleur si énergique , que cette pièce unique suffit pour sauver la mémoire du poète et pour faire rechercher longtemps , par les amateurs de poésie vivace et sanguine , la mince brochure qui la contenait. Car plus tard , il faut bien le dire pour être complet, on était revenu sur les premières audaces ; le collecteur trop aventureux avait été désavoué, et aux lieu et place du recueil primitif, tout hérissé de noms flamboyants et qui sentaient la bataille , on en avait substitué un autre d'un ton plus sage et plus calme, et revêtu de signatures moins suspectes à la conscience des économistes. Mais, néanmoins, le premier recueil avait fait son chemin; une jeunesse curieuse, affamée de promesses et de nouveautés , en avait rapidement enlevé tous les exemplaires , et peut-être ce premier levain déposé dans les jeunes intelli- gences a-t-il contribué , plus qu'on ne le croirait , à décider le mouvement favorable de l'opinion oublique.

» Je reviens à Napol le Pyrénéen et à son œuvre complète de cent vingt vers. Peut-être se récriera -t-on contre le soin pieux qui nous fait recueillir cette pièce isolée d'un poète qui, véritablement, a montré trop peu de courage, ou peut-être trop de modestie. Nous répondrons qu'en littérature tout ce qui


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vient à sa date a sa valeur. Un poète qui, en 1833 , se plaçait du premier coup entre les Odes et ballades et les Orientales } et qui du premier coup manifestait, en les exagérant, au gré de quelques-uns , les qualités , tant recherchées alors , du pitto- resque, de la couleur, de l'image vivante et voyante, ne saurait être détaché du groupe dans lequel il a figuré. En lisant cette pièce d'une exécution magistrale, la parenté d'idées et d'inten- tion du poète avec l'auteur des Orientales est évidente. Il y a de Y Ode à Grenade dans les premières strophes; la suite rap- pelle la Bataille perdue. Les images riches et correctes sont frappantes de vérité. Ce n'est plus un pays deviné, rêvé, recréé, pour ainsi dire, par l'imagination puissante d'un poète grand magicien, mais un pays vu, compris et admirahlement rendu en quelques coups d'un savant pinceau : la « vermeille Orléans , » Limoges, a aux trois sveltes clochers, » 1' a Aveyron murmu- rant » entre des a pelouses pleines de parfums , » les « grèves pensives » du Tescoud, le Tarn « fauve et fuyant, » la Garonne « aux longs flots , » aux eaux « convulsives » où nagent des « navires bruns » et des « îlots verdoyants , » parleront à l'œil de quiconque a suivi le même itinéraire. Tout le reste de la pièce , enlevé d'un mouvement rapide comme la course du voyageur auquel elle est adressée , ou comme le galop des che- vaux de Muça-el-Kevir, étincelle de vives couleurs et de traits brillants qui sautent à l'œil. C'est Toulouse jetée comme une « perle » au milieu des « fleurs, » les « blancs chevaux » à la « crinière argentée, » dont le pied grêle a des poils noirs a comme des plumes d'aigle; » c'est encore Fénélon , le « cygne aux chants, divins »

Qui nageait aux sources d'Homère;

c'est enfin , à la dernière strophe , les armées passant par Ron-


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cevaux , — « soldats , canons , tambours , chevaux , chants tonnants dans l'espace, » etc. Voilà Lien l'art de 1833, l'art d'enchâsser savamment l'image dans le vers , et de tout com- biner pour l'effet , et le son, et la figure , et le rhythme , et la coupe , et l'enjambement. L'atteindre ainsi du premier coup et dans sa perfection, était certes la preuve d'un talent et d'une intelligence peu ordinaires , et c'est pourquoi nous avons tenu à recueillir, parmi les chefs-d'œuvre de cette époque, cette épave d'un poète qui ne vivait plus depuis longtemps que dans la mémoire des dilettantes.... »

ROLAND


Vous allez donc partir, cher ami; vous allez Fuir vers notre soleil, comme les vents ailés ;

Déjà la berline jalouse Frissonne sous le fouet, inquiète, en éveil, Belle et fière d'aller bondir sous le soleil

Où s'endort la brune Toulouse.

Que Dieu vous garde! amî. — Mais lorsque vous aure: Franchi monts et vallons et fleuves azurés,

Villes et vieilles citadelles , La vermeille Orléans, et les âpres rochers D'Argenton, et Limoge aux trois sveltes clochers

Pleins de corbeaux et d'hirondelles ;

Et Brive et sa Corrèze, et Cahors et ses vins, Oh naquit Fénclon, le cygne aux chants divins, Qui nageait aux sources d'Homère;


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Arrêtez un moment votre char agité, Pour voir la belle plaine où le More a jeté La blanche cité, votre mère;

Ces plaines de parfums, cet horizon fleuri, L'Aveyron murmurant , des pelouses chéri,

Le Tescoud aux grèves pensives , Le Tarn fauve et fuyant, la Garonne aux longs flots, Qui voit navires bruns et verdoyants îlots

Nager dans ses eaux convulsives.

Et puis, voyez là-bas, à l'horizon, voyez

Ces grands monts dans l'azur et le soleil noyés;

On dirait l'épineuse arête D'un large poisson mort entre les océans, Ou bien quelque Babel, ruine de géants,

Dont la foudre ronge la crête.

Nori, ce mur de granit qui clôt ce bel Éden, C'est Char le magne , c'est Roland le paladin

Qui lui fit ces grandes entailles; Qui tronqua le Valier blanc et pyramidal , En faisant tournoyer sa large Durandal

Contre les Mores, aux batailles.

Les Mores ont haché les rois goths à Xérès; Leurs bataillons fauchés sont là dans les guérets,

Comme des gerbes égrenées. L'Arabe, sur les pas de Muea-el-Kcvir, Fait voler son cheval du bleu Gualdaquivir

Jusques aux blanches Pyrénées.


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Mais un jour que Muça-el-Kevir a voulu Traquer sur leurs sommets un vieil ours chevelu,

Grimpant de pelouse en pelouse, Il monte au pic neigeux du Valier.... Ébloui, Il voit un horizon en fleurs épanoui,

OU comme une perle est Toulouse.

« Fils d'Allah, dégainez vos sabres! fils d'Allah , Montez sur vos chevaux! la France est au-delà,

Au-delà de ces rocs moroses! L'olive y croit auprès du rouge cerisier; La France est un jardin fleuri comme un rosier

Dans la belle saison des roses. »

L'Arabie en nos champs des rochers espagnols S'abattit; le printemps a moins de rossignols

Et l'été moins d'épis de seigle. Blonds étaient les chevaux dont le vent soulevait La crinière argentée, et leur pied grêle avait

Des poils comme des plumes d'aigle.

Ces Mores mécréants, ces maudits Sarrasins Buvaient l'eau de nos puits, et mangeaient nos raisins

Et nos figues et nos grenades; Suivaient dans les vallons les vierges à l'œil noir, Et leur parlaient d'amour, à la lune, le soir,

Et leur faisaient des sérénades.

Pour eux leurs grands yeux noirs, pour eux leurs beaux seins bruns, Pour eux leurs longs baisers, leur bouche aux doux par fums , Pour eux leur belle joue ovale;


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Et quand elles pleuraient, criant : « Fils des démons! » Ils les mettaient en croupe, et par -dessus les monts Ils faisaient sauter leur cavale.

« Malheur aux mécréants ! malheur aux circoncis ! Malheur! » dit Charlemagne , en fronçant ses sourcils

Blancs et jetant des étincelles. « Sire, disait Turpin, ne souffrez pas ainsi Qu'un Africain maudit vienne croquer ici,

A votre barbe, vos pucelles. »

Charlemagne, Roland, Renaud de Montauban Sont à cheval; le gros Turpin, en titubant,

Sur sa selle les accompagne ; Ils ont touché les os de saint Rocamadour; Mais du Canigou blanc aux saules de l'Adour,

Les Mores ont fui vers l'Espagne.

Non, ils sont sur les monts, menaçants à leur tour; Ils coiffent chaque pic, comme une ronde tour,

De leur bannière blanche et bleue; Hérissent le granit des crêtes du rempart, Et crient : « Chiens, ne mordez l'oreille au léopard!

Du lion n'épluchez la queue! »

Et Roland rugissait, et des vautours géants,

Des troupeaux d'aigles bruns, volaient en rond, béants,

Faisant claquer leurs becs sonores, Et Roland leur disait : « Mes petits oiselets, Un moment, vous allez avoir bons osselets

Et belles carcasses de Mores ! »


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Un mois il les faucha, sautant de mont en mont, Jetant leurs corps à l'aigle et leur dîne au démon

Qui miaule et glapit par saccades; Les âmes chargeaient l'air comme an nuage noir : Et notre bon Roland , en riant , chaque soir,

S'allait laver dans les cascades.

Mais tu tombas, Roland! — Les monts gardent encol- les os, tes pas, ta voix et le bruit de ton cor,

Et sur leurs cimes toujours neuves Ont , comme un Sarrasin , une nue en turban ; La cascade les ceint et les drape, en tombant,

De l'échar pe d'azur des fleuves.

Nos pères, du soleil et du canon bronzés,

Sont morts aussi, mordant leurs vieux sabres usés ,

Sur tous ces rochers de l'Espagne; Dis-moi, toi qui les vis quand ils tombaient ainsi, Etaient-ils grands, et grand notre empereur aussi

Comme ton oncle Charlemagne?

Ah! si vers l'Èbre un jour passaient par Roncevaux Nos soldats, nos canons, nos tambours, nos chevaux ,

Et nos chants tonnant dans l'espace, Lève-toi pour les voir, lève-toi, vieux lion! Plus grande que ton oncle et que Napoléon ,

Viens voir la Liberté qui passe !


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EMILE CABANON


1834. — Un roman pour les cuisinières, par Emile Cabanon. Eugène Renduel , in-8.

Blason sur le titre. — La vignette qui représente Julio le charmant endormi dans un fauteuil au pied du lit d'où la Cydalise le regarde avec stupeur, est la plus jolie chose que j'aie vue signée de Camille Rogier (1).

Emile Cabanon, mort il y a une vingtaine d'années, a été


(1) On peut noter encore deux jolies eaux-fortes de Rogier pour le Marchepied , par Léon de Valleran; Paris, H. Fournier, 1835. 2 vol. in-8 : 1. Jules Soligny se présentant chez le duc de B..; 2. Sophie Duras, échevelée, en toilette de bal, montre aux invités le cadavre de sa fille qu'elle vient de tuer.

La vignette du tome i avait déjà servi de frontispice à Ernestine ou l'épreuve, par Lucien de Saint-Firmin; Paris, Moutardier, 1833, in-8.


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rédacteur du Corsaire et du Journal des enfants. C'était un mystificateur à outrance, au temps où les mystifications étaient à la mode. C'est de lui cette plaisanterie, tant répétée depuis et attribuée à tant de gens, qui lui fit forcer les portes du Théâtre-Français, un jour de représentation extraordinaire : « Votre nom? lui demanda le contrôleur en l'arrêtant. — Prince de Courtenay.... branche éteinte! ! » Et il passa.

Ce roman même est une mystification qui commence dès le titre dont il faut aller chercher l'explication à la dernière page du livre. L'auteur, pour répondre à l'accusation de frivo- lité, d'inutilité, portée contre la littérature moderne, y donne une recette merveilleuse pour accommoder les cailles ; voilà donc un roman utile pour les cuisinières (1).

Le sujet est à peine racontable, et certes les feuilletonistes d'à-présent y regarderaient à deux fois avant que d'entamer le récit d'une aventure qui choque également la vraisemblance , la religion et la morale publique. Mais ce qui serait dangereux dans un feuilleton doit être innocent dans un catalogue. La bibliographie est comme la statistique , elle enregistre et n'ap- prouve pas.

Le héros de Cabanon , Julio de Clémentine , est , en l'an de grâce 1834, un jeune homme à la mode : jeune, il n'a que vingt ans , beau , riche , noble comme le roi , poète et artiste ; l'idéal de la jeunesse d'alors et de toute jeunesse. Le bruit de ses bonnes fortunes remplit Paris. C'est à la fois un sultan et un Lovelace , et pour soutenir cette réputation de prince Char- mant et de filleul des fées magnifiques , il n'épargne ni l'in- trigue, ni la dépense, ni les fatigues. Rien que par ce début ,

(1) Roger de Beauvoir prétend fies Soupeurs de mon temps) que Cabanon a eu un collaborateur pour ce roman, et très-avouable, dit- il, M. Henri Massé (?). Mais j'aime mieux croire qu'il l'a fait tout seul.


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il est évident que nous entrons en plein dans le domaine de la folie et de l'impossibilité. Une fois admis ce jeune homme doué comme un rêve , on n'est plus étonné de voir arriver chez lui , sur sa seule renommée de générosité et de galanterie, une jeune et noble dame, belle, cela va sans dire , épouse légitime d'un vieux seigneur jaloux et sévère, pour lui offrir, en échange d'un service considérable , sa beauté, sa jeunesse, sa couronne et sa vertu. Maître Julio écoute la jn-oposition avec la gravité d'un notaire et le calme d'un vieil Asiatique détaillant les beautés d'une odalisque. Il est entendu d'avance qu'il accepte. Dire les folies qu'imaginent ces deux extravagants pour prouver leur magnanimité , celui-ci en négligeant les épingles du mar- ché , celle-là en les faisant prendre, je ne l'essaierai pas. Au lendemain de ce duel de fatuité et de coquetterie , Julio est ruiné coup sur coup : ses fermes brûlent , ses banquiers s'en- volent , son notaire passe la frontière. Voilà le Sardanapale , le délicat, le raffiné, le magnifique, réduit à quinze cents francs de rente, et le somptueux hôtel, le jardin digne de Watteau , les écuries splendides, le boudoir peint et doré comme une boîte de la Chine, remplacés par une mansarde du faubourg du Roule. Le jeune sultan déchu passe ses journées à fumer de l'opium. Un jour, à travers son rêve, il voit entrer une femme voilée et mystérieuse , vêtue de noir , à la voix chucho- tante. C'est la dame du premier chapitre , la Cydalise oubliée depuis un an, qui vient s'acquitter envers Julio et lui demander sa revanche. Un conseiller facétieux lui a persuadé qu'elle ne pouvait expier pleinement sa faute qu'en imposant à sa vertu repentante la pénitence humiliante de la répétition , et de la répétition identique. C'est au tour de la clame à être superbe ; à Julio d'être suppliant et désespéré. Un petit empoisonne- ment manqué accommode les choses. Les soixante mille francs


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restitués par la Cydalise , accrus par un héritage inattendu , remettent Julio sur pied. Il en profite pour se ranger et se caser dans une petite existence bourgeoise. Il est grenadier dans une compagnie de la garde nationale, devient de première force aux dominos , et consacre ses loisirs aux progrès de l'art culinaire. C'est à ses méditations et à ses expériences que nous devons la recette des cailles à la Clémentine.

Voilà assurément des folies Lien folles et que la critique du parquet ne laisserait point passer. Et pourtant je ne cacherai pas mon faible pour ces histoires insensées racontées avec l'en- train et la candide outrecuidance de la jeunesse. Voir un danger social dans de telles facéties, c'est accorder trop d'importance à des historiettes. J'ajoute , pour le soulagement de ma con- science , que les exemplaires de celle-ci sont devenus extrême- ment rares , s'ils ne sont pas tout à fait introuvables. Le livre est écrit sur le ton leste et preste, et avec l'abandon naïf d'un brave homme qui se croit à l'abri de tout péril comme de tout remords. La peinture est brillante, pimpante, fanfaronne, et reste dans l'œil. Je ne connais pas d'autres ouvrages du jour- naliste Emile Cabanon.


PHILOTHEE O'NEDDY


1833. — Feu et flamme, par Philothée O'Neddy. Paris, librairie orientale de Dondey-Dupré; im- primerie de Prosper Dondey-Dupré, rue Saint- Louis au Marais, in-8.

34 fr. , broché, non rogné, Amand.

Tiré à trois cents exemplaires. Frontispice eau -forte : groupes de femmes et d'anges , reliés entre eux par des ara- besques encadrant un cartouche estompé sur lequel le titre est inscrit; signé : Célestin Nanteuil, 1833.

Dix Nuits et six Fragments m vers, précédés d'une préface en prose. Les épigraphes sont tirées des œuvres de Pétriis Borel, Théophile Gautier, Alphonse Brot, Victor Escousse, et principalement des œuvres inédites de Théophile Dondey.


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Pour paraître dans le courant de l'année prochaine :

— Entre chien et loup, roman, in- 8.

— La Lame et le fourreau, roman poétique, in-8.

Ce livre, où l'on consomme considérablement de punch et d'opium, est un des plus rares de la série romantique. La signature Philothée O'Neddy est l'anagramme de Théophile Dondey , le neveu ou le cousin de Prosper Dondey-Dupré , l'imprimeur de l'ouvrage, et qui fit les choses en parent, car l'exécution matérielle est d'une heauté remarquable; le frontis- pice de Célestin Nanteuil est un des meilleurs et des plus heureux de cet artiste.

L'auteur de Feu et flamme appartient au romantisme bousingot. Pétrus Borel, le chef de l'école, le nomme parmi les membres de sa camaraderie , Alphonse Brot , Auguste Mac-Kcat, Napoléon Thomas, Vigneron, Joseph Bou- chardy (graveur au cœur de salpêtre), Théophile Gautier, Gérard, etc., etc. Les Mosaïques, par Philothée O'Neddy , sont annoncées sur la couverture de la première édition des Rhapsodies. Seulement, Philothée (il avait dû inverser ainsi son nom pour se distinguer de Théophile Gautier), qui n'était qu'un enfant de chœur dans la synagogue, outre natu- rellement les allures et le langage des grands rabbins. Son livre est précieux, comme une caricature, par l'exagération.

A quiconque voudrait aujourd'hui se renseigner sur l'idéal de la jeunesse française en l'an de grâce 1833, savoir ce qu'on prétendait être en ce temps-là, au prix de quels excès sans limite on était résolu à fuir la platitude et le commun, il suffirait de lire la première pièce, Pandxmonium , et de prendre là, sur le fait, les aspirations des jeunes hommes au front capace, au teint mat, au sang léonin, qui festoient dans le sombre atelier de Jehan le statuaire.


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Que veulent-ils, ces incendiaires et ces forbans? A qui s'adresse la menace de leurs bras musculeux et de leurs poings toujours fermes? Ils hurlent, ils tempêtent, ils sacrent, ils blasphèment ; les poètes vocifèrent, les peintres écument, les architectes lèvent le pic, les sculpteurs brandissent le marteau. On croirait assister à une séance du tribunal du Saint- Yehmé, conspirant la mort des rois et la ruine de l'Etat , et à les entendre fulminer contre le mensonge social, contre l'impureté du mariage, et organiser la croisade contre les institutions civiles et politiques , quelque révolutionnaire de nos jours serait peut-être tenté de les prendre pour les précurseurs du socialisme.

Mais il faut y prendre garde, Pétrus Borel et ses amis auraient eu horreur d'une organisation sociale basée sur le travail manuel, et que ne dominerait pas le culte de la poésie et des arts. La société qu'ils voulaient démolir, c'était la société boutiquière et maltùtière, non pas même la bourgeoisie, mais le bourgeoisisme, l'autocratie des « chitlreurs », pour employer un mot qui revient souvent dans les vers de notre JNeddy. Au vrai, la forme du gouvernement leur importait médiocre- ment, et quant à l'économie politique, c'était bien vraiment le cadet de leurs soucis. Le catéchisme bousingot, tel qu'il est exposé dans la préface de Philothée, n'est pas bien rigou- reusement défini ; mais le dogme fondamental s'en dégage çà et là dans ses vers assez formellement pour ne laisser aucun doute , tantôt par des vœux délirants , comme dans cette strophe :

Amour, enthousiasme, étude, poésie ! C'est là qu'en votre extase, océan d'ambroisie, Se noîraient nos âmes de feu!


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C'est là que je saurais, fort d'un génie étrange, Dans la création d'un bonheur sans mélange, Etre plus artiste que Dieu ! ! !

(m e Nuit. — Rodomontade.)

tantôt par des formules plus précises, comme dans ce passage de la première Nuit :

Longtemps, à deux genoux, le populaire effroi A dit : Laissons passer la justice du roi! Ensuite on a crié et l'on crie encor : — Place ! La justice du peuple et de la raison passe ! Est-ce qu'épris enfin d'un plus sublime amour, L'homme régénéré ne crira pas un jour : Devant l'Art-Dieu que tout pouvoir s'anéantisse; Le poète s'en vient : place pour sa justice !

Place à la justice du poète ! Inclinez-vous devant la divinité de l'art ! Voilà donc quel était le Montjoye , Saint-Denis ! des bousingots ; c'était là leur Marseillaise et leur Carmagnole, et l'on conviendra que rien ne ressemble moins à la Décla- ration des droits de l'homme et au Discours sur l'Etre suprême. Charles Baudelaire a remarqué fort justement que « si la Restauration s'était régulièrement développée dans la gloire, le romantisme ne se serait pas séparé de la royauté, et que cette secte nouvelle, qui professait un égal mépris pour l'opposition politique modérée, pour la peinture de Delaroche ou la poésie de Delavigne, et pour le roi qui présidait au développement du « juste milieu » , n'aurait pas trouvé de raisons d'exister (1). »

(1) Article sur Pétrus Borel, OEuvres complètes; l'Art romantiqw, t. m, p. 350-355.


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Le bousingotisme ne fut qu'une diversion du romantisme. L'amour des jeunes têtes d'alors allait tout à la poésie et à l'art. La révolution de juillet les força de penser à la politique; elles refirent la politique à leur image, et voulurent parler romantique à propos du roi et des chambres. Après juillet d'ailleurs , la jeunesse littéraire retrouvait au pouvoir son éternel ennemi, le bourgeois; le bourgeois pair de France, député et officier de la garde nationale , et plus que jamais voltairien, classique, ami de la tragédie. Parmi les pairs et les députés nouveaux se retrouvaient la plupart des signataires de la fameuse pétition au roi contre Hernani. Tout le reste, c'était la masse triomphante de ce parti myope, louche, sourd, cagneux et ladre, juste comme les balances d'un épicier, modéré comme l'impuissance, ennemi de toute exaltation et de toute grandeur, ignorant tout et ne comprenant rien, ne voulant rien apprendre ni rien comprendre, et pai -dessus tout, fier de son ignorance et de sa sottise ; fanfaron de liberté dans les temps de calme, fanfaron d'autorité aux jours de péril, préparant les révolutions pour les combattre, et qui s'est décoré lui-même d'une appellation équivoque et louche comme lui-même : le centre gauche. — Entre les romantiques et ces gens-là, c'était, au lendemain de juillet, la même guerre qui continuait sur un autre terrain, et ils se firent adversaires politiques, parce que leur éternel ennemi était devenu Pouvoir ; mais, au fond, on peut le dire, toute leur politique tenait dans le fameux sonnet de V Eléphant , de Théophile Gautier (1). On peut du moins l'assurer après la préface de Philothée O'Neddy :

« Chaque jour, nombre de jeunes gens à convictions patriotiques viennent à s'apercevoir que si l'œuvre politique a

(1) Voir p. 47 du présent livre.


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une nature de Caliban, il faut directement s'en prendre à l'œuvre sociale , sa mère ; alors ils mettent bas le fanatisme républicain et accourent s'enrôler dans les pbalanges de notre Babel... Certes, quoique naissante, elle est déjà bien mira- culeuse et bien grandiose, cette Babel! Sa ceinture de murailles enserre déjà des myriades de stades. La sublimité de ses tours crève déjà les nues les plus lointaines. A elle seule, elle a déjà plus d'arabesques et de statues que toutes les cathédrales du moyen-âge ensemble. La jioésie possède enfin une cité, un royaume, où elle peut déployer à l'aise ses deux natures : sa nature humaine, qui est l'art; sa nature divine, qui est la passion... Ouvriers musculeux et forts, gardez- vous de repousser ma faible coopération ; jamais vous n'aurez assez de bras pour l'érection d'une si grande œuvre ! Et peut-être ne suis-je pas tout à fait indigne d'être nommé votre frère. — Comme vous, je méprise de toute la hauteur de mon âme l'ordre social, et surtout l'ordre politique qui en est l'excré- ment ; comme vous, je me moque des anciennistes et de l'Aca- démie ; comme vous, je me pose incrédule et froid devant la magniloquence et les oripeaux des religions de la terre ; comme vous, je n'ai de pieux élancements que vers la poésie, cette sœur jumelle de Dieu, qui départ au monde physique la lumière, l'harmonie et les parfums, au monde moral l'amour, l'intelli- gence et la volonté. »

Une revue du temps , économique et sociale , la Revue encyclopédique, dirigée par MM. H. Carnot et Pierre Leroux, rendit compte de Feu et flamme , et ne manqua pas à tancer vertement ce détachement de la politique et de l'humanité. « Nous avons souvent eu l'occasion, dit l'article signé T., de nous élever contre les vaines et dangereuses idées répandues dans ces derniers temps au sujet de la poésie; nous nous


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sommes plaints de l'immoralité de cet art sans but , et de

l'absurdité de cette idolâtrie exclusive de la forme » Le

même numéro contient un article très -curieux d'Hippolyte Fortoul, un article de fond, où l'on peut juger les doctrines littéraires de l'école humanitaire et philosophique. C'est un véritable article d'opposition contre le romantisme triomphant et A ictor Hugo régnant ; c'est là que l'école du style et des images, la théorie de l'art pour l'art, l'idolâtrie de la forme, sont impitoyablement immolés à l'école des penseurs et des prophètes, et à la théorie du progrès. A travers mille théories pédantesques, arbitraires, abstruses, tortionnaires et hargneuses, enchevêtrées d'un commentaire tantôt historique, tantôt prophé- tique, on apprend que le roman est une arme d'opposition et le drame une formule sociale ; que Byron et Y\ aiter Scott « sont venus incarner en Franee le dualisme d'idées de la Restauration, l'un par la négation du passé, l'autre par l'affir- mation de l'avenir ; » dualisme que l'auteur de l'article retrouve dans toutes les œuvres éminentes de l'époque, depuis le Cinq- Mars d'Alfred de A igny, « où le héros représente Walter Scott, et le fils de Laubardemont, lord Byron; jusqu'à la Mation Delorme de Victor Hugo , où Didier procède de Byron, et Saverny de Walter Scott; » que « l'amour est un fait éminemment social; » etc., etc. La sympathie du critique et de son école se manifeste par le choix des noms qu'il met en opposition : d'un côté, "Y ictor Hugo et Mérimée: Victor Hugo , le poète du monde extérieur , un païen sauvage et irréligieux ; 3Iérimée, un civilisé, un athée de salon ; de l'autre, Sénancour, Joseph Delorme, George Sand et Alfred de Musset : Obermann, « un émigré, homme d'intelligence et de progrès;» Lélia, « la dualité de l'esprit et de la chair ; » Rolla, « don Juan dans l'alcôve d'une prostituée... moins poétique, mais


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plus vrai; » Joseph Delorme qui, quelque jour, déchirant son suaire, sortira de sa tombe « onctueux tribun de liberté et d'avenir ! »

Le dilemme est facile à poser : l'auteur de l'article est ou un sectaire revendiquant pour l'honneur de sa secte les écrivains plus ou moins contingents à ses doctrines , ou bien il est un philosophe immolant , par amour du métier , l'art d'écrire à la philosophie. Je n'ai jamais vu que des théories vagues et contestables fussent plus importantes qu'un art précis et éternel. Fortoul, ainsi que ses adhérents, méconnaît la fonction du romantisme, qui fut la reconstitution, la création de la langue poétique et du style littéraire au dix-neuvième siècle. Il donne pour ancêtres à sa doctrine : Abailard , Montaigne , Descartes et \ oltaire ; ce qui revient à dire que tous les écrivains qui ont été de leur temps sont de la même famille et ont les mêmes traditions. Le raisonnement ne me paraît pas rigoureux , et il y aurait trop de choses à répondre. Mais que deviendrait la succession de Voltaire entre les mains de Joseph Delorme, le tribun onctueux de liberté et d'avenir? En quoi Lélia et Rolla sont-ils cartésiens? En quoi Obermann, l'émigré, procède-t-il d' Abailard?

Le pis est que Fortoul, si impitoyable pour les images et pour le style visible, n'est ni moins lyrique ni moins imagé que ceux qu'il foudroie. Toutes les fois qu'il quitte l'analyse pour l'exposition , il se met à vaticiner comme un chantre et à rutiler comme un paon. Exemples : « Suspendez un moment votre marche triomphale , ô poète ! Avant (que) d'entrer au Capitole, arrêtez- vous sur le Forum... Ne parlez pas du vieil Isaïe : voici des miracles nouveaux ; ne parlez plus des magni- fiques murmures de l'Océan : l'esprit du peuple fait plus de bruit que les vents du ciel , le flot du peuple est plus majes-


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tu eux que celui de la mer !... Si le peuple en venant (chez vous) ne dit pas : « Ceci est ma maison, » votre édifice s'abîmera !... et vous qui vous êtes re'servé le soin d'orner les boudoirs de nos femmes et d'apprendre une langue polie et chaste à leurs adorateurs, que deviendront votre peine et votre gloire, lorsque nos femmes quitteront leurs boudoirs pour nous accompagner sur la place publique ; lorsqu'elles camperont avec nous sous les murs des villes à conquérir ; lorsqu'elles monteront sur nos chariots, pour nous suivre et nous exciter au combat? » Ce n'est pas là certes le style de Montaigne, ni de Descartes, ni encore moins celui de Voltaire . Fortoul ajoute : « La prophétie est aujourd'hui la nécessité de toute grande poésie. » Ce n'est pas lui, cei'tes, qui a été prophète!

Le vent de février 1848 a soufflé sur ces apocalypses. On en est revenu à croire que le bon écrivain est celui qui écrit bien, et le bon poète celui qui fait bien les vers. Les roman- tiques n'ont jamais prétendu autre chose.

L'article signé T. dans la Revue encyclopédique (1) a accordé huit pages de citations à O'Neddy. Je serai moins généreux. Je ne saurais cependant, sans mauvaise grâce, après cette longue audience donnée chez lui à un étranger , marchander à un poète quelques moments d'attention. J'analy- serai donc , en en donnant quelques extraits comme spécimens de la manière de l'auteur, la première pièce du recueil, celle-là même que le rédacteur de la Revue encyclopédique trouve la plus caractéristique et la plus scandaleuse pour sa conscience de patriote et de philosophe progressiste ; elle est intitulée Pandœmonium.

Il y a punch et raout dans l'atelier de Jehan le statuaire.

(1) Tome lix, août 1833.


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Jehan le statuaire reçoit ses amis. C'est Reblo, le poète ; don José, le duelliste; Noël, l'architecte; etc. (1). Les architectes ont joué un grand rôle dans le bousingotisme. Il y avait déjà Jules Vabre , des Rhapsodies :

De bonne foi, Jules Vabre...

l'auteur inédit du traité De l'incommodité des commodes ; Robehn, le gothique convaincu des soirées de la mère Saguet. Vigneron, un autre bousingot, avait été maçon, et l'on m'a assuré que Pet ru s Borel lui-même avait manié l'équerre. On pourrait s'étonner de l'intrusion d'une profession aussi paci- fique, de gens qui travaillent patiemment, proprement, avec des crayons et de la mie de pain, dans ces turbulents conven- ticules. Mais l'architecture a eu son importance dans la révo- lution romantique; on l'y avait intronisée de par la symbolique et l'histoire : Ceci tuera cela. Le livre avait tué l'architecture; il s'agissait de la ressusciter avec de nouveaux symboles. Le catéchisme avait tué l'architecture catholique ; on prétendait créer l'architecture sociale. L'architecte, mécontent et homme d'avenir, trouvait donc naturellement sa place dans la Conven- tion des arts.

Revenons à Philothée et à ses amis. — Ou fume et l'on boit du punch :

Vingt jeunes hommes tous artistes dans le cœur, La pipe ou le cigare aux lèvres, l'air moqueur, Le temporal orné du bonnet de Phrygie, En barbe jeune-France, en costume d'orgie,

(1) Jehan le statuaire, Duseigneur; — Reblo, Borel; — Don José, Joseph Bouchardy ; — Noël, Léon Glopet. L'atelier de Duseigneur était rue de Vaugirard, dans une boutique.


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Sont pachalesquement jetés sur un amas De coussins dont maint siècle a troué le damas. — Et le sombre atelier n'a pour tout éclairage Que la gerbe du punch, spiritueux mirage!

Voilà donc le signalement du jeune-France : Lonnet rouge sur la tête, longue barbe, pipe ou cigare à la bouche, pose pachalesque : quant au costume d'orgie , il nous faut payer d'imagination .

... A travers les anneaux du groupe des viveurs Glissent quelques rayons vagues, douteux, rêveurs, Qui s'en vont détacher des ombres fantastiques Le spectre vacillant des objets artistiques

... Si le tissu moiré du nuage odorant

Que la fumée élève était plus transparent,

Vous pourriez avec moi, de ces paies figures,

Explorer à loisir les généreux augures :

Le développement capace de ces fronts,

Les rudes cavités de ces yeux de démons,

Ces lèvres où l'orgueil frémit, ces épidémies

Qu'u?i sang de lion revêt de tons riches et fermes.

Tout chez eux puissamment concourt à proclamer

Qu'ils portent dans leurs seins des cœursprompts à s'armer

De haine virulente ou de pitié morose

Contre la bourgeoisie, et le code, et la prose;

Des cœurs ne dépensant leur exaltation

Que pour deux vérités : l'art et la passion...

Quand on vit que du punch s'éteignait le phosphore, Mainte coupe d'argent, maint verre, mainte amphore,

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Ainsi qu'une flottille, au sein du bol profond Par un faisceau de bras furent coulés à fond. Rivaux des Templiers du siècle des croisades, Nos convives joyeux burent force rasades. Chaque cerveau s'emplit de tumulte, et les voix Prirent superbement la parole à la fois. ... Vrai Dieu! quels insensés dialogues...

Et pour peindre le tumulte, l'incohérence, la lutte bruyante de ces paroles se croisant et se heurtant dans un crescendo d'enthousiasme, le poète imagine la comparaison que voici :

Représentez-vous donc une ville espagnole Qu'un tremblement de terre épouvante et désole. Les balcons, les boudoirs des palais disloqués, S'en vont avec fracas tomber entre-choqués , Avec tous leurs parfums, toutes leurs armoiries, Dans les hideux égouts, les infectes voiries. Les monuments chrétiens, les dômes sur dorés, Leurs flèches de granit, leurs vitraux diaprés, S'en vont rouler parmi les immondes masures Du noir quartier des Juifs, sale tripot d'usure. Une procession de chastes capucins Veut sortir, pour combattre avec des hymnes saints La rage du fléau : le fléau sarcastique Vous l'enlève et la pousse en un lieu peu mystique, Où des filles de joie et d'ignobles truands Festinent, de débauche et d'ivresse béants. D'abomination, d'horreur tout s'enveloppe : En un mot l'on dirait un kaléidoscope Immense, monstrueux, que l' Exterminateur


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Fait tourner dans ses mains de mystificateur.

Eh bien! dans leurs discours c'était même anarchie!

Les plus divins élans de morale énergie,

Les extases de gloire et d'immortalité,

Les vœux pour la patrie et pour la liberté

Se noyaient, s'abîmaient dans le rire et le spasme

D'un scepticisme nu, tout lépré de sarcasme.

De beaux rêves d'amour, qu'eût enviés Platon,

Trempaient leurs ailes d'ange au sordide limon

D'un cynisme plus laid, plus vil en ses huées

Qu'un hôpital de fous et de prostituées.

Coqs-à-l'âne, rébus, sornettes, calembour gs,

Se ruaient à travers les plus graves colloques, Et vous les flagellaient de plates équivoques. Enfin, c'était du siècle un fidèle reflet, Un pandaemonium bien riche et bien complet!

Un des assistants se lève au milieu du vacarme, et d'une voix vibrante recite une ballade de Victor Hugo, la Ronde du Sabbat, peut-être, ou le Pas d'armes du roi Jean. Bientôt une « odeur magique de moyen âge » se répand et circule dans l'atmosphère : les panoplies tressaillent sur les murailles , les chevalets s'ébranlent , les maquettes sautent sur les celles. — « Oh! les anciens jours! » s'écrie Reblo (1), « les anciens jours !» Et il déroule une longue tirade à l'honneur de l'heu- reux temps des superstitions et des aventures pleines de har- diesse , où le drame , les terreurs ,et les fantômes venaient chercher le poète, où l'amour était un danger, et où les

(1) Pétrus Borel.


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combats et les rencontres , les surprises surgissaient sous les pas de quiconque

.... Avait des flots de lave dans le sang , Du vampirisme à l'œil, des volontés au flanc!

Avoir des aventures,

Oh! c'est le paradis pour les fortes natures!...

Après Reblo,

Un visage moresque (1) Leva tranquillement sa pâleur pittoresque, Et faisant osciller son regard de maudit Sur le conventicule, avec douleur il dit...

Ce qu'il dit, c'est que dans des temps aussi banals que ceux- ci, toute camaraderie des grands cœurs est ridicule : ce n'est plus qu'au désert qu'on peut rugir librement ! A quoi bon nous bander désormais et lutter contre une société qui n'a pour nous répondre que les sergents de ville et l'écliafaud?

Si méjugeant très-digne, au fond de ma fierté, De marcher en dehors de la société, Je plonge sans combat ma dague vengeresse Au cou de l'insulteur de ma dame et maîtresse, Les sots, les vertueux, les niais m'appelleront Chacal... Tous, d'une voix, ils me décerneront Les honneurs de la Grève; et si les camarades Veulent pour mon salut faire des algarades,

(1) L'auteur.


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Bourgeois, sergents de ville et valets de bourreau

Avec moi les cloûront au banc du tombereau

Malice de l'enfer!... A nous la guillotine!

A nous qu'aux œuvres d'art notre sang prédestine!...

A nous qui n'adorons rien que la trinité

De V amour, de la gloire et de la liberté!...

Ciel et terre!... Est-ce que les âmes de poète

N'auront pas quelque jour leur vengeance complète!...

A son tour, l'architecte Noël (1) porte son toast... à l'adul tère!

Battons le mariage en brèche! Osons prouver Que ce trafic impur ne tend qu'à dépraver L'intellect et le sens; qu'il glace et pétrifie Tout ce qui lustre, adorne, accidente la vie. Je sais bien que déjà plusieurs cerveaux d'airain, S'emmantelant aussi d'un mépris souverain Pour les vils préjugés de la foule insensée, Se sont faits avant nous brigands de la pensée. Mais parmi la forêt des vénéneux roseaux Que l'étang social couronne de ses eaux, C'est à peine s'ils ont détruit une couleuvre. Il serait glorieux de parachever l'œuvre, Et de faire surgir du fond de ce marais Une île de parfums et de platanes frais.

La dernière motion est faite par don José (2), qui, « l'œil enflammé et l'organe en délire, » p'roposeà ses frères une sorte

(1) Léon Clopet.

(2) Joseph Bouchard y.


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d'assurance mutuelle pour le duel , qui doit avoir pour effet l'extinction finale de la bourgeoisie.


Pendant que don José parlait, un râlement Sympathique et flatteur circulait sourdement Dans l'assemblée; et quand ses paroles cessèrent, Les acclamations partirent. . . .

Et jusques au matin les damnés jeune-France Nagèrent dans un flux d'indicible démence, Echangeant leurs poignards, promettant de percer L'abdomen des chiffreurs, jurant de dépenser Leur âme à guerroyer contre le siècle aride. Tous, les crins vagabonds, l'ail sauvage et torride, Pareils à des chevaux sans mors ni cavalier, Tous hurlant et dansant dans le fauve atelier, Ainsi que des pensers d'audace et d'ironie Dans le crâne orageux d'un homme de génie!

C'est sans doute au sortir d'une scène pareille que Théophile Gautier imagina la fameuse orgie des jeune-France, où balza- ciens, flambarts et janinistes exécutent, le livre à la main, les programmes divers de la Salamandre, de Barnave et de la Peau de chagrin. Seulement là où le malin poète apercevait la caricature dans l'effort trop tendu , d'autres moins avisés, brutaux , candides , trouvaient un idéal à leur mesure et s'y ancraient résolument. On sait ce que durèrent les modes de déclamations furibondes , de malédictions artistiques et de toilettes cyniques arborées comme défi au bourgeois. Pétrus Borel tira de ces théories un système qu'il appela lycanthropie.


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Celui-là , peut-être , était le seul sincère. Où sont-ils aujour- d'hui les cousins du poignard, les fidèles de la confrérie du bousingot? Cherchez Augustus Mac Keat dans M. Auguste Maquet, Alphonse Brot, dans ses romans lunaires, et Bou- chardy , au cœur de salpêtre, dans les mélodrames de la Gaîtê ! Ils valaient mieux dans leur bon temps ! — Us on 1 marque la borne extrême en deçà de laquelle les sages ont passe' ; et dans ces haines excessives du vulgaire et du banal , s'il entrait beaucoup de ridicule, il n'entrait du moins rien de vil. Ces gens-là n'ont jamais parlé d'argent , ni d'affaires , ni de position.

Quant à Philothée-Théophile Dondey , la part faite des outrances exigées par les statuts de la confrérie, ce n'était rien de moins qu'un poète sans valeur. Il avait la couleur, le mouvement (on en a pu juger dans la comparaison de la peste), et ses incorrections étaient au moins des audaces. Théo- phile Gautier qui l'a connu et bien jugé, nous disait de lui qu'il était un « forgeur d'alexandrins. » Cela est vrai : son vers ferme et vigoureux le prédestinait à la satire ou au théâtre.

M. Dondey a publié plus tard, sous le nom de Dondey de Santeny, les ouvrages suivants : l'Abbé de Saint-Or, épisode, paru en feuilleton dans Y Estafette, en octobre 1839, morceau détaché d'un roman inédit intitulé Sodomeet Solimc, annoncé sur la couverture de Feu et flamme, sous le titre de Entre chien et loup;— le Lazare de l'amour, conte, dans la Patrie, février 1843, huit feuilletons; — Histoire d'un anneau enchanté, roman de chevalerie , prose et vers , 1842, collection Boulé.

M. Théophile Dondey de Santeny a été, en 1843, chargé


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successivement du compte- rendu des théâtres à la Patrie et au Courrier français : « Il a eu, par conséquent, comme il nous l'écrit lui-même , l'honneur bien précieux pour lui de rendre compte de la représentation des Burgraves. »


THÉOPHILE DE FERRIÈRE


183G. — Les Contes de Samuel Bach (Il vivere), par Théophile de Ferrière. Paris, Renduel, rue des Grands-Augustins, in-8.

La contrefaçon belge parue la même année est intitulée II vivere, par Samuel Bach, libraire; J. P. Méline, in-12.

1837. — Les Romans et le mariage, par M. Théophile de Ferrière, auteur de II vivere. Paris, Fournier, 2 volumes in-8.

En parlant de Théophile de Ferrière, je veux oublier le diplomate pour ne m'occuper que du littérateur qui signa, voici bientôt trente-six ans, des histoires satiriques et réjouis-


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santés. La lecture de ses ouvrages prouve un homme instruit et curieux de tout ce qui intéressait son temps : il était orien- taliste, il connaissait l'histoire de la littérature , il parle en connaissance de cause des divers systèmes humanitaires qui ont fait hruit au commencement de ce siècle. Son premier livre, qui est le meilleur des deux, est un recueil de contes et d'études de différents genres, orientaux, antiques, satiriques, etc., auxquels l'auteur, suivant le goût du temps, qui voulait en toutes choses un certain art d'arrangement et de décoration, a donné pour cadre et pour lien le testament d'un vieux lihraire, supposé l'auteur du livre, dont lui , de Ferrière, n'aurait été que l'éditeur.

Théophile de Ferrière est un esprit du dix-huitième siècle, égaré dans le romantisme. Il a du siècle de Voltaire et de Sterne la petite phrase concise , preste et nette , le ton narratif et désintéressé, supprimant les développements et mettant les arguments dans l'action. Il a pris à l'école romantique le soin du détail, un certain goût de relief et de mise en scène, une curiosité universelle que le dernier siècle n'a pas eus.

A ces deux titres, le premier conte du volume, Idéolo, serait le plus significatif et le plus complet. Ce conte est une satire en action des modes littéraires , philosophiques et artis- tiques de vers 1832. C'est encore une fois le jeune-France berné et caricaturé, mais par d'autres moyens que ceux que Théophile Gautier avait mis en usage dans ses romans gogue- nards. C'est Carie A r ernet après Jordaens; le trait indicatif après la pochade; après le rire, le sourire. Idéolo, le héros du conte, est un badaud d'idées, qui se comporte dans la vie comme un flâneur dans une foire, s'arrêtant devant les tréteaux, écoutant le boniment et la fanfare, sans jamais entrer dans la baraque. L'auteur, c'est-à-dire Samuel Bach, nous le présente




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comme un enfant de Paris, un fils de petit bourgeois, déprave par l'éducation universitaire : « Au collège , on lui dit que c'était toute la vie d'être le premier de sa classe et d'avoir des prix ; on lui dit de bien grossir sa petite tête, et il la fit bien grosse. » Voilà donc le petit bourgeois Idêolo lancé à travers le monde, avec la résolution d'avoir le prix à toutes les courses et d'être le lion de toutes les modes. Il est successivement dandy, poète, dilettante, byronien, pantagruéliste , roué, bousingot , conspirateur, hégélien et philosophe humanitaire , et finit, après avoir mangé son bien, reçu une blessure en duel et des coups de fusil dans les émeutes, par entrer aux appoin- tements de deux cents francs par mois dans la rédaction d'un journal quelconque.

Le conte est joli, vif, amusant et mérite de rester comme une chronique, ou plutôt comme une amusante caricature des modes du temps. Comme je l'ai dit, Théophile de Ferrière se garde avec soin des considérations, des aperçus, de tout ce qui pourrait ralentir la narration. C'est le plus souvent un détail de costume, une forme de langage qui indiquent les transfor- mations du personnage. Par exemple, Idéolo vient de clore son existence de dandy et de séducteur par deux ou trois échecs ridicules ; une marquise l'a mis à la porte ; une duchesse a pris un amant sous son nez ; une comtesse l'a fait battre en duel par son frère : « Lara, dit-il, ô Conrad! ô Zaffie! ]e vous com- prends, mes amis , et je suis des vôtres. Le monde est infâme , hideux, abominable! c'est une Sodome , une Gomorrhe, une Babylone... O Byron !...» Idéolo boutonna son habit, fit tomber ses moustaches sur ses lèvres, mit des bottes et un pantalon large , enfonça son chapeau sur ses yeux , prit une canne dans une main , un cigare dans l'autre , et entra dans sa nouvelle vie d'un air sombre et déterminé. »


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Lorsqu'un mois plus tard, Ide'olo revenu des femmes et du misanthropisme , entra dans le cabinet de lecture de Samuel Bach , « il avait les cheveux longs et boucles sur les épaules, un gilet à la Robespierre, une redingote bleue, un pantalon bleu, un gourdin à la main, et un chapeau à larges bords sur la tête : « Citoyen Samuel Bach, dit- il, salut et fraternité. Le monde marche, le monde est en progrès, le monde s'achemine vers la république; l'avenir du monde est républicain!... » Le sens général du conte était assez clair pour que l'auteur put se dispenser d'y coudre , sous forme de postscriptum, une moralité, courte, à la vérité, mais contradictoire à son système : « C'est un grand malheur pour l'homme quand son imagi- nation a détrôné son cœur... » C'est nous montrer le lumignon après la lanterne magique.

Le second conte, Lord Chatterton, est un chapitie ajouté à la célèbre nouvelle d'Alfred de Vigny. Chatterton n'est pas mort : la violence même du poison l'a sauvé. Une jeune et belle et riche lady s'est éprise de lui, et l'épouse. Le voilà grand seigneur, membre du haut parlement, millionnaire; il ne sera plus à la solde des libraires ; il pourra désormais attendre la gloire de pied ferme et à loisir. Mais le monde qui l'a adopté, le monde où son double roman de suicide manqué et de noces illustres l'a mis à la mode, le poursuit de la ville à son château, et de son château en Italie où il était allé chercher un peu de solitude et de silence pour le travail. On lui démontre que son rang et sa fortune ne lui permettent pas de s'isoler de la société qui le réclame. Chatterton -résiste quelque temps, et finit par se plaire à ces petits succès de chaque jour, à cette gloire en monnaie qu'il récolte dans les raouts, dans les conversations, aux courses et dans les parties de chasse. Il passe homme de salon, homme à la mode, dandy, lion, et


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quand le poème de la Bataille de Hastings est enfin achevé, ce poème, le rêve et l'ambition de toute sa vie, il le sacrifie à la peur d'un scandale. Il avait été' convenu, dès la première lecture qu'il en fit, « que Guillaume ressemblait à lord Stradford, Harold à lord Mindless, la reine Hedwige à lady Saiuclair, la sorcière Etlielrude à lady Pembroke , et lord Chatterton avait tout bonnement versifié les mille et un on dit des raouts. » Le poète Chatterton jette son manuscrit au feu. Il finit vieux courtisan, vieux beau, douillet, coquet, tendre à lui-même, payant la taxe des pauvres, et dur aux poètes. La moralité qu'on veut bien cette fois se contenter d'indiquer dans la préface, est que les jouissances du luxe étouffent le génie.

L'histoire de Galyot est un récit légèrement teinté de fantaisisme allemand , qui rappelle certaines plaisanteries frénétiques de Jean-Paul Richter et de Hoffmann. C'est le récit des infortunes d'un pauvre brave homme marié à une furie, à une stryge exaspérée et hystérique, qui l'oblige à venir habiter un vieux château en ruines, où elle se promène la nuit, vêtue de blanc, dans les ténèbres, et d'où elle s'échappe le matin pour aller galoper, frémissante et échevelée , sur des chevaux noirs comme l'Erèbe. Sanglots, extases, délires, sommeils cataleptiques , longs oublis sur les lacs et dans les fourrés , chansons hurlées dans la nuit, tels sont les événements dont se compose la vie de ce bonhomme qui supporte tout dans l'espoir que la chambre conjugale, restée pour lui la chambre nuptiale, s'ouvrira un jour ou l'autre à sa soumission.

Deux autres contes, d'un genre tout différent, complètent le volume : Héliogabale, étude sur la mystagogie antique, et Kani-rûp ; pastiche des poèmes hindoustaniques de'jTahcin- Uddin, que venait de traduire Garcin de Tassy, et où l'auteur


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a su conserver le brillant et la délicatesse des compositions orientales.

Le second ouvrage de Théophile de Ferrière, les Romans et le mariage, est le développement en deux volumes (la plus grande proportion du roman en ce temps-là) de l'idée con- centrée dans Idéolo et dans l'histoire de Galyot. Seulement , comme il arrive souvent, la grande toile ne vaut pas le tahleau de chevalet. Le sujet, heureux pour un conte, devait perdre à être développé. Idéolo est un conte amusant surtout parce qu'il est vif, court, et qu'il n'a que la prétention d'une cari- cature; c'était une moquerie de bonne guerre et de bon aloi. Le roman qui dogmatise devait passer, en 1837, pour une œuvre de réaction contre des idées et des doctrines qui n'avaient rien de ridicule que dans les exagérations des simples et des conscrits. L'auteur ne se réduit plus à faire rire aux dépens des extravagants, des sots ou des singes. Il fait une charge à fond de train contre la poésie , les poètes et les artistes , en l'honneur des vertus sociales et domestiques. Le personnage important du livre — le héros — celui qui tourne la tête à toutes les femmes et trouble tous les ménages, se trouve être à la fin un pauvre fou, neveu d'un curé de campagne, un clerc d'huissier, qui s'est brouillé l'esprit à lire des romans. Donnée banale, vulgaire et qui devait perdre tout intérêt à sortir des proportions d'une anecdote. Le premier volume est néanmoins curieux à lire, comme une chronique assez fidèle des occu- pations, des goûts et des affectations de langage de la bonne compagnie, entre 1828 et 1835 : raouts, bals historiques, lectures, thés esthétiques, punchs humanitaires. L'argot symbo- lique et apocalyptique des faiseurs de systèmes sociaux, le bagout éthéréen des bas -bleus et des lakistes s'y retrouvent conservés entre deux feuillets, comme de vieilles fleurs. Certains


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types comiques , sans jamais tomber dans la charge , sont très- vivants, entre autres celui d'une femme émancipée et philosophe, madame Clara Mondésir, espèce de tricoteuse sentimentale.

Le roman est précède d'une assez longue étude sur la condition des femmes aux différents siècles , et sur leur rôle en littérature, soutenue d'amples citations d'Homère, Euripide, Plutarque, Aristote, Ennius, Plaute, Ulpien, Jehan deMeung, de Lorris, Jean Molinet, Matheolus, Martin Franc, Rabelais, Montaigne, Molière, J.-J. Rousseau, etc., etc.; c'est un morceau de critique très-intéressant et très-agréable.

En somme , Théophile de Ferrière est un écrivain élégant, fin, spirituel, lettré, qu'il serait injuste de séparer du groupe aux côtés duquel il a marché. Quoique rétractile et même hostile, sur certains points, aux idées qui alors entraînaient tout le monde; quoiqu'il se raille volontiers de la couleur locale et de la manie du pittoresque, il a cependant, et par la force des choses, assez emprunté au mouvement de son époque pour devoir lui appartenir et être réclamé par lui. Heureux temps ! où tout homme de bonne volonté trouvait dans l'assen- timent général un encouragement et une incitation à ce travail de perfection qui seul donne la durée aux œuvres.

Les Contes de Samuel Bach méritent d'être lus après les Consultations du docteur noir, qu'ils contredisent, mais sans les infirmer. Ils peuvent prendre place entre la Jeune- France et la Bohême galante. C'est un livre.


THÉODORE GUIARD


1837. — Luccioles, par Théodore Guiard. Paris, Eugène Renduel, in-8.

1852. — Théâtre complet de Sophocle, suivi des fragments de ses drames perdus; traduction nou- velle en vers français, par Théodore Guiard, pro- fesseur de seconde au lycée Charlemagne. Paris , Desobry et Magdeleine, in-8.

Celui-ci fut un aigle de collège, un lauréat feuillu et fleuri. En ce temps-là les succès scolaires ne déshonoraient pas. On n'avait pas encore inventé le type de « fort en thème », pour ridiculiser le goût de l'étude et l'amour précoce de la renommée.

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A ce moment du siècle , qui fut le règne de l'esprit , l'enthou- siasme intellectuel commençait dès le collège , et se continuait au dehors. Tel rhétoricien qui s'était fait proclamer le premier de sa classe le samedi soir, s'en allait le dimanche matin déposer une ode chez le portier de 31. \ ictor Hugo. Tel autre, couronné à la fin de l'année pour un prix de vers latins, voire de thème, croyait avoir fait le premier pas dans la gloire, dans l'illustration des salons et des cabinets de lecture. Il serait difficile aujourd'hui, après trente ans de calme et de diversion, de faire comprendre quelle ivresse singulière le retentissement des succès de la jeune école littéraire mêlait à l'ardeur des études : les cahiers de classe convertis en volumes de poésies , et chamarrés à la première page d'épigraphes en toutes langues ; les journaux manuscrits circulant de bancs en bancs et critiqués aussi sérieusement que les mémoires des savants étrangers le sont à l'Académie des inscriptions; les ouvrages nouveaux dévorés en cachette, sous le pupitre r et au dortoir; les punitions endurées avec orgueil pour des travaux illicites et pour des lectures prohibées; les événements de la littérature et des théâtres accueillis comme l'étaient autrefois les Bulletins de la grande armée; les drames les plus osés, les plus scandaleux par leurs hardiesses d'invention et de style, réclamés pour les représentations consacrées de la Saint-Charlemagne ; en un mot, toute l'émulation, toute l'énergie de la jeunesse confisquées au profit de la vocation littéraire. Tout cela sans doute est bien loin de nous, et si l'émulation subsiste, il faut convenir qu'elle a bien changé d'objets. Tout ce que je tenais à constater, c'est que les plus avancés, les plus insoumis à la discipline et les plus réfractaires à la tradition , c'étaient précisément les plus travailleurs, ceux qu'on nomme en tout temps « les bons élèves , » les gagneurs de points et de prix , les lauréats


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désignes des concours généraux. Les « forts en thème » de ce temps-là constituaient une aristocratie, une petite Athènes, pour laquelle les barbares s'appelaient a cancres. » Le temps des études classiques était alors considéré comme un noviciat littéraire , comme un apprentissage de La vie qu'on voulait suivre. Les auteurs anciens inscrits au programme étaient, non pas des devoirs, mais des maîtres. On sympathisait avec Horace et Euripide en tant que poètes, et presque à titre de confrères. Et c'est ce qui explique comment un candidat au prix d'honneur et qui se destinait délibérément à l'Ecole normale et à l'ensei- gnement , put être en son temps le type de l'écolier roman- tique.

Théodore Guiard fut donc un lion de distribution de prix , un coutumier des banquets de la Saint -Charlemagne. Ses contemporains se souviennent de lui avoir entendu réciter, selon l'usage de ces banquets solennels, une invocation au patron de la fête, parodie du monologue de Charles-Quint dans Hernani. J'en pourrais citer des bribes, tellement était reli- gieusement écouté en ce temps-là tout ce qui souriait à l'ambi- tion commune. Il va sans dire que la parodie n'était que dans la forme, et que ce l'appel d'une tirade célèbre était un hommage détourné au poète, idole de la jeunesse d'alors.

Guiard devait avoir à mon compte vingt ou vingt et un ans, lorsque parut son premier livre, en 1837. Il était né à Avallon, en Bourgogne (ou peut-être à ^ ezelai). Il avait là une vieille mère, des sœurs, une bonne et honnête famille, peu riche à ce qu'il paraît , car Guiard, destiné au professorat, commença, avant l'achèvement de ses études , le désagréable métier de répétiteur. C'est alors que je l'ai connu. Mon infaillible mémoire ne m'a rien laissé perdre de sa figure. Guiard, né avec l'esprit et les ambitions de son temps, avait le privilège


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plus souvent dévolu en ce monde aux seconds rôles qu'aux premiers, d'en porter l'enseigne dans sa physionomie. Il avait, comme on dit au théâtre, le physique de son emploi, d'un poète, et d'un poète de 1836. Sa taille moyenne avait de la force et de la grâce. Son visage sympathique était éclairé par deux yeux noirs très-vifs et très-brillants. S'il n'avait pas le teint bistré et olivâtre exigé par le signalement des don Paëz et des Reblo , il avait au moins l'accessoire obligé d'une che- velure abondante , bouclée , noire et lustrée comme l'aile du corbeau. Une royale et des moustaches complétaient cette phy- sionomie de poète et de héros de roman romantique. En somme , un très-joli et très-avenant garçon dont l'extérieur était une préface fort convenable au talent.

Guiard, répétiteur, se trouvait avoir pour élèves des condis- ciples et presque des camarades. Qu'on juge donc de l'effet produit sur ces jeunes têtes affolées d'ambition littéraire, par l'apparition de ce livre d'un contemporain et d'un ami. La nouvelle : Guiard vient de publier un volume de poésies ! circula comme l'annonce d'une victoire ou d'un avènement. — Les Luccioles avaient pourtant été précédées dans la publicité par la Semaine de Pâques, de Ferdinand Dugué. — Je n'aurais pas le livre sous la main que je reverrais encore avec l'œil du souvenir la couverture feuille-morte et les capitales italiques penchées, uniforme de la librairie Renduel.

Contre l'ordinaire , la préface n'a que deux petites pages, et ne soulève aucun principe. On commençait à être las, en 1837, des professions de foi et des poétiques. L'auteur se fait modeste, plaint les lecteurs débordés par l'abondance de la production littéraire, et se demande ce qu'il en sera, avant l'an révolu, de ses pauvres vers- luisants. Je n'aime pas tant d'humilité dans une préface; cela ressemble trop à de l'hypo-


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crisie. Malheureusement ici les prévisions de l'auteur étaient justes : maigre un talent très-réel, les Luccioles n'eurent guère que la durée d'une nuit d'été. Ce premier recueil n'était qu'une promesse qui demandait à être confirmée. La confirmation ne vint pas. Les Luccioles donnent l'art de leur temps, ou plutôt de leur moment, et ne donnent rien de plus. Le « hon élève » d'université se retrouve à la docilité, à la rapide intelligence des procédés et des formes. Les odes sont de bonnes odes; elles ont le mouvement et l'ampleur. Les images sont correctes, et les rimes aussi. Guiard débutait comme on débute dans tous les arts , par le pastiche. « Ces études sont excellentes , a dit quelque part Balzac, elles apprennent l'art (1). » Ici le pastiche était bon , et le maître de la Place-Royale eût pu écrire sur presque toutes les pages le mot bien. Les sonnets compara- tivement nombreux dans ce volume (il y en a seize sur quarante pièces) en sont la partie la plus originale , la plus personnelle. Quelques-uns ont une certaine grâce adolescente et délurée, une sorte de beauté du diable. C'est évidemment dans ce petit coin du parterre qu'il faut glaner les citations, l'appréciation d'un poète n'étant jamais complète sans quelque échantillon de son savoir-faire. Je prendrai un peu au hasard, la qualité étant ici partout à peu près égale.

SONNET VIII

II ijèle à pierre fendre. Un froid vif nous pénètre; Le soleil rougit l'air enluminé d'orpin ; Le givre en longs cristaux pend<iux bras du vieux pin. — Venez, pauvres oiseaux , venez sur ma fenêtre!

(1) Revue parisienne.


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Venez! vous n'avez pas en hiver grand bien-être; A peine trouvez-vous une graine, un pépin.... Je vais, pauvres petits , vous émietter du pain : Venez, venez à moi! vous devez me connaître.

Ne redoutez ni glu , ni pièges, ni réseaux.

Qui, moi? vous nuire! Hélas! infortunés oiseaux,

Pour nuire aux malheureux, je souffre trop moi-même!

Mangez; mais au printemps, quand les lis fleuriront, Oiseaux, chantez pour moi! Voltigez sur mon front! Aimez-moi! J'ai besoin d'amour, et nul ne m'aime.

SONNET III


Lorsque f étais enfant , j'aimais beaucoup à voir Sur un linge embrasé qu'un feu presque éteint brûle, Mille petits points d'or , peuple ardent qui circule, Errer , vaguer, courir , rouges sur un fond noir.

If me semblait alors qu'en un cloître, le soir, Mille gentes non nains, de cellule en cellule, Allaient, trottaient, — Clolilde, Hélène, Agathe, Ursule, — Et que je les voyais dans l'ombre se mouvoir.

Toutes se trémoussaient ensemble. — Les premières Passaient ;' d'autres venaient, agitant leurs lumières, Et passaient. Chaque sœur regagnait son réduit.

Les nonnes, quatre à quatre, allaient, venaient sans cesse; Et lampes de s'éteindre. Enfin venait Vabbesse Qui soufflait sa bougie, et disait : — Bonne nuit!


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SONNET V

Si j'avais l'aimable pinceau De V Albanie ou de Jean d'Udine, Je peindrais une jeune ondine Assise au bord d'un clair ruisseau.

Elle est là, sous un frais berceau, Et courbe, d'une main badine, Sur sa tête rose et blondine, Les branches d'un souple arbrisseau.

Tandis que l'imprudente joue, Un baiser effleure sa joue.... Elle se retourne soudain.

A demi-caché sous le saule, Un gentil et folâtre ondin Rit et lui baise encor l'épaule.

La mémoire retient encore le frisson d'une soirée d'automne, où l'aspect mélancolique du ciel et de la campagne ramène le poète à des souvenirs lugubres :

Un soir sur la Mo r lande,

La lune se levait derrière les Alleux.

Dans un ciel embrumé comme le ciel d'Irlande

Nous regardions flotter un voile nébuleux...

Et nos yeux s'égaraient dans les champs de l'êther, Et tu rêvais. — Et moi je pensais à Werther Chargeant l'arme fatale, et priant pour Charlotte.


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Ce qui appartient aussi bien en propre à Guiard , c'est de certaines pièces légères de forme et de sentiment, empreintes d'une naïveté de jeunesse campagnarde, la Cor délie , Noël, la Promenade à l'étang, et un charmant paysage du hameau de Saint-Père-en-Auxois, avec sa vieille église en ruine. Il faut encore porter à son compte , au moins j>our l'invention , le concours des deux Génies du Feu et du Froid, conjurés pour détruire l'armée de Napoléon en Russie, et triomphant, l'un à Moscou, l'autre à la Bérésina.

Le succès des Lucciolcs ne dépassa point le cercle des amis et des camarades du poète. Ce fut un succès domesticpie. Au dehors, ni le public, ni la presse, blasés par la fréquence des débuts, ne firent attention à celui-ci. Ce premier recueil annon- çait un poète : on l'attendit.

Il parut cependant un article sur les Luccioles, un article spécial et développé , qui ne mesurait pas moins que les dix colonnes (il n'en avait pas davantage alors) du feuilleton du Siècle. L'auteur était M. Auguste Nisard , Nisard III , frère de M. Nisard, l'académicien, et de M. Charles Nisard, actuel- lement chef de division au ministère de l'intérieur. M. Au- guste Nisard était nouvellement professeur de troisième au col- lège royal de Bourbon , lorsque Guiard , élève vétéran , quitta ce même collège. Il y avait donc, déjeune maître à ancien élève, une sorte de confraternité qui permettait d'espérer quelque assistance. Malheureusement , M. Auguste Nisard était de ces professeurs nés pour la robe, et qui ne la quittent jamais. Dans un discours récent , à une distribution de prix , il s'était posé en champion de l'enseignement dogmatique et traditionnel , et avait hautement flétri l'imagination , « cet inutile flambeau qui doit pâlir un jour devant la raison. » M. Nisard écrivit son article sur sa chaire, à côté d'un corrigé et d'une liste de


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pensums. Et certes , jamais poésie ne fut jugée dans une prose plus dénuée d'harmonie , d'élégance et même de correction. Sainte-Beuve a repris un jour un écrivain qui parlait de la grâce dans une phrase lourde et entortillée; mais je ne crois pas que les légères matières de l'art poétique aient été ailleurs traitées dans un style plus embarrassé, plus pesant, plus pénible , plus chargé de répétitions et de précautions mala- droites. C'est la lyre pesée dans une balance d'épicier. Cou- pons , pour l'exemple , une tranche de ce pâté de critique universitaire :

« ... M. Guiard a fait ce qu'ont fait avant lui et ce que feront encore après lui tous les jeunes poètes qui se poussent fraternellement dans la voie de Y imitation; le poète pousse le poète, nous dit l'auteur dans sa préface. On ne peut pas se sou- mettre de meilleure grâce à la nécessité du temps... M. Guiard qui a la modestie sincère et naïve d'un poète sérieusement effrayé de son début, a résisté par elle, autant qu'il a pu, aux tentations excessives de Y imitation. Tout en tournant le dos à l'école, il s'est souvenu de son éducation et de l'apprentissage courageux qu'il a fait de l'art d'écrire avec la gêne du goût et des conventions (?). A travers les facilités grossières de Y imitation mécanique auxquelles il s'ahandonne trop souvent encore , et parfois même avec la parfaite innocence des fana- tiques du métier, on aperçoit les scrupules d'une conscience difficile , les tâtonnements du travail et de la critique , je dirais presque les ratures commencées d'une main plus sévère, tant , je le répète, ce beau feu de poésie qui échauffe les têtes rhétoriciennes , toute cette impétuosité de nature qui précipite tous les ans les imitateurs sur les pas du maître , est peu irré- sistible en soi et même ne tient pas toujours chez quelques- uns contre la force tempérée des principes et des souvenirs de


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l'école. C'est par là surtout que les poésies de M. Guiard sont intéressantes à lire. Le talent y est partout; mais il est double, si je puis dire (pourquoi pas?) : naturel, quand il se corrige selon l'école; forcé et puéril, quand il s'abandonne et s'adore dans limitation. Ne vaudrait-il pas mieux pour le jeune poète attendre encore un peu , jusqu'à ce qu'il fût tout à fait sûr de sa voie, et maître de son esprit.... » [Le Siècle du 2 février 1837.)

Ouf! secouons nos épaules et nos oreilles. Remarquez que ce que le critique-professeur trouve le plus à blâmer dans les Luccioles , c'est précisément ce que recommandait Balzac, « l'étude de l'art par le pastiche. » Et quelle amertume on devine dans ce titre de « maître » ironiquement appliqué à l'homme que l'auteur de l'article considérait nécessairement comme l'antipode du goût et des conventions de l'école ! L'école ! quelle école? — comme si les œuvres de Victor Hugo étaient une moins bonne école de poésie que la classe de M. JNisard !

Je ne me rappelle plus aujourd'hui si Guiard fut flatté ou fâché de la longue attention de son prochain confrère en enseignement. Je sais seulement qu'il quitta brusquement Paris, non sans quelque dépit du silence des journaux, et qu'il démentit par quelques impatiences la modestie de sa préface. Le devoir , d'ailleurs , le réclamait : les délais qu'il avait accordés à son ambition littéraire étaient sans doute expirés. La dernière pièce des Luccioles exprime sous forme d'image un adieu à la poésie, à la liberté, à l'amour, aux espoirs de la jeunesse, qui était peut-être un pressentiment de la vie nouvelle qui allait commencer. Je n'ai pas le courage de marchander une dernière citation à un poète qui trouva la renommée si cruelle , et d'autant moins que ces vers sont des meilleurs du recueil :


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Mon cœur vivace où rien ne meurt, où rien ne s'use , Pareil au réservoir dont on lâche l'écluse, Laisse à regret ses eaux s'écouler...

Le lac Regrette ses flots bleus et limpides, le bac, Les joyeux matelots dont les voix cadencées Se mêlaient aux doux bruits des rames balancées; Le cygne dont le vol courbait les joncs mouvants, L hirondelle emportée au branle ami des vents, Qui rasait la surface, et sur l'onde calmée, Le large nénuphar à la feuille palmée... Les hymnes du matin et les soupirs du soir, La voix du rossignol, plainte mélodieuse, Et dans le ciel des nuits l'étoile radieuse!

Guiard partit donc , et s'en alla professer d'abord au collège d'Avallon , sa patrie. Son séjour dans cette province fut mar- qué par sa collaboration à la Revue des deux Rourgognes, publiée à Dijon, et dont la couverture jaune s'illustrait d'un titre rouge et d'un encadrement gothique. Je me rappelle, sans en avoir retenu un vers, une épitre à Victor Hugo (1), très- franche de ton , remerciement du bon accueil fait à l'auteur dans le salon de la Place-Royale. Guiard se confesse ingé- nument vaincu par la bonhomie de son hôte contre lequel il s'était armé de tous les préjugés de l'amour-propre et du quant à soi, ce qui prouverait, par parenthèse, que Guiard n'était


(1) Tome iv. Le même recueil contient encore une seconde épitre à M. Daveluy (même tome); — tome v, un roman, Barthélémy, en deux numéros; Samos et A une Créole, poésies. On y trouve en outre, tome m, le Génie du Froid et le Génie du Feu, pièce déjà citée, tirée des Luccioles. Le tome u contient un article favorable sur ce recueil.


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pas , avant la publication de son livre , aussi inféodé que son critique voulut le faire croire. Tout cela était dit, à ce qu'il me semble, très-finement et avec beaucoup d'entrain.

Après cette courte apparition à la Revue des deux Bour- gognes, on perd la trace de Guiard. Il coopère, de 1842 à 1846, à la collection des classiques latins de M. Désiré Nisard , l'académicien, où il donne la traduction des Epîtres d'Horace, des Suives de Stace, et d'une partie des Métamorphoses d'Ovide.

Ses anciens camarades avaient pu l'oublier, lorsqu'en 1852 parut sa traduction en vers de Sophocle, œuvre de douze années, dit la préface; ce qui explique son silence. Une tra- duction de Sojdiocle, même en vers, ne peut être jugée à fond sans une érudition spéciale qui me manque, ou sans un recours patient au dictionnaire dont un simple bachelier a perdu l'ha- bitude après vingt-cinq ans de grade. J'ai lu autrefois le travail de Théodore Guiard , je viens de le relire , et même aidé des excellentes traductions de M. Boyer, publiées chez Didot , de 1842 à 1843, je n'oserais émettre une opinion en sûreté de conscience. Le vers grec et le vers français sont si différents d'étendue et de rhythme , que pour faire passer la parole d'un poète de l'un dans l'autre, il fallait se soumettre à de grandes gênes, à de grands sacrifices des deux parts. Partout où cette gêne n'est pas trop sensible , là où le mouvement du discours emporte, la version française parle, émeut et s'impose. On est repris alors au charme du vers bien fait , plein , appris à la bonne école , n'en déplaise à M. Nisard , troisième du nom. Quelque autre demanderait : A quoi bon traduire Sojdiocle en vers? L'auteur a répondu dans sa préface : pour occuper utile- ment son esprit, d'abord; ensuite pour témoigner auprès de ses maîtres et de ses élèves du bon emploi de son temps. Mais


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cela même ne revient-il pas à dire que c'est là de ces travaux que l'on fait pour soi, pour son instruction, pour son agrément, et auxquels le public en général n'a rien à voir , et dont la critique même , en dehors des attributions spéciales , n'a pas rigoureusement le devoir de s'occuper? Tel fut sans doute le sentiment des critiques chez lesquels Guiard alla déposer son livre , et qui tous, à ce que je crois , du moins , se récusèrent. Ainsi donc, pour la seconde fois, à quinze ans d'intervalle, Guiard retrouvait le même silence , la même abstention. Il n'en prit pas son parti si facilement cette fois. Un jour : « Un pas- sant matinal , en traversant le bois de Vincennes , vit un spec- tacle funeste, et n'osa plus le regarder. Le jeune professeur avait désespéré de son courage... » Celui qui écrivait cela, un critique des plus sympathiques et des plus hospitaliers , M. Edouard Thierry (1) , confessait quelques lignes plus bas le scrupule d'une conscience délicate , mais, j'aime à le croire , trop facile à s'alarmer : « ... Je reconnais la dette, je ne l'ai pas encore acquittée, et c'est plus qu'un remords que j'éprouve. Le dégoût de la vie n'est pas une chose simple : il y entre bien des cha- grins secrets , bien des mécomptes tournés en fiel ,' des amer- tumes impatiemment supportées. Chaque fois que je rencontre le livre de Théodore Guiard , je me demaude si je n'ai pas été un de ses mécomptes , et si , parmi tant de promesses qui ne lui ont pas été tenues, il ne s'est pas aussi rappelé le feuilleton qui lui a manqué de parole... » — Oh ! non , c'en est trop ! Et où en serions-nous, grand Dieu ! s'il nous fallait compter avec de si terribles responsabilités V Assurément le désespoir est un sentiment , une passion complexe dans ses causes; mais celles qui le précipitent sont très-souvent les moins directes et les

(t) Monitetir tmiversel du 20 mai 1856.


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moins prévues. Lorsque Guiard se décida à publier sa traduc- tion de Sophocle , il était marie déjà depuis plusieurs anne'es. Les frais d'impression de ce fort volume, de près de huit cents pages, durent sensiblement grever les finances du professeur de seconde. Puis la maladie l'attaqua à son tour, un de ces maux cruels, nouveaux, et devant lesquels l'art hésite encore : une affection nerveuse. Un ami , à qui le moyen avait réussi , lui conseilla de faire à pied quelque long voyage , le voyage d'Italie. Guiard se mit en route ; mais à Fontainebleau le découragement le prit , et il revint à Paris. Et alors, nous dit encore M. Thierry : « Sentant que la mort s'approchait , il eut peur qu'elle ne s'emparât de lui , et c'est pourquoi il s'est emparé d'elle. » L'année qui suivit cette mort (1856) , l'Aca- démie de Caen , dont Théodore Guiard était membi'e corres- pondant , publia de lui , dans ses Mémoires , des stances à Malherbe , où {l'on retrouve le bon ouvrier en vers, à qui le mouvement , l'image et le rhythme sont familiers , mais dans lesquels aussi , par un retour singulier , le professeur surmené par ses douze années de version, en rappelle assez brutalement des premiers enthousiasmes du poète. Après ce début qui a de la beauté et de la grandeur :

Ah! que ton noble esprit connut bien sa puissance, Malherbe, ô vieux poète! o maître respecté! Quand, sûr de l'avenir, tu souriais d'avance A V immortalité !


Que tu présumais bien de la raison française, Quand du temps ennemi défiant la rigueur , Sur ta massue, ainsi que l'Hercule Farnèse, Tu t'appuyais vainqueur.


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Après ce début, dis-je , on comprend assez peu comment l'auteur en vient incidemment à maudire les insensés nova- teurs, lisibles Encelades, la tyrannie de la rime, les enjam- bements insolents du vers dramatique , et à glorifier , à la fin d'une stropbe, le Bon Sens, divinisé par de majestueuses capi- tales. Il se trouve néanmoins de belles stances dans cette pièce, et c'est même quelque chose d'assez admirable que de voir les restaurateurs de la poésie lyrique dans notre siècle , insultés dans la langue qu'ils nous ont rendue :

. . . Appuyé sur ta lyre sonore, Tu parus radieux aux regards éblouis; La France tressaillit et salua l'aurore Du règne de Louis.

Elle vit , s empressant dans la route tracée, Tous ces nobles esprits qu'admire l'univers S'attacher dans l'accord d'une même pensée, A des genres divers.


L'auteur charmant, celui qui pour former sa gerbe Dans les vieux fabliaux glana plus d'un épi, Ne s écria-t-il pas , tout plein de son Malherbe : « Je suis poète aussi! »

Et maintenant , adieu encore une, fois au pauvre Guiard ! Lui aussi, il avait mordu à la pomme fatale ; lui aussi, il s'était laissé prendre à la grande tentation du siècle (à ses commen- cements) : devenir célèbre — ou mourir. Et il est mort. Quoi


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que l'on pense de sa mort et de sa vie , il m'a semblé que ce souvenir était bien dû à son talent, à ses efforts, à ce désinté- ressement , vertu d'un autre âge, qui l'a fait s'attacber à des ambitions sans profit pour sa bourse. ]\'était-il pas dû aussi aux déceptions de sa vie et au désespoir qui l'a abrégée?


CATALOGUE ICONOGRAPHIQUE


Afin de compléter, autant que possible, cette physionomie de la littérature et de la librairie d'il y a trente ans, nous donnons ici la liste , aussi nombreuse que nos recherches l'ont pu faire , des romans et autres ouvrages littéraires pour lesquels Tony et Alfred Johannot, Gigoux, Célestin Nanteuil, Henry Monnier et Gavarni, les maîtres du temps, ont dessiné des vignettes, et qui ne nous ont pas fourni le sujet d'articles spéciaux.

Il va sans dire que ce catalogue restreint à un genre parti- culier — la vignette littéraire — ne saurait avoir et n'a nulle- ment la prétention d'embrasser l'œuvre de ces éminents artistes, et que ce n'est pas par ignorance que nous omettons , soit le Roi de Rohême, le Molière et le Don Quixote , soit le Gil Rlas , soit la Jérusalem délivrée, ou tout autre ouvrage illustré par ces messieurs.

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Sans prétendre avoir donne' une nomenclature parfaite , nous espe'rons cependant avoir fort avancé la tâche de l'historien définitif. Afin de faciliter autant qu'il était possihle cette tâche, nous avons décrit les sujets les plus remarquables, et cité les noms des graveurs, toutes les fois qu'ils ont signé. Nous avons enfin indiqué, autant que nous l'avons pu, les doubles vignettes publiées et répétées dans les journaux d'art , selon l'usage du temps.

TONY JOHANNOT

1830. — SOUVENIRS POÉTIQUES, par A. de Beauchesne. Delangle, in-8, vignette-frontispice gravée par Porret : jeune mère, pieds et épaules nus, serrant son enfant entre ses bras ; à gauche, fenêtre ouverte par où l'on aperçoit des soldats armés ; une épée et des pistolets accrochés au mur.

— Le Barbier DE LOUIS XI, par Cordelier-Delanoue. Madame Béchet, in-8, gravure de Cherrier.

— LE BONNET VERT, par Méry. Boulland, in-8, vignette gravée par Thompson : un forçat enchaîné sur son lit ; un homme en habit noir s'écarte à gauche ; au fond, un garde-chiourme coiffé du tricorne.

— Les Mauvais garçons, par Alphonse Royer. Ren- duel, 2 vol. in-8, 2 vignettes gravées par Porret : 1. jeune femme renversée sur son lit; à gauche, un soldat égorge un jeune homme terrassé; 2. orgie dans un bois; une femme verse à boire à un soldat; à gau- che, un homme ivre adossé à une futaille.


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— Histoire populaire de la révolution de 1830 (par Horace Raisson). Jules Lefèvre, in-32, vignette sur le titre, gravée par Porret : une urne funéraire sur un bloc où sont inscrits les noms de Bailly , Mirabeau, Lameth et Barnave; à droite, la Liberté, tête nue, en péplum et en tunique, portant le bonnet rouge au bout d'une pique; à ses pieds, les médaillons de Bailly et de La Fayette ; à gauche , un trophée formé de fusils et d'un drapeau tricolore J un coq et deux chapeaux à plumes; en avant, des fers rompus.

1831. — LES INTIMES, par Michel Raymond. Renduel, 2 vol. in-S , 2 vignettes gravées par Andrew : 1. jeune femme en todette de nuit , à demi-évanouie entre les bras d'un jeune homme qui la baise au front ; dans le fond, un lit; 2. le cauchemar; un lutin pèse sur la poitrine d'un jeune homme endormi.

— La PEAU DE CHAGRIN , par H. de Balzac. Gosselin et Canel, 2 vol. in-8, 2 vignettes gravées par Porret : 1. Rafaël chez le marchand de curiosités; 2. Rafaël en robe de chambre , aux genoux de Pauline à demi déshabillée.

— Contes PHILOSOPHIQUES , par H. de Balzac. 3 vol.

in-8, une vignette gravée par Porret, V Enfant maudit : jeune femme tenant son enfant dans ses bras , agenouillée aux pieds d'un vieux seigneur bardé de fer.

— Le DIVORCE, par P. L. Jacob. Renduel, in-8, vignette gravée par Porret (répétée dans la Revue de Paris) : Adeline Revel en toilette de bal, affaissée


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dans un fauteuil devant son mari qui serre les poings avec fureur; à terre, une lettre déchirée.

Le MANUSCRIT VERT, par Drouineau. Gosselin,2vol. in-8, 2 vignettes sur chine, gravées par Porret : 1 . jeune homme assis devant un secrétaire ; un vieil abbé lui montre un papier sur lequel est écrit le mot : adultère; 2. jeune femme évanouie, étendue à terre près d'une voiture dont la portière est ouverte ; un jeune homme qui s'est approché pour la secourir se détourne pour regarder une jeune fille coiffée en cheveux, qui lève le pied en pinçant sa robe.

PAUL BriOLAT, parMerville. Renault, in-8, vignette sur le titre , gravée par Porret : Briolat contemplant Marat assassiné dans sa baignoire.

Revue DES DEUX MONDES, année 1831. Vignette pour les titres et couvertures : l'Amérique figurée par une femme nue, ceinte du pagne et chaussée de mocassins , tend l'olivier à l'Europe représentée par une femme drapée et appuyée à une colonne où sont inscrits les noms des grands hommes du monde ancien; à gauche, au fond, un navire à l'ancre.

- Chansonnier du gastronome , par Béranger , C. Delavigne , V. Hugo , etc. Vignette gravée par Porret : un homme âgé et chauve déjeune dans un bosquet ; à gauche , un paysan mange un morceau sur le pouce; du même côté, en avant, un cochon dans une mare.


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1832. — Le MUTILÉ, par Saintine. A. Dupont, in-8, vignette- frontispice gravée par Thompson : le Mutile' montrant ses moignons au pape agonisant.

— La Vieille Fronde, par Henri Martin. M me Béchet,

in-8, gravure de Cherrier : le Coadjuteur apaisant la populace ameutée.

— NOUVEAUX CONTES PHILOSOPHIQUES, seconde édi- tion, par H. de Balzac. Gosselin, in-8, vignette gra- vée par Porret : Louis XI soupant chez maître Corné- lius; jeune homme assis à gauche, tenant son chapeau sur ses genoux.

— Le Lit DE CAMP (par Burat de Gurgy). Souverain, in-8, deux vignettes gravées par Porret et Andrew : 1. le duel; une femme habillée en homme tient un pistolet; 2. un homme blessé étendu sur un lit d'hô- pital (répétée par l'Artiste).

La seconde édition de ce livre, même éditeur, même année, a une autre vignette gravée par Thompson : un officier français dégaine en face d'un brigand italien ; sur la droite , une femme étendue évanouie.

— L'Ecolier de Cluny ou le sophisme , par Roger de Beauvoir. H. Fournier, in-8, frontispice gravé par Porret : une femme nue dans un lit s'apprête à pousser le bouton d'un panneau placé au fond de l'al- côve; un jeune homme se jette au bas du lit, un poi- gnard à la main, pour prévenir l'attaque d'un homme armé qui s'avance. Vignette sur le titre : le clo- cheteur près du cadavre de Jehan ( Tout à coup il recula : le cadavre se levait..), sujet de la page 184.


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La seconde e'dition , même année, 2 vol. in- 12, a une seconde vignette signée A. Menut, et gravée par Porret : Marguerite remontant la Seine dans un bateau à baldaquin.

L' Artiste a donné une scène de ce roman , litho- graphiée par Devéria : Buridan et Marguerite à clieval (Femme, je sais cme tu es Jeanne de Bourgogne. Adieu, nous nous reverrons un jour...).

- RÉSIGNÉE, par G. Drouineau. Ch. Gosselin , 2 vol. in-8 , 2 vignettes sur chine , gravées par Porret :

1. deux hommes à cheval, dont l'un étend le bras vers une croix plantée au bord du chemin; 2. un homme vêtu d'une longue redingote flottante surprend une jeune femme couchée qui se dresse sur les oreillers.

- SOUS LES TILLEULS , par Alphonse Karr. Gosselin , 2 vol. in-8, 2 vignettes sur chine, gravées par Porret : 1 . Madelaine pieds nus dans la chambre de Stéphen qui lui baise les mains, assis sur son lit;

2. Stéphen à genoux dans le cimetière sur la tombe de Madelaine, qu'il vient d'ouvrir; au fond, la lune entre des nuages épais.

Une scène de ce livre , gravée à l'eau-forte par Tony Johannot, a paru dans l'Artiste de 1832 : Madelaine et Stéphen dînant dans la famille du pêcheur (A ce souvenir, les enfants se levèrent et vinrent l'embrasser. . . ) .

- La Salamandre, par Eugène Sue. 2 vol. in-8, 2 vignettes gravées par Porret : 1. scène de vio- lence à bord; une femme à genoux, serrant son


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enfant, devant un nègre qui tient un poignard; 2. lutte de matelots dans un cabaret.

- La COUCARATCHA , par Eugène Sue. 2 vol. in-8, 2 vignettes; 1. une orgie de matelots; grave' par Thompson d'après Henri 3Ionnier; 2. Hortense et Georges dans la pagode; Marcel, en costume d'Othello. et Craô les observent par la fenêtre ; grave' par Thom- pson d'après Tony Johannot.

- SAYNÈTES, par Paul Foucher. In-8, vignette- fron- tispice gravée par Porret : Théodore et Le'ontine près du cadavre de M. O'Felly ( sujet emprunté à la première saynète).

■ Portraits ET PAYSAGES, par Philarète Chasles. Delaunay , in-8 , vignette gravée par Porret : vieille femme étendue morte sur un grabat dans une cabane ; un enfant danse sur le cadavre (l'Enfant idiot).

La DAKSE MACABRE, par P. L. Jacob, bibliophile. E. Renduel, in-8, vignette gravée par Andrew : Macabre faisant danser les morts au son du rebec dans le cimetière des Innocents; au fond, la tour de Notr e-Dame-du-Bo i s .

Le DUC d'ExghteN, par Edouard d'Anglemont. In-8 , vignette gravée par Porret : le duc d'Enghien dans les fossés de \ incennes ; un général s'approche pour lui attacher la lanterne, sur la poitrine ; un autre officier lui parle, le chapeau à la main; un troi- sième, à droite, croise les bras, par un mouvement d'indignation.


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— Histoire de la vie et des ouvrages de Cha- teaubriand, par Scipion Marin. Yimont , 2 vol. in-8 , 2 vignettes gravées par Porret : 1 . Chateau- briand chez les Peaux-Rouges ; il impose les mains à une jeune femme sauvage; 2. Chateaubriand en Orient ; des Turcs de fantaisie, armes de fusils, entretiennent un feu à ses pieds.

— L'Ecuyer d'Auberon ou l'oratoire de Bon- Secours, par M me Mélanie Waldor, seconde édition. Moutardier, in-8. Nous n'avons vu qu'une vignette de ce livre annoncé avec gravures d'après Tony Johannot et Gigoux ; elle est graA ée par Thompson d'après Tony Johannot, et représente, à peu de chose près, le Cheval du trompette d'Horace Yernet, seulement le cavalier étendu mort a le costume des mousquetaires Louis XIV.

1833. — L'ASSASSINAT, scènes méridionales de 1815, par Méry. Canel et Guyot, in-8, vignette gravée par Thompson : le cadavre de d'Angles étendu à terre au coin de la rue Saint-Bazile ; à droite , une rue sombre où flotte un drapeau blanc.

— Le Vendéen , épisode, 1793, par A. E. D. S. (de

Saintes). Moutardier, 2 vol. in-8, 2 vignettes répé- tées sur la couverture, gravées par Leloir : 1. une jeune fille sortant d'une chaumière accourt vers un jeune homme étendu à terre évanoui; 2. la guillo- tine ; les valets du bourreau emportent un cadavre décapité; autre cadavre décapité à gauche; à droite, un gendarme à cheval et sabre nu refoule le peuple.


- 249 -

Le Cheveu du Diable, par H. Berthoud. Mame- Delaunay, 2 vol. in-8, 2 vignettes gravées par Porret : le Diable tenant un homme par un cheveu, au bord d'un abîme; 2. Laure Lelaurier déchevele'c regardant par la fenêtre de sa prison. Reproduite dans l'Artiste.

- LÉGENDES FRANÇAISES, par E. d'Angleniont. Marnc- Delaunay , in-8 , frontispice gravé par Porret.

- VERTU ET TEMPÉRAMENT, par P. L. Jacob. Renduel , 2 vol. in-8, 2 vignettes : 1. an homme tombe aux pieds d'une femme, et sa redingote déchirée laisse voir sur son épaule les lettres T. F. (l'ancienne mar- que des forçats) ; seconde femme à gauche, coiffée d'un chapeau; porte ouverte, à droite; gravé par Porret; 2. le même homme entre, une lanterne à la main, dans la chambre où sont couchés un jeune homme et une jeune femme; gravé par Andrew.

- INDIANA , par George Sand. Cli. Gossclin , 2 vol. in-8, 2 vignettes sur chine : 1. Raymond blessé apporté chez M. Delmare; il est soutenu par sir Ralph ; Indiana s'approche pour lui donner des soins; gravé par Cherrier; 2. vue des quais de Paris; Indiana et sir Ralph au bord de la rivière ; Indiana est déchevelée et son chapeau est tombé à terre ; un chien à gauche; gravé par Porret.

- YalENTINE, par George.Sand. Ch. Gosselin, 2 vol. in-8, 2 vignettes : 1. Yalentine embrasse Louise couchée dans son lit; gravé par Brevière; 2. cham- bre de château ; fenêtre à ogive ; Bénédict désespéré


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s'appuie sur un prie-Dieu; près de lui une jeune femme; grave par Porret.

LES OMBRAGES, par G. Brouineau. Ch. Gosselin, in-8 , vignette gravée par Porret : un jeune homme brûle une lettre à la bougie, devant une jeune femme assise à droite , qui le regarde avec ëtonnement ; costumes de 1789.

UNE HEURE TROP TARD, par A. Karr. Ch. Gosselin,

2 vol. in-8, 2 vignettes : la première nous a échappe; celle du tome second, gravée parBrevière, représente une scène de chasse aux canards.

• LES ÉCORCHEURS, par d'Arlincourt. Renduel, 2 vol. in-8, 2 vignettes : 1. scène d'orgie dans le fond; au premier plan, un vieillard revêtu d'une armure parle à un jeune homme (Le tocsin sonne; sois homme de cœur... ) ; grave par Leloir ; 2. chambre moyen-âge ; un jeune homme et deux femmes dont l'une est évanouie (Oh! Ethelinde , sauvez-la...); gravé par Thompson.

Les Rebelles sous Charles V, par d'Arlincourt.

3 vol. in-8, 3 vignettes : 1. orgie de soldats; l'un d'eux, monté sur une table, harangue la compagnie; gravé par Porret; 2. jeune femme couchée; une vieille cpii la garde étend le bras avec menace vers un chevalier qui paraît consterné; gravé par Porret; 3. clair de lune; une femme à genoux semble invo- quer un chevalier; un autre tire son sabre du four- reau; gravé par Cherrier.


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— ECCELENZA, par Roger de Beauvoir. Fournier, in-8, vignette grave'e par Porret : le marquis encapu- chonné monte sur l'autel devant la châsse ouverte de Saint-Charles Borrome'e , et enlève la bague de la main du saint; l'orfèvre debout le regarde ébahi.

— Ma JUSTIFICATION, par Barthélémy. Perrotin, in-8, vignette gravée par Porret : le poète esta son balcon, place de la Bourse, pendant une insurrection; des gardes nationaux passent , emportant un blessé sur une civière, à côté d'un garde national mort; un tambour de grenadiers bat le rappel ; un grenadier rejoint, malgré sa femme échevelée; au fond, la fusd- ladc éclate sur les boulevards.

— Le tome second des CENT ET UNE NOUVELLES DES CENT ET UN, a une vignette de Tony Johannot, gravée par Cherrier, pour la Présence d'esprit, nouvelle, de Michel Masson.

1831. — Revue de Paris, tome xxxiv, vignette pour l'Au- topsie, nouvelle, d'Amédée Pichot.

— UNE AME EN PEINE, par A. Kermel. Levavasseur, in-8, vignette gravée par Lacoste aîné : jeune fille à genoux, faisant des aveux à sa mère assise à droite.

-- DEUX DESTINÉES, drame en cinq actes, par Xavier Forneret. Barba, in-8, vignette gravée par Porret : Charles se frappe d'un poignard sur le cercueil de Marie; M. de Saint-Brïenne accourt sur lui, en brandissant un poignard.

— Le BRAHNE VOYAGEUR, par Ferdinand Denis. Abel


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Ledoux, in- 18, frontispice grave sur acier par Dotillois : Sancho Pança sur son âne.

183.. — Contes du bibliophile Jacob à ses petits - enfants. Louis Jannet, 2 vol. in- 12, 2 vignettes gravées par Porret : 1. Marie de France appelle au secours de Jean des Essarts qui se noie; 2. Jacquot arrache le serpent qui s'enroulait à la cuisse de Henri IV enfant.

Voir les articles Victor Hugo, Alexandre Dumas, Alfred de Vigny, Contes bruns, Régnier -Des- tourbet, Eusèbe de Salles.

ALFRED JOHANNOT

1830. — Harmonies poétiques et religieuses, par A. de Lamartine. Gosselin, 2 vol. in-8, 2 vignettes gravées par Porret : 1 . le poète dans un cimetière ; une ombre de femme lui apparaît dans la vapeur; 2. un ange planant au-dessus du globe terrestre.

Cette seconde vignette est d'après Tony Jo- hannot.

1833. — LES PLEURS, poésies, par M me Desbordes- Valmore. Charpentier, in-8, frontispice gravé sur acier par Mauduit : des enfants retirent sur la grève le corps d'un marin naufragé (le Retour du marin).

1836. — La Première communion, par E.-J. Delécluze. Gosselin, in-12, vignette sur chine, gravée par Porret : ]cune fille priant devant son lit; sa mère la regarde.


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— Contes d'une vieille fille a ses neveux, par

M me Emile de Girardin, seconde édition. Ch. Gosselin, 2 vol. in-16, 2 frontispices eaux -fortes d'Alfred Johannot : 1. petit garçon à cheval sur un chien ailé; encadrement de feuillages et de fleurs, surmonté d'un groupe d'enfants nus; 2. même encadrement ; au milieu, un chat assis écrit sur une tahle.

Voir l'article Jules Janin.

J. GIGOUX

1832. — La TOUR DE MontlhéRY, par Viennet. Ledoux et Gosselin , 2 vol. in-8 , 2 vignettes gravées sur pierre : 1. festin d'hommes d'armes dans une salle féodale; 2. une jeune fille menacée par un chevalier se réfugie entre les hras d'un moine; une femme vêtue d'un corset d'hermine étend les hras vers le chevalier.

— Une GROSSESSE, par Jules Lacroix. Renduel, 2 vol. in-8, 2 vignettes.

— Chapelle- musique des rois de France, par

Castil-Blaze. Paulin, in -12, vignette sur chine gravée par Lacoste : un roi, couronne en tête, sort d'une église en donnant la main à une femme voilée.

— La Danse et les ballets, depuis Bacchus jusqu'à mademoiselle Taglioni, par Castil-Blaze. Paulin, m- 12, vignette sur chine, gravée par Lacoste: mademoiselle Taglioni dansant dans un paysage ; elle tient un tambour de basque.


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Ces deux volumes ont été réunis, et dans ce cas le premier doit avoir une vignette-frontispice, gravée aussi par Lacoste, d'après Gigoux : une jeune femme tenant un cahier, dans un entourage de pampres.

1833. — CALOMNIE, par Hippolyte Bonnelier. Abel Ledoux, in-8, vignette gravée sur pierre par C. Girardet : jeune femme étendue dans un lit, à demi-découverte ; un homme debout au pied du lit la regarde ; à droite, on voit la lune par la fenêtre ouverte; à terre, des bouquets de roses et un pistolet.

1835. — POÉSIES DU COEUR, par M me Mélanie Waldor. L. Janet , in-8 , vignette-frontispice sans nom de graveur : femme en robe blanche, rêvant au clair de la lune, sur une terrasse. Reproduite dans le Monde dramatique.

Voir les articles Pétrus Borel et Ernest Fouinet.

GÉLESTIN NANTEUIL

1833. — Venezia la BELLA, par Alphonse Royer. E. Ren- duel, 2 vol. in-8, 2 vignettes-frontispices à l'eau- forte : 1. une gondole où une jeune fille s'évanouit entre les bras d'un jeune homme; encadrement, à conrpartiments, de vues de Venise; 2. jeune fille morte dans une bière ouverte, entre deux moines dont l'un est agenouillé; à droite, la lune; encadre- ment de fantaisie.

— SAMUEL, par Paul de Musset. Renduel, in-8, fron- tispice eau-forte : Samuel entre Jeanne et Juliette ;


— 255 —

par la fenêtre ouverte, à gauche, on entrevoit la lune.

— UN CLAIR DE LUNE, par Gustave Albitte. Renduel, in- 8, vignette eau-forte : jeune homme couche dans un lit, près d'une fenêtre ; à gauche, sur le devant, une hière ; par la fenêtre ouverte on aperçoit la lune et des monuments aux croisées éclairées.

— POÉSIES de Hippolyte Tampucci, seconde édition. In-8, vignette eau-forte : jeune poète assis sur une roche, au bord d'un ruisseau ; près de lui un ange- femme tient une harpe.

— Le Balcon de l'Opéra, par Joseph d'Ortigue. Renduel, in-8, vignette eau-forte sur chine : une jeune fille tenant une harpe est assise au pied d'une roche; derrière elle, un ange inscrit sur la roche les noms des musiciens célèbres.

— Eau-forte pour DlNAH LA JUIVE, nouvelle, par Pétrus Borel, publiée dans l'Artiste, réimprimée dans les Contes immoraux (voir l'article Pétrus Borel).

1835. — La Bédouine, par B. Poujoulat. A. Pougin, 2 vol. in- 12, deux vignettes eaux-fortes : 1. paysage d'Afrique , vallons et montagnes ; un berger Kabile , un bâton à la main, s'avance vers une femme arabe portant un vase sur la tête ; 2. jeune femme morte enterrée par des Rabyles; une femme pleure à terre.

— Le BORD DE LA COUPE, par Chaudes -Aiguës. Werdet et Ollivier, in-12, vignette gravée sur bois par Belhatte : un ange mâle et un ange femelle


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s'embrassent en tenant un bénitier qui se termine en figure de Satan.

1837. — La Cape ET L'ÉPÉE , poèmes , par Roger de Beau-

voir. Suau de Varennes, in-8, frontispice eau-forte : dans un parc une jeune femme est assise, tenant une coupe dans laquelle lui verse à boire un nain dif- forme ; un jeune bomme est caché derrière les arbres ; encadrement d'anges , terminé en haut par un che- valier et un ménestrel qui déroulent une banderolle où sont inscrits les titres des principales pièces du livre.

1838. — UN DIAMANT A DIX FACETTES, par Frédéric Soulié ,

Paul de Kock , Roger de Beauvoir , etc. Suau de Varennes , 2 vol. in-8 , 2 portraits à l'eau-forte , en pied, de Frédéric Soulié et de Paul de Kock.

1840. — GRISELDIS, poème dramatique en cinq actes, par F. Halm, traduit de l'allemand, par 3Iillenet, de Gotha. Curmer, in-18, vignette-frontispice, gravée sur bois par Porret , représentant la dernière scène de la pièce : Percival à genoux , suppliant Griseldis qui se retire à gauche , entraînée par sa mère ; au fond, le roi Artus et la reine sur leur trône.

^ oir les articles Victor Hugo, Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Pétrus Borel, Philothée O'Neddy. On peut ajouter à cette liste de nombreuses vignettes données par M. Célestin Nanteuil, de 1831 à 1835, au Monde dramatique de Gérard de Nerval, notamment le décor du premier tableau de Esme- ralda, opéra de mademoiselle Bertin; une scène


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d'une Famille au temps de Luther , de Casimir Delavigne. M. Nanteuil a fait encore une très-belle eau-forte pour le prospectus des hais de nuit de l' Opéra-Comique , en 1833.

HENRY MONNIER

1827. — LES SOIRÉES DE NeuiLLY, esquisses dramatiques

et historiques, publiées par M. de Fongeray (par Dittrner et Cave), avec un portrait de l'éditeur et un fac-similé de son écriture. Moutardier, in-8.

Ce portrait lithographie d'un personnage supposé représente un homme d'environ soixante ans, ventru et chauve, large habit carré, bas de soie et culotte; il tient son chapeau à la main , et son parapluie sous le bras.

1828. — SCÈNES CONTEMPORAINES, laissées par feue madame

la vicomtesse de Cbamilly (par Lœve-Weimars, Yan- derburch et Romieu). Canel , in-8 , avec une litho- graphie à la plume représentant l'empereur Napoléon visitant le peintre David dans son atelier (Messieurs, M. David est baron de l'Empire... ).

Cette vignette est reproduite dans la seconde édi- tion du livre , même éditeur , même année , qui a de plus un frontispice aussi lithograpbiéà la plume, repré- sentant Bonaparte, Napoléon, Talma, une danseuse, un académicien, un évéque , un sans-culotte, etc., réunis sur une avant-scène devant le trou du souffleur. Dans cette seconde édition les deux a i^nettes sont peintes à l'aquarelle.

19


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1830. — POÉSIES de madame Desbordes- Valraore. Boulland,

2 vol. in-8, frontispice gravé sur bois par Andrew : portique moyen-âge en ruines, encadrant le titre; rinceaux , clochetons , etc. ; vantail de bois ouvert à droite ; broussailles sur les fûts et sur les marches. Imitation des croquis de Bonington.

1831. — Le ROUGE ET LE NOIR, chronique du XIX e siècle,

par M. de Stendhal. Levavasseur , 2 vol. in-8, 2 vignettes gravées par Porret : 1 . Julien s'élance vers madame de Rénal, évanouie dans le confessionnal, et soutenue par madame Derville; 2. Mathilde de la Mole pose devant elle la tête de Julien.

— PLICE ET PlOCK , par Eugène Sue. Renduel , in-8 , frontispice gravé par Andrew : le cacou (l'idiot) assis demi-nu dans sa cabane ; la sorcière s'avance à droite , portant une lampe ( chapitre premier du second conte : le Cacou et la sorcière).

1832. — La COUCARATCHA, par Eugène Sue. Canel , 2 vol.

in-8 , 2 vignettes : 1 . une orgie de matelots ; gravé par Thompson.

La vignette du tome second est de Tony Johannot ( voir ci-dessus ) .

1840. — BABEL, publication de la Société des gens de lettres. J. Renouard, 3 volumes in-8 : 1. vignette pour Une consultation, nouvelle de Charles de Bernard; un monsieur assis dans le cabinet d'un médecin qui l'écoute renversé dans un fauteuil, en robe de chambre et en pantoufles; bibliothèque; cadres; 2. vignette pour Pierre Grassou, nouvelle de H. de Balzac;


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la famille Yervelle entrant dans L'atelier de Pierre Grassou; toiles, plâtres; 3. vignette pour la Famille de M. Tartuffe, article de Louis Desnoyers; per- sonnages des deux sexes et de tous états, militaires, avocats, magistrats, etc., etc., à genoux devant le fauteuil de Tartuffe. I^es trois vignettes gravées par Gérard.

La vignette de couverture des trois volumes repré- sente des gens de lettres montés sur des échafaudages, bâtissant la tour de Babel avec des livres.

GAVARNI

1832. — LE LORGNON (par M me Emile de Girardin). Leva- vasseur et Charles Gosselin, in-8, vignette-frontispice gravée sur bois : femme assise sur un canapé et cau- sant avec un jeune homme accoudé; Edgard de Lorville , le héros du livre, les lorgne.

1835. — Au MOIS DE MAI, par Albert de Calvimont. Dénain, in-8 , vignette sur chine , gravée par Porret : une jeune femme s'élance par une porte; un jeune homme en robe de chambre la reçoit dans ses bras.


SOLEIL COUCHE

SONNET-ÉPILOGUE


Que le soleil est beau quand tout frais il se lève, Comme une explosion nous lançant so?i bonjour! — Bienheureux celui-là qui peut avec amour Saluer son coucher plus glorieux qu'un rêve!


Je me souviens... j'ai vu tout, fleur, source, sillon, Se pâmer sous son œil comme un cœur qui palpite... Courons vers l'horizon; il est tard, courons vite, Pour attraper au moins un oblique rayon!


- 262 —

Mais je poursuis en vain le dieu qui se retire L' irrésistible nuit établit son empire, Noire, humide, funeste et pleine de frissons;


Une odeur de tombeau dans les ténèbres nage,

Et mon pied peureux froisse, au bord du marécage,

Des crapauds imprévus et de froids limaçons.

Charles Baudelaire.


TABLE


Avant-propos de cette seconde édition

Préface de la première édition

L'Aube romantique , par Théodore de Banville


Pages. III XI

XXIII


BIBLIOGRAPHIE R03IAi\TIQLE


Victor Hugo Alexandre Dumas Prosper Mérimée Charles Dovalle Alfred de Yigny E.-T.-A. Hoffmann Contes bruns Jules Janin Théophile Gautier Pétris Borel Ernest Fouinet Félix Aryers Caliban et les Étoiles Louis Bertrand Annales romantiques } § I II


3 15 21 23 27 31 33 35 39 43 59 65 71 75

89 124


- 264 -

Pages.

Regnier-Destourbet 161

Eusèbe de Salles 171

Napol le Pyrénéen 185

Emile Cabanon 195

Philothée O'Neddy 199

Théophile de Ferrière 217

Théodore Guiard 225

Catalogue iconographique 241

Tony Johannot 242

Alfred Johannot 252

J. Gigoux 253

CÉLESTIN Nanteuil 254

Henry Monnier 257

Gavarni 259

Soleil couché, sonnet-épilogue, par Ch. Baudelaire 261

Table 263


APPENDICE


ALENCON. TYPOGRAPHIE K. UE BR013E.


APPENDICE

A LA SECONDE EDITION

DE LA

BIBLIOGRAPHIE ROMANTIQUE

PAR

CHARLES ASSELINEAU

SUIVI DE LA TABLE DES NOMS DES ÉCRIVAINS ET DES ARTISTES DU XIX e SIÈCLE

CITÉS DANS CE LIVRE ET DE CELLE DES OUVRAGES QUI Y SONT DÉCRITS



a tî§.ï.


PARIS

P. ROUQUETTE, LIBRAIRE-ÉDITEUR

85-87, PASSAGE CHOISEUL, 85-87 M DCCC LXXIV


APPENDICE


AVERTISSEMENT


Nous croyons devoir répéter une fois encore , en faveur des esprits obstines , ce ([ne nous n'avons fait qu'indiquer dans les préfaces de ce livre : que notre intention n'a jamais été de donner une bibliographie complète des ouvrages compris dans la période romantique. La littérature romantique s'étend pour nous de 1820 à 18-42, c'est-à-dire de la publication des Odes à la représentation des Burg raves , et à l'apparition de la Lucrèce de Ponsard. Mais à la multitude d'oeuvres de cette période si féconde, il fallait un cadre, des limites, un ordre quelconque; nous avions d'abord pensé à prendre pour limites nos prédilections personnelles; plus tard nous avions cru trouver cet ordre en nous bornant aux livres ornés de fron- tispices et de vignettes (roman, poésie, tbéâtre, etc.) , comme

20


- 264 -

donnant plus complètement la physionomie littéraire et pitto- resque du temps. Aujourd'hui nous dérogeons à ce programme, en admettant tout livre classé et pour lequel le prix de vente ou la curiosité sont devenus une sorte de consécration. Aussi trouvera-t-on ici des nomenclatures complètes , ou à peu près , jusqu'à l'année 1842 incluse, des œuvres de "Victor Hugo , Alfred de Musset , Sainte-Beuve , Mérirnée, Théophile Gau- tier , etc. , que nous n'avions pas cru devoir admettre dans notre cadre. Nous cédons dans cette circonstance à des récla- mations, à des avis auxquels nous nous rangeons volontiers, priant seulement qu'on n'en infère rien quant à l'esprit général et à la conduite de l'ouvrage.


30 septembre 187?,.


VICTOR HUGO

(Voir Bibliographie romantique , pages 3-14.)


1819-20. — Le Conservateur littéraire. Paris, Le Normand, Pichard, Pélicier, Ponthieu; impri- merie Anthelme Boucher, in -8, 30 livraisons, formant 3 vol. de 404 et 416 pages.

Revue ti'ès-raie et pièce essentielle à toute collection de romantiques un peu sérieuse. Elle a été fondée par Eugène et \'ictor Hugo, et rédigée, pour la plus grande partie, par celui- ci ; leur frère aîné Abel a quelques articles dans le troisième volume. Les autres collaborateurs étaient Ader, Théodore Pavie, .T. Sainte-Marie, Jules de Saint-Félix, madame Tastu, Alfred de Vigny, A. Souillard Saint- Yalry, Emile Deschamps, Jules de Rességuier, Alexandre Soumet; mais la bonne moitié


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des trois volumes revient aux trois frères Hugo , et un entier au plus jeune.

Sous le titre de Journal des idées, des opinions et des lectures d'un jeune Jacobite, Victor Hugo a compose la pre- mière partie de son livre, Littérature et philosophie mêlées (1834), de fragments choisis, et atténues, de ses articles du Conservateur , mais c'est dans le recueil même qu'il faut aller rechercher le polémiste et le poète satirique jacobite , dans toute la vivacité et la verdeur de ses opinions et de son ta- lent ; car le mot de génie n'a pu être prononcé que quelques années plus tard : le jeune homme se montre ici d'une matu- rité surprenante, mais il ne s'agit pas encore de sublimité.

A dix-sept ans, Victor Hugo se manifeste avec un fonds de lectures et de connaissances littéraires des plus riches, et il a beaucoup réfléchi; pas un de ses articles sur toutes sortes de sujets, très-variés de forme, très-spirituels, qui n'accuse an jugement formé, qui ne soit écrit en connaissance de cause, avec un sens critique disparu depuis dans l'explosion des facul- tés lyriques et dramatiques.

Le \ ictor Hugo du Conservateur persistant , faisait un fier journaliste ; il a autrement tourné. Nous avons compté jusqu'à vingt-un articles signés V. , des plus divers (1) et


(1) Et pourquoi n'en pas donner la liste vraiment curieuse?

Les Vêpres siciliennes , de Casimir Delavigne; Louis IX, d'An- celot. — Trois chants de l'Iliade, en vers français, par A. Bignan. — Vie privée de Voltaire et de M me du Châtelet , lettres de M me de Grafigny. — Méditations poétiques, de Lamartine. — Constant et Dis- crète, poëme, par le comte Gaspard de Pons. — Charles de France, duc de Berry , sa vie et sa mort, par M***, ancien officier d'ar- tillerie. — Ivanhoë , par Walter Scott. — Lalla Roukh, de Thomas Moore. — Œuvres posthumes de Jacques Delille. — Mémoires, lettres et pièces authentiques touchant la vie et la mort de Mgr le duc deBerri, par M. de Chateaubriand. — Mémoires pour servir à l'histoire de la maison


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quelques autres, celui sur André Chénier, par exemple, sont signe's E. ou H., sans préjudice du pseudonyme insolent de Publîcola Petisot au bas de deux lettres bouffonnes sur l'Art, politique, poème de Berchoux. La signature V.-M. Hugo ne se trouve, en toutes lettres, que deux fois, pour la prose; l'au- teur déclare dans une lettre à ses collaborateurs sur la Biogra- phie nouvelle des contemporains , que comme il s'est vu forcé à quelques attaques un peu vives , il s'en rend respon- sable en signant.

Le roman de Bug-Jargal « extrait d'un ouvrage inédit in- titulé les Contes sous la tente,» a paru anonyme dans le tome II du Conservateur ; nous parlons plus loin de cette rédaction primitive.

Les premières pages de chaque numéro étaient consacrées à la poésie; dans l'esprit des fondateurs du recueil, c'en était la partie ma/tresse. Victor Hugo se fait ici, à bon droit, la part du lion, mais il faut convenir que ses vers de 1819 laissent aussi peu prévoir ceux des Odes et ballades et des Orien- tales, que sa prose, celle de Notre-Dame de Paris.

Sept des pièces ou fragments poétiques qu'il a donnés au Conservateur ont trouvé place dans les éditions successives des Odes, mais dix ne sont pas entrés dans les œuvres, et ne


de Gondé. — Les Psaumes et élégies vendéennes, par Sapinaud de Boishuguet. — Examen critique et complément des Dictionnaires his- toriques les plus répandus, par M. Barbier. — Collège royal de France, clôture du cours de poésie latine de M. Tissot. — Histoire de Gil Blas, de M. le comte François de Neufchàteau. — Projet de proposi- tion d'accusation contre M. le duc de Cazes, par M. Clausel de Cous- sergues; Observations , par le comte d'Argout. — Mémoire pour le comte Donnadieu; Réponse, par M. de Saint- Aula ire. — L'Observateur au XIX e siècle, par Saint-Prosper. — Histoire générale de France, par M. Dufau. — Poésies de M mc Desbordes- Valmove. — L'Émigré en 1794, drame.


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se trouvent que dans cette revue ou dans les recueils qui l'ont copiée. Elles se divisent en : Satires politiques , Poésies di- verses, Traductions du latin.

Satires politiques. L'Enrôleur politique, satire signée V.-M. Hugo; près de 200 vers, jamais réimprimée.

ÉpUre à Brutus, les Vous et les Tu, signée Aristide; réimprimée à moitié dans Littérature et "philosophie mê- lées.

Poésies diverses. L'Avarice et l'Envie, conte, signé d'Auverney; réimprimé dans la Psyché, volume d'octobre 1829, et dans Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie. Auverney ou Auverné est un village à douze kilomètres de Châteaubriant , dans la Loire-Inférieure, où madame Hugo mère avait sans doute un bien patrimonial. On lit, au tome III du Conservateur , un Voyage à Auverney , signé J. A., que l'auteur semble avoir fait en compagnie de d'Auverney , c'est- à-dire de Victor Hugo.

Les Derniers bardes, poëme ossianique, signé V.-M. Hugo; reproduit dans le recueil de l'académie des Jeux floraux de 1819, dans l'édition des Odes de 1822, mais non dans les suivantes, et en partie seulement , sous le titre le Dernier barde, dans Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie.

Ce que j'aime, vers faits à un dessert, signés V. d'Auver- ney; reproduits dans le Chansonnier du gastronome de 1831 , dans la Goguette de 1849, dans la Petite revue du 10 juin 1865, et dans Victor Hugo raconté, etc.

Le Jeune banni; Raymond à Emma, élégie , signée V.-M. Hugo; réimprimée dans le recueil de l'académie des Jeux floraux de 1820, et sous le titre de Raymond d'Ascoli, dans l'édition des Odes de 1822, seulement.

Les Deux âges, idylle, signée V.-M. Hugo; reproduite


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sous le titre à' Idylle dans l'édition des Odes de 1822 seu- lement, et dans Victor Hugo raconté, etc.

Traductions du latin. Cocus (extrait d'une traduction inédite de l'Enéide) :

Jam primum saxis suspensam hanc adspice rupetn

(lib. VIII ) ; signé M. -A . d'Auverney, non réimprimé.

Achéménide (extrait d'une traduction inédite de Y Enéide) :

Intcrea fcssos ventus cura sole reliquit.... (lib. m); si- gné M. - V. d'Auverney ; réimprimé dans Victor Hugo raconté , etc.

L'Antre des Cy dopes (extrait d'une traduction inédite de Y Enéide) :

Insula Sicanium juxta lotus OEoliam que Erigitur Liparcn, fumantièus ardua saxis... (lib. vm); signé M. -Y. d'Auverney, non réimprimé.

César passe le Rubicon (traduit de Lucain) : Jam gelidas cursu Cœsar superaverat Alpes... {Phars. lib. I); signé M.-V. d'Auverney, réimprimé sous le nom de Victor Hugo dans les Annales romantiques de 1833, aux- quelles la Bibliographie l'a emprunté (p. 118).

Un exemplaire du Conservateur littéraire a été adjugé l'hiver dernier , salle Sylvestre, au prix de 80 fr. L'adjudica- taire , M. Paul Lacroix , était , il faut le dire , peut-être le seul dans l'assemblée à connaître l'importance et la rareté de ce recueil.

1823. — Han d'Islande. Paris, Persan ; imprime- rie Nicolas Vaucluse ; 4 volumes in- 12.

Première édition , anonyme. L'interruption de la vente du livre, causée par la suspension de paiements de l'éditeur, amena


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un échange public de lettres entre l'auteur et lui; elles se trouvent dans l'Eclair , journal royaliste, et dans le Miroir, journal libéral, de mai 1823. Cette correspondance acerbe avait pour point de départ une note insérée par "Victor Hugo dans l'Eclair, pour annoncer la mise en vente de la seconde édition de son roman , chez Lecointe et Durey. Persan pré- tendait avoir encore en magasin cinq cents exemplaires, la moitié , de l'édition originale. Nous n'avons rien trouvé à re- tenir de ce débat qu'une clause du traité pour la première édi- tion des Odes (1822), qui laissait « aux sieurs Persan et C ic le droit d'annoncer, avec le même tirage, moyennant un chan- gement convenable dans le titre, une seconde, troisième, qua- trième édition, etc. » Ce procédé d'écoulement est resté très- usité par les éditeurs de Victor Hugo ; il explique le prix de plus en plus élevé des exemplaires de ses livres de premier tirage , sans spécification d'édition.

1826. — Bug-Jargal, etc. Voir la Bibliographie romantique, page 7.

Nous n'avons rien à ajouter à ce que nous avons dit de la première édition commerciale de ce livre, mais il est bon de savoir que la rédaction primitive , publiée dans le Conserva- teur littéraire de 1820, t. II, liv. 11, 12, 13 et 14, a eu un tirage à part, distribué à un nombre restreint d'exemplaires, non retrouvé jusqu'à présent , que nous sachions.

On lit dans la préface de la cinquième édition, Paris, Eugène Renduel, 1832 : « En 1818, l'auteur de ce livre avait seize

ans; il paria qu'il écrirait un volume en quinze jours Bug-

Jargal a donc été écrit avant llan d'Islande, et quoique sept ans plus tard, en 1825, l'auteur l'ait remanié et récrit en


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grande partie , il n'en est pas moins , et par le fonds et par beaucoup de détails, le premier ouvrage de l'auteur. » L'édi- tion de 1826 et les suivantes diffèrent beaucoup en eflèt de la première ; sans parler des développements donne's à la partie historique du sujet, l'auteur l'a dramatisé par l'amour de Bug- Jargal pour la femme de d'Auverney , et surtout par Pintro- duction du personnage d'Hadibrah , bouffon de l'oncle de d'Auverney, puis médecin, prêtre et obi de l'armée deBiassou, l'un des acteurs de la scène du torrent, choisie par Devéria pour vignette de l'édition de 1826. Dans le Conservateur, le héros du récit s'appelait Delmar; à partir de l'édition de 1826, Victor Hugo l'a gratifié de son pseudonyme poétique de 1819: d'Auverney.

1828. — Cromwell , drame, par Victor Hugo. Paris, Ambroise Dupont; imprimerie J. Tastu , in-8.

Dédicace « à mon père; » prélace datée d'octobre 1827.

1829. — Le Dernier jour d'un condamné. Paris, Charles Gosselin et Hector Bossange; imprimerie Lachevardière , in-12, avec fac-similé plié.

Première édition anonyme; la seconde et les suivantes por- tent le nom de l'auteur ; les quatre premières sont d'ailleurs du même tirage , mais on a ajouté à la quatrième le dialogue : Une comédie à propos d'une tragédie, xxiv p. La cin- quième 1 , seconde réelle, Paris, Renduel , 1832, in-8, est pré- cédée d'une préface sur la peine de mort.

Victor Hugo a eu pour ce livre un collaborateur resté in- connu peut-être à lui-même. La chanson en argot fac-similée est


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de Dumoulin-Darcy , peintre en Watt eaux. Les étranges compagnies où la noire misère contraignait cet artiste de fré- quenter, lui ont inspiré diverses productions du même genre , à leur place dans le Parnasse satyrique du XIX e siècle.

1834. — Victor Hugo. Étude sur Mirabeau. Paris, Adolphe Guyot et Urbain Canel; imprimerie De- courchant, in-8.

1834. — Littérature et philosophie mêlées. Paris , Eugène Renduel , 2 vol. in-8.

Quelques exemplaires sur papier de couleur.

1834. — Claude Gueux, par Victor Hugo. Extrait de la Revue de Paris. Paris, Everat, in-8.

Tirage à part de la livraison du 6 juillet 1834 de cette revue , adressé à tous les députés , aux frais de M. Charles Cartier , négociant à Dunkerque.

1835. — Chants du crépuscule. Paris, Eugène Renduel, in-8.

1837. — Les Voix intérieures. Paris, Eugène Renduel; imprimerie Terzuolo, in-8.

Dédicace à Joseph-Léopold-Sigisbert , comte Hugo , non inscrit sur l'arc de triomphe de l'Etoile; préface datée du 24 juin 1837.


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1840. — Les Rayons et les ombres. Paris, Del- loye, in-8.

Préface datée du 4 mai 1840.

1842. — Œuvres complètes de Victor Hugo, Le Ruin. Paris, Delloye; imprimerie Béthune et Pion, 2 volumes in-8.

Vingt-cinq lettres « à un ami ; » l'édition de Paris , Jules Renouard, imprimerie Pion, 1845, 4 volumes in-8, est aug- mentée de quatorze, soit trente-neuf en tout.


CHARLES NODIER


1830. — Histoire du roi de BonÊME et de ses sept châteaux. Paris, Delangle frères; imprimerie G. Doyen, in-8.

Anonyme. Vignettes de Tony Johannot , la plupart gravées par Porret. Il a été tiré des exemplaires sur papier de cou- leur.

Par les raisons énoncées dans la préface de la seconde édition de la Bibliographie nous n'avions pas cru devoir consacrer d'article spécial à Charles Nodier. Nous regrettions toutefois l'absence de ce nom vénérable, que des esprits mal prévenus pouvaient imputer à omission grave , et nous sommes heureux d'avoir trouvé dans un livre illustré, le premier et le plus beau des livres illustrés à la façon moderne et romantique de répan-


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dre clans le texte des vignettes de dimensions diverses , le nom d'un de ceux qu'on a surnommes les Pères de l'Eglise roman- tique , qui l'avaient prévue et annoncée des premiers , et qui lui restèrent fidèles.

Ce volume , si remarquable par sa belle exécution typogra- phique et par la sobriété de sa décoration fantaisiste, se recom- mande à l'amateur par plusieurs particularités.

On trouve , page 44 , les portraits en médaillon d'Eugène Delacroix et de lord Byron; page 276, le portrait de M. Jo- hannot, père des deux peintres, Alfred et Tony , et plus loin, page 303, un portrait de Nodier causant avec un jeune homme en toilette de bal (Roger de Beauvoir, selon les uns, Jules Janin , au dire de quelques autres y, que les personnes ayant connu personnellement Nodier considèrent comme le plus res- semblant qu'on possède de l'éminent écrivain.

On peut ajouter à V Histoire du roi de Bohême l'eau-forte Soirée d'artiste, de Tony Johannot, publiée par l'Artiste en 1831, représentant une soirée à l'Arsenal, déjà rare, et qui semble un commentaire des strophes d'Alfred de Musset :

Souvent nous roulions matinal L'Arsenal


EMILE DESCHAMPS (Voir Bibliographie romantique , pages 158 et suivantes.)


1812. — La Paix conquise, chant prophétique, par M. Emile Deschamps; Paris, imprimerie Gratiot, in-8.

1828. — Études françaises et étrangères, par M. Emile Deschamps. Paris, Urbain Canel; impri- merie Gœtschy, in-8.

De 1828 à 1831 ce livre n'a pas eu moins de cinq éditions réelles , revues , corrigées et augmentées. Bien que la célèbre préface-manifeste qui occupe les soixante-dix premières pages du volume ne fut pas étrangère à ce grand succès, l'auteur,




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peut-être dans la crainte que sa prose ne continuât à faire tort à ses vers, l'avait supprimée en tète de l'édition de ses Poésies à la date de 1841. On vient de la réimprimera la fin du se- cond volume de ses Œuvres, Paris, Alphonse Lemerre, in-12, avec les variantes des éditions successives , et des corrections faites par Emile Deschamps sur son propre exemplaire ; elle reste un morceau de prix.

1822. — Retour a Paris, révélation , par Emile Deschamps. Paris, U. Canel et A. Guvot ; impri- merie Aulïray, in-8.

Réimprimé dans l'édition des Poésies de 1841.


ALFRED DE VIGNY

(Voir la Bibliographie romantique , pages 27 et suivantes)


1822. — Le Trapiste, poëme, par l'auteur des

Poèmes antiques et modernes : Héléna, la Somnambule, la Femme adultère , la Prison, etc. Paris, Guiraudet, in-8.

Ce poëme a eu trois éditions successives , au profit des Tra- pistes d'Espagne.

1824. — Eloa ou la soeur des anges. Mystère. Par le comte Alfred de Vigny , auteur du Tra- piste, etc. Paris, Auguste Boulland et Ambroise Tardieu; imprimerie Firmin Didot, in-8.

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1826. — Poèmes antiques et modernes, par le comte Alfred de Vigny. Le Déluge, Moïse, Dolorida, le Trapiste, la Neige, le Cor. Paris, Urbain Canel; imprimerie J. Tastu, in-8.

1829. — Poèmes. Voir la Bibliographie romantique, page 27.

Cette édition réunit tous les poèmes précédemment publiés , moins celui d'Héléna, qui n'a jamais été réimprimé, et l'Ode au malheur, dernière pièce du volume de 1822, augmentés de : Madame de Soubise, le Bain d'une dame romaine, et la Frégate la Sérieuse. La composition du livre n'a pas varié depuis , excepté qu'Alfred de Vigny a ajouté à la réim- pression de 1837, Delloye et Lecou , in-8, deux pièces nou- velles, Paris, élévation (publiée cbez Gosselin, en 1831, in-8 ) , et les Amants de Montmorency . Dans la première édition de ses Poésies complètes de la Bibliotbèque Char- pentier, 1842, il a rétabli l'Ode au malheur, de 1822.

Sainte-Beuve a regretté les retranchements faits par l'auteur à quelques-uns de ses premiers poèmes , la Femme adultère, la Prison, le Bal (article de la Bévue des deux mondes d'octobre 1837, réimprimé dans les Lundis. )

1826. — Cinq -Mars ou une conjuration sous Louis XIII , par le comte Alfred de Vigny. Paris, Urbain Canel ; imprimerie de Balzac, 2 vol. in-8.

Quatre éditions réelles en deux ans.

1830. — Le More de Venise, Othello. Tragédie traduite de Shakspeare en vers français, par le


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comte Alfred de Vigny, et représentée à la Comédie française le 24 octobre 1829. Paris, Levavasseur et U. Canel ; imprimerie A. Barbier, in-8.

1835. — Servitude et grandeur militaire, par le comte Alfred de Vigny. Paris, Bonnaire, 1835; imprimerie A. Pinard, in-8.

La fortune bibliographique des œuvres du comte de Vigny est assez semblable à leur fortune littéraire. Si l'on n'en voit pas les réimpressions se multiplier rapidement , les éditions origi- nales non plus n'excitent pas de très-vives enchères. Ce n'est pas qu'elles ne soient rares, et le volume de 1822 est précieux de toutes façons.


SAINTE-BEUVE


Sainte-Beuve avait le goût de la typographie janséniste et microscopique. Les éditions originales de ses poésies sont min- ces, dénuées d'ornements, nettes dans leur petit texte, et dé- terminément correctes.

1828. — Tableau historique et critique de la poésie française et du theatre français au seizième siècle, par Sainte-Beuve. Paris, Sautelet, 2 vol. in-8.

Le tome II est consacré à un choix de poésies de Ronsard , non réimprimé; l'édition s'est épuisée avec un second titre à l'adresse de Raymond-Bocquet , 1838.


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18*29. — Poésies et pensées de Josepii Delorme. Paris, Delangle frères, in- 16.

Pseudonyme. La seconde édition, à la date de 1830, même éditeur, est in-8.

1830. — Les Consolations, poésies. Paris, Urbain Canel et Levavasseur; imprimerie David, in-lG carré.

Anonyme.

1834. — Volupté. Paris, Eugène Renduel; im- primerie Plassan, 2 vol. in-8.

Anonyme.

1837. — Pensées d'août, poésies. Paris, Eugène Renduel; imprimerie Terzuolo, in-16.

Ce livre semble anonyme , mais le nom de l'auteur qui n'est pas sur le titre se lit au dos de la couverture dans les exem- plaires brochés.

1832-1839. — Critiques et portraits. 5 volumes in-8.

Nous relevons dans un livre anonyme de Sainte - Beuve , non mis dans le commerce (1) , une note essentielle sur cette publication :

(1) La Bruyère et La Rochefoucauld. Madame de La Fayette et ma- dame de Longueville. Paris. H. Fournier. 1842, in-18. Le volume con- tient, en plus des études qui lui servent de titre : Une ruelle poé- tique sous Louis XI V (Pavillon; Saint-Pavin; Hesuault ; madame Des- Houlières, etc.)- et la nouvelle de Christel.


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« Les Critiques et portraits forment à la date de 1842 cinq volumes in-8 : le premier volume publié en 1832, le second et le troisième en 1836, les quatrième et cinquième en 1839. De plus, le premier volume a eu une seconde édition véri- table en 1836, et a été notablement augmenté et corrigé dans cette réimpression , reconnaissabîe à ses 560 pages, et au post- scriptum de la préface. Mais , contre ce qu'on croyait prévu , la première édition , non épuisée , du premier volume , a con- tinué de se débiter de préférence à la seconde , qui n'a été mise qu'incomplètement en circulation , et que l'auteur signale aux gens du métier . parce que c'est en définitive sur elle que , pour ses débuts critiques, il aimerait à être jugé. »


Sainte-Beuve, après avoir fait imprimer ce livre à petit nombre et à ses frais, pour en gratifier ses amis, changea d'idée et le vendit en bloc à un chef d'institution , lequel le fit relier à l'estampille de sa maison, et le distribua en prix. Il se rencontre parfois sous cet uniforme, mais rarement broché.


ALEXANDRE DUMAS

(Voir Bibliographie romantique, pages 15—10.


A noter, entre Y Élégie sur la mort du (/encrai Foy et les Nouvelles contemporaines :

1826. — Canaris, dithyrambe, par Alex. Dumas. Au profit des Grecs. Paris, Sanson , petit in-8.

Titre et portrait de Canaris, lithographies par L. Jolly. Les Nouvelles contemporaines sont annoncées au verso du titre.


PROSPER MÉRIMÉE

(Voir la Bibliographie romantique, pages 21 et suivantes.)


Mérimée aimait les livres simples, en textes dix ou onze, proportionnés aux vues normales et saines , éclairas par des blancs entre les paragraphes. Le volume de la Double méprise est un parfait spécimen de son goût typogra- phique.

1827. — La Guzla, etc. Voir la Bibliographie, pages 21 et suivantes.

Dans son avertissement à la réimpression de la Guzla de la Bibliothèque Charpentier , Mérimée confesse que le pré- tendu portrait d'Hyacinthe Maglanovich est le sien propre,


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et que le succès de sa supercherie littéraire, dont furent dupes quelques savants étrangers, fut tel en France , que l'éditeur en vendit bien une douzaine d'exemplaires.

1828. — La Jacquerie, scènes féodales, suivie de la Famille Carvajal, drame. Par 1 auteur du Théâ- tre de Clara Gazul. Paris, Brissot-Thivars; impri- merie de H. Balzac, in-8.

1829. — Chronique du temps de Charles IX. Par l'auteur du Théâtre de Clara Gazul. Paris, A. Mes- nier, in-8.

La seconde édition, Paris, Fournier jeune, 1832, in-8, aussi anonyme , est intitulée : Chronique du règne de Charles IX.

1833. — La Dourle méprise. Par l'auteur du Théâ- tre de Clara Gazul. Paris, H. Fournier, in-8.

1833. — Mosaïque. Par l'auteur du Théâtre de Clara Gazul. Paris, H. Fournier, in-8.

Livre anonyme par son titre , mais la couverture portait : Mosaïque; recueil de contes et nouvelles, par Prosper Mé- rimée, auteur du « Théâtre de Clara Gazul » et de la « Chronique du règne de Charles IX. » Il contient : Mateo Falcone. — Vision de Charles XI. — L'Enlèvement de la redoute. — Tamango. — Le Fusil enchanté. — Federigo. — Ballades. — La Partie de tric-trac. — Le Vase étrus- que. — Les Mécontents. — Lettres sur l'Espagne.


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Le conte de Federigo, variante soi-disant napolitaine de la Légende du bonhomme Misère, mis en œuvre à la Voltaire, n'a pas été réimprimé (1). Il avait paru d'abord dans les Annales romantiques de 1832.

1842. — Colomba, par Prosper Mérimée. Paris, Magen et Common; imprimerie Maukle et Renou , in- 8.

A la suite : la Vénus d'il le et les Ames du purgatoire.


(1)11 vient de l'être dans les Dernières nouvelles ; Paris, Michel Lévv. 1873, in-18.


ALFRED DE MUSSET


Il n'a tenu qu'à Alfred de Musset d'être illustre par Ce'lestin Nanteuil (1) ; mais le système pittoresque et contraste de l'aqua- fortiste était lettre close pour le poëte, et sans doute lui causait une secrète répulsion. Eugène Lami , l'aquarelliste des élé- gances mondaines, faisait bien mieux son affaire; on peut croire que les illustrations pour les œuvres de Musset com- mandées à ce charmant artiste par M. Didier, étaient tout à fait selon le cœur de Rolla (2). Sans excitants iconographiques, ses éditions originales atteignent , avec celles de Victor Hugo et de Théophile Gautier , les grands prix des ventes roman- tiques.

(1) Voir Bibliographie romantique , page 11.

(2) Acquises par madame Denain , dans la vente après décès de cet amateur, au prix de mille francs la pièce environ; il y en avait une vingtaine.


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1828. — L'Anglais mangeur d'opium. Traduit de l'anglais, par A. D. M. Paris, Marne et Delaunay- Vallée; imprimerie Cosson , in- 12.

Traduction libre , hâtive et bien médiocre des Confessions of an English opium eater , de Thomas de Quincey.

La seconde partie du livre de Charles Baudelaire, les Para- dis artificiels, opium et haschisch; Paris, 1860, in -12, est consacrée à cet écrivain anglais , d'origine française.

1830. — Contes d Espagne et d'Italie, par M. Alfred de Musset. Paris, A. Levavasseur et Urbain Canel ; imprimerie David, in-8.

1833. — Un spectacle dans un fauteuil, par Alfred de Musset. Paris, Eugène Pienduel; impri- merie Everat, 3 volumes in-8.

Un volume de vers , et deux de prose; ceux-ci tomes, con- tiennent : T. I. Lorenzaccio; les Caprices de Marianne; T. IL André ciel Sarto; Fantasio ; On ne badine pas avec l'amour; la Nuit vénitienne ou les noces de Laurette.

Voici, relevé sur l'autographe, un envoi de ce livre à quel- que astronome , en vers , si l'on veut, et parfaitement inédits :

En souvenir du beau coup-d'ceil Dont j'ai joui dimanche à votre observatoire, Mon cher hôte, acceptez l offre dédicatoire

Du Spectacle dans unjfauteuil.

1836. — La Confession d'un enfant du siècle, par Alfred de Musset. Paris, Félix Bonnaire; im- primerie E. Duverger, 2 volumes in-8.


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1840. — Les Deux maîtresses. — Frédéric et Bernerette, par Alfred de Musset. Paris, Dumont; Sceaux, imprimerie Dépée, 2 volumes in-8.

Les deux volumes ont paru ensemble, et se trouvent tomes, à moins que les titres n'aient été mutiles.

M. Legenisel vient de fac-similer, pour la maison Goupil , un portrait d'Alfred de Musset, dessiné au crayon noir et à la sanguine, par Eugène Lami, à la date de 1841. Le poéte- dandy est en pied , de profil à gauche et la tète découverte ; en frac à collet de velours, en pantalon rayé; le col-enton- noir , à la mode du temps , maintient le visage dans une ligne rigoureusement horizontale; le bras gauche est passé derrière le dos, le droit, tendu, appuie à la cuisse les bords du chapeau renversé. Tel a-t-on pu le voir aux Tuileries , faisant galerie pour sa part à l'essaim des beautés. C'est fin, spirituel et agaçant, car un profil reste toujours énigma- tique : on voudrait que le modèle se retournât. Tel quel, ce crayon insuffisant est bien préférable aux images de keepsake des éditions Charpentier, qui seraient toutes remplacées avec avantage par ce portrait si net et si visible, tracé en quelques lignes : « C'était un gentil garçon , à la taille déliée , aux che- veux d'un blond de lin , au regard ferme et clair , aux na- rines dilatées, aux lèvres vermillonnées et béantes. Sa figure colorée , ovale et un peu chevaline, était bizarre en ce qu'elle avait, en place de sourcils , un cercle sanguin (1). »


(1) Victor Hugo raconté, far un témoin de sa rie; 1868. 2 volumes in-12 . tome II, page 57.

22


THÉOPHILE GAUTIER

(Voir la Bibliographie romantique, pages 39-41.)


1830. — Poésies de Théophile Gautier. Paris, Charles Mary; imprimerie Rignoux, in-12.

Dans son autobiographie qui forme la première et unique livraison des Sommités contemporaines, publication pro- jetée, en 1867, par M. Auguste Mare, de l'Illustration, Gautier , parlant de ce livre de début , a dit : « Mon père fit les frais de la publication , Rignoux m'imprima , et avec cet à- propos et ce flair des commotions politiques qui me caracté- risent , je parus au passage des Panoramas , à la vitrine de Mary, éditeur, juste le 28 juillet 1830. On pense bien qu'il

ne se vendit pas beaucoup d'exemplaires de ce volume »

Il s'en vendit si peu , en effet , que l'édition presque tout en-


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tière entra pour moitié dans le second volume de vers de l'auteur.

1833. — Albertus , etc. Voir la Bibliographie romantique , page 40.

Des V-367 pages dont ce volume se compose , les 190 pre- mières ne sont rien de plus que le volume des Poésies, publié intempestivement en 1830. La préface, datée d'octobre 1832, n'a pas été reproduite dans les éditions des Poésies complètes ( la première à la date de 1845 , Paris , Charpentier , in-18 ) , non plus que les six pièces suivantes : Cauchemar , Far niente. Élégie II, Voyage, Sonnet VII , Colère.

1833. — Les Jeunes-France, etc. Voir Bibliogra- phie , page 4 1 .

Dans les deux réimpressions in-18 de ce livre, Paris, Lecou, 1851, et Bruxelles, Briard, 1866, l'auteur a supprimé, sans doute comme d'une bouffonnerie excessive, ce passage de la préface :

« Il n'y a que trois états possibles dans une civilisation aussi avancée que la nôtre : voleur, journaliste ou mouchard : je n'ai ni les moyens physiques , ni les moyens intellectuels qu'exigent ces trois genres d'industrie. J'aurais assez aimé être voleur, c'est de la philosophie ecclectique, mais on a trop de mal, comme disait feu Martainville. Je ne pense pas que j'eusse pu faire un mouchard remarquable, je suis trop distrait, j'ai la vue très-basse et l'ouïe un peu dure. Ensuite , depuis que les honnêtes gens s'en mêlent, le métier ne va plus. Pour jour- naliste , j'aurais peut-être réussi , avec beaucoup de travail , à ne pas faire tache dans les Petites affiches, ou même dans


- 299 —

Ja plus célèbre de nos revues, mais je déclare formellement que je ne résisterais pas à plusieurs vaudevilles consécutifs , et que pour rien au monde, je ne me batterais en duel, ayant na- turellement peur des coups autant et plus que tout autre. »

1836. — Mademoiselle de Maupin. Double amour. Par Théophile Gautier, auteur des Jeunes-France. Paris, Eugène Renduel ; imprimerie veuve Poussin, 2 volumes in-8.

La plus recherchée des éditions originales de Gautier, sinon la plus rare : un bel exemplaire broché ne vaut pas moins de 200 francs; ce livre a d'ailleurs été le grand succès littéraire de l'auteur : de 1851 à 1871, la librairie Charpentier a fait le dépôt de onze éditions de Mademoiselle de Maupin. Poul- ies bibliophiles, il n'y a de possible que la première, dans la préface de laquelle quantité de phrases supprimées ou atté- nuées depuis sautent aux yeux ; telle celle-ci à l'adresse de MM. les journalistes vertueux : « Quand je pense que j'ai rencontré sous la table , et même ailleurs , un assez grand nombre de ces dragons de vertu ; » et cette autre outrageusement bousingote : « l'époque où nous avons le bonheur de vivre côte à côte avec Deutz et le maréchal Bugeaud; » etc., etc.

1837. — L'Eldorado, par Théophile Gautier. Paris, bureaux du Figaro, in-8.

Véritable édition originale du roman de Fortunio , com- posée des feuilletons du Figaro, qui se détachaient du journal et se pliaient en livre. Elle ne se trouve pas; il faut se con- tenter de la suivante.


— 300 —

1838. — Fortunio, par Théophile Gautier. Paris, Desessart, in-8.

Le Capitaine Fracasse est annonce sous pressée au verso du faux-titre.

1839. — Une larme du Diable, par Théophile Gautier. Paris, Desessart; imprimerie Duverger, in-8.

Une larme du Diable , mystère. — La Chaîne d'or ou l'amant partagé. — Omphale, histoire rococo. — Le Petit chien de la marquise. — Le Nid de rossignols. — La Morte amoureuse. — Une nuit de Cléopdtre.

1836. — La Couronne de bleuets, roman, par Arsène Houssaye. Une moralité et une vignette par Théophile Gautier. Paris, H. Souverain; Cor- beil, imprimerie Crété, in-8.

La Moralité, sorte de fantaisie comique sur la personne de M. Arsène Houssaye, occupe vingt pages à la fin du volume, et ne fait jamais défaut; il en est autrement de la vignette, cartouche-frontispice à l'eau-forte , compose de mascarons , de sphinxs et de syrènes , au centre duquel se lit le titre du livre, et signe à gauche : Th. Gautier; nous ne l'avons encore vue qu'une fois.


PETRUS BOREL

(Voir la Bibliographie romantique, page 58.)


Napoléon Thomas avait exposé au Salon de 1833 un por- trait de Pétrus Borel , en costume bousingo : « gilet rouge , habit aux larges revers pointus , gants sang-royaliste , chapeau pointu, barbe et cheveux flottants, » dans un cadre trico- lore. (Les Causeries du Louvre, salon de 1833, par A. Jal; Paris , Gosselin , in-8. )

Sur le journal des travaux de Jean Du Seigneur, on trouve, à la date du 4 décembre 1830, un buste de Pétrus Borel, et à celle du 19 juin 1831 , un médaillon du même. (Jean Du Seigneur, statuaire; notice sur sa' vie et ses travaux; dans la Revue universelle des arts; Paris, veuve J. Renouard, 1866, in-8.)


FONTANEY

(Voir la Bibliographie romantique', page 130.)


Le volume des Scènes de la oie castillane et andalouse, a été remis en vente, en 1839, sous ce nouveau titre :

Impressions de voyage en Espagne , par Fontaney, collaborateur de la Revue des deux mondes. Seconde édition. Paris, Berquet et Pétion; imprimerie De- courchant, in-8.

Cette fausse seconde édition n'est autre que la première . avec suppression de l'Introduction, c'est-à-dire de la bio- graphie de lord Feeling , laquelle est restée indiquée à la table des matières, qu'on n'a pas pris soin de changer en même temps que le titre.


CATALOGUE ICONOGRAPHIQUE

(ADJONCTIONS ET RECTIFICATIONS.)

TONY JOHANNOT

1831. — Paul Briollat (voir Bibliographie, p. 244).

Ce livre a eu une autre édition , à la même date , 3 vol. in-12 , ornés chacun de la même vignette que l'in-8.

1832. -- CHANSONS , par Charles Lemesle. Madame Charles

Béchet , in-12, vignette sur le titre, gravée par Porret : combattants de Juillet à genoux ou inclinés devant des tombes et une colonne brisée , pavoisee , entourée de couronnes, et surmontée du coq gaulois; au fond , foule de patriotes avec chapeaux à larges cocardes (pour la chanson Aux morts de Juillet).


- 306 -

— L'écuyer Dauberon (voir Bibliographie, 248). Vignette-frontispice de Tony Johannot, gravée sur bois par Thompson : un cavalier renversé et évanoui que flaire son cheval ; et trois gravures à la manière noire : 1 . Alide fait flotter le bout de son écharpe, en signe d'adieu à son fiancé ; Lhéric, d'a- près Thoni [sic) Johannot; 2. Alide, les yeux au ciel , le portrait de Xavier sur les lèvi'es , et le bras gauche jeté au cou de Berthe , l'écoute chanter : Gabriel Laviron , d'après J. Gigoux , 3. Xavier , mettant son cheval au pas , rencontre Madeleine ; Gabriel Laviron, d'après Gigoux. Gabriel Laviron, peintre, graveur, homme de lettres, et républicain, est mort au siège de Rome de 1849, dans les rangs des patriotes italiens. Gigoux avait dessiné d'après lui le beau capitaine Rolando de son illustration de Gil Blas.

1833. — LÉGENDES FRANÇAISES, par E. d'Anglemont (voir Bibliographie , p. 248). La vignette du titre de ce volume n'est pas de Tony Johannot , mais d'Achille Devéria.

— Nouvelles légendes françaises, par Edouard d'Anglemont. Mame-Delaunay , in-8, vignette sur le titre, gravée par Porret: Satan, sous la forme d'un nain, fait avec Ninon de Lenclos un pacte par lecpiel elle lui donne son âme, pour rester belle jusqu'à la mort ( légende X ) .

— UNE HEURE TROP TARD, par A. Karr. Charles Gosselin, 2 volumes in-8, 2 vignettes : 1. une


— .307 -

jeune femme tournée vers la muraille se lamente auprès d'un enfant malade et couché ; gravé par Cherrier ; 2. chasse aux canards; gravé par Brevière.

1838. — UNE COURSE A Chamoumx, conte fantastique, par Adolphe Pictet, major fédéral d'artillerie. Benjamin Duprat , in-8 , 3 vignettes gravées par Porret : 1 . portrait de George Sand , habillée en homme et fumant une cigarette ; 2. cauchemar du major fédéral : George Sand, en blouse de voyage et che- vauchant un chat fantastique , lui jette à la tète ses diverses élucuhrations , reliées en maroquin ; 3. George Sand s'élance en croupe du major fédéral qu'elle saisit à bras le corps. Le volume a de plus, page 144, une planche pliée, fac-similé d'un dessin- charge de George Sand , représentant Franz Litz , le major fédéral, et une dame.

HENRY MONNIER

1827. — Les Soirées de Neuilly. (Voir Bibliographie,

page 257). Nous tenons de M. Henry Monnier que le prétendu portrait de M. de Fongeray , n'est rien moins que celui de Stendhal (Henri Beyle), légère- ment chargé.

182.. — Vie anecdotique de Duclos, dit l'homme a

LA LONGUE BARBE. Les libraires du Palais-Royal , in-12, lithographie à la plume, coloriée : Chodruc- Duclos, de profil, les mains derrière le dos, en lo- ques , signé à droite H. M.


— 308 -

1827. — L'Art de mettre sa cravate de mille et une

MANIÈRES.... par le baron Emile de l'Empesé (Le- fcbvre-Duruflé). Paris, rue \ ivienne , 2 bis, in-18, portrait du baron , en pied", le chapeau à la main , lithographie à la plume, coloriée.

1828. — MANUEL DE L'AMATEUR D'HUITRES.... par Alexan-

dre Martin. Paris, Audot, in-18, lithographie à la plume, coloriée et pliée : trois amateurs d'huitres à table, fonctionnant avec activité.

— Bréviaire du gastronome, par l'auteur du Ma- nuel de l'amateur d'huitres. Paris, Audot, in-18, lithographie à la plume , coloriée et pliée : un am- phitryon prend le menton à sa cuisinière , pour l'encourager à bien faire.

18.30. — SCÈNES POPULAIRES, dessinées à la plume, par Henry Monnier , ornées d'un portrait de M. Pru- dhomme et d'un fac-similé de sa signature. Leva- vasseur et Urbain Canel , in-8. Première édition, composée de six dialogues, ornés chacun d'une litho- graphie à la plume.

La seconde édition, très-rare, Paris, Levavasseur, et Bruxelles et Londres, Librairie romantique, 1830, in-12 , a six eaux-fortes, non signées, du célèbre peintre d'animaux Verbœckhoven, d'après les litho- graphies d'Henry Monnier.

1836-1839. — SCÈNES POPULAIRES, dessinées à la plume, par Henry Monnier , ornées du portrait de M. Pru-


— 309 —

dhomme. Dumont , 4 volumes in-8, les deux pre- miers à la date de 1836; les derniers à celle de 1839 se rencontrent quelquefois avec le titre : Nouvelles scènes populaires ; en tout dix-huit dialogues ornes de nombreuses figures , dont trois , hors texte , manquent souvent : 1 . la portière , tome I , pour le dialogue L n roman chez la portière; 2. le peintre Charles et madame Bidard, gravé par Gérard, tome III, pour le dialogue le Peintre et les bour- geois; 3. Madame Pitois et Sophie, gravé par Gérard , tome IV, pour le dialogue les Trompettes .

1841. — Scènes de la ville et de la campagne, avec vignettes sur bois , par Henry Monnier , gravées par Gérard. Dumont; Lagny , imprimerie Laurent, 2 volumes in-8 , huit vignettes hors texte , pour sept dialogues; tome I , le Premier de l'an : 1. la bonne hahille le petit Parent, page 7; 2. M. Parent. en caleçon, intervient dans la rixe des tambours de la garde nationale, page 94; le Déménagement : 3. deux commissionnaires emportent sur une civière une foule d'objets qui s'écroulent, page 164; les Girouettes : 4. le père Bontemps, M. Dufoy et le maréchal, page 254; tome II, l'Enterrement; 5. deux invités sous un parapluie, page 2 ; Intérieurs tir la mairie : 6. un garde national ventru prenant une prise, page 88; la Partie de campagne dans la cuisine : 7. Hippolyte Godinot encombré de paquets entre dans la cuisine de Désirée, page 120; les Loisirs de petite ville : 8. madame Patin , ma- demoiselle Verjus et M. Duret, en conversation.


— 310 —

GAVARNI

1835. — Au PIED DE LA CROIX, par Justin Maurice. Au- guste Vaton, in-8 , vignette sur le titre , gravée par Porret : un ange à genoux , appuyé sur une harpe , au pied de la croix.


TABLE DES NOMS


D'ÉCRIVAINS ET D'ARTISTES DU XIX e SIÈCLE


Ader, 265.

Albert (Alfred), 71.

Albitte (Gustave), 255.

Ancelot, 90, 266.

Andrew, 243, 245, 247, 249, 258.

Andrew, Best, Leloir, 12.

Anglemont (Edouard d'), 247, 249, 306.

Aristide, pseudonyme de Vic- tor Hugo, 268.

Arlincourt (le vicomte d') , 250.

Auverney (M.-V. d'), pseu- donyme de Victor Hugo , 268, 269,271.

Avrecour (Abel d'), 70.


Arvers (Félix), M, Mil, XI v, 60, 65-70, 121, 125.

Ballancbe, 102.

Balzac (Honoré de) , VIII, XIV,

xx, xxvi, 33, 103-105,

118, 229, 234,243, 245,

258. Banville (Théodore de), IX,

XXXII. Barbey d'Aurevilly (Jules), IX. Barbier (Antoine- Alexandre) ,

267. Barbier (Auguste), XIV. 117,

122, 143, 187. Barthélémy, 251.

23


- 312 —


Baudelaire (Charles), IX, 58, •202, 262, 294.

Bayard, 68.

Beauchesne (A. de), 242.

Beauvoir (Roger de), 196, 245, 251, 256, 276.

Belhatte, 255.

Béranger, 90, 102, 186,244.

Berchoux , 267.

Berlioz, XXVIII.

Bernard (Charles de), 258.

Berthoud (Henri), 249.

Bertin (mademoiselle), 256.

Bertrand (Louis), VIH, XXI, 75- 87, 105.

Bertrand (Aloysius), pseudo- nyme de Louis Bertrand , 75-87.

Beyle (Henri), 307.

Bida (Alexandre), 124.

Bignan (A.), 266.

Blessington (lady), 102.

Bocage, 16.

Boiteau (Paul), 185.

Bonald (vicomte de), 123.

Bonnelier (Hippolyte) , 254.

Borel (Pétrus), XI v, xxxi, 40 43-58,115,199,200,201, 208,254,255,256,301. Bouchardy (Joseph), 43, 44, 215.


Boulanger (Louis), XXIX , 56, 13, 19, 41, 48, 58, 79, 80, 90, 127.

Bouquet (Auguste), 37.

Boyer, 236.

Brevière, 172, 249, 250, 306.

Briseux, 118.

Brot (Alphonse), 29, 199,215.

Brugnot , 24.

Burat de Gurgy, 245.

Biïrger, 126.

Burty (Philippe), IV.

Byron (lord), 68, 102, 205, 276.

Cabanon (Emile), 195-198. Cahimont (Albert de), 259. Carmouche , 8. Castil-Blaze , 253. Carlier (Théodore), 102, 106,

109, 118, 121, 123, 125,

144-15J. Carnot(H.),204. Cavadia (milady Sophie) , 72. Cave, 257. Cazes (Romain), 14. Chasles (Philaiète) , 33,34,

48, 102, 124, 161, 247. Chateaubriand, IX, XIV, 6, 7,

90, 102, 109, 118, 122,

124, 167, 248, 266.


313 -


Chaudes- Aiguës, 255. Cheuavart (Aime), 36. Chènedolle, 101, 124. Chenier (André), 102. Cherrier,37,59,242,245,

249, 250. 251. Chevalier (A.), 72. Claretie (Jules) , 56. Coignard (frères), 73. Colin (A.), 90. Constant (Benjamin), 101,

173, 180. Cordelier-Delanoue , 242. Cousin (C), 5. Cruiskhank, 7, 71.

Daubigny, 159.

Daumier (Honore), X\l\.

Dauriac, IV.

Dauzats, 17.

Daveluy, 235.

David (le peintre), 257.

David d'Angers , XXVI , 78 ,

80, 81, 82, 87. Deburau, 36, 37. Delacroix (Eugène) , XXIX, 276. Delaroche (Paul), 202. Delavigne (Casimir), 90, 102,

118, 200, 244, 257, 266. Delécluze (E.-J.),252. Delille (Jacques), 266.


Delorme (Joseph), pseudonyme de Sainte-Beuve, XX, 106, 109, 134, 205, 206.

Denis (Ferdinand), 48, 251.

Denne-Baron, 102, 109.

Desbordes- Yalmore (M m °Mar- celine),XIV, XXVH,90, 102, 109, 118, 123, 252,258, 269.

Descbamps (Emile et Antony ) , xiv, xxviii, 158, 159,187.

Deschamps ( Emile ) , V, 90, 102, 106, 118, 121, 123, 124,265, 277.

Deschamps (Antony), 103, 118, 131.

Desenne, 102.

Desnoyers (Louis), 259.

Devéria (Achille), III, XII, XVII, xviii, xxix, 4, 7, 8, 16, 34, 35,48,101,127,246,306.

Deveria (Eugène), 166.

Dittmer, 257.

Dondey de Santeny (Théo- phile), 45, 49, 199-216.

Dorval (Marie) ,xxvni, 14,16,

29. DotilJms, 252.

Dovalle (Charles), v, 23-25,

109,118, 121, 125. Drouineau (Gustave), 106,


- 314


109, 118, 121, 125, 155- 158, 187, 244, 246, 250.

Duchêne (Alphonse), VII.

Dufau, 267.

Dugué (Ferdinand), 228.

Dumas (Alexandre), XIII, XIV, 15-19, 73, 106,109, 117, 123, 160, 163, 252, 256, 287.

Dumoulin-Darcy, 272.

Dupeuty, 8.

Dupont (Henriquel) , 32.

Du Seigneur (Jean), 301.'

Duveyrier (Charles), 73.

Esquiros (Alphonse), 123. Eyma (Xavier), IV.

Fabre (V'ictorin), 102.

Fauchery, 101.

Feeling (lord) , pseudonyme de

Fontaney, 127, 303. Ferrières ( Théophile de ) , Y ,

xxi, 217-223. Feyrnet, IV. Flaubert (Gustave), IX. Foisset (T.), 77. Fontaine, 102. Fontanes (de), 102. Fontaney , VI, XIV , xvn , XXI,

24, 60, 106, 109, 125-

131, 160, 187,303.


Foucher(Paul), 68, 121,247. Fouinet (Ernest), VI, XIV, XXI,

59-64,102,106,109,115,

120, 121, 124, 125, 187,

254. Forneret (Xavier), 251. Fortoul (Hippolyte) , 72, 73,

205, 206, 207. François de Neufchâtcau , 267.

Galloix (Imbert), 106.

Garcin de Tassy, 60, 221.

Gautier ( Théophile ) , v , XII , xiv, xviii, xix, xxvii, 39- 41,44,57,115,120,121, 123, 124, 159, 164, 187, 199,200,203,214,218, 256, 264, 293, 297-300.

Gavarni, XXIX, 241, 259,310.

Gay (Sophie), 102.

Gay (Delphine), 90, 102.

Gérard, graveur, 259, 309.

Géraud (Edmond), 24.

Gigoux (Jean), 241, 253- 254, 248, 306.

Girardet (C.) 254.

Girardin (Delphine de), 109, 253, 259.

Gigoux (Jean) , m , 1 v , XII , XVIII , 19,46,59,241,253-254, 248.


315


Gobert (Napoléon), 163. Godard, 46. Godefroy (A.), 4. Goncouit (Edmond et Jules

de), IX. Gozlan (Léon), 73, 115, 117,

124. Grangeret de la Grange, 60. Grimaud (Emile), 25. Gudin, 182.

Guiard (Théodore) , 225-240. Guiraud (Alexandre), 90. Guttinguer (Ulric), 102, 118,

124, 125, 131-137, 187.

Halm (F.), 256.

Hédouin (Edmond), 29.

Hoffmann (E.-T.-A.), 31- 32.

Houssaye (Arsène), 300.

Hugo (Abel), 91, 265.

Hugo (Eugène), 90,91, 92, 109, 265.

Hugo (Victor) , VIII , IX , XIII , xix, xxvi, 3-14, 24, 25, 60, 64,73, 90, 91, 102, 103, 106, 107, 109, 118, 123, 125, 131, 160, 183, 187, 205, 211,226, 234, 235,244,252,256, 266, 264, 265-273, 293.


Humbert, 60. Isabey, 182.

Jacob (le bibliophile), pseudo- nyme de Paul Lacroix, XXXI, 243, 247,249,252.

Jal (A.) 301.

Janin (Jules), V, XIV, XX, 35- 37,69, 73,118,121,161, 164, 169, 276.

Jehan le statuaire , pseudo- nyme de Jean Du Seigneur, 208.

Johannot, père, 278.

Johannot (les), III, XVIII.

Johannot (Alfred), 16, 35, 36, 241, 252-253.

Johannot (Tony), IV, XII, XVII, xxviii, 9, H, 12, 16, 27, 28,31,33,34,36,37,161, 167, 171,241, 242-252, 258, 275, 276, 305-307.

Jolly (L.), 287.

José ( don ) , pseudonyme de Joseph Eouchardy , 208, 213.

Karr (Alphonse), XXVII, 123, 246, 250, 306.

Kermel (A.), 251.


- 316 -


klaproth , 60.

Kock (Paul de), 256.

Kœrner, 157.

Krudner (madame de) 102.

Labat (Auguste), 29. Labenski (X.), 24, 138-144. Lacoste, 27,251, 253. Lacroix (Paul), 269. Lacroix (Jules), 253. Lalanne (Ludovic), 125. Lamartine (Alphonse de), XIV,

90, 101, 102, 107, 109,

118, 137, 138, 143, 187,

252, 266. Lamennais (l'abbé de), 90,

102, 186. Lami (Eugène), 293, 295. Langlès, 60. Laprade (de), 138. La Sicotière (Léon de), 6. Lassailly, XXXI, 72, 73. Latouche (Henri de), 90, 102,

109, 118, 123. Laurentie, 60. Lauzaane (A. de), 8. Laviron (Gabriel), 306. Lebrun (Pierre), 91, 109. Lecontc de Lisle, IX. Lefebvre-Duruflé, 308. Lefèvre (Jules), 102.


Legenisel, 295.

Le Elaguais (Alphonse) , 124.

Leloir, 248, 250.

Lelong, 29.

Lemaître (Frederick) , XXVIII.

Lemercier (Népoinucène) , 123.

Lemesle (Charles), 305.

L'Empesé (Emile de), pseudo- nyme de Lefèvre -Duruflé, 308.

Leroux (Pierre), 204.

Leroux, graveur, 102.

Leroux de Lincy, 161.

Lesguillon ( M mc Hermance ) , 124.

L'Estrange (Joseph), pseudo- nyme de Prosper Mérimée, 21.

Lhéric, 306.

Listencr (Richard), pseudo- nyme de Charles Ménétrier, 72-74.

Litz (Franz) , 307.

Loëve-Weimars,31 , 103,257.

Louvet, 23.

Loy (Aimé de), 137.

Loyson (Charles), 24, 102, 137.

Macé (Henri), 196. jMac-Keat (Augustus), pseudo-


- 317


nyme de Auguste Maquct,

44, 200, 215. Mac^ensie (Henri), 127. Maistre (Joseph de), 90, 102. Malitourne (A.), 102. Malo (Charles), 105. Manzoni, 109, 126. Marchangy, 102. Maricourt (Charles de) , 57. Marin (Seipion), 248. Martainville, 298. Martin (Alexandre), 308. Martin (Henri), 245. Masson (Michel), 159,251. Mauduit, 4, 252. Maurice (Justin), 310. May (Edouard), 28, 29. Meilhac (Henri) , VIII. Menut(A.), 246. Mercœur (Elisa), 103, 109. Mérimée (Prosper), v, xiv,

21-22,118,205,264,289-

291. Merle, 182. Mcrner, 92. Merville, 244. Méry, 242, 248. Metschersky (Élim), 124. Meyerheer, XXVIII. Michel (Francisque) , 60. Michelct, vm.


Millenet, 256.

Millevoye, 102, 137.

Mira - Brunet , fils de l'acteur

Brunet, 25. Monnier (Henry), 29, 241,

257-259, 247, 307-309. Monselet (Charles), 9, 72. Monti, 103.

Moore (Thomas), 126, 266. Montlosier (comte de), 103. Musset (Alfred de), v, vin,

xiv, xxvi, 11, 118, 121,

131, 205, 266, 276,293-

295. Musset (Paul de), 254.

Nanteuil (CéJestin), m, IV, VI, XII, XVII, XVIII, XXIX,

10,11, 12,13,14,17,18, 39, 40, 45, 48, 58, 71, 199,200,241,264,293.

Napol- le -Pyrénéen , pseudo- nyme de Napoléon Peyrat, 185-193.

Nerval (Gérard de) , pseudo- nyme de Gérard Lahrunie, xxvu, 40, 45, 46, 47, 109, 115, 122,200, 256.

Nisard (Auguste), 232, 236.

Nisard (Charles), 232.

Nisard (Désiré), 232, 236.


- 318


Nodier (Charles), v,xiv, 57, 78, 79, 80, 90, 109, 123, 124,131,161,182,275.

Noël , pseudonyme de Léon Clopet, 208, 213.

O'Donnor (Andrew), pseudo- nyme de Fontaney, 127.

O'Neddy (Philothée) , pseudo- nyme de Théophile Don- dey de Santeny, V, XIV, 44, 199-216, 256.

Ortigue (Joseph d') , 255.

Palman ( Emile de ) pseudo- nyme de Hippolyte Re- gnier-Destourbet, 166.

Pauthier (G.), 60.

Pavic (Théodore), 265.

Pavie (Victor), 75, 78, 82, 86, 121.

Pelée, 32.

Petisot (Publicola) , pseudo- nyme de Victor Hugo, 269.

Peyrat (Napoléon), V, 185- 193.

Peyronnet (de), 102.

Pictet (Adolphe), 307.

Pi san, 29.

Polonius (Jean), pseudonyme deX. Labcnski, 110, 121, 125, 137, 143, 187.


Pons (Gaspard de), 102, 266.

Ponsard, 263.

Porret, 9, 11,34,35,36,37, 161, 171, 242-252, 256, 258,259, 275,306, 307, 310.

Poujoulat (B.), VI, 255.

Pouyat (Edouard), 71-74.

Préault, XXVlll.

Quincey (Thomas de), 294. Quinet (Edgar), 122.

Rabbe (Alphonse), 102. Rabou (Charles), 33, 166. RaiTet, 15.

Raisson (Horace), 243. Raymond (Michel), 243. Raymond (Xavier), 72, 73. Reblo, pseudonyme de Pétrus

Borel, 208,211. Régnier -Destourbet, v, VI,

xxi, 115, 116, 125, 161-

169, 183. Reinaud, 60. Rességuier(Julesde),24, 102,

124, 265. Richter (Jean-Paul), 103. Rogier (Camille), 195. Romieu, 257. Rouget de l'Isle, 102.


- 319 —


Royer (Alphonse), 242, 254.

Sainte-Beuve , V , XIV, XXVII,

60,64,69,75,77,78,79, 80,81,82,103, 125, 131, 135, 137, 138, 160, 187, 233, 264, 280, 283-285.

Sainte-Marie (J.), 265.

Saintes (de), 248.

Saint-Félix (Jules de), 109, 118, 124, 125, 160,265.

Saint-Firmin (Lucien de) 195.

Saint-Hilaire (E.-M. de), 29.

Saintine, 245.

Saint-Prosper, 267.

Saint- Victor (Paul de), IX.

Salles (Eusèbe de), V, XIV, XXI, 171-184, 252.

Sand (George), VIII, XIV, XXM , 205, 249, 307.

Salvandy (de), 102.

Sapinaud deBoishuguet, 267.

Sardou (Victorien), VIII.

Scott (Walter), 205,266.

Scribe, 68, 102.

Ségalas (madame), 123.

Senancour (de), 205.

Souillard Saint -Valry (A.), 265.

Soulary (Josépin), 121.

Soulie (Frédéric) , 256.


Soumet (Alexandre), 90, 91,

118, 124, 265. Souvestre (Emile) ,123. Staël (madame de), XIV, 103,

109. Stendhal (de) , pseudonyme de

Henri Beyle, 103,258,307. Sue (Eugène), 106, 110, 246.

247, 258.

Siuville (Clothilde de), 102. Sylvestre de Sacy , 60.

Talma, 257.

Tampucci (Hippolyte), 255.

Tastu (M me Amable), 101,

102, 118,265. Tellier, 16, 172. Thérésa, XXXII. Thierry (Edouard) , 237, 238. Th.... (Thiers), 183. Thomas (Napoléon), 44, 48,

200, 301. Thompson, 16, 242, 245, 247 ,

248, 250, 258, 306. Tiberge (l'abbé) , pseudonyme

de Régnier - Destourbet ,

161. Tilleul (B.), 72, 73. Tissot, 267. Tourneux (Eugène), 57. Trimolet, 159.


- 320 -


Tristan, 72.

Turquety ( Edouard ) , 121 , 123, 124.

Value (Jules), 44, 208. Vallcran (Léon de), 195. Vanderburch, 257. Vernet (Carie), 218. Viennet, 105, 253. Vigneron, 200.


Vigny (Alfred), V, XIV, 9, 27-29,90, 101, 118, 187, 205, 220, 252, 265, 279- 281.

Villemain ,102.

Waldor (M=» e Melanie) , 248,

254. Wey (Francis), IV, 130. Wordsworth, 126.


TABLE DES LIVRES

DE LA PÉRIODE ROMANTIQUE


DÉCRITS OU CITES


A la colonne de la place Vendôme, Victor Hugo, 6, 7. Albertus, ou l'Ame et le péché, Théophile Gautier, XV,

39, 298. Ali le renard , ou la Conquête d'Alger , Eusebe de Salles ,

171. L'Ane mort et la femme guillotinée, Jules Janin, XV; l re et

2 e édit., 35. L'Anévrisme, ou le Devoir, Eusèbe de Salles, 183. Angèle, Alexandre Dumas, 17. Angelo, tyran de Padoue, Victor Hugo, 13. L'Anglais mangeur d'opium, Alfred de Musset, 294. Annales romantiques, 1823-1836, 12 vol., 89-100, 269. Antony, Alexandre Dumas, XV, 16. L'Art de mettre sa cravate, Lefehvre-Duruflé , 308. Arthur, Ulric Guttinguer, 135.


- 322 -

L'Assassinat, Méry, 248.

Au mois de mai , Albert de Calvimont , 259.

Au pied de la Croix, Justin 3Iaurice , 310.

Babel , Société de gens de lettres, 258.

Le Bal, Ulric Guttinguer , 135.

Ballades, mélodies et poésies diverses, Fontaney , 126.

Le Balcon de l'Opéra , Josepb d'Ortigue , 255.

Balzac en pantoufles, Léon Gozlan , 73.

Le Barbier de Louis XI, Cordelier-Delanoue, 242.

Barnave, Jules Janin, 214.

La Bédouine, B. Poujoulat , VI , 255.

La Bobême galante, Gérard de Nerval, 45, 223.

Le Bonnet vert, Méry, 242.

Le Bord de la coupe, Chaudes-Aiguës, 255.

Le Brahme voyageur, Ferdinand Denis, 251.

Bréviaire du gastronome, Alexandre Martin, 308.

Bug-Jargal, Victor Hugo, 7, 267, 270.

Bonaparte , Victor Hugo, 7.

Les Burgraves, Victor Hugo, 14, 216, 263.

Caliban, Edouard Pouyat et Charles Ménétrier, 71. Calomnie, Hippolyte Bonnelier, 254. Canaris, Alexandre Dumas, 287. La Cape et l'épée, Roger de Beauvoir, 256. Caractères et paysages, Philarète Chasles, 34, 247. La Caravane des morts, Ernest Fouinet, 61. Catherine Howard, Alexandre Dumas, 17. Les Causeries du Louvre, A. Jal, 301.

Cent et une nouvelles des Cent et un, 74 , 90, 125, 169, 251.


- 323 -

Champavert, contes immoraux, Petrus Bord, XX, 46. Chansonnier du gastronome, Béranger, C. Delavigne, Victor

Hugo, 244, 268. Chansons, Charles Lemesle, 305. Chants du crépuscule, Victor Hugo, 272. Chapelle musique des rois de France, Castil-Blaze, 25.3. Charles II, ou l'Amant espagnol, Begnier-Destourhet, 166. Charles VII à Jumièges, Ulric Guttinguer, 135. Charlotte Corday, Begnier-Destourhet, 168. Chatterton, Alfred de Vigny, XV, 28. Le Cheveu du Diahle, Henri Berthoud, 249. Chronique du temps de Charles IX,Prosper Mérimée, 290. Cinq-Mars, ou Une conjuration sous Louis XIII, Alfred de

Vigny, 280. Claude Gueux, Victor Hugo, 272. Cléopâtre, Jules de Saint-Félix, 160. Colomha, Prosper Mérimée, 291. La Comédie de la mort, Théophile Gautier, 41. Comme quoi Napoléon n'a jamais existé, préface de Petrus

Bord, 57. La Confession, Jules Janin, 36.

La Confession d'un enfant du siècle, Alfred de Musset, 294. Les Confessions, Gustave Drouineau, 156. Le Conservateur littéraire, Victor Hugo, 265, 270, 271. Les Consolations, Sainte-Beuve, 60, 284. Constant et Discrète, Gaspard de Pons, 266. Contes bruns, H. de Balzac, Charles Bahou, Philarète Chasles,

33. Les Contes de Samuel Bach , Théophile de Ferrière , XXI ,

217. Contes d'Espagne et d'Italie, Alfred de Musset, 131, 294.


- 324 -

Contes du bibliophile Jacob à ses petits-enfants , 252.

Contes d'une vieille fille à ses neveux, M me Emile de Girardin,

253. Contes philosophiques, Honore de Balzac, 213. Le Conteur, veillées d'hiver, 90. La Coucaratcha, Eugène Sue, 247, 258. La Couronne de bleuets, Arsène Houssaye, 300. Critiques et portraits, Sainte-Beuve, 284. Cromwell, Victor Hugo, 271.

La Danse et les ballets, Castil-Blaze, 253.

La Danse macabre, bibliophile Jacob, 247.

Deburau, Jules Janin, 36.

Le Dernier jour d'un condamné, \ictor Hugo, 10, 271.

Dernières paroles, Antoni Deschamps, 159.

Les Destins de la Vendée, Victor Hugo, 6.

Deux destinées, Xavier Forneret, 251.

Les Deux maîtresses, Alfred de Musset, 295.

La Divine comédie de Dante, traduction d' Antoni Deschamps,

159. Le Divorce, bibliophile Jacob, 243. La Double méprise, Prosper Mérimée, 189, 290. Le Duc d'Enghien, Edouard d'Anglemont, 247.

Eccelenza, Roger de Beauvoir, 251.

L'Ecolier de Cluny, ou le Sophisme, Roger de Beauvoir,

245. Les Ecorcheurs , d'Arlincourt, 250. L'Ecuyer Dauberon , ou l'Oratoire de Bon Secours , Mélanie

Waldor, 248, 306. L'Eldorado, Théophile Gautier, 299.




- 325 -

Élégie sur la mort du général Foy , Alexandre Dumas , 15,

287. Éloa, ou la Sœur des anges, Alfred de Vigny, 279. Emaux et camées, Théophile Gautier, 90. Empédoele, X. Labenski, 110, 138, 1 10. Entre onze heures et minuit, Alphonse Brot et E.-M. de Saint-

Hilaire, 29. Ernestine, ou l'Epreuve, Lucien de Saint-Firmin, 195. Les Étoiles, Edouard Pouyat, Lassailly, Xavier Raymond,

Tristan, Hip. Fortoul , B. Tilleul, milady Sophie Cavadia,

Jules Mercier, 72. Étude sur Mirabeau, Victor Hugo, 272. Études françaises et étrangères, Emile Deschamps, 159, 277.

Fanfan le troubadour à la représentation d'Hernani , 9.

Feu et flamme, Théophile Dondey de Santeny, XX, 45, 199.

Les Feuilles d'automne, "Victor Hugo, 11.

Fortunio, Théophile Gautier, 159, 299, 300.

Frédéric et Bernerette, Alfred de Musset, 295.

"Gaspard de la nuit, Louis Bertrand, 75; 2 e édit., 77. Le Génie, Victor Hugo, 7.

Gerson, ou le Livre des enluminures, Ernest Fouinet, 61. Griselidis, Halm et Millenet, 256. La Guzla , Prosper Mérimée, 21, 289.

Han d'Islande, Victor Hugo, 7, 269, 270.

Harmonies poétiques et religieuses , Alphonse de Lamartine ,

252. Harnali, ou la Contrainte parcor, A. de Lauzanne, 8. Hernani, ou l'Honneur castillan, Victor Hugo, XV, 8, 227.


- 326 —

Histoire de Gil Blas, François de JNeufchâteau, 267. Histoire de la littérature dramatique , Jules Janin , 69, 73,

163. Histoire de la vie et des ouvrages de Chateaubriand , Scipion

Marin, 248. Histoire de ma vie, George Sand, 127. Histoire de tout le monde, Régnier- Destourbet et Charles

Rabou, 166. Histoire d'un anneau enchanté, Théophile Dondey de Santeny,

215. Histoire du roi de Bohème et de ses sept châteaux , Charles

Nodier, 241, 275. Histoire populaire de la révolution de 1830, Horace Raisson ,

243.

Impressions de voyage, Alexandre Dumas, 17. Impressions de voyage en Espagne, Fontaney, 303. Indiana, George Sand, 249. Les Intimes, Michel Raymond, 243.

La Jacquerie, Prosper Mérimée, 290.

Jean Du Seigneur, notice sur sa vie, 301.

Les Jeunes-France, Théophile Gautier, XIX, 40, 223, 298.

Le Journal rose, 25.

La Bruyère et La Rochefoucauld, Sainte-Beuve, 284.

Légendes françaises, Edouard d'Anglemont, 249, 306.

Le Lit de camp, Burat de Gurgy, 245.

La Liberté, journal des arts, 57.

Littérature et philosophie mêlées, Victor Hugo, 266, 272.

Le Lorgnon, M rae Emile de Girardin, 259.


- 327 -

Louis IX, Ancelot, 268.

Louisa, ou les Douleurs d'une fille de joie, Regnier-Destourbet, 116, 161; 2 e édit., 166; réimp., 166.

Luccioles, Théodore Guiard, 225.

Lucrèce, Ponsard, 263.

Lucrèce Borgia, Victor Hugo, 12.

Le Maçon, Michel Masson, 159.

Madame Putiphar, Petrus Borel, 49.

Mademoiselle de Maupin, Théophile Gautier, XV, 298.

Ma justification, Barthélémy, 251.

Manuel de l'amateur d'huîtres, Alexandre Martin, 308.

Le Manuscrit vert, Gustave Drouineau, 155, 244.

La 3Iaréchale d'Ancre, Alfred de Vigny, 28.

Le Marchepied, Léon de Valleran, 195.

Marie Tudor, Victor Hugo, 13.

Marion Delorme, Victor Hugo, XV, 11 , 125.

Les Mauvais garçons, Alphonse Royer, 242.

Méditations poétiques, Alphonse de Lamartine, XV, 266.

Mélanges poétiques, Ulric Guttinguer, 135.

Mémoires d'Alexandre Dumas, 73.

Mes heures perdues, Félix Arvers, 65.

Le Monde dramatique, Gérard de Nerval, 256.

Le More de Venise, Othello, Alfred de Vigny, 280.

La Mort du fils de Bonaparte, Lassailly, 73.

Mosaïque, Prosper Mérimée, 290.

Le Mutilé, Saintine, 245.

Nadir, Ulric Guttinguer, 135. Napoléon, Regnier-Destourbét, 163.

N I Ni, ou le Danger des castilles, Carmouche et Dupeuty, 8.

24


— 328 -

Notre-Dame de Paris, Victor Hugo, XII, XVII, Ire edit., 9;

2 e édit., 9; 10, 183,267. Nouveaux contes philosophiques, H. de Balzac, 245. Nouvelles contemporaines, Alexandre Dumas , 15, 287. Nouvelles légendes françaises, Edouard d'Anglemont, 30G. Nouvelles me'ditations , Alphonse de Lamartine, 138. Nouvelles odes, Victor Hugo, 4. Nouvelles scènes populaires, Henry Monnier, 309. Les Nuits romaines, Jules de Saint-Félix, 160.

L'Observateur au XIX e siècle, Saint-Prosper, 267.

Odes et ballades, Victor Hugo, 4; 4 e edit., 5; 24, 69, 188, 267.

Odes et poésies diverses, Victor Hugo, l re édit. , 3 ; 2 e edit. , 4 ; 3e édit., 5: 263, 268, 269, 270.

Ode sur la naissance de S. A. R. Monseigneur le duc de Bor- deaux, Victor Hugo, 6.

Œuvres complètes de E.-T.-A. Hoffmann, 31.

Les Ombrages, Gustave Drouineau, 250.

Les Orientales, Victor Hugo, xv, 5, 24, 60, 90, 188, 267.


La Paix conquise, Emile Deschamps, 277.

Le Parnasse satyrique du XIX e siècle, 272.

Paul Briolat, Merville, 244, 306.

La Peau de chagrin, Honoré de Balzac, XV, 214, 243.

Pensées d'août, Sainte-Beuve, 284.

Pétrus Borel, le lyoanthrope, Jules Claretie, 56.

Les Pleurs, M me Desbordes- Valmore, 252.

Plick et Plock, Eugène Sue, 258.

Poèmes, Alfred de Vigny, l re et 3 e édit., 27; 280.

Poèmes antiques et modernes, Alfred de Vigny, 280.


- 329 -

Poésies, Théophile Gautier, 297.

Poésies complètes, Théophile Gautier, 298.

Poésies et pensées de Joseph Delorme, Sainte-Beuve, 284.

Poésies d'Emile et Antoni Deschamps, 159, 280.

Poésies de Hippolyte Tampucci, 255.

Poésies de Jean Polonais , X. Lahenski, 110, 138-140.

Poésies de M me Desbordes- Valinore, 258, 267.

Poésies du cœur, M me Mélanie Waldor, 254.

Portraits littéraires, Sainte-Beuve, 78.

La Première communion, E.-J.-Delécluze , 252.

Psaumes et élégies vendéennes , Sapinaud de Boishuguel ,

267. l'mi, Théodore Carlier, 144 et suiv.

Les Rayons et les ombres, Victor Hugo, 272.

Les Rebelles sous Charles V, d'Arlincourt, 250.

Résignation, Antoni Deschamps, 159.

Résignée, Gustave Drouineau, 155, 183, 246.

Retour à Paris, Emile Deschamps, 278.

Le Retour de l'Empereur, \ ictor Hugo, 7.

Revue parisienne, Honoré de Balzac, 229.

Rhapsodies, Pétrus Borel , 43; 2 e édit., 44; 200.

Le Rhin, Victor Hugo , 273.

Robinson Crusoé, traduction de Pétrus Borel, 48.

Roch le corsaire, Ernest Fouinet , 61.

Le Roi s'amuse, Victor Hugo, 12.

Les Romans et le mariage, Théophile de Ferrière, 217.

Les Roueries de Trialph, notre contemporain avant son suicide.

Lassa illy, 73. Le Rouge et le noir, Stendhal, 136, 258. Ruy Blas, Victor Hugo ,14.


- 330 -

Le Sacre de Charles X, Victor Hugo, 7.

Sakontala à Paris, Eusèbe de SalJes, XXI, 172.

La Salamandre, Eugène Sue, 214, 246.

Salmigondis, 90.

Samuel, Paul de Musset, 255.

Le Satan t 57.

Saynètes, Paul Foucher, 247.

Scènes contemporaines , Lœve - Weimars , Vanderburch et

Romieu, 257. Scènes de la vie castillane et andalouse , Fontaney, XXI, 127,

130, 303. Scènes de la ville et de la campagne, Henry Monnier, 309. Scènes populaires, Henry Monnier, 308. La Semaine de Pâques, Ferdinand Dugué, 228. Les Septembriseurs, Regnier-Destourbet, 168. Servitude et grandeur militaire, Alfred de Vigny, 281. Sommités contemporaines, Auguste Marc, 297. Les Soirées de Neuilly, Dittmer et Cave, 257, 307. Les Soupeurs de mon temps, Roger de Beauvoir, 196. Sous les tilleuls, Alphonse Karr, 246. Souvenirs poétiques, A. de Beauchesne, 242. Stello , ou les Diables bleus , Alfred de Vigny ; XV , 28 ,

223. Stockholm, Fontainebleau et Rome, Alexandre Dumas, 15. La Strega, Ernest Fouinet, XXI, 59. Le Sylphe, Charles Dovalle , 23.

Tableau de la poésie française au XVI e siècle, Sainte-Beuve ,

125, 283. Tablettes romantiques, 89. Le Télégraphe, Victor Hugo, 6.


— 831 —

Térésa, Alexandre Dumas, 16.

Théâtre complet de Sophocle, traduit par Théodore Guiard,

225. Théâtre d'Alexandre Dumas, 18.

Théâtre de Clara Gazul, Prosper Mérimée, l re et 2 e édit., 21. La Tour de Londres, Alphonse Brot, 29. La Tour de Montlhéry. Yiennet, 253. Le Trapiste, Alfred de Vigny, 279. Trois chants de l'Iliade, A. Bignan, 266. Trois satires politiques, Antoni Deschamps, 159.

Un hal sous Louis-Philippe, Regnier-Dcstourbet , 116, 166,

183. Un clair de lune, Gustave Albitte, 255. Un diamant à facettes, Frédéric Soulié, 256. Une âme en peine, A. Kermel, 251. Une course à Chamounix, Adolphe Pictet, 307. Une grossesse, Jules Lacroix, 253. L'ne heure trop tard, Alphonse Karr, 250, 306. Une larme du Diable, Théophile Gautier, 300. Un roman pour les cuisinières, Emile Cabanon, 195. Un spectacle dans un fauteuil, Alfred de Musset, 11, 294. Un village sous les sables, Ernest Fouinet, 61.

Valentine, George Sand, 249. Le Vendéen, de Saintes, 248. Venezia la bella, Alphonse Royer, 254. Les Vêpres siciliennes, Casimir Delavigne, 266. Vertu et tempérament, bibliophile Jacob, 249. Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, M me \ ictor Hugo, 268, 269, 295.


332


Vie anecdotique de Chodruc-Duclos, 307.

La Vieille Fronde, Henri Martin, 245.

Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme, Sainte-Beuve, XV,

69. Les Voix intérieures, Victor Hugo, 272. Volupté, Sainte-Beuve, xv, 284. Voyages poétiques, Théodore Carlier, 144.


TABLE DES CHAPITRES


Pages.

Avant-propos de la seconde édition III

Préface de la première édition XI

L'Aube romantique, par Théodore de Banville XXIII

BIBLIOGRAPHIE ROMANTIQUE

Victor Hugo 3

Alexandre Dumas 15

Prosper Mérimée 21

Charles Dovalle 23

Alfred de Vigny 27

E.-T.-A. Hoffmann 31

Contes bruns 33

Jules Janin 35

Théophile Gautier 39

pétrus borel 43

Ernest Fouinet 59

Félix Arvers 65

Caliban et les Étoiles 71


334




Pages.


Louis Bertrand



75


Annales romantiques, § I



89


II



124


Regnier-Destourbet



161


Eusèbe de Salles



171


Napol le Pyrénéen



185


Emile Cabanon



195


Philothée O'Neddy



199


Théophile de Ferrière



217


Théodore Guiard



225


Catalogue iconographique



241


Tony Johannot



242


Alfred Johannot



252


J. GlGOUX



253


Célestin Nanteuil



254


Henry Monnier



257


Gavarni



259


Soleil couché , sonnet-épilogue, par Ch


Baudelaire


261


APPENDICE

Avertissement 263

Victor Hugo 265

Charles Nodier 275

Emile Deschamps 277

Alfred de Vigny 279

Sainte-Beuve 283

Alexandre Dumas 287

Prosper Mérimée 289

Alfred de Musset 293


- 335 -

Pages.

Théophile Gautier 297

pétrus borel 301

fontaney 303

Catalogue iconographiqur (adjonctions et rectifications) 305

Tony Johannot 305

Henry Monnier 307

Gavarni 310

Table des noms d'écrivains et d'artistes du XIX e siècle 311

Table des livres de la période romantique décrits ou cités 321

Table des chapitres 333


25




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