De ruina et reparacione Ecclesie  

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Clémanges œuvre principal reste incontestablement son De ruina et reparacione Ecclesie, traité sur les abus et maux de l’Église à son époque. Il fut traduit au Template:XVIe siècle, plus précisément en 1564, dans le contexte de la Réforme protestante par Jean Crespin à Genève, et mis à l’Index par l’Église catholique. Il faut être prudent et nuancer cette idée des abus et maux de l'Eglise déjà existante au Moyen Âge et que les protestants ont repris par propagande.

Full text

LE TRAITÉ


DE LA


RUINE DE UÉGLISE


DE


NICOLAS DE CLAMANGES


ET LA TRADUCTION FRANÇAISE


DE 1564



PARIS

LIBRAIRIE E. DROZ

25, RUE DE TOURNON MCMXXXVI


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LE TRAITE DE LA RUINE DE L'ÉGLISE

DE

NICOLAS DE CLAMANGES


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NICOLAS DE CLAMANGES


ET LA TRADUCTION FRANÇAISE

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PARIS LIBRAIRIE E. DROZ

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AVANT-PROPOS

Peu d'ouvrages du xv® siècle ont eu une fortune égale à celle du pamphlet ecclésiastique de Nicolas de Clamanges, le De ruina et reparacione Ecclesie, connu depuis plus de trois siècles sous le titre tardif et inexact de De corrupto Ecclesice statu. Cet opuscule, il est vrai, a été peu répandu durant le xv^ siècle, d'abord sans doute par la volonté de l'auteur peut-être soucieux lui-même de l'âpreté avec laquelle il avait décrit les mœurs du clergé de son temps, plus tard parce que les circonstances du Grand Schisme, qui avaient si fortement provoqué l'indignation de Cla- manges, avaient disparu. Mais au xvi^ siècle, grâce à la Réforme, ce traité de la ruine de l'Église, plusieurs fois édité, eut un grand retentissement : il fut considéré par les écrivains protestants comme l'œuvre d'un précurseur dans l'attaque contre l'Église romaine, et souleva de fré- quentes polémiques jusque dans le courant du xvii^ siècle.

L'œuvre de Nicolas de Clamanges n'a jamais été étudiée

I. Les répertoires anciens de bibliograpMe et de littérature ecclésiastique ne donnent à-peu-près rien d'utile ; on ne peut guère citer avant le xix^ siècle que Von der Hardt, Magnum Constantiense Concilium (1700), I, m, (tirage à part à Presbourg, 1705) ; D. Clément, Bibliothèque curieuse, VII, 173. Pour le xixe siècle, il sera question plus loin des ouvrages d'Ad. Miintz et de G. Schuberth ; on peut y ajouter quelques notes judicieuses de J. Schwab, Johannes Gerson, 493. On ne saurait citer que pour mémoire l'article de Schmidt, remanié par Bess, dans la Realencyclopedie fur protestantische Théologie, 3e édition t. IV, 1898, plus récemment ceux de Hemmerle sur le De corrupto Ecclesice statu, Histor. Jabrbuch, 1906, 803 et de Vansteen- berghe dans le Diction, de théologie catholique, t. XI, 1931, 597; ils n'appor- tent pour ainsi dire rien de nouveau.


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d'assez près jusqu'ici ^. On s'est efforcé avec de bien faibles arguments d'en contester l'attribution à son véritable auteur. La moindre enquête eût détruit aussitôt cette thèse trop fragile. Le présent travail a pour objet de rechercher les origines précises, les formes diverses, la portée immédiate, les destinées pendant trois siècles du De ruina et reparacione Ecclesie. L'unique traduction fran- çaise telle que la donne l'édition de 1564, la seule complète, fort curieuse et par son apparition et par sa forme, a été plus négligée encore. L'étude des deux versions peut cependant apporter quelques éléments nouveaux à l'his- toire du Grand Schisme, puis de la littérature protestante et de certaines controverses assez oubliées du xvi^ et du xvii® siècle. Pour qu'on en puisse mieux juger, le texte latin primitif et le texte français, tous deux dans leur intégrité, ont été reproduits comme complément des recherches auxquelles ils ont donné lieu.

Il a paru également utile de joindre à ces recherches quelques pages sur le dernier ouvrage de Nicolas de Clamanges, inédit et oublié jusqu'ici, VExpositio super Ysaiam, où l'on peut constater que l'auteur jusqu'à la dernière période de sa vie, hanté par la sévère éloquence des Prophètes, est resté fidèle aux idées et aux jugements pessimistes qu'il exprimait si vivement au début même du XV® siècle ^.


1. Bess, op. cit., reconnaissait que le dernier mot n'avait pas encore été dit sur ce traité.

2. Nous devons des remerciements pour les précieux renseignements qu'ils nous ont proctirés à M. le Professeur Piaget de Neuchâtel, M. le Pas- teur Pannier, M"e e. Droz, M. Ernest Wickersheimer, M. le D^ Binz, conser- vateur honoraire des manuscrits de la Bibliothèque de Bâle, M. le D' Herse, directeur de la Bibliothèque de Wolfenbiittel.


LA VERSION IMPRIMÉE


Pour se rendre compte des divers problèmes que soulève le De ruina et reparacione Ecclesie, il est nécessaire de partir tout d'abord du texte traditionnel, tel qu'il apparaît, seulement avec quelques variantes de détail, dans toutes les éditions de 1483 à 1700 ^, le seul connu et utilisé par les historiens et les controversistes jusqu'à maintenant.

Nicolas de Clamanges appelle lui-même son opuscule oratio, narratio, relatio. Il le dit également compendium. La matière lui paraît en effet si abondante, que ce qu'il peut présenter n'est qu'un aperçu très général, une brève énumération, enumerando perstringam ^, bien que son objet soit de montrer à la fois l'origine et le progrès du mal, originem et progressum videamus. Il est obligé de choisir, summatim, dans une masse énorme de faits, ex acervo grandissimo, de sacrifier sans cesse ce qu'il aurait à dire, transeo, transeo. Il faut en effet arriver au port : Omittenda duxi quia portum vêla nostra desiderant.

Donc la veille du jour où il s'est mis à écrire, en ouvrant un « manuscrit des Saintes Ecritures », ses yeux sont tombés sur ce texte de la première épître de saint Pierre : Tempus

1. Sur ces éditions voir plus loin, p. 51-59.

2. Le texte suivi dans ce chapitre est celui de l'édition des œuvres de Nicolas de Clamanges donnée par J. M. Lydius à Leyde en 1613, cette édition étant la plus répandue. Elle reproduit l'édition de 1520 dont il sera question plus loin, p. 56.


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est ut incipiam judidum de Domo Dei. Ces mots ont évoqué aussitôt dans son esprit épouvanté les maux et les cala- mités de l'Église, les causes qui les ont provoqués, les vices qui ont pris la place des vertus nécessaires.

A la source de tout est la convoitise des biens terrestres, terrena cupiditas. Quel contraste entre la simplicité du clergé primitif et la richesse du clergé actuel ! Il y eut pour la société ecclésiastique et les fidèles un âge d'or. Mais l'abondance des biens du siècle a amené la passion des richesses ; le luxe et le faste se sont développés à l'excès. Il faut voir cette peste mortelle se répandre ah ipso summo vertice usque ad pedes et commencer par la tête d'où dépend tout le reste, c'est-à-dire les papes. Alors on voit défiler avec la même âpreté toutes les exactions pontificales, réserves ecclésiastiques, expectatives, déci- mes, vacances, etc. Les souverains pontifes ne sont pas attaqués directement pour eux-mêmes, dans leur personne ou leurs doctrines, mais à propos surtout des exigences financières de la Chambre apostolique et des abus qui en résultaient ou du développement excessif de l'autorité de la Cour romaine. De tous côtés on proteste et on se plaint, audivimus et cernimus. Les expectatives amènent une foule de quémandeurs, parmi lesquels se recrute un clergé déplorable, qui ne comprend pas plus le latin que l'arabe et sait à peine ses lettres : Nunc vero nichil àbjec- tius et despicahïlius, dit Clamanges. Puis ce sont les collec- teurs des revenus pontificaux, véritable plaie des églises locales ; ce sont les procès en Cour de Rome, la procédure sans cesse compliquée de la Chancellerie, si bien que l'on ne peut que répéter les paroles du Christ : Domus mea domus oradonis est^ vos autem eam fedstis speluncam latro- num. Clamanges en veut par-dessus tout aux cardinaux, qui, à l'origine, simples clercs romains, chargés des plus humbles besognes, se considèrent maintenant comme les premiers dignitaires de l'Eglise : ils se croient les égaux


II


des rois. Leur concupiscence est infinie : Quis immensam et inextricahilem voraginem ipsorum concupùcentice verbis cequare valeat? Nulla prorsus ad hoc verba sufficiunt. Ils cumulent les bénéfices de la façon la plus irrégulière, jusqu'à 400 et 500. L'or du Tage ou du Pactole ne sufiirait pas à éteindre leur soif de richesse. Que dire de leurs mœurs ? L'auteur ne veut pas énumérer eorum adulteria, stupra, fornicationes quitus Romanam curiam incestant ? Que dire de ceux qui les entourent, de leurs familiers, dont les mœurs sont pareilles, qui pratiquent le commerce et l'usure ? Que de compromissions entre papes et cardi- naux d'une part et princes temporels de l'autre pour promouvoir aux bénéfices non des clercs capables, sed ambitiosi quique^ sed adulatores, sed histrioniciy sed omnibus •vitiis imbuti, quales in aulis principum fréquenter conspi- cimus. Après la Cour romaine, viennent les prélats, les évêques : sept chapitres et cinq pages de l'édition de Lydius leur sont consacrés. Ce sont les mêmes vices qui leur sont attribués. Ils aiment mieux la perte de dix mille âmes que celle de dix à douze sous. Ils méprisent la prédi- cation qu'ils laissent aux Mendiants comme une tâche inférieure. Leur justice est inique et vénale. Ils autorisent moyennant argent les curés à avoir des concubines ; ils vendent des absolutions et des dispenses. Mais qu'est-ce cela encore, bona sunt, auprès de leur simonie, surtout des conditions déplorables dans lesquelles sont conférés les ordres sacrés ? Car Nicolas de Clamanges croit avant tout à la sainteté de l'Ordre, et les exactions, le cumul des bénéfices, la mauvaise justice, le concubinat même ne sont que vices secondaires comparés à l'entrée et à la pré- sence dans l'Eglise de mauvais prêtres. Les prêtres ordon- nés par simonie ou sans contrôle forment une multitude indigne, ignorante, épicurienne, assidue au cabaret et au jeu : Crapulati et inebriati pugnant, clamant, tumul- tuantur. Ex meretricum suarum complexîbus ad divinum


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altare veniunt. La plupart des prélats sont absents de leur diocèse et n'ont d'évêque que le nom. Trop nombreux sont ceux qui vivent auprès des princes du siècle, entre- tenus par eux et collaborent ainsi à l'exploitation de leurs sujets. Ce sont de véritables mercenaires qui ne servent ni Dieu ni l'Eglise, mais seulement les rois. Il est vrai que leur absence est peut-être préférable à leur présence dans leurs diocèses : ils donneraient les pires exemples, qui totos in aucupio et venatu, in ludis et palestra dies aguntj qui noctes in conviviis acuratissimis, in plausibus et choreis cum puellis etiam ejfeminati insomnes transeunt. Ce sont des loups, quod lupi est agunt, voranty dispergunt, lacerunt, diripiunt. Après, c'est le tour des chapitres, sur lesquels d'ailleurs il insiste peu ^, avec leurs chanoines aussi vicieux que les prélats, indoctos, simoniacos^ cupidos, fréquentant les femmes publiques, tenant concubines en leurs maisons, gourmands ut porci Epicurei ; — puis des moines toujours hors du cloître, et de la règle, plus encore des Mendiants que l'auteur, avec les vieilles rancunes universitaires, représente faisant parade de leur pauvreté, de leur science théologique, de leurs prédications qui, à les en croire, sauvent les âmes abandonnées par le clergé séculier ; ce sont en réalité de vrais Pharisiens pleins de superbe et d'hypocrisie ; eux aussi lupi sunt rapaces sub ovili imagine latitantes... qui ea que facienda sunt dicunt et non faciunt. Enfin viennent les nonnes au dernier rang de l'état ecclé- siastique, dont les couvents sont des lupanars, Veneris execranda prostibula, qui ont des allures de femme publi- que, si bien que idem hodie sit puellam velare quod et publiée ad scortandum exponere. Là s'arrête le tableau des maux et des vices de l'Eglise.

La dernière partie nous ramène à l'objet véritable de l'auteur. Sur la vigne du Seigneur s'est répandue la colère

I. N. de Clamanges était alors chanoine et trésorier de l'Eglise de Langres. Voir plus loin, p. 32.


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de Dieu. Les hommes n'ont pas tenu compte des ordres divins. Clamanges sait bien que dans l'Eglise il reste encore quelques bons et vertueux serviteurs ; mais il est inutile d'en parler, tant les mauvais sont nombreux. Comment dans de telles circonstances les affaires de l'Eglise pour- raient-elles être prospères ? Là est la source des maux : Expergiscere tandem^ ... o infelix soror Synagogce. La catas- trophe est prochaine. Et Clamanges en vient ainsi au Schisme abominable où l'Eglise va se perdre avec la rapi- dité d'un torrent, ivre de ses vices usque ad nauseam. Déjà il y a eu le schisme oriental. Puis la Papauté a dû quitter Rome et errer par le monde. La Cour romaine s'est réfugiée à Avignon, où elle a pu donner libre cours à sa cor- ruption et à sa simonie et d'où elle en infecte les Gaules. Sans s'arrêter au pape de l'autre obédience que ses fidèles connaissent mieux que lui, Clamanges évoque le souvenir de Clément VII, de sa situation précaire, de sa dépendance à l'égard des princes, de ses humiliations, de sa faiblesse pour tous les quémandeurs de bénéfices, de ses exactions, de sa préférence pour les beaux jeunes gens. Mais à Clément VII s'arrête le texte imprimé, laissant ici une lacune apparente. Enfin l'auteur en est arrivé à l'inévi- table conclusion, l'extirpation du Schisme. Pour rentrer en grâce, l'Eglise doit non pas se redresser, mais s'humi- lier, prins desolanda, postea consolanda, prius pœnitenda, postea sananda. Tout ce que les hommes ont fait, négo- ciations, légations, etc., est vain. C'est Dieu lui-même qui rétablira l'union et restaurera l'Eglise. Le traité se termine par une invocation au Christ pour qu'il remette l'ordre dans l'Eglise. En attendant, Clamanges croit devoir fuir la tempête et se réfugier au port. Il demande par une pieuse oraison que l'Eglise ne soit pas trop durement châtiée, bien qu'elle le mérite, et que le Christ se souvienne qu'il est le Dieu de miséricorde. Sur ce texte imprimé deux questions surtout ont été


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posées, celle de son authenticité comme œuvre de Nicolas de Clamanges, et celle de sa date.

La question d'authenticité a été résolue par la négative dans la thèse de théologie d'Adolphe Miintz : Nicolas de Clémanges, sa vie et ses écrits (Strasbourg, 1846 ^). Pour lui, Nicolas de Clamanges avait trop de dignité pour écrire un tel livre et adresser au clergé des reproches aussi démesurés 2. Il en est choqué jusqu'à s'excuser de faire certaines citations. Pour affirmer que le De ruina et repa- racione ecclesie est d'un autre auteur, il ne présente pas moins de cinq arguments : le style est trop « abrupt » et « assez commun » ; certains passages sont en désaccord avec les opinions exprimées ailleurs par Clamanges ; du reste celui-ci n'a pu écrire un tel pamphlet alors qu'il était à Avignon attaché comme secrétaire à Benoit XIII ; l'auteur accepte la soustraction d'obédience ; on ne trouve dans les autres œuvres de Clamanges aucune allusion au traité en question. Enfin une lettre à Jean de Piémont est en contradiction avec pareille attribution ^. Tous ces arguments sont inexacts ou insuffisants. Pour le style, ses imperfections ne sont le plus souvent que des fautes de lecture d'un des manuscrits ou des fautes d'impres- sion*. La diversité des opinions est à prouver, et d'ail- leurs n'aurait rien de singulier en un temps si troublé et pour une nature aussi émotionnable que celle de Cla- manges. On verra que Clamanges ne résidait pas à Avi- gnon quand le pamphlet fut écrit ^. Il n'y a aucune appro- bation de la soustraction d'obédience. La lettre à Jean de

1. Cette thèse est le seul ouvrage consacré à Nicolas de Clamanges. Elle est très incomplète et très imparfaite. L'enquête de l'auteur a été tout à fait insufftsante. Il connaît très mal le temps et le milieu. Par exemple il confond Jean de Montreuil avec Monstrelet !

2. P. 66, 67.

3. P. 67-70. Miintz signale en note le nom de Jean Courtecuisse. Il n'y a aucune analogie entre le style de Comrtecuisse et celui du pamphlet de Nicolas de Clamanges.

4. Voir plus loin, p. 36.

5. Voir plus loin, p. 109.


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Piémont ne peut fournir aucun argument précis ^. Miintz déclare encore qu'il n'a trouvé aucun texte manuscrit portant le nom de Nicolas de Clamanges comme nom d'auteur. Or les manuscrits les plus dignes d'attention donnent bien ce nom 2.

Au reste les conclusions de Mûntz ont été combattues avec de très fortes raisons dans deux opuscules sur ce sujet : a) ht Nicolaus von démanges Verfasser des Bûches de corrupto ecclesise statu (Grossenhaim, 1882, Programm der Realschule ; h) Nicolaus von démanges, der Verfasser der Schrift de corrupto ecclesiae statu (Grossenhaim, 1888, Inaugural-Dissertation an der Univ. von Leipzig), tous deux du même auteur, G. Schuberth. Cet auteur n'a pas vu personnellement les manuscrits qui apportent des preuves décisives d'authenticité ^ ; mais il a fait, surtout dans son premier travail*, des comparaisons de style abondantes qui infirment complètement le jugement super- ficiel de Miintz.

Quant à la question de date, elle a été également discutée. Mûntz repousse diverses opinions et conclut plutôt pour 1401 5. Schuberth signale des textes qui lui paraissent difficiles à concilier®. Il estime cependant que Nicolas de Clamanges a commencé sa rédaction en 1401, mais qu'il l'a complétée et remaniée par la suite à des dates différentes '. Ces conclusions manquaient de préci- sion : le seul texte imprimé, en effet, ne permettait pas un résultat indiscutable. Les manuscrits vont apporter une solution définitive.

1. opéra, éd. Lydius, Epist. LXVI, 191.

2. Voir plus loin, p, 17 et suiv.

3. P. 47 et 37.

4. P. II et suiv.

5. Lécuy, par exemple, dans son Essai sur Gerson, II, 373-375, confond les deux soustractions d'obédience et attribue l'œuvre de Clamanges à 1414.

6. Ist Nicolaus... p. 45.

7. La réfutation de Schuberth par Knôpfler, Kirchenlexicon, IX, 305, est sans portée.


II

LES MANUSCRITS


Dans l'étude critique du pamphlet de Nicolas de Clamanges, le premier point à examiner c'est la tradition manuscrite du texte.

Parmi les manuscrits qui nous ont transmis les œuvres de Clamanges, ceux qui contiennent le traité sur la ruine de Eglise sont les moins nombreux. On n'en peut signaler que deux parmi les douze manuscrits du même auteur conservés à la Bibliothèque nationale. Ce sont d'ailleurs les plus importants \

I. — Latin n^ 3128. Papier.

Ce manuscrit doit son grand intérêt au fait qu'il est daté. On lit en effet au verso du folio 277, juste à la fin du ms. et de l'opuscule de Clamanges, la note suivante :

Frater Egidiiis Bidau est possessor hujus libri, quem librum scribi fedt Parisius anno Domini M. CCCC XLVIII^,

Il n'est ainsi postérieur que de onze ans à peine à la mort de Nicolas de Clamanges.

1. G. Schuberth les a signalés dans les deux opuscules cités plus haut, p. 47 et 37, mais avec une erreur de date d'après le Catalogue de la Biblio- thèque royale pour le n° 3128 (1457 au Keu de 1448).

2. Déjà cité dans A. CovUle, Recherches sur quelques écrivains du XIV° et du XV° siècle. Au dessous de la note citée, on lit : Pro Ludovico Las- serre provisore regalis Collegii Campanie alias Navarre Parisius fundati.


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La presque totalité du manuscrit est occupée par les lettres de Clamanges. A la fin des lettres, on trouve, au folio 260 v°, ce premier explicit :

Expliciunt epistole magistri Nicolai de Clemengiis, scripte par manus Wilhelmi de Monte pro fratre Egidio de Cambrone.

C'est ensuite, sans aucun titre, que vient le traité de la ruine de l'Eglise. L'écriture est plus serrée et plus aigiie. C'est évidemment une addition, sans doute cependant de la même main. Il y a lieu de croire que le frater Egidius de Cambrone pour qui ont été copiées les lettres et \t frater Egidius Bidau qui déclare que le manuscrit écrit à Paris en 1448 est sa propriété, sont une seule et même personne. Gilles Bidau serait ainsi un moine de l'abbaye cister- cienne de Cambron en Hainaut ^.

Le traité de la ruine de l'Eglise commence au folio 262. Le texte est écrit sur deux colonnes. En haut de la première on lit ces mots d'une écriture moderne : Déficit in P. L'écriture est assez hâtive, mais en général claire. La fin au verso du folio 277 est suivie de cet explicit :

Explicit liber de ruina et reparacione Ecclesie editus a magistro Nicoîao de Clemengiis.

On remarquera ici le titre différent du titre usité d'ordi- naire.

Dans les marges du manuscrit, on trouve quelques addi- tions de passags haute, plus aigiie et plus nette. Ces deux écritures sont antérieures à celle du reste du volume. Il n'y a pas de divisions ou chapitres. Mais le texte est coupé de signes au vermillon ponctuant le sens, qui ne correspondent pas aux divisions des autres manuscrits. On compte 55 de ces signes ; à partir du folio 236, on n'en trouve plus, mais la place a été réservée.

Le texte est le texte complet des précédents manuscrits, avec d'insignifiantes variantes. Bien que signalé par G. Schuberth, ce manuscrit paraît n'avoir jamais été vraiment utilisé.

VT. — Bibliothèque de l'Université de Paris, n^ 633, Papier et parchemin.

Ce manuscrit provient du collège des Cholets \ auquel il avait été légué par Jean du Bois, maître en théologie, doyen de l'église d'Arras. On trouve d'autre part, sur le premier folio, un nom répété à la fin des divers ouvrages qui remplissent le manuscrit, Nicolas Bertoul ou Ber- thoul.

Toute la première partie est remplie par le De conso- latione de Boèce, accompagné en marge d'un ample conmientaire jusqu'au folio 36. Au folio 93, commencent les œuvres de Nicolas de Clamanges : les lettres écrites au nom de l'Université, le De filio prodigo, le Liber de fructu eremi, le Liber de prosperitate adversitatis, le Liber de fiovis festivitatibus, le Liber de studio theologico, la Des- criptio cujusdam rei mirabilis^ le Brevis tractatus contra prelatos simoniacos, puis un sermon des Saints Innocents, six oraisons pour le service canonial des Sept heures. C'est au folio 158 que se trouve le Tractatus de ruina et repara-

I. Catalogue général des manuscrits. Paris, Bibl. de l'Université, 157 ; Léop. Delisle, Le Cabinet des Manuscrits, II, 256.


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cione Ecclesie, écrit à deux colonnes, sans division en chapi- tres, d'une écriture de la seconde moitié du xv® siècle. Au folio 85 verso, on trouve en effet des Lamentationes Constantinopolis, ad statum Christianorum, Anno Domini M. CCCCLIIL

Le texte est mutilé : un dernier folio a disparu. Les derniers mots sont : ... unde et multi qui ad bonam frugem devenirent, si cum modestis est... ils appartiennent au cha- pitre 39 du texte donné plus loin 1, c'est la même version que celle des manuscrits de la Bibliothèque nationale. Au verso du dernier feuillet, le manuscrit de l'Univer- sité donne le premier des passages importants supprimés dans les éditions. Il devait évidemment donner également les autres.

Plusieurs manuscrits d'autre part ont été signalés dans des bibliothèques étrangères.

VII et VIII. — Bibliothèque de Wolfenbûttel.

Ces deux manuscrits proviennent de la Bibliothèque de l'Université de Helmstâdt supprimée en 1810. Ils ont été possédés par le célèbre humaniste Flacius lUyricus. Le premier avait appartenu à l'abbaye bénédictine de Melk 2.

A) no 347. C'est un recueil de documents variés surtout sur les conciles. Aux folios 131-143 se trouve le traité de la ruine de l'Eglise sous ce titre :

Magistri Johannis Gersoni opusculum de ruina super ecclesiam futura tempera scismatis, editum sub quadam medi- tatione super statu ecclesiarum

Incipit : Cum hesterna die...


1. Voir plus loin, p. 145.

2. Voir Von Heinemam, Die Handschriften des Herz. Bibliothek zu Wolfenbûttel, Helmst. Handsch., I, 260, 302.


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Le traité de Clamanges est de la même main que les textes qui le précèdent, lesquels sont datés au folio 88 et au folio 103 de 1438. La suite du manuscrit, d'une autre main, porte, aux folios 247 et 248, la date de 1437 ^. Ce manuscrit serait donc le plus ancien de ceux qui nous sont parvenus ; il serait antérieur de dix ans au manuscrit latin 3128 de la Bibliothèque nationale. Mais il est attri- bué faussement à Gerson, et comme on le verra plus loin, il donne un texte remanié, évidemment établi à une date postérieure â celle du texte le plus complet. Il ne donne pas les passages inédits signalés dans les manuscrits pré- cédents 2.

B) no 411. C'est aussi un volume de mélanges sur les conciles, composé de parties très diverses. Au folio 228, on retrouve le titre du manuscrit 347 de la même biblio- thèque.

Opusculum de ruina super Ecclesiam futura tempore scisma- tis, editum sub quadam meditatione par magistrum Johannem Gersonum super statu ecclesiarum.

Ce manuscrit est aussi du xv^ siècle, moins soigné que le précédent et de moindre intérêt. Il attribue également le traité de Nicolas de Clamanges à Gerson.

Ces manuscrits ont été connus de Von der Hardt, qui les a utilisés dans son Magnum Constantiense Concilium ^. Heureux de sa découverte, il traite avec une grande sévérité Lydius qui n'a pas vu de manuscrit et n'a fait que repro- duire les éditions défectueuses de 1519-1520. Il lui oppose les deux prastantissimos codices de Helmstàdt et il en vante


1. Le D Herse, directeur de la Bibl. de Wolfenbùttel a bien voulu exami- ner de nouveau le ms. 347 et vérifier ces dates. G. Schuberth n'a pas étudié ces mss.

2. Les divisions par chapitres sont différentes de celles de l'édition de Lydius ; elles sont, sauf pour un chapitre, semblables à celles du ms. 3128 latin de la Bibliothèque nationale. La question des divisions sera examinée plus loin, p. 31.

3. I, III, préface et texte du De ruina et reparacione Ecclesie.


_ 25 —

la supériorité. Aussi donne-t-il le texte du manuscrit actuel n° 347 de Wolfenbûttel ^.

Von der Hardt paraît bien s'être vanté à l'excès et même trompé dans son appréciation. Le texte de ce manuscrit n'offre pas, comme il le dit, le genuinum Clemen- gium; il n'est pas la forme originale et primitive due au verum atquepolitum Clemengianum calamum. Ce n'est que le texte le plus ancien du remaniement postérieur qui sera étudié plus loin. En réalité cette version est inférieure à celle des manuscrits de la première catégorie (I à VI). Parmi les variantes, elle corrige quelquefois les erreurs de l'édition de 15 19-1520 reproduite par Lydius ; mais souvent aussi elle est conforme aux mauvaises leçons de l'imprimé. De plus les manuscrits de Wolfenbûttel ne présentent aucun des passages inédits. Malgré la confiance que leur a vouée Von der Hardt et la date qui classe l'un d'eux comme le plus ancien manuscrit conservé, ils ne peuvent, en raison des suppressions qu'on y remarque et de la fausse attribution à Gerson, prévaloir contre ceux qui donnent le texte primitif complet et le nom du véritable auteur.

IX. — Un autre manuscrit se trouverait à la Biblio- thèque de Bâle. Ad. Mûntz, dans son étude si superficielle sur Nicolas de Clamanges, a cité ce manuscrit que, dit-il, « nous avons vu nous-même » ; il était sans nom d'auteur ^. Voici quel serait le titre : Sermo de statu ecclesiastico in Concilio Comtantiensi coram toto clero et populo predicatus. Ce titre est assez singulier : le traité de la ruine de l'Eglise, bien que l'auteur le qualifie oratio, n'a pas la forme d'un sermon. Il paraît tout à fait impossible qu'il ait été prêché

1. Oratio tandem in editis lacera saepe et deformi hiatu manca ac mutila, dein vitiafa censies. In manuscriptis stiœ integritate restituta'..., ibid.

2. Mûntz, op. cit., 71, n. 3. G. Schuberth n'a pas sur ce point cherché à vérifier l'affirmation de Miintz.


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à Constance devant le clergé et le peuple, même sous la forme remaniée qui sera étudiée plus loin. Si le concile l'a connu, ce ne peut-être comme sermon. Les obli- geantes recherches du D^ Binz, auteur du nouveau cata- logue des manuscrits de la Bibliothèque de Bâle, n'ont pu retrouver ce texte anonyme.

X. — Enfin on doit encore mentionner un manuscrit qui a fait partie de la bibliothèque de l'abbaye de Loos ^. Il figure dans le catalogue des manuscrits latins de ce monastère, dressé à la date du 15 octobre 1642 par le frère Antoine Duquesne ; il est ainsi désigné :

XLiv. Parvum volumen in-quarto in que habentur sequen- tia : Libellas magistri Nicolai de Clemangiis, cantons Baio- censis : De lapsu et reparatione Ecclesùe. Principium : Cum hestemo die...

Ce manuscrit ne se retrouve pas parmi les manuscrits de l'abbaye de Loos actuellement conservés à la Biblio- thèque de Lille. Peut-être avec d'autres est-il passé en Angleterre.

On arrive ainsi au total de dix manuscrits ^ du traité de la ruine de l'Eglise conservés ou signalés, nombre fort inférieur à celui des manuscrits des autres traités ou des lettres de Nicolas de Clamanges. Les circonstances de la composition et de la publication de ce traité vont expli- quer cette rareté relative.

1. Le Glay, Catalogue descriptif des manuscrits de la Bibliothèque de Lille, 348.

2. On ne peut faire entrer dans la liste des manuscrits celui qu'Eubulus Cordatus déclare avoir trouvé à la Bibliothèque du Vatican et la copie qu'il aurait envoyée à Montesius, comme il l'indique dans l'épître liminaire don- née dans l'édition de 15 19 du De corrupto ecclesics statu. Voir plus loin, p. 54.


m

LE TEXTE PRIMITIF


L'étude des manuscrits permet tout d'abord de préciser le premier et véritable titre du traité de Nicolas de Cla- manges.

Les deux manuscrits latins de la Bibliothèque natio- nale ^, qui reproduisent des textes écrits sous la direction ou dans l'entourage de Nicolas de Clamanges, donnent exactement le même titre : De ruina et reparacione Ecclesie, qui répond aux intentions de l'auteur. C'est également ce titre que l'on trouve dans les autres manuscrits du texte complet, non remanié, de la Bibliothèque Mazarine, de la Bibliothèque de l'Université de Paris, de la Bibliothèque de Saint-Omer 2.

Dans les manuscrits de Wolfenbuttel, dont l'attribution à Gerson atténue la valeur et dont le texte est remanié, ce n'est plus qu'un écho du précédent titre : De ruina super Ecdesiam futura ^. Il y a une autre déformation dans le titre du manuscrit de l'abbaye de Loos : De lapsu et reparatione Ecclesie *.

Mais des éléments de trouble apparaissent à la fin du xv^ siècle. Le traité de Nicolas de Clamanges, à notre

1. Voir plus haut, p. i6, 17.

2. Voir plus haut, p. 19-22.

3. Voir plus haut, p. 23.

4. Voir plus haut, p. 26.


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connaissance, fat imprimé pour la première fois dans la première édition des œuvres de Gerson de 1483 ^. Il y est attribué en tête à Clamanges et dans l'explicit à Gerson lui-même. De part et d'autre le titre est : De vitiis minis- trorum 2, Onze ans après, en 1494, paraît le Liber de Scrip- toribus ecclesiastids de Jean Trîthème ^. Là le traité est pour la première fois intitulé : De corrupto ecclesice statu. D'où venait ce nouveau titre, d'un manuscrit ou de Trithème lui-même ? Il est plutôt à penser que c'est Trithème qui a jugé bon de le substituer au titre primitif, le trouvant plus expressif, bien qu'en supprimant de repa- ratione, il modifiât sensiblement la pensée de l'auteur *.

Il est possible aussi que ce soit du catalogue de Tri- thème (fol. 55) que provienne le titre erroné à' archidia- conus Baiocensis^, pour cantor Baiocensis, résultat d'une mauvaise lecture ou d'une inexactitude personnelle. La constatation n'est pas sans importance : le titre exact cantor Baiocensis est une présomption de priorité et d'authenticité.

Le vrai titre est donc : De ruina et reparacione Ecclesie, et l'auteur doit être qualifié cantor Baiocensis, Les autres titres pour l'ouvrage et l'auteur sont très probablement des interprétations personnelles de Trithème.

Les manuscrits I à VT permettent surtout de discerner


1. Voir plus loin, p. 51.

2. Déjà Gessner en 1545 dans sa Bibliotheca Universalis reconnaissait le traité de la ruine de l'Eglise dans le De vitiis ministrorwn, v^^ Joliannes Gerson et Nicolaus Clemenges. Miintz croit à deux traités différents : il cite le De vitiis ministrorum « qui pourtant, dit-il, est reconnu sans conteste pour être de Gerson », 71.

3. L'édition la plus ancienne de cet ouvrage, souvent réédité depuis, a été donnée par Amerbach à Bâle en 1494. Une autre a été publiée à Mayence en 1495.

4. C'est ce qu'indique déjà Von der Hardt, op. cit., I, m : Sive Trithemius reî scriptes titulum ipse dederit sive invenerit. De même Miintz, op. cit., 71.

5. Voir plus loin les anciennes éditions de l'œuvre de Nicolas de Cla- manges, p. 53 et suiv.


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et d'étudier une première rédaction authentique, œuvre certaine de Nicolas de Clamanges.

On peut laisser de côté les variantes de mots que ce texte présente avec le texte de Wolfenbùttel et surtout avec celui des éditions. Les mauvaises leçons, les mots passés, les déformations fréquentes de cette catégorie sont presque toujours la faute des lecteurs des manuscrits ou des typographes. Il n'y a lieu de s'arrêter qu'aux altéra- tions qu'on peut croire intentionnelles et aux suppressions que la version primitive permet de rétablir.

Voici quelques exemples :


Texte primitif

Ch. 7 (p. 119). Qui, sicut est apud Prophetam, sua confusione non sunt confusi et erubescere nesciunt.

Ch. 17 (p. 125) propter impunitatem flagiciosorum et judiciorum elusionem val suppressionem.

Ch. 18 (p. 126), Papa et hii sui, ymo Symonis fratres.

Ch. 21 (p. 130). Ante quam liber aliquis atque a judicio absolutus abscedere possit.

Ch. 22 (p. 130). Sed adhuc levia sunt hec.

Ch. 23 (p. 130). Quod Sacra- menta quibus nichil spiritua- lius est, palam veniunt.

Ch. 27 (p. 134). Rara hiis caliginosis temporibus contra Ecclesiam oppressio, rara invasio, rara affectio...


Editions


Papa et hi sui fratres.


De quibus diximus et dice- mus bona sunt hec.


Rara his calamitosis affli- ctio...


I. Ce texte se trouve aussi dans le ms. 347 de Wolfenbùttel, qui donne la version remaniée, et aussi dans l'édition de ce texte de Von der Hardt, Magnum Cotistancietise Concilium, I, 30.


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Ch. 31 (p. 136). Fraudant Fraudant itaque mutuo.

itaque se mutuo, fraudant Deum, fraudant Ecclesiam.

Ch. 33 (p. 138). Christi »

ardua semita nudi atque expe- diti secuti sunt.

Ch. 35 (p. 141). Scriptura »

que consulte ob eam causam omittenda duxi quia portum vêla nostra desiderant et hec pauca que commemoravi, satis commémorât.

Ch. 47 (p. 155). Quis dete- Quis melior modus agen-

rior {lut. 3625 : dexterior) di... modus agendi...

Ces suppressions ou réductions paraissent bien marquer une intention moins d'abréger, que d'atténuer la vivacité et la franchise du texte primitif.

Mais ce qu'il importe surtout de signaler dans ce texte primitif ce sont les trois importants passages qu'il est seul à donner et qui ont disparu par la suite.

Le premier est au chapitre 39 ^. Nicolas de Clamanges recomiaît qu'il y a encore quelques bons ministres de l'Eglise : il n'en cite que deux, Pierre d'Ailly, évêque de Cambrai, on verra bientôt pourquoi, et le pape d'Avignon, Benoît XIII qui n'a pas voulu se compromettre avec les princes du siècle ; il en fait brièvement le plus vif éloge.

Le second passage, à la fin du chapitre 42 ^^ est le plus étendu et le plus digne d'attention pour les précisions inconnues jusqu'alors qu'il apporte sur l'origine du traité de la ruine de l'Eglise. Clamanges insiste avec éloquence sur les infortunes de Benoit XIII. Le pape est assiégé dans son palais. Tout va mal dans l'Eglise. La faute en est avant tout aux cardinaux français. L'auteur adresse une

1. P. 195.

2. p. 205.


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prosopopée à l'Eglise de France : O Gallicana ecdesiay te enim angor animi compellere cogit. Elle ne fait rien pour le pape, qui cependant n'est ni coupable ni hérétique.

Enfin le troisième passage inédit du texte primitif ouvre le chapitre 45 ^. Il rappelle la lutte des successeurs de Salomon, de Jéroboam et de Roboam, le schisme qui s'en suivit dans Israël. Il reconnaît que c'est la moindre partie de la Chrétienté qui soutient les vrais pontifes, ceux d'Avignon. Les pires maux menacent l'Eglise qui sera la proie de Babylone ou des Mahométans.

Un fait curieux est à noter. Aucun des manuscrits complets ne porte d'alinéa ou de division dans le texte. Seul le ms. 3128 du fonds latin de la Bibliothèque natio- nale donne 48 titres de chapitres ; mais, comme on l'a vu plus haut 2, ils ont tous été ajoutés dans les marges ; ils paraissent bien n'avoir pas été transcrits avec le texte et lui être postérieurs. On en peut déduire que le texte origi- nal de Nicolas de Clamanges se présentait d'un seul tenant.

Si l'on considère le fond même du traité de la ruine de l'Eglise, on constate qu'il est exclusivement ecclésiastique. Nicolas de Clamanges ne se permet aucune digression. S'il fait quelque part allusion à l'état de la France, c'est pour ajouter aussitôt forsan alias de Gallia... loquamur ^. Il semble bien que ce soit une annonce du De lapsu et reparatione justitie, d'abord conçu pour le Dauphin Louis, duc de Guyenne et, après la mort du Dauphin adressé à Philippe le Bon, duc de Bourgogne. Il n'in- siste donc pas.

Comme son traité est purement ecclésiastique, l'huma- niste n'y apparaît pas. Il parle bien de Charybde et de Scylla, de l'Hydre et des Euménides * ; il cite bien une fois

1. Voir plus loin, p. 153.

2. Voir p. 18.

3. Voir plus loin, p. 150.

4. P. 136.


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très brièvement Cicéron. Mais point d'autre rappel de l'Antiquité. Au contraire les citations de l'Ecriture sont très fréquentes ; le traité est tout imprégné des Livres Saints, surtout des Prophètes ^. Une autre remarque curieuse, c'est que Clamanges ne fait même pas une allu- sion à l'Université de Paris ni aux autres grandes écoles de la Chrétienté. L'Université de Paris surtout était dans l'Eglise ; la soif des bénéfices était aussi grande parmi ses suppôts. Mais Clamanges avait trop bénéficié de la vie universitaire pour étendre jusqu'à elle son pamphlet.

On peut se demander parfois si la vivacité de ses criti- ques n'a pas été déterminée d'une façon plus ou moins consciente par ses affaires persoimelles. Il est à la fois très sévère et très bref pour les chanoines ; or il était chanoine de Langres. Il est sévère pour la justice des prélats ; or il était sans doute encore en procès avec le doyen de son chapitre 2. Il est sévère pour les cardinaux ; or on remarque que, bien qu'il ait déjà vécu plusieurs mois à Avignon, il ne paraît avoir été lié avec aucun cardinal, sauf Galeotto di Pietramala qui était peut-être dans une situation un peu fausse à la Cour pontificale ^. Il n'y a pas, sauf Louis de Bar, d'autre cardinal parmi ses correspondants. Peut-être eut-il quelque ambition secrète, habilement dissimulée dans ces pages rigoureuses, ambition peut-être lointaine, mais dont la réalisation semblait devoir devenir bien diffi- cile dans ce temps de soustraction d'obédience.

Quant à la forme, à en juger par le texte primitif tel qu'il nous apparaît non encore altéré par les fautes des éditions, elle est bien semblable à tout ce que Nicolas de Clamanges a écrit. On a déjà signalé les comparaisons si


1. Il cite fréquemment aussi les Epîtres de Saint Patil.

2. Voir plus loin, p. 37.

3. Ed. Lydius, Epist., p. 20 et 24. Sur les rapports de Nicolas de Cla- manges avec ce cardinal, cf. A. Coville, Gantier et Pierre Col et l'Humanisme en France au temps de Charles VI, 167.


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probantes faites par G. Schuberth ^. On pourrait en ajou- ter bien d'autres, plus décisives peut-être encore, dans le long commentaire sur Isaïe, où Clamanges traite souvent des mêmes matières que dans le traité de la ruine de l'Eglise. Le style et le vocabulaire sont bien les mêmes. C'est la même rhétorique plus ardente encore en raison de l'indignation de l'auteur ; c'est la même abondance de mots pour exprimer la même idée, malgré le désir et l'effort de brièveté, les mêmes répétitions, la même recherche. Il ne peut plus y avoir de doute pour recon- naître l'esprit et la main de Nicolas de Clamanges.

Il resterait encore une question à résoudre, si elle pouvait l'être, c'est celle des sources.

Clamanges a écrit hâtivement ; il a touché en quelques pages à tout ce que l'on pouvait reprocher à la société ecclésiastique, sans insister, sans développements ni détails. Il avait à l'Université de Paris, au collège de Navarre, enfin dans un premier, mais court séjour à Avignon déjà acquis beaucoup d'expérience. Cependant on peut se demander s'il a tout tiré de son propre fond. Il ne cite aucun auteur. Il devait cependant connaître plusieurs de ces écrivains ecclésiastiques qui depuis un siècle avaient retracé et déploré les abus qui pervertissaient l'Eglise, suivant la formule, depuis la tête jusqu'à l'extrémité de ses membres. Son cas est le même que celui de Pierre d'Ailly. Comme pour celui-ci par exemple, on ne peut manquer d'être frappé de certaines analogies de pensée et d'expression avec le Tractatus de modo concilii cele- hrandi de Guillaume Durant l'évêque de Mende ^.

1. Voir plus haut, p. 15.

2. Sur cette question voir la notice de P. VioUet dans l'Histoire littéraire de la France, XXXV, 123. Aussi, en 1671, le traité de Guillaume Durant, le traité de la ruine de l'Eglise et celui de Pierre d'Ailly De emendatione Ecclesiœ, intitulé encore Super reformatione Ecclesice ou même De squalo- ribus ecclesice Romance, soumis aux Pères de Constance furent-ils réunis dans im même volume.

Ca.AMANGES 3


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D'autres rapprochements pourraient sans doute être faits. Mais il s'agit ici plutôt de réminiscences que d'un travail de compilation. Le souvenir de ses lectures s'est joint à son expérience. Le traité de la ruine de l'Eglise a dû être écrit d'un seul jet, et l'on ne saurait parler de sources immédiates que l'auteur aurait eu sous les yeux tout en écrivant.


IV LA DATE ET L'ORIGINE


Le texte de la première version du De ruina et repara- cione Ecclesie permet de réintégrer cette œuvre célèbre à son heure et à sa place dans l'immense littérature du Grand Schisme ^.

D'après le plus important des passages de la première rédaction supprimés dans certains manuscrits et par suite dans toutes les éditions, le traité de la ruine de l'Eglise a été composé pendant le séjour forcé de Benoît XIII dans le Palais pontifical d'Avignon. Le pape est resté assiégé ou interné de la fin de septembre 1398 jusqu'au 11 mars 1403, c'est-à-dire pendant quatre ans et demi. On a cru en général que Nicolas de Clamanges, alors secrétaire pontifical était resté près du pontife pendant ce temps. C'est une erreur. Il n'y a aucune trace de sa présence à Avignon de l'automne 1398 au printemps de 1403.

C'est le 16 novembre 1397 que Benoît XIII appela Nicolas de Clamanges comme secrétaire pontifical 2. Sans doute déjà chanoine de la cathédrale de Langres, il reçut vers ce temps la prébende de la trésorerie du chapitre ^.

1. Von der Hardt, op. cit., I, m, Préface, a jugé peu utile de se prononcer sur cette date : quod exacte definire parum refert.

2. N. Valois, La France et le Grand Schisme, III, 270.

3. Matricule du Chapitre de Langres, Bibl. de Langres, n° 54, fol. 21.


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Quand il arriva à Avignon, une grave épidémie y sévis- sait^. Il croyait y échapper, quand, au bout de quelques mois, il fut atteint à son tour, et si fort éprouvé qu'on déses- péra un instant de le sauver 2. Probablement à l'entrée de l'été 1398, il vint à Langres ^ pour achever sa conva- lescence et prendre possession de sa trésorerie, ce qui n'alla pas sans quelque délai. Trois semaines enfin après son arrivée, il écrivait à Jean de Montreuil que tout le chapitre l'avait accueilli avec bonne grâce*. Deux raisons alors le retinrent à Langres. La première ce fut la soustraction d'obédience : décidée dès le mois d'août 1398 par le gou- vernement royal, elle était notifiée à Benoît XIII le i^r septembre. C'est alors que la plupart des cardinaux abandonnèrent le pape et que les troubles qui détermi- nèrent le siège du Palais pontifical commencèrent.

Nicolas de Clamanges n'était pas homme à se risquer dans cette crise ni à aller s'enfermer avec le pape dans une forteresse, fût-elle aussi bien armée et défendue que le Palais des Papes. Audacieux quand il écrivait, il ne l'était plus quand il s'agissait de se montrer et d'agir. Il était certes plein de reconnaissance pour le pontife qui l'avait choisi eximia benivolentia ^. Mais il paraît bien s'être contenté d'écrire à Benoît XIII une belle lettre débor- dante de rhétorique^, qui développe certaines idées du traité de la ruine de l'Eglise, mais où, tout en demandant au pape ce qu'il faut faire, il témoigne surtout de son embarras et de son appréhension. Dans le même temps, il se félicitait, malgré la dureté du climat, de rester à Langres à l'abri des orages, hic me latitantem a turbineque


1. A. CoviUe, Recherches sur quelques écrivains du XIV^ et du XV^ siècle, 290, 292.

2. Ed. Lydius, Epist., p. 6i.

3. Ad hanc urbem incolumis evasi, éd. Lydius, p. Epist. 59.

4. Ed. Lydius, Epist., p. 61.

5. Epist., éd. Lydius, p. loi ; — A, Coville, Gontier et Pierre Col, 83.

6. Ed. Lydius, Epist., XIII, p. 51.


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et tempestate fugientem ^. L'autre raison lui était person- nelle : si, en 1398, il fut bien reçu par le chapitre de Langres, en 1400 survint un nouveau doyen, Henri de Savoisy, avec lequel il entra en conflit, nous ne savons pour quelle raison, et contre lequel il soutint un procès dont il poursuivit la procédure à Langres et à Sens au moins jusqu'à 1401, comme le prouvent ses lettres 2.

Or c'est pendant le siège que subit le pape dans le Palais d'Avignon que la première rédaction du De ruina et reparatione Ecclesie fut écrite. Dans le principal passage inédit, supprimé dans les éditions, l'auteur est très-net : Pastor Benedictus quem nunc in domo propria captivus cernimus... Subducta summus pontifex a suis obediencia, vallatus obsidione in carcere et squalore, vitam luctuosam et ingratam trahit... Conchisum in domo propria commea- tuque prohibitum, machinis et aggerïbus oppugnare temp- tasti^. Mais cette captivité a duré quatre ans et demi. Il est vrai que, selon ce texte, il semble que Clamanges écrit après qu'en avril 1399 le siège eut été converti en une sorte de blocus ou d'internement. On peut arriver encore à une plus grande précision : au chapitre 17, il est dit que le Schisme a déjà duré per très ferme et viginti annos, ce qui donne la fin de 1400 ou la première partie de 1401. Grâce à ces détails, la date du traité de la ruine de l'Eglise se trouve fixée et il serait inutile de revenir sur les discussions auxquelles elle a donné lieu *.

Il est possible ainsi de se rendre compte des circons- tances dans lesquelles l'auteur a pris la plume. Sa grati- tude à l'égard de Benoît XIII était grande et il lui resta


1. Ed. Lydius, Epist., p. 8i.

2. A. Coville, Recherches sur quelques écrivains du XIV^ et du XV^ siècles, 306.

3- Voir plus loin, p. 150.

4. Sur la question de date avant que les textes ci-dessus aient été utilisés, voir plus haut, p. 15 et G. Schuberth, Nicolaus von Clemanges, 27 et suiv.


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fidèle toute sa vie ^. Elle s'était tout de suite accrue des attentions que le pape avait eues pour lui dans sa maladie. Clamanges avait été certainement frappé des vertus du pape, de sa simplicité, de sa frugalité, de son austérité dans un milieu où le luxe était grand et les mœurs fort relâchées. Transplanté brusquement du Collège de Navarre, où il menait une vie familiale, entouré de l'élite des maîtres de l'Université de Paris, il s'était trouvé à Avignon brusquement en contact avec les cardinaux comblés de bénéfices et de richesses et avait conçu l'opinion la plus défavorable de ce monde ecclésiastique qui ne parais- sait occupé que de ses intérêts les plus terrestres. Alors était survenue la soustraction d'obédience, moyen de coercition contre Benoit XIII, qui l'avait profondément indigné et dont il rendait en partie responsable le clergé de France infecté des mêmes vices que la cour d'Avignon. La sous- traction d'obédience n'avait-elle pas été décidée à la suite de deux assemblées du clergé du royaume ? Puis était venu le siège du Palais pontifical auquel avait succédé un blocus qui faisaient de Benoît XIII une victime. Que pou- vait-on lui reprocher ? Il n'avait fait que résister à une politique violente qui voulait lui imposer brutalement une solution qu'il ne repoussait pas en elle-même, mais pour laquelle il demandait quelque délai. Il n'avait pas été convaincu d'hérésie ; il n'avait pas été condamné. Et Nicolas de Clamanges n'était-il pas lui-même victime de cette politique que soutenaient les cardinaux, dans l'impossibilité morale et matérielle où il se trouvait à la fois de se mettre en opposition avec le gouvernement royal et l'Université de Paris et de reprendre sa charge à la Cour pontificale. C'est alors qu'il éprouva le besoin d'exprimer avec toute la force de son style abondant toute son indignation, toute sa colère contre la cour d'Avignon,

I. Voir plus loin, p. 98, ce que dit Clamanges dans le commentaire sur Isaïe.


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ses faiblesses dans le passé, la trahison des cardinaux, les vices de ce haut clergé qui abandonnait et laissait ainsi maltraiter le souverain pontife. De là la vivacité de l'attaque, la violence des accusations, Pâpreté des expressions.

Ce sont là les circonstances générales. Il y eut une occa- sion particulière. L'initiative paraît bien être venue de Pierre d'Ailly. L'évêque de Cambrai était dans les mêmes sentiments et dans les mêmes idées que Nicolas de Clamanges \ qui du reste avait pour lui une grande admi- ration 2. Or dans le texte primitif du traité de la ruine de l'Eglise, un seul personnage, en outre des papes Clé- ment VII et Benoît XIII, est cité et avec quels éloges : Te, Petre, qui Cameracensi cathedre dignus autistes présides... Procul dubio hac nuhiîosa tempestate velut rosa inter horrencia spineta, aut velut gemma preciosa inter saxa vilissima resur- ges ^. Cette exception nominale trouve son explication dans une réponse de Nicolas de Clamanges à Pierre d'Ailly.

L'évêque de Cambrai avait déjà parlé avec quelque sévérité des vices et de l'ignorance du clergé, mais avec moins de force qu'il ne le fera plus tard devenu cardinal. Sans doute pour éviter de se compromettre, car il est mal vu du clergé du royaume et de l'Université de Paris parce qu'il est favorable à Benoît XIII, il a demandé à Nicolas de Clamanges de lui écrire une epistola consolatoria sur la désolation de l'Eglise ^ ; il entendait par là le trouble et la décadence morale de la société ecclésiastique. Cla- manges reconnaît avec lui que tout va mal :

Fateor plane tecum acerbam ultra modum ac luctuosam esse nunc Ecclesie tribulacionem, nec scio an alias similem a


1. Bien des années auparavant Pierre d'Ailly s'était déjà exprimé avec non moins de vivacité sur les mauvais prélats et les mauvais clercs, Cf. Tschakert, Peter von Ailly, 57.

2. Il suf&t de voir comment il le recommanda à Benoit XIII, Ed. Lydius, Epist., p. 10, 16 ; — Tschakert, op. cit., 93.

3. Voir plus loin, p. 144.

4. Ed. Lydius, Epist., XXIX, p. 104.


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filiïs passa sit. Sed in re tam calamitosa tamque lamentabili dignam afferre consolacionem, tue presertim paternitati, non mei ingenii nec calami est. Ruit ecce a culmine Ecclesia, ruit Sedes Apostolica, ruit summi pontificis auctoritas, ruunt bases atque cardines Ecclesie, périt obediencia, périt reverencia, périt metus, périt disciplina, périt ordo, périt racio, périt sacra religio ; vis, voluntas, furor, impetus cuncta sibi vendicant. Turbantur onines ordines ecclesiastici, status universi confun- duntur, summa imis, ima summis miscentur i.

Clamanges se récuse donc s'il s'agit de trouver des consolations, solaminum Knimentis, et des remèdes à tant de maux. Pierre d'Ailly est plus qualifié que lui à cet égard. Quant à lui, il ne pourra que rappeler les calamités dont souffre l'Eglise :

Quamvis namque sit difficillimum tantam cladem satis pro rei magnitudine deplorare vel eciam exaggerare, longe tamen facilius arbitror illa facere, quam solaminum linimentis illam mitigando extenuare. lUic quippe fecunda suppeteret longaque materia, hic angusta admodum raraque occurrit. Cogita igitur quid aut quantum oneris meis invalidis queras humeris imponere 2.

Et, dans le reste de sa lettre, Nicolas de Clamanges présente à cet égard les idées que l'on va retrouver dans le traité de la ruine de l'Eglise.

Pierre d'Ailly dut répondre en invitant son ami à écrire l'épître demandée comme celui-ci la concevait. Ce ne devait être qu'une vue générale de la désolation de l'Église, une sorte de plan sans développements particuliers. C'est ainsi que l'auteur déclare qu'il tient à garder la brièveté qu'il a promise.

Dans quel esprit Nicolas de Clamanges a-t-il conçu son œuvre ? Sa lettre à Pierre d'Ailly offre une expression pittoresque qui dépeint son état d'âme : dans l'impuissance de son imagination, in sterili mentis arena,

1. Ed. Lydius, Epist. XXIX, p. 104.

2. Ibid.


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dit-il, il ne peut faire autre chose que de décrire l'état funeste de l'Eglise. Pour le reste, il n'y a selon lui d'autre parti que de s'adresser au Christ lui-même. C'est toujours lui qui a sauvé l'Eglise dans ses crises, semper Christus Ecclesiam liber avit. C'est par les épreuves qu'elle a méri- tées, que Dieu veut la relever et la réformer. Et Clamanges donne dans sa lettre à l'évêque de Cambrai le programme limité du bref traité qu'il accepte d'écrire. Sa conclusion s'annonce également : il ne fait pas de projet de réforme, il n'en discute pas ; il compte que Dieu, à force de frapper, obligera les Chrétiens à ouvrir les yeux. C'est le remède mystique que, pour le Schisme et les mœurs, il oppose aux remèdes terrestres et humains des téméraires et des orgueilleux.

Cette conception mystique de l'Eglise justement punie pour ses démérites et de sa guérison, de sa « réparation », obtenue directement de Dieu par la prière et le retour aux mœurs primitives, est bien en effet celle du De ruina et reparaciqne Ecclesie. On peut se rendre compte ainsi de la valeur du terme de reparatione qui n'est pas synonyme de de reformatione : il exprime la restauration réparatrice qui viendra de Dieu et non la réforme que pourront tenter vainement les hommes, si la grâce divine n'a pas tout d'abord changé leurs âmes. L'auteur des titres de cha- pitres, qui paraît bien n'avoir pas été Clamanges lui-même, n'a pas compris le sens propre de reparacio, quand, à deux reprises, dans les titres du chapitre XLvii et de la Dévot a oracio finale, il a annoncé la réforme des mœurs et de l'Eglise, pro salutari fructu reformacionis, terme que sciemment n'a pas employé Clamanges.

Donc l'Eglise s'est plongée dans l'ivresse, usque ad naiiseam; elle doit se réveiller et écouter les Prophètes, qui ont annoncé tout ce qui la menace. Elle doit se rési- gner à être frappée, prius percucienda, postea sananda. C'est le Seigneur qui la guérira, car c'est lui qui l'a ainsi.


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frappée pour ses vices, idem ipse medicus sit qui vulnus intulit. Aucun secours extérieur ne peut l'amender, nulla ope altéra curari valeat. On a tout tenté : Multa super hoc re tractata sunt, multa agitata, multa conscripta, multa consulta, multe legaciones. Mais tout a été vain, même nuisible, eo res assidue implicacior et turbador. Clamanges ne croit plus aux efforts et aux remèdes humains. A quoi bon couper des arbres nuisibles qui repoussent et pul- lulent ? Quel moyen inférieur que d'arracher les ceps stériles et d'appeler d'autres ouvriers pour replanter la vigne du Seigneur ^ ? La tempête redouble, et Clamanges ne songe qu'à son salut, de peur que la fureur des flots ne l'engloutisse dans la nef avariée de Saint-Pierre, avec ceux qui ont mérité le naufrage, cum Mis qui merito nau- fragio perituri sunt. Il ne reste donc qu'à prier le Christ, à le supplier de tempérer sa colère et de modérer sa justice. Clamanges fait appel pour l'Eglise à la douceur de sa clémence et lui demande de garder le peu qui sera encore utile : Ita igitur preme ne prorsus obteras, ita castiga ne prorsus extinguas ; sed saltem ne Sodome aut Gomoroe similis sit, semen ei aliquantulum relinque.

Un tel état d'esprit était plein d'innocence et de piété chez Nicolas de Clamanges, mais pouvait avoir une gravité qu'il ne soupçonnait pas. L'Eglise, depuis la puissance romaine jusqu'au dernier degré de la hiérarchie, est corrom- pue ; en tant qu'Eglise de ce monde, elle est coupable ; elle est faillible puisqu'elle est possédée du feu de la concu- piscence, qu'elle n'a pas la force et la volonté de s'affranchir. Il faut aller tout droit au Christ, à Dieu. Et ce point de vue convenait tout à fait à Clamanges, qui ne parlait

I. Les divers textes présentent ici une variante curieuse : le ms. latin 3128 donne quis deterior modus agendi, inférieur insuffisant (ms. lat. 3625 et mss. III -VI : dexterior, qui s'ajuste mal à la suite). Le texte remanié corrige en melior. Pour le texte primitif, c'est un moyen inférieur auquel -Clamanges ne s'arrête pas, parce que c'est le Seigneur lui même qui doit agir ; mais ce moyen devient le meilleur lors du concile de Constance.


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que de se réfugier au port, et loin de l'action, ne recher- chait que la prière, la lecture et la méditation des Livres Saints ^.

I. C'est du même tempérament et des m.êmes idées que procédèrent au moins quinze ans plus tard ses traités sur le Concile, à propos du concile de Constance (éd. Lydius, I, p. 61-77) qui furent condamnés plus tard. Clamanges y fait le procès de l'infaillibilité des Conciles généraux et de l'Eglise ter- restre : Nonne per omnia recte agere et nunquam falli vel deficere solius, Dei est? La vraie sagesse, c'est pour lui de craindre Dieu : Noli altum sapere, sed time. Il resterait à étudier la pensée profonde de Nicolas de Clamanges : elle apparaîtrait peut-être, sous ses réserves un peu timides, plus pénétrante que celle de Pierre d'Ailly et même celle de Gerson.


V LA SECONDE VERSION


La comparaison du texte primitif avec le texte des manuscrits de Wolfenbûttel et des éditions a montré qu'il y a eu un remaniement du traité de la ruine de l'Eglise, remaniement qui se dénonce par l'atténuation de certaines expressions, surtout par la suppression de plusieurs passages importants.

Ces modifications sont anciennes. On les trouve déjà dans l'édition des œuvres de Gerson de 1483 ^. Bien plus, elles ont précédé même le manuscrit latin 3128 de la Biblio- thèque nationale daté de 1449, puisqu'on les constate pour la première fois dans le manuscrit 347 de la Biblio- thèque de Wolfenbûttel qui remonte à 1438 2. C'est d'ailleurs ce manuscrit qui en donne le meilleur texte.

Quand, comment et par qui ont-elles été faites ? De quelle date est le texte remanié ?

Nicolas de Clamanges avait rapidement écrit son traité comme un essai ou un programme à l'intention de Pierre d'Ailly ; il y insiste à plusieurs reprises ^. Il y avait mis toute la véhémence de ses propres sentiments à l'époque de la soustraction d'obédience. Comme il était à la fois


1. Voir plus haut, 29.

2. Voir plus haut, 3.

3. Voir plus haut, p. 40.


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passionné et prudent, s'il remit ce pamphlet à Pierre d'Ailly, qui l'avait demandé, il dut d'autre part le garder par devers lui, sans le répandre parmi ses amis. Divers textes de sa correspondance montrent d'ailleurs que par crainte des difficultés et des critiques, aussi par scrupule littéraire, il évitait de faire connaître et de publier immé- diatement ses écrits, qu'il les révisait avec soin, qu'il les mettait au courant des événements. Certains de ces textes pourraient s'appliquer notamment au traité de la ruine de l'Eglise. Au temps du concile de Constance, il écrit à un maître de Paris, de sa solitude de Fontaine-au-Bois ^, qu'il y a profit pour lui à travailler dans cette solitude ; avec plus de liberté que partout ailleurs, il a pu y revoir des œuvres antérieures : Et insuper quecumque alibi antea scripseram hic recensui, limaque exaction emendare studui. La lettre à Jean de Piémont ^ est particulièrement signi- ficative. Invité par Jean de Piémont, qui l'admire et le flatte, à traiter quelques-uns des grands sujets actuels, il répond : Illa fortassis ad que invitas tentaturum, quanquam in aperta verum fateatur^ illajam aliqua ex parte tentaveriniy sed quia non satis ex voto respondehant, tentata hactenus in publicum deducere omisi. La reprise et le remaniement du traité de la ruine de l'Eglise seraient donc conformes aux habitudes de Nicolas de Clamanges.

Ce qui caractérise le remaniement, ce sont les suppres- sions étendues faites au texte primitif. Il convient d'en chercher les raisons. La première de ces suppressions fait disparaître le passage où Nicolas de Clamanges, reconnaît qu'il y a encore de belles âmes dans l'Eglise, et où il cite uniquement Pierre d'Ailly et Benoît XIII. Pierre d'Ailly jusqu'au concile de Pise resta attaché à Benoît XIII. Il souffrit de graves avanies pour n'avoir point voulu aban- donner la cause du pape d'Avignon. Nicolas de Clamanges

1. Ed. Lydius, I, 79.

2. Ed. Lydius, Episf., p. 190.


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partageait son opinion, et c'est pour exprimer leur com- mune désolation des maux de l'Eglise qu'il avait pris la plume. Lorsqu'en 1408, Pierre d'Ailly se trouva dans une situation difficile, il lui adressa des paroles de consolation où il lui exprimait encore leur communauté de sentiment. Le concile de Pise (25 mars-7 août 1409) marqua un grand changement^. L'union, bien que partielle, des cardinaux des deux obédiences donna à Pierre d'Ailly un grand espoir. Il « prit alors son parti » : ^ il gagna Aix et Tarascon, considérant que le Concile était légitime, et arriva à Pise le 7 mai 1409. De Provence, il avait écrit à Benoît XIII une lettre plus que sévère : il y parlait des mensonges du pape, de sa dureté, tu es ingratus Deo. Tu autem ove^ Domini, quorum vicarium te dicis^ pavisti sermonibus pravis. Si, peut-être par suite d'une circonstance matérielle, il ne prit pas part à la condamnation de Grégoire XII et de Benoît XIII, il se rallia aussitôt au nouveau pape Alexandre V ; puis il reconnut Jean XXIII, dont Clamanges devait dire tant de mal, et fut promu cardinal par ce pape. Ce changement ne pouvait manquer de faire une pénible impression sur Nicolas de Clamanges. Celui-ci désap- prouvait l'œuvre du concile de Pise ; il ne croyait pas que l'Eglise pût se réformer d'elle-même ; il pensait qu'en tout cas la réforme devait précéder les intrigues pour l'union et la création d'un pape unique, qui en réalité ne devait être qu'un troisième pape. On pourrait donc croire avec quelque vraisemblance que, dans ce nouvel état d'esprit, il ait fait disparaître ce qu'il avait écrit sur Pierre d'Ailly.

La suppression la plus longue a porté sur la fin du chapitre 42. On a vu que Clamanges y avait amèrement déploré les infortunes de Benoît XIII et sa captivité dans le Palais pontifical et adressé toute une prosopopée à

I. Sur l'attitude de Pierre d'Ailly, voir N. Valois, La France et le Grand Schisme, IV, 84.


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l'Eglise de France. Tout ce développement n'avait-il pas perdu son opportunité, quand plusieurs années après, au delà du concile de Pise, au moment du concile de Constance, Clamanges a pu procéder à une révision de son traité de la ruine de l'Eglise. Il en put être de même de la comparaison avec la division en Israël entre Roboam et Jéroboam.

Ainsi on serait tenté de se demander si Nicolas de Clamanges lui-même n'a pas préparé une nouvelle édition expurgée du De ruina et reparacione Ecclesie. Cependant il y a à cette conclusion de sérieuses objections et une autre interprétation paraît possible.

Le remaniement n'a-t-il pas pu être fait par une autre personne que Nicolas de Clamanges ? Sur ce point, un manuscrit conservé à l'Arsenal peut donner des indications utiles ^. C'est un long conmientaire d'Isaïe qui contient d'assez fréquents retours sur les événements et les mœurs du temps. Une étude spéciale lui est consacrée à la fin du présent travail. Ce commentaire est la dernière œuvre de Clamanges : elle a été écrite entre 1423 et 1426, alors que l'auteur avait près de soixante-dix ans. Il est resté fidèle à ce qu'il a pensé et dit de l'état de l'Eglise dans son traité de la ruine de l'Eglise de 1401 : ce sont plus briève- ment les mêmes accusations, c'est le même esprit, ce sont souvent les mêmes mots. Surtout, si Nicolas de Clamanges a vieilli, après les Conciles, après le choix du pape unique, Martin V, il est resté attaché plus que jamais à Benoît XIII . Il se répand en plaintes et en récriminations contre la déposition de Benoît XIIL Remontant de vingt ans dans le passé, au temps même où il écrivait la première rédac- tion de son pamphlet, il déplore presque dans les mêmes termes les infortunes de ce pape, sa captivité, les violences qu'il a subies. Et il fait encore et toujours de celui qui fut

I. Voir p. 47.


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son bienfaiteur, un éloge sans mesure : Sanctiis et ille Benedictus pontifex cujus similem non dico pontificem, sed nec hominem in mundo vidi... qui verus erat Ecclesie vertex... Vir sanctus Dei et orthopontifex celestique jam pridem facta revelacione certissimus Christi vicarius... nostri nuhilosi tem- poris lumen et decus^.

Comment admettre que celui qui en 1423-26 faisait encore un tel éloge de Benoît XIII et parlait avec tant d'animosité de ceux qui l'avaient déposé, ait, dans un rema- niement fait par lui-même, effacé tout ce qui concernait ce pontife, sans lui donner une mention, un souvenir, et qu'ensuite, dans son commentaire sur Isaïe de 1423-1426, il soit si abondamment tevenu sur ce silence, sur cet implicite reniement pour exalter celui dont il aurait aupa- ravant supprimé même le nom. Les coupures signalées, faites d'ailleurs assez gauchement, sans raccords, ne sont- «lles pas d'une autre main ? Pierre d'Ailly a dû se servir de ce que Nicolas de Clamanges lui avait écrit sur les désor- dres du clergé et de l'Eglise dans ce qu'il publia lui- même sur ce sujet avant et pendant le concile de Cons- tance, et sans doute en ce cas a-t-il estimé que le traité devait être opportunément remanié. Peut-être aussi est-ce alors que pour en faciliter la lecture, le texte aurait été divisé en chapitres et que ces chapitres furent pourvus de titres 2. On pourrait faire une autre hypothèse au sujet de Gerson, qui n'a pas critiqué avec moins de vivacité le clergé de son temps. Le ms. 347 de Wolfenbûttel de 1438, attribue l'œuvre de Clamanges à Gerson. Elle se trouvait sous la forme remaniée dans les papiers du célèbre docteur qui servirent à l'édition de 1483, si bien que, si le nom de Clamanges est inscrit en tête, celui de Gerson figure dans l'explicit. Qui sait si ces confusions ne proviennent pas 4es corrections que Gerson aurait faites ou fait faire pour

1. Voir plus loin, p. 98.

2. Sur cette division en chapitres, voir plus haut, p. 31.


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l'usage au concile de Constance du De ruina et repara- cione Ecclesie? Il est regrettable que ces hypothèses ne puissent pas être vérifiées d'une façon plus précise.

Resterait à expliquer un passage singulier où le texte de Nicolas de Clamanges, au lieu d'être réduit, est allongé. Voici les différentes formes de ce texte :

^^ , , r, /• 1 Texte remanié de

Ms. latin 312SJ0L Wolfenbûttel

... ut obmittam que in ...utommitamqueperalte-

pseudopontificem omni pror- rum tune apud alios de papatu sus impuritate maculosum contendentem gesta sunt, pertinax suorum errer com- potius hoc scribenda illis misit, quid Clémente nostro relinquam qui cum eo con- dum advixit... versati certius mores illius

atque eorum quos secum habebat enarrare possunt, quid Clémente nostro...

Le texte primitif, simple et direct, fait peut-être allusion au point de départ du Schisme et à Urbain VI. C'est également ce pape que Von der Hardt et d'autres ont cru retrouver dans le per alterum tune apud alios de papatu contendentem du texte remanié. Mais il y est question aussi de ceux qui ont vécu avec cet autre prétendant au titre de pape. Or, si l'on admet que le remaniement a dû être fait à l'occasion du concile de Constance, ceci n'a pu être écrit que plus de trente ans après le début du Schisme, ce qui serait trop lointain pour être vraisemblable. Tout ce qui est ajouté dans le texte remanié paraît donc bien ne pas être de la main de Nicolas de Clamanges. C'est une addition destinée à tenir la place du développement primitif sur Benoît XIII, et le plus probable, c'est qu'il y a là une allusion à ce pape et, parmi ceux qui l'ont bien connu, à Nicolas de Clamanges lui-même.

Enfin l'édition de 151 9 et les éditions suivantes donnent de plus cette variante :

CLAMANGES 4


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Ut omnittam quee per alterum tune apud N. de papatu contendentem gesta sunt...

Il est bien possible que cette initiale N. remplaçant alios résulte d'une mauvaise lecture ou d'une incertitude d'interprétation.


VI LES PREMIÈRES EDITIONS (1483-1562)


Le De ruina et reparacione Ecclesie a été imprimé pour la première fois dans la première édition des œuvres de Gerson, donnée de 1483 à 1484 en trois volumes in-folio par Johannes Kœlhoff à Cologne ^.

Au tome H, après un traité de Gerson intitulé : Tractatus Johannis de Gersonno. Qualis fuerit status Ecclesie in Veteri et Novo Testamento, au folio clxxiv, on lit ce titre : De vitiis ministrorum. Tractatus Nicolai de Clymenges de •viciis ministrorum et Ecclesie. C'est le traité de la ruine de l'Eglise. Il se termine au folio clxxxvii par cet expli- cit : Explicit tractatus de viciis ministrorum et Ecclesie Johannis de Gersonno.

Il est singulier de voir cet opuscule attribué en tête à Nicolas de Clamanges et à la fin à Gerson. Faut-il croire que le manuscrit qui a servi à l'impression contenait déjà au milieu de traités de Gerson l'œuvre de Nicolas de Clamanges avec Tincipit de l'édition, et que c'est l'éditeur qui dans l'explicit l'a attribué par inadvertance à Gerson ? Ou au contraire la double attribution figurait-elle déjà dans le manuscrit ? Il est difficile de rendre compte de

I. On trouvera quelques détails intéressants sur les éditions dans la Bibliothèque curieuse de D. Clément, VII, 173. Pour l'édition de Gerson en particulier, voir J. Schwab, Johannes Gerson, 788.


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cette confusion. Peut-être ce qui a été dit plus haut de l'auteur du remaniement pourrait-il permettre une explication.

Quant au texte de l'édition de 1483, ce n'est pas celui des six manuscrits de la première rédaction qui viennent d'être étudiés, mais le texte révisé et diminué que l'on trouve dans les manuscrits de Wolfenbûttel. Il présente quelques variantes ^. D'ailleurs l'édition de Gerson où il se trouve est fort rare et rarement complète. Elle donne la division en 48 chapitres du ms. latin 3128 de la Biblio- thèque nationale. Elle paraît avoir été peu connue et peu utilisée par les éditeurs suivants du traité de la ruine de l'Eglise, en raison sans doute du titre et de l'attribution finale à Gerson.

Les éditions suivantes ont eu une plus large diffusion. Celles de 15 19-1520 sont en elles-mêmes assez énigmati- ques puisqu'elles ne donnent dans leurs titres aucune date de lieu et de temps. Leur date de temps, comme on le verra, résulte d'une pièce liminaire. Des opinions diverses ont été émises sur leur origine locale. Un des exem- plaires de la Bibliothèque nationale porte cette note au crayon : Mayence, J. Scheffer ^. D'après le D^" Binz, de la Bibliothèque de Bâle, on peut déduire des éléments typographiques leur impression à Bâle ^. Dans le cata- logue des manuscrits de la Bibliothèque de Strasbourg, le D^ Barack s'est prononcé pour Sélestat *. Ce qui tendrait à le prouver, c'est la mention que présente une de ces éditions à la dernière page à propos d'une pièce ajoutée : Repertum est Selestadii in Bibliotheca divi Joannis ^.

1. Ces variantes ont été signalées dans la Bibliothèque curieuse de D. Clé- ment, VII, 176. Il y a de plus une lacune qui sera précisée plus loin, p. 131.

2. Bibl. nat., Imp. Rés. D. 7010.

3. Renseignement dû à l'obligeance du D' Binz.

4. Renseignement dû à l'obligeance de M. E. Wickersheimer.

5. Bibl. de Strasbourg, Rés. 100480, in fine.


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R. Proctor, dans son Index of the early printed Books i?i ihe British Muséum ^, signale ainsi un exemplaire de cette bibliothèque : [a. 1520, JulyJ Nicolai de corrupto Ecclesie statu, 40, P. IX, 169, 76, types i, 2, (3), 4. Ce livre serait sorti de l'imprimerie de Lazarus Schûrer, de Strasbourg, installé à Sélestadt. Il paraît donc bien avoir été imprimé en Alsace 2.

Il importe de distinguer les deux éditions succes- sives de 1519 et 1530.

A. — L'édition qui sortit des presses la première dut être la plus répandue ^. Elle présente quelques traits particuliers. Sur le premier folio, on lit :

Nicolaus — Clemengis archidia — conus Baiocensis — doctor sanctas theolgiae Parisiensis — De corrupto Ecclesie statu.

A, Momentivus Lectori.

Docebit hic liber quibus rationibus res ecclesiastica creverit et decreverit pietas, Flebis, lector, nisi saxeus es, imo potius (quando nihil flendo proficitur) Deum opt. Max, precaberis ut suam a nobis iram avertat csecas nimirum mentes et p cetera C£eca.

Vient ensuite au verso du premier folio l'extrait du De ecclesiasticis Scriptorihus de Trithème signalé plus haut*. Il est ainsi annoncé en minuscule :

Ex Joanne Tritemis abbate Spanheimensi De ecclesisticis Scriptorihus.

Cette citation énumère les ouvrages suivants de Nicolas de Clamanges : De fructu eremi, — De corrupto EcclesicB


1. T. III, n" 11977.

2. Déjà Gessner dans sa Bibliotheca TJniversalis de 1545 déclarait que rimpression avait été faite en Allemagne : Liber de corrupto Ecclesicz statu impressus est in Germania, in-4°.

3. Il a été examiné trois exemplaires : Bibl. nat. Rés. D. 3303 et 7010 ; — Bibl. de Strasbourg, Rés. 100.479. Cet exemplaire provient de la biblio- thèque de Bocking.

4. Voir p. 28.


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statu, — De noms festimtatïbus, — De materia Schismatis, — Epistolarum ad diverses et multa alia. Au dessous on lit encore : Claruit temporibus Sigismundi Imperatoris et Con- cilii Constantiensis. Anno Domini M. CCCC. XVII.

Le texte du traité de la ruine de l'Eglise est précédé d'une épître dédicatoire, par laquelle Eubulus Cordatus envoie à Montesius une copie du traité d'après un manus- crit de la Bibliothèque du Vatican. Cette épître se termine par : Vale. Datum Romce calendis julii anno Domini M. D. XIX. La date de temps doit être celle même de l'édition, et c'est pour cette raison que l'on dit d'ordinaire l'édition de 15 19. L' épître elle-même et la date de lieu sont-elles authentiques. Eubulus Cordatus a-t-il écrit de Rome à Montesius qui est en Allemagne ? Lui a-t-il réellement adressé d'après un manuscrit du Vatican une copie du traité de la ruine de l'Eglise ? On en peut douter.

Qui était d'autre part cet Eubulus Cordatus. On s'est demandé si ce n'était pas Ulrich de Hutten ^, mais sans argument suffisant. Il y eut bien dans le même temps un Conrad Cordatus, né en 1476 à Weissenkirchen (Autri- che), connu surtout par un Tagehuch ûber D^ Martin Luther (1527). Depuis 1524, il fut en effet en relations fréquentes avec Luther et même son hôte. On constate qu'il a été en Italie et même qu'il était à Rome en 1508- 1509 2. Mais on ne voit pas qu'il ait pris le prénom huma- niste d'Eubulus. Quant à Montesius, le correspondant de Cordatus, et à Momentivus qui présente l'imprimé au lecteur, il n'a pas été possible de les identifier. Sont-ce des noms supposés ou latinisés ?

Au folio A III, avec le même titre qu'au premier folio,

1. Von der Hardt signale aussi Euricius Cordus, poète et médecin (1486- 1585) sans aucune preuve,

2. Voir la biographie de C. Cordatus, dans l'édition du Tagebuch de Wrampelmeyer, 13. Ce Cordatus mourut en 1546, On pourrait signaler encore d'autres Cordatus, mais sans aucune probabilité, qui appartiennent d'aiUeTurs plutôt à la seconde moitié du xvi^ siècle.


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commence le texte. Incipit : Cum hesterno die Sacrorum Eloquiorum codicem arripuissem... C'est l'introduction du traité. Les chapitres sont séparés, mais non numérotés ; ils commencent par une grande majuscule. Les titres sauf un sont donnés en marge. Il est surtout à noter que dans cette édition on ne trouve pas à la fin la Devota oratio pro salu- tari fructu reformationis consequendo.

Eubulus Cordatus annonce à Montesius qu'il ajoute au traité de Nicolas de Clamanges des vers tirés d'un autre manuscrit ancien. Cette pièce de vers contre un avocr.t romain surnommé Franco, ainsi que le fragment de lettre de l'Empereur Frédéric I au pape Adrien IV et un autre fragment d'Otton de Freisingen, qui suivent, n'ont aucun rapport avec le traité de la ruine de l'Eglise. Mais on est assez surpris de trouver ensuite un erratum se rapportant au texte imprimé de ce traité : Errata quae ah exemplari depravato contigerunt. On en trouvera le texte plus loin ^. Enfin le volume se termine par une épître en vers de Valentinus Alusinus Patinensis adressée k Morandum Avitum qui est également étrangère au traité de Clamanges étudié ici.

Un des deux exemplaires de l'édition de 15 19 conservés à la Bibliothèque nationale ^ donne le traité de la ruine de l'Eglise à la suite d'autres traités de Nicolas de Cla- manges. Le titre de ces traités est entouré d'un cadre de figures grotesques. On lit dans le bas la date de 15 19. Au-dessous a été ajoutée une note manuscrite : Aux Petits Augustins du petit couvent de Paris in siiburhio Sancti Germani. Donné et légué par défunt seigneur le Bourdais avocat au Parlement... A côté le cachet de la Bibliothèque de Notre-Dame de Paris. On peut se demander si le De corrupto ecclesiae Statu, qui succède aux autres traités de Clamanges, ne leur a pas été réuni d'une façon factice

1. Voir p. 109.

2. Rés. D. 3303.


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par la reliure. Cependant la disposition et les caractères typographiques sont les mêmes. La première partie du volume étant datée de 15 19, l'éditeur aurait ainsi publié en même temps le recueil des divers traités de Nicolas de Clamanges et le traité de la ruine de l'Eglise. Celui-ci comme titre, comme texte, comme disposition des cha- pitres et des titres en marge est conforme à la descrip- tion qui vient d'être donnée. On y remarque quelques notes très brèves d'une écriture du xvi® siècle et de nombreux passages soulignés.

B. — Il y eut bientôt une seconde édition, sortie certai- nement de la même imprimerie, sans doute en 1520^. Elle a des traits propres et présente quelques additions :

1° Au folio I, après la note placée au-dessous du titre : Docehit hic liber... et pectora cceca^ on lit cette indi- cation : Addita sunt quœdam carmina quce in priori œditione desyderabantur.

2P Au revers de ce folio. Ex Joanni Tritetnio est en capitales.

3° A la fin a été ajoutée la Devota oratio annoncée ainsi : Oratio auctoris pro salutifero fructu reformationis consequendo.

40 U erratum de la première édition n'a pas été repro- duit, les fautes ayant été corrigées.

A la suite du traité de la ruine de l'Eglise on trouve, en plus des pièces ajoutées dans la première édition, une autre pièce de vers : Querula cujusdam sacerdotis, ut vocant curati, de monachis qui sacerdotium illius cœnohio suo vole- bant uniri...


I. Bibl. de Strasboiirg. Rés. 100.480 (Sign. A-H). Cet exemplaire provient de la bibliothèque de Bôcking. L'exemplaire catalogué par Proctor (op. cit., III, no 11077) appartient aussi à cette édition. La date de juillet 1520 n'est donnée que par Proctor.


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Cette querula a été tirée de la Bibliothèque de Saint- Jean à Sélestat.

Le texte de ces deux éditions, qui ne diffèrent l'une de l'autre que par quelques corrections, est celui de la version remaniée avec de nombreuses fautes de lecture et d'im- pression. Ce qui les distingue seulement d'une façon nette, c'est l'absence ou la présence de la Devota oratio. Cette différence permettra de préciser par la suite d'après laquelle des éditions de 15 19- 1520 les éditeurs du xvi® et du xvii^ siècle ont reproduit le traité de la ruine de l'Eglise.

Il s'écoula près d'un demi-siècle avant qu'apparaisse une nouvelle édition. On ne pourrait cependant conclure avec certitude qu'il n'y en eut point dans cet intervalle. Un fait est à noter : en 1549, Délia Casa, archevêque de Bénévent, nonce du pape à Venise, publia un Index où figure le De corrupto Ecclesice statu. Délia Casa ou un de ses collaborateurs avait pu en avoir connaissance à Venise même où les échanges avec l'Allemagne du Sud et avec la Bavière et l'Autriche, étaient constants. Il est vrai que le traité de la ruine de l'Eglise ne se trouve pas explicite- ment mentionné dans V Index de Milan de 1554, ni dans celui de Paul IV de 1559. Mais il se trouvait impliqué dans la condamnation qui frappait dans ces deux Indices toutes les œuvres de Nicolas de Clamanges. Or ces con- damnations ne pouvaient guère avoir d'effet alors qu'en Italie.

Aussi est-ce en France que l'on voit paraître en 156Z une nouvelle édition chez Jean Corrozet. En voici le titre :

Nicolaus Clemangis archidiaconus Baiocensis doctor sanctse théologie. De corrupto ecclesiae statu.

Au-dessous est une vignette représentant Minerve qui conduit un char antique traîné par un chien à trois têtes sur lequel est assis un personnage en costume romain. A l'arrière-plan est un édicule dont l'entrée émet de


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grandes flammes.- Sur l'étendard de Minerve on lit : Dis minor Minerva.

Au bas de la page : Apud Joannem Corrozetum in prima colomna Palatii ante Domum consultationum suam haben- tem officinam.

Au verso du premier folio est reproduit comme dans l'édition de 15 19 l'extrait de Trithème. Corrozet ajoute :

Sepultus est Lutetiae Parisiorum in Regalis coUegii Navarr^e (cuius alumnus fuit) saceUo, sub lampade ante summum altare. Cuius sepulchrum ibidem versibus insignitum est, qui prae vetustate et scripturas delatione legi nequeunt.

Puis vient au folio 2 la lettre d'Eubulus Cordatus à Montesius. Au folio 3 commence le texte. C'est la repro- duction du texte de la première édition de 15 19. Il est divisé en 47 chapitres. Mais la Devota oratio finale manque comme dans cette édition. En marge, en outre des titres de chapitres, on trouve quelques renvois pour les citations et cette note au folio 9 : S. Clemens papa agens Avinione. Au folio 29, on lit l'extrait suivant :

Ex paralipomenis ad Chronicon abbatis Urspergensis ^ : Anno Domini M. CCCC. XVII, temporibus Sigismundi Imperatoris et Constantiensis Concilii, claniit Nicokus Cle- mangis archidiaconus Baiocensis doctor theclogiae Parisiensis qui de corrupto Ecclesize statu scripsit, quibus rationibus ras ecclesiastica creverit decreverit pietas,

La table des chapitres qui suit n'est pas paginée.

Cette édition qui ne donne rien de différent de celle <ie 15 19, bien qu'elle soit postérieure de trois ans à V Index de Paul IV, ne semble pas due à une initiative protestante. Jean Corrozet 2 ne dut pas adhérer à la Réforme. Cepen-

1. Il s'agit d'une continuation de la chronique de l'abbé d'Ursperg inti- tulée : Paralipomena rerum memorabilium... ab an. Domini MCCXXXV usque ad annum XXXVII, éd. de 1540. L'éditeur est Crato Mylius, de Sélestat. On vient de voir que la première édition séparée du traité de la ruine de l'Eglise a dû être imprimée à Sélestat.

2. Sur ce Corrozet, cf. Renouard, Documents pour servir à l'histoire des libraires de Paris (1486-1604), 60.


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dant le petit format de la brochure, sa simplicité donnent à l'œuvre de Nicolas de Clamanges l'aspect d'une sorte de tract de propagande.

Deux ans après, en 1564, le traité de la ruine de l'Eglise traduit en français à Genève entrait ouvertement dans les polémiques entre catholiques et protestants ^. Si le texte latin ne fut pas édité de nouveau jusqu'à la fin du xvi^ siècle, la version française fut réimprimée. C'est un chapitre nouveau des destinées du De ruina et reparacione Ecclesie.

I. Voir plus loin, p. 62.


VII


LA TRADUCTION FRANÇAISE (1564) ET LE LIVRE DES MARTYRS


Le De ruina et reparacione Ecclesie a été traduit une fois en français au milieu du xvi® siècle. Cette traduction protestante, fort digne d'attention en elle-même, soulève des questions délicates à résoudre. Elle apparaît simul- tanément dans une vaste compilation et dans une brochure de propagande. Toutes deux sont datées de 1564.

Un des livres les plus curieux et les plus célèbres de la Réforme calviniste, c'est le Livre des Martyrs de Jean Crespin. L'auteur, né entre 1500 et 1520, était d'Arras 1. Il fit ses études à l'Université de Louvain et fut reçu avocat à Paris. De retour à Arras, déjà tout imbu des idées nouvelles, il dût s'éloigner pour éviter la persécution. Banni le 18 mars 1545, il vint à Strasbourg, entra en corres- pondance avec Calvin, et le 25 octobre 1548 il arrivait à Genève avec Théodore de Bèze ; en 1555, il devint bour- geois de la ville. Il y créa une imprimerie qui eut une assez grande activité et d'où sortirent des volumes vraiment remarquables qu'on a pu comparer aux impres- sions des Estienne. Il mourut de la peste à Gand en 1572.

I. Pour la biographie de Jean Crespin, voir Haag, La France proies- tante, 2^ édit. art. Crespin, et la notice de D. Bonnet en tête de l'édition dite de Toulouse (Toulouse, 1889), t. I, du Livre des Martyrs.


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Jean Crespin eut l'idée de réunir en un volume les actes des martyrs de la foi nouvelle. Il en donna avec quelques variantes plusieurs tirages en 1554. Voici le titre le plus complet de cette première édition ^ :

Le livre des Martyrs qui est un recueil de plusieurs martyrs qui ont enduré la mort pour le nom de nostre Seigneur lesus- Christ depuis Jean Hus jmqu'à ceste année présente M. D. LIIII... De l'imprimerie de Jean Crespin au mois d'Aoust M. D. LIIII.

Dans ce volume in-80 on ne trouve pas la traduction du traité de la ruine de l'Eglise. Elle n'apparaît pas non plus dans les éditions de petit format de 1555 et de 1556, ni a plus forte raison dans l'édition latine in-40 de 1560. Ce n'est que dans l'édition in-folio de 1564, qu'il a plu à Jean Crespin de l'insérer 2.

Cette édition de 1564 est en effet considérablement augmentée, elle a 1084 pages in-folio sans compter les pièces liminaires, les paginations répétées et les tables. En voici le titre complet :

Actes des martyrs déduits en sept livres depuis le temps de Wiclef et de Hus jusques à présent contenans un Recueil de vraye histoire Ecclésiastique de ceux qui ont constamment enduré la mort es derniers temps pour la vérité du Fils de Dieu.

Le milieu de la page de titre est occupé par la marque de Jean Crespin : une ancre marine entourée d'un serpent, tenue de chaque côté par une main sortant d'un nuage, avec I. C également de chaque côté. Cette ancre est au- dessus d'une vue de mer avec des personnages marins.

1. Sur les éditions du Livre des Martyrs, voir l'ouvrage très précis et très détaillé de Vander Haeghen, T. Arnold et R. Vanden Berghe, Bibliographie des Martyrologes protestants néerlandais (Bibl. Belgica, Université de Gand), La Haye, 1890, II, 89. Cf. d'autre part A. Piaget et G. Berthoud, Notes sur le Livre des Martyrs de Jean Crespin, Neuchâtel, 1930.

2. Sur cette édition en particulier, cf. une description détaillée dans la Bibliographie des Martyrologes protestants néerlandais, citée plus haut, II, 137.


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Au-dessous de cette marque : l'ancre de Jean CrespiUf M. D. LXUII.

Dans le sommaire du livre I, Fauteur amionce le traité de Nicolas de Clamanges. Après les développements sur Wyclef, Jean Huss et Jérôme de Prague, à la page 60 '^^^ commence en effet la traduction française du De ruina et reparadone Ecclesie. Elle est présentée ainsi :

Escrit de Nicolas Clemangis touchant Vestat corrompu de l'Eglise.

La France aussi en ce siècle 141 7 n'a esté destituée de vrays Docteurs qui ont fidèlement exécuté leur charge d'annoncer la lumière et le jour du Seigneur : entre lesquels Nicolas Cle- mangis, docteur de Paris et archediacre de Bayonne (sic) y a laissé certain tesmoignage par escrit digne sur tous que les fidèles lisent pour voir la source de l'horreur et confusion de l'église Romaine.

Le traité de Nicolas de Clamanges remplit les folios 60 à 70 vo. Voici l'incipit :

Comme i 'eusse pris hier le sainct livre de la Bible, et me fusse mis a lire la première Epistre de sainct Pierre...

Après l'introduction, il est divisé en 47 chapitres au lieu de 48, par la réunion en un seul des deux chapitres 45 et 46 du ms. latin 3128 de la Bibliothèque nationale. Au chapitre 47 intitulé : Prière de l'autheur N. Cle. pour obtenir fruict salutaire de reformation. Chap. 47, l'éditeur a ajouté un avis au lecteur : /. Cr. [Jean Crespin] au lecteur touchant l'utilité de ce Livre de la corruption de ce temps :

O Lecteur, on te feroit tort, si un tel escrit venu a nostre cognoissance, faict de ce temps cy que nous discourons présen- tement, gardé et conservé par le bénéfice du Seigneur par tant d'années, ne t'estoit communiqué et à toute l'Eglise pour contempler en un miroir les jugemens du Dieu vivant : et recevoir instruction et consolation par Nie. Cl. vray tesmoin et annonciateur de la grande lumière de la doctrine du Fils de Dieu, laquelle peu à peu et de plus en plus s'est manifestée


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en ces ténèbres horribles : et les ayant surmontées, nous a maintenant rendu un jour clair comme d'un soleil monté au plus haut du midy de la vérité.

Il est à remarquer que si le titre initial porte : Escrit de Nicolas Clemangis touchant Vestat corrompu de l'église, le titre courant est abrégé : De la corruption de ce temps, et c'est cette forme abrégée que l'on trouve dans l'avia final au lecteur.

Il y eut l'année suivante, 1565, un nouveau tirage plus soigné avec encadrements rouges. Parmi les folios limi- naires, on y voit une curieuse gravure représentant l'arche de Noé. Quant au texte de VEscrit de Nicolas Clemangis, il est identique au tirage de 1564.

Ce qui est particulièrement intéressant, c'est, à la même date de 1564, l'apparition d'une petite brochure donnant la traduction de Jean Crespin. Cet opuscule est devenu très rare : il n'en a été retrouvé que deux exemplaires, l'un à la réserve de la Bibliothèque nationale, l'autre à la Bibliothèque de l'Arsenal ; mais ce dernier exemplaire est incomplet, il ne commence qu'au folio 4 ^.

Le titre, si on le compare à celui du Livre des Martyrs, est plus court :

Escrit de Nicolas Clemangis docteur de Paris et archediacre de Bayeux touchant Vestat corrompu de V église par lequel on pourra voir la source et confusion de l'Eglise Romaine.

Aussi verra on en ce siècle 141 7 la France n'avoir este desti- tuée de vrays docteurs qui ont fidèlement exécute leur charge d^annoncer la lumière du Seigneur.

Au-dessous : Orléans 1564.

Cette brochure de format très réduit (in- 16) reproduit exactement le texte du Livre des Martyrs. Mais comment


I. Cette édition est citée dans la Biblioth. Universalis de La Haye, 1742, 59.


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se fait-il que la même année VEscrit de Nicolas Clemangis ait paru dans un gros in-folio à Genève et dans une mince plaquette à Orléans ? On ne peut prouver directement que l'in-folio a précédé la plaquette ou inversement. La men- tion d'Orléans pour celle-ci n'a rien d'étonnant. En ce temps la Réforme était toute-puissante dans cette ville. Dès 1562, le prince de Condé y était maître. On y vit pendant plusieurs mois François Hotman et Théodore de Bèze, qui avaient encore des liens avec l'Université d'Orléans où ils avaient étudié. Les relations d'Orléans avec Genève étaient fréquentes. Dans la ville même et dans la région, c'était une véritable guerre de plume ^. Il est fort possible qu'un manuscrit ou des bonnes feuilles de la traduction préparée par Jean Crespin aient été transmis à Orléans. Là il aurait été fait une petite brochure destinée à la propagande parmi tant d'autres brochures protestantes, que répandaient des colporteurs bénévoles acquis aux idées nouvelles. On pourrait se demander cependant si l'impression n'a pas été faite à Genève même. Mais il est aussi vraisemblable que le travail ait été exécuté à Orléans, quoi qu'il n'ait été retrouvé à Orléans aucune trace d'une telle impression. Il y avait dans cette ville plusieurs imprimeurs et libraires huguenots 2. A la Saint-Barthélémy, des libraires réformés ou suspects furent pourchassés et même exécutés : Eloy Gilbert, un vieillard, dut se cacher ; Pierre Trepperel ^, avant d'avoir eu le temps d'abjurer, fut tué dans une église ; tué encore le libraire Pierre Bailli, un autre encore dont le magasin fut pillé. Les livres imprimés par Eloy Gilbert et Pierre


1. Sxir la Réforme à Orléans de 1562 à 1564 et le séjour du prince de Condé, voir B. de Lacombe, Catherine de Médicis entre Guise et Condé, qui a utilisé les documents Orléanais, et en particulier ce qu'il dit de la guerre de plume déchaînée dans la viUe, 209, n. 2.

2. Herluison, Les Imprimeurs d'Orléans, 26, 35, 77.

3. Sur les Trepperel et notamment Pierre Trepperel libraire à Orléans, cf. Renouard, Documents sur les imprimeurs et libraires parisiens, 291.


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Trepperel furent enlevés et jetés dans la rue ^. Il n'a pas été possible d'arriver à une plus grande précision. Qu'il ait été sous la presse à Genève ou à Orléans, le petit traité de la ruine de l'Eglise a ainsi servi à la propagande protestante.

Dans l'une et l'autre édition, la traduction est identique. Elle est de part et d'autre accompagnée des mêmes anno- tations en marge. A la hauteur de la première ligne de l'introduction, on lit MDXVII, ce qui est une erreur d'impression pour M. CD. XVII. Les renvois en marge donnent les références aux textes cités par Clamanges, Epitres de saint Pierre, Psaumes, Jérémie, saint Matthieu, Isaïe, Epitres de saint Paul aux Corinthiens, aux Romains, à Timothée, Genèse, Ezechias, Apocalypse, Zacharie, Samuel. D'autres notes marginales mentionnent les sujets traités dans le texte. Quelques-unes enfin donnent un bref commentaire :

Fol. 62 v". Il dit cela pour ce que le pape qui se nommoit Clément residoit lors à Avignon.

Fol. 64 v^. L'autheur fait une allusion en latin au mot Testes qui outre tesmoins signifie aussi les genitoires de l'homme.

[Voici le passage du texte latin d'après l'édition de 15 19 : Sed redeo ad nostros episcopos qui in omni lubricitate ah ineunte adolescentia educati, taies testes, ut ita dixerim, ministros in Ecclesiam introducunt. Or le texte primitif donne pestes pour testes ^.]

Fol. 65. Il parle du royaume de France. Fol. 67 v*'. Notez bien ceci.

— Clément V pape en ce temps résident à Avignon. Fol. 68. Vraye prophétie des choses survenues.


1. La Saint-Barthélémy racontée par J.-W. von Botzheim, 2^ série, VII, 1872, du Bulletin de la Société de l'histoire du Protestantisme. Voir aussi Herluison, op. cit.

2. Voir p. 131 et 171.

CLAMANGES 5


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Il convient d'examiner la traduction en elle-même. En voici le début :

Comme i'eusse pris hier le sainct livre de la Bible, et me fusse mis à lire la première Epistre de Sainct Pierre, que i'avoye premièrement rencontrée, ie tombay sur le propos ou l'Apostre dit, Qu^il est temps que le iugement commence à la maison de Dieu. Lesquelles paroles ie ne passay en courant comme le reste de TEpistre : mais retardant quelque peu l'impétuosité de la lecture, ie contraigny mon esprit surpris d'horreur subite, de s'arrester sur ceste sentence pour l'imprimer plus avant en ma mémoire. Incontinent les oppressions et calamitez que l'Eglise endure à présent, se représentèrent devant mon enten- dement, ia assez troublé et espovanté avecques celles avenir trop plus grandes, qu'elle doit souffrir, se ie ne devine mal. Quant et quant ie pensoye aux causes très iustes de si grans maux.

Quelques citations feront ressortir les traits parfois originaux de la traduction. Autrefois les ministres du Sei- gneur étaient désintéressés et charitables, c'était un véri- table âge d'or :

Et comme si la terre n'eust plus esté suiette à malédiction : rendoit toutes sortes de fruicts à foison. Les hommes vivoyent longuement. Il n'y avoit sédition domestique, ny crainte au dehors : tout estoit paisible, seur et tranquille. Entre les hommes de ce temps la, la charité, hmocence, foy, pieté, iustice et sincère amitié estoyent en vigueur : peu de tromperies ou de calomnies se commettoyent ou dressoyent : parce que les pasteurs monstroyent bon exemple à leurs trouppeaux tant en saincteté de vie qu'en doctrine salutaire.

Mais combien toutes choses ont changé :

Peu à peu la religion s'est attiédie, la vertu amortie, la disci- pline dissoute, la charité morfondue, l'honnesteté et aussi la sobriété a esté en opprobre et moquerie.

Trois causes surtout ont agi :

Il a fallu donques satisfaire à trois maistres, fort importuns €t fascheux exacteurs : A la paillardise qui demandoit les délices du vin, des viandes, du dormir, des ieux magnifiques, des infâmes maquereaux et putains ; A l'orgueil qui vouloit des


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hautes maisons, tours et chasteaux, des palais somptueux avecques ostentation de meubles infinis, d'habillemens pré- cieux et de chevaux ordinaires pour le train : A l'avarice qui a amassé soigneusement grans thresors pour pouvoir fournir aux choses susdites.

Vient alors la description de tous les états de l'Eglise. Les papes « ont mis la main aux bergeries d'autruy rem- plies de laines et de laict. » Ils se sont faits tout-puissants : leur « estât... ils avoyent iuché par dessus les magnifi- cences humaines ». Des constitutions ont été faites « à l'appétit d'un chascun pape... Par ce moyen ils estiment leur cour florir et estre heureuse, si elle bruit de forces causes, procès, querelles, débats, si elle esclatte de toutes parts de crieries enragées ». Ils sont entourés de « fins caute- leux courtisans et sophistes et renverseurs d'équité ». La sévérité de Clamanges à l'égard des cardinaux est exprimée en termes particulièrement vifs : « Ceste très cruelle beste, gastant, consumant et destruisant tout, assavoir la peste exécrable de la division scismatique a esté introduite, entretenue, nourrie et aggrandie par la meschanceté des cardinaux ». Ils déploient « les ruses, prises et peschées de la doctrine des ecomifleux ». Leurs familiers, qui font commerce, sont « les banquiers de la grande et haute table ». Les cardinaux eux-mêmes se sont « adonnez aux sciences de gaigne-pain ».

Les prélats ne sont pas mieux traités : « Pour l'argent ils estrivent, ils débattent, plaident, querellent, guer- royent ». Si l*un d'eux est instruit et cherche à remplir ses devoirs, « incontinent tous aiguisent leurs dens pour e mordre. Ils crient qu'il n'est qu'un badin... Si estans maigres, secs et atténuez, se veulent engresser du laict et de la laine de leurs brebis ». Leurs promoteurs « ciqua- nent les simples et povres paisans qui n'entendent rien aux ruses des villes et meinent vie assez innocente en leurs petites cases ». En général les prêtres sont ignorants et


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débauchés : « S'il y a aujourd'hui un paresseux, un saul- d'ouvrer qui veuille vivre à son plaisir sans rien faire, qu'il coure se faire prestre ». Leurs mœurs sont détestables : « Frequentans ordinairement les tavernes, beuvans, man- geans, banquetans et passans le temps à jouer aux dets ou à la paume. Puis estans soûls et yvres comme souppes, ils crient, tempestent, se battent, blasphèment le nom de Dieu et des Saints par leurs bouches infectes : et estans ainsi bien ordonnez et accoutrez viennent à l'autel du gyron de leurs paillardes ». Les Chanoines sont « tondeurs de nappes, yvrongnes, paillards comme marmots ». Les moines ne sont pas épargnés, « afin qu'ils ne passent sans estre lavez ». Ils ont « la bride avallée ». Pour les Mendiants, bien qu'inexacte sur un point, la traduction n'est pas moins énergique : « Ils dévorent en secret les offrandes, se remplissans de vin et de viandes friandes, non avec leurs femmes, mais bien avecques leurs enfans le plus souvent, souillant tout des paillardises dont ils brûlent ». Si tous ces maux n'ont pu être conjurés, la faute en est bien « à la puissance temporelle de la gloire et des délices desquelles l'Eglise est enyvrée jusqu'au dégorgement ». A la Papauté, l'Italie a rendu « chou pour chou ». Et cette version mélancolique : a Car depuis ce temps-là l'EgUse languissante et malade n'a cessé d'escouler goutte à goutte et s'en aller à reculons pour autant que desvetue de son verdoyant honneur, elle portoit une face pasle, noire et abaissée contre terre ».

On entrevoit déjà par ces quelques extraits l'aspect original de cette traduction. Elle n'est pas absolument littérale. Quelques passages ont été supprimés, mais en petit nombre, par exemple à la fin du chapitre i, d'autres résumés ou abrégés comme aux chapitres a et 36. Le tra- ducteur, qui est un huguenot ardent, a enlevé les rares noms qui rappelaient encore l'humaniste, Charybde, Scylla, porc d'Epicure, Euménides. Sauf ces cas, il a suivi exactement


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l'édition de 1520. Mais sa version n'est pas conforme au mot à mot du texte latin : il est rare qu'il paraphrase ; il réduit et resserre le texte latin et fait rentrer plusieurs phrases en une. Si l'on met à part les erreurs de sens que lui inflige le très mauvais texte de l'édition latine, il comprend bien, sinon toujours dans tous les détails, la pensée, l'intention de Nicolas de Clamanges. Quel- quefois cependant il se trompe. En voici un exemple : Clamanges, à propos des Mendiants a écrit : Lautis epidis cum non suis uxoribus, licet sepe cum suis parvulis avide insar dentés... Le traducteur écrit : « Se remplissans de vin et de viandes friandes, non avec leurs femmes, mais bien avecques leurs enfans le plus souvent ». Comme il s'agit de moines des Ordres mendians, on ne comprend pas « non avec leurs femmes, mais bien avecques leurs enfans ». Or l'auteur a voulu dire qu'ils prennent part à des repas plantureux avec des femmes qui ne sont pas leurs épouses et même avec les enfants qu'ils ont eu de ces femmes. Le traducteur a compris non cum suis uxoribus, alors qu'il y a cum non suis uxoribus.

Mais ce qu'il y a de caractéristique de cette traduction, c'est qu'elle renchérit souvent sur la vivacité du texte latin et cela surtout à l'aide de termes ironiques familiers ou vulgaires. On peut en citer de nombreux exemples :

Summo Ecclesie vertice traduit ironiquement par ce beau chef, lenonum par maquereaux, scortonim par putains.

improbi et miseri par gros asnes, ignari par asnes. arentes animi fauces par engouler. Gnatonice doctrine par escornifleux. dampna levia par perdent une maille, pecuniam persolverit par fournir le poignet, a labore abhorrens par saul-d'ouvrer. crapulati et inebriati par soûls et yvres comme souppes. lucrosasque sciencias par sciences de gaignepain.


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insultant par se bandent plus fort, parasitis par tondeurs de nappes, incontinentissimos par paillards comme marmots, si modo frena laxentur par s'ils ont la bride avallée. lupanaribus, prostibula par bourdeaux. talia... nomina par brocards.

inebriata usque ad nauseam par enyvree jusqu'au dégor- gement.

vicem debitum par rendre chou pour chou, juvenibus nitidis par jeunes bravereaux, etc.

De ces traits, on peut tirer quelques indications sur l'auteur de la traduction. On pourrait penser à un des plus féconds écrivains de la Réforme française, François Hotman. Il a volontiers cette verve familière et sans façon dont il vient d'être donné des exemples ^. Mais aucun fait précis ne vient appuyer cette hypothèse ; tout au plus serait-on tenté de lui attribuer quelque rôle dans l'im- pression de l'édition de propagande d'Orléans, en raison des relations d'Hotman avec la ville et l'Université d'Or- léans ; mais cela est bien fragile. Il est beaucoup plus vrai- semblable que le traducteur fut Jean Crespin lui-même. La traduction est écrite dans le même style que les pre- mières pages du Lwre des Martyrs de l'édition de 1564. C'est bien sa manière : il y montre la même verve fami- lière et ne craint point les expressions populaires et tri- viales.

Il reste un fait à expliquer. Les éditions latines de 15 19 et de 1562, ne donnent point la prière finale, Devota oratio. Or Jean Crespin en a fait le 47® chapitre de sa traduction. Il s'est donc servi de la seconde édition de Sélestat de 1520 ^ qui donne pour la première fois cette prière. Il avait eu sans doute l'occasion de se procurer un exemplaire de cette édition pendant son séjour en Alsace.


,1. Par exemple dans V Antitrihonien, éd. de 1616, p. 22, 25, 27, 33, 37, 48, 50, 67, 75, 76, 78, 79, 81, 82, 83, 88, 102, 105, III. 2. Voir plus haut, p. 56.


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D'autres éditions du Livre des Martyrs ont succédé à celles de 15 64- 15 65. Mais il se marqua bientôt une grande différence. L'insertion de la traduction complète du traité de la ruine de l'Eglise dans le Livre des Martyrs dut paraître discutable. C'était un hors-d'œuvre, qui, s'il pouvait satisfaire la passion antipapiste de vieux Réfor- més, ne présentait plus guère d'intérêt dans la seconde moitié du xvi® siècle pour la plupart des lecteurs protes- tants. Ce traité était âgé de plus d'un siècle et demi et s'appliquait particulièrement au temps du Grand Schisme. A Genève, on vivait dans le présent, qu'il s'agît du culte local ou de la diffusion par le monde des idées nouvelles. La littérature antipapiste s'était du reste fort accrue et était largement pourvue sous la signature des plus éminents Réformateurs. Enfin le nombre des martyrs de la religion nouvelle allait grandissant ; il fallait faire place à de nouveaux récits, et Nicolas de Clamanges, parmi les soi-disant précurseurs de la Réforme, n'avait été rien moins que martyr^. Toutes ces raisons paraissent avoir déterminé les éditeurs à d'importantes modifications.

En 1570, parut, sans mention de lieu, une édition rema- niée, in-folio, sous le titre : Histoire des vrays témoins de la vérité de V Evangile en 8 livres ^. Le motif qui orne le titre est assez différent de celui de 15 64- 15 65. Surtout la typographie n'est plus la même : les caractères sont plus gros, le texte est plus espacé. En tête du verso du folio 49, on lit : Nicolas Clemangis. Dans le texte le nom de l'auteur est suivi d'un titre plus bref :

Nicolas Clemangis. De la corruption de ce temps. Comment Vestat Ecclésiastique a esté du tout ahastardi et sa corrup-


1. Le fait est reconnu d'ailleurs dans la notice sur Clamanges que donne à la fin du traité l'édition suivante de 1570. EUe se termine ainsi : « Quant au docteur N. de Clemengis, il vescut fort longtemps et mourut de maladie».

2. Sur cette édition, voir la Bibliographie des Martyrologes protestants néerlandais déjà citée, II, 189.


— lo- tion et turpitude descouverte en ce temps a la venue de la lumière de V Evangile ^.

Puis vient une sorte d'introduction sans doute destinée à justifier l'introduction dans le Livre des Martyrs de l'œuvre de Nicolas de Clamanges, ce que Jean Crespin n'avait pas jugé nécessaire en 1564 :

Le royaume de France en ce siècle n'a esté destitué de bons docteurs qui ont descouvert (selon le proverbe) le pot aux roses et la trame du mystère d'iniquité si longtemps ourdie entre lesquels maistre Nicolas Clemengis, docteur de la Sor- bonne et archediacre de Bayeux en Normandie en a laisse si bon enseignement que nous l'avons ici extrait comme un tesmoin que les plus contraires mesmes ne peuvent juridiquement reprocher et dont aussi ceux qui par la grâce de Dieu sont parvenus a avoir des églises reformées auront advertissement de se donner soigneusement garde de rechoir et retomber petit a petit par les mesmes degrez au mesme abysme dont ils ont este retirez. Mais escoutons le parlant en ce point de jour...

Mais ce que donne ensuite l'édition de 1570, ce ne sont que des fragments du traité de la ruine de l'Eglise. Si l'on compare son texte avec celui de 1564, on constate d'abord que quelques lignes ont été supprimées dans les chapi- tres 6, 7, 8 et 13. Le chapitre 14 De la pluralité des béné- fices mesmes incompatibles que tiennent les cardinaux a dis- paru. Disparus également les chapitres 16 En quel estât sont les bénéfices des cardinaux, et 17 Plusieurs autres vices de V Eglise. Le chapitre 18 Des promotions que le Pape a coustume de faire à Vinstance des princes a été transporté après les chapitres 19 et 20. Mais surtout les chapitres 22 à 36 ont été remplacés par un bref paragraphe où il est question surtout des nonnains :

Touchant le surplus du corps de VEglise Romaine.

Le docteur Clemangis ayant déduit et comme par vraye section anatomique découpé les parties supérieures du corps de ceste église pour montrer que depuis le sommet de la teste

I. En marge MCCCCXXVI.


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jusqu'au bout du talon, il n'y a rien d'entier ni de sain et par- lant des mercenaires, des chappelains, chanoines et vicaires, dit en somme que l'Hydre infernale et schismatique commençant du chef, germant trop abondamment et jettant ses branches, a infecté tous les collèges et assemblées par sa semence de vipère. Puis venant aux moines mendians descouvrant leurs vaines et meschantes vanteries et Testât de leur perfection infernale, accouplant avec eux les nonnains, ajoute par conclu- sion : La honte m'empesche d'en faire plus long discours...

Suit alors le texte intégral du chapitre 36 d'après l'édi- tion de 1564. Les chapitres 37 et 38, 40 et 41 ont été réunis deux par deux. Plusieurs lignes ont été laissées de côté au début du chapitre 41 et aussi du chapitre 44. Le chapitre 43 a été supprimé. A la fin du chapitre 37, le nouvel éditeur est intervenu. Après « la partie des pieds qui est d'argile et de poterie », il a ajouté : « Puis adressant sa parole à Dieu, s'escrie disant. As-tu ainsi, o Dieu très bon... » Le texte se termine par la prière finale. L'avis au lecteur qui suivait cette prière en 1564 a été supprimé.

Le nouvel éditeur, quel qu'il soit, a cru utile d'ajouter une courte notice sur les œuvres de Nicolas de Clamanges. Il en fait presque une victime de l'Inquisition, mais convient qu'il vécut fort longtemps et qu'il ne fut pas martyr :

Ce bon et docte personnage, oultre le traite de Testât cor- rompu de l'Eglise que nous avons ici tourné du latin en fran- çois, escrivit d'autres livres, lesquelz eschappez des mains de l'Inquisition papale ont este finalement recuellis en un volume contenant ce qui s'ensuit en latin... En la pluspart de ces traitez et lettres se rencontrent plusieurs censures des horribles confusions de la Papauté ausquelles Ton n'a point remédie, mais au contraire les ténèbres s'y sont renforcées depuis ; et Dieu aussi a fait luire la lumière de sa parole a travers ces ténèbres comme il se verra en la suite de l'histoire des martyrs. Quant au docteur N. de Clamenges, il vescut fort longtemps et mourut de maladie.

L'édition de 1570, qui n'est donc plutôt qu'une suite


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d'extraits, a-t-elle été donnée par Jean Crespin lui-même ?" Cela est encore possible, car il ne mourut qu'en 157a. Les éditions de 1582 et de 1597 ne présentent avec celle de 1570 que d'insignifiantes différences. Celle de 1597 fut faite par les soins de Simon Goulart. Elle fut encore renouvelée en 16 19 par le même éditeur et c'est cette édition qui fut considérée comme définitive ; elle a été reproduite en 1889 à Toulouse dans trois volumes in-40. Ainsi une seule édition du Livre des Martyrs, celle de 1564, tirée de nouveau en 1565, a donné une traduction complète du De ruina et reparacione Ecclesie. Comme cette édition est devenue rare et plus rare encore la brochure de propagande, il a été jugé opportun d'en donner plus loin le texte à la suite de la première rédaction latine.


VIII


LE TRAITÉ DE NICOLAS DE CLAMANGES DU XVIe AU XVIIle SIÈCLE


Bien qu'édité seulement deux fois sous sa forme latine au XVI® siècle et, dans son intégrité, sous sa forme fran- çaise durant ce même siècle, le traité de la ruine de l'Eglise ne fut pas oublié et conserva assez de noto- riété pour être longtemps encore célébré du côté protes- tant, fortement discuté du côté des Jésuites, défendu du côté des Universitaires et des Navarristes. C'est cette destinée contradictoire qu'il s'agit, pour terminer, de reconstituer, sans être certain d'avoir retrouvé tous les auteurs qui dans un sens ou dans l'autre ont eu l'occasion de s'occuper de Nicolas de Clamanges ^.

Peu répandu au xv® siècle, le traité de la ruine de l'Eglise ne paraît pas avoir été discuté avant la fin de ce siècle. Il fallut la Réforme et l'imprimerie pour le mettre en lumière et l'exposer aux discussions et aux censures. Dans l'Index dressé à Venise par l'archevêque de Béné- vent Délia Casa, en 1549, on a vu que figurait le De corrupto

I. On trouvera dans D. Clément, Bibl. curieuse, VII, 171, des renvois aux ouvrages généraux de Cave, Oudin, Fabricius, E. du Hn, Colomiés, etc. qui sont de simples compilations n'apportant pas d'éléments nouveaux mais contiennent de fréquentes erreurs.


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Ecclesiœ statu de Nicolas de Clamanges ^. Un exemplaire imprimé était venu entre les mains de Délia Casa ou de ses collaborateurs. C'est la seule fois que l'ouvrage lui- même paraît expressément dénoncé à la censure ecclé- siastique. Mais VIndex de l'archevêque de Milan en 1554 2, et cinq ans plus tard celui que fit établir Paul IV, condamnent toute l'œuvre de Clamanges, scripta omnia ^. Il est vrai que le concile de Trente admit à correction ces écrits *. La prohibition, bien que conditionnelle et provisoire, d'un provisoire qui a duré jusqu'à Léon XIII, et bientôt même considérée comme limitée à un petit nombre d'écrits ^, tenait ainsi implicitement en suspicion le traité de la ruine de l'Eglise.

La faveur dont ce traité jouissait d'autre part auprès des protestants, le désignait aux représailles des ennemis de la Réforme. Il est à noter cependant que nous ne trou- vons pas les éléments d'une polémique bien précise jusque vers la fin du xvi^ siècle. Lydius, l'éditeur des œuvres de Nicolas de Clamanges ^, cite un certain nombre d'écri- vains qui ont parlé avec éloge de l'auteur et du traité de la ruine de l'Eglise. Parmi ceux qui l'ont signalé sous le titre alors usuel le De corrupto Ecclesiœ statu, quelques-uns seulement appartiennent au milieu du xvi^ siècle, comme Flacius lUyricus et Gessner. Il en est de même de ceux qu'invoque Launoy dans son Histoire du Collège de Navarre '^, comme Jacques de Meyer, Claude de Saintes,

1. F. H. Reusch.Dîe Indices librorum prohibitorum des XVIt^n Jahrkunderts, 139. Cf. A. Coville, Nicolas de Clamanges mis à l'Index au XVI^ siècle, Mélanges Abel Lefranc, 7.

2. Reusch, op. cit., 143 ; — Hilger, Der Index der Verhotener Bûcher, 7,

3. Reusch, op. cit., 198.

4. Reusch, op. cit., 274.

5. Pour ces écrits voir A. Coville, op. cit., 12.

6. Au commerLcement de son édition, Jean Balay, les Paralipomènes à la chronique d'Ursperg, Simon Goulart, Thomas James, Conrad Gessner, Guillaume Whitaker, Du Plessis Mornay, Jean Ivel, Thomas Cantier, Goldast.

7. Regii Navarrae Collegii historia, 576.


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Génébrard. Mais si, du côté protestant, Lydius, et, du côté catholique, Launoy ont jugé bon d'invoquer de nombreux témoignages déjà anciens, c'est évidemment que le De ruina ecclesie avait été déjà très diversement apprécié. D'ailleurs la mise à VIndex des œuvres de Nicolas de Clamanges, même avec l'atténuation qu'y mit le concile de Trente, ne pouvait que troubler l'opinion.

Si cependant ce n'est que longtemps après les éditions de 151 9 et de 1562, dans les dernières années du xvi^ siècle et les premières du xvii® siècle, que les discussions devin- rent plus fréquentes, il est assez difficile d'expliquer ce retard. L'édition française protestante datait de 1564 ; elle avait servi de moyen de propagande. Bien que tron- quée, elle avait bénéficié de la diffusion des diverses éditions ultérieures du Livre des Martyrs dans les milieux réfor- més. Ce fut sans doute une des principales causes de cette sorte de réveil de l'œuvre de Nicolas de Clamanges. Les Jésuites peut être aussi furent-ils pour quelque chose dans la polémique du côté catholique.

C'est en tout cas une coïncidence vraiment curieuse que la fréquence des éditions dans les années 1 582-1613, en Allemagne, en France et aux Pays-Bas. Déjà en 1582, puis en 1597, deux éditions, la dernière donnée par Simon Goulart, du Livre des Martyrs avaient répandu de nou- veau la traduction française fragmentaire du traité de la ruine de l'Eglise. Peu après, c'était le texte latin réédité sans doute en 1601, en tout cas à Londres en 1606 par Edward Buckley dans son Spéculum Ecclesiœ Pontificia ^, puis par Jean Hutter à Wittenberg en 1608, par J. M. Ly- dius à Leyde en 1613 ^, enfin par Jean von Fuchte à

1. Ce Spéculum donne également le traité De materia Concilii generalis et des opusc\iles de Pierre d'Ailly et de Gerson.

2. Il est inutile d'insister sur cette édition. EUe n'a d'autre mérite que d'être plus fréquente dans les Bibliothèques, et à ce titre, elle rend encore de réels services. Mais elle est très défectueuse. Pour le traité sur la ruine de l'Eglise, Lydius n'a pu consulter aucun manuscrit et a dû se contenter de


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Helmstâdt en 1620. Une nouvelle édition de la version française abrégée était encore publiée en 1608, puis en 1619 avec le Livre des Martyrs. Cette succession d'éditions sous les deux formes, latine et française, pendant environ trente ans reste en somme assez mystérieuse.

L'œuvre de Clamanges retrouva ainsi une sorte d'actua- lité. Au même moment, ou à peu près, en 161 3, elle fut discutée en Allemagne et en France. En Allemagne, ce fut entre Hutter, professeur à Wittenberg (1596-1616), théologien protestant passionné, intolérant, et Jacques Gretser, jésuite d'Ingolstadt, écrivain d'une grande fécon- dité qui donna plus de 150 ouvrages et dont toute l'œuvre recueillie au xviii® siècle remplit 17 volumes in-folio. Leur discussion nous est surtout connue par le livre de Hutter, bien oublié : Actio in Jacohvm Gretserum, mona- chum Eawitum. De Imperatorum, regum ac principum Christianorum in Sedem Apostolicam Romanam munifi- centia. Pro Nicholao de Clamangis^ doctore Parisiensi, et theologis lutheranis (16 édition ^.

Je ne scay pourquoy le sieur de Launoy, dit l'auteur de La Contestation 2, qui a mandié partout les éloges pour acquérir quelque créance à cet homme qui n'en eut jamais chez les bons cathoHques, a omis tant de beaux témoignages qu'il receus des plus grands ennemis de l'Eglise, pourqoy il celé que les hérétiques ont les premiers donné le jour à cet autheur dont les cathoHques avoient laissé les œuvres dans les ténèbres... Et qu'il n'a pas dit que depuis ce temps les mesmes hérétiques l'ont tant de fois remis sous la presse, l'estimans tous de leur parti et l'ennemi juré de l'EgUse romaine ; pourquoy il ne s'est point servy d'une trentaine d'éloges que Jean Lydius, un des plus fameux ministres de Hollande, fît mettre en teste de ses œuvres en l'édition de Leyden qu'il procura ? C'est sans doute qu'il se defiat de sa cause et qu'il prevoyoit que son autheur seroit perdu de réputation s'il declaroit ses plus grands encomiastes.

Et l'auteur de la Contestation énumère tous les écri- vains protestants que Lydius a en effet invoqués en faveur de Nicolas de Clamanges et en particulier du traité de la ruine de l'Eglise en tête de l'édition des Opéra parue à Leyde en 1613.

Dans sa Dissertation Launoy avait prié le P. Fronteau de le laisser tranquille. Il l'avait été en effet pendant deux ans ; mais voici que vient de paraître la Contestation. De là les Remarques sommaires sur la Contestation (Paris, 1653, in- 12) où Launoy s'efforce longuement de justifier

1. Svir Possevino et Marguerin de la Bigne, voir A. CovUle, Nicolas de Clamanges à l'Index au XVI^ siècle, Mélanges A. Lefranc, 12, 13.

2. P. 76 et suiv.


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Nicolas de Clamanges. Il reproche à son adversaire treize fautes de jugement. Au reste, comme cet adversaire a gardé l'anonymat, il prend comme auteur responsable Fr. Antoine Sconin, abbé de Sainte-Geneviève, supérieur des Augus- tins de France ^. Launoy défend surtout Clamanges du faux reproche d'hérésie et des éloges que lui ont donnés les Protestants. Il cite pour justifier une telle franchise les exemples d'Athanase, d'Ambroise, de Chrysostôme. Le concile de Constance rie l'a pas condamné, ni le Parle- ment de Paris, ni la Sorbonne. Il a reçu les derniers sacre- ments du curé de Saint-Etienne-du-Mont, lui-même religieux de Sainte- Geneviève ; il a été enterré avec hon- neur dans la chapelle même du Collège de Navarre. Si ses œuvres figurent à l'Index ^ de Clément VIII, c'est « par fausse appréhension et avant qu'elles aient été due- ment examinées ». Ce n'est point une condamnation. Il ajoute que « ceux d'Espagne » qui dans leur Index expur- gatoire « ont taillé et rogné ses livres comme ils ont voulu », n'ont rien précisé, ce qui d'ailleurs était exact. Il est vrai en effet qu'ils n'ont pas mentionné le traité de la ruine de l'Eglise. Il invoque le cas de saint Antonin, archevêque de Florence. Et aux Réformés qu'on a cités, il oppose de nouveau Jean Vatel, Jean Texier, Léonard Sarazin, Claude d'Espence. Henri de Sponde a dit de Clamanges, dans ses Annales Ecclesiastici : Quasi lumen emicabat insi- gnisy vir emunctae naris in notandis erroribus et abusibus. Et il cite d'autres auteurs bons catholiques, qu'il énu- mérera encore ailleurs.

En effet en 1677, tout à fait à la fin de sa vie, Launoy publiait son Histoire du Collège de Navarre, gros livre très savant et encore précieux. Dans la notice sur Nicolas


1. Féret, op. cit., II, 84. Sconin était l'oncle de Racine.

2. Il est curieux de constater que les deux adversaires ne parlent que de l'Index de Clément VIII, qui n'ajouta rien à l'Index de Pie IV. Voir sur ce point A. Coville, op. cit., Mélanges Abel Lefranc, 1, 11.


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de Clamanges, il signale le De corrupto Ecclesiae statUy ouvrage dit-il que recommandent de bons catholiques, et il rappelle Jacques de Meyer, Claude de Saintes, Géné- brard ; les pères du concile de Constance l'ont connu et ne l'ont pas blâmé. Clamanges, répète-t-il encore, avait des adversaires dans la Faculté de Théologie et ils n'au- raient pas manqué de le dénoncer. Les « novateurs » se prévalent vainement de cet ouvrage et veulent en faire une arme contre la foi en l'Eglise. Et il termine ainsi : Ego vero in me recipio et spondeo, sandendce pacis quant un violarunty disciplinam meliorem repertum iri fere nullam, quam contemplationem et imitationem Clamengii. Au reste, il se garde bien de rappeler l'Index de Clément VIII et les discussions antérieures.

L'intérêt donné au traité de la ruine de l'Eglise n'était pas épuisé. En 1671, paraissait à Paris un recueil qui com- mençait par le Tractatus de modo generalis Concilii cele- brandi de Guillaume Durant. Puis venait le De corrupto Ecclesiœ statu avec une pagination particulière, suivi du De emendatione ecclesiœ de Pierre d'Ailly ^. Le traité de Clamanges paraît donné d'après l'édition de 15 19 ; on n'y trouve pas la Devota oratio finale. Les titres de chapitres, dits causae, figurent en marge, ainsi que les renvois des citations. A la fin du siècle, en 1690, E. Brown inséra le De corrupto Ecclesiœ statu dans son édition très augmentée du Fasciculîis rerum expetendarum d'Ortuinus Gratins 2. Il s'est servi de l'édition de Lydius, qu'il présente comme ayant été donnée à Lyon (Lugduni Batavorum) et de celle de Paris de 1671, dont il vient d'être question. Il y a un certain souci d'améliorer le texte. Brown croit pouvoir fixer la date de composition à 1398. Enfin vient en dernier lieu l'édition donnée par Von der Hardt en 1700 dans le premier volume de son grand recueil sur le concile de

1. Voir plus haut, p. 23.

2. II, 555, 560, 568.


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Constance ^. Il a déjà été question de cette édition faite d'après les manuscrits de Wolfenbiittel ^ dont l'éditeur a sans doute exagéré l'importance et la supériorité. C'est seulement le texte remanié. Il en a été donné un tirage à part à Presbourg en 1705.

On trouve encore au xviii^ siècle quelques échos des juge- ments opposés dont avait été l'objet du traité de la ruine de l'Eglise. Le théologien protestant Lenfant en fait l'éloge et déclare que ce n'est ni une invective ni une satire dans son Histoire du Concile de Constance ^, dont la première édition est de 1714 et la seconde de 1727, et dans son Histoire du Concile de Pise de 1724*. Dans ce dernier ouvrage il présente un résumé de l'opuscule de Clamanges. Il est à remarquer qu'il combine les titres : Traité de la ruine et de Vétat corrompu de l'Eglise. Dans l'autre camp on peut signaler le P. jésuite Berthier, rédacteur du Journal de Trévoux, adversaire de Voltaire, des Encyclo- pédistes, de J.-J. Rousseau enfin, continuateur de VHis- toire de l'Eglise gallicane du Père de Longueval, à laquelle il a ajouté six volumes. Il fait l'éloge de Nicolas de Cla- manges au point de vue littéraire, mais non sans réserve : « Le stile assez châtié, mais souvent trop amer, défaut capital de cet écrivain déclamateur perpétuel et satyrique de profession ^ ». Pour le traité de la ruine de l'Eglise, il est très sévère :

Monument des malheurs qu'avait causés le Schisme et la preuve aussi du caractère d'esprit satyrique et extrême de cet écrivain. Clemengis y attaque le pape, les cardinaux, les évê- ques, les chanoines, les religieux, les religieuses, en un mot tous les ecclésiastiques hors les gens d'Université. Dans le feu de sa déclamation, il lui échappe de temps en temps des


1. I, III.

2. Voir plus haut, p. 33.

3. Préf. XXXVIII ; II, 285.

4. P. 66-71.

5. Hist. de l'Eglist gallicane, XIV (1745), 455.


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traits entièrement outrés et contraires à la vérité... Tous ces reproches sont exorbitants ^ ».

Mais il reprend les interprétations de Coeffeteau et de Severt en rappelant que Clamanges a reconnu dans un chapitre qu'il y avait encore de bons ecclésiastiques :

A considérer de près cet endroit de l'auteur, on ne scait s'il ne réfute pas la plus grande partie de ce qu'il a voit écrit contre les mœurs de son temps. Mais enfin quelque idée qu'on se forme de Clemengis et de sa sincérité à représenter l'état de l'Eglise Gallicane, il faut toujours se souvenir qu'il invec- tive contre les personnes, non contre les dignités, contre, les membres des sociétés, non contre les sociétés mêmes, contre les mœurs non contre la doctrine. C'est la réflexion judicieuse de M. Coeffeteau et cette réponse détruit tout l'usage que les hérétiques modernes ont voulu faire de Clemengis et de ses mensonges ^.

C'était un moyen ingénieux, mais un peu facile, de se tirer d'affaire dans le cas de cet écrivain ecclésiastique jugé condamnable, mais non condamné, que VIndex avait menacé de correction plutôt que prohibé.

Il est inutile de poursuivre plus loin la destinée du De ruina et reparacione Ecclesie. Les opinions modernes, d'ailleurs fort rares, n'ont plus d'importance historique. Par suite de la réforme de VIndex due à Léon XIII en 1897, l'œuvre de Clamanges ne peut plus être qu'un objet d'éru- dition.

1. Ibid.

2. Ibid.


IX UEXPOSITIO SUPER YSAYAM


C'est avec le même esprit que, vingt-quatre ou vingt- cinq ans plus tard, Nicolas de Clamanges écrivit sa der- nière œuvre, son vaste commentaire sur les prophéties d'Isaïe. Avec une conception plus vaste et la disposition à se répéter et à voir plus que jamais tout en noir d'un vieillard, ce commentaire paraît en effet dans bien des passages comme l'écho et même le prolongement du De ruina et reparacione Ecclesie.

Le commentaire d'Isaïe, conservé aujourd'hui sous le n*' 137 à la Bibliothèque de l'Arsenal, semble n'avoir pas été consulté, peut-être même ouvert depuis plus de quatre siècles. Le titre : Expositio super quadraginta septem capitula Ysaye est en effet peu alléchant ^. Combien rares sont les commentaires de ce genre qui présentent encore quelque intérêt ? Mais celui-ci est de Nicolas de Clamanges, qui aimait en toute occasion à épancher par écrit ses idées et ses sentiments, ses craintes et sa

I. Lydius dans son édition des œuvres de N. de Clamanges (1613) l'ignore. Launoy dans sa Regii Navarrœ CoUegii historia ne connaît pas le manuscrit conservé cependant au Collège de Navarre. Il donne (p. 579) un renseigne- ment inexact à la fin de son catalogue des œuvres inédites de N. de Cla- manges ; Commentarii in Isaiam Prophetam usque ad caput sexagesimum. Cette mention a été simplement reproduite par la suite, depuis Oudin, Comm. de ScHptoribus ecclesiasficis (1722), III, 2325, jusqu'à Ad. Mûntz, Nicolas de Clemanges, sa vie et ses œuvres (1846), 62.


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piété. Par surcroit, cette œuvre qui, par sa dimension a dû effrayer bien des lecteurs, est de cette dernière partie de la vie de Clamanges sur laquelle on ne sait presque rien ^.

Le manuscrit de l'Arsenal est imposant : de format in-folio, sur beau parchemin, il compte 249 feuillets à deux colonnes 2. UExpositio en remplit 247 ^. L'écriture, de la première moitié du xv® siècle, est la même d'un bout à l'autre ; elle est soignée et claire avec peu de corrections. La tâche fut lourde pour le copiste ; aussi lit-on dans la marge inférieure du fol. 243 v^ ces mots résignés, d'une fine écriture, entourés de légers ornements : Orate pro scriptore. Le commentaire d'Isaïe, après une introduction précédée d'une lettre peinte or et couleurs avec ornements faisant bordure, se développe verset par verset. Jusqu'au fol. 26, la première lettre de chaque verset est une majus- cule rouge ; à partir du fol. 26, la place de cette majuscule est restée vide. Le texte des versets, les citations sont soulignées ; dans les premières pages, quelques passages sont aussi signalés d'un trait en marge. Quelques notes brèves ont été placées dans les marges ; ce sont quelquefois des mots passés par le copiste. On ne saurait définir, comme dans le manuscrit des Epistole de Montpellier*, si quelques notes sont de la main de l'auteur : son écriture était plus ronde et, à l'époque où il a composé le commen- taire, devait être plus tremblée. Le copiste a orné quelques lettres à la plume et ajouté en marge quelques dessins


1. Cf. A. Coville, Gantier et Pierre Col et l'Humanisme en France sous Charles VI, 233.

2. Catal. général des manuscrits. Paris, Arsenal, I, 11° 137, p. 73. Dimen- sions : 350™ sur 250™. Reliure moderne.

3. On trouve ensuite, fol. 248-249,des fragments d'un compte du xv^ siècle concernant le bailliage d'Aunis et de la Rochelle ; ils ont dû être ajoutés- au moment de la reliure.

4. Sur ce maniiscrit revu par l'auteur, n° 87 de la Bibliothèque de la Faculté de Médecine de Montpellier, voir A. Coville, Recherches sur quelques: écrivains du XIV^ et du XV^ siècle, 245.


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au trait. Mais tout compte fait, il paraît bien que le manus- crit a été exécuté sous les ordres de Nicolas de Clamanges. Sur le sort de ce manuscrit, on a un renseignement précis. Au fol. 247 v^, col. 2, on lit :

Hanc solemnem super quadraginta septem capitula Ysaye expositionem de magistro Nicolao de Clamengiis quondam regalis hujus Collegii Campanie, alias Navarre socio, diserte atque luculento sermon e compositam donavit librarie theolo- gorum ejusdem Collegii honorandus magister nostrum magister Guillelmus de Castroforti sepedicti Collegii magister sacre pagine professer prebatissimus.

Orate pre eedem liberalissime datere ut porcienem tum beatis mereatur accipere ^.

Ce Guillaume de Châteaufort fut un des Navarristes les plus en vue de son temps 2. Originaire du diocèse de Bourges, il fut recteur de l'Université de Paris en 1449 ; reçu licencié en théologie à la fin de cette année, il obtint la maîtrise à la Faculté de théologie en février 1450. Grand maître du Collège de Navarre, il y fit de brillants élèves. On lui attribue un commentaire sur les quatre livres des Sentences. Surtout il voulut réformer le régime intérieur du Collège et fut en conflit avec les procureurs de la Nation de France qui usaient à leur gré des bâti- ments de la maison de Navarre. Ses procédés furent très vifs, et du Boulay le qualifie d'impérieux, imperiosus. Son éloquence était jugée fort élégante, et dans plusieurs occasions solennelles il fut chargé de prendre la parole au nom de l'Université. Il mourut en 1491. Né vers 1415, il a certainement pu connaître Nicolas de Clamanges au Collège de Navarre pendant plusieurs années, et c'est peut-être de lui qu'il avait reçu tel quel le manuscrit du commentaire.

1. Ce texte est donné dans le Catalogue général des manuscrits. Paris, Arsenal, I, n° 173, p. 73.

2. Sur Guillamne de Châteaufort, voir Chartul. Univ. Paris., IV, table, et Audarium, II, table ; — Du Boulay, Hist. Univ. Paris., V, 877 ; — Launoy, Regii Navarras Gymnasii historia, 589.


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Nous ne savons pour quelle raison le manuscrit 137 est venu de la Bibliothèque du Collège de Navarre à la Biblio- thèque de l'Arsenal ^.

UExpositio s'ouvre par une sorte de préface, où Nicolas explique pour quelles raisons il a cru devoir entreprendre ce long commentaire. En voici l'incipit :

Quoniam inter omnes divinas scripturas que celesti révé- lante oraculo ad salutem humani generis conscripte sunt, nulle tantis videntur obscuritatibus in volute quam prophetice...

Cette préface ne fournit malheureusement aucun détail sur les circonstances et les conditions dans lesquelles l'auteur se trouvait alors. Il ne donne que des généralités : il insiste sur la nécessité de faire comprendre les révéla- tions des Prophètes, surtout celles d'Isaïe. Il dit modeste- ment que ce n'est pas toujours aux plus savants que le Seigneur a confié ses secrets, mais parfois seulement parvults solis atque humïlïbus. Il est lui-même parmi ces humbles.

Nicolas de Clamanges avait certes l'ambition d'expli- quer les soixante-six chapitres du Livre d'Isaïe. Mais pour un commentateur qui avait tant d'expérience et qui connaissait si bien les Livres Saints, l'entreprise était bien vaste pour n'être pas téméraire. Au fol. 156, il a dû s'arrê- ter une première fois. Lorsqu'il a repris sa tâche, il a inséré cette courte note pour justifier cette interruption :

Opus hoc explanacionis in Isaiam prophetam quod utique super vires est imbecilles nimium atque exiguas, mensibus aUquot propter turbines nos graviter et jugiter concussientes intermissum rursum repetere atque resumere honoris nostri ratio admonet ne illa fortassis evangelica exprobratio - nobis merito possit aptari : Hic homo cepit edificare et non potuit consummare, quanquam non sum nescius quanta in tanti operis quantum sumus aggressi consunmiacione sit futura difficultas, cum in portione longe minori tanta jam hactenus

I. Sur les manuscrits du Collège de Navarre entrés à la Bibl. de l'Arsenal, voir Cotai, général des manuscrits. Paris, Arsenal, VIII, 510.


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faerit. Sed prece nobis assidua lUe pulsandus est, qui révélât occ^llta de tenebris et abscondita perducit in lucem, ut qui hactenus non nostris meritis, sed sue gracie largicione nobis affuit. In his eciam que supersunt sua propiciacione abundan- ciam nobis impertiri dignetur, sine qua in sublimis Prophète arduissimis explicandis misteriis non magis atque scandali nobis liceret periculo incedere quam, ceco duci destituto, diu liceat inter lapides, foveas atque precipicia sine offendiculo ambu- lare. Et quoniam grandis ac difficilis adhuc nobis via superest, nichil opus esse videtur in longis prologis quasi amenis quibus- dam diversoriis diu incassum tempus terere, itaque longa jam quieti veluti in hospicio refectus, rursus ad viam conficiendam quam suscepimus, accingamus ^.

Il semble bien que ce sont des troubles de santé qui ont obligé Nicolas de Clamanges à interrompre son travail durant plusieurs mois. La tâche était — du moins telle qu'il la comprenait — au-dessus de ses forces affaiblies ; car il devait avoir près de soixante-dix ans. Cependant il se remet à la besogne avec courage, persuadé qu'il répond à une sorte d'ordre divin. Il lui reste encore plus à faire qu'il n'a fait jusqu'ici.

Mais il avait de nouveau trop préjugé de ses forces : il est cette fois définitivement resté en route. Les derniers mots écrits au bas de la première colonne du fol. 247 v" répondent au premier verset du 48® chapitre d'Isaïe. Audite hec domus Jacohi quem vocamus Israël et de aquis Juda existis qui intratis in nomine Domini et Dei Israël recordamini non in veritate neque in justitia. A vrai dire, c'est la copie qui s'arrête là. Nicolas de Clamanges avait- il dû suspendre au même point la composition de son commentaire ? Cela est probable 2. De toute façon,


1. Fol. 156, c. 2.

2. On serait peut-être tenté de tirer une autre conclusion de ce que dit Launoy, Regii Navarrcz Gymnasii Historia, 579. A la fin de son catalogue des ouvrages de N. de Clamanges restés inédits, il signale le commentaire sur Isaïe usque ad caput sexagesimum. H ajoute qu'il a établi son catalogue d'après un manuscrit de Clamanges qu'il possède et d'après un second manuscrit appartenant à Raymond Formentin, maître en théologie de


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l'œuvre a dû rester inachevée, et la note de Guillaume de Châteaufort atteste que du moins la mise au net n'a pu dépasser cette limite.

Il est assez facile de dater le commentaire. En raison de sa longueur, sa composition a certainement demandé un certain temps. Nicolas de Clamanges fait allusion au traité de Troyes, à la mort des rois Henry V et Charles VI, au conflit entre les deux jeunes rois Charles VII et Henry VI. Il n'y a pas d'Empereur, Sigismond n'ayant pas encore été couronné '^. Les événements ecclésiastiques sont plus précis : il y a presque cinquante ans que le Schisme a éclaté dans l'Eglise latine, ce qui donnerait 1428 ; mais ailleurs l'auteur est plus exact, quand il dit depuis quarante- sept ans, ce qui donne 1425 2. Dans les premières pages, on pourrait croire que Benoît XIII est encore vivant ; du reste sa mort ne put guère être connue de Clamanges qu'à l'été 1423 ^, et plus loin il est question des difficultés que son successeur, sans doute Clément VIII, rencontre en Espagne, ce qui nous porte vers 1425 *. Enfin un fait précis fournit une date ferme : Le Mans vient d'être pris par les Anglais, recenti obsidione tandem suhjugatam ^. Or Le Mans a capitulé le 2 août 1425 ®. On doit donc penser que Nicolas de Clamanges a travaillé à la première partie de son commentaire peut-être dès 1423, en tout cas dans la seconde moitié de 1425, et même encore en 1426 '.

Paris, chanoine de l'église d'Orléans. Or le commentaire sur Isaïe est d'une dimension telle qu'il ne pouvait faire partie de ces deux manuscrits conte- nant les autres oeuvres inédites de Clamanges ; il n'a pu former qu'un manuscrit à part, surtout s'il s'étendait jusqu'au chapitre 60. Le fait que Launoy ignore le manuscrit du Collège de Navarre montre bien qu'il ne parle que par ouï-dire du commentaire sur Isate.

1. Il ne le fut que le 31 mai 1433.

2. Fol. 28 v».

3. N. Valois, La France et le Grand Schisme d'Occident, IV, 450.

4. Fol. 161 v». — N. Valois, op. cit., IV, 472.

5. Fol. 93 v-o.

6. De Beaucourt, Hist. de Charles VII, II, 20 ; Cosneau, Le connétable de Richemont, 108.

7. C'est ce que paraît marquer au fol. 66 la mention du sac de Mar-


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Voilà donc à notre connaissance l'activité littéraire de Clamanges notablement prolongée.

Il n'y a pas lieu de s'étendre sur la méthode de l'auteur. Il cite le premier verset de chaque chapitre d'Isaïe, et y attache un développement plus ou moins long. Il connaît à fond les Livres Saints, en particulier les Prophètes et multiplie les citations, surtout celles de Jérémie. Quelques Pères sont fréquemment invoqués, ainsi saint Jérôme et saint Augustin. Point d'auteurs profanes. Un sens mystique est presque toujours donné aux textes des Ecritures, aux prophéties d'Isaïe. L'histoire d'Israël est pleine d'allusions et de révélations sur les événements les plus récents. La royauté de Babylone est une préfiguration de la royauté au xv^ siècle. L'Egypte, c'est la Gaule ; les Egyptiens, ce sont les Français, les Assyriens, les Anglais, les Chaldéens, les Allemands. Aussi est-il souvent difficile d'extraire du texte tout ce qui concerne les faits et les personnages contemporains de l'auteur, tant l'histoire sainte est entremêlée au présent.

Cependant le commentaire sur Isaïe présente un vif intérêt par les retours constants de Nicolas de Clamanges sur son temps, sur le Schisme, sur l'Eglise, sur les événe- ments politiques. Et d'autre part il nous révèle chez ce vieillard d'une culture étendue, d'une si longue expérience, mais d'une sensibilité encore vive et passionnée, un état d'âme qu'il est précieux de recueillir.

Les affaires de l'Eglise le préoccupent avant tout, et parmi les affaires de l'Eglise, le Schisme. Saint Paul l'a prédit. Le roi de France Charles V par sa décision préci- pitée, per precipitam determinationem ^, l'a aggravé. Saint Paul encore a prévu la soustraction d'obédience au vrai pape, et là est la cause de tous les maux présents, quam

seille parle roi d'Aragon en novembre 1423, necdum triennio lapso. Sur ce fait, cf. Ruffi, Histoire de Marseille (1696), I, 252-257. I. Fol. 66.

CLAMANGES 7


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omnium que patimur malorum radicem esse non duhito'^. Clamanges a conservé intacte la mentalité ardente avec laquelle plus de vingt ans auparavant il composait le De ruina et reparadone Ecclesie. La grande victime de la sous- traction, par suite du Schisme et de la ruine de l'Eglise, c'est Benoît XIII, auquel il a gardé une fidélité à toute épreuve. Ce pape, on l'a vu déjà, fut pour lui l'homme le plus vertueux de son temps, le seul vrai pape :

Sanctus ille et Benedictus pontifex, cujus similem non dico pontificem, sed nec hominem in mundo vidi... ^ Vir sanctus Dei et orthopontifex celestique jampridem facta revelatione certissimus Christi vicarius Benedictus XIII, nostri nubilosi temporis luna et decus singukre ^.

Clamanges rapporte à plusieurs reprises les infortunes du pontife, sa captivité dans le Palais d'Avignon, son exil, les machinations dont il fut victime, sa déposition à Cons- tance, qui fut le pire des crimes, cumulum maleficii. Il a pour Balthazar Cossa, Jean XXIII, une terrible animosité, pontificem... omnium quos terra sustinehat sceleratissimum *. S'il ne dit presque rien de Martin V qui lui a fait des avances et a voulu le rappeler comme secrétaire ponti- fical ^, il ne lui montre aucune sympathie : il rapporte une rumeur d'après laquelle ce pape aurait détourné des croisés levés contre les Turcs pour les envoyer soutenir le roi de Sicile. Et après avoir cité Martin V, dans une phrase générale, il écrit : Ista est ahsque dubitacione abho- minacio desolationis stans in loco sancto ®. Il rappelle briè- vement les Conciles: Sed nichil est in omnibus utile gestum, immo morbus ipse remediis ineptis prorsus atque vio-


3. Fol. 4 v°. tz. Fol. 17 v°. 3. Fol. 28 v°. .4. Fol. 66, 117 v°.

5. Sur les avances que dut lui faire Martin V, voir A. Coville, Goniier et Pierre Col et l'Humanisme en France sous Charles VI, 233.

6. Fol. 28.


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lentis... in détenus semper aggravatus i. Du reste pour lui, le Schisme n'est pas fini. Il paraît admettre ainsi les tristes successeurs de Benoit XIII en Catalogne et dans le Midi de la France. Selon lui, on est toujours dans le Schisme cujus necdum caudam videnus ampu- tatam... Adhuc si qiiidem mdnus restât, adhuc livor superest, non est malagma oppositum, nec suavitus atheis (sic) vulnus alligatum, non est unguento sanitatis tiimor mitigatus. Et Clamanges se demande encore : Ouid est verum papam fateri et illi non obedire, nisi extra Ecclesie gremio sese aperte profiteri ^ P

Dans ces troubles et cette détresse, l'état de l'Eglise ne s'est pas amélioré. Ce sont les mêmes traits que dans le traité de la ruine de l'Eglise.

Quis enim Curie Romane, vicia, sordes, symonias, indignas promociones, pompas, fastus, avariciam, vénales gracias, cavillaciones, fraudes, dolos, decepciones, judicum subor- naciones, testium, notariorum, patronorum corrupciones cete- raque possit peccata verbis aut calamo consequi ?... ^

Romani pontifices angarias super clero imponunt, décimas extorquent, jura patronorum usurpant, antiquas ecclesiarum libertates évacuant, consuetudines aboient, cuncta ad se revo- cant ut domine Cupiditati satisfaciant omnique experte aurei rivuli ad curiam suam defluant. Donantur gracie et bénéficia personis ignotis, personis ignoratis et inutilibus, vita, gradu, fama, manibus prorsus immeritis. Nulla de moribus aut vita sit questio, nulla de ovium pastu, visu, auditu, confortio, doctrina et erudicione. Omitto de cardinalibus loqui in quibus cardo avaricie simonieque sororis sue maxime volvitur *,..

Pontifices vivunt de cleri rapina, qui eciam saeros ordines passim et publiée venumdant, Quin eciam non nuUos eorum illos arguere voluerunt, qui illud nequaquam licere sentie- bant. Quid de dispensacionibus dicam, immo de dissipacio- nibus, de angariis super clerimi sepius impositis, de cassatis


1. Fol. 28.

2. Fol. 4 yo.

3. Fol. 4.

4. Fol. 10 v°.


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eleccionibus, ademptis coUacionibus graduum ecclesiasti- conim ab ordinariis, de reservacionibus majorum dignitatum» de rotulis et expectacionibus, de pluribus simul retruendis parrochialibus ecclesiis, de licencia non residendi in illis, de mercenariis hodiernis per quos contra doctrinam evange- licam nunc universa fiunt, quod demum vere spelunca latro- num Ecclesia facta est ?... ^.

Parfois Nicolas de Clamanges ajoute un souvenir per- •sonnel :

Audivi ego a viro insigni, qui eciam tune in vita super est, de convivio interfuisse in quo viri ecclesiastici honorabiliter ac magnifiée titulati e convivio palam surgebant ad vomi- tumque procedebant, staumacoque per nauseam exonerato, protinus récentes et parati ceteros de more convivas equalibus rursus poculis more loci ac regionis vehementer invitabant 2.

Plus discrètement, il signale un mal plus grand encore,, l'incrédulité :

Inebriantur autem perfidi prelati atque scelerati non vino, sed, quod deterius est, incredulitate scelerataque infidelitate, quoniam plerique eorum non credunt, nec contremiscunt^.

Cette fois, Nicolas de Clamanges s'en prend, assez brièvement d'ailleurs, aux Universités, surtout à celle de Paris. Il commence par blâmer l'abus de la parole :

Cuncta siquidem et Ecclesie Dei et regni ipsius illic conflata sunt ac suscitata scandala. An non illic excitata sunt bicipites flammiferarum linguarum bella civilia que regnum plagis inauditis ad exitimi universalem conficiunt?,.. Nec solum ibi originem Ecclesie persecucio sortita est, sed incrementum execrabile in sacratissimi pontificis Benedicti tercii decimi nephanda persecucione atque intra domun propriam carcere, famé, obsidione, igné, gladio, exercitu, calamitosaque per quinquennium persecucione, que omnia ministerio pestife- rarum linguarum a Gehenna inflammatarum peracta sunt... Universitas iniquitatis lingua constituitur, in membris nos»

1. Fol. 179 v".

2. Fol. 145.

3. Fol. 155 v°.


lOI

tris que maculât totum corpus et inflammat rotam nativitatis nostre inflammata e Gehenna... NonnuUa Gallie Ytalieque Studia propter perniciem doctrine dissipanda ; quod quantum ad Galliam attinet, non solum de Parisiaco maxima ex parte, jam gestum cernimus, sed de ceteris quasi omnibus que nomi- nis ac famé gloria antea in regno floruerant, quia nec liber ad singula jam patet aditus, nec commeatu aut viatico studen- tibus necessario propter viarum discrimina satis fulciri préva- lent. Precipue autem Parisiacum Studium in rébus Ecclesie agitandis, ut non dicam sagittandis, et in belli rébus lingue gladio acuendis in aliquibus membris suis principatum tenuit ^.

Et plus loin Clamanges critique les maîtres eux- mêmes :

Ve vanis et fastu tumentibus magistris de gradu et birreto et magisterio et multitudine auditorum inaniter exultantibus, qui in studiis ocio torpentes ne predicant, ne populum docent, qui rectores omnium sunt, nec eas regunt aut visitant, sed contra evangelicam admonicionem mercenariis universi regendas committunt 2.

Les concordances avec le traité de la ruine de l'Eglise ou les additions ne concernent que les questions ecclé- siastiques ; mais on ne saurait passer sous silence les commentaires sur d'autres sujets où Nicolas de Clamanges, en dépit de sa réserve, exprime le fond même de ses senti- ments dans ces années si troubles qui suivirent le traité de Troyes, alors que la guerre sévissait partout. S'il reconnaît les mérites de Henry V, le roi d'Angleterre fertis et prudens qu'il a dû faire solliciter pour conserver son canonicat de Bayeux, il est profondément ému par les malheurs du royaume, patriam nostram ^. Il donne un souvenir attendri à Charles VI :

Ut in curia nemo inveniretur rege pauperior, qui sepe nec vestem habebat nec equum nec vas argenteum. Universa aut

1. Fol. 66.

2. Fol. 14g.

3. Fol. 65 v<>.


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OS devorabat aut Gnatonici auferebant, sic que omne quod in os intrabat quasi missum in saccum pertusum celeriter per porticum defluebat ^ . , .

C'est notre roi, rex noster. Ses derniers jours ont été si tristes :

Succisus est rex ipse et ante mortem suam regnum suum vidit coram oculis suis ad hostes translatum emulumque atque hostem vetustum regni sui gubernatorem. Succisa est tota masculina ejus progenies, une duntaxat dempto qui quasi exul ac profugus in suo regno est... ^

Nicolas de Clamanges s'exprime avec force contre le traité de Troyes et contre les Anglais. Les paroles d'Isaïe y font allusion :

Arbitrer itaque in verbis istis Gallorum nostrorum Anglo- rumque fedus et concordiam insinuari, quod inter partem Burgundionum Anglosque hac tempestate conflatum videmus, que fédère non solum Angli Assirii in copiosa multitudine in filiam introierunt Egipti, sed vis atque titulum regni, parte illa consentiente, licet altéra reluctante, vendicaverunt hodieque vendicant ^,.. Ecce in manu hostili, in manu crudeli, in manu aquilonari, in manu Anglorum vetustissimorum hostium atque crudelissimorum Franciam nostram traditam gemimus qui hostili anime veterique odio cuncta dissipare, confun- dere, exterminare et profligare gloriantur *...

En Normandie, on voit débarquer des bandes de colons anglais, pauperculos agrestes, qui arrivent misérables, s'installent sur les terres des grands seigneurs et y font fortune ^. Rouen a succombé. Le Mans vient d'être pris. La plaie anglaise s'est étendue sur le Maine.

Au reste un noir pessimisme a envahi l'esprit du vieil- lard, qui déjà dans sa maturité avait l'humeur inquiète et craintive. La ruine est partout ; partout des menaces

1. Fol. 103 v°.

2. Fol. 97.

3. Fol. 105 v".

4. Fol. 109 vo.

5. Fol. 105 v°.


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de maux plus grands encore. Les églises sont rasées au niveau du sol ou sont devenues hàbitacula latronum, receptacula lenonum atque scortorum -. Que de villes ravt- gées jusqu'à Florence, floremque Emilie Florentiam, jusqu'à Damas ! Il n'y a plus rien :

Non est imperator, non est pontifex certus Scismatis reli- quiis adhuc perdurantibus, non est nobis rex, non est lex, non est propheta, non est fides in terra, non est justitia, non est Veritas, non est cura salutis, non zelus animanim, non timor Dei, non metus Géhenne, non obediencie disciplina, non virtutis studium, nec fervor caritatis, lacerata est lex, perdita et prostrata 2.

Le désordre est au comble. Deux enfants, reguli, se disputent la France ; le roi d'Ecosse est prisonnier ; la guerre est déchaînée en Sicile ^. Les princes sont entourés de jeunes gens efféminés qui, in luxu et inertia, ludis et choreis nocturnis cum jwvencularum gregibus ad reipublice gubernacula instruuntur * ! Ils se reposent tout le jour et passent la nuit en concerts, en parades, en danses, en compagnie sans doute des maîtres des ténèbres, ministris proculdubio tenebrarum astantibus et forsitan cum iïlis saltantïbus ^. Et pourtant il y a un grand danger qui menace toute la chrétienté et sur lequel Clamanges revient volontiers : ce sont les progrès des Infidèles, des Turcs. Nul ne l'a prévu plus fortement : toutes les haines, tous les conflits devraient se taire et cesser pour obtenir l'union contre les Infidèles.

Par-dessus tout ce qui émeut Nicolas de Clamanges, c'est la désolation extrême du royaume ; il la décrit plu- sieurs fois avec une force singulière. En voici un exemple :

Que carta, que capax pagina, quis déni que grandis posset

1. Fol. 169.

2. Fol. 109 v°.

3. Fol. 57.

4. Fol. 104.

5. Fol. 128.


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liber nostrorum rapinas dierum, ut cetera omttamus mala nuUi prorsus ineffabilia, explicare ? Déserta est usquequa- quam furoreque belli civilis ad summum profligata Ga lia nostra ; regionem nostram coram nobis, ut in anterioribus jam promissum est, alieni dévorant, et devorabitur, et sicut in vastitate hostili, quod jam procul dubio gestum conspicimus, depopulatur et ad summum patria univerba. Urbes precla- rissime famé contabuerunt, et cesorum corporibus campos passim opertos contemplari licuit, quod lupi et fede volucres vulgo devorabant. Nemo incola in villis, nerao pastor in pas- cuis, nemo in rure agricola. lUi ipsi qui solebant patrie propu- gnatores, nescio quo venenato poculo, facti sunt illius exter- minatores. Opiliones et bubulcos (sic) ab agris ad urbes ipsas jam convolaverunt ut illic cum gregibus média pereant. Nec ab extemis tantum hostibus laceratam cernimus infelicissimam. patriam : illi ipsi qui ab alienis vastatoribus illam defendere deberent, militares nostri acerbius oppugnant. Quid de sepulta me loqui attinet justitia, cum latrones atque publicos homi- cidas aliorum judices intueri licet... Arva arentia squalent, nullo cultore fulcata, nuUo viatore calcata, nullo satore vel messore frequentata. Solitudo ubique, vastitas undique, spine sentes et urtice calles atque viaspublicasoperiunt, nec tantum vias ac semitas nullo transeunte calcatas obtegunt, sed in templisjamacpalatiis vulgo oriuntur, Quid insignium referam urbium desolationem, principum tantorum vel necem vel miserabilem captivitatem ? Quid de ecclesiis loquar ? Ruina et calamitate indignaque oppressione facta est vidua domina gentium. Princeps provinciarum facta est sub tributo. Qui vescebantur voluptuose interienint in viis, qui nutriebantur in croceis, amplexati sunt stercora. Adhesit cutis hominis ossi- bus pre famis angustia. In animalibus nostris afferebamus panem nobis a facie gladii in deserto. Si exienmt ad agros, ecce occisi gladio, si civitatem ingrediatur, ecce attenuati famé... Nichil aliud jam inter nos vita hominum esse videtur, nisi quedam fecundissima raptorum predatorumque officina... Nulla sane, sicuti arbitror, reperietur historia que tam célèbre référât regnum tanta per rapinas et predas celeritate destructum.

La forme est difficile, pauvre, souvent incorrecte. Ce vieil homme manque de souffle. Et cependant, dans ce large tableau brossé un peu au hasard, il y a quelque grandeur. L'auteur est un témoin et sa rhétorique est


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d'accord avec les récits réalistes du Bourgeois de Paris.

La nature elle-même ajoute-t-il, est bouleversée. Tout est sombre présage pour Clamanges :

Tempera quippe turbida et caliginosa prêter solitum vide- mus. Nubes dense solem obducunt et quotidiane pluvie in canicularibus eciam diebus super terram erumpunt. Rare limam, rare stellas nocte conspicimus ; sed terribili prodigio nuper illas in medio die contemplari licuit. Sepe solem in ortu suo obtenebratum contuemus, ambosque solito crebrius eclip- sim preferre. Nulle tempère tantas stellas cum face flammifera cale labi vidimus !... ^

Ecce tremores terrarum, ruinas nubium, desolacienes regne- rum, eccisionesque mirabiles in lecis plurimis ac regienibus quetidie audimus, hyatus montium, fremitus marium, inselitas fluminum per sata lenge vagantium inundacienes, que pentes evertunt, nautas mergunt, naves ebruunt. Quid de aère dicam turbide et jugiter nubibus atris ebducte, adee ut in média estate vix selem videamus ? Quid de celé, de sideribus, de luna denique ipsa sanguinee, juxta Jeëlis vaticinium, rebere sufîusa 2 ?

Avec ces pensées toujours plus sombres, l'imagination de Nicolas de Clamanges se remplissait, en même temps que d'interprétations mystiques, d'allégories et d'inven- tions apocalyptiques : In quo quidem deserto sunt leones superbie, grifes iracundie, apri luxurie, ursi voracitatis, muli pigrie, porci luxurie, milvi rapacitatis, falcones tena- citatis^. Il était de plus en plus convaincu que tous les maux dont il exaltait la gravité venaient du Schisme, des crimes contre Benoit XIII, de la corruption de l'Eglise, de l'anarchie politique. Il fallait invoquer et mériter la clémence divine. Il appelait la venue d'un maître tout- puissant pour remettre tout en ordre. Mais il ne concevait pas une réforme venue du siècle.

1. Fol. 72.

2. Fol. 219 v°.

3. Fol. 209 v".


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Après le commentaire sur Isaïe, la nuit se fait pour nous sur les derniers jours de Nicolas de Clamanges. On ne sait plus que la date de sa mort une douzaine d'années plus tard, en 1437 ^.

I. A. Thomas, La date de la mort de N. de Clamanges, Remania, XXV (1896), 131.


DE RUINA ET REPARACIONE ECCLESIE

(TEXTE)


Le texte donné ici est celui du manuscrit latin 3128 de la Bibliothèque nationale, contrôlé et amendé par le manuscrit latin 3625 de la même bibliothèque. Comme il a été dit plus haut, c'est le premier texte du traité de la ruine de l'Eglise, plus coraplet et bien moins incorrect que celui des premières éditions, reproduit parles éditeurs. postérieurs, et aussi que celui qu'a donné Von der Hardt au tome I de son Magnum Constan- iiense Concilhim d'après les manuscrits de Wolfenbiittel. Les variantes qu'on trouvera en note, sont présentées d'après l'édi- tion de Leyde de J. M. Lydius, laquelle copie simplement les éditions de 1519-1520 ^' S'il a été procédé ainsi, c'est que les exemplaires des Opéra de Clamanges édités par Lydius sont encore assez fréquents et facilement accessibles, tandis que les éditions de 1519-1520 du traité de la ruine de l'Eglise, surtout la seconde, sont fort rares et classées dans la réserve des biblio- thèques qui les possèdent.

Il n'est pas sans intérêt de donner également ici les Errata insérés dans la première édition de 15 19 :

Errata quae ah exemplari depravato contigerunt^.

A.

Fa. III. Avangelium, le[ge] Evangelium.

Fa. V. nam ecclesiae plus ministros le. ipsius ministros.

Fa. VI. Cui se toto devoverant le. totos.

B.

Fa. II. Frigescente te charitate. te [le. ?] habundat. Fa. V. rectoresque in illis tum laudabiliores. deest vita. Fa. VIL Quod creberrimas décimas, le. Quid.

1. Ces variantes sont indiquées par la lettre L. Il n'a été donné que celles qui peuvent modifier le sens.

2. Le texte imprimé n'indique que les folios. Mais lesErrata s'appliquent aux pages, faciès, d'où l'abréviation Fa.


IIO


Fa. II. qui absque controversia beneficium tulit. le. tulerit. Fa. III. quoniam Tagus, le. quam Tagus.

Nisi his auctoritatbus, le. auctoribus eadem fade. Fa. IX. Quales in aulis principura frequens, le. fréquentes.

Ut bénéficia tenent ignari, Aut. le. fade eadem. Fa. X. Denique si quis pastor surrexit, le. surrexerit. Fa. XI. Exploratores criminum quas promotores, le. quos. Fa. XIII. Absque suo dispendio, deest uUo.

D.

Fa. II. Suo tupi, le. tuxpi.

Fa. III. Suo viperio semine, le. viperino.

E.

Fa. I. Discedant quidem a fide, le. quidam.

Fa. II. Operta, le. aperta.

De qua si quem videat. le. libeat. Deest ampliora, noscere CyrUlum videat.

Fa. VI. In archa salutatus, le. salvatus.

Fa. VII. Enisi iusden malicia fecit. le. nisi ejusdem.

Fa. VIII. Et quae minantur onera super te nisi desipis, le. resipis.

F.

Fa. I. Et insanias falsas super divina, le. super te.

Aut vigebit qua sua, leg. quae eadem fade. Fa. II. lUis relinquam que cum eo, leg. qui cum eo.

Qui ita se servorum, deest servum eadem fade. Fa. III. Ut magis quilibet eorum, deest papa. Fa. IIII. Ut nuUa opéra curari valeat. deest altéra. Fa. VII. Fronte enim contra Deum observata. le. obsti- nata.

G.

Fa. IV. Intus foris vero, deest lupi.


DE RUINA ET REPARACIONE ECCLESIEi


Cum hesterno die Sacrorum Eloquiorum codicem arri- puissem et que primum obvia fuit primam Pétri epistolam légère cepissem, incidi in ea verba quibus Apostolus ait : Tempus est ut incipiat judicium de Domo Dei^. Que non sicut partes ceteras epistole in transcursu pervolavi, sed, lectionis impetu aliquantulum remorato, concussam horrore quodam quasi repente suborto mentem meam in hiis herere coegi atque in se verba illa alcius tenacius que defigere. Occurrerunt illico animo satis horrenti et perturbato pressure ac calamitates, quas nunc Ecclesia perfert, quascumque majores, multo nisi falsum mens conjicit, passura est.

Occurrerunt et pariter cause tantorum malorum justissime, nam cum Ecclesie ipsius ministros, quorum dos et possessio Christus esse débet, ab omni contagione terrene cupiditatis excussos esse oporteat ; cum pudicos esse conveniat, ab omni inquinamento carnisque petulancia alienos, qui celestia sacra- menta preciumque dignissimum redempcionis humane tractant, conficiunt aliisque conferunt ; cum pii esse debeant qui piissi- mum judicem vicaria sorte représentant, tam justi qui justis- simum, humiles qui humillimum, concordes et pacifi qui pacis atque concordie inter Deum et homines esse debent concilia- tores ac mediatores ; postremo cum eos deceat omni luce virtutum clarescere, qui in spécula positi, forma et exemplar Vivendi ceteris esse debent. Si ^ pro his atque aliisque quibus adornari debent virtutibus, omnium coUuvione viciorum conta- minati sunt, quid tandem mirum esse débet*, si illis multa

1. Ainsi qu'il a été dit plus haut, p. 17-18, ce titre se trouve à la fin du ms. latin 3128 de la Bibliothèque nationale et en tête du ms. latin 3625.

2. Ep. de s. Pierre, IV, 17.

3. L. Sed.

4. L. esse débet manquent.


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adversa adveniunt, aut si aversus ab eis Deus suorum ^ imma- nitate facinorum dicat per verba Psalmiste : Odivi ecclesiam maligfiantium ^. Atque ut pauca de vitiis ipsorum horum minis- trorum ^, quibus ab irato Deo jure affligi et plecti * merue- runt, enumerando perstringam, primum a cupiditate, que omnium fomes ac radix est malorum, initium sumamus.

Capitulum primum. De causa primitive fundadonis et donacionis ecclesiarum et monasteriorum.

Nemo est, ut opinor, qui non satis audierit et mente teneat quantum Christi Ecclesie ministri ^, viri utique probata virtute clarissimi omnique tempore laude merito celebrandi, terre- nam opulenciam contempserint, quantum nulla cura vel labore temporalia commoda quesierint, solis ^ victu et vestitu eisque peitinentibus "^ habunde contenti : Habentes, inquit Apostolus, victum et vestitum ^, Mis contenti simus, quantum * liberaliter rem familiarem, si fortassis illis ^^ aliunde uberior obvenerat, ad inediam paupenim sublevandam erogare cura- verint. Metuebant profecto devotissimi homines, solam rerum celestium meditacionem animo gerentes, ne, si ad hec transi- toria ampelectenda suum habundantius^^ affectumadjecissent, tanto animus eorum a spirituali contempla cione cui se totos devoverant avocatus, minus in Deum ferretur quanto esset ad inferiora curanda atque cogitanda inflexus, cum celesti essent ore imbuti ^^ : Deo pariter clc Mammone servirinon passe. Sed divina gracia agente, quanto magis aspernebantur tem- poralem superbiam^^ aut gloriam, tanto illis habundancius omni ex parte affluebat, instar umbre que sequentem fugit, at vero ubi fagias ^*, semper indefessa comes insequitur.

1. L. suorum manque.

2. Psaumes, XXVI, 5.

3. L. horum ministrorum manquent.

4. L. et plecti manquent.

5. En marge, d'une petite écriture : Quomodo in primitiva ecclesia vive- bant ecclesistici viri (B. nat., lat. 3128, fol. i v»)

6. L. solo.

7. L. eisque pertinentibus manquent.

8. L. alimenta et quibus tegamm:.

9. L. quanque.

10. L. fortassis illis manquent.

11. L. paulo latius.

12. L. Docti insuper cœlesti magisterio pour cum... imbuti.

13. Z,. Substantiam.

14. L. Si fugias.


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Cémentes etenim seculares hommes tam principes quam alii locupletes ejusmodi virorum Dei sanctam et sinceram conversacionem ab omni terrena fece igné divini amoris excoc- tam, certabant undique, illis quamvis renitentibus ^, bona copiosissima congerere, ut, ab omni cura soluti, fervori possent devocionis absque interrupcione liberius incumbere, beatos se existimantes si aliquid de suis opibus in usus istîusmodi contulissent, aut, si devoti illi et Deo digni homines taie quip- piam ab ipsis ^ recipere dignarentur, pro suorumque expia- cione peccatorum apud divinam clementiam intercessiones fieri.

Sic multis preclaris dotibus opibusque magnificis Ecclesia aucta et insignita est, sic fundata cenobia, conventus instituti, extructa capitula atque collegia, sic sedes pontificales et parochie exorte, sic templa, sic basilice pulcherrime sumptibus ingentissimis et mirabili opère ex principum plebiumque^ impendio fabricate ; sic denique omnes gradus universeque professiones hominum ecclesiasticorum militancium* in amplissimas copias excreverunt, quas primitivi illi patres qui suis eas acquisierant virtutibus, non in prophanis usibus, que- madmodum nunc plerique, consumpserunt ; sed aut in elemo- sinis et hospitalitate ceterisque caritatis ac pietatis operibus impendebant, aut si quis istis operibus menseque sue frugali supererat, in cellas edificandas, si fortassis alii fratres celitus inspirati religionis gracia advenissent inque alia paranda, qui- bus parandis opus erat, convertebant. Nullus hiis thésaurus erat nisi bonorum operum, sed amplissimus ille et refertissi- mus. NuUa argentea vasa, nec aurea, samiis ^ ac fictilibus hibebatur. Nullus magnorum equorum phalerarumque appa- ratus, nuUa hystrionum turba preambula, nullus calamis- tratorum aut comptorum ^ juvenum comitatus, virgatis, mons- triferis habitibus, patulis et terra tenus defluentibus manicis quasi ritu barbarico indutorum.

Félix erat hiis incolis mundus, plene urbes et agri populis, quos nuUa aut rara lues absumebat, plena armentis stabula, pecora fetibus, pomis arbores, sata frugibus quia et celi tem-

1. L. quamvis renitentibus manquent.

2. L. aut, si..., ab ipsis manquent.

3. En marge : Potius lege plebiorum.

4. L. militancium manque.

5. L. stanneis.

d. L. comatorum.

CLAMANGES 8


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peries terram suo inflexu ad apta queque germina fecundabat. Et terra, nulli obnoxia maledicto, sed horum interventu ^ uberi benedictione donata, quasi ultro ferax erat omnium bono- rum. Vivebant diu homines, prospéra valetudine fruebantur. Nulla erat domi seditio, nuUus foris metus, pacata ominia tuta ac transquilla. Vigebant in hominibus illius seculi caritas inno- cencia, fides, pietas, justicia, sincera amicicia, rara fraus aut calumpnia proximo fiebat, quoniam in sancta via et salubri doctrina pastorum totius boni exempla suo gregi emulanda relucebant. Tanta si quidem apud Deum erat talium virorum ex vite integritate potencia^, ut sue intercessionis obtentu bona mundus amplissima adipisceretur et adversa pauca sentiret.

De insolencia orta ex affluencia rerum temporalium in Ecclesiam. Capitulwn z.

Ubi vero, ut fere assolet, paulatim^ ex diviciis rerumque secundarum affluencia fluxus * et insolencia in Ecclesiam subiere, tepescere sensim cepit religio, virtus hebescere, solvi disciplina, caritas minui, toUi humilitas, paupertas opprobrio esse simulque parsimonia, sed ut pompis et luxui res subesset, avaricia crescere ^ que, non suis diu contenta finibus, aliéna non modo ambire, sed rapere et invadere ®, inferiores opprimer et tam jure quam injuria spoliare. Et quoniam latissimum hune campum ingressi sumus, libet de execrabili hac peste que Eccle- siam jam adeo consumpsit ut pauca restent consumenda paulo latius eloqui. Ordiri autem rectissime a prophetico possumus oraculo et cum sancto Propheta Jheremia de mînistris nostris verissime hodie dicente : A minimo mque ad maximum omnes avaricie student et a propheta usque ad sacerdotem cuncti faciunt dolum '^. Quid enim satis dicere de eorum avaricia inexplebili possumus que laycorum omnium negociatorum cupiditatem superare videtur, ymo que secularibus universis, seu prin- cipes, seu plebei siat, omnis injusticie, doli, fraudis aut rapine provocacio est et incitamentum, dum simplices ovicule pasto-

1. L. horum interventu manquent.

2. En marge : Vide an potentia.

3. Gerson (1483), paululum.

4. En marge : Vide an luxus.

5. L. crebescere.

6. L. ajoute moliretur.

7. Jerem., VI, 13.


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ru m suorum exempla imitantes que eos agere viderunt, sibi licere arbitrantur. Sed ut ^ nos istius pestis nepharie ab ipso summo vertice usque ad infimos ^ pedes originem et progres- sum videamus, postquam, sicut jam dicere ceperam, ex renim opulencia studium temporalium mentes servorum Domini occupare cepit, Deo simul et Mammone duobus dominis tam adversariis non potuerunt pariter deservire ^. Fuit itaque necessarium ut quantum diligencie in unius servicio impen- derent, tantum alteri subtraherent. Quanto vero ampluis animum ^ ad temporalia lucra adjecerunt, tanto magis illa sitire, tanto amplius immergi in illis sicque a celesti amore longius averti ceperunt.

Hanc enim diviciarum naturam novimus, ut quo uberius habentur, eo habentis animi * ad sui semper incrementum majori accendere soleant concupiscencia. Ita igitur factum est paulatim, extincto cordibus eorum spiritu, frigescente caritate, tepente devocione, Deo oblito solis terremis fructibus capes- sendis inhyarent, sola in dignitatibus beneficiisque aliis emolu- menta pensarent. NuUa prorsus hodierna die, in assumendis pastoralibus sarcinis in curaque animarum subeunda, de servicio divino, de subditorum sainte aut edificacione mencio est 5 ; de proventuum ubertate tantum modo et quantitate ^ queritur. Nec vero tantopere queritur quanti sit homini ' et in Ecclesia rite servienti valor beneficii, quam quid suo posses- sori longius ocia agenti et perpetuo fortassis affuturo annuo proventu reddere valeat. Quis enim beneficium nunc postulans, neque enim^ cuiquam quantumlibet merito absque postula- cione instanti et importuna tribuitur, quis, in quam, talis peti- tor ^, quis sanctus veneratur in Ecclesia per eum requisita investigavit, que illic sanctorum dotes, que capse, que reliquie haberentur? Quis de qualitate plebis, cui preesse expetit, de moribus aut vitiis interrogat ? Quis, monasterium cupiens ^^^, de régule in illo observacione, de tenore religionis, cultu cere-

1. L. ut manque. .

2. L, infimos manque.

3. Matth., VI, 24.

4. L. abundantius animum.

5. L. habetur.

6. En marge : quantitatio.

7. L. praesenti homini.

8. L. quod enim.

9. petitor manque.

10. Dans la marge de droite : cupiditas.


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moniarum, subditorum disciplina percunctatur ? Quis hume- rorum suorum vires librat, an sufferendo oneri cui se supponere querit, suiBciat ? Quis sua aut subditorum pericula consi- dérât ? Quis eis prédicat aut evangelizat ? Quis viam, per quam ad salutem perveniant, facto aut verbo demonstrat ? Ymo vero quis hodie prelatorum non, quacumque via potest, suos undique subditos spoliât ? Quis eorum miseretur inopie, paupertati condolet, subvenit indigencie, ymo quis indigenciam ipsorum non jure et injuria amplificat ? Et ut ita vero ^ se habere a summo Ecclesie vertice usque ad membra humillima ^ docea- mus, primum de ipso capite a quo cetera pendent, si placet, inspiciamus.


Capitulum 3. De tribus viciis ex quitus cetera màla orta sunt in Ecclesia.

Postquam ergo affluens ^ rerum mundanarum exuberancia et, majorum virtutibus posthabitis*, immensa avarie îa cum ceca ambicione virorum ecclesiasticorum invasit animes, quo ad hoc consequens fxierat, et fastu elacionis atque dominacionis extoUi ceperunt et luxu effeminato resolvi, tribus itaque dominis exactoribus utique infestissimis fuit satisfaciendum : Luxui qui delicias vini, sompni, epularum, musicorum^, ludorum, effeminatorum lenonum scortorumque exposcebat ; Fastui qui domos excelsas, castella, arces, pallacia, lautam ^ et habun- dantissimam supellectilem, vestium carissimarum, equorum familiarium pompaticam requirebat ' ostentacionem, et sue Cupiditati, que ingentes ad hoc thesauros studiosius condebat, ut ad premissa explenda suppeterent, aut, si satis aliunde explicata ^ essent, ad pascendam saltem ex figure nummis- matis inani ^ asptectu oculorum delectacionem. Quorum pro- culdubio dominorum insatiabilium ad exequenda mandata desideriaque perficienda aurea, ut in fabulis est, Saturni

1. L. rem.

2. L. humilia.

3. L. affluentia.

4. L. postpositis.

5. L. munificorum.

6. L. lata.

7. Manque dans lot. 3128, restUué d'après lat. 3625.

8. L. proveniret explicanda,

9. L. inani manque.


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secula vix ^, si orbi hac tempestate recurrerent, suiBcere posse vider entur. Quoniam ergo ad ea agenda que hee très rapaces Harpie exquirebant, nullus quantumlibet optimus ^ et reddi- tibus amplissimus presulatus sufficere posse compertus est, subsidia aliunde quibus eis satisfieret ^, excogitata sunt.

De exorbitanciis per summos pontifices in Ecclesiam introductis. Cap, 4.

Summi etenim pontifices, ut tandem ad eos veniam, qui quantum primatu et auctoritate se videbant ceteris prestare, tantum in ejus primatus et summe* potestatis argumentum plerumque se super alios libidine dominandi extulerunt, cémentes emolumenta, Romani episcopatus Pétri que patri- monium super régna queque amplissimum, licet eorum ignavia satis jam attenuatum, ad status eminenciam ^ quem ultra imperatores et reges omnium gentium ^ in excelsum elevare ' statuerunt, nuUo modo suffectura in aliéna ovilia fétu ^, lana et lacté copiosa incurrerunt.

De àbolicione^ electionum et reservacione beneficiorum. Cap. ^.

Omnium quippe ecclesiarum vacancium, quacumque per orbem terrarum Christiana religio protenditur, omnium presu- latuum aliarumque dignitatum, electione fieri solitarum, jura et collaciones sibi attribuerunt, electiones ipsas a sanctis olim Patribus cum tanta vigilancia et utilitate institutas cassas atque irritas esse decernentes, ut vel sic sua ulterius^" complere possent marsupia ex omnique provincia Christian© nomine dicata molem auri atque argenti infinitam ad sue opus Camere sedula negociacione congregare.


1. L. vix manque.

2. L. opimus.

3. L. satisfacerent.

4. L. supremaB.

5. L. reverentiam.

6. jL. add. principes.

7. L. excelso extolli.

8. L. fétu manque.

9. Le ms. lot. 3128 donne abolucione.

10. L. uberius.


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Cap. 6, De Caméra Apostolica.

Que Caméra quanti constiterit, quantum universas eccle- sias, régna pariter, provincias exhauserit, et inenarrabile est prorsus et incredibile. Sed forte Romane Sedis antistites crea- cionem pontificum coUacionemque superiorum graduum Ecclesie idcirco, abolitis electionibus, ad suum revocaverunt arbitrium, ut sua provisione salubrius consuleretur ecclesiis rectoresque in illis tum vita laudabiliores, tum doctrina pres- tantiores constituerentur. Erat tune hac de causa quis factum crederet ^, nisi res ipsa ex adverse reclamans doceret ^, postea quam hec facta sunt, ignares inutilesque homines, dummodo pecuniosos ad gradus sublimiores Ecclesie patrocinio Simonis evectos qui suscepta crédita que ovilia qualiter administrent, posterius dicam.

Cap. 7. De expectativis et qualitate currencium ad Curiam Romanam.

Sed de summis pontificibus inchoatus sermo prius michi absolvendus est, qui ut regifico luxu suum, quemadmodum in votis habebant, supra omnes mortalium magnificencias statum exaltarent, non solum ea egerunt que de electionibus audistis, verum ut aurei rivuli omni ex parte dirivati suam uberius Curiam irrigarent, dyocesanis et patronis presentandi facultatem conferendique libertatem, quoquove alio modo de suis beneficiis disponendi ademerunt, interdicentes illis, sub pena anathematis, ne ausu temerario, sic enim suum ? loquitur tritum jam frequentiori usu rescriptum, in * quovis beneficio sibi subjecto aliquem instituere présumèrent, quamdiu quis occureret ex illis quos sua auctoritate bénéficia illa expectare concesserant qui illud adipisci vellet.

Quantus vero, Deus optime, expectancium numerus ex illo tempore et qualium undique afiluxit atque ubique ^ presto fuit ! Non tamen a studiis aut scola, sed ab aratro eciam et servilibus artibus ad parochias regendas ceteraque bénéficia

1. Mazarine, 3884 : Forsan ita factum hac de causa quis crederet....

2. Doceret mangue dans L.

3. L. in votis manque.

4. L. illoriua.

5. L. sub.

6. L. ibi.


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passim proficiscebantur, qui paulo plus Latine lingue quam Arabica intelligerent i, ymo qui et nihil légère et, quod referre pudor est, alpha vix nosse ^ noscent a betha discernere. At morum ^ composicio hanc forte ignoranciam excusabat ? Ymo si parum docti, negligentius morati utpote qui absque litteris in ocio educati, nichil nisi impudicicias, iudos, conmiessa- ciones, jurgia, vaniloquia consectentur. Inde omnibus in locis tôt sacerdotes improbi et miseri * qui ruine et scandalo sua turpi conversacione subditi sunt. Inde in ore vulgi ^ tantus sacerdotum contemptus, tanta vilipencio, inde tocius ordinis ecclesiastici dedecus, ignominia, obprobrium et nimis erubes- cenda, si erubescere scirent, confiisio, sed frons multorum attrita erubescere non no vit qui, sicut est apud Prophetam, sua confdsione non sunt confusi et erubescere nescirent '. Olim summo in honore apud seculares sacerdocium erat et nichil venerabilius presbiterali ordine. Nunc vero nichil abjectius aut despicabilius.

De vacanciis et aliis vectigalibus Ecclesiam opprimentibus. Cap. 8.

Adiecerunt autem Summi Pontifices personis ecclesiarum et ecclesiis ipsis, ultra premissa onera, vectigalia alia ad illam suam Cameram, ymo pocius Caribdini fulciendam. Statuerunt namque ut quociens aliquem virum ecclesiasticum, quacun- que foret dignitate vel condicione, ex ista luce migrare con- tingeret, aut suum cum altero quovis qualecunque bene- ficium permutare, tociens omnes proventus primi anni secuturi certam ubique^ ad summam suo arbitratu sua memorata Caméra acciperet. Quod si illam fortassis summam annua fructuum coUectio aut ex diminucione fructuum bene- ficii ^, aut alia anni sterilitate ^° conficere non posset, biennali ^^, triennali vel quandoque quadriennali fructuum exactione ad

1. En marge : illiterati sacerdotes.

2. L. nosse manque.

3. L. add. in illis.

4. L. add. atque ignari.

5. L. vulgus.

6. L. nescit.

7. L. qui sicut est... nescirent manquent.

8. L. ubique manque.

9. L. beneficiï manque.

10. L. calamitate.

11. L. biennali manque.


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summam pertingi voluerunt. Quid prelatorum spolia, quid creberrimas décimas omnibus ecclesiasticis indictas, quid angarias alias comm.emorem, quid concassas principibus super clero universo ^ exactiones cum seculari in illos solvendi coharctacione, quid retentas procuraciones et sine ulla visi- tacione ab ipsis episcopis et archidiaconis ubique subtractas, que nescio an majorem plagam Ecclesia sustineat ? Quante enim perniciei est ecclesiarum visitaciones rectorumque refor- maciones penitus supprassisse atque extinxisse et de policie ecclesiastice destructione questum atque emolimenta perci- pere ! Quid infinita alia cotidiana onera tributorum ab infor- tunatissimis ecclesiarum ministris exacta, que longum esset exequi, particulatim referam ?

De instîtucione collectorum et malts ab eos iïlatis. Cap. 9.

Ad hec omnia autem exigenda et ad illam seu Cameram, seu potius Caribdim dixerim transportanda suos per omnes provin- cias coUectores constituerunt, illos videlicet quos scirent in extorquendo argento vel industria alia 2 aliqua vel diligencia vel nature acerbitate acriores et qui nullo omnino parcerent, nuUum eximerent, sed vel ex silice aurum elicerent, quibus et auctoritatem annuerunt quoscunque eciam prelatos anathe- mate feriendi extraque communionem fidelium exturbandi, nisi intra prefinitos dies de postulata pecunia satisfacere curas- sent. Quaiita autem hiî coUectores mala egerint, quantum pauperes ecclesias ac personas oppresserint, ne unquam ex- iste loco pateat exitus, utilius est preterire. Hinc ille tôt queri- monie infelicium Ecclesie ministrorum quos audivimus et cernimus sub insupportabili jugo ingemiscencium ^, ymo famé pereuntium. Hinc ille suspensiones a divinis, ille a templi liminibus interdictiones, illa anathemata gravissima totiens exaggerata, que non nisi rarissimo usu et pro horrendo scelere a patiibus infligi solebant, quippe cum per ea homo, e fidelium contubernîo segregatus, in potestatem Sathane redigatur. Sed hodiernis diebus adeo viluenmt*, ut passim pro levissimo quoque^ delicto, sepe eciam pro nullo, inferantur. Sicque in

1. L. add. a Papa et pontificibus.

2. L. alia manque.

3. L. jugo juge portare ministerium.

4. L. invaluerunt.

5. L. quasi.


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nullum timorem, sed in extremum perveniunt contemptum. Hinc postea ^ ille tante ecclesiarum ruine, illa tôt monaste- riorum excidia, illa sacrarum edium tôt in locis solo equata- rum deiectiones, dum ea que in ilHs instaurandis ac reficiendis impendi solebant, in hiis tôt vectigalibus exsolvendis impen- duntur. Quin eciam, ut compertum est exillis quibus res accidit, sacrosancte reliquie plerisque in ecclesiis pro horum reddicione tributorum, cruces, calices, feretra aliaque preciosa ornamenta venierunt. Quis nescit tôt abbatibus tôt que aliis prelatis, cum Camere decessissent pre inopia obnoxii, negata funeralia, negata exequiarum solempnia, negatam humacionem, nisi forte in agris aut hortulis aut prophanis aliis sedibus clanculo tumulati sunt. Coguntur, ut videmus, sacer dotes pre angustia rei familiaris suas villas, sua loca, sua beneiicia deserere et famelici victum ^ queritare laicisque hominibus in profanis officiis ministrare. Tulerunt aliquandiu hec onera pingues adhuc et uberes ecclesie ; sed jam vere omnibus longo emungendi usu exhaustis ultra portare nequeunt.

Cap. 10, De litigiis Curie Romane.

Preterea multa etenim ^ me preterire necesse est, si ex hac vellem abisso émerger e, quot in Romana Curia sunt, sic namque illam vocabant quamvis longe a Roma distaret, fraudes erant *, quot doli, quot calumpnie, quot per illos litium incen- tores ^ pecunia corruptos contra innocentum jura insidie, quot venalia illic judicia, quantum ibi aurum valeat ad evertendum justiciam ! Quam raro pauper optatum finem ^ de lite referet, si modo adversarium opulentum nactus esset '^, cum tamen ^ tam pauci admodum, quocunque intererent ^ titulo, absque lite et adversario beneficium obtinerent.

Cap. II. De regulis et insHtucionibiis Canceïlarie. Nam quid hec tôt nove régule et constituciones per unum-

1. L. preterea.

2. L. add. passim.

3. L. alla pour etenim.

4. L. erant manque.


5. L. venatores.

6. Finem manque dans lat. 312S.

7. L. fuerit.

8. L. tamen manque.

9. L. nituerint.


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quemque pontificem édite, utraque ^ antiqua jura et paternas sanctiones observari jusse, nisi quidam captiosi laquei sunt atque uberrima litium materia, quibus illi cavillosi curiales sophisticique jurium perversores ad suscitacionem ^ infinita- rum litium contra jus et veritatem mille nocendi artibus abutuntur, ut vix aliquis inveniatur, eciam si titulum sole lucidiorem demonstraret, qui absque controversia beneficium tulerit.

Cap. 12. De prosperitate Curie Romane.

Ita namque florere ac felicem esse suam illam. affirmant Curiam, si multis undique causis, litibus et querelis et concer- tacionibus clamore insanissimo persultet, contra vero inutilem, desertam, inopem, si litibus vacua, si pace gaudeat, si suis possessoribus sua pacifiée jura permittantur, Nichil itaque hodie vel parum interest quo pacto beneficium quis habeat, utrum ne vero hostio verus pastor introeat, an dolose aliunde vel latro irrumpat. Quod si explorator aliquis intelligens liquido posset discrimine^ utrorumque internoscere numerum, non est apud me dubium plures nunc latrones in Ecclesia reper- tum iri quam veros pastores, ut jam vera sit Christi sentencia qua ait ad negociatore», de domo sua ejectos : Domus mea dormis oracionis est, vos autemfecistis illam * speluncam laironum ^.

Cap. 13. De satu et introductione Cardinalium.

Jam vero Cardinalium qui Pape assident quis pompas expli- cet, inflatos ® spiritus, verba tumentia, gestus ' insolentes, ut si artifex quilibet vellet superbi ® simulacrum effingere, nulla congruentius racione id facere posset, quam cardinalis effigiem oculis intuencium ? Objectando ex sortis tamen infime clericatu in hanc elacionem cum Sedis Apostolice pompatico ^ incre- mento pervenerunt, quippe quibus id olim erat negocii ut efferendis mortuis sepultureque mandandis inservirent. Nunc

1. L. tiltraque.

2. L. exuscitationem.

3. L. discrimen.

4. L. illam manque.

5. Matth., XXI, 13.

6. L. quis pompas... inflatos manquent.

7. L. add. gestus tam sunt.

8. L. quisque... superbie. 8. L. pompatus.


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vero phylacteria sua in tantum dilataverunt, ut non modo epis- copos quos episcopellos soient passim vocare, sed patriarchas, primates et archipresules velut infra se positos, despiciant, ymo se jam ab illis supplicibus prope modum adorari sinant, quin eciam reges ipsos equiparare contendant. Sed hac eorum omissa vanitate, quis immensum et inexsaturabilem ^ vora- ginem sue ^ concupiscencie verbis equare valeat, nulla prorsus ad hoc verba sufficiunt, nullum ingenium, nulla facundia. Quoniam ergo de re ista plene disserere non mee ^ facultatis est, pauca solum sunmiatim attingam et acervo grandissimo excerpta.

Cap. 14. De multitudine beneficiorum cardinalium et eorum incompatïbilitate.

Atque imprimis quante illud auditum* est, quod tantam multitudinem beneficiorum invicem repugnancium tenent, quod monachi simul et canonici sunt, regulares et seculares, quod sub eodem habitu omnium religionum, ordinum, profes- sionum jura, gradus ^, officia, bénéficia possident, non quidem duo vel tria, decem vel viginti, sed centena vel ducentena et interdum usque ad quadringenta vel quingenta aut hiis amplius, nec parva vel tenuia, sed omnium pinguissima et optima, quibus si contenti essent, postquam ad summam illam numerosam perventum esset nec ultra quererent, prospère cum pauperibus clericis qui eorum reliquias expectant agere- tur, sed quemcumque ^ ad numerum aut summam venerint, ad ampliorem festinant et assidue festinant et ardentius festi- nant. No vas in dies gracias, no vas concessiones petunt, quas cum senserint ad finem properare, in integrum reformari aut denuo in majus augeri sine uUa cessacione exposcunt. Sic omnia vacancia que alicujus sunt moment! amplectuntur, omnia rapiunt, omnia auferunt. Nichil omnino saltem quod fructuosum sit nec pauculum munus percipiendium ' relin- quitur. Nec tamen sitis illa unda tanta beneficiorum restrin-


1. L. inextricabilem.

2. L. ipsorum,

3. L. nostrae.

4. L. audiatis.

5. L. gradus manque.

6. L. quantumcumque.

7. L. nullis aliis particuluin.


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gitur ^, sed vehemencius ardet et arentes animi fauces magis semper accendit non modo nullis ^ fructibus omnium eccle- siarum toto orbe constructarum, sed neque tota auri mole quam Tagus suis arenis secum vehit quamque Pactolus voluit inex- plebilis.

Cap. 15. De contactibus symoniads Cardinalium.

Cémentes igitur inopes alii et calamitosi Ecclesiastici nichil se posse consequi, sed omni prorsus spe alicujus boni desti- tutos, non habentes quid faciant aut quo se vertant, ad hos ipsos se conferunt et aut cum simoniaca pravitate bénéficia ab eis mercantur aut pensione annua, quod eque simoniacum est, ab illis redimunt, aut vestigiîs eorum advoluti in suam fami- liam admitti postulant, ut vel longo famulatu sepe etiam igno- miniose aliquem sibi in Ecclesia titulum ^ pariant, Nam quid hodierna die est quod sibi aliquis de probis moribus vel erudicione quo promoveri valeat, blandiatur. Non jam his artibus, ut condam apud majores fieri solitum esse acce- pimus, ad Ecclesie honorem ascenditur. Sed illis quas modo retuli quasque de secularium potestatum famulatu et impor- tunis peticionibus paulo post relaturus sum.

Cap. 16. De statu beneficiorum Cardinalium.

In monasteriis autem et locis aliis in quibus bénéficia cardi- nales occupant, quomodo Deo deserviatur *, quomodo domus et edificia labencia reparentur, res ipsa loquitur. Omnia illic corruunt, omnia labuntur, omnia pereunt, adeo ut sepe opor- teat omnem ab eis administracionen per laicam manum sub- trahi, donec reparaciones ibi necessarie, que nunquam alias fièrent, explete sint. Quomodo ibi vivatur, qualis disciplina aut régula observetur, nichil ad eos attinet dummodo suorum procuratorum soUercia bursa sua nummis multis onusta redeat.

Cap. 17. De omissione multipliciuin viciorum Cardinalium.

Sed jam diutius quam oportuerat leviora rerum mediocrium detrimenta querimus ; ruinam pocius imiversalis Ecclesie et

1. L. extinguitur.

2. L. illis.

3. L. tumulum.

4. L. Deo serviatur.


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dira ambicione horum proborum virorum perfectam quera- mus. Quis enim nesciat feram truculentissimam omnia exter- minantem, consumentem, profligantem sectionis scilicet scis- matice horrendam pestem per nequitiam Cardinalium in Eccle- sie gremium invectam, fotam, auctam, propagatam, invete- ratam i, que quanta cum pernicie per très ferme et viginti annos Ecclesiam omnibus viribus, omni laude, omni honore nudaverit, quantum eam in profundum omnium miseriarum, malorumque demersent ^, vix TuUius, si revivisceret, satis eloqui posset.

Transeo synioniacas apud Papam intercessiones, transeo patrocinia venalia, transeo corrupciones propter impunitatem flagitiosorum et judiciorum elusionem vel suppressionem^, aut propter promociones turpissimas et dampnatissimas que omnes fere istis auctoribus atque suasoribus fiebant, transeo mer cèdes ac stipendia temporalium dominorum que cum maximo Ecclesie dispendio capiebant, ut eorum negociis adju- tores et curatores et consiliarii forent, magis illis proculdubio quam Ecclesie consulentes, ymo, dum eis placèrent, Ecclesie incommoda minime curantes. Nec enumerare volo eorum adulteria, stupra, fornicaciones quibus Romanam Curiam eciam nunc incestant, nec referre obscenissimam sue * familie vitam a dominorum tamen moribus nullatenus absonam, Sed nec illud refero quod usuras et commercia publiée exercent, quod mercatoribus ac numulariis suas pro lucro ^ mutuant pecunias, qua ex causa" numularios suprême tabule eos non incongruenter Cirillus appellat ^. Hec omnia aliaque permulta eciam graviores, que longa nimium narracione onerosam redderent oracionem, pretereo.

Cap. i8. De promocionibus ad instanciam principum per Papam solitis fieri.

Sed me preterire non decet priusquam de hac Curia egrediar, quantam et quam abhominabilem fornicacionem Papa et hii


1. L. add. tamdiu.

2. L. demersent manque.

3. L. propter impunitatem... suppressionem manquent.

4. L. illorum.

5. L. mutuo.

6. L. vocat. On retrouvera plus loin la mention de Cyrille, qu'il n'est pas possible d'identifier avec précision, voir p. 141.


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sui, ymo Symonis ^ fratres cum seculi principibus innierunt ^^ Namque ut sua dominia, ymo vero suam tyrannidem omnibus nec injuria supra modum invisam in inconcussa stabilitate con- firmare possent, sicque tuto quodcumque libitum esset pera- gere, temporalium principatuum ^, ad quorum se imitacionem componere et conformare in animos induxerant, captare amicicias favoresque conquirere, quacunque possent indus- tria, studuerunt, nunc multa beneficiorum hiis, pro quibus exigissent, largicione, nunc exeniis * et donis, nunc promistis uberrimis, sepe assentationibus et Gnatonice doctrine versutis fraudulenciis. Itaque, ne longum faciam, adeo se et Eccle- siam universam eorum arbitrio subjecerunt atque dederunt, quod ^ vix aliquam parvulam prebendam nisi eorum mandato vel consensu in provinciis eorum tribuere ausi essent. Si epis- copus aliquis obierat, si decanus vel prepositus vel alia quelibet persona ecclesiastica, quis in demortui locum subrogari appe- tens non prius ad regem quam papam ibatur, ymo vero quis ita insanus ut absque regiis litteris ad papam postulaturus ® accederet ? Mirabile dicturus sum et quanquam vix incre- dibile, verum tamen si quis pape necessarius, propinquus, fanuliaris aut quolibet alio titulo dilectissimus pro sua apud eum promocione institisset, regales ante omnia ab ipsomet pontifice jubebatur litteras querere, alioquin se frustra niti, omniaque sua temptamina ' in vacuum habitura, quantum- cunque ad graciam illi faciendam pape esset proclivis animus. Quam vero importime, quam imperiose ^, quam manu, ut ita dicam, ensifera terreni ipsi domini per suos sollicitati papam per suas cotidianas litteras urgebant, nequaquam credibile foret, nisi res usu assiduo promulgata certitudinem faceret. Plus enim preceptoriis et conmiinatoriis scriptis res agebatur, quam commendatoriis vel precatoriis, quibus, si denegassent ® pontifîces, obtemperare et alteri quam pro quo petebatur contu- lissent, certum erat illum non recipi. Sic itaque omnes vacantes presulatus, omnia bénéficia fructuosa secularis illa familia

1. L. Ymo Symonis manquent.

2. L. inerunt.

3. L. piincipum.

4. L. enceniis.

5. L. dediderunt ut.

6. L. postulatus.

7. L. tentamenta.

8. L. improbe.

9. L. detrectassent.


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omnium rerum Ecclesie, juris ^ mysteriorumque ignara, vi et importimitate extorquebat. Nulli eruditi viri, de litterarum sacranim eruditione loquor, nulli probi, justi, virtuosi, qui curiarum limina rarius terunt, ad suprema dignitatum fastigia veniebant, sed ambiciosi quique, sed adulatores, sed hystrio- nici, sed omnibus viciis imbuti, quales in aulis principum fré- quentes conspicimus. Nam quotusquisque hodie est ad ponti- ficale culmen evectus qui sacra, vel perfunctorie litteras légère ^ audierit, didicerit, ymo qui sacrum codicem nisi tegimento tenus ^ unquam attigerit, cum tamen jurejurando illas in sua institucione se nosse confirment. Aut pontificia tenent homines ignari et illiterati, aut si qui litterati sunt, hic solummodo temporalia imperialium legum precepta, sacerdotibus inter- dicta, lucrosasque sciencias sectati ^ sunt, nichil omnino de lege divina vel spirituali erudicione, qua plebs ^ erudienda est sentientes.

Cap. 19. Quod congregacio pecunie est précipita cura predictorum prelatorum.

Igitur juxta morem suarum professionum summo undique studio ad lucrum inhyant non quidem animanim, sed crume- narum potius, questum ubique explorant, questum flagrant, questum pietatem putant ; nichil onmino agunt nisi quod ad coUigendum quacumque ex occasione pecunias suffra- gari posse crediderint, pro ipsa altercant, certant, jurgantur, litigant, multo equanimius laturi jacturam decem millium animarum, quam decem, vel duodecim solidorum. Sed me jure reprehendo qui equanimius dixi, cum nullo animi motu vel turbacione animarum dispendia, de quibus non modo nuUa apud eos cura, sed neque cogitacio est, excipiant, dampna vero sue rei familiaris levia furiata prope mente sustinenant, Denique si quis fortassis pastor surrexerit qui non hoc more incedat, aut qui pecuniam contempnat, aut avariciam dampnat, qui denique non omni via seu justa, seu iniqua aurum a suis subditis extorqueat, aut salutari exhortacione vel predicacione ammas lucrifacere studeat, et plus in legem Domini quam in

1. L. juris manque.

2. L. legerit.

3. L. tenui.

4. L. secuti.

5. L. add. ad salutem.


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legibus hominum meditetur, extemplo in morsus ipsius omnes ^ dentés acuentnr. lUum prorsus ineptum nec dignum sacer- docio clamitabunt, quippe qui, legum humanarum nescius, jura sua defendere non ydoneus sit, suos subditos regere, mulctare et cohercere par canonicas censuras non noverit nilque aliud didicerit nisi inerti ^ ocio aut sermocinacioni incumbere, que officia Mendicancium palam erse astruunt, nulla temporali cura vel administracione que utiliori occupa- cione suos animos teneat fungencium. Jam itaque sacronim eloquiorum studia cum suis professoribus in risum atque ludibrium omnibus versa sunt, et presertim, quod magis prodigiosum est pontificibus qui suas tradiciones divinis longe mandatis anteponimt, jam illud egregium predicandi officium solis condam pastoribus attributum eisque maxime debitum ita apud eos viluit, ut nichil magis indignum aut magis sue dignitati erubescendum existiment.

Cap. 20. De viciis prelatorum.

Sed ecce, dum non adverto, proprios Curie Romane et limites egrediens, ad ea ^ que una secimi aliis eciam prelatis conmiu- nia simt vicia delapsus sum, que tamen magis in particulari, quia locus incidit, succincta relacione pertractare volo. Prin- cipio nulli débet alienum vel mirum videri, si corrodendis onmi ex parte pecuniis nostri prelati summopere invigilent, si macri, tenues atque inaniti succo, lana et lacté suorum ovium se incrassare student, quibus pastores fieri tam caro constitit. Musce enim, ut in proverbio est, macie confecte asperius mor- dent. Cuncta quoque animancia esurie inanita avidius in predam ferimtur. Quamvis enim ante susceptam curam pasto- riam locupletissimi essent neque enim ad hoc opus * indigentes soient admitti, tamen ex ministerio sibi coUato suos saltem maxima ex parte evacuari loculos oportuit, quale eos ^ non im- merito summo iterum labore insistimt, exemploque sapientis agricole cum cremento a grandi fenore jacta semina colligere, ut ergo ^ recuperare imminutam substanciam seduloque

1. L. omnium.

2. L. add. etiam.

3. L. Sed ecce dimi animadverto proprios curie Romane egritudines ad ea...

4. L, opus manque.

5. L. quare eque.

6. L. et itenmi.


— 129 —

ampliare possint, more vigilantissimi negociatoris universas mercedes ^ suas omnibus qui eis indigent, diligenter ^ vénales exponunt. Si quis apud eos clericus pro furto, pro homicidio, pro raptu aut sacrilegio aut alio quovis enormi crimine in carcerem conjectus sit tristique panis ^ et aque edulio addictus, tamdiu pêne subjacebit et tanquam reus sua commissa luet, donec pro modo census aut suorum a se quesitam pecuniam persolverit. Ubi vero id egerit, liber et velut innocens abire sinetur, Omnis noxa, omnis error, omnia maleficia, etiamsi capitalia sint, per pecuniam laxantur ac delentur. Nam quid loquar de exercicio sue juredictionis que ita violenter et tiran- nice regitur, ut magis hodie homines eligant tyrannorum imma- nissimorum quam Ecclesie subire judicio *.

Cap. 21. De promotoribus juridictionis episcoporum et eoriim abusibus.

Dici non potest quanta mala ubique ^ faciant ilii scelerati exploratores criminum quos promotores appellant. Simplices et pauperculos agrestes vitam satis innocuam in suis tuguriis agentes et fraudis urbane nescios in jus sepe pro nichilo vocant. Causas et crimina contra eos sedulo confingunt, vexant, tenent, minantur ^, sicque eos per talia secum componere et pacisci cogunt. Quod si facere renuunt, crebris eos citacionibus cotidie repetitis "^ supra modum infestant. Quodsisemel qualibet occa- sione prepediti comparere desierint, censura illico anathematis ut rebelles et contumaces feriuntur. Si vero ad diem venire, quo- tiens vocati erunt, perseverarint, eorum audiencias apud judi- cum tribunalia impedient morasque et subterfugia dilationum et interlocucionum captabunt, que perfacile in foris ecclesias- ticis obtinentur, quo vel sic longo tedio longaqiie sui temporis jactura fatigati super futuram vexacionem et impensam pecunie pactione redimere cogantur. Ita fit ut ^ pro levi vel nullo delicto, pro exiguo debito infinitimarum cumulus expen-


1. L. merces.

2. L. diligenter manque.

3. L. tenebrisque.

4. L. subire jura Ecclesie.

5. L. ubique manque.

6. L. minitantur.

7. L. impetunt.

8. L. ne sit.

CLAM ANGES


— 130 —

sarum excrescat antequam liber aliquis atque a judicio abso- lutus abscedere possit ^.

Cap. 22. De exactionibus pro concuhinis tollerandis.

Jam illud obsecro quale est quod plerisque in dyocesibus rectores parochiarum ex certo et conducto cum suis prelatis precio passim et publiée concubinas tenent. Quod subditorum excessus et vicia omniaque officia que judiciis preesse sunt solita, publiée venundantur. Sed adhuc levia sunt hec 2.

Cap. 23. De coïlacione symoniaca sacrorum ordinum.

Illud vero quomodo ferendum quod sacramenta ^, quibus nichil spiritualius est, palam veniunt, quod nuUus ad cleri- catum vel ad sacrum ordinem vel ad quemcumque gradum ecclesiasticum nisi mercede accedit, quod nulli sacramenta - lem graciam requirent! manus imponunt, nisi qui certum antea precium dederit, quod omnes confessiones, absoluciones, dispensaciones vénales faciunt, quod, si aliqua bénéficia sue sunt disposicioni relicta*, pro questu ea conferunt, vel suis ea spuriis aut hystrionibus douant. Kt ^ si quis forsan eis illud evangelicum eis obiecerit : Gratis accepistis, gratis date ^, non deest quod illico respondeant se minime gratis accepisse, quare nequaquam astringi ex verbo illo ut gratis tribuant, illos denique solos antistites, si qui tamen hujus modi sunt ', illa sentencia ligari^, qui pastorale officium absque uUo rei sue^ dispendio sortiti sunt.

Cap. 24. De indignis et indigne promocionibus ad sacerdocium.

Non est igitur quod quisquam, nisi a valde vero devins, graciam putet ab eis ^^ tribui. Quomodo enim gracia, si non

1. L. excrescat... possit manquent.

2. L. adhuc levia sunt, manquent. Mais L. ajoute : de quibus diximus et dicamus bona sunt bec.

3. L. sacramenta... veniunt manquent.

4. L. devoluta.

5. L. aut.

6. Matth., X, 8.

7. L. antistites esse aiunt qui istiusmodi sint.

8. L. ligati.

9. L. rei sue manquent.

10. L. œquo.


gratis data, nisi falso putabimus magnum illum pestifenim dira maledictione a Petro reprehensum qui donum Dei pecu- nia possideri existimaverat. Ex isto autem fonte profluit illa copiosa vilium et indignissimorum presb5^erorum multitude. Ut enim ex suis ordinibus majora lucra percipiant, omnes quotquot advenerint, nullo aut parvo admodum discrimine ad eos quos petierint titulos admittunt, nisi forte si qui adeo premerentur ut solvendo non sint potentes ^, nulla de vita anteactia percunctacio est, nulla de eonim moribus vel fama ^ questio. De literis vero et doctrina quid loqui attinet, cum omnes fere presbyteros sine aliquo captu aut rerum aut voca- bulorum morose sillabitimque vix légère videamus. Quem, rogo ^, fructum, quam exaudicionem ex suis oracionibus sive sibi, sive aliis impetrabunt quibus barbarum est quod orant ? Quomodo per suas preces Dominum alienis propiciabunt, quem sibi ipsis sua ignorancia et sua feditate vite per suum ministerium infensum faciunt? Si quis hodie desidiosus est, si quis a labore abhorrens, si quis in ocio luxuriari volens, ad sacerdocium convolât, quo * simul ac perventus est, formices ^ et cauponulas seduli fréquentant, potando, commessando, pusitando ^, cenitando ', tesseris et pila ludendo tempora tota consumuntur ^. Crapulati vero et inebriati pugnant, clamant, tumultuantur, nomen Dei et sanctorum suorum pollutissimis labiis execrantur, sicque tandem compositi ex meretricum suarum complexibus ad divinum altare veniunt.

Cap. 25. De perpetîia absencia prelatorum ab ecclesiis suis.

Sed redeo ad nostros episcopos, qui in omni lubricitate ab ineunti adolescencia educati, taies pestes ^ ne dixerim minis-


1. L. potentes manque.

2. L. vel fama manquent.

3. L. ergo.

4. L. add. quo adepto statim se ceteris sacerdotibus voluptatum secta- toribus adjungit qui magis secundum Epicurum quam secundum Christum viventes. 'L'édition de 1483 ati tome II des œuvres de Gerson présente une lacune à cet endroit.

5. L. simul ac perventus, formices manquent.

6. L. pransitando,

7. L. conjurando.

8. L. consumunt.

9. L. testes. Voir au sujet de cette variante le singulier commentaire de la traduction française, p. 65.


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tros in Ecclesiam inducunt ^ inter 2 quorum gesta memo- rabilia. lUud a me pretermitti non débet quod multi ex illis qui pastorali apice potiuntur perque annosa tempora potiti sunt, nunquam suas civitates intraverunt, suas ecclesias vide- runt, sua loca val dyoceses visitaverunt, numquam peconim suorum vultus agnoverunt, vocem audierunt, vulnera sense- runt, nisi ea forte vulnera ipsis suis verberibus et spoliis per alienos mercenarios eis intulerunt. Itaque episcopos non sunt nisi inani tantum nomine ^, quia res per nomen signata procul abest. Nomen enim episcopi speculator sonat vel superinten- dens •.Speculatorem, inquit Propheta, posui te domui Israël. Hii vero super ovium profecto nichil prorsus intendunt, nichil spe- culantur, nichil prospiciunt, sui corporis curam agunt, sese et non oves pascunt, non magnopere pensantes quis ovibus casus accidat, utnim morbo vel jejunio consumpte pereant, dum sibi vel ex earum morte capessant.

Cap. 26. De prelatis in curiis principum.

At enim dicet forsan aliquis : jure eis ignoscendum est, si raro dyoceses adeunt aut suas tardius revisunt plebeculas, quo- niam, pro consilio a principibus acciti *, magni regni négocia tractant, innixamque suis humeris rem publicam regunt, tutan- tur, sustinent alioquin gravissime coUapsuram, quod utique laudabilius esse videtur quam sue private rei consulere. Primum illud nequaquam eis dederim, quod ultro a prin- cipibus tan quam consiliarii evocentur, quia ymo magnis sumptibus amicorum intercessionibus hoc impetrunt, non quidem zelo aliquo vel cura rei publiée, cujus nulla apud eos caritas est, sed propter stipendia et larga munera que exinde eis proveniunt, ut, alieno sumptu vivantes, suarum proventus ecclesiarum in eraria reçondant. Denique qualem reipublice languenti, ymo extincte et jam prope sepùlte utilitatem affe- runt ? Utinam nullum nocumentum ^ et perniciem afférent ! nunquam ea re^ prosunt quod omnium tributorum onera quibus hodierna tempestate populus urgetur suis callidita-

1. L. introducint.

2. L. inter manque.

3. L. Itaque ipsi vere sunt mercenarii tantum episcopi habentes nonaen.

4. L. accersiti.

5. L. nocumentum manque.

6. L. numquid eare, queso.


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tibus et suggestionibus, multi et reperta autumant ^ et tam in longum producta ^, unde et jampridem usus in regno isto inolevit, quod aliqui episcopi talium exactoribus ^ semper * pre- sunt de causisque et querelis eorum decernunt. Nam idcirco prosunt quod ad concionem vocati et suam dicere jussi senten- ciam magis ea que principi sciunt placitura quam reipublice profutura persuadent, quod sepe largicione, sepe gracia, sepe odio, sepe eciam timoré ducti, non justa, vera, sincera, sed perversa atque noxia fallacibus adoperta blandiciis domino- rum auribus suggerunt. Porro an eo ^ adjuvant rempublicam quod pectoribus ^ illorum qui eam administrant amorem "^ rei ^ private super amorem communitatis ^ inculcant ? Quod enim ipsi faciunt, consequens est ut consulti alios eciam facere hortentur, ne turpi inter se pugna verba eorum atque acta dissideant. Denique quis ex illis pauperum defensator est, quis afflictorum consolator, quis oppressorum sublevator, quis pro pupillo patronus, qui pro inope vidua contra cal- umpniatorem protector ? Ymo vero quis magis a compassione atque miseracione quorumlibet miserabilium alienus ? Pulchre de eis Ysaias et vere loquitur sub ymagine principum Syna- goge 1°, quorum isti et, si successores tempore in flagiciis sunt ^^, jure tamen in gravitate ^^ precessores dici possunt : Principes, inquit, tui infidèles socii furum omnes diligunt, munera sequun- tur, retribuciones pupillo non judicant et causa vidue non ingre- ditur ad eos.

Cap. 27. Quod taies prelati mercenarii dicendi sunt.

Mirum autem quid illud sibi vult, quod cum. ^^ fere quilibet pontifex ab ecclesia cui presidet sex vel septem aut x milia aureorum annuatim accipiat. A rege vero pro stipendiis mille

1. L. reperiunt et reperta cumulant.

2. L. longum perdurare faciunt.

3. L. exactionibus.

4. L. semper manque.

5. L. ea re.

6. L. rectoribus eorum.

7. L. annonam.

8. L. rei manque.

9. L. communam.

10. Is., I, 23.

11. jL. sunt manque.

12. L. in gravitate manque.

13. L. nunc.


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ad summum aureos sue tamen ecclesie et ovilis sibi crédit i curam pro regio ^ famulatu delinquit 2. Nomie saltem ut mercenarius danti majorem mercedem servira debebat, sed sua ^ ad hoc responsio in promptu est. Licet enim amplius sit, quod Ecclesia tribuit quam quod princeps, attamen minus * ille cum majori adjunctum summam cumulaciorem constituit duoque bona pociora sunt uno. Denique fructus qui a rege prebentur, nisi regio lateri assistant, sciunt sibi non datum iri, ac illos qui ex episcopio ^ veniunt longe eciam positis et ab omni servicio immunibus nichilominus tribui, quid quod suam promocionem rege instante factam régi ipsi et non Deo nec Ecclesie imputant. Quapropter ut a grati homines illiusque per quem graciam adepti sunt, nequa- quam immemores ei merito libencius sui ^ vicissitudinem obsequii quam illis referunt, Quid quod regibus servire et non Deo nec Ecclesie didicerunt. Quid quod non intencione alicujus oiKcii in Ecclesia exercendi, sed quietis àut inercie in rerum ' habundancia consectande mitram quesierunt. Quid quod prêter ^ assueta stipendia multa aperta munera ^, multa eciam operta aulica ^° importunitate assequi sperant, que in suis ecclesiis servientes non esse querentur ^^, At saltem, inquies, suis illic ecclesiis ne graventur aut opprimantur, sub- veniunt. Ymo suas et aliénas ipsimet opprimunt, dum pro arbitrio secularium potestatum tributa super eis annuunt. Ne enim ab optimatibus quorum négocia agitant consiliaque fréquentant, ecclesiis plus justo f avère arguantur, quotiens de re ad Ecclesiam pertinente agi contigerit, gravius adversus illam quam aliquis secularium insultant. Rara hiis caliginosis temporibus contra Ecclesiam oppressio, rara invasio, rara ajfflictio que non a suis filiis originem trahat ^2,


1. L. regni

2. L. derelinquit.

3. L. illorum.

4. L. munias.

5. L. ipsis.

6. L. secutLdum..

7. L. majori.

8. L. propter.

9. L. aperte minima.

10. L. aperta exilia.

11. L. assequerentur.

12. L. calamitosis affictio que non a suis filiis originem trahat. L'édition de Gerson de 1483 donne caliginosis.


— 135 —

Cap. 28. Quod utilior est talium prelatorum àbsencia a suis ecclesiis quant presencia.

Sed quid eorum tantopere a suis sedibus absenciam accu- samus, cum per suam, si illic adessent presenciam verisimilius obesse quam prodesse possent ? Quidnam^ enim, oro, illi prosunt, qui toto elabente anno suam bis aut ter intrant eccle- siam, qui totos in aucupio et venatu, in ludis et palestra ^ dies agunt, qui noctes in conviviis acuratissimis, in plausibus et choreis cum puellis et effeminatis ^ insompnes transeunt, qui suo turpi exemple gregem per dévia queque abductum in precipicia trahant *, qui imbarbes adhuc adolescentuli vixdum fercula ^ egressi ad pastorale convolant magisterium et tantum- dem de illo quantum de nautico sciunt officio ? Difficile itaque satis est statuere quis utri eorum magis incommodent suo gregi ? Hiine qui deserto eo lupisque exposito cum scuriis et parasitis in aula versantur ? An hii ^ pocius qui coram pôsiti eum per rapinam vexant, per incuriam negligunt, per erroneum ducatum "^ précipitant ?

Quamvis enim jam^ mercenarios utrosque jure optimo appellaverim, pro re tamen minus parum dixi. Lupi ambo accommodatius dicendi sunt, utrique enim quod lupi est agunt, vorant, dispergunt, lacérant, diripiunt, hii quidem per seipsos, illi vero pro seipsis per alienos. Sentio me diucius quam inicio putaveram hiis nostrorum angelorum, ita enim Sacre Littere presules appellant, preclaris ministeriis immoratum ; sed tante rerum multitudini quam breviori compendio percurrere non michi commode licuit, ignosci oportet. Reliqua, si per singula referentur, sunt multa, sed ea paucis generatim expe- diam.

Cap. 29. De capitulis et canonîcis.

Quid enim de capitulis ^ et canonicis longum me trahere

1. L. quid enim.

2. L. palestra.

3. L. etiam effeminati.

4. L. dévia abducant in precipitium.

5. L. vix ferulam.

6. L. ni pour hii. y. L. per errorem.

8. L. jam manque.

9. L. capellanis. Dans son édition, op. cit., I, 30, Von der Hardt a fait la correction d'après le ms. de WoffenbUltel, n° 347.


— 136 —

sermonem necesse est, cum uno statim ^ verbo dicere liceat similes episcoporum pro suo modo canonicos esse indoctos, symoniacos, cupidos, ambiciosos, emulos ^^ obtrectatores, sue vite négligentes, aliène curiosos scrutatores ac reprehensores, adhuc autem ebriosos incontinentissimos, utpote qui passim et inverecunde prolem ex meretricio susceptara et scorta ^ vice conjugum domi teneant, vaniloquos prêter ea et garrulos, tem- pus in fabulis et nugis terentes, quia nichil utile noverunt aut serium* in quo occupentur et propterea in re sua seu per fas seu nephas augenda, in cura ventris et gule, in carnis voluptatibus hauriendis sue vite felicitatem ut porci Epicurei constituunt.

Cap. 30. De pace et fraternitate canonum.

Quam vero inter se pacem habeant aut quam fraternitatem, déclarant secte et sediciones omnibus modo in ecclesiis per infernales furias ^ srismaticas excitate ®, ut jam feralis ydra scismatica in Ecclesia hiisdem ab Eumenidibus ' stabilita nimia fecunditate germinans omnia fere coUegia suo viperino semine infecerit.

Cap. 31. De causa exemptionum pro correctione vitanda.

Et hos ergo canonicos aliquis vocabit, qui sic ab omni canone, hoc est ab omni régula abalienati sunt, qui, ut licenter et impune omnia que ferret animus flagicia, admittere possint, ab omni se castigacione et disciplina suorum prelato- rum maxima ubique redemptione exemerunt. Fraudant itaque se ^ mutuo, fraudant Deum ^, fraudant Ecclesiam, fraudant pauperes, fraudant subditos. Et sicut Paulus loquitur ^° : Jam inter dispensatores ecclesiarum merito queriiur ut fidelis quis inveniaiur. Quas omnes fraudes et rapinas cum fecerint,

1. L. statim manque.

2. L. emtilos manque.

3. L. scortam.

4. L. honestum.

5. L. hydra.

6. L. excitate... scismatica manquent.

y. L. in Ecclesia vertice ab Erynnibus. L'édition de Gerson de 1483 donne Emineridibus. 8. L. se manque.

g. L. fraudant Deum, fraudant Ecclesiam manquent. 10. / Cor., IV, 2.


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non est qui eos puniat. Ad papam enim quem solum judicem plerique eonim se habere jactant, quis circumvento ^ pauperi accessus ?

Cap. 32. De vita et moribus monachorum se professioni repu- gnantihus.

De monachis autem et monasteriis late patet ad loquendum materia nisi me jamdudum tederet in tôt tantarumque abho- minacionum enumeracione demorari, ne tamen sicco, ut aiunt, pede intacti abeant, paululum aliquid dicere necesse est, Quid autem commendabile de ipsis dicere possumus, qui quanto magis inter ceteros Ecclesie filios ex votis sue reli- gionis perfecti esse debebant, quanto magis abstracti a cura secularium quibus abrenunciaverunt et in sola celestium contemplacione suspensi, quanto magis continentes 2, magis obedientes, minus vagabundi et a claustrorum septis rarius egredientes in publicum, tanto ab hiis omnibus rébus licet eos videre magis aliènes, magis videlicet tenaces, magis avaros, magis seculari rei versis retrorsum animis immixtos, magis insuper lubricos, indisciplinatos, dissolutos, inquietos, magis per loca publica et inhonesta, si modo frena laxentur, discur- santes, ita ut nichil illis eque odiosum sit quemadmodum ^ cella et claustrum, lectio et oracio, régula et religio quocirca monachi quidem sunt exteriori habitu, sed vita, sed operibus, sed interne consciencie spurcicia a perfectione quam ille habitus demonp- trat longissime disjuncti. Fallit autem illos nimium sua opinio. Nam quanto sua professione rejecta terrenis magis adipis- dendis inhiant, tanto pauciora habent, tantoque dotes et redditus sui magis semper in nichilum fluunt. Ecce omnium cenobiorum uberrimos olim fructus ita hodie attenuatos vide- mus *, ut unde centum' vivere homines solebant, decem ^ nunc egerrime vivant. Videmus omnia labi omniaque solo equari; non suppetente copia qua saltem antiqua edifioia a ruine defendantur injuria, quod quidem merito illis evenit. Quamdiu enim juste, sobrie, caste, innocenter vivendo secun- dum sue régule instituta regnum celorum et non hec tempo- ralia querere studuerunt, tamdiu eis onmia illa satis superque

1. L. non potest facile.

2. L. magis continentes manquent.

3. L. quam.

4. L. cernimus.

5. L. vix decem.


- 138-

fuenint adjecta. Primum, inquit Salvator, querite regnum Dei et justiciam ejtis, et hec omnia adjidentur vobis ^. Ubi vero a vite innocencia et a querendo regno ^ Dei per nepharia opéra destiterunt, recte ab eis illa subducta sunt que veris justicie cultoribus regnique quesitoribus fuerant promissa. Regnum, inquit hifetoricus ^, facile isdem artïbus retinetur, quibtis irdcio partum est. Verum ubi pro labore desideria *, pro continencia et equalitate libido atque superbia invasere, fortuna cum moribus simul immutatur, et quod de regno dictiun audis, de opibus et honoribus ceterisque fugacibus donis dictum intellige.

Cap. 33. Z)e Mendicantibus et insanis jactacionihus Mendicancium^

Venio nunc ad Mendicantes^ qui ex professione artissime paupertatis veros se Christi discipulos verosque imitatores esse jactant et gloriantur, quippe qui considérantes, ut ipsi aiunt, illud evangelicum : Si vis perfectus esse, vade et vende omnia que habes et sequerere Tree ^. Et item illud : Nisi quis renunciaverif omnibus que possidet, non potest meus esse discipulus ^. Omnium possessionum suarum rerumque temporalium spreta sollici- tudine ' onereque gravissimo abjecto, Christi ardua semita nudi atque expediti secuti sunt ^, qui eruditi preterea in divinis literis, quibus pêne soli hodie insudant, pabulum verbi Dei, quo populi reficiantur, assidua predicacione ministrant, viam eis salutis eterne quam nemo alius docet aperiunt, justo- rum digna premia impiorumque supplicia demonstrant, sicque animas ab interitu sempiterno per veram penitenciam revo- catas ad Detun converti faciunt. Denique soli ipsi ut asserunt, ceterorum omnium Ecclesie ministrorum ^ segniter dormitan- cium officia peragunt, ministeria -"^ exercent ^^, delicta, ignoran- cias et negligentias suppetunt.

1. Mattk., VI, 33.

2. L. et justiciam... quaerendo regno mangtient.

3. Quel est cet historien? Il est probable que N. de Clamanges ne se souve- nait pas exactement de son nom et qu'il avait seulement présente à la mémoire cette citation banale.

4. L. desidia.

5. Math., XIX, 12

6. Luc, XIV, 33.

7. L. sarcina.

8. L. abjecto... secuti sunt manquent.

9. L. ministrorum manque.

10. L. ministeria manquent.

11. L. add. eorumque.


139 —


Cap. 34. Questio de perfectione Mendicancium.

Sed libet ab eis querere, si hune gradum suprême perfec- tionis Christoque propinquissime attigerunt, quid est quod suis eam verbis ita magnificant, quod insolenter adeo se inde jactant, quod universis propterea inani ^ gloracione se prefe- runt 2, ymo quod alios omnes sui status comparacione ab omni perfectione évacuant. Decebat enim ut alieno ore, non proprio sua illa etherea et angelica in terris perfectio laudaretur, si modo solidam laudem, non vanam, suspectam, odiosam cupie- bant. Nonne hec est perfectonmi vera justicia, ut nunquam se arbitrentur perfectos, ymo vero quo justiores fuerint, eo magis in utilitate de se sentientes longius a justicia abesse estiment, ne ^ dum de eo quod habere se presumunt, inaniter super se efferuntur et ad idipsum quod habebant, si quid tamen virtutis habebant, evanescat.

Cap. 35. Otiod humilitas est fundamentum perfectionis.

Nonne humilis publicanus, sua Deo peccata confessus *, justificatus a Templo redire meruit et quam orabat, veniam impetrare ? Superbus ^ autem Phariseus sua mérita predicans et pauperculum illum ^ despiciens, reprobus abscessit et inexau- ditus, quoniam Dem superbis résistif et humilibus dat graciam '. Videtur autem hec parabola contra hos questuarios verbi Dei adulatores ^ congruentissime inducta, quia sicut S)magoga suos Phariseos habuit, contra quos in Evangelio acerrime Christus semper invehit ^, ita nimirmn hii novi et subintro- ducti apostoli Ecclesie Pharisei censendi sunt, quibus onmia a Christo de Phariseis dicta et forte alia plurima, nescio an dété- riora, conveniunt de quorum sacrilega impietate, quia non multa breviandi studio dicere conceditur ^°, paucas saltem Christi

1. L. vana.

2. L. scripserunt

3. L. nam.

4. Luc, XVIII, 14.

5. L. Superbe.

6. L. illum.

7. Jac, IV, 6.

8. I Petr., V, 5.

9. L. invehitur.

10. L. concedit.


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sentencias, per quas ab eorum insidiosa versucia nos cavere admonet, audiamus. Ait itaque de eis Salvator, sue ^ fontem nequicie patefaciens : Attendite a fermento Phariseorum quod estypocrisis ^. Et rursum : Attendite a falsis prophetis qui •veniunt ad vos in vestimentis ovium. Intrinsecus autem sunt lupirapaces^. An non lupi rapaces sunt velamina ovium gestantes, qui omnia que hujus mundi sunt, verbo suo deseruisse asseverant, facto autem ipsa temporalia incredibili ardore concupiscencie infi- nitis * insidiis, fraudibus atque mendaciis undique exquinint ? An non lupi rapaces sunt ovicularum vellere amicti, qui vite austeritatem, castitatem, humilitatem, sanctam simplicitatem exteriori specie simulant, intus vero exquisitissimis deliciîs et variarum copia voluptatum ultra omnem mundanorum luxuriam exubérant ? An non lupi rapaces sunt sub ovili ymagine latitantes, qui more sacerdotum Belis in suis pene- tralibus oblata dévorant mero se ac lautis epulis cum non suis uxoribus, licet sepe cum suis parvulis avide insarcientes ^ cunctaque libidinibus quarum torrentur ardore poUuentes ? An non lupi lupi rapaces sunt foris ovem mentientes, que ea que facienda ® dicunt, non faciunt, et cum aliis predicaverint, sua ipsa predicacione reprobi efEciuntur ? An non lupi rapaces sunt ovium similitudinem falso pretendentes, qui cum angeli lucis primo aspectu appareant ', non sathane tamen, ut Pauli verba sunt -.Non Christo domino, sed suo ventri serviunt et per dulces sermones et benedictiones seducunt corda innocencium ^ ? Sed audi adhuc quid de illis ad propositum Salvator loquitur ^ : Ve vobis, inquit ^®, scribe et Pharisei ypocrite, qui mandatis quod deforis est calicis et parapsidis, intus autem pleni estis rapina et immundicia, qui similis estis sepulchris dealbatis, que a foris parent hominibus speciosa, intus vero plena sunt ossibus mortuorum et omni spurcicia ^^ ! Quid de eis verius dici ^^, quid aptius, quid


1. L. ipsorum.

2. Matth., XVI, 6.

3. Maith., VII, 15.

4. L. infinitis jnanque.

5. L. sacientes.

6. L. add. sunt.

7. II Cor., XI, 13.

8. Rom., XVI, 18.

9. L. dicat.

10. L. inquit manque.

11. MaUh., XXIII, 25.

12. L. add. potest.


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lucidius prêter ^ quam quod celesti ore dictum audis ? Sed et Paulus, Gentilium doctor, prenoscens in spiritu talium circa extrema tempora subversorum ingressum et Ecclesiam per eos multa tandem scelera sensuram, ad Timotheum suum scribens, illos summo studio declinandos hortatur. Nam post- quam dixerat : Hoc autem scito quod in novissimis diebiis insta- bunt tempora periculosa et erunt hommes seipsos amantes, cupidl, eîati, superbi, blasphemi^, et multa que hiis addidit ab hiis seductoribus non abhorrencia, tandem quod eis est proprium subtexuit, habentes quidem speciem pietatis, virtutem autem ejus abnegantes et hos de vita : Ex hiis enim sunt qui pénétrant domos et captivas ducunt mulierculas oneratas peccatis que ducun- tur variis desideriis, semper discentes et nunquam ad scienciam veritatis pervenientes, homines corrupti mente reprobi circa fidem^. Eciam* rursusque idem Apostolus ad eundem suum discipulum loquens : Spiritus, inquit, manifeste dicit quia in novissimis temporibus discedent quidam a fide attendentes spiri- tibus, erroribus et doctrinis Demoniorum in ypocrisi loquentium mendacium et cauteriatam habencium suam consciencium ^, que nemo ambigere débet de hiis no vis Piiariseis esse scriptji. Multa quoque alia de istorum pseudoprophetarum operta ^' iniquitate qua Domum Dei perfodiunt ac polluunt Sacra in pluribus locis Scriptura, que consulto ob eam causam omit- tenda duxi quia portum vêla nostra desiderant et hec pauca que '^ commemoravi, satis commémorât. Satis eorum perfi- diam quantum ad nostram pertinet brevitatem retegere viden- tur ®. De qua si quidem juvat ^ ampliora agnoscere, Cirillum "° videat et illic mira de hiij inveniet ad fidelium instructionem longe antequam orientur, Spiritu Sancto révélante predicta. Quanquam nec aliqui '^ alii scrip tores eciam defuerunt, qui


1. L. prêter manque.

2. 2 Timoth., III, I.

3. 2 Timoth., III, 6.

4. L. eciam manque.

5. I Timoth., IV, i, 2.

6. L. aperta.

7. L. quo consulto... pauca que manquent.

8. L. detegere videtur

9. L. libeat.

10. Cette indication est bien vague. De quel Cyrille s'agit-il ? Clamanges ne peut renvoyer à un texte grec, mais à une traduction latine ou à des extraits latins qu'il n'a pas été possible de définir.

11. L. aMquot.


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de hiis subdolis illusoribus multa valde utila et preclara post eorum introitum ad Ecclesie premonicionem simul et premu- nicionem prodiderunt.

Cap. 2^' De impudica conversacione monialium.

Restant nunc sole moniales ut nostram narracionem, que- madmodum polliciti sumus, a summo capite usque ad extrema vestigia, nuUo pretermisso gradu, deducamus. De hiis autem plura dicere, etsi plura quam dici possent, suppetebant, vere- cundia prohibet ne non de cetu virginum Deo dicatarum, sed magis de lupanaribus, de dolis et procacia meretricnm, de stupris et incestuosis operibus pudendum ^ sermonem prolixe trahamus. Nam quid, obsecro, aliud sunt hoc tempore puella- rum monasteria, nisi quedam non dico Deo sanctuaria, sed Veneris execranda prostibula, sed lascivorum et impudicorum juvenum ad libidines explendas receptacula, ut idem sit hodie puellam velare quod ad publiée scortandum exponere. Hec sunt que de nostro clero referenda visa sunt, quamvis multa sciens preterii et silencio suppressi, que si per singula complecti vellem et in immensum res progrederetur nec modum habitura esset oracio. Que cum sint ita, nemini débet mirum videri, si Ecclesia ex talibus aggregata multis molestiarum aculeis multisque adversis turbinibus quatitur. Mirum pocius et stupendum videri deberet, si tôt viciis atque impuritatibus ser viens a flagellis immunis ageret 2,

Cap. 37. Comparacio morum modernorum cum moribus priscorum patrum.

I nunc et confer hanc vitam, hos mores, hec regimina cum primeva patrum disciplina, cum majorum caritate, continencia, sobrietate, districta severitate, videbis, nisi talpa cecior ^, tantam inter ea distanciam, quanta inter lutum et aunim, jam si quidem hiis diebus nostris in quos fèces * seculorum deve- nerunt ab aureo capite illius pregrandis statue quam vidit in figura Nabuchodonosor paulatim semper in détériora per argentum, es et ferrum prolabendo, ad partem pedum luteam ac fictilem pervenimus.

1. L. dandum.

2. L. evaderet.

3. L. add. est.

4. L. fines.


— 143


Cap. 38. Conversio ^ actoris ad Deum.

Itane 2, o Deus optime, vineam tuam electissimam, quam tua dextera ipse plantasti, cui sepem et robustam ^ maceriam circumdedisti, itane, inquam, destructa, sepe dinita maceria desertam* ac degenerem effectam paciere, itane vepribus et spinis oppletam ^, itane pro uvis dulcibus, qua ex ea prestola- baris, labruscis sterilibus ^ onustam, ut vix per eam transiens eamdem esse recognoscas, quam tanto olim studio, tanta cura et cultu nobilitaveras ? Ecce jam universe fere eam diripiunt, universa ' agri pecora conculcant. Hinc aper de silva exter- minât, Inde férus singularis imiversa impetu vastans ac perstringens ^ egregia queque depascitur. Adverte, obsecra- mus, Domine, iram tuam et virgam furoris tui a vinea tua et de celo sancto tuo miserentibus oculis super eam respice. Et si non propter nos qui indigni sumus, saltem propter nomen tuum ineffabili clemencia gloriosum, Scimus nostris impie- tatibus hec et majora deberi supplicia. Scimus peccata nostra super arenam multa, super onmem acerbitatem gravitatemque gravissima, sed eciam scimus in hac regione ^ tuam immensam misericordiam omnia hominum peccata non modo que perpe- trata sunt, sed que possunt in mentem cadere, summa inter- carpedine ^° incerta supergredi. Scimus tuam benignissimam pietatem nunquam ignoscendo defessam tuum semper ante- venire judicium, ymo super omnia opéra tua universa prestare. Scimus te pacientem ^ esse, nos quantumlibet dégé- nères attamen filios pro magno autem peccato Filii satis est Patri parum supplicii. Sed scio quid obstitit quominus nobis miseraris et ignoscas, id ipsum volens et appetens quia nequa- quam resipiscimus ab erratis, quia ad te ingemiscentes reverti nolumus ^^^ quod utique per servos tuos Prophetas tue in nos

1. Le ms. lat. 3128 donne par erreur conversons.

2. L. Ita vero.

3. L. combustam.

4. L. despectam.

5. L. opertam.

6. L. sceleribus y. L. omnia.

8. L. perstringens.

9. L. e regione.

10. L. intercaipedine manque.

11. I/. parentem.

12. L. non voliunus.


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vindicte prenuncios tanta cum diligencia nos admones, legem hanc nobis, qua misereri debeas, per eos insinuans ^.

Cap. 39. Excusacio actoris super gênerait deformita acciisacione ecchsiasticorum.

Sed nos qui ad mandata tua dura sumus cervice et indo- mabili corde, te ad veniam vocantem non audimus, te ^ excitantem contempnimus, te suadentem aspernamur, te promptum atque voluntarium ad preterita omnia, si modo preteritorum peniteret, condonanda, per nova et pejora facinora cotidie provocamus. Proinde ad voces nostras obsurdescis tuamque manum adhuc extensam a nostra ^ percussione non revocas, sed novis pocius contumaciis nova indesinenter flagella cumulas.

Nolo autem, ut quis existimet par ea que de viciis ecclesias- ticorum virorum * premissa sunt, me omnes prorsus ecclesias- ticos nuUo excepte comprehendere velle. Scio illum non menti- tum esse nec mentiri posse qui dixit: Petrè , rogavi te pro te ut non deficiatfides tua ^. Nec sum nescius in singulis quibusque statibus aliquos forte et plurimos bonos, justos, innocentes esse ab illis quam maleficiis, que supra memorata sunt, separatos ^. Absit ^ namque ut te, Petre, qui Cameracensi cathedre dignus autistes présides, dum nostrorum episcoporum acta recense©, fedis eorum moribus involvam, inter quos proculdubio hac nubilosa tempestate velut rosa inter horrencia spineta aut velut gemma preciosa inter saxa vilissima resurges. Absit ut sanc- tum Papam nostrum Benedictum, suorum antecessorum per tôt amaritudines commissa luentem, quo pastore dignius non erat mundus, illis tôt prevaricacionibus quas de Romanis pontificibus exposui, immisceam, a quibus, quia ipse nimium abesse voluit, nec nepharie cum principibus seculi aliorum more fornicari, se in cunctis illorum arbitratu morigenum et

1. L. insinuas.

2. L. te manque.

3. L. extentam a nostri.

4. L. viroinim manque.

5. Luc, XXII, 32.

6. L. add. separatos.

7. Comme il a été dit plus haut, tout ce passage depuis Absit jusqu'à nota respergere a été supprimé dans le texte révisé et ne se trouve que dans les mss. de la Bibliothèque Nationale, de Saint-Omer, de la Mazarine et de V Univer- sité.


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obsequentem exhibente, Idcirco in caput suum tôt dura tanta- que acerba irruerunt. Absit denique ut alios quamplures titu- latim in Ecclesia préférantes, quos singulatim nominare nichil attinet et quos ab istiusmodi sceleribus integros esse arbitrer, €um illis quorum vicia coargui, censoria velim nota respergere. Sed tanta est improborum in singulis professionibus exube- rancia, ut vix inter mille unus reperiatur qui id quod sua professio exigit sinceriter faciat.

Quin eciam si simplex aliquis, si castus aut fragilis ^ in Collegio aliquo vel conventu latam et lubricam proditorum ^ viam non sectetur, fabula et ridiculus ceteris efficitur inso- lensque et singularis, insanus aut ypocrita continue appellatur, unde et multi qui ad bonam frugem devenirent, si cum modes- tis et bonis degerent, hac racione absterriti^ per maîorum consorcia ad malum trahuntur, dum talia inter suos contu- bernales nomina subire verentur. Inde est illud Psalmi utique verissimum : Cum electo electus eris et cum perverso perverteris.

Cap. 40. Quare de bonis viris actor silet.

Quamobrem nemo admiretur si rari hoc tempore sinceritate aut innocencia fulti in Ecclesia sint tôt sceleratis in omni loco ad mala impellentibus et per mille insidias sollicitantibus. Itaque, propter multitudinem nequicie ita prevalentem *, de bonis siletur qui aliis compositi parvo nimis in numéro atque momento sunt, ut, dum sermo de pollicie Ecclesie aut de membris ejus incidit, tanta turba prevaricatorum totam Eccle- siam in crimen ^ adducit, eo loquendi more quo plerisque in locis Scriptura utitur. In Genesi namque loquitur : Omnis caro corruperat viam suam ^, et tamen eo tempore quo propter peccata hominum cathaclysmus erupit : Noe vir justus coram Domino repertus est et pr opter ea cum suis in archa salvatus '. Rursus in libro Psalmorum scriptum est : Omnis homo mendax et omnes declinaverunt, non est qui faciat honum^. Et tamen idem

1. L. frugaKs.

2. L. perditorum.

3. L. abstracti.

4. Psalm., XVII, 26.

5. L. privilégia te.

6. L. tjTrannidem.

7. Gènes., VI, 11, 12, 13.

8. Psalm., XIV, i.

CLA.MANGES 10


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qui heç dixit, demum (Je se testimonium habet, quia invenisset eum Dominus virum secundum cor suum^.

Cap. 41. Qmd status eçclesiasticus merito patitur.

Igitur cum ad hune modum magistratus ecclesiarum cete- ra que ofRcîa se habeant, quis dubitet justa ^ Dei animadver- sione mala eis que patiuntur accidere ? Res mira, ut supra diximus et insolita deberet videri, si quid eis prosperum acci- deret. Nonne per totam divinorum voluminum seriem bona nobis hoc pacto a Deo promittuntur, si legem ipsius servemus, mandata teneamus, in preceptis ambulemus, fedus nobiscum ab eo initum non irritum faciamus ? Quod si nephariis operi- bus testamentum ejus prophanemus, pactum et legem irrite- rons, jussa et tradiciones postponamus, qua fronte bona ab eo petere aut sperare presumemus ? Necesse est sortem alteru- tram subeamus, aut prosperorum premia si mandatis obedia- mus ^, aut pollicita * supplicia si transgresser es simus, quia nunquam mentiri novit qui pro operum qualitate utraque retribuanda ^ spopondit. Quid synagogam que typus Ecclesie fuit secundum quod Paulus dicit : Omnia illis in figura conti- gisse ^, quid eam, inquam, prostravi deserique a Deo et tôt çladibus opprimi, nisi ejus malicia fecit. Si igitur juxta para- bolam Ezechielis de duabus sororibus '^, Oliba soror junior Oole sorori ^ majori similia gessit, ymo, cum fiagiciis et forni- cacionibus amplius in saniendo superavit, quomodo sibi credet impune cedere? Expergiscere tandem aliquando a longiori tuo sompno, infelix soror Synagoge, expergiscere, inquam, aliquando et tue ebrietati diu satis, ut ita dicam edormite mo- dum impone Prophetamque istum et cetçros vide, lege, inte- Uige, si tamen non usquequam tua ebrietas cor tibi et intellectum abstulit, fornicacio nempe et ebrietas. Prophète testimonio, cor offerunt ®. Si ergo ulla in te sani cor dis scintilla superest, Prophetarum dicta ^^ revolve, tuum que illiç

1. Psalm., LUI, 4.

2. L. nisi.

3. L. obediaremus

4. L. pollicita manquent.

5. L. tribuenda.

6. I Cor., 10, II.

7. Ezech., XXIII, 4.

8. L. Olla et Oliba sorori.

9. L. Cor tibi et... offerunt manquent sauf Prophète testimonio.

10. L. add. sedulo.


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statum et tuam confusionem non utique dormitantem, sed e vicino impendentem considéra : videbis quis te exitus expectat, quamque maie et periculose in sordibus tamdiu jaceas. Quod si Prophetas non audis nec de te, dum tôt mâla nunciant, locutos arbitraris, ipsam te fallis et periculoso nimio errore deciperis ^. De te enim illi locuti sunt et que minantur opéra super te, nisi desipis 2, relapsura debes agnoscere. Sed fac eoruni vaticinia alio spectarç, quid de tua prophetia de Johannis scilicet Apocaly[p]si ^ censés ? An * Hlam saltem ad te aliqua ex parte pertinere putas ? Non pudorem ita cum sensu perdidisti, ut hec neges ? Illam ergo intuere et lege dampnacionem magne meretricis super aquas multas sedentis illicque tua preclara facta contemplare et tuos futures casus.

Cap. 42. Quod ecclesiasticus status pr opter superhiam tendit ad ruinant.

Porro cum omnia imperia et régna gentium, quantumeunque potentia magna vel dicia ^ ob suas injusticias et superbias deleta audias, eversa videas atque pessundata, tu que solidam humi- litatem, super quam fundata eras, nulles impetus turbinum metuentem tam longe abjecisti tuumque cornu tam in altum extulisti, quomodo exciso atque avulso tuo humili fundamento tantam superbie molem, quam desuper extruxisti ^, non ruitu- ram putabis. Cepit jamdudum tua super bia naquaquam se ferens ruere '^, sed lente quidem et pedetemptim, et propterea a pluribus ruina Hla non est percepta. Nunc verc in modum torrentis tota in preceps ageris et ex illo presertim tempore quo abhominandum hoc scisma te invasit, quid profecto ad primas comprimendas tuas nequicias intollerabiles et insanias falsas divina super te iracundia innisit ^, quo vel sic regnum tuum Deo grave, gentibus odiosum juxta evangelicam veri- tatem in seipso desolaretur fractumque et dissipatum corrue- ret ^, non quidem quod fides Ecclesie in hoc mundano con-

1. L. desipis.

2. L. respicis.

3. Apocal., XVIII, 7.

4. L. add. non.

5. L. dura.

6. L. extendist.

7. L. palam. 8; L. permisit. 9. L. concideret.


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flictu militanti prorsus ^ periclitari debeat, que fundata supra firmam petram stabilis et inconcussa mansura est. Sed loquor de temporali potentatu, de gloria et diviciis 2 quibus usque ad nauseam et oblivionem sui ipsa Ecclesia inebriata est, de quibus in dampnacione meretricis vindicibus angelis preci- pitur. Quantum glorificavit se et in deliciis fuit, tantum data ei tormentum et luctum. Nam, ut ea que longinqua sunt, de Grecorum a nostris ^ dissidio propter nostrorum superbiam et avariciam orto de contractis limitibus catholice religionis per totam pêne orbis terrarum vastitatem olim porrecte, ut hec, inquam, et alia nonnuUa vulnera pridem Ecclesie infligi cepta non repetam, nonne saltem ruina illa qua urbem Roma- nam sedem ac caput Ecclesie sic ruere et coUabi videmus, Ecclesie pocius et tocius Imperii desolacionem propinquare nunciat, sicut destructionem Jherusalem secuta de proximo est Judeorum et Synagoge dispersio. Quomodo enim diu stabit aut vigebit que, sua destructa stacione et capite perdito, vaga et instabilis per orbem discurrit et quasi jam peregrina aut hospes in mundo de loco uno ad alium migrare cogitur. Ex illo plane suam cladem imminere prenosse debuit ex quo propter suas fornicaciones odibiles Romuli urbe relictâ Avenionem confugit, ubi quanto liberius, tanto apercius et impudencius vias sue symonie et prostitucionis exposuit peregrinosque et perversos mores calamitatum inductores in nostram Galliam invexit rectisque usque ad illa tempora moribus frugalique disciplina institutam *, nunc vero luxu prodigioso usque adeo solutam, ut merito ambigere possis utrum res ipsa auditu mirabilior ^ sit an visu miserabilior. Verum alias forsan de Gallia, nunc de Ecclesia loquamur, que maligno nescio quo fato ® loca quibus insederit, suo fermento inficere consuevit causaque ' pemiciei ac ruine illis esse quanquam non gratis absque ulcione vicem enim ei debi- tum Italia ^ reddidit, que nudam et suo patrimonio paulo minus spoliatam suis e sedibus ejecit. Modo ^ vero ipsa Gallia

1. L. cursu.

2. L. deliciis.

3. L. nobis.

4. L. instante.

5. L. auditum irabilior.

6. L. pacto.

7. L. casus.

8. L. eis debitam Italiam. o. L. naala.


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inops per eam facta reddere incipit, ut impleatur illud Pro- phète 1 presagium : Confunderis ab Egypto sicut confusa est ah Assur 2. Et illud : Fiîia Babyhnis misera, beatus qui retribuet tibi retribucionem tuam quam retribuisti nobis ^. Postquam enim, importabili sarcina peccatorum exigente, furiale malum scis- matis in Ecclesiam irrepsit, ut obmittam que in pseudoponti- ficem omni prorsus impuritate maculorum pertinax suorum error commisit *, quid Clémente nostro, dum ^ advixit, misera- bilius, qui ita servus servorum Gallicis principibus addixit^, ut vix minas et contumelias ' que sibi cotidie ab aulicis infe- rebantur, decerat in vilissimum mancipium dici, cedebat ille furosi, cedebat tempori, cedebat flagitancium importimitati, fingebat, dissimulabat, largiter promittebat, diem ex die duce- bat, hiis bénéficia dabat, illis verba. Omnibus quos ars assen- tatoria aut ludicra in curiis acceptos fecerat summopere placere studebat eosque beneficiis promoveri, quo talium patricinio dominorum graciam ac favorem venaretur ^. Hiis itaque juvenibus nitidis et elegantibus, quorum maxime consorcio delectabatur ^, singulos fere vacantes episcopatus ceterasque precipuas dignitates impendebat. Denique ut principum beni- volenciam facilius assequeretur, consecutam foveret, fotam consevaret, conservatam amplificaret, plurima ultro dona^® atque exenia ^^ illis dabat, quascunque super clero exactiones petere voluissent annuebat, ultro eciam sepius ingerebat. Sicque onmem clerum secularium magistratuum disposicioni subji- ciebat, ut papa magis quilibet eorum quam ipse putaretur. In hac tristissima servitute, non dico presidencia tria, ut super ^2j temporum lustra cum incredibili Ecclesie attricione consumpsit.

1. L. prophetice.

2. Jerem., II, 36.

3. Psalm. CXXXVII, 6.

4. L. omittam que per altemm tune apud N. de papatu contendentem gesta sunt, potius hec scribenda illis reUnquam qui cum eo conversati certius mores illius atque eorum que secum habebat enarrare possunt, quid Clé- mente...

5. L. quo.

6. L. addixit.

7. L. ut eas ferret injurias et coutumelias.

8. L. et favorem assequeretur et similia, etc.

9. L. gaudebat.

10. L. donaria.

11. L. xenia.

12. L. vel supra.


— 150 —

Ut ^ autem rébus humanis exemptus est, successitque is pastor Benedictus, quem niinc in domo propria captivum cernimus, quis possit aut fando clades explicare aut flendo lacrimis equare dolores ? Suroma tantum fastigia rerum sequar, ne, si singula persequi temptavero, impares sub tanto fasce humeri succumbant. Confundi ecce jam omnia, perverti et perturbari videmus. Dissolvitur universa ecclesiastice policie armonia. Jacet caput. Ruunt membra. Tota divulsa compago dilabitur, Omnes ordines, omnes gradus, omnes dignitates, omnes status et officia languescunt. Subducta summus ponti- fex a suis subditis obedencia, vallatus obsidione in carcere et squalore, vitam luctuosam et ingratam trahit. Meret Curia Romana solito plausu et frequencia destituta. Violantur passim et afiliguntur temporalium libitu ecclesie. Ignari, ymo perni- ciosi per vim et potenciam, velint aut nolint, patroni in illas intruduntur. Quod si ipsi patroni a principe postulâtes admit- tere récusent, continuo, si quid iUis temporale subest, regia manus arripit, non antea utique quam sue per omnia ordi- nacioni obtemperatum sit, Nec vero hujus lamentabilis plage, quam nunc Gallicana ecclesia perpessa est, ymo peregit et quam utinam ex onmi memoria in perpetuum deleretur, pon^ tifex Benedictus, ut falso ab emulis insimulatur, in culpa est. Artifices hujus rei saltem precipui sunt prelati et cardinales Gallici in quorum duntaxat capita, si malum hoc retorque- retur, ferendum, utcimique foret. Insontes atque immeriti gravius exinde plectuntur, quanquam nec ipsi quidem scandali machinatores immunes abibunt, qui cervicem a . paterna et débita subjectione excussa jugo valde duriori subdiderunt et Scillam, ut dicitur, efFugere rati, in voratricem Caribdinim inciderunt. O Gallicana ecclesia, te enim angor animi com- pellere cogit : que hebetudo mentis excecavit ? Que perver- sitas adeo mentem tuam abalienavit ut tantum in patrem tuum, in matrem tuam, in te ipsam scandalum faceres, ut tam inde- lebilem omnis futuris seculis in tua gloria maculam poneres ? Tu onmi retroacto etate propter Romane ecclesie présidium et defensacionem famam usque ad astra tulisti. Tu eam a tyràn- nis afflictam, vexatam ab Infidelibus, calcatam a Barbâris et a violentis quibuscumque oppressibus appetitam per tuos inclitos principes protegere atque ab onmi hostilitate eripere


I. Tout cet important développement jusqu'à instarent tempore a été sup- primé dans le remaniement. Voir ce qui est dit à ce sujet plus haut, p. 45.


— i5ï —

cônsuevisti. Tu Romanos pontifices suis sedibus pulsos tôciétis in illas restituisti. Tu decus et fortitudo et clipeus, tu lumen et spes unica Ecclesie satis alibi turbate vocabaris, quomodo ita in amafitudine conversa es, ut tante calamitatis, tante fuine, tanti excidii sibi fomes fieres ? Quomodo innitenti super te baculus arundineus effecta es, tibi incumbente, confractus et manus illius perforans ? Quomodo in verum Ecclesie spon- sum et Christum Dominum per te pro tali habitum et diti susceptum aliis suo intruso firmiter et inconcusse adherentibuâ manus tuas extendere non timuisti et quem ab extêriorem injuria propulsare debueras, conclusum in domo propria commeatuque prohibitum machinis et aggeribus oppugrare temptasti. Non inquinatus heresi, non dampnatus aut convictus erat, ut ita sibi flammis aut ferro prosequendus esset. Nec illi sui hostes Dei et Ecclesie hostes, omnium bonorum hostea, qui te ad hoc facinus aggrediendum impulerunt, testes aut judices ydonei erant quibus in eo errore, ymo furore credere debuisses. Sed quanquam de Ecclesie unione per ipsum remo- rata mentitum sit, una hec res eum pertulit quod archam domi in culcitratum vaccarum pinguium in pascuis Israël lasci- mentium, cujus corruencium manu auxiliatrice supposita, instar Oze, usquaquam laberetur, retorquere voluit cum divina disposicione peccatis exigentibus magis adhuc dejectionis quam opis absque subsidii instarent tempora.

Cap. 43. Quod Ecclesia priiis humilianda quaîn erigenda est.

Quia enim ^ Ecclesia sèipsam humiliare vel tôt flagelliâ âttrita contempsit recte ab illo qui plus equo exaltata humiliât elîsaque et humiliata erîgit, prius humilianda erat ut in graciam a qua exciderat, recideret, postea erigenda atque sublevanda, prius desolandâ postea Cônsolandâ, prius percucîenda, pôstea sananda. Nam quod ad reintegrandam ipsam Ecclesiam scis- mate hoc funesto dilaceratam attinet, frustra aliquid per nos effici posse ^ speramus. Non hoc humanis opibuâ, non uUa arte magistra ^ agendum est ; altiorem plane manum rea ista deposcit et necesse est, si unquam uniri debeat, idem ipse medicus sit qui vulnus intulit, quia et tam acerbum tamque inmiedicabile vulnus est, ut nulla ope altéra curari valeat.

1. L. enim manque.

2. L. posse manque.

3. L. in gratia.


— 152 —

Multa super hac re tractata sunt, multa agitata"^, multa cons- cripta, multa consulta, multe legaciones suscepte. Verum quo 2 plura miscuimus et moliti sumus, eo res assidue impli- cacior ^ et turbacior emersit *, Deo labores nostros irridente, imo jugiter irritante, qui nostra sine ejus adjumento sollercia suum illud ^ opus explere credimus ^. Adde quod indigni sumus et pacem ab eo impetrare et pacem habere, quia non est pax impiis, dicit Dominus, qui rursum per Propheta ait : Erit opus justicie pax '^. Denique, nato in carne Domino, ange- lorum exercitus pacem suo predulci carminé in terra denun- cians, solis eam hominibus bone voluntatis futuram nunciavit.

Cap. 44. De duabus virgis de quihus gregem suum pascit.

Quod autem a Domino hec pestis scismatica processerit, ex quibusdam in Zacharia scriptis licet aperte coUigere ^. Legi- mus si quidem in illo Propheta, qui multa de futuris temporibus et novissimis Ecclesie tribulacionibus sub prophetico velamine pretexuit, quod Deus sununus pastor omniumque aliorum caput et régula in duabus virgis pascit gregem suum, que sunt decus et funiculus, quia decoris moribus et fraterna caritate prediti esse debent qui volimt in Ecclesia populis preesse. Caritas ^ enim, que est vinculum perfectionis, funiculus triplex est qui difficile rumpitur quia in Deum et proximum et seipsum tendit. Verum si anima pastorum divinis minime jussis obtemperans sua et non que Dei sunt quesierit ^° et turpi in Deum operacione variaverit, contrahitur anima ejus super eos precidensque virgas suas ab eis subtrahit pro décore ignominiam et dedecus pro conectente autem funiculo scismata, contenciones et virulenta inmiittens ^^ diffidia, et hoc pacto irritum facit fedus suum germanitatemque omnes ^^ inter eos dissociât, quia ple- nimque pro culpa superiorum ipsi eciam subditi puniuntur,

1. L. add. vel cogitata.

2. L. quod.

3. L. multiplicatior.

4. L. evasit.

5. L. illud ipsius.

6. L. credidimus.

7. Is., XLVIII, 22.

8. Zach. XI, 6.

9. L. charitati.

10. L. querit.

11. L. dimittens.

12. L. omnes manque.


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sicut propter reatum David in populi numeracione, populus plaga pestilencie^ pessima percussus legitur. Constat autem primam virgam, que decus vocatur, propter vicia pastonim, jam ante annos multos ab Ecclesia precisam ac sublatam ex eo videlicet tempore quo probrosos illos mores, de quibus antea memini, induerunt. Ex illo si quidem fluere, infirmari, languescere, rétro sublapsa referri cepit Ecclesia, quippe que vernanti exuta décore pallidam et obscuratam, in terra dejec- tam faciem gerebat. Postquam vero ejusmodi languor, nulla fermenti opitulacione medicatus, sed diuturna incuria neglectus, adeo per moram temporis invaluit adeoque membra universa pererrando totum corpus occupavit sicque obsessum tenuit ut jam vix ultima ^ sibi invicem membra ipsa coherere possent. Et verum esset illud propheticum : A planta pedis usque ad verticem ^ non est in eo sanitas *. Sublata est virga secunda funiculus qui membra ejus invicem colligabat 5, et inter Judam et Israël per hoc infandum scisma germanitas dissociât.

Cap. 45. Quod scisma fuit inicium Ecclesie desolaciotiis.

Simile ^ quippe est hoc scisma illi quod divina ulcione post régis Salomonis interitum inter Judam et Israël, Roboam atque Jéroboam exortum est. Sicut enim in illa regni scissione decem tribus filiorum Israël in parte Jéroboam cesserunt qui adven- ticius erat et sceptri usurpator, duabus tamen tribubus regni Roboam vix remanentibus, ita in hoc quoque scisma Ecclesie de duodecim partibus populi catholici, si esset in duodecim partibus distributus, due vix orthopontificem secute sunt, relique omnes pseudopontificem per vim et sedicionem tumul- tumque populorum in sedem intrusum. Denique quemadmo- dum scisma illud per multas temporum regumque successiones cum infinitis cladibus usque ad excidium urbis Jehrusalem et captivitatem populi indacti per regem Babylonicum perducta est. Ita non immerito pertimescendum est ne divisio ista pesti- fera per tôt mala cotidiana Ecclesiam labefactam usque ad

1. L. pestilentica.

2. L. ultra.

3. L. add. capitis

4. Is., I, 6.

5. L. Colligabat que nunc rupto pacis vinculo nefandum scliisma horren- dumque prorsus dissociât.

6. Ce développement jusqu'à tandem perveniat a été supprimé dans le remaniement.


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futuram ipsius a principe quodam Babylonico sive Macho- metico, quisquis ille futurus est, spoliacionem et captivacionem tandem perveniat. Putant quippe nonnuUi qui multa de hoc scismate et futura Ecclésie per ipsum desolacione divino, ut Cfe- ditur, instinctu jamdudum prelocuti sunt, teterrimam Ecclesie tocius ex eo conculcacionem incredibîlemque vastitatem per teneris violenciam imperii, cujus multa sibi jura occupavit, orituram, qua terrenis exuta copiis que aliéna glutierât, non ^ trita evomat, filiosque fornicacionum quos tum ^ principum importunitate, tum improbissimo mercatu plurimos genuit, morte, fuga, exilio, famé et captivitate oppressos, lugeat, que fortassis persecucio maturius quam plerique putant cervi- cibus ^ incubitura est. Magna enim ejus fundamenta nisi obcecati sumus, jam jacta videmus * que cotidie magis ac magis a terra surgere et in apertam jamjamque lucem erum- pere, nemo est, si modo sensum habet, qui non valeat advertere.

Cap. 46. Ouod pr opter abhomitiaciones et tantam insaniam Ecclesia obruenda est.

Et profecto justissimo Dei judicio tanta malorum inunda- cione obruenda. et concassanda est que in tantam omnium abhominacionum insaniam excrevit, ut nuUà alia via castigari aut ad priorem innocenciam redigi posse videatur. Processe- runt infinita signa, admoniciones, Cômiminaciones, increpa* ciones, clades, verba, flagella que ipsam ad sanam mentem, ne instancia talia pateretur, revocarent. Sed nichil est omnibus hiis actum, ymo incassum onmia consumpta. Frustra, inquit Propheta, conflavit conflator^ malide eorum sunt consuiîipte. Fronte enim contra Deum obfirmatâ ^, omnia contempserunt et velut equus infrenis pôst suas concupiscencias rapidiori semper impetu cucurrerunt.

Cap. 47. Si Ecclesia florere et fructijtcâre habeat. Nunciata est in omni statu Ecclesie morum reformado.

Quis igitur tibi, o Christe, modus restât, si tuam Ecclésiam a tanta scordcbcorie, in quam argentum ejus et aurum versa

1. L. maie.

2. L. ctim... cum.

3. L. add. eorum.

4. L. âilnt.

5. L. obstinata.


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sunt, emundare disponis, nisi ^ ut totam ipsam scoriam nuUa ^ conflatili arte aut purgatorio igné in aunim atque argentum ^ reparanda ab Ecclesie fornace projicias et puro illuc nitore rutilancia metalla iterum inducas. Et si tuam prêter ea vineam labruscis senticosisque virgultis palmites suffocantibus obsep- tam, infructiferam, vis ad naturam reducere, quis deterior modus * id agendi quam inutiles stirpes eam sterilem efficientes que falcibus amputate repullulant, a radicibus ^ evellere vineam^ que ipsam aliis agricolis locatam, novis rursum aut feracibus palmitibus inserere ? Neque enim "^ te ipso teste, aut de spinis uve coïligi aut de trïbulis ficus, sed et arborent nullum fructum ferentem excidendam sanxisti atque cremandam '. Fallitur igitur quisquis labores et dolores Ecclesie hiis malis, quejampatimur, finiri estimât ^. Hec non nisi exigua ^ dolorum nuncia ^° et suavia quedam eorumque superstant preludia. Sed tempus erat ut portum, ingruente jam tempestate, peteremus nostreque in hiis periculis saluti consuleremus, ne tanta procellarum vis que laceram Pétri naviculam validiori turbinis impulsu quam uUo alias tempore concussura est, in mediis nos fluctibus cum hiis qui merito naufragio perituri sunt, absorbeat.

Cap. 48, Devota or ado actoris pro salutari fructu reformacionis consequendo ^^.

Unum in fine opuscùU, quod jam longius contenditur ^^^ te benignissime Jhesu, supplices oramus, ut, quecumque tua super Ecclesiam futura sunt judicia, magna enim absque dubio futura sunt, non ea in severitate ulcionis secundum ejus peccata

1. L. multa.

2. L. multa.

3. L. atque argentum manquent.

4. L. melior modus. Dans le ms. latin 3625 de la Bihl. nat. et dans les mss. de la Mazarine : desterior. Voir p. 42.

5. L. radicitus.

6. L. enim manque.

7. Matth., VII, 16.

8. L. existimat.

9. L. add. sunt.

10. L. initia.

11. Sur cette Dewoto oracîO qui ne figure ni dans l'édition de 15 19, ni dans celle de 1562, mais qui termine l'édition de 1520 et la traduction fran- çaise de 1564 dans le Livre des Martyrs de Jean Crespin, voir ce qui est dit plus haut, p. 57.

12. L. tenditur.


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exerceas, neque secundum ^ ipsius iniquitates immensam iram merentes ei rétribuas, sed juxta inenarrabilem tue clemencje lenitatem et in penarum exactione quam non meretur pieta- tem largiri digneris. Sic que ea que noxia sunt et supervacua rescinde, ne pauca que non usquequaque inutilia sunt cum hiis eciam pariter exscindas. Ita igitur preme ne prorsus obteras ; ita castiga ne prorsus extinguas ; sed saltem ne Sodome au ^ Gomoroe similis sit, semen ei aliquantulum - reîinque, memor ^ tui sacratissimi verbi * quo tecum illa futura promisisti omnibus diebus usque ad consummacionem seculi. Deo gratias.

1. L. ejus peccata exerceas, neque secundum manquent.

2. L. aliquot.

3. L. add. tamen.

4. Is., I, 0.


ESCRIT DE NICOLAS CLEMANGIS

TOUCHANT L'ESTAT CORROMPU

DE L'ÉGLISE (1564)


Le texte de l'Escrit de Nicolas Clamangis est donné d'après l'édition du Livre des Martyrs de Jean Crespin publiée à Genève en 1564 sous le format in-folio. Le tirage de 1565 et la petite brochure de propagande datée d'Orléans, 1564, ne font que reproduire le texte de cet in-folio. A partir de 1570 jusqu'en 1619, et encore dans l'édition moderne de Toulouse de 1889 (in-40, t. I), il n'y a plus dans le Livre des Martyrs que le texte fragmentaire décrit plus haut ^. Il a été jugé utile de reproduire la traduction de 1564, parce que les exemplaires complets sont très rares, surtout la brochure de propagande, et que les éditions postérieures et notamment celle de Toulouse, la plus récente et la plus répandue, pourraient faire croire à tort que Jean Crespin dans le Livre des Martyrs n'a donné que des extraits du De ruina et reparacione Ecclesie 2.


1. P. 72.

2. On n'a pas cru devoir répéter ici les renvois aux Livres Saints, inscrits dans les marges, puisqu'ils figurent déjà dans les notes du texte latin.


ESCRIT DE NICOLAS CLEMANGIS TOUCHANT UESTAT CORROMPU DE L'EGLISE


La France aussi en ce siècle 1417 n'a esté destituée de vrays Docteurs qui ont fidèlement exécuté leur charge d'annoncer la lumière et le jour du Seigneur : entre lesquels Nicolas Clemangis docteur de Paris et archediacre de Bayonne \ a laissé certain tesmoignage par escrit, digne sur tous que les fidèles lisent pour voir la source de l'horreur et confusion de l'église Romaine.

Comme i'eusse pris hier le sainct livre de la Bible 2, et m.e fusse mis à lire la première Epistre de Sainct Pierre, que i'avoye premièrement rencontrée, ie tombay sur le propos, ou l'Apostre dit, Qu'il est temps que le iugement commence à la maison de Dieu. Lesquelles paroles ie ne passay en courant comme le reste de l'Epistre : mais retardant quelque peu l'impétuosité de la lecture, ie coatraigny mon esprit surpris d'horreur subite, de s'arrester sur ceste sentence pour l'imprimer plus avant en ma mémoire. Incontinent les oppressions et calamitez que l'Eglise endure à présent, se représentèrent devant mon entendement, ia assez troublé et espo vanté, avecques celles avenir trop plus grandes, qu'elle doit souffrir, se ie ne devine mal. Quant et quant ie pensoye aux causes très iustes de si grans maux. Car attendu qu'il conviendroit que les Ministres de l'Eglise (desquels Christ doit estre l'héritage et la posses- sion) fussent nets de souillure de convoitise terrienne, et iustes à l'imitation de celuy qui est très iuste : humbles pour autant qu'ils représentent le très humble ; paisibles et amiables,

1. A V avant-dernier folio du volume (non paginé), au verso, un court erra- tum corrige Bayonne en Bayeux.

2. En marge : M. D. XVII, ce qui est une faute grossière, puisque la note qui précède le texte donne bien 1417- H n'y a aucun argument à tirer de cette erreur matérielle contre l'authenticité du traité de Nicolas de Clamanges .


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à cause qu'ils doivent estre comme moyenneurs de concorde entre Dieu et les hommes. Mais au lieu de telles et semblables vertus, dont il faudroit qu'ils fussent ornez et emparez, ils sont souillez d'ordure de tous vices. Qui s'esbahira main- tenant si plusieurs adversitez leur advienne, et si Dieu s'es- trange d'eux pour l'enormité de leurs forfaicts, dit par le Psal- miste : lay hay Vesglise des malings ? Or pour toucher en bref leurs vices, pour lesquels ils ont mérité à bon droit que Dieu irrité les affligeast : ie recommenceray tout premièrement à la convoitise, qui est la racine et nourrisse de tous maux.


La cause de la première fotidation et dotation des Eglises. Chap. i.

Il n'y a personne que ie pense, qui n'ait assez entendu et retenu, combien les Ministres de l'Eglise de Christ, gens excellens en toute vertu, et dignes de louange à tousiours, ont peu fait conte de la chevance terrienne, se contentans ample- ment selon la doctrine de l'Apostre, du vivre et du vestement. Et avenant qu'ils fussent plus aisez en leur mesnage, ils pen- soyent de soulager la pour été des indigens. Car ces gens très religieux qui ne pensoyent qu'aux choses célestes, craignoyent que s'ils eussent quelque peu trop appliqué leur affection à ces choses transitoires, leur esprit d'autant destourné de la méditation des spirituelles (ausquelles ils s'estoyent totalement vouez) fut moins ravi en Dieu, par estre courbé en l'adminis- tration et soin des choses basses. Mais il advenoit par la grâce divine, que d'autant qu'ils mesprisoyent les richesses et gloire temporelle, elles leur venoyent plus abondamment de toutes parts, à la manière et façon de l'ombre qui fuit céluy qui la suit : et au contraire si tu la fuis, elle te suyvra et tousiours t'acompagnera. Car voyans les hommes qu'on a appelé laiz, tant Princes qu'autres riches la saincte et honneste conversa- tion de telles gens, purgée par un feu d'amour divin de toute ordure apparente, se perforçoyent à l'envie de leur amasser des biens à planté : afin qu'estans despestrez de toute soUci- tude, ils peussent plus ardemment vaquer aux affaires de la religion sans aucun destour hier : de leur part, s'estimans bien heureux si tels bons personnages daignoyent recevoir ce qu'ils ofîroyent pour estre converti en tels usages, et prier pour eux. Par ce moyen l'Eglise a esté accreiie et ornée de plusieurs grans biens : plusieurs monastères ont esté fondez, plusieurs chapi-


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très et collèges bastis ^. De là les eveschez et parroisses ont prins commencement : temples magnifiques ont esté édifiez bravement aux despens tant des Princes que du peuple. Fina- lement tous les degrez et professions des Ecclésiastiques sont devenues merveilleusement riches et foisonnantes en biens. Les premiers pères qui les avoyent ou acquis ou possédez, n'ont employé en usages profanes ces biens corame font aujourd'huy plusieurs : ains en aumosnes, hospitalitez et autres œuvres de charité et de pieté. Que si ces choses perfournies et leur nécessité sobrement prise il restoit encores quelque bien, ils le convertissoyent à ce qu'ils appercevoyent plus expédient et nécessaire. Ils n 'avoyent vaisselle ny d'or ny d'argent : se contentans de boire en vaisseaux d'estain ou de terre. Il n'estoit question de grans chevaux bardez : moins de trouppes de basteleurs marchans devant, de iuvenceaux bien pignez et testonnez, habillez de bigarrures et façons sauvages, à manches amples et quasi pendantes à terre selon la guise des Barbares. ladis le monde estoit heureux d'avoir telles sainctes gens : les villes et villages estoyent tant et pliis peuplez : les estables estoyent remplies de bestial, qui portoit à force. Les arbres panchoyent d'abondance de fruicts, les champs estoyent couverts de blez : par ce que la douceur et gratieuseté de l'air et du ciel rendoit par son influence la terre propre à produire toutes sortes de fruicts. Et comme si la terre n'eust plus esté suiette à malédiction : rendoit toutes sortes de fruicts à foison. Les hommes vivoyent longuement. Il n'y avoit sédi- tion domestique, ny crainte au dehors : tout estoit paisible, seur et tranquille. Entre les hommes de ce temps là, la charitc, innocence, foy pieté, iustice et sincère amitié estoyent en vigueur : peu de tromperies ou de calomnies se commettoyent ou dressoyent : parce que les pasteurs monstroyent bon exemple à leurs trouppeaux tant en saincteté de vie qu'en doctrine salutaire.

De l'insolence engendrée en l'Eglise à cause de Vaffluence des biens temporels. Chap. 2.

Mais comme il advient ordinairement, ou à l'occasion des richesses et prospérité temporelle les superfluitez et insolences se sont fourrées en l'Eglise, peu à peu la religion s'est attiédie, la vertu amortie, la discipline dissoute, la charité morfondue, l'honnesteté et aussi la sobriété a esté en opprobre et moquerie.


CÎ.A MANGES


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Et afin d'avoir dequoy fournir aux baubances et excez, l'ava- rice a esté mise en pratique : laquelle ne s'est gueres contenté de bornes : ains a commencé aussi tost de non seulement convoiter l'autruy, mais de le ravir et envahir, d'accabler le moindre : et qu'à tort qu'à droit les despouiller. Et pourantant que sommes entrez en ce champ tant spatieux, il me vient à gré de parler un peu plus amplement de ceste peste excerable, laquelle a desia tant consumé l'Eglise, qu'il n'y reste pas grande chose. Or nous pouvons à bon droit commencer par le dire du sainct prophète Jeremie, que depuis le plus petit jusques au plus grand tous estudient à l'avarice : et depuis le Prophète jusqu'au sacrificateur tous sont tromperie. Car que pouvons nous dire de leur avarice insatiable, qui surpasse toute la convoitise des marchanb laiz : et mesme qui provoque et incite non seulement les Princes mais aussi le vulgaire à toute iniustice, dol, fraude et rapine : entant que les bonnes brebis ensuyvans les exemples de leurs pasteurs, estiment ce qu'ils font en leur présence leur estre licite ? Or voyons un peu l'origine et avancement de ceste vilaine peste : après, dy- ie, que l'opulence a occupé l'entendement des serviteurs de Dieu à penser choses temporelles : possible n'a esté de servir ensemble à Dieu et aux richesses, deux maistres si contraires et differens. Force donques a esté finalement qu'autant de service qu'ils employent à l'un, ils le retirassent de l'autre. Or nous savons la nature des richesses estre telle, que d'autant qu'elles foisonnent, d'autant plus elles embrasent l'esprit à en convoiter davantage. De là vint que peu à peu l'esprit s'amortit en eux, la charité se morfondit, la dévotion s'attiédit : et Dieu fust tellement oublié, qu'ils n'aspiroyent qu'aux profits terriens ; ne songeans qu'aux dignitez et bénéfices.

Quand aujourd'huy on vient à prendre les charges pasto- rales, il n'est question de penser au soin des âmes, à donner la vraye pasture de la paroUe de Dieu, ny au salut ou édification des brebis, on enqueste seulement de l'abondance et quantité des revenus. Qui est-ce qui essaye sa portée pour savoir s'il pourra soustenir le faix qu'il entreprend ? Qui est-ce qui consi- dère les perUs tant de sa part que de ses suiets ? Qui est celuy qui les presche et leur annonce l'Evangile ? qui de fait et de paroUe leur monstre le chemin pour parvenir à la vie éternelle ? Au contraire qui est auiourdhuy le prélat qui ne cerche tous moyens pour piller ses suiets ? Où est celuy qui ait pitié de leur povreté, et compassion de leur disette .'* ou qui subvienne


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a leur nécessité ? Mais qui est celuy qui ne les rende davan- tage souffreteux, soit à tort, soit à droit ? Or afin que nous monstrions les choses estre en tel povre estât depuis celuy qui se dit chef, iusques aux derniers membres, considérons, ie vous prie en premier lieu ce beau chef, dont tous les autres membres dépendent.

Des trois vices, desquels tous autres maux sont engendrez en V Eglise. Chap. 3.

Apres que les vertus des anciens ont esté oubliées, l'avarice excessive iointe avec une ambition aveuglée a saisy les cœurs des Ecclésiastiques au moyen de trop grande affluence des choses mondaines. Car il falloit consequemment qu'ils s'en- flassent par une arrogance et un appétit de domination : puis rendus mois par une superfluité efféminée. Il a fallu donques satisfaire à trois maistres, fort importuns et fascheux exac- teurs : A la paillardise qui demandoit les délices du vin, des viandes, du dormir, des ieux magnifiques, des infâmes maque- reaux et putains : A l'orgueil qui vouloit des hautes maisons, tours et chasteaux, des palais somptueux, avecques ostentation de meubles infinis, d'habillemens précieux et de chevaux ordi- naires pour le train : A l'avarice, qui a amassé soigneusement grans thresors, pour pouvoir fournir aux choses susdites. Ces trois maistres sont tant insatiables, que quand bien le siècle d'oi' de Saturne (comme il est aux fables) reviendroit, il ne pourroit fournir aux désirs de tels maistres. Pourautant donques qu'il n'y a voit Evesché si grasse ne de si gros revenu qui peut suffire à ce que ces trois ravissantes harpies deman- doyent : il a fallu inventer d'ailleurs des aides pour y pouvoir satisfaire.

Des dijformations introduittes en l'Eglise par les papes. Chap. 4.

Pour venir à la parfin aux Papes : d'autant qu'ils ont apperceu qu'ils surpassoyent les autres de souveraineté et authorité, en tesmoignage de ceste primauté, ils se sont esleuz par dessus les autres par convoitise de dominer : et voyant que les profits de l'evesché Romaine et du patrimoine de S. Pierre autant grand que royaume qui soit point (combien qu'il s'est fort dimi- nué par leur mauvaise conduite) ne sufîisoit pour la magni- ficence de leur estât, qu'ils ont eslevé si haut, que ce n'est rien de celuy des Empereurs, Rois et Princes de toutes nations


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au pris d'iceluy : ils se sont fourrez et ont mis la main aux bergeries d'autruy remplies de laines et de laict.

De Vaholition des élections et de la réservation des bénéfices. Chap. 5.

Car il se sont attribuez les droits et collations de toutes les Eglises vacantes, qui sont par toute l'estendue de la Chres- tienté, de toutes les Eveschez et autres dignitez, iadis élec- tives : cassans et annulans les élections que les Pères ont par le passé si soigneusement ordonnées, pour mieux par ce moyen remplir leurs bourses de toutes les provinces du nom Chres- tien, et par meschante trafEque faire un amas infini d'or et d'argent pour l'œuvre de leur Chambre.

De la chambre Apostolique. Chap. 6.

Il n'est possible de dire et autant peu de croire, combien ceste chambre a cousté, et combien elle a épuisé toutes les églises, royaumes et provinces. Mais il peut estre que les evesques de Rome ont mis en leur main l'institution des Evesques, et les collations des plus grans degrez de l'église, ayans aboly les élections, pour mieux pourvoir aux églises par leur advis, et pour y establir des Pasteurs de meilleure vie et de plus excellente doctrine. Peut estre qu'aucun penseroit cela estre pour ceste cause, n'estoit que la chose y contre- disante monstroit à l'œil que depuis tels décrets, hommes bestes et inutiles (pourveu qu'ils eussent deniers) ont esté avancez aux hauts degrez ecclésiastiques par le moyen de Simon ^. Cy après ie declareray comment aussi ils gouvernent les trouppeaux dont ils ont pris la charge et administration.

Des expectatives et de la qualité des Romipetes. Chap. 7.

Mais devant que passer outre, il me faut achever le propos encommencé touchant les Papes : lesquels pour exalter incon- tinent leur estât en superfluité royale, lequel ils avoyent iuché par dessus les magnificences humaines, non seulement ont annichilé les élections (comme vous avez ouy) ains aussi pour faire découler ruisseaux d'or de toutes parts, qui arrouseroyent leur cour, ils ont osté à tous diocésains et patrons la faculté

I. En marge : "La. Simonie romaine.


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de présenter et la liberté de conférer ou d'en disposer, leur înterdisans sous peine d'excommunication, que par audace téméraire (car leur rescrit tout batu de fréquent usage parle en ceste sorte) ils ne présument d'instituer aucun en quelque bénéfice à eux suiet, tant qu'il se trouvera quelcun de ceux ausquels de leur pleine authorité ils ont baillé l'expec- tative, qui de grâce le veuille avoir. Depuis ce temps là (o bon Dieu) que le nombre des attendans a esté si grand, abordant de tous costez et se trouvant là ! Mais quelle sorte de gens ? Il n'a esté question de les prendre des estudes ny escolles pour gouverner paroisses et autres bénéfices : ains plustost de tous autres mestiers qui savoyent autant de Latin que d'Arabie : mesme qui ne savoyent lire, voire (ce qui est vergongneux à dire) discerner l'A d'un B. Peut estre, dira on, que l'honnesteté des mœurs excusoit l'ignorance, au contraire s'ils estoyent mal lettrez, encore estoyent-ils pirement conditionnez, comme ceux qui sans lettres nourris en oisiveté, n'ont suyvi qu'im- pudicitez, ieux, banquets, noises et sots propos. De là vient que par tout se trouvent tant de prestres meschans et misé- rables, gros asnes qui par leur infâme conversation sont cause de scandale et de ruine. De là vient que le peuple les a en si grand mespris et detestation. De là procède le déshonneur, ignominie, opprobre par trop vergongneux de tout l'ordre ecclésiastique : s'ils savoyent avoir honte : mais le front dehonté de plusieurs ne peut rougir. ladis la prestrise ^ estoit en singu- lière révérence envers les gens laiz, et n'y avoit rien plus honno- rable que Testât de prestre, à présent il n'y a rien de plus vil et desestimé.

Des vacances et autres impots grevons VEglise. Chap. 8.

Outre les charges susdites, les Papes ont imposé aux per- sonnes Ecclésiastiques et aux églises des tailles et tributs pour entretenir ceste sienne chambre, ou plustost ce gouffre insa- tiable. Car ils ont ordonné que toutes fois et quantes qu'un homme Ecclésiastique de quelque dignité ou condition qu'il fust, viendroit à mourir, ou à permuter son bénéfice avec un autre : qu'autant de fois tout le revenu de l'année suyvante, taxé à son plaisir, reviendroit à la chambre. Que si d'aventure sous les fruicts ensemble, recueillis ne pouvoyent faire la

I. En marge : L'estat de Prestrise.


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somme, ou pour la diminution du revenu, ou pour autre acces- soire : il a voulu pour fournir à la taxe, que plustost on exigea la valeur de trois et quelquefois de quatre années. Qu'est-il besoin que ie recite les despouilles des Prélats, les dismes tant souvent levées de tous les Ecclésiastiques avec autres charges et courvées. Que diray-ie des exactions ottroyées du Pape et des Evesques aux Princes sur tout le Cierge avecques puissance de les contreindre à payer par le bras séculier ? Que rememo- reray-ie les procurations retenues et soustraites sans Visitation des Evesques ou Archediacres ? qui est une des plus grandes plaies que l'Eglise endure point ? Car tel malheur est-ce d'avoir supprimé et esteind les visitations des églises et les reformations des gouverneurs d'icelles : et cependant perce- voir gain et profit de la destruction de la police Ecclésiastique ? Que raconteray-ie par le menu (discours qui seroit par trop long) les infinies et ordinaires exactions et tributs, qui s'exi- gent des malheureux Ministres des églises ?

De Vinstitution des cueillettes et des maux qui en procèdent. Chap. 9.

Pour exiger toutes ces choses, et les transporter à ceste r diray-ie chambre ou gouffre ? ils ont institué par toutes les provinces leurs questeurs ^, ceux qu'ils ont estimé les plus industrieux, et diligens, ou plus aspres et rigoreux de nature à tirer argent qui ne pardonnassent et n'exceptassent personne : mais qui seussent tirer de l'or de la pierre : auxquels mesmes ils ont baillé authorité d'excommunier voire les Prélats, et les ietter hors de la communion de l'Eglise, si dedans le temps prefix ils ne trouvoyent la somme qu'on leur demandoit. Mais il vaut mieux passer outre (pour peur de n'en pouvoir sortir) les maux qu'ont fait ces questeurs, les oppressions dont ils ont accablé les povres Eglises, et les pasteurs d'icelles. De là sont venues les suspensions a divinis, les interdits d'entrer aux temples, les horribles anathemes aggravez et raggravez : dont les anciens usoyent peu souvent, et pour quelque grand meffait : quand il estoit question de séparer xm homme de la compagnie des fidèles, et le livrer à la puissance de Satan. De la viennent les querelles des povres pasteurs de l'Eglise, que nous oyons et voyons porter un joug intoUerable du ministère,.

I. En marge : Questeiirs.


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et mesme mourir de faim. Quant aux excommunications, elles sont auiourd'huy si fort en pratique, qu'elles se fulminent pour une petite faute ou pour nulle : qui est cause qu'on ne les craint et qu'on n'en fait conte aucimement. De la viennent les ruines de l'Eglise tant grandes, les destructions des temples, les rasements des autres lieux : parce que les deniers qui se devroyent employer à les entretenir et réparer, sont mis à payer ces tributs : en défaut desquels on a esté contreint en plusieurs Eglises de mettre les chasses, reliques, croix, calices en vente et tout ce qu'on estime précieux, pour payer ces impos. Qui est celui qui ne sait que plusieurs abbez et autres prélats n'ont peu estre enterrez après leurs trespas, parce qu'ils estoyent encor redevables à la chambre Papale, si ce n'a esté qu'on les ait inhumez en quelque champ ou jardin ou autre lieu secret, voire à la desrobbée. Les prestres sont forcez (comme, nous voyons) par disette, de laisser leurs villages, demeures et bénéfices, et de mendier leur vie d'une part et d'autre, ou de servir aux laiz en choses viles et indécentes. Les églises riches et grasses ont porté quelque temps ces charges : mais estans maintenant toutes sucées et espuisées, ne peuvent plus soutenir le faix de cette tyrannie.

Des plaidenes de la cour Romaine. Chap. 10.

Si tu veux sortir de cest abysme, il me faut passer beaucoup de choses, assavoir combien il y a de fraudes, tromperies et calomnies en la cour Romaine (car ils l'appellent ainsi, combien qu'elle soit loin de Rome ^) combien d'aguets se dressent contre le droit des innocens, par ces chasseurs de procez cor- rompus par argent : combien de jugemens il y a à vendre : combien l'or a de puissance pour subvertir la justice, qu'il advient peu souvent que le povre ait bonne issue de sa cause s'il a affaire à forte et riche partie : pourquoy s'en trouve tant peu qui ayent impetré bénéfice (quelques qualifiez qu'ils soyent) sans procès et partie adverse.

Des reigles et constitutions de la Chancelerie. Chap. 11.

Car que sont autre chose tant de nouvelles reigles et consti- tutions faites à l'appétit d'un chascun Pape, et commandées

I. En marge : Il dit cela pourceque le Pape qui se nommoit Clément residoit lors à Avignon.


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d'estre gardées outre les droits anciens et décrets des Pères, sinon des laqs subtils et abondante matière de procès, dont ces fins et cauteleux courtisans et sophistes renverseurs d'équité usent contre le droit et vérité inventans mille ruses pour nuire : si qu'à peine se peut trouver personne qui obtienne quelque bénéfice sans plaider : bien que son titre soit aussi clair que le Soleil.

De la prospérité de la cour Romaine. Chap. 12.

Par ce moyen ils estiment leur cour florir et estre heureuse, si elle bruit de force causes, procès, querelles, débats, si elle esclatte de toutes parts de crieries enragées. Au contraire ils la jugent povre, inutile, déserte, si elle est sans procès et en paix, si chacun jouit paisiblement de ses droits. C'est donc auiourd'huy tout un, comment on obtienne un bénéfice, s'il entre par l'huis comme vray Pasteur, ou si d'emblée il se fourre par la fenestre. Que si quelcun bien subtil et entendu sa voit bien ietter et calculer les uns et les autres, ie ne fay doute qu'on trouveroit beaucoup plus de larrons en l'Eglise que de Pasteurs : si que le dire de Christ aux marchans dechassez du temple, est tout vérité : Ma maison est la maison d'oraison, mais vous en avez fait une caverne de brigans.

De V estât et introduction des Cardinaux. Chap. 13.

Quant est des Cardinaux qui assistent au Pape, ils ont le cœur tant fier, les paroUes si arrogantes, les gestes si insolens, que si un imagier vouloit représenter une figure d'orgueil, il ne le pourroit mieux faire qu'en mettant devant les yeux l'image d'un Cardinal : et toutefois à mesure que le siège Apostolique a pris accroissement en pompes, ils sont venus à ceste hautesse du plus bas degrés du clergé : car anciennement leur office estoit de servir à porter et enterrer les trespassez. A présent ils ont tellement élargis leurs fimbries, que non seule- ment ils mesprisent les Evesques (qu'ils appellent communé- ment Evesqueaux) ains aussi les Patriarches, Primats, Arche- vesques, comme leurs inférieurs : et mesmes ne s'en faut rien qu'ils n'endurent estre adorez d'iceux, et qu'ils ne s'egallent aux Rois. Mais leur vanité là laissée, qui pourra exprimer de paroUes l'horrible et ténébreux gouffre de leur convoitise ? Il n'y a langue, esprit ni faconde qui le puisse faire. Et pour autant que nous n'avons le pouvoir de cela de chiffrer à plein.


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i'en toucheray seulement quelque mot, comme choisissant quelques grains d'un grand tas.

De la pluralité des bénéfices^ mesmes incompatibles que tiennent les Cardinaux. Chap. 14.

En premier lieu quelle rage est-ce qu'ils tiennent tant de bénéfices incompatibles, qu'ils sont ensemble moines et Cha- noines réguliers, que sous un mesme habit ils occupent les droits, offices et bénéfices de toutes religions, ordres, profes- sions ? Il n'est question d'en tenir deux ou trois, dix ou vingt : mais cent ou deux cens, quelquefois jusques à quatre ou cinq cens : non maigres ou petits, mais des meilleurs et plus gras. Encores s'ils se contentoyent ayant atteins ce nombre tant excessif, et ne cerchassent rien davantage : il n'iroit que bien poiur les povres Clercs, qui attendent leurs demourans : mais bien qu'ils soyent venus à si grand nombre, ils aspirent tous- iours plus ardemment pour avoir davantage. De iour à autre ils demandent nouvelles grâces et nouveaux induis : lesquels sentans expirer, ils requièrent estre renouveliez : et par ainsi ils embrassent tous les vaquans, qui sont de quelque valeur, ils ravissent et emportent tout, ne laissans tant soit peu de proufit qui se puisse partir entre les autres. Et nonobstant, ceste altération si ardente ne se peut esteindre, pour quelque eau de bénéfices qu'on puisse avaller : ains s'embrase davan- tage, et deseche le gosier de l'esprit, qui pourroit engouler sans avoir contentement tous les revenus des églises qui sont par le monde universel : mais aussi tout l'or qui est aux fleuves de Tagus ou de Pactolus.

Des contrats simoniaques. Ch. 15.

Voyans donc les autres povres misérables Ecclésiastiques, qu'ils ne peuvent rien attraper, et que sans l'aide de ces^Cardi- naux ils ne peuvent espérer chose quelconque : ne sachans que faire ny de quel costé tourner, ils ont recours à eux, et achettent d'eux des bénéfices par méchante symonie, ou (qui ne vaut mieux) leur en font pension annuelle : ou bien se iettans à leurs pieds, supplient estre admis en leur famille, pour finalement acquérir quelque titre en l'église en recom- pense de long et souvent deshonneste service. Car qui pen- seroit auiourd'huy estre avancé pour ses bonnes mœurs ou pour son savoir } Ce n'est plus le moyen (qui souloit estre


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anciennement en pratique) de monter aux honneurs ecclésias- tiques : mais par les manières que i'ay discourues et le service et postulations importunes des Princes de ce monde, dont ie parleray tost après.

En quel estât sont les bénéfices des Cardinaux. Chap. i6.

La chose monstre comment Dieu est servy, et les maisons et édifices menaçans trebuchure reparées aux monastères et autres bénéfices que les Cardinaux détiennent. Là tout s'en va bas, tout tombe, tout se pert : de sorte qu'il faut souvent que la iustice y mette la main, leur ostant toute administration, iusqu'à ce que les réparations (lesquelles ne se feroyent jamais sans cela) soyent achevées. Ils ne se soucient aucunement comment on vive là, quelle reigle ou discipline y soit gardée, pourveu que par la diligence de leurs Procureurs, leur bourse soit farcie d'argent ^. Mais nous nous arrestons 2 trop à faire plaintif des moindres dommages : déplorons plustost la ruine de l'Eglise universelle, qui vient de l'horrible ambition de ces gens de bien. Car qui ignore que ceste très cruelle beste, gas- tant, consumant et destruisant tout, assavoir la peste exécrable de la division scismatique a esté introduite, entretenue, nourrie et aggrandie par la meschanceté des Cardinaux au giron de l'Eglise, de sorte que si Ciceron ressuscitoit il ne pourroit déclarer par son éloquence le mal qu'elle a fait à l'Eglise par vingt et trois ans, la despouillant de tout honneur et louange la profondant au fond de tous maux .

Plusieurs autres vices de l'Eglise. Chap. 17.

le me tay des requestes simoniaque qui se font au Pape,, des patronages vénaux, des corruptions et promotions vilaines et condamnables : lesquelles toutes se font au moyen et suasion de ceux-cy. le laisse les loyers et gages ^ que les seigneurs temporels prenoyent au grand dommage de l'Eglise, pour les aider et conseiller, pourvoyans plus ausdits Seigneurs qu'à l'Eglise, et peu se soucians des destrimens d'icelle, pourveu qu'ils leur peussent complaire. Je ne veux aussi raconter leurs adultères, paillardises et fornications, dont mesme à présent

1. En marge : La ruine de l'Eglise.

2. Le texte primitif latin commence ici le chapitre 1.7.

3. En marge : Loyers et gages.


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ils souillent la cour Romaine : ny mesme la vie très infâme de leur famille, qui n'est toutefois discordante des mœurs des seigneurs et maistres. le ne veux non plus mettre en avant les usures et trafEques qu'ils exercent pubHquement, qu'ils baillent leur argent à proufit aux marchans et changeurs, par quoy aucuns les appellent bien proprement Les banquiers de la grande et haute table. le passe ces poincts et plusieurs autres qui rendroyent la narration ennuyeuse pour sa prolixité.

Des promotions que le Pape a coustume de faire à Vinstance des princes. Chap. i8.

Toutefois avant que sortir de ceste cour, il me faut passer la grande et horrible fornication que le Pape et ses frères siens commettent avec les Princes de ce monde. Car pour establir leurs dominations, ou plustost tyrannies, hayes de tous à bonne raison : pour donc empescher qu'elle ne s'esbranle, et pour seurement faire tout à leur plaisir et fantasie, ils se sont estu- diez en toutes sortes de se faire bien et s'insinuer en la grâce des Princes lesquels ils ont voulu ensuyrre. Pour donques s'entretenir d'iceux, ils ont esté libéraux à conférer bénéfices à ceux qui estoyent recommandez par les Princes ; ausquels d'abondant ils ont envoyé force presens et estrenes : autrefois les ont attirez par belles promesses, puis par flatteries et ruses prises et peschées de la doctrine des escornifleux. Pour le faire court ils se sont tant assuiettis et l'Eglise universelle à leur poste, qu'ils n'ont osé conférer une petite prébende en leurs provinces, sinon par leur mandement et consentement ^. Si quelque Eves- que Doyen ou Prévost ou autre personne Ecclésiastique estoit decedée, celuy qui desiroit la place du defunct alloit premier au Roy qu'au Pape : et de fait qui eust esté si mal advisé d'aller requérir le Pape, sans lettres du Roy ? Ce que ie diray semblera estrange et presque incroyable. S'il n'avoit quelque amy, pro- chain, familier ou pour autre raison bien-aimé du Pape, qui insistast envers luy pour estre pourveu, le Pape mesme luy commandoit d'obtenir des lettres du Roy, sans lesquelles il ne feroit rien et perdroit sa peine, bien que le Pape fut bien affec- tionné à luy faire plaisir. Si ce n'estoit que la pratique ordinaire en fait foy , on ne croiroit jamais combien les princes et seigneurs ont esté fascheux et importuns, supplians à main armé et pres-

I. En marge : La collation des bénéfices par les Princes et Seigneurs.


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sans le Pape par lettres assiduelles, pour ce qu'ils estoyent vivement solicitez par leurs gens. En leurs dites missives ils usoyent plustost de commandemens et menaces, que de recommandations ou prières, ausquelles si les Papes n'obtem- peroyent, et conferoyent le bénéfice qu'à autre qu'à celuy qui a voit le Placet, ils estoyent asseurez que leur présenté ne seroit reçeu. Par tel moyen tous les Eveschez vacantes, tous les bons bénéfice ont esté happez par violence et importunité de ceste famille séculière, ignare de tous les affaires et mystères de l'Eglise. Nuls savans (i'entend du savoir des sainctes lettres) nuls gens de bien, iustes, vertueux, qui ne fréquentent gueres les cours des Princes, n'estoyent promeus aux haut desgrez des dignitez : mais gens ambitieux, flatteurs, basteleurs, infects de tous vices, tels que nous voyons ordinairement aux cours des grands Princes et seigneurs. Car qui est auiourdhuy l'Evesque, qui ait leu seulement en passant les sainctes lettres, qui les ait ouyes ou apprises, ou qui ait attouché la Bible, sinon au-dessus par la couverture : bien qu'au serment qu'ils font lorsqu'ils sont instituez Evesques, ils lurent qu'ils savent le vieil et le nouveau Testament ? Tels asnes n'entendent note en ce qui concerne l'office d'Evesque : ou s'il s'en trouve aucuns savans, leur estude est seulement fondée sur les loix Impé- riales des affaires de ce monde, défendue en ce respect aux prestres : où ils se sont adonnez aux sciences de gaigne-pain, n'entendans rien à la loy Divine ny à l'érudition de l'esprit, par laquelle le peuple doit estre instruit à salut.

Que les susdits Prélats ont principalement soin d'amasser deniers. Chap. 19.

Selon donques qu'ils font profession il sont après pour en amasser ^, cer chant le gain non pas des âmes, mais de leurs bourses : lequel ils poursuyvent partout, bruslans du désir d'iceluy : estimans iceluy estre pieté, ne faisans rien qui ne serve à amasser argent par quelque moyen que ce soit. Pour l'argent, ils estrivent, ils débattent, plaident, querellent, guer- royent : car ils endureroyent plustost la perte de dix mille amci-, que de dix sols. Mais ie me reprens d'avoir dit plus volontiers, attendu qu'ils ne sont aucunement esmeus ny troublez, quand ils voyent les âmes périr, desquelles ils ne pensent ne s'en

I. En marge : Le gain des Ecclésiastiques.


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soucient : car ils enragent tous vifs, s'ils perdent une maille de leurs biens. Que s'il advient qu'il se trouve quelque bon pasteur qui ne suyve ce train : mais qui ne face conte de l'ar- gent, qui condamne l'avarice, qui n'arrache deniers à tort et à travers de ses suiets, qui s'efforce de gagner les povres âmes par sainctes exhortations et prédications, qui médite plus en la loy du Seigneur, qu'es loix des hommes : incontinent tous aiguisent leurs dens pour le mordre. Ils crient qu'il n'est qu'un badin, indigne de la prestrise, pour ce que n'étant stilé des loix et façons des hommes, il ne sait maintenir ses droits, ny gouverner ses suiets, en les punissant et chastiant par censures de canoniques : qui n'a autre chose apprins que d'estre oisif ou deviser en chaire (ce qui a leur dire appartient aux Mendians) qui n'ont aucune administration temporelle, et ne sont empes- chez à meilleure chose. De la vient que les estudes des sainctes lettres sont en moquerie et dérision à tous avecques ceux qui en font profession, signamment (chose bien estrange et mons- trueuse) aux Evesques, qui préfèrent de beaucoup leurs tradi- tions au commandemens de Dieu. Quant à l'office de prescher tant noble et tant excellent, qui iadis appartenoit et estoit exercé par les seuls Pasteurs, il est tellement desestimé d'eux, qu'ils ne pensent rien plus honteux, ny plus indigne de leur dignité.

Des vices des prélats. Chap. 20.

Voicy, comme ie consideroye les propres maladies de la cour Romaine ^, je suis tombé sur les vices communs tant à icelle qu'aux autres Prélats : lesquels vices nonobstant ie veux (puis que l'occasion s'est offerte) particularizer davantage en bref. Premièrement il ne doit sembler estrange à personne, si nos Prélats veillent si soigneusement pour amasser deniers, si estans maigres, secs et atténuez se veulent engresser du laict et de la laine de leurs brebis : attendu qu'il leur a tant cousté à estre pasteurs. Car les mouches affamées (comme dit le proverbe) mordent plus fort : et tous animaux affamez se ruent plus asprement sur la proye. Car encores que devant la charge pastorale ils fussent fort riches (car les povres n'ont accous- tumé d'y estre receus) toutefois en recevant le ministère, il a fallu pour la pluspart épuiser leurs bourses lesquelles puis

I. En marge : Les maladies de la cour Romaine.


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après ils s'efforœnt non sans cause de remplir : et à l'exemple du sage laboureur, qui recueille la semence par luy iettée avec- ques grosse usure et surcroist, ils s'efforcent de recouvrer leur chevance diminuée, et de l'accroistre s'ils peuvent : pourquoy faire ils mettent toutes leurs marchandises en vente à ceux qui €n ont à faire, selon la façon des bien soigneux marchans. Si quelque clerc tombe en leurs mains et soit mis en prison en fond de fosse, au pain et à l'eau pour larrecin, homicide, rapt., sacrilège ou autre crime énorme, il fera sa pénitence comme coulpable, iusqu'à ce que selon sa puissance ou de ses parens il fournisse le poignet. Quoy fait il, il sera lasché et mis en liberté comme innocent : car tout péché, toute faute, tous malé- fices, quelques dignes de mort qu'ils soyent, sont effacez et pardonnez par argent. Et que parleray-ie de l'exercice de leur jurisdiction, laquelle est administrée si violemment et tyran- niquement, qu'auiourdhuy les hommes aiment mieux passer par les iugemens des plus cruels tyrans du monde, que de l'Eglise.

Des promotions de la iurisdiction des Evesques et abus d'iceux. Cap. 21.

On ne pourroit dire les maux que font ces espies de crimes, qu'ils appellent Promoteurs : car souvent ils ciquanent les simples et povres paisans, qui n'entendent rien aux ruses des villes et meinent vie assez innocente en leurs petites cases : ils forgent des causes et des crimes contre eux, les tourmen- tent, espouantent, menacent, et par ainsi les contreignent de composer et faire avec eux. S'ils ne le font, ils les assaillent et molestent par fréquentes citations. Et advenant qu'empeschez pour quelque occasion, ils soyent tombez en défaut, ils sont aussitost excommuniez comme rebelles et contumax. Mais s'ils comparoissent tousiours à leurs assignations, ils empeschent qu'ils n'ayent audience des iuges, et trouvent des dilations et allongemens de procès (qui s'inventent facilement aux cours Ecclésiastiques) afin que les povres gens ennuyez de perdre si longuement leur temps, soyent contreints de faire accord avecques eux pour racheter la peine et fascherie qu'ils auroyent, iointe à grans fraix : craignans que pour une légère, ou pour une dette petite ou nulle, il ne leur faille faire infinis despens.

I. En marge : Les Promoteurs.


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Des exactions pour tenir concubines. Chap. 22.

le vous prie quelle façon de faire est-ce, qu'en plusieurs diocèses les curez font marché avec leurs pasteurs et composent avec eux, pour tenir publiquement des concubines ! davantage qu'ils vendent sans rien déguiser les dissolutions et vices de leurs suiets et tous les offices de judicature. Mais ces choses ne sont que bonnes au pris de celles que nous avons dit et dirons.

Collation des sainctes ordres par Simonie. Chap. 23.

Conmient se peut cela porter, que nul ne vient à estre clerc ny à estre admis à quelque ordre qu'ils ayent, ou à degré ecclé- siastique, sinon à pris d'argent ? que les mains ne sont impo- sées a aucun requérant la grâce des sacremens, s'il ne délivre par avant certain argent ? que toutes confessions, absolutions, dispensations, sont vénales ? que si quelques bénéfices sont dévolus à leur disposition, ils les confèrent pour argent : ou les donnent à leurs bastards et basteleurs. Mais si aucim vient à leur mettre au devant ce qui est escrit en l'Evangile, Vous l'avez receu pour néant, donnez le pomr néant : ils ont leur response prompte, qu'ils ne l'ont reçu pour néant, et pour ceste cause ne sont obligez par ceste sentence de le bailler pour néant. Disent en outre que les seuls Evesques sont tenus par ce propos, qui ont obtenu l'office de Pasteur sans rien débourser.

Des indignes et indignement promus. Chap. 24.

Nul donques (s'il n'est bien fort abusé) ne doit penser que la grâce se baille en équité. Car comment la pourra-on nommer grâce, si elle n'est baillée gratis ? Si ce n'est que nous pensions que ce magicien pestilencieux ait esté à tort reprins par l'horrible malédiction de S. Pierre, qui estimoit que le don de Dieu se peut obtenir par argent. De ceste fontaine decouUe ceste grande multitude de vilains et indignes prestres. Car pour recevoir plus de profit de leurs ordres, ils reçoivent indiffé- remment à tels titres qu'ils voudront tous ceux qui viennent : si ce n'est qu'ils soyent si povres qu'ils n'ayent de quoy payer. Nulle enqueste ne se fait de leur vie passée, nulle information de leurs mœurs. Qu'est-il besoin de parler des lettres ou de la doctrine, veu que nous voyons quasi tous les prestres ne


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savoir lire, sinon à grand'peine et en contant les syllabes ? Quel fruict donc rapporteront-ils de leurs prières ou pour eux ou pour les autres, quand ils n'entendent ce qu'ils disent ny ce qu'ils prient ? Comment rendront-ils le Seigneur propice aux autres par le moyen de leurs oraisons, veu qu'ils l'irritent par leur ignorance et villenie de leur vie ? S'il y a auiourdhuy un paresseux, un saul-d'ouvrer, qui veuille vivre à son plaisir sans rien faire, qu'il coure se faire prestre. Cela fait, il se joindra avec les autres prestres voluptueux et cerchans leurs plaisirs, qui vivent plus selon Epicurus que selon Christ : frequentans ordinairement les tavernes, beuvans, mangeans, banquetans, et passans le temps à iouer aux dets ou à la paume. Puis estans soûls et yvres comme souppes, ils crient, tempestent, se bat- tent, blasphèment le nom de Dieu et des Saincts par leurs bouches infectes : et estans ainsi bien ordonnez et accoustrez viennent à l'autel du gyron de leurs paillardes.

De ce que les Prélats sont toujours àbsens de leurs Eglises. Chap. 25.

le revien à nos Evesques, qui de leur ieunesse sont nourris en toute lubricité, et introduisent tels tesmoins ^ et ministres en l'Eglise, desquels certes les actes sont mémorables. Il ne me faut passer cela que plusieurs de ceux qui sont Evesques, voire de long temps, n'ont iamais entré en leurs villes, ne veu leurs Eglises, n'ont onques visité leurs lieux ou diocèses, ni cogneu la face de leur bestial, n'ont ouy la voix ny senty leurs navreures, sinon celles que eux mesmes ont faites en les des- pouillant par des mercenaires estrangers. Je les appelle merce- naires estrangers, à raison qu'eux mesmes, sont mercenaires ne cerchant la garde, salut, ne profit du troupeau, ains seule- ment la rétribution du loyer temporel. Par quoy ils sont vrais mercenaires, n'ayant que le nom d 'Evesques, car ils sont bien loin de la chose signifiée par le nom : entant que le nom d'Eves- que signifie surveillant ou superintendant. le t'ay mis pour guette (dit le Prophète) à la maison d'Israël : Et toutefois ceux ci ne veillent et ne se donnent aucunement garde du profit des brebis : seulement ils pensent et traitent leur corps, ils se repaissent et non les ouailles, peu se chagrinans de l'en- combrier qui peut advenir aux brebis, si elles périront de

I. En marge : L'autheur fait une allusion en Latin au mot Testes qui outre tesmoins signifie aussi les genitoires de l'homme. Sur cette singulière remarque qui re'sulte d'une faute de lecture, voir p. 171.


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maladie ou de faim, pourveu qu'il leur revienne quelque profit même de leur mort.


Des Prélats qui résident aux cours des Princes. Chap. 26.

Mais quelqu'un dira, qu'il leur est à pardonner si peu souvent ils visitent leurs diocèses, et s'ils vont sur le tard voir leur petit peuple, pour autant qu'estans appeliez au conseil des Princes ils traitent les grosses affaires du royaume, et portent la repu- blique sur leurs espaules, laquelle autrement tomberoit bien lourdement : ce qui semble plus louable, que vacquer à son propre affaire. En premier lieu ie ne leur accorde, qu'ils soyent appeliez du bon gré des Princes pour estre de leur conseil : car au contraire ils y parviennent à grans frais et requestes d'amis : non pour quelque zèle ou soin qu'ils ayent de la repu- blique, à laquelle ils ne portent aucune affection : mais pour les gros gages et presens qu'ils en recoyvent, à celle fin qu'en vivant aux despens d'autruy, ils emboursent les revenus de leurs églises. Et de fait quelle utilité apportent-ils à la republique languissante et presque morte et enterrée ? Pleust à Dieu qu'ils ne luy fissent aucun dommage. N'est ce pas le profit qu'ils y font que par leurs finesses et suggestions ils sont inventeurs de tous les charges de tributs, dont le peuple est auiourdhuy accablé : lesquelles charges ils redoublent, et font longtemps durer ? Dont il est en usage en ce royaume ^, que certains Evesques président sur telles exactions, et iuges des causes et procès qui en ad viennent. Le profit qu'ils font, n'est-ce point qu'estans appelez au conseil et ayans commandement de dire leur advis, ils persuadent plustost ce qu'ils pensent plaire au Prince, que ce qui revient à l'utilité publique ? qu'estans menez et corrompus de dons, ou souvent de faveur, haine, crainte, mettent aux aureilles choses perverses et mauvaises, déguisées en flatteries cauteleuses, non choses iustes, vrayes et sincères ? Aident-ils point la republique en ce qu'ils mettent en la tête des Gouverneurs d'icelle de lever taille sur taille : car il est conséquent qu'estans requis de donner conseil, ils conseil- lent selon ce qu'ils font, de peur que leurs dicts ne soyent vilai- nement discordans de leurs faicts. Finalement ? qui est celuy d'entre eux qui soit défenseur des povres, consolateur des affligez, redresseur des oppressez, qui est celuy qui se constitue

I. En marge : Il parle du royaume de France.

CLAMANGES 12


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advocat des orphelins, protecteur de la povre vefve contre le calomniateur ? au contraire qui est plus estrange de compasr sion et pieté envers les misérables, qu'eux ? Esaie parle bien d'eux à la vérité sous l'image des princes de la synagogue : desquels combien que ceux-icy soyent successeurs en meschan- ceté quant au temps, à bon droit toutefois ils se pourroyent dire prédécesseurs. Les Princes, dit-il, sont infidèles compa- gnons des larrons ? Tous aiment les presens, ils suyvent les rétributions, ils ne font point droit à l'orphelin : et la cause de la vefve ne parvient à eux.

Tels Prélats devoir estre dits mercenaires. Chap. 27.

Mais que veut dire que maintenant un chacun Evesque reçoit de son église ordinairement chacune année sept ou dix nulle escus, et pour le plus ne reçoit du roy pour ses gages que mille : et nonobstant-il délaisse le soin de son Eglise et du trouppeau à luy commis pour servir au royaume ? Ne devoit- il pas pour le moins servir comme mercenaire à celuy qui luy baiUe le plus gros salaire ? Mais ils ont leur response toute preste ^. Car ils disent qu'encores que la contribution de l'Eglise excède de beaucoup celle du Prince, nonobstant que ce moindre adiousté à un plus grand, augmente la somme : car deux biens sont plus qu'un. En outre ils savent que s'ils ne suyvent la cour et ne servent le Prince, ils ne recevront rien de leurs gages : mais qu'ils ne faudront de recevoir les revenus des bénéfices, encores qu'ils ne deservent et soyent loin absens. Il y a davantage, qu'ils savent leur promotion avoir esté faite à l'instance du Roy, et non estre procedée de Dieu ou de l'Eglise. Parquoy comme gens bien recognoissans de qui ils tiennent le bien, ils s'adonnent plustost au service de celuy qui les a avancez, que de Dieu ou de l'Eglise. loint qu'ils ont apprins de longue main de servir aux Rois et non à Dieu ou à son Eglise : mais pour trou[ver] aise et repos en toute oisiveté et opulence. Outre ce sous ombre de lemrs gages assez petits ils espèrent attrapper par importunité maintes choses non petites, qu'ils n'obtiendroyent iamais residens en leur églises. Mais tu diras. Pour le moins ils subviennent à leurs églises, en ce qu'estans courtisans, ils empeschent et donnent ordre qu'elles ne soyent grevées ou oppressées. Au contraire ils

I. En marge : Response des Evesques.


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foulent et les leurs et c'elles d'autruy, quand au plaisir des Princes ils endurent qu'elles soyent chargées de tributs. Car craignans que les grans seigneurs desquels ils manient les affaires et assistent aux conseils, ne les souspeçonnent et arguent de trop favoriser aux églises, quand il est question d'un affaire qui touche l'Eglise, ils se bandent plus fort au contraire que ne feroit un autre lay.

Que l'absence de tels Prélats hors de leurs églises, vaut mieux que la présence, Ckap. 28.

Qu'accusons nous tant leur absence de leurs églises, veu que s'ils estoyent là presens ils pourroyent plus nuire que pro- fiter ? Car, ie vous prie, que peuvent profiter ces gens, qui le long d'un an entrent une fois ou deux en leur église, qui sont tous les jours à la chasse, à la voiler ie, aux ieux et autres exer- cices ? qui passent les nuits en banquets somptueux, en danses et ébats avec les filles, comme effeminez : qui par leur mauvais exemple mènent le trouppeau en perdition, qui n'ayans encores barbe et estans encores sous la verge, courent pour estre maistres et pasteurs ? sachans autant de l'ofiîce, comme d'estre patrons de galères ? Il est donques mal aisé à discerner lesquels d'eux font plus de dommage au trouppeau, ou ceux, qui l'ayans là laissé et abandonné aux loups, passent le temps en Cour avec les plaisanteurs et tondeurs de nappes, ou ceux qui estans présent le tourmentent par rapines : ne s'en soucient aucunement, et sont cause de sa perdition par mauvaise con- duitte. Car encores qu'à bon droit i'aye appelé les uns et les autres mercenaires : toutefois ie n'ay pas assez dit selon que la chose le mérite, le les puis nommer loups tous deux, en tant qu'ils en font l'office, devorans, dispersans, dechirans et ravissans tout les presens par eux mesmes, les absens par d'autres. Je sen m'estre plus longuement arresté que ie n'avoye pensé du commencement à descrire les beaux ministères de nos Anges (car ainsi appellent la saincte Ecriture 1 îs Evesques) mais il faut pardonner à la matière si copieuse et abondante, que ie ne pouvoye discourir plus en bref commodément. Il y a beaucoup d'autres choses, qui les voudrait déduire par le menu : mais ie les dechiffreray briefvement en gênerai.

Des Chapellains et Chanoines. Ckap. 29.

Qu'est-il besoin que ie face long discours des Chappelains


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et Chanoines ^, veu que ie puis dire en un mot que les Cha- noines ressemblent à leurs Evesques, autant qu'ils peuvent : car ils sont indoctes, simoniaques, convoiteux, ambitieux, détracteurs, ne regardans à leur vie, curieux de celle d'autruy et reprehenseurs d'icelle davantage, yvrongnes, paillards comme marmots : comme ceux qui ordinairement tiennent sans honte des bastards en leurs maisons et des ribaudes au lieu de femmes légitimes. Tels sont bavars, iaseurs, passans le temps en fables et badineries, car ils ne savent rien d'utile ny d'hon- neste en quoy ils se puissent occuper : et pourtant comme pourceaux d'Epicurus ils constituent leur félicité en ce monde à augmenter leur bien par droit ou par injure : à farcir leur ventre et leur gueule, à se veautrer en toutes voluptez de la chair.

De la paix et fraternité des Chanoines. Chap. 30.

Les sectes et séditions esmeus aux Eglises par les furies infernales, déclarent quelle paix et fraternité ils ont entre eux. Car l'Hidre infernale et schismatique commençant du chef de l'Eglise, et germant trop abondamment et iettant les racines fondées par les furies, a infecté tous les collèges et assemblées par sa semence de vipères.

Des exemptions d'iceux, Chap. 31.

Quelqu'un appelera-il ceux icy Chanoines 2, qui sont estran- gez de tout canon, c'est-à-dire de toute règle, qu'ils peuvent faire toutes les mechancetez qu'il leur plaist, tout librement et sans punition ? Car ils se sont exemptez du chastiment et discipline de leurs prélats à force d'argent. Ils se trompent doncques les uns les autres : ils font tort aux povres et à leurs suiets. Et comme dit Paul, on peut maintenant requérir à bon droit entre les dispensateurs de l'Eglise, qu'aucun se trouve fidèle. Et après ce que ces messieurs ont fait toutes les tromperies et finesses du monde, il n'y a personne qui les punisse : en tant qu'il n'est facile d'avoir accez au Pape, que la pluspart d'entr'eux se vante d'avoir seul iuge.


1. En marge: Chapelains et chanoines. Sur la mauvaise lecture ca.pél- lanis pour capitulis dans les éditions, voir plus haut, p. 135.

2. En marge : une main indicatrice.


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De la vie des moines qui répugnent à leur profession. Chap. 32.

Ample matière s'offre de parler des moines ^ et monastères, si desia je n'estoye fasché de tant m'arrester au récit d'abomi- nations tant et si grandes. Toutefois afin qu'ils ne passent sans estre lavez (comme on dit) en convient dire quelque petit mot. Mais que pourrions nous dire d'eux digne de louange, veu qu'entre tous les enfans de l'église ils devoyent selon les veux de leur religion estre plus parfaits, plus retirez des affaires séculières ausquelles ils ont renoncé : plus élevez en la contem- plation des choses célestes, plus chastes et obeissans, moins vagabonds et sortans de leurs cloistres en public : au contraire sont plus loin de toutes ces choses : plus tenans, plus avares, plus enfoncez et leurs affections renversées aux choses tempo- relles : plus lubriques, sans discipline : plus dissolus, sans repos : courans par lieux publiques et deshonnestes, s'ils ont la bride avallée : si qu'ils ne baissent rien plus que leur chambre et leur cloistre, la lecture et l'oraison, leur reigle et religion. Parquoy d'habit extérieur ils sont moines : mais de vie et d'oeuvres et de pureté de conscience, ils n'approchent aucune- ment à la perfection que l'habit promet. Cependant ils se trouvent trompez de ce qu'ils pensent. Car d'autant plus que ayans reietté leur profession ils s'adonnent à acquérir les biens de ce monde, ils ont d'autant moins, et s'en vont leurs rentes et revenus en fumée. Nous voyons auiourdhuy ces grands biens des monastères tant maudits, qu'à grand peine dix peuvent vivre, dont cent souloyent estre nourris. Nous voyons tout déchoir et s'en aller en décadence : si qu'on ne peut seule- ment entretenir les vieils bastimens : ce qui leur advient iustement. Car tant que vivans iustement, sobrement, chas- tement, innocentement, selon les ordonnances de leurs reigles, ils ont cerché le royaume des cieux. non ces choses temporelles : ils ont eu à foison et en abondance ce qui leur faisoit besoin pour la vie : Cerchez premièrement le royaume des cieux et sa iustice (dit le Sauveur) et toutes ces choses vous seront adious- tées. Mais après qu'ils se sont destournez de l'innocence de vie et de cercher le royaume de Dieu par meschantes œuvres : à bon droit les choses promises aux vrays serviteurs de iustice et enquesteurs du royaume de Dieu leur ont esté ostées.

I. En marge : Moines.


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L'historien dit qu'un royaume se retient facilement, par les arts mesmes qu'il a esté conquis premièrement, mais quand au lieu de labeur paresse domine, paillardise au lieu de conti- nence, orgueil au lieu de modestie et équité : la fortune se change avec les mœurs. Ce que tu entend estre dit du royaume, pren-le aussi des richesses, honneurs et autres bien transitoires.

Des Mendians et de leur folle gloire et vanterie. Chap. 33.

Maintenant ie vien aux mendians qui pour la profession d'une povreté très estroite, se vantent d'estre les vrais disci- ples et vrais imitateurs de Christ. Car considerans, à ce qu'ils disent, ce qui est escrit en l'Evangile, Si tu veux estre parfait, va et ven ce que tu as et me suy. Et item. Si aucun ne renonce à tout tant qu'il a, il ne peut estre mon disciple : ils ont secoué le pesant fardeau de leurs possessions et affaires temporelles, loint qu'estans instruits aux sainctes lettres, ausquelles seuls auiourdhuy estudient, administrent par continuelle prédi- cation la pasture de la paroUe Divine, pour refectionner le peuple, luy monstrant au doigt le chemin de salut, ce que per- sonne ne fait de ce temps, proposent le salaire et loyer des iustes, et d'autre costé les supplices des meschans : et par ce moyen revoquans les âmes de la perdition éternelle, les font convertir à Dieu par vraye pénitence. Bref, selon leur dire, eux tous seuls exercent les offices des autres pasteurs de l'Eglise, qui sont endormis, et suppléent leurs deffauts, igno- rances et nonchalances.

Question touchant la perfection des Mendians. Chap. 34.

Mais ie leur demanderoye volontiers, Si ainsi est qu'ils ayent atteint ce haut degré de suprême perfection et prochaine de Christ, d'où vient qu'ils le magnifient tant de leur propre bouche, qu'ils se vantent si insolemment, se preposans à tous autres par une vaine gloire, et repoussans tous autres de toute perfection, au près de leur estât ? Car il falloit que ceste céleste et angelique perfection en terre fust louée par la bouche d'autruy et non par la leur, s'ils demandoyent une solide et non vaine lotiange, non suspecte et non odieuse. N'est-ce point la vraye iustice des parfaits, de n'estimer jamais parfaits ? au contraire d'autant qu'ils sont plus iustes, penser de soy en plus grande humilité qu'ils sont davantage éloignez de iustice ? Car en s'enorgueillissant en vain de ce


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qu'ils présument avoir, cela aussi qu'ils avoyent (si toutefois ils avoyent quelque vertu) s'évanouit.

Que Vhumilité est le fondement de la perfection. Chap. 35.

L'Humble Publicain après avoir confessé ses péchez à Dieu, n'est-il point descendu du temple iustifié, et ayanf obtenu le pardon qu'il demandoit ? Au contraire l'arrogant Pharisien preschant ses mérites et mesprisant le povre pécheur, s'en est allé avec sa réprobation, sans estre exaucé, parce que Dieu résiste aux orgueilleux et donne grâce aux humbles. Il semble que ceste parabole soit amenée contre ces traiBqueurs et flatteurs marchans de la paroUe de Dieu, fort bien à propos : car comme la sinagogue a eu ses Pharisiens, lesquels Christ a repris très aigrement en son Evangile, s 'attachant tousiours à eux, ainsi ces nouveaux et supposez Apostres, doivent estre estimez les Pharisiens de l'Eglise : ausquels tout ce que Christ a dit des Pharisiens convient très bien, et peut estre beaucoup pis. Mais pour autant que le désir qu'ay d'estre court, ne me permet beaucoup dire de leur impiété et sacrilège : oyons à tout le moins quelque peu de sentences de Christ, par lesquelles il nous admonneste nous garder de leurs ruses et cautelles. Le Sauveur donques, monstrant la source de leur meschanceté, dit d'eux : Donnez nous garde du levain des Pharisiens qui est hypocrisie. Et aillieurs. Donnez-vous garde de faux pro- phètes, qui viennent à vous en vestemens de brebis : mais au dedans sont loups ravissans. Ne sont-ils point loups ravissans, portans couvertures de brebis : considéré qu'à leur dire ils ont laissé tous les biens de ce monde ? et cependant qui regar- dera le faict, il trouvera qu'ils brûlent d'ardeur de concupis- cence pour en amasser par cautelles, tromperies et mensonges de toutes parts. Ne sont-ce point loups ravissans, qui estans vestus de peaux de brebis, contrefont par apparence exté- rieure les austères en leurs façons de vivre, les chastes, les humbles et les simples : mais au dedans foisonnent en délices très exquises, en abondance de toute sorte de voluptez, outre la superfluité et excez des mondains ? Ne sont-ils point loups ravissans déguisez sous l'espèce de brebis, qui à l'exemple des sacrificateurs de Bel, dévorent en secret les offrandes, se remplissans de vin et de viandes friandes, non avecques leurs femmes, mais bien avecques leurs enfants le plus souvent, souillant tout de paillardises, desquelles ils brûlent ? Ne


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sont-ils point loups ravissans contrefaisans au dehors les brebis, quand ils disent ce qu'il faut faire et ne le font : et après avoir presché les autres sont rendus reprouvez par le tesmoi- gnage d'eux mesmes ? Ne sont-ils point loups ravissans sous couleur de brebis, par ce que de prime face se monstrans Anges de lumière et non de satan : toutefois ne servent à Christ nostre Seigneur (ce sont les paroUes de S. Paul) ains à leur ventre : et tant par doux propos que bénédictions séduisent les cœurs des povres innocens ? Mais escoute encore ce que le Sauveur dit d'eux à ce propos. Malheur sur vous Scribes et Pharisiens hypocrites, qui nettoyez le dehors du hanap et du plat : mais au dedans vous estes pleins de rapine et d'ordure : qui estes semblables aux sepulchres blanchis, qui se monstrent beaux aux hommes, quant au dehors : mais au dedens sont pleins d'ossemens des morts et de toute infection. Que peut on dire d'eux plus proprement, plus vra5mGLent, plus clairement, que ce que la bouche céleste en a prononcé ? Aussi Paul docteur des Gentils, prévoyant en esprit l'entrée de tels séducteurs qui viendroyent aux derniers temps, et les navreures dont par eux l'Eglise seroit blessée, escrivant à son Timothée, admon- neste qu'on les fuye soigneusement. Car après avoir dit, Sache qu'aux derniers iours les temps seront merveilleusement périlleux. Car les hommes seront s'aimans eux-mesmes, avari- cieux, vanteurs, orguilleux, diffamateurs : avecques plusieurs autres titres bien seans à ses séducteurs, finalement il touche le poinct qui leur est le plus propre, assavoir qu'ils ont la forme de pieté, mais qu'ils renient la force d'icelle. Destourne toy aussi d'iceux. Car d'iceux sont ceux qui se lancent es maisons et tiennent captives les femmelettes chargées de péchez lesquelles sont démenées par divers désirs, tousiours appre- nans, et iamais ne pouvans venir à la cognoissance de vérité : hommes corrompus d'entendement, reprouvez quant à la foy. Davantage le mesme Apostre escrivant au susdit disciple, dit, L'Esprit dit notamment qu'aux derniers temps aucuns defaudront de la foy, s'amusans aux esprits abuseurs et aux doctrines des diables parlans mensonges en hypocrisie, ayans leur conscience cauterizée. Lesquels propos nul ne doit douter estre escrits de ces nouveaux Pharisiens. Aussi la saincte Escri- ture fait mention en plusieurs lieux de la meschanceté toute apeite de ces faux prophètes, qui percent et profanent la maison de Dieu, descouvrant suffiamment (autant que nostre brièveté le requiert) leur deloiauté. Que si aucun en veut


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savoir et cognoistre davantage, qu'il lise Cyrille : et là il trou- vera merveilles d'eux, qui ont esté prédites par la révélation du sainct Esprit pour l'instruction des fidèles, long temps avant qu'ils advinsent. Combien qu'il y a encore d'autres escrivains, qui après que tels abuseurs sont venus, ont escrit maintes choses fort utiles et notables pour prémunir et admon- nester l'Eglise auparavant.

De la vie impudique des Nonnains. Chap. 36,

Maintenant il me reste seulement à parler des Nonnains, comme nous avons promis de déduire nostre narration depuis le sommet de la teste jusques au bout du talon, sans omettre pas un degré. Toutefois la honte m'empesche d'en faire plus long discours (bien qu'il y ait assez matière à deschiffrer) de peur qu'il ne faille tenir long propos, non de trouppeaux de vierges dédiées à dieu, ains plustost de bordeaux, de ruses et afféteries de putains, de paillardises et incestes. Car, ie vous prie, que sont auiourdhuy les monastères de filles sinon des exécrables bourdeaux de Venus, et des retraites de jeunes rufiiens lascifs et impudiques, pour accomplir leurs villenies ? (tant s'en faut que ce soyent sanctuaires de Dieu) de sorte que rendre à présent une ieune fille Nonnain, ce n'est autre chose que l'exposer au bourdeau tout publiquement. C'est icy ce qu'il m'a semblé estre à dire de nostre Clergé, bien que de propos délibéré i'aye passé et teu beaucoup de choses : les- quelles si ie vouloye discourir par le menu, le propos seroit trop long et n'y auroit iamais fin.

Ces choses estans en tel estât, nul ne se doit esbahir si l'Eglise amassée de tels suppos, est agitée de maintes fasche- ries et tempestes. Au contraire on se devroit esmerveiller, si estant ainsi remplie de tant de vices et infametez, elle demeu- roit sans afflictions.

Comparaison de ceux du temps présent avecques les mœurs des Pères anciens. Chap. 37.

Va maintenant et confère ceste vie, ces mœurs, ces gouverne- mens avecques la primitive discipline des Pères, avecques leur charité, continence, sobriété, austérité estroite : tu verras (si ce n'est que tu sois plus aveugle qu'une taupe) qu'il y a autant de différence entre l'un et l'autre, qu'entre la boue et l'or. Car


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en ces iours nostres, esquels les fins des siècles sont venus, nous decheons peu à peu de la teste d'or de ceste grande statue que vit Nabuchodonosor, et allans de pis en pis pour l'argent, l'airin et le fer : nous sommes parvenus à la partie des pieds qui est d'argille et de poterie.

L'autheur adresse sa parolle à Dieu. Chap. 38.

As tu ainsi ô Dieu très bon, délaissé ta vigne élue, laquelle tu as iadis plantée de ta propre main, laquelle tu as environnée de haie et de murailles pour empescher la violence des bestes malignes ? Est elle ainsi mesprisée et abastardie après que la haie en est destniite et la muraille ruinée ? Est elle ainsi remplie de ronces et d'espines ? Ainsi au lieu de doux raisins, chargés d'aigrets sauvages, c'est-à-dire de meschancetez ? tellement que passant par le travers d'elle on ne peut recognoistre que ce soit celle-mesme, que tu avois iadis façonnée et accoustrée si soigneusement et si magnifiquement. Voicy toutes les bestes la mangent et pillent, tout le bestial des champs la fouUe aux pieds : le sanglier de la foret la destruit, la beste singulièrement terrible gastant et foudroyant tout, broute ce qui est d'exquis en icelle. Nous te prions. Seigneur, qu'il te plaise destourner ton ire et la verge de ta fureur de ta vigne, et la regarder d'en haut de ton œuil de miséricorde, sinon pour nous qui en sommes indignes, à tout le moins pour l'amour de ton Nom, qui par une clémence infinie est glorieux. Nous savons que ces chastimens et plus grans sont deuz à nos impietez : nous savons, nos péchez estre multipliez par dessus l'arène de la mer, surpassans toute charge en pesanteur et enormité : mais aussi nous savons d'autre part que ta miséricorde qui est immense, outrepasse de beaucoup les péchez des hommes non seulement desia perpétrez, ains aussi ceux que l'on pourroit inventer ou imaginer. Nous entendons très bien que ta pitié très bénigne, qui jamais ne se lasse de pardonner, va tousiours devant ton iugement : et mesme excelle par dessus toutes tes œuvres. Nous savons que tu es nostre Père et nous tes enfans (quelques dépravez que soyons) et qu'un père se contente de petite punition pour un grand péché de son enfant. Mais ie say ce qui empesche que tu nous face miséricorde et n'^ayes pitié de nous, bien que tu le veuilles et appetés, c'est que nous ne nous desplaisons de nos offenses, et ne faisons conte de revenir à toy en gémissant, dont tu nous, admonnestes si


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soigneusement par tes serviteurs Prophètes, qui nous annon- cent ton ire et ta vengeance, nous signifiant la condition sous laquelle tu nous veux faire grâce. Mais nous qui sommes de dur col et cœur indomtable envers tes commandemens, ne t'escoutons quand tu nous appelles à pardon, te mesprisons quand tu nous recueilles, ne faisans conte de tes suasions : te provoquons iournellement par nouvelles et pires meschancetez, bien que tu sois prompt et appareillé à pardonner tout le passé, si nous en avions desplaisir. Parquoy tu es sourd à nos prières et ne retires ta main estendue pour nous frapper : mais tu redoubles tes coups à raison de notre obstination.

L'excuse de Vauiheur à raison qu'il a si hardiment accusé en général les Ecclésiastiques. Chap. 39.

ïe ne veux toutefois qu'a cause des choses devant dites touchans ceux qu'on nomme Ecclésiastiques, les comprendre tous sans nul excepter. le sa y celuy n'avoir et pouvoir mentir, qui a dit, Pierre i'ay prié pour toy, afin que ta foy ne défaille. le ne suis aussi ignorant qu'en tous estats, il y en ait plusieurs bons, iustes, innocens, et non entachez des meschancetez susdites. Toutefois en toutes professions, il y a tant de meschans, qu'entre mille à peine s'en peut trouver un, qui face rondement ce que sa profession requiert. Au contraire si en aucun collège ou congrégation et compagnie il se trouve quelque simple, chaste et sobre, qui ne suyve le chemin large et glissant des autres, il est en fable et moquerie à tous, et est appelé singulier, enragé, hypocrite. D'où vient que plusieurs qui deviendroyent gens de bien, s'ils frequentoyent bons et modestes personnages, sont par ce moyen attirez à mal en suyvant mauvaise compa- gnie ? parce qu'ils craignent porter ces noms de brocards parmi leurs compagnons. Et certes le commun dire tiré du Psalmiste est très véritable, Tu seras eleu avecques l'eleu, pervers avecques le pervers.

Pourquoy Vaufheur se tcdst des gens de bien. Chap. 40.

Que personne donques ne s'estonne s'il y à présent en l'Eglise si peu de gens honnestes et innocens, considère que tant de meschans par tout les poussent à mal, et les solicitent par mille finesses. Parquoy pour la multitude des meschans privilegez à mal-faire, on ne parle des gens de bien, qui à la


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comparaison des autres ne montent rien et ne sont en estime, tellement que quand il est mention de la police de l'Eglise ou des membres d'iceUe, la tourbe des prévaricateurs qui la tien- nent en tyrannie, en fait parler à la façon dont l'Escriture use en plusieurs lieux, comme en Genèse il est escrit, que toute chair avoit corrompu sa voie : et toutefois alors que le déluge est venu Noé homme iuste devant le Seigneur a esté trové : et ainsi sauvé en l'arche avecques les siens. Derechef il est escrit au livre des Psaumes, Tout homme est menteur : tous ont décliné : il n'y en a point un qui face bien. Et nonobstant celuy qui a ce dit, rend puis après tesmoignage de soy, Que le Seigneur l'a trouvé selon son cœur.

Qu'à bon droit V estât Ecclésiastique endure. Chap. 41.

Veu donques que les Prélats ecclésiastiques et les autres offices, se portent en tel estât, qui doutera que les maux qu'ils souffrent ne viennent par punition divine ? Ce seroit chose estrange et digne d'admiration, s'ils prosperoyent en aucune sorte. N'est-il pas ainsi que par tous les saincts escrits Dieu nous promet des biens, voire sous condition, que nous garde- rons sa Loy observerons ses commandemens, marcherons en ses ordonnances, garderons de rompre l'alUance faicte avec- ques luy ? Que si nous la profanons, annichilans les pactes et les conventions, mesprisans ses statuts et traditions, de quel front presumerons-nous de luy demander ou d'espérer des biens de luy ? Il faut que nous attendions l'un ou l'autre,, ou prospérité en nous adonnant à obéir à ses commandemens, ou punition si nous les transgressons : car celuy ne peut mentir qui pour recompense des œuvres a promis l'un ou l'autre. Qui a abbatu la synagogue (qui a esté la figure de l'Eglise, selon que S. Paul dit, Toutes choses leur estre avenues en figure) qui l'a fait estre délaissée de Dieu, et accablé de maux, sinon sa malice ? Si donc selon la parabole d'Ezechiel touchant les deux sœurs 011a et Ooliba, l'egHse a fait le semblable que sa grande sœur, et mesme l'a surpassée en enrageant en meschan- cetez et fornications : comment pensera-elle eschapper sans punition ? Reveille-toy donques finalement de ton sonrnie par trop long, ô malheureuse sœur de la synagogue ? Reveille- toy, dy-ie, et mets fin à ton ivrongnerie assez desia cuvée. Ly ce Prophète et les autres : voy et les enten, si ton ivrongnerie ne t'a du tout osté le cœur, selon le tesmoignage du Prophète.


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Si donques tu as encores une esteincelle de courage sain, fueillete soigneusement les escrits des Prophètes. Là tu trou- veras ton estât et ta confusion prochaine et entendras quelle sera ta fin : combien que si longtemps tu pourris en ces ordures en grand danger. Que si tu n'ois les Prophètes, et ne penses qu'ils ayent parlé de toy, en ce qu'ils prédisent tant de maux, tu te trompes, et t'abuses perilleusement : car ils ont prophé- tisé de toy, et dois entendre que les fardeaux qu'ils menacent tomberont sur toy, si tu ne te repens. Mais prenons le cas que leurs prophètes regardent autre part, que penseras-tu de ta propre prophétie, assavoir de l'Apocalypse de Jean ? N'estimeras tu point pour le moins, qu'elle te touche en quelque sorte ? As tu perdu toute honte avecques le sens pour pouvoir nier cecy ? Regarde donques et ly la damnation de la grande paillarde, se séant sur plusieurs eaux : et là contemple tes beaux faicts et tes destinées ou encombres à venir.

Que Vestat ecclésiastique tend à ruine pour son orgueil. Chap. 43.

Or comme ainsi soit que tu entendes et voyes tous les empires et royaumes des nations, quelques puissans, forts et grands qu'ils fussent, avoir esté destruits et rasez pour leurs iniustices et arrogance : toy qui as reietté si loin l'humilité solide, sur laquelle tu avois pris fondement, et laquelle ne s'efFraioit d'aucuns tourbillons : toy, dy-ie qui as élevé la corne si haut, comment ne penses tu point, qu'une si grosse pesanteur et masse d'orgueil par toy dressée s'en ira bas, après que le fonde- ment est depessé et arraché ? Il y a desia longtemps que ton orgueil a commencé, ne se découvrant apertement, ains peu à peu tout bellement, de sorte que plusieurs n'ont perceu ceste tienne ruine. Mais à présent tu es cuUebutée du haut en bas en la sorte d'un torrent : et signamment depuis que ce schisme abominable est commencé et venu sur toy par l'ire de Dieu pour reprimer tes premières meschancetez intolérables et tes fausses rages : afin que par ce moyen ton royaume pesant à Dieu, et odieux aux hommes, estant en soy divisé, fust selon la vérité evangelique désolé : afin qu'estant brisé et dissipé s'en alla en ruine : non que la foy de la vraye Eglise qui combat en ce monde, périsse pourtant : laquelle fondée sur la ferme pierre demeurera stable sans estre esbranlée : mais ie parle de la puissance temporelle, de la gloire et délices, desquelles l'église est enyvree iusqu'au dégorgement et oubliance de soy-


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mesme : et dont en la damnation de la grande paillarde il est commandé aux Anges qui exécutent la vengeance, Donnez luy tourment et dueil à l'equipollent de ce qu'elle s'est glorifiée et a esté en délices. Car encores que je ne face mention des choses passées, assavoir de la division des Grecs ^ d'avecques nous, pour l'orgueil des nostres et pour l'avarice, des limites de la religion maintenant estrecis, lesquels auparavant s'esten- doyent quasi par toute le monde : encores, dy-ie, que ie passe ces choses et autres plaies dont l'Eglise commence de long- temps à estre blessée : pour le moins la ruine dont nous voyons que la ville de Rome s'en va bas, ne nous annonce elle point la désolation tant d'icelle église que de l'Empire estre prochaine : comme la destruction de lerusalem a esté aconsuyvie de près de la dispersion des luifs et de la synanogue. O Rome ville de Romulus, tu as deu cognoistre ta ruine estre prochaine, depuis qu'à cause de ses fornications destestables, tu t'es fuye à Avignon : ou plus apertement et impudemment tu t'es exposée par les voyes de ta simonie et prostitution, amenant en nostre France les mœurs estrangers et pervers, causes des calamités ^ ! Bien que iusqu'alors ladite France se fust maintenue en quel- que honnesteté et modestie, à cause de la discipline qui s'en- tretenoit. Mais à présent les desbauts et dissolutions sont si outrageuses, qu'à bon droit tu pourrois douter si la chose est plus admirable à ouir, que misérable à voir. Toutefois nous pourrons peut-estre parler une autre fois de la France ; parlons maintenant de ceste église ^ : qui a de coustume par une manière et façon maligne infecter de son levain les lieux où elle est arrestée, et leur estre cause de ruine et perdition : combien qu'on luy rend bien la pareille, et que l'on s'en venge, comme a fait l'Italie, qui luy a rendu chou pour chou, parce qu'après l'avoir dénuée et despouillée de son patrimoine, elle l'a dechas- sée hors de son manoir. Et desia la France par elle appovrie commence à la recompenser de maux : afin que la prophétie soit accomplie, Tu seras confuse par Egypte, comme tu as été par Assur. Et ce qui est dit. Fille de Babylone tu es misérable : bien-heureux qui te rétribuera la pareille que tu nous as rendue. Car depuis que par l'insupportable multitude despechez la furie schismatique s'est fourrée (ores que ie ne touche ce qui


1. En marge : Division des Grecs.

2. En marge : Notez bien. ceci.

3. En marge : Le levain des Pharisiens.


— 191 —

a été fait par N. qui lors debattoit et querelloit l'office de Pape ; car ie laisse cela à descrire plustost à ceux qui ayant conversé avec luy, peuvent mieux parler de ses conditions et des mœurs de ses gens) y eut-il onques homme plus misérable que nostre Clément ^ : lequel tant qu'il a vescu s'est tellement rendu serviteur des serviteurs aux Princes et à toute la vileinie de France, que le plus povre esclave du monde ne devroit ouir ? Il donnoit lieu à tout, il s'accommodoit au temps, il faisoit place à l'importunité des postulans ; il feignoit, dissimuloit, promettoit amplement, aux uns des bénéfices, aux autres des paroUes. Il se parforçoit fort de plaire, et appaiser par colla- tions de bénéfices tous ceux qui par flatteries ou plaisanteries estoyent les bienvenus en cour : afin qu'à l'aide d'iceux il peuts acquérir la grâce et faveur des maistres. Il conferoit donc les Eveschez et d'autres principales dignitez vacantes à ieunes bravereaux, avec lesquels il s'aimoit fort. Finalement pour plus facilement acquérir la bonne grâce des Princes, pour l'entretenir après l'avoir acquise, contregarder après l'avoir entretenue, augmenter en la contregardant, il leur envoyoit de son plein gré plusieurs presens et estrenes, leur ottroyant toutes les exactions sur le clergé qu'il leur plaisoit demander : et mesme le plus souvent leur offrant volontairement. En telle servitude de domination, quinze ans et plus se sont passez avec telle calamité qu'on ne pourroit croire.

Qu'il faut que l'Eglise soit humiliée devant qu'estre redressée. Chap. 43.

Pourautant que l'Eglise battue de tant de verges n'a fait conte de s'abaisser à bon droit, elle a esté humiliée par celuy qui déprime les choses trop élevées, et redresse celles qui sont abbatues et ruées contre terre : afin qu'elle revint en grâce, dont elle estoit du tout decheue, et fust puis après rehaussée et remise sus : premièrement désolée, et puis consolée premiè- rement frappée et battue, puis guérie. Car quant est de la penser reunir et reioindre 2, ainsi que nous la voyons déchirée, en vain nous y pensons faire quelque chose : considéré que cela ne se fera jamais par œuvre, art, ny grâce d'homme : car ceste besogne requiert main plus haute : et faut nécessairement s'il

1. En marge : Clément V, pape en ce temps, résident à Avignon. L'Mi- teur fait erreur : il s'agit ici de Clément VII.

2. En marge : Le moyen d'unir l'Eglise.


— 192 —

est question de l'unir, que celuy qui a fait la playe applique le remède, entendu que la navrure est du tout autrement incu- rable, et par autre moyen il n'est possible de la guérir, Sur cela plusieurs choses ont esté, traitées, remuées, songéeL, escrites, consultées : plusieurs ambassades déléguées : mais d'autant que nous avons plus brouillé et monopole, l'affaire s'est trouvé plus enveloppé et troublé parce que Dieu s'est moqué de nos labeurs, et a esté irrité davantage, de ce que nous avons creu que nous en pourrions venir à bout par nostre industrie et subtilité, sans son aide. loint aussi que nous sommes indignes d'impetrer paix de luy, et d'en iouir : car il n'y a point de paix aux meschans, dit le Seigneur. Lequel dit derechef par son Prophète, Paix sera l'œuvre de iustice. Fina- lement quand le Seigneur nasquit icy bas, l'exercite des Anges dénonçant la vraye paix en terre par son doux chant, la signi- fioit aux hommes de bonne volonté.

Des deux houlettes de Dieu, par lesquelles ilpaist son trouppeau. Chap. 44.

Que ceste peste schismatique soit procedée du Seigneur, nous le pouvons recueillir de quelques propos evidens de Zacharie. Car en ce Prophète, qui a beaucoup escrit sous couverture de prophétie des dernières tribulations de l'Eglise, nous lisons que Dieu souverain pasteur de tous autres, chef et reigle, paist son trouppeau, sous deux verges, ou houlettes. L'une Plaisance ^, l'autre Liaison : car ceux qui veulent avoir charge des peuples de l'Eglise, doivent estre assez ornés d'hon- nesteté Chrétienne et de Charité fraternelle. Or le cordon de Charité, qui est le lien de perfection, est triple, et difficilement se peut rompre : car il tend vers Dieu, le prochain et soy mesme. Mais si l'ame du pasteur n'obéissant à la parole de Dieu, cerche ce qui luy est propre, et non ce qui est de Dieu : si elle se trouve variable par œuvre deshonneste. Dieu se retire d'eux et couppant ses verges, envoyé pour Plaisance, ignominie, deshonneur : pour un cordon liant, schismes, contentions et venimeux discors ; et par ainsi il rompt l'alliance qu'il avoit faite, tant avec les pasteurs, qu'avec les ouailles : et advient que les suiets sont punis pour la faute des supérieurs : comme pour le péché de David qu'il avoit commis en faisant nombrer

I. En marge : ou honneur.


— 193 —

le peuple, ce peuple même fut rudement frappé de playe de peste. Or est-il certain que la première verge nommée Plai- sance a esté pieça retranchée et ostée de l'Eglise, pour les péchez des pasteurs : assavoir du temps qu'ils ont pris les façons de faire, dont nous avons cy devant parlé. Car depuis ce temps-là, l'Eglise languissante et malade, n'a cessé de s'escouler goutte à goutte et s'en aler à reculons, pour autant que devestue de son verdoyant honneur, elle portoit une face pasle, noire et abaissée contre terre. Depuis, ceste langueur délaissée sans estre medicinée voire sans aucunement y prendre garde s'est tellement empirée par succession de temps : et discourant par tous les membres a tellement gagné tout le corps et saisi de toutes parts qu'à peine les membres peuvent tenir les uns aux autres. Parquoy le dire du Prophète est bien véritable. Depuis la plante des pieds, iusques au sommet de la teste il n'y a aucune santé en luy. La seconde houlette, qui estoit Liaison, a esté ostée : laquelle souloit conioindre les membres maintenant séparez par cet abominable et horrible schisme d'ambition.

Qîiel a esté le commencement du fouUement. Chap. 45.

Aucuns, qui par inspiration divine (selon qu'on croit) on escrit plusieurs choses de ce schisme devant qu'il advint, et de la désolation de l'Eglise qui doit advenir : ont estimé que de ce schisme adviendra que toute l'Eglise sera fouUée outra- geusement, et piteusement degastée par la violence de l'empire terrien ^, afin que finalement estant dénuée des biens et che- vances terriennes, elles vomissent l'autruy, qu'elle avoit mal avallé et mal digéré et masché : et qu'elle pleure ses fils de fornification qu'elle a engendrez tant par l'importunité des Princes, que par infâme marché les voyans morts, fugitifs, bannis, affamez, captifs. Ceste persécution 2 viendra peut estre sur la teste d'aucuns plustost qu'ils ne pensent, car si du tout nous ne sommes aveuglez, les fondemens en sont desia posez : lesquels de plus en plus s'eslevent de terre, si qu'il n'y a homme (s'il n'a perdu le sens) qui ne les puisse voir tout apertement. Et certainement c'est par le iuste iugement de Dieu, que l'Eglise doit estre accablée de si grand déluge


1. En marge : une main indicatrice.

2. En marge : Vraye prophétie des choses siirvenues.

GLAMANGES 13


~ 194 —

de maux, pourautant qu'elle est venue à une telle rage de toutes abominations, qu'il n'y a autre moyen de la chastier et réduire à la première innocence. Infinis signes, admoni- tions, menaces, reprehensions, destructions, battures, fléaux pour la faire sage, de peur qu'elle n'endurast les maux préparez contre elle, n'ont de rien servy : et s'en est allé le tout sans aucun profit. Le fondeur a fondu en vain : (dit le Prophète) leurs malices ne sont point consumées : car de front obstiné contre Dieu ils ont tout mesprisé : et comme un cheval sans bride ils ont couru plus impétueusement après leurs concu- piscences.

Assavoir si l'Eglise doitflourir et fructifier au seigneur. Chap. 46.

Quel moyen donques ô Christ, te faudra-il tenir, si tu veux nettoyer ton Eglise de si grande ordure d'escume, en laquelle son or et son argent sont tournez, pour ietter toute ceste escume par art de fondeur dedans la fornaise de feu purgatif, pour la réduire en bon or et faire revenir en beau lustre les métaux luisans ? Si davantage tu veux remettre en nature la vigne couverte de lambrusces et de ronces qui poignent et suffo- quent les seps et les rendent stériles, quel moyen y a il meilleur, que d'arracher du tout les lettons inutiles qui la rendent inutile : et reiettent, bien qu'ils soyent essartez par la serpe : puis loer ladite vigne à d'autres vignerons et la peupler de nouveau plan plus fructueux ? Tu es tesmoin, Seigneur, qu'on ne sauroit cueillir raisins des espines ne figues des chardons : mesmes tu as ordonné que tout arbre ne portant fruict, doit estre couppé et ietté au feu. Celuy certes s'abuse, qui pense que les labeurs et douleurs de l'Eglise se puissent finir par les maux que desia nous endurons, ce ne sont que petits conmien- cemens de douleurs, et douces escarmouches de ce qui reste. Mais il estoit temps de prendre port, la tempeste venant, et de pourvoir à nostre salut en ces dangers ^, de peur que l'orage, qui doit esbranler la nacelle tant despecée, de plus horrible tourbillon que iamais ne nous engloutisse au milieu des ondes avecques ceux qui à bon droit doivent estre noyez et périr.

Prière de l'autheur N. Cle., pour obtenir fruict salutaire de reformation. Chap. 47.

D'une chose nous te requérons humblement très bénin

I. En marge : une main indicatrice.


— 195 —

Jésus pour la fin, Que quelques iugemens que tu doives exercer sur ton Eglise (car sans doute ils seront grands) tu ne lui rendes selon ses iniquitez en rigueur de vengeance : mais selon la douceur de ta clémence (qui ne se peut expliquer) qu'en faisant la punition d'icelle tu uses de ta miséricorde dont elle est indigne : et que tellement tu esbranches les choses mauvaises et superflues, que neantmoins tu ne retranches quelques peu d'autres non du tout inutiles. Serres donques de sorte que tu n'estoufïes. Casse de sorte que tu ne brises du tout, Chastie tellement, que tu n'esteindes totallement : pour le moins qu'elle ne soit semblable à Sodome et à Gomorre, délaisse luy quelque semence, te souvenant de ta tressacrée ParoUe, par laquelle tu as promis d'estre tousiours avecques elle jusqu'à la consom- mation du siècle.

J. Cr. au Lecteur j touchant l'utilité de ce Livre de la corruption du temps.

O Lecteur, on te feroit tort si un tel escrit venu à nostre cognoissance, faict de ce temps-cy que nous discourons présen- tement, gardé et conservé par le bénéfice du Seigneur par tant d'années, ne t'estoit communiqué et à toute l'Eglise, pour contempler comme en un miroir les iugemens du Dieu vivant : et recevoir instruction et consolation par Ni. Cl. ^ vray tesmoin et annonciateur de la grande lumière de la doctrine du Fils de Dieu, laquelle peu à peu et de plus en plus s'est manifestée en ces ténèbres horribles : et les ayant surmontées, nous a maintenant rendu vm iour clair, comme d'un Soleil monté au plus haut du midy de la vérité.

I. En marge : N. Clemangis,


CLAMANGES


13.


TABLE DES NOMS PROPRES


Adrien IV, 55.

AiLLY (Pierre d'), 30, 33, 39,

40, 43, n. I, 44, 45, 46, 48,

88, 144. Aix, 46.

A Kempis (Thomas), 84, 85. Altercationes inter Tullium et

Sallustium, 21. Antimartyrologe, 81, 82. Arras, 60. Avignon, 13, 14, 30, 31, 32,

33, 35. 36, 37' 38, 65, 98,

148, 167, n. 1, 190.

Bailli (Pierre), 64.

Bar (Louis de), 32.

Bayonne, 159.

Beaujeu, 81.

Bénévent, 57.

Benoit XIII, 14, 30, 35, 36,

37. 38, 39, 45. 46, 47, 48, 49, 96, 98, 99, 105, 144, 150.

Berthier (le P.), 89. Bertoul (Nicolas), 22. BÈZE (Théodore de), 60, 64. BiDAU (Gilles), 16, 17. Bois (Jean du), 22, BoissY (Gabriel de), 83, 84,

85-

BOLLAND (le P.), 84.

BosQuiLLON (Pierre), 17, n. i. Bourges, 93. Brown (E.), SB.


Bruxelles (Assemblée des Trois

Etats de), 21. BucKLEY (Edward), 77.

Caiétan (Constantin), 84. Calvin (Jean), 60. Cambrai, 30, 39, 41. Cambron, 17. Cambron (Gilles de), voir Bi-

DAU.

Casa (Giovanni délia), 57, 75,

76. Catalogne, 99. Charles V, 97. Charles VI, 96, loi. Charles VII, 96. Chateaufort (Guillaume de),

93- Cholets (Collège des), 22. CicÉRON, 32, 125, 170. Citeaux, 17, n. i. Clément VII, 13, 39, 149,

167, n. I, 19X. Clément VIII, 87, 88, 96. Coeffeteau (Nicolas), 79, 80,

81, 90. Cologne, 51. Condé (prince de), 64. Constance, 26, 43, n. i, 45, 47,

48, 49, 79, 80, 87, 88, 98. Contestation touchant l'autheur

de V Imitation, 85, 86, 87. Contra prelaios simoniacos, 18,

n. 4, 22.


— 198


CoRDATUS (Conrad), 54. CoRDATUS (Eubulus), 26, n. 2,

54» 55. 58. CoRDUS (Euricius), 54, n, i. Corneille (Pierre), 84. CoRROZET (Jean), 57, 58. CouRTECUissE (Jean), 14, n. 3. Crespin (Jean), 60-74. Cyrille, 125, 141, 185.


De consideratione, 83.

De ecclesiasticis scriptoribus,

28, 53. De filio prodigo, 17, n. i, 18.

n. 4, 22. De fructu eremi, 17, n, i, 18,

n. 4, 22, 53. De fructu rerum adversavum,

18, n. 4. De lapsu et repavacione justicie,

18, n. 4. De materia schismatis, 54. De novis festivitatihus, 18, n. 4,

22, ,54. De nuptiis diaboli, 21. De prosperitate adversitatis, 22. De pugna inter Babilonam et

Jherusalem, 21. Descriptio cujusdam rei mira- bilis, 22, De studio theoîogico, 18, n. 4,

22. De vitiis ministrorum, 28. Devota oratio, 56, 57, 58, 88,

155. Du Plessis-Mornay, 79. Durant (Guillaume), 33, 88.


Epicure, 12, 68, 176. Epistolae ad diverses, 54. EsPENCE (Claude d'), 85, 87. EuMÉNiDES, 68, 136. Expositio super Ysayam, 91- 106.


EZÉCHIEL, 65, 146, 188.

Fasciculus rerum expetenda-

rum, 88. Faure (Antoine), 18. , FiLELPHE, 21. Flacius Illyricus, 76. Florence, 103. Fontaine-au-Bois, 45. FoRMENTiN (Raymond), 95,

n, 2. Frédéric I (empereur), 55. Freisingen (Otto de), 55. Fronteau (le P.), 83, 84, 86. FucHTE (J. von), 77.

Gand, 60.

GÉNÉBRARD, 77, 88.

Genève, 58, 60, 64, 65, 71, 81. Gersen (abbé), 84, 85. Gerson (Jean de), 21, 23, 24, 25, 27, 28, 43, n. I, 44, 48,

49. 51. 52, 83. Gessner, 76. Gilbert (Eloy), 64. GouLART (Simon), 74, 77, 81. Gratius (Ortuinus), 88. Gretser (le P.), 78, 79.

GUARINO DE VÉRONE, 21.

Helmstâdt, 23, 24, 78. Henri IV, 79. Henry V, 96, loi. Henry VI, 96.

Historia cujusdam rei mira- bilis, 18, n. 4. HOTMAN (François), 64, 70. Huss (Jean), 61, 62. HuTTEN (Ulricli de), p. 54. Hutter (Jean), 77, 78.

Imitation de Jésus-Christ, 83,

84, 85. Index, 57, 58, 75, 76, 77, 87,

90.


199 —


Ingolstadt, 78.

IsAïE, 33, 47, 48, 65, 133.

Jean XXIII, 98.

JÉRÉMIE, 65, 97, 114, 162. JÉROBOAM, 31, 47, 153.

KOELHOFF (Joh.), 51.

Lamentationes Constantinopo-

lis, 23. Langres, 12, n. i, 32, 35, 36,

37- Lasserre (Louis), 16, n. 2. Launoy (Jean de), 83, 84, 85,

86, 87, 91, n. I, 95, n. 2. Le Bourdais, 55. Le Mans, 96, 102. Lenfant, 89. léon xiii, 76, 90. Leyde, 77.

Liber quartus invectivarum, 20. Livre des martyrs, 60-74. LoiSEL (Antoine), 85. LoNGUEVAL (le P. de), 89. Louis XIII, 81. Louis de France, duc de

Guyenne, 31. Louvain, 60. Luther (Martin), 54. Lydius (J.-M.), 77-8. Lyon, 81.

Mâcon, 81. Mammon, 112, 115. Martin V, 47, 98. Mayence, 28, n. 3, 52. Melk (abbaye de), 23. Mendiants (Ordres), 11, 12,

69, 80, 128, 138, 139, 173,

182, 183. Meyer (Jacques de), 76, 88. Milan, 57.

Milan (congrès de), 21. MoMENTivus, 54. MONSTRELET (E, de), 14, n. I.


MoNSTREUiL (Jean de), 14,

n. I, 36. MoNTESius, 54, 55, 58. Mystère d'iniquité, 79.

Nabuchodonosor, 142, 186. Naudé (G.), 84. Navarre (Collège de), x6, n. 2, 33. 38, 58, 84, 85, 87, 93.

Olla, 146, 188.

O0LIBA, 146, 188.

Orléans, 63, 64, 65, 70, 95,

n. 2, 158. Osée, 151.

Pactole, II, 124, 169. Paul IV, 57, 58. Petau (le P.), p. 84.

PÉTRARQUE (Fr.), 20, 21.

Philippe le Bon, 31.

Pie II, 21.

Piémont (Jean de), 14, 15, 45.

PiETRAMALA (Galeotto di), 32.

Pise, 46, 47.

Prague (Jérôme de), 62.

Raynaud (Th.), 84.

Remarques sommaires sur la Contestation, 86.

Response... au Mystère d'ini- quité, 80.

RoBOAM, 31, 47, 153.

ROMULUS, 148, 190.

Rouen, 102. Rousseau (J.-J.), 89.

Saint Augustin, 19, 97. Saint-Barthélémy (la), 64. Saint Bernard, 83. Sainte-Beuve, 84. Saint Jean, 147, 189. Saint Jérôme, 97. Saint Matthieu, 65, 138. Saint Paul, 65, 97, 136, 141, 146, 180, 184, 188.


— 200 —


Saint Pierre, 65, 66, 117,

131, 159, 163, 175. Saint Thomas d'Aquin, 19. Saint- Victor (abbaye de), 19,

28. Saintes (Claude de), 76, 85,

88. Salomon, 31. Samuel, 65.

Sarrazin (Léonard), 85, 87, Saturne, 116, 163. Saumur, 79.

Savoisy (Henri de), 37. Scheffer (J.), 52. ScHûRER (Lazarus), 53. ScoNiN (Antoine), 87. Sélestat, 52, 53, 57, 70. Sens, 37. Severt (Jacques), 81, 82, 83,

90. Sicile, 103. SiGISMOND, 96. Simon, 118, 164. SiRMOND, 84. Spéculum ecclesiae pontificiae,

77. Sponde (Henri de), 87. Strasbourg, 53, 60.


Tage, II, 124, 169.

Tàrascon, 46.

Textor (Ravisius), 85, 87.

TiMOTHÉE, 141, 184.

Toulouse, 74, 158.

Tractatus de modo concilii

celebrandi, 33, 88. Trente (concile de), 77. Trepperel (Pierre), 64, 65. Trithème (Jean), 28, 53, 56,

58, 85. Troyes, 102.

Unde heraldi venerunt, 21.

Urbain VI, 49.

Ursins (Ju vénal des), 85.

Vatel (Jean), 85, 87. Venise, 57, 75. VÉNUS, 12, 142, 185. Voltaire, 89.

Weissenldrchen, 54. Wittenberg, 77, 78. Wyclef (J.), 61, 62.

Zacharie, 65, 152, 192.


TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos 7

Recherches sur le De ruina et reparacione Ecclesie 9

I. — La version imprimée 9

IL — Les manuscrits 16

m. — Le texte primitif 27

ly. — La date et l'origine 35

V. — Le seconde version 44

VI. — Les premières éditions (1483-1562) 51

VIL — La traduction française et le Livre des

Martyrs de Jean Crespia (1564) 60

VIIL — Le traité de Nicolas de Clamanges du xvi^

au xYiii^ siècle 75

IX. — Expositio super Ysayam 91

De ruina et reparacione Ecclesie, texte latin primitif

(1400-1401) 107

Escrit de Nicolas Clemengis touchant l'Estat corrompu

de l'Eglise (1564) 157

Table des noms propres 197

Table des matières 201


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