L'École des biches  

From The Art and Popular Culture Encyclopedia

(Redirected from L'Ecole des biches)
Jump to: navigation, search

Related e

Wikipedia
Wiktionary
Shop


Featured:

L'École des biches ou Mœurs des petites dames de ce temps (1868, The School for Girls) is a French novel believed by J.M. Lo Duca to be written by Ernest Baroche and first published anonymously in 1868.

Conventionally, it is believed that Edmund Duponchel, Frederick Hankey & Alfred Bégis had jointly written it. The novel praises itself as "un manuel théorique et pratique de libertinage", and "manuel en action" and had its moment of fame thanks to a preface by Sylvestre Bonnard, a pseudonym of Pierre Dufay.

Georges Lévis adapted it into a graphic novel in the 1980s.

Full text

1 L’École des biches ou, Mœurs des petites dames de ce temps Ernest Baroche ; Edmond Duponchel ; Alfred Bégis ; Frederick Hankey, (Auteurs présumés) J. P. Blanche, Paris [Bruxelles], 1863 (1869) Exporté de Wikisource le 14 avril 2023 2 TABLE DES MATIÈRES Personnages Premier entretien Deuxième entretien Troisième entretien Quatrième entretien Cinquième entretien 3 Sixième entretien Septième entretien Huitième entretien Neuvième entretien Dixième entretien Onzième entretien Douzième entretien Treizième entretien Quatorzième entretien 4 FIN DE LA TABLE. 2 de partie Introduction Quinzième entretien Seizième entretien Épilogue 5 PERSONNAGES HENRI DE SARSALLE (le comte). MARTIN DUVERNET, rentier. ADRIEN LEBEL, artiste peintre. CAROLINE DESCHAMPS. MARIE AUBER, cousine de la précédente. LOUISA, amie de Marie. ANTONIA, soubrette de Caroline. LE COMTE HENRI DE SARSALLE Quarante-cinq ans. Fils unique d’une maison opulente du Midi, bonne et ancienne noblesse d’épée. Le comte, trèsjeune encore, ayant perdu son père, a été élevé, par les soins de sa mère, dans les principes sévères de sa caste ; mais le choix de Paris pour sa résidence habituelle depuis la mort de sa mère, sa grande fortune, son frottement obligé avec la 6 jeunesse de l’époque, ont bien altéré le puritanisme de ses premières années ; il est devenu un philosophe sans le savoir, presqu’un libre-penseur, et néanmoins sans que cela ait rien changé à son caractère. Ses manières sont restées parfaites. Une libéralité sans ostentation, une bienveillance et une indulgence qui ne se sont jamais démenties le font rechercher et aimer de tous. Il est de ces natures exceptionnelles qui, tout en sacrifiant un peu aux faiblesses humaines, ont conservé intact le sens moral d’un galant homme. Il paraît plus jeune que son âge. Des yeux pleins de vivacité et des dents superbes aident à l’illusion ; et puis il y a une telle distinction dans toute sa personne qu’à première vue on devine le vrai gentilhomme. ADRIEN LEBEL Vingt-cinq ans. Fils unique de riches bourgeois, éducation sérieuse, artiste peintre par vocation, du talent sans orgueil, franche nature que la fréquentation des ateliers 7 n’a pu gâter. Beau et solide garçon, vrai payeur d’arrérages ; malgré cela rempli d’élégance et de goût, et ne négligeant rien dans le choix et dans la coupe de ses vêtements. MARTIN DUVERNET Trente-huit ans. Épicurien, homme intelligent et de loisirs. Artiste amateur, ayant un peu touché à tout ; il s’est principalement occupé de théâtre, est lié avec beaucoup d’auteurs et de directeurs. Aimant à faire l’éducation des jeunes filles qui se destinent au théâtre, les conseillant et même les aidant de sa bourse. Bon, obligeant et généreux, ne croyant pas, par expérience, à leur fidélité du corps, mais faisant grand cas de leur constance dans les affections du cœur. Son physique prévient en sa faveur. Son regard franc et doux vous attire, et dès le premier abord inspire la confiance. Du reste, bien fait, d’une santé parfaite, et, pardessus tous ces avantages, jouissant d’une fortune qui lui permet de contenter ses goûts. 8 CAROLINE DESCHAMPS Vingt-deux ans. Ancienne élève du Conservatoire, ayant fait un peu de théâtre. Fille du peuple, elle a des goûts aristocratiques. Elle aime le luxe et les jouissances qu’il procure, et n’est nullement embarrassée dans sa nouvelle position ; elle a su oublier ses habitudes d’enfance et, avec beaucoup de tact, apprendre ce qu’elle ignorait. C’est une intelligence d’élite. Ses sens ont d’ardentes convoitises ; mais sa grande raison sait les maintenir dans les limites de ses intérêts et de sa santé. Une taille fine ; des yeux et des dents superbes ; les cheveux d’une abondance rare, quoique d’une finesse extrême ; des mains et une gorge dignes de la statuaire antique, des pieds d’enfant, et joint à toutes ces perfections l’air engageant, spirituel, et le meilleur cœur du monde. 9 MARIE AUBER Cousine de la précédente. Seize ans. Ravissante blonde, au visage limpide et doux, l’air d’une parfaite innocence, ce qui n’empêche pas, dans de certains moments, que le diable n’y perd rien. Un corps plein de charmes, des formes gracieuses et délicates, une peau transparente aux blancheurs de camellias, en un mot, Psyché sous les habits d’une grisette. À toutes ces qualités physiques, joignez un caractère charmant, toujours de bonne humeur, de l’esprit accompagné d’un grain de malice. Peu d’éducation, manquant d’expérience, mais grande et bonne volonté pour tout apprendre ; sensuelle comme sa cousine, et amoureuse comme on l’est à seize ans. Bien conseillée, cette jeune fille fera son chemin. 10 MADEMOISELLE LOUISA Dix-sept ans. Petite personne fort éveillée, intelligente, sans préjugés, et prête à tout faire, soit pour son plaisir, soit pour sa fortune. Du tempérament, ce qui la rend trèscurieuse et désireuse de tous les plaisirs de l’amour. Brune avec la peau blanche, des yeux ardents, un sourire enchanteur, la plus jolie taille et les jambes de la Diane chasseresse. Joignez à cela un son de voix qui vous ravit, dont elle sait très-bien se servir, et vous aurez l’ensemble le plus sympathique que l’on puisse désirer. Telle est mademoiselle Louisa. ANTONIA 11 Vingt ans. Moitié confidente, moitié soubrette, fruit appétissant de jeunesse et de santé ; mine piquante, éveillée ; des yeux disant tout ce que des yeux peuvent dire ; des lèvres légèrement rebondies et une tournure provoquante. Ses superbes formes sont encore mises en valeur par la coquetterie de l’ajustement. Cette riche nature, perfectionnée au milieu des élégances de sa maîtresse, est un véritable instrument de plaisir. Et avec cela elle est dans ses relations d’une probité, d’une discrétion et d’une sûreté à toute épreuve. Pourquoi reste-t-elle soubrette ? c’est ce que vous saurez plus tard. 12 L’ÉCOLE DES BICHES PREMIER ENTRETIEN. Un petit talon à la chaussée d’Antin. CAROLINE, MARIE, ANTONIA. ANTONIA (après avoir frappé discrètement à la porte et avoir ouvert). Mademoiselle Marie Auber. CAROLINE (se levant et allant au devant d’elle). Eh ! bon Dieu ! chère cousine, il y a au moins un an que je ne t’ai vue ; quel grand événement te force donc à venir me trouver ? MARIE. 13 Si je ne suis pas venue plus tôt, ce n’est pas manque d’envie ; mais ma mère, qui me croirait perdue si je te fréquentais, me l’avait bien défendu, et sa surveillance, jointe à la peur de lui déplaire, m’a toujours retenue. CAROLINE. C’est d’une bonne fille. Il y a donc alors quelque chose de bien extraordinaire pour te faire braver cette défense ? Quel que soit le motif, te voilà, je ne t’en veux plus ; embrasse-moi. MARIE. De tout mon cœur ! (Elles s’embrassent.) Quand je t’aurai dit ce qui m’amène, tu ne seras plus étonnée que j’aie eu le courage de tromper maman pour venir te consulter. CAROLINE. Ah ! c’est pour une consultation que tu viens me trouver ? Ceci me ferait supposer qu’il y a quelque chose que l’on ne veut pas dire à sa mère, et tu as pensé que la cousine (celle qui fait la honte de la famille, comme disent tes chers parents), pourrait écouter ta petite confession et au besoin te conseiller. Voyons, parle, de quoi s’agit-il ? Quelque amourette sans doute ? 14 MARIE (timidement). Oui. CAROLINE. Ah ! ah ! voyez-vous cette petite innocente que sa mère a élevée dans les principes les plus sévères de la vertu, et à laquelle il était défendu de voir une réprouvée comme moi, une fille de théâtre ! Voilà une manière d’élever les filles qui promet d’heureux résultats ! MARIE. Écoute donc, ma cousine, ce n’est pas de ma faute : il est si gentil, si aimable, que je n’ai pas pu lui résister. CAROLINE. Tu n’as pas pu lui résister !… Est-ce que ?… Voyons !… à quoi n’as-tu pu résister ? MARIE. Dame ! à écouter les compliments qu’il me faisait, à répondre à ses avances, et ensuite à accepter un rendezvous. CAROLINE. Cela devient intéressant ; continue… 15 MARIE. C’est tout. Que veux-tu qu’il y ait de plus ? Est-ce que je pouvais faire encore plus mal ? CAROLINE. Peut-être ! Enfin, tu vas me conter ton aventure dans tous ses détails. MARIE. Volontiers. Tu sais que je suis en apprentissage chez une couturière où je passe mes journées. Comme maman n’a pas de domestiques, elle est bien obligée, pour vaquer aux soins du ménage et à sa place de dame de comptoir, de me laisser aller seule à l’atelier. Elle s’est entendue avec une voisine, dans les mêmes conditions qu’elle, et dont la fille est à peu près de mon âge et travaille dans le même atelier, pour que le trajet se fasse de compagnie, de manière à diminuer les occasions d’aventures ; mais ce que ma mère ignorait, c’est que Louisa avait un bon ami. CAROLINE (souriant). Ah ! Louisa avait un bon ami ! MARIE. 16 Ce qui fait que, souvent, au lieu de revenir deux de l’atelier, nous revenons trois. Louisa est bonne camarade ; elle m’avait fait promettre de n’en rien dire à sa mère ni à la mienne, et pour rien au monde je ne l’aurais trahie. CAROLINE. Tu as eu raison de tenir ta promesse. Après ? MARIE. Monsieur Charles (c’est ainsi que s’appelle son amant) était si aimable auprès de Louisa, et lui disait de si jolies choses, que tout cela me donnait à réfléchir, et me faisait désirer d’avoir comme elle un bon ami. Je les voyais si heureux !… Un soir, M. Charles vint à notre rencontre avec un autre jeune homme et me le présenta comme un de ses meilleurs camarades ; il ajouta que depuis longtemps Adrien était très-amoureux de moi, qu’il n’osait me le dire, mais qu’il lui en avait fait la confidence, et l’avait prié avec tant d’instance de lui faciliter ma connaissance, qu’il n’avait pu s’y refuser ; que si Adrien ne me déplaisait pas trop, il espérait bien que je lui pardonnerais ce qu’il faisait en faveur de son ami. Que te dirai-je ? Adrien avait un air si doux, si honnête ; il paraissait attendre avec tant d’anxiété ce que j’allais répondre, que je n’eus pas la force de le repousser ; et Louisa, qui voyait bien dans mes yeux que la proposition ne m’était pas désagréable, me mit la main dans sa main, et nous fit embrasser. 17 CAROLINE. Voilà qui va bien ! Voyons la suite. MARIE. Adrien m’offrit son bras, que j’acceptai, et nous cheminâmes tous quatre jusqu’à la maison. Pendant la route, ce jeune homme me disait des choses que je n’avais jamais entendues, et qui me faisaient beaucoup de plaisir. Enfin, nous arrivâmes à la maison ; ces messieurs nous embrassèrent de nouveau, nous souhaitèrent une bonne nuit et se retirèrent. CAROLINE. Et comme ces messieurs te la souhaitèrent, tu passas sans doute une bonne nuit ? MARIE. Loin de là ! je la passai fort agitée. Ce qui venait de se passer était si nouveau pour moi, que je n’étais pas sans inquiétude sur les suites de ce que j’avais fait. Aussi, je pris la résolution de venir te trouver pour te conter la chose et te demander conseil ; mais je ne pus me décider à le faire immédiatement. Il y avait si longtemps que je te négligeais que, ne sachant comment tu me recevrais, je remis de jour en jour à venir te voir. Enfin, depuis j’ai eu la faiblesse de me rendre chaque jour au rendez-vous ordinaire, et 18 d’entendre les protestations d’un amour qu’il dit devoir être éternel. Hier, nous trouvant un peu éloignés de nos amis, il me dit des choses si passionnées, il me prit la taille d’une telle façon, et me donna des baisers si brûlants, que je sentis en moi un trouble extraordinaire et qui ne m’était pas habituel. Cela me fit peur, et je me sauvai. CAROLINE. Et comment te donnait-il ces baisers ? MARIE. Il appuyait ses lèvres contre les miennes, et en même temps il m’enlaçait de ses bras à m’étouffer. CAROLINE. Est-ce qu’en t’embrassant il ne cherchait pas à introduire sa langue entre tes lèvres… tiens, comme cela ? (Elle la baise, langue en bouche.) MARIE. Oh ! non, ma cousine ; mais, s’il l’eût voulu, je l’aurais laissé faire, car je trouve cette manière d’embrasser trèsagréable. CAROLINE. 19 Veux-tu que je recommence ? MARIE. De tout mon cœur ! Tiens, ma cousine, mais tu me presses comme Adrien ! Où sont donc tes mains ? Tu me mets tout en feu !… Que fais-tu donc ?… C’est la même sensation que j’éprouvai hier soir. Arrête… arrête… je t’en prie !… CAROLINE. Tu le vois, ma chère amie ; si moi, une femme, je produis sur tes sens un tel effet, que serait-il donc arrivé si ton amoureux eût été plus téméraire ? MARIE. Aussi, quand je l’ai vu si animé, quoique bien disposée en sa faveur, j’ai eu assez de raison pour m’arracher de ses bras et prendre la fuite, bien résolue à ne plus aller à ses rendez-vous sans t’avoir consultée. Aujourd’hui, j’ai donc pris mon courage à deux mains, et, ayant prétexté une indisposition de ma mère, j’ai quitté l’atelier avant Louisa, et je suis venue te trouver. CAROLINE. Et tu as très-bien fait. Il était temps ! Par bonheur, je ne crois pas ton jeune homme beaucoup plus instruit que toi ; 20 mais vos deux ignorances auraient bien pu faire innocemment une grande sottise. Je veux donc t’empêcher de faire cette sottise, et essayer de mener à bien l’aventure où tu t’es jetée sans réflexion… mais à la condition (puisque tu viens me demander mes conseils que tu suivras aveuglément), qu’aucune de tes actions ni même de tes pensées ne me sera cachée, et tu peux compter que le secret le plus absolu couvrira à jamais tout ce qui pourra être fait ou dit entre nous. MARIE. J’accepte ta proposition et te promets, chère cousine, que je ne faillirai pas à la parole que je te donne. CAROLINE. Je ne me sens pas le courage de te gronder pour ce que tu as fait : ton inexpérience est ton excuse. Le sentiment qui t’attire vers ton Adrien est dans la nature. Que veux-tu ? Un peu plus tôt ou un peu plus tard, ton cœur devait parler et pouvait même plus mal choisir. Il n’en faut pas moins essayer de régler ce penchant et écarter de toi les dangers qu’il pourrait entraîner. Puisse mon exemple et mon expérience servir à éviter les malheurs qui fatalement t’arriveraient si tu te laissais aller aux hasards de tes instincts amoureux ! Tu ne sais pas mes petites aventures ? En quelques mots je vais te les dire : À ma sortie des cours du Conservatoire, j’eus la mauvaise pensée de quitter ma 21 mère, pour aller habiter avec un jeune homme dont j’étais devenue la maîtresse, et qui, comme moi, venait de terminer ses études dramatiques. Mon amant avait déjà un engagement, et je ne doutais pas qu’avec le talent que me prêtait ma vanité, je ne fusse bientôt recherchée par plusieurs directeurs. Il n’en fut rien, et bien heureusement pour moi, car c’est cet insuccès qui me sauva. Les appointements de mon amant ne pouvaient suffire aux besoins de notre ménage ; d’un autre côté, la maison de ma mère m’étant fermée, je m’aperçus, mais trop tard, de ma faute ; et quoique je n’eusse pas à me plaindre de Henri, toujours aussi tendre pour moi, je sentis bien qu’il fallait, dans l’intérêt de tous deux, trouver une issue à une position devenue impossible. Un soir que dans une loge, en compagnie d’un inconnu, j’assistais à la représentation d’une pièce dans laquelle mon amant jouait le rôle d’un jeune homme parfaitement heureux, la comparaison de la fiction du drame avec la réalité de notre position me fit, malgré moi, verser des larmes. Le monsieur, que dans ma préoccupation je n’avais pas regardé, s’aperçut que je pleurais. Il me demanda, avec un intérêt respectueux qui me toucha, ce qui dans un drame comique pouvait ainsi m’attrister. Ses paroles étaient douces et sympathiques ; sa figure, agréable ; il y avait dans son air tant de franchise, que je ne pus refuser de répondre à ses questions ; notre conversation se prolongeant, je finis par lui faire l’aveu de ma folie et de la triste position où je me trouvais par ma faute. La confiance étant bientôt devenue réciproque, il me fit la proposition de venir à mon aide, et cela sans condition, 22 ne réclamant pour ses services qu’un peu d’amitié. Ma foi ! j’acceptai. Selon sa promesse, il ne m’a jamais rien demandé. Si, par la suite, nos relations sont devenues intimes, c’est moi qui l’ai voulu, désirant m’acquitter envers lui de tout le bien qu’il m’avait fait avec tant de délicatesse. MARIE. Et comment fis-tu pour expliquer à ton amant cette aisance subite ? CAROLINE. Je supposai un petit héritage. On est crédule quand on aime ! Et jusqu’au départ de Henri pour l’étranger, M. de Sarsalle s’est toujours prêté à ce que j’ai voulu pour sauver l’irrégularité de ma position, et jamais Henri n’a eu le moindre doute de ces nouvelles relations. MARIE. Et depuis le départ de ton amant, tu peux vivre ainsi d’un simple sentiment d’amitié ? Tu es fidèle à M. de Sarsalle ? CAROLINE. Certes, ma chère ; il est si bon pour moi, il me rend la vie si douce ! Sa philosophie d’ailleurs me permet, quand mes 23 sens sont trop agités par mon imagination, de petites distractions qui ne peuvent en rien exciter sa jalousie. MARIE. Quelles sont donc les distractions que tu emploies ? CAROLINE. Petite curieuse ! je te le dirai peut-être dans quelque temps ; pour l’instant, tu ne serais pas en état de me comprendre. MARIE. Soit, ma cousine ; alors je comprendrai peut-être mieux la conduite que je devrai tenir avec Adrien, et que tu vas me prescrire. Parle, je t’écoute. Que dois-je faire ? CAROLINE. Pour le moment, ne change rien à tes habitudes. Va demain au rendez-vous de l’atelier. Sonde adroitement Adrien sur ce qu’il veut et sur ce qu’il peut ; aie de Louisa le plus de renseignements possible sur sa position, son caractère et ses habitudes. Je t’attends après-demain pour me tout conter ; ensuite nous verrons ce que tu dois faire. Maintenant, ma chère Marie, j’attends M. de Sarsalle ; embrasse-moi, et pars. (Elle l’embrasse sur la bouche.) 24 MARIE. Puis-je ainsi embrasser Adrien ? CAROLINE. Mais non ! mais non ! 25 DEUXIÈME ENTRETIEN. La chambre à coucher de Caroline. LE COMTE, CAROLINE, MARIE. MARIE. Bonsoir, Caroline. Comment, déjà couchée ! CAROLINE. Un caprice ! Je suis allée dans la journée me promener au bois, le grand air m’a saisie, et, ma foi ! me trouvant fatiguée, je suis passée de la table au lit. Cela ne nous empêchera pas de causer. Assieds-toi là, près de moi, et dis un peu où en sont tes affaires. As-tu suivi bien exactement mes instructions ? MARIE. Oui, ma cousine. Adrien est venu hier, comme de coutume, me chercher à la sortie de l’atelier. Il avait l’air triste, ce pauvre ami ; je lui en demandai la raison ; il a prétexté que cela venait d’être resté deux jours sans me 26 voir ; je lui ai répondu qu’il devait en prendre son parti ; qu’à l’avenir il me serait peut-être impossible de le voir tous les jours ; que ma mère, étant plus sévère que celle de Louisa, pourrait, si mes absences devenaient journalières, avoir soupçon de ma conduite, et s’arranger de manière à ce que toute entrevue devînt impossible. CAROLINE. Voilà qui n’est pas mal trouvé pour une novice. Voyons si tu as été aussi forte sur le chapitre des informations ? MARIE. Mon Dieu ! cela n’a pas été bien difficile. Je n’ai pas eu besoin de m’adresser à Louisa : Adrien est venu au devant de mes questions. Il m’a dit qu’il était élève en peinture, que ses parents, sans être riches, vivaient de leurs rentes ; qu’il était logé chez eux, et même défrayé de tout, mais que pour l’argent, par exemple, ses parents prétendaient qu’il était arrivé à un âge où il devait en gagner, et non pas en recevoir ; en conséquence, il convint que sa bourse n’était pas toujours bien garnie et ne s’emplissait que quand il pouvait vendre quelques-unes de ses croûtes. (C’est ainsi qu’il appelle ce qu’il fait.) Il me semble bien, cousine, que cela a l’air d’être vrai, et qu’on peut croire à ses paroles. CAROLINE. Ainsi, d’après toi, ce garçon serait parfait ? 27 MARIE. Je ne dis pas cela ; mais enfin, s’il voulait me tromper, il ne m’aurait pas avoué aussi franchement sa position modeste. CAROLINE. Tu crois ? Il faut que je te dise que la franchise peut quelquefois mieux servir nos projets que la dissimulation. Aussi, tu me permettras de douter de lui jusqu’à ce que j’aie acquis plus de certitude dans les renseignements que tu me donnes. MARIE. Comment tu croirais à un mensonge ? CAROLINE. Non ! mais je te vois si confiante, que tu ne trouveras pas mauvais que dans ton intérêt même je prenne mes précautions. MARIE. Mais qu’est-ce que cela peut faire, puisque je t’ai promis la confidence entière de mes actions et même de mes pensées, et, de plus, de me conformer en tout à tes volontés. Je vais te prouver par ma franchise que je sais tenir mes 28 promesses, en te racontant ce qui m’arriva à la suite de notre entretien, et certes, sans la méfiance où je te vois, je ne sais si j’aurais jamais osé. CAROLINE. C’est donc sérieux ? Je t’écoute ! MARIE. Comme Adrien finissait de me donner les renseignements que je demandais, nous arrivions près de la maison. Au moment de me faire ses adieux, il voulut m’embrasser à ta manière ; mais, me rappelant ta défense, par un brusque mouvement de tête en arrière j’esquivai son baiser ; alors, saisissant ma main, il la porta à sa culotte, et je sentis là quelque chose de très-gros et de très-dur. CAROLINE (riant). Allons, cela va bien. M. Adrien voulait te faire voir qu’il bandait ! MARIE. Je ne sais pas, ma cousine, mais je fus fort étonnée de ce que j’avais senti. CAROLINE. 29 Pardi ! Tu avais senti ce que tu peux sentir à tous les hommes, puisque c’est ce qui distingue leur sexe du nôtre. MARIE. Cela ne peut pas être comme tu le dis, ma cousine, car j’ai toujours remarqué, en regardant les statues, que ce qui distinguait les hommes des femmes était un objet plus petit et qui pendait entre leurs cuisses, tandis que ce qu’il me fit toucher était très-dur, et, au lieu de pendre, remontait vers son ventre. CAROLINE. Fiez-vous donc à l’ignorance des jeunes filles pour ne rien voir ! MARIE. Dame ! je ne puis pourtant pas, quand je sors fermer les yeux. Faut-il encore que je voie clair à marcher ! CAROLINE. C’est juste. Voyons la suite. MARIE. Ne sachant ce que je sentais, je retirai ma main malgré les efforts qu’il fit pour la retenir. Il me quitta alors d’assez 30 mauvaise humeur, me reprochant mon peu d’abandon avec lui. Je rentrai fort émue chez ma mère, et me mis de suite au lit. Une fois couchée, je pensai à ce qui venait de m’arriver, et aussi à tes recommandations. Le sommeil, comme tu le penses, avait peine à venir ; cependant je finis par m’endormir. CAROLINE. C’est ainsi que se termina ton aventure ? MARIE. Oh ! non, ce n’est pas fini. Je voudrais même bien avoir l’explication de ce qui suivit ; seulement, je ne saurais pas te le raconter. CAROLINE. C’est donc bien difficile à expliquer ? MARIE. Certainement, pour moi surtout. Ce que j’éprouvai dans mon rêve fut d’abord bien délicieux, mais le dénoûment m’a bien effrayée, et c’est ce dénoûment que je désirerais que tu m’expliques et sur lequel je voudrais être rassurée. CAROLINE. 31 Il y a donc un rêve et un dénoûment ? dis-nous cela, mignonne. MARIE. Je vais essayer. Après m’être couchée, quoique longtemps agitée, le sommeil finit par venir, et je m’endormis. Alors, je rêvai qu’Adrien était près de moi, qu’il me serrait dans ses bras, qu’il m’embrassait sur la bouche, et qu’il me mettait la main… Je n’oserai jamais ! CAROLINE. Ne vas-tu pas faire la bégueule à présent ! Il serait ma foi bien temps ! Allons, je vais t’aider. (Caroline, prenant la main de sa cousine, l’introduit sous la couverture, et la fixant bientôt sur le bon endroit :) Eh bien ! mademoiselle la pudibonde, était-ce là ? MARIE (plus surprise que honteuse laisse sa main où sa cousine l’a placée, et sans se rendre compte de ce qui va arriver, répond à caroline, qui l’embrasse) : Oui, c’était bien là !… CAROLINE. Et que faisait cette main ?… Va donc… Allons !… Est-ce que tu n’es pas à ton aise ? Voyons, viens près de moi. (Marie se penche sur le lit.) Approche encore. 32 MARIE. Alors, il faudrait que je me mette dans ton lit ? CAROLINE. Eh bien oui ! viens à côté de moi ; je te donnerai mieux l’explication de ton rêve et de son dénoûment. MARIE. Faut-il aussi que je me déshabille ? CAROLINE. Certes oui ! Allons, pas d’enfantillage, et dépêche-toi ! (Marie, que cette scène a fort animée, ne fait plus aucune façon ; elle est d’ailleurs aidée par Caroline, qui, de son côté, ne se gêne plus et ne cesse de porter les mains partout où elle suppose que sa cousine éprouve une sensation. Bientôt chaque vêtement est mis bas, et Marie, pressée dans les bras de sa cousine, est très-disposée à recevoir l’explication désirée.) CAROLINE. Nous disions donc qu’il te mettait la main au con ? MARIE. 33 Ah ! c’est ainsi que s’appelle ce que je touche ? Je ne le savais pas. CAROLINE. Tu en apprendras bien d’autres ! Veux-tu exécuter maintenant sur moi ce qu’il te faisait ? MARIE. Je ne le saurais pas. Seulement, je me souviens que ses attouchements me procuraient un plaisir si vif, que je me réveillai, et que, portant ma main où je venais d’éprouver ce plaisir, je me sentis toute mouillée. Voilà, ma cousine, ce que je ne comprends pas et sur quoi je désire que tu me tranquillises. CAROLINE. La chose est fort simple et fort naturelle : tu avais déchargé, ou, si tu aimes mieux, tu avais fait une fausse couche, parce que tous les tissus nerveux qui aboutissent aux organes de la génération, avaient été très-excités dans la soirée. Ensuite, la chaleur de ton sang ayant produit une abondance de sperme, il a bien fallu qu’il s’épanchât au dehors ; voilà ce qui a produit cette éjaculation qui t’a effrayée. Ceci arrive journellement aux personnes dont le tempérament est vigoureux, et qui vivent dans une absolue chasteté. 34 MARIE. Voilà qui est beaucoup trop savant pour moi. En attendant que je sois plus instruite, tu devrais me l’expliquer plus simplement, et de façon à ce que je le comprenne. CAROLINE. Je vais faire mieux. Pour que tu ne sois plus tourmentée si pareille chose t’arrive encore, je vais te faire éprouver, bien éveillée, les mêmes sensations que celles que tu as ressenties dans ton rêve. MARIE. Comment vas-tu faire, chère cousine ? C’est avec sa main qu’Adrien agissait : est-ce que tu pourras faire comme lui ? CAROLINE. Tu vas le voir ! Mais d’abord retire cette chemise qui me cache tes charmes ; je vais en faire autant. (À une proposition si inattendue, il y a de la part de Marie un peu d’hésitation ; un reste de pudeur combat le feu qui la dévore ; mais ses désirs l’emportent bientôt ; la chemise tombe, et elle s’abandonne franchement aux attouchements libertins de la voluptueuse Caroline). CAROLINE. 35 À la bonne heure ! je t’aime mieux ainsi. Que ce corps est ferme et blanc ! Que ces deux fraises sur ces globes d’albâtre sont roses !… Comme cette fente vermeille, ombragée d’un poil si doux, est appétissante ! Partout quelle jeunesse, quelle fraîcheur ! Je ne puis m’empêcher de rendre hommage à tant de charmes ! Laisse, que je baise tout cela ! (Tout en parlant, Caroline couvre les charmes de notre ingénue Marie des baisers les plus brûlants, et par ses baisers et ses attouchements sur les parties les plus sensibles, les sens de Marie sont bientôt arrivés au plus haut degré de plaisir que de pareils jeux peuvent produire.) MARIE. Ah ! je n’y tiens plus ! Que me fais-tu ? Je me livre à toi ; fais de mon corps tout ce que tu voudras ! CAROLINE. Eh bien, puisque ce jeu te plaît, écarte seulement un peu tes jolies cuisses. (Marie obéit.) Comme cela ! j’y suis, je sens ton clitoris… Ah ! friponne ! comme il se raidit, comme il frémit sous les caresses de mes doigts ! MARIE (après quelques moments de ce jeu). Cousine !… cousine !… c’est comme dans mon rêve ! Quelle jouissance !… oh !… oh !… je fonds… ça coule !… 36 CAROLINE. Eh ! oui, tu décharges. Tu vois bien, petite niaise, que la chose est très-naturelle, et qu’il n’y avait pas de quoi t’effrayer. Tiens, vois mes doigts : tu me les as joliment arrosés ! Tu vas assez bien pour une commençante ! MARIE. Avec une aussi bonne maîtresse est-ce qu’on peut faire autrement ! Si pour finir mon éducation, tu voulais, tendre amie, que ta reconnaissante élève essaie à son tour de te rendre un peu du plaisir que tu viens de lui donner ? CAROLINE. Puisque tu as si bonne intention, non-seulement je le veux bien, mais je vais t’y faire ajouter un raffinement qui augmentera ma jouissance. MARIE. Est-ce que c’est possible ? CAROLINE. Certainement, si tu veux faire comme je vais te l’expliquer. MARIE. 37 Compte sur ma bonne volonté. Mais laisse-moi d’abord t’embrasser ; ensuite je suis à tes ordres. (Elles se tiennent un instant embrassées ; mais Caroline, pour qui ce passe-temps est insuffisant, la rappelle au service qu’elle en attend). CAROLINE. Voici ce que tu vas faire : De ta main droite et avec ton index tu vas caresser légèrement mais avec vivacité mon clitoris ; en même temps tu vas introduire doucement et avec délicatesse l’index de la gauche entre les lèvres de mon con… MARIE. Mais, je vais te blesser ! CAROLINE. Non, n’aie pas peur ; enfonce… encore un peu… T’y voilà !… Il ne s’agit plus que de faire mouvoir ce doigt pendant que l’autre excitera mon clitoris ; et surtout que les deux fonctionnent en même temps. (Marie, quoique cela soit son début, exécute avec intelligence et adresse les instructions de sa cousine, dont le corps commence à s’agiter convulsivement. Bientôt, les fesses aussi s’agitent avec une telle vivacité, que, malgré le zèle et l’attention que 38 Marie met à remplir ses fonctions, elle se trouve dérangée plusieurs fois. Enfin la crise approche). CAROLINE. Va plus vite !… Bien !… comme cela… Ah !… je me meurs !… (À la décharge faite dans de si bonnes conditions succède un instant de repos et d’extase ; mais Caroline, bientôt remise, reconnaissante d’un plaisir si vif donné avec tant de zèle, saute au cou de Marie, et lui donne des baisers si lascifs, que de nouveaux désirs sont prêts à renaître.) MARIE. Es-tu contente de moi ? Ai-je bien fait selon ton désir ? CAROLINE. Petite coquine ! quelle élève ! Il n’est pas besoin de te montrer les choses deux fois. Comme tu comprends !… comme tu exécutes ! Ce serait à croire que tu n’es pas novice à ce jeu. MARIE. Ah ! cousine, je t’assure bien que j’ignorais complètement que l’on pouvait se procurer d’aussi douces jouissances. Si je l’eusse su !… Mais dis-moi donc pourquoi tu n’as pas fait avec moi ce que tu viens de me montrer ? 39 CAROLINE. La raison en est bien simple : En introduisant mon doigt dans ton conin tout neuf, au lieu d’augmenter ta jouissance, tu aurais ressenti une douleur qui aurait détruit immédiatement les sensations agréables que tu viens de ressentir. Plus tard, quand tu seras plus endoctrinée, nous l’essaierons, et encore y mettrons-nous une grande prudence, afin de ne pas déflorer ton pucelage, mais seulement dans le but de faciliter le travail de celui à qui tu réserveras le bonheur de le cueillir. MARIE. C’est donc un bonheur pour les hommes de prendre un pucelage ? CAROLINE. C’est pure vanité, car pour eux, c’est une véritable corvée, et pour nous une souffrance qu’il est impossible d’éviter la première fois que l’on se livre aux plaisirs de l’amour. MARIE. Eh bien ! puisqu’il faudra arriver à faciliter le travail de la prise de mon pucelage, si, pour diminuer cette souffrance que tu dis que l’on ressent toujours la première fois qu’on se laisse toucher par un homme, tu essayais un peu ce que 40 tu dis ? Je verrai si je puis le supporter. J’ai bon courage, et tu viens de me donner tant de plaisir, que je puis bien endurer un peu de douleur. CAROLINE. Voyez-vous, la petite gourmande ! Il ne faut que lui mettre l’eau à la bouche ! Non, mademoiselle, pas aujourd’hui. Déjà deux fois depuis hier, c’est assez ; il faut te reposer ; ta constitution n’est pas encore arrivée à son entier développement, et il faut encore des ménagements. À ton âge, tu peux bien essayer tes forces dans des escarmouches amoureuses, mais à condition de ne pas en faire abus ; là serait le danger, et surtout si, avec les lumières que tu viens d’acquérir, tu voulais te procurer seule d’incessantes sensations. Cette habitude une fois prise, il est très-difficile d’y résister, quoiqu’il en résulte les maux les plus fâcheux. Des vertiges, un amaigrissement extraordinaire accompagnés de maux de poitrine, une vieillesse anticipée et souvent la mort ! MARIE. Tu n’as point cela à craindre pour moi. Malgré mon tempérament et ma jeunesse, j’ai trop de raison pour ne pas prendre garde et éviter de tels dangers. Je t’ai promis de te dire mes pensées, mes désirs, mes besoins. J’ai ton amitié, cela me suffit. Je te crois trop obligeante pour me refuser le 41 service de tes caresses, s’il fallait calmer la violence de mes ardeurs. CAROLINE. Oui, libertine, tu peux compter sur moi ; à condition toutefois que cela ne nuise ni à ta santé, ni à notre réputation : la sobriété et le mystère dans les plaisirs de l’amour sont nécessaires pour éviter tout danger ; mais, ceci franchement accepté et tenu par toi, je réponds de tout, et ma conscience sera même en repos ; car à qui faisons-nous tort, puisque le secret et la prudence de nos relations rendent tout scandale impossible ? Et quant à nos plaisirs, la nature n’a-t-elle pas ses lois invincibles ? Elle ne nous a pas donné tant de sensibilité dans de certains organes pour nous défendre d’en user. Une sagesse hors de saison va plus que contre ses lois. La vraie sagesse permet qu’on se donne dans ce monde les jouissances que nous préférons ; elle ne nous défend même pas d’aider les autres a en faire autant. MARIE. Alors, j’espère qu’un jour ton amour pour le prochain s’étendra jusqu’à Adrien. CAROLINE. Certes, si je l’en vois digne, sois assurée que cela sera ; et pour te prouver ma bonne volonté, je suis prête à le recevoir. Tu peux me l’envoyer ; l’espérance d’une 42 commande lui servira d’introduction. Une fois à confesse, je saurai bien ce qu’il pense, ce qu’il veut et même ce qu’il vaut. Si cette visite est à son avantage, je me charge de faire du comte son Mécène, et, plus rassurée sur ton avenir, j’aiderai au dénoûment de tes amours. (Pendant la fin de cette conversation, Marie a commencé à reprendre ses vêtements ; elle a presque fini de s’habiller, quand on entend des pas et des paroles dans l’antichambre.) CAROLINE (prêtant l’oreille). Voici M. de Sarsalle ! Vite, petite, ôte les verroux et passe dans mon cabinet de toilette. Tu rentreras aussitôt que je t’appellerai. LE COMTE (après avoir frappé discrètement à la porte, l’ouvre lui-même, et passant la moitié du corps). Peut-on entrer, chère belle ? CAROLINE. Il est bien temps de demander la permission, monsieur le curieux ! LE COMTE. Antonia m’a dit que tu étais avec ta cousine, une jolie fille, à ce qu’elle prétend, et comme les verroux n’étaient pas mis, j’ai cru pouvoir me permettre… (Après avoir 43 promené ses regards dans toutes les parties de la pièce.) Est-ce que j’aurais fait envoler la colombe ? CAROLINE. Peut-être bien, monsieur l’indiscret, votre entrée subite… imprévue… LE COMTE (lui baisant courtoisement la main). Est-ce que vous m’en voulez, méchante ? CAROLINE. C’est selon. D’abord, que venez-vous faire à cette heure ? ce n’est pas votre habitude. Puis que veut dire cet air joyeux ? LE COMTE. Cela veut dire, chère belle, que mon agent de change vient de m’annoncer qu’il avait réalisé un très-beau bénéfice sur une affaire que je croyais perdue. Cette aubaine me donnant beaucoup de facilité pour t’être agréable, je me suis empressé de venir te l’annoncer et te demander si tu avais quelque désir à satisfaire. CAROLINE. 44 Merci de votre amabilité, cher comte ; je vais profiter de votre offre. D’abord, embrassez-moi. Vous ne pouviez arriver plus à propos. Ma cousine, une jolie fille, ma foi ! — Antonia ne vous a pas trompé, — est venue me voir et me conter ses petits chagrins : Elle a un amoureux ! LE COMTE. Tu veux dire, un amant ? CAROLINE. Non, monsieur, non ; un amoureux, qui l’aime, dit-elle, avec passion, et dont elle partage les sentiments. LE COMTE. C’est toujours la même chose avec ces petites filles. Et quel est cet amoureux ? CAROLINE. C’est un peintre, et vous savez que ces messieurs, s’ils ont quelquefois du talent, ont rarement de l’argent. Faiteslui une commande, mon cher comte ; vous me ferez d’abord un grand plaisir, et vous rendrez ma petite cousine bien heureuse ; elle vous en sera même très-reconnaissante. LE COMTE. 45 Bien volontiers ; mais ne puis-je donc voir cette jolie cousine à laquelle tu portes tant d’intérêt et qui a de si bonnes dispositions ? CAROLINE (approchant de la porte du cabinet). Viens, Marie. Voici M. le comte de Sarsalle qui désire te connaître. (Caroline va prendre Marie, qui, un peu honteuse, fait quelque résistance, et cède bientôt.) CAROLINE (la présentant au comte). Ma cousine Marie ! Nous ne sommes pas filles de pairs de France, mais nous avons de bons sentiments et de la beauté, ce qui vaut bien quelque chose, monsieur le comte. LE COMTE. Approchez, mon enfant. Levez donc vos yeux : ils sont assez beaux pour ne pas les cacher. Voulez-vous me permettre de vous embrasser ? (Sans attendre la réponse, le comte prend la main de Marie, et dépose un baiser sur son front. En se retirant, ses yeux tombant sur les mains de la jeune fille, il aperçoit sur ses doigts de petits points noirs.) Belle et travailleuse ! voilà deux qualités, mademoiselle, qui doivent faire votre fortune ; et si vous le permettez, je 46 veux vous aider dans la route. Dès à présent, vous pouvez compter sur moi. CAROLINE. Tu vois, Marie, ce que je t’ai dit de la bonté de M. de Sarsalle. Il vient de me promettre une commande de tableaux pour ton Adrien. Remercie-le donc, et va porter cette bonne nouvelle à ton protégé. MARIE. Je suis bien reconnaissante, monsieur le comte, de la protection que vous voulez bien m’accorder en l’étendant jusqu’à Adrien. Je remercie sincèrement Caroline de ce qu’elle fait pour moi. À l’avenir, j’aurai toute confiance en elle. Puisse le soin qu’elle prend de moi vous la faire aimer davantage ! Sa bonté est un sûr garant de l’amitié qu’elle a pour vous et à laquelle vous pouvez vous confier. Je vais porter, de votre part, cette bonne nouvelle à Adrien, qui viendra vous remercier lui-même si vous le permettez. Adieu donc, monsieur le comte. Cousine, à bientôt (Elle se retire après avoir salué le comte et embrassé sa cousine.) 47 TROISIÈME ENTRETIEN. LE COMTE, CAROLINE. CAROLINE. Voyez, cher comte, comme avec peu de chose vous avez fait heureuse cette enfant. LE COMTE. C’est vraiment une bien jolie fille : la beauté sympathique, un son de voix à faire damner un saint ! Pourquoi m’avais-tu jusqu’à présent caché ce trésor ? Te méfierais-tu de moi ? CAROLINE. Peut-être ferais-je bien ; mais ce n’est pas là la raison. Depuis plus d’un an, sa mère lui défendait ma porte, dans la crainte de la contagion de mes exemples. Vous le voyez, elle a bien réussi ! Empêchez donc une jeune fille de faire ses volontés, quand son tempérament ou son cœur commence à la tourmenter ! 48 LE COMTE. Pour ceci, malheureusement, tu es dans le vrai. Mais quant à la crainte de la contagion, sa mère pourrait bien avoir raison. Avec tes goûts… CAROLINE. Dites donc avec les dérivatifs que dans votre intérêt j’emploie pour ne pas vous être infidèle quand les forces vous trahissent. Seriez-vous jaloux à présent, même de notre sexe ? LE COMTE. Dieu m’en garde ! Mais quand je vois une enfant si jeune, si candide… CAROLINE. Pour la jeunesse, c’est indiscutable ; quant à sa candeur, c’est autre chose. Est-ce que vous connaissez des jeunes filles amoureuses et candides ? LE COMTE. Pourquoi n’y en aurait-il pas ? CAROLINE. 49 Parce qu’une jeune fille qui est amoureuse et qui a du tempérament est capable des plus grandes folies pour satisfaire sa passion, toutes ses facultés se concentrant vers ce but unique. Ainsi, voilà Marie, qui certes est une excellente fille, courageuse, aimant sa mère, accoutumée dès son enfance à la respecter et à subir ses volontés ; cela l’a-t-il empêchée de braver sa défense pour venir me voir ? Elle avait besoin d’un conseil, d’un appui ; elle est venue, et je crois que c’est ce qu’elle avait de mieux à faire. Au point où en étaient les choses, une grosse sottise était imminente ; le mal avait fait de grands progrès, et, pour l’arrêter, ne valait-il pas mieux, dans son intérêt, la diriger, que de lui faire une morale qu’elle n’eût pas écoutée ? Je lui fis comprendre les dangers qu’elle allait courir en se jetant dans les bras d’un garçon qu’elle connaissait à peine ; je me citai comme exemple, et lui racontai mes premières déceptions ; j’écoutai ses faibles objections qui lui paraissaient concluantes, excitée qu’elle était par le sixième sens[1] , qui est le tempérament. Je sentis la nécessité de combattre ce sixième sens en donnant une issue naturelle aux feux qui la tourmentaient. Mes caresses firent plus que mes paroles. Ses désirs un peu apaisés, elle eut une entière confiance dans mes avis. Aussi j’ai la certitude qu’elle suivra scrupuleusement et avec une conviction entière mes recommandations. Que blâmez-vous donc là, cher comte ? De quoi pouvez-vous vous plaindre ? Ai-je manqué à l’attachement sérieux que j’ai pour vous, et que les écarts même de mon tempérament n’ont jamais altéré ? Quand je vous ai choisi de préférence à tout autre, vous saviez bien 50 que ce n’était pas pour les avantages de votre personne ou de votre position, mais bien pour les qualités de votre cœur. Je voulais un ami, et non un amant, vous n’avez pas trompé mes espérances. Pourquoi donc voulez-vous changer l’indulgence de l’ami pour la jalousie de l’amant ? C’est risquer bien imprudemment votre bonheur. Les hommes, pour les besoins de la satiété, ont inventé le mariage, et, dans leur égoïsme, ils n’ont pas voulu admettre une soupape de sûreté. Aussi qu’en est-il résulté ? Que le mariage est devenu un état contre nature, que peu de personnes peuvent le supporter, et encore que celles-ci sont toujours des gens froids pour lesquels l’amour n’a jamais existé. Souffrez-moi donc, cher comte, quelques écarts de sens où le cœur n’entre pour rien, et qui me font mieux apprécier, quand je suis dans vos bras, les caresses d’un ami. Assez de philosophie pour ce soir. Il se fait tard. Venez vous coucher. Je vous offre cette nuit l’hospitalité, et je veux vous prouver que quelquefois un écart de régime ne me fait que mieux apprécier le bonheur quotidien. 1. ↑ Nous donnerons la préférence à la version de BATTACHI, dans ses Nouvelles galantes et critiques (Paris, 1803, 4 vol. in-32), qui désigne pour sixième sens ce qu’un soir Adrien voulait faire toucher à notre ingénue Marie. (Note d’autrui.) 51 QUATRIÈME ENTRETIEN. CAROLINE, MARIE. CAROLINE. Sois la bienvenue, mignonne. Aujourd’hui te voilà arrivée de bonne heure. Que fait donc ton M. Adrien ? Je ne l’ai pas encore vu. MARIE. Je suis chargée par lui de te faire de bons remercîments de ta recommandation auprès du comte ; ensuite, de l’excuser du retard qu’il apporte à sa visite. Sa mère l’a enlevé pour le conduire en province auprès d’une tante en danger de mort. Tu comprends, il a dû se soumettre. CAROLINE. Bien ! nous attendrons. MARIE. 52 Je crois, bonne cousine, que tu lui as porté bonheur. Avant son départ, il a touché l’argent d’un tableau qu’il venait de terminer pour un amateur, et il me l’a donné. J’ai disposé d’une partie de cette somme pour faire un présent à ma maîtresse d’atelier, qui, flattée de cette prévenance, m’a promis à l’avenir un peu plus de liberté ; et tu le vois, à ma grande satisfaction, aujourd’hui j’ai pu venir plus tôt. CAROLINE. Si tu arrives bien disposée, tu tombes à merveille. Le comte dîne chez son ministre, et ne rentrera que tard dans la nuit ; nous sommes donc assurées de ne pas être dérangées. (Marie est en effet si bien disposée pour ce que Caroline en attend, qu’à peine débarrassée de son châle et de son chapeau, elle attaque sa cousine en passant ses mains sous ses jupes, essayant de prendre des à-comptes sur les plaisirs qu’elle s’est promis en venant lui faire une visite à cette heure.) Attends un peu, je vais faire défendre ma porte pour plus de précaution. (Elle sort un instant et rentre après avoir donné cet ordre.) Voilà qui est fait… Passons maintenant dans mon cabinet de toilette, et allons faire prendre un bain d’eau froide alcoolisé à nos pays-bas. MARIE. Tiens ! pourquoi cela ? 53 CAROLINE. Parce que c’est une excellente préparation à de voluptueux combats. Puis, c’est mon habitude. MARIE. Ah ! je ne savais pas. C’est une singulière habitude, il me semble. CAROLINE. C’est aussi une habitude que tu dois prendre, car un grand soin de propreté de ces parties délicates est de première nécessité ; cela entretient leur fraîcheur, donne à la peau une fermeté et une élasticité qui ajoutent aux charmes du toucher, de la vue et de l’odorat, et maintient leur sensibilité. (Les jeunes filles passent dans le cabinet. Caroline met en évidence bidet, serviettes, savon, eaux de senteur, enfin, tous les objets nécessaires à la toilette secrète de la femme la plus recherchée. Marie, placée Sur le bidet, s’apprête à commencer l’opération.) CAROLINE. Non, chère belle, laisse-moi faire ; je veux moi-même t’enseigner comment on doit procéder. (Ceci dit, Caroline s’empare du conin de sa cousine, le savonne, y introduit délicatement les doigts d’une main, ce 54 qui ne l’empêche pas avec l’index de l’autre, de polissonner dans le trou voisin. Ce genre d’ablution ne déplaît pas à notre néophyte. Aussi, à peine levée, veut-elle rendre à Caroline les mêmes soins qu’elle vient d’en recevoir.) Voilà qui est fait. Viens. Maintenant, je veux te faire goûter le nouveau plaisir promis, et que, par prudence pour ta santé, j’ai dû retarder jusqu’à présent. (Rentrées dans la chambre, les deux cousines s’arrachent réciproquement leurs chemises ; arrivées près du lit, Marie est la première à s’y élancer ; Caroline ne tarde pas à la suivre, et à se précipiter sur elle en la mangeant de caresses. Après quelques instants de ce jeu, qui allume le feu dans leurs sens, Caroline veut ramener Marie à l’action principale.) Voyons, un peu de sagesse ! Écoute mes instructions et suis-les exactement. Étends-toi sur le lit, la tête soutenue par l’oreiller… Bien, t’y voilà… Moi, je vais maintenant me mettre à cheval sur ta gorge, le derrière très-élevé et tourné du côté de ta figure… Je ne te gêne en rien ? es-tu à ton aise ? MARIE. Tu es très-bien ainsi. Sais-tu que cette posture est charmante ! Je vois ton cul, tes poils touchent mes lèvres, et je sens la chaleur de ton con. CAROLINE. 55 Eh bien ! introduis dedans ton doigt ; remue-le de haut en bas ; et pour le reste, tu imiteras ce que je ferai. (Caroline aussitôt courbe sa tête vers les cuisses de son élève, et, les lui faisant écarter, elle entr’ouvre avec précaution les lèvres de son conin ; et bien que, pour y introduire son doigt, elle s’y prenne avec une grande délicatesse, un cri douloureux échappe à la patiente à la première tentative d’introduction. Pensant alors qu’un agréable dérivatif peut seul neutraliser cette souffrance, tout en continuant son essai, elle applique ses lèvres brûlantes sur le clitoris de Marie, et commence avec sa langue un chatouillement que ne désavouerait pas la plus experte Lesbienne ; et pour en compléter la jouissance, de sa main restée libre elle sodomise son joli cul. Le moyen réussit à merveille.) MARIE (s’arrêtant un instant). Ah ! quel plaisir ; que ce nouveau divertissement est agréable ! CAROLINE (qui commence aussi à ressentir les atteintes du plaisir). Fichtre ! tu t’arrêtes ! Va donc toujours ! Répète bien sur moi ce que je vais te faire. (L’exécution de cet ordre est compris. Le jeu continue, et l’on n’entend bientôt plus que des soupirs… Les sensations 56 que nos deux amies éprouvent, augmentent par degrés et parviennent à un tel état d’intensité que, sans se quitter un instant, sans que leurs attitudes se dérangent, malgré leurs violents soubresauts, elles éprouvent par deux fois, coup sur coup, la volupté suprême.) CAROLINE Et MARIE (ensemble). Ah ! quel plaisir !… c’est à mourir ! (Ce frottement dans des parties si sensibles, cette contraction violente des nerfs et surtout ces deux décharges successives ont épuisé nos Lesbiennes ; elles sont dans un état d’anéantissement qui les force à un repos absolu. Cette léthargie voluptueuse un peu passée, c’est Caroline qui retrouve la première la parole.) CAROLINE. Eh bien ! mignonne, que dis-tu de ma leçon ? MARIE. Ah ! chère cousine ! toi qui dis qu’on ne doit jamais abuser, même des choses qu’on aime le mieux, voilà un passe-temps qui, si on l’employait souvent, pourrait bien en effet nous attirer les maux dont tu m’as parlé. CAROLINE. 57 Aussi n’est-ce que très-rarement et par exception que je me permets ces écarts de régime. Il a fallu la promesse que je t’avais faite de préparer les voies à la prise prochaine de ton pucelage, pour faire de telles folies. Maintenant que l’entrée de ton bijou a été un peu forcée, nous nous abstiendrons pendant quelque temps de toute fatigue, pour laisser le temps à la nature de reprendre les forces dont nous avons un peu abusé. Tu es jeune ; à ton âge et avec ta bonne constitution, ta santé ne doit pas en souffrir. Pour le moment, réparons un peu nos forces. Il y a là sur ma table de nuit un encas de Malaga et de quelques biscuits. Prends… Passe-moi maintenant ton verre… Tiens ! je vais connaître ta pensée. MARIE. Alors, tu vas voir si je t’aime. CAROLINE. Est-ce que j’en doute ? Viens, friponne, que je t’embrasse encore ! Je crois que si j’écoutais mon goût, je deviendrais réellement amoureuse de toi. MARIE. Est-ce vrai qu’il y a des femmes amoureuses d’autres femmes ? 58 CAROLINE. N’en sois pas surprise, oui, il y en a qui ont cette passion. MARIE. Je te crois, mais cela ne doit pas être bien répandu. CAROLINE. Plus que tu ne crois, surtout dans certains pays. Ainsi, les femmes du Midi s’y livrent plus que celles du Nord ; le climat et la chaleur de leur tempérament les y portent. Dans l’antiquité, ce goût était très-commun ; il était même en honneur dans certaines villes de l’Italie et de la Grèce ; les dames les plus distinguées de Rome et d’Athènes ne s’en faisaient pas faute ; cela était tellement dans les mœurs payennes, qu’il n’altérait en rien l’attachement des amants pour leurs maîtresses, et réciproquement des maîtresses pour leurs amants. Car tu sauras qu’il y a aussi des femmes qui associent leurs amants à ce genre de plaisirs. MARIE. Je ne trouve point ce goût déraisonnable, car le plaisir que l’on y trouve vaut bien que l’on se passe cette fantaisie. CAROLINE. 59 Je vois que je n’aurai pas grande peine à te former aux plaisirs de tous genres, et que tu seras bientôt capable de me donner des leçons. MARIE. Moque-toi de moi si tu veux, je te dis ce que je pense. Mais, dis-moi donc, toi-même, n’as-tu pas un peu ce goût ? CAROLINE. Je ne m’en défendrai pas. Sans en faire mon genre de prédilection, je t’avouerai que quand l’occasion s’en présente, je ne la fuis pas, et si j’avais quelqu’un de sûr à y associer… MARIE. Eh bien ! ne peux-tu pas compter sur moi ? CAROLINE. Je saurai profiter de ton offre ; mais je ne puis pas toujours t’avoir près de moi. MARIE. Eh bien ! n’as-tu pas M. de Sarsalle ? CAROLINE. 60 Quant à cela, je ne sais s’il y voudrait consentir. MARIE. Tu ne l’as donc jamais engagé à s’y livrer avec toi ? CAROLINE. J’en ai bien eu l’idée ; car cela apporterait dans nos réunions une variété et un piquant qui ne pourrait qu’augmenter nos plaisirs. MARIE. Laisse donc ; il doit t’aimer assez pour ne pas se refuser à ce caprice ; à ta place, j’essaierais, je lui ferais des avances, je le provoquerais. Je t’assure que si je le connaissais un peu plus, je saurais bientôt ce qu’il en pense. CAROLINE. Avec ton air endiablé, tu serais bien capable de le faire. Tu vas me faire craindre ton voisinage ; tu es aussi jolie que moi, M. de Sarsalle t’a déjà remarquée, et que serait-ce donc s’il avait vu tout ce que je connais de ta jolie personne ! MARIE. 61 Fi ! la vilaine jalouse ! Je ne te ressemble pas, moi ! Si cela te convenait et qu’il y consentît, je laisserais bien venir Adrien. J’ai confiance en toi, et ne crains rien, quoique tes charmes égalent les miens. CAROLINE. Petite folle ! peux-tu avoir de pareilles idées ! Un garçon que tu connais à peine et que je n’ai pas encore vu, quelle imprudence ! Voilà de la vraie démence ! MARIE. Bah ! quand tu l’auras vu, tu le trouveras charmant. Tu l’aimeras même un peu, — pas trop, cependant, car je veux me réserver la meilleure part, — et dans quelque temps ma proposition ne te paraîtra peut-être pas si déraisonnable. CAROLINE. Si tu y tiens tant, nous verrons ; je n’ai point de parti pris à ce sujet. Mais occupons-nous d’abord de toi. Si ton Adrien, dans la visite qu’il me fera, tient tout ce que tu promets en sa faveur, je me ferai la protectrice de vos amours ; je veux m’occuper de vous procurer mutuellement les plus doux plaisirs, et si tu es toujours dans les mêmes dispositions, tu ne tarderas pas à voir tes vœux accomplis. Je désire même que le sacrifice se fasse ici, chez moi : j’en ferai une petite fête. Nous attendrons pour cela une absence du comte : je crois qu’elle sera prochaine. Jusque-là, tu me 62 promets de ne pas accorder à Adrien plus que par le passé, et surtout de ne lui confier rien avant que je ne t’y ai autorisée. MARIE. Je te le promets. Mais il se fait tard ; il faut que je te quitte afin de ne pas éveiller les soupçons de ma mère. Je suis cependant si bien auprès de toi !… Approche donc, que je t’embrasse encore… Adieu, cher ange ! 63 CINQUIÈME ENTRETIEN. Le salon chez Caroline. CAROLINE, MARIE, ADRIEN, ANTONIA. (Plusieurs semaines se sont écoulées depuis la séance que nous connaissons. La visite de l’artiste à Caroline a été faite ; Adrien a été trouvé bien de tout point et digne des destinées qu’on lui prépare. Présenté par Caroline au comte, il a aussi de ce côté parfaitement réussi. Le gentilhomme le voit avec assez de plaisir, et en a fait presque un commensal du logis. Pour cela, ses amours n’en sont pas plus avancés. Marie s’étant engagée de bonne foi avec sa cousine à ne rien laisser tenter de sérieux que sous ses auspices. Le comte a quitté Paris : Caroline peut donc se donner le petit divertissement promis ; aussi la nouvelle en est aussitôt envoyée à notre soupirant, avec invitation de se rendre chez elle le jour même en compagnie de Marie. Ils doivent prendre leur part d’un dîner qu’elle a fait préparer pour mieux les disposer aux joies de la soirée qu’elle présidera, et dont elle se promet aussi quelques jouissances. Le dîner a eu lieu. La maîtresse de la maison n’a pas ménagé ses hôtes. Caroline, très-animée, a cependant conservé toute sa tête, tandis que ses convives, moins habitués qu’elle à son 64 régime de table, n’ont plus guère la conscience de ce qu’ils disent ni de ce qu’ils font. En se levant de table, le joyeux trio passe au salon, toutes portes fermées. Dès leur entrée, Adrien, les yeux brillants et le teint animé, ne se possède plus. On ne peut reconnaître ce jeune homme si doux, si réservé : il est devenu d’une grande audace. Bouche, gorge, con, cul, tout est baisé, tout est peloté.) CAROLINE (à Marie). Mais il est enragé ! ma chère ; retiens-le donc ! MARIE. Dame ! c’est bien un peu toi qui l’a mis dans cet état ; ne vas-tu pas en avoir peur à présent ! CAROLINE. Il ne m’effraie pas, mais il est d’une brutalité qui passe les bornes. MARIE (bas à l’oreille de caroline). Vois donc le sillon que fait sur son pantalon ce qu’un soir il m’avait fait sentir. CAROLINE. Parbleu ! je ne suis pas aveugle ! 65 (Marie s’est instinctivement rapprochée d’Adrien, emportée qu’elle est par ses désirs, et sans savoir au juste ce qu’il en adviendra. Elle fait vivement sauter les boutons de la culotte ; aussitôt le prisonnier, mis en liberté, se présente fièrement aux yeux de nos deux belles.) CAROLINE. Quel gaillard ! MARIE. C’est un monstre ! Mais, ma chère, il est impossible qu’un semblable objet puisse entrer dans un lieu si étroit sans qu’on en soit estropiée. CAROLINE. N’aie pas cette crainte ; en s’y prêtant un peu, ça passera : on n’en meurt pas ; tu feras comme les autres. (Marie, que la vue de ce boute-joie a d’abord tant effrayée, parce qu’elle n’a jamais vu un objet pareil qu’aux statues et à l’état de repos, poussée par la curiosité et surtout par les désirs qui la brûlent, ne peut se retenir ; elle s’en empare, elle le caresse ; elle va même jusqu’à en découvrir le bout, et avec ses doigts délicats elle en fait baisser et hausser la peau ; à ce jeu, une crise est bientôt inévitable ; aussi Caroline, qui voit le danger, s’empresse-t- 66 elle d’arrêter ce badinage, qui ne remplit pas le but qu’elle s’est proposé en les réunissant chez elle.) CAROLINE. Mais, maladroite, tu vas lui faire tirer sa poudre aux moineaux ! Il a ce soir bien meilleure occasion de l’employer. MARIE. Eh bien ! puisqu’il le faut, qu’on en finisse donc ! qu’il me le prenne, ce fameux pucelage ! Qu’il me fasse souffrir ! ça m’est égal ; mais qu’on éteigne les feux qui me consument ! Je ne veux plus attendre. CAROLINE. Si tu es bien décidée, alors, vite donc, en tenue de combat ; tu vois, je te donne l’exemple ? (Marie s’empresse d’imiter sa cousine, et nos deux belles, s’aidant mutuellement, se trouvent bientôt dans l’état des trois déesses devant le berger Pâris. Notre artiste, qui n’a jusqu’à présent laissé voir à ces dames que les représentants de sa virilité, est bientôt aussi débarrassé par elles de tout ce qui peut s’opposer à leurs regards libertins. Ce déshabillement général n’a pu s’obtenir sans beaucoup d’attouchements de part et d’autre, ce qui ne peut manquer d’activer la circulation du sang, d’augmenter les désirs, et 67 de précipiter la scène principale attendue avec impatience par chacun des acteurs. Caroline, toujours à son rôle, n’oublie pas les détails et les précautions nécessaires. Aussi, elle leur laisse un instant de liberté, pour préparer la lice que devront occuper les combattants. Tout est prêt ; il n’y a plus qu’à engager l’action.) CAROLINE. Attendez, mes enfants ; avant de procéder au sacrifice, et comme grande-prêtresse, je demande à en régler toutes les scènes et tous les actes. MARIE. C’est ton droit, j’y consens ; mais, de grâce ! dépêche-toi. ADRIEN. Ne me faites pas trop attendre, ou je ne respecte plus rien ! CAROLINE. Allons, mes amis, encore un peu de patience. Je vais d’abord m’établir dans ce fauteuil, cuisse de ci, cuisse de là. Maintenant, Marie, viens ici ; mets-toi à genoux devant moi, entre mes jambes. Prends mes fesses avec tes deux mains. Bien, c’est cela. Penche ta tête sur ma motte ; que ta bouche touche les lèvres de mon con, et que ta langue soit 68 prête à tout… Comme tu comprends !… À vous maintenant, monsieur le pourfendeur. J’espère que cette position est à vos souhaits. Quelle perspective je vous ai préparée ! Quelle chute de reins, quel cul ferme et rebondi ! Surtout, pas d’erreur ! J’ai choisi cette posture comme la plus commode à votre entreprise, comme celle qui, sans trop de douleur, doit vous livrer cette fleur que Marie vous a conservée. Maintenant, que chacun de vous remplisse son devoir avec ardeur et avec adresse. Avec un tel gaillard, je réponds de la réussite. (Le groupe s’arrange. Les choses d’abord vont au mieux. Le bout du vigoureux priape, préalablement enduit d’une huile odorante, et poussé avec ménagement, pénètre sans trop de difficulté, et le plaisir extrême que Marie ressent des caresses de Caroline lui faisant mépriser toute douleur, elle donne un coup de cul si violent, que le membre redouté enfonce jusqu’aux poils. Malgré sa volonté, un cri s’échappe de la poitrine de Marie.) MARIE. Oh ! oh ! quelle douleur ! Enfin, y est-il ? Je suis sûre qu’il est entré. (Caroline, avec son expérience habituelle, supposant que l’ex-pucelle peut compromettre le dénoûment d’une scène si bien commencée, glisse aussitôt sa main vers la partie voisine de la blessure, et par un chatouillement de ses doigts 69 exercés elle neutralise facilement l’effet de la douleur. Aussi des élancements précipités, des serrements de cul réitérés et de très-gros soupirs annoncent que la crise est prochaine. En effet, à cet état convulsif succède une sorte d’agonie voluptueuse. La tête de Marie penchée se détourne, ses bras se détendent, le sacrifice est accompli !… Caroline, qui par la vue et le toucher a éprouvé la première tout ce que l’imagination la plus ardente peut désirer, vient elle-même de terminer sa crise. Ayant mieux conservé sa raison que ses compagnons, elle voit de suite le danger que peut courir sa chère Marie, si elle reçoit sans précaution la chaude offrande de son vainqueur. S’arrachant aux étreintes amoureuses de sa compagne, qu’elle laisse glisser sur le coussin du fauteuil, elle s’attache aux flancs du bienheureux fouteur, et par un mouvement brusque et imprévu elle le déloge du gîte où il s’escrimait si bien. La semence qui bouillonne, et que jusqu’à présent il a volontairement retenue, excitée par la main habile de Caroline, s’échappe avec furie et vient, comme la lave d’un volcan, se répandre sur la croupe de la nouvelle initiée.) CAROLINE. Fichtre ! quel déluge ! Imprudent ! qu’alliez-vous faire ? ADRIEN. Terminer la besogne à laquelle vous m’aviez convié, et dont je ne sais pour quel motif vous m’enlevez la plus 70 grande et meilleure part. MARIE. Méchante cousine ! CAROLINE. Bien méchante, en effet, d’avoir prévu et empêché une action qui, pour un instant de plaisir, pouvait amener dans tes amours les plus grands embarras. Ma belle, la plus difficile besogne est faite : te voilà maintenant au rang des femmes ; mais il te faudra prendre un peu de patience et calmer tes désirs. Ton éducation n’est pas complète, et tu dois attendre, pour te livrer sans crainte et en toute liberté aux plus délicieux transports de l’amour, que je t’indique les moyens de te préserver des suites presque inévitables de cette passion. ADRIEN. Ma belle Marie, Caroline a raison ; je me range à ses avis, et te prie d’attendre et suivre ses instructions. MARIE. J’y consens ; mais à la condition qu’on m’apprendra de suite ce moyen. CAROLINE. 71 Quelle impatience ! Allons d’abord nous rafraîchir. (Cette proposition acceptée, on court au cabinet de toilette, et, sous prétexte de s’entr’aider dans les petits soins de propreté, les mains voltigent partout, s’arrêtant volontiers sur les parties qu’on sait les plus sensibles. Aussi les ablutions calment fort peu la chaleur des désirs : c’est de l’huile qu’on jette sur le feu. Marie, dont l’excitation par ce jeu a été portée à son comble, devient pourpre de plaisir. Ses yeux brillants dévorent le corps de son amant ; ses lèvres enflammées cherchent dans ses baisers à lui dérober son haleine. Ce n’est plus cette jeune fille que nous avons vue si timide, au maintien si décent : c’est une bacchante aux allures lubriques qui cherche, sent et veut sa proie. Bravant toute pudeur, elle enlace de ses bras amoureux ce corps qu’elle convoite ; elle-même de nouveau, et résolument, elle veut mettre le dard dans la plaie toute fraîche. Caroline, qui avait prévu cette reprise, s’est approchée de Marie et a introduit à l’insu d’Adrien une éponge très-fine[1] dans le bijou de sa compagne. Alors rassurée sur le dénoûment spermatique qui doit avoir lieu, elle continue ses ablutions. Nos deux amoureux, dont les feux sont inassouvis, laissent Caroline et retournent au salon où ils se remettent d’eux-mêmes en action. Marie, n’ayant plus besoin d’aide, a repris la place et la position qu’elle occupait au premier assaut. Les choses vont donc bon train au moment où Caroline rentre au salon.) 72 CAROLINE. Oh ! oh ! mademoiselle la débutante, comme vous allez ! Quels coups de cul ! Attendez-moi donc ! (Elle force les combattants à se séparer ; et reprend la place qu’elle occupait précédemment La position est à peu près la même pour chaque personnage. L’action recommence, et Marie éprouve tant de plaisir à cette reprise que, dans le désordre de ses sens, elle n’entend plus rien, et si notre fouteur, en quittant sa bouche pour la jolie gorge de sa partenaire, ne laissait sa tête libre, notre si complaisante Caroline n’aurait qu’une bien petite partie du festin préparé par elle. Profitant donc avec adresse de l’incident, elle prend délicatement la tête de Marie entre ses cuisses, de façon que la chaleur de ses charmes et le chatouillement que produisent les poils sur ses lèvres, lui rappellent l’endroit où elle est, et ce qu’en bonne camarade elle doit y faire. Marie comprend ce que l’on attend d’elle, et s’y prête de la meilleure grâce possible.) CAROLINE. À la bonne heure ! Tu comprends et tu y viens, petite ingrate ! C’est cela… au moins ainsi je vais participer un peu à vos plaisirs, et je vais encore les augmenter. Qu’Adrien se confonde le plus possible avec toi. En me courbant, je pourrai étendre mes mains jusqu’au bas de ses fesses, et caresser la racine de son vit et ses dépendances, de 73 manière à aider par le chatouillement de mes doigts les élans de sa virilité. (Elle met à exécution ce qu’elle dit, et Adrien, ne pouvant résister à l’agilité de ses doigts, décharge aussitôt) CAROLINE. Eh bien ! monsieur, quoi ! déjà ? ADRIEN. Comment voulez-vous que je résiste à tant de volupté à la fois ? CAROLINE (à adrien qui s’est arrêté). Mais, allez donc toujours ! ne voyez-vous pas que cette pauvre enfant n’est pas encore arrivée ? (Adrien reprend avec une nouvelle ardeur, et bientôt deux ou trois vigoureux mouvements de reins, suivis d’une douce extase, annoncent que Marie est parvenue au comble de la jouissance.) MARIE. Je n’en puis plus !… Assez !… assez !… 74 (À peine Marie a-t-elle repris ses sens, que son premier mouvement est de se jeter dans les bras de ses compagnons. Elle les accable de caresses, tant sont grandes sa joie et sa reconnaissance des plaisirs qu’on lui a donné.) MARIE. Je suis brisée, anéantie ! Quelles sensations inconnues ! Je n’aurais jamais pensé un tel bonheur ! C’est ainsi que doivent être les joies du paradis. ADRIEN. Maintenant, mes belles amies, j’espère que vous ne laisserez pas mon admiration sans être satisfaite, et que vous me laisserez voir et contempler à loisir et en détail toutes vos beautés, ces chefs-d’œuvre de la nature, qu’auraient enviés pour modèles les plus grands artistes d’Athènes et de Rome, et que vous ne m’avez laissé que le temps d’entrevoir. (Notre amateur saisit nos deux beautés et dévore des yeux, en caressant de ses mains et de ses lèvres, les parties les plus secrètes de leur corps.) CAROLINE (avec des demi-façons). Quel feu ! quelle chaleur, monsieur l’enthousiaste ! Vous avez une singulière façon d’admirer la nature ! (À Marie.) Mais, arrête-le donc, ma chère, il ne respecte plus rien ! 75 MARIE. Bah ! laisse-le faire, puisqu’il y trouve tant de plaisir. CAROLINE. Mais tu ne vois donc pas où il a la main et ce qu’il veut y mettre ? Oh ! pour cela, non, monsieur ; cela ne sera pas, je ne veux pas ! Après tout, ce n’est pas votre bien. ADRIEN. Pourquoi me refuser ce plaisir après celui que vous m’avez procuré avec Marie. Craignez-vous qu’elle s’en offense ! Pensez-vous qu’après les deux sacrifices que je viens de faire, il ne me soit plus possible de vous faire pareille offrande. Détrompez-vous. Venez, je vais vous donner les preuves du contraire. MARIE. Laisse-toi faire, Caroline ; que crains-tu ? une indiscrétion ? Il serait un peu tard. Crains-tu de me déplaire ? Non, Caroline, je vous aime tendrement tous les deux. Pourquoi serais-je jalouse d’un moment de plaisir auquel les sens seuls participent ? Adrien est aussi beau que tu es belle : j’ai permis votre rencontre et votre intimité, je ne dois pas être surprise que mon amant ait produit sur toi l’effet auquel je n’ai pu échapper ; ne sois donc pas étonnée de me voir me prêter à ta fantaisie. Sois franche, tu grilles 76 de te voir dans ses bras ? Eh bien, je t’y mettrai si cela est nécessaire ; Adrien serait un égoïste et ne mériterait pas mon amour si cette tolérance de ma part pouvait altérer en rien son sentiment. Viens donc, chère amie, viens, sans hésitation, recevoir la preuve de sa reconnaissance. CAROLINE. Non, ma chère, non, jamais je ne consentirai à recevoir par là l’offrande de ton amant Ce n’est ni par dédain ni par indifférence : ces deux sentiments sont loin de ma pensée. Mais soit préjugé, soit caprice, je me suis fait la loi de ne jamais laisser pénétrer par là un autre que le comte. C’est son bien, et tant que notre liaison durera, cette résolution sera scrupuleusement respectée. Voyez, mes amis, dans quel état m’ont mis vos différents jeux. Je ne vous cache pas les désirs et les feux qu’ils ont allumés, — les preuves en sont palpables, — mais ma résolution est inébranlable, et il faut s’y résigner. MARIE. Je t’aime bien avec ton par là ! par là ! N’est-il pas quelque moyen de capituler avec ce par là ? par ici, par exemple ? (En disant cela, Marie, qui avait appris dans ses entrevues précédentes qu’une jolie femme n’a pas qu’un endroit pour 77 le plaisir, introduit son doigt dans le trou mignon de son amie.) CAROLINE. Mais, petite libertine, sais-tu que c’est abominable ce que tu me proposes ? MARIE. Ne m’as-tu pas dit qu’une femme était belle n’importe de quel côté, et que tout était permis, pourvu qu’on ne nuisît ni à sa considération, ni à sa santé, ni à son prochain ? Adrien est d’une discrétion à toute épreuve, d’une santé parfaite. Quant au prochain, je ne vois pas trop le tort qu’il peut éprouver dans cette affaire. ADRIEN. Marie a raison, divine amie : partout chez vous séjourne la volupté. Et pourquoi aurais-je moins de satisfaction à cueillir cette fleur, d’autant plus précieuse pour moi qu’elle ne se donne qu’aux élus de l’amour ? Rendez-vous donc à mes désirs, et soyez assurée que le plus inviolable secret en sera gardé. (Pendant cette supplique amoureuse, Marie, devenue par les leçons de Caroline très-savante dans l’art de faire des caresses irrésistibles, veut essayer ses forces sur sa propre 78 maîtresse, et pour vaincre son hésitation, elle attise par les attouchements les plus lubriques le feu qui déjà la brûle.) CAROLINE. Petite endiablée, comment résister à de tels arguments ? Je n’y tiens plus. Va, fais ce que tu voudras ! (Nos deux tentateurs s’empressent de profiter de ce moment de délire. Marie ne lâche pas son amie, et, courbant sur un fauteuil la victime qui ne fait plus aucune résistance, elle présente au sacrificateur agenouillé une mappemonde irréprochable. Elle même, à genoux près du groupe, ne dédaigne pas d’aider au sacrifice en mouillant l’entrée de la voûte indiquée. La tête de ce superbe boute-joie est restée d’une raideur à prouver qu’il peut facilement percer cette fleur qu’on veut bien lui abandonner. Non contente de ce soin, dans la crainte de la douleur des premières difficultés, (suivant en cela l’exemple de Caroline), elle a passé son autre main entre les cuisses de la patiente, prête à porter secours si cela devient nécessaire. CAROLINE. Doucement donc, affreux homme ! Il est trop gros, il n’entrera jamais ! vous allez me blesser ! MARIE (surveillant l’opération). Patience, ma chère ; tiens, voilà la tête déjà entrée ! 79 CAROLINE. Ah ! il me fait mal ! Arrêtez un peu. Allez maintenant… encore !… Je le sens qui pénètre plus avant, cousine. (Caroline, qui sent le frottement des poils contre ses fesses, ne peut douter de l’introduction complète ; aussi s’écrie-telle :) Ah ! le gredin ! l’y voilà en entier ! Toi, chère Marie, introduis ton doigt dans mon bijou ; enfonce, enfonce… Ah ! mes amis, maintenant, allez bien ensemble ; poussez… Arrive qui plante, je me moque de tout !… Ah ! foutre, il inonde mon derrière ; ma foi ! je n’y résiste plus, je pars aussi. Tiens ! cher Adrien ; ah !… je décharge ! MARIE. Très-bien, madame la puritaine ; il paraît que, quelque abominable que soit la chose, elle a aussi son bon côté. CAROLINE (un peu apaisée). Que veux-tu ? Il faut bien que j’en convienne. Voilà un exemple de la fragilité humaine. Il prouve que si avec une bonne nature on peut toujours répondre des sentiments de son cœur, il n’en est pas de même de son tempérament. Par imprudence, par curiosité, nous laissons parfois germer dans notre imagination des désirs violents ; puis, ne pouvant plus les maîtriser, nous sommes entraînées au delà des limites de la raison. MARIE. 80 Voilà de grands mots pour une bien petite chose. Tu as été entraînée au delà des limites de la raison ! Pourquoi cela ? parce que tu as bien voulu permettre à un beau garçon de te mettre par derrière ce que ton amant te met chaque jour par devant ? Tu n’as pas à compter avec ta conscience ; tu ne fais tort à personne, pas même au comte, puisque tu n’as abandonné qu’une chose dont il ne se sert jamais. Tu ne dois compte qu’à toi-même de ton action : à quoi bon des scrupules ? Je ne sais pourquoi, ta curiosité éveillée, tu n’aurais pas satisfait ton envie de connaître ce plaisir nouveau qui t’était inconnu. Si, comme je le pense, tu n’as pas été déçue dans ton espoir, sois en repos. Plus de réflexions ! Viens nous embrasser, et instruis-nous sur ce genre de jouissance que je veux aussi connaître. CAROLINE. J’ai éprouvé, je vous l’avoue, des sensations infinies, quelque chose de piquant dont je ne puis exprimer les délices, et qui ne ressemblait à rien de ce que j’ai ressenti jusqu’à présent ; mais je crois bien ; mes amis, que votre présence et les caresses de mignonne ont bien aidé un peu à ma jouissance. Aussi je pense que cette débauche de l’amour perdrait beaucoup de sa vivacité pour notre sexe, si elle n’avait pas pour auxiliaire une aussi jolie compagne que toi. Je comprends ce moyen employé par les femmes qui, par suites de couches, ont avec un ventre plissé l’entrée de la matrice très-élargie. Il y a pour celles-là tout avantage. Elles peuvent, en présentant le combat de cette façon, 81 dissimuler sûrement les ravages de leur personne. C’est pour elles une grande ressource. Par ce moyen elles réveillent et entretiennent l’appétit de leurs maris ou de leurs amants. Pour nous, cela ne peut être qu’une variété de nos jouissances, que nous pouvons chercher quelquefois par caprice, mais dont pour mon compte je ne ferai jamais habitude. MARIE. Je pense comme toi certainement, mais je n’en ai pas moins une terrible envie d’en essayer un peu. ADRIEN. De suite, si tu le veux ! CAROLINE. Ce ne serait toujours pas en ce moment, monsieur le présomptueux. Offrir et tenir, vouloir et pouvoir sont choses bien différentes. Vois, Marie, dans quel état d’humilité est son boute-joie, et c’est avec cela que monsieur prétend exécuter une nouvelle prouesse ! ADRIEN. Il suffirait d’une seule caresse de vos douces mains, mes syrènes ; vous verriez immédiatement qu’un peu de repos 82 n’est pas l’impuissance, et que je n’avance que ce que je puis tenir. Essayez ! MARIE. Soyons bonnes filles, Caroline. Si tu refuses, moi je risque l’aventure ! CAROLINE. Tu vas devenir enragée si cela continue. (Les deux femmes, dont la bonne volonté ne peut faire défaut, s’emparent résolument du suppliant engin, qui dans ce moment fait piteuse mine. L’une s’amuse à coiffer et décoiffer sa tête, l’autre à chatouiller ses dépendances, et cela si gentiment, qu’en un instant il se relève fièrement et par sa fermeté démontre parfaitement qu’il peut tenir ce qu’Adrien a promis.) MARIE. Tu vois ! Ce que femme veut… CAROLINE. Le diable le permet, nous savons cela. (Caroline, qui tient à se débarrasser de la copieuse décharge qui est restée dans son derrière, convie ses joyeux 83 compagnons, avant de passer à de nouveaux ébats, à venir se purifier des résultats des plaisirs passés. Chacun cette fois procède vivement à ses ablutions, désireux qu’ils sont d’arriver promptement à quelque chose de nouveau. Marie, qui voit que le membre de son amant, malgré la fraîcheur de l’eau, n’a rien perdu de sa fermeté, ne peut s’empêcher d’y porter les lèvres, d’en baiser le bout vermeil et de l’introduire même dans sa bouche.) CAROLINE. Ne t’amuse donc pas ainsi à la bagatelle ! MARIE. Mais regarde-le : c’est du fer ! CAROLINE. Je le vois bien. Aussi ne perdez pas votre temps. Venez dans ma chambre à coucher pour mettre votre projet à exécution. Mon lit présentera bien plus de commodités que mes meubles du salon. (Ceci dit et fait, Caroline se précipite sur le lit et s’y étale de tout son long, couchée sur le dos et la tête aux pieds.) Viens, mignonne ; mets-toi à cheval sur ma tête, tes cuisses très-écartées, de manière que mes yeux puissent voir facilement ce qui se passera au-dessus d’eux, et que ma langue soit à portée de rendre service à ton affamé minon. 84 Te voilà placée on ne peut mieux ! Penche-toi maintenant en avant Avec tes mains empoigne ferme mes fesses. Petite pressée, attends donc… pas encore… et vous, monsieur le sodomite, à genoux entre les jambes de Marie, votre vit en main, pointé sur le trou à perforer… Marie, tiens donc bien ton derrière levé !… Pas là, maladroit ! Vous êtes trop bas ; vous glissez chez le voisin… Plus haut… tenez, laissez-moi vous diriger… Vous y êtes enfin ! À la rescousse à présent ! que chacun fasse son devoir, et Vénus pour tous ! (Marie, en fervente et vaillante sectatrice du culte de Paphos, reçoit les premiers assauts avec tant d’intrépidité, que l’introduction d’un si gros membre dans son cul se fait sans le plus petit mouvement de sa part, et que, si Caroline ne suivait des yeux le mouvement de l’opération, elle ne pourrait croire à la prise si subite d’un passage aussi étroit. Malgré l’âpreté de ses sensations, Marie n’a pas un instant interrompu sur son amie le service de sa langue et de ses doigts. Les plaisirs qu’elle donne, comme ceux qu’elle reçoit, ne font que stimuler davantage les mouvements de son derrière. Quant à Caroline, placée comme elle est, elle voit aller et venir ce superbe vit dans le trou mignon de sa cousine. Elle sent parfois frôler sur son front les deux compagnons qui se balancent au-dessus de sa tête ; aussi l’excitation est si forte, que malgré sa volonté de retenir sa jouissance, elle atteint la première le but ; mais, en bonne fille, elle n’en continue pas moins à augmenter de tout son pouvoir le plaisir de ses amis. Un frisson général, suivi de la cessation de tout mouvement, annonce qu’aussi au-dessus 85 d’elle la crise sublime est arrivée. La voluptueuse spectatrice n’a pas encore quitté sa place ; elle veut tout voir jusqu’à la fin, même la retraite de l’assiégeant ; ce qui fait qu’elle reçoit sur les yeux, par le fait même de cette retraite, quelques gouttes de sperme.) CAROLINE (se débarrassant d’entre les cuisses de marie). Fichtre ! voyez le maladroit ! me voilà aveuglée ! MARIE. Je ne sais si c’est un baume excellent pour éclaircir la vue, mais je ne l’emploierai pas pour rafraîchir les intestins ; car j’ai le derrière tout en feu. (Cette quatrième reprise terminée, le repos est devenu absolument nécessaire. D’ailleurs, Caroline, fidèle à son système, dans la crainte de la satiété évitant de pousser le plaisir jusqu’à l’excès, juge qu’il est prudent d’arrêter ces ébats. Elle engage donc ses hôtes, après qu’ils ont fait de nouvelles ablutions, à repasser au salon ; et craignant que l’état de pure nature où ils sont restés ne rallume des feux plutôt apaisés qu’éteints, elle donne elle-même l’exemple en reprenant ses vêtements.) CAROLINE. 86 Voyons, je ne puis renvoyer ainsi de si bons travailleurs ; je ne veux pas les quitter sans que leurs forces soient un peu réparées. Je vais faire descendre Antonia, qui seule peut trouver ce qui nous est nécessaire. MARIE. Comment ! tu vas te livrer à la discrétion de ta femme de chambre ? CAROLINE. Pourquoi pas ? Tous mes gens sont couchés, personne à l’office ; Antonia seule veille encore, et je suis sûre d’elle. Et d’ailleurs, j’espère que, rassasiés de volupté et dans l’état décent où nous voilà, Antonia ne pourrait que témoigner contre tout mauvais rapport. (Antonia, arrivée à l’appel de la sonnette de sa maîtresse, s’empresse d’exécuter ses ordres. Le buffet, mis à contribution, fournit amplement l’encas d’une collation. Antonia, quoique habituée aux excentricités de sa maîtresse, ne peut cette fois se défendre d’une certaine contrariété. Son visage, ordinairement si plein de bonne humeur, est triste et résigné ; son service se fait avec intelligence, mais sans entrain. Cette manière d’être d’Antonia ne peut échapper à la clairvoyante Caroline, qui, connaissant à fond le caractère de sa camériste, ne veut pas la pousser à bout. D’ailleurs, maintenant que son caprice est contenté, elle a 87 hâte de se débarrasser de ses hôtes, ce qui s’exécute avec force protestations de reconnaissance et surtout avec l’assurance du plus inviolable secret. Antonia est chargée de les conduire jusqu’à la porte de l’appartement ; cela fait, elle retourne à la chambre de sa maîtresse pour son service du coucher ; elle s’apprête à faire la couverture, lorsque, apercevant le lit en désordre.) ANTONIA. Madame ou quelqu’un de la société a donc été indisposée ce soir ? CAROLINE. Voila, mademoiselle Antonia, une question qui ressemble furieusement à une indiscrétion. ANTONIA. Madame pourrait supposer… CAROLINE. Je ne fais point de suppositions, mais je crois ce que je vois. Que voulait dire cet air maussade pendant le souper ? Tu sais cependant très-bien, ma fille, que je n’aime ni la bouderie, ni la curiosité. As-tu à te plaindre de ta condition ? Tu as toujours été traitée ici par moi moins en domestique qu’en enfant gâté, mais ce n’est pas une raison 88 pour que tu en abuses. Après tout, qu’as-tu ? Je veux savoir la cause de ce chagrin. Voyons, parle. ANTONIA. Je n’ai rien ! CAROLINE. Eh bien ! puisque toi, d’ordinaire si franche, si confiante, tu ne veux rien dire, je dois parler pour toi : mademoiselle est jalouse comme un vieux chat de toute nouvelle figure qui vient ici. Ne faudrait-il pas que je demandasse à mademoiselle Antonia la permission de recevoir mes amis ! ANTONIA (ne pouvant retenir ses larmes). Ah ! ma bonne maîtresse, excusez-moi. Que voulezvous ? c’est plus fort que ma volonté ; vous êtes si indulgente, vous m’avez toujours montré tant de bienveillance, que chaque fois que je vois ici un nouveau visage, je crains toujours qu’on ne vienne m’enlever une part de votre… CAROLINE. Affection, n’est-ce pas ? c’est cela que tu veux et que tu n’oses dire ? ANTONIA. 89 Le respect que je dois à madame… CAROLINE. Parbleu ! après ce que je te permets quand nous sommes entre nous, je me moque parfaitement de ton respect ! Ce que j’exige de toi, si tu veux que nous restions bien ensemble, c’est que devant des étrangers, quoique tu voies, quoique tu entendes, tes yeux et tes oreilles soient fermés ; et surtout de ne jamais, comme ce soir, rien faire paraître qui puisse donner le moindre soupçon de nos relations. À cette condition, tout est oublié. ANTONIA. Ah ! que vous êtes bonne ! CAROLINE. Ne t’y fie pas trop cependant. Ces enfantillages de jalousie pourraient me fatiguer. Est-ce que je t’empêche de voir à ton aise ton amant ? Est-ce que je ne ferme pas les yeux quand le comte te fait des agaceries ? Imite-moi donc, et sois plus calme à l’endroit de mes caprices. ANTONIA. Mademoiselle Marie est si jolie ! CAROLINE. 90 Eh bien, après ! Cela t’ôte-t-il de la valeur, et crois-tu que je ne puisse, sans te faire tort, lui donner un peu de mon affection ? Marie est ma parente, c’est une brave fille ; elle avait besoin de mon appui, devais-je le lui refuser ? Et quant à toi, j’espère bien qu’à l’avenir, si tu veux m’être agréable et conserver mon attachement, tu seras aussi gentille avec elle que tu as été réchignée jusqu’à présent. Je te promets que tu n’auras pas à t’en repentir. (Sans répondre à cette proposition, Antonia termine son service, ce qui n’est pas une petite affaire, Caroline, avant de se mettre au lit ayant pour habitude de faire une toilette aussi complète qu’à son lever ; les dents, les cheveux, les pieds, rien n’est oublié ; en un mot, tout le corps est de nouveau lavé, nettoyé avec le plus grand soin.) CAROLINE. Bien, voilà qui est fait. Tu ! peux aller te coucher, et n’oublie pas mes recommandations. (Antonia se retire tristement et sans rien dire.) CAROLINE. Antonia ! ANTONIA. Madame ? 91 CAROLINE. Tu as donc bien du chagrin de ce que je t’ai dit ? Tu m’en veux, n’est-ce pas ? ANTONIA. Je n’ai pas ce droit, madame. Je ne dois qu’obéir, et madame sera obéie. CAROLINE. Tu m’agaces avec tes semblants d’obéissance ! Je ne te demande qu’une chose : aime-moi moins. ANTONIA. Est-ce possible ? CAROLINE. Certes, ma fille ; d’ailleurs, l’excès dans tout est un défaut, et ton attachement devient fatigant. Allons, voilà encore que tu recommences à pleurer ! ANTONIA. Excusez-moi, madame ; donnez-moi le temps de m’habituer à ce langage, et vous serez satisfaite. CAROLINE. 92 Eh bien, pour te donner le temps de calmer ton chagrin, je désire et j’espère que, cette fois, tu voudras bien m’obéir : tu passeras cette nuit près de moi ! (À cette proposition inattendue, le visage de notre camériste change subitement d’aspect ; de triste et soucieux qu’il était, il devient rayonnant de joie ; aussi le premier mouvement de la consolée est de se jeter sur les mains de sa maîtresse, qu’elle baise avec passion.) CAROLINE. Cela te rend donc bien heureuse ? ANTONIA. Vous savez bien qu’être toute une nuit la compagne de ma maîtresse, c’est pour moi le suprême bonheur ! CAROLINE. Viens donc alors ; mais nous serons sages, car je suis fatiguée et tombe de sommeil. (Après cette autorisation, Antonia s’empresse de faire aussi sa toilette de nuit ; puis elle se glisse près de sa maîtresse, qui ne peut s’empêcher de lui donner un bonsoir à la florentine ; mais ces avances en restent là, et bientôt le sommeil vient la surprendre dans les bras de sa fidèle et dévouée Antonia.) 93 1. ↑ Voir Instruction libertine. 94 SIXIÈME ENTRETIEN. La chambre à coucher de Caroline. CAROLINE, MARIE. CAROLINE. Comment ! c’est toi, sans te faire annoncer ! Tu m’as presque effrayée ! MARIE. Ma foi ! ne trouvant personne dans l’antichambre, je m’annonce moi-même. CAROLINE. Il paraît que je suis bien gardée ! MARIE. Je crois que tu peux être tranquille. S’il y avait pour toi le plus petit danger, est-ce que ton chien de garde ne serait pas là ? C’est égal, il faut que mademoiselle Antonia soit 95 sérieusement retenue ailleurs ; car dans cette maison on ne peut faire un pas sans l’avoir sur ses talons. CAROLINE. Est-ce qu’elle te gênerait ? MARIE. Non ; mais autant dans le commencement que je venais ici elle me faisait bon accueil, autant maintenant elle me reçoit avec méfiance. CAROLINE. Tu as donc fait cette remarque ? Sais-tu pourquoi elle agit ainsi ? MARIE. Pourquoi donc ? CAROLINE. Tu le sauras tout à l’heure ; mais dis-moi d’abord comment les choses se sont passées depuis tes noces, où l’hymen ne présidait guère, et néanmoins où tu as offert de si grand cœur à Adrien tout ce qu’une femme ne donne qu’à l’homme le plus aimé. 96 MARIE. Dame ! vois-tu, chère cousine, c’est que je l’aimais avec passion. Pour du plaisir, avant ce jour, j’en avais bien eu quelque peu dans tes bras, mais avec Adrien ç’a été bien autre chose. Outre l’extrême désir que j’avais de connaître ce qu’une femme peut éprouver dans son union avec un homme, il y avait surtout ce sentiment profond et sympathique pour Adrien qui depuis si longtemps s’était emparé de tout mon être, et m’aurait fait braver toute considération pour arriver à le posséder. Ne sois donc pas étonnée que j’aie tout donné et de si grand cœur. Puisque nous sommes sur ce chapitre, avoue, mignonne, que malgré la multiplicité des charmes que la nature a accordés à notre sexe, il n’y a pas de femme, quelque parfaite qu’elle soit, qui puisse tenir lieu d’un homme ; et maintenant que je connais par expérience les qualités que possède un amant et ce qu’on peut en faire, je puis bien aimer d’amitié une femme qui, comme toi, a une si bonne nature et tant d’attraits, je puis même avoir de grandes jouissances dans son intimité : mais me passer d’un homme !… jamais ! CAROLINE. Voilà une déclaration de goût qui s’arrange mal avec le service que je voulais te demander. MARIE. 97 Un service à me demander ? et tu doutes de moi ! Tu as été trop bonne, trop dévouée pour que j’hésite jamais à faire ce que tu souhaites. Ce service dût-il être en opposition avec mes nouvelles idées, je suis décidée à te le rendre. CAROLINE. Je n’attendais pas moins de toi, et je vois avec satisfaction que je ne choisis pas mal mes amies. MARIE. De quoi s’agit-il ? CAROLINE. D’une chose très-ordinaire, mais très-ennuyeuse que j’aurais dû prévoir et qu’imprudemment j’ai laissé arriver, et quoique tu en sois la cause innocente, toi seule peux m’aider à en sortir. MARIE. Dis ; je suis toute à ta disposition. CAROLINE. Tu me parlais tout à l’heure d’Antonia, de son changement d’humeur à ton égard. Eh bien ! tu ne te douterais jamais de la raison de ce changement. 98 MARIE. Non. Et je ne cherche pas. CAROLINE. Mademoiselle Antonia est jalouse. MARIE. Et de qui donc, bon Dieu ! CAROLINE. De toi. MARIE. De moi ! CAROLINE. Oui. Mademoiselle Antonia, pour laquelle j’ai eu l’imprudence d’avoir quelques faiblesses, a pris au sérieux ce badinage, et se croit obligée d’éloigner de moi toute personne qu’elle supposera pouvoir diminuer l’influence qu’elle croit avoir sur mes sentiments ; de là sa jalousie. Il faut pourtant être juste : elle est, malgré ou plutôt à cause de cette folie, d’un dévouement et d’une discrétion à l’épreuve des plus grandes tentations. Je lui ai donné un amant, espérant par là détourner sa malheureuse passion pour moi. 99 Ah bien oui ! elle le souffre, et voilà tout ; et encore parce qu’elle sait que celà m’est agréable. Me séparer d’elle me paraît bien difficile ; elle connaît mes affaires, même mes secrets, et quoique je sois certaine qu’elle ne fera jamais rien contre moi, je ne serais pas tranquille si elle me quittait. Que faire donc ? J’ai pensé qu’en l’admettant quelquefois en tiers à nos réunions secrètes, je calmerais sa jalousie à ton égard ; car on supporte plus facilement un fait accompli sous nos yeux qu’un malheur inconnu et qu’on redoute ; et puis, par la raison qu’elle a une grande idée de ta beauté, puisqu’elle la craint, il est possible qu’avec sa tête exaltée elle te prenne aussi en grande affection, et alors… MARIE. Et alors une passion partagée n’étant plus une passion, elle te laissera tranquille. C’est cela que tu veux dire ? CAROLINE. Tu comprends à merveille. Eh bien ! je vais la faire venir. Ne dis mot ; laisse-moi faire, et je réponds qu’avant peu vous serez dans les meilleurs termes. 100 SEPTIÈME ENTRETIEN. ANTONIA, CAROLINE, MARIE. (À l’appel de la sonnette Antonia paraît.) ANTONIA. Que veut madame ? CAROLINE. Approche, Antonia. Voilà ma cousine qui se plaint de l’air glacial que tu prends avec elle depuis quelque temps. ANTONIA. Madame… CAROLINE. Laisse-moi parler. Ce n’est pas pour te faire gronder qu’elle se plaint ; mais pour savoir par mon intermédiaire la cause de cette bouderie. Veux-tu que je le lui dise ? ANTONIA. 101 Oh ! non, madame ; car je suis moi-même honteuse d’une faiblesse que je n’ai pu cacher, et je voudrais surtout qu’elle fût ignorée de la personne qui en est l’objet, personne qui, malgré cela, je puis vous l’assurer, m’a toujours été trèssympathique ; mais à l’avenir, la crainte de déplaire à ma bonne maîtresse sera plus que suffisante pour m’en faire chasser cette idée, si quelque mauvaise pensée me passait encore par la cervelle. Je prie donc madame de tout oublier, et d’être mon interprète auprès de mademoiselle Marie, pour qu’il ne soit plus dorénavant question entre nous de ce moment d’humeur que je regrette de toute mon âme. CAROLINE. Allons donc, méchante enfant ; viens m’embrasser, et fais en autant à Marie, qui ne demande pas mieux. ANTONIA. Mademoiselle Marie veut-elle bien me permettre ? (La soubrette s’approche de Marie et lui donne un gros baiser sur chaque joue.) MARIE (à ce franc témoignage de bon vouloir). Tenez, Antonia, voilà la preuve de ma rancune. (Marie applique alors d’elle-même, ses lèvres sur celles d’Antonia, qui, à son tour, risque un bout de langue qui est 102 parfaitement reçu.) CAROLINE (qui a suivi ce dernier fait de l’œil, et avec une grande attention). Bien, mes chères belles : voilà comme je vous aime ; soyez donc toujours amies, toujours dans ces bonnes dispositions : tout le monde y gagnera et moi aussi en particulier. C’est donc bien difficile ! Je ne vois entre nous aucune cause de dissentiment. Ai-je moins d’attachement pour l’une que pour l’autre ? Excepté que Marie est blonde, et que tu es brune, vous vous valez également. N’avez-vous pas la même perfection de forme, la même fermeté de chairs, la même douceur et le même velouté de peau ? Qui peut donc, terrible enfant, t’avoir inspiré cette crainte jalouse ? Que demandes-tu pour faire passer ta chimère ? Tiens, Marie quitte tes vêtements, Antonia va en faire autant, et la preuve par ses yeux de son égalité de beauté avec toi, la ramènera peut-être à la conviction de sa valeur. (Antonia, qui, de nos trois belles, a le goût le plus prononcé pour les femmes, et qui malgré sa rivalité avec Marie n’est pas fâchée de savoir à quoi s’en tenir sur ses beautés cachées, se hâte de se rendre à l’invitation de sa maîtresse. Marie, aidée par Caroline, se laisse faire, et voilà nos deux rivales, sans le moindre voile, en présence l’une de l’autre et se dévorant des yeux, s’examinant, détaillant et comparant entre elles chaque partie de leur corps. Elles sont enfin forcées de convenir qu’excepté par caprice, il serait 103 bien difficile de donner la préférence à l’une ou à l’autre. Caroline, assez émue de ce piquant et courtois examen, ne peut s’empêcher de s’écrier :) CAROLINE. Est-ce que la femme aussi parfaite n’est pas le chefd’œuvre de la nature ! MARIE. Oui, si ce chef-d’œuvre avait une queue ! CAROLINE. Tu ne peux donc te passer de ce membre dangereux ? MARIE. N’est-ce pas le complément naturel et indispensable de la vraie jouissance ? CAROLINE (ouvrant un compartiment secret de table de nuit et lui montrant un godmiché). Eh bien, tiens ! tu vois qu’à la rigueur on peut le remplacer. (Marie, qui n’a jamais rien vu de semblable, émerveillée de ce joujou nouveau, se précipite sur cet objet si curieux 104 pour elle.) MARIE. Où as-tu donc eu cela ? C’est vraiment assez bien imité. (Caroline veut le lui reprendre.) Laisse-moi donc l’examiner en détail. C’est ferme et moelleux ; ce sont vraiment les couleurs de la nature et ses dépendances ; rien n’y manque. (Après l’avoir bien tourné et retourné.) À quoi donc sert ce petit piston ? CAROLINE. À pomper, comme avec une seringue, un peu de lait tiède mélangé de gomme, et qui, repoussé par ce ressort, vient le darder au fond de la matrice, juste comme le ferait un homme. MARIE. Et ces attaches ? CAROLINE. À le fixer solidement autour de la ceinture. Veux tu essayer ? MARIE. 105 Pourquoi pas ? Il faut tout connaître. Si ça ne fait pas de bien, ça ne peut pas faire grand mal ! Donne. (Marie, qui s’est emparée du godmiché, commence ellemême à se l’attacher.) CAROLINE. Quelle impatience ! Attends donc, petite folle, qu’il soit en état. ANTONIA. Puis-je, chère maîtresse, vous être bonne à quelque chose ? CAROLINE. Certainement ; et j’espère même que tu seras contente du rôle que tu vas jouer. D’abord vas faire le nécessaire pour charger notre instrument. Aussitôt prêt tu me l’apporteras. Pendant ce temps, Marie va m’aider à me débarrasser des vêtements qui me gênent. (Cet ordre exécuté, Antonia, ayant ensuite ajusté sur sa maîtresse le godmiché qu’elle a préparé, reste attentive et prête à exécuter ce qu’on va lui commander.) MARIE (riant). 106 Ah ! que tu es drôle, ainsi affublée ! Quel bel enfileur tu fais. Voyons, monsieur le libertin, veux-tu l’essayer sur moi ? Comment veux-tu que je me place ? CAROLINE. C’est ce que je me proposais. Tu vas pour cela te mettre à quatre pattes sur le lit, les cuisses écartées ; c’est cela… lève un peu les fesses… Antonia va se couler sous toi, et, parvenue à ton bijou lui fera fête, pendant que moi, placée en arrière entre tes jambes, je t’introduirai l’instrument en levrette. En penchant un peu la tête, tu vas te trouver aussi très-près de son bijou, qu’elle a comme tu vois très-frais et appétissant. Si le cœur t’en dis, je te promets qu’elle recevra avec reconnaissance l’équivalent des caresses qu’elle te donnera. MARIE. Comment, si le cœur m’en dis ! Mais ce sera avec grand plaisir que je ferai tout ce que je puis supposer lui être agréable. CAROLINE. Te voilà très-bien placée… À toi maintenant, Antonia… superbe ! À vous voir ainsi toutes deux tête bêche, le bon saint Antoine n’eût certainement pu résister à la tentation. 107 ANTONIA (entr’ouvrant les lèvres du con de Marie). Ah ! madame ! comme cela est rose et mignon ! quelles formes ! CAROLINE. Je le sais parbleu bien ! Plus de paroles, à l’action !… (Effectivement chacune commence et se met à agir de son mieux. Caroline, au poste qu’elle a choisi, et aidée audessous par les expertes mains de sa soubrette, a introduit sans difficulté dans le con de Marie l’instrument désiré, et pour donner plus de vivacité à ce divertissement, elle risque dans le trou voisin un doigt intelligent qui, par un chatouillement délicat, remplit parfaitement son but. Aussi l’affaire va grand train, et Caroline, en prenant par les yeux sa part des plaisirs de ses compagnes, suit fort attentivement les progrès de l’action. Aux bonds convulsifs des agentes, elle comprend que la crise approche. Elle hâte donc ses mouvements, et aux premiers : Ah ! ah ! poussés par sa cousine, elle touche le ressort, et fait jaillir dans le brûlant vagin ce semblant de décharge.) MARIE. Assez, assez ! (Le groupe se défait. Caroline est en contemplation enthousiaste devant les réconciliées.) 108 CAROLINE. Êtes-vous divines comme cela ! et toi, chérie, comment trouves-tu ce jeu que tu ne connaissais pas ? MARIE. Avec ce que tu y as ajouté, la tête se monte. Sans cela, ce serait un passe-temps bon pour des pensionnaires ou de vieilles femmes qui ne peuvent plus rien trouver pour leur service. Ta machine a beau être exécutée avec un art infini et être portée par une femme que j’affectionne, elle ne sera toujours qu’une copie inerte du chef-d’œuvre de la création. CAROLINE. C’est égal, tu n’en as pas moins joui ! MARIE. Oui, mais tu oublies la complaisance de cette chère Antonia. Au fait, tu penseras ce que tu voudras ! Quand à moi, je préférerai toujours à ce simulacre, un boute-joie bien vivace, appartenant à un jeune, beau et vigoureux garçon… CAROLINE. Et qui soit en même temps constant, discret, spirituel, d’une parfaite santé, et se prêtant à toutes tes fantaisies ! Où 109 trouveras-tu ce phénix ? MARIE. Je l’ai peut-être trouvé. CAROLINE. Il n’y a que la foi qui sauve ! (Pendant ce temps, Antonia a aidé sa maîtresse à se débarrasser de l’objet en discussion, tout en se permettant certains attouchements dont elle connaît toute l’efficacité.) CAROLINE. Laisse donc, vilaine diablesse ! Tu m’excites, et je veux rester sage. MARIE. Pourquoi cela ? Il est juste que tu aies ton tour. Tu ne peux être fatiguée ; tu n’as rien fait de sérieux, et maintenant que j’ai expérimenté par moi-même ton… CAROLINE. Godmiché. MARIE. 110 Je voudrais aussi en voir l’effet sur une autre. Vas-tu refuser de contenter mon envie ? CAROLINE. Tu as été trop gentille pour que je puisse y songer. Sur qui désires-tu qu’on opère ? MARIE. Parbleu ! sur toi. CAROLINE. Soit ; ma voici prête. ANTONIA. Si madame voulait me permettre d’ouvrir un avis… CAROLINE. Parle. ANTONIA. Je proposerais qu’on ne changeât rien au groupe précédent ; seulement, puisque c’est madame qui doit être enfilée, elle voudra bien prendre la place qu’occupait mademoiselle Marie, et mademoiselle Marie se coulerait à la place que j’occupais. Je vous assure que puisqu’elle veut 111 voir jouer votre godmiché, placée comme je l’étais, audessous et enchâssée entre les cuisses de madame, elle ne perdra rien de l’opération. Quant à moi, je me chargerai du reste. Car, au lieu de m’attacher l’instrument comme madame, je me servirai simplement de ma main, ce qui me permettra d’en régler à ma volonté les mouvements, et même avec l’autre main restée libre, de compléter mon service par quelques excursions dans le voisinage. CAROLINE. Je ne vois rien à répondre à ton programme. Tiens, me voici à ta disposition ! Passe sous moi, petite cousine… Bien… À toi à présent. Antonia, ai-je les jambes assez écartées. ANTONIA. Oui, madame. (Tout ainsi réglé et le mouvement commencé, chacun fait de son mieux et s’entr’aide. Quelle ravissante perspective pour la lascive Marie ! Elle voit aller et venir près de ses yeux, dans l’orifice de corail de son amie, un instrument dont cependant elle ne fait aucun cas. Son imagination s’exalte encore par les caresses qu’elle ne cesse de donner et de recevoir. L’experte et toujours dévouée Antonia, bien que ne pouvant voir ce qui se passe entre Marie et sa maîtresse, juge cependant, aux jeux convulsifs des hanches 112 de cette dernière et à certains frissons de ses superbes fesses, que pour elle le moment décisif est proche, et qu’elle doit redoubler de soins et d’attention. C’est avec un tact infini et une connaissance approfondie des habitudes et des goûts de sa maîtresse qu’elle presse ou ralentit les mouvements imprimés au godmiché et à son postillonnage. Aussi, Caroline haletante s’écrie-t-elle :) CAROLINE. Cesse ! cesse ! Antonia ! Tu me ferais pâmer, si je te laissais faire… Et toi, Marie, où en es-tu ? MARIE. Il y a longtemps que mon affaire est terminée, mais je n’ai pas voulu te déranger. Sapristi ! ma chère comme tu y vas ! C’est plaisir à te voir au jeu. Quelle intelligente et savante compagne qu’Antonia pour faire sa partie, et elle était jalouse de moi ! Je ne suis vraiment qu’une novice auprès d’elle ! CAROLINE. Il est vrai qu’Antonia a de certains raffinements… ANTONIA (avec satisfaction). Que ne ferais-je pas pour être agréable à ma maîtresse ! 113 CAROLINE. Si, comme tu l’assures, tu veux m’être agréable en tout, n’aie plus à l’avenir de ces mouvements d’humeur qui ne peuvent rien changer à mes volontés, et qui, s’ils continuaient, finiraient par te faire prendre en grippe, et amènerait nécessairement une séparation qui certes me serait bien pénible, et à laquelle je suis cependant résolue. Sois donc toujours gentille comme aujourd’hui : tu n’auras qu’à t’en féliciter, et mon affection pour toi en grandira d’autant. (Caroline jetant par hasard les yeux sur la pendule.) Quoi ! déjà si tard ! Comme le temps passe en votre compagnie, mesdemoiselles, et le comte qui vient dîner ! (À Antonia en l’embrassant.) Vite, petite ; reprends tes vêtements, et va faire mettre un couvert de plus pour Marie ; car tu vas rester à dîner : c’est une surprise agréable que je veux ménager au comte. MARIE. Quoi ! tu veux que je reste avec cette figure de déterrée ! Que va penser le comte ? CAROLINE. Il pensera ce qu’il voudra. Est-ce que les hommes du monde de M. de Sarsalle s’aperçoivent jamais de ces choses là ! D’ailleurs, viens dans mon cabinet de toilette. Avec un léger frottement de crépon et un peu de poudre de riz, nous allons nous donner la fraîcheur d’Hébé. 114 MARIE. Au fait, tu as raison, j’accepte ; et je profiterai de l’occasion pour avancer auprès du comte les affaires de mon Adrien. 115 HUITIÈME ENTRETIEN. LE COMTE, CAROLINE. Depuis l’admission d’Antonia aux retraites libertines des deux cousines, le service de la soubrette est irréprochable ; sa bonne humeur et son dévouement égal pour les deux amies rendent impossibles de nouvelles tracasseries. Quant au comte, ce n’est pas la même chose. Caroline n’est pas sans une certaine inquiétude. Depuis quelque temps, M. de Sarsalle, dans ses rapports intimes avec elle, devient presque froid, et avec sa perspicacité de femme elle s’aperçoit bien que la présence de sa cousine produit toujours sur le comte une impression qu’il ne peut dissimuler. Que doit-elle faire ? Éloigner sa cousine ? Ce serait vis-à-vis de M. de Sarsalle un acte de méfiance, et peut-être même une nouvelle excitation. Laisser aller les choses et se confier au hasard ou au temps pour amener un dénoûment est chose imprudente. Vaudrait-il mieux, après avoir pris ses sûretés, la mettre entre ses bras ? Ce serait un coup hardi qui demande bien de la finesse, offre de grandes difficultés, et même de sérieux dangers. Caroline et le comte sont encore au lit. Le comte a commencé à souhaiter 116 un bonjour amoureux à sa maîtresse, mais sa bonne volonté lui fait défaut, et il est obligé de renoncer à son entreprise. CAROLINE. Ah ! mon cher comte, vous ne m’aimez plus comme autrefois ! LE COMTE. Comment ! je ne t’aime plus comme autrefois ! Ai-je moins d’égards, moins de prévenances ? CAROLINE. Eh ! qui vous parle de cela ! Est-ce qu’un homme de votre monde peut jamais changer de bonnes manières avec une personne pour laquelle il professe une certaine affection ! Ce dont je me plains, c’est que si votre corps jusqu’à présent m’est resté fidèle, il n’en est pas de même de vos pensées. Votre cœur, votre volonté sont peut-être les mêmes ; mais l’habitude de me voir chaque jour, l’absence de coquetterie de ma part ont tué vos désirs, et vos sens se sont engourdis. Je ne puis vous en vouloir. Vous subissez, cher ami, la loi commune de l’humanité, et je dois même vous savoir gré d’avoir cherché à combattre le changement involontaire de vos sentiments. LE COMTE. 117 Caroline, vous allez trop loin ; c’est tirer des conséquences bien absolues de ce qui vient de m’arriver ! CAROLINE. Vous savez bien que je ne suis pas femme à chercher des prétextes de plainte ou à me forger des chimères. Je vois seulement les faits tels qu’ils sont, et désire que vous ayez assez de confiance en moi pour m’exposer franchement l’état de vos sentiments. Je n’ai jamais eu la pensée, en me donnant à vous, de vous imposer un joug, et je sais bien qu’un homme sait toujours rompre une chaîne qui lui paraît trop pesante. N’avez-vous pas toujours été indulgent pour mes petites faiblesses qui sont vos soupapes de sûreté, et où le cœur n’entre pour rien ? Pourquoi donc serais-je plus exigeante à votre égard ? Certes, je tiens à la constance de l’affection que tout honnête homme doit garder à la personne qu’il a choisie volontairement pour compagne, et qui, par sa conduite, lui a constamment donné les preuves de la délicatesse de ses sentiments. Quant à une infidélité passagère, provenant du tempérament, et dont des circonstances imprévues ont été la cause, pourquoi m’offenserai-je d’une chose dont vous n’êtes souvent pas le maître ? Puis-je exiger que pour moi la nature change ses lois ? Puis-je empêcher qu’un désir vif quoique passager pour une autre personne que moi ne s’empare de votre imagination ? M’y opposer ne pourrait qu’en augmenter l’ardeur. Et qu’y gagnerais-je ? Je risquerais peut-être de compromettre l’intimité d’une union qui, par notre mutuelle 118 confiance, a toujours été jusqu’à présent remplie d’agrément… Avouez donc, cher comte, ce qui n’a pu m’échapper. Depuis la venue ici de Marie, vos yeux n’ont pu la voir sans qu’à votre insu elle produisît sur vous un véritable effet. J’aurais dû peut-être alors, et dans mon intérêt, l’éloigner de la maison ; mais c’était renverser l’espérance de son bonheur, que j’avais placé sous votre patronage ; je n’ai pas eu ce courage égoïste ; je me suis sentie assez forte de votre affection et assez confiante dans votre loyauté pour tenter l’aventure. Je vous laisse donc libre d’agir à votre guise, très-persuadée que ce besoin d’une distraction de votre imagination ne peut rien sur la solidité de notre liaison. LE COMTE. Voilà, si je n’en avais déjà eu la certitude, la preuve bien complète de votre excellent naturel. Eh bien ! oui, chère belle, je n’ai pu voir Marie sans qu’il se produisît en moi un sentiment que je ne puis définir, et qui me faisait incessamment reporter ma pensée sur elle. J’ai d’abord voulu le combattre ; malheureusement, plus je raisonnais, plus aussi j’attisais le feu de mon imagination. Je dois donc te remercier d’être venue à mon aide par ton indulgence, et mettre d’accord ma conscience et mon caprice. CAROLINE. 119 Vous voyez donc, mon ami, qu’avec de la franchise on s’entend toujours. Je désire qu’entre nous cela continue, et j’espère que vous me mettrez au courant de ce qui pourra se passer entre vous et Marie. Ce n’est ni par jalousie ni même par curiosité que je vous fais cette demande ; mais il est juste que je puisse me défendre si, malgré vos bonnes intentions, vous étiez entraîné trop loin. J’attends ce matin Marie à déjeuner. Je vais avoir à ce sujet un entretien avec elle, et la prévenir moi-même avec ménagement de vos sentiments. Si elle ne les repousse pas, je la préparerai à ce que vous désirez d’elle ; elle saura par cette confidence que, si cela se fait, ce n’est ni par trahison, ni par refroidissement de votre part, mais bien avec mon consentement et sur ma proposition. LE COMTE. Ce matin même tu lui parleras ? Que tu es bonne ! CAROLINE. Moins que vous n’êtes pressé ! LE COMTE. Ne crois pas… CAROLINE. 120 Je crois que vous en brûlez d’envie. Eh bien ! puisque c’est moi qui vous ai fait cette proposition, je vais vous prouver ma bonne foi en l’exécutant immédiatement. Partez ; allez à vos affaires et revenez vers midi. D’ici là j’aurai eu le temps de voir votre chérie, et j’espère l’apprivoiser de manière à ne pas vous rendre la réussite trop difficile. Adieu donc, cher, et à tout à l’heure. 121 NEUVIÈME ENTRETIEN. CAROLINE, ANTONIA. (Aussitôt la retraite du comte, mademoiselle Antonia arrive pour faire son service.) CAROLINE. Allons ! vite, Antonia, ma toilette ! ANTONIA. Comme madame est pressée ce matin ! Il est à peine dix heures. CAROLINE. C’est vrai, mais le comte déjeune ici avec ma cousine, et je veux être prête à l’arrivée de Marie. Dis-moi, Antonia : Où en est le comte avec toi et ses petites privautés ? ANTONIA. Oh ! rien de sérieux ! des bagatelles, un peu de pelotage, quelques baisers innocents ; s’il en eût été autrement, est-ce 122 que je n’en aurais pas averti madame ? CAROLINE. Bien, ma fidèle. Et que penses-tu de l’attitude et des manières du comte quand il se rencontre avec ma chère cousine ? ANTONIA. Ceci est différent, quoique je sois bien persuadée que mademoiselle Marie n’a rien fait pour attirer sur elle l’attention de monsieur. J’ai remarqué, comme madame a pu l’observer, que les yeux du comte étaient bien souvent fixés sur elle, qu’il écoutait très-attentivement chacune de ses paroles, et que sa physionomie variait suivant l’expression qu’il en recevait. CAROLINE. Je vais te dire ce que tu ne peux savoir : c’est que les caresses du comte deviennent fort rares et fort difficiles de résultat, et que ce matin il m’a… ratée !… ANTONIA. Ratée ! Est-il Dieu possible ! Une si jolie femme ! C’est donc pour cela que hier au soir, en faisant les cartes, j’ai trouvé le neuf de pique. Une bien mauvaise carte ! 123 CAROLINE. Tu crois, n’est-ce pas, Marie tout à fait innocente de cette toquade du comte ? ANTONIA. Est-ce qu’elle n’aime pas trop son Adrien ! CAROLINE. C’est aussi ce qui me rassure. Elle doit d’ailleurs penser que son intérêt et celui d’Adrien pourraient en souffrir. Elle, sans expérience, vouloir lutter avec moi ! non, cela n’est pas possible. Une pareille idée n’a pas dû lui venir ; et puis, elle a très-bon cœur ; elle me doit son bonheur, et elle ne peut être ingrate à ce point. Le mal vient de ce gredin de comte, et la faute vient de moi, qui ai laissé trop souvent cette jolie fille en sa compagnie. Enfin, le mal existe et le meilleur moyen de parer le coup est peut-être de me prêter pour le moment philosophiquement à ce caprice du comte, sur lequel il est impossible que dans peu de temps je ne reprenne mon empire, quand, par une jouissance sans obstacles, il aura contenté ses sens. ANTONIA. Madame a raison, et je suis certaine que si mademoiselle Marie consentait à s’abandonner au comte, ce serait par intérêt et bien à contre-cœur. Le comte certainement en 124 serait vite rassasié et trop heureux alors de revenir aux caresses de bon aloi de madame. CAROLINE. C’est aussi mon avis, et je vais agir en conséquence. N’entends-tu pas sonner ? C’est probablement Marie. Amène-la ici et va faire défendre ma porte pour tout le monde, excepté pour le comte. 125 DIXIÈME ENTRETIEN. MARIE, CAROLINE. MARIE. Bonjour, Caroline. Tu vois, onze heures, heure militaire ! CAROLINE. Quelle exactitude ! Tu n’en seras pas payée, chère cousine : le comte nous tient aujourd’hui compagnie, et ne sera ici qu’à midi. Nous avons une heure à nous et pouvons causer en attendant son arrivée. MARIE. Par quel hasard le comte déjeune-t-il ici ? Ce n’est pas dans ses habitudes ? CAROLINE. Ce n’est pas un hasard : c’est à toi que je dois ce plaisir. MARIE. 126 Bah ! Comment cela ? CAROLINE. N’as-tu pas remarqué, depuis peu, des changements dans les procédés de M. de Sarsalle à ton égard ? MARIE. J’ai bien vu M. le comte un peu plus empressé avec moi que dans le commencement de mes visites ici, mais je l’ai toujours trouvé si poli et si attentionné, que rien dans sa conduite actuelle ne m’a frappée. CAROLINE. Eh bien ! mademoiselle, je vais vous apprendre ce que vous n’avez pas voulu remarquer : M. de Sarsalle a un coup de soleil pour vous. MARIE. Comme tu me dis cela ! Mais c’est impossible ! CAROLINE. Cela est tellement possible qu’il m’en a fait l’aveu ce matin. MARIE. 127 Voilà un aveu peu galant pour toi, surtout d’un homme qui paraît tant t’aimer. CAROLINE. Pour dire l’entière vérité, c’est moi qui l’y ai un peu poussé à cet aveu. J’ai voulu avoir le cœur net de sa nouvelle froideur dans nos rapports intimes, froideur à laquelle il ne m’a pas habituée. MARIE. Et tu ne lui as pas fait une scène ? CAROLINE. À quoi bon ! J’aurais craint de tout gâter et même de compromettre notre liaison. Le comte a horreur des scènes, et ma jalousie réelle ou apparente, en le froissant, l’eût excité davantage. MARIE. Que comptes-tu donc faire ? CAROLINE. Laisser passer cette fantaisie, en ne m’y opposant pas. MARIE. 128 C’est bien pour toi, mais pour moi ? CAROLINE. Est-ce que tu aurais de la répugnance, moi y consentant, à céder au caprice du comte ? MARIE. Et Adrien ? CAROLINE. Est-ce que Adrien (excité par toi, il est vrai,) ne s’est pas permis sur ma personne des privautés bien autrement délicates. Pourquoi donc M. de Sarsalle ne pourrait-il pas en user de même avec toi ? Ce ne serait au bout du compte que justice. Ne comprends-tu pas d’ailleurs qu’en te prêtant au caprice du comte, tu peux être très-utile à ton amant ? Car avec ses scrupules, ce pauvre comte, pour les apaiser, va remuer ciel et terre dans l’intérêt de ton protégé, qu’il croira sa victime. MARIE. Et si le comte devenait sérieusement amoureux de moi ? CAROLINE. 129 J’ai trop de confiance en toi pour avoir le soupçon que tu agiras dans ce but. Quelques complaisances pour apaiser ce feu momentané suffiront, et si, comme j’en suis certaine, tu suis mes avis, dans peu de temps j’aurai reconquis mon influence accoutumée. MARIE. Et si moi je devenais amoureuse ? CAROLINE. Du comte ? allons donc ! de cela je n’ai nulle crainte ; et Adrien ? MARIE. Diable ! ta logique est pressante, je vois qu’il m’est difficile de te refuser ; je consens donc à faire ce que tu jugeras nécessaire dans nos intérêts. CAROLINE. As-tu tes armes ? MARIE. Oh ! maintenant, on ne me prend jamais sans vert. Tu vois cette petite pomme d’api en ivoire ? elles sont dedans, et je ne marche jamais sans elles. 130 CAROLINE. Tu as raison : une souris qui n’a qu’un trou est bientôt prise, et prudence est mère de sûreté. MARIE. Oh ! qu’un trou ! ANTONIA, (entrant précipitamment). Voilà M. le comte qui monte les escaliers. CAROLINE. Sois sans crainte ; nous sommes prêtes à le recevoir. Fais entrer. 131 ONZIÈME ENTRETIEN. Même local. LE COMTE, CAROLINE, MARIE, ANTONIA. LE COMTE (à Marie). Bonjour, belle rareté ! (Il la baise au front.) Voilà un visage de bon augure. Bonjour Caro… Tenez, Antonia, portez cela à l’office : ce sont des friandises achetées en passant devant Chevet, et qu’on ajoutera au déjeuner. Dites aussi qu’on serve de suite. (Antonia sort.) CAROLINE. Offrez le bras à Marie, et passons dans la salle à manger. Il se fait tard, et nos estomacs crient la faim. Nous causerons tout à notre aise à table. (Sauf quelques pressions de mains et de pieds sous la table à l’adresse de Marie, qui ne sont ni acceptées ni repoussées, le déjeuner se passe convenablement. L’appétit satisfait, chacun a hâte, dans l’espérance d’une liberté plus 132 entière, de quitter la table. Dès que nos trois acteurs sont réinstallés dans le boudoir de la maîtresse de la maison, Caroline voyant M. de Sarsalle embarrassé comme un amoureux qui craint le ridicule d’une déclaration qui peut être repoussée, se décide à entamer la négociation promise.) CAROLINE. Mon cher comte, j’ai fait part à Marie de la grande passion qui vous tient si fort en ce moment pour elle, et lui ai demandé sa bonne volonté pour m’aider à vous calmer. LE COMTE. Et qu’a répondu l’enchanteresse ? CAROLINE. C’est à elle de répondre. MARIE. Mon Dieu ! monsieur le comte, ce que vous désirez si ardemment, dites-vous, me paraît fort extraordinaire, surtout pour un homme qui jusqu’à présent a donné des preuves d’un sens si droit. Vous savez que j’ai accordé mon cœur et livré mon corps à un homme de mon choix qui, lui aussi, m’aime autant qu’on peut aimer. Quelque reconnaissance que j’aie de vos bontés, quel que soit mon désir de vous être favorable, comment puis-je changer cet 133 état de choses, et que puis-je faire en votre faveur ? Certes, je puis bien m’abandonner à vous ; mais quel plaisir pouvez-vous espérer d’une femme dont le cœur est ailleurs ? LE COMTE. Ce que vous m’opposez, Marie, est une preuve de vos bons sentiments : il ne faudrait cependant pas toujours les porter à l’extrême ; plus votre passion est grande en ce moment, plus grande aussi serait votre désillusion dans l’avenir en y persistant. Ces sentiments exaltés, croyez-moi, ne sont point dans la nature ; quand ils existent, ce n’est qu’à l’état de fièvre, qui ne peut durer ; cette fidélité rigide dans l’union des sexes, même pour les personnes qu’on chérit le plus, me paraît une exigence purement fictive, et dont l’exécution dans la pratique de la vie est impossible. Ceci doit donc diminuer de beaucoup les remords d’une faute où le cœur n’entre pour rien, et qui ne laisse de traces que le souvenir d’une jouissance charnelle. N’en suis-je pas un exemple ? J’aime uniquement Caroline ; c’est pour moi une amie dont je ne pourrais me passer. Eh bien, malgré ma volonté de ne jamais lui causer le moindre chagrin, je n’ai pu m’empêcher, en vous voyant, d’éprouver une impression que je n’ai pu maîtriser, et qui, en très-peu de temps, a paralysé en moi les désirs que précédemment je sentais toujours près d’elle. Nos sens éprouvent donc, vous le voyez, dans la rencontre des sexes, des attractions, des entraînements auxquels la raison des plus sages ne peut 134 résister ; ce qui néanmoins ne doit affecter en rien l’intimité d’une union qui, comme la nôtre, par l’aménité du caractère et la similitude des goûts, ne doit pour ainsi dire finir qu’avec notre existence. (Caroline, fort étonnée d’entendre de la bouche du comte un plaidoyer en faveur de l’infidélité en amour, se promet, à part soi, de se le rappeler à l’occasion, et comme ce bavardage peut ainsi se prolonger fort longtemps et retarder le dénoûment arrêté dans sa tête, et auquel elle s’est résignée, elle juge qu’il est temps d’interrompre ce verbiage et d’aller droit au but. Comme elle a remarqué que M. le comte de Sarsalle s’est emparé de la main de Marie, et que ses yeux ne la quittent pas, elle commence ainsi l’attaque :) CAROLINE. Comme vous admirez cette main ? LE COMTE. C’est qu’elle est d’une perfection rare : légèrement grasse, blanche et fine de peau, avec des doigts effilés et des ongles roses, une véritable main de duchesse ! CAROLINE. Et son pied ! et sa jambe ! (Relevant les jupes de Marie plus haut qu’il n’est nécessaire.) Voyez ce pied mignon, ces attaches fines, cette jambe élégante, ce genou si petit et 135 cette cuisse si rondelette, et ce… Mais que faites-vous donc, libertin ? Où sont vos mains ? (M. de Sarsalle, excité par la vue des beautés qu’il vient d’apercevoir, perd sa retenue ordinaire, et se met sans scrupules à fourrager les appas de notre jeune fille, qui s’en défend d’abord.) CAROLINE. Je ne vous reconnais pas, cher comte ; c’est extravagant ! c’est du délire ! Cette pauvre enfant n’en peut plus. Ne voyez-vous pas qu’elle étouffe dans son corset ? Attendez, laissez-moi donc le temps de l’en débarrasser. MARIE. Oh ! non, Caroline, je t’en prie ! CAROLINE. Allons donc ! Maintenant que le rideau est levé, voudrais-tu nous priver d’une partie du spectacle ? (Malgré les demi-façons de sa cousine, Caroline n’en va pas moins à son but, et s’occupe de débarrasser Marie de tout ce qui peut la gêner. Le comte a profité de ce temps d’arrêt pour mettre à jour un assez présentable membre, qui paraît disposé à bien faire. Puis, s’étant rapproché de nos 136 belles, il s’empare de la victime, et s’apprête à commencer l’assaut.) CAROLINE. Un instant, cher maître. Je ne permettrai pas que vous vous donniez avec cette jeune fille autant de plaisir et que vous me laissiez manger mon pain à la fumée de ce beau divertissement ! Il n’en sera pas ainsi, s’il vous plaît : j’en veux ma part. Pendant qu’avec votre boute-joie vous fêterez, les pays-bas de Marie, vous aurez, je l’espère, la complaisance, avec votre langue, de caresser mon clitoris ? LE COMTE. Comment cela pourrait-il se faire ? CAROLINE. N’en ayez nul souci. Je ne demande que votre bonne volonté, et réponds du reste. Viens, ma chérie ; étends-toi sur le divan. Je vais me placer à genoux derrière ta tête, de sorte que mes cuisses te servent de point d’appui. Monsieur, couché sur toi, aura alors naturellement sa tête à la hauteur nécessaire pour le service que je lui demande, et je connais trop sa galanterie pour supposer qu’il s’y refusera. (Marie, qui dans ses réunions avec Caroline s’est habituée à ces raffinements de libertinage, la seconde merveilleusement dans la disposition des personnages, et, 137 déjà en place, attend sans trop de crainte le commencement de l’action. Électrisé par la perspective de ce joli et frais visage encadré dans deux cuisses d’une blancheur d’albâtre, surmonté de cet as de pique de Caroline qui, bien fourni et noir comme l’ébène, vient se mêler à la blonde chevelure de sa voisine, le comte commence en même temps avec ardeur le service des deux cousines. Il va si franchement, et met tant de bonne volonté dans l’exécution de la demande de Caroline, que, soit par l’habileté de l’agent, soit par l’imagination exaltée de cette dernière, et bien qu’elle désire prolonger la jouissance, elle ne peut ralentir les approches de la crise, et après quelques résistances, la sensation devient si violente, qu’elle cède et tombe dans les délices de la suprême volupté. Caroline, sans rien faire paraître de ce qu’elle a éprouvé, se déplace ; et en bonne fille, pour ne rien déranger, coule sous la tête de Marie un oreiller en remplacement de l’appui de ses cuisses ; elle veut de plus se rendre encore utile, et porte ses mains partout où elle suppose qu’une caresse pourra augmenter la jouissance de ses amis. Le comte, par ce surcroît d’excitation inattendu, est bientôt amené au dénoûment, et la cessation de ses mouvements, naguère si précipités, annonce qu’avec la perte de la semence toute sa vigueur a disparu. Aussi retire-t-il du fourreau une arme devenue bien inoffensive et dans un tel état d’humilité qu’il se sauve au cabinet de toilette, espérant avoir dérobé à ces dames cette triste vue. 138 CAROLINE. Eh bien ! qu’en dis-tu ? MARIE. Sans tes caresses, je n’aurais pu finir ; mais explique-moi donc pourquoi le comte désarme si vite après l’action. CAROLINE. Pourquoi il débande si vite après avoir déchargé ! N’estce pas cela que tu voulais dire ? MARIE. Oui, avec Adrien, ce n’est pas comme cela. CAROLINE. C’est que, vois-tu, ma fille, le comte n’est plus de la première jeunesse, et n’a jamais été taillé comme un Hercule. Dame ! ce n’est plus ton Adrien. Ah ! M. le comte, vous me le payerez. Après ce qui vient de se passer aujourd’hui, je n’aurai plus de scrupule, et, revenant sur ton offre, je veux encore essayer de ton Adrien, et cette fois par la voie canonique. Ce sera un rendu pour un prêté. MARIE. 139 Oh ! pardieu non ! J’aime mieux que tu restes ma débitrice toute ta vie ! CAROLINE. Est-ce que tu deviendrais jalouse ? Mauvais défaut pour les plaisirs ! MARIE. Comment peux-tu supposer que je sois jalouse, et de toi ! C’est une plaisanterie ! Est-ce que je ne suis pas toujours prête à faire tes volontés ? Mais dis-moi donc : Ai-je bien joué mon rôle ? es-tu contente de ton élève ? CAROLINE. Très-contente ! et si tu veux suivre mes conseils, tes intérêts et les miens ne s’en trouveront pas plus mal. Allons maintenant retrouver notre vigoureux amant : il doit avoir fini ses ablutions. À notre tour ! MARIE. Pourquoi ne l’attendrions-nous pas ici ? CAROLINE. Est-ce que tu as honte de faire ta toilette devant lui ? Pudeur un peu tardive, ma mie ! Enfin ! 140 141 DOUZIÈME ENTRETIEN. La chambre à coucher de Caroline. Antonia s’occupe d’habiller sa maîtresse. Il est une heure après midi. CAROLINE, MARIE, ANTONIA. ANTONIA. Madame, on frappe à la porte… CAROLINE. Va voir qui cela peut-être. Je n’y suis pour personne, excepté pour Marie. ANTONIA. C’est justement mademoiselle Marie. Entrez, mademoiselle. (Marie embrasse Caroline et donne une poignée de main à Antonia.) MARIE. 142 Bonjour, Antonia. CAROLINE. Embrasse-la donc. Ne vois-tu pas qu’elle en meurt d’envie, et qu’elle n’ose te le demander ? MARIE. Très-volontiers ! CAROLINE. La lune de miel dure donc toujours ? Prends garde, chère amie, je te trouve fatiguée ; tu as besoin de retenue et tu dois te ménager, si tu ne veux pas voir s’étioler cette beauté dont à juste titre tu es si fière. MARIE. Tu te trompes, cousine. Je te réponds que je n’ai pas oublié tes conseils. Nous nous aimons beaucoup, Adrien et moi, et nous nous le prouvons souvent, cela est vrai, mais dans des limites où tu n’aurais rien à blâmer. CAROLINE. Quel conte nous fais-tu là ! Tu voudrais me faire croire que ton Hercule se contente de ce régime ? 143 MARIE. J’avoue que je lui permets quelquefois un extra. CAROLINE. Ah ! MARIE. Oui, mais jamais par devant : et quand il n’excite pas en même temps mon clitoris, ce que je ne lui permets pas, il ne peut me faire perdre une goutte de foutre. Je puis contenter ses désirs sans jamais me fatiguer. CAROLINE. Il n’y a rien à dire à cette méthode : je baisse pavillon devant tant d’intelligentes précautions. ANTONIA. Mais, mademoiselle, j’admire votre courage ; comment pouvez-vous souffrir ?… (Après un moment de réflexion.) Il est vrai qu’avec un si joli garçon, je ferais peut-être comme vous : je ne pourrais rien refuser. CAROLINE. Tiens ! Antonia qui se monte la tête pour ton Adrien ! 144 ANTONIA. Non, je ne me monte pas, mais j’ai des yeux comme tout le monde. CAROLINE. Non pas comme tout le monde, heureusement pour toi. Quand à ton Adrien, chère cousine, tu peux être tranquille, car Antonia m’a fait la confidence que plus elle te voyait, plus son attachement pour toi augmentait. ANTONIA. Madame n’est pas généreuse. Pourquoi découvrir ainsi mes petits secrets ? Mademoiselle Marie peut ne pas partager ces sentiments. CAROLINE. Va, ne crains rien ; Marie connaît bien tes qualités ; elle n’a pas non plus oublié avec quelle franchise tu es revenue à elle, malgré tes premières préventions ; comment, depuis, tu t’es prêtée à tout ce qui pouvait lui être agréable. Elle ne peut donc que recevoir avec grand plaisir ce redoublement de bons sentiments à ton égard. ANTONIA. Que je serais heureuse s’il en était ainsi !… 145 MARIE. S’il ne vous faut que ma parole, soyez heureuse, Antonia ; car, après ma cousine, vous êtes la femme que je préfère. (Caroline, Marie et Antonia ayant instinctivement la même idée, rapprochent leurs visages et scellent cette déclaration de sentiments dans un long et unique baiser.) CAROLINE. Et ton bel Adrien, que fait-il ? MARIE. Adrien ! Quand il a su que je venais te voir a voulu m’accompagner ; mais comme il passait devant la maison d’un amateur auquel il a affaire, m’a quittée mais il doit me rejoindre ici. CAROLINE. C’est bien heureux ! Sais-tu qu’il me néglige un peu ? Il y a un temps infini qu’il n’a mis les pieds chez moi : il me doit pourtant bien quelque reconnaissance. MARIE. Tu es injuste ; il me parle continuellement de toi, et dans des termes à me rendre jalouse, si je pouvais éprouver ce 146 sentiment à ton égard. C’est le comte qui est la cause innocente de ce dont tu te plains : il lui a procuré tant d’ouvrage, que ce pauvre ami ne sort presque plus de son atelier, et c’est seulement le soir que moi-même je puis le rencontrer. CAROLINE. Ne peut-il venir avec toi me visiter après son travail ? MARIE. Il travaille tant dans la journée que le soir je n’ai pas le courage de le déranger ; aussi, j’espère que tu lui pardonnes et que tu vas bien le recevoir. CAROLINE. Puis-je faire autrement ? Je dois convenir même que si j’avais de l’humeur contre lui, sa présence ici me calmerait aussitôt. (À ce changement subit d’idée, Marie paraît fort surprise.) Cela t’étonne, n’est-ce pas ? C’est qu’il faut que je te fasse une confidence, un aveu. MARIE. Un aveu, à moi ? CAROLINE. 147 Oui, à toi ! MARIE. Tu piques ma curiosité. Voyons ! CAROLINE. Depuis ce diable de jour où j’ai eu l’imprudence, grâce à tes provocations, de me laisser caresser par ton amant, j’ai beau chercher à chasser de ma pensée cette imprudence, et appeler à mon aide toute ma raison, loin de rien oublier, un désir incessant de revoir Adrien me poursuit. Est-ce un caprice comme celui du comte ? est-ce dépit de son infidélité ? Enfin, quelle que soit cette cause, je ne pense, je ne rêve qu’à ton Adrien. Je vais donc te faire une demande qui te semblera bien extraordinaire… Comment te dirai-je cela… ? M’aimes-tu assez pour consentir, non pas à un partage de ton amant, mais à un abandon momentané de tes droits exclusifs à sa fidélité ? enfin, qu’il m’accorde ce que le comte voulait de toi ? MARIE. Je te vois venir ! Ta grande sollicitude pour ma santé te fait craindre que mon moyen pour contenter Adrien ne soit pas suffisant, et dans la persuasion que la fatigue est encore trop grande pour moi, tu veux la partager… Merci ! 148 CAROLINE. J’espérais que tu ne me refuserais pas cette preuve d’amitié, mais si elle est au-dessus de tes forces… MARIE (après un moment de réflexion). Au fait, après mes offres précédentes et toutes les folies que nous avons faites ensemble, il y aurait mauvaise grâce à te refuser. Je ne puis cependant m’empêcher de te faire observer que tes caprices me paraissent inexplicables. Dernièrement, tu me fais enfiler par ton amant, et aujourd’hui c’est par le mien que tu veux être enfilée. Comme tu me le dis, ta demande est extraordinaire ; mais mon attachement pour toi fait taire mes scrupules, et je me prêterai sans arrière-pensée à ce que tu désires si ardemment. Mais à une condition… CAROLINE. Voyons cette condition ? MARIE. Je veux bien te donner Adrien pour contenter ce caprice, mais je ne veux pas qu’il jouisse avec toi. CAROLINE. Comment ! cela me paraît impossible. 149 MARIE. Nullement, et Antonia m’y aidera. ANTONIA. Bien volontiers, mademoiselle. CAROLINE. Je ne comprends pas. MARIE. Tu n’as pas besoin de comprendre. Je consens, mais seulement à cette condition. CAROLINE. Accepté ! Mais n’est-ce pas lui que j’entends venir ? MARIE. Quel flair ! comme tu sens le gibier ! CAROLINE. Antonia, vas vite au devant de lui. Introduis-le ici sans qu’il soit vu de personne, et aussitôt entré, mets les verroux. 150 (Antonia s’empresse d’exécuter les ordres de sa maîtresse. Avant sa sortie, Marie s’est approchée d’elle et lui a dit quelques mots à l’oreille.) CAROLINE (qui a remarqué cet aparté). Comment ! on a des secrets avec moi ! MARIE. Oui… Tu les sauras plus tard. CAROLINE. Y aurait-il là quelque chose dont on me ménage la surprise. MARIE. Peut-être ! Patience, et tu verras. 151 TREIZIÈME ENTRETIEN. ADRIEN, CAROLINE, MARIE. ANTONIA, introduit l’artiste près de ces dames ; puis, après avoir mis les verrous, elle se réfugie dans le cabinet. ADRIEN (qui a remarqué l’action d’Antonia, après les compliments d’usage). Que signifie la précaution que je viens de voir prendre ? Est-ce un attentat à ma liberté ? CAROLINE. Vous avez trouvé juste. Quand on tient en cage un bel oiseau comme vous, on ferme la porte dans la crainte qu’il ne s’envole. ADRIEN. 152 Je suis très-flatté de ces sentiments, mais l’oiseau n’est pas si rare que vous veuillez le garder éternellement. CAROLINE. Telle n’est point notre intention, et pour vous rassurer sur l’avenir, je m’empresse d’ajouter que nous consentirons à vous laisser libre si vous voulez bien nous faire entendre un peu de ce ramage amoureux duquel vous vous acquittez si bien. ADRIEN. En venant ici j’étais loin de m’attendre à pareille faveur. Heureux d’être votre prisonnier à de semblables conditions ! Me voici à vos ordres, belles geôlières, quand et tant que vous voudrez. CAROLINE. Allons, je vois qu’il n’est pas changé : monsieur ne doute de rien ; nous allons voir si les faits répondent aux paroles. (Les deux jeunes femmes prennent chacune Adrien par la main et le font asseoir entre elles sur le divan.) CAROLINE. Dites-moi, monsieur, comment, malgré les intimités de la lune de miel, que je comprends parfaitement, n’avez-vous 153 pu trouver un moment pour venir visiter en compagnie de Marie une amie qui vous aime si franchement tous les deux, et à qui vous devez bien une partie de votre bonheur ? Marie ne me néglige pas comme vous ; et sans elle, je ne saurais même pas si vous existez. Quand vous lui faisiez la cour, vous saviez bien trouver le temps de venir ici. Ah ! je le vois, le bonheur vous rend égoïste. ADRIEN. Madame, si vous saviez… CAROLINE. Je sais ce que vous allez me dire ; Marie me l’a expliqué, et a cherché à vous excuser. Heureusement, elle vous ressemble peu, et vous ne pouvez vous douter jusqu’où va pour moi son dévouement à mes caprices, même les plus extravagants. Nous parlions dernièrement de vos noces, je lui rappelais les folies de ce jour et l’idée bizarre que j’avais eue de ne vouloir, par scrupule, vous abandonner que le côté non canonique de mon corps. J’ajoutai que depuis lors, en réfléchissant sur ce singulier scrupule, j’avais bien changé d’opinion sur le droit que j’aurais de disposer à l’avenir de ma personne comme je l’entendrais, et que j’étais aux regrets de ne vous avoir pas tout permis, « Qu’à cela ne tienne ! m’a-t-elle répondu sans hésiter. Quoique j’aime Adrien autant qu’on peut aimer, je désire tant t’être agréable, et j’ai tant de confiance en votre loyauté à tous 154 deux, que si ta passion dure encore, je ne crains pas de me prêter à une nouvelle épreuve ; et je le verrai, a-t-elle ajouté, dans tes bras sans jalousie. » Qu’en pensez-vous ? MARIE. Ce qu’il en pense ? Vois la saillie que fait son membre sur son pantalon. Voila sa réponse, ma chère. (Marie écartant elle-même les obstacles qui cachent aux regards ce superbe bijou, et le présentant à son amie :) MARIE. Tiens ! vois qu’il ne demande pas mieux et qu’il y mettra toute sa bonne volonté ! Je te l’abandonne ; sois donc heureuse ! CAROLINE. Excellente Marie ! Aussi je ne veux rien permettre à Adrien sans qu’il sache la condition que tu as mise à ta complaisance et qu’il ait promis de s’y conformer. ADRIEN. Quelques soient les conditions que Marie m’impose, j’y consens sans hésiter, car je sais qu’elle ne demandera rien d’impossible ; parlez donc ? 155 MARIE. J’ai consenti à vous voir réunis ensemble et à ce qu’elle goûte dans tes bras autant de plaisir que possible, à la condition que le produit m’en sera réservé, ne voulant rien abandonner de mes droits. Quand donc tu sentiras le moment de la crise dernière, c’est chez moi que tu viendras déposer ton offrande. ADRIEN. Condition très-facile à remplir ! (À Caroline.) Ceci ne doit point vous surprendre, ma belle amie, Marie connaît ma faculté de pouvoir satisfaire une femme à sa fantaisie, et néanmoins de n’arriver au dénoûment qu’à ma volonté. Aussi elle est fort tranquille sur une exigence qui vous paraît si singulière et si difficile : elle ne vous a demandé qu’une petite satisfaction d’amour-propre, et dont l’exécution lui était assurée. MARIE. Puisque nous voilà d’accord, que chacun prenne son compagnon : je vais chercher le mien. (À ce mot de compagnon, Adrien, qui voit Marie se diriger vers le cabinet de toilette, ne peut se défendre d’une certaine méfiance. Il fait un mouvement pour la suivre ; ce mouvement est aussitôt réprimé par Caroline.) 156 CAROLINE. Eh bien ! où allez-vous, Adrien ? Quel soupçon vous passe donc par la tête ? Ne savez-vous pas qu’Antonia est dans le cabinet. ADRIEN. Pardonnez-moi ce mouvement involontaire, mais Marie dit et fait aujourd’hui des choses si singulières que… CAROLINE. Que vous avez peur ! et de quoi, s’il vous plaît, jaloux ? Vous craignez peut-être qu’Antonia ne viole votre vestale : soyez en repos, et venez près de moi oublier cette mauvaise pensée. (L’absence de Marie ayant laissé toute liberté à nos impatients, que sa présence gênait encore, ils se livrent aussitôt à un mutuel pelotage, bientôt si animé, que chaque vêtement qui met obstacle à leurs caresses est vivement mis de côté. C’est dans un complet état de nudité que les retrouvent nos fugitives. Elles aussi ont pensé qu’une chemise même était un larcin fait au plaisir : elles sont donc dans le même état de nudité. Antonia entre la première, portant fièrement attaché à la ceinture le superbe godmiché dont ces dames connaissent l’utilité. Marie, qui suit de près ce compagnon d’une nouvelle espèce qu’elle vient 157 d’improviser, la prend par la main, et s’avançant cérémonieusement vers Caroline et Adrien :) MARIE. Je vous présente le jeune Antonia, que j’ai choisi présentement pour mon amant. Il est joli garçon, bien monté, et bande toujours. Vous voudrez bien, tandis que vous vous procurerez réciproquement du plaisir, me permettre la jouissance de ce vrai chérubin. CAROLINE. Comment ! tu penses à te servir d’un pareil instrument ! Je n’y comprends rien. Était-ce là le secret que tu me faisais avec Antonia ? MARIE. Est-ce que tu as pu croire que je resterais la spectatrice bénévole de vos amoureux ébats ! Oh ! non ; j’ai pris, comme vous le voyez, mes précautions pour en supporter facilement la vue. CAROLINE. Que vas-tu faire, petite folle, de cette recrue ? MARIE. 158 Tu vas le voir. Antonia, prends deux carreaux ; déposeles sur le tapis ; que Caroline s’empare de l’un et toi de l’autre : ils vous serviront d’oreillers. Maintenant, étendezvous sur le tapis… Très-bien… Vous y voilà !… Adrien, prends ta place entre les cuisses de ta belle affamée. Quant à moi, je vais enfourcher mon joli polisson, et, à cheval sur cette charmante monture, je me pose moi-même ce boutejoie de circonstance, avec lequel je n’en vais pas moins prendre beaucoup de plaisir, en t’attendant, monsieur l’adoré de toutes les femmes ; et comme nous sommes trèsrapprochés les uns des autres, que nos croupes se touchent presque, tu voudras bien, en allongeant la main qui ne t’es pas utile, préparer par un léger postillonnage la voie où je veux que tu viennes éteindre tes feux. (En montrant du doigt son trou mignon.) Là, entends-tu ? Alors, ça m’en fera deux dans le corps ! Tu vois, cousine, que mes précautions ne seront pas inutiles, et que je ne serai pas la plus mal partagée. (Cet arrangement si clairement ordonné est compris, et de suite mis à exécution. Chacun cherche à prendre et à donner le plus de plaisir possible. Antonia même, quoique la plus mal placée, veut faire acte de dévouement, et, passant la main sous le ventre de Marie, par une certaine masturbation dont elle connaît l’effet, elle cherche à augmenter la jouissance que se donne sa cavalière par ses mouvements précipités sur le godmiché, qui déconnerait s’il n’était tenu en place par la seconde main de la complaisante Antonia.) 159 CAROLINE. Ah ! cher Adrien, comme ton vit est brûlant ; il me va jusqu’au cœur… comme tes mouvements répondent aux miens ! Quelle jouissance sans pareille ! Ah ! tiens… tiens !… je ne peux plus résister à tes coups, je pars ! (Adrien, qui, malgré les entraînements de sa chaude partenaire, a su, selon sa promesse, se retenir, se retire trèsbrillant et va de suite s’introduire sans difficulté, mais non pas sans bonheur, dans le gîte qu’on lui a indiqué à l’avance et où il est impatiemment attendu. Caroline, de son côté, fort satisfaite du service de notre artiste, ne veut pas rester simple spectatrice de ce nouvel assaut ; et pour prouver qu’elle lui en est reconnaissante, elle approche ses mains délicates des compagnons de son priape, et par un doux chatouillement les excite à bien faire leur office, en même temps qu’avec son experte langue elle fête le trou voisin. Ce surcroît de plaisir raffiné, auquel notre fouteur ne s’attendait pas, a un effet immédiat, et un jet bouillant, que Marie sent pénétrer jusqu’au fond de ses entrailles, décide aussi de son côté la crise suprême. Il était temps qu’un jeu si violent prît fin : un frottement double dans des parties si sensibles et si voisines l’une de l’autre, pouvait, s’il avait été prolongé, et avec une organisation si délicate, amener de dangereux accidents pour la santé de notre charmante mais trop passionnée Marie. Un calme au moins relatif succède à une aussi chaude passade. Marie, quoique restée d’abord pâmée dans les bras de son amant, reprend peu à peu ses sens. 160 Revenue tout à fait à elle, elle s’attache surtout à caresser Antonia, cette compagne d’une si bonne nature ; elle veut la consoler de la maigre part qu’elle a eue dans leurs plaisirs.) ANTONIA (comprenant la pensée et le délicat sentiment de marie). Vous êtes dans l’erreur, chère demoiselle ; touchez ! (Et prenant la main de son ex-partenaire, elle la porte entre ses cuisses.) MARIE. Comme tu es trempée, et pour si peu ! ANTONIA. Ne comptez-vous donc pour rien vos baisers de feu, le contact de votre chair contre ma chair, et la vue de ce qui se passait près de nous ! CAROLINE. Mais toi, Marie, dis moi donc quel diable a pu te donner l’idée de ce libertinage qui, tu l’avoueras, casse un peu les vitres ? MARIE. Cela m’est venu très-naturellement. 161 CAROLINE. Très-naturellement ? je te félicite ; tu fais des progrès. MARIE. C’est ce à quoi je m’applique. Je t’ai déjà dit que pour ménager ma santé, et cependant ne pas trop faire jeuner mon Adrien, je lui permettais de temps en temps quelques extras dans le goût florentin. Dernièrement, pendant que, sans beaucoup de plaisir pour moi, il s’escrimait dans mon pauvre petit cul, j’eus machinalement la pensée d’introduire mon doigt dans mon con, et comme l’introduction de ce doigt ne me faisait éprouver aucune douleur, j’eus aussi machinalement l’idée de le remuer de bas en haut, comme fait le membre d’un homme. Ce jeu dû au hasard me procura des sensations étranges et très-agréables ; je rêvai du godmiché, et à part moi je me promis, à la première occasion, de renouveler plus sérieusement un essai qui avec le seul secours de mon doigt m’avait si bien réussi. Voilà, mes amis, la raison qui m’a fait tenir à ce qu’Adrien ne dût jouir qu’avec moi. Quant à la jalousie à laquelle tu as dû croire, chère cousine, elle n’y était pour rien. CAROLINE. Et as-tu eu autant de jouissance que tu te l’étais promis ? MARIE. 162 Plus encore. Mais il faut l’avoir éprouvée. Toute narration serait impossible et ne t’en donnerait qu’une faible idée. CAROLINE. Sais-tu que tu piques ma curiosité et que si je ne craignais d’abuser… MARIE. De qui ? de mon amant ! Regarde si la bonne volonté lui fait défaut. Ne vas pas faire la petite bouche, et si le cœur t’en dit… ADRIEN (l’interrompant avec vivacité). Je suis votre prisonnier, Caroline, et suis résigné à faire tout ce qu’il vous plaira d’exiger. MARIE (que cet empressement a froissée). Jolie résignation, ma foi ! faire ce qu’on désire ardemment ! CAROLINE. Ne vas-tu pas maintenant le quereller de ce qu’il exécute de bonne grâce ce que tu as toi-même proposé ! 163 MARIE. Tu sais bien que je ne suis pas capricieuse. Mais pourquoi manque-t-il de franchise, et dit-il qu’il est résigné à tout, quand il est si heureux de ton désir. CAROLINE. Tu vois bien qu’il ne parle ainsi que par la crainte qu’il a de te déplaire en ne paraissant pas joyeux de la proposition. Tu te plains que la mariée soit trop belle ! C’est une délicatesse, que, malgré nos actions plus que légères, tu devrais mieux apprécier. (Marie, pour prouver que ce mouvement d’humeur est oublié, s’empresse d’embrasser Adrien, qui veut lui rendre ce baiser sur la partie encore humide du dernier assaut.) CAROLINE. Attendez au moins que nos bijoux soient un peu rafraîchis ! Pendant que nous prendrons ce soin, vous allez, cher Adrien, enlever deux matelas de mon lit ; vous les déposerez sur le tapis, en ayant soin de les placer côte à côte. J’ai trouvé, pour mon compte, que le parquet manquait complétement d’élasticité : je ne veux pas que celles qui doivent me remplacer soient durement couchées. (Ces dames ayant disparu, emmenant avec elles Antonia, Adrien s’empresse de satisfaire aux intentions de Caroline 164 en faisant vivement ce qu’elle lui a demandé et en y ajoutant même comme complément deux oreillers. Cela fait, il se dispose à rejoindre les fugitives, lorsqu’il voit venir à pas comptés et d’un air très-sérieux la fringante Antonia ; elle tient dans ses mains une cuvette, et elle est accompagnée dans sa marche par Caroline et Marie ; l’une, à gauche, porte le pot à eau, l’autre, à droite, le linge nécessaire à l’opération qu’elles méditent. Arrivées près d’Adrien, Antonia se prosterne gravement, la tête et les mains à portée de son boute-joie.) ANTONIA. Seigneur, je suis la victime désignée. Vous avez été choisi comme le sacrificateur : Permettez-moi donc de purifier l’instrument sacré qui doit m’immoler. (Et voilà notre victime de bonne volonté versant de l’eau sur le membre d’Adrien, resté dans un vaillant état. Par des attouchements adroitement réitérés, elle fait disparaître les restes de sa dernière offrande ; puis elle prend la serviette des mains de Marie, l’essuie avec soin, l’introduit entre ses lèvres et caresse de sa langue frétillante son gland, que la fraîcheur de l’eau a rendu rose et appétissant.) CAROLINE (à Antonia). Enfin, je crois que te voilà convertie ! 165 ANTONIA. Ah ! mesdames, si tous les hommes ressemblaient à M. Adrien, il y a longtemps que ma conversion serait faite ; mais… MARIE (à Adrien étonné). Tu désires l’explication de ce que tu viens de voir, et même de ce qu’on t’a fait ? Trop heureux mortel, eh bien ! je vais te contenter. J’ai trouvé qu’Antonia toujours bonne et complaisante pour nous, n’avait eu, quoiqu’elle en dise, qu’une pauvre petite part dans nos ébats ; cela n’était pas juste, et j’ai voulu que dans la prochaine reprise sa part fût plus sérieuse. Nous avons donc décidé, Caroline et moi, que ce serait elle qui cette fois serait enfilée par toi, toujours à la même condition, bien entendu, mais ici, avec mon consentement, dans l’intérêt de Caroline : de là son droit de préparer comme elle l’entend ce que nous lui avons destiné. CAROLINE. Comprends-tu maintenant ? On te la fait belle, j’espère. Tiens, regarde : Antonia, déjà étendue sur le matelas, t’attend avec impatience. Va vite dans ses bras, et toi, ma belle… (Voyant Marie qui, n’ayant pas l’habitude de se servir du godmiché, ne peut parvenir à l’ajuster.) Comment ! tu n’es pas encore armée ? Voyons, je vais t’aider ; car sans cela nous risquerions de commencer quand ils auraient fini. Enfin, t’y voilà : ce n’est pas sans peine. À 166 présent, viens te coucher près de moi sur cet autre matelas ; en montant à cheval sur toi ; je vais à ton exemple m’introduire ce beau joujou moi-même, et me suffire jusqu’au fortuné moment où Adrien ayant tout à fait raccommodé Antonia avec le membre viril, viendra me faire éprouver, je l’espère, une jouissance inconnue. (Sauf les rôles, qui sont changés, les groupes sont pareils au précédent. Antonia, très-fière et très-satisfaite de tenir entre ses bras le seul homme vers lequel jusqu’à présent elle se sente attirée, commence le jeu de si grand cœur, que deux postes sont lestement courues par elle. De son côté, Adrien ne veut pas paraître insensible à tant de bon vouloir ; et comme il se sent de force à rendre politesse pour politesse, sans craindre de faillir à ce que la voisine attend de lui, il ne se fait pas scrupule d’arroser abondamment la lice hospitalière d’Antonia. Quoique cette passade ait été rondement menée, sans indices extérieurs, pour ne pas éveiller l’attention de l’autre groupe, le temps n’en paraît pas moins long à l’ardente Caroline, qui, quoique gentiment amusée par les caresses et les mouvements de Marie, est dans une attente fébrile du complément de plaisir qu’elle a demandé et qu’on lui a promis.) CAROLINE. Viens, viens donc, cher Adrien ! mes désirs me brûlent. Ah ! comme cette petite m’excite… Je ne puis plus attendre, et je veux pourtant jouir sous tes coups. 167 (Adrien ne peut se refuser à un appel si pressant ; il quitte le réduit de la soubrette, où il se plaît tant, et va vivement plonger dans le cul de Caroline son vit tout couvert d’écume, ce qui facilite l’entrée d’un si gros engin dans un passage si étroit.) CAROLINE (dont la tête commence à se perdre). Sacredieu ! comme il entre !… Quelle adresse ! Cher bougre, comme tu connais la manière agréable de t’introduire là ! Enfonce… enfonce… ne crains rien, et toi, gentille garce, branle bien mon clitoris, et ne ralentis pas tes mouvements. Oh ! quelle délicieuse fouterie ! (La délaissée Antonia, remise de sa chaude accolade, ne peut détourner ses regards des superbes formes de l’homme qui vient de lui faire connaître pour la première fois l’amour masculin. Toute à la reconnaissance de ce qu’elle a éprouvé, elle cherche, en se rapprochant de son vainqueur, d’être encore pour quelque chose dans les plaisirs qu’il éprouve avec une autre. Allant se placer derrière Adrien et s’agenouillant entre ses jambes, elle baisse la tête de façon à pouvoir caresser de sa langue et de sa main tout ce qui est à sa portée. Comme la première fois, ce surcroît d’excitation que reçoit Adrien double sa vigueur. Aussi Caroline, ne pouvant supporter plus longtemps une sensation si violente :) 168 CAROLINE. Ah ! foutre ! assez !… assez !… Gredin, tu vas me faire passer ! MARIE. Eh ! c’est bien heureux ! Il est temps que tu t’arrêtes. Tu jures comme une vivandière, tu me mords et tu me pinces. Ce n’est plus de la passion, c’est du délire. CAROLINE (un peu apaisée). Que veux-tu ? Ne m’en veux pas. Ce n’est pas ma faute. La vivacité des mouvements du godmiché que j’avais dans le con, ton habileté dans la masturbation de mon clitoris, et par dessus tout la vigoureuse attaque de mon cul par le gros vit de ton Adrien et sa copieuse décharge, tout cela m’avait mis la tête à l’envers. Aussi c’est un jeu auquel il ne faudrait pas souvent se livrer. La jouissance est si forte qu’elle userait bientôt les ressources du meilleur tempérament, et j’engage bien ton amant à réserver ce grand jeu pour les occasions extraordinaires. Je te crois maintenant assez expérimentée et assez convaincue du danger, pour ne pas y exciter Adrien, qui, par faiblesse, pourrait bien ne pas résister à pratiquer de si dangereuses habitudes. (Antonia, pendant les réflexions de sa maîtresse, est restée au poste qu’elle s’est choisi, et le boute-joie d’Adrien 169 restant en évidence, elle s’en empare et s’occupe à le purifier avec les objets de toilette apportés par elle et abandonnés sur le tapis.) CAROLINE. Regarde donc, Marie, c’est à ne pas y croire. Vois comme Antonia caresse avec amour le vit d’un homme, comme elle en prend soin ! C’est une transformation complète. ANTONIA. Pour le présent, oui, mais je ne puis répondre de l’avenir. Quant à M. Adrien, c’est autre chose : il est l’amant de choix de mademoiselle Marie, et cette qualité me le rend sacré. J’ai pu profiter d’une occasion de plaisir que vousmêmes avez fait naître. Vous connaissez ma répugnance pour son sexe, et vous avez voulu, par distraction, vous assurer si cette antipathie tiendrait devant le beau physique d’un brave garçon. C’était une distraction qui avec une autre eût été bien risquée. J’ai été attirée, fascinée comme vous par des perfections qu’on trouve si rarement chez un homme. Voyant cela, vous avez poussé l’imprudence jusqu’à me livrer à ses caresses. Eh bien ! quoique ce jour doive rester dans ma mémoire comme un des plus fortunés de ma vie, soyez dans une sécurité parfaite : tout se bornera, à ce souvenir. Vous savez bien, madame, que je n’aurais jamais osé élever mes désirs jusqu’à M. Adrien : vous en avez décidé autrement ; ce qui est fait est fait. Mais je suis 170 trop bonne fille, pour faire aucune démarche, chercher aucune occasion qui puisse à votre insu me rapprocher de lui. MARIE. Va, Antonia, je te crois une fille loyale, et ai foi dans tes promesses ; pourrais-je d’ailleurs me méfier du si dévoué Antonia ! ANTONIA (entendant sonner cinq heures). Madame ne pense pas que voici l’heure ordinaire de la visite de M. le comte ? Je crois qu’il serait prudent de mettre un peu d’ordre dans nos toilettes et dans cette chambre. CAROLINE. Antonia a raison. Tout est pêle-mêle sur ce tapis ; et si M. de Sarsalle arrivait, comment ferions-nous ? On ne pourrait lui refuser la porte de cette chambre ! Vite donc, ma fille ! ANTONIA. Que M. Adrien ait la complaisance de replacer les matelas sur le lit ; moi, je me charge du reste ; dans quelques instants il n’y paraîtra plus. 171 (Tandis que cela s’exécute, un aparté a lieu entre les deux cousines, pendant qu’elles s’entr’aident à se mettre dans un état décent) CAROLINE. Sais-tu, chère Marie, que malgré ma grande confiance dans la probité d’Antonia, notre conduite plus que légère d’aujourd’hui me donne un peu à réfléchir ? N’y a-t-il pas à craindre qu’en jouant ainsi avec le feu, nous ne soyons nous-mêmes un jour brûlées ? MARIE. Pour une femme qui, comme toi, se pique de philosophie, cette réflexion est un peu tardive et a lieu de m’étonner. Elle montre peu de résolution et de confiance. Comment ! c’est toi qui, à force de raisonner et d’effrayer Antonia sur les dangers qu’il y avait pour les intérêts d’une femme à se prendre d’une belle passion pour un amant, lui as donné le goût des femmes, et lui a tellement engourdi la fibre du cœur, qu’elle n’avait pu jusqu’aujourd’hui avoir en fait d’homme le moindre désir, et tu redoutes que les principes que tu lui as si bien mis en tête, soient oubliés, parce que nous l’avons jetée dans les bras d’un beau garçon qui cette fois, il faut le dire, ne lui a pas trop déplu, mais ce à quoi elle n’avait jamais pensé auparavant ! CAROLINE. 172 Ma théorie est basée sur le bon sens, et l’expérience m’en a prouvé la justesse. Je ne puis cependant m’empêcher de convenir que parfois les sens peuvent avoir raison de la meilleure résolution, et c’est ce qui me fait peur, car alors… MARIE. Alors comme alors, cousine. Est-ce que tu as vu jamais quelque femme mourir de la perte d’un amant, voire même d’un ami ? Non, n’est-ce pas ? parce que le temps nous fait oublier. Cela est pénible à penser, mais cela est. Il faut donc en prendre son parti, et c’est ce que je fais. CAROLINE. Tu as peut-être raison, pauvre amie ; mais quelle philosophie que la tienne ! Elle est peu consolante. Ma foi ! tant pis, je vais faire comme toi : ne pas m’en tourmenter. ANTONIA (entrant précipitamment). Madame, il était temps ! Voilà le comte qui entre au salon. CAROLINE (à Marie). Tu sais que je te garde à dîner avec Adrien. ADRIEN. 173 Quoi ! chère Caroline, vous voulez ? CAROLINE. Comment ! Monsieur va encore faire des façons ! Ah ! cousine, corrige-le donc de cette sotte retenue qu’il croit être de la dignité, et qui n’est que de l’orgueilleuse faiblesse. Vos intérêts exigent qu’il fréquente beaucoup le comte, et il faut que cela soit ADRIEN. Vos ordres sont trop dans mes goûts pour que je refuse de m’y soumettre. J’obéirai. CAROLINE. C’est bien heureux ! Maintenant, vous savez que le comte nous attend au salon, allons le retrouver. 174 QUATORZIÈME ENTRETIEN. LE COMTE, CAROLINE, MARIE, ADRIEN, ANTONIA. (Caroline et Marie, suivies d’Adrien, passent au salon, où le comte les attend patiemment un livre à la main et qu’il paraît lire avec un certain intérêt, ce qui ne l’empêche pas de le faire disparaître sous un coussin du divan pour aller à leur rencontre. Ce mouvement a été remarqué de nos belles qui entraient : elles se promettent donc de vérifier ce que le comte vient de soustraire à leurs regards.) CAROLINE. Cher comte, Adrien et Marie sont venus me faire visite : c’est un plaisir que je n’ai pas tous les jours ; aussi je les garde à dîner, et j’ai trouvé bon de faire ajouter un couvert, espérant que vous ne refuseriez pas de nous faire compagnie. LE COMTE. Comment donc ! mes toutes belles, douteriez-vous du plaisir que j’ai à me trouver près de vous. Merci de votre 175 attention, je suis des vôtres ! (Allant à Adrien et lui tendant la main.) Monsieur l’artiste, vous nous négligez beaucoup ; pourquoi ne venez-vous pas nous voir plus souvent ? Sans votre gentille Marie, qui fort heureusement ne vous ressemble pas, nous n’entendrions pas parler de vous. ADRIEN. Monsieur le comte, l’intérêt que vous me portez est le seul motif qui me prive du plaisir que j’aurais moi-même à vous visiter plus souvent. LE COMTE. Comment cela ? Expliquez-moi… ADRIEN. Grâce à vos recommandations, le travail que vos amis m’ont procuré absorbe tout mon temps. Marie elle-même se plaint du peu que je puis disposer en sa faveur. LE COMTE. Si tel est le motif vous êtes pardonnable, et j’accepte vos excuses. Travaillez donc ; que vos efforts soient couronnés d’un prompt et heureux succès, nous espérerons alors vous posséder plus souvent. Mais en attendant cet heureux moment, n’allez pas, dans votre égoïsme, nous priver du 176 plaisir que nous procurent les visites de mademoiselle Marie. ADRIEN. N’ayez aucune inquiétude à ce sujet ; il ne me viendra jamais à la pensée de la priver d’un plaisir sous le prétexte que je ne puis le partager avec elle. Puis mademoiselle Caroline a été pour nous si bonne et si dévouée, qu’il y aurait ingratitude à la priver de sa société. (Pendant cet aparté, ces dames se sont assises sur le divan où le comte a glissé son livre. Caroline l’a tiré de sa cachette. La lecture du titre[1] amène sur leurs lèvres un sourire et une exclamation de surprise. CAROLINE (à marie). Où diable le comte a-t-il eu cela ? je ne lui connaissais pas le goût de ces lectures. (Au comte.) Comment, cher comte, vous nous cachez ce livre. Craignez-vous de voir augmenter notre savoir ? Quel égoïsme ! D’où tenez-vous donc cette merveille ? LE COMTE. Je l’ai pris dans la bibliothèque d’un ami, avec l’intention de vous en procurer la lecture, espérant que vous y trouveriez une distraction de quelques instants. 177 ANTONIA (ouvrant la porte du salon). Madame est servie. (Le comte s’empare du bras de Marie pour passer à la salle à manger. Caroline et Adrien suivent quelques pas en arrière et profitent de cette circonstance pour, à l’insu du comte, échanger quelques baisers qui sont donnés et rendus avec plaisir. Nos travailleurs font honneur au dîner. Vers la fin, les têtes sont un peu montées. Le comte et Adrien provoquent leurs belles partenaires par des baisers et jeux de mains qui pourraient faire craindre que la soirée ne finisse par une reprise en partie carrée. Mais la fatigue de trois de nos convives ne leur permet pas d’essayer à se livrer à de nouvelles prouesses amoureuses. Adrien et Marie parlent de se retirer, vu l’heure avancée. On se sépare donc après force promesses de se revoir le plus prochainement possible.) FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE. 178 1. ↑ Instruction libertine, ou Dialogues entre Charles et Justine sur la théorie physique de l’amour et les moyens de s’en procurer les plaisirs matériels. Manuscrit dû à la plume et aux loisirs de M. B....t, ancien magistrat, mort à Paris en 1865, laissant une des plus nombreuses et variées collections du genre érotique (livres et gravures) qu’il soit possible de rassembler. À sa mort, une partie fut vendue aimablement à un autre amateur ejusdem farinæ, lequel, dans toutes ces richesses qu’un demisiècle de recherches, de patience et de travail avait accumulées, fit un choix, mais si rapide, qu’il laissa échapper de ses mains une notable partie des perles que renfermait ce riche écrin. Le reste fut vendu à un libraire qui, ayant hâte de rentrer dans ses déboursés, revendit avec un discernement qui ne fait pas son éloge, toutes ces curiosités bibliographiques. Les amateurs qui fréquentaient le quai Voltaire à l’époque dont nous parlons, n’ont point perdu le souvenir de cette quantité de livres entassés les uns sur les autres, sans ordre, et qui, leur choix fait, obtenaient à un prix insignifiant des livres qu’ils auraient payés à prix d’or. Il est à regretter que les nombreuses notes que cet amateur avait pris la peine de rassembler sur tous ces livres, et desquels il donnait les différents titres, les diverses éditions et les différences qui existaient entre elles, aient été perdues. Ces notes n’étaient pas la partie la moins curieuse de cette collection. 179 SECONDE PARTIE INTRODUCTION Dans un moment de désœuvrement, Marie est allée voir sa maîtresse d’apprentissage et y a rencontré Louisa, son ancienne camarade, qui a quitté en même temps qu’elle l’atelier. Les deux amies, enchantées de se retrouver, se sont promis à l’avenir de ne plus se perdre de vue. Louisa, de retour chez elle, a parlé à M. Martin, son protecteur, de l’heureuse rencontre qu’elle a faite ; elle lui a dit tant de bien de son amie, qu’elle lui a fait naître le désir de la connaître et de lui être présenté. Louisa s’est chargée de ce soin, et, à cette intention, a arrangé un dîner en tiers qui a été accepté par Marie. C’est pour se rendre à ce dîner que Louisa est allée prendre chez elle son amie. 180 QUINZIÈME ENTRETIEN. LOUISA, MARIE, MARTIN, Un GARÇON. (Un coupé s’arrête à la porte dérobée du café Anglais. Louisa et Marie en descendent lestement, et montent aussitôt l’escalier des cabinets particuliers.) LOUISA (à un garçon qui se présente). Monsieur Martin ? LE GARÇON. Voilà ! n o 5 : trois couverts, dîner pour six heures ; personne n’est encore arrivé. Entrez, mesdames. Ces dames n’ont besoin de rien ? LOUISA. Non ; si nous avons besoin de quelque chose, nous sonnerons. MARIE (apercevant deux bouquets). 181 Sais-tu que ton monsieur fait bien les choses ? Des bouquets ! Quelle galanterie ! LOUISA. Oui, il a du bon. (Ces demoiselles s’étant débarrassées de leurs manteaux et de leurs chapeaux, s’approchent du feu en se serrant les mains et en s’embrassant.) MARIE. Que je suis contente de te revoir ! LOUISA. Et moi donc ! Quel heureux hasard t’a fait venir à l’atelier le même jour que moi ! Car maintenant tu ne vas pas souvent voir madame. MARIE. Quelquefois : il ne faut pas être ingrate. LOUISA. Que tu es gentille d’avoir accepté mon invitation ! Au reste, c’est Martin qui en a eu l’idée. Quand je lui ai parlé de notre rencontre, que je lui ai dit combien j’étais joyeuse 182 de t’avoir retrouvée, toi, ma meilleure amie de l’atelier, il a voulu te connaître, et n’a pas eu de cesse que je n’eusse ton acceptation. Je vais donc te le présenter. Il est bon enfant, va ! MARIE. Mais comment Charles prend-il la chose ? LOUISA. Il fait l’aveugle. Dame ! je ne pouvais pas cependant vivre d’amour et d’eau claire ! MARIE. Comment as-tu connu M. Martin ? LOUISA. J’avais depuis longtemps envie d’aller au bal de l’Opéra ; je fis tant que Charles consentit à m’y conduire en compagnie de la grande Mariette, qui, connaissant parfaitement les us et coutumes de l’endroit, se chargeait d’être mon introductrice et de faire que je ne m’y ennuyasse pas. MARIE. Sa confiance était bien placée ! 183 LOUISA. Tu vas voir : À peine arrivés, Mariette me fit quitter le bras de Charles, sous prétexte qu’il nous ferait reconnaître, et m’entraîna dans la foule. C’est alors qu’elle rencontra M. Martin, qu’elle attaqua, mais qui la reconnut de suite à sa grande taille. Comme je m’étais mêlée à leur entretien sans contrefaire ma voix, M. Martin, frappé de mon organe et de ma prononciation, dit : « Si, comme je n’en doute pas, le plumage ressemble au ramage, voilà une petite femme qui ferait une excellente actrice ! — Je ne demanderais pas mieux, répondis-je ; mais je ne connais personne de théâtre pour me lancer. — Qu’à cela ne tienne ! et si vous parlez sérieusement, je m’offre pour vous servir de guide. Venez dans ma loge ; nous causerons mieux que dans ce corridor, où l’on est heurté par tout le monde. » Cette proposition très-bien accueillie, nous voilà bientôt dans sa loge, démasquées et désencapuchonnées. « Je vois que je ne me suis pas trompé : des yeux superbes et un physique aussi distingué que la voix. Si avec cela nous avons de la bonne volonté, je réponds du succès » Là-dessus, me prenant les mains, qu’il baisait, il me demanda de nouveau si je désirais sérieusement entrer au théâtre. Sur ma réponse affirmative, il me demanda mon nom et mon adresse. Je lui dis que je demeurais chez ma tante et que je dépendais d’elle ; que je pensais qu’elle ne s’opposerait pas à ce projet ; qu’elle en serait plutôt contente, surtout quand on lui parlerait de la certitude de ma réussite. Il me promit donc de venir voir ma 184 tante le lundi suivant, et de prendre avec elle des arrangements. Cette fois, avant de remettre mon masque, je lui permis un baiser sur le front, puis, nous étant rajustées, nous lui serrâmes la main en lui disant adieu, et retournâmes rejoindre Charles, qui était inquiet de ne pas nous voir. MARIE. Soyez donc complaisant ! Menez donc vos maîtresses au bal ! LOUISA. Pouvais-je refuser de telles offres ! Tiens, ce n’est pas amusant d’être toute la journée assise dans un atelier ! MARIE. Et comment ça s’est-il arrangé chez ta tante ? LOUISA. Au mieux. Martin est venu ; il a offert à ma tante d’être mon professeur, de me faire entrer au Conservatoire, et de faire tous les frais nécessaires jusqu’à mes débuts. Juge si ma tante a accepté ; d’autant qu’il a dit qu’il ne demandait rien qu’un peu de reconnaissance. 185 MARIE. Nous savons ce que c’est que cette reconnaissance. LOUISA. Ce n’est pas difficile à deviner. Quand la confiance fut un peu établie, je devins sa maîtresse et je n’en suis pas fâchée. MARIE. Tu l’aimes donc ? LOUISA. Mais oui ! MARIE. Et Charles ? LOUISA. Et Charles aussi, mais ce n’est pas de la même façon. Je t’assure qu’avoir deux amants bons garçons, ça n’est pas désagréable ; il y a même souvent de l’agrément. Je voudrais les rendre assez amis pour coucher entre eux deux ! MARIE. 186 C’est cela, pour que chaque trou ait sa cheville ! LOUISA. Que veux-tu dire par là ? MARIE. Que ton devant et ton derrière seraient occupés et fêtés en même temps. LOUISA. Est-ce que c’est possible ? MARIE. On dit que ça se fait, et avec grande jouissance encore ! LOUISA. Ah ! Tu en sais quelque chose ? MARIE (rougissant). Non… mais on me l’a dit. LOUISA. Tu n’es pas franche, tu en sais plus long que tu ne veux dire. Voyons, sois bonne fille ; ne me cache rien ; contente 187 ma curiosité. MARIE. Plus tard ; mais tu seras discrète même avec tes amants ? LOUISA. Foi de bonne camarade ! Mais pourquoi ne le veux-tu pas de suite ? MARIE. Ne m’en demande pas davantage. Maintenant, apprendsmoi donc dans quel emploi on veut te faire débuter ? LOUISA. Dans les jeunes amoureuses comiques et les travestis ; je dois dans quelques jours m’essayer à la scène lyrique dans BABINET, de l’amour, qué qu’c’est qu’ça ? C’est un fort joli rôle de petit garçon. Mais, pour paraître la première fois en culotte, je n’oserai jamais. Martin, pour m’y habituer, m’a fait faire un habit d’homme ; je dois même l’essayer ce soir. Suis-je assez bien faite ? je ne le sais pas. Toi, la maîtresse d’un peintre, tu dois t’y connaître. Tiens, je n’ai mis ni pantalon ni corset, dans la prévision de l’essai du costume : tu vas me dire en conscience ce que tu penses ? 188 (Sans attendre la réponse de Marie, chemise, jupons et robe sont retroussés jusqu’au nombril.) MARIE (que la vue de ce corps charmant anime, dévore tout des yeux, mais ne se permet aucun attouchement). LOUISA. Eh bien ! qu’en dis-tu ? MARIE. Ne te tiens donc pas les jambes raides ; pose-toi naturellement. Les attaches de tes pieds sont fines et leur donne une grâce infinie ; ton mollet est d’une bonne grosseur et bien placé ; le genou petit et la cuisse ronde ; pas de ventre et des hanches pas trop fortes, que veux-tu de plus ? Tourne un peu ; voyons le derrière ! Quelle chute de reins ! quel joli cul ! Qu’il est bien fait ! comme il est blanc ! LOUISA. Et ferme ! Tâte, ma chère. On dirait que tu n’oses y toucher. Pelotte, pelotte donc ! Ferme ! ferme ! (Marie, qui mourrait d’envie d’en venir là, ne résiste plus à cet encouragement. Elle ne se contente pas de caresser le 189 cul de Louisa, elle le baise ; puis, coulant une de ses mains entre les cuisses, elle gagne en dessous les lèvres du con de son amie, et, y ayant introduit son doigt, elle sent son clitoris tout gonflé.) MARIE. Tu bandes, petite coquine ! LOUISA. Oh ! oui, branle, branle fort ; ne crains rien ; donne-moi ta bouche, darde-moi ta langue. Tiens, à présent, voilà ma gorge ; suces-en les bouts ! Ah ! que j’ai de plaisir ! Ah ! Marie, que tu fais bien jouir ! Assez ! assez !… (Marie arrête le jeu de son doigt sur le clitoris, mais n’en continue pas moins ses baisers de feu et ses attouchements sur les autres parties du corps.) LOUISA (un peu calmée). Ah ! que c’est bon ! MARIE (à louisa, qui relève sa robe). Que cherches-tu ? que veux-tu faire ? LOUISA. 190 Je voudrais voir à mon tour ton petit chat, que j’ai à peine touché, enfermé qu’il est dans ton pantalon. MARIE. Attends, je vais retrousser mes jupes, et les maintenir le plus haut possible ; ensuite, me coucher sur ce canapé ; tu pourras facilement, par la fente de mon pantalon, contenter ton envie. LOUISA. Est-il joli ! Comme les poils sont soyeux ! comme les lèvres sont vermeilles et fraîches ! Et cette langue qui s’en échappe, qui se durcit à mon toucher, tout cela appelle le baiser ! Tiens… tiens… je le mangerais ! MARIE. Oh ! dépêche-toi, Louisa ; le temps passe, et j’ai peur que nous ne soyons surprises. LOUISA. Eh ! bon Dieu ! c’est vrai ; nous avons oublié de pousser le verrou ! Vite, rajustons-nous avant que Martin n’arrive. (Nos deux femmes s’entr’aident réciproquement. À peine le désordre de leur toilette réparé, que paraît M. Martin.) 191 MARTIN. Enfin, me voici, mesdames, je me suis fait un peu attendre ; vous serez assez indulgentes pour m’excuser : un fâcheux m’a retenu. LOUISA (l’embrassant). Tu es tout excusé. (Se tournant vers Marie.) M. Martin… un véritable ami, et aussi un peu mon amant. (À Martin, désignant Marie.) Mademoiselle Marie… ma bonne camarade de l’atelier, aujourd’hui dans les arts. MARIE. C’est-à-dire maîtresse d’un artiste. Tu ferais croire à monsieur que moi aussi je me destine au théâtre. MARTIN. Vous ne feriez peut-être pas si mal. Jolie comme je vous vois, que de chances de réussite ! MARIE. Il faut avoir, outre la beauté, le diable au corps… et je ne l’ai pas. MARTIN. Ne pourrait-on vous le mettre ? 192 LOUISA. Martin !… déjà ?… Ne lui réponds pas, Marie. MARTIN. Voici, mesdames, votre menu : des ostendes, une bisque, une barbue sauce crevettes, perdraux et bécasses truffées, écrevisses à la bordelaise et une friandise, champagne frappé ou Bordeaux. MARIE. Peste ! quel dîner incendiaire ! MARTIN. Ne suis-je pas là pour éteindre les feux ? LOUISA. Martin !… encore !… MARTIN. Voici le dîner servi ; mettons-nous à table. LOUISA. Je prends Marie à côté de moi. 193 MARTIN. Comme tu voudras ; alors, je me mets en face de vous : ce sera le supplice de Tantale, que je ferai bien cesser à ma volonté, à preuve que je vais vous embrasser toutes deux. (Il exécute.) LOUISA. Vilain homme ! Reste donc tranquille ! Quel plaisir as-tu à toujours embrasser ? MARTIN. N’est-ce rien que de contenter deux sens, la vue et le toucher, et avec deux jolies femmes encore ! LOUISA. Avec moi, bien… mais avec Marie… tu n’en as pas le droit ! MARTIN. Mademoiselle Marie a des yeux qui annoncent la bonté ; et quand on est bon, on est heuheux du bonheur que l’on a procuré aux autres. LOUISA. Joli bonheur ! 194 MARTIN. Qu’avez-vous fait en m’attendant ? (Louisa et Marie se serrent la main en signe d’intelligence.) LOUISA. Nous avons parlé de vous. MARTIN. En avez-vous dit beaucoup de mal ? LOUISA. Assez !… MARIE. Laisse-moi dire… Louisa m’a avoué qu’elle vous avait pris sans amour, qu’elle voulait faire son chemin, qu’elle avait besoin d’un protecteur, d’un pilote expérimenté qui pût écarter les dangers du voyage et la mener à bon port, qu’elle avait cru rencontrer en vous les qualités qu’elle cherchait ; et comme vous ne demandiez rien en récompense des services offerts ; elle vous avait accepté, l’avenir réservé. Par la suite, elle a reconnu en vous des qualités rares, au moral comme au physique. Elle a éprouvé pour vous d’abord de la reconnaissance, puis ensuite de 195 l’amitié, et enfin de l’amour. Elle prétend que vous l’aimez pour elle-même, que vous faites tout pour lui procurer un plaisir ou lui éviter un chagrin, et que vous poussez cela si loin que, sachant qu’avant vous elle avait un amant qu’elle aimait, et que c’était un brave garçon, loin de chercher à l’en détourner, vous l’aviez engagée à redoubler de soins, de manière à ce que sa délicatesse ne fût pas mise à une trop rude épreuve. MARTIN. J’ai fait ce que m’indiquait le simple bon sens. Nous ne sommes pas les maîtres de faire changer nos sentiments, et pourquoi vouloir posséder seul le cœur d’une femme ? Sommes-nous jaloux si un ami a un ou plusieurs amis ? Pourquoi n’en serait-il pas de même des femmes ? N’ontelles pas en elles de quoi contenter plusieurs amants ? Vouloir tout l’amour d’une femme, n’est que de l’égoïsme et de l’orgueil. Je soutiens que la fidélité du corps est contre nature. La constance dans les sentiments du cœur me suffit, et c’est la seule que je réclame dans une femme. LOUISA (un peu échauffée par le champagne). Tiens, mon chéri, viens m’embrasser ; tu parles comme un ange. Pour ta peine, je te permets d’embrasser aussi Marie. 196 (Martin s’empresse de profiter de la permission de Louisa ; il se lève, et lui donne un véritable baiser d’amant, c’est-à-dire langue en bouche ; il traite de même, Marie sans qu’elle ait eu le temps de s’en défendre.) LOUISA. Voilà, vilain libertin, comme vous abusez des bontés qu’on a pour vous ! MARTIN. Mademoiselle Marie est indulgente ; elle voudra bien me pardonner ce larcin, qui m’a fait tant de plaisir ! LOUISA. Cela se voit assez sur ton pantalon ! MARTIN. C’est l’effet de ton baiser qui me met dans cet état. LOUISA. Menteur ! MARTIN. Viens faire ta paix avec lui. Donne-moi cette main. 197 (Louisa se laisse prendre la main et la porter à l’endroit accusateur ; mais au moment où Martin veut en même temps, pour réparer sa faute, lui donner un nouveau baiser, Louisa, par un brusque mouvement de tête, l’évite, et va sur la bouche de son amie aspirer une jouissance désirée et partagée.) MARTIN. Je crois que je ferai bien de mettre le prisonnier en liberté. (Commençant à défaire les boutons de son pantalon.) LOUISA. Qu’allez-vous faire, Martin !… Si le garçon entrait, on nous prendrait pour des filles. Nous pourrions passer ces folies chez toi ; mais ici, dans une maison publique !… Ah ! je ne reconnais ni ta prudence ni ta raison. MARTIN. Eh bien ! allons chez moi. Nous y essaierons ton costume d’homme. Mais que chuchotiez-vous donc ainsi à l’oreille ? LOUISA. Elle me dit que si tu étais bien gentil, tu nous conduirais chez toi ; tandis que nous essaierions le costume ; tu irais 198 faire un tour à ton club ; que tu reviendrais au bout d’une heure, et qu’alors tu me trouverais tout habillée. Consens, et tu n’auras pas à t’en repentir, je te le promets. MARIE. Vous le voulez bien, n’est-ce pas ? MARTIN. Puisque vous le voulez toutes les deux, il le faut bien, mais vous conviendrez qu’il est un peu dur de me forcer à quitter ainsi deux jolies femmes. LOUISA. Mais puisqu’on ne te demande qu’une heure… à peine le temps d’essayer le costume. MARTIN. Le costume !… le costume !… Alors préparez-vous ; je vais régler la carte. (Il sort.) LOUISA. Eh bien !… comment le trouves-tu ? MARIE. Très-aimable ! 199 LOUISA. Tu vois, il a de suite consenti à ma demande ; il se doute bien de ce que nous allons faire ; il a jugé que sa présence nous gênerait, et dans la crainte de m’être désagréable, il a tout accordé. MARIE. Il est garçon ? LOUISA. Non, il est marié, et séparé de sa femme ; il n’y a donc pas avec lui le même inconvénient qu’avec Charles. MARTIN (entrant). Mesdames, la voiture est avancée ; êtes-vous prêtes ? LOUISA Et MARIE. Nous voici ; partons. 200 SEIZIÈME ENTRETIEN. La chambre à coucher de M. Martin. MARIE, LOUISA. MARIE. Est-on en sûreté ici ? LOUISA. Rien à craindre. Les domestiques ont ordre de ne venir que quand on les sonne. Ici ce n’est pas comme au café Anglais : les verroux sont mis ; la seule entrée libre est la porte par laquelle nous sommes passées. Martin et moi en avons seuls la clef. Le valet de chambre de Martin a campo ; aussi, avant de se retirer, il a eu soin, ainsi que tu le vois, de préparer le service de son maître. MARIE. Effectivement. Voilà la couverture faite, le feu allumé ; jusqu’au bidet et aux serviettes, rien ne manque. 201 LOUISA. Aide-moi à avancer ce canapé près de la cheminée. MARIE. Volontiers. Tiens, voilà ton costume ! On n’y a rien ménagé ; il est bien joli ! Vas-tu l’essayer de suite ? LOUISA. Laisse-le là ; nous avons à mieux employer notre temps. Viens près de moi sur ce canapé. MARIE. Ce feu va me ranimer, le trajet m’avait glacée. LOUISA. Tu n’es pas fâchée de ce que je t’ai fait au café Anglais ? MARIE. Pourquoi fâchée ? Tu m’as fait éprouver trop de plaisir pour cela, et je pense que toi même tu n’as pas été insensible à mes caresses. LOUISA. 202 Elles m’ont fait le plus grand plaisir. Dis-moi, est-ce la première fois que tu caresses une femme ? MARIE. Oui. LOUISA. Moi aussi ; Martin qui m’avait parlé de cela avait excité ma curiosité ; depuis, j’avais un désir immodéré de connaître ces plaisirs. Aussi t’ai-je fait des avances. MARIE. Je t’avoue que, malgré la vue de tes charmes, malgré le désordre que cette vue portait dans mes sens, je n’aurais jamais osé porter les mains sur toi, si tu ne m’y avais excitée. Mais une fois que j’ai senti la chaleur de ta chair palpitante sous mes mains amoureuses, je n’ai plus été maîtresse de mes actions, et par mes attouchements j’essayai d’allumer en toi les feux d’un plaisir que j’aurais désiré connaître moi-même. LOUISA. Dans quel torrent de volupté tu m’as plongée ! Ah ! que j’aurais voulu te rendre une partie du plaisir que tu me donnais ! Mais ce corset et ce pantalon ont été un obstacle à mes désirs passionnés. Aussi comme je veux m’en 203 dédommager ! (Risquant quelques baisers et quelques attouchements.) Tu m’as promis, ma chérie, de me dire comment deux hommes pourraient le mettre en même temps à une femme. MARIE. Comment ! tu penses encore à cela ? LOUISA. Plus que jamais. J’ai ta promesse et ne te laisserai en repos que quand tu m’auras expliqué comment cela se fait. MARIE. Mais, ma chère, je ne sais si je pourrai t’en donner convenablement l’explication. Pourtant je vais te prouver ma bonne volonté en essayant de le faire. De tes deux amants, l’un est sans doute mieux monté que l’autre. Le moins bien monté des deux s’introduira dans ton derrière. LOUISA. Que me dis-tu là ! Aucun d’eux ne me l’a mis ainsi : ils me l’ont bien demandé, mais je ne l’ai pas voulu. Ils n’auraient qu’à m’estropier ! MARIE. 204 Que tu es enfant !… Attends, je vais essayer de t’en donner une faible idée avec mes doigts. Débarrassons-nous d’abord de ces importuns vêtements. LOUISA. Viens, que je te délace ! Oh ! quelle jolie gorge que ce vilain corset me cachait ! Comme elle est ferme ! Laisse, que je baise ces deux boutons si frais. Veux-tu que je t’aide à retirer ce pantalon ? MARIE. Non, merci ; voilà qui est fait. LOUISA. Le voilà donc, ce joli chat ; je puis le voir, le caresser tout à mon aise ! (Elle le baise plusieurs fois.) MARIE. Cesse, Louisa. Je ne pourrai jamais te démontrer la chose, si tu ne veux pas rester tranquille. LOUISA. J’obéis. Que faut-il faire ? quelle posture dois-je prendre ? 205 MARIE. Couche-toi sur ce canapé, sur le côté, la face tournée vers moi, ton con bien en évidence, les cuisses légèrement écartées, de manière à pouvoir passer ma main derrière. Bien ! te voilà admirablement placée. LOUISA. Que fais-tu ? Ta langue caresse mon clitoris. MARIE. Cela t’est-il désagréable ? LOUISA. Bien au contraire ! Mais ce que tu m’as promis… MARIE. Quelle impatience ! LOUISA. Je sens que tu me mets le doigt dans le derrière. Il ne pourra pas entrer. MARIE. 206 Bast ! avec un peu de cold-cream, de la patience et de l’adresse, tu verras que nous en viendrons bien à bout. LOUISA. Arrête ! tu me fais mal… là ! pousse à présent… il entre un peu ; pousse encore… Ça y est ! Remue… remue… Oh ! ne quitte pas mon clitoris… Que vas-tu faire encore ?… Voilà que tu mets l’autre doigt dans mon con ! Il y est, ma foi ! Oh ! enfonce-le bien ! Quel frottement délicieux ! qu’elle fournaise de volupté ! Tiens ! pompe mon foutre !… tiens, pompe ma vie… Ah ! ah !… je me meurs. MARIE. Quel tempérament ! LOUISA. Avec ton habileté tu ferais bander un paralytique. MARIE. As-tu maintenant la preuve que deux hommes peuvent en même temps donner du plaisir à une femme et en recevoir. LOUISA. Oui, mais les boute-joies de ces messieurs sont plus gros que tes doigts. 207 MARIE. Ta boutonnière est déjà faite à leur grosseur ; quant à l’œillet, tu as senti qu’il prêtait comme un gant. LOUISA. C’est pourtant vrai ; je veux faire l’essai de cette élasticité-là ce soir avec Martin. MARIE. Tu ne perds pas de temps ! LOUISA. Tu m’as si bien préparée que je veux en profiter. En attendant, je meurs d’envie de te rendre une partie des plaisirs enivrants que tu m’as fait éprouver ; y consens-tu ? MARIE. Ton désir ne peut égaler le mien ! Jetons-nous sur le lit : nous y serons plus commodément… Mettons-nous têtebêche, toi dessous, moi dessus, ta tête un peu plus élevée par l’oreiller, comme cela. Me voici à cheval sur toi, ta tête est encadrée dans mes deux cuisses, ta bouche et tes mains sont à portée de faire commodément le service désiré. Moi, par le bas, je me charge de toi. 208 LOUISA. Quelle perspective délicieuse ! Je vois depuis ta motte jusqu’à ton trou mignon. Attends que j’écarte tes poils ; en caressant mes lèvres, ils gênent l’exercice de ma langue. MARIE. Pas mal ! plus légèrement ta langue… plus vite tes doigts ; ne crains pas de les enfoncer ; très-bien ; fais-les toujours mouvoir ensemble. Ah !… ah !… (Arrivées là, trop ardentes toutes les deux pour s’arrêter en si beau chemin, c’est à qui des deux amies s’empressera le plus, par d’ardentes caresses, de prouver sa passion. Les sensations violentes qu’éprouve Marie ne lui font pas négliger son amie : elle la fait passer par tous les degrés de jouissances que lui a si bien appris Caroline. Enfin, la crise finale arrive trop vite au gré de nos amies, qui auraient voulu prolonger ce jeu ravissant. Martin entré à petit bruit sur la fin de cette lutte amoureuse, et, caché par un rideau, en a vu les derniers incidents.) MARTIN. Charmant ! délicieux ! ravissant ! (À cette apparition soudaine, Louisa et Marie se sont roulées dans leurs couvertures.) 209 Eh ! pourquoi dérober à mes regards un si joli spectacle ? LOUISA. Fi ! l’indiscret ! on ne s’introduit pas ainsi chez les dames ! C’est de la trahison ! MARTIN. Vous m’avez demandé une heure : il y a une heure cinq minutes que je vous ai quittées. LOUISA (à Marie). C’est vrai ; il est dans son droit ; nous lui avons promis qu’il n’aurait pas à s’en repentir s’il nous laissait notre liberté pendant une heure ; il s’est prêté de bonne grâce à notre fantaisie, il est juste que nous nous exécutions. Permets donc, ma chère, qu’il partage nos plaisirs. MARIE. Puisque tu nous as laissées surprendre, il y aurait mauvaise grâce, après ce qu’il a vu, à faire de la pruderie. Il faut bien que j’y consente. Mais au moins peut-on compter sur sa discrétion ? LOUISA. 210 Pour cela, sois tranquille je l’ai mis à l’épreuve : discret comme un mort. Viens, mon chéri, viens entre deux jolies femmes, recevoir la récompense de ta complaisance. (Martin, qui a vivement quitté ses habits, se trouve bientôt couché entre nos deux amoureuses, et commence par les accabler l’une et l’autre de caresses de toutes sortes.) LOUISA. Calme-toi donc ! et mettons un peu d’ordre dans nos plaisirs : je suis en train, de bonne humeur et toute prête à faire ce que tu voudras : ordonne. MARIE. Sais-tu à quoi tu t’engages ? LOUISA. Ça m’est égal ! (Martin, se penchant à l’oreille de Louisa, lui fait savoir à voix basse ce qui le rendrait bien heureux.) LOUISA. Oh ! le vilain homme ! Sais-tu, ma chère, qu’il me propose de me sodomiser ! Pouvais-je m’attendre à cela ! Je ne veux pas. 211 (Marie, qui voit bien où Louisa veut en venir.) MARIE. Je te l’avais bien dit que tu t’engageais imprudemment ! Alors refuse, si tu ne crains pas de manquer à ta parole. MARTIN. Je sais bien, ma chère amie, que c’est la plus grande preuve d’amour que tu puisses me donner, et c’est pour cela que je te le demande. LOUISA. Quelle folie ! MARIE. C’est une folie que bien d’autres ont faites avant lui ; laisse-le essayer. LOUISA. Mais il va me pourfendre. MARTIN. J’irai bien doucement, je prendrai toutes les précautions possibles. 212 LOUISA. Vois ce boute-joie : comment cela pourra-t-il entrer ? MARTIN. Penses-tu que le cold-cream n’ait été inventé que pour la figure ? LOUISA. Je crois qu’il perd la tête ! Essaie donc. Suis-je bien comme cela ? MARTIN (qui se met en position). Voyez donc, Marie, quelle belle croupe ! quelle belle chute de reins ! (Martin cherche à s’introduire, mais la voie n’étant pas faite, ses efforts sont infructueux.) LOUISA. Tu vois bien ! qu’il ne peut pas entrer. MARTIN. Quand j’avance, tu recules ; comme cela je ne pourrai jamais. 213 LOUISA. J’écarte cependant les fesses tant que je peux. MARTIN. Voila qu’il entre ; courage, il y sera bientôt tout entier ! LOUISA. Ahi !… ahi !… (La douleur qu’éprouve Louisa lui fait faire un mouvement en avant, ce qui déloge Martin de son gîte.) Maladroit… le voilà dehors ! MARTIN. Ce n’est pas ma faute : tu remues toujours. MARIE. Je vois bien que si je ne m’en mêle pas, vous n’en viendrez pas à bout. Tiens, mignonne mets-toi à genoux entre mes cuisses ; penche-toi sur moi, lève bien ton cul. Recommencez, Martin ; donnez un léger postillonnage d’abord, pour préparer la voie. Je vais maintenant vous faciliter l’entrée en écartant ses fesses. Présentez-vous… Poussez. Vous voyez, la tête y est déjà logée. Ne bouge plus, Louisa ; je vais en dessous te branler. 214 LOUISA. Le plaisir que tu me donnes diminue un peu ma douleur. Donne-moi aussi ta langue. Ah ! il pénètre… le bougre ! Pas si fort donc ! Pousse… pousse encore… Cristi !… enfin il est entré jusqu’aux poils. Oh ! mignonne, branle-moi toujours. Voilà le plaisir qui commence. Le drôle d’effet C’est comme un tison ! Va !… va !… mon ami ; encore… encore ! Ah ! gredin tu décharges ! Tiens ! et moi aussi : c’est fini. MARIE. Eh bien ! tu vois, tu n’en es pas morte ? LOUISA. Oh ! comme mes pauvres fesses me cuisent ! MARIE. Eh bien ! va te rafraîchir : le bidet n’est pas loin. LOUISA (bas à marie). Et d’une ! (Martin et Louisa, après leurs ablutions réciproques, se sont remis au lit. Ce dernier s’est empressé de donner quelques baisers à Marie pour la remercier de sa complaisance.) 215 Tu peux bien la remercier, car sans elle je ne me serais jamais prêtée à cette infamie. Tu bandes encore, je le vois bien, et où as-tu la prétention de loger ce monsieur-là ? D’abord je ne prête plus ni devant ni derrière ; je souffre trop. J’ai des cuissons insupportables qui ne portent guère à l’amour. MARTIN. Qui donc aura pitié de moi ? LOUISA. Demande cela à Marie. MARIE. Es-tu folle ? LOUISA. Des scrupules ! Si c’est par rapport à moi, sois tranquille ; puisque c’est moi qui te propose la chose, je ne puis m’en froisser ; quant à ton peintre, il ne le saura pas, et un mal qu’on ignore n’existe pas. MARTIN. Voyez comme il est beau ; ne lui refusez pas l’hospitalité. 216 MARIE. Quelle idée as-tu eue là ! MARTIN. Allons, venez sur moi en petit garçon ! MARIE (faisant l’ignorante). Je ne sais pas comment ! MARTIN. Vous allez vous mettre sur moi. MARIE. Il faut que ce soit moi qui monte sur vous ! MARTIN. Oui ; vous allez vous placer comme sur un cheval, pas en me tournant le dos ; faites-moi face… Bon… vous y voilà ! Posez-le vous-même… Voyez comme il entre ! MARIE. Maintenant, que faut-il faire ? MARTIN. 217 Agissez comme ferait un homme, et moi, en soulevant vos fesses avec mes deux mains, je vais seconder vos mouvements ; partons ! MARIE. Ah ! ma chère, que ce jeu est plaisant ! C’est moi qui le baise ; je presse ou ralentis les mouvements à ma volonté. MARTIN. Pas si vite ! je finirais tout de suite. MARIE. Tiens… tiens !… comme cela es-tu content ? MARTIN. Ah !… oui, ah !… ah !… LOUISA. Je crois que ta parole s’embarrasse, mon pauvre Martin ; nous n’y sommes plus ; et toi, coquine, où en es-tu ? MARIE. Je… je… 218 LOUISA. Et toi aussi ! Ah ! bon ! voilà mon cavalier qui tombe sur sa monture. Il paraît que tout est fini. MARTIN. Sacredié ! Marie, vous m’avez mené si grand train, que je n’ai pas pu me retenir : tout est parti malgré moi. MARIE. J’ai trouvé cette manière de courir une poste, (manière que je ne connaissais pas,) si originale et si agréable, qu’emportée par mon ardeur, j’ai pressé le dénoûment. MARTIN. Nous allons recommencer ? LOUISA. Non, mon ami, il faut de la raison ; aie pitié de Marie : vois comme elle est fatiguée. MARIE. Si c’est là ton seul motif, ne te préoccupe pas. Le petit cavalier se sent encore bien en état de faire une course. MARTIN. 219 Marie, vous êtes une bonne fille ! LOUISA. Faire l’homme te tiens donc bien au cœur ? MARIE. Dis plutôt ailleurs ! LOUISA. Qu’elle libertine tu fais ! (Marie ayant gaiement enfourché Martin, après s’être préalablement assurée de l’état de sa monture :) MARIE. Me voilà en selle, partons ! et puisque vous aimez le petit trot, on va vous en donner, et à l’anglaise encore ! Hop ! hop ! hop ! hop là ! MARTIN. Oh ! que c’est bien cela ! Quelle allure voluptueuse ! Comme elle vous distille le plaisir ! (Louisa sent bien que ce jeu va se prolonger. Impatiente qu’elle est d’en voir la fin, elle se place derrière Marie, et 220 de ses mains délicates elle excite en dessous les fesses de la jeune fille ainsi que toutes les parties de son amant qu’elle peut atteindre. À ce surcroît de jouissance, Martin n’y tient plus : c’est lui à son tour qui va presser Marie. MARTIN. Ah !… vite… vite… plus vite… tiens… tiens… je décharge !… LOUISA. Enfin ! c’est bien heureux !… MARTIN. Quelle jouissance ! LOUISA. Égoïste ! Ne sentais-tu pas que tu fatiguais cette pauvre enfant ? C’est elle qui était obligée de faire tout l’ouvrage. Vois comme elle a chaud. Viens, mignonne, reprends ta chemise : tu pourrais avoir froid et attraper du mal. Que fais-tu là ? tu te rhabilles donc tout à fait ! MARIE. Oui, il est déjà tard, et Adrien, qui me croit à dîner chez toi, si je tardais à rentrer, pourrait vouloir s’assurer du fait. 221 Ça ferait de belles affaires ! LOUISA. Tu as raison, c’est plus prudent. Attends, je vais t’aider ; pendant ce temps, Martin va aussi s’apprêter pour te reconduire car je ne veux pas que tu t’en ailles seule. (Nos trois personnages sont descendus du lit. Marie, avec l’aide de Louisa, est occupée à remettre un peu d’ordre dans sa toilette.) LOUISA. Voilà ta coiffure refaite, ce n’était pas le plus facile. Au corset maintenant ! MARIE. Ne va pas passer des œillets ! C’est Adrien qui m’a lacée ce matin. MARTIN (qui de son côté a repris ses vêtements, tire de sa poche deux petits écrins et les présente à nos belles). Au lieu d’aller à mon club, je suis passé chez mon bijoutier. J’ai choisi à votre intention ces deux bibelots que je vous prie d’accepter en souvenir de ce jour fortuné. LOUISA. 222 Ah ! ce sont deux bagues pareilles ! MARIE. Un saphir entouré de diamants ! LOUISA. Viens, que je t’embrasse, mon chéri, ou plutôt non, que nos lèvres et nos trois langues réunies se confondent dans un seul et même baiser ! (Après ce témoignage voluptueux d’une reconnaissance réciproque, Louisa a regagné son lit ; elle y reçoit sur toutes les parties de son corps, pour adieux, les baisers brûlants de son amie.) MARIE. Que c’est ennuyeux d’être obligée de se quitter ! Mais il le faut. Tenez, Martin, quittons ces lieux : j’y oublierais ma raison. (Martin, donnant le bras à Marie, s’apprête à sortir.) LOUISA (de son lit). Renvoie-le moi tout de suite. MARIE. 223 Crains-tu qu’il n’aille ailleurs ? Pour ce soir, tu sais bien qu’il n’y a plus d’huile dans la lampe ! 224 ÉPILOGUE Les événements ont justifié la manière de voir et d’agir de Caroline. La passion du comte a été satisfaite par la possession de Marie ; une froideur bien calculée de la part de la jeune fille, froideur qui est plutôt de la retenue que de l’indifférence, en a empêché le développement. Elle est donc, dans les moments d’apathie et d’ennui du comte, plutôt une ressource qu’un danger pour Caroline, d’autant plus qu’elle suit aveuglément les conseils de son amie. Le comte, qui par ces arrangements, sans être trop excité, est tenu continuellement en haleine, s’en montre trèssatisfait ; il n’en apprécie que mieux les qualités sérieuses de sa maîtresse, et se trouve avec raison, entre les deux jeunes femmes, un des heureux de ce monde. Marie a quitté ses parents pour aller habiter maritalement avec son artiste, mais la prudente Caroline ne lui a pas laissé prendre une résolution si radicale sans préalablement lui avoir fait assurer par le comte une honnête indépendance. Adrien, par la protection du comte, est devenu un artiste à la mode, et jouit déjà d’une assez jolie fortune. Sa maison, grâce à l’ordre et au goût de Marie, est, par son comfort et son élégance d’une tenue parfaite. Nos deux ménages se 225 visitent réciproquement, et malgré des intérêts divers, leur bonne nature les retient toujours dans une heureuse intimité. Il n’est pas jusqu’à la soubrette Antonia qui ne se ressente de ce bonheur commun. Remplacée dans son service par une étrangère qu’on tient dans une position subalterne, elle a l’intendance de la maison de Caroline, et elle s’acquitte avec tant d’intelligence et de désintéressement de ces nouvelles fonctions, que, pour reconnaître un dévouement qui ne s’est jamais démenti, la maîtresse a fait de sa soubrette presque une amie, et l’a admise à sa table, comme elle l’a déjà admise dans son lit. Louisa continue à vivre au mieux avec ses deux amants ; elle est parvenue à établir entre eux une telle intimité, qu’ils se font des confidences sur les découvertes qu’ils ont pu faire sur ce qu’elle désire, et que c’est à qui des deux réalisera le plus promptement ce qu’ils supposent devoir lui être agréable. Elle n’a pu cependant encore mener à bonne fin son lubrique projet. En attendant, elle s’en dédommage dans les visites que lui fait à l’insu de sa cousine son amie la toujours séduisante Marie, qui pense qu’un peu de distraction de temps en temps fait trouver meilleures les affections sérieuses. Ce qui prouve, cher lecteur, qu’un peu de raison dans la pratique de la vie, même la plus légère, est un sûr moyen d’éviter bien des dangers, et le chemin le plus court de la fortune pour les femmes et du bonheur pour tous. Paris, 1 er

décembre 1863.

226 FIN.

See also

flagellant novel





Unless indicated otherwise, the text in this article is either based on Wikipedia article "L'École des biches" or another language Wikipedia page thereof used under the terms of the GNU Free Documentation License; or on research by Jahsonic and friends. See Art and Popular Culture's copyright notice.

Personal tools