Géricault. Étude biographique et critique avec le catalogue raisonné de l’œuvre du maître  

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Géricault. Étude biographique et critique avec le catalogue raisonné de l’œuvre du maître (1868) is a monograph of the works of Géricault by French art historian Charles Clément.

Publishing history

  • Didier, 1868 (publié auparavant, en 1866-1867, dans la Gazette des Beaux-Arts ; réédité en 1879 et 1973)

Full text[1]

PARIS. — Impr. J. CLAYE. — A. QUANTIN et C, rue Saint-Benoît.


GÉRICAULT

ETUDE

BIOGRAPHIQ.UE ET CRITIQ.UE


AVEC


LE CATALOGUE RAISONNE


DE L'ŒUVRE DU MAITRE


CHARLES CLÉMEiNT


TROISIÈ.ME EDITION

Augmentée d'un supplément et ornée de trente planches



PARIS

LIBRAIRIE ACADÉMIQUE

DIDIKR & C-. LIBRAIRES-EDITEURS

J5,«iUAI DES GRANDS-AUOUSriNS, j5 1879

Tous droits réserves


TiWtt


AVANT-PROPOS


DE LA


TROISIEME ÉDITION


Cette troisième édition se distingue des précé- dentes par deux améliorations importantes : un supplément au catalogue et trente planches re- produisant les œuvres les plus intéressantes ou les moins connues du maître. Depuis la première publication de ce livre, en 1868, je n'ai pas cessé de continuer mes recherches en vue de complé- ter mes informations. J'ai trouvé un assez grand nombre de pièces nouvelles ; quelques-unes de celles que j'avais déjà signalées ont changé de mains, et il m'a semblé utile d'indiquer les noms des nouveaux propriétaires et les prix qu'elles ont atteints dans les ventes. Des erreurs s'étaient glis- sées dans la première rédaction qu'il était néces- saire de rectifier; enfin j'ai pu ajouter des détails inédits qui m'ont paru présenter de l'intérêt. Ce


II AVANT-PROPOS.

sont ces renseignements, ces corrections, ces ad- ditions qui forment le complément du catalogue. Quant aux estampes^ le succès de celles que j'ai jointes à mes ouvrages sur Prud'hon et sur Gleyre m'a encouragé à en mettre également dans cette nouvelle édition de Géricault. Dans le choix des pièces, j'ai poursuivi un double but : placer sous les yeux du lecteur des répétitions des œuvres capitales de l'artiste telles que le Chasseur et le Cuirassier^ le Radeau de la Méduse ^ la Course des chevaux libres^ et reproduire en fac-similé quel- ques-unes de ses compositions les plus originales et les moins connues ; par exemple, quatre ou cinq de ses plus belles lithographies exécutées en Angleterre ; puis les Boxeurs^ les Deux chevaux qui se battent dans une écurie^ la Batterie changeant de j^osition^ une importante variante du Ra-^ deau de la Méduse ^ plusieurs projets pour la Course des chevaux libres et d'autres dessins de premier ordre. A l'égard du mode de reproduction, je m'en suis tenu à celui que j'ai employé jusqu'ici. Je connais ses imperfections. Les planches obtenues par ce procédé manquent d'effet et d'éclat ; elles ont quelque chose d'un peu terne, d'un peu voilé, d'un peu monotone, qui frappe désagréablement au premier abord. Mais comme elles ne supportent pas


AVANT-PROPOS. m

de retouches, on peut dire que, pour le principal tout au moins, elles sont d'une fidélité absolue et, en somme, au yeux du connaisseur et de l'artiste, très -supérieures aux planches du même genre, reprises, complétées, nettoyées et le plus souvent odieusement défigurées par l'ouvrier. Du reste, n'ayant pour ainsi dire reproduit dans ce volume que des dessins, des gravures et des lithographies, les inconvénients qui résultent des altérations de valeurs que la photographie (point de départ de ce procédé) fait subir à certains tons et qui sont si graves lorsqu'il s'agit de peintures, n'existent ici qu'à un très-faible degré. Dans un livre sérieux où les planches ont pour but de donner au lecteur la facilité de juger par lui-môme et de contrôler les appréciations de l'écrivain, il est évident que l'on doit préférer l'exactitude à l'agrément.

G. G,


Paris, février 1S79.


INTRODUCTION


C'est en tremblant que j'ai commencé cette étude. Je n'ai jamais été autant eiïrayé, et, je le dirai, affligé du sentiment de mon insuffisance que dans ce moment où je voudrais rendre hom- mage et justice au génie du plus grand artiste de notre temps, et arrêter les regards d'un public distrait sur sa noble figure. Géricault est le con- temporain des plus âgés d'entre nous. Cependant, s'il n'est pas méconnu, il est négligé et presque oublié. Il n'a rien fait de ce qu'il faut pour cap- tiver l'attention de la foule, pour élever les renom- mées bruyantes et rapides. Il s'est contenté de

bien faire, sans solliciter les bravos, sans se

1


2 INTRODUCTION.

mêler aux partis, sans s'ériger en chef d'école. Simple et modeste, il admirait les autres et était rarement content de lui-même. Il ne posait pas, il ne songeait pas à jouer un rôle, et on serait tenté de croire qu'il s'ignorait. S'il a pensé à la postérité, c'a été pour craindre de n'avoir pas mérité qu'elle enregistrât son nom. Plus d'une fois, en étudiant cette vie sans ostentation, je me suis demandé si je n'étais pas le jouet d'une illu- sion, si c'était bien un grand artiste que j'avais sous les yeux, tant l'habitude de voir le talent s'affubler de fausse grandeur ou d'hypocrite mo- destie trouble les esprits les plus décidés à dis- cerner la vérité sous les apparences ! Hélas ! comme un athlète fait pour vaincre et qui tombe en commençant le combat, Géricault est mort trop tôt pour sa gloire. Il n'a laissé qu'un très- petit nombre d'œuvres accomplies, et le plus sou- vent on en est réduit à démêler les beautés de premier ordre, renfermées dans ses admirables dessins, dans ses rapides ébauches comme l'or dans la gangue du filon. Ce n'est pas ce que le public demande. Il lui faut le métal net, sonore,


INTRODUCTION. 3

brillant. La réputation de ceux qui n'ont pas donné à leur pensée sa forme définitive dans des ouvrages importants et répétés ne s'établit qu'à la longue. Je ne suis pas inquiet du résultat final ; ce que je dis, nos neveux le diront; mais il se pourrait que pendant quelque temps encore Gé- ricault ne fût apprécié que par un petit nombre de rares et fervents admirateurs, et que justice complète ne lui fût rendue que par une autre génération.

Pour se faire une exacte idée de l'importance de la tentative de Géricault, il faut se reporter à l'époque où, très-jeune encore, il commençait à peindre. Vers 1808, l'école de David était tom- bée au plus bas. Les élèves directs do ce grand maître étaient encore dans la force de l'âge, mais, à peu d'exceptions près, leurs œuvres vides et froides accusaient chaque jour d'une manière plus marquée les vices du système. C'était bien une école, dans la stricte acception du mot, que cet homme à l'esprit étoit, obstiné et puissant, avait fondée. Non-seulement il la gouvernait,


4 INTRODUCTION.

mais il la tyrannisait, plus il est vrai par son exemple et par l'autorité que lui donnaient son talent et l'énergie de ses convictions, que par sa volonté. Ses principes étaient bons; il recomman- dait l'étude des maîtres et celle de la nature; mais, comme s'il eût eu un verre de couleur sur les yeux, il voyait et les maîtres et la nature à travers une idée préconçue. Tout prenait sous son pinceau cette forme conventionnelle, imitation à la fois servile et erronée de l'antiquité, qu'il avait transmise comme une recette à ses disciples et que ceux-ci ont répétée à satiété. Chez David, la faculté principale de l'artiste, l'imagination, existe, et à un haut degré, mais elle est étouffée sous la volonté; l'élan est arrêté, comprimé par l'esprit de système; Tintelligence, la raison, ou plutôt le parti pris, usurpent un rôle qui ne leur appartient point et dominent l'inspiration et le sentiment. Aussi ces images si correctes, si sa- vantes, si châtiées, qui méritent une si grande et si sincère estime, n'inspirent-elles jamais cette émotion franche et profonde que font éprouver, les œuvres des génies spontanés, et David est de


INTRODUCTION. 5

ceux qui forcent l'admiration sans exciter la sym- pathie. Chez ses élèves, on retrouvait les quali- tés du maître : l'élévation constante, la dignité, la sévérité des ordonnances, un dessin correct et grandiose, précis jusqu'à la sécheresse, mais aussi tous ses défauts : un style tendu, une re- cherche de la forme prise en elle-même qui l'a- mène à n'être plus qu'une sorte d'abstraction, une froideur inévitable dans des conceptions dic- tées par des idées pittoresques très-fausses et pourtant très-arrêtées. On peut dire d'une ma- nière générale que, malgré la diversité de leurs tempéraments et de leurs tendances, David avait coulé ses élèves dans un moule uniforme. Ils ressemblent à leur maître; ils se ressemblent entre eux, et leur servilité a sans doute rabaissé leur talent; mais quelle que soit la fatigue que nous fassent éprouver aujourd'hui ces œuvres monotones et glacées, les noms de Girodet, de Gérard et de Guérin^ sont de ceux que l'on ne doit pas prononcer sans respect.

1. Guérin était élève de Regnault dont l'école était en rivalité avec celle de David. Mais vue d'un peu loin, du


6 INTRODUCTION.

Trois artistes cependant se distinguaient alors,. par l'originalité de leurs conceptions et de leur manière, de la foule des élèves de David. L'un, Prud'hon, doit à peine être mentionné ici. Il n'ap- partenait à cette école ni par ses études ni par ses tendances. C'est à Raphaël, à Léonard, à Gorrége surtout qu'il avait demandé des enseigne- ments ; c'est dans sa riche et délicate imagina- tion, dans son cœur, d'une sensibilité presque maladive, qu'il puisait ces ravissants motifs d'une grâce si pénétrante, d'une vérité si élevée, d'une exquise poésie. Mais Prud'hon n'était ni de son pays, ni de son temps. Il avait vécu jusqu'alors pauvre et ignoré, et c'est à peine si son beau tableau la Vengeance poursuivant le Crimes qu'il venait d'exposer, avait fait sortir son nom de sa complète obscurité. Plus tard Géricault admira beaucoup Prud'hon, mais il est peu probable qu'à ce premier moment il Tait connu ou particulière- ment remarqué. Il en est autrement pour Gros et pour Ingres, qui étaient en plein dans le cou- point où nous sommes, ces deux écoles représentent les mêmes idées et n'en font qu'une.


INTRODUCTION. 7

rant d'idées au milieu desquelles Géricault allait se développer.

Gros était alors dans toute la force de son ta- lent. Les Pestiférés de Jaffa sont de iSOi, la Bataille d'Ahoukir de .1806, la Bataille d'Eylau de 1808. Le caractère épique de ces œuvres ad- mirables devait impressionner vivement l'esprit du jeune peintre. A bien des égards, Gros est le 'père moderne de Géricault. C'est à lui certaine- ment qu'il doit d'avoir compris le cheval autre- ment que ne l'ont fait les Grecs et Yernet. Mais Gros était un artiste tout d'instinct 5 comme étude, il ne connaissait que la forme antique de David. C'est un brillant météore, ce n'est pas un soleil. Les beautés qui se trouvent dans quel- ques-uns de ses tableaux sont d'éblouissants éclairs que rien ne suit. Esprit faible, indécis, lorsqu'il s'abandonnait à ses nobles inspirations, il croyait se tromper, trahir son maître. Il se re- pentait d'un chef-d'œuvre comme d'une faute; il était terrifié et écrasé sous la discipline de Da- vid; il avait honte de son génie. Chez lui, l'ef- fort individuel est très-marqué, mais il ne dure


8 INTRODUCTION.

qu'un instant; on sent qu'il ne sera pas continué. Ce n'est pas là Torigine, le point de départ d'un mouvement nouveau, et la fin misérable de ce puissant et inégal artiste prouve assez qu'il n'y avait pas en lui l'étoffe d'un chef d'école.

Quant à Ingres, il n'est pas davantage un ré- formateur, et il aurait regardé comme une injure qu'on voulut faire de lui un adversaire de son maître. Il ne faut pas l'opposer à David. Il a continué la même école avec plus de goût, un sentiment pittoresque plus distingué, plus élevé, plus vrai, une plus grande indépendance vis-à- vis de la nature, à laquelle il s'attache avec pas- sion, mais qu'il interprète pourtant avec largeur et liberté. Il est bien loin d'avoir l'imagination puissante et inventive du chef de l'école, mais il possède cependant une originalité relative que Ton ne saurait contester. Son exécution ma- gistrale est plus souple, et, en somme, plus parfaite que celle de David. Avec un savoir consommé, il a de l'ardeur, de l'imprévu, une saveur particuhère, quelque chose de rare qui le rapproche des maîtres. C'est un élève fidèle,


INIRODCCTIOX. 9

mais inteDigent, émancipé, et à bien des égards sopériear à David. Cependant, je le répète, il n'a fait que suivre, en les modifiant^ des principes dont au fond il -e s est f^Linals sériensemait écarté.

Ce caractère de novateor qui manqae à In- gres, Géricâolt le possède complètement. Son système (si l'on peut parler de système à propos de beaax-arts et d'an peintre ao;^ spontané) est la fusion parfaite de la tradition et da progrès. II aime, il comprend, il accepte toot : l'antiquité et la Renaissance, la ligne sévère des Grecs et des Florentins, aussi bien que la couleur des Vénitiens et le clair-obscur d^s F 1-. Il a

suivi la fili^*; il a tout vu, tout compris, tout dig^rr. Ce r/est pas un éclectique, bien loin de là : c est un artiste d une sincérité absolue, dont des études ol)stinées ont fortifié l'œfl et la main. 0^ n'est pas par parti pris, c'est en se laissant naturellement conduire par son sentiment pitto- resque 4ki'il a réagi contre la peintuie décora- tive, abstraite/aride, de l'Empire. Avec une in- dividualité éclatante dans la manière, il apporte


10 INTRODUCTION.

un point de vue nouveau. Au moyen de cette science précise et profonde cp'il avait acquise en étudiant naïvement la réalité et dans le com- merce assidu des maîtres, il traite des sujets modernes, et il marque tout ce qu'il touche de sa puissante originalité. Gomme les Grecs, il a trouvé le style en restant fidèle à la nature. Il a su dégager le caractère poétique, grandiose, épicjue, de ces motifs réels qui jusque-là n'avaient guère inspiré que des peintres de genre. Et ce n'était pas une tentative médiocre C[ue de donner à des scènes familières et exactes cette significa- tion générale, absolue, nécessaire à toute œuvre de grand art. Il n'a reculé devant aucune des difficultés de son projet. Il a adopté francheir.ent, sans timidité et sans affectation, les costumes et les accessoires, et il l'a fait sans tomber jamais dans la mesquinerie, dans la trivialité, dans l'ex- cès de la couleur locale. Audacieux et sage, il a appliqué la science la plus précise à ses plus fougueuses inventions, et il a mis dans toutes ses œuvres cet irrécusable caractère de la force : la hardiesse, la confiance simple et sans ostentation ►


INTRODUCTION. 11

Si sa vie a été brisée avant qu'il ait pu donner la mesure entière de son génie, il faudrait au moins que son exemple ne fut pas perdu, et qu'il con- vainquît les esprits lâches, les cœurs trop prompts à désespérer, que les sources des hautes inspi- rations ne sont pas taries. La race des grands hommes n'est pas éteinte, et il en peut naître même dans des circonstances qui semblent aussi peu faites que possible pour les susciter.


GÉRICAULT


ENFANCE DE GERICADLT. — SA FAMILLE. GÉRICAULT A l'ATELIER DE CARLE VERNET ET DE GCÉRIN.


Jean-Louis-André-Théodore Géricault est le concitoyen de Corneille et de Poussin. Il naquit à Rouen le 26 septembre 1791, « du légitime mariage de Georges-Nicolas Géricault, homme de loy, et de Louise-Jeanne-Marie Caruel, de cette paroisse » (Saint-Romain^). Il appartenait

4. Les parents de Géricault demeuraient dans une vieille maison portant alors le n« 7 de la rue Lavallasse, habitation de sa grand'mère maternelle, qui fut démolie en 4 822, et qui se trouvait sur remplacement occupé aujourd'hui par les bâtiments portant les n°« 1 3, 13 bis et 13 A. (Rapport de la commission chargée par l'Académie de Rouen de rechercher


14 LA FAMILLE DE GÊRIGAULT.

à une famille honorable de la bourgeoisie. Son père était originaire de Saint-Gyr de Bailleul , petit village de l'arrondissement de Mortain, dans le département de la Manche. Il avait étu- dié le droit à Rouen, s'y était établi et y avait épousé M"" Garuel, personne remarquable par son esprit et sa beauté. Allié aux meilleures familles du pays, son salon, présidé par MM'" Garuel avec une grâce dont on a gardé le souvenir, était le rendez-vous d'une société distinguée de magistrats, d'hommes de lettres et d'artistes. C'est dans ce milieu, et sous l'influence heureuse de sa mère et de sa grand'mère, que Géricault passa ses premières années \ Bientôt sa famille vint s'établir à Paris. M. Géricault, le père, était associé avec son beau- frère, M. Garuel de Saint-Martin, qui avait des intérêts importants dans la ferme des tabacs, et c'est dans cette

dans quelle maison Géricault était né, inséré dans les pièces analytiques des travaux de TAcadémie des sciences, belles- lettres et arts de Rouen pendant l'année -18421, Rouen, Pé- naux, >1 843.)

4. C'est à M. Moulin, avocat à Mortain, allié à la famille de Géricault, que je dois une partie de ces détails.


ENFANCE DE GERIGAULT. 15

entreprise qu'il avait gagné une douzaine de mille livres de rente, et doublé au moins la fortune, assez considérable pour le temps, que sa femme lui avait apportée. L'enfant fat mis en pension d'abord chez M. Dubois-Loiseau, puis, bien plus tard, seulement en 1806, chez M. Gastel, l'auteur du poëme les Plantes. Comme tant de grands artistes, il était assez mauvais écolier. Une dame âgée, qui a bien voulu recueillir à mon intention des souvenirs déjà lointains, écrit : a J'ai beaucoup connu Gé- ricault dans notre enfance, parce que sa famille est alliée à la mienne, et toutes deux liées d'af- fection. Je ne vous dirai pas qu'il ait montré des dispositions extraordinaires d'aptitude au travail et dans sa pension, qui était celle de M. Dubois-Loiseau, rue de Babylone^ Bien au contraire, il était paresseux par délices, et tous les jeudis, jour de bonheur pour nous, puisque c'était jour de congé, nous nous réunissions tous chez la bonne, aimable et vénérable grand'mère,

4. Les jardins de la pension allaient jusqu'à la rue de Ba- bylone, mais l'entrée était rue de Monsieur.


16 ENFANCE DE GÉRIGAULT.

M'"^ Garuel de Saint-Martin, qui la gâtait trop. Lorsqu'il fallait retourner à la pension, c'étaient des pleurs et des chagrins, et la bonne grand'- mère obtenait de M. et de M'"" Géricault qu'il n'y rentrât que le lendemain. Enfin, je le nom- mais le Paresseux. Plus tard, il montra des dis- positions pour le dessin et même pour la peinture, et il me disait en riant : Je ferai ton portrait ^ » Il n'avait que dix ans lorsqu'il perdit sa mère, vers 1801. Il en avait gardé un souvenir très- vif et très-attendri, me dit M. Dedreux-Dorcy, son plus ancien et plus fidèle ami, ainsi que d'une cousine nommée Rose, morte aussi vers cette époque, et dont il parlait souvent. Il était entré au lycée Louis-le-Grand, alors lycée impé- rial. 11 s'y trouvait très-malheureux. Il n'avait aucun goût pour les études classiques. Il savait pourtant assez bien le latin, mais il connaissait mal les auteurs français et lisait peu. Toutes ses préoccupations étaient pour le dessin ; et bien qu'alors il n'eut reçu d'autres leçons que celles

1. Leltro de M"" la comtesse Pracontaz. Ronfleur, 8 juil- let 1863.


ENFANCE DE GÉRICAULT. 17

du collège, il passait ses récréations et la meil- leure partie de ses heures d'étude à dessiner, et les personnes qui ont vu de ses premiers essais assurent qu'ils étaient d'une grande vé- rité. Déjà sa passion dominante était le cheval ; dès qu'il pouvait s'échapper, il courait s'en- fermer avec ses crayons dans quelque écurie, où il restait des journées entières, et d'où on avait grand'peine à l'arracher à l'heure des repas. C'est surtout pendant les vacances qu'il passait, soit à Rouen, soit à Mortain, chez les parents de son père, qu'il pouvait se livrer sans réserve à son goût. On raconte qu'il demeurait à Rouen vis-à-vis de la boutique d'un maréchal ferrant; il y allait le matin et n'en revenait qu'à la nuit. Un jour il lui peignit une enseigne pour sa boutique; un amateur anglais la vit, voulut l'acheter, en offrit 800 fr. L'honnête maréchal refusait; mais il raconta l'aventure au jeune peintre, qui lui dit : « Vends-là donc, je t'en ferai une autre. » A Paris, son plus grand bon- heur était d'aller voir au Cirque Olympique les exercices équestres. Ces jours-là étaient ses vrais


18 ENFANCE DE GÉRIGAULT.

jours de fête. II fréquentait aussi le Louvre. Ses deux grands hommes, à cette époque, étaient Rubens et Franconi, mais on peut croire que le célèbre écuyer l'emportait dans son esprit sur le peintre flamand. Il s'appliquait à l'imiter, et, ayant remarqué qu'il avait les jambes arquées comme la plupart des cavaliers, il s'était fabriqué des sortes de jambières en bois pour se faire rentrer les genoux. Dans Paris ou sur la route de Versailles, où il allait souvent, il suivait les attelages à la course. C'était une véritable fré- nésie. Il ne s'arrêtait que couvert de sueur et rendu. Cette idée du cheval le possédait. « Excellent écuyer, dit M. Moulin^, il n'avait pas de plus grand plaisir que de chevaucher à travers la campagne, montant de préférence des chevaux entiers, et choisissant toujours le plus fougueux. Un jour, retournant de Mortain à Paris, à la fin des vacances, il acheta un cheval, afin de se livrer en toute liberté à son amour désordonné de l'équitation, mais, inhabitué au

4 . Le M or taillais j, \ 7 mai 1 865.


ENFANCE DE GÉRICAULT. i9

métier de postillon, il se vit forcé de s'arrêter à Saint-Germain-en-Laye, rompu, brisé de fati- gue. Dans son âge mûr, il disait souvent que si ses professeurs de grec et de latin avaient su le comprendre et deviner ses instincts, ils auraient pu lui inspirer le goût des lettres anciennes en mettant sous les yeux de leur élève, comme prix de ses efforts, tant d'admirables tableaux de courses de chevaux ou tant de peintures inimi- tables de coursiers dont l'antiquité nous a laissé de si précieux modèles. »

Géricault quitta le lycée le i'^ juillet 1808 ; il n'avait pas encore dix-sept ans. Il s'agissait de prendre un état. Pour lui, son choix était fait. Son père, homme aimable mais singulier, un peu borné, me dit-on, et qui, dans tous les cas, ne comprenait rien aux goûts de son fils, ne se souciait pas de le laisser suivre la carrière des arts. Sauf la rigueur, il employait tous les moyens pour l'en détourner. Le jeune homme s'ouvrit à son oncle maternel, M. Garuel de Saint-Martin, qui entra dans son projet, prétexta auprès du père son désir de l'avoir chez lui


20 GÉRIGAULT A L'ATELIER DE CARLE VERNET.

pour l'occuper dans ses affaires. Ce petit et innocent complot réussit, et au lieu de faire des chiffres chez son oncle, Géricault allait secrète- ment dessiner chez Carie Vernet. De la part de Géricault, le choix d'un pareil m.aître a lieu de surprendre. Les chevaux que peignait Vernet ne ressemblaient guère à ceux que Géricault avait vus et dessinés dans les prairies normandes, dans les rues de Paris ou dans les écuries de Ver- sailles ; mais c'étaient des chevaux, et le fana- tique jeune homme n'en demandait alors pas davantage. Cette première période d'études fut très-courte, et elle n'a laissé que fort peu de traces. Je ne connais guère que trois dessins qu'on y puisse rapporter : l'un, qui appartient à M. His de La Salle, représente un hussard; les autres, un maréchal de France au galop, à l'aquarelle, et un cavalier, à la sépia, sont entre les mains de M. Jamar. L'influence de Carie Vernet est manifeste dans ces ouvrages, d'ail- leurs peu importants. C'est son dessin élégant, mais maigre et chétif, et on a quelque peine à y distinguer de vagues indications qui font re-


GÉRICAULT A L'ATELIER DE GUÉRIN. 21

connaître la main de Géricault. L'artiste habile et spirituel, qui disait de lui-même avec tant de finesse et une nuance de mélancolie : « Fils de roi, père de roi^ jamais roi », ne pouvait rien ap- prendre à l'auteur futur du Radeau de la 3Iéduseet de la Course de chevaux libres. Géricault s'aper- çut bientôt de sa méprise, et quitta l'atelier de Yernet pour entrer dans celui de Guérin, en 1810. Le peintre de Phèdre et Hippolyte, d'Andro- maque et Pyrrhus, de Clytemnestre, jouissait alors d'une réputation que nous comprenons peu au- jourd'hui, et son atelier était le rendez-vous de * la plupart des jeunes peintres qui allaient lever l'étendard de ia révolte et se mettre à la tête du mouvement romantique. Géricault y rencontra Léon Gogniet, Ghampmartin, Henriquel-Dupont, les deux Scheffer, Dedreux-Dorcy, Pierre Ber- ton, Jadin, Destouches, Champion, etc., etc. Ce n'est pas là, comme on le dit généralement, qu'Eu- gène Delacroix se lia avec Géricault, dont il était le cadet de huit ans. Il ne suivit les leçons de Guérin que beaucoup plus tard, à partir de 1817. Aussi les relations qu'il eut avec le peintre de la


22 GÉRIGAULT A L'ATELIER DE GUÉRIN.

Méduse ne furent-elles jamais celles d'un cama- rade, et sur ce point comme sur tant d'autres on ne doit accueillir la tradition que sous bénéfice d'inventaire. Lorsque Delacroix commença à peindre, Géricault avait déjà exposé le Chasseur et le Cuirassier. Il accueillit avec bienveillance son jeune confrère, dont il avait distingué le talent. Il l'encouragea et le conseilla, mais c'est tout.

Malgré les quelques beaux ouvrages qu'elle produisit encore, cette école de David, à laquelle Géricault venait demander des enseignements, n'avait plus qu'une ombre d'existence ; mais avant de disparaître elle donnait les armes d'une édu- cation sérieuse à tous ces jeunes gens qui devaient la combattre, la vaincre et la remplacer. Cepen- dant rien à l'extérieur n'annonçait sa fin prochaine. Comme un arbre qui n'a plus que l'écorce, elle gardait les apparences de la vie et de la santé. Elle régnait encore, et plus que jamais, sans conteste. Mais l'ordre et la règle n'étaient qu'au dehors. Une secrète inquiétude, une fermenta- tion sourde travaillait la génération nouvelle. On


GÉRICAULT A L'ATELIER DE GUÉRIN. 23

sentait les souffles avant-coureurs de cet. orage romantique qui devait aller grandissant et éclater dans toute sa force pendant les dernières années de la Restauration. Gomme il arrive d'ordinaire, un mouvement littéraire important avait précédé le développement des arts du dessin. Chateau- briand, Byron, M'^' de Staël, Walter Scott, répandaient dans l'atmosphère des éléments nouveaux qui germaient dans les esprits. Quoi- que comprimées par une main de fer, les aspi- rations vers l'affranchissement intellectuel, civil et politique soulevaient toutes les poitrines. On voulait respirer, briser des entraves qui parais- saient de jour en jour plus intolérables, et si le mot de liberté n'était pas sur toutes les lèvres, il était dans tous les cœurs. Ce sont de belles et heureuses époques celles où la société se sent possédée d'une vie nouvelle, où elle s'élance avec confiance vers l'avenir incertain, vers un horizon magique tout peuplé de ses chimères. L'ambition du mouvement romantique fut plus grande que sa puissance. Il n'a pas rempli ses espérances, il n'a pas tenu ses promesses. Mais


24 GÉRICAULT A L'ATELIER DE GUÉRIN.

tous ses rêves n'étaient pourtant pas des illu- sions.

En entrant à l'atelier, Géricauît avait sans doute la meilleure intention de se soumettre à la discipline sévère de son maître; mais à chaque instant sa nature fougueuse l'emportait. Sa manière de procéder déroutait complètement le méthodique et méticuleux Guérin. Il portait cependant un véritable intérêt à son bouillant élève, mais il ne comprenait rien à cette façon de voir la nature et de l'interpréter. On raconte qu'un jour Géricauît lui ayant demandé l'auto- risation de copier un de ses tableaux, il lui fit entendre qu'il n'était pas en état d'entreprendre un travail de cette importance, et lui expliqua même, avec tous les ménagements possibles, qu'il n'était pas né pour la peinture, et qu'il ferait mieux d'y renoncer. J'avoue que je mets peu de confiance dans cette anecdote; trop d'au- tres faits prouvent que Guérin ne méconnaissaiplus encore Géricault. Nous avons vu la plupart de ces ouvrages ; on reste confondu de la somme de travail qu'ils représentent et de l'intelligence pittoresque qu'ils dénotent.

C'est d'abord, dans les écoles italiennes : le Christ au tombeau^ le Martyre de saint Pierre j, le Sommeil des Apôtres, V Assomption^ d'après le Titien; la Transfiguration, d'après Raphaël, que les événements de iSii l'empêchèrent de termi- ner; le Christ au tombeau, d'après Michel-Ange de Cara-vage; la Bataille^ d'après le tableau de Salvator Rosa; le Concert , d'après Spada. Dans l'école flammande : la Descente de croix. Mars re- tenu par VénUj, d'après Rabens; Saint Martin ^ d'après Van Dyck; la Bénédiction de Jacob; deux Têtes, d'après Rembrandt; la Peste de Milan, d'après Jacob van Oost; une Nature morte, d'après le tableau de Weenix au Louvre. Dans l'école française : la Descente de croix d'après Jouvenet; \d^ Prédication de saint Paul à Ephèse,


34 ÉTUDES D'APRÈS LE MODÈLE.

d'après Lesueur ; le Christ descendu de la croix, d'après Sébastien Bourdon; un Portrait de femme, d'après Rigaud; la Justice poursuivant le Crime, d'après Prud'hon. Dans l'école espagnole : les Enfants de Philippe II, d'après Vélasquez; le Moine, d'après Mola. Dans l'école anglaise enfin : un Lion attaquant un cheval blanc, d'après Ward. Je pourrais prolonger cette nomenclature, mais c'en est assez pour montrer avec quelle ardeur et quelle indépendance d'esprit il demandait aux maîtres les plus divers les secrets de son art, et par quelles études obstinées et approfondies il se préparait aux vastes travaux qu'il méditait déjà.

On trouve aussi dans les collections un grand nombre de ces études, d'après le modèle, que Géricault avait faites pendant son séjour dans l'atelier de Guérin. Gomme ses copies d'après les maîtres, elles sont en général d'une grande beauté, pleines d'énergie, de franchise, d'une exécution savante, large, très-personnelle, de cette couleur riche et puissante dont il eut le se- cret dès ses débuts. Ce ne sont que des exercices


ETUDES D'APRES LE MODELE. 35

d'écolier, si l'on veut, mais qui portent sa marque irrécusable. Il serait inutile et fastidieux de les énumérer. Nous nous bornerons à citer : l'étude d'homme nu, une jambe en avant, les deux mains croisées sur la tête qu'il tourne du côté gauche, que possède M. deTriqueti; le buste de jeune homme vu de trois quarts, les cheveux ébouriffés, la moustache naissante, le col nu et entouré d'un vêtement de fourrure, à M. His de La Salle; l'académie d'homme couché, le bras étendu vers la droite, à M. Binder; trois ou quatre ouvrages du même genre chez MM. Mar- cille. Il nous tarde d'arriver aux essais plus si- gnificatifs du jeune maître, à ceux où l'imagina- tion joue un rôle plus ou moins important.

Quoiqu'il n'ait jamais particulièrement réussi dans ce genre, de très-bonne heure Géricault s'essaya au portrait. Pendant un de ses séjours à Mortain, il fit le sien en quelques heures, dans de petites dimensions et sur papier verni. Sa fa- mille possède encore cette précieuse peinture, il est représenté âgé de dix-huit ou dix-neuf ans, encore complètement imberbe. La physionomie


36 PREMIÈRES COMPOSITIONS.

est très-noble, avec toute la grâce de la pre- mière jeunesse; le regard est fier et plein de feu, une luxuriante chevelure couronne cette belle et aimable tête ; l'ensemble a le naturel et la dis- tinction qui le caractérisaient à un si haut degré. Le portrait de M. Félix Bonnesœur, qui se trouve également à Mortain, est à peu près de la même époque.

Nous ne connaissons qu'une seule compo- sition un peu importante que l'on puisse rap- porter avec certitude à cette période. Elle appartient à M. Camille Marcille, et a certaine- ment été faite dans l'atelier de Guérin, dont elle rappelle la manière. C'est une esquisse assez avancée sur panneau qui représente l'un des sujets favoris des peintres de l'empire, le Départ cT Ulysse, Le roi d'Ithaque accompagné de Pénélope et du jeune Télémaque pose le pied sur la barque qui va le transporter au vaisseau dont on aperçoit la proue au second plan. Il se retourne avec affection vers sa femme et vers son fils, mais du bras gauche il montre l'étendue et semble répondre aux supplications de Péné-


PREMIÈRES COMPOSITIONS. 37

lope que son sort est irrévocablement fixé. Les rameurs sont à leur poste. Ses compagnons, de- bout dans la barque, l'attendent avec impa- tience; l'un d'eux, penché en avant, lui tend la main pour l'aider à monter dans le bateau. A gauche, derrière Pénélope, se presse la nourrice et le cortège des femmes. Cette composition est considérable, car elle ne compte pas moins de dix-huit figures. Conçue dans les données de l'école, d'une disposition noble et bien équilibrée, elle a plus de chaleur que la plupart des ouvrages de ce genre et de ce temps. Il y a du mouve- ment, des poses et des gestes expressifs. Ce n'est qu'un premier essai, un premier pas encore bien timide, mais on sent que l'enfant est déjà ca- pable de marcher sans lisières ^

4, Dans la première publication de ce travail, j'avais cru pouvoir attribuer à Géricault, comme un ouvrage de sa jeunesse, un petit tableau : Samson et Dalila^ que possède un marchand de Paris. Je fondais mon opinion d'abord sur l'aspect de la peinture, qui, tout en rappelant l'école de David, présente quelques caractères qui font certainement pensera Géricault; puis sur deux dessins au recto et au verso d'une même feuille, à M. His de La Salle, qui se rapportent évidemment à cette composition; enfin sur la


38 PREMIÈRES COMPOSITIONS.

La conception générale dérive, je le répète, du système de David. C'est l'œu^/re d'un élève, et il faudrait s'étonner qu'il en fût autrement. Gomme les plus grands maîtres, comme Michel- dimension même de ce tab'eau qui est celle des toiles qu'emploient les élèves en loges, et l'on sait qu'en 1814 ou 1 81 2, Géricault s'est présenté au concours, et qu'admis pour la figure, il a été repoussé à l'esquisse. Le tableau dont il s'agit pouvait être cette esquisse. Cependant au moment de donner une forme plus définitive à cette étude, j'ai été pris de scru- pules. Non-seulement les amis de Géricault n'ont jamais eu connaissance de ce remarquable ouvrage, mais il résulte de recherolies faites à l'école que le sujet de Samson et Dalila a été proposé aux élèves non pas à l'époque où Géri- cault a concouru, mais en 1821 seulement. Ce concours fut même très- brillant. Court obtint le prix; Montvoisin fut envoyé avec lui à Rome pour trois ans; un autre prix fut accordé à Bourgeois, et on donna une mention hono- rable à Périn. Il se peut sans doute que, dans sa jeunesse. Géricault ait traité librement ce sujet ; mais les circonstances que je viens de rapporter ne sont pourtant pas favorables à l'opinion que j'avais adoptée, de sorte que je me borne à signaler cet intéressant tableau sans insister davantage. Quant aux dessins de M. de La Salle, dont l'attribution n'est pas contestable, ne pourrait-on pas les regarder comme un souvenir du concours de 1821 ? Géricault, frappé dans l'un des ouvrages exposés de la figure du Samson a pu le des- siner de mémoire et en faire le motif principal d'une compo- sition qui lui appartient certainement. Cette hypothèse expli- querait suffisamment les rapports qui existent entre lescrojuis de M. de La Salle et ce petit tableau.


PREMIÈRES ÉTUDES DE CHEVAUX. 39

Ange si l'on veut, Géricault a commencé par imiter; il ne s'est pas émancipé d'un coup. Ses ailes d'aigle puissant n'ont pas grandi en un jour. Il a suivi son maître en tâtonnant dans une demi- obscurité, non sans quelque révolte, il est vrai, mais au total humblement et docilement, jus- qu'au jour où ses yeux ont supporté la pleine lumière du soleil. C'est que l'originalité du talent ne vient pas avec l'adolescence comme la pu- berté. L'être intellectuel n'arrive pas à son plein développement aussitôt que le corps, mais aussi il survit à sa décadence.

Cependant c'est à son sujet favori, au cheval, que le jeune peintre revenait toujours. Il était dans d'excellentes conditions pour l'étudier à fond et il en profita. Son oncle, M. Caruel, pos- sédait, près de Versailles, une magnifique pro- priété, et Géricault faisait chez lui de nombreux et quelquefois d'assez longs séjours. Il trouvait aussi dans les écuries impériales de Versailles d'excellents modèles. C'est là et dès 1810, si l'on en croit une insciption placée sur la traverse du châssis et à laquelle le dessin et l'exécution un


40 PREMIÈRES ÉTUDES DE CHEVAUX.

peu sèche et maigre de l'ouvrage donnent beau- coup d'authenticité, qu'il peignit trois étalons célèbres que l'empereur venait de recevoir. Ce sont des portraits : le magnifique animal à robe blanche, placé de profil et tourné à gauche au premier plan, se nommait Tamerlan ; le second, un peu plus loin, avec une couverture, et que l'on voit en trois quarts par la croupe, c'est Né- ron. On aperçoit la tête du troisième au-dessus de l'étalon blanc ^ C'est une étude d'après na- ture, précise, serrée, pleine de vigueur et de sin- cérité. Le Trompette de lanciers polonais j, sur un cheval blanc qui se cabre % le Turc^ monté sur un cheval alezan brûlé qui galope h droite, d'après une composition de Carie Yernet qui a été litho- graphiée ^ ; le cheval espagnol dans une écurie, le cheval turc du musée du Louvre, ainsi qu'une foule d'ouvrages du même genre, épars dans les collections, sont probablement aussi de cette époque. 11 ne servirait à rien de s'y trop arrêter.

\ . Ce tableau appartient à M. Berville.

2, A M. James Nathaniel de Rotlischild.

3. A M. de Triqueti.


CARACTERE DE GERICAULT. 41

Ils ont tous le même caractère. Ce ne sont pas des tableaux. Ce sont des exercices, des études. Géricault veut posséder son cheval. Il le tourae et retourne dans tous les sens. C'est une sorte de gymnastique qu'il s'impose. Il l'apprend dans ses moindres détails. Il ne néglige rien, ni son anatomie, et sa forme intérieure, ni les jeux de la lumière sur sa robe, ni ses mouvements si dif- ficiles à saisir et à exprimer. Il n'a de préférence pour aucune race et pour aucune couleur. Il co- pie tout, depuis le noble étalon de Perse ou de Syrie, jusqu'à la rosse qui traîne en boitant un tombereau d'immondices, jusqu'à la bête exté- nuée, décharnée, affreuse, qu'on abat à Mont- faucon. Il cherche le vrai; ce qui n'empêche pas que dans ces premières études du jeune peintre naturaliste, il y ait très-souvent déjà une inter- prétation inconsciente peut-être, mais très-inté- ressante et très-élevée de la forme.

On s'arrête avec plaisir à ce premier moment. A la fleur de l'âge Géricault était heureux. Une vie pleine de promesses s'ouvrait devant lui. Il aimait la gloire et il s'était préparé à la conque-


42 CARACTÈRE DE GÉRICAULT.

rir par les plus sérieux efforts. Il n'était entravé par aucune de ces difficultés matérielles qui gê- nent l'essor du talent, qui inquiètent, qui dé- tournent du but les plus fermes esprits. Il demeu- rait alors avec son père, rue de la Michodière, n. 8. Mais cette vie commune ne gênait pas gra- vement sa liberté de jeune homme. Sa mère en mourant lui avait laissé une dizaine de mille livres de rente. C'était assez pour lui permettre de satisfaire ses goûts, pour lui assurer l'indé- pendance ; c'était trop peu pour lui imposer les ennuis, et pour l'exposer aux dangers de la for- tune. Tout jeune il était exalté, ingénu et très- timide. Il aimait le monde quoiqu'il y ait toujours été un peu embarrassé. 11 ne se décourageait pas, prenait ses mésaventures du bon côté et les racontait en riant et en se raillant lui-même à ses amis. Malgré cela il plaisait. Souple, élé- gant, rompu à tous les exercices du corps, il était d'un extérieur accompli. Son visage, sans être d'une régularité remarquable, était sympathique au plus haut degré. Il était bon musicien et chantait d'une manière agréable. D'une force


CARACTÈRE DE GÉRICAULT. 43

peu commune, il se livrait au plaisir avec l'ar- deur de sa nature et de son âge. Maïs il avait si bien réglé sa vie que les distractions n'empié- taient ni sur son travail ni surtout sur ses de- voirs. On en donne un exemple frappant. Quoique son père eût toujours contrarié ses projets et qu'il n'y eût entre eux que bien peu de rapports et de sympathie naturelle, il l'entourait de respects et de soins. Lorsqu'il devait sortir le soir, ce qui lui arrivait souvent, plutôt que de le laisser seul, il s'arrangeait pour que l'un de ses amis restât à dîner avec lui. C'était en général M. Dedreux- Dorcy qui se dévouait. Il faut qu'il ait eu une force de séduction vraiment extraordinaire, car encore aujourd'hui ceux qui l'ont connu n'en parlent que les larmes aux yeux. On l'a dit : c'était un charmeur. Lorsqu'il vous rencontrait dans la rue, il sortait de son habituelle rêverie en disant : « Ah ! bonjour )> avec un accent si tendre et si pénétrant, que ce simple mot ré- sonnait comme un doux écho dans le cœur. On se demande d'où lui venait ce pouvoir d'at- tirer, de séduire. C'est bien simple : il savait


44 CARACTÈRE DE GÉRIGAULT.

aimer. J'ai eu beau fouiller sa vie, je n'y ai pas trouvé la moindre trace d'égoïsme ou de jalousie ^ Ce n'était pas, je l'ai dit, un esprit extraordinaire. C'était un grand talent avec un grand cœur; une nature foncièrement noble et bonne, et qui estimerait autant les regrets de ses amis, le culte qu'ils lui ont voué, que la gloire qu'il avait rêvée et que de plus en plus il ob- tiendra. Je n'oserais dire cependant que, même à cette première heure de jeunesse, de plénitude,

1. Je ne connais pas l'anecdote qui a motivé la lettre sui- vante; elle me paraît cependant digne d'être conservée. Il s'agit certainement d'une assez grave discussion, et la ma- nière si noble et si simple dont Géricault offre des explica- tions à son adversaire est un de ces traits de caractère qui méritent d'être notés.

« Quoi qu'on en dise, mon cher Dorcy, la haine des autres est un fardeau pour celui qui en est l'objet; on ne craint pas les ressentiments d'un homme, mais on doit rechercher son amitié ; rien n'est si doux que de se savoir aimé. La nuit souvent voit naître après un rêve déraisonnable les réflexions les plus sérieuses et les plus sages. Pendant celle qui vient de s'écouler j'ai repassé tout ce que vous m'avez dit hier sur mon caractère, sur les airs que j'ai quelquefois, sur mon im- pudence enfin : je me suis rappelé aussi l'inimitié de M. La- fond;, c'est ce qui me fait le plus de peine, c'est aussi ce qui m'a le plus occupé. Je vous disais hier : que ne me deman- dait-il satisfaction, il m'eût été facile de iui paraître très-


CARACTÈRE DE GÉRICAULT. 45

d'épanouissement, où il nourrissait les plus vastes espérances, où il visait un but élevé qu'il se sen- tait capable d'atteindre, son bonheur fut complet et que ses souhaits fussent remplis. Il était sou- vent triste, sombre, absorbé. C'est que nos plus nobles désirs dépassent nos forces et restent tou- jours inassouvis ; mais il y a aussi dans cette lutte avec l'impossible une jouissance profonde, une âpre volupté, qui valent bien les faciles satis- factions de l'ambition commune et que ne con- naissent pas les natures ordinaires.

innocent d'une grossièreté que je n'aurais jamais commise. J'ai jugé à propos, dans ma sagesse, de lui offrir moi-même cette réparation; ce n'est point à coups de sabre ni d'épée; je lui déclare dans un mot de lettre quelles ont été mes in- tentions — je lui déclare formellement que jamais il n'est entré dans ma tête de lui faire la moindre injure, que dans le cas contraire je ne la nierais pas. Je n'ai pas besoin de l'assurer que je ne jure pas faussement; il fera de ma lettre '\e cas qu'il voudra, j'aurais satisfait au mouvement de mon cœur. Aidez-moi mon cher ami, de vos conseils. Je vous prie de vouloir bien être mon messager; vous serez la co- lombe apportant le rameau d'olivier après le déluge, en signe de paix. « Lisez la lettre et voyez s'il n'y a rien à redire.

« Théodore Géricault. »

{Monsieur^ monsieur Dorcy, rue Tailbout.)


III


LE CHASSEUR A CHEVAL. — OPINIONS DE LA CRITIQUE SUR LE CHASSEUR. — POITRAILS ET CROUPES.


On était en 1812. Le salon allait s'ouvrir; Géricault, qui se sentait de force, voulait expo- ser. Mais il lui fallait un sujet. Il n'y en avait que deux sortes possibles en ce moment : les sujets mythologiques ou héroïques — il n'y songea même pas — et des sujets empruntés à la vie réelle. Il fit comme Gros, comme son maître Carie et comme son camarade Horace Vernet. Il se lança dans le courant. On était bien las de la guerre en 1812; mais elle était


48 LE CHASSEUR A CHEVAL.

pourtant la principale, et on peut dire l'unique préoccupation d'un peuple qui jouait de gré ou de force, et chaque jour, son sort dans les batailles. Avec son instinct de la réalité, de la vérité actuelle et palpable, Géricault se tourna tout naturellement de ce côté. C'était d'ailleurs pour lui un prétexte pour peindre des chevaux. Il ne cherchait qu'une occasion^ et elle ne se fit pas attendre.

La première idée de son Chasseur lui vint un jour qu'il allait à la fête de Saint-CIoud. 11 vit sur la route une de ces grandes tapissières^, que les artisans de Paris louent à frais communs et transforment en omnibus dans ces occurrences, attelée d'un cheval gris, non point beau, mais plein de feu et d'une magnifique couleur. L'ar- dent animal, peu habitué à cet attelage, l'œil sanglant, la bouche écumante, la crinière au vent, se cabrait au milieu de la poussière et sous un soleil éclatant. L'artiste avait trouvé son tableau. Ce soleil, c'est celui d'Austerhtz. Cette poussière, c'est la fumée du combat. Ce cheval, c'est le coursier de guerre enivré, affolé


LE CHASSEUR A CHEVAL. 49

par l'odeur de la poudre, par l'éclat des armes, par le tonnerre du canon. Il le voit monté par un de ces jeunes officiers hardis, brillants, par un de ces fils de Mars, les héros, les demi- dieux du temps. Ce fut comme une vision. Il rentre chez lui, se met aussitôt à l'œuvre; il fait coup sur coup une vingtaine^ d'esquisses, assure- t-on, qui presque toutes ont disparu. Plusieurs d'entre elles différaient notablement du tableau, et, de l'avis unanime des contemporains, sans manquer de couleur et d'énergie, elles étaient d'une extrême faiblesse et ne faisaient point pressentir l'ouvrage définitif. Aussi, lorsque le Chasseur fut exposé, les camarades d'étude de Géricault ne voulaient-ils pas croire qu'il fut de lui et attribuaient-ils méchamment les meilleures parties du tableau à son premier maître, Carie Vernet. L'une de ces esquisses* cependant, qui s'est conservée, ne confirme pas le renseignement


4. A M. His de La Salle, lithographiée par Eug. Le Roux.

On connaît cinq ou six des esquisses faites pour ce ta- bleau que l'on trouvera décrites dans le catalogue des pein- tures. Elles sont toutes inférieures à celle de M. de La Salle.


50 LE CHASSEUR A CHEVAL.

que nous avons dû rapporter. Elle est d'une grande beauté, d'une exécution très-vive, très- brillante, et, à ce point de vue, Géricault n'a peut-être jamais mieux fait. Il est probable que c'est la dernière, celle qui se rapprochait le plus de ce qu'il cherchait et à laquelle il s'arrêta : son projet définitif, en un mot. Aussi s'en est-il peu écarté dans l'exécution en grand. Elle pré- sente pourtant quelques variantes qui méritent d'être notées : au lieu de marcher à droite, le cheval marche à gauche, et le cavalier se retourne moins complètement que dans le tableau du Louvre. L'un des amis du peintre, M. Dieu- donné, lieutenant des guides de l'empereur, posa pour la tête. Géricault fit, d'après lui, une belle étude qui appartient à M. Tripier.

Une fois son projet à peu près arrêté, au moins pour ce qu'il cherchait dans de pareilles esquisses, véritables improvisations, où il ne se préoccupait que d'indiquer l'allure générale et l'effet, Géricault se mit à la grande toile avec une ardeur extrême. Gomme il n'avait pas alors- d'atelier, il avait loué une arrière -boutique


LE CHASSFUU A CHEVAL. 51

sur le boulevard Montmartre, à l'endroit préci- sément où se trouve aujourd'hui le passage Jouffroy. C'est là qu'il acheva en très- peu de temps, un mois ou deux tout au plus * , ce grand ouvrage, et dans des circonstances qui rendent le résultat encore plus surprenante Quelques années plus tard, M. Montfort lui ayant demandé s'il s'était servi de la nature pour son cheval, il lui raconta qu'il se faisait amener chaque matin un cheval de fiacre par- fois tout ruisselant d'eau ou couvert de boue; « il n'avait, ajoutait-il, rien de l'action qu'il me fallait : mais je le regardais, et cela me remettait du cheval dans la tête ^ »

1 . J'avoue que sur ce point je ne puis accepter la légende qui rapporte que Géricault exécuta ce tableau en douz& jours. Ce laps de temps me paraît matériellement insufiQsant. ' Ce qui est certain, c'est qu'il le peignit très-vite, puisque

la fête de Saint-Gloud commençait alors, comme nous nous en sommes assuré, le 7 septembre ou le dimanche suivant quand le 7 n'était pas un dimanche, et qu'il avait fait entre ce moment et le mois de décembre les esquisses et le tableau. ^

2. Le baron d'Aubigny, ami de Géricault et qui fut son ^» camarade aux Guides, posa quelquefois pour ce tableau et donna au peintre au moins le mouvement.




§2 LE CHASSEUR A CHEVAL,

Il est à peine nécessaire de décrire ce bel ouvrage, l'un des plus connus et des plus popu- laires de Géricault. Le cheval gris pommelé, vu de trois quarts, par la croupe, et marchant à droite, gravit au galop les escarpements d'un terrain rocheux. Le jeune officier qui le monte, le sabre au poing, la pelisse flottante, se retourne sur la selle, commande du geste et de la voix et enlève l'escadron de chasseurs que l'on voit au second plan, tout à la gauche du tableau. Dans son effort, le cheval se cabre, et, effrayé par l'éclat d'un obus, rejette la tête du côté du spectateur, en faisant un mouvement contrarié de la plus grande énergie ; l'une de ses jambes de derrière est repliée presque jus- qu'à terre; il tend l'autre dans un écart déme- suré, au point de ne plus toucher le roc que du tranchant du sabot. Les deux figures se déta- chent en force sur le fond éclairé des lueurs fauves du combat, et la lumière, pittoresquement distribuée, ne tombe en plein que sur la croupe et sur la tête du cheval, sur la cuisse et sur le visage du cavalier. On peut voir déjà dans cet


LE CHASSEUR A CHEVAL. 53

ouvrage avec quel talent Géricault fait jouer la perspective et le clair-obscur, l'importance qu'il donne au ciel et à l'atmosphère ; toutes ces grandes qualités de coloriste et d' harmoniste j, si nouvelles alors dans notre école, se trouvent en germe, tout au moins, dans ce premier tableau. C'est une peinture d'une exécution superbe, large, pleine, savante, et qui garde toute la chaleur, la vivacité, l'entrain d'une étude faite sur nature. Le mouvement est d'une effrayante vérité et tout concourt à l'action. Une impres- sion simple, forte, d'une clarté parfaite, saisit le spectateur; on entend la voix de l'intrépide officier, le bruit des sabots sur la pierre; cheval et cavalier sont également frémissants, égale- ment enivrés de l'odeur du combat. Ce n'est pas là une simple imitation de la nature, une image brutale, et l'exécution n'en fait pas le seul mérite. Le Chasseur est une œuvre d'art dans toute l'acception du mot. Géricault a su donner à un fait particulier, qui, sous une autre main, n'aurait été que la reproduction vulgaire d'une action ordinaire, un sens général, poétique. 11 ne



54 LE CHASSEUR A CHEVAL.

s'agit plus seulement de M. Dieudonné, d'un officier de chasseurs de la garde chargeant à la tête de son escadron; dans ce soldat, l'artiste nous fait voir le héros. Cette forme exprime une idée. Tout n'est pourtant pas parfait dans ce bel ouvrage. Le fond roux n'est pas d'un effet agréable; il enlève quelque chose de sa solidité au cheval; la physionomie du cavalier a peu d'intérêt. Le costume, d'une fidélité parfaite, ne me paraît pas des plus heureux au point de vue purement pittoresque. Et d'une manière générale il semble que le vêtement embarrassait Géri- cault; il était bien plus à l'aise avec le nu. C'est l'être en lui-même, homme ou animal, qui l'intéressait; sa forme, sa couleur, son mouve- ment surtout. Il avait plus de savoir, de senti- ment pittoresque, d'imagination grandiose et poé- tique, que de goût. Ici le cheval est supérieur au cavalier : c'est lui qui est le personnage important, significatif, et sa tête en particulier est admirable de type, de sentiment, de fac- ture. C'est un des plus excellents morceaux qu'ait peints Géricault. Cependant il faut re-


LE CHASSEUR A CHEVAL. 55

marquer que l'exécution de l'ensemble si pleine, sans la moindre nuance d'académisme, n'a pas la souplesse et la liberté que l'on admire dans la Méduse.

La foule, le grand public fut très-frappé de cette œuvre saisissante, exprimée avec tant de nou- veauté et d'une main si magistrale. L'étonnement redoubla lorsqu'on sut que l'auteur de ce tableau était un jeune homme de vingt et un ans. Géri- cault eut un moment de popularité et une sorte de succès à ce Salon de 1812, où les chefs de l'école impériale étaient largement représentés : Gros, par V Entrevue des Empereurs de France et d'Autriche^, Paulin Guérin. par la Fuite de CcCin^ Heim, par Jacoh et Rachel, Chez les fana- tiques eux-mêmes c'est la surprise qui domine, la colère ne s'en mêle pas encore; elle ne devait éclater qu'à propos de la Méduse. On ne mesu- rait pas la portée de ce premier coup. David lui-même remarqua le Chasseur, « D'où cela sort-il? dit-il, je ne reconnais pas cette touche. » Et M. Boutard, le critique du Journal des Débats, écrit dans son compte rendu du Salon :


56 OPINIONS DE LA CRITIQUE

(( Il y aurait un mérite à avoir inventé la figure d'un officier de housard (sic) annoncé sous le n° 415. Cette figure est parfaitement en rapport avec l'ajustement et les habitudes du cavalier militaire. Le mouvement de l'homme et surtout le mouvement da cheval, fort exa- gérés ce me semble, ont cependant de l'effet; la couleur à laquelle on pourrait désirer un peu plus de chaleur, ne manque pas d'harmo- nie; la touche est facile et spirituelle. Je pense que l'auteur traiterait avec succès le tableau de batailles de moyenne dimension. M. Géricault se montre au Salon pour la première fois ^ » De son côté, l'auteur de l'article des Annales du Musée Landon (M. Delécluse, je crois) en parlait ainsi : « Ce portrait a été vu avec d'autant plus d'intérêt à l'exposition publique, que c'est le premier ouvrage d'un jeune peintre qui, dit-on, manie le pinceau depuis deux ans tout au plus. Il est élève de M. Guérin. Ce tableau, placé au Salon en regard du portrait équestre de S. M. le

\. Journal de V Empire, 16 novembre 4812.


SUR LE CHASSEUR A CHEVAL. 57

roi de Naples, par M. Gros, s'y soutenait sans désavantage. Le mouvement du cheval et celui du cavalier, un peu forcés peut-être, annoncent du moins une grande vivacité d'exécution. L'ou- vrage est rendu avec chaleur et avec une facilité rare, et le pinceau ne laisse à désirer qu'un peu plus de fermeté dans quelques parties \ » Le début de Géricault fut donc, en somme, apprécié et encouragé. Il obtint même une médaille d'or, et M. Denon, directeur du Musée, lui fit des compliments, mais on ne lui acheta pas son tableau. Il en fut peiné et assez découragé ; il s'expliquait cet échec par la mention du livret qui indiquait cet ouvrage comme un portrait. On assure qu'il avait résolu de ne pas exposer au Salon suivant. Il se remit pourtant à travailler avec acharnement, et quelques-unes de ses plus belles études de chevaux sont de cette époque. C'est en particulier dans le courant de l'année 1813 qu'il fit à Versailles les deux magnifiques suites de poitrails et de croupes, qui apparte-

1. Annales du Musée Landon, 1812, planche 13. Portrait équestre de M. D..., par M. Géricault.


58 LES POITRAILS ET LES CROUPES.

naient à lord Seymour, qui ont été vendues il y a quelques années, et que le Louvre a eu la mala- dresse de laisser échapper. Ces chevaux sont des portraits. Ils sont étudiés avec un soin minu- tieux et en même temps avec une largeur extraor- dinaire. Chacun d'eux a sa physionomie particu- lière, les traits de sa race, son âge, sa couleur, avec toutes ces nuances si rares et si char- mantes, modifiées de mille manières par les jeux de la lumière sur la robe, et que Géricault a si admirablement rendues sans compromettre la vérité de la forme. Comme morceau de pein- ture, je ne crois pas que Géricault ait jamais rien fait de supérieur à ces deux tableaux. La couleur en est splendide, chaude, riche et variée, et cet effet, pour ainsi dire extérieur, est obtenu sans aucun sacrifice. La structure de tous ces nobles animaux est irréprochable, et il faut remarquer combien Géricault est supérieur sur ce point à nos coloristes modernes, pour lesquels la forme n'est qu'un simple prétexte à tons et à valeurs. C'est dans ces travaux de moyenne importance qu'il passa cette année


LES POITRAILS ET LES CROUPES. 59

1813 et une grande partie de la suivante K II ne paraît pas que Géricault ait essayé aucune composition importante pendant cette période. Il se complaisait dans ses études d'après nature. Il y revenait sans cesse. Il ne croyait jamais en savoir assez, et il se préparait de jour en jour davantage à réagir contre ces peintres aca- démiques, dont Constable disait si bien : « Ils font leurs ouvrages avec des tableaux et des plâ- tres et ne connaissent pas plus la nature que les chevaux de fiacre ne connaissent les pâturages. »

1 . Le Trompette de chasseurs jhM. Binant; ]e Cuirassier, vu de dos et élevant le bras droit, à M. Haro; l'admirable Train d'artillerie^, à M. Lacesne, doivent être de celle époque.


IV


l'atelier d'HORACE VERNET. — LE CUIRASSIER BLESSÉ.

PAYSAGES ET MARINES.

GÉRICAULT s'engage DANS LES MOUSQUETAIRES.


Un changement assez notable s'était fait dans la vie de Géricault pendant le courant de l'année 1813, semble-t-il. Il avait quitté la rue de la Mi- chodière, et était venu s'installer dans la rue des Martyrs, n 23, dans une maison qu'habitèrent plus tard Béranger et Manuel. Il était tout à fait émancipé. Il avait un atelier à lui pour la première fois. Cet atelier donnait sur des jardins par lesquels on pouvait gagner celui d'Horace Vernet situé dans une maison voisine, un peu


62 L'ATELIER D'HORACE VERNET.

plus bas dans la rue. Les deux jeunes gens se con- naissaient. Ils se voyaient beaucoup, quoique la légèreté et la vivacité bruyante et un peu commune de Vernet ne convinssent guère à Géricault. Mais ils étaient tous les deux du même âge, du même bord; ils appartenaient à îa même école, et ils aimaient tous les deux les chevaux. Ce n'est peut- être cependant qu'un peu plus tard qu'Horace Vernet s'installa rue des Martyrs, où son atelier devint le rendez-vous d'artistes, d'hommes de lettres, de militaires mécontents, de libéraux de tout genre. Il en a laissé le portrait dans un de ses plus jolis tableaux, et M. Montfort a donné une sorte de clef de la peinture de son maître qui nous fait assez bien connaître la société que Géricault vit habituellement pendant la période la plus active de sa vie, c'est-à-dire un peu avant et un peu après son voyage d'Italie. « Horace Vernet, dit M. Montfort, la cigarette aux dents et la palette à la main, faisait des armes avec un ancien officier de l'empire, M. Ledieu, aujourd'hui directeur du Mont - de - Piété i M. Amédée de Beauplan jouait du piano ^


L'ATELIER D'HORACE VERNET. 63

M. Eugène Lami soufflait dans une trompette et à côté de lui M. Montcarville jouait de la caisse.

« Il y avait ensuite le groupe des causeurs; le général Boyer, M« de Lionne, le général Athalin, M. de Lariboisière, le graveur Jazet, M. Couturier de Saint-Clair, le colonel Bro et les deux frères de M-"' Yernet, MM. Pujol.

« Ladurner se promenait avec un singe sur l'épaule, et M. Guyot, tout en feuilletant un album, agaçait un bouledogue en arrêt devant lui. Un cheval que l'on appelait le ^ë^en^^ et qui avait été donné à Horace Vernet par le duc d'Orléans, servait de modèle.

« Le colonel Langlois, en bonnet de police, lisait un journal et rêvait déjà sans doute aux magnifiques panoramas qu'il nous a donnés depuis. Le docteur Hérault tenait à la main une tête de mort et l'examinait. M. Duchesne faisait l'exercice. Deux peintres, MM. Montfort et Lehoux, nus jusqu'à la ceinture, se chauffaient près du poêle et attendaient pour boxer que l'assaut de leur maître fût terminé.


64 LE CUIRASSIER BLESSE.

« Seul un jeune homme travaillait obstinément au milieu de ce tohu-bohu. C'était M. Robert Fleury qui depuis, dans sa brillante carrière, a recueilli le fruit de son application. »

C'est au milieu de ce monde passablement hétéroclite que vivait Géricault. Il n'en était pourtant qu'à moitié. Ce tapage ne convenait guère à son humeur rêveuse, tendre et un peu mélancolique, mais il a plus ou moins connu les hôtes d'Horace Vernet, il était particulièrement lié avec plusieurs d'entre eux. C'était assez pour nous engager à jeter un coup d'œil dans cet étrange et célèbre atelier.

Cependant l'exposition de 18i/|. approchait, et Géricault n'avait rien préparé. Il était même décidé à s'abstenir pour cette fois, mais il finit par céder aux instances de son père et de ses amis, et tout au dernier moment il entreprit son Cuirassier comme une sorte de pendant au chasseur. Ce furent encore les événements qui lui fournirent son sujet. En j.814 il ne s'agissait plus de victoire; l'ivresse des combats était passée, les esprits étaient sous l'impression de


LE CUIRASSIER RLESSÉ. 65

nos désastres récents. L^écho du formidable cri de détresse que poussèrent nos armées en suc- combant dans les déserts de la Russie résonnait encore. Les âmes étaient pleines de terreur et de pitié. C'est ce sentiment universel que Géricault exprima dans son tableau, qu'il résuma dans la figure pathétique du Cuirassier blessé; mais on aurait tort de voir là une antithèse, comme un historien célèbre Ta fait. Géricault était sous Tim- pressiondes événements de son temps. En 1812 on croyait encore au succès, en 18H on croyait et on était payé pour croire à la défaite. Il n'y a pas eu de parti pris, d'intention à priori. Chez Géricault, le peintre dominait le penseur ; c'est l'histoire qui, en se déroulant, lui a fourni ses sujets. Il a peint ces deux représentations de la gloire heureuse et de la gloire malheureuse, comme il a peint à Rome la Course de chevaux libres^ et plus tard, de retour à Paris, et sous le coup de l'émotion pubhque, le Radeau de la Méduse.

Abattu, harassé, le soldat vaincu descend avec peine une pente glissante en tenant par la


66 LE CUIRASSIER BLESSÉ.

bride son cheval, compagnon fidèle de ses infortunes, en s'appuyant de l'autre sur son sabre désormais inutile. Il retourne la tête et regarde une dernière fois la colline où s'est consommée la défaite. La souffrance est em- preinte dans ses traits, dans toute son attitude. Tout est bien perdu; le ciel lui-même, d'un aspect funèbre, n'est éclairé que par une lueur à l'horizon. Les jours mauvais sont venus. Le souffle le plus puissant inspire cette composition sublime, et à l'égard du sentiment pathétique Géricault ne s'est jamais élevé plus haut. C'est une conception gigantesque, homérique, du plus admirable caractère. Mais là doit s'arrêter la louange. L'exécution de cet ouvrage est incom- plète et imparfaite ; elle ne résiste pas à l'ana- lyse. L'ensemble est peu achevé ; ce n'est guère qu'une ébauche. Le dessin de la figure est vague : elle paraît un peu vide, et le cheval replié sur lui-même n'est pas possible. On dirait que le peintre, ayant mal pris ses mesures , l'a fait entrer de force dans sa toile. Lorsque Géri- cault exécuta ce tableau^ il était dans de très-


LE CUIRASSIER BLESSÉ. 67

mauvaises dispositions. Il le fit très-vite % en quinze jours ou trois semaines et sans entrain. Il en était très-mécontent et disait de la tête du cuirassier : « C'est une tête de veau avec un grand œil bête !» Il y a du vrai dans cette appréciation, et l'artiste savant avait le droit d'être sévère pour lui-même. A l'exposition où cet ouvrage parut en compagnie du Chasseur^ qu'on y mit pour la seconde fois, il produisit un mauvais effets

Les journaux en parlèrent peu. Je ne trouve que cette sèche et brève mention dans les An- nales du Musée Landon : « M. Géricault exposa au dernier Salon un hussard chargeant, figure de grandeur naturelle. Ce premier ouvrage d'un jeune artiste donnait des espérances qu'il n'a

\. M. Lehoux m'écrit : « Le temps que M. Géricault m'a dit avoir employé à ce travail est vraiment tel, que je n'ose presque pas le dire, craignant que ma mémoire ne me trompe. Il me semble que c'était au plus une quinzaine de jours. »

%. Il y avait quelques tableaux importants à cette exposi- tion : la Chapelle Sixline, don Pedro de Tolède ^ Raphaël et la Fornarina, d'Ingres; le Portrait de Louis XVIII, de Gérard. Le Léonidas, que tout Paris allait voir, était exposé au même moment dans l'atelier de David.


68 LE CUIRASSIER BLESSÉ.

pas encore réalisées. Son Cuirassier blessé^ qu'il vient d'offrir comme pendant du premier tableau, est d'un dessin colossal et d'une touche lourde et heurtée. »

Malgré la faiblesse relative de son exécution , ce tableau n'est pourtant pas tout à fait une improvisation. On a cru longtemps que Géricault l'avait peint d'emblée sur la grande toile, sans aucune étude préliminaire. C'est une erreur. Il en existe une très-belle esquisse * où, par le fait d'une dimension plus restreinte, les erreurs du dessin, la faiblesse du modelé, frappent moins que dans le tableau auquel elle est, du reste, presque identique. Peinte avec beaucoup de verve et de largeur, cette excellente petite toile est d'une conservation parfaite et d'une fraîcheur que les ouvrages de Géricault ont rarement conservée. C'est peut-être aussi en vue de ce tableau que Géricault peignit le Carabinier à mi-corps conservé au Musée du Louvre. Un fait digne de remarque, c'est qu'il n'existe que

4. A M. James Nathaniel de Rothschild.


LE CUIRASSIER BLESSE. 69

peu OU point de dessins relatifs à ces premiers tableaux. Suivant en cela une méthode univer- sellement répandue dans l'école impériale, Géri- cault cherchait alors ses compositions au bout du pinceau. Son projet une fois arrêté dans une esquisse plus ou moins avancée, il exécutait les morceaux d'après nature. Plus tard, il se servit beaucoup du crayon ; il cherchait très- longuement et laborieusement son trait, mais il n'a pour ainsi dire jamais fait de dessins ombrés. Géricault fut très-abattu par son insuccès. Il n'avait eu cette fois ni médaille, ni paroles flatteuses ; de commandes il n'en était pas ques- tion. Ses deux tableaux lui restèrent. Ils lui pesèrent toujours, et il ne les revoyait qu'avec répugnance. Quelques années plus tard, M. Mont- fort les vit et lui témoigna son admiration. Géricault commença par en faire une verte critique, et comme son interlocuteur reprenait qu'il n'était pas seul de son avis, qu'il avait entendu M. Horace Vernet en faire de grands éloges, il repartit tristement : « C'est égal, vos amis ont beau vous assurer que vous avez du


70 LE CUIRASSIER BLESSÉ.

talent, lorsqu'on voit que personne au monde ne consentirait à débourser un liard pour vos ouvra- ges, il est impossible de ne pas douter de soi et de ne pas se sentir découragé! » Puis s' animant et exagérant sa pensée il ajouta : « Et en effet c'est là la véritable pierre de touche. » Lorsque l'on démolit son atelier de la rue des Martyrs, et que les deux tableaux, détachés du châssis et prêts à être roulés, étaient étendus à terre, il disait à M. Lehoux : « Voyons, voulez-vous m'en débarrasser? Oh! emportez-les, que je ne les revoie plus ! »

C'était chez lui une idée fixe. Gomme M. Lehoux avait fait une réduction du Chasseur, M. Jamar voulut en faire une du Cuirassier, 11 l'avait déjà commencée, mais Géricault l'obli- gea à laisser ce travail, en lui disant que ce tableau n'avait aucune espèce de valeur, « que la tête du cuirassier ne valait rien, que l'œil ne tenait pas dans l'orbite. » Il le chargea de couvrir la toile de blanc. M. Jamar se garda de s'acquitter de cette commission. Mais Géricault y revenait toujours, et il finit par lui. dire :


PAYSAGES ET MARINES. "A

« Puisque votre père fait le commerce de tableaux, dites-lui donc de m'acheter le Chas- seur^ je le lui laisserai pour 1,500 fr., et à vous, je vous donnerai le Cuirassier ^ puisque vous ne voulez pas l'effacer. »

C'est par miracle que ces deux beaux ouvrages se sont conservés. Ils furent achetés à la vente du peintre par le duc d'Orléans. En 1818, le roi les avait prêtés à la Société des Artistes, pour son exposition du bazar Bonne-Nouvelle. Ils échappèrent ainsi à la destruction qui n'épargna guère aucun des tableaux de la galerie du Palais-Royal. A la vente de Louis-Philippe (avril 1861), ils furent achetés l'un et l'autre par l'administration des Beaux-Arts pour la somme de 23,400 fr.

Géricault a fait vers ce temps quelques paysages assez considérables que nous devons au moins mentionner. Bien des indications nous portent à croire qu'il les peignit pendant les dix-huit ou vingt mois qui s'écoulèrent entre l'exécution du Chasseur et celle du Cuirassier^ ou au moins avant son départ pour l'Italie. Ces


^^w


72 PAYSAGES ET MARINES.

ouvrages, d'une admirable facture, représentent pour la plupart les bords de la mer. Il avait fait, antérieurement peut-être à cette époque, deux paysages en hauteur, où il semble avoir cherché à imiter le genre de Guaspre. Dans l'un, que l'on possède encore ^ on voit au second plan quelques pêcheurs qui mettent' à l'eau une barque; quanta l'autre, que les amis de Géricault ont vu longtemps dans son atelier, je n'ai pu en retrouver la trace. La Scène de Naufrage^ représente une femme étendue au premier plan sur une grève où déferle une vague énorme. C'est une peinture d'un aspect superbe, faite, dit-on, en imitation d'un tableau qu'Horace Vernet exécutait alors dans l'atelier de Géricault pour un amateur russe. Il faut aussi ajouter l'énergique Marine^ malheureuse- ment endommagée, que possède M. Stevens. Enfin le plus remarquable de ces ouvrages à notre sens est la Scène du Déluge^ qui appar- tient à M""® la vicomtesse de Girardin. D'après

4. A M. Dornan.

2. Lithographiée par Ch. Bouquet.


GÉRICAULT DANS LES MOUSQUETAIRES 73

l'aspect de la peinture, elle ne fut exécutée que beaucoup plus tard, et si j'en parle main- tenant, c'est pour n'avoir pas à revenir à ce genre de sujet. La composition n'est pas abso- lument originale. C'est à peu de chose près le Déluge de Poussin. Au premier plan, quatre personnages viennent d'arriver près d'une roche presque submergée. L'un d'eux y est déjà monté et reçoit des mains d'une jeune femme qui se trouve encore sur le radeau un très-jeune enfant. A droite, un cheval porte une femme, morte ou évanouie, qu'un homme à la nage sou- tient d'une main en se tenant cramponné de l'autre au cou de l'animal. Le ciel, très-sombre dans le haut du tableau, plus clair vers l'horizon, projette sur les eaux lourdes et troublées des lueurs blafardes. C'est une peinture achevée d'un aspect très-saisissant et d'une admirable exécution. Ce sont ces grandes scènes dramati- ques de la nature que Géricault comprenait et exprimait avec une vraie puissance. La grâce, la fraîcheur, l'agrément, le touchaient peu. C'est partout le pathétique qu'il voyait.


74 GÉRICAULT DANS LES MOUSQUETAIRES.

Les événements politiques troublèrent un moment la vie de Géricault et faillirent la modifier profondément. Les Bourbons venaient de rentrer en France; il prit subitement la détermination de s'engager dans les mousquetaires, et il tint pen- dant deux ou trois mois garnison à Versailles. On se demande ce qui put engager le jeune artiste à entrer dans cette carrière. Plus d'une raison, je crois : d'abord le désœuvrement qu'entraînent les commotions politiques; puis le goût qu'il eut toujours pour les spectacles mili- taires ; la perspective de vivre au milieu des chevaux et d'en avoir à lui; l'exemple de ses amis royalistes, ses compagnons de monde et de plaisir; peut-être aussi le brillant et galant uni- forme rouge des mousquetaires. Il ne faut pas chercher plus loin. Ce fut pour lui une partie de plaisir, un moyen d'échapper par une vie active aux déboires de l'atelier. Mais quand vint la débâcle momentanée des Gent-jours, l'infortune le trouva à son poste : il suivit le roi jusqu'à Béthune. Nature loyale, la trahison et la lâcheté sous toutes les formes le révoltaient. Il rentra


GÉRICAULT DANS LES MOUSQUETAIRES. 75

en France déguisé en charretier, et fut licencié bientôt après. Ses amis libéraux le raillaient volontiers sur sa campagne royaliste. Il se défendait par des arguments qu'il tirait de son bon et noble cœur. « Nous allâmes de nuit aux Tuileries, disait-il; la cour était encombrée de gens qui vociféraient, et lorsque je vis la lâcheté de tous ces soldats qui jetaient leurs armes et reniaient leur serment, je résolus de suivre le roi. » Cependant il ne parlait qu'avec un peu d'embarras de cette escapade, et n'aimait pas qu'on la lui rappelât.


PROJET DE VOYAGE EN ITALIE. — SEJOUR A FLORENCE SÉJOUR A ROME. — LETTRES ÉCRITES DE ROME.


Cette incursion dans la politique et dans la vie active n'avait pas réussi à Géricault. De la fin de 1815 au milieu de 1816 il ne travailla guère, et nous ne connaissons point d'ouvrages un peu importants que l'on puisse rapporter à cette époque. Il était comme tout le monde sous l'empire des événements extérieurs. Des raisons plus intimes augmentaient l'agitation, l'anxiété de son esprit. Une affectation partagée, irrégulière, orageuse, et qu'il ne pouvait avouer, où il avait apporté toute la violence de son caractère et de


78 PROJET DE VOYAGE EN ITALIE.

son tempérament, et sur laquelle il ne m'est pas permis d'insister davantage, le troublait jusqu'au fond. Il était dévoyé et malheureux. Il résolut de partir pour l'Italie, espérant trouver dans l'éloignement et dans l'étude un adoucisse- ment à ses chagrins. Dès ses premiers pas d'ailleurs dans la carrière des arts, il avait eu le désir et l'intention de voir les grandes œuvres murales des peintres de la Renaissance, celles surtout de Michel-Ange qu'il ne connaissait que par les reproductions de la gravure, mais qui, à travers ces insuffisantes interprétations, lui apparaissaient déjà comme le plus prodigieux effort qu'ait jamais fait l'esprit humain. Son père traversait ses projets. D'un esprit assez obtus, il ne s'expliquait pas ses motifs. Il ignorait peut- être les uns, il ne pouvait apprécier les autres. Il aimait son fils, mais il le tourmenta beaucoup de son affection inintelligente et jalouse. Il voulait le garder. Mais le parti de Géricault était arrêté. Il avait mûri son plan et ne s'en laissa pas détourner. Il comptait rester absent au moins deux années, et avec la méthode qu'il


PROJET DE VOYAGE EN ITALIE. 79

apportait à tout, il mit ses affaires dans l'ordre le plus parfait. Il étiqueta ses carnets et ses des- sins, marqua de numéros ses études, ses moin- dres pochades, et jusqu'à ses palettes et à ses couleurs, et confia le tout à son père ^ Mais il ne voulait pas partir seul, l'idée de ce complet isolement l'effrayait. Son ami, M. Dedreux- Dorcy, lui avait promis de l'accompagner ; des circonstances indépendantes de sa volonté l'en empêchèrent. Un autre de ses amis, M. Lebrun, longtemps directeur de l'École normale de Versailles, avait eu la même intention, mais ce nouveau projet n'eut pas un meilleur résuHat. (( Nous devions faire un voyage ensemble, dit M. Lebrun, et nous avions formé le projet de consacrer deux années entières à cette tournée faite dans un but d'observation et de travail.


4 . Cette exactitude minutieuse est l'un des traits les plus curieux, les plus inattendus, les plus marqués, du caractère de Géricault. Du reste, le soin qu'il prit dans cette occasion donne un excellent moyen matériel de reconnaître ses pein- tures antérieures à son voyage d'Italie; celles qui n'ont pas été rentoilées et qu'il possédait à cette époque portent un numéro d'ordre sur le châssis.


80 PROJET DE VOYAGE EN ITALIE.

Tous nos arrangements étaient faits; l'époque du départ était fixée. Étant allé le voir un soir pour faire avec lui les dernières dispositions, je le trouvai à sa toilette, se préparant à aller au bal. Il était jeune, et à cette époque il soignait assez sa personne. Ses cheveux étaient en papillotes et il se disposait à les friser. Les soins de sa toilette ne nous empêchèrent pas cependant de causer longuement de notre voyage, et je le quittai toujours enchanté d'avoir un compagnon tel que lui. Malheureusement, à quelque temps de là, des empêchements impérieux m'obligèrent à renoncer à ce bonheur, et, malgré mes vifs re- grets, je fus forcé de lui écrire qu'il m'était impossible de quitter Paris. L'excellent Géricault crut que sa toilette avait fait sur moi une fâcheuse impression, et que je ne voulais plus voyager avec un homme à papillotes. Il le dit à un de ses amis. Je m'empressai d'aller le ras- surer sur le jugement qu'il supposait que je portais de lui, mais il fallut lui dire les raisons qui me privaient d'un voyage dont je m'étais fait une si grande fête; cette crainte qu'il avait de


SÉJOUR A FLORENCE. 81

passer pour un fashionable lui avait fait un vif chagrin*. »

Géricault partit seul en septembre ou au plus tard au commencement d'octobre 1816. C'est par Florence qu'il débuta, mais il ne fit guère qu'y passer. C'est là qu'il se trouva pour la première fois en face de Michel-Ange. Il exécuta aussitôt des dessins que l'on possède, d'après les figures des tombeaux des Médi- cis ^ Il visita les musées, les églises, fit quel- ques croquis, une copie ou deux peut-être, alla dans le monde et eut dans cette aimable ville de Florence un moment d'abandon et presque de gaieté. « J'ai ici, écrit-il à M. De- dreux - Dorcy , des connaissances excellentes. J'étais hier soir à l'Opéra, dans la loge de l'am- bassadeur français; mes bottes étaient sales et ma toilette fort négligée. Néanmoins, j'ai eu la place d'honneur auprès de M'"' la duchesse de M***, qui devait partir le lendemain pour Naples et à laquelle l'ambassadeur m'a forte-

1 . Lettre de M. Lebrun à M. Feuillet de Conches.

2. A M. His de La Salle et à M. Mahérault.

6


82 SÉJOUR A ROME.

ment recommandé; aussi m'a-t-elle beaucoup engagé h aller la voir à mon passage. Elle m'a beaucoup parlé de ma modestie et m'a assuré que c'était le cachet du talent; jugez si c'est flatteur pour moi. Mais je m'attendais à tout cela. Une bonne femme avec qui j'avais fait route m'a- vait promis et même juré (par le secours des cartes) que je trouverais dans mon voyage hon- neurs et protections. Elle m'avait encore annoncé des lettres de mes amis; hélas! elle s'est trom- pée sur ce point. Je n'en ai pas reçu une seule, ce qui m'afflige beaucoup comme vous pouvez le croire ; je me tiens à quatre pour ne pas me désespérer. »

Cependant Géricault se trouvait très-seul à Florence ; il ne tarda pas à s'y ennuyer, et après y avoir passé à peine un mois, il partit pour Rome. Aussitôt arrivé, il courut à la chapelle Sixtine. C'est un mouvement de stupeur c[u'il éprouva d'abord, et il disait plus tard à M. Feuillet de Couches « qu'il avait tremblé devant les maîtres de l'Italie, qu'il avait alors douté de lui-même et avait été longtemps à


SÉJOUR A ROME. 83

se retrouver de son trouble. » Il a décrit ses impressions devant le monument du géant flo- rentin dans une lettre admirable, adressée, si mes souvenirs ne me trompent pas, à M. Musi- gny. Je n'ai malheureusement pas gardé la copie de cet inappréciable document, et si je le signale, c'est dans l'espoir que cette publication le fera sortir du portefeuille jaloux où il se cache. Géricault se mit aussitôt à l'ouvrage. Il dessina une partie considérable du Jugement dernier de Michel-Ange, fit la belle copie de la Pietà de Raphaël au palais Borghèse, que pos- sède M. His de La Salle; celle du Cheval qui se cabre dans la bataille de Constantin; une étude de la figure de femme, un vase sur la tête, dans Y Incendie du Bourg, que l'on a revue à la vente Van Cuyck : plusieurs compositions assez importantes, entre autres une esquisse représentant une Exécution capitale au moment où le bourreau montre au peuple la tête du sup- plicié ; puis un Pauvre portant un enfant, aqua- relle d'un très-beau caractère, me dit- on. Ces deux peintures ont disparu. Je ne puis donner


8i LETTRES ÉCRITES DE ROME.

aucune indication précise sur l'ordre dans lequel il fit ces travaux, car la plupart des personnes qui l'ont connu à Rome n'existent plus. Ce qui est plus aisé, c'est de voir dans ses correspon- dances son âme affectueuse et bonne, et l'état de son esprit agité.

Sa première lettre datée de Rome n'est pour- tant pas par trop sombre; elle témoigne d'un certain entrain et du désir où était Géricault de ne pas se laisser envahir par les souvenirs dou- loureux et par les chimères de son imagination. « J'ai enfin reçu votre aimable lettre, mon bon ami, écrit-il à M. Dedreux-Dorcy, après en avoir été longtemps privé ; car j'étais arrivé à Rome depuis longtemps lorsqu'elle est arrivée à Flo- rence. Je commençais vraiment à me désespérer, ne recevant absolument aucune espèce de nou- velles. Il est vrai que j'avais annoncé devoir rester à Florence plus longtemps, mais on ne raisonne guère quand on est bien loin de toute consolation ; les choses se montrent dans le plus vilain côté, et il est difficile de retrouver une idée saine. J'étais arrivé au point d'accuser tout le


LETTRES ÉCRITES DE ROME. 83

monde d'indifférence et d'inhumanité, et j'aurais voulu pouvoir ne plus me souvenir de personne. Il me semblait impossible de vivre davantage dans cet état, qui est vraiment horrible et que rien ne peut calmer. J'en parle délicieusement à présent que je n'ai plus d'inquiétude. J'ai reçu en même temps des lettres de tout le monde, et je vois combien j'aurais eu tort d'en vouloir un seul instant : tout a été causé par ma faute, par mon départ trop précipité de Florence; mais je m'y trouvais tout seul, et par cette raison je m'y ennuyais beaucoup et je suis venu à Rome retrouver quelques visages de connaissance dont j'avais tant besoin, et puis aussi des gens qui entendissent et parlassent ma langue : c'est une grande consolation quand on en a été un mois privé! J'y suis actuellement assez heureux; il ne me manque qu'un bon ami avec lequel je pourrais vivre et travailler. Tout seul, je suis presque incapable; mon cœur n'est jamais bien content ; il est trop plein de souvenirs ; il aurait ici besoin de votre amitié pour diminuer ses regrets. Je m'étais flatté un moment que vous


86 LETTRES ÉCRITES DE ROME.

viendriez avant le printemps, mais votre lettre m'ôte entièrement cette espérance. Je ne sais comment je vais faire pour attendre jusque-là. Je tâcherai de m'occuper ; je vous écrirai quelque- fois, et puis j'attendrai quelques lettres de vous. Ne soyez pas paresseux pour cela, je vous en prie ; ce sera une de mes jouissances tant que vous ne m'aurez pas rejoint. Je ne sais pas encore où je m'établirai : j'ai trouvé plusieurs endroits qui peuvent servir d'atelier; mais cha- cun a des désagréments et des avantages, en sorte que je balance et suis indécis sur celui que je choisirai. Jusqu'à présent j'ai été logé chez de bonnes gens qui ont bien soin de moi, et, comme je ne puis pas encore peindre, je travaille pour des Albums j, et cela ne laisse pas que de donner quelque occupation. J'ai, aussitôt après, le projet de faire un tableau ou plusieurs; cela me tiendra beaucoup et me préservera peut-être de l'ennui auquel je suis sujet à Rome. Je crois aussi qu'on doit faire de meilleures choses quand on se trouve au milieu de cette quantité de chefs-d'œuvre. Je vous le dirai positivement


LETTRES ÉCRITES DE ROME. 87

quand cela sera fait. Vous ne m'avez pas dit un mot de votre tableau 5 je ne sais si vous l'avez abandonné ou bien s'il est terminé. Vous ignorez, mon cher ami, que l'on ne doit pour ainsi dire parler que de soi dans une lettre, car tout ce qui se rapporte à autre chose est superflu et n'intéresse pas. C'est de vos nouvelles que je voudrais avoir ; être instruit de vos plaisirs et de votre travail. Mon père fait de même : il m'en- gage continuellement à me soigner, à ménager ma santé, etc. Voyez combien c'est inutile et ennuyeux; au lieu de me dire tout ce qu'il fait, tout ce qu'il voit, comment mes amis et comment Paris se portent; un peu de politique au bout de tout cela, et ce seraient des lettres très- iotéressantes qui me mettraient au courant de tout ce qui se passe loin de moi. Il y a pis que tout cela encore; c'est que l'on ne m'écrit vraiment pas assez. Mon père sait parfaitement que je suis à Rome, puisque votre sœur en est informée et l'a marqué à Dedreux; eh bien, je n'ai rien reçu de lui ; je ne le conçois vraiment pas. Si vous le voyez, faites-moi le plaisir de lui


88 LETTRES ÉCRITES DE ROME.

dire sérieusement que ce n'est pas bien de me négliger ainsi; ensuite que je me porte à mer- veille, que je suis très-sage et que je n'ai besoin que de nouvelles bien fréquemment pour être tout à fait content. Mille choses à nos bons amis, à Berton s'il a fini son voyage, et mes respects à M. Guérin dont les lettres (de recom- mandation) me procurent tous les jours les plus grands témoignages de bienveillance. Chacun se souvient de lui avec un plaisir que vous devez concevoir, et son élève en est mieux accueilli partout. Votre sincère ami, Théodore Gérl- cault^ »

Malgré les jouissances vives et profondes que donnait à Géricault la vue des chefs-d'œuvre si longtemps rêvés, les distractions et l'intérêt qu'il trouvait dans un pays si pittoresque et si nouveau pour lui, son humeur ne tarda pas à s'assombrir tout à fait. On dit qu'il vivait pres- que seul, qu'il travaillait beaucoup par accès, puiS; qu'il se décourageait et se laissait aller

i. Rome ce 27 novembre 1816. — Monsieur Dorcy- Dedreux, rue Taitbout, n* 9, Paris.


LETTRES ÉCRITES DE ROME. 89

à une mélancolie profonde. C'est qu'il avait em- porté avec lui son cœur troublé, la source de ses chagrins. La lettre suivante, qu'il écrivit assez longtemps, semble-t-il , après celle que nous venons de citer, montre bien l'état d'affaisse- ment où il était tombé.

« Mon cher Dorcy. Je suis un monstre, vous le savez bien; mais vous le dire, m'en accuser, vous disposera peut-être à me le pardonner. J'ai d'ailleurs un tel regret des procédés que j'ai eus à votre égard, qu'il serait difficile à vous- même d'avoir autant de haine que j'en ai pour moi. Que de pitié cependant vous m'accorderez lorsque je pourrai causer tranquillement avec vous des embarras terribles où je me suis jeté

imprudemment

et de la force qu'il m'a fallu

opposer à mille traverses fâcheuses. Une lettre convient si peu pour l'ouverture de mon pauvre cœur trop rempli, et j'ai si peu d'amis, du moins j'en connais peu qui se plaisent à rece- voir et à faciliter un entier épanchement. Livré presque seul à moi-même, je ne suis capable de


90 LETTRES ÉCRITES DE ROME.

rien. Pourquoi m'avez-vous quitté, mon ami, ou plutôt pourquoi un sort contraire se plaît- il à nous tenir divisés? Vous m'entendiez bien et je vous aimais. C'était pour moi une source véri- table de tranquillité et de bonheur. Maintenant j'erre et m'égare toujours. Je cherche vainement à m'appuyer; rien n'est sohde, tout m'échappe, tout me trompe. Nos espérances et nos désirs ne sont vraiment ici-bas que vaines chimères, et nos succès, des fantômes que nous croyons saisir. S'il est pour nous sur terre quelque chose de certain, ce sont nos peines. La souffrance est réelle, les plaisirs ne sont qu'imaginaires. Mais de quelle série ennuyeuse de réflexions viens-je vous accabler? Vous trouverez le texte de mon début pour relier correspondance bien triste et insipide , et serez autorisé à dire : Que n'a-t-il continué à se taire? J'aime mieux son silence! Ridicule appréhension. Vous ne seriez plus Dorcy du moment que vous ces- seriez d'avoir indulgence pour mon caractère lamentable.

« Votre chère soeur et votre frère n'ont que


LETTRES ÉCRITES DE ROME. 91

des reproches à me faire, s'ils se souviennent encore m'avoir connu. Il est cependant peu de jours où je ne repasse tous ceux que je préfère, et certes ils sont des premiers et des plus chers. Veuillez être médiateur entre tous mes bons amis et moi. Qui mieux que vous pourra plaider la cause des paresseux à écrire, quoique assuré- ment vous m'ayez cette année prévenu plusieurs fois, sans cela j'eusse pris avec vous le ton superbe d'un accusateur ! N'allez pas vous taire à votre tour pour me punir. Tout à vous. Théodore Géricault^ »

Cette disposition découragée n^était sans doute pas favorable au travail, et à Rome Géricault perdit certainement beaucoup de temps dans les tristesses et dans les rêveries dont cette lettre est un écho. Mais s'il y avait un homme sensible à l'excès chez lui, il y avait un peintre amoureux de son art et qui prétendait bien ne pas s'endormir. C'est en effet au milieu des préoccupations dont témoigne sa correspondance

1 . Sans date ni adresse.


92 LETTRES ÉCRITES DE ROME.

que Géricault conçut l'une de ses plus admira- bles compositions, la Course de chevaux libres^ et qu'il en fit les études préparatoires et les esquisses.


VI


LA CODRSE DE CHEVAUX LIBRES.

OUVRAGES DIVERS EXÉCUTÉS A ROME, — INFLUENCE DE ROME

SUR LE TALENT DE GÉRICAULT.


Toutes les personnes qui ont passé le carnaval à Rome ont vu la course des Barberi, C'est une des fêtes les plus brillantes, les plus bruyantes, les plus gaies, les plus populaires de cette ville aussi éprise de spectacles sous les papes qu'elle l'était sous les empereurs. Le théâtre lui-même est admirable. Sur la place du Peuple^ on réunit les quinze ou vingt petits chevaux barbes à demi sauvages qui doivent courir et se disputer le prix. Ils sont là sur une ligne, impatients, hennissants, se cabrant, couverts de rubans et


94 LA COURSE DE CHEVAUX LIBRES.

de paillons, à grand'peine retenus devant la barrière par de jeunes paysans vêtus du pitto- resque costume de la campagne de Rome. Au signal ils s'élancent dans le Corso, excités par les cris et par les gestes d'une immense popu- lation qui couvre la place, les marches des églises, les estrades, les terrasses du mont Pincio, les toits des maisons, qui se pousse et s'étouffe dans la longue rue bordée de palais et ouvre à peine un passage étroit aux chevaux affolés, qui passent comme un tourbillon dans ses flots frémissants et pressés. C'était bien là une scène faite pour plaire à Géricault et pour le séduire d'emblée. Ces chevaux ardents, libres et nus, ce peuple impressionnable, surexcité, qui exprime par des pantomimes vives et vraies ses moindres impressions, ces costumes variés et éclatants, tout cela sous la pleine lumière d'un ciel superbe... c'était un tableau. Géricault fit aussitôt quelques dessins et une esquisse peinte que nous possédons. C'est la fête de la place du Peuple telle qu'il la vit, dans toute sa vérité, dans sa réalité la plus crue : un portrait. .




LA COURSE DE CHEVAUX LIBRES. 95

Cette première esquisse S que Géricault pei- gnit certainement très-peu de temps après la course, c'est-à-dire au printemps de 1817, d'une exécution mi peu lourde, est en somme bien inférieure à celles qu'il fit plus tard. Elle est néanmoins d'un grand intérêt, car elle marque le point de départ de cette longue suite d'études dans lesquelles, de pas en pas, il s'éleva si haut et où il montra avec tant d'évi- dence de quel amour il était possédé pour son art et par quels efforts il tendait à la perfection . Amateur passionné non-seulement de chevaux, mais de courses, de sports, Géricault s'était placé près de la barrière et un peu en avant, de manière à ne rien perdre des péripéties du départ. De ce point, il voyait chevaux et pale- freniers sur une ligne oblique d'un effet assez désagréable, en arrière l'obélisque, et vis-à- vis les tribunes dressées au pied du terre- plein couvert de cyprès, qui fait face au mont Pincio, chargées de spectateurs, et garnies de

4. A M. Couvreur, lithographiée par Eug, Le Roux,




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96 LA COURSE DE CHEVAUX LIBRES.

leurs tentures de mauvais goût. C'est là ce qu'il représenta. Ce sont les jeunes hommes bien découplés de la campagne de Rome, vêtus de leurs costumes brillants tout enrubannés, les petits chevaux à la tête mutine et carrée, secs et nerveux, dont les muscles d'acier s'accusent sous la peau fine et transparente. C'est une scène pleine de mouvement et aussi de caractère, mais qui appartient au genre bien plus qu'à l'histoire, et qui, au point de vue pittoresque, est loin d'être irréprochable.

Aussi voyons-nous Géricault la reprendre et recommencer à nouveaux frais dans une seconde esquisse \ Au lieu d'être placés sur une ligne unique, les chevaux sont disposés en plusieurs groupes, qui forment une composition en lon- gueur, plus vive et plus variée.

Ils se cabrent, se débattent et s'emportent. Les personnages, encore en costume moderne, s'efforcent de les retenir. L'un d'eux, tout à la gauche, vient d'être renversé et s'appuie des

1. A M. Camille Marcille, lithographiée par Eug, Le Roux.


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LA COURSE DE CHEVAUX LIBRES. 97

deux mains à la terre, dans une pose à la Michel- Ange. Un autre, à la droite du tableau, tient aux naseaux un cheval d'une superbe tournure, qui se dresse sur ses jambes de derrière. Le fond a été complètement changé. Il est occupé en très- grande partie par un vaste bâtiment, d'une noble architecture, que l'on voit en travers. Dans l'ou- verture qu'il laisse à gauche, on aperçoit quel- ques monuments de Rome, entre autres le temple circulaire de Vesta.

Géricault n'était pas encore content. Cette scène comportait en effet une interprétation plus générale. Dans le pays du grand art, devant des exemples sublimes, sous l'œil des maîtres su- prêmes dont il subit à son insu la salutaire influence, son imagination s'enflamme, son génie s'élève. Ce ne sont plus les Barheri de la place du Peuple et les paysans de la campagne de Rome qu'il voit; ce sont de nobles coursiers aux prises avec de jeunes hommes, des éphèbes, des héros forts et beaux dans leur nudité. 11 conçoit une composition nouvelle, aussi vraie, aussi réelle que l'autre, mais idéalisée et développée dans


08 LA COURSE DE CHEVAUX LIBRES.

le sens des grandes œuvres de l'antiquité et de la Renaissance italienne. Il élimine les costumes^ les détails, tout ce qui est accidentel et relatif. Le sujet, à lui seul, remplit tout le tableau. Nous ne sommes plus à Rome, nous ne sommes pas davantage à Athènes ou à Paris. Les circonstances de temps et de lieu ont disparu. Le peintre nous transporte dans le domaine de l'art pur. C'est à peine si l'on aperçoit, dans l'une des esquisses de ce nouveau projet, l'obélisque de la place du Peuple, dernier vestige du théâtre primitif de l'action. La composition, admirablement conçue au point de vue dramatique, pittoresque et savamment équilibrée, peut, pour la commodité de la description, se diviser en trois groupes principaux. Au centre, un jeune homme vu de trois quarts par le dos, appuie son bras gauche sur les reins d'un cheval blanc qui se cabre, et lui saisit de la main droite la mâchoire infé- rieure. L'animal superbe, ployé sur ses jambes de derrière, la crinière droite, élève sa tête irritée, qui paraît animée de passions humaines. Près de la barrière, un autre personnage arrête


LA COURSE DE CHEVAUX LIBRES. 99

un cheval qui se dresse au-dessus d'un homme renversé. A l'extrémité gauche du tableau, un troisième personnage, d'un type admirable, vu de face, les jambes écartées pour assurer son effort, se roidit pour résister h son redoutable adversaire, dont il tient des deux mains les naseaux. Ces trois groupes du premier plan sont reliés par un nombre considérable de figures, hommes et chevaux, qui remplissent la toile sans la surcharger et complètent cette noble compo- sition. Géricault a fait plusieurs esquisses de ce second projet. Nous en connaissons trois ou quatre. Elles ne diffèrent entre elles que par le degré d'avancement et par la qualité de l'exécu- tion ^ En outre, il a traité à part quelques épi- sodes qui se rapportent à l'un ou à l'autre de ces deux projets ou qu'il avait l'intention d'y faire entrer : entre autres l'homme renversé qui se trouve à gauche de l'une des compositions^; un cheval noir qu'un paysan qui porte un drapeau

1. Les plus importantes appartiennent à MM. Camille Marcille et Couvreur.

2. A M. Camille Marcille.


100 LA COURSE DE CHEVAUX LIBRES.

tient par la crinière^; et un cheval cabré, que deux hommes, placés de chaque côté de lui, s'efforcent d'arrêter par son mors, tandis que d'autres personnages le retiennent par la queue. Cette magnifique étude est un véritable tableau. Je ne sache pas qu'elle ait trouvé place, au moins sans modifications importantes, dans au- cune des esquisses. Elle a été achetée derniè- rement par le musée de Rouen, et représen- tera dignement Géricault dans sa ville natale, qui ne possédait jusqu'ici qu'un cheval et la belle étude d'après nature : deux têtes de chevreuil, donnée par M. His de La Salle, il y a quelques années déjà.

Nous sommes loin de connaître tous les maté- riaux que Géricault avait réunis pour ces deux projets. La personne qui a déballé ces esquisses à leur arrivée à Paris m'affirme qu'il y en avait plus de vingt, et ajoute ce détail : qu'elles étaient toutes peintes sur papier huilé, qu'elles s'étaient collées les unes avec les autres et qu'on

4. A M. Binaût.


LA COURSE DE CHEVAUX LIBRES. 101

eut de la peine à les séparer; mais, quoique une partie de ces études ait disparu, nous avons évidemment dans celles qui nous restent l'indi- cation sommaire de la pensée du peintre à son point de départ et à son point d'arrivée, la scène réelle et la scène idéalisée avec plusieurs des pas intermédiaires. Ces esquisses peintes sont loin, du reste, d'être les seuls travaux de Géri- cault qui aient trait à cette composition. Elles en sont peut-être la moindre partie. Il ne cherchait, dans ces peintures, que le ton, les valeurs, l'effet. Elles sont exécutées avec une grande rapidité; quelques-unes dans la journée, peut-être. C'est le crayon à la main que Géricault tournait et retournait sa pensée et qu'il la développait laborieusement avec une ardeur et une ténacité dont l'on ne se rend compte que lorsqu'on a eu les preuves entre les mains. Les admirables dessins qui nous sont restés de la Course de chevaux libres sont exécutés au trait, à la plume pour la plupart, avec les détails indiqués très- sommairement par quelques hachures. On se tromperait lourdement si on les prenait pour des


102 LA COUPxSE DE CHEVAUX LIBRES.

improvisations, pour des croquis. Géricault, qui peignait avec tant de facilité et de sûreté, com- posait péniblement. Il tâtonnait beaucoup et ne trouvait qu'à la longue ses types, ses mouve- ments, ses groupes, ses ensembles. Il n'avait pas à un haut degré ce sentiment inné de la pro- portion, cette mémoire des formes, ce compas dans Vœil, qu'il enviait tant à Horace Yernet. Ce n'était qu'à force de temps, de peine, d'essais infructueux vingt fois recommencés, qu'il arrivait à ces belles combinaisons de lignes que nous trouvons dans ses dessins définitifs \ Il avait une manière de procéder qui mérite d'être indiquée. Lorsqu'il avait dessiné un projet, qu'il l'avait corrigé et surchargé au point qu'on n'y pouvait plus rien voir, il le couvrait d'un papier trans- parent et reprenait soigneusement le bon trait.

1 . Le plus beau de ces dessins appartient à M. Eudoxe Marcille. Je l'ai publié en fac-similé, avec le concours de quelques amis comme moi admirateurs de Géricault, ainsi que Y Homme terrassant un bœuf et le Marché aux bœufs, dont je parle plus bas. {Dessins de Géricault, lithographies en fac-si??iile par A. Colin, publiés par une société d'artistes et d'amateurs. 1" livraison. Leconte, Paris, 1866.)


LA COURSE DE CHEVAUX LIBRES. 103

Il crayonnait à nouveau ce dessin, puis en tirait une épreuve, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'il en fut à peu près satisfait. C'est ainsi qu'il se fait que nous possédons un nombre considérable de répliques de ces dessins, qui ne se distinguent les unes des autres que par de légères variantes ; c'est ainsi également qu'il a pu les amener, quoiqu'ils ne reproduisent guère que le trait extérieur avec quelques détails principaux et que bien des profanes les prennent pour de simples croquis, à un tel degré d'avancement qu'à l'égard de la détermination des lignes, de leur combi- naison, de la silhouette en un mot, il soit diffi- cile de supposer qu'une exécution plus complète eût produit une plus grande perfection. Qu'on ne se trompe pourtant pas sur notre pensée. Ces belles compositions ne sont que l'embryon de l'œuvre qu'aurait produite la main puissante de Géricault. Cependant, instruits comme nous le sommes par la Méduse du degré d'ampleur, d'unité, de beauté que Géricault savait donner à une composition qu'il exécutait jusqu'au bout, il semble que nous pouvons nous représenter ce


lOi OUVRAGES DIVERS

qu'eût été la Course de chevaux libres sur une toile de trente pieds. L'exécution en grand en a été commencée. Avant son départ de Rome, Géricault avait au moins tracé sa composition dans les dimensions qu'elle devait avoir. Cette toile a disparu, et il est probable que telle qu'il l'a laissée elle aurait peu ajouté à ce que nous possédons dans les dessins et dans les esquisses. il est à jamais regrettable que Géricault n'ait pas exécuté ce projet. C'eût été une œuvre splendide et digne d'être mise à côté des plus belles pages de tous les temps.

Outre la Course de chevaux libres^ Géricault fit encore à Rome probablement quelques ouvrages qui appartiennent à la même grandiose inspira- tion. Je citerai Silène sur un âne^ avec des bac- chants et des bacchantes ; un Nègre sur un cheval cabrée deux superbes compositions à la pierre noire sur papier bleu avec du lavis et des rehauts de gouache à M. Eudoxe Marcille; Horatius Codés défendant le pont, importante composition à la sépia qui a appartenu à M. Colin ; des Centaures enlevant des femmes dont on connaît plusieurs


' EXÉCUTÉS A ROME. 105

répliques; le magnifique dessin, V Homme ter^ Tassant un bœuf^ que j'ai publié et qui est cer- tainement au nombre de ses plus puissantes, de ses plus magistrales créations^; Deux hommes nus^ l'un retenant un bœuf la tête contre le sol, tandis que l'autre se prépare à l'assommer avec une massue ; Nègi^e et Négresse^ l'un de ses plus beaux dessins à la plume, gravé en fac-similé dans la Gazette des Beaux-Arts; enfin une com- position complète : le Marché aux bœufs dont on possède une esquisse peinte et un superbe des- sin ^ Dessin et esquisse ont été faits à Paris. Le motif a été pris à l'abattoir qui existait alors rue de la Pépinière, et il est facile de voir que les animaux n'appartiennent pas à la race romaine. Je place cependant ici cet ouvrage, parce qu'il est né, sans conteste possible, sous la même inspiration que la Course» Les compositions que Géricault fit à ce moment ont un caractère que


\. A M. His de La Salle.

2, L'esquisse appartient à M. Couvreur; le dessin, à M. Eudoxe Marcille. Je l'ai donné dans le recueil de /ac- simite déjà meo tienne.


106 INFLUENCE DE ROME

l'on ne peut méconnaître. Sa conception du cheval en particulier si originale, si complète dès ses premiers tableaux et dans ses moindres études, apparaît ici avec un degré de plus de force et d'élévation. Sous le rapport du style, Géricault n'a jamais surpassé ses travaux de Rome. Le sculpteur des frontons du Parthénon, le peintre du plafond de la Sixtine, ont passé par là. Cependant il faut le dire bien haut : si docile qu'il fût à l'exem.ple, à l'enseignement d'où qu'il vînt, Géricault se pénètre des maîtres, se fortifie et s'élève à leur contact, mais ne les imite pas. Il ne s'asservit jamais à personne, pas même à Michel-Ange. Son cheval lui appartient absolument. Ce n'est pas le cheval admirable de Phidias ; ce n'est pas celui d'un si beau choix de formes, mais abstrait et décoratif, de Raphaël; pas davantage le colosse chimérique, apoca- lyptique, de Rubens. C'est un animal vivant, superbe et vrai.

Au total, et quoi qu'on ait dit, le séjour de Rome exerça une excellente influence sur le talent de Géricault. Il y prit le goût des vastes


SUP LE TALENT DE GÉRICAULT. 107

ouvrages qui convenaient si bien à son génie, et c'est là que pour la première fois il tenta les sujets complexes, d'un ordre élevé et en dehors de conditions étroites de temps et de lieu. Les modèles admirables qu'il y trouva lui fournirent des aliments qu'il sut s'assimiler. Il était de force à résister aux entraînements et il ne laissa à aucun degré entamer sa forte originalité. Presque à la même époque, Rome a rendu le même service à deux peintres d'instinct et de tempérament bien différents. Léopold Robert et Géricault sont tous les deux partis du genre. L'un s'est élevé au style à force de labeur et de raisonnement; l'autre, en s'abandonnant à son instinct pittoresque qui le poussait en haut. Je ne voudrais pas dire pourtant que les exemples qu'il avait sous les yeux n'aient pas exercé une cer- taine tyrannie, une certaine pression, n'aient pas violenté en quelque chose les dispositions natu- relles de Géricault. Nous verrons en effet que de retour à Paris il reprit les sujets modernes : la Méduse; la Traite des Nègres; ï Ouverture des portes de V Inquisition,


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108 INFLUENCE DE ROME

Géricault était triste et s'ennuyait à Rome*. Son père le rappelait à grands cris. Il se décida subitement à partir au moment même où M. De- dreux-Dorcy venait pour le rejoindre. II le croyait encore à Paris et lui écrivit le billet suivant : « Mon cher Dorcy. Je suis désolé de partir sans avoir eu le plaisir de vous embrasser; c'est une de ces disgrâces qui n'arrivent qu'à moi. Après une année de tristesse et d'ennui, au moment où je pouvais être plus heureux et lorsque vous arrivez, je suis obligé de partir; vous imaginez facilement ma peine, si vous avez conservé un peu d'amitié pour moi.


1 . Dès son arrivée à Rome, Géricault pensait que l'artiste ne devait pas trop prolonger son séjour en Italie. Il écri- vait :

« L'Italie est admirable à connaître, mais il ne faut pas y passer tant de temps qu'on veut le dire; une année bien employée me paraît suffisante, et les cinq années que l'on accorde aux pensionnaires leur sont plus nuisibles qu'utiles, en ce qu'ils prolongent leurs études dans un temps où il serait plus convenable de faire des ouvrages; ils s'accoutu- ment ainsi à vivre de l'argent du gouvernement, et passent dans le repos et la sécurité les plus belles années de leur vie. Ils sortent de là ayant perdu leur énergie et ne sachant plus faire d'efforts. Ils terminent, comme des hommes ordi-


^


SÛR LE TALENT DE GÉRICAULT. 109

«Adieu, mon ami, écrivez- moi, je vous prie, le plus souvent qu'il vous sera possible. Mais que Dieu vous garde que cela soit un besoin pour votre cœur comme je Tai si triste- ment éprouvé. Je vous laisse, mon cher ami, quelques effets qui pourront vous être utiles, tels que chevalet, boîte à couleurs, toiles pré- parées. Puis je vous enverrai un vieil homme très-intelligent pour vous chercher un atelier. Quand vous l'aurez trouvé, mettez-vous de suite à l'ouvrage : c'est le seul moyen de ne pas


naires, une existence dont le commencement avait fait espé- rer beaucoup.

« C'est enterrer les arts au lieu d'aider à leur accroisse- ment, et, dans le principe, l'institution de l'école de Rome n'a pu être ce qu'elle est aujourd'hui. Ainsi beaucoup y vont, peu en reviennent. Les vrais encouragements qui conviendraient à tous ces jeunes gens habiles seraient des tableaux à faire pour leur pays, des fresques, des monuments à orner, des couronnes et des récompenses pécuniaires, mais non pas une cuisine bourgeoise pendant cinq années, qui engraisse leur corps et anéantit leur âme.

« Je ne confie ces réflexions qu'à vous, M..., en vous asb^urant de leur justesse et en vous priant de ne les point communiquer. »

(23 nov. 4816, Monileur du 6 janv. 1864.)



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110 INFLUENCE DE ROME, ETC.

connaître l'ennui. Tout à vous. T. Géricault^ » La chance ne fut pourtant pas si contraire que le pensait Géricault. Il rencontra à Sienne son ami qui arrivait en toute hâte. Ils passèrent quelques jours ensemble; puis l'un se dirigea sur Rome, et l'autre sur Paris.

1. Rome, 21 septembre.


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RETOUR DE GERICAULT A PARIS.

OPINION d'HORACE VERiNET SUR SON TALENT,

OUVRAGES DIVERS.

PROJETS ET ESQUISSES POUR LE RADEAU DE LA MÉDUSE,


Géricault revint avec plaisir à Paris. Malgré les vives jouissances que Rome lui avait données et le profit qu'il avait tiré de l'étude des maîtres italiens, ce séjour avait été pour lui un véritable exil. Il avait vécu presque seul pendant de longs mois, et quelque fortes et absorbantes que fus- sent ses préoccupations d'artiste, il lui fallait le monde et ses amis. Pendant l'année qu'il passa en Italie, il n'avait formé qu'un très-petit nombre de relations, La plupart des peintres


112 RETOUR DE GÉRIGAULT A PARIS.

français, élèves de David, et d'autant plus fana- tiques de leur maître qu'ils étaient eux-mêmes plus médiocres et plus impuissants, ne voyaient en lui qu'un révolutionnaire et un fou, et ne l'appréciaient à aucun degré. Les pensionnaires de l'Académie de France ne parlaient du nova- teur qu'avec le plus parfait dédain, et, de son côté, Géricault s'exprimait sur les doctrines qui régnaient dans l'Ecole avec assez peu de ména- gements. A Paris, à l'exception de M. Dedreux- Dorcy, il retrouva tout son monde : M. Mu- signy, le colonel Bro, Horace Yernet, les deux Scheffer, et se replongea avec délices dans sa vie fiévreuse de travail et de plaisir. Je trouve dans les notes que M. Montfort a bien voulu me com- muniquer une page qui le peint dans ce premier accès de bonheur, au moment même du retour, allant voir au débotté son camarade Vernet et l'embrasser. « Un matin de l'automne 1817, dit M. Monfort, entra dans l'atelier de mon maître, M, Horace Vernet, un jeune homme qui lui sauta au cou. Aux premières paroles, il me fut aisé de comprendre qu'il arrivait d'Italie et


RETOUR DE GÉRIGAULT A PARIS. 113

qu'il était peintre, puis, comme dans le courant de l'entretien M. Vernet l'appela plusieurs fois par son nom, un autre élève placé près de moi me demanda si ce n'était pas là M. Géricault l'auteur d'un Chasseur à cheyal et d'un Cuiras- sier exposés au Salon quelques années aupara- vant. A ce mot, je me rappelai confusément les ,. deux tableaux; mais c'était tout, et je ne pus satisfaire la curiosité de mon petit compagnon. Toutefois, cette circonstance nous porta à beau- W' coup regarder le jeune ami de M. Vernet, et voici sous quel aspect il m' apparut. M. Géri- cault, qui avait alors environ vingt-six ans, était assez grand, et de tournure élégante. Son visage, plein d'animation et d'énergie, respirait en même temps une grande douceur. J'observai alors, comme je le fis souvent plus tard, qu'il rougissait facilement à la plus légère émotion. M. Horace Vernet et lui parlèrent longuement de l'Italie, des belles peintures qui s'y trouvent, et de différents artistes dont les noms m'étaient entièrement inconnus et l'étaient même alors de la foule. L'un d'eux, Schnetz, fut celui dont le


114 OPINION D'HORACE VERNET

nom revint le plus fréquemment à la bouche de M. Géricault, qui semblait faire un cas extrême de son talent.

« Le lendemain et les jours suivants je revis M. Géricault à l'atelier, et j'appris que de la demeure de son père, située dans le voisinage, on pouvait, par les jardins, venir chez M. Ho- race Vernet. J'avais un grand plaisir à entendre causer mon maître et M. Géricault qui, bon et affectueux, regardait parfois ce que je faisais, me donnait des conseils et m'encourageait. Je commençai ainsi à faire plus ample connais- sance, jusqu'à ce qu'un jour il me demanda de poser chez lui, revêtu d'un costume persan qu'on lui avait prêté, et dont il fit plusieurs croquis.

(( Mon maître, Horace Vernet, lui rendait pleine justice, et un jour, devant moi, il releva le talent du jeune peintre, alors complètement inconnu, et qu'un de ses élèves, déjà homme fait, rabaissait inconsidérément et peut-être dans l'intention de le flatter.

« Chargé par M. Vernet d'un petit message


SUR LE TALEXT DE GÉRIGAULT. 115

pour M. Géricault, j'entrai pour la première fois dans son atelier situé en face, dans le jardin. Il était absent, et je ne trouvai que l'élève en ques- tion, qui avait obtenu de M. Géricauît, j'ignore à quelle occasion, l'autorisation de travailler chez lui. Après m'être enquis de M. Géricauît, je m'arrêtai frappé d'étonnement devant les deux tableaux, le Chasseur et le Cuirassier., qui étaient à terre, appuyés contre la muraille, et je donnai tout haut un libre cours à mon enthou- siasme. Soit par esprit de contradiction, soit qu'il ne fut pas en état d'apprécier ces beaux ouvrages, l'élève qui s'était levé de sa chaise pour juger à distance son travail, s'écria tout à coup : (( Taisez-vous donc avec vos exclamations! » et comme je ripostais : « Ah bah ! ajouta-t-iî, Horace fait bien autre chose que ça. » Au même instant, M. Vernet entrait dans l'atelier ; l'élève courut alors vers lui, et lui plaçant familière- ment les mains sur les côtés en le regardant fixement: « N'est-ce pas, gros père, que vous en faites d'autres? )> Comme M. Vernet ne savait trop où il en voulait venir, il lui expliqua que


116 OUVRAGES DIVERS.

j'étais ià à me pâmer devant les deux tableaux de M. Géricault. « Mais je ne vois pas, répliqua alors notre maître, qu'il ait si grand tort. Il y a de bien belles parties dans ces tableaux ; » puis s' approchant du Chasseur et montrant la tête du cheval : « Cette tête est vivante, dit-il, et qui aurait jamais mieux peint cette peau de tigre? » ajouta-t-il, en désignant la fourrure qui recouvre la selle. »

Il ne semble pas que Géricault ait fait aucun ouvrage très-important pendant les quelques mois qui s'écoulèrent entre son retour de Rome et le moment où il commença la Méduse, Le Train d'artillerie que l'on a vu longtemps chez M. le comte d'Espagnac, d'une composition si origi- nale, d'un dessin si hardi, d'une exécution si vive, est peut-être de cette époque, mais je n'oserais l'affirmer. Il est très-difïicile, pour ne pas dire impossible, d'établir la chronologie des œuvres de Géricault, sur lesquelles on ne possède pas de renseignements précis, car sa vie fut très-courte, son développement très-rapide, et il atteignit presque d'emblée sa plus grande, force.


OUVRAGES DIVERS. 117

C'est pendant cette période qu'il fit, vraisembla- blement, une partie au moins de ses admirables études d'animaux : les Lions accroupis autour de débris et d'ossements, de M. Schickler; les Deux Tigres^, de M. Alfred Baudry ; le Lion debout ^ la Tête de Bouledogue^ de M. His de La Salle; le Tigre couché, au colonel Bro de Gomères, une foule de natures mortes et autres ouvrages, épars dans les collections des amateurs^. A ce même moment, la lithographie était dans toute sa nou- veauté. Avec sa fougue accoutumée, Géricault s'était épris de ce moyen énergique et facile d'exprimer rapidement la pensée et l'impression pittoresques. Quelques-unes de ses plus belles planches : les Bouchers de Rome^, le Factionnaire suisse, le Porte-étendard, le Trompette de lan- ciers, le Mameluck défendant un trompette blessé contre un cosaque qui arrive au galop^ sont de


^. On trouvera plus loin, dans le catalogue raisonné de Tœuvre peint de Géricault, des renseignements plus com- plets sur ces ouvrages et sur un nombre considérable d'autres peintures que je ne peux relater dans cette partie générale de mon travail.


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118 PROJETS ET ESQUISSES.

1817 et 1818 \ C'est ainsi qu'il allait et venait^ variant et complétant ses études, dans cet état d'incertitude qui précède une grande résolution. Il cherchait, se recueillait, rassemblait ses forces, avant de commencer l'ouvrage qui devait sou- lever les anathèmes de l'École, affirmer sa valeur et asseoir sa réputation ^

Je l'ai dit, Géricault appartenait à cette race

1 . Voir le catalogue des lithographies de Géricault à la fin de ce volume.

2. Géricault avait étudié le corps de l'homme et celui du cheval avec un soin et même une minutie que ne dépasse- rait pas un anatomiste de profession. M. de Varenne possède une trentaine de feuilles d'anatomie de l'homme et du cheval que Géricault avait probablement préparées en vue de les publier, car chaque pièce myologique est accompagnée de la pièce ostéologique correspondante, et les feuilles sont chargées de notes manuscrites donnant les noms des os et des muscles et correspondant à des numéros placés dans les dessins. On comprend, en voyant ces admirables ouvrages, si larges, si simples, si vrais, d'une exécution si ferme et si magistrale, la force constante, l'imperturbable savoir, que l'on retrouve dans les moindres croquis de Géricault. La structure intérieure du corps de l'homme et de l'animal lui était si familière, qu'il se jouait des difficultés de la forme et du mouvement. On ose à peine le dire, mais Michel-Ange lui-même n'aurait peut-être pas mis dans de pareilles études plus de souplesse unie à une si rigoureuse précision*


POUR LE RADEAU DE LA MÉDUSE.; 119

d'artistes sensibles, impressionnables, et sur les- quels les événements extérieurs agissent puis- samment. Cette fois encore, les circonstances se chargèrent de lui fournir le sujet qu'il cherchait. MM. Corréard et Savigny, deux des survivants d'un épouvantable désastre maritime, venaient de publier Témouvant récit de leurs aventures et de celles de leurs compagnons d'infortune. Le livre était dans toutes les mains ; les péripéties de ce drame faisaient l'objet de toutes les conversa- tions. Les passions politiques s'en mêlaient, car on imputait à l'incapacité bien reconnue du commandant la perte du navire, et on faisait remonter la responsabilité de l'événement jus- qu'au ministre qui avait confié un poste périlleux à un homme qui n'avait pour lui que son nom et des protections. Aussi l'opinion publique, surexcitée par l'atroce réalité des faits et par les commentaires qui les aggravaient, était-elle arrivée à un véritable paroxysme d'horreur et d'indignation. L'imagination de Géricaalt s'em- para aussitôt de cette dramatique donnée que quelques lignes extraites de la relation de


120 PROJETS ET ESQUISSES

M. Corréard déterminent suffisamment. « La frégate la Méduse^ accompagnée de trois autres bâtiments, la corvette l'Echo^ la flûte la Loire et le brick V Argus j, quitta la France le j 8 juin 1816, portant à Saint-Louis (Sénégal) le gou- verneur et les principaux employés de cette colonie. Il y avait à bord environ quatre cents hommes, marins ou passagers. Le 2 juillet, la frégate tombait sur le banc d'Arguin, et après cinq jours d'inutiles efforts pour remettre le navire à flot, un radeau fut construit, et cent quarante- neuf victimes y furent entassées, tandis que tout le reste se précipitait dans les canots. Bien- tôt les canots coupèrent les amarres, le radeau qu'ils devaient traîner à la remorque resta seul au milieu de l'immensité des mers. Alors la faim, la soif, le désespoir, armèrent ces hommes les uns contre les autres. Enfin, le douzième jour de ce supplice surhumain, ï Argus recueillit quinze mourants. »

Ce récit présentait au moins trois épisodes suc- cessifs qui pouvaient fournir le sujet d'un tableau : le moment où le radeau, séparé d'un coup de


POUR LE RADEAU DE LA MÉDUSE. 121

hache des canots qui le remorquaient, est aban- donné à son sort affreux ; c'était une scène d'in- dignation, de désespoir, de terreur ; puis celui où les matelots se révoltent contre les officiers et sur cet étroit théâtre, entre le ciel et l'eau, au milieu de la vaste solitude de l'Océan, s'en- tr'égorgent pour assouvir leur faim ; c'était un motif d'épouvante et d'horreur, un spectacle affreux, un véritable cauchemar; celui enfin où la vue du navire ranime l'espérance des malheu- reux. Ici le peintre rencontrait en abondance et comme à souhait les éléments les plus dramati- ques et les plus variés : toutes les nuances, depuis le morne désespoir de ceux qui ont trop perdu pour vouloir être consolés, jusqu'à la joie fébrile de ceux qui renaissent au sentiment de la vie en apercevant le vaisseau sauveur. Voilà la scène douloureuse, déchirante, mais éclairée pourtant d'un rayon qui suffit pour que l'âme ne reste pas écrasée sous une impression d'épouvante et d'horreur. Géricault hésita beaucoup entre ces différents sujets, et on connaît un grand nombre de dessins et quelques esquisses qui témoignent


122 PROJETS ET ESQUISSES

de son anxiété. Sa fougueuse nature le porta d'abord à préférer les premiers, et ce n'est qu'à la longue que son instinct, si sur lorsqu'il avait le temps de s'exercer, lui conseilla d'adopter celui qui offrait évidemment le plus de ressources pittoresques. L'intéressante esquisse qui appar- tient à M. Henri Chenavard, et qui a été gravée % reproduit la révolte des matelots contre les offi- cîBrs. C'est une composition dramatique pleine de mouvement et de vigueur, et qui, autant qu'on en peut juger d'après un projet aussi peu arrêté, aurait fourni un ouvrage d'un effet très-émou- vant. Il existe aussi un superbe dessin à la pierre noire et à la sépia, avec la mer et le ciel à l'aqua- relle, qui représente cette scène de massacre. On l'a vu longtemps dans l'atelier d'Ary Scbeffer, et il appartient aujourd'hui à M. ïïulot ^ Géricault a

'1. A la sanguine par Louis Schaal. Je n'ai pas vu la peinture, et je dois dire que la planche a l'apparence d'un fac-similé d'après un dessin. Cependant cette gravure porte : « Fac-similé d'une esquisse, etc., » et en langage technique une esquisse est toujours un projet peint.

2. Cette composition offre une particularité remarquable :


POUR LE RADEAU DE LA MÉDUSE. 123

fait encore une esquisse très-avancée, qui offre une variante intéressante et importante ^ Elle représente la délivrance des naufragés. Le radeau n'occupe que la moitié du tableau. A l'avant, six marins debout ou agenouillés, les bras tendus ou les mains jointes, attendent avec anxiété un canot qui vient à leur secours; derrière eux, cinq autres personnages exténués se traînent avec effort ; à l'arrière, un nègre prie à côté d'un soldat impassible et d'un cadavre mutilé. Debout, adossé au mât, Gorréard parle avec un de ses compagnons, probablement le chirurgien Savigny. On aperçoit à l'horizon le brick l'Argus. On trouve dans les collections de M. Camille Marcille et de M. His de La Salle des croquis qui se rapportent à cette composition, et qui en ont sans doute été le point de départ. Je ne m'arrête pas à une foule d'autres ouvrages de la même nature qui remplissent les porte-


C'est, à ce que je crois, Je seul de ses projets pour la Mé- duse où Géricault ait introduit des figures de femmes.

4. Elle e.t restée dans la famille de Géricault et appartient à mademoiselle Clouard, à Mortain.


124 PROJETS ET ESQUISSES

feuilles des amateurs et qui donnent, soit Ten- semble, soit quelques détails, quelques figures séparées de ces premiers essais. Il me suffit de les signaler pour indiquer la longue route que Géricault a suivie avant d'arriver à son projet définitif.

Une fois ce projet à peu près arrêté, Géri- cault en fit deux esquisses peintes qui ont été conservées. L'une, qui appartient à M. Schickler, diffère considérablement du tableau. Le nombre des personnages est moindre : les deux matelots qui font des signaux et qui cherchent à attirer l'attention du brick sont debout sur le plancher du radeau. C'est le germe de la composition définitive. Elle existe déjà; mais elle a besoin d'être développée et complétée. L'autre, la seconde esquisse qu'il peignit, d'après les ren- seignements très-précis que donnent MM. Mont- fort et Jamar, est presque identique, à l'égard des grands traits, tout au moins, au tableau du Louvre. Géricault avait eu d'abord l'intention de faire de cette ébauche un ouvrage terminé. 11 avait dessiné ses figures à la plume, sur la


m ♦


POUR LE RADEAU DE LA MÉDUSE. 125

toile, d'une manière très-arrêtée ; après avoir couvert tout l'entourage, il avait exécuté le groupe du père qui a le cadavre de son fils étendu sur ses genoux, au premier plan à gauche, puis Savigny ainsi que l'homme debout sur le tonneau et celui qui le soutient. Il n'ac- complit pas son dessein, et les autres figures restèrent tracées à la plume et ombrées au bitume seulement. Cette intéressante esquisse a appartenu à M. Jamar, et plus tard à M'"^ la duchesse de Montebello : elle est aujourd'hui l'une des pièces les plus précieuses du cabi- net de M. Moreau. En dehors de ces croquis, dessins d'ensemble, esquisses peintes, Géricault entreprit encore, sur une toile de deux mètres environ, une répétition en moyenne dimension du projet tel qu'il était indiqué dans la dernière esquisse. Après avoir arrêté son trait avec une grande précision, suivant son habitude, il peignit d'après nature deux ou trois figures très-achevées ; mais il abandonna bientôt ce travail. M. Montfort lui en demanda la raison. « Si je le continuais, répondit-il, j'épuiserais


I26 • PROJETS ET ESQUISSES

ma verve et je ne pourrais plus faire le ta- bleau. » Je n'ai jamais vu cette toile, et tout porte à croire qu'elle aura été détruite.

Un fait bien digne de remarque et qui prouve une fois de plus combien Géricault, qui exécu- tait avec une rapidité et une siireté qui tiennent du prodige, mettait de temps, employait d'ef- forts à formuler d'une manière complète sa pensée pittoresque, c'est que dans les deux esquisses que j'ai signalées, le personnage en- veloppé d'une draperie qui se trouve à la droite de la composition n'est pas même indiquée Bien plus, Géricault conduisit jusqu'au bout son tableau, sans s'apercevoir de cette énorme


1. On peut être certain que toutes les esquisses de la Méduse où se trouve cette figure sont des faux ou des copies. L'une de ces copies a cependant un véritable inté- rêt, parce qu'elle a été faite sous les yeux de Géricault : c'est celle de M. Lehoux, qui servit pour la gravure de Reynolds. Géricault avait chargé aussi M. Montfort de faire une autre copie d'après l'esquisse qui appartient aujourd'hui à M. Schickler. Il avait l'intention de l'offrir comme un souvenir à M. Gorréard. Cet ouvrage, qui était à peine terminé au moment de la mort de Géricault, est resté entre les mains de M. Montfort.


« 


POUR LE RADEAU DE LA MÉDUSE. 127

lacune 1. Cette figure, d'une importance capi- tale, l'une des plus nécessaires de l'ensemble, ne fut ajoutée qu'au dernier moment, dans le foyer du Théâtre-Italien. C'est à peine croyable, mais les témoignages des contemporains sont unanimes sur ce point.


]. Je dois dire cependant qu'antérieurement aux esquisses pour son projet définitif, Géricault avait eu l'idée de cette figure. Elle se trouve indiquée en effet, sans modifications très-importantes, dans les beaux dessins appartenant à MM. Hulot, Lamme et Duquesne, qui représentent la révolte des matelots contre les officiers et les naufragés arrivés au dernier degré de la misère et s'entre-dévorant.


VIII.


LE RADEAU DE LA MEDUSE

ÉTUDES PRÉLIMINAIRES. — GÉRICAULT DANS SON ATELIER

DÉTAILS DIVERS


Géricault employa le printemps et l'été de 1818 à compléter ses informations et ses études. Avec ce besoin d'exactitude qui est l'un des traits caractéristiques de notre temps, et qui était plus accusé chez lui que chez personne, il dressa le procès-verbal de cette affaire avec l'âpreté, la persistance et la minutie qu'y met- trait un juge d'instruction. Il rassembla un véritable dossier bourré de pièces authentiques, de documents de toute sorte. Il s'était beaucoup

9


130 LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

lié avec IIM. Gorréard et Savigny, les princi- paux survivants parmi les acteurs de ce drame dont il se faisait raconter toutes les navrantes et horribles péripéties. Il fit d'après eux plusieurs études qui lui servirent pour son tableau. Tout l'intéressait ; il voulait tout savoir. Il avait re- trouvé le charpentier de la Méduse ^ qui était l'une des quinze personnes échappées au désastre, et il lui avait fait faire un petit modèle du radeau qui reproduisait tous les détails de la charpente avec la plus scrupuleuse exactitude, et sur lequel il avait disposé des maquettes de cire. Il l'avait dessiné à part, et M. Camille Marcille conserve un de ces curieux croquis. Comme son ateher de la rue des Martyrs était trop petit pour qu'il pût songer à y exécuter son tableau, il en avait loué un autre de très-vastes dimensions dans le haut du faubourg du Roule ; il était ainsi à deux pas de l'hôpital Beaujon. C'est là qu'il allait suivre avec une ardente curiosité toutes les phases de la souffrance, depuis les premières atteintes jusqu'à l'agonie et les traces qu'elle imprime sur le corps hu-


ÉTUDES PRÉLIMINAIRES. 131

main. Il y trouvait des modèles qui n'avaient pas besoin de se grimer pour lui montrer toutes les nuances de la douleur physique, de l'angoisse morale : les ravages de la maladie et les terreurs de la mort. Il s'était arrangé avec les internes et les infirmiers, qui lui fournissaient des ca- davres et des membres coupés. C'est à cette époque qu'il fit cette tête de voleur mort à Bicêtre et qu'on lui avait apportée S ainsi que la magnifique étude représentant deux jambes vues par les pieds avec un bras jusqu'à la cla- vicule que possède M. Glaye, et qui est sans doute un des plus beaux morceaux de peinture qu'il ait exécutés 2. Pendant quelques mois son atelier fut une manière de morgue ; il y garda,

4. Un peu plus tôt peut-être, car il l'exécuta à son atelier de la rue des Martyrs. Il garda son modèle quinze jours sur le toit. Il se servit de cette étude en la retournant pour la tête du personnage couché à gauche du radeau. Il y a sur la même toile une tête de jeune fille : c'est celle d'une petite bossue qui posait dans les ateliers. On connaît cet ouvrage sous le titre des Suppliciés. Il appartient à M. Eu- gène Giraud.

2. M. Lehoux possède une répétition presque identique de cette étude, mais peinte à la lumière de la lampe.


132 LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

assure-t-on, des cadavres jusqu'à ce qu'ils fussent à moitié décomposés ; il s'obstinait à travailler dans ce charnier, dont ses amis les^ plus dévoués et les plus intrépides modèles ne bravaient qu'à grand'peine et pour un moment l'infection. Il fit aussi à part, et avant de com- mencer sa grande toile, quelques études pour les personnages vivants de son tableau, entre autres celle du nègre vu de dos que possède M. Lehoux. Il était en quête de modèles, en cherchait par- tout et était tout à fait content lorsqu'il en trou- vait d'affreux; son ami M. Lebrun raconte, à cette occasion, une anecdote qui mérite d'être rapportée. Elle montre Géricault à l'œuvre; c'est l'ardent artiste pris sur le fait et peint lui- même d'après nature.

« A l'époque, dit M. Lebrun, où il peignait son tableau, j'eus une jaunisse qui dura long- temps et qui fut très-intense. Après quarante jours de souffrances et d'ennuis, je me décidai à quitter Paris et à aller à Sèvres pour y être seul et attendre ma guérison, qui n'était plus qu'une affaire de temps. J'eus bien de la peine


ÉTUDES PRÉLIMINAIRES. 133

à trouver un gîte ; ma figure cadavéreuse ef- frayait tous les aubergistes, aucun ne voulait me voir mourir chez lui. Je fus obligé de m'a- dresser à un logeur de roulage qui eut pitié de moi... J'étais chez lui depuis huit jours, lors- qu'une après-midi, m' amusant sur le port à examiner les passants, je vois venir Géricault avec un de ses amis. Il me regarde, ne me reconnaît pas d'abord, entre dans l'auberge sous prétexte de prendre un petit verre, me considère avec attention, puis tout à coup me reconnaissant, court à moi et me saisit le bras : u Ah ! mon ami ! que vous êtes beau ! » s'écrie- t-il. Je faisais peur, les enfants fuyaient, me prenant pour un mort ; mais j'étais beau pour le peintre qui cherchait partout de la couleur de mourant ; il me pressa d'aller chez lui poser pour la Méduse. J'étais encore trop souffrant et j'éprouvais tellement cet ennui qui accable les hommes frappés du mal dont j'étais atteint, que je ne pus m'y décider. « Faites mieux, dis-je à Géricault, venez ici, apportez des toiles, des brosses , des couleurs ; venez faire des études,


134 LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

passez huit jours avec moi ; pendant ce temps je me rétablirai, et alors j'irai à votre atelier, ma couleur sera plus vraie encore ; elle ne s'efface que lentement, et pendant plus d'un mois je pourrai vous servir de modèle. » Géri- cault vint en effet à Sèvres passer quelques jours avec M. Lebrun. Il fit d'après lui plusieurs têtes, celle entre autres du père qui tient son fils mourant sur ses genoux. Il peignit aussi pour son ami, sur un petit bout de toile, ce qu'on voyait de la maison du parc de Saint- Gloud, le pavillon de Breteuil avec les toits et la rue. Cette esquisse fut enlevée en une demi- heure ^ « Il la terminait, ajoute M. Lebrun, quand une diligence vint à passer. Géricault ouvre à l'instant la fenêtre, et le voilà dans l'ad- miration. Les chevaux montaient la butte au grand trot. Il s'extasie, il n'a pas assez d'yeux pour voir, et, quand il ne voit plus la voiture, il faut qu'il la peigne ; mais il n'a plus de toile Gomment faire? La chambre où oous

4. Batissier, Géricault,^. 10.


ÉTUDES PRÉLIMINAIRES. 135

étions avait une alcôve, et de chaque côté une porte vitrée ; au-dessus de chacune des portes, un châssis peint comme le reste de la boiserie, en rouge d'acajou. Ce fond plut à Géricault. Il dessine à la hâte la diligence et son postillon ; mais il avait usé la plupart de ses couleurs, il n'a plus C|ue du jaune. Il court chez l'épicier, achète tout ce qu'il trouve de stil-de-grain ciu'il écrase avec son couteau à palette, et le voilà peignant pendant deux heures, monté sur une chaise. Il voulait rendre tout ce qu'il avait vu; il essaya môme de rendre les roues tournant vite, les rayons confus, se rapprochant par la rapidité du mouvement et ne représentant plus qu'une suite non interrompue de traits brillants. L'effet était assez bien saisi ; mais, dans la viva- cité de son exécution, il se trompa, et comme il avait vu le postillon de son côté, il le mit sur le cheval du premier plan, c'est-à-dire à droite^... A mon retour à Paris, j'allai plusieurs fois chez Géricault. Dans une séance, je le vis improviser

1. C'est la superbe pochade connue sous le nom de la Diligence de Sèvres.


136 LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

avec une vivacité qui n'appartenait qu'à son pinceau cette belle chevelure d'une tête ren- versée qu'on voit au milieu de son tableau. Il était mécontent de celle qu'il avait faite d'abord; il la gratta et la repeignit en moins d'une demi- heure. Je regardais sa tête à lui pendant qu'il travaillait ; il ne disait mot et était comme ab- sorbé, il semblait copier une chevelure réelle qu'il voyait. Quand elle fut finie, il n'y retoucha jamais ^ »

Vers le commencement de l'hiver, au mois de novembre me semble- t-il, Géricault ayant en- tièrement terminé ses esquisses et ses études préparatoires 5 et même déjà tracé au carreau sa composition sur la grande toile, se retira dans son nouvel atelier du faubourg du Roule, où il resta, tout le temps que dura l'exécution de son tableau, dans une solitude presque absolue. Il s'était résolu à cet exil, non-seulement parce qu'il avait besoin d'un espace qu'il ne trouvait pas dans l'atelier de la rue des Martyrs, mais

4. Lettre de M. Lebrun à M. Feuillet de Conches.


GERICAULT DANS SON ATELIER. 137

surtout pour être plus loin du monde, et pour se mettre dans T impossibilité de succomber aux tentations auxquelles il ne savait guère résister. Il n'admettait dans son intérieur qu'un petit nombre de personnes; son ami intime M. De- dreux-Dorcy, son élève M. Jamar, ses deux jeunes disciples MM. Montfort et Lehoux, ainsi que MM. Robert-Fleury et Steuben. Il couchait avec M. Jamar dans une chambre attenante h l'atelier, ne sortait même pas pour prendre ses repas qu'il se faisait apporter du dehors ou que lui préparait la vieille portière de la maison, la mère Doucet, dont il fit à cette même époque un très-beau portrait. Il ne quitta pour ainsi dire sa retraite qu'une fois pour faire une rapide excursion au Havre, afin d'y étudier le ciel de son tableau. C'est cette extrême assiduité et sa rare facilité de travail qui expliquent ce fait presque incroyable, qu'il ait pu terminer dans l'espace de sept ou huit mois au plus cet immense travail. Du reste, tous ses matériaux étaient préparés. Il avait longuement cherché Teffet et la disposition de son tableau dans ses


138 LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

esquisses, il possédait une ample provision de croquis faits à la plume et massés pour ses groupes et pour ses figures. Sa manière de pro- céder était celle de l'école de David. Ses des- sins au trait et où les détails principaux étaient à peine indiqués, lui donnaient le type, le mouve- ment de ses personnages. Il partait de là et peignait directement d'après le vif, et en général au premier coup. Il ne faisait rien sans la nature, et à ceux de ses amis qui s'étonnaient qu'un artiste de son savoir eût de tels scrupules, il ré- pondait que pour rien au monde il n'agirait autrement. M. Montfort, qui l'a beaucoup vu pendant cet hiver de 1818 à 1819, a bien voulu me donner sur sa manière de travailler et sur ses habitudes des détails précieux que je trans- cris textuellement: « Assez heureux, me dit-il, pour avoir été admis à copier quelques études dans l'atelier de M. Géricault, durant l'exécu- tion de son tableau, je fus frappé tout d'abord de l'ardeur qu'il apportait à son travail et aussi du calme et de la réflexion dont il avait besoin. Il se mettait en général à l'ouvrage aussitôt que


GÉRICAULT DANS SON ATELIER. 13D

le jour le lui permettait et travaillait sans dé- semparer jusqu'à la nuit close. Il était du reste souvent forcé d'agir ainsi par l'importance du morceau qu'il avait commencé le matin , et qu'il fallait terminer dans la journée. Cette obli- gation était plus impérieuse pour lui que pour tout autre, car, employant pour peindre une huile grasse des plus siccatives, il n'aurait pu reprendre le lendemain le travail de la veille. Quelques personnes ont pensé que les craque- lures survenues dans sa peinture sont dues à l'emploi de cette huile extrasiccative. 11 n'en est rien suivant moi, et je pense qu'elles furent causées par le vernis qu'on apposa sur le tableau lorsqu'il était à peine terminé. Très-peu de temps après l'exposition, on le roula pour le transpor- ter en Angleterre et il a certainement beaucoup souffert de cette opération. Quoi qu'il en soit, je fus très- vivement impressionné du soin qu'ap- portait M. Géricault à son travail. Tout jeune encore (je n'avais que dix-sept ans), il m'était souvent difficile de rester plusieurs heures de suite sans me lever et sans faire ainsi bien in-


140 LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

volontairement un peu de bruit avec ma chaise ; j'avais alors comme un pressentiment que ce léger bruit, au milieu du silence absolu qui régnait dans l'atelier, devait avoir importuné M. Géricault ; je tournais les yeux vers la table, où, debout pour arriver jusqu'à la hauteur de ses figures, il travaillait sans prononcer une parole ; il me souriait doucement avec une ex- pression de léger reproche, m'assurant que le bruit d'une souris suffirait pour l'empêcher de peindre^

« Sa manière de procéder, toute nouvelle pour moi, ne m' étonnait pas moins, d'ailleurs, que sa profonde assiduité. Il peignait au premier coup sur la toile blanche sans aucune ébauche ou préparation quelconque en dehors du trait bien arrêté, et la solidité de l'ouvrage n'en était pas moindre. J'observais aussi avec quelle intensité d'attention il fixait le modèle avant de toucher la toile, paraissant aller lentement quand, par le fait, il exécutait très-vite, posant de suite chaque

]. Il craignait tant le bruit, qu'il avait forcé M. Jamar à mettre des pantoufles.


GÉRICAULT DANS SON ATELIER. 141

touche à sa place et n'ayant que rarement be- soin de revenir ^ Nul mouvement, d'ailleurs, soit du corps, soit des bras; il avait l'air parfai- tement calme, et une légère coloration du visage indiquait seule la préoccupation de son esprit. Aussi, témoin de ce calme extérieur, était-on d'autant plus surpris de la verve et de l'énergie de son exécution. Quelle saillie! surtout lors- qu'une partie n'était encore que préparée; cela ressemblait à un fragment de sculpture à l'état d'ébauche. A voir cette peinture si large , on pourrait croire que Géricault se servait de très- grosses brosses; il n'en était rien pourtant : elles étaient petites, comparées à celles employées par divers artistes que j'avais déjà connus , et il est facile de s'en convaincre à l'aspect de plusieurs figures de son tableau entièrement peintes par hachures"".


1 . Gros disait à ses élèves : Posez, laissez ^ c'est-à-diro laissez à la touche toute sa verdeur. C'était aussi la méthode de Géricault. Il plaçait son ombre, sa demi-teinte et sa lumière, et c'était fini.

2. Une note de M. Jamar me permet d'indiquer les cou- leurs que Géricault employait et la manière dont il les clas-


142 LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

« Le soir venu, Géricault laissait sa palette et profitait encore des dernières lueurs du jour pour contempler son travail. C'est alors qu'assis près du poêle, les regards vers la toile, il nous parlait de ses espérances ou de ses mécomptes. Généra- lement il était peu satisfait ; mais parfois , pour- tant, il croyait avoir trouvé le moyen de modeler, c'est-à-dire de donner un relief convenable à ses figures, et il semblait content. Le lendemain, après une journée aussi bien employée C[ue celle de la veille, il nous avouait qu'il n'était pas sur la voie et qu'il devait faire de nouveaux efforts. Un jour, entre autres, il était allé voir les tableaux de David, les Sabines et le Léonidas; il revint découragé. Ce qu'il faisait lui paraissait rondj, et, me citant les jeunes gens qui courent pour dé- tacher leurs boucliers à la droite du Léonidas :


sait. Elles étaient rangées sur sa palette dans l'ordre suivant: vermillon, blanc, jaune de Naples, ocre jaune, terre d'Italie, ocre de Brie, terre de Sienne naturelle, brun rouge, terre de Sienne brûlée, laque ordinaire, bleu de Prusse, noir de pêche, noir d'ivoire, terre de Cassel, bitume. 11 travail- lait avec une très-grande propreté, gardant les tons séparés sur la palette, qui le soir paraissait à peine avoir servi.


DÉTAILS DIVERS. 143

— A la bonne heure, disait-il, voilà de fameuses figures! — et il détournait les yeux de son tableau. »

En général, Géricault se servait de modèles de profession. Quelques-unes des figures de la Méduse sont cependant des portraits. M. Cor- réard a posé pour le personnage qui tend les bras vers l'Argus; M. Savigny pour celui placé im- médiatement au pied du mât ; M. Jamar pour la figure qui se trouve entre M. Savigny et le nègre, et pour le jeune homme du groupe du premier plan; Eugène Delacroix pour la figure re- pliée sur elle-même , les bras pendants et la tête appuyée au radeau; M. Dastier, officier d'état-major, pour l'homme vu de dos tout à la droite du radeau; quant au nègre qui fait des signaux , c'est Joseph , un modèle bien connu dans les ateliers, il n'y a pas à s'y tromper; l'une des têtes du second plan a été faite d'après celle du charpentier de la Méduse; enfin, c'est le modèle Gerfard qui a servi pour le person- nage étendu tout à la gauche de la composition. Lorsque la Méduse fut à peu près terminée, Géri-


144 LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

cault devint très-anxieux. En élève respectueux plutôt que soumis, il alla faire une visite à Gué- rin et le prier devenir voir son ouvrage. L'auteur du Mardis Sextus ne se fit pas prier; Géricault était seul avec M. Jamar. Guérin resta près d'une heure, loua, blâma, parla beaucoup de la ligne et, en somme, ne se montra pas mécontent. Gé- ricault le reconduisit avec force cérémonies , et lorsqu'il fut rentré et qu'il eut soigneusement fermé la porte , il se mit à gambader par l'ate- lier, tenant toujours sa grande palette et son ap- pui-main, et disant à son élève : « Jamar , c'est comme vous et moi : c'est lui qui est mon maître, moi je suis le rapin. » M. Jamar voulut discuter les critiques de Guérin. Géricault répondit qu'il avait bien parlé et qu'il saurait profiter de ses observations.

Vers le mois de juillet, on transporta la toile au foyer du Théâtre-Italien (salle Favart) où se faisait exceptionnellement l'exposition de cette année. C'est là, dans un autre milieu , dans un autre jour, que Géricault s'aperçut avec stupeur que le coin droit de sa composition était absolu-


DÉTAILS DIVERS. 145

ment vide. Il ne perdit pas la tête, s'installa dans le foyer du théâtre . prit pour modèle un de ses amis, M. Martigny et, en quelques jours, impro- visa l'admirable et pathétique figure couverte d'une draperie blanche qui termine et complète si heureusement ce magnifique ouvrage.


10


IX.


LE RADFAD DE LA MEDDSE A L EXPOSITION. DESCRIPTION ET JUGEMENT.


Dès l'ouverture de l'exposition S l'impression générale fut mauvaise. Les ennemis du jeune ré- formateur triomphaient. Ses amis eux-mêmes éprouvèrent un vif désappointement ; ils ne re- connaissaient pas l'œuvre superbe qui , dans l'atelier, avait exalté leurs espérances et excité à un si haut degré leur admiration. La faute était à Géricault. Il avait obtenu, comme d'autres ar-

i. Elle commença cette année 1819 le 25 août, jour de la Saint-Louis.


148 LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

listes, d'entrer à l'avance pour juger de l'effet de son tableau, pour le vernir et pour présider aux derniers arrangements. Il l'avait trouvé placé trop bas. On lui accorda le changement qu'il de- mandait et on le mit dans le grand salon , au- dessus de la porte de la galerie. « Une fois la place déterminée, disait-iJ plus tard, je restai là et j'assistai tout anxieux à l'opération. Quel ne fut pas mon chagrin et mon regret, lorsqu'à me- sure qu'on élevait le tableau, je vis mes figures diminuer de moment en moment et, à la fin , ne plus m' apparaître que comme de petits bons- hommes. Il n'y avait plus à revenir; il fallut en prendre son parti. » Cependant, lors du rema- niement, vers le milieu de la durée de l'exposi- tion, M. Dorcy obtint, à force de démarches, qu'on le remît à la place qu'il occupait d'abord dans la galerie, à hauteur d'appui. Mais l'effet était manqué, le succès compromis, et il a fallu bien des années pour ramener la généralité du public à une plus juste appréciation.

Cependant, malgré ce hasard malheureux, malgré l'opposition systématique de l'école, qui


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gratifiait d'un égal dédain Ingres^ et Géricault, nous sommes étonnés, aujourd'hui, qu'une mino- rité un peu considérable au moins n'ait pas dis- cerné les grandes et évidentes qualités de l'œuvre nouvelle. Le sujet qu'avait choisi Géricault était fait pour frapper vivement. Il fournissait d'admi- rables éléments dramatiques et pittoresques, et il est incroyable qu'on ait méconnu l'art avec le- quel le peintre en avait tiré parti , l'habileté qu'il avait mise à en éviter les écueils. Il faudrait étu- dier en détail, groupe par groupe, figure par figure, cette composition magistrale, conçue d'une manière si large, exécutée d'une main si puis- sante et si sûre. Elle est dans toutes les mé- moires; nous nous bornerons à en indiquer les traits principaux.

Le théâtre est un radeau formé de poutres mal jointes, qui se présente de biais, l'angle droit en avant et coupé par le cadre. La mer est houleuse; le ciel, éclairé à T horizon, est chargé, dans le haut et à gauche, de lourdes nuées qui présagent

i\. hd. Grande Odalisque parut aussi à cette exposition. Elle n'eut guère plus de succès que la Méduse.


150 LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

encore des jours mauvais. C'est là, dans cet étroit espace, que s'est passé le drame horrible. Vingt hommes restent encore sur le radeau; mais cinq d'entre eux sont morts ou sur le point d'expirer de misère et de faim. Un premier groupe, à l'angle droit du tableau, du côté de la haute mer, est formé de trois personnages : un matelot et un mulâtre, montés sur des caisses et des tonneaux, s'efforcent d'attirer, par leurs signaux, l'atten- tion du brick F Argus j, que l'on aperçoit dans la partie éclairée de la mer à l'horizon ; un autre matelot saisit le mulâtre à bras-le-corps soit pour le soutenir soit pour se hisser auprès de lui. Ce premier groupe est complété , à droite , par un matelot affaibli qui, appuyé d'une main sur le bord du radeau, tente de se relever, mais dont les mouvements sont entravés par un cadavre appuyé sur la partie inférieure de son corps ; à gauche, par trois malheureux, parmi lesquels se trouve l'aspirant de marine Goudin , qui re- gardent avidement vers le point où paraît le na- vire et se traînent vers ceux de leurs compagnons qui le hèlent. A gauche du premier groupe et


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un peu plus loin du spectateur, se tiennent quatre personnages, debout près du mât, dans l'ombre de la voile et d'une tente à demi dé- truite, au milieu desquels on distingue Gor- réard , qui , le bras étendu , montre le brick au chirurgien Savigny . Près d'eux , un infortuné, qui paraît privé de raison, regarde en ricanant l'étendue d'un air hébété ; un autre , plus en ar- rière, tient sa tête dans ses deux mains. Le troi- sième groupe forme le premier plan du tableau et résume les misères de cette scène effroyable. Un père tient son fils mourant couché sur ses ge- noux ; il appuie sa tête sur l'une de ses mains et tient l'autre sur le cœur de son enfant. A sa droite et à sa gauche sont deux cadavres; l'un, replié sur lui-même, la tête en avant appuyée sur le bord du radeau; l'autre, dont on ne voit que le torse, le bras et la tête, étendu roide en travers. Tout à la droite du tableau et également au pre- mier plan, un troisième cadavre, le haut du corps entièrement enveloppé d'une draperie blanche, est retenu sur le radeau par sa jambe droite cris- pée qui étreint une des poutres de la charpente.


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Tel est le squelette du tableau ; mais les pa- roles sont bien impuissantes pour peindre l'aspect de ce pathétique ouvrage. Par un artifice des plus favorables à l'expression dramatique, Géri- cauît a fait venir sa lumière de la gauche, pres- que du fond de la toile, de manière à obtenir de fortes ombres et par conséquent des reliefs puis- sants. Ce parti pris, employé sans discernement, ne serait pas sans danger : il conduit facilement à la vulgarité. Aussi les peintres anciens, qui cherchaient avant tout l'élégance et la pureté des formes, la noblesse, la distinction, ne s'en sont-ils pas servis. Il ne conviendrait pas aux motifs qu'ils traitaient d'ordinaire, aux sujets religieux en particulier. Toute la partie centrale de la vaste composition se détache ainsi sur les masses obscures de nuages tout à la gauche du tableau, sur le groupe de figures debout à r ombre de la voile et sur celles qui font des si- gnaux au navire. Avec une habileté consommée, Géricault, en faisant glisser un rayon sur le dos du nègre qui domine la scène, sur le bras étendu et sur l'épaule de Gorréard , relie ces groupes à


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la partie centrale et aux premiers plans du ta- bleau. Cette distribution de la lumière, si natu- relle et au point de vue pittoresque si judicieuse, a permis au peintre non-seulement d'obtenir ces reliefs énergiques, ces formes nettement et forte- ment accusées qu'il recherchait , mais aussi une grande concentration de Teffet, une parfaite unité dans l'ensemble. C'est un procédé de coloriste et tout moderne. L'exécution proprement dite, si admirable chez Géricault dès le début , est ar- rivée dans la Méduse h toute sa perfection. C'est là qu'il faut voir dans tout son éclat non-seule- ment son grand sentiment de la composition, son dessin personnel et grandiose , mais sa couleur large et pleine, plus libre, plus variée plus souple que dans ses premiers ouvrages. La mer d'un ton lugubre , le ciel d'une invention si originale , si frappante, sont superbes, et on peut dire qu'ils ont plus qu'une beauté physique : ils complètent la scène et ajoutent puissamment à l'effet drama- tique. La coloration ne sort pour ainsi dire pas d'une gamme qui va du blanc au noir. C'est à peine si l'on aperçoit quelques rouges, quelques


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verts, quelques bleus assourdis, étouffés, perdus dans l'harmonie sombre et monochrome de l'en- semble. Les coloristes vénitiens et Rubens s'y prenaient autrement : ils rapprochaient des cou- leurs vives qui s'unissaient et se complétaient dans des contrastes violents. A cet égard, Géri- cault appartient plutôt à la famille des Rem- brandt et des Claude, qui n'ont guère employé que des tons analogues. Chez lui, c'est la lumière plus que la couleur qui joue le rôle important. C'est un harmoniste, et si le mot n'était pas tout à fait barbare, je dirais un clair-obscuriste. Il se préoccupe des valeurs plus que des tons ; il cherche l'effet dans l'ensemble , l'aspect des figures baignant dans l'atmosphère, le modelé puissant , l'épaisseur de la forme, le dessin non- seulement dans le trait extérieur, dans la sil- houette, mais dans et par le relief. Les jeux pi- quants des couleurs éclatantes et contrastées ne le touchaient nullement. Partant de là, on a voulu en faire un disciple, un continuateur, presque un imitateur de Michel-Ange de Caravage, des Bo- lonais et même de Jouvenet. Les rapports qu'il


DESCRIPTION ET JUGEMENT. 155

a sans doute avec ces peintres sont tout extérieurs et méritent à peine d'être remarqués. Comme eux, il emploie des ombres puissantes qu'il exa- gère même souvent pour marquer l'épaisseur, faire saillir la forme, dessiner le relief. Poursui- vant le même but, il use des mêmes moyens. Mais là s'arrête la ressemblance. Son dessin est autre- ment personnel, savant, précis que le leur, son modelé bien plus souple et plus puissant. Ils s'en tenaient à l'apparence, lui possède la réalité.

La composition n'est pas moins remarquable que la couleur. En l'ordonnant de la manière la plus large, la plus originale, la plus pittoresque, Géricault a fait d'un sujet qui touche au genre un ouvrage de haute portée et du plus grand style, et il serait difficile d'imaginer un ensemble mieux conçu, mieux lié, plus savamment pondéré et conduit avec plus de siireté jusqu'au bout. Sous le rapport de l'expression, c'est un ouvrage vi- vant, diversifié, ou chaque figure exprime forte- ment dans sa pantomime, dans sa physionomie, des sentiments déterminés et qui rentrent dans la situation, de sorte que l'harmonie linéaire et


156 LE RADEAU DE LA MEDUSE.

l'harmonie morale se confirment et se complè- tent mutuellement. Géricault a su, d'ailleurs, avec un tact admirable, tempérer par un senti- ment d'espérance qui renaît chez la plupart de ces malheureux l'impression d'horreur que ce motif traité par un naturaliste vulgaire n'eût pas manqué d'inspirer. L'âme du spectateur se trouve soulagée. Il entrevoit avec les naufragés la fin de tant de misères. Le dessin hardi, large, précis, très-voulu, très -cherché, est toujours savant et quelquefois d'une grande élégance. Il ne faut pas comparer : ce n'est pas le dessin de Phidias, ce n'est pas celui de Raphaël; c'est celui de Gé- ricault. Notre peintre français avait un senti- ment très-personnel et très-élevé de la forme. Il la comprenait à sa manière. Il sera classique à son tour; attendons. Mais je crois que sans cou- rir risque de se faire lapider, on peut dès aujour- d'hui, signaler comme des morceaux accomplis le corps de l'adolescent étendu sur les genoux de son père, d'un galbe si élégant, d'une si magni- fique couleur; le personnage qui se trouve à côté, la tête appuyée au radeau, le cadavre en-


DESCRIPTION ET JUGEMENT. 157

veloppé d'une draperie blanche dont la forme rigide est si savamment indiquée , et par-dessus tout le torse et la tête du jeune homme accroupi qui tenie de se relever en se prenant à l'épaule et au bras de l'un de ses compagnons. Par la beauté du type et du modelé souple et puissant, c'est à Michel-Ange que cette admirable figure fait penser. Cependant ici, comme dans les œu- vres les plus parfaites, on pourrait relever bien des erreurs et des imperfections, et le dessin si grandiose n'est pas toujours châtié, témoin le bras plat qui s'appuie sur le bord du radeau, au premier plan. On trouverait aussi dans cet admi- rable ouvrage quelques réminiscences, quelques traces d'académisme. Géricault était de son temps, et ses contemporains ont agi sur lui. Il tramait encore des lisières dont il se serait de plus en plus débarrassé. La figure du vieillard, par exemple, est belle, mais ne lui appartient pas. Elle se trouve presque littéralement dans les Pesti- férés de Jaffa de Gros, et elle n'est pas sans quelque rapport avec le Marcus Sexlus de Gué- rin. C'est une de ces figures qu'on se passait de


158 LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

main en main dans l'école et qu'il a héritée de son maître. Quelques-uns des personnages posent trop visiblement. On sent que l'artiste a étendu complaisamment et savamment le modèle du jeune homme au premier plan, de manière à faire valoir toutes les beautés de ce corps charmant et superbe; les lignes élégantes, les fines attaches, le torse dont le mouvement fait saillir la juvénile et noble structure. Le nègre , qui fait des si- gnaux, tord son dos pour développer un mouve- ment pittoresque et pour montrer sa musculature puissante. Mais le moyen de résister à la ten- tation d'étaler un peu son goût et son savoir ! Michel-Ange n'en a-t-il pas fait autant!

Cependant il y a autre chose dans ce tableau que les grandes qualités de composition et de facture que j'ai signalées. D'autres peintres ont possédé une imagination aussi riche, ont dessiné d'une manière aussi magistrale, ont exécuté avec autant de souplesse et de précision. Mais cette œuvre marque en outre une transformation dans l'art, elle exprime avec plus d'éclat qu'aucune autre un point de vue nouveau. Je m'explique : l'art sans


DESCRIPTION ET JUGEMENT. 159

doute ne change pas dans ses éléments essentiels ; dans tous les temps, il s'est efforcé d'exprimer au moyen des formes extérieures, par l'imitation de la nature , le sentiment intime de l'artiste , son rêve, son idéal. A cet égard il est immuable; mais l'idéal lui-même se modifie, les préoccupa- tions changent, et l'art subit les fluctuations de l'esprit humain. On peut dire qu'il a fourni déjà deux grandes étapes: l'une, qui va jusqu'à la fin du monde grec ; l'autre, qui comprend la renais- sance italienne. L'antiquité a vu la forme en elle- même. Sa conception si vraie, si vivante, si hu- maine, a pourtant quelque chose de général et d'abstrait. Voyez une scène de combat ou une représentation funèbre sur un vase peint ou dans le bas-relief d'un sarcophage. Les coups qu'on se porte là, pour furieux qu'ils soient, ne blessent pas à mort; les gestes désolés de ces figures éplorées ne nous touchent guère ; ce sont pré- textes à développer les beautés exquises de ces corps divins. Maïs sous l'empire des croyances religieuses, des idées philosophiques nouvelles, d'un travail intérieur dont les symptômes sont


ICO LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

plus évidents que les causes, la renaissance a introduit dans l'art des éléments que l'antiquité avait laissés dans l'ombre : un sentiment plus individuel, quelque chose de plus précis, de mieux défini, une empreinte plus marquée de l'esprit et de l'âme. Quoique nous appartenions en plein à cette phase du développement géné- ral , notre temps a fait un pas de plus. Nous avons ajouté l'émotion, l'accent pathétique, le reflet d'une vie morale plus intime, plus intense, plus agissante, d'une sensibilité plus aiguë et maladive peut-être; c'est le résultat d'une tour- nure toute moderne des esprits. L'art qui se tenait jadis dans les régions sereines, dans ces espaces éthérés où habitent les dieux, où la douleur elle-même n'a point d'aiguillon, où les larmes coulent comme des gouttes de rosée sur les pétales d'une fleur sans creuser de sillons, est descendu sur la terre; il s'est abaissé jusqu'à la vie commune, et il a trouvé dans des sources troublées une vigueur fiévreuse. Or, si je ne me trompe , Géricault représente avec plus d'éclat que tout autre artiste cette modification profonde


DESCRIPTION ET JUGEMENT. 161

dans la manière de comprendre l'art. Ces idées toutes nouvelles (à ce degré d'accentuation tout au moins) de pitié, de charité, de solidarité, res- pirent dans son tableau, et je ne puis le voir sans qu'un mot s'échappe de mes lèvres : humanité ! Nous souffrons avec ces malheureux; avec eux nous espérons. Géricault a fait retentir en nous î^:cho de la souffrance d' autrui, et les ouvrages qu'il méditait, la Traite des Nègres j, Y Ouver- ture des pointes de V Inquisition j, dénotent les mêmes pensées et prouvent que l'inspiration de la Méduse n'est pas un fait de hasard, mais qu'elle découle d'un sentiment profond. Cette transformation marque -t- elle un progrès? Je n'oserais le dire. Ne tend -elle pas à faire sortir l'art de la sphère désintéressée où il doit sans doute demeurer? La composition pathétique com- prise avec cette réalité ne risque- 1 -elle pas de dériver vers le mélodrame, de descendre jusqu'à ces spectacles vulgaires qui font crier les nerfs et frissonner la peau? Grâce à l'élévation de sa puissante nature et aussi à la sévère éducation qu'il avait reçue et qu'il s'était donnée, Géricault


162 LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

a pu surmonter le danger. Il n'est pas un réa- liste dans le sens grossier de ce mot; il est le peintre et il est aussi le poëte de la réalité. Mais la pente est périlleuse, et il faut bien convenir que d'autres y ont glissé.


X.


OPINIONS DE LA CRITIQUE ET DE GÉRICAULT SDR

LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

POURPARLERS RELATIFS A SON ACQUISITION.


Le public avait été sévère pour l'œuvre de Géricault; les critiques de profession ne l'accueil- lirent guère mieux, et, en parcourant les journaux du temps, on est étonné de l'injustice, de l'inin- telligence, et, tranchons le mot, de l'ineptie de leurs appréciations. Chez les uns, c'est de la co- lère; chez les autres, du dédain. M. Kératry com- mence son article sur ce magnifique ouvrage par ces inconcevables paroles : « Il me presse d'être débarrassé de ce grand tableau qui m'offusque


164 LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

quand j'entre au Salon. » M. Gault de Saint- Germain à la violence ajoute la sottise : la scène du naufrage ne lui semble remarquable que parce qu'elle fixe l'attention. Le critique du Journal des Débats ne nomme même pas le Radeau de la Méduse. Géricault avait pourtant des défenseurs et des fanatiques, mais ils étaient très-peu nom- breux et ne se trouvaient pas en général parmi ceux qui conduisent l'opinion. Les artistes eux- mêmes, que les mérites techniques de cette pein- ture auraient du frapper, ne se montrèrent ni clairvoyants ni bienveillants. Gros fait excep- tion : il disait hautement que, parmi les jeunes artistes, Géricault était celui qui avait le plus d'avenir. «Mais, ajoutait-il, après avoir vu la Méduse , il faudrait lui tirer quelques palettes de sang. » Ce mot, répété à Géricault, l'avait dé- solé. Il voulait abandonner la carrière des arts et resta, en effet, quelque temps sans s'occuper de peinture \

Cependant, au milieu des tempêtes que ce ta-

\. Batissier, Géricault, p. 15. — On a aussi attribué ce mot à Guérin.


OPINIONS DE LA CRITIQUE. 165

bleau souleva dès le premier moment, quelques juges firent entendre des paroles presque équi- tables. M. Delécluze, en particulier, s'exprime dans des termes judicieux et convenables que nous devons rapporter. « Je ne passerai certainement pas sous silence, dit-il, la première grande con- ception d'un jeune homme dont le talent, malgré ses défauts, s'annonce de manière à donner de hautes espérances. On a fait de justes reproches à M. Géricault sur la couleur uniforme qui règne dans son tableau d'une scène de naufrage. Sou- vent il se laisse entraîner trop loin par sa faci- lité. Je ne dirai pas ici ce que j'exprimai dans mes premières lettres : qu'il a trop suivi la ma- nière un peu lâche de Jouvenet. * Ces défauts, qui sont réels, joints à l'horreur qu'inspire le sujet, ont rendu injustes quelques personnes à son égard, et il y a un mérite bien remarquable dans l'ensemble de sa composition... Ce qui me pa- raît constituer le mérite principal de cet ouvrage

1. Dans une lettre précédente, M. Delécluze disait: « Il m'a semblé que la scène du naufrage était une réminiscence de la Pèche ?mracideuse de Jouvenet. »


166 LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

est l'idée vraiment forte et bien exprimée qui unit tous les personnages à Taction... Cette pro- gression de malheurs qui accablent les naufragés est rendue d'une manière peu ordinaire, et tout en regrettant que ce jeune artiste ait fait choix d'un sujet si lugubre, je ne puis m'empêcher de rendre justice au mérite d'une composition qui est comme d'un seul jet\ » C'était parler d'or, mais un article des Aiinales du Musée Landon^ exprime plus exactement l'opinion générale. C'est aussi un curieux échantillon du ton de la critique à cette époque. « Ce tableau , dit l'auteur ano- nyme, n'est indiqué dans la notice de l'expo- sition que comme une scène de naufrage; mais il était depuis longtemps annoncé comme un épi- sode du naufrage de la Méduse, Nous ignorons pourquoi son véritable titre, le seul qui pût lui donner de l'intérêt, a été supprimé ^ On s'atten-

\. Le Lycée, par Charles Loison, 1819.

2. Annales du Musée Landon, 4 819.

3, Ceci est peut-être une malice de l'auteur de l'article. Le gouvernement de la Restauration n'aurait sans doute pas admis qu'un livret publié par ses soins contînt la désignation précise du bâtiment dont il avait lui-même


OPINIONS DE LA CRITIQUE. 167

dait à la représentation d'une infortune réelle, on est peu touché d'un malheur imaginaire.

« On ne peut nier que la peinture de

cet accident désastreux ne soit digne d'exciter vivement la compassion; mais c'est une scène particulière 5 et l'on peut s'étonner que pour en retracer le souvenir, le peintre ait employé ce cadre immense et ces dimensions colossales qui semblent réservés pour la représentation des évé- nements d'un intérêt général, tels qu'une fête nationale, une grande victoire, le couronnement d'un souverain ou un de ces traits de dévoue- ments sublimes qui honorent la religion, le pa- triotisme ou l'humanité.

(( En resserrant son sujet dans de moindres proportions, M. Géricault se serait ménagé les


choisi le commandant. Nommer la Méduse^ c'était rappeler cette faute, c'était se reconnaître publiquement coupable du désastre dont Géricault offrait aux yeux l'émouvant tableau. Ces considérations politiques ont pu influer sur le sort de l'ouvrage et paralyser les efforts de M. de Forbin. L'administration ne se souciait pas d'acquérir un tableau qui rappelait d'une manière si poignante un souvenir qu'elle aurait voulu effacer.


1C8 LE r.ADEAU DE TA MÉDUSE.

moyens de lui donner plus de développement. Au lieu de couper par la bordure, comme il a été obligé de le faire, les deux extrémités du radeau, il aurait pu le présenter en entier, l'isoler de toutes parts au milieu d'une vaste étendue de mer, agrandir l'horizon et montrer par l'éloigne- ment des secours humains toute la grandeur d'un péril véritable. Ajoutons que ce ne doit pas être une chose indifférente pour l'artiste que son ou- vrage puisse facilement trouver une place. Or quel édifice public, quel palais de souverain, quel cabinet d'amateur pourrait admettre ce ta- bleau? M. Géricault a-t-il pu ne pas prévoir cet inconvénient, et n'aurait-il arrangé sa composi- tion que pour se créer un sujet d'étude, au risque de le garder dans Tatelier comme un té- moignage permanent d'application aux travaux de son art? Sous ce rapport, M. Géricault n'au- rait à recevoir que des éloges; car on ne peut guère considérer cette scène de naufrage que comme mie réunion de figures ou de groupes académiques mis d'une manière quelconque en action.


OPINIONS DE LA CRITIQUE. 1C9

« Mais il faut en convenir, cette action est bien faible et bien peu sentie. Où est le centre? A quel personnage paraît-elle se rattacher princi- palement, et quelle est l'expression générale du sujet? Des cadavres à moitié submergés, des morts et des mourants, des hommes livrés au désespoir et d'autres que soutient un faible rayon d'espérance : tels sont les éléments de cette com- position que l'artiste, malgré le talent distingué qu'on lui reconnaît, n'a pu ordonner d'une ma- nière satisfaisante. Serait-ce donc la faute du sujet, dont le récit tout plein d'intérêt se prête difficilement aux crayons des peintres d'histoire? L'artiste aurait peut-être atteint son but, s'il n'eût voulu faire qu'un tableau de marine, ou du moins s'il se fut restreint dans les mesures d'un tableau de genre.

« Quant à l'exécution, elle laisse beaucoup h désirer. Le peintre ayant tiré son jour du fond du tableau, la lumière ne fait qu'effleurer les ob- jets, et cette lumière est grise et monotone, tout le reste est noir et opaque. Le dessin ne manque pas de chaleur et de nerf, mais il est loin d'être


170 LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

correct. Au surplus, on remarque dans l'en- semble, qui du moins a le mérite de l'originalité, une certaine verve de pinceau dont l'artiste pourra tirer un bon parti quand il aura appris à le modérer, et surtout lorsqu'il sera parvenu à le diriger dans une meilleure voie. » Ces critiques niaises ou violentes ne laissaient pas d'irriter Géricault, et il ne semble pas qu'il ait supporté, malgré ses résolutions, tous ces coups de massue et ces piqûres d'épingle avec une philosophie parfaite. Il écrivait à ce propos à son ami M. Mu- signy : « J'ai reçu votre aimable lettre et n'ai rien de plus pressé ni de mieux à faire que d'y répondre tout de suite. La gloire, toute sédui- sante que vous la dépeignez et que je la suppose quelquefois, ne m'absorbe pas encore entière- ment, et les soins que je lui donne passent de beaucoup après ceux que réclame la douce et bonne amitié. Je suis plus flatté de vos quatre lignes et du gracieux présage que vous aviez formé de mon succès, que de tous ces articles où l'on voit dispenser avec tant de sagacité les in- jures comme les éloges. L'artiste fait ici le métier


LETTRE DE GÉRICAULT. 171

d'histrion et doit s'exercer à une indifférence complète pour tout ce qui émane des journaux et des journalistes. L'amant passionné de la vraie gloire doit la rechercher sincèrement dans le beau et le sublime, et rester sourd au brait que font tous les vendeurs de vaine fumée.

« Cette année, nos gazetiers sont arrivés au comble du ridicule. Chaque tableau est jugé d'abord selon V esprit dans lequel il a été com- posé. Ainsi vous entendez un article libéral vanter dans tel ouvrage un pinceau vraiment patriotique, une touche nationale. Le même ou- vrage jugé par l'ultra ne sera plus qu'une com- position révolutionnaire où règne une teinte gé- nérale de sédition. Les têtes des personnages auront toutes une expression de haine pour le gouvernement paternel. Enfin j'ai été accusé par un certain Drapeau blanc d'avoir calomnié par une tête d'expression tout le ministère de la ma- rine. Les malheureux qui écrivent de semblables sottises n'ont sans doute pas jeûné quatorze jours, car ils sauraient alors que ni la poésie ni la peinture ne sont susceptibles de rendre avec


172 LE RADEAU DE LA MÉDUSE.

assez d'horreur toutes les angoisses où étaient plongés les gens du radeau.

« Voici un échantillon de la gloire dont on veut nous combler ici, et les coupables causes qui peuvent nous en frustrer. Avouons qu'elle mérite bien qu'on l'appelle vanité des vanités. Mais celle que chérissait Pascal et que vous aimez aussi, je ne la dédaignerais pas^ — Tout à vous de cœur. — T. Géricault. »

Géricault connaissait bien les défauts de son ouvrage et, à notre sens, il se les exagérait. Après le Salon, il envoya sa toile roulée chez M. Léon Gogniet. Celui-ci, n'ayant pas été à l'exposition, l'étendit pour la voir. Géricault, ayant fait visite à son ami, trouva là son tableau et en fut mécontent. « Ça ne vaut pas la peine d'être regardé, dit- il à M. Gogniet, je ferai mieux. » Beaucoup plus tard, en i82/|., à son lit de mort, M. Lehoux lui apporta une petite copie de la Méduse qu'il lui avait demandée et qu'il était

4. Allusion à un passage de Pascal que lui citait M. Mu- signy dans la lettre à laquelle Géricault répond. — Balissier, Géricault^ p. 1 3-1 4,


OPINION DE GÉRIGAULT. 173

pressé de voir terminée. Il la regarda longue- ment. M. Lehoux, qui plus que jamais dans cette circonstance avait fait tout son possible pour le satisfaire, voyait sa tête au-dessus de la toile enfouie dans l'oreiller et remarquait une légère contraction de son front. Sur ces entrefaites, M. Gogniet entra. « Dites-moi, Gogniet, fit brus- quement Géricault, mon tableau a-t-il l'aspect de la copie de Lehoux? est-il taché ainsi de noir et de blanc? » Sous ce rapport, répondit M. Gogniet, la copie me paraît juste et rend assez l'effet du tableau. Get aveu chagrina beaucoup Géricault. Il dit de bonnes paroles à M. Lehoux, lui expli- qua que toute la faute était à lui, mais que c'était une leçon dont il profiterait s'il pouvait jamais reprendre ses pinceaux. Il était un reproche ce- pendant qu'on lui avait fait sous toutes les formes et auquel il ne voulait souscrire sous aucun pré- texte : c'était l'aspect sombre dont il avait em- preint cette scène de désolation. « Si j'avais à recommencer mon tableau, disait-il, je ne chan- gerais absolument rien sur ce point », jugeant bien que son effet était dans cette gamme sévère,


174 POURPARLERS RELATIFS

et qu'en la modifiant il ne pourrait qu'affaiblir l'impression.

A cette époque , on donnait deux prix, l'un de iOjOOO francs, l'autre de 4,000, aux deux peintres qui avaient exposé les deux meilleurs tableaux d'histoire et de genre. Les membres de l'Institut qui décernaient cette récompense étaient seuls exclus du concours. Le nom de Géricault ne fut mis que le onzième sur la liste des artistes admis à disputer le prix d'honneur, qui fut rem- porté par un peintre nommé Guillemot, pour une grande et très -médiocre toile représentant la Résurrection du fils de Ndim, Après l'exposi- tion, l'État fit acheter, selon l'usage, un assez grand nombre de tableaux. On oublia le Radeau de la Méduse^ et cette exclusion, après des espé- rances qu'on avait entretenues chez Géricault, le mortifia cruellement. Malgré sa modestie, il ne pouvait mettre son tableau au-dessous de tant d'autres placés sur la liste des récompenses avant le sien, ou payés grassement par l'admi- nistration. Il obtint pourtant une médaille et une commande, ce que le directeur du Musée, le


A L'ACQUISITION DE LA MÉDUSE. 175

comte Auguste de Forbin lui annonça dans une lettre dont on peut louer au moins la courtoisie. « Je m'empresse de vous prévenir, Monsieur, lui écrit-il en date du 31 décembre 1819, que M. le directeur général de la Maison du roi a bien voulu, sur ma proposition, vous confier l'exécu- tion d'un tableau du prix de 6,000 francs payables moitié en l'année 1820, moitié en l'année 1821. Je me félicite d'avoir pu contribuer h vous faire accorder une distinction aussi flatteuse , et je ne doute pas que vous ne vous attachiez à la mériter par de nouveaux efforts dont je trouve la ga- rantie dans les preuves de talent que vous avez données à l'exposition de cette année. Le succès qui vous attend me fournira, j'espère, l'occasion de vous signaler encore à la bienveillance du roi et de vous faire obtenir de nouvelles marques de sa munificence. » Le sujet que l'on prescrivait à Géricault ne lui plut que médiocrement, on peut le croire. C'était un Sacré Cœur de Jésus. Aussi passa-t-il sa commande à Delacroix, que dès lors il encourageait et dirigeait. Celui-ci exé- cuta une Notre-Dame des Douleurs, que l'on


-170 POURPARLERS RELATIFS

donna aux Dames du Sacré-Cœur de Nantes. Géricault l'avait signée et il en remit le prix à son jeune protégé.

Géricault était profondément découragé. Il voulait quitter la France, essayer d'une vie d'aventures, visiter l'Orient, que sais-je? Gérard, à qui il confia ses projets , eut toutes les peines à l'en détourner. Il se rabattit sur l'Angleterre, où il se fit envoyer son tableau qu'on lui avait conseillé d'exhiber suivant un usage très-répandu chez nos voisins. Il paraît même qu'un entre- preneur lui avait fait dès avant son départ quel- que proposition dans ce sens. Le Radeau de la Méduse eut du succès. Il revint en France avec Géricault, et les péripéties que subit l'une des œuvres qui font le plus d'honneur à notre école pour arriver au Louvre sont instructives et édi- fiantes.

L'administration supérieure n'en voulait pas. M. de Forbin, au contraire, avait été frappé du talent de Géricault. Lui-même, comme artiste, appartenait au mouvement romantique, et l'on assure que, lors de l'exposition, il avait tenté de


A L'ACQUISITION DE LA MÉDUSE. 177

faire acheter la Méduse, Il avait échoué ; mais il ne tarda pas à revenir à la charge, et on ne peut trop remercier cet homme d'esprit et de goût de la persistance qu'il mit à forcer la mau- vaise volonté de l'administration. Le 2 février 1822, il écrivait à M. de Lauriston, ministre de la Maison du roi : « Monseigneur, je crois de- voir proposer à Votre Excellence d'acquérir le tableau de M. Géricault, représentant le Nau- frage de la Méduse. Cet ouvrage plein de verve et d'énergie annonce le talent le plus distingué que l'on ne saurait trop encourager. La manière de M. Géricault a de la grandeur, de l'originalité, et son ouvrage a obtenu beaucoup de succès chez les artistes en France et aux yeux de tout le public en Angleterre. Ce tableau est revenu à Paris, parce que son auteur désire qu'il reste en France, et, pour faciliter l'exécution de ce vœu, il propose de le céder au gouvernement pour le prix de 6,000 francs, et consentirait même à être payé moitié sur l'exercice 1822 et le reste sur celui de 1823. Cet ouvrage est de la plus grande dimension ; il a coûté beaucoup de temps,

13


178 POURPARLERS RELATIFS

d'étude et d'argent à M. Géricault, et ce serait peut-être dégoûter un homme appelé à faire le plus grand honneur à l'école française, que de repousser une demande aussi juste et aussi mo- deste. Le Naufrage de la Méduse pourrait être placé dans une des grandes salles de Versailles, et je suis certain que le temps consolidera la ré- putation de cette production énergique et puis- sante ^ . »

Il est certainement impossible de défendre une meilleure cause avec plus de chaleur et de clairvoyance. La réponse ne fut sans doute pas favorable, car l'intelligent directeur du Musée écrit au ministre une nouvelle lettre en date du 27 mai de la même année, puis une troisième le 27 mai 1823. Celle-ci est d'une fermeté que l'on rencontre rarement chez un subordonné et mé- rite bien d'être conservée. « Monseigneur, écrit M. de Forbin, on a souvent adressé à l'admini- stration des arts le reproche de ne pas encou- rager exclusivement le genre historique, qui ne

\. A Son Excellence le ministre de la Maison du roi, 2 février 4 822.


A L'ACQUISITION DE LA MÉDUSE. 179

peut trouver de protection que dans le gouver- nement. J'ai souvent entendu citer à l'appui de cette critique peu fondée l'exemple de l'oubli dans lequel on laissait un ouvrage important, composition hardie, d'une exécution large, vigou- reuse, et qui promet à la France un habile artiste de plus. Le Radeau de la Méduse ^ tableau de près de 20 pieds, prouve que son auteur, M. Géricault, a puisé dans les ouvrages de Michel -Ange le grandiose qui ne plaît pas à la multitude, mais qui constitue le véritable peintre d'histoire... M. Géricault est tout à fait décou- ragé par l'espèce d'abandon dans lequel on laisse son tableau, qu'il offre depuis deux ans de céder pour 5 ou 6,000 francs. C'est ce qu'on paye aujourd'hui un petit tableau de genre. »

Cette démarche n'eut pas plus de résultat que les précédentes. Mais M. de Forbin ne se tint pas pour battu. En i82/|. Géricault était mort. On allait procéder à la vente de son atelier. Le direc- teur du Musée écrit à M. de la Rochefoucauld qui avait succédé à M. de Lauriston :■ « Monsieur le vicomte, vous pouvez vous rappeler un tableau


480 POURPARLERS RELATIFS

de feu Géricault qui produisit une vive sensation au Salon de 1819; cet ouvrage d'une grande dimension, représentant le naufrage de la frégate la 3îéduse, est surtout remarquable par la hau- teur, la gravité de l'ordonnance et par l'extrême énergie de l'exécution. Aucun peintre sans excep- tion depuis Michel -Ange n'avait été appelé à sentir et à rendre le genre terrible d'une ma- nière plus puissante que feu Géricault Veuil- lez bien me faire connaître vos intentions dans les vingt-quatre heures, la vente étant irrévoca- blement fixée à l'un des premiers jours de la se- maine ^ )) La réponse datée du l^"" novembre autorisait l'achat du tableau, mais le ministre ne mettait à la disposition de M. de Forbin qu'une somme de h ou 5,000 francs. La mise à prix était de 6,000 francs, et l'achat ne put par con- séquent s'effectuer. C'est M. Dedreux-Dorcy qui couvrit l'enchère de 5 francs et devint ainsi pour un moment propriétaire du tableau ^ M. de

'1. k M. le V*^ de la Rochefoucauld, chargé du départe- ment des beaux-arts, 30 octobre \ 824. 2. La vente de l'atelier de Géricault se fit le % novembre


A L'ACQUISITION DE LA MÉDUSE. 181

Forbin écrit de nouveau au ministre le 8 no- vembre de la même année. Cette fois il a trouvé un biais et il touche au port. On appliquera à l'achat de la Méduse les 5,000 francs déjà ac- cordés, en y ajoutant 1,005 francs pris sur une somme de 6,000 fraiics destinée à un peintre nommé Bonnefond, pour un tableau de sa fa- çon^ la Chambre à louer; un amateur lui en offrait 8,000 francs, et il trouvait par consé- quent son compte à renoncer à la commande de l'administration. L'affaire fut ainsi réglée et approuvée par lettres ministérielles du J2 no- vembre 1824*. Voilà comment le Radeau de la Méduse nous est resté, mais nous avons couru grand risque de le perdre, et nous devons cer- tainement ce chef-d'œuvre au goût éclairé de M. de Forbin, et au dévouement, au patrio- tisme, au désintéressement de M. Dedreux- Dorcy.

4824, à l'hôlel Bullion, rue J.-J. Rousseau, par le ministère de W Parmentier, commissaire-priseur, et de M. Henri, expert des musées royaux. Elle produisit 53,000 fr.

1. Archives de l'art frcmçaU, par M. de Chenevières. T. I, 1851-1852, p. 71 à 80.


XI.


GERICADLT EN ANGLETERRE.

SES RELATIONS AVEC CHARLET. — LETTRES

ÉCRITES DE LONDRES,


Géricault partit pour Londres tout au com- mencement de 1820, très-peu de temps après la clôture de l'exposition, en compagnie de Gharlet et de l'économiste Brunet. Ses relations alors très-intimes avec Gharlet remontaient à l'année 1818. Dès cette époque, il admirait beaucoup l'habile et mordant dessinateur, dont les lithogra- phies commençaient à être appréciées. Il les achetait avidement dès qu'elles paraissaient, et prenait un vif plaisir à en détailler les beautés à ses amis. Avec sa violence ordinaire, il voulut à


184 RELATIONS DE GÉRICAULT AVEC CHARLET.

tout prix faire la connaissance de Charlet; ce désir était devenu chez lui une idée fixe, un véri- table cauchemar. Il avait fait part de son intention à M. Dorcy, et les deux amis étaient conve- nus de saisir la première occasion. Charlet, très- pauvre encore et qui faisait tous les métiers pour vivre, était alors installé à Meudon dans une petite auberge, les Trois-Couronnes ^ que Juhel, peintre barbouilleur philosophe, l'avait chargé de décorer. Le facétieux artiste avait peint sur les volets des lapins, des lièvres, des canards, des brioches , avec un homme debout qui montrait la porte de l'écurie. Géricaultet M. Dorcy, passant un jour près du bouchon, aperçurent ces peintures dont la belle couleur les frappa et entrèrent pour demander le nom de l'auteur. Charlet a raconté lui-même cette première entrevue : «J'étais dans tout le feu de ces compositions, écrit-il, quand l'aubergiste vint me prier de monter au premier étage où l'on m'attendait; j'y trouvai deux joyeux convives attablés , et au milieu d'eux un compa- gnon qui, après m' avoir dit qu'il s'appelait Géri- cault, ajouta : « Vous ne me connaissez pas, mon-


RELATIONS DE GÉRICAULT AVEC CHARLET. 185

sieur Charlet , mais moi je vous connais et vous estime beaucoup ; j'ai vu de vos lithographies qui ne peuvent sortir que du crayon d'un brave, et si vous voulez vous mettre à table avec nous, vous nous ferez honneur et plaisir. — Comment donc, messieurs, mais tout l'honneur et le plaisir sont pour moi. » Je me mis donc à table, et tout se passa bien , et même si bien que de ce jour date une amitié que la mort seule a contra- riée. Pauvre Géricault, excellent cœur d'honnête homme et grand artiste^. » Géricault revint à Paris à deux heures du matin. Les libations avaient été abondantes ; il était enchanté et dans un tel état d'exaltation qu'il se mit à embrasser M. Jamar, qui l'attendait à l'atelier, sans vouloir plus le lâcher.

Depuis ce moment les deux artistes se virent fréquemment, et il s'établit entre eux une véri- table intimité qui n'eut pas , à ce que je crois, une heureuse influence sur Géricault. Charlet était un homme de beaucoup de talent et d'es-

i. Charlet,, sa vie^ ses lettres _, par le colonel de La Combe, p. 17.


186 RELATIONS DE GÉRICAULT AVEC CHARLET,

prit, un observateur incisif, ingénieux et souvent profond , un dessinateur très-habile ; mais, sous le rapport du caractère, il n'était pas l'égal de Géricault. Je ne voudrais pas contrister l'ombre de son admirateur passionné, de son biographe , le colonel de La Combe, mais Gharlet n'était pas du tout un cœur d'or, comme son panégyriste le ré- pète à tout propos. Il avait des vertus privées que l'on est assez surpris de rencontrer chez un homme de cette nature : il était bon père de fa- mille et d'une probité à toute épreuve. Sans doute, il aimait ses amis à sa manière, mais il se livrait, même envers eux, à des plaisanteries cruelles qui passent toutes les bornes, et que je ne puis lui pardonner. Son plus grand bonheur était de déranger les jeunes gens ; il les menait à la barrière, les grisait de vin bleu, se divertissait comme un fou et comme un méchant de leurs balourdises , puis les plantait là. Géricault était sans défense vis-à-vis de ceux ciu'il aimait. Gharlet l'entraîna souvent. Un jour, M. Dorcy le vit revenir d'une de ces escapades couvert de boue, dans un état pitoyable. Il était tombé dans


RELATIONS DE GÉRICAULT AVEC CHARLET. 187

la rivière et s'était fait un grand trou dans la cuisse. Le pauvre Géricault était très-honteux de ces aventures, jurait qu'on ne l'y prendrait plus, mais ces résolutions ne tenaient pas longtemps.

C'est Gharlet qui a raconté cette histoire d'une tentative de suicide à Londres', dont personne hors lui, n'a jamais entendu parler. « Gharlet rentrant à l'hôtel à une heure avancée de la nuit, dit M. de La Gombe, apprend que Géricault n'est pas sorti de la journée et qu'on a lieu de craindre de sa part quelque sinistre projet. Il va droit à sa chambre, frappe sans obtenir de ré- ponse, frappe de nouveau, et comme on ne ré- pond pas davantage , enfonce la porte. Il était temps ! Un brasier brûlait encore et Géricault était sans connaissance, étendu sur son lit; quel- ques secours le rappellent à la vie. Gharlet fait retirer tout le monde et s'assied près de son ami :

(( Géricault, lui dit -il de l'air le plus sérieux, voilà déjà plusieurs fois que tu veux mourir; si c'est un parti pris, nous ne pouvons l'empêcher. A l'avenir, tu feras donc comme tu. voudras, mais au moins laisse-moi te donner un conseil.


188 RELATIONS DE GÉRICAULT AVEC CHARLET.

Je te sais religieux; tu sais bien que mort, c'est devant Dieu qu'il te faudra paraître et rendre compte; que pourras -tu répondre, malheureux, quand il t'interrogera?... Tu n'as seulement pas dîné... ))

(( Géricault, éclatant de rire à cette saillie, pro- mit solennellement que cette tentative de suicide serait la dernière *. »

Eh bien, tout cela ne serait qu'une de ces fa- céties cyniques, une de ces inventions féroces dont Charlet se rendit plus d'une fois coupable. Géricault avait sans doute des moments d'humeur sombre ; mais il fut relativement tranquille et heureux pendant qu'il habita l'Angleterre, comme en témoigne sa correspondance; et M. Dorcy, qui alla le rejoindre à Londres au commerC3ment de 1821, n'a rien su ni rien vu qui puisse don- ner la moindre créance à une anecdote qu'il dé- ment de la manière la plus catégorique ^


i. Charlet, etc., par le colonel de La Combe, p. 4 9.

2. Charlet garda cependant un vif souvenir de Géricault, et il s'occupa activement de la souscription que l'on ouvrit pour lui élever un tombeau, comme le prouve une lettre,


LETTRES ÉCRITES DE LONDRES. 189

L'affaire du radeau s'arrangea facilement et promptement, car dès le 23 avril 1820, Géricault écrivait de Londres à son ami ; u Mon cher Dorcy , je n'ai encore écrit que les lettres les plus pressées, et j'ai attendu que je fusse un peu installé pour vous donner quelques détails. Notre ouvrage est reçu par M. Bulock, qui se charge de tous les frais et c{ui me donne un tiers dans


très à sa décharge, qu'il écrivit à cette occasion. Cette pièce est inédite, et quoique les premières lignes seules se rap- portent à Géricault, je la donne en entier; elle complétera l'intéressant recueil du colonel de La Combe:

« Mon cher ami, je te remercie de ce que tu fais pour Géricault, qui n'a trouvé que de froids souvenirs, et dont la souscription ne dépasse pas 1,800 ou 2,000 fr. Il est très- naturel et très-bien que sa ville natale ne reste pas en arrière. Il serait même bien et très-bien de mettre en avant de commander son buste pour votre musée, ce serait une chose digne et noble de la part des Rouennais. Penses-y.

« C'est au notaire de la souscription, M. Aubry, rue de Grammont, n° 7, que l'on devra écrire pour ce que tu me marques.

« Étex, à qui j'ai donné connaissance de ta lettre, m'a dit t'avoir écrit, adressant sa lettre à Paris ; peut-être ne Tas-tu pas reçue.

« Quand tu viendras à Paris, je te propose d'aller visiter Aquelon. Ne trouves-tu pas que cela serait drôle, de relater du La Chenette, et de revoir les lieux si chers à notre


ICO LETTRES ÉCRITES DE LONDRES.

les bénéfices. Gela me paraît assez avantageux , et même s'il m'avait fallu entreprendre seul cette affaire, j'y eusse entièrement renoncé, vu les embarras infinis que cela donne. J'ai vu quel- ques tableaux exposés qui ne peuvent que don- ner de la confiance. L'école anglaise ne se dis- tingue véritablement pas par des sujets de paysage, de marine et de genre. Veuillez dire bien des choses à mon ami Ledieu. Gharlet

enfance? Vois-tu deux vieillards, deux perruques, c'est-à- dire une, car tu es encore bien vert solitaire ?

« Je t'ai dit, je crois, que je m'étais fait flouer 20,000 fr. ce qui, pour moi, est une ruine presque complète; mais comme toi je possède beaucoup de philosophie. Ma foi, m...

« Je t'attends et me promets quelque plaisir à revoir cette salle où nous composions cette grande revue du Père éternel. Heureux temps ! on respectait notre guêtre patrio- tique et notre nez couvert de lauriers. S'il te reste quelques parties du grand homme, apportes-en; on repique dessus d'une manière alarmante pour le gouvernement ; je te con- seille de t'en munir; mais évite la douane; on poursuit la redingote grise, et le chapeau est très-mal vu par l'autorité, ce qui fait qu'il est demandé en hausse, prime avec assu- rance pour fin du mois.

« Ma famille embrasse la tienne, au revoir, mille amitiés.

« Charlet.

« 5 mars 1840. — Monsieur, Monsieur Bellangé, directeur général du musée de Rouen, à Rouen. »


LETTRES ÉCRITES DE LONDRES. 191

le regrette particulièrement ; il est persuadé qu'il pourrait faire beaucoup d'argent ici dans une exhibition. x4uguste Lethiere doit avoir reçu la lettre où je le prie d'adresser le plus prompte- ment possible le grand rouleau (le Radeau de la Méduse) à M. Bulock, comme il a déjà fait pour le Brutus de M. Lethiere... ^ »

L'exhibition de la Méduse réussit à souhait. On la montrait moyennant i schelling d'entrée, et chaque visiteur recevait en entrant une litho- graphie au trait reproduisant le tableau, et due à la collaboration de Géricault et de Gharlet. Ce sujet maritime, traité dans ces données dramati- ques et avec tant de réalité, devait en effet plaire aux Anglais. Géricault n'eut d'ailleurs qu'à se louer de M. Bulock, qui lui donna 17,000 fr. pour sa part. Cette somme, jointe à quelques autres menus profits, lui permit de vivre sans toucher à ses revenus pendant le séjour de près de trois années qu'il fit en Angleterre. Il était con-

1. Les lettres qui ne portent pas d'indications particu- lières sont pour la plupart inédites et m'ont été communi- quées par les amis de Géricault,


192 LETTRES ÉCRITES DE LONDRES.

tent, calme tout au moins, vivait au milieu des chevaux, peignait un peu et dessinait beaucoup. Cette existence anglaise, telle que son état de for- tune lui permettait de la mener allait à ses goûts ; il écrivait à M. Dorcy, en date du 12 février 1821: « Mon cher Dorcy, vous m'auriez sans doute accusé mille fois, si vous étiez capable de fiel, pour l'oubh où je semble vous laisser depuis mon départ ; mais la première cause en est sans doute dans l'extrême confiance que j'ai en votre bonne amitié, qui fait que je manque des premiers égards pour me la conserver. Je n'alléguerai donc aucune bonne raison, parce que je n'en ai pas , et je ne vois à vous offrir comme excuse que mon insipide paresse; mais ce n'est vous apprendre rien de nouveau, et comme vous en êtes un peu niché là aussi, je compte sur cette utile indulgence qu'on doit avoir entre confrères. Vous supposez peut-être, mon cher ami, d'après la disposition naturelle de votre esprit pour le plai- sir, que j'en prends beaucoup ici; rien cependant n'est moins vrai. Je ne m'amuse pas du tout, et ma vie est absolument celle que je mène à Paris,


LETTRES ÉCRITES DE LONDRES. 193

travaillant beaucoup dans ma chambre et rôdant ensuite pour me délasser dans les rues où il y a tou- jours un mouvement et uiie variété si grande que je suis sur que vous n'en sortiriez pas; mais le motif qui vous y retiendrait m'en chasse. La sa- gesse, je le sens, devient de jour en jour mon lot, sans cesser, malgré cela, d'être le plus fou de tous les sages, car mes désirs sont toujours insatiables, et quoi que je fasse, c'est toujours autre chose que je voudrais faire; je suis cependant plus raison- nable que vous, puisque au moins je travaille et que je lithographie à force. Me voilà voué pour quelque temps à ce genre qui, étant tout neuf à Londres, y a une vogue inconcevable. Avec un peu plus de ténacité que je n'en ai, je suis sûr qu'on pourrait faire une fortune considérable. Je me flatte que ce ne sera pour moi que l'affiche, et que bientôt le goût des vrais amateurs qui auront ainsi appris à me connaître m'emploieront à des tra- vaux plus dignes de moi. Vous appellerez cela de l'ambition ; mais, ma foi, il n'est rien de tel que de battre le fer pendant qu'il est chaud, et puis- que je commence à être encouragé , j'envoie au

13


194 LETTRES ÉCRITES DE LONDRES.

diable tous les Sacré cœur de Jésus ^. C'est \in vrai métier de gueux à mourir de faim. J'abdi-

r

que le cothurne et la sainte Ecriture pour me renfermer dans l'écurie dont je ne sortirai que cousu d'or. Si Charlet voulait suivre ce parti-là, il serait bientôt en état de nous payer à dîner. Dites, je vous prie, bien des choses de ma part à ce gueux -là. J'ai été extrêmement malade, mais cela va mieux; n'en parlez pas à mon père, il s'affecterait trop. Je lui dis seulement que j'ai été enrhumé, et vous pourriez lui dire la même chose; cette concordance l'empêchera de suppo- ser que cela a été plus grave. J'ai eu quelques bons amis qui m'ont bien soigné et désennuyé. Le sort veut que je ne rencontre que des gens meilleurs que moi, et je me fatigue à chercher ce qui peut me mériter leur amitié. Une conquête aussi, mon cher Dorcy, car je dois tout vous dire... »

Je passe la conquête. Tout cela est encore trop près de nous ! Mais on conviendra que cette lettre n'est pas précisément celle d'un spléné-

4 . Allusion au tableau qui lui avait été commandé après l'exposition du Radeau de la Méduse.


LETTRES ÉCRITES DE LONDRES. 195

tique, et je ne crois pas que Géricault ait jamais eu l'esprit plus dispos et mieux portant.

Gharlet n'était pas resté longtemps à Londres; il s'y ennuyait à mourir et n'y fit presque rien. Les soldats, les bonnes d'enfants, les gamins de Paris, ses modèles ordinaires, lui manquaient, et la lourde ivresse des buveurs d'ale et de gin ne disait rien à cet esprit gaulois; pendant ce sé- jour de près d'une année, il ne trouva pas peut- être à placer dix calembours. Il avait soif du vin frelaté des cabarets de la barrière qui éveillait sa verve goguenarde et inspirait son facétieux et mordant crayon. Au commencement de 1821, il était de retour, et depuis assez longtemps, sem- ble-t-il, car Géricault lui écrit en date du 23 fé- vrier : « Je croyais la susceptibilité attachée seu- lement à mon malheureux caractère ; lorsque la passion vient avant le jugement, on est à plain- dre alors, et en quelque sorte excusable de se montrer susceptible ; mais chez vous, mon cher, la susceptibilité devient un défaut plus que ridi- cule, puisqu'il ne peut être que le résultat d'une petite cause. Si vous eussiez vu les passages de


193 LETTRES ÉCRITES DE LONDRES.

mes lettres où j'affectais de vous tenir rancune, vous auriez senti le vrai sens que j'y attachais; et au lieu de me voir d'un mauvais œil, vous m'auriez conservé le bon que j'aime tant, quoi- que je le redoute pour mes défauts. S'il était donné à tout le monde d'entendre la plaisanterie, mon père ne vous eût pas rendu au sérieux ce qu'il avait ainsi compris. Mes lettres en font foi, et comme je ne vous cacherais pas plus ma ran- cune que mon amitié, vous les trouveriez, au con- traire, pleines de cette colère exagérée qui n'est, entre amis, qu'une manière comique et affec- tueuse de caresser sans fadeur. Chassez donc jusqu'au souvenir de cette fâcheuse impression, et si, dorénavant, je vous paraissais ou fantasque ou brutal, n'en accusez encore que ma misérable constitution et accordez-moi amitié et pardon. Que mon portrait ne trouble plus à l'avenir vos séances gastronomiques et qu'il vous inspire seu- lement l'idée de boire à ma santé; je fête ainsi le vôtre quelquefois.

J'ai fait part à M. Jules de votre souvenir et il m'a chargé de vous dire aussi mille choses.


LETTRES ÉCRITES DE LOîSDRES. 107

Quant à M. Gabriel de M..., je ne lui ai pas encore répondu ; mais je le ferai ; c'est cependant grâce à votre bon avis. Je vous avouerai c]ue je l'avais oublié ; il y a de certains gens , si bons qu'ils soient, auxquels on ne pense cp'en les voyant. Toute lettre qui n'est pas écrite du cœur est une corvée pour moi. Je ne sais en l'honneur de quel saint ce brave homme m'a honoré de sa prose ou de sa poésie, car les plaisirs champêtres y sont longuement décrits. 11 prend aussi la peine d'expliquer le bonheur domestique, les pénates, la tendresse paternelle et l'amour filial. ,., puis les avantages de la patrie sur le sol étranger, et les ah! et les ho!,.. Hélas! je sens combien j'aurai de peine à le dédommager de ses frais ; mais il est si borij, qu'il me passera encore celle-là.

J'ai un texte heureux cependant pour com- mencer... Cher ami, ou trop bon ami... la fortune ennemie... a permis que de ce pays... Ah ! quand pourrai -je sur le sol précieux, désirable... de la patrie chérie...

Vous trouverez que je me laisse un peu trop aller à une passion que je blâmé si fort en vous;


198 LETTRES ÉCRITES DE LONDRES.

cela est vrai, je l'avoue; mais je déteste la froide chaleur et cette sensibilité qu'excitent seulement les vents, les orages et le clair de lune avec les pénates.

Mais vous, ne me blâmez-vous pas, malicieuse vipère ? Vous vous réjouirez au contraire de me voir aussi méchant que vous, et vous profiterez de cela pour donner un libre cours au venin dont vos poumons sont pétris. Mon père traduirait cette phrase par : Théodore vous garde rancune, La candeur de cet excellent père ne lui permet même pas de supposer que l'on puisse exprimer ainsi son amitié. Il prend tout au pied de la lettre et je voudrais pouvoir vous montrer de quel sérieux il me demandait quelquefois l'explica- tion de certaines grignadésiardes qui m'étaient échappées.

Avouez, cher ami, que nous n'avons, avec cette ingénuité, aucune analogie, et que le seul rapport qu'il y ait entre mon père et nous, c'est de boire le même vin ^

4 . A propos de la naïveté du père de Géricault, Charlet racontait cette anecdote; Le brave homme, entendant un


A


LETTRES ÉCRITES DE LONDRES. 199

Adieu, mon cher Gharlet, portez-vous bien, écrivez -moi quelquefois et engagez particu- lièrement Ledieu à se méfier de vous. — Géricault^ »

A quelque temps de là, Géricault écrivait à Vernet, d'un ton plus sérieux et sur des sujets plus importants, une lettre datée de Londres, i^"" mai% que je veux encore citer. « Mon cher Horace, j'ai reçu enfin un petit mot de vous; j'ai eu bien de la peine à l'arracher, mais enfin je suis content de mes efforts ; vous ne m'avez pas oublié entièrement , c'est tout ce que je désirais

jour son fils se plaindre de ne pouvoir trouver les blancs de SchnetZj courut chez Charlet, et, l'abordant d'un air suppliant, lui dit: « Vous êtes l'ami de mon fils, rendez- moi un grand service. J'entends toujours Théodore se lamenter de ne pouvoir trouver les blancs de Schnetz, informez-vous, je vous prie, où ils se vendent, et, coûte que coûte, je veux lui en acheter; le pauvre garçon est trop malheureux »

1. Et en marge:

Avec moi désormais bannissez la rougeur Qui de votre beau front dépare la candeur.

Charlet, etc.;, par le colonel de La Combe, p. i 9 et suiv.

2. « A M. Horace Vernet, rue des Martyrs, n° 1 1 , à Paris. )> La lettre porte le timbre de mai \ 821 .


200 LETTRES ECRITES DE LONDRES.

le plus de savoir. Le bon Pugeol est venu me voir avec Jemmeville; ils m'ont remis plusieurs lettres que je n'ai point voulu lire avant que j'eusse arraché d'eux tout ce qu'ils pouvaient me dire de vous et de vos travaux. Vous ne doutez pas du plaisir que j'ai ressenti du succès de votre dernier ouvrage, mais cependant je remettrai à vous faire mon compliment quand j'aurai vu; il me semble que c'est la seule manière entre ar- tistes et amis ; vous n'avez que trop déjà de ces louangeurs insipides c[ui répètent plus qu'ils ne peuvent sentir, et qui dégoûteraient presque de faire bien par leur incapacité à le découvrir.

Je disais l'autre jour à mon père qu'il ne man- quait qu'une chose à votre talent, c'était d'être trempé à l'école anglaise, et je vous le répète, parce que je sais que vous avez estimé le peu que vous avez vu d'eux. L'Exposition qui vient de s'ouvrir m'a plus confirmé encore qu'ici seule- ment on connaît ou l'on sent la couleur et l'effet. Vous ne pouvez pas vous faire une idée des beaux portraits de cette année et d'un grand nombre de paysages et de tableaux de genre ; des ani-


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maux peints par Ward et par Landseer, âgé de 18 ans ; les maîtres n'ont rien produit de mieux en ce genre ; il ne faut point rougir de retourner à l'école; on ne peut arriver au beau, dans les arts, que par des comparaisons. Chaque école a son caractère. Si l'on pouvait parvenir à la réu- nion de toutes les qualités, n'aurait-on pas atteint la perfection? Cela demande de continuels efforts et un grand amour. Je les vois ici se plaindre de n'avoir pas un bon caractère de dessin et envier l'école française comme beaucoup plus habile : que ne nous plaignons-nous aussi de nos défauts? quelle est cette sotte orgueil qui nous porte à fer- mer les yeux dessus, et est-ce en refusant de voir le bien où il est et en répétant follement que nous sommes ce qu'il y a de mieux, que nous pouvons honorer notre patrie ? Serons-nous tou- jours nos juges, et nos ouvrages, un jour, mêlés dans les galeries, ne porteront-ils pas témoignage de notre vanité et de notre présomption? Je fai- sais, à l'Exposition, le vœu de voir placés dans notre musée une quantité de tableaux que j'avais sous les yeux. Je désirais cela comme une leçon


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qui serait plus utile que de penser longtemps. Que je voudrais pouvoir montrer aux plus habiles même plusieurs portraits qui ressemblent tant à la nature, dont les poses faciles ne laissent rien à désirer et dont on peut vraiment dire qu'il ne leur manque que la parole! Combien aussi seraient utiles à voir les expressions touchantes de Wilky (sic) ! Dans un petit tableau, et du sujet le plus simple, il a su tirer un parti admirable. La scène se passe aux Invalides ; il suppose qu'à la nou- velle d'une victoire ces vétérans se réunissent pour lire le Bulletin et se réjouir. Il a varié tous ses caractères avec bien du sentiment. Je ne vous parlerai que d'une seule figure qui m'a paru la plus parfaite, et dont la pose et l'expression arrachent les larmes, quelque bon que l'on tienne. C'est une femme d'un soldat qui, tout occupée de son mari, parcourt d'un œil inquiet et hagard la liste des morts... Votre imagination vous dira tout ce que son visage décomposé exprime. Il n'y a ni crêpes ni deuil ; le vin , au contraire, coule à toutes les tables, et le ciel n'est point sillonné d'éclairs d'un présage funeste. Il arrive


LETTRES ÉCRITES DE LONDRES. 203

cependant au dernier pathétique comme la nature elle-même. Je ne crains pas que vous me taxiez d'anglomanie. Yous savez comme moi ce que nous avons de bon et ce qui nous manque. Tout à vous, Géricault^ »

4 . Quoiqu'elle n'ait qu'un assez médiocre intérêt, je donne encore la lettre que Géricault écrivit de Londres à M'^'^ Bro, femme du colonel Louis Bro de Comères ( plus tard général de division). Elle montre qu'au milieu de la vie occupée et assez agitée qu'il menait en Angleterre, il n'oubliait pas les intérêts de ses amis.

« Londres, 26 septembre 18

« Madame,

« Il est tout naturel d'éprouver une sorte de plaisir à la réception d'une lettre que l'on attend, mais j'expliquerais difficilement celui que m'a fait l'aimable réponse que vous avez bien voulu m'adresser, puisque je n'osais plus l'espé- rer. L'idée la moins triste qui se présentât à moi jusqu'à présent était que peut-être ma lettre avait été égarée et que cette cause suffirait pour me priver en même temps et d'une lettre de vous. Madame, et de votre recette. Je ne vous fati- guerai point par les détails de la peine que cela me faisait, ni des mille consolations que j'étais, chaque jour, obligé de donner à M. Saint-Marc. Il n'y a plus qu'à nous réjouir puis- que vous n'avez pas dédaigné de venir à notre aide. Le bon M. Saint-Marc ne se possède pas, car joignant à la vivacité naturelle du pays celle commune à tous les gens entrepre- nants, il croit voir dans l'eau de Botot particulièrement un coup de fortune. Gela vient heureusement faire distraction


204 LETTRES ÉCRITES DE LONDRES.

à plusieurs chagrins qui l'ont depuis quelque temps accablé, la perte d'une fille de quatorze ans, des friponneries de toute espèce auxquelles l'avait exposé son trop de bonne foi.

« Votre recette d'eau de Botot ne sera communiquée à personne. Ainsi ayez toute tranquillité à cet égard. Je ferai pour mon compte un grand usage de celle que vous me donnez pour la santé et le repos de mon père, c'est-à-dire que j'ajouterai encore à la dose que j'avais coutume d'em- ployer, jusqu'à ce que j'aie le plaisir de lui porter moi-même toutes les raisons possibles de se tranquilliser, et de vous renouveler mes remercîments bien sincères- « Votre dévoué serviteur,

« GÉRICAULT.

« Veuillez être, Madame, mon interprète auprès de M. Bro, et donnez, s'il vous plaît, à mon père les nouvelles intéressantes de ma bonne santé comme ce qui le touche le plus. » — A M"^^ Bro, rue des Martyrs, 23, à Paris.


XII,


LITHOGRAPHIES. — SCDLPTUr.ES.


Gomme on a pu le voir par mie de ses lettres, Géricault s'était beaucoup occupé de lithographie pendant son séjour en Angleterre, et la grande suite de douze pièces, ainsi que quelques autres estampes de moindre importance, qu'il a faites et publiées dans ce pays, sont certainement au nombre de ses plus importants ouvrages en ce genre. Mais il avait commencé beaucoup plus tôt, dès l'année 1817, à dessiner sur la pierre. Cet art nouveau s'était rapidement naturalisé


200 LITHOGRAPHIES.

chez nous, et il y arriva en peu de temps à la perfection.

La découverte du Bavarois Senefelder n'était connue que depuis quelques années, et déjà la France avait des imprimeurs lithographes tels que le comte de Lasteyrie, Motte et Engelmann, dont les premiers essais offrent des résultats excellents qui n'ont guère été surpassés. Les ar- tistes les plus en renom , Carie et Horace Vernet, Girodet% Gros, Guérin, Prud'hon, Hersent, Léon Cogniet, avaient adopté le crayon litho- graphique. La nouveauté produisait son effet ordinaire. On s'arrachait ces faciles et brillantes estampes. C'est dans ces circonstances, et au moment le plus vif de l'engouement , que Géri- cault revint d'Italie. Il comprit aussitôt le parti qu'il pouvait tirer du nouveau procédé. Dès l'a- bord, il le mania avec la plus grande supériorité, et on peut dire qu'il en est l'un des créateurs. Quelques-unes de ses lithographies sont des mo-

] . On possède un essai lithographique de Girodet daté de juillet 1 81 6, et de Gros deux pièces très-recherchées, l'une- datée de 4817, l'autre publiée en 1818.


LITHOGRAPHIES. 207

dèles du genre, des œuvres d'une haute portée, magistrales et accomplies. On y lit, plus facile- ment peut-être, que dans sa peinture même, ses grandes qualités d'inventeur, de dessinateur, de dramaturge. On voit sans voiles, pour ainsi dire, dans ces simples compositions dépouillées de la magie du coloris, tout son savoir, toute la puis- sance pathétique de son génie. On ne saurait, sans les connaître, apprécier le grand artiste tout entier, et son crayon vaut bien son pinceau. Je ne m'arrêterai cependant qu'à un petit nombre de planches principales, renvoyant, pour les moins importantes ainsi que pour tous les détails, au catalogue spécial de cette partie de son œuvre.

La première pièce que Géricault ait exécutée, les Bouchers de Rome^ est un souvenir du pays qu'il venait de quitter. C'est une scène très- simple, légèrement crayonnée, mais du plus beau caractère de dessin. Deux bouchers à cheval, dans le pittoresque costume des paysans de la campagne de Rome, la longue pique à la main, conduisent quelques bœufs qu'un chien irrite par


208 LITHOGRAPHIES.

ses aboiements. On aperçoit un troisième cava- lier à droite, dans le lointain. Cette charmante planche est de 1817 et a été imprimée chez Las- teyrie, comme le prouve une épreuve d'essai unique et des plus précieuses, qui fait partie de la riche collection de M. His de La Salle. Une autre pièce de grande dimension , dessinée à la plume, et d'une rareté telle que, pour ma part, je n'en connais que les deux épreuves du Cabi- net des estampes et de la collection de M. de Triqueti : le Trompette de lancierSj, doit être de cette même époque , ainsi que le Porte-étendard^ portrait de jeune homme vu à mi-corps, vêtu d'un costume noir à crevés, avec une large fraise blanche, et portant un drapeau sur l'épaule droite, exécuté au crayon et au lavis. Ces pre- miers essais ont un intérêt tout particulier. Géri- cault cherche sa manière et tâte en quelque sorte le terrain. Il emploie le crayon, la plume, le la- vis, soit seuls, soit simultanément. C'était un esprit curieux, chercheur et, même dans les pe- tites choses, ennemi de toute routine. Il se ser- vait du procédé qui convenait le mieux au sujet.


LITHOGRAPHIES. 209

et souvent de l'instrument quelconque qu'il avait sous la main et qu'il ployait à son but. Dans les Boxeurs^ l'une de ses plus admirables planches, le torse de l'un des combattants (un nègre) est dessiné à la plume, le reste de la figure est au crayon : c'est l'inverse pour l'autre personnage. Les moyens importent peu , du reste : tout est bien qui finit bien; et, dans cette estampe, Géri- cault a obtenu , de la réunion de ces deux pro- cédés , les plus excellents résultats. Cette litho- graphie^ d'une étonnante vigueur, est de la plus grande beauté. Le modelé du torse du nègre, en particulier, est d'une puissance extraordinaire; le dessin des jambes de l'autre figure est su- perbe ; les personnages qui suivent le combat et qui discutent le mérite des coups sont indiqués avec beaucoup de vivacité et complètent de la manière la plus heureuse cette composition capi- tale. Nous citerons aussi, comme une œuvre hors ligne appartenant à cette première époque, le Mameluk de la garde impériale défendant un jeune trompette blessé contre des cosaques qui arrivent au galop. La composition est d'un effet

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210 LITHOGRAPHIBS.

saisissant, et la figure du mameluk admirable de résolution, de courage impassible, d'héroïsme sans emphase. Une pièce, également d'une grande importance et des plus rares (puisque la pierre s'est brisée après le tirage de la quatrième ou de la cinquième épreuve) , les Deux Chevaux qui se battent dans une écurie^ est de cette première époque et mérite aussi de nous arrêter. C'est un de ces sujets que Géricault affectionnait et qu'il relevait par le grand caractère qu'il savait leur donner. Deux chevaux, dans une écurie, se mor- dent au cou en se cabrant. Un garde-écurie en manches de chemise, et coiffé d'un bonnet de police, s'efforce d'arrêter le combat en les frap- pant d'un balai. Dans l'ombre, au premier plan, on voit un hussard couché sur la paille; il se ré- veille au bruit , se relève à demi et regarde les animaux furieux. C'est bien peu de chose ; mais quel bel effet ! quelle manière grandiose de com- prendre la forme du cheval ! quelle ardeur, quelle passion, quelle vérité dans tous les mouvements, et comme la composition est habilement combinée pour concentrer l'intérêt sur les acteurs princi-


LITHOGRAPHIES. 211

paux! Cette lithographie est une œuvre complète, et il est bien regrettable qu'elle soit d'une si grande rareté et, partant, si peu connue.

Les événements politiques et militaires ont, comme on peut le croire, fourni de nombreux sujets à Géricault. Le Factionnaire suisse au Louvre est une interprétation pittoresque d'un article de 1817 du Constitutionnel j, qui faisait alors de l'opposition bonapartiste. Un faction- naire de la garde royale suisse arrête un ancien soldat avec une jambe de bois , coiffé d'un cha- peau rond et en redingote, qui se présente pour traverser le Louvre. Le militaire, indigné, dé- boutonne sa redingote et fait voir sa croix d'hon- neur en disant : « Sentinelle, portez... arme! » D'autres personnages, au second plan, regar- dent et applaudissent. Les fonds , qui représen- tent les Tuileries, ont été, assure-t-on, dessinés par Horace Vernet.

Malgré leur beauté, malgré leur actualité, ces premières lithographies de Géricault n'avaient aucun succès. Lorsqu'il fit une de ses plus vi- goureuses planches, un Caisson d'artillerie, il


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chargea M. Jamar d'aller chez l'imprimeur, M™^ Delpech, lui chercher quelques épreuves. « Puisque M. Géricault n'a pas besoin de travailler pour vivre, lui dit celle-ci , il ferait bien mieux de renoncer à ce métier. » Cette for- tune contraire chagrinait et irritait Géricault sans le décourager. Le premier moment passé, il re- commençait de plus belle ; il y mettait une in- croyable ardeur. Quelques-unes de ses lithogra- phies sont des œuvres très-mùries, très-soignées et pour lesquelles il avait fait un grand nombre de travaux préparatoires, études ou croquis dont nous possédons une partie; mais d'autres, au moins par leur exécution définitive, sont de vé- ritables improvisations. Tel est le cas pour cette superbe pièce : Artillerie à cheval changeant de position. Elle fut exécutée par Géricault dans son atelier du faubourg du Roule, pendant qu'il tra- vaillait au tableau de la Méduse, Il avait peint jusqu'à la nuit. Vers cinq heures, M. Jamar sor- tit pour dîner; la planche n'était pas commen- cée ; il rentra vers onze heures et la trouva ter- minée. Géricault était dans une vive agitation, et


LITHOGRAPHIES. 213

si impatient de voir le résultat de son travail , qu'il demanda à Mo Jamar de courir avec la pierre chez l'imprimeur Motte et de lui en faire tirer une épreuve. L'honnête Motte était couché ; il finit pourtant par venir parlementer, et, de sa fenêtre, dit en riant à M. Jamar « que ces peintres étaient de bien drôles de corps et qu'on ne venait pas réveiller les gens à pareille heure. » L'impatient artiste dut attendre au lendemain. Dans ce même ordre de sujets, Géricault a fait encore deux planches très - importantes pour V Histoire de Napoléon^ par Arnault : 1 a J/arc/ie dans le désert et le Passage du mont Saint- Bernard.

Tous ces excellents ouvrages sont cependant surpassés, à mon avis, par l'admirable planche intitulée Retour de Russie, A l'égard de l'élé- vation de la pensée et du sentiment, de la con- ception poétique et dramatique, Géricault n'a peut-être rien fait de plus complet et de plus puissant. C'est la même inspiration que celle du Cuirassier blessé^ mais avec une exécution plus savante et une impression plus grandiose et plus


214 LITHOGRAPHIES.

navrante encore. Au milieu de la plaine glacée s'avance un grenadier manchot qui mène par la bride le cheval harassé d'un cuirassier aveugle et qui porte le bras gauche en écharpe; un chien à demi mort de fatigue les suit. Plus loin , à droite , on voit un soldat d'infanterie C[ui porte son camarade sur son dos. Ces figures résument de la manière la plus dramaticjue cet horrible désastre. L'expression des têtes est admirable et déchirante. C'est de la résignation chez l'un, une profonde douleur et presque du désespoir chez l'autre. Le Retour de Russie est un de ces ouvrages d'une inspiration franche et puissante^ et, quoique les figures paraissent un peu courtes, d'une facture admirable, qui s'empare absolu- ment des yeux et de l'imagination. M. Jamar, chargé par Géricault de vendre cette pièce, n'en put trouver que cent francs : la pierre seule en avait coûté soixante ou soixante-dix.

Peu de temps après son arrivée en Angle- terre, Géricault s'était mis en rapport avec HuU- mandel, le meilleur imprimeur- hthographe de Londres, et avec les éditeurs Rodwell et Martin,


LITHOGRAPHIES. '215

chez qui il publia , dans les premiers mois de 1821, les douze pièces (treize en comptant le titre) qui forment la suite des grandes lithogra- phies anglaises. Ces estampes eurent beaucoup de succès; cependant elles furent la cause d'un nouveau mécompte pour l'artiste , car l'éditeur le frustra de tout le profit qu'il en pouvait at- tendre : il paraît même qu'en fin de compte Géri- cault dut mettre quelque chose de sa poche pour couvrir les frais. Ces planches sont toutes d'une grande beauté, et trois d'entre elles, en particu- lier : le Pauvre Homme à la porte cVun boulan- ger^ le Joueur de cornemuse et la Femme paraly- tique me paraissent être au nombre de ses œuvres les plus pathétiques et les plus accom- plies. La première a pour titre ces deux vers tirés d'une de ces poésies si populaires en Angle- terre, nommées nursery rhymes.

Pity the sorrows of a poor old man Whose trembling limbs hâve born him to your door.

Elle représente, en effet, un malheureux tombé d'épuisement à la porte d'un boulanger. Son


21G LITHOGRAPHIES.

chien est assis entre ses jambes et lève la lôte vers lui. On aperçoit, à travers la fenêtre de la boutique , un homme âgé qui parle à la bou- langère appuyée des deux mains à son comp- toir. Cette scène , si simple , est pleine de senti- ment. La figure du malheureux exprime de la manière la plus poignante l'affaiblissement que produit la plus extrême misère : tout est mort chez lui, hormis le sentiment du besoin journa- lier. Le joueur de cornemuse, the piper ^ est un vieillard aveugle, vêtu d'une houppelande sordide, qui, accompagné de son chien, marche en jouant de son instrument dans une rue solitaire de Lon- dres. Son expression est navrante; personne ne répond à son appel; il n'aura pas d'aumône. De pas en pas, dans ses ténèbres, il s'est égaré loin du centre dans quelque faubourg abandonné; car on ne voit, dans le fond du tableau, qu'un mur à demi démoli et quelques constructions sans fenêtres. La mise en scène est parfaite : c'est ce jour blafard de Londres, cette atmosphère humide qui glace jusqu'aux moelles, cette mé- lancolie profonde, intense , cet ensemble navrant




LITHOGRAPHIES. 217

qui caractérise the merry Englandj, la joyeuse An- gleterre. La femme paralytique est une composi- tion plus importante : la pauvre impotente est as- sise, enveloppée de misérables vêtements, dans une sorte de fauteuil grossier, de brouette à roues pleines. Le malheureux (moins homme que bête) qui la traîne se repose, appuyé contre le dossier du fauteuil. A gauche , au premier plan , une jeune fille, qui tient un enfant par la main, les regarde avec une expression de pitié et de terreur. A droite, pour faire contraste à cette scène de dou- leur, l'artiste a mis l'avant-train d'une voiture élégante. La figure de l'homme est d'une réalité effrayante : c'est bien cet être abruti par le vice et par la misère, hébété par le gin , que l'on ne rencontre que dans les carrefours de Londres. Il est incroyable combien Géricault s'est pénétré d'emblée du caractère anglais , et rien ne prouve mieux que ces admirables planches la puissance d'assimilation dont il était doué.

La figure de la jeune fille est ravissante, et elle est presque une exception dans l'œuvre du grand maître. Géricault , en effet , n'a pour ainsi dire




218 LITHOGRAPHIES.

jamais représenté de femmes. On pourrait pour- tant en citer une autre, dans le même sentiment gracieux et naïf, qui se trouve dans une des pièces de la grande suite française, le Vieux cheval à la porte d'une écurie; mais ce serait à peu près tout ^ . Il ne semble pas que le peintre audacieux et savant ait compris la beauté féminine dans ce qu'elle a de délicat et de distingué. Il a dit lui- même : (( Je commence une femme, et ça devient un lion ; » et aussi très-familièrement , en frap- pant sur l'épaule d'un de ses amis : « Nous deux X..., nous aimons les grosses f » Il lui fal- lait des formes amples et robustes , des mouve- ments accusés et violents , des expressions éner- giques : toujours le drame et la passion avec une nuance d'ardeur , de sensualité , de brutalité même, que l'on trouve dans ses Femmes enlevées par des Centaures^ dans les bacchantes du Si~ lèncj, de M. Eudoxe Marcille , dans la figure de


1. J'ajoute cependant la jeune fille qui se cache le visage avec les deux mains dans le dessin de la Traite des nègres que j"ai publié, ainsi que les deux jolis croquis gravés sur bois dans la Gazette des Beaux- Arts. (Mai 4 867.)


Ir


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négresse de l'un des plus beaux dessins de M. de La Salle. Cette disposition étonne d'autant plus chez Géricault, que l'on a pu apprécier par cent preuves l'élévation de son caractère , la sensibi- lité, Texcellence, la tendresse de son cœur.

En quittant Paris, Géricault avait emporté une provision de cartons lithographiques ^ beaucoup plus légers et plus faciles à transporter que les pierres , d'ailleurs encore rares et très-chères à cette époque. Il s'en servit pour dessiner sept estampes qui ne sont pas au nombre des mieux réussies qu'il ait faites. 11 faut citer pourtant une pièce charmante et d'une extrême vérité locale : le Portrait d'une jeune femme et de ses trois en- fants. Ce procédé présentait de graves inconvé- nients. Géricault ne l'a pas employé davantage, et depuis lors on l'a avec raison tout à fait aban- donné.

Ces estampes avaient fait du bruit; aussi, lors- qu'il revint à Paris, les éditeurs demandèrent-iis des lithographies à Géricault. C'est alors qu'il se lia avec les frères Gihaut, avec qui il conserva jusqu'à la fin les meilleures relations. C'est pour


220 LITHOGRAPHIES.

eux qu'il fit la suite des douze petites pièces im- primées par Engelmann , celle des huit petites pièces par le même imprimeur, et une troi- sième série, de sept petites pièces, tirées par Villain. Ces planches sont presque toutes des variations sur le thème qu'il préférait, le Cheval. Il a représenté son animal favori sous toutes ses faces, dans toutes ses variétés de race, d'âge, de robe, dans toutes ses allures , de manière à satisfaire aussi bien le sportman que l'artiste. C'est un monument de science hippique tracé par un crayon prodigieusement habile et que dirige le goût pittoresque le plus distingué.

Le public français avait enfin pris goût aux lithographies de Géricault; les frères Gihaut lui demandèrent une répétition de sa grande suite anglaise; mais on ne voulait que des chevaux. On conserva six des sujets de cette nature qui avaient paru dans la publication anglaise, et Gé- ricault fit des acjuarelles qui devaient servir de modèles pour les six autres. Il chargea de l'exé- cution du tout MM. Léon Cogniet et Yolmar, dirigeant, revoyant et corrigeant çà et là. Tout


LITHOGRAPHIES. 221

le travail de grattoir en particulier est de lui. Géri- cault n'était pas fâché de reprendre au moins quelques-unes de ses lithographies anglaises; il n'en était pas complètement satisfait. Je tiens de M. Gogniet lui-même qu'il trouvait que dans ces planches, si admirables cependant, la lumière était trop disséminée. Il recommandait à ses col- laborateurs, surtout au peintre distingué, très- jeune alors, qu'il avait chargé de reproduire les six pièces déjà publiées , d'élaguer le blanc qui se trouvait dans les noirs, de renforcer les ombres de manière à donner plus de franchise et quelque chose de plus gras au travail. Malgré ces améliorations de détail , la surveillance et les corrections du maître, ces pièces, quelque belles qu'elles soient , n'égalent pas les estampes an- glaises. Elles sont très-connues, et je ne m'y ar- rête pas davantage. Les pierres existent , et on en tire encore d'assez bonnes épreuves. Géri- cault fit aussi pour M'"" Hulin , la suite de cinq pièces encadrées qui parut en 1823. Il exécuta sur la pierre quelques autres estampes, ainsi qu'une petite gravure à l'eau- forte représentant


922 SCULPTURES.

un cheval gris pommelé vu de trois quarts , qui porte à cent et une le nombre des planches sorties de sa main.

Gomme la plupart des peintres de la Renais- sance, Géricault a fait de la sculpture. On connaît son cheval écorché, dont le moulage est dans tous les ateliers, chef-d'œuvre aussi bien par le choix des formes que par la science anatomique et la perfection du rendue C'est le plus beau cheval qui existe. Géricault a aussi sculpté sur une pierre du mur de son atelier de la rue des Martyrs, un Cheval retenu par un homme ^ d'un très -faible rehef et cjui a été moulé. Il s'était mis à ce tra- vail, d'inspiration, creusant le moellon à la grâce de Dieu, avec un ciseau de menuisier. M. Jamar, voyant son embarras, monta la rue des Martyrs, et trouva près de la barrière des tailleurs de pierre c[ui lui vendirent quelques outils; c'est avec ces instruments grossiers que Géricault termina cet ouvrage. On peut encore citer un

1. La cire originale a longtemps appartenu à M. Susse. Elle vient d'être achetée par M. Maurice Gottier, l'un des amateurs les plus distingués de Paris


SCULPTURES. 223

Bœuf terrassé par un tigre j ébauche très-large- ment exécutée; un Satyre enlevant une femme^ en ronde bosse; un groupe en terre cuite, repré- sentant un Nègre qui brutalise une femme. Enfin, il fit une maquette en cire d'une statue équestre de l'empereur de Russie, à ce que je crois. Le cheval, très - énergique et très - élégant, se cabre et est presque debout sur les jambes de derrière; le cavalier, en costume militaire, se porte un peu en avant et regarde au loin; il appuie la main qui tiendrait la bride sur le garrot du che- val, et élève le bras droit. Le cheval est du reste beaucoup plus avancé que la figure, laissée à l'état d'ébauche. Géricault ne reculait pas de- vant l'idée d'exécuter ce groupe dans de grandes proportions, et il ne nous paraît pas douteux qu'il n'eût réussi dans un art où il pouvait déployer, autant que dans la peinture, son audacieuse ima- gination et appliquer son savoir.


XIII.


DERNIERES ANNEES ET DERNIERS OUTRAGES

DE GÉRICAULT.

SES IDÉES SUR LES BEAUX-ARTS.


En Angleterre, Géricault ne s'était pas occupé uniquement de lithographie. Il y avait fait quelques tableaux et un grand nombre d'impor- tantes aquarelles. La plupart de ces ouvrages sont restés de l'autre côté du détroit et nous sont inconnus. Parmi ceux que nous possé- dons, nous n'en voyons que deux ou trois qui méritent d'être spécialement rappelés. C'est d'abord le grand Derby d'Epsom, que le Louvre vient d'acquérir, le plus achevé peut-être de ses tableaux de chevalet, un peu sec d'exé-

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226 DERNIÈRES ANNÉES ET DERNIERS OUVRAGES

cution, mais du dessin le plus précis, le plus savant, le plus admirable, d'un mouvement, d'une furia indescriptibles, d'un effet superbe; puis, la charmante Course de chevaux montés ^ qui appartient à M. de La Salle, peinture claire, légère , de la plus excellente qualité ; enfin une aquarelle, c[ui est en Angleterre, représentant un Arabe conduisant un étalon noir pour saillir une jument, et dont la lithographie, par Andrew, donne la plus haute idée^ Il est probable que c'est peu de temps après son retour qu'il peignit la Forge de village et V Enfant donnant à manger à un cheval^ y qui parurent, après sa mort, à l'exposition de d824, ainsi que V Ecurie^ et un Cheval bai brun sortant d'une écurie, tableau acheté cette même année i82/j. par la Société des Amis des arts*. Nous pouvons être plus affir- matif à l'égard du Four à plâtre, du musée du Louvre. C'est pendant une promenade qu'il fit à

1. La peinture appartient à M. Edouard Sartoris, à Londres.

2. A M. Schickler.

3. Au mêrae.

4. A M'"^ Saint-Elme Petit.


DE GÉRIGAULT. 227

Montmartre 5 avec M. Dedreux-Dorcy, qu'il vit cette masure dans son nuage gris, sous un ciel terne, avec quelques chevaux mangeant leur maigre pitance dans ce lieu mélancolique. Ce motif le frappa. Il en fit sur l'heure un léger croquis, rentra et peignit aussitôt l'excellent petit tableau qui devait avoir une influence si marquée sur les peintres contemporains. On trouve sans doute Géricault dans tous ces jolis ouvrages; mais il est impossible de ne pas remarquer qu'ils sont d'une médiocre importance pour l'auteur de la Méduse j, alors dans toute la force de l'âge et du talent. Géricault était revenu mal portant d'An- gleterre, où il avait beaucoup souffert d'une scia- tique prise dans une promenade sur la Tamise, et qui ne s'était jamais complètement guérie. Il se plaignait aussi de la poitrine. Il éprouvait une sorte de lassitude physique et morale causée sans doute autant par l'état de sa santé que par le peu de succès qu'obtenaient ses ouvrages, quoi- qu'on commençât à rechercher ses lithographies. Il était distrait, et l'art n'avait plus toutes ses pen- sées. C'est alors qu'il eut la singulière idée de


'228 DERNIÈRES ANNÉES ET DERNIERS OUVRAGES-

jouer à la bourse. Ils avaient fait, son ami Dorcy et lui, une somme de 10,000 francs, qu'ils con- fièrent à l'agent de change Mussard. Il va sans dire qu'ils perdirent leur argent jusqu'au dernier sou. Il s'était aussi intéressé pour 2/6 dans une entreprise de pierres artificielles, dont la fabrique était à Montmartre, et qui ne tourna guère mieux. Lui si large, si généreux, se préoccupait un peu plus que de raison de ces questions d'argent. Il faut dire que , malgré les économies qu'il avait faites pendant son séjour en Angleterre, ses dé- penses dépassaient peut-être son revenu. Il allait beaucoup dans le monde, avait plusieurs chevaux dans son écurie et faisait de gros sacrifices pour son art : il s'était , par exemple , si vivement épris des esquisses de la Bataille du Mont-Tha- hor'^ et de celle à^Eylau^ de Gros, qu'il paya 2,000 francs le droit de les faire copier \ Il y avait


\ . Le tableau n'a jamais été exécuté.

2. C'est M. Montfort qui fit la copie de la Bataille d'Eylau; celle de la bataille du Mont-Thahor fut exécutée par M. Letioux. Après la mort de Géricault, cette copie fut achetée par Horace Yernet, qui la donna au musée d'Avignon,


DE GÉRIGAULT. 229

alors, me semble-t-il, dans tout son être un trouble difficile à définir, mais impossible à méconnaître, et qui ne devait pas tarder à être aggravé par un accident très -sérieux qui lui arriva peu de mois après son retour d'Angleterre.

Il était allé seul à cheval visiter de très-bon matin cette fabrique de pierres artificielles dans laquelle il avait un intérêt, et dont j'ai parlé. En revenant, il trouva la barrière fermée, et pen- dant qu'il attendait c[u'on l'ouvrît, son cheval, animal très-vigoureux, fit un écart et le lança par-dessus sa tête. Géricault alla tomber à plat sur un tas de pierres. Au moment de sortir, comme il l'a raconté, n'ayant pas trouvé la boucle de son pantalon, il avait noué les pattes de drap, •et c'est à la pression de ce nœud contre l'épine dorsale qu'il attribuait la vive douleur qu'il res- sentit aussitôt. Il put cependant se relever et gagner son domicile. Il resta quelque temps très-souffrant; il avait un abcès dans le côté gauche. Son médecin, méconnaissant la nature

où on la montre comme un ouvrage de 1 au leur du Radeau de la Méduse.


230 DERNIÈRES ANNÉES ET DERNIERS OUVRAGES

OU la gravité de son mal, lui ordonna l'exercice. Il fait alors imprudence sur imprudence et va à Fontainebleau. En route, le cabriolet se brise. Il s'obstine à continuer son voyage à cheval, et comme son abcès le gênait , il voulait à toute force l'ouvrir avec une lardoire; on eut toutes les peines du monde à l'en empêcher. Il arriva, mais la fatigue avait beaucoup empiré son état. Quelques jours après, étant allé au champ de Mars voir les courses, il eut une rencontre, fit un effort pour retenir son cheval ; l'abcès fusa et se répandit dans la cuisse. Après s'être mis dans cet état pitoyable, il se décida enfin à aller pas- ser quelques mois chez M. Dorcy, qui demeurait alors rue du Helder, pour se soigner plus commo- dément et pour avoir la société de son ami. Il se remit assez bien et reprit peu à peu son travail. Il fit, pendant ce temps de convalescence, un grand nombre de dessins, d'aquarelles et de sé- pia. C'est alors aussi qu'il entreprit la suite des douze grandes lithographies dont il avait confié l'exécution à MM. Léon Gogniet et Yolmar. Mais le succès lui tenait rigueur. Malgré leur beauté.


DE GÉRICAULT. 231

la vente de ses ouvrages était difficile, ce qui le chagrinait outre mesure et mettait son amour- propre d'artiste à de rudes épreuves. « Un jour, me raconte M. Montfort, j'entrai dans l'atelier de M. Dorcy, où il travaillait alors ; je le trouvai entouré de dessins jetés pêle-mêle sur une table, et, à l'expression de son visage , que je connais- sais bien, je jugeai qu'il venait d'éprouver quel- que contrariété. Après l'échange des premiers mots, M. Géricault prit la parole et me dit : « C'est un malin que M. P... » (M. P... était un marchand de dessins très-achalandé) , et il répé- tait avec une certaine amertume : « Oh ! c'est un malin ! » Et comme je lui dem.andais pourquoi il médisait cela : « Figurez-vous, Montfort, reprit- il, qu'il sort d'ici et que je viens de lui montrer ces dessins; eh bien, M. P... a commencé par en prendre un, puis deux, puis trois, puis le tout; mais il y donnait à peine un coup d'œil, et, tout en me parlant d'autre chose, il les rejetait négli- gemment à la masse. « Savez-vous^, me disait-il, que la révolution grecque va bon train : Canaris, Collocotroni , Botzaris le turcophage, font des


232 IDÉES DE GÉRICAULT

merveilles, etc., etc., » et ce disant, il rejetait toujours les dessins qu'il avait à peine regardés. A la fin, il prit son chapeau, puis, comme il avait la main sur le bouton de la porte , il revint vers moi et, négligemment, en montrant les dessins : « A propos, combien voulez-vous de ça? » De ça, me répétait M. Géricault , comme s'il se fût agi d'un tas de ciboules. « Ah! prenez-les pour rien, étais-je tout prêt à lui dire. » Puis, abaissant les yeux vers les dessins dont le marchand n'avait pris qu'un petit nombre : « Il avait peut-être raison , fit-il ; car que peuvent valoir ces mé- chants morceaux de papier? »

Ces moments de tristesse et de découragement ne duraient pas. Géricault était d'une entière mo- destie ; mais il avait foi en lui-même et se sen- tait fort de son talent. Il se reprenait bientôt à rêver à quelqu'une de ces grandes peintures qu'il voulait exécuter « sur des murailles avec des sceaux de couleur et des balais pour pinceaux. » Deux sujets l'occupèrent surtout à cette époque : la Traite des nègres et V Ouverture des portes de V Inquisition, Nous ne possédons qu'un dessin


SUR LES BEAUX-ARTS. 233

important de chacun de ces ouvrages S encore ne sont-ce que des projets encore bien vagues qu'il aurait sans doute beaucoup modifiés. Ces deux compositions offrent pourtant de bien belles parties, et elles sont assez complètes pour qu'on puisse juger ce que Géricault en aurait fait s'il eût pu les exécuter.

L'art perdait sans doute quelque chose à ce demi-repos que le soin de sa santé imposait à Géricault ; mais son caractère, son esprit se mû- rissaient, et il nous est resté quelques renseigne- ments pleins d'intérêt sur les idées qui l'occu- paient alors. Il avait beaucoup réfléchi sur la théorie de son art, et, lorsqu'il put sortir , étant allé faire une promenade à Montmorency avec quelques-uns de ses amis, il s'expliqua sur ce sujet d'une manière complète et avec une sorte de solennité qui les frappa vivement. Il ne leur cachait pas le peu d'estime qu'il avait pour les types roides et uniformes des peintres classiques.

1. Celui de la Traite appartient à M. de La Salle; je l'ai publié; celui de V Inquisition , à M, Binder. M. Léon Lagrange possède aussi un joli croquis de ce dernier sujet.


234 IDÉES DE GÊRICAULT

Il disait aussi qu'un artiste ne doit se livrer à ses inspirations que lorsque , par des études sé- vères , par des travaux sérieux , il a acquis une grande connaissance de l'art, lorsque le dessin net et précis est passé chez lui h l'état d'habi- tude. Il voulait que, à l'exemple de Michel-Ange, qui tirait de prime abord une statue d'un bloc de marbre, un peintre fût assez sûr de lui-même pour jeter sur la toile une figure correcte, et ajoutait qu'il fallait savoir se passer de modèle si l'on voulait obtenir un mouvement vrai, original, une expression sentie ; car le modèle grimace tou- jours et charge la nature. Il prenait de l'école de David ce qui faisait son principal mérite : la science; il lui répugnait qu'on imitât les poses académiques et les agencements conventionnels qui faisaient alors la base de tous les tableaux. Il trouvait sans intérêt les sujets tirés de la fable et de l'histoire ancienne. Notre histoire nationale lui paraissait tout aussi féconde et tout aussi poé- tique, et il ne voyait pas que David et Gros, l'un en produisant le Serment du Jeu de paume, l'autre en peignant les épisodes des Pestiférés de Jaffa


SUR LES BEAUX-ARTS. 235

OU de la Bataille cVEylau^ eussent déployé moins de talent que dans les sujets empruntés à l'anti- quité païenne^. Géricault avait l'intention d'ex- poser ses opinions sur l'art dans un livre qu'il avait commencé et dont il nous reste quelques fragments. Il y développait ses propres idées et combattait celles des peintres classiques. Il pen- sait que les artistes , eux aussi , devaient élever la voix et s'efforcer d'éclairer et de former le goût du public. Géricault a si peu écrit que je donnerai en entier ces pages précieuses qui nous font connaître l'opinion du grand artiste sur les principales écoles de peinture, sur quelques-uns de ses contemporains , ainsi que sur un sujet qui a gardé toute son actualité, l'école de France à Rome.

«J'avais eu l'intention, dit-il, de faire précéder d'une longue préface les considérations que je désire soumettre au public sur l'état de la pein- ture en France; mais je l'ai tout à fait suppri- mée lorsque son inutilité m'a été reconnue.

i. Batissier, Géricault, p. 20.


23G MANUSCRIT DE GÉRICAULT.

« Le sujet que je vais traiter sera facilement compris de ceux pour qui je prends plaisir à le publier, et que leur importeront alors et mon âge et mes titres, lorsqu'ils auront su apprécier que je n'écris point pour mériter ou des éloges, ou une réputation brillante , mais seulement dans l'intérêt véritable des arts et pour être utile à ceux qui les cultivent, en leur soumettant quelques idées qu'ils auront déjà conçues avant moi, mais qui, n'ayant pas été communiquées encore, peuvent, en se répandant, apporter de nouvelles lumières et procurer à notre école un éclat nou- veau, en dirigeant tous les efforts de jeunes con- currents vers le but le plus noble et le plus élevé de cet art enchanteur, qui n'a pu être regardé comme inférieur à la poésie que par suite du mau- vais emploi que des artistes médiocres en ont trop souvent fait. Je me suis appliqué à ce que mes critiques, quoique sévères, fussent toujours im- partiales. Je puis garantir du moins que jamais aucune faiblesse ni basse condescendance n'in- fluenceront mon jugement. J'oserai tout dire, comme la noble tâche que j'ai à remplir m'en


MANUSCRIT DE GÉRIGAULT. 237

impose le devoir : je ne veux point de réputation usurpée, et je repousse pour mon pays toute vaine gloire dont pourraient le faire briller les ridicules éloges des talents qu'une emphatique nomenclature d'hommes de génie et la fas- tueuse énumération de chefs-d'œuvre imaginaires, qui n'existent pas même dans la pensée de leurs auteurs (sic) ^ Notre pays est assez grand de ses vraies richesses, sans qu'il soit nécessaire de lui en prêter. Je trouve même honteux les efforts de certains hommes pour faire ressortir jusqu'à nos défauts comme des quahtés, comme si l'idée de la perfection pouvait s'étendre sur une nation en particulier. Jouissons bien de nos avantages et nous serons assez grands , encou- rageons nos vrais talents et nous n'aurons plus besoin d'en gratifier une classe de gens médio- cres, qui semblent espérer par leur nombre pou- voir devenir une recommandation pour leur patrie, et partager avec le génie les honneurs et la gloire qui en sont la juste récompense.

1 . Je publie ces pages dans toute leur intégrité, sans m& permettre de corriger les négligences d'un premier jet.


238 MANUSCRIT DE GÉRICAULT.

« Il me semble entendre déjà les cris et les réclamations d'une foule de gens, qui vont crain- dre que je ne nuise à leurs petits intérêts en dé- voilant leur médiocrité. Qu'ils soient tranquilles : je ne m'occuperai seulement pas d'eux, et encore moins de leurs productions. Je m'adresserai quelquefois, il est vrai, à des noms célèbres en leur demandant compte de l'emploi de leur ta- - lent ; je démontrerai qu'ils en ont souvent abusé, et je croirai faire une chose d'autant plus utile qu'ils sont plus en évidence et doivent avoir par conséquent une plus grande influence sur l'opi- nion de la multitude. Ils pourront crier au sa- crilège, demander vengeance contre des juge- ments inaccoutumés, en appeler à l'opinion publique, ou plutôt aux ridicules adulations d'écrivains mercenaires; de ceux qui, sans les juger, les ont constamment égarés. Leur vaine fureur ne m'ébranlera pas, je suis au port depuis longtemps, et, sans passion comme sans riva- lité, je veux essayer de guider dans une route sûre et vraie ceux que l'ambition n'a point en- core égarés et que de dangereux éloges n'ont


MANUSCRIT DE GÉRICAULT. 239

point rendus insensibles à une sage critique; et sans m'inquiéter des petites haines que je ne manquerai pas de m'attirer par ma sincérité (la flatterie même n'en garantit pas), je me croirai bien dédommagé de mes efforts si j'ai le bon- heur de plaire à un petit nombre d'esprits sages et droits, amis de la vérité.

« La supériorité des écoles anciennes d'Italie, de Flandre et de Hollande est tellement recon- nue, qu'elle peut toujours être citée sans risquer de blesser en rien Famour-propre de nos moder- nes, puisque, même en cessant de la proclamer et d'en recommander l'étude à tous ceux qui veulent entrer dans la carrière des arts, on a supposé assez ridiculement que le climat avait beaucoup contribué à l'élévation de ces écoles; que l'Italie, par exemple, produisait d'habiles dessinateurs comme l'Amérique produit le café, et que l'humidité de la Hollande devait néces- sairement donner naissance à des coloristes. Ce qui répondra aussi victorieusement que pour- raient le faire les plus savants raisonnements à cette ridicule assertion, c'est que l'Italie est au-


240 MANUSCRIT DE GÉRICAULT.

dessous de nous aujourd'hui, et que dans son école il ne croît plus de dessinateurs, et que les brouillards toujours humides de la Hollande ne font plus éclore de coloristes.

« J'oserai donc assigner une cause toute dif- férente à l'éclat surprenant dont ces divers pays ont brillé successivement. Venise, république riche et puissante, a vu fleurir les arts; la Hol- lande, maîtresse des mers, a également marqué répoque de sa grandeur par des chefs-d'œuvre en tout genre. Les talents ont disparu de leur sein après la perte de leur grandeur et de leurs richesses. Les plus doux climats ont ainsi vu dis- paraître, avec la liberté, les talents qu'elle avait enfantés, et les lauriers antiques de la Grèce fa- vorisée ne reverdiront plus sur un sol flétri par l'esclavage!

(( Les beaux- arts n'étant point d'une première nécessité n'ont donc pu être que le résultat de l'abondance, et sont venus à la suite des premiers besoins satisfaits. L'homme, exempt d'inquiétude pour les choses de la vie, a du chercher des jouissances qui le garantissent de


MANUSCRIT DE GÉRIGAULT. 241

l'ennui où Tétat même de son bonheur l'aurait infailliblement précipité. Le luxe et les arts sont devenus alors une nécessité, et comme la nourri- ture de l'imagination, qui est une seconde exis- tence pour l'homme civilisé. Ils n'ont pris d'ac- croissement qu'en raison des besoins et des fortunes, et sont devenus aussi indispensables dans un grand État qu'ils seraient déplacés chez un peuple naissant.

« Les nombreux talents dont s'honore la France aujourd'hui me sont de .surs garants de n'être point démenti dans la proposition que je viens d'énoncer.

« Cependant j'aurai à démontrer combien une mauvaise direction, un mauvais emploi de moyens, peuvent être nuisibles à l'esprit natio- nal et paralyser en quelque sorte toutes les causes qui semblent réunies pour assurer notre supériorité. C'est ici que je prie le lecteur de m' accorder toute son attention, et de ne pas me refuser un peu d'indulgence pour les difficultés que je vais rencontrer à chaque pas, dans un sujet auquel on n'a point encore osé toucher :

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242 MANUSCRIT DE GÉRICAULT.


Des écoles de 'peinture et de sculpturej, et du concours pour le prix de Rome*

« Le gouvernement a élevé des écoles publi- ques de dessin qui sont entretenues à grands frais, et où toute la jeunesse est admise. Des concours fréquents semblent y exciter une ému- lation continuelle, et au premier coup d'œil cette institution paraît de la plus grande utilité et le plus sûr encouragement qui puisse être donné aux arts. Jamais à Athènes ni à Rome, les ci- toyens n'ont trouvé plus de facilité pour l'étude des sciences ou des arts, que n'en offrent en France nos nombreuses écoles de tout genre. Mais, depuis qu'elles sont établies, c'est avec chagrin que j'ai remarqué qu'elles avaient pro- duit un effet tout différent de celui que l'on sem- blait attendre, et qu'au lieu de servir elles sont devenues un inconvénient réel, puisqu'on don- nant naissance à des milliers de talents médio- cres, elles ne peuvent s'enorgueillir d'avoir


MANUSCRIT DE GÉRICAULT. 243

formé les hommes les plus distingués parmi nos peintres, puisqu'ils ont été en quelque sorte les fondateurs de ces mêmes écoles, ou du moins qu'ils ont les premiers répandu les principes du goût.

« David, le premier de nos artistes, le régé- nérateur de l'école, n'a du qu'à son génie les succès qui lui ont attiré l'attention du monde en- tier. Il n'a rien emprunté aux écoles, qui, au contraire, auraient pu lui être funestes si de bonne heure son goût ne l'avait arraché à leur influence et porté à réformer entièrement le système ab- surde et monstrueux des Vanloo, des Boucher, des Restout et de tant d'autres peintres alors en possession d'un art qu'ils n'ont fait que pro- faner. L'étude des grands maîtres et la vue de l'Italie lui inspirèrent ce grand caractère qu'il a toujours su donner aux compositions histori- ques, et il est devenu le modèle et le chef d'une école nouvelle. Ses principes ont rapidement dé- veloppé de nouveaux talents dont le germe n'at- tendait que d'être fécondé, et plusieurs noms célèbres sont bientôt venus proclamer la gloire


'm MANUSCRIT DE GERICAULT.

de leur maître et partager avec lui les triomphes et les couronnes,

« Après ce premier essor, cet élan vers le style noble et pur, l'enthousiasme n'a pu que s'affai- blir, quoique les excellentes leçons déjà reçues ne pussent être entièrement perdues pour le ju- gement, et que tous les efforts du gouvernement tendissent à prolonger autant que possible cette favorable impulsion. Mais le feu sacré, qui peut seul produire les grandes choses, va chaque jour s'éteignant, et les expositions, quoique nombreu- ses, trop nombreuses, deviennent chaque année moins intéressantes. On n'y voit plus de ces nobles talents qui excitaient un enthousiasme général, et qu'un public toujours appréciateur du beau, du grand, s'empressait de couronner. Les Gros, les Gérard, les Guérin, les Girodet, ne voyaient point encore s'élever de dignes rivaux de leurs talents, et, quoique chargés d'enseigner une jeunesse toute pleine d'une généreuse ému- lation, il est à craindre qu'ils n'emportent à la fm de leur longue et honorable carrière le regret de ne point se voir dignement remplacés. Nous


MANUSCRIT DE GÉRICAULT. 245

ne pourrions cependant sans injustice les accuser de ne point prodiguer tous leurs soins à ceux qui viennent suivre leurs leçons. D'où vient donc cette aridité, cette disette, malgré les distribu- tions de médailles, les prix de Rome et les con- cours de l'Académie? J'ai toujours pensé qu'une bonne éducation devait être une base indispen- sable pour toutes les professions, et qu'elle seule pouvait assurer une véritable distinction dans quelque carrière que l'on embrassât. Elle sert à mûrir l'esprit et le rend plus capable, en l'éclai- rant, de bien discerner le but vers lequel il doit tendre. On ne peut faire le choix d'un état avant d'avoir pu en balancer les avantages et les incon- vénients, et, à l'exception de quelques tempé- raments précoces, on ne voit guère les goûts se prononcer avant seize ans : alors on peut réelle- ment savoir ce que l'on veut faire, et l'on a encore toute l'aptitude nécessaire à l'étude d'une profes- sion que l'on choisit par convenance, ou vers laquelle une passion impérieuse vous entraîne. Je voudrais donc que l'Académie de dessin ne fut ouverte qu'à ceux qui auraient au moins atteint cet âge. Ce


248 MANUSCRIT DE GÉRICAULT.

n'est point de créer une race toute de peintres que la nation doit avoir en vue dans cet établis- sement, mais seulement elle veut offrir au vrai génie les moyens de se développer, et, au lieu de cela, c'est une population entière d'artistes que l'on a réellement obtenue. L'appât du prix de Rome et les facilités de l'Académie ont attiré une foule de concurrents que l'amour seul n'eût point fait peintres, et qui eussent pu s'honorer infiniment dans d'autres professions. Ils perdent ainsi leur jeunesse et leur temps à poursuivre un succès qui doit leur échapper, tandis qu'ils l'eus- sent employé utilement pour eux et pour leur pays.

« L'homme vraiment appelé ne redoute point les obstacles, parce qu'il sent pouvoir les sur- monter; ils sont souvent même pour lui un véhi- cule de plus; la fièvre qu'ils peuvent exciter dans son âme n'est point perdue; elle devient souvent même la cause des plus étonnantes pro- ductions.

« C'est vers ces hommes-là que toute la solli- citude d'un gouvernement éclairé doit se porter;


MANUSCRIT DE GÉRICAULT. 247

c'est en les encourageant, en les appréciant, en employant leurs facultés que Ton peut assurer la gloire de la nation ; ce sont eux qui feront re- vivre le siècle qui aura su les découvrir et les mettre à leur place.

({ Je suppose que tous les jeunes gens admis dans les écoles fussent doués de toutes les qua- lités qui doivent former le peintre, n'est -il pas dangereux de les voir étudier ensemble pendant des années sous la même influence , copiant les mêmes modèles et 'suivant en quelque sorte la même route? Comment peut- on espérer Étex sculpta la statue. Elle représente Géricault étendu à terre, enveloppé dans un manteau et tenant d'une main sa palette et de l'autre un pin- ceau. La statue fut mise sur le tombeau et y demeura quelques années. Mais plus tard elle fut enlevée, transportée à Rouen, et placée au bas de l'escalier du musée de peinture à l'hôtel de ville, oii elle est encore. — Le tombeau actuel, situé tout près de la chapelle, consiste en un stèle carrée sur laquelle est sculptée une palette. Le nom de Géricault est inscrit au-des- sous, en grosses lettres. — M. Mocquart , ami de Géricault, prononça sur sa tombe un discours, rapporté dans le tome I de la Galerie du Palais-Royalj à l'article Chasseur à cheval.


DE GÉRICAULT. 255

journée de travail terminée, d'oublier d'aller dîner et de rester avec lui jusqu'à onze heures du soir. Je dois dire toutefois que, malgré le charme que je trouvais à être avec lui , ce n'était pour- tant pas toujours cette raison seule qui me rete- nait : il s'y mêlait aussi un sentiment moins personnel. La journée, parfois , avait été très- mauvaise pour lui ; il était triste, découragé, et, comme en causant il semblait oublier son mal, je restais, reculant le plus possible mon départ, et répugnant à l'idée de le laisser seul avec la perspective d'une nuit sans sommeil. Un jour, j'avais manqué, je ne sais par quel motif, de ve- nir travailler à ma copie, et comme, le lende- main, M. Géricault m'en faisait la remarque et que je m'en excusais de mon mieux, il m'arrêta pour me dire qu'il n'y avait dans ses paroles au- cune pensée de reproche et que, quant à lui, il souhaiterait que la copie durât toujours. Ces pa- roles, si affectueuses dans la bouche d'un homme que je considérais comme une joie d'avoir connu, me touchèrent profondément, et je me promis bien de ne plus m' absenter désormais : elles me


256 DERNIERE MALADIE ET MORT

permirent en même temps de juger combien les journées étaient tristes et longues pour lui. C'est en ramenant mes souvenirs sur ces longs entre- tiens journaliers que je pourrais faire connaître quelques-unes de ses pensées et de ses opinions sur l'art. Plein d'admiration pour les ouvrages de quelques-uns des peintres contemporains , et en particulier pour ceux de Gros, dont il parlait avec une éloquence entraînante , il trouvait ce- pendant que c'était surtout aux anciens qu'il fal- lait recourir pour l'étude. La peinture est là, me disait -il, et, se servant de la comparaison de l'abeille, qui compose son miel du suc de diffé- rentes fleurs, il ajoutait qu'en les étudiant on composait aussi son miel à soi. Porté vers l'école italienne plus que vers toute autre, il disait aussi qu'il n'y avait pas besoin du secours des couleurs pour faire de belles choses , et que les maîtres avaient produit des œuvres admirables avec du noir et du blanc. Et pourtant il professait un grand enthousiasme pour Rubens et pour Rem- brandt, et il ne parlait qu'avec amour des tableaux de genre hollandais et flamands. Malgré cela


DE GÉRICAULT. 2^7

lorsqu'il passait de ces grands génies aux hom- mes de son temps, il trouvait aussitôt des paroles pleines de chaleur et leur donnait les éloges les plus sincères. Un jour, je lui parlais du tableau du Sacre y de David, que je ne connaissais pas alors : « La moitié de ce tableau, me dit- il, est magnifique ; c'est aussi beau que Rubens. w Et comme je le regardais étonné, il reprit : « Oui, Montfort, tout aussi beau! » Avec quelle passion ne me dépeignait-il pas , parmi les œuvres de Gros, soit la Peste de Jaffa^ soit la Bataille (TAboukir ou celle de Wagram^ avec une pièce d'artillerie, à la droite du tableau, enlevée au galop par des chevaux couverts d'écume , et dont les roues font voler la boue dans leur mouvement rapide ; puis encore, je lui demandais dans quel tableau moderne il trouvait les plus grandes qualités de dessin : il me cita, dans les Pestiférés de Jaffa, les figures sur le devant de la composi- tion. Une autre fois, je lui rappelais la Révolte du Caire, de Girodet. « Oh! c'est très-beau, » me dit-il, et, me citant avec éloges plusieurs des figures de cet ouvrage, il ajouta : « C'est encore

n


258 DERNIÈRE MALADIE ET MORT

plus Turc que Gros. » Dans une autre circon- stance, je venais de voir la Justice poursuivant le Crime^ de Prud'hon; je lui en parlai, il en fit un grand éloge; je lui fis observer que, dans le jeune homme mort, les contours n'étaient pas aiTétés, qu'ils semblaient perdus dans le fond, et je lui demandais s'il aimait cela. « Oh! non, me dit-il; pas du tout.» Et comme je me montrais surpris de ce qu'il me disait, après les louanges qu'il avait données au tableau et à l'auteur, il ajouta : « Pour moi, si je pou- vais tracer mon contour avec un fil de fer, je le ferais. » Un jour qu'il parlait devant moi de faire, d'après nature, un détail assez insigni- fiant, je lui demandais si c'était une obligation de tout faire d'après le modèle; c'est alors qu'il me répondit : « Assurément, pour moi, je ne ferais pas un torchepinceau sans nature. » Peut- être, dans ce cas, exagérait -il à dessein sa pensée : j'étais très-jeune alors, et il pouvait craindre qu'entraîné par l'exemple de mon maître Horace Vernet, doué d'une mémoire exception- nelle, prodigieuse, je me crusse appelé à faire


DE GÉRICAULT^ 259

comme lui et à négliger, par suite, l'étude de la nature.

« A l'exposition de 1819 figurait le portrait de M. de Nanteuil , par Pagnest ; et comme M. Géri- cault en parlait avec de grands éloges , et que j'avais été moi-même très-frappé de cette pein- ture, j'allai jusqu'à dire devant lui que cela sem- blait être la nature elle-même et non de l'art, et que je n'avais jamais rien vu de Y an Dyck qui m'eût fait une pareille impression. Et comme je l'interrogeais du regard pour savoir s'il parta- geait mon sentiment, il me dit ces simples mots : « Oh! Mont fort, c'est bien beau, Van Dyck! » et je compris qu'il ne sacrifiait pas Van Dyck à Pagnest. 11 admirait beaucoup le cheval du por- trait de l'électeur de Brandebourg par le peintre flamand. Les trois plus beaux chevaux peints qu'il eût vus étaient un de Gros, un de Rubens et un de Raphaël (celui, autant que je puis me rappeler, qui se trouve dans la fresque d'Attila, au Vatican). A cette époque, on faisait peu de peinture murale soit dans les églises , soit dans les monuments publics, ce qui faisait dire à


260 DERNIÈRE MALADIE ET MORT

M. Géricault que, sous ce rapport, les anciens étaient mieux partagés que nous : « Aujourd'hui, continuait-il, on vous commande un tableau, et, s'il n'est pas réussi, c'en est fait de vous. Tel n'était pas le cas autrefois : l'on vous donnait une chambre à peindre, et si l'on échouait sur l'une des murailles, il en restait trois autres pour se rattraper. » Bien que forcé de garder conti- nuellement le lit et souvent même sans changer de position, M. Géricault ne demeurait pas pour cela oisif : souvent il faisait des croquis de che- vaux; il dessina plusieurs fois sa propre main*. Il copia patiemment à l'aquarelle, et dans ses moindres détails, plusieurs dessins indiens qui lui avaient été prêtés : ils représentaient des femmes dont il admirait beaucoup la délicatesse et le caractère précis, et des chevaux qu'il trou- vait pleins de physionomie et de race. Il copiait aussi des lithographies de Gharlet, et il répon- dait, à ceux qui s'en étonnaient, qu'il fallait faire son profit du bien partout où on le rencontrait.

'1. M. Lehoux possède une de ces mains aux crayons rouge et noir.


DE GÉRICAULT. 261

« Dans ses moments de calme, et quand l'es- pérance de guérir prenait le dessus, il confiait à ses amis quelques-uns de ses projets : il avait l'in- tention de peindre la Traite des nègres^ ce qu'il considérait comme un très-beau sujet; il songeait aussi à la Reddition de Parga^ « et je ferai aussi, disait-il, un tableau de chevaux grands comme nature, et un de femmes, mais des femmes, des femmes!... » Ces dernières paroles impliquaient l'idée de la force qu'il ne séparait guère de la beauté. D'autres jours, au contraire, il était pro- fondément découragé ; il se voyait mourir et s'écriait : « Si j'avais seulement fait cinq ta- bleaux; mais je n'ai rien fait, absolument rien! » Suivant lui, en effet, il était resté dans son tableau de la Méduse bien loin du but qu'il se proposait d'atteindre.

(( On se ferait difficilement l'idée d'un carac- tère plus élevé et plein en même temps d'une simplicité aussi grande. Sa bonté, sa bonhomie même envers nous tous S qui étions alors presque

i. MM. Robert-FJeury, Eugène Lami, Lehoux, Jamar et quelques autres.


262 DERNIÈRE MALADIE ET MORT

encore des enfants, était incomparable. Il savait se mettre à notre portée, et pour ainsi dire à notre niveau, sans que cela diminuât en rien l'admiration sincère que nous avions pour lui. Aussi, entendant parfois dire autour de moi : « Ce fou de Géricault a fait ceci ou cela, » je m'en étonnais singulièrement; car tous les con- seils qu'il nous donnait, soit sur notre manière d'agir dans la vie, soit pour ce qui touchait à notre art, étaient pleins de sagesse. Il avait une modestie et une pudeur extrêmes, et une dispo- sition à admirer les autres que l'on rencontre bien rarement chez les artistes. Une fois, lors- qu'il était déjà bien mal, en entrant dans sa chambre dont la porte était au pied du lit, je le trouvai une feuille de papier dans les mains, qu'il était en train de considérer. « Tenez, Mont- fort, regardez cela, » s'écria-t-il en me jetant la feuille sur le pied du lit. Je la pris, je la regar- dai à mon tour. C'était un dessin à la mine de plomb représentant une femme d'un très-beau caractère. « C'est d'Ingres, » reprit-il; et comme je tournais les yeux vers lui pour lui exprimer le


DE GÉRIGAULT, 263

plaisir que me causait ce beau dessin, il ajouta : <( C'est comme Raphaël. »

« Dans les derniers temps de cette longue et cruelle maladie, me dit de son côté M. Lehoux, où il montra tant de force d'âme, où il eut tant à souffrir, et du mal qui le minait et du traitement souvent plus cruel qu'on lui infligeait, je le veil- lais alternativement avec M. Dorcy; je passais la nuit auprès de lui, couché sur un divan, afin d'être à même de lui donner les soins que ré- clamait sa position. Combien je me rappelle vive- ment la tristesse de ces longues nuits i car même lorsque le mal lui laissait quelque trêve et qu'il se reprenait à espérer, je ne savais que trop que la mort serait le terme de cette horrible mala- die. Je revois son modeste intérieur. Je me plais à me reporter, par la pensée, dans cette petite chambre de la rue des Martyrs. Elle était très- simplement meublée : un petit lit en fer garni de grands rideaux blancs où je l'ai vu si long- temps souffrir avec tant de courage et de rési- gnation, une ancienne commode avec un marbre blanc, placée au pied du lit; une petite table,


264 DERNIÈRE MALADIE ET MORT

un grand fauteuil jaune, et ce divan sur lequel on couchait pour le veiller. Les murs étaient couverts d'un papier de tenture gris qui dispa- raissait presque entièrement sous des gravures et de belles copies d'après les maîtres de toutes les écoles qu'il avait faites dans sa jeunesse. Il avait réuni là celles qu'il affectionnait le plus : le Christ au tombeau et le Martyre de saint Pierre, d'après Titien ; une copie d'après Fabricius, re- présentant un guerrier assis devant une muraille éclairée par un rayon de soleil. D'autres encore d'après M. Gros, et quelques études de che- vaux

« En dehors de la peinture qui tenait toujours ane grande place dans nos entretiens, il se plai- sait soit à des réflexions sur les lectures que nous lui faisions, soit à parler de lui, de sa jeunesse, sujet qu'il savait bien devoir nous intéresser et auquel nous ne manquions pas de le ramener fréquemment. Il nous donnait, sur la manière dont nous devions marcher dans la vie, des con- seils que nous écoutions avidement, captivés et comme sous le charme d'une fascination. Il me


DE GÉRICAULT. 265

dit, à plusieurs reprises : « Aimez bien votre mère, car personne ne vous aimera comme elle : ni votre maîtresse, ni votre femme! »

C'est de ce lit de douleur qu'il écrivit à M. Eu- gène Isabey, très-jeune alors, une charmante lettre, sa dernière, je crois. « J'ai vu hier ton cher papa, qui veut bien prendre mille soins de moi et qui m'a assuré que tu aurais quelque plai- sir à recevoir ce bonjour de moi. De dedans mon lit, je te l'envoie, mon cher Eugène, avec mille amitiés et surtout avec un peu plus d'espoir que je n'en avais lorsque tu es parti, puisque je crois réellement éprouver un peu de mieux. Néan- moins je n'ose pas encore trop chanter victoire, par la crainte de retomber tout à plat. Je t'envie tellement la faculté de travailler, que je puis, sans crainte d'être taxé de pédant, t'engager à ne pas perdre un seul des instants que la bonne santé te permet de si bien employer. Ta jeunesse aussi se passera^, mon jeune ami. Adieu. Tout à toi de cœur. Géricault. »

Au dire des contemporains de Géricault, ses portraits ne donnent de lui qu'une idée très-im-


•206 PORTRAIT DE GÉRICAULT.

parfaite. Les uns le représentent tout jeune, flatté ou plutôt atténué et enjolivé ; d'autres, lorsque la maladie avait déjà cruellement exercé ses ra- vages. Il était blond ; la barbe avait même une teinte rousse assez prononcée. Sa tête était bien construite, régulière et très-noble. La mâle énergie du visage était tempérée et embellie par une expression très-marquée de douceur : comme illuminée par un rayon vif de son âme affectueuse et chaude ; ses yeux surtout, pleins d'éclairs et de caresses, avaient un charme irrésistible. Plutôt grand que petit, il avait une stature forte et svelte. Il était remarquablement bien fait, et Vernet assurait qu'il n'avait jamais vu un plus bel homme ; les jambes surtout étaient superbes : celles de l'éphèbe qui tient le cheval au milieu de la Course de chevaux libres^ me dit M. Dorcy. Très-soigné dans sa mise, il suivait la mode non sans quelque affectation : il était homme du monde ; mais l'égal des plus brillants cavaliers de Tépoque restait l'ami et le bon camarade de ses plus humbles compagnons d'atelier. Lui, le grand artiste, avait surtout, ce que je nesoup-


CONCLUSION. 267

connais pas en commençant cette étude, un cœur excellent. Tous ceux qui l'ont connu m'ont parlé de la même manière de l'empire incroyable qu'il exerçait, et après quarante ans, ils sont encore sous le charme. Il inspirait à chacun cette sympa- thie franche et vive que lui-même ressentait pour tous.

La mort prématurée de Géricault est un mal- heur immense, irréparable pour notre école. S'il eût atteint le terme ordinaire de la vie humaine, et confirmé par des succès réitérés les promesses de ses débuts, une ère nouvelle se serait peut- être ouverte pour l'art français. Son influence a sans doute été très-grande et elle dure encore. Il a puissamment agi sur nos peintres de genre, sur nos paysagistes, et d'une manière plus mar- quée, plus évidente, sur Delacroix, surDecamps et sur le sculpteur Barye. Mais les grands exem- ples qu'il aurait donnés à ces artistes si brillam- ment doués, le secours de sa main ferme, puis- sante et si douce leur a manqué trop tôt. Il fallait un pareil maître, si savant, si convaincu, disposé à tout comprendre et à tout aimer, pour élever


26S CONCLUSION.

et pour discipliner les peintres contemporains, pour les guider sur la route dangereuse du natu- ralisme où plus d'un s'est égaré. Ils auraient subi sans répugnance et sans révolte l'ascendant de son génie, car il était l'un d'entre eux. Ils le comprenaient, ils l'admiraient et l'aimaient. Ce- pendant je ne voudrais pas exagérer ma pensée. Le temps des grandes écoles fidèles et compactes est passé. On ne saurait assigner de limites aux progrès des sciences. Aussi longtemps que du- rera le monde, elles s'élèveront d'assise en assise, d'étage en étage, chaque siècle et chaque savant dépassant et surpassant celui qui l'a précédé, apportant un fait, un point de vue nouveau, une découverte, dévoilant à son tour quelqu'un des mystères de l'univers physique. Il n'en est pas ainsi dans le domaine de l'imagination. Toutes les idées et toutes les formes , toutes les combinai- sons pittoresques et poétiques ont été essayées. L'homme a fait depuis longtemps le tour des choses de l'esprit. A cet égard la civilisation est accomplie, et comme elle ne disparaîtra pas dans .quelque cataclysme de barbarie, il ne se trou-


CONCLUSION. 269

vera plus de ces artistes de génie qui découvraient, au détour d'un siècle, une contrée inconnue, un horizon nouveau, une face jusqu'alors ignorée de l'humaine vérité. Ceux-là étaient bien vrai- ment des maîtres, des inventeurs et des promo- teurs. Depuis quelques siècles déjà nous assistons à un tout autre spectacle. Le monde n'est pas fini pour cela. Nous avons eu dans notre époque moderne, et nous aurons encore de grands poètes et de grands peintres capables de grouper autour d'eux, pendant un temps plus ou moins long, des élèves et des disciples; ils apporteront une nuance, quelque interprétation nouvelle ; ils don- neront une certaine impulsion et le ton; mais c'est tout. Depuis la renaissance, l'esprit humain s'est émancipé. Il échappe de plus en plus à la contrainte étroite de l'exemple, à l'influence do- minante du temps et du lieu. Chacun puise avec liberté dans la tradition, ce trésor d'expérience qu'ont amassé les siècles, et revêt d'une forme savante une pensée, un sentiment personnels. De sorte que désormais on verra de grands artistes originaux et isolés qui se rattacheront,


270 CONCLUSION.

suivant la nature de leur talent, à des doctrines déjà représentées dans le passé, plutôt que de grands chefs d'école. Et c'est à mon sens un honneur pour notre pays et pour notre temps d'avoir produit des génies aussi puissants et aussi divers que les David, les Gros, les Prud'hon, les Géricault. Ils portent sans doute l'empreinte de la société dans laquelle ils ont vécu; ils appar- tiennent à une race et à une époque déterminées, et on le voit. Mais ils se sont moins soumis qu'ils ne l'eussent fait dans un autre âge à la loi fatale, et je ne saurais reconnaître un signe de décadence dans ce caractère d'originalité, de vérité individuelle, dont leurs ouvrages portent une marque si frappante.


CATALOGUE EAISONNÉ


DE


L'ŒUVRE DE GÉRICAULT


La classification du catalogue des peintures, des sculptures, des dessins et des lithographies de Géricault, que je présente au public, m'a beaucoup embarrassé. Dans un travail de ce genre, lorsqu'on peut le suivre absolument, l'ordre chronologique est sans contredit le meil- leur. Il est simple, naturel et fournit les indi- cations les plus précieuses sur les évolutions du génie de l'artiste. Je n'ai pas hésité à l'adopter pour les œuvres dont on connaît la date précise. Mais il restait à disposer cette foule d'esquisses, d'études, de dessins sur lesquels nous ne possé- dons point de documents certains, et qui, vu la brièveté de la vie de Géricault et la rapidité (on

48


274 CATALOGUE RAISONNÉ

pourrait dire l'instantanéité) de son développe- ment, ne présentent pas de ces caractères tran- chés C[ui permettent de les rapporter à mie époque déterminée de sa vie. Après bien des hésitations, des tâtonnements, des essais, je me suis décidé à grouper ces ouvrages auprès de ceux de même nature dont la date nous est connue; cette méthode aura au moins l'avantage de mettre de la clarté dans mon travail et de faciliter les recherches. C'est ainsi que j'ai réuni une grande partie des études d'atelier, les aca- démies proprement dites, ainsi que les chevaux isolés qui pour la plupart sont antérieurs aux deux cavaliers du Louvre; puis, après ces deux ouvrages et d'autres compositions militaires, les animaux divers, quoique je sache bien que quel- ques-uns d'entre eux ont été faits d'après nature au Zoological Garden de Londres; enfin, après les courses des chevaux montés que Géricault peignit en Angleterre, les sujets de chevaux qui ont le caractère de tableaux et un cer- tain nombre de compositions qui appartiennent évidemment aux dernières années de sa vie.


DE L'OEUVRE DE GÉRICAULT. 275

Cette méthode n'est pas rigoureuse, je le sais : c'est un compromis ; elle a les défauts de tous les compromis, et si je l'ai adoptée, ce n'est pas que je la trouve parfaite, mais parce que je n'ai pas su en imaginer une meilleure. On trouvera d'ailleurs dans ce catalogue des erreurs et des lacunes, et, bien loin de les dis- simuler, je les signale hautement pour qu'on me donne les moyens de corriger les unes, de com- bler les autres. En commençant cette partie de mon travail, je n'avais d'autre intention que de m'instruire moi-même et de me mettre en état, par une étude détaillée et approfondie, de juger le grand artiste et d'écrire sa vie, de sorte que dans bien des cas j'avais négligé de prendre des notes suffisantes sur des ouvrages qu'il ne m'a pas été possible de revoir, et qui se trou- vent incomplètement et peut-être inexactement décrits. Je sollicite de toutes les personnes qui ont à cœur la gloire de notre grand peintre, des renseignements qui me permettront de faire disparaître ces imperfections.


CATALOGUE RAISONNÉ


DE


rOEUYRE DE GÉRICÀULT


PEINTURES.

(1810 — 1812.)


i . Portrait de géricault peint par lui-même. Il est repré- senté encore imberbe, âgé de dix-huit ou dix-neuf ans. Cette intéressante peinture, sur papier verni, appar- tient par indivis à MM. Henri et Félix Moulin, àMortain.

H., 20. — L., 14 cent.

2. Portrait de M. Félix Bonnesoeur, Ce portrait de famille

a été exécuté vers la même époque que le précédent. — A M. Félix Moulin, à Mortain.

H., 53. — L., 44 cent.

3. Enseigne d'un maréchal ferrant. Cet ouvrage, que

Géripault peignit à Rouen dans sa première jeunesse,


278 CATALOGUE.

pendant un des séjours qu'il fît dans sa ville natale, m'est inconnu.

H., - L.,

4. Char antique. Il est attelé de deux chevaux qui s'en-

lèvent au galop, et conduit par une jeune femme que dirige un jeune homme placé derrière elle. Cette pein- ture, de la première jeunesse de Géricault, a un très- grand intérêt par sa date. Ce n'est qu'une copie d'après une gravure de Carie Vernet; mais on y trouve déjà l'énergie de Géricault et son originalité de facture. Les chevaux sont beaucoup plus terminés que le reste. — A M. Smith.

H., 60. — L., 7G cent.

5. Le Départ d'Ulysse. Ulysse, accompagné de Pénélope

et de Télémaque, suivis de plusieurs femmes, est sur le point de s'embarquer : il pose le pied sur le bord du bateau, où l'attendent ses compagnons; l'un d'eux lui tend la main pour l'aider à monter. Composition impor- tante de dix-huit figures.

Géricault a peint cette curieuse esquisse lorsqu'il était encore dans l'atelier de Guérin. — AM.Camille Marcille.

H., 49. — L., 68 cent.

6. Académie. D'après le modèle Cadamour. De grandeur

naturelle et jusqu'à la cuisse, la hanche recouverte d'une draperie rouge. La figure est vue par le dos, retournant la tête vers le spectateur, le bras droit baissé, le gauche porté horizontalement en avant et replié. — A gauche, dans le bas, une figure nue couchée sur le dos, sur la table à modèle, très-largement ébauchée. Fond de ciel nuageux. — A. M. Leconte.

H., 78. — L., 62 i/2 cent.


PEINTURES (1810 A 1812). 279

7. Académie. Homme debout : la tête est vue de profil. Le

bras droit est posé sur une table à modèle, à la hauteur de la poitrine. La main gauche tient un bâton qui est appuyé sur le sol, près de la jambe gauche. — A M. Ca- mille Marcille.

H., 80. —L., 64 cent.

8. Académie. Jeune homme assis sur un rocher, et jouant

de la flûte. La jambe droite est repliée; la gauche est en avant. Des vagues battent le rocher. Fond de ciel. — A M. Camille Marcille.

H., 59. — L., 49 cent.

9. Académie. Homme debout : de ses deux mains il tient

une corde sur laquelle il tire. — A M. Camille Marcille.

H., 80. — L., 64 cent.

10. Académie. Homme debout, la jambe gauche en avant, les deux mains croisées sur la tête, qu'il tourne à gauche, Il porte un glaive de forme antique attaché par un ruban rouge et il est chaussé de cothurnes. Fond de mon- tagnes, ciel très-sombre à peine éclairé à l'horizon à droite. — A M. de Triqueti.

H., 75. — L., 60 cent.

il. Académie. Homme couché. H a le bras étendu vers la droite. Cette étude doit avoir été faite à l'atelier de Guérin. — A M. Binder.

H., 50. — L., 67 cent.

1^. Académie. Homme nu.— Vente Delacroix, février 1864, 200 fr. (n° 226 du catalogue.)

H., 28. — L., 21 cent.

13. Buste de jeune homme. Il est tourné à droite et vu de


280 CATALOGUE.

trois quarts. Ses cheveux sont ébouriffés, ses moustaches naissantes. Le cou nu est entouré d'un vêtement bordé de fourrure. Signé dans le fond à droite : « Géricault. » Cette étude doit avoir été faite à l'atelier de Guérin, dont elle rappelle la manière. — A M. His de La Salle.

H., 44. — L., 36 cent.

44. Portrait d'un jeune garçon assis dans la campagne. — Vente Delacroix, 370 fr. (n° 225 du catalogue).

H., 45. — L., 38 cent.

15. TÊTE d'homme. —Vente X. Hôtel Drouot, 11 février 1S67.

H., — L.,

16. Grand paysage en hauteur. Dans le genre du Guaspre. Au second plan des pêcheurs mettent à Peau une barque.

Vente Ary Scheffer, mars 1859, 1,150 fr.— A M.Dor- nan. — Le pendant de ce tableau, qui m'est inconnu, se trouvait dans l'atelier de Géricault, au faubourg du Roule, pendant l'exécution de la Méduse.

H., 2 m. 54. — L., 2 m. 20 cent.

17. Marine. Au premier plan à gauche, une barque échouée, et près d'elle deux personnages en costume grec mo- derne; à droite, de hautes falaises. Ciel couvert, mer orageuse obscurcie dans la partie moyenne du tableau par l'ombre d'un nuage. — Cette belle pochade a appar- tenu à M. Paul Flandrin, puis à M. Moureaux, qui l'a vendue récemment à M. Alfred Stevens pour le prix de 700 francs.

H., 45. — L., 55 cent.

48. Turc monté sur un cheval alezan brûlé qui galope A DROITE. Il est vêtu d'un costume bleu, coiffé du turban,


PEINTURES (1810 A 1812). 281

et se baisse à droite pour ramasser sa lance avec son sabre. Dans le fond à droite, deux cavaliers tracés à la plume. Cette intéressante esquisse a été faite d'après une composition de Carie Vernet qui a été lithographiée. — A M. de Triqueti.

H., 36. — L., 45 cent.

19. Épisode DE là guerre d'Egypte. Au premier plan , un cheval blanc qu'un mameluck s'efforce d'emmener; à gauche en arrière , un autre cheval, et dans le coin, du même côté, des armes suspendues ; au fond, un in- cendie. — A M. Valferdin.

H., 16. — L., 25 cent.

10. Un croisé, la lance a l'épaule, sur un cheval gris- isabelle. Il est tourné à droite et fait cabrer sa mon- ture au-dessus des cadavres d'un Maure et d'un cheval. Au second plan, à droite, un cheval sans cavalier s'en- fuit en retournant la tète. Fond de montagnes. — A

M. Herpin,

H., 44. — L., 52 cent.

21 . Cheval blanc debout dans une écurie. Il est de profil et tourné à gauche. Au second plan à gauche, un autre cheval avec une couverture, vu en trois quarts par la croupe. On aperçoit, au-dessus de la croupe du cheval blanc, la tête d'un troisième cheval. D'après une inscrip- tion placée sur la traverse du châssis, cette étude aurait été peinte à Versailles en 1810, et elle représenterait trois étalons célèbres. Le premier se nommait Tamerlan; le second, à gauche, Néron, — De bons juges pensent que cet ouvrage n'est qu'une copie du tableau original qui aurait disparu. — A M. Berville.

H., 46. — L., 54 cent.


282 CATALOGUE.

22. Trompette de lanciers polonais sur un cheval BLANC. Le cheval tourné à gauche se cabre. Dans le fond, à droite, on aperçoit quelques lanciers. Cette pein- ture un peu sèche est probablement de la jeunesse de Géricault. — Vente Collot (n" 3'J du catalogue). — A M. James-Nathaniel de Rothschild.

H., 40. — L., 32 cent.

23. Cheval turc dans une écurie. Il est bai brun, vu de trois quarts par la croupe, la tête tournée à gauche, et porte une selle orientale richement ornée. Devant lu., la mangeoire. — Sur papier marouflé. — Vente Mossel- man, 1849, 750 fr. — Musée du Louvre (n° 247 du cata- logue].

H., 35. — L., 25 cent.

24. Cheval espagnol dans une écurie. Il est bai brun,

vu de profil et tourné vers la droite. On aperçoit dans

une stalle au fond de l'écurie un autre cheval de même

robe, tourné à gauche avec une couverture. — Vente

Mosselman, 520 fr. — Musée du Louvre (n° 248 du

catalogue).

H., 50. — L., 60 cent.

25. Cheval alezan doré. Il est tourné à droite et attaché

par sa longe dans une écurie. Un coq et trois poules

picorent autour de lui. Superbe pochade signée à gauche

en rouge : G. — Sur papier marouflé. — A M. His de

La Salle.

H., 28. — L. 36 cent.

26. Cheval noir sortant de l'écurie. Le cheval est vu de

profil, tourné à droite, avec une couverture rayée; le palefrenier, en manches de chemise, le tient par sa longe. A gauche, on aperçoit deux autres chevaux dans leurs boxes. On assure qu'Horace Vernet a travaillé à ce ta-


PEINTURES (1810 A 1812). 283

bleau. — C'est sans doute cet ouvrage qui a été litho- graphie par Volmar, sous le titre l'Étalon^, dans le tome II de la Galerie du Palais-Royal. — Vente du roi Louis- Philippe, avril 1851, 4,000 francs (n° 48 du catalogue],

H., -L.,

27. Cheval arabe. Il est gris pommelé et tourné à gauche, avec une selle rouge placée sur une housse jaune. Der- rière lui, un Arabe est appuyé à la selle. Un autre Arabe accroupi au-dessous de la tête du cheval. Esquisse peu avancée. — A M. Schickler.

H., 35 1/2. — L., 44 cent.

28. Étude de chevaux. Cheval gris, à peine pommelé, avec une couverture rouge, allant à gauche, monté par un homme en bottes à l'écuyère et culotte bleue. A gauche, un aufre cheval de même robe et également monté, vu parla croupe. Pochade peu avancée. — Vente van Cuyck, février 1866, 1,530 francs.

H., 23. — L., 3 j cent.

29. Cheval gris au râtelier. Il est vu de profil, tourné à droite et attaché par deux longes. — A iM, Hau-

guet.

H., 25. — L., 33 cent.

30. Cheval gris blanc. Il est vu de profil, la tête tournée

à gauche. Il est peint très-vigoureusement, en pleine

lumière, et se détache sur un fond de mur brun noir

qu'on distingue bien dans la partie gauche de la toile,

mais qui, sur la droite, disparaît dans l'obscurité. —

Acheté 600 francs par M. Reiset, et vendu le même prix

au musée de Rouen.

H., 59. — L., 72 cent.


284 CATALOGUE.

31. TÊTE DE CHEVAL BLANC. Cette peinture a été faite par Géricault avant son voyage d'Italie.

Le châssis porte en effet un numéro à l'encre. Géri- cault, avant son départ, avait catalogué et marqué toutes ses études, qu'il laissait entre les mains de son père. La plupart des peintures de cette époque qui n'ont pas été rentoilées portent des marques semblables. —A M. Jul-

lienne de Turmenine.

H., 55. — L., 46 cent.

321. Cheval bai brun avec les pieds blancs, debout dans UNE ÉCURIE. 11 est tourné à gauche; la tête et les pieds sont très-achevés, le corps est moins avancé. A gauche, on voit la croupe d'un cheval blanc. Cette peinture a été donnée par Géricault à M. Léon Cogniet.

H., 37. — L., 45 cent.

33. Cheval brun a l^écurie. Il est de profil, la tête tournée à gauche. Au fond, on voit un râtelier.

Cette petite étude a appartenu à M. Revil, puis à M. d'Houdetot, — A M. Dutuit, à Rouen.

H., 25. — L., 34 cent.

34. Cheval a l'écurie. Il est bai brun, vu de profil et tourné

à droite. Il est attaché à sa mangeoire par une longe.

Jolie étude, d'une exécution fine et souple. — A M. Etienne

Arago.

H., 23. — L., 32 cent.

35. Cheval a lur.

H., 61. — L., 51 cent.

80. Nature morte. Un poulet plumé sur un tapis de velours rouge frangé d'or. Un pilon en cuivre jaune; des fruits; un verre de Venise ; une volaille accrochée au mur.

Cette belle étude rappelle le genre de Snyders. — A M. Binder (2,800 fr.).

H., 98. — L,, 80 cent.

81. Nature morte. Au milieu, une tête de chevreuil vue de trois quarts. A gauche, un coq-faisan posé sur un linge; à droite, une pie accrochée par une aile au mon- tant d'un chevalet. — A M. Jules Grenier.

H., 60. — L., 72 cent.


29G CATALOGUE.


1816 — 1818.


82. Course de chevaux libres. Les chevaux rangés, en ligne devant la corde tendue, sont tournés à gauche. De jeunes hommes en costume romain moderne les retiennent. Le fond est occupé par des maisons et par une tribune chargée de spectateurs. Cette tribune est garnie d'une tenture. Scène exacte, peu composée, peinte à Rome en 4 817. — Lith. par Eug. Le Roux. — A M. Couvreur.

H., 42 1/2. — L., 59 cent.

83. Course de chevaux libres. Les chevaux, tournés à droite, se cabrent et sont retenus par des personnages en costume romain moderne. Mais au lieu d'être placés suivant une ligne oblique, comme dans la précédente, esquisse, ils sont disposés de manière à former une composition en longueur. Un homme est renversé, au coin, k gauche, et s'appuie au sol de ses deux, mains. La plus grande partie du fond est occupée par un édifice en partie garni d'une tenture. A gauche, une tribune avec des personnages assis, au-dessus des- quels on aperçoit quelques monuments de Rome. — Sur papier marouflé. — A Camille Marcille.

H., 45. — L., 60 cent.

84. Course de chevaux libres. Dans cette esquisse les chevaux, tournés à droite, sont retenus par des person- nages presque nus. Le centre du tableau est occupé par un cheval blanc qui se cabre et qu'un jeune homme s'efforce de retenir. — Ni spectateurs, ni monuments. Il


PEINTURES (1816 A 1818). 297

ne reste de réel que l'obélisque de la place du Peuple que l'on aperçoit au second plan. Au fond, les mon- tagnes bleues do la campagne romaine. — A M. Cou- vreur.

H., 31. — L,, 43 cent.

85. Course de chevaux libres. Cette esquisse, de la plus

grande beauté, est très-avancée et nous paraît être la dernière qu'ait exécutée Géricault. On peut la regarder comme le projet arrêté et définitif du tableau qu'il mé- ditait. Elle se rapproche beaucoup par sa disposition de celle que possède M. Couvreur et qui vient d'être décrite. On peut même dire qu'elle n'en diffère que par un plus haut degré de perfection. — Sur papier ma- rouflé. -— Lith. par Eug. Le Roux. — A M. Camille Mar- cille.

IL, 45. — L., GO cent.

86. Épisode de la Course de chevaux libres. Un jeune homme en costume de paysan romain, portant un dra- peau rouge brodé d'or de la main gauche, tient de la droite, par la crinière, un cheval noir, vu de profil, tourné à droite et couvert d'une housse verte bordée d'or. En arrière, des constructions; à droite, une barrière et une échappée où l'on voit une colonne surmontée d'une statue. — A M. Binant.

IL, 44. — L., 59 cent.

87. Épisode de la Course de chevaux libres. Cheval gris pommelé qui s'efforce de s'échapper des mains de quatre personnages vêtus à l'antique. Homme et cheval sont de profil, tournés à gauche. En avant, deux des hommes arrêtent l'animal, l'un, en le tenant par les naseaux, l'autre parla crinière; le premier est vêtu d'une tunique verte ; l'autre, caché en partie, porte un man-


298 CATALOGUE.

teau bleu et il est coiffé d'un bonnet phrygien. Les deux autres personnages retiennent avec effort le cheval par la queue; celui du premier plan, penché en arrière, est entièrement nu, le second a un manteau roux qui va tomber. Cette esquisse, très-avancée, est du plus beau caractère. — Tente faite par M. Pillet, en avril 1866. — Achetée 1,680 francs par M. Couvreur, qui la vendit quelques jours plus tard 2,000 francs au musée de Rouen.

H., 47. — L., 60 cent.

83. Épisode de la Course de chevaux libres. Étude d'après nature pour l'homme nu qui arrête un cheval à la droite de la composition. — Vente Delacroix. — A M. Mène.

H., 33. — L., 23 cent.

80. Épisode de la Course de chevaux libres. — Vente Delacroix, 600 francs (n° 224 du catalogue). J'ignore ce qu'est devenu ce tableau.

H., 32. — L., 40 cent.

90. Étude pour la Course de chevaux libres. Un homme assis s'appuie des deux mains sur la terre; il tient sa jambe droite levée. On ne voit de sa tête que les che- veux. — Sur papier marouflé. — A M. Camille Marcille.

H., 21 1/2. — L., 21 1/2 cent.

91. Cinq chevaux de poil différent. Ils sont groupés au- tour d'un poteau et tenus par un maquignon et deux palefreniers. Les costumes paraissent être romains. — Signée, à droite, en rouge : T. G. — Sur papier ma- rouflé. — A M. His de La Salle.

H., 23. — L., 31 cent.

92. Exécution capitale. Le bourreau montre au peuple la


PEINTURES (1816 A 1818). 299

tête du supplicié. Un religieux à genoux prie pour lui. Cette esquisse a été peinte à Rome. — Vente de M. Mar- cille père.

H., - L.,

93. Les apôtres au jardin des Oliviers. Je n'ai pas vu ce tableau. — Vente Boittelle. Janvier 1867.

H., - L.,

94. Épisode de la guerre des Titans. Un personnage de formes athlétiques soutient des roches qui s'écroulent. Vu de dos, appuyé sur le genou gauche, il repousse avec la main du même côté le rocher dont il maintient un autre pan avec son épaule droite. Tout le corps est dans la demi-teinte, à l'exception du bas de la jambe droite vivement éclairée. D'autres figures épouvantées à sa droite et à sa gauche.

Cette pochade d'une grande invention est d'un ton superbe. — A M. Charles Clément.

IL, 38. — L., 45 cent.

93. Marché aux boeufs. Au premier plan un homme, qui n'a qu'une draperie rouge sur le bras, retient par la corne un bœuf qui a passé l'une de ses jambes sur une barrière. A droile, un autre bouvier, entièrement nu et accroupi, maintient d'une main un bœuf terrassé et de l'autre arrête un chien qui se précipite sur l'animal. Derrière lui , un troisième personnage debout brandit une pique dont il va frapper un autre bœuf. Il est vêtu d'une sorte de jupe verte et coiffé d'un morceau d'étoffe bleue, et porte sur l'épaule gauche une draperie rouge qui pend par devant et par derrière. Le fond est occupé par quelques constructions et des montagnes ; ciel nua- geux; couleur lourde et désagréable. Géricaulta exécuté


300 CATALOGUE.

cette peinture après son retour d'Italie. Les animaux n'appartiennent pas à la race romaine, et on sait d'ail- leurs que le motif en a été pris dans un abattoir qui existait rue de la Pépinière. — D'après M. Dedreux- Dorcy, il a fait dix-huit ou vingt esquisses de cette com- position. — A M. Couvreur.

H., 56 1/2. — L., 48 cent.

96. Un haquet chargé de barriques arrêté a la porte d'une brasserie. Il est attelé de deux chevaux dont un pie. Un chien noir sur le devant du tableau.

Cet ouvrage avait été fait pour le docteur Biète, peu de temps avant le Radeau de la Méduse. Il fut exposé en 4 826, dans la galerie Lebrun, rue des Jeûneurs — A M. Delessert (n° 47 du catalogue).

H., 58. -- L., 72 cent.


1818 — 1820.


97. Le radeau de la Méduse. Le Radeau de la Méduse fut exécuté en huit ou neuf mois (de novembre 1 81 8 à août '1819), dans un atelier de grande dimension que Géricault avait loué tout exprès dans le haut du faubourg du Roule (n" 80 aujourd'hui 232). Il le termina dans le foyer du Théâtre-Italien, aujourd'hui l'Opéra-Comique, où il ajouta le personnage, adroite, dont il a été parlé plus haut. C'est M. Martigny, son ami, qui posa pour cette figure.— Le vieillard, à gauche, a été fait d'après plusieurs modèles. La pose du fils, étendu sur ses genoux, fut don- née par M. Jamar. Le personnage, à droite, qui s'efforce de se lever, est M. d'Astier, officier d'état-major, ami de


PEINTURES (1818 A 1820). , 301

Géricault; celui qui est tombé, la tête en avant, et appuyé au bord du radeau , Eugène Delacroix. Le nègre est Joseph, modèle bien connu dans les ateliers. — La Méduse eut peu de succès. Géricault ne fut proposé que le onzième pour le prix, qui fut remporté par un peintre, nommé Guillemot, auteur d'une Résurrection de Lazare. — L'exhibition du Radeau de la Méduse en Angleterre rap- porta 17,000 francs à Géricault. — Ce tableau fut adjugé pour le prix de 6,005 francs à M. Dedreux-Dorcy, à la vente de l'atelier de Géricault, faite le t novembre 1824, à l'hôtel de Bullion, rue J.-J. Rousseau, par le ministère de M. Parmentier, commissaire-priseur, et de M. Henri, commissaire -expert des musées royaux. Cette vente, comprenant les tableaux, esquisses, dessins, etc., que laissait le peintre, produisit 53,000 francs. M. Dedreux- Dorcy céda le Radeau de la Méduse au Musée du Louvre pour le môme prix qu'il l'avait payé,

Géricault, après avoir hésité entre la scène qu'il a représentée et celles où les matelots se révoltent contre leurs of&ciers et où les naufragés sont recueillis par le canot de V Argus, et dont on possède plusieurs dessins, fil trois esquisses du sujet auquel il s'était arrêté; l'une a appartenu à M. Jamar, puis à la duchesse de Monte- bello; elle est aujourd'hui la propriété de M. Moreau; l'autre, dont la composition n'est pas complètement identique à celle du tableau, appartient à M. Schickler; la troisième est perdue. Géricault avait prié M. Monlfort de faire de l'esquisse qui appartient à M. Moreau une copie qu'il désirait offrir comme un souvenir à M. Cor- réard; par un concours de circonstances, cette copie resta entre les mains de l'ami dévoué du grand peintre, qui la possède encore. Ces deux esquisses n'ont, ni l'une ni l'autre, le personnage à droite recouvert d'un


302 V CATALOGUE.

drap, qui ne fut ajouté dans le tableau qu'au dernier moment.

A la demande deGéricault, M. Lehoux fit une réduc- tion du tableau qui servit pour la gravure de Reynolds.

H., 4°^91. — L., 7 "'16.

98. Le radeau de la Méduse. C'est la première esquisse que fit Géricault de son projet définitif. Elle diffère en plusieurs points de la composition du tableau du Louvre. Le nombre des personnages est moindre; les deux ma- telots qui font des signaux sont debout sur le plancher du radeau ; la figure enveloppée d'un drap qui termine le tableau à droite manque, etc., etc. Cette belle esquisse a été lithographiée. Comme il a été dit plus haut, M. Montfort en fit, à la demande de Géricault qui vou- lait l'offrir en souvenir à M. Corréard, une copie qu'il possède encore. — A M. Schickler.

IL, 36. — L., 44 cent.

99. Le radeau de la Méduse. Cette intéressante esquisse est, d'après les souvenirs de MM. Montfort et Jamar, la seconde que fit Géricault avant l'exécution du tableau du Louvre, et il avait eu, un moment, l'intention d'en faire un ouvrage très-terminé. La composition qai diffère très-peu de celle du tableau a d'abord été dessinée à la plume sur la toile, d'une manière très-arrêtée ; puis, après avoir couvert tout l'entourage, Géricault a exécuté le groupe du père qui a le cadavre de son fils étendu sur ses genoux, au premier plan; Savigny; l'homme debout sur le tonneau ainsi que celui qui le soutient. Les autres figures restèrent dessinées à la plume et om- brées au bitume. La figure enveloppée d'un drap manque comme à la précédente. Cette peinture fut vendue par


PEINTURES (1818 A 1820). 303

M. Jamar à la duchesse de Montebello, et, à la vente de

celle-ci (6 avril '1857), M. Moreau en fit l'acquisition

pour la somme de 10510 francs.

H., 65. — L., 83 cent.

400. Le radeau de la Méduse. La composition telle qu'elle a été exécutée, moins la figure enveloppée d'un drap, au premier plan, à droite, a été tracée sur la toile, à la plume, avec une grande précision. Quelques têtes sont peintes et très-achevées. C'est cet ouvrage que Géricault abandonna pour ne pas refroidir sa verve, comme il le dit à M. Montfort, avant de commencer son grand ta- bleau. Je n'ai pu retrouver la trace de cet ouvrage.

II., 1 m. 30. — L., 1 m. 95 cent.

101. Le radeau de la Méduse. Esquisse très-avancée et qui diffère considérablement du projet exécuté par Géri- cault, Elle représente la délivrance des naufragés. Le radeau n'occupe que la moitié du tableau. A l'avant, un groupe de six marins, debout ou agenouillés , les bras tendus ou les mains jointes, attendent avec anxiété un canot qui vient à leur secours; derrière eux, cinq autres personnages exténués se traînent avec effort; à l'arrière, un nègre prie à côté d'un soldat impassible et d'un ca- davre mutilé. Debout, adossé au mât, Gorréard parle à un autre naufragé, probablement le chirurgien Savigny. On aperçoit à l'horizon le brick ï Argus. —AW^^ Glouard, à Mortain.

H., 43. — L., 54 cent.

402. Le radeau de la Méduse. Les matelots se révoltent contre les officiers. — Cette esquisse a été gravée à la sanguine par Louis Shaal. Je ne l'ai jamais vue. — A M. Henri Chenavard.

IL, - L.,


304 CATALOGUE.

403. TÊTE d'étude (d'après le modèle Cadamour) pour le père qui tient le cadavre de son fils. Elle est éclairée de côté, très-empâtée dans le clair et d'une grande énergie. — Vente Lherbette. — A. M. Gigoux.

H., 46. — L., 37 cent.

104. Étude de nègre. Il est vu de dos et dans la pose du nègre qui dans le tableau est monté sur une barrique et agite un linge pour se faire remarquer du bâtiment que l'on voit à l'horizon. Le bras gauche élevé et la main du môme côté, ainsi que la tête, sont seulement dessinés aux crayons blanc et noir. Cette peinture n'a d'autre fond que l'impression primitive de la toile. — A M. Le-

houx.

H., 55. — L., 45 cent.

'105. Les suppliciés. Les deux têtes, de grandeur naturelle, sur la même toile, connues sous ce nom, ont été peintes comme études, pour le Radeau de la Méduse^ dans l'atelier de la rue des Martyrs. L'une d'homme, renver- sée, la bouche ouverte, et tournée à droite, est celle d'un voleur mort à Bicêtre, que Géricault garda, dit-on, quinze jours sur son toit; l'autre est le portrait d'une petite bossue qui posait dans les ateliers. Géricault a mis la tête d'homme dans la Méduse^ en la retournant. C'est celle du dernier personnage à gauche.

Cette toile, achetée par M. Colin à la vente de Géri- cault, appartient maintenant à M. Eugène Giraud. M. Binder possède une belle copie de la tête d'homme, qui passe à tort pour un original.

H., 50. — L., 67 cent.

406. Étude d'après la nature morte pour la Méduse. Une partie du bras avec la main vue du côté de la


PEINTURES (1818 A 1820). 305

paume. Cette étude, peinte sur toile, a été collée sur un panneau de chêne. — A M. Lehoux,

H., 19. —L., 33 cent.

107. Étude d'après la nature morte pour la Méduse. Deux jambes vues par les pieds, et un bras avec la clavi- cule; un linge blanc maculé de sang est placé sur le haut du bras et recouvre une partie de l'épaule. Ce mor- ceau est, à l'égard de l'exécution, l'un des plus beaux qu'ait faits Géricault. — A M. Claye.

H., 54. —L., 64 cent.

408. Étude d'après la nature morte pour la Méduse. Cette belle étude est, à peu de chose près, la répétition de la précédente, mais elle a été peinte à la lumière de la lampe. — A M. Lehoux. — M. Champmartin, qui tra- vaillait alors avec Géricault, fit aussi une étude d'après ce même groupe. Elle appartient également à M. Lehoux.

H., 45. —L., 37 1/2 cent.

109. Portrait de M. Lebrun. M. Lebrun venait d'avoir la jaunisse. Géricault lui demanda de poser pour une étude qui devait lui servir pour son Radeau de la Méduse. Cette peinture fut exécutée à Sèvres, en 1 81 8 ou en 1 81 9, dans la môme chambre que la Diligence de Sèvres,

H., 40. — L., 38 cent.

410. Portrait de la mère Doucet. Vieille, coifFée d'un mouchoir. C'était la portière delà maison du faubourg du Roule, où Géricault avait l'atelier dans lequel il a exécuté le Radeau de la Méduse.

H., 40. — L., 38 cent.

411. La diligence de Sî^vres. Une diligence vue en travers.

20


308 CATALOGUE.

attelée de cinq chevaux, tourne rapidement sur une route en pente.

Cette superbe pochade fut peinte en 1818 ou en 1819, à Sèvres, en quelques heures, sur un panneau de la boiserie de la chambre d'auberge occupée par M. Le- brun, ami de Géricault. Elle a appartenu à M. Ottoz, marchand de couleurs, puis à M. Gollot. — Achetée par M. Schroth, le 29 mai 1852, à la vente Collot, 1,190 fr.

H., 53. — L., 64 4/2 cent.

412. Enseigne de maréchal ferrant. Géricault la fit en 4 818 ou 1819 pour un maréchal qui habitait une maison située au coin de la rue Roquencourt et de la route de Saint-Germain-en-Laye. Je ne connais pas cet ouvrage (voir plus haut la lettre de M. Lebrun).

H., - L.,

413. Le chien db Géricault. C'est un bouledogue blanc. Il est blessé à la patte et tourné vers la droite. Géricault possédait ce chien à l'époque oii il travaillait à la Méduse. — A M. Binder.

H., 22. — L., 28 cent.

414. Concert. Des musiciens jouent de divers instruments. Figures à mi -corps. — Ce tableau a appartenu à M. Jamar.

H., 65. — L., 81 cent.

415. La pauvre famille. Une pauvre femme, assise sur les marches d'une église, tient sa quenouille. Ses trois en- fants sont groupés autour d'elle. — Lith. par Weber, dans le tome I" de la Galerie du Palais-Royal.— Vente du roi Louis-Philippe, 405 fr. (n° 45 du catalogue).— A M. Léon de la Rosière.

H.,2L — L.,28ceDt..


PEINTURES (1818 A 1820). 307

416. Portrait de femme. C'est celui d'un modèle qui de- meurait rue de la Lune et que l'on nommait la grosse Suzanne. Elle est de face, coiffée en cheveux, robe rouge avec lisérés verts, collerette blanche. — A M. Val- ferdin.

H., 46. — L., 37 cent.

'117. TÊTE DE JEUNE HOMME. Elle est dc grandeur naturelle et détachée sur un ciel bleu, orangé dans le bas. Col blanc, longs cheveux blonds bouclés. — A M. Valferdin.

H., 46. — L., 37 cent.

118. TÊTE d'étude. Jeune homme, vu de profil, la bouche entr'ouverte. Donné par Géricault à M. Bro père. — Au colonel 0. Bro de Gomères.

H., 46. — L., 37 cent.

119. Tête de soldat. Elle est vue de face. Peinture éner- gique; grandeur naturelle. — Vendue à l'hôtel Drouot, le 9 mars 1867.

H., -L.,

120. Portrait en buste de M. Jamar. Cet ouvrage, lar- gement traité , fut peint en quelques heures par Géri- cault, à l'époque où il travaillait à la Méduse. Cette belle peinture est restée jusqu'à ces derniers temps entre les mains de M. Jamar ; elle appartient aujourd'hui à M. Pernet.

H., 73. — L., 60 cent.

  • 21. Portrait d'homme. Il est vu presque de face; grande

cravate blanche, gilet noir, pardessus brun avec la déco- ration de la Légion d'honneur. Signé, en bas, à gauche, « T. G. » — A M. Christi.

H., 04. — L. 53 cent.


308 CATALOGUE.

122. TÊTE d'étude. D'après le modèle Dubosc. Le cou et le haut du torse ne sont qu'ébauchés. — A M. Christi.

H., 37. — L., 29 cent.

123. TÈTE d'homme. Étude d'après nature, d'une exécution très-mâle et très-libre. Peinture d'une grande beauté. — A M. Marquiset.

H., 46. — L., 38 cent.

424. Portrait d'un jeune garçon de dix ans environ. Il

est vu de face. Ses cheveux bruns, très-longs et abon- dants, sont rejetés des deux côtés. Il a un grand col rabattu sur une jaquette verte. Les ombres de cette belle peinture sont un peu lourdes, mais l'ensemble est d'une très-belle qualité et d'une étonnante vigueur. — Vente de Kat, mai 1866, 240 francs.

H., 44. — L., 33 cent.

123. Portrait de madame Bro, mère du colonel 0. Bro. Elle est représentée assise et vêtue d'une robe blanche; un cachemire rouge est placé sur le dossier de la chaise. — Au colonel 0. Bro de Comères.

H., 45. — L., 55 cent.

126. Portrait du colonel 0. Bro de Comères, enfant.

Il est en costume gris, à cheval sur un gros chien, et tient un sabre à la main droite. — Au colonel 0. Bro de Comères.

H., 60. — L., 49 cent.

127. Négresse, portrait en buste. Elle est vue de trois quarts, tournée à gauche, et coiffée d'un mouchoir rouge. La bouche est entr'ouverte. Fond bleu ; grandeur natu- relle. — A M. His de La Salle.

H., 39. — L., 31 cent. •


PEINTURES (1818 A 1820). 309

128. Portrait du général Letellier sur son lit de 3I0RT. Donné parGéricault à M. Bro père. — Au colonel 0. Bro de Gomères.

H., 23. — L., 30 ce est der- rière lui et appuie le cou sur sa croupe. Terrain vigou- reux; ciel obscur avec des éclaircies. Cette peinture bien à l'effet est peu terminée. C'est la composition exacte de


314 CATALOGUE.

la lithographie Chevaux flama?ids. — A M. Valpin- son.

. H., 52 1/2. — L., 63 miH.

i46. Cour de ferme. Un charretier en blouse bleue avec un fouet dans la main gauche tient de la main droite le bran- card d'une charrette dont il fait sortir un cheval bai brun tout harnaché et vu de croupe. Plus loin à droite un che- val blanc, également harnaché, se gratte la jambe gauche, et en arrière paraît la tête d'un troisième cheval prêt à entrer à l'écurie dont on voit la porte ouverte derrière lui ; un chien noir est placé au premier plan. La scène se détache sur un mur blanchâtre; à gauche par la porte ouverte de la ferme on voit un paysage terminé par une montagne très-sombre ; ciel gris avec éclaircies. Ce ta- bleau est très-largement exécuté. Le cheval blanc est ravissant. — A M. Valpinson.

H., 48. — L., 59 cent.

447. L'Écurie. Trois chevaux vus par croupe, dans une écurie. Le premier en commençant par la gauche est blanc et harnaché; le second, bai brun avec une selle; le troisième, alezan. Un palefrenier harnache le cheval du milieu. A gauche sont suspendus à un pilier une selle et une veste de postillon. Exécution vive, peinture très-lumineuse. — A M. Schickler.

H., 43. — L., 52 cent.

148. Cheval bai brun sortant d'une écurie. Il est sans harnais et s'avance vers la gauche, conduit par un jeune homme en blouse qui, de la main gauche, le tient par le licou. Sur le seuil de l'écurie, à droite, on voit un second cheval alezan clair, à côté duquel marche un homme plus âgé que le conducteur du premier. Le


PEINTURES (1820 A 1824). 315

groupe principal se détache sur un mur que surmonte un fond de ciel sombre.

Ce tableau, acquis par la Société des Amis des arts en 1824, appartient à M°^« Saint-EIme Petit.

H., 37. — L., 45 cent.

149. Scène de la guerre de l'indépendance grecque (?). Cinq personnages, qui paraissent être des Grecs, sont groupés dans une salle voûtée. Au premier plan, cou- chée en travers du tableau, une femme morte à demi, enveloppée dans une draperie blanche; près d'elle un personnage coiffé d'une calotte rouge, couvert d'un grand manteau d'un vert rompu de rouge; derrière la femme, une autre figure couchée et vue de dos, le torse et les jambes nus avec un vêtement rouge ; à droite, un homme âgé, assis, la tête appuyée sur sa main; un autre personnage drapé de vert, étendu de son long, lève les mains jointes vers le ciel. Dans le fond une cin- quième figure assise, vêtue de bleu, tient sa tête dans ses deux mains. Deux lances sont appuyées contre le mur à droite, derrière le vieillard. Au fond, à gauche, une porte ouverte.

Quelques parties de cette ébauche sont très -peu avancées; on voit partout le trait à la plume qui cerne les contours; sur quelques points la toile n'est que frottée, sur d'autres elle n'est pas même couverte. — A M. Leconte.

H., 3G. — L., 44 cent.

luO. Trois Grecs en costume national moderne. Ils sont debout dans la campagne, vêtus de la veste bleue, du large pantalon et avec de grands manteaux gris. En arrière, une colline qui descend à gauche. — A M. Schickler.

H., 22. — L., 35 cent.


316 CATALOGUE.

451. Jeune Grec en costume moderne. Enveloppé dans un manteau blanchâtre, il est assis à terre au sommet d'un rocher qui domine la mer. La tête appuyée sur sa main, il semble plongé dans de tristes médita- tions. Il est tourné à gauche et vu en grande partie de dos. Cette peinture, de la plus belle qualité, a été donnée par M. 0. Bro de Gomères à M. Férus, et par celui-ci à M'"^ veuve Rostan.

H., 35. — L.. 45 cent.

132. Buste d'un Oriental. Il est coiffé d'un turban. Pein- ture forte et dure, plus grande que nature. — A M. Gi-

goux.

H., 60. —L., 48 cent.

4 53. Mazeppa. Le cheval bai brun, tourné à gauche gravit la rive escarpée d'une rivière; le train de derrière est encore dans l'eau et l'animal épuisé se cramponne des pieds de devant au talus rocheux. Mazeppa est attaché les reins sur le dos du cheval, la tête appuyée à son col. Le ciel d'un gris ardoisé est d'un très-beau ton. — A M. de Triqueti.

H., 25. — L., 20 1/2 cent.

154. Le four a plâtre. Au premier plan, à gauche, ime charrette dételée et trois chevaux qui mangent dans leur musette. Plus loin, à droite, le four à plâtre. On voit près de la porte ouverte l'avant-train d'une char- rette que l'on charge de sacs dans l'intérieur du bâti- ment. Les deux chevaux de l'attelage sont auprès de la charrette et mangent l'avoine. Le ciel , sur lequel le tableau se détache en clair, est très- obscur. Signé à gauche v Géricault». Cet ouvrage fut acheté à Géri- cault lui-même, par Constantin, marchand de tableaux, puis il passa entre les mains de MM. Jamar, Ferol


PEINTURES (1820 A 1824). 317

et Mosselman. — A la vente de ce dernier, il fut acquis pour le Louvre, pour le prix de 1,350 francs (n° 246 du catalogue).

H., 50. — L., GO cent.

Cinq études d'aliénés. Elles font partie de dix peintures que Géricault fit, entre les années 4 821 et 1824, après son retour d'Angleterre, pour son ami le docteur Georget, médecin en chef de la Salpêtrière. Le docteur Georget mourut très-peu de temps après Géricault. A sa vente, cinq de ces études furent achetées par le docteur Maré- chal, qui les emporta en Bretagne où. elles sont sans doute encore; les cinq autres que nous décrivons de- vinrent la propriété du docteur Lachèze. Ce sont des portraits en buste — trois hommes et deux femmes — reproduisant différents types d'aliénés.

155. a). Mo7iomanie du connnandement onililaire. Homme coiffé d'un bonnet de police, avec une médaille de com- missionnaire pendue sur la poitrine portant le n° 121. Il est en manches de chemise, avec une draperie grise sur l'épaule. Traits réguliers, expression d'énergie.

H., 80. — L., 65 cent.

156. b). Monomanie du vol des enfants. Homme avec un vêtement gris ; sur la tête une sorte de toque de même couleur; le front arrondi; l'œil doux et caressant.

H., 65. — L., 54 cent.

157. c). Monomanie du vol. Homme vêtu d'un habit vert; tête intelligente avec une expression d'audace et de per- versite.

H., 60. — L., 50 cent.

158. d). Monomanie du jeu. Vieille femme à l'air absorbé


318 - CATALOGUE.

et stupide. Elle est coiffée d'un mouchoir blanc et tient une béquille.

H., 77. — L., 64 cent.

159. e). Monomanie de l'e7%vie.0n nommait cette femme la Hyène. Elle est coiffée d'un bonnet dont le fond est de couleur avec de grandes barbes blanches. Visage con- vulsif, affreux ; yeux injectés.

H., 72. — L., 58 cent.


COPIES D'APRES LES MAITRES


160. La Mort de Germanicus, d'après une gravure du ta- bleau de Poussin au palais Barberini à Rome. Les tons des draperies diffèrent complètement de ceux de l'ori- ginal. Le fond d'architecture est clair. — A M. Eudoxe Marcille.

H., 45. — L., 55 cent,

16i. Cheval blanc effrayé. Il est tourné vers la droite.— D'après une gravure anglaise. — A M. Binder.

H., 43. — L., 35 cent.

■162. Cheval de la Descente de croix, de Rubens. — Vento Ary Scheffer, 420 fr. — A M. Binder.

H., -L.,

163. La Bataille, de Salvator Rosa, du Musée du Louvre. Cette esquisse a été faite en une seule séance. Elle a appartenu à M. Jamar.

H., 46. — L., 36 cent.

464. La Transfiguration, de Raphaël. Cette esquisse, exé-


320 CATALOGUE.

cutée en -ISH, n'est pas achevée, les événements aj^ant forcé Géricault à abandonner son travail. — A M. Goincy.

H., - L.,

465. Le GiiRisT au tombeau, de Tilien. Le châssis porte par derrière le n° ^134. — A M. Lehoux.

H., 48. — L., 59 1/2 cent.

166. La Prédication de saint Paul a Éphèse, de Lesueur. Le châssis porte par derrière le n° 4 43. — A M. Lehoux.

H., 45. — L., 37 cent.

167. La Mise au tombeau, de Michel-Ange de Garavage. Cette copie, peinte très-largement et grassement, est l'une des meilleures qu'ait faites Géricault. — A M. Lehoux.

H., 53. — L., 39 cent.

168. Le Concert, de Spada, au Musée du Louvre. — A M. Ilis

de La Salle.

H., 25. — L., 32 cent.

169. La Justice et la Vengeance divine poursuivant le

Crlaie, de Prud hon, l'une des plus belles copies de Gé- ricault. — A M. His de La Salle.

H., 35. — L., 45 cent.

170. La Mise au tombeau, de Raphaël, au palais Borghèse. — Sur papier marouflé. — Cette superbe copie appar- tient à M. His de La Salle.

H., 37. — L., 41 cent.

171. La Peste de Milan, de Jacob van Oort, au Musée du Louvre. — A M^^^ Clouard, à Mortain.

H., -L.,

172. Les Enfants de Philippe II, de Velasquez. — Tente Delacroix, 700 francs (n° 234 du catalogue).

H., 45. — L., 55 cent.


COPIES D'APRÈS LES MAITRES. 321

03. JÉSUS DISTRIBUANT LE PAIN A SES DISCIPLES, d'aprèS

un tableau de l'école espagnole. — Vente Delacroix, 4 95 francs (n" 235 du catalogue) .

H., 45. — L., 55 cent.

174. La Descente de croix, de Jouvenet. Cette toile porte au verso une esquisse du Chasseur à cheval. — A M. Feuillet de Conches-

H., 50. — L., 42 cent.

475. Le Christ descendu de la croix, de S. Bourdon.— Vente Delacroix, 650 francs (n" 2136 du catalogue).

H., 41. — L., 25 cent.

476. Deux têtes, d'après Rembrandt, au Musée du Louvre (son portrait et celui du vieillard). — A M. Binder.

H.,49. — L., 61 cent.

477. Moine, d'après un tableau de Mola. — A appartenu à M. Jamar.

H., 46. — L., 38 cent.

478. Nature morte, d'après le tableau de Weenix, au Louvre. — Vente Seymour. — A M. Binder.

H., 64. — L., 91 cent.

479. Martyre de saint Pierre, de Titien. — Vente Dela- croix, 2,060 francs (n° 227 du catalogue).

H., 65. — L., 54 cent.

480. Le Sommeil des apôtres, de Titien.— Vente Delacroix, 750 francs (n° 228 du catalogue).

H., 76. — L., 56 cent.

4 81. L'Assomption, de Titien. — Vente Delacroix, 510 francs (n® 230 du catalogue).

H., 65. — L., 54 cent. 21


322 CATALOGUE.

482. La Descente de croix, deRubens. — Vente Delacroix, 1,210 francs (n° 229 du catalogue).

H., 65. — L., 54 cent.

183. Mars retenu par Vénus, de Rubens. — Vente Dela- croix, 1,200 francs (n° 231 du catalogue).

IL, 55. — L., 80 cent.

184. Deux lions. Ce sont ceux de Snyders dans le Mariage de Henri IV, par Rubens, au Louvre; mais ils ne sont pas attelés, et le copiste n'a pas reproduit les Amours qui les montent. — A M. Valferdin.

H., 65. — L., 80 cent.

183. Saint Martin, de van Dyck. — Vente Delacroix, 980 fr. (n°232 du catalogue). — Vente van Cuyck, 830 fr.

H., 45. — L., 37 cent.

186. La Bénédiction de Jacob, de Rembrandt. — Vente Delacroix, 380 fr. (n° 233 du catalogue). — A M. Binder.

H., 37. — L., 45 cent.

187. Étude, d'après Raphaël. C'est la femme dans V Incen- die du bourg , qui, vue de dos, descend les marches d'un escalier portant un vase sur sa tête et en tenant un autre à la main. — Vente van Cuyck, 1,100 francs. —

A M. de la Rosière.

H., 33. — L., 23 cent.

188. La mère de H. Rigaud, de Rigaud. — Vente Delacroix, 880 francs (n° 237 du catalogue).

H., 80. — L., 65 cent.

189. Lion attaquant un cheval blanc, de Ward. — Vente Delacroix, 750 fr. (n° 238 du catalogue).— A M. Binder.

H., 58. —L., 55 cent.


COPIES D'APRÈS LES MAITRES. oU

190. Plusieurs têtes d'hommes d'après différents MAÎTRES. — Vente Delacroix, 780 francs (n° 239 du catalogue). — A M. Binder.

H., 73. — 60 cent.

1 91 . Dragon vu a mi-corps, d'après l'une des figures de la Barrière de Clichy, d'Horace Vernet, au Musée du Luxembourg. — A M. Auguste Bry.

H.,121/2. -L., 11 cent.


I


SCULPTURES


1. Cheval écorché. Ronde bosse, cire. Il a la jambe gauche

de. devant levée. — Sans pouvoir préciser la date, on sait

que Géricault a modelé cette oeuvre admirable dans sa

jeunesse. La cire originale, achetée par M. Susse en

'1824, à la vente de Géricault, appartient aujourd'hui à

M. Maurice Cottier. Elle a été moulée et se trouve dans

tous les ateliers.

H., 23. — L., 25 1/2 cent.

2. Cheval arrêté par un homme. Il est emporté et va à

gauche; l'homme en coslume antique le retient des deux mains; un second personnage nu est renversé sous les jambes de devant du cheval. —Bas- relief peu accusé que Géricault sculpta, en 1819, sur une pierre de son atelier de la rue des Martyrs. Il s'était mis à ce travail avec une ardeur extrême, mais il n'avait qu'un ciseau de menuisier. M. Jamar monta à la hâte la rue des Mar- tyrs et trouva des tailleurs de pierre qui lui vendirent quelques outils, avec lesquels Géricault termina cet ou- vrage, dont il existe un moulage. — Sort inconnu.

H., 20. — L., 32 cent.


326 CATALOGUE.

3. Satyre et Bacchante. Groupe sculpté au premier coup

dans une pierre commune. C'est un ouvrage dont quel- ques parties ne sont pas terminées, mais qui est plein de grandeur et de mouvement. Il a été enduit d'une couche d'huile grasse qui lui a donné une teinte bistrée et l'apparence d'un ouvrage en cire. — Donné par Géri- cault à M. Bro père. Appartient aujourd'hui au colonel 0. Bro de Comères.

H., 29. — L., 35 cent.

4. Boeuf terrassé par un tigre. Cette ébauche est traitée

avec beaucoup de largeur. — A appartenu à M. Formey. — Sort inconnu. — Les dimensions que je donne ne sont qu'approximatives.

H., 25. — L., 30 cent.

5. NÈGRE QUI BRUTALISE UNE FEMME. Roude bosse ; terre

cuite. La femme a le genou droit à terre, où elle appuie également sa main gauche. De la droite elle repousse le nègre qui la tient d'une main par le cou, de l'autre par le milieu du corps. — Ce petit groupe plein d'énergie et de passion a passé des mains de M. Jamar dans celles de M. Stevens.

H., - L.,

6. Statue équestre de l'empereur Alexandre. Maquette

en cire , peu avancée. Le cheval se cabre, s'enlevant sur les deux jambes de derrière et lançant les jambes de devant (la droite est cassée). Le cavalier, vêtu d'un costume militaire, se porte un peu en avant; la main gauche, qui tiendrait la bride, est appuyée sur le genou. Il avance le bras droit (brisé près du coude). — A M. Lehoux.

H., 30. — L., 29 cent.


DESSINS


1810 — 1812.


1. Six CHEVAUX VUS PAR LA CROUPE DANS UNE ECURIE. LeS

noms des chevaux sont écrits sur la mangeoire. — Aqua- relle de l'enfance de Géricault. — A M. Pernet.

II., 230. —L., 320 mill.

2. Homme a cheval. Ce petit ouvrage rappelle très-nette-

ment la manière de Carie Vernet, et il a sans doute été fait pendant que Géricault fréquentait son atelier. — A la sépia. — A M. Pernet.

H., 150. — L., 174 mill.

3. Maréchal de France. Il est monté sur un cheval qui

galope. — Aquarelle dans la manière de Carie Vernet. — A M. Pernet.

H., 160. — L., 260 mill.

4. Attaque de la ville de Landshut, d'après le tableau

de Hersent au musée de Versailles. — A la sépia et à l'encre de Chine, avec quelques touches à l'aqua- relle. — Au verso : cavalier vêtu d'un habit rouge et d'un pantalon jaune, monté sur un cheval bai au galop.


328 CATALOGUE.

Fond de paysage. — Ce dernier dessin pourrait être la copie d'une composition de Carie Vernet. — Aquarelle.

— A M. Eudoxe JVIarcille.

H., 250. — L., 315 mill.

5. Deux paysages. Ils rappellent les deux tableaux en hau-

teur dont l'un appartient à M. Dornan. — A la plume et à l'aquarelle. — A M. Sauvé.

H., 230. — L., 210 mill.

6. Turc a cpieval. Il tient une lance.— A la mine de plomb.

— A M. Pernet.

H., 120. — L., 160 mill.

7. Cheval se cabrant. Il est monté par un cavalier en bottes

à l'écuyère. — A la mine de plomb, sur papier calque. — A M. Pernet.

H., 210. — L., 220 mill.

8. Cheval se cabrant. Il est monté par un cavalier vêtu

d'une polonaise.— A la mine de plomb, sur papier calque.

— A M. Jamar.

H., 190. — L., 220 mill.

9. Arabe a cheval. Il lève le bras gauche et se retourne

vers le spectateur. Le cheval, de proâl et cabré, marche

à gauche. — A la plume sur papier calque. — A M. Val-

ferdin.

H., 240. — L., 250 mill.

^0. Cheval arabe harnaché. Au repos et vu de profil; il a la tète à gauche et ses pieds baignent dans une nappe d'eau; la bride, la selle en velours et la housse qu'elle recouvre sont riches et du meilleur goût. — A l'aqua- relle. — A M. His de La Salle.

H., 185. — L., 235 mill..


DESSINS (1810 A 1812). 329

41. Cheval au petit galop. Il marche vers la droite. — Aquarelle très-achevée. — Vente Lherbette. — A M. Gi- goux.

H., 200. — L., 290 mill.

'12. Deux gros chevaux de charrette. Ils sont harnachés et vus de croupe. A gauche, l'avant-train d'un troisième cheval vu de profil, légèrement indiqué. — A la mine de plomb.— Au Musée du Louvre, venant de la collection His de La Salle.

H., 180. — L., 235 mill.

43. Cheval aisglais a l'écurie. Il appartenait à Géricault.

— A la sépia. — A. M. Pernet.

H., 110. — L., 155 mill.

14. Cheval vu de profil. Géricault destinait ce dessina Charlet. — Au crayon légèrement estompé. — A M. Pernet.

H., 220. — L., 300 mill. .

13. Cheval bai brun. Il est tourné à droite et attaché à un poteau dans un cloître. — Aquarelle. — A M. Hauguet.

H., 145. — L., 170 mill.

16. Cheval bai brun. Il est tourné à gauche et attaché par deux longes à son râtelier. — Sépia avec quelques tou- ches d'aquarelle. — A M. Hauguet.

H., 195. — L., 250 miU.

1 7. Deux chevaux vus de face traînant un chariot a quatre roues. Le conducteur est assis sur le devant du chariot, au-dessus duquel on voit une herse de pont.

— A la mine de plomb, sur papier jaune. — A M. Eu- doxe Marcille.

H., 190.— L., 130 mill.


330 CATALOGUE.

18. Cheval attelé a un tombereau et conduit par un HOMME IVRE. Dans le tombereau est assis un homme, dont on voit seulement le haut de la tête; derrière sui- vent deux enfants. — A la mine de plomb. — A M. Eu- doxe Marcille.

H., 100. — L., 155 miU.

19. Deux hommes qui traînent une voiture chargée de GROSSES PIERRES. Sur la même feuille, neuf autres sujets moins importants. — A M. Sauvé ^.

H., 210. —L., 340 mill.

20. Intérieur d'écurie. Deux chevaux, l'un gris, l'autre alezan, sont attachés à la mangeoire par leur longe et séparés par des planches superposées. Le premier baisse la tête en la tournant à droite, effrayé par quelque bruit. Quant à l'alezan, dont une partie du corps est masquée par le cheval gris et par les planches de séparation, il a la tête élevée et regarde du même côté que son voisin. — Ce charmant dessin, qui faisait partie de l'album d'une dame de la connaissance du peintre, est à l'aqua- relle. — A M. His de La Salle.

H., 82. — L., 109 mill.

21. Portrait équestre d'un jeune homme. Vu de profil, en redingote à collet et en bottes à l'écuyère; il monte un cheval à courte queue et sellé à l'anglaise, qui se dirige à gauche, au galop. — Lavé au bistre. — A M. His de La Salle 2.

H., 250. — L., 230 mill.

1. M. Sauvé possède encore deus livres de croquis et plusieurs des- sins qui sont de l'enfance et de la première jeunesse de Géricault.

2. Cet ouvrage ainsi que ceux décrits sous les n"» 88, 42, 95, 159, font partie de la collection de cent dessins de maîtres donnée en 1847, par M. de La Salle, à l'École des Beaux-Arts.


DESSINS (1812 A 181C). 331

Douze squelettes de chevaux vus de profil ou en RACCOURCI. Quelques-uns de ces squelettes sont compli- qués d'une étude myologique, d'autres du système ner- veux ou veineux. — A M. Gigoux.

II., -L.,


1812 — 1816.

23. Officier de chasseurs a cheval. Cette composition pourrait être une première pensée pour le tableau du Louvre. Le cheval se cabre et marche à gauche. — A la plume sur papier calque. — A M. Valferdin.

H., 450. — L.,340miII.

24. Officier de chasseurs a cheval. Composition à peu près semblable à celle du tableau du Louvre; cependant l'écart du cheval est beaucoup moins marqué. Il marche à gauche. — A la pierre noire, avec des rehauts blancs. — A M. Valferdin.

H., 160. — L., 120 mill.

25. Officier de chasseurs a cheval. Même composition que dans le précédent dessin, mais beaucoup moins terminée. Le cheval marche à droite. — A M. Valferdin.

H., 210. — L., 170 mill.

26. Officier de carabiniers. Il est vu de dos, le sabre à la main, la tête de profil à droite. 11 se retourne, regar- dant fièrement la troupe qu'il commande. Son cheval, faisant un temps d'arrêt sur le train de derrière, a la jambe du côté montoir encore levée. Paysage monta- gneux. En avant du cheval, une troupe défile dans un


332 CATALOGUE.

ravin. Au second plan, sur la droite, un peloton de cara- biniers en marche. — A la pierre noire, lavé de bistre, avec quelques touches d'aquarelle. — Ce dessin a été lithographie par ïayler. — A M. His de La Salle.

H., 250. — L., 210 milL

27. Portrait en pied d'un carabinier. Couvert de sa cui- rasse et casque en tête, il appuie sa main gauche sur la poignée de son sabre; de la main droite il tient un gant à la crispin. Fond de paysage; à droite, une fabrique. — A la plume, lavé de bistre, avec quelques touches d'aquarelle. — A M. His de La Salle.

H., 390. — L., 310 mill.

28. Charge contre des artilleurs. Un cavalier arrive, au galop de son cheval, près de deux artilleurs qui sont assis sur leur pièce. En avant, un homme est renversé, un autre est agenouillé. A gauche, un autre homme sur un cheval au galop vu de face.— A la plume. — A M. Ca- mille Marcille.

H., 210. — L., 290 mill.

29. Grand'garde de hussards. Un cavalier s'apprête à monter un cheval noir ; il a déjà le pied gauche dans l'étrier. Un second cavalier à côté de lui monte un che - val alezan. On voit quelques hussards à droite, en ar- rière. Du même côté, et en avant, un feu de bivouac, sur lequel est une marmite. — Aquarelle. — Au colonel 0. Bro de Comères.

H., 125. — L., 155 mill.

30. Combat de cavalerie. Au premier plan, deux cavaliers turcs se sont élancés l'un contre l'autre et vont se sa- brer. Au second plan , un troisième cavalier va passer sur le corps d'un ennemi renversé étendu par terre. Au


DESSINS (1812 A 1816). 333

fond , une ville d'Orient. — A la plume, lavé de bistre. — A M. His de La Salle.

H., 195. — L., 275 mill.

31. Artilleur A cheval. 11 est au grand galop, se dirige vers la droite , et tient d'une main une mèche allu- mée. Au second plan , à gauche , le colonel , le sabre à la main, suit au galop le mouvement de sa troupe dont on aperçoit à droite une partie lancée à fond de train. — A la plume et à l'aquarelle. — A M. Mahé- rault.

H., 134. — L., 187 mill.

32. Officier d'artillerie galopant a gauche. Le cheval est noir, avec les pieds blancs. L'ofBcier lève son sabre et se retourne en donnant un ordre. En arrière, une pièce d'artillerie. — Aquarelle. — A M. Schickler.

H., 250. — L., 200 mill.

33. Charge de cuirassiers contre des artilleurs prus- siens. — Aquarelle. -—A. 31. Mène.

H., 180. — L., 230 mill.

34. Cararinier derout appuyé contre un rocher. II re- garde à droite. — Aquarelle. — A M. Emile Galichon.

H., 190. — L., 120 mill.

33. Cararinier. Il est vu de face et chargeant. — Aqua- relle non terminée. — Au colonel 0. Bro de Comères.

H., 280. — L., 215 mill.

36. Maréchal des logis des chasseurs de la garde ROYALE. Il est vu de trois quarts à gauche. Il est nu-tôle et tient la main appuyée sur son cheval. — Aquarelle. •— A M. Binder.

H., 310. — L., 190 mill.


334 CATALOGUE.

37. Le colonel Langlois dessinant. Il est vu en proQl perdu, dans le costume de grenadier, la giberne au dos. — A la mine de plomb. — A M. Gigoux.

H., 280. — L., 240inill.

38. Grenadiers croisant la baïonnette pour repousser UNE CHARGE DE MAMELUKS. Au Centre, sur le premier plan, un mameluk renversé de son cheval tient encore son sabre à la main ; sa jambe gauche est appuyée sur la selle du cheval qui se cabre à la vue des baïonnettes; à gauche, un porte -étendard des mameluks. — Au crayon noir lavé de bistre et rehaussé de blanc, sur papier jaune ^. — A M. His de La Salle.

H., 200. — L., 280 mill.

39. Mameluk. Il est appuyé de la main droite à la hampe d'un drapeau dont on ne voit pas la partie supérieure; il tient sa main gauche sur la hanche. Le corps est vu de face, la tête de profil, tournée à droite. En arrière, à gauche, un cheval indiqué à la pierre rouge. — Aqua- relle. — A M. MUndler.

H., 300. —L., 210 mill.

40. Épisode de la guerre de Madagascar (?). Un cavalier français, coiffé du tricorne, son sabre d'une main, un pistolet de l'autre, combat un Malgache également à cheval et armé d'un casse-tête. Sur le devant de la com- position : près du premier, un soldat français renversé sur son cheval ; près du second, un Malgache qui tombe de sa monture la tête la première. — Sépia rehaussée de blanc. — A M. Brame.

H., 190. - L., 273 mill.

1. Je possède une très-belle répétition à la mine de plomb, sur papier calque, du cheval et du mameluk renversé. Le reste de la composition est à peine indiqué. Ce dessin m'a été donné par M. Lehoux, qui le tenait de Géricault lui-même. H,, 220. — L. 320 mill.


DESSINS (1812 A 1816). 335

41. Mameluk défendant un jeune trompette blessé. Première pensée pour la lithographie du même nom. Le cheval renversé qui se trouve dans ce dessin n'a pas été reproduit dans la planche. A gauche de la com- position, on voit des cuirassiers chargeant. — A la plume sur papier calque. — A M. Lehoux.

H., 270. — L., 260 mill.

42. Marche dans le désert. Première pensée pour la litho- graphie qui porte ce titre. — Au premier plan, à gauche, un attelage de quatre chevaux dont l'un vient de s'abattre; le conducteur va le frapper pour le remettre sur pied; à droite, un chameau se relève; au fond, la composition telle qu'elle a été exécutée parle maître sur la pierre. — Lithographie en fac-similé par M. A. Co- lin dans notre publication : Dessins de Géricault^ etc.

Pour réparer la faute qu'il avait commise en plaçant au second plan le personnage principal, Géricault refit cette composition sur le verso de son papier, en supprimant les épisodes du premier plan; il se servit de ce second dessin pour exécuter la lithographie qui fait partie de la Vie de Napoléon^ par Arnault. — Les deux dessins sont à la mine de plomb. — A M. His de La Salle.

H., 289. — L., 410 mill.

43. Passage du mont Saint -Bernard. Composition de la lithographie pour l'ouvrage de M. Arnault. — A la mine de plomb sur papier calque*. —A M. Le- houx.

IL, 330. — L., 410 mill.


1. M. His de La Salle possédait un dessin à la mine de plomb du même sujet, qu'il a donné à l'École des Beaux-Arts.


336 CATALOGUE.

44. Retraite de Russie. Au milieu, un dragon casqué à ctieva], un manteau sur les épaules: près de lui, deux chevaux conduits par la bride par un autre dragon à pied, qui marche devant. Derrière suivent deux fan- tassins, la tête basse, et coiffés de bonnets à poil. — A l'encre de Chine. — Au verso de ce dessin, qui est en largeur, on voit au-dessus de la tête des trois che- vaux un autre cheval au galop. — A la sépia. — A M. Eudoxe Marcille.

H., 165. — L., 280 mill.

45. Bataille de Maïpu. Composition pour la lithographie du même nom. — A la mine de plomb. — A M. de Triqueti.

H., 190. — L., 275 mill.

46. Bataille de Mondovi. Le général Bonaparte, à cheval, marche à droite. Il est accompagné d'un of&cier supé- rieur et d'un mameluk. Sur le devant, à droite, quatre figures de combattants à pied. Daus le fond, au milieu de la fumée, on voit des cavaliers et les édifices d'une ville. — A la pierre noire et à l'estompe avec quelques rehauts blancs. —A M. Gigoux.

H., 290 — L., 390 milL

47. L'Empereur, suivi de son état -major, visitant les blessés aprè:s une bataille. — A la sépia, avec quelques touches d'aquarelle. — A M. Camille Mar- cille.

H., 190. — L., 285 mill.

48. Louis XVIII passant une revue au Champ de Mars.

A gauche, des cavaliers font demi-tour et saluent du sabre, en passant devant le roi, assis avec la duchesse d'Angoulême entre les colonnes qui se trouvent à l'en-


DESSIxNS (1812 A 181G). 337

trée de l'École militaire. En perspective, à droite, on voit l'état-major. Deux officiers anglais, debout sur ies marches, de chaque côté du roi, indiquent la date de ce projet. Un groupe de chevaux tenus en main, et qui s'animent au passage de la cavalerie, forment le premier plan du tableau. Cette composition importante n'a ja- . mais été exécutée; cependant Géricault en a fait une esquisse peinte à l'huile qui a appartenu à M. Jamar et dont j'ignore le sort. — A l'aquarelle, très -largement touché à l'effet. — L'architecture n'est pas de la main de Géricault. — A M. Lehoux.

H., 260. — L., 300 mill.

49. Louis XVIII PASSANT UNE REVUE AU CHAMP DE MaBS.

Louis XVIII, assis devant la façade du palais de l'École militaire, voit défiler les troupes à cheval. — A la plume et à la sépia. — L'architecture est à l'encre de Chine. — A ftl. Camille Marcille.

H., 180. — L., 210 mill.

50. Le Duc de Beruy. Il est sur son lit de mort et entouré

de la famille royale. — Au verso, le même sujet, traité

d'une manière différente. — A la mine de plomb. — A

M. Binder.

IL, 190. — L., 250 mill.

51. Lionne allaitant deux lionceaux. Elle est debout,

vue de profil, et tourne la tête vers le spectateur. — A la mine de plomb, lavé de sépia et d'aquarelle.— Ce dessin a été fait d'après nature à Londres.— A M. le duc d'Au- male. (Catalogue Reiset, n° 306.)

IL, 100. — L., 235 mill.

52. Lion et lionne. Le lion , levé sur ses jambes de de- vant, regarde à gauche, il se retourne vers la lionne,

22


338 CATALOGUE.

placée derrière lui, et dont on ne voit que la tête et une patte. — Aquarelle d'une grande beauté. — A M. Hau- guet.

H., 150. — L., 235mill.

53. Lion dévorant un cheval mort. Une tête et une patte de lion sont plus étudiées à gauche et à droite dans le haut du dessin. — A la mine de plomb. — A M. Eudoxe Marciile.

H., 170. — L., 260 mil!.

54. Lion. Il est vu en raccourci, regardant à droite. Sur la même feuille, au bas, à droite, tête de lion vue de profil. — A la mine de plomb. — A M. His de La Salle.

H., 170. — L., 220 mill.

55. TÊTE DE LION. A la mine de plomb. — A M. Eudoxe Marciile.

H., 125. —L., 140 mill.

56. Études de chats. Ils sont dans différentes poses et présentent les divers degrés de la colère : au centre de la feuille, une tête de tigre inspirée par les têtes de chats. — A la mine de plomb ^. — A M. His de La Salle.

H., 320. — L., 400 mill.

57. Galaor. Chien de l'espèce mâtin qui appartenait à Gé- ricault. Il est couché, la moitié du corps passant hors de sa niche de pierre. — Aquarelle. — Au colonel 0. Bro de Comères.

H., 155. — L., 155 mill.

1. M. Eugène Le Roux a gravé à l'eau-forte ce magnifique dessin. On assure qu'il n'a été tiré qu'une seule épreuve de cette planche. Elle appar- tient à M. Mène,


DESSINS (1816 A 1817). 339


1816 — 1817.

58. Course de chevaux libres. Les chevaux, prêts à s'élancer, sont retenus par des personnages nus. Ce magnifique dessin est probablement le dernier que Géricault ait fait de ce sujet. Il paraît avoir été mis au carreau, et c'est lui sans doute qui a servi pour les esquisses peintes que l'on possède. Il a été lithographie en fac-similé par M. A. Colin, dans notre publication : Dessins de Géricault, etc. — A la plume. — A M. Eu- doxe Marcille.

H., 250. — L., 500mill.

59. Course de chevaux libres. Dessin presque identique à celui de M. E. Marcille, mais moins arrêté et en somme moins beau. Lithographie par M. A. Colin dans sa pre- mière suite de fac-similé. — A la plume. — Au Louvre, venant de la collection His de La Salle,

H., 200. — L., 455 mill.

60. Course de chevaux libres. Assez voisine des précé- dentes. Lithographiée par M. A. Colin, dans une suite qui n'a pas été publiée. Il n'en existe probablement que deux ou trois épreuves d'essai. C'est une des plus belles variantes de ce projet. — A M. Leioir.

H., 375.— L, 490 mill.

01 . Course de chevaux libres. Ce beau dessin, de plus petite dimension que les précédents, présente quelques variantes intéressantes. —Vente de Feltre. — A M. Hls de La Salle.

H., 140. — L., 250 mill.


340 CATALOGUE.

61!. Course de chevaux libres. Hommes nus retenant des chevaux avant la course. — A la plume sur papier jaune. — A M. Camille Marcille.

H., 140.— L.,270inill.

63. Course de chevaux libres. Plusieurs hommes nus re- tiennent les chevaux ou courent à leur suite. A la plume. Au verso, trois chevaux; celui du milieu a une plume sur la tête, celui de droite est retenu par un homme nu. — ■ A la plume et à la mine de plomb. — A M. Eu- doxe Marcille.

H., 100. — L., 270 mill.

64. Course de chevaux libres. Cinq chevaux au galop; trois d'entre eux ont la tête ornée d'une aigrette. Quatre Romains, en costume moderne, font tous leurs efforts pour les arrêter. — A la plume sur papier jaune. — Gravé en fac-similé par M. Durand [Gazette des Beaux-Arts [V^ mai 1867). — A M. Eudoxe Marcille.

H., 145. —L., 310 mill.

63. Course de chevaux libres. Les chevaux, sur une ligne oblique, sont retenus par de jeunes Romains en costume moderne. La composition est identique à celle de l'une des esquisses peintes appartenant à M. Couvreur. — A la mine de plomb. — A M. Sauvé.

H., 270. — L., 440 mill.

66. Course de chevaux libres. Romains retenant des che- vaux avant la course. A gauche, l'un des palefreniers a été renversé. — Croquis à la mine de plomb sur papier jaune. — A M. Camille Marcille.

H., 135. — L., 295 mill.

67. Épisode de la course de chevaux libres. Un cheval


DESSINS (1816 A 1817). 341

qui s'emporte est tenu aux naseaux par deux jeunes gens en costume romain moderne. Deux autres person- nages le retiennent par la queue. — A la plume. — Lithographie par M. A. Colin dans sa première suite de fac-similé. — C'est la composition du tableau que possède le musée de Rouen ^. — A M. Jules San-

deau.

H., 160. — L., 255 mill.

68. Épisode de la course de chevaux libres. Quatre hommes nus s'efforcent d'arrêter un cheval qui s'em- porte. Deux d'entre eux tiennent la tête du cheval, les autres sa queue. Cette composition se rapproche beau- coup de la précédente. — A la pierre noire. — A M. Eudoxe Marcille.

H., 190. — L., 260 mill.

69. Épisode de la course de chevaux libres. Un cheval emporté est entouré par quatre hommes qui veulent l'arrêter : ces hommes sont vêtus du costume ita- lien; à gauche, un autre homme est renversé. — A la mine de plomb sur papier jaune. — A M. Eudoxe Mar- cille.

H., 135. — L., 190 mill.

70. Épisode de la course de chevaux libres. Cheval au galop; sa tête est ornée d'une aigrette. Un palefre- nier romain tient de la main gauche sa bride, et appuie le bras droit sur son garrot. — A la pierre noire. — Au verso, même sujet, avec variante : l'homme

1. Tout ce qui se rapporte à cette magnifique composition a tant d'im- portance que, malgré l'abondance des documents déjà mentionnés, nous devons encore signaler deux intéressantes variantes de ce même sujet, presque identiques au dessin de M. Sandeau, l'une à la plume, l'autre à la mine de plomb, appartenant à M. His de La Salle.


342 CATALOGUE.

tient de la main gauche le nez du cheval, et de la droite la bride. — A M. Eudoxe Marcille.

H., 215. — L., 285 mill.

74. Épisode de la course de chevaux libres. Cheval au galop. Un homme nu, coiffé d'un bonnet phrygien, le suit aj^ant sa main gauche près de sa crinière, et tenant de la droite un javelot. — Dessin rehaussé de blanc sur papier calque jaune. — Cet ouvrage, qui avait été donné par Géricault au docteur Magendie, appar- tient aujourd'hui à M'"^ Magendie.

H., 175. — L., 21 5 mill.

7â. Épisode de la course de chevaux libres. Deux petits dessins à la plume sur papier calque. — A M. Lehoux.

H., 90. — L., 190 mill.

73. Épisode de la course de chevaux libres. Un pale- frenier amène un cheval. Il est placé à sa droite et le tient par les rênes du bridon, tout près de la bouche; son bras gauche est appuyé sur le dos du coursier qu'il dirige du côté droit pour aller retrouver les chevaux qui vont courir; ceux-ci sont légèrement indiqués dans le fond ainsi que la tribune des spectateurs. — A la sépia, sur un croquis au crayon noir. — A M. His de La Salle.

H., 136. — L., 170 mill.

74. Cavalier sur un cheval qui marche au grand trot. Le cheval rappelle par son style les bas-reliefs antiques. — Dessin à la mine de plomb très-finement exécuté. — A M. Lehoux.

H., 120. —L., 180 mill.

75. Cinq chevaux de poil différent. Ils sont tenus par


DESSINS (1816 A 1817). 343

trois palefreniers en costume romain moderne. Les deux en avant sont : celui de gauche, blanc; celui de droite, bai -brun. Cette importante aquarelle est à peu près identique au tableau de M. His de La Salle décrit dans le catalogue des peintures. — A M. Hauguet.

H., 230. —L., 300mill.

76. Prière a la Madone. Groupe de paysans romains pro- sternés à la porte d'une église, dont on ne voit que l'entrée indiquée par deux colonnes et un rideau entr'ou- vert. Des hommes et des femmes de tout âge sont age- nouillés devant cette porte. A gauche, deux jeunes con- tadins à cheval ôtent pieusement leurs chapeaux, et, près de l'un d'eux, une mère, effrayée par le bruit des pas du cheval, se retourne en pressant son enfant dans ses bras. — Lithographie par M. A. Colin dans notre publication : Dessins de GéricauU, etc. — A la plume. — A M. His de La Salle.

IL, 265. — L., 400mill.

'ÎT. Paysan romain. Coiffé d'un chapeau à large bord et presque entièrement drapé dans son manteau, il est vu de face, debout, le dos appuyé contre un mur, et il tient dans ses bras un enfant, dont la tête est recouverte d'un chapeau pareil au sien. — Aquarelle sur croquis au crayon noir et rehaussé de blanc sur papier brun, — A M. His de La Salle.

H., 280. — L., 196 mill.

78. Le marché aux bœufs. Deux hommes armés de bâtons sont au milieu de bœufs en furie. Sur le premier plan, un troisième personnage, genou en terre, a sa main gauche sur le cou d'un des bœufs qui est renversé, et de l'autre il retient un chien qui mord la tête du bœuf. A droite, un autre chien, debout sur ses pattes de derrière, aboie.


344 CATALOGUE.

C'est la composition de l'esquisse peinte appartenant à M. Couvreur. — Lithographie par M. A. Colin dans notre publication : Dessins de Géricaultj etc. — A la plume. — A M. Eudoxe Marcille.

H., 295. —L., 510 mill.

79. Croquis divers. Deux hommes nus; l'un suit un cheval au trot, l'autre cherche à brider un second cheval. — Homme enchaîné faisant les plus grands efforts pour se délivrer de ses chaînes, etc. — A la plume. — A M. Eudoxe Marcille.

H., 220. — L., 350 mill.

80. Course antique. Assis dans un antre, entre deux fais- ceaux qui supportent une couronne, un juge voit courir trois chevaux libres. Sur un tertre abrité par des arbres, une foule nombreuse assiste à ce spectacle. — Aquarelle

— A M. Camille Marcille.

H., 105. — L., 185 mill.

81. Marche de Silène. Ivre et nu, il est monté sur un âne,, et a la tête couronnée de pampres. Il est soutenu par un bacchant qui joue de la flûte, et par une bacchante qui tient, de la main gauche, au-dessus de sa tête, une grappe de raisins. L'âne, conduit par un satyre armé d'un thyrse, plie sous le faix. A gauche, d'autres bac- chants, debout, tiennent, en dansant, l'un, un vase, l'autre, une coupe. Un troisième est renversé ivre-mort.

— A la mine de plomb et à la sépia, rehaussé de blanc,, sur papier jaune. A droite, on lit : Géricault. — A M. Eudoxe Marcille.

H., 205. — L., 280 mill.

82. Marche de Silène. Répétition du même sujet. — A


DESSINS (181G A 1817). 345

la sépia rehaussé de blanc sur papier jaune. — A M. Camille Marcille.

H., 210. — L., 280 mill.

83. Marche de Silène. Semblable au précédent. — Trait à la plume. -- A M. Eudoxe Marcille.

H., 200. — L., 320 mill.

84. Le triomphe de Galatée. A la sépia. Les eaux et le ciel sont bleus. — A M. Mène.

H., 200. — L., 290 mill.

85. Paris et Hélène. Au-dessous, une frise représentant une bacchanale. — A la plume. — A M. Valferdin.

H., 290. — L., 190 mill.

86. Mars et Hercule. Ils sont nus et debout sur un char antique , et cherchent à retenir deux chevaux emportés qui ont heurté sur leur passage une colonne milliaire.

L'un des chevaux est renversé, et son col est sous le timon du char. A droite, cette composition est répétée en petit avec une variante. A gauche, au haut du des- sin, on lit : Mars et Hercule. Ces mots sont écrits à l'encre. — A la plume. Le cheval renversé, le timon et le char sont à la pierre noire. — A. M. Eudoxe Marcille.

H., 210. — L., 250 mill,

87. Mars et Hercule. Ils sont dans un char antique, auquel sont attelés deux chevaux; celui de droite est renversé, celui de gauche se cabre. — A la plume. Le cheval qui se cabre est seulement indiqué à la mine de plomb. — A II. Camille Marcille.

H., 195. — L., 260 mill.


346 CATALOGUE.

88. Hercule enlevant tjn bœuf sur ses épaules. A la

sépia rehaussé de blanc avec ciel bleu. — A M. Benoît-

Champy.

H., 120. — L., 170 mill.

89. L'Homme poussé par la Mort. (« Marche, marche! » Bossuet. ) — Croquis à la plume avec quelques touches à la sépia. — A M. Benoît- Champy.

H., 170. —L., 220 mill.

90. La Barque de Caron passant le Styx. Croquis à la plume. — A M. Benoît-Ghampy.

H., 160. — L., 320 mill.

91. Centaure saisissant une femme qui se débat. 11

marche à gauche. A la plume avec des rehauts blancs.

— Au musée du Louvre, venant de la collection His

de La Salle.

H., 150. — L., 220 mill.

92. Centaure qui emporte une femme. Il marche à gauche.

A la plume avec des rehauts blancs. — Au musée du

Louvre, venant comme le précédent de la collection His

de La Salle.

H., 200. — L., 455 mill.

93. L'Homme s' arrachant des bras du Vice. (Cette in- scription, qui se trouve au-dessous du dessin, est de la main de Géricault.) La figure herculéenne, qui repousse les différents vices, est d'une grande puissance. — A la plume. — A M. Sauvé.

H., 170. — L., 135 mill.

94. Défense d'un pont. Sur un pont, un guerrier ( Hora- tius Codés [?]) nu, casqué, armé d'un glaive et d'un bouclier, arrête des soldats armés aussi de glaives et de boucliers; derrière, sont des hommes nus qui ont


DESSINS (1816 A 1817). 347

leurs arcs bandés. Sous l'arche, d'autres assaillants, tenant des arcs et des flèches, arrivent dans un bateau.

— A la sépia sur papier blanc jaunâtre. — A M. Eudoxe Marcille.

H., 160. — L., 250 mill.

95. Concert champêtre. Un faune et une nymphe des bois sont assis sur un rocher, à l'ombre d'un arbre séculaire, dans un paysage montagneux. La nymphe, le bras gauche appuyé sur l'épaule du faune, le considère avec atten- tion, pendant qu'il tire des sons d'un chalumeau. Les deux figures sont nues ; la cuisse et la jambe droites du faune, seules, sont enveloppées dans une draperie.

— Au crayon noir, lavé de bistre et rehaussé de blanc sur papier jaune. — A M. His de La Salle.

H., 190. — L., 240 mill.

96. Homme nu terrassant un rœuf. Vu de dos, il tien le bœuf par les cornes et l'a fait tomber sur les genoux au moyen de la forte pression qu'il lui a imprimée en se penchant sur lui. Au-dessus de ce groupe, et dans le sens inverse, le maître a dessiné deux variantes de la lutte. Dans la première, l'homme, vu de dos, a saisi de la main gauche l'une des cornes de l'animal qui s'est cabré et résiste; dans la seconde, l'homme, vainqueur, est à genoux, près du bœuf, et lui tient la tête collée contre la terre. Un combat de deux bœufs, légèrement indiqué, sépare ces deux variantes. Au-dessous du groupe principal, Géricault a dessiné une frise repré- sentant un troupeau de bœufs en marche, précédé et suivi de ses gardiens en costume romain. Ce magnifique dessin a été lithographie par M. A. Colin dans notre pu- blication : Dessins de Géricault^ etc. — A la plume. —

A M. His de La Salle.

H., 240. — L., 305 mill.


348 CATALOGUE.

97. PicADORES A CHEVAL. Ils sont armés de lances et con- duisent des bœufs. — A la plume.

H., 110. — L., 180 mill.

Au verso. Romain armé d'une lance sur un cheval au galop. — A la plume. — A M. Camille Marcille.

H., 110. —L., 140 mill.

98. Deux hommes nus, l'un a cheval, l'autre a pied, s'efforcent d'arrêter un taureau. Ce beau dessin paraît être la première pensée de la lithographie : les Bouchers romains. — A la plume. — A M. Mène.

H., 200. — L., 250 mill.

99. Cavalier attaqué par un lion. Il est renversé sur le dos de son chevaK qui se cabre d'effroi. A droite, une tète de lion de profil tourné à gauche. — Beau croquis à la mine de plomb. — A M. Mahérault.

H., 195. —L., 270 mill.

iOO. Cheval attaqué par un lion. Il est tourné à gauche et se cabre en soulevant le lion cramponné à son garrot. — A la mine de plomb. —Lithographie par M. A. Colin dans sa première suite de fac-similé. — Géricault lui- même a fait de ce sujet une lithographie dont on ne connaît qu'un exemplaire que l'on trouvera décrit dans le catalogue des lithographies. — Au musée du Louvre, venant de la collection His de La Salle.

H., 210. — L., 200 mill. 4 01 . Cheval attaqué par un lion. Composition identique


DESSINS (1816 A 1817). 349

à celle du dessin du Louvre. Le cheval est tourné à droite. — Encre de Chine et sépia. — A M. Mène.

H., 200. — L., 250 mill.

102. Lion dévorant un cheval. Devant un rocher esl étendu un cheval mort; un lion a les deux pattes de devant posées sur le corps du cheval qu'il va dévorer. — A l'encre lithographique sur toile. — A M. Camille Marcille.

H.,270. — L., 360 mill.

103. Lion debout. Ses deux pattes de devant sont posées sur le corps d'une femme. — A la plume. — A M. Ca- mille Marcille. — A M. Heymann.

IL, 115. — L., 170 mill.

104. Homme terrassant une panthère. L'homme est nu; de la main droite, il tient le nez de la panthère, et de la gauche la mâchoire inférieure de l'animal ; sa jambe droite est engagée entre l'une des pattes de la panthère et sa queue ^ — A l'encre de Chine. — A M. Eudoxe Marcille.

H., 120. — L., 180 mill.

105. DÉMONS. Ils emportent, l'un un homme, l'autre une femme. — A la mine de plomb. — A M. Binder.

H., 190. — L., 140 mill.

106. Passage de la mer Rouge. A droite, les Israélites con- tinuent leur marche, après avoir traversé la mer. Au milieu. Moïse, armé d'un glaive, assiste à la ruine de


I. M. His de La Salle possède un dessin de cette composition, aussi im- portant que celui q_ui vient d'être décrit et de la même exécution. Au verso se trouve uua variante très-remarquable du même sujet à la mine de plomb.


350 CATALOGUE.

Pharaon, que l'on voit à gauche, dans un char traîné par deux chevaux, au moment où il va être englouti dans les flots. — A la sépia. — A M. Camille Marcille.

H., 120. — L., 170 mill.

4 07. Jésus-Christ au jardin des Oliviers. Il est entière- ment drapé et agenouillé; devant lui, un ange lui présente le calice, sur lequel est une hostie d'où s'échappent des rayons. — Au crayon noir et à la sépia avec des rehauts blancs sur papier jaune. — A M. Logerotte.

H., 210. — L., 280 mill.

108. JÉSUS CHASSANT LES MARCHANDS DU TEMPLE. A la

plume avec quelques touches de sépia. — A M. Benoît- Champy.

H., 125. — L., 160 mill.

1818 — 1820.

409. Le Radeau de la Méduse. Ce projet, très-achevé et des plus remarquables, diffère considérablement du tableau du Louvre. Il représente l'épisode de h. révolte des mate- lots contre les officiers. Dans cette scène tumultueuse, de la plus grande énergie , on distingue surtout au milieu, dominant la composition, un jeune officier, blessé et debout, embrassant le mât du bras gauche. Au pre- mier plan, vers le centre, un cadavre, retenu au radeau par la jambe repliée, qui rappelle la figure à droite du tableau du Louvre; à droite, un homme, la moitié du corps dans la mer, se retient des deux mains à une corde; à gauche, une femme morte étendue; tout au- près, une autre lève les deux mains au ciel. — Cet ouvrage est exécuté à la plume. — A M. Lamrae.

H., 415. —L., 590 mm.


DESSINS (1818 A 1820). 351

410. Le Radeau de la Méduse. — Ce magnifique dessin se rapproche beaucoup, par la composition, du précédent. C'est la même scène tumultueuse, dramatique et sur- chargée de personnages. On y trouve cependant quel- ques variantes assez importantes, et en général très- heureuses, qui expliquent que Géricault ait traité deux fois le même sujet d'une manière aussi achevée. — Au crayon noir et à la sépia sur papier jaune ; la mer et le ciel à l'aquarelle avec quelques touches de gouache. Cet admirable ouvrage a appartenu à Ary Scheffer et monta à sa vente (15 et 16 mars 1859) au prix de 1030 francs. —Il appartient aujourd'hui à M. Hulot.

H.. 400. — L., .510 raill.


411, Le Radeau de la Méduse. — Ce beau et important dessin ne reproduit pas plus que les précédents le projet que Géricault adopta pour le tableau du Louvre. 11 re- présente les naufragés au dernier degré de la misère. A gauche , à la place du père qui tient son enfant sur ses genoux, est un personnage accroupi sur un cadavre, dont il ronge le bras; au pied du mât un homme de- bout tord ses mains crispées par le désespoir. Deux figures à droite tendent les bras vers l'horizon et pa- raissent apercevoir quelque navire. Le cadavre accro- ché aux poutres du radeau existe dans cet ouvrage comme dans les deux précédents, et l'on sait que cette figure ne se trouve ni dans les dessins ni dans les esquisses du projet définitif, et que Géricault ne l'ajouta au tableau qu'au dernier moment dans le foyer du Théâtre-Italien. — A la sépia et à l'aquarelle. —


352 CATALOGGE.

Vente Grégoire. — Ce dessin a appartenu à M. Nepveu. Il est aujourd'hui entre les mains de M. Duquesne.

H., 275. — L., 370 mill.

412. Le Radeau de la Méduse. C'est le moment oii les naufragés sont recueillis par le canot de ÏA7gns. Ils ont déjà presque tous quitté le radeau, qui se trouve à gauche du canot. — A la plume. — A M. Courtin.

H., 90. — L., 200 mill.

413. Le Radeau de la Méduse. Composition qui se rap- proche de celle du tableau du Louvre, dont elle paraît être la première pensée. Les naufragés sur le radeau joignent les mains et tendent les bras en voyant, à gauche, approcher un bateau. — A la plume. — A M. Camille Marcille.

H.,230.—L., 330 mill.

114. Le Radeau de la MréusE. Composition presque iden- tique au projet définitif, mais avec des modifications importantes dans le mouvement des figures, qui sont nues pour la plupart. Le jeune homme, sur les genoux de son père , a les jambes placées horizontalement et couvertes d'une draperie; l'homme étendu sur le dos, tout à gauche, manque, ainsi que celui qui, à droite, cherche à se soulever; la voile n'est pas indiquée et le nègre est coupé à la hauteur des épaules. — A la plume, sur papier huilé. — A M. Courtin.

H., 320. — L., 420 mill.

115. Le Radeau de la Méduse. Composition à peu près semblable à celle du tableau. La figure couchée sur le dos, à gauche, manque. — A la plume et à la sépia.


DESSINS (1818 A 1820). 353

Ail verso. L'homme qui cherche à se relever, à droite, dans le tableau. — A la plume et à la sépia, avec des rehauts blancs. — A M. Valferdin.

H., 200. — L., 270inill.

116. Le Radeau de la Méduse. Composition identique à la précédente. Les quatre figures à gauche sont toutes assez avancées; les autres ne sont qu'indiquées. — A la plume.

Au verso. La même figure que dans le précédent, mais cherchée dans un autre mouvement. — A la plume et à la sépia, avec des rehauts blancs. — A M. Yalferdin.

H., 200. — L., 270 mill.

117. Le Radeau de la Méduse. Ce beau dessin, le plus complet du projet définitif que je connaisse, reproduit presque sans variantes la composition du Louvre. — A la plume et à la sépia, sur un croquis à la mine de plomb. — A M. Huloti.

H., 410. — L., 575 milI.

118. Le Radeau de la Méduse. Groupe de tous les per- sonnages sans le radeau. — Au crayon noir estompé au milieu. A droite et à gauche, les figures ne sont indiquées qu'au trait. — A M. Camille Marcille.

H., 300. — L., 430 mill.

119. Étude du père pour le Radeau de la Méduse. C'est probablement la première pensée pour cette figure. La tête est presque de profil, et le bras gauche, qui dans le tableau est replié sur le corps du jeune homme, est


1. M. Hulot possède encore un grand album de 69 feuilles, renfermant un nombre considérable d'aquarelles, de dessins et de croquis, — (Vente Ary Schefler, 1,090 francs.)

23


354 CATALOGUE.

étendu. La jambe du même côté est coupée au genou..

— A la plume. — A M. Defer.

H., 210. — L., 220 mill.

120. Étude du père pour le Radeau de la Méduse.

Dans le coin du dessin, à gauche, croquis de la compo- sition complète. — Au crayon noir.

Ail verso. Deux autres études d'hommes pour le même ouvrage. — A M. Camille Marcille.

H., 240. — L., 330 mill.

421. Étude du père et de son fils pour le Radeau^ de LA MÉDUSE. — A la plume et à la sépia sur papier jaune.

— A gauche, croquis à la mine de plomb de la com- position complète.

Au verso. Étude d'homme et de lion —A la plume. — A M. Camille Marcille.

H., 170. — L., 240 mill.

422. Étude du père et de son fils pour le Radeau de la N Méduse. En sens inverse des mêmes personnages dans

le tableau. A gauche, trois figures également modifiées.

— A la plume.

( Au verso. L'avant-train d'un cheval. — A M. Val-

ferdin.

H., 100. — L., 210 mill.

123. Figure du père avec le cadavre de son fils. Très- belle étude à lamine de plomb. — A M. Gigoux.

H,, 290. —L., 210 mill.

24. Cadavre du jeune homme. Première pensée, avec une différence de mouvement (la tête est à gauche) et des raccourcis plus brusques. — A M. Gigoux.

H., 200.— L.,2G0miU.

42o. Cadavre lu jeune homme au premier plan ùm Ra-


DESSINS (1818 A 1820). 355

deau de la Méduse. Il est entièrement nu, tel que Gé- ricault le peignit d'abord. — Au crayon noir. — A M. Gigoux.

H.,200. — L., 270mill.

426. Étude d'homme pour le Radeau de la Méduse. — A la plume .

Au verso. Étude du père, à la plume, et d'une autre figure, au crayon. — A M. Camille Marcille.

H., 250. — L., 300 mill.

427. Étude pour le Radeau de la Méduse. Le nègre qui fait des signaux, ainsi que le personnage qui le soutient et cinq ou six des figures qui les entourent. — Au roseau sur papier huilé ^ — A M. Gh. Cournault, à Malzeville, près Nancy -.

II., 300. — L., 195 miU.

428. Étude pour le Radeau de la Méduse. L'homme qui se précipite vers les personnages qui font des signaux. Il est vu de dos, la jambe et le bras droits en avant, la jambe gauche étendue à peu près comme dans le ta- bleau. — A la plume.

Au verso. L'avant-train d'un cheval et la partie infé- rieure d'une femme à genoux et drapée. — A M. Val- fcrdin.

H,, 230. — L., 290 mill.

420. Étude pour le Radeau de la Méduse. La même figure que dans le numéro précédent. — Au-dessous une


1, M. His de La Salle possède un dessin à la plume sur papier bleu pour le môme groupe qui a été gravé en fac-similé dans la Gazette des Beaux- Arts (avril 1867).

2. M. Cournault possède encore un nombre assez considérable de dessin et croquis se rapportant au Radeau de la Méduse,


356 CATALOGUE.

étude isolée de la main gauche, et au-dessus une autre étude de cette main , plus celle du bras , mais dans un sens contraire à celui de la figure. — A la mine de plomb. — A M. Mahérault.

H., 204. — L., 287 mill.

430. Étude pour le Radeau de la Méduse. Personnage assis, la tête appuyée sur la main gauche, la droite derrière le corps ; la jambe droite est posée en avant.

— A la plume.

Au verso. Études ostéologiques à la plume de deux jambes et d'un bras, et quatre têtes de chiens à la mine de plomb. — A M. Eudoxe Marcille.

H., 135. — L., 210 mill.

-131. Six têtes d'étude sur la même feuille, pour diverses figures du Radeau de la Méduse. Ce sont des têtes d'expression (abattement, effroi, supplication). Elles ont environ 60 mill. de proportion. — - A la mine de plomb.

— A M. Gigoux,

H., 260. —L., 400 mill.

4 32. Quatre tètes de guillotinés, sur la même feuille. Elles sont dessinées d'après le même modèle; trois d'entre elles se présentent en raccourci. —Elles ont de 60 à 80 mill. de proportion. — A M. Gigoux.

H., 280. — L., 210 mill.

433. Homme tenant une hache. Épisode pour l'un des pro- jets du Radeau de la Méduse. — Croquis à la mine de plomb. — A M. Camille Marcille. — A M. Heymann.

H.,190. — L., 180 mill.

434. Quatre croquis représentant un homme tenant


DESSINS (1818 A 1820). 357

UNE HACHE. Figures pour le même projet. — A la plume. — A M. Camille Marcille. — A M. Heymann.

H., 160. — L., 140inill.

i3o. TÈTE d'homme guillotiné. Elle est représentée sous quatre aspects différents. Dans l'angle inférieur du côté droit, le chiffre 24. —A la pierre d'Italie. — A M. Mahé- rault.

H., 210. — L., 280 mill.

136. TÈTE DE FEMME. Étudo d'après une domestique du père de Géricault qui avait l'intention de s'en servir dans le Radeau de la Méduse. — Dessin estompé. — A M. Jamar.

H., 260. — L., 200 mill.

137. Jambes et pieds d'un guillotiné dans leur état de CRISPATION, dessinés à l'amphithéâtre après l'écorche- ment. — A la pierre noire. — A M. Gigoux. — Le même artiste possède un répétition du même sujet également à la pierre noire et dans des dimensions un peu plus grandes.

H., 290. — L., 210 mill.

138. Étude du Radeau pour le naufrage de la Méduse.

Le radeau, un mât, une voile, deux tonneaux. — A la plume.

Au verso. Plusieurs études de têtes pour le Ra- deau de la Méduse. — A la plume. — A M. Camille Marcille.

H., 220. — L., 280 mill.

139. Le Radeau de la Méduse. Quatre compositions pour la 4« édition de la Relation de Corréardj lithogra- phiées par Champion.


338 CATALOGUE.

a). La frégate submergée.

b). Reproduction du tableau.

c). Un ministre du roi Zaïde trace sur le sable une carte d'Europe.

d). Des officiers anglais visitent Gorréard à l'hôpital Saint-Louis.

Ces dessins à l'aquarelle appartiennent à M. Leclère fils. Ils ont été gravés par M. Pauquet et publiés dans le Magasin pittoresque (tome XXVII, décembre 1859).

H., 105. — L., 170 mil).


1820 — 1824.


140. Le Supplice. Trois hommes, ayant la corde au cou, sont rangés de face sur la planche fatale. Le premier reçoit les exhortations d'un pasteur placé devant lui ; le second, les bras pendants et la tête couverte du bonnet qui cache son visage, paraît attendre son sort avec rési- gnation. Un aide, placé devant le troisième, est en train d'abaisser son bonnet, pendant que l'exécuteur assu- jettit la corde à la poutre placée au-dessus de leur tête. Derrière eux, sur la droite, un homme soutient une femme qui se désole; ces dernières figures sont à peine indiquées. A gauche, au-dessus des têtes, on aperçoit les silhouettes de quelques monuments de Londres. — A la sépia. — A M. Lehoux.

H., 400. — L., 320 mill.


DESSINS (1820 A 1824). 359

141. Un enterrement a Londres. Deux chevaux, la tête empanachée , traînent un corbillard, dont le sommet est orné de plumes. Les chevaux sont précédés de deux maîtres de cérémonies, vêtus d'une longue redingote, ayant un long crêpe à leur chapeau, et tenant une grande canne surmontée d'une pomme. A gauche du corbillard, un autre maître de cérémonies porte aussi une canne à la main. — A la sépia. — A M. Eudoxe Marcille.

H., 195. — L., 280 min.

<42. Étalon conduit pour saillir une jument. Le noble animal, alezan brûlé, est vu de profil. Frémissant, la tête haute, la bouche écumante, il se dirige, en devan- çant l'Arabe, qui le tient par un caveçon, vers une ju- ment, maintenue à quelque distance par un homme placé devant elle. On la voit de croupe, la tête élevée et retournée du côté de l'étalon qui s'avance. Ce groupe, noyé dans une légère demi-teinle, s'enlève sur une col- line ombrée qui lui sert de fond. Le ciel est nuageux et d'un gris clair. L'Arabe, vêtu d'un caban avec capuchon rouge relevé sur la tête et d'un vaste pantalon blanc jaunâtre, est placé du côté opposé au spectateur, de sorte qu'il ne cache rien de ce que le peintre s'est plu à accentuer.

Cette magnifique aquarelle, sur papier teinté, a été reproduite en lithographie par Andrew. — A M. Edouard Sartoris, à Londres.

H., 250. — L., 330mill.

143. Trois chevaux de trait vus de croupe, entrant sous une VOUTE. Ils sont conduits par deux charretiers anglais, vêtus d'une blouse et la tête couverte d'un large chapeau dont les bords tombent sur les épaules; l'un


3(50 CATALOGUE.

des charretiers tient un fouet de la main gauche. Étude pour la lithographie Entrance to the Adelphi Warf. A la sépia. — A M. Legentil-Marcotte ^.

H., 285. -. L., 370 mil!.

U4. Cheval anglais au pas. Il est monté par un cavalier vêtu d'une longue redingote, et en chapeau. Sur le dos du cheval, une couverture à carreaux marquée d'une m. _ Sur toile à l'encre lithographique. — Étude pour la lithographie Jockey anglais monté sur un cheval qui a une couverture marquée d'une M. — A M. Mar- cuyz-MarcilIe, à Orléans.

H., 200. —L., 335 mill.

4 45. Cheval a la porte d'une auberge. Il est tenu par un homme qui boit un pot de bière. A gauche, une jeune fille debout. Étude pour la lithographie Vieux cheval à la porte dune auberge. — A la sépia. — A M. Le- gentil-Marcotte.

H., 250. — L., 350 mill.

446. Cheval anglais avec couverture a carreaux. Jl

est monté par un jockey, qui est vêtu d'une petite veste, d'un pantalon blanc, et coiffé d'un chapeau. — Sur toile à l'encre lithographique. — A M. Eudoxe Marcille.

H., 210. — L., 310 mill.

447. Deux chevaux de trait harnachés. L'un d'eux a la tête baissée et mange. A gauche est assis un charretier anglais, coiffé d'un large chapeau; il tient ses bras croisés et est endormi. A gauche, une muraille sur-

1. M. His de La Salle possède une superbe étude à la sépia pour l'un de ces clie\aux.


DESSINS (1820 A 1824). 361

montée d'un toit. Fond de paysage. — A M. Legentil-

Marcotte.

H., 250. — L., 330 mill.

148. Trois chevaux montés. Ils sont au galop. Cette petite

aquarelle est d'une grande élégance d'exécution. — A

M. Hau2;uet.

H., GO. — L., 80 mill.

449. Un cheval de trait auprès d'une maison. Aquarelle faite en Angleterre. — A M. Benoîl-Ghampy.

H., 170. — L., 230 mill.

150. Cheval noir harnaché vu de profil. Aquarelle faite en Angleterre. — A M. Benoît-Champy.

H., 190. — L., 245 mill.

151. Quatre chevaux attelés vus de croupe. L'un est monté par un homme en blouse. — Croquis à la mine de plomb et pris du haut d'une fenêtre. Fait en Angle- terre. — A M. Benoît-Champy.

H., 190. — L., IGO mill.

152. Cheval de trait bai clair et blanc harnaché. Aquarelle.

Ait verso. Quatre croquis : deux représentent deux

jockeys conduisant des chevaux, les deux autres des

chevaux vus de profil, la tête tournée à droite. — A

la mine de plomb sur papier jaune. — A M. Eudoxe

Marcille.

H., 195. — L., 205 mill.

153. Cuirassiers chargeant. Fragment du panorama de la bataille de Waterloo, que l'on montrait à Londres pendant le séjour de Géricault. A la mine de plomb et à l'aquarelle, sur papier de couleur. — A M. Sauvé.

H., 250. — L., 350 milL


3G2 CATALOGUE.

454. Cavaliers anglais et français. Comme le dessin pré- cédent, fragment du panorama de la bataille de Water- loo, que Géricault admirait beaucoup, et dont il repro- duisit de mémoire quelques parties. — A la gouache, sur papier de couleur. — A M. Lehoux.

H., 280. —L,, 380mill.

'153. HORSE-GUARD EN PETITE TENUE, MONTE SUR UN CHE- VAL BAI-CERISE MARCHANT A GAUCHE. — Aquarcllc goua- chée d'une très-belle qualité. — A M. James Nathanie de Rothschild.

H., 230. — L., 330miri.

156. Militaire anglais a cheval, vu de profil, se re- tournant et regardant derrière lui. — Aquarelle faite en Angleterre. — A M. Benoît-Champy.

H., 250. — L., 190 mill.

457. Joueur d'orgue. Auprès de lui, une femme, une sébile à la main, demande l'aumône. — Dessin à la plume fait en Angleterre. — A M. Pernet.

H., 210. — L., 280 mill.

458. Paysage. Entrée d'un parc; site sauvage et d'un grand caractère. Exécution très-robuste ; ombres énergiques et profondes. — C'est un simple lavis, mais qui a la con- sistance de la gouache. — A M. Gigoux.

H., 140. — L., 210 mill.

459. La TRAITE des nègres. Au milieu de la composition, un gardien va frapper de son bâton un nègre, les mains liées derrière le dos. A gauche, une négresse, un genou à terre, l'air suppliant, tâche de retenir le bras du gar- dien. Elle est contenue par un homme qui cherche à l'entraîner. A droite, sur le premier plan, une jeune


DESSINS (1820 A 1824). 363

fille, qu'un nègre enlace tendrement de ses bras, et derrière ce groupe des hommes armés de bâtons dans des attitudes menaçantes. Toutes ces figures sont nues.

— A la sanguine. Quatre têtes seulement sont à la mine

de plomb. — Lithographie par M. A. Colin dans notre

publication : Dessins de Géricaiilt, etc. — A M. His de

La Salle.

H., 308. — L., 437 mill.

160. La traite des nègres. Le gardien, debout au milieu; autour de lui quelques figures assises ou couchées. Dans le fond , trois autres figures debout. — A la plume.

— A M. Valferdin.

H., 105. — L., 135 mill.

461 . Ouverture des portes de l'Inquisition. Ce dessin est delà plus grande importance, quoiqu'il paraisse évident que Géricault eût encore beaucoup modifié son projet.

— Au crayon noir et à la sanguine. — A M. Binder*.

H., 420. — L., 580 mill.

402. La peste de Barcelone. Figures enlacées qui rap- pellent le Laocoon. — A la plume. — A M. Mène.

H., 200. — L., 280 mill.

463. Combat de la Mort. Les hommes et les chevaux sont représentés à l'état de squelettes. — A la plume. — A M. Sauvé.

H., 180. — L., 255 mill.

1. M. Binder possède encore un nombre considérable de dessins moins importants de Géricault, entre autres trois études d'après des têtes du Ju- gement dernier de Michel-Ange (crayon noir et sanguine. Vente Scheffer); seize calques d'après des dessins indiens; quarante-cinq calques d'après des ouvrages antiques; cinq dessins, cavaliers et armures, faits dans la Toil>r de Londres, etc., etc.

M. Lagrange possède un petit croquis du même sujet grayé en faç-simile dans la Gazette des Beaux-Arts (mai 1867).


364 CATALOG^^UE.

164. Scène tragique. A droite, une jeune fille et un vieil- lard; à gauche, un jeune homme, un genou en terre, qui les implore. La jeune fille paraît s'intéresser à lui et demander sa grâce au vieillard, qui lui tend les mains. — Lavé au bistre, avec des rehauts de blanc. — A M. Valferdin.

H., 180. — L., 240 milL

465. Scène de la mort de Fualdès. Géricault traita dans le style antique plusieurs épisodes de cet épouvantable drame, qui l'a beaucoup préoccupé. Tl avait fait trois ou quatre compositions déjà pour le tableau qu'il méditait, lorsqu'on lui montra des images à deux sous; il pré- tendit qu'elles valaient m.ieux que ses dessins, et aban- donna son projet. Celui-ci représente le corps de Fualdès enveloppé dans un drap et porté de nuit par quatre hommes. Un des assassins précède le groupe, et de la main indique le fleuve à peu de distance. Un autre, son arme sur l'épaule, suit cet horrible convoi. Au premier plan, derrière des rochers, un homme se cache et les épie. *- A la mine de plomb, sur papier de couleur.— A M.Lehoux.

H., 220. — L., 290 mill.

166. La rixe. Des hommes se battent; au premier plan, un des personnages soulève un blessé et le retire de la mê- lée. — A la plume. — A M. Topinard.

H., 210. — L., 300 mill.

167. Noté qu'on retire de l'eau. Ce sujet principal est entouré de plusieurs croquis.

Au verso de la feuille, un cheval au repos.— A la plume. — A M. Binder.

H., 240. — L., 300 mill.


DESSINS (1820 A 1824). 365

168. Scène du Tartufe. Il tient la main d'Elmire assise près de la table sous laquelle se cache son mari, et dont elle agite le tapis. — Croquis à la mine de plomb. — A. M. Mahérault.

H., 248. — L., 210mill.

169. Scène des Deux Frères. Comédie imitée de Kotze- bue, jouée au Théâtre-Français. Le capitaine se laisse attendrir par sa nièce, qui se jette à ses pieds. Il est assis; son matelot debout derrière lui, le coude appuyé au fauteuil ne peut retenir ses larmes. — A la mine de plomb.

Au verso divers croquis relatifs à la même pièce. — A M. Mahérault.

H., 190. — L., 230 mill.

170. Scène de Macbeth. A gauche, la sorcière; à droite, deux personnages, homme et femme, qui paraissent se railler de ses imprécations. — A la mine de plomb et au crayon rouge. — A M. Valferdin.

H., IGO. — L., 210 mill.

171. Mazeppa. Le cheval tombé mort est vu de dos. Ma- zeppa, entièrement nu , mort également ou expirant, a la jambe gauche prise sous le cheval et présente au spec- tateur la tête un peu renversée en arrière, la poitrine et les cuisses. Au crayon et à l'encre de Chine. — A M. de Boutteville.

H., 135. — L., 216 mill.

472. Nègre et négresse. Ils sont assis l'un près de l'autre sur un rocher. Le nègre, qui n'a qu'un caleçon pour vêtement, tient sa jambe droite repliée sous lui et s'ap- proche avec ardeur de la jeune et belle négresse , dont il a saisi le bras gauche, et qu'il attire de la main droite


3GG CATALOGUE.

placée sur son épaule. Celle-ci, presque nue, la main appuyée au rocher, les yeux fixés sur le nègre, qu'elle regarde avec avidité, ne résiste plus que faiblement. — Ce magnifique dessin à la plume, sur papier teinté, a été gravé qw fac-similé par M. Baudran [Gazelle des Beaux-Arls, mars 4 867J. — A M. His de La Salle.

H., 160. — L., 220 mill.

173. Scène de jalousie. Un jeune homme nu jusqu'à la ceinture, les jambes enveloppées dans une large dra- perie, est assis sur un rocher o\x il appuie sa main droite; il tient embrassée du bras gauche une femme presque nue assise sur sa cuisse , et regarde une autre femme, autour de laquelle flotte une légère draperie, et qui fuit vers la droite en s'arrachant les cheveux. — A la plume, lavé à la sépia, légèrement teinté de rouge dans le ciel et rehaussé de blanc; sur papier bleu. — A

M. His de La Salle.

H., 210. — L., 130 mill.

174. Jeune homme embrassant une femme. Il est assis sur le bord du lit et tient par le milieu du corps la jeune fille couchée sur ses genoux; elle a le bras gauche passé autour de son cou. — Sépia et pierre noire avec des rehauts de blanc. — A M. Christophe.

H., 200. — L., 720 mill.

175. NiîGRE MONTÉ SUR UN CHEVAL QUI SE CABRE. Le uègrC

est coiffé d'une calotte rose à côtes; le haut de son borps est vêtu. Une schabraque en peau de tigre couvre le dos du cheval. A gauche, des soldats dans un ravin, coiffés de shakos, tiennent leurs fusils en joue; un seul a le sien levé. A droite, derrière le cheval, des nègres nus, armés d'arcs bandés. — Au crayon noir et à l'encre


DESSINS (1820 A 1824). 367

de Chine, avec des rehauts blancs sur papier bleu. Les terrains sont rosés. — A M. Eudoxe Marcille.

H., 210. — L.,260 mill.

176. Portrait du général Letellier après sa mort. — A la mine de plomb. — Au colonel 0. Bro de Go- mères.

H., 145. —L., 220 mill.

477. — La main gauche de Géricault. Il fit ce dessin étant alité pendant sa dernière maladie. — Aux crayons noir et rouge. Le trait à la mine de plomb a été tracé en suivant les contours de la main placée à plat sur le papier blanc. — A M. Lehoux.

H., 300. — L., 230 mill.

178. Portrait de Géricault dessiné par lui-même pen- dant sa dernière maladie. Il est vu de profil, la tète appuyée sur l'oreiller. — A la mine de plomb. — Au colonel 0. Bro de Comères ^

H., 5d0. — L., 500 mill.

179. Axatomie de l'homme. Seize feuilles d'inégale gran- deur. — Plume, crayon rouge, lavis.

180. Axatomie du cheval. Dix-huit feuilles d'inégale gran- deur. — Crayons noir et rouge, à l'exception d'une pièce lavée et de deux dessins d'ensemble qui sont au trait à la plume et moins caractérisés que les autres. L'une des deux têtes de cheval, en profil, est faible, et je n'oserais pas l'attribuer à Géricault.

Les dessins de ces deux admirables suites sont traités

1. Le colonel Bro possède encore plusieurs croquis à la mine de plomb pour le portrait de M™e Bro, et d'autres représentant des chevaux, des vaches, etc. Tous ces dessins ont été donnés par Géricault à M. Bro père.


3G8 CATALOGUE.

de la manière la plus large, la plus simple, la plus ma- gistrale , et portent pour la plupart un grand nombre de notes explicatives manuscrites. La plume domine de beaucoup dans l'anatomie de l'homme, les deux crayons dans l'anatomie du cheval. — - A M. de Varenne *.


1. Le même amateur possède encore plusieurs dessins de Géricault d'après Raphaël, quelques croquis pour la Méduse, etc.


OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES


L'œuvre lithographique de Géricault se compose de cent pièces, auxquelles nous avons ajouté la seule gravure à l'eau- forte qu'il ait faite et qui porte, dans ce catalogue, le n° 10^. Ces cent et une pièces, exécutées entre 181 7 et 1824, sont, soit entièrement de la main de Géricault, soit faites sous sa direction et avec son concours. Les pièces pubhées par divers artistes, d'après ses ouvrages, ont été mises à la suite et ne sont pas numérotées.

Autant que cela a été possible, nous avons suivi pour le classement l'ordre chronologique.

Tous les titres imprimés en CAPITALES existent sur les pièces originales.

Les titres que nous avons dû introduire sont imprimés en

PETITES CAPITALES.

Les nscriptions lithographiques (noms de l'auteur, de l'imprimeur, adresses, etc.) sont imprimées en caractères italiques.

La signature de Géricault mise par lui-même dans le des- sin est imprimée entre guillemets.

Nous nommons pièce encadrée celle qui est entourée d'un trait ou filet.

24


370 CATALOGUE.

Toutes les mesures sont prises en millimètres.

Pour les pièces encadrées, ces mesures sont prises sur le trait qui les entoure.

Pour celles qui ne le sont pas, sur la plus grande hauteur et la plus grande largeur du dessin.

Suivant l'usage, nous désignons par R une pièce rare; par RR une pièce plus rare; par RRR une pièce très-rare.

Pour les pièces dont on connaît plusieurs états, ces indi- cations mises en tête du paragraphe immédiatement après le numéro de série, se rapportent à l'état le plus commun.


LITHOGRAPHIES


1. RR. BOUCHERS DE ROME. Deux bouchers à cheval, en costume de paysans romains et armés de la longue pique, conduisent des bœufs qu'excite un chien. On aperçoit un troisième cavalier dans le lointain, à droite.

C'est la première lithographie de Géricault. II la fit en 1817, peu de temps après son retour de Rome.

1" état, à gauche, au-dessous du trait carré : Géri- cault 1817 ; à droite : Lilhog. de C. de Last. — Je ne connais qu'un exemplaire de cet état, si intéressant par la date. C'est une épreuve d'essai imprimée sur un papier


1. Il n'existe qu'un Irès-petit nombre de collections un peu complètes de lithographies de Géricault. Elles étaient peu appréciées, peu recherchées pendant la vie de leur auteur, et même pendant une vingtaine d'années après sa mort, de sorte que certaines planches sont de la plus grande ra- reté. MM. His de La Salle, Bruzard, Constantin, Parguez et Jamar sont, à ce que je crois, les seuls amateurs qui les aient recueillies au fur et à mesure de leur publication. La riche collection Bruzard a heureusement passé tout entière au Cabinet des estampes ; les plus belles pièces rassem- blées par Constantin appartiennent aujourd'hui à M. le duc d'Aumale ; la collection de M. Jamar, acquise par M. de Triqueti, est venue complé- ter l'œuvre déjà considérable que possède cet artiste distingué ; celle de M. Parguez a été dispersée, et les pièces précieuses qu'elle renfermait


372 CATALOGUE.

qui porte de l'arabe au verso. Elle appartient à M. His de La Salle. RRR. 2^ état. De même,mais sans la date.

H., 171.— L., 243mill.

2. RR. Portrait d'homme a mi-corps ; la tête de face, la

main droite passée dans le gilet.

Cette pièce, entièrement dessinée à la plume, n'a pas été mise dans le commerce ; elle n'a même pas été tirée du vivant de Géricault, qui probablement n'en était pas satisfait. Elle est, en effet, très-lourde et, en somme, l'une des moins bonnes œuvres du maître. Elle repré- sente M. Brunet, ami intime du peintre, et qui a laissé quelques écrits sur l'économie politique. A la vente de Géricault, la pierre tomba entre les mains de M. Bru- zard, qui l'effaça après en avoir fait imprim.er un petit nombre d'épreuves.

^«'^ état avant toute lettre, trait carré incomplet, RRR.

2* état, Géricault del. — Lith. de C. Motte. H., 184. — L., 148 mill.

3. RR. Le porte-étendard, jeune hou'un autre


LITHOGRAPHIES. 391

enfant tire par la bride. — Sans lettres ni encadrement.

— Même procédé que les précédentes.

M. His de La Salle possède le carton qui a servi à tirer cette estampe.

H., 210. — L., 343 milL

42. RRR. Les scieurs de bois. Près d'une charrette attelée

d'un cheval, deux hommes scient du bois; sur la droite, un autre homme en porte un panier sur son dos, tandis qu'un quatrième est occupé à en fendre. Le charretier, monté dans la voiture, jette à terre les dernières bûches.

— A la plume. — Sans lettres ni encadrements. — Même procédé que les précédentes.

Je ne connais aucune épreuve de cette planche. Cependant il doit en exister, car, à l'inspection du car- ton que possède M. His de La Salle, feu Eug. Le Roux, lithographe, très-compétent dans cette matière, a reconnu qu'on avait dû tirer quelques épreuves avec ce dernier.

H., 300. — L., 440 mill.

43. RRR. Jeune femme et ses trois enfants. C'est le portrait de la femme et des enfants du boîtier proprié- taire de l'appartement où logeait Géricault pendant son séjour à Londres. Elle tient un de ses enfants sur ses genoux et attire vers elle les deux autres.

Cette planche (porte trois inscriptions : à gauche : Drawn on stone paper: à droite : Printed by Saint- Marc Gazeau, iO ^ at Radcliffe Roiv Cily Road; au milieu et à peine visible : Géricault. — Sans titre ni encadrement. — Même procédé que les précédentes.

Cette lithographie est d'une extrême rareté. Je n'en connais que deux épreuves qui appartiennent au Cabi- net des estampes et à M. His de La Salle, possesseur


392 CATALOGUE.

également du dessin original à la mine de plomb qui a précédé l'exécution du dessin à la plume sur carton. La planche originale appartient à M. Moignon , procureur impérial.

H., 240. — L., 250 mill.

44. Lion dévorant un cheval. Le lion, les pattes de devant sur le corps du cheval couché en travers de la composi- tion, retourne la tête à droite en grognant.— A la plume. -- Sans lettres ni encadrement. — Même procédé que les précédentes.

La planche originale appartient à M. Camille Marcille. H., 195. — L.. 295 mill.

Pièces pour l'ouvrage de Taylor et Charles Nodier :

« Voyages pittoresques

et romantiques dans l'ancienne France. »

45. Guillaume le conquérant rapporté après sa mort

A l'église de saint -GEORGES DE BOSCHERVILLE.

Vignette pour le livre susnommé. (Tome II, Normandie j p. 45.) — Géricault. — Sans titre ni encadrement.

1" état sans le nom de Géricault.

Géricault était alors si peu connu que, dans le livre, cette estampe est désignée comme étant de Jéricho.

H., 150. —L., 180 mill.

46. Église de saint-nicolas de rouen. Pour le même ou-

vrage. (Tome II, Normandie:, p. 58.) — L'architecture est de Lesaint; les figures et les chevaux seuls sont de Géricault. — Lesaint et Géricault 1823, — Lith. de

G. Emjelmann,

H., 345. — L., 240 mill.


LITHOGRAPHIES. 393


Suite de douze petites pièces publiées par Gihâut. ^

Elles sont sans encadrement et portent toutes dans le blanc: à gauche : Géricault, à droite : Lith. de G. En- gelmann, à l'exception de la première, qui n'a pas le nom de Géricault. Ces douze pièces ont été exécutées par Géricault dans l'atelier de M. Dedreux-Dorcy, rue Tait- bout. Elles ont été publiées en trois cahiers de quatre pièces chacun et dans l'ordre indiqué par les numéros. Il existe pour cette suite un second état, où les adresses sont grattées, les pièces numérotées, et où la première porte le nom de Géricault en bas, à gauche. Il a été im- primé chez Villain qui a effacé le nom d'Engelmann sans mettre le sien.

47. \). Jument la tète appuyée sur le dos de son

POULAIN. A gauche, au premier plan, on lit sur une grosse pierre cette inscription : Éludes de chevaux d'après nature, et au-dessous du sujet, à la place des titres qui se trouvent dans les autres pièces : Chez GihaïUj boulevard des Italie7is, n° 5. — Il existe un état qui porte seulement Lith. de G. Engelmann.

H., 152. — L., 215mill.

48. 2). CHEVAL DE MECKLEMBOURG. Cheval de voiture harnaché, tourné à gauche. Un groom le tient par la tète et va l'atteler à une voiture dont on ne voit guère que les brancards.

H.,187.-L., 230 mill.


1. Malgré quelques invraisemblances, la classification des pièces forman les suites publiées par les frères Gihaut peut être regardée comme rigou- reusement exacte. Elle m'a été donnée par M. Gihaut jeune lui-même.


394 CATALOGUE.

49. 3). CHEVAUX D'AUVERGNE. Deux chevaux tournés à droite, tenus par un paysan en costume auvergnat. Le plus rapproché est un cheval pie. Fond de rochers. — La pierre a été cassée chez Engelmann; on a continué le tirage après avoir recollé les morceaux.

H., 190. — L., 230 mill.

50. 4). CHEVAL CAUCHOIS. Cheval tourné à gauche, tenu par un maquignon qui le montre à un fermier. A droite, trois autres chevaux attachés à un poteau.

H., 170. —L., 220 min.

51 . 5). CHEVAL ESPAGNOL. Cheval sellé attaché entre deux

poteaux. Un Espagnol en costume national est appuyé contre l'un des piliers.

H., 137. — L., 257 mill.

52. 6). CHEVEAUX [sic) ARDENNÉS {sic). Deux chevaux

tournés à droite, attelés à un caisson d'artillerie, le por- teur monté par un soldat du train. I^*" état avant Géricault et le nom de l'imprimeur.

H., 155. — L., 205 mill.

53. 7). CHEVAL DE LA PLAINE DE CAEN. Cheval tourné

à droite, attaché au mur de l'écurie. A droite, deux pa- lefreniers; à gauche, sous une voûte, un militaire et un paysan. —La pierre a été brisée comme celle du n° 49, et on a de même continué le tirage.

H., 190. — L., 225 mill.

54. 8). CHEVAL D'HANOVRE. Cheval tourné à droite dans une écurie. Un palefrenier appuyé à la mangeoire le lient par sa longe.

H., 177. — L„ 237 mill.


LITHOGRAPHIES. 395

55. 9). CHEVAL ANGLAIS. Il marche à droite, et est monté par un cavalier en chapeau bas et rond. Dans le fond, deux cavaliers et un personnage à pied.

H.. 156. — L.,220mill.

56. 10). CHEVAUX FLAMANDS. Deux juments dans un pâturage près d'un arbre ; l'une est grise et se frotte la têle contre sa jambe gauche; l'autre appuie son cou sur la croupe de sa compagne.

H., 170. -L., 213mill.

57. 11). CHEVAL ARABE. Cheval nu et tourné à gauche; il hennit en regardant du côté de la tente où un Arabe est à demi couché. La selle est à terre sur le devant. Fond de paysage oriental avec des chameaux.

1**^ état avant toutes lettres. (Collections de Triqueti et Gihaut jeune.)

H., 15G. — L., 220 mill.

58. 12). JUMENT ÉGYTIENNE (sic). Elle est sellée, tour- née à droite, et tenue par un nègre. A droite, un per- sonnage avec une longue pipe, assis au pied d'un palmier; plus en arrière, une troisième figure à peine indiquée.

H., 177. — L., 235 mill.

Suite de huit petites pièces publiées par Gihaut.

Il existe un premier état sans le nom et l'adresse de Gihaut. Le second état porle : Chez Gihaut^ boulevard des IlalienSj n° 5. Ces huit pièces ont été exécutées chez M. Dedreux-Dorcy, comme les précédentes.

59. 1). Cheval que l'on promène avant la course. II est sellé et tourné à droite; le groom qui le promène le


396 CATALOGUE.

tient par la bride près de la tête. — Géricault. — Lith. de G. Engelmann,

H., 90. — L., 160 mill.

60. 2). La course. Trois chevaux lancés à fond de train, montés par des jockeys. — Géricault. — Lith. de G. En- gelmann.

H., 135. —L., 200 mill.

61. 3). Cheval de charrette sorti des limons. Cette pièce est très-finement achevée. — Géricault. — Lith. de G. Engelmann.

Il existe un état avant Géricault et l'adresse de l'im- primeur, et avec la signature de Géricault lui-même au crayon à droite. RRR.

H., 135. — L., 195 mill.

62. 4). Deux chevaux harnachés. Le plus rapproché du spectateur est monté par un postillon. — Géricault. — Lith. de Villain, rue de Sèvres, ?^° il.

H., 130. ~ L., 180 mill.

63. 5). Cuirassiers chargeant une batterie d'artille- rie russe, a droite, une pièce de canon démontée. — Géricault. — /. lith. de Villain.

H., 130. —L., 190 mill.

64. 6). Trompette de hussards debout. Il appuie le coude sur la chabraque de son cheyal. — Géricault. — Lith. de Villain.

H., 104. — L., 130 mill.

65. 7). Officier d'artillerie légère de la garde impé- riale. Il est vu de trois quarts, marchant vers la droite, et il se retourne en arrière pour faire un commande-


LITHOGRAPHIES. 397

ment. Dans le fond, un batterie au galop se dirige à droite. — Géricault.— Lith. de G. Engelmann.

H., 120. — L., 180 mill.

66. 8). Trois chevaux conduits a l'écorcheur. Ils mar- chent à gauche. Le plus rapproché du spectateur est couleur pie. — Géricault. — Lith, de Villain^ r. de Sèvres j iV H.

H., 110. — L., 205 mill.

Suite de sept petites pièces publiées par Gîhaut.

67. 1). Officier d'artillerie légère de la garde impé- riale. Il est vu de dos et galopant à gauche; il marche à la tête de sa batterie exécutant un changement de front. Dans le dessin sur la roue, au premier plan : « Géricault. »

H., 153. —L., 185 mil].

68. 2). Cheval dévoré par un lion. Il est couché perpen- diculairement à la composition, la tête en avant; le lion à sa gauche ronge une de ses jambes; fond de rochers. — Dans le blanc, à gauche : Géricault, del. — Presque au milieu : Lith. de Villain. — A droite : Chez Gihaut, b'^^'^ des Italiens, W" 5.

H., 193. — L., 240 mill.

69. 3). LE GIA.OUR. Il se retourne sur son cheval, regarde en arrière et montre d'un air menaçant le poing à la ville qu'il vient de quitter.

i" état : avant toute lettre, publié par M"'« Delpech (H., 175. — L., 240 mil].)RRR. 2« état, avec le titre et : Géricault. — Chez Gihaut,


398 CATALOGUE.

b"'^'^ des Italiens ^ n° 5, et plus bas : /. lith. de Villain. Dans ce second tirage, la planche a été réduite sur les quatre côtés.

H., 150. — L., 213 mill.

Ce sont les difficultés que M'" Delpech fit à Géricault pour la publication de cette pièce et de celle qui a pour titre Lara blessé^ et qui a été décrite plus haut, qui ame- nèrent ses relations avec MM. Gihaut frères, qui, dans les dernières années de sa vie, furent les éditeurs de la plupart de ses lithographies. M°'^ Delpech publiait à cette époque (181 9-1 820) un album annuel composé de dessins dus aux artistes alors en renom (Picot, Alaux, Carie Vernet, M'i« Lescot, etc.). Géricault voulut y faire admettre le Lara et le Giaour, ce qu'elle refusa. De là la rupture.

70. 4). Cheval au trot. Il est nu, gris pommelé et tourné à gauche. — Au tampon et au grattoir. — Sans titre ni encadrement, Lith. de Villain.

1" état avant la lettre et avec les fonds plus étendus. On assure que M. Gourtin a fait une copie de cette pièce.

H., 120. — L., 160 mill.

71. 5). RRR. Cheval franchissant une barrière. Il est tourné à droite et s'enlève des jambes de devant. — Au tampon et au grattoir. — Sans encadrement, sans signa- ture et sans aucune lettre.

Cette pièce est très-rare, la pierre s'étant brisée après qu'oneneuttiréunpetit nombre d'épreuves. Mais l'impri- meur Villain en fit faire, à l'insu de Géricault, une copie ■ par M. Gourtin. Ce renseignement précis m'est donné par M. Gihaut jeune, mais d'ancienne date déjà, on con-


LITHOGRAPHIES. 399

naissait l'exislence de cette contrefaçon, comme on le voit par une lettre du colonel de La Combe à M. Jamar^ Cette imitation, inférieure à l'original, est assez com- mune. On y remarque, au-dessous du pilier central de la barrière, un point d'encre qui n'existe pas dans la planche du maître, ainsi que quelques autres difFérences.

H., 145. — L., 204 milL

72. 6). Cheval anglais avec couverture, monté par un JOCKEY. Le cheval est immobile et tourné à gauche ; le jockey a la main appuyée sur la croupe et regarde en arrière. — Au tampon et au grattoir.

^^état, avant le trait carré et avant la lettre. RRR.

2« état, avant le trait carré. — Lith. de G. Engel- mann. RRR.

3"^ état, avec le trait carré.— Li7A. de G. Engelmann.

4« état, avec le trait, mais sans le nom de l'imprimeur. (C'est une copie par M. Courtin.)

H., 198. — L., 235mill.

73. 7). Cheval que l'on ferre. Il est gris pommelé, tourné à droite et harnaché; un des maréchaux tient sa jambe gauche de derrière, tandis que l'autre cloue le fer. — Au tampon et au grattoir.

4" état, à gauche : Géricault, del. — Au milieu : Chez Gihaut, 6«^^ des Italiens^ n° 5.


1. « Je possède un assez bel œuvre lithographique de Géricault, dont une pièce unique (?) que je vous soumets aujourd'hui. La pierre cassa à la première (?) épreuve. Villain a pris sur lui d'en faire faire une copie fort

trompeuse en effet Je joins donc ici l'épreuve unique dont je vous

ai parlé fcheval sautant une barrière) et celle vendue dans le commerce. Ceci aura quelque intérêt pour vous, je suppose.

« DK La Combe, s A M. Jamar, à Paris.


400 CATALOGUE.

2* état, à gauche et au milieu, comme précédemment, à droite : Lith. de Villain.

3^ état, à gauche et à droite comme précédemment; au milieu : Chez Gihaut frères, éditeurs, etc.

H., 137. — L., 170 mill.


Suite des grandes lithographies françaises.

Douze planches et un titre.

Imprimées par Villain, publiées par Gihaut en 1822.

De ces douze pièces, six sont, à peu de chose près, la reproduction d'un nombre égal de planches de la suite anglaise. Les six autres sont nouvelles et ont été faites d'après des tableaux à l'huile ou des aquarelles. Elles ont été exécutées en partie chez M. Dedreux-Dorcy, en partie dans l'atelier de Géricault et sous ses yeux, par iMM. Léon Cogniet et Volmar. Je tiens de M. Cogniet que Géricault n'était pas satisfait de la suite anglaise. Il trouvait que, dans ces planches, la lumière était trop disséminée. 11 recommandait à ses collaborateurs d'élaguer le blanc qui se trouvait dans les noirs, de renforcer les ombres, de manière à donner plus de franchise et quelque chose de plus gras au travail. Il a lui-même remis des vigueurs au crayon dans toutes les planches, et presque tout le travail de grattoir est de lui. A l'exception du titre, ces pièces portent : Géricault, del. — Lith. de Villain, et une partie d'entre elles seulement, au-dessous du dessin, au milieu, le nom et l'adresse de l'éditeur. Cette suite de douze pièces a été publiée en trois cahiers de quatre feuilles chacun et dans l'ordre indiqué dans le présent catalogue. — A partir de ^1829, les frères Gihaut ont fait tirer les planches sans le nom de Villain et sans le leur.


LITHOGRAPHIES. 401

74. Titre). L'abreuvoir. Une fontaine dans laquelle plusieurs chevaux, conduits par un palefrenier monté sur l'un d'eux, viennent boire. A droite, quelques troncs de grands arbres et des plantes. Le devant du bassin est orné d'un bas-relief. Sur la fontaine elle-même on lit ; ÉTUDES DE CHEVAUX PAR GÉRICAULT, et au- dessous du dessin : A Paris, chez Giliaut, éditeur, m^ d'Estampes, boul'^'^^ des Italiens, n° 5. — Ce titre servit pour les trois livraisons. Il a été exécuté à la plume par Géricault lui-même. Sans encadrement.

I**" état sans adresse.

2« état, avec le titre complet, tel qu'il vient d'être rap- porté.

H., 340. — L., 285 miU.

75. 1). Le chariot a charbon. Il est attelé de cinq che- vaux. Le charretier retient les chevaux du timon. Un homme coiffé d'un grand chapeau est assis en avant de la voiture sur les sacs de charbon. Par M. Léon Cogniet.

— Sans adresse. — Géricault, del. — Lith. de Vil- lain.

H., 195, — L., 305mill.

7G. 2). Vieux cheval a la porte d'une auberge. Une

jeune fille donne à boire au garçon qui le tient. Cette

■ belle planche a été exécutée par M. Volmar d'après une

aquarelle importante faite en Angleterre. — Sans adresse.

— Geriault (sic), del. — Lith. de Villain.

H., 234. — L.,383 mill.

77. 3). Deux chevaux gris pommelé que l'on promène L'un est monté, l'autre tenu en main. Trot et galop. Le copiste a supprimé le mur du parc et les arbres placés

20


402 CATALOGUE.

derrière, que l'on voit dans la lithographie du même sujet publiée en Angleterre. Par M. Léon Gogniet. — Sans adresse. — GéricauU , del. — Lilh. de Vil- lain.

H., 285. — L., 420mill.

78. 4). Cheval noir avec une couverture a carreaux,

ATTACHÉ DANS UNE ÉCURIE. Il OSt VU do profll, tOUmé

à gauche, levant la jambe gauche de devant et la droite de derrière. Lithographie par M. Volmar, d'après une peinture à l'huile faite d'après nature. — Sans adresse.

— Géricaidt, del. — Lith. de Villain.

H., 330. — L.,403 mill.

79. 5). Le maréchal flamand. Gheval que l'on ferre dans le travail. Par M. Léon Gogniet. — GéricauUj, del.

— Chez Gihautj éditeur^ m'^ d'Estampes^ b'^^'^ des ItcdienSj, n" 5. — Lith. de Villain.

H., 245. — L., 322 milL

80. 6). Gheval hargneux muselé, attelé a une voiture

DE PLATRIER ET ATTACHÉ ^ LA PORTE d'UNE ÉCU- RIE. Il se recule en levant la jambe gauche de devant. A droite, un plâtrier qui porte des sacs sur son épaule. Par M. Volmar, d'après une aquarelle. — Sans adresse.

— Géricault, del. — Lith. de Villain.

H., 258. —L., 324 mill.

81. 7). GhEVAUX conduits a la foire montant une CÔTE.

Le cheval pie, au premier plan, est beaucoup m.oins marqué de taches (excepté à la tête) que dans la pièce correspondante de la suite anglaise, et le copiste a supprimé le pilier en maçonnerie qui se trouve dans


LITHOGRAPHIES. 403

l'original. Par M. Léon Cogniet. — Géricault, deU — Chez Gihaiitj boul^^^ des Italiens, n° 5. — Lilh. de Villain,

H., 253. — L., 353 mill.

82. 8). Deux chevaux de poste a la porte d'une écurie.

Le postillon tient une botte de paille d'une main et de l'autre un seau, qu'il appuie contre son genou et dans lequel boit l'un des chevaux. Un peu en arrière du pos- tillon, un garçon en blouse. Cette balle lithographie a été faite par M. Yolmar d'après un tableau qui appartient à M. Hauguet. — GéricauU, del. — Chez Gihaut, édi- teur, M'^ d'Estampes, 6°'"'* des Italiens, n" 5. — LitL de Villain.

H., 340. — L., 430 mill.

83. 9). Jeune garçon donnant l'avolne dans une musette A UN GROS CHEVAL DETELE. Cette pièco en hauteur a été lithographiée par M. Volmar, d'après une peinture sur toile imprimée à la colle, faite dans un journée par Géri- cault et exposée après sa mort au Salon de '1824. Elle appartient aujourd'hui à M. Schickler. — Géricaidt, del. — Chez Gihaut, éditeur, M'^ d'Estampes, 6"^ des Italiens, ?i° 5. — Lith. de Villain.

H., 420. — L,, 333 mill.

84. 10). Deux chevaux allant au pas promenés par un jocKEï. Le fond, représentant le mur d'un parc dont on voit quelques arbres, semble pris dans la lithographie qui a pour titre : Ilorses exercising, de la suite an- glaise. Par M. Volmar. —Gmc«?^^^ del. — Chez Gihaut, éditeur et ]\fi d'Estampes, b^^ des Italiens, ?i° 5. — Lilh, de Villain.

H., 325. — L,, 385 mill.


404 CATALOGUE.

85. 11). Le maréchal anglais. Chevaux de carrosse se mor- dant pendant qu'on les ferre. Dans cette pièce, on a sup- primé une des figures de la pièce de la suite anglaise et modifié les fonds. Par M. Léon Cogniet. — GéricauU, del. — Chez Gihaut, boulevard des Italiens, iv 5. — Lith. de Villain.

H., 282. — L., 368 mill.

86. 12). Le maréchal français. Cheval de charrette à la porte d'un maréchal. Par M. Léon Cogniet. — Genca^^^^^ del. — Chez Gihaut, éditeur, m^ d'Estampes, boule- vard des Italiens, n° 5. — Lith. de Villain.

H., 272. — L., 3G0 mill.

A partir de 1 829, les frères Gihaut ont publié ces pièces après avoir effacé le nom de Villain et sans mettre le leur.

Suite de cinq pièces encadrées , publiées par M'"^ Hulin

en 1823.

Elles portent au-dessous du dessin, à droite : Géri- cault , au milieu : Lith. de G. Engelmann ; à gauche : Chez Mad^^ Hidin, rue de la Paix,7i° 21. A l'excep- tion de la première, qui a un titre et qui porte l'inscrip- tion : Lith. de G. Engelmann, à droite, à la place où, dans les autres pièces, se trouve le nom de Géricault.

87. 1). CHEYAUX DE FERME. Ils sont harnachés, prêts à être attelés. Un enfant, vêtu d'une longue chemise, tenant une poignée de foin dans chacune de ses mains, donne à manger aux deux plus rapprochés. Un garçon d'une quinzaine d'années, le fouet à la main, attend l'ar- rivée du laboureur. Le harnachement est léger et les types des enfants sont anglais. — D'après une belle aqua- relle faite ai Angleterre.— Signée à gauche dans le dessin ;


LITHOGRAPHIES. 405

«r Géricault. » A droite, dans la marge : Lith. de G. Engelmann.

H., 191. — L., 266mill.

88. 2.) Hangar de maréchal ferrant. A droite, deux chevaux attachés en dehors. A gauche, sous le hangar, plusieurs chevaux. Deux ouvriers sont occupés à ferrer le plus rapproché. — Chez Mme Halin.rue de la Paix^ n° 21. — Lith. de G. Engelmami. — Géricault.

H., 203. — L., 253 mill.

89. 3). Les boueux. Trois chevaux attelés à un tombe- reau arrêté, dans lequel un homme jette une pelletée d'ordures. — Chez Mme Hidin, rue de la PaiXj vP 21.

— Lith. de G. Engelmann. — Géricaidl. 4" état avant toute lettre.

H., 195. — L., 2i5 mill.

90. 4). Un roulter montant une côte dans la neige.

Voilure à deux roues se présentant en travers. Elle est attelée de trois chevaux ; le second s'abat des jambes de devant. Au premier plan, un postillon avec deux che- vaux descend la môme côte. Le cheval qu'il mène en laisse est abattu . — Nous connaissons une épreuve d'essa avant la lettre où le ton général est beaucoup plus léger que sur les lithographies avec la lettre. Géricault, après avoir vu cette épreuve, a sans doute pensé qu'il était nécessaire de fortifier les travaux sur toute la surface de la pierre. — Chez Mme Ilulin, rue de la Paix^ n° 21.

— Lith. de G. Engelmann. — Géricault.

H., 223. — L., 305 mill.

91. o). Cheval MORT. Effet de neige. Épisode de guerre.

— Chez Mme llulin, rue de la Paix, ?i° 2t. — Lith. de G. Engelmann. — Géricault.


406 CATALOGUE.

Celte pièce a été publiée après les quatre précédentes. Elle devait faire partie d'un second cahier qui n'a pas été achevé.

H., 184. — L., 227 mill.

Il existe un second état de ces cinq pièces imprimées par Villain, où l'adresse de M"^^ Hulin et le nom de l'im- primeur ont été effacés, où le nom de l'auteur, placé à droite, sur les n"^ 88, 89, 90 et 91 , b été conservé. Quant au n° 87, pièce signée par Géricault lui-même, il n'a conservé au-dessous du trait carré que son titre.


Suite de quatre pièces par Géricault et Eugène Lamî, publiées par Gihaut en 1823.

Elles portent au-dessous du dessin à gauche : Géri- cault et Eug. La7ni, dS23. A droite : /. lith. de Vil- lairij, et plus bas : Chez Gihaut^ houl'^^'^ des Italiens, w° 5. — Les titres sont au-dessus des dessins, les légendes en dessous.

t)2. \). MAZEPPA. Lord Byron, Mazeppa, ch. xvii. (Le coursier tente de s'élancer sur le rivage, qui semble le repousser; ses poils et sa crinière sont luisants et hu- mides). Cette pièce, la meilleure de la suite, a été com- plètement retouchée par Géricault au crayon.

H., 155. — L., 200 mill.

93. %). LE GIAOUR. (Cet ennemi est là qui le contemple... Son front est aussi sombre que celui qui est couvert des ombres du trépas.)

H., 152. — L., 210 milL


LITHOGRAPHIES. 407

U. 3). LA FiANCÉE D'ABYDOS, lord Byron, ch. x. (Je t'ai dit que je n'étais pas ce que tu avais cru jus- qu'ici. Tu vois maintenant la vérité de mes paroles.)

H., 124. — L., 165 mill.

^0. 4). LARA. fUn des soldats qui l'entouraient décou- vrit le signe rédempteur de la croix. Lara le fixe avec un œil profane, qu'il détourne aussitôt... Pour Kaleb, il éloigna la main qui portait le signe sacré.)

H., 135. — L., 179 mill.


Suite de quatre pièces lithographiées par Volmar. retouchées au crayon et au grattoir par Géricault

On connaît trois états de ces pièces :

V' état : Volmar d'après Géricault. — Lilh. de Vil- lain.

2« état, de même, et en plus au milieu : CliezGihaul, b'^^^ des Italiens, 7i° o.

3" état, de même, moins le nom de l'imprimeur Vil- lai n.

9G. 1). Cheval arabe a l'écurie. D'après une des études sur papier imprimé que Géricault fit des chevaux arabes envoyés au gouvernement français, et qui étaient logés au bois de Boulogne.

H., 188. — L., 235 mill.

97. 2). Tigre dévorant tn cheval. D'après une aqua- relle.

H., 158. — L., 220 mill.

98. 3). Lntérieur d'écurie voûtée. A gauche, un homme


408 CATALOGUE.

\, bride un cheval; un enfant conduit un autre cheval vu de croupe. D'après une aquarelle.

H., 205. — L., 278 mill.

99. 4). Cheval arabe. Il est tenu par un Turc qui a une lance dans la main.

H., 205. — L., 258 mill.

4 00. RRR. Cheval attaqué par un lion. Le cheval cabre est tourné à gauche; le lion est cramponné à son poi- trail. Cette énergique lithographie sans lettres ni enca- drement, entièrement exécutée à la plume et au grattoir, est d'une extrême rareté. Nous n'en connaissons que l'exemplaire que possède le Cabinet des estampes. Les parties légères ne sont pas bien venues, et c'est sans doute celte circonstance qui aura fait renoncer à la tirer. Il est certain que jusqu'ici elle était tout à fait inconnue^ Cependant son exécution est tellement magistrale que nous ne saurions l'attribuer qu'à Géricault. La composi- tion est absolument identique à celle du beau dessin au trait publié par M. Colin dans sa première suite de fac- simile^ avec cette différence que, dans la pièce que nous attribuons au maître lui-même, la jambe droite du che- val est pendante, tandis qu'elle est relevée dans le fac- similé, o\x l'on distingue encore un repentir de la pre- mière idée.

H., 258. — L., 224 min.


GRAVURE A L'EAU-FORTE


102. RRR. Gros cheval gris pommelé vu de trois QUARTS. Le petit chapiteau à droite de cette pièce est de M. Dedreux, architecte, grand prix de Rome, en 184 5.

Je ne connais de cette charmante gravure que trois épreuves : celle du Cabinet des estampes provenant de la collection Bruzard, celle de M. de ïriqueti qui a ap- partenu à M. Jamar, et une troisième que possède M. J. Gigoux.

H., 70. — L.. 110 mill.


REPRODUCTIONS

D'ŒUVRES DE GÉRICAULT PAR DIVERS ARTISTES.


Compositions de Géricault pour la relation du Naufrage de la Méduse par Corréard.


1). Le radeau quittant la frégate désemparée. (Cha- pitre II.) Lith. de C. Motte^ r. des Marais. — Cette pièce est probablement de Géricault lui-même.

2). Le radeau. (Chap. vu.) Géricault, pinx. — Litho. de C. Moite, r. des Marais.

3). Le roi africain. (Chap. x.) Géricault, pinx. — Litho. de C. Motte, r. des Marais.

4). Secours donnés aux naufragés. (Chap. xii.) Géri- caultj pinx. — Litho. de C. Motte, r. des Marais.

Il existe un état qui ne porte ni Géricault, pinx., ni l'adresse, r. des Marais.

Ces lithographies, qui portent h., 4 00, — 1., 165 mill. environ, paraissent être de Champion, d'après des com- positions de Géricault. Le volume contient trois autres pièces composées et lithographiées par Champion et Monlfort.


REPRODUCTIONS. 411


Suite de quatre grandes pièces lithographiées par Volmar d'après Géricault.

-1). Deux chevaux dételés. Le charretier baisse le bran- card de la voiture. — D'après une peinture. — Volmar d'après Géricault. Chez Gihaut frères, éditeurs, boul'^ des Italiens, n° 5. — Lilh. de Villain.

2). Trois chevaux de poste dans une écurie. Une

selle est accrochée à un pilier. — D'après une peinture qui appartient aujourd'hui à M. Schickler. — J.Vohnar Chez Gihaut frères, éditeurs, boul^^ des Italiens, 11" 5. — Lith. de Villain.

3). Postillon a la porte d'une auberge. — D'après une peinture. — Volmar d après Géricault. Chez Gihaut frères, éditeurs, boulevard des Italiens, n° 5. — Lith. de Villain,

4). Cuirassier enlevant un drapeau a des russes. — D'après une peinture. — Vohnar d'après Géricault. A Paris, chez Gihaut frères , éditeurs, boul'^^'^ des Ita- liens, 71° 5. — Lith. de Villain.

Ces quatre lithographies exécutées en 1824, d'après des tableaux qui appartenaient à M. Duchesne, furent payées quatre cents francs à M. Volmar. On paya égale- ment quatre cents francs le droit de reproduction pour chaque tableau.

LES NAUFRAGÉS DE LA MÉDUSE , d'après le tableau du Musée du Louvre, et la copie faiteparM.Lehoux. Grande planche gravée en manière noire par Reynolds.


412 CATALOGUE.

SCÈNE DE NAUFRAGE, d'après le tableau du Louvre. Lithographie au crayon et la plume. — Peint par Géri- cault. — Imp. lith. de Villainj, et en haut, au milieu : A'" 510.

La Méduse. Géricault pinx*. Normand fils, se. — Lan- don. Salon de 1819. Tome I, pi. 37-38. —Petite gravure au trait.

PREMIÈRE PENSÉE DU TABLEAU DE LA MÉDUSE PAR GÉRICAULT. Polydore fecit. — Lil/i. de C/ia- hertj, rue Cassette^ n° 20.

FAC-SIMILE D'UNE ESQUISSE DE GÉRICAULT AP- PARTENANT A M. HENRI CHENAVARD ET GRAVÉ PAR LOUIS SCHAAL EN SEPT'^-^ 1852. — C'est un épisode de l'un des projets de Géricault pour la Mé- duse, celui où les matelots se révolient contre les offi- ciers. — A la sanguine; imprimé par Le Sauvage

Bataille de Sediman. Combat de Turcs. — D'après une aquarelle; gravure par Reynolds.

Deux Chevaux. Celui qui est en avant, est monté par un personnage qui porte un pantalon charivari; selle avec des fontes de pistolets à l'arçon. — Dans le dessin : « Géricault. » — Paul Teg., se. — Petite planche gra- vée au lavis.

Cheval tourné a droite dedout dans une écurie, at- taché PAR deux longes. A gauche. — Lith. de Villain. A droite, à rebours : d'après Géricault. — A gauche, dans le dessin, trois lettres à rebours : V. S^-R. (Ce sont les initiales du prénom et du nom de M. Saint- Remy. )


REPRODUCTIONS. 413

Cheval tourné a gauche, attaché par deux longes DANS une Écurie. — A gauche : Géricault ; à droite : Lith. de Villain,

Turc arrêtant un cheval. — Dans le fond, des mameluks à cheval. — Lilh. de Villain.

Cheval blanc. — Lith. par Bellay, Imp. Ligny

SANUTON (pour Saunton) : Arabe conduisant un cheval noir saillir une jument; on la voit au second plan à gauche qui retourne la tête. — Drawn on stone hy An- drew, painted hy Géricault, et au-dessous du titre: publié par Lami de Nozan, éditeur^ 10, rue de Seine. — Lith. de Villain.

Étalon tenu par un Arabe qui se trouve derrière LUI. — Lith. de Villain. Cette pièce est, à peu de chose près, la reproduction de la partie la plus importante de la précédente.

C.MEVAL limousin. Chcval de charrette harnaché , attaché à un poteau, auquel est appuyé un paysan \ôtu d'une blouse et coi fié d'un bonnet de police. — A gauche : « Ulisse d'après Géricault; » plus bas : A Paris, chez Basset, rue SWacques, n" Gi. — A droite : 'Lith. de Lemercier, rue du Four-S.-G., ?i° 5o. — En haut, à droite : N" 7,


Pièces qui appartenaient à la galerie du Palais-Royal.

Le chasseur a cheval du Louvre, lithographie par Vol- mar.

Le MÊME; par Victor Adam.


414 CATALOGUE.

Le cuirassier du Louvre, — par Volmar. La pauvre famille, — par Weber.

Un cheval étalon anglais, — par Volmar.

Lithographies par Jayler (J. pour T.) d'après des dessins.

Officier anglais a cheval. Il est en petite tenue. Le cheval est bai brun et marche à droite. Fond chargé.

Sans nom d'auteur. — Lilh. de Villain. — Il existe

une autre pièce du même sujet avec fond de paysage et ciel en blanc, à gauche Jayler d'après Géricault,

NÈGRE MONTÉ SUR UN CHEVAL QUI SE CABRE. QuclqUCS

nègres nus à droite ; soldats à gauche. — Jayler d'après Géricault. — Lith. de Villain.

Carabinier vu de dos, d'après une superbe aquarelle ap- partenant à M. His de La Salle. — Lith. de Villain.

Turc avec lance et espingole. — Jayler d'après Géri-

caidt. — Lith. de Villain, Persan a cheval. — Jayler d'après Géricault. — Lith. de

Villain.


Chasseur a cheval, d'après l'esquisse de M. His de La Salle.

par Eug. Le Roux. Cheval de charrette dans les limons. — Sans lettre. —

Cette pièce non signée a été lithographiée par M. V.

Saint-Remy, qui a possédé le dessin original.

Cheval se cabrant. — Sans lettre.

Tête de Turc, lithographiée par Champion, d'après una peinture grande comme nature.


REPRODUCTJO.XS. 413

Tête de chien bouledogue, d'après une peinture appar- tenant à M. His de La Salle, lithographiée par G. Aubry. Imp. Villain.

Course; de chevaux libres, d'après la peinture de la collection de M. Camille Marcille, lithographiée par Eug. Le Roux.

Course de chevaux libres , d'après la peinture appar- tenant à M. Couvreur, lithographiée par Eug. Le Roux.

LA TEMPÊTE, ébauche. On lit en haut : Revue des Peintres. — Géricault. — PI. 34. En bas, outre le titre : LitJi. par Ch. Bouquet. — Lith. de Delaunois. — Cette pièce est en largeur; on voit au premier plan une femme te- nant son enfant dans ses bras que les flots viennent de jeter au pied d'un massif de rochers.

Deux fac-similé lilhographiés sur la même feuille et sans aucune lettre, représentant, celui du haut : Un cheval de projIL tourné a droite, bouchonné par DEUX palefreniers; celui du bas : Un cocher a pied

retenant DEUX CHEVAUX ATTELÉS QUI SE CABRENT; ils

sont de profil, tournés à droite. — Cette pièce est, très-probablement, de M. Saint-Remy.

FAC-SIMILE D'APRÈS LES CROQUIS ET COMPOSITIONS INÉDITES DE FEU GÉRICAULT , LITHOGRAPHIES PAR COLIN ET WATTIER. 1- LIVRAISON. - C. Ma- gnenat, scrip. — Lit/i. de Feillet. A Paris ^ chez M. Co- lin, quai de la Mégisserie, n° 78. — M. Watlier, rue du Faub. - Montmartre j ?i° 25. — M. Feillet , rue du F aub. -Montmartre, w^ 4. — A Londres, chez M. Col- nachi et C., Cockspur street, 7i° 23. — M. Fuller. Rathbonne place Oxford street. — M. Ackerinan. Strand, London.


41G CATALOGUE.

Ce titre imprimé sur papier brun est en travers. Di- mension uniforme des feuilles, à l'exception desn°« 4 et 2.

H., 430. — L.,290 mill.

Ce cahier, le seul qui ait été publié, renferme dis feuilles non numérotées. Toutes les lithographies sont de M. Colin, à l'exception des armures et de la petite course. Il a paru en 1824.

1). GÉRIGAULT, D'APRÈS UN PORTRAIT FAIT EN /1816. — Lith. de Feillet. — A. Colin, i8M. — Cette feuille est plus petite que les autres de quelques milli- mètres.

2). Course de chevaux libres. — Colin d'après Géri- cault. — Lit/i» de Feillet. — C'est la reproduction du dessin que possède le Louvre. — Feuille double.

3). Deux armures (homme et cheval), l'une vue de face, l'autre de dos. — Le dessin original à la mine de plomb, sur papier blanc, appartient à M. Mahérault; il est dans le même sens que \e fac-si7nile. — Waitier d'après Géricaidt. — Lith. de Feillet.

4). Cheval cabré attaqué par un lion. D'après le dessin original du Musée du Louvre. — Colin d'après Géri- cault. — Lith. de Feillet.

5). Chevaux retenus par des hommes nus. Étude pour la course de chevaux libres. — Wattier d'après Géricault. — Lith. de Feillet.

G). Un cuirassier a cheval vu de dos et galopant. —

Colin d'après Géricault. — Lith. de Feillet.

1). Une exécution a mort a Rome. Les membres de la confrérie conduisent le condamné, qui met le pied sur


REPRODUCTIONS. 417

la première marche de l'échafaud. — Colin d'après Géricault. — LUh. de Feillet.

8). Arabe pleurant son cheval mort. Assis près de lui, il tient sa tète des deux mains. — Colin d'après Géri- cault. — Lith. de Feillet.

9) . Un cheval qui se cabre. Deux hommes en costume ro- main moderne le retiennent par le mors ; un autre le lient par la queue.

— Un boeuf, qu'un homme nu retient la tête baissée par une corde passée dans un anneau fixé en terre,

VA ETRE abattu PAR UN AUTRE HOMME QUI LEVE SA

massue. Ces deux dessins sont sur la même feuille. — Colin, d'après Géricault. — Lith. de Feillet.

40). Lettre en fac-similé de Géricault ( adressée, comme on le comprend facilement^ à M. Eugène Isabey^

M. A. Colin a fait, il y a une dizaine d'années, une nouvelle suite de lithographies d'après des dessins de Géricault. L'édition n'a pas été publiée. Les pierres sont restées longtemps chez l'imprimeur, M. Villain; il est probable qu'elles ont été effacées. On n'en a tiré que des épreuves d'essai, deux ou trois de chaque pierre, qui sont pour la plupart entre les mains de M. Colin. Ce sont entre autres : Une troupe de sept chevaux libres chassés par un personnage nu à cheval et armé d'un fouet. — Uu troupeau de bœufs conduits par six bergers romains à cheval et armés de lances. Deux des- sins sur la môme feuille, de dimensions à peu près sem- blables; trois tigres attaquant un pareil nombre de

27


l


418 CATALOGUE.

chevaux; un cheval de charrette harnaché qui se frolte la tète contre la jambe gauche de devant; un épisode de la course des chevaux libres; des bergers romains, qui paraissent être une première pensée de la belle lithographie : Bouchers de Rome; des lutteurs; un chasseur à cheval et deux chevaux; deux composi- tions du môme sujet : un maréchal ferrant; des groupes d'hommes et de chevaux; un grand saint George ter- rassant le démon ; un important dessin du Radeau de la Méduse, et quelques autres encore peut-être.


FAC-SIMILE DE DESSINS EXTRAITS DES LIVRES DE CROQUIS DE GÉRIGAULT ET LITHOGRAPHIES PAR PLUSIEURS ARTISTES. — Publiés par Blaisot, mar- chand d'estampes de S.A. R. Mgr le duc d'Orléans. — Palais-Royal. 1825. — Imp. Lilhog. de P. Ducarme, rue des Fossés-Saint-Germain-VAuxerrois, 11° 24.

Ce titre imprimé sur papier rouge-brique, est en hau- teur. Dimension uniforme des feuilles.

H., 375. — L., 275 mil!.

'!). Trois chevaux a l'écurie. Une petite fille donne une poignée de foin au plus rapproché. A gauche, un homme, qui paraît être un vieux soldat, fait la litière avec une fourche. — Lith. par Amédée Faure.

2). GÉNÉRAL DE L'ARMÉE DU RHIN. Debout, vu de face, en grande tenue. (Par Charlet.) — Lith. par Achille Devéria,


REPRODUCTIONS. 419

S). UNE FACTION A LA MAIRIE. Garde national assis et endormi. (Par Charlet.) — Lith. par Eugène Devéria.


4)^


L'ARRIVÉE DU CONSCRIT. (Par Charlet.) - Lith. par E. Devéria.

o). HELVETIUS PRÉSENTANT SON PETIT-FILS A VOL- TAIRE. (Auteur et lithographe inconnus.)

6). A WAGRAM. Napoléon debout sur une éminence, re- gardant avec une lunette. (Par Charlet.) — Lith. par E. Devéria.

7). GÉRICAULT, PEINTRE FRANÇAIS, MORT A PARIS EN 1824. LITHOGRAPHIE D'APRÈS UN DESSIN TROUVÉ DANS DES LIVRES QUI LUI ONT APPARTENU. (Ce

dessin est de Delacroix.) Il est vu de trois quarts, avec un mouchoir noué sur la tète. — On lit dans le coin à gauche : Lilh. par Devéria^ i82i,

8). LA PRISE DE TABAC. Un homme assis sur un banc prend une prise de tabac. (Par Charlet.) — Lith. par E. Devéria.

9). COSTUMES ORIENTAUX. Deux Persans debout. — Lilh. par A. Devéria.

10). LE SAVETIER EN GOGUETTE. Vu de dos, les deux poings sur les hanches. (Par Charlet.) — Lilh. par E. Devéria.

11). GÉRICAULT. Un cheval devant une tente, avec une couverture serrée par un surfaix. — Lith. par E. Devéria.

4 2). LA PRIÈRE. Pusieurs personnages à genoux dans une église. (Par Charlet.) — Lith. par E. Devéria.


420 CATALOGUE.

i 3) . TAUREAU COMBATTANT. Il est attaqué par des chiens, dont il a déjà renversé plusieurs. -^ Ce beau dessin est lithographie par Louis Boulanger. Il est signé à gauche : L.B.

/'4). ARABE MONTÉ SUR UN CHEVAL VU DE PROFIL.

Sans titre. — Lith. parL. Boulanger.

15). FRAGMENT D'UN JUGEMENT DERNIER. D'après un dessin de Géricault reproduisant une partie de la gra- vure de la Chute des Anges , de Rubens. — Lith. par E. Devéria (?).

4 6). D'APRÈS NATURE. Portrait d'un soldat vu de trois quarts. Lith. par E. Devéria.

17). Sanglier attaqué par des chiens. Le sanglier est ombré; les chiens sont d'une exécution beaucoup moins poussée. Par exception, le numéro de la feuille (f7) est au bas de la page, à la place du titre, qui manque. — Lith. par L. Boulanger.

18). Un maréchal des logis de hussards debout, la main gauche appuyée sur la garde de son sabre. — Sans titre. — Lith. par E. Devéria, dont on voit la signa- ture à gauche {E. Devéria^, 1824).

19). Six croquis sur la même feuille. — Homme en cu- lotte vu de dos. — Tête à perruque vue par derrière. — Un paysan de profil qui tient son chapeau des deux mains. — Tête de militaire coiffée d'un chapeau à plumes. — Satyre embrassant une femme appuyée à une colonne. — Portrait en charge de M. Eugène Lami. — Buste d'homme terminé en tête d'oiseau. — De ces six croquis, celui qui représente un satyre embrassant une


REPRODUCTIONS. 421

femme est peut-être le seul qui soit de Géricault. — Sans titre. — Lith. par E. Devéria.

20]. Portrait de Charlet. Même remarque au sujet du titre que pour le n° i7.

Les pièces seules qui ne portent pas d'autres attribu- tions sont de Géricault.


DESSINS DE GÉRICAULT, LITHOGRAPHIES EN FAC- SIMILE PAR A. COLIN, publiés par une société d'ar- tistes et d amateurs. (i\lM. His de La Salle, Gleyre, de Triqueti, Eudoxe Marcille, Valton et Charles Clément.) 1^* LIVRAISON. — Paris, chez Leconte, éditeur., boule- vard des Italiens j, 5j 4 866. Imprimé par Auguste Bry^ rue du Bac, iiâ, à Pari?.

Ce cahier renferme sept fouilles, dont une de texte. Le tilre, imprimé sur papier gris, est en hauteur. — Dimension uniforme des feuilles:

H., 570. — L., iOOmill.

A . COURSE DE CHEVAUX LIBRES, d'après le dessin à la plume à M. Eudoxe Marcille.

2. MARCHÉ AUX BOEUFS, d'après le dessin à la plume à

M. Eudoxe Marcille,

3. LA TRAITE DES NÈGRES, d'après le dessin à la san-

guine et à la raine de plomb à M. His de La Salle.

4. HOMME TERRASSANT UN BŒUF, avec divers croquis,

d'après le dessin à la plume à M. His de La Salle.

5. PRIÈRE A LA MADONE, d'après le dessin à la plume à

M. His de La Salle.


422 CATALOGUE.

6. MARCHE DANS LE DÉSERT. Variante de la lithogra- phie du môme nom, d'après le dessin à la mine de plomb à M. His de La Salle.

Toutes ces lithographies portent, au-dessus du dessin, à 2;auche : i^" livraison^ et à droite : N° i^ 2, etc., etc.

Au-dessous, à gauche : Dessmé par Géricault; au milieu : imp^ par Auguste Bry, rue du BaCj 114^ à droite : Litho- graphie par A. Colin. — Au-dessous du nom de l'imprimeur, le titre, et plus bas : à gauche : Publié par une Société d'ar- tistes et d'amateurs; à droite: chez Leconte^ Éditeur, Bou- levart des Italiens , S. — On n'a tiré jusqu'à présent (1868) que cent exemplaires de ces six planches outre 8 ou 1 épreuves d'essai avant toutes lettres qui n'ont pas été vendues.


On a fait un assez grand nombre de portraits de Géricault, Outre les deux que nous avons déjà mentionnés, nous cite- rons :

Portrait de Géricault, un bonnet grec sur la tête, par M. Léon Cogniet.

Portrait de Géricault pendant sa dernière maladie. Il a la tête couverte d'une calotte et appuyée sur un oreiller.

GÉRICAULT. Il est représenté en buste, vêtu d'une veste d'atelier. Il porte une calotte grecque. Son col de che- mise est rabattu. Au bas de la page, on trouve un fac- similé de son écriture. — Tony Touillon, 1843, Ros- seliiij éditeur. Lith. Grégoire et Deneux.

Portrait de Géricault. Il a un mouchoir noir roulé autour de la tête. Lithographie par Vienot, d'après H. Vernet [Lith. de F. Noël).


REPRODUCTIONS, 4^23

GÉRICAULT. Dans la même pose que celui par M. Colin.

— Lith. de Chabert. Portrait de Géricault. Dans un ovale. Épreuve d'eau-forte

par Ch. Demat, 4 843. Cette gravure n'a pas été publiée.

(Vente Parguez.]

Indiquons encore La mort de Géricault, d'après le tableau d'Ary Seheffer, lithographiée par Maurin ; une eau-forte dans le Journal des Artistes de 1841; une gravure en bois, publiée par le Magasin pittoresque^, du tom- beau de Géricault par Étex, et une lithographie portant en tête : Le Père Lachaise, publiée par Fourmage.


SUPPLÉMENT AU CATALOGUE


PEINTURES

3 bis. Le Grimacier. Portrait d'un grimacier italien qui se montrait au jardin de Tivoli. Cette peinture, exécutée pendant que Géricault était encore à l'atelier de Guérin, est la première œuvre qui attira l'attention sur le jeune artiste. Elle a appartenu à M. Jamar et fut vendue à l'hôtel Drouot le 20 avril 4876.

H., 45. — L., 38 cent.

21 Ajouter à la fin : « — Vendu en 1869, par iM. Brame, à M. Rousseau. »

41. Ajouter à la fin : « — Au musée du Louvre, auqcel M. His de La Salle l'a donné en 1878. »

53 bis. Cuirassier blessé. Il est assis sur un tertre, le corps de face penché à gauche, la main droite appuyée au terrain, le bras gauche pendant le long de la cuisse, les deuK jambes étendues vers la droite. La tête est presque de profil à droite et regarde le combat qui se poursuit. Il est en uniforme complet : cuirasse, casque et gants. Ciel nuageux tout illuminé des lueurs du feu. — A. M. His de La Salle. — Au musée du Louvre, auquel M. de La Salle l'a donné en 1S78.

IL, 46. — L , 36 cent.


420 CATALOGUE.

55. Ajouter à la fin : « — Vente Marmontel, 1 1 à 1 4 mai 1 868. 830 francs. »

60. Ajouter à la fin : « — Vente du comte ♦** 47 décembre 4 868. 1,350 francs. »

60 bis. Dragon de l'empire. — Il est monté sur un cheval bai brun tourné à droite qui se cabre, et, le sabre à la main, il se retourne comme pour faire un commandement. Quelques parties, la tête et les mains du cavalier entre autres, sont peu avancées. — Cette peinture, qui aurait été donnée par Géricault à un M. Ferand, dont il avait reçu des leçons de dessin, appartient à M. Dobrée, ù Versailles.

H., 54. — L. 45 cent.

61 . Ajouter à la fin : « Vente du comte de ***. 3,600 francs*

61 bis. Hussard. Il est monté sur un cheval gris vu de profil et tourné vers la droite. Le col et la croupe du cheval, le plumet et la chabraque du cavalier sont seuls éclairés, tout le reste est dans la demi-teinte. Au second plan à gauche, un officier de chasseurs galope vers la droite et enlève son escadron. Le ciel, éclairé de lueurs rousses dans le ba?, rappelle celui du Chasseur à cheval. — A M. Mon- je an.

H., 94. — L., 71 cent.

62. Ajoutera la fin : « —Vente Laurent Richard, 7avril 1873. 11,700 frarc. »

74. Ajouter à la fin : « — Donné au musée du Louvre par M. His de La Salle en 1878. — M. Maurice Cottier possède une très-belle peinture du même sujet qui semble être de la main de Géricault, Elle est moins terminée que celle de M. His de La Salle. »


PEINTURES. 427

83. Ajouter à la fin: « — Vente C. Marcille, 6 mars 1876. — A M. Poiret. 3,650 francs. »

83 bis. Course DE chevaux libres. Celte petite esquisse me semble être la première pensée du projet définitif de Géri- cault, plus complètement exprimé dans les deux ouvrages suivants. Le personnage au milieu, qui retient le cheval blanc, est complètement nu ; les deux figures à droite et à gauche sont vêtues de caleçons : à droite, un homme gît renversé. Le fond du tableau est occupé à droite par une colonnade élevée sur des gradins. On voit à gauche un tourbillon de poussière avec un bout de coteau. La foule des spectateurs apparaît entre les colonnes et sur les marches du monument. — Sur papier marouflé. — A M. de Dartin.

H., 199. — L., 2 cent.

84. Ajouter à la fin : « — Vente Marmontel. 1,300 francs. »>

83. Ajouter à la fin : « — Vente G. Marcille. — A M. Dolfus. 6,230 francs. »

96. Ajouter après « les deux chevaux » et à la place de « dont un pie ». — «Celui du brancard est de profil tourné à gauche et de couleur pie ; celui en flèche est vu de croupe. » Et à la fin : tf —Vente Delessert, 17 mars 1869. 9,800 francs. »

104. Ajouter à la fin : « — M. de la Rosière possède une étude de grandeur naturelle pour le personnage à droite qui essaye de se lever. »

104 bis. Buste de nègre. D'après le modèle de Joseph. Il est de grandeur naturelle, tourné de trois quarts à gauche. Chemise ouverte et veste bleue. — A M. Georges Du-» plessis.

H., 45. L., 38.


42!i CATALOGUE.

128 bis. Portrait du comte de Bressieux. — Je n'ai jamais vu cet ouvrage.

133. Ajouter à la fin : « — Vente X, 22 mars 1869. — A. M. Gariel. 10,000 francs. »

139. Ajouter à la fin : « — Vente Marmonteî. — A M. Laurent Richard. 4,050 francs. » — Vente Laurent Richard, 17avril1873. 11,800 francs.


COPIES DIAPRÉS LES MAITRES

191 bis. La vierge avec l'enfant sur ses genoux. D'après Van Dyck. A droite le donateur et la donatrice age- nouillés. — VenteC. Marciile. — AM. Marmonteî. 470 fr.

H., 35. — L., 27 cent.

191 ter. Portrait du duc d'Orléans (Louis-Philippe). Jlest en uniforme de colonel général de hussards, debout, et décoré de l'ordre du Saint-Esprit. A gauche un nègre vêtu de rouge tient son cheval. — Vente G. Marcille. — A. M. de Bligny. 1,000 francs.

H., 55. — L., A2 cent.


DESSINS


39 bis. Mameluk se disposant a monter a cheval. Le cheval tourné à droite, piaffe et fait effort afin de s'élancer pour rejoindre une troupe de cavaliers que l'on aperroit tout à droite. Le mameluk le retient de la main gauche, placée près du mors, et va se mettre en selle. — Grayon noir, sépia et gouache. — A M. de L'aage — A M. His de


DESSINS. 429

La Salle. —Au musée du Louvre, auquel M. de La Salle l'a donné en 1878.

H., 190. — L., 240 mill.

47. Ajouter à la fin : « — Vente G. Marcille. — A M. Vi- gnières. 40 francs. »

49. Ajouter à la fin : a — Vente G. Marcille. — A M. de L'aage. 30 francs. »

5G. bis. Études de chats. Ce beau dessin se rapproche beaucoup du n° 56. Quatre des têtes expriment la colère ; la cinquième, en haut à gauche, offre un type de tigre très-accentué. — A la mine de plomb sur papier calque. — A M. Mahérault.

H., 220. — L., 200 mill.

80. Ajouter à la fin : a — Vente G. Marcille. — A M. Vi- gnières. 110 francs. »

82. Ajouter à la fin : « ~ Vente G. Marcille. 305 francs. »

83 bis. LÉDA. A demi couchée et tournée vers la gauche, elle se soulève du bras gauche replié sur le rocher qui lui sert d'appui, et de la main droite repousse le cygne qui s'approche d'elle. Une draperie passe sous le corps et enveloppe la jambe gauche; la droite est repliée. De l'eau ait premier plan ; au fond, un grand arbre. Effet de clair de lune. — Ce magnifique dessin, sur papier bistre, est exécuté au crayon noir, à la sépia, à l'aquarelle et à la gouache. — A M. de L'aage. — A M. ïlis de La Salle. — Au musée du Louvre, auquel M. de La Salle l'a donné en 1878.

H., 210. — L., 270 mill.

87. Ajouter à la fin : a — Vente C. Marcille. — A M. do L'aage. »


430 CATALOGUE.

90 bis. Centaure et nymphe. — A l'encre de Chine avec des

rehauts de blanc.

H., 210. — L., 130 mill.

Au verso, Satyre et nymphe. — A l'encre de Chine et à la sépia. — A M. Eudoxe Marcille, venant de la collection C. Marcille. 315 francs.

H., '130. — L., 210 mill.

90 tei\ Satyre et nymphe. A la sépia avec des rehauts de

blanc. — Au verso, même sujet. — Vente G. Marcille. —

A M. Mahérault. 315 francs.

H., 228. — L., 124 mill.

90 quatuor. Satyre et nymphe. — A la sépia avec des rehauts de blanc. — Vente C. Marcille. — A 31. Latouche. 41 francs. — Au musée de Lille.

H., 210. — L., 140 mill.

90 quinque. Satyre tenant une femme dans ses bras. — A la sépia. — Au verso, croquis de chevaux. — A M. Eudoxe Marcille. -- A M. Charles Clément. H., 170. — L., 130 mill.

92 bis. La mort d'Hector. Le héros, étendu, latête tournée à gauche, e-t porté par six guerriers; trois le tiennent par les pieJs, et les trois autres par la tête; ils semblent présenter le cadavre au peuple. — Plume et sépia. — A M. Brame. — Vente Brame. 110 francs. Variante du même sujet, même grandeur. A. M. Brame. H., 130. — L., 2i0 mill.

94. Ajouter à la fin : « — M. Maréhault possède un autre exemplaire de cette composition à la plume et à la sépia.

H., 90. — L., 220 mill.

95 Ajouter à la fin : « — Au musée du Louvre, auquel M. His de La Salle l'a donné en 1878.


DESSINS. 431

96 bis. Scène de sacrifice. Au milieu, un homme aidé de trois autres personnage-, les bras et les jambes nus, tire une corde qu'il a passée autour d'un autel pour tenir contre terre la tête d'un taureau qui se débat. A droite, un autre sacrificateur tient des deux mains une massue avec laquelle il va assommer un autre taureau terrassé. A gauche, un homme porte sur ses épaules un veau renversé. Au premier plan, deux hommes tiennent un bouc. — Sur papier huilé. — A M. Thayer. — A M. Oudinot. — Au musée du Louvre.

H., 240. — L., 400 miil.

4 02. Ajouter à la fin : « — Vente C. Marcille. — A M. Gé- rard. 220 francs. »

103. Ajouter à la fin : « — Vente G. Marcille. — A M. Chau- mont. 4 4 francs. »

406. Ajouter à la fin: « — Vente C. Marcille. — A M. Péoni. 28 francs. »

4 4 3. Ajouter à la fin : « — Vente C. Marcille. 453 francs. »

418. Ajouter à la fin : « — Vente G. Marcille. — A M. Vê- te rhan. 100 francs. « 

4 20. Ajoutera la fin : <■' — Vente C. Marcille.— AM.de L'aage. 27 francs. »

421. Ajouieràlafin: « — Vente G. Marcille. — AM.de L'a3ge. 20 francs. »

133. Ajouter à la fin : « —Vente C. Marcille. — A M. Ghau- mont. 14 francs. »

4 3/i. Ajouter à la fin: « — Vente G. Marcille. — A M. Ghau- mont. 4 4 francs. »


432 CATALOGUE.

438. Ajouter à la fin : a — VenteG.Marcille. — AM. Babinet. 30 francs. »

4 44. Ajouter à la fin : « — Vente G. Marcille. — A M. Huan. »

165 bis. Ajouter à la fin : « — M. Moignon possède un trait à la mine de plomb et trois autres dessins à la plume et à la sépia de la même suite,

4 65 le7\ Le crime. Le beau dessin connu sous ce nom, inspiré probablement par l'assassinat de Fualdès, repré- sente quatre hommes nus qui s'éloignent d'un cadavre que l'on voit à droite. Le premier, qui se présente de face, le fusil sur l'épaule, tourne la tête en regardant sa victime. Le second, vu de dos, porte également un fusil. — A la plume et à la mine de p!o:iib avec quelques tou- ches de sépia. — A M. de L'aage.

H., 190. — L., 250 mill.

467 bis. Prisonnier. Il est debout, tourné à droite, les deux bras attachés par derrière, la jambe droite repliée sous lui. — Sépia avec des rehauts de blanc. — Vente Brame. 76 francs.

H., 210. — L., ISOmiil.

470 bis. Le professeur de peinture. Il est debout devant une toile posée sur un chevalet, vêtu d'une longue redin- gote et d'un pantalon rayé; bas blancs, pantoufles vertes. A droite, deux élèves; l'un porte une blouse blanche, l'autre une redingote bleue. — A l'aquarelle. — A M. Thayer. — A M. Oudinot.

H., 340. — L., 240 mill.

171 bis-. Le giaour. Le cheval noir avec les pieds blancs est tourné à droite et se détache sur un grand rocher au


DESSINS. 433

bord de la mer. Le cavalier, en large pantalon rouge, veste bleue brodée de blanc, large manteau blanc en forme de burnous sur les épaules, se retourne en faisant un geste de menace à la ville qu'il vient de quitter. — Ce beau dessin à l'aquarelie est à peu près identique à la lithographie n° 69. A. M. delà Cressonnière, à Lausanne.

H., 210. — L., 240mill.

472. Ajouter à la fin : « A M. Charles Clément. »

473 Us. Danse tsapolitaine ? Au milieu du tableau, un jeune homme et une jeune fille dansent en faisant sonner leurs castagnettes. A gauche sont deux jeunes filles debout, dont l'une tient un tambour de basque; entre elles elles danseurs, et en arrière, on voit un homme drapé dans son manteau. A droite, un homme assis, qui se pré- sente de profil, joue de la guitare; un autre homme est étendu devant lui. Fond d'arbres, entre lesquels on aperçoit des collines. — A droite, dans le dessin, T. G, en une seule lettre. — Aquarelle. — A. M. Moignon.

D'après M. Hubert, cette pièce aurait été faite par Géricault pour M"^» Hulin, qui reprochait au peintre de ne jamais mettre de femmes dans ses compositions. Géricault lui donna cette belle aquarelle pour ses ëtrennes de 1823.

H., 170. — L., 240 mill.

474 bis. Un songe. Un jeune homme endormi couché, un bras relevé sur la tète tournée à gauche, les jambes cou- vertes d'une draperie. A droite, une demi-figure appa- raît sortant d'un nuage. — Aquarelle et sépia. — A M. Brame. — Vente Brame, 233 francs.

H., 130. — L., 210 mill. 47îi bis. Nticp.E. D'jprôs le modèle Joseph. Il est en cos-

28


43i CATALOGUE.

tume égyptien, le corps de face, la tète de proQl tournée à droite, les jambes écartées, tenant des deux mains une lance dans la position d'un soldat qui charge à la baïon- nette. — A la sépia. — A. M. de L'aage.

H., 330. — L., 240mill.


LITHOGRAPHIES

9. Ajouter avant les états : « — - Vente Langlois, 4 et 5 juin 1 868. 57 francs. »

10. Ajouter avant les états: « —Vente Langlois. 22 francs. »

M. Ajouter après « — la seconde appartienfà M. Langlois. » — Vente Langlois. 282 francs. »

15. Modifier comme suit le § 4 de cet article : « — II n'existe à ma connaissance que six épreuves de cette belle litho- graphie. Elles appartiennent au cabinet des estampes, à MM. His de La Salle, de Triqueti, Mène, Langlois et Moi- gnon », et ajouter à la fin : « — L'épreuve de M. Langlois a été vendue 435 francs. »

26. Ajouter à la fin : « — Vente Langlois. 36 francs. »

27. Ajouter à la fin : « — Vente Langlois. 7o francs. »

28. Ajouter avant l'état: « — Vente Langlois. 38 francs. »

30. Ajouter à la fin : « — Vente Langlois. 435 francs. »

31 . Ajouter à la fin du § 1" : « — Vente Langlois. 34 francs. »

33. Ajouter avant le premier état : « — M. Moignon possède une épreuve unique sans doute et antérieure au pre- mier état, qui porte : Horses airing au lieu de : exercising, et, au dos, de la main du colonel Bro :


LITHOGRAPHIES. 435

« Bro souhaite le bonjour à M. Théodore et le prie de venir le plus tôt possible pour présider au déménagement d'une armoire (sans fond) qui se trouve dans la future chambre de sa cuisinière. — 10 mars. » Cette pièce vient de la collection Thayer.

43. Ajouter à la fin : « — M. Moignon vient de trouver (1 873) une troisième épreuve qui porte très-nettement marqué i82i au-dessous du nom de Géricault. On voit à peine une légère trace de cette date sur le carton original, et elle a totalement disparu dans les épreuves du cabinet des estampes et de M. de La Salle. » Cette pièce vient de la collection Thayer.

47. Ajouter au titre (p. 393) : — Suite de douze petites pièces publiées par Gihaut a en 1822. n

59. Ajouter au titre (p. 395) : — « Suite de huit petites pièces publiées par Gihaut « ea 1823. )>

100. Ajouter à la fin : « — M. Moignon possède une autre épreuve de cette pièce qui porte en marge, à droite, de la main de Géricault : plus noir, paraphé C, el en bas, au crayon, un croquis du jarret du cheval. Cette pièce, qui vient si complètement con- firmer l'attribution que j'avais cru pouvoir donner à la planche n° 100, paraît être la première épreuve d'essai soumise à l'artiste. Elle a motivé la recommandation mise en marge. Le mauvais effet produit par l'exécution du plus noir aura déterminé Géricault à renoncer à faire tirer cette lithographie. »

100 his. R R R. Chevau-légers. Deux cavaliers. L'un monté, tourné à gauche, tient son sabre au port d'arme ; l'autre à pied, parle au premier, et lui indiaue du bras


436 CATALOGUE.

quelque chose à droite ; ii tient son sabre par le milieu de la gaîne. Les housses des chevaux sont marquées de fleurs de lis. On voit au second plan à droite des cavaliers appartenant au même corps. . — Cette pièce, dont M. Moignon possède la seule épreuve connue, porte à gauche, dans le dessin G. et à droite, au-dessous, Lith. de G. Engelmann.

H., 340. — L., 260 mill.


REPRODUCTIONS.

Anatomie de l'homme, c/essms de Géricault^ photographies, en [ac-simile^ d'après les originaux appartenant à M. de Varefines ; publies par Clvàrles Clément. — Pai^i s. — Photographie de Richard Nielscn, 2d8j rue du Fau- bourg-Saint-Honoré. — Cliez Leconte^ boulevard des Italiens, 5, 1870.

Ce cahier renferme dix-sept feuilles in-folio, dont une de texte. Le titre imprimé sur papier vert est en hau- teur. — Dimension uniforme des feuilles.

H., 630. — L., 455 mill.


TABLE DES MATIERES.


Pages. Introduction 1

I. Enfance de Géricault. — Sa famille. — Géricault à l'ate-

lier de Carie Vernet et de Guérin 13

II. Études de Géricault d'après les maîtres. — D'après le

modèle. — Premières compositions. — Premières études de chevaux. — Caractère ('e Géricault. ... 31

III. Le Chasseur à cheval. — Opinions de la critique sur le

Chasseur. — Poitrails et croupes 47

IV. L'atelier d'Horace Vernet. — Le Cuirassier blessé. —

Paysages et marines. — Géricault s'engage dans les mousquetaires Gl

V. Projet de voyage en Italie. — Séjour à Florence. — Sé-

jour à Rome. — Lettres écrites de Rome 77

VI. La Course de chevaux libres. — Ouvrages divers exé-

cutés à Rome. — Influence de Rome sur le talent

de Géricault 93

VII. Retour de Géricault à Paris. — Opinion d'Horace Ver-

net sur son talent. — Ouvrages divers. — Projets et esquisses pour le Radeau de la Méduse 111


438


TABLE DES MATIÈRES.


Pages, VJII. Le Radeau de la Méduse. — Études préliminaires. —

Géricault dans son atelier. — Détails divers .... 129

IX. Le Radeau de la Méduse à l'exposition. — Description

et jugement 147

X. Opinions de la critique et de Géricault sur le Radeau de

la Méduse.— Pourparlers relatifs à son acquisition. 1G3

XI. Géricault en Angleterre. — Ses relations avec Chariot.

— Lettres écrites de Londres 183

XII. Lithographies. — Sculptures 205

XIII. Dernières années et derniers ouvrages de Géricault. —

Ses idées sur les beaux-arts 223

XIV. Dernière maladie et mort de Géricault. — Conclusion. 251


CATALOGUE RAISONNÉ.

Peintures 277

Copies d'après les maîtres 319

Sculptures 325

Dessins 327

Lithographies 371

Reproductions . 410

Appendice. Supplément au Catalogue 423


TABLE DES PLANCHES.


Pages,

I. Portrait de Gérigault, d'après une lithographie, par

M. A. Colin 1

II. Officier de chasseurs a cheval, chargeant, d'après l'es-

quisse donnée au Musée du Louvre, par M. His de

La Salle 50

III. Cuirassier blessé quittant le feu, d'après le tableau

du Musée du Louvre G6

IV. Carabinier vu par le dos, chargeant, d'après le dessin

donné par M. His de La Salle au Musée du Louvre. 70

V. Course de chevaux libres (le départ), d'après la litho-

graphie, par Eug. Le Roux, d'une esquisse de Gérl- cault 9i

VI. Course de chevaux libres (le départ), d'après la litho-

graphie, par Eug. Le Roux, d'une esquisse de Géri- cault 96

VII. Course DE chevaux libres ^/e rfepartj, d'après le dessin

appartenant à M. Marcille 98

VIII. Course de chevaux libres (l'arrivée), d'après le fac-

similé, par M. Colin, d'un dessin de Géricault. . . . 100

IX. Course de chevaux libres (épisode), d'après un dessin

appartenant à M. Mahérault 102

X. IIoRATius CocLÈs, d'après un dessin appartenant à

M. Mahérault 104


un TABLE DCS PLANCHES

Pages. XI. IToMME NU TKnnASSANT UN BOKui', d'upros lo dossin

doniif'! au MuHtjo du Louvro, par M. ÎFis de LaS.ilIf!. 100 Xn. liP; Mauciii': aux nrjuiUFS, d'aprèsle dessin appartenant

à M. Eudoxe Marcille 108

XIM. CuAnroT cirAnr.i'. ni', soldats fu-f.ssks, d'après lalitho-

[,'rapirHî orif^inalo 112

XIV. IsTUDRS nr, chats kt dk tiorks, d'après le dessin

appartenant à M. Mahérault 117

XV. Lf PiADrAii i)F i.A Mi'DUSR (lo RévoUe des matelots

contre /es o/yic/crsj, d'après le dessin appartenant àM.Hulot 121

XVI. lii; Radrau de la MiiDu.«K /'^pisodej, d'après le dessin

(Ioiuk'; au Musée du Louvre par M. Ilis rie La Salle. 124 X\II. Li: IUdkau dk la Miîduse, d'après la gravure, par

M. Reynolds, du tableau du Musée du Louvre. . 120 XVIIL Lk DfiniîY DE 1821, a Kpsom, d'après le tableau du

Musée du Louvre 201

XIX. Bouciir;ns dk Romi;, d'après la lithographie oriirinale. 200

XX. Lks BoxKurii, d'après la litho;jraphie originale.. . . 208 XXL Ciir,VAi;x nur .se battent dans dne écurie, d'après

la lithographie originale à deux teintes 210

XXII. Ar.TiLLF.niE a cheval ciiANr.EANT DE POSITION, d'après

la lithographie originale 212

XXIII. Le Rirroun de Ru.ssie, d'après la lithographie origi-

nale à deux teintes 214

XXIV. Lk PAUVRE Homme, d'après la lithographie originale. 210

XXV. Le .Toukur dm cop.nbmusîj, d'après la lithographiii

oriainale 218

XXVI. La Femme PAnALYTjQiir, d'après la lithographie ori-

ginale 220

XXVII. Le Chariot de charbon, d'après la lithographie ori-

ginale 222


TABLK DKS PLANCffES. Vn

XXVIII. Le Markchal anglais, d'apW^.s la Jitho^n'nphic ori-

ginale 'ilJO

XXIX. Chevaux allant a l\ j oh.k, d'après la lithographie

originale 240

XXX. E.vr/'.KK DE L'KTrREi'OT u^AuKi.i'iii, (l'uprcH Ja litho-

graphie originale WJ





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