L'Espadon satyrique  

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L'Espadon satyrique (1619) is a work by Claude d'Esternod.

Full text

L'ESPADON SATYRIQUE


DE


CLAUDE D'ESTERNOD


COLLECTION DES SATIRIQUES FRANÇAIS

PAR

FERNAND FLEURET ET LOUIS PERCEAU


L Les Œuvres Satyriques du Sieur de Sigogne. L'Edition, 1920.

IL L'Espadon Satyrique de Claude d'Esternod. Librairie du Bon Vieux Temps, 1922.


SOUS PRESSE :


Le Cabinet Satyrique, première édition critique, en deux volumes.


Pour paraître prochainement :

Les Œuvres Satyriques de Pierre Motin. Les Œuvres complètes de Mathurin Régnier. Les Délices Satyriques.



I."FSPAD()N S.VI YKIOCI-:

rRONTisiMCi; Di' ],-i'i)rn(,.\ dh cologxi;, 1680.


L'ESPADON SATYRIQUE


DE


Claude d'Esternod


premiere edition critique,

d'après l'Édition originale de 1619,

avec une préface, une bibliographie,

un glossaire,

des variantes et des notes


Fernand fleuret et Louis PERCEAU

I g S l M


SATIRIQUES FRANÇAIS


6. 113 3


PARIS

LIBRAIRIE DU BON VIEUX TEMPS

JEAN FORT, ÉDITEUR

12, RUE DE CIIABROr,, 12 1922


IL A ÉTÉ TIRE DE CET OUVRAGE :

trente exemplaires sur papier d'Arches numérotés de i à 3o.


i

Eî4F


PIERRE MAC ORLAN

CAriTAINE DE L' « ÉTOILE INIATUTINE » EXCELLENT ÉCRIVAIN


PREFACE


Une erreur de Brossette, répétée sans contrôle par l'Abbé Goujet et plusieurs autres critiques, fit long-- lemps passer Claude d'Esternod, capitaine franc- comtois, pour un pseudonyme du baron François Pavie de Fourquevaux, gentilhomme g^ascon. Ce der- nier était le fils de Ra\mond de Beccarie de Pavie, ambassadeur de France en Espagne, et, de plus, auteur de quelques traités diplomatiques et militaires. L'un de ces traités, V Instruction sur le faict de guerre, fut publié par Vascosan comme un ouvrage de Guil- laume du Bellay. François Pavie de Fourquevaux était un ami de Matliurin Régnier, qui lui dédia la seconde de ses Épîlres. On lui doit Les Vies de plu- sieurs grands capitaines français (i), où son père


(i) Paris, 1G43, in-8. Il mourut le G mars iGir, c'est à-dire huit ans ayant la publication de l'ouvrage poétique qu'on lui attribue. Il était né au château de Fourquevaux, près de Toulouse, et tint les erniilois de surintendant du roi de Navarre, avec le titre de gentilhomme de la Chambre. Sur celle famille cf. d'IIozier : De Beccarie de Pavie, V reirislrc, i" iiarlie, p. i3.

Voici la nomenclature des œuvres de son père, Raimond de Bec- carie de Pavie, Sieur de Fourquevaux. Instruction sur le faict de guerre, Paris, 1648, in-fol., i553, iQ-8; Délia Disciplina mil itare di


VIII L ESPADON SATYRIQUE

n'est pas oublie; il lui consacra même un sonnet-épi- taphe, par quoi l'on voit qu'il fut un bon fils et qu'il manqua de génie.

Cependant, la première édition de l'Espadon n'est pas sig"née du nom de d'Esternod, mais de celui de Franchère, anagramme de Refranche, terre que l'au- teur possédait en Bourg-og-ne, et qui est redevenue la propriété de la famille (2). On crut donc que Franchère pouvait être un domaine de François Pavie; puis, le poète ayant signé de son nom patronymique les édi- tions successives de son recueil, on pensa sans détour que c'était un nouveau pseudonyme de Fourquevaux.

L'erreur de Brossette s'explique aisément : elle tient à une confusion entre deux hommes qui touchent à l'Espag-ne, l'un par la Franche-Comté, l'autre par les offices de son père et la proximité de son lieu de naissance. L'éditeur de Despréaux et de Régnier pratiquait auprès des vieillards la documentation ver- bale, comme Clément Marot le fit pour Villon : il y a


M. di Langé, Libri III, tradosti délia lingua francese nelln italiana, da Mambrino Roseo, Venitia, 1571, in-8; Lyon, 1092, in-8 ; Lettres d'État, Bibl. nat. mss. fr. 10751 et 10762; Abbé Douais : Une impor- tante correspondance du A'V/« siècle, Paris, Picard, 1891, in-8; Dépêche de M. de Fourquevaujc, Paris, s. d. — Cf. Bayle, Dict. His- tor., 1734, t. I, art. G. du Bellay, 728, G, colonne II.

(2) Refranche fut autrefois, de i5go à i63o, une mouvance de la seig-neurie d'Etcrnoz. Son chàleau est un corps de logis du XVI» siècle, avec une tourelle-escalier hexag-onale, dont l'entrée est défendue par un mâchicoulis. L'une des fenêtres porte, sur la pointe de l'arc, un écusson et une rose. Les Picoteaul, Picoleaux, ou Pico- teau, écuyers, y ont résidé en sous-inféodation. Le château, vendu comme bien national pendant la Révolution, passa par divers pos- sesseurs. Le docteur A. F. G. d'Elernod en est actuellement proprié- taire. Sur les premiers seig'neurs de Refranche, cf. Ulysse Robert. Testaments de l'officialiié de Besançon, Paris. Imp. Nation., 1902 et 1907, t. I, iii, 334, 468, 540; t. II, 189, 216.



CHATliAU DE Rlil-RANCIIl: ^[Prol^ricli- du D' D'EtenioJ.)


PREFACE IX

lieu de croire qu'il mêla deux conversations enten- dues le mcme jour et peut-être de la môme bouche, l'une concernant Fourquevaux, et l'autre Claude d'Es- lernod. Mais l'orig-ine de la confusion est certai- nement un Claude de Fourquevaux, qui lui fut nommé, et dont parle Brantôme dans son Discours sur les Duels.

La note du scoliaste, amplifiée par l'Abbé Goujet, et par Dreux du Radier dans sa préface aux Satires de Perse^ convainquit, à la fin du xvni® siècle, un des- cendant des Fourquevaux, nommé J.-B. Pavie, qu'il comptait un poète parmi ses aïeux, outre des ambas- sadeurs, des courtisans et des hommes de guerre. Plein d'un zèle qui l'honore, ce rêveur en écrivit avec la plus grande certitude, le 24 frimaire an IV, au bon Mercier de Sainl-Lég^er. Il soutint sérieusement que le nom d'Esternod était un sobriquet de son ancêtre, duquel il se proposait de publier des mémoires manuscrits, relatifs à l'histoire de Charles IX et de Philippe II. Gustave lirunet, qui prétend avoir eu cette lettre sous les yeux, en usa contre Weiss, qui, dans un article de la Biographie Michaud concernant Fourquevaux, relirait à celui-ci la paternité de 1'j5'.s"- padon pour la restituer à Claude d'Esternod. Paul Lacroix, réimprimant le recueil en i863, s'embrouilla dans ces opinions contradictoires ; finalement, il éclaira tant bien que mal le lecteur de sa critique vacillante, qui passe encore pour un flambeau d'éru- dition chez les aveugles.

Il était inutile, comme le fît Paul Lacroix, d'invo- quer l'opinion plus ou moins sûre de ses confrères


X l'espadon satyrioue

Edouard Fournier et Charles Nodier : il suffisait de s'en tenir à V Armoriai ou tout autre ouvrage nobi- liaire, et d'y puiser en outre la conviction que le nom de Franchère est bien l'anagramme de Refranche, puisque cette seigneurie figure dans les fiefs de la Maison d'Esternod. li serait tout aussi inutile de s'ar- rêter à Sainte-Beuve, aujourd'hui que la vérité est établie. Afin de s'éviter la moindre recherche et de satisfaire tout le monde en rapprochant les contraires, il inventa que François de Fourquevaux et Claude d'Esternod avaient écrit V Espadon Satyrique en col- laboration ! Est-il possible que deux grands escamo- teurs comme Sainte-Beuve et Paul Lacroix se soient jamais regardés sans rire?...


La famille d'Esternod (3) tire son nom d'une sei- gneurie de Franche-Comté (4), sise dans le canton


(3) Ou û'Eternod, ou encore d'Eterno, orthographes phonétiques qui se sont conservées dans les noms des représentants actuels de cette maison, que l'on croit issue des souverains de Bourg-og-ne. Voici les autres graphies que l'on rencontre au cours des siècles : EsternoZf Estarno, Exlarnos, Esternaux, Esternaiid, Esternol, Esternos, Esteimoals, Esternoiijc.

(4) Cf. Bibl. Nat. Pièces originales, Preuves, f» 2 et 3. Gui d'Eterno, petit-fils dudil Eudes, et qualifié aussi de chevalier, fait hommage, le lundi après la fête de la Toussaint, l'an 1329, à noble homme et puissant raessire Thiebaut de Sçei, chevalier, à cause d'une maison qu'il possédoit au lieu d'Esteruol, joignant celle de Richard d'Es- ternol.

Les archives de la branche comtoise ont été perdues, brûlées ou dispersées. C'est pourquoi les renseig-nements donnés par l'Abbé Guillaume, dans son Hist. des Sires de Salins, sont si précieux. Ils le


PREFACE XI

d'Amancey, près de Salins, et qui demeura sa pro- priété jusqu'au xix^ siècle sans interruption. Ses Preuves de noblesse, enregistrées à la Chambre des Comptes en 1 724, font état d'Etienne d'Esternoz, pre- mier du nom, qui, vivant en 1182, fut l'un des fon- dateurs des Abbaj^es de Buillon et de Balerne. Le premier gentilhomme marquant qui ait illustré cette maison par les armes est Eudes d'Esternoz, gouver- neur de Montmahoux, l'une des cinq grandes forte- resses de la province. Qualifié de « haut et puissant homme », il fut le protecteur de Laure de Commercy, troisième femme de Jehan de Châlons ; c'est l'ancêtre commun des différentes branches, comtoises et vau- doises, de la famille d'Esternod, qui porte ordinaire- ment : De gueules à la fasce cVargent accompagnée de trois arrêts de lance posés deux et un, soit deux en chef, et l'autre à la pointe de i'écu (5). Eterno, ab œterno, ad œternum, et : Le trop ne désirer faict Vhomme prospérer, constituaient leur cri de guerre et leur devise; enfin, ces genlilhommes de vieille souche se prévalaient de cet adage : Antique leolté d"* Estarnoz.


sont encore davantage quand on sait qu'il les puisa aux sources origfinales. Les docum_^nts de la branche suisse, dont nous n'avons à nous occuper qu'incidemment, sont conservés et admirablement classés soit à Baulmes, leur lieu de bourg-eoisie, soit aux archives cantonales de Lausanne.

(D) Cimier : Un chevalier armé de toutes pièces tenant de sa dextre un bris de lance avec son arrêt on rondache. La branche suisse a parfois porté des armes différentes : D'argent à trois sapins arrachés au naturel. Il existe ég-alement plusieurs variantes des armes du rameau comtois, soit pour les émaux, soit pour les meubles de I'écu. A sig-naler que des graveurs héraldiques mal informés fig-urent parfois des mornettes renversées, au lieu d'ar- rêts de lance. Le tronçon de l'arrêt doit être en haut, comme l'in- dique un dessin marg-inal de V Armoriai général.


XII l'espadon satyrique

Au XIV* siècle, un rameau de la famille d'Eslernod se fixa à Baulmes, dans le canton de Vaud, où il per- siste encore aujourd'hui. Le Docteur A. F. C. d'Eter- nod, réminent professeur à l'Université de Genève, en est un descendant direct (6); ce savant, qui s'est sig-nalé par un nombre considérable d'ouvrag-es médi- caux, s'intéresse à l'histoire de sa Maison, dont il médite de publier une généalogie critique ; c'est à lui que nous devons, avec la plus vive reconnaissance, les documents que ne possèdent pas nos archives nationales.

Les d'Esternod comtois, qui se sont alliés avec les Sires de Salins, les Coligny, les Rohan, les Clermont, les Cossé-Brissac, les Béarn et Caulincourt, possé- daient, outre Eternoz et Refranche, un grand nombre de fiefs, comme Coulans, Lizine, Alaise, Doulaise? Saraz, Nans-sous-Sainte-Anne, Salgret, Montmarlon, Gevresin, l'Abergement-de-Navois, Levier, Bolandoz, Deservillers, Malans, Fertans, Lavans, Montfort, etc., en entier ou en partie, dans toute l'étendue de la Bourgogfne, plus une cinquantaine de seig'neuries, mouvantes de la châtellenie de Berg-ues, dans les Flandres françaises (7).


(6) On lira du docteur d'Eternod un vigfoureux sonnet acrosticbe, à la g-loire de Claude, qui se trouve à la place que l'on réservait autrefois aux pièces onomastiques. Le fils du docteur d'Eternod, M. Charles d'Eternod, est lui-même un poète délicat. Il a déjà publié deux recueils : Teintes Mineures, Genève, 1916, et Ferveurs Illusoires, Genève, 1919.

(7) Les Esternoz vaudois ont été châtelains et lieutenants de Baul- mes, Mathod, La Mothe, Treycovagncs, etc. Les uns et les autres ont fourni une série, pour ainsi dire ininterrompue, de magistrats, d'abbés et d'abbesses, de militaires, gouverneurs, syndics, grands juges de consistoire, justiciers, conseillers, baillis, chambellans.


PREFACE XIII


Ea janvier ir>95, Henri IV résolut d'en finir avec les menées de la Cour d'Espagne, qui ravivaient cons- tamment le parti de la Ligue. Lui qui devait rêver un jour du grand desfiein de réunir les peuples sous une

diplomates, députés et littérateurs. Ils sont allés en Palestine, à la III" croisade, à la suite de Frédéric Barberousse. Parmi les plus dis- tingués, on relève les noms de Jehan d'Esternoz, abbé de Baums- les-Messieurs, Président du Parlement de Bourg-o^^nc et Conseiller de Jeanne de Bourgfog^ne, femme du roi de France Pliilippe-le-Long- ;

— Antoine d'Etornoz, tué à la bataille de Pavie ; — Louis d'Eiernoz, capi- taine de cent hommes de g'uerre, au service de la maison d'Autriche; il devint commandant du Comté de Bours"0£rne, en i538. — Alexandre d'Eternoz, qui ddcndit Salins, lors de la conquête de la Franche- Comté par Louis XIV, et se vit accorder les honneurs de la g-uerre.

— Louis-IIumbert d'Eternod, Uls de Claude, le poète, eut pour fils François, qui passa en Allemagne, au servicede l'Electeur de Cologne, évoque de Miinster, et mourut en 1718, colonel de sa garde. La branche directe, celle de Claude, s'éteignit avec lui. — Lambert d'Eterno, Che- valier de Saint-Louis, dont une terre fut érigée en comté dans les Flandres françaises; cet officier descendait d'une branche collaté- rale du rameau aîné dont Claude était issu. — Antoine Joseph-Philippe Régis, troisième comte d'Eterno et baron de Montfort, Mestre-dc- camp de cavalerie, Enseig'ne de la compagnie du 22" chevau-légers de la g'arde ordinaire du roi. Il fut envoyé à Berlin comme ministre plénipotentiaire de Louis XV, en remplacement du marquis de Pons.

— Angc-Philippe-Honoré, son fils, né en 1770, officier en 1788 du régi- ment du Roi; il devint aide-de-camp de Jérôme Bonaparte et l'ac- ompagna en Westphalie. Chambellan de Madame-mère, Marie Létitia, il fut créé baron de l'Empire, .\yant renseigné l'Empereur sur les agissements du roi Jérôme, il fut cha.-'g'é de deux missions péril- leuses dont il se tira avec honneur. Il devint ministre du roi de Wesphalie, et fut élu en 1820 comme représentant du parti libéral. 11 a laissé un recueil de poésies, inVilulv. Essais poé/iqucs, par H. d'E., Paris, imprimerie Moreau, 1822, in-8, 104 pp. Ce sont des vers faciles et souvent incoT-rects, mais où perce parfois une pointe d'humour rappelant faiblement l'auteur de l'Espadon. — Ferdiiiaud-Charles- Honoré-Phiiippe-Félix, comte d'Esterno, i8o5-i883, qui fonda la Société agronomique de France. Il est l'auteur d'un g'rand nombre d'ouvrages économiques et scientifiques, et peut être considéré comme l'un des précurseurs de l'aviation, pour avoir donné le des- siu d'un appareil, rigoureusement étudié, qui reproduit de très près la forme de l'oiseau.


XIV L ESPADON SATIRIQUE

seule lulelle, en appela par artiflce à l'Europe, pour dénoncer la dangereuse ambition de Philippe II; en même temps il déclara la g-uerre à l'Espagne. Son habileté n'était pas seulement dirigée vers l'exté- rieur : elle tendait encore à forcer les ligueurs à se réclamer ouvertement de l'ennemi ; ainsi devaient-ils se rendre odieux à la Nation, qui n'aspirait plus qu'à la paix.

Pendant que Biron envahissait la Bourgogne, le Connétable de Castille Velasco organisait la Franche- Comté; sur l'ordre de Philippe, il y jetait le plus d'hommes possible, sans regarder au préjudice des Etats de Flandre et de Milan. A leur tour, les Aven- turiers lorrains d'Aussonville et Tremblecourt s'em- ploj^èrent à contrarier sa manœuvre en pénétrant dans le Comté, à la tête de mille hommes de cheval et cinq cents hommes de pied.

Dès que la nouvelle se fut répandue des projets du roi de France, la ville de Salins s'était empressée de se fortifier. Un conseil de guerre ordonna des rondes de nuit, fit l'achat de deux cents piques et se procura deux cents livres de poudre à Strasbourg.

Les capitaines lorrains, repoussés dans une attaque contre Besançon, prirent Quingey et le pillèrent ; puis ils marchèrent sur Salins, qui, prévenu de leur approche, garnit d'artillerie les tours de Ciron et d'Andelot, terrassa la porte de Malpertuis, et disposa la milice bourgeoise en ordre de bataille dans le fau- bourg Saint-Pierre. La défense de la place revenait à Pierre d'Esternod, échevin, et lieutenant pour le Comte de Champlitte, Gouverneur. D'Esternod,


PREFACE XV

entré fort jeune au service de Philippe II, s'était déjà sij^nalé dans les Flandres.

Le i^"" mars, un gros de Français et de Lorrains s'approcha du couvent des capucins et somma la ville de se rendre. La milice répondit par un feu de raousqueterie et fonça sur l'assaillant avec des piques. Le combat dura deux heures ; finalement, l'ennemi se retira en désordre, laissant sur le terrain un nombre considérable de morts, parmi lesquels deux lieute- nants et un capitaine.

Le lendemain, 1 1 mars, le mayeur de Salins fut prévenu que le capitaine Beuze, à la tête d'une com- pagnie française, venait d'enlever Châleau-Chalon et Domblans. Le conseil mit cent cinquante hommes, sur deux cents que l'on demandait, à la disposition de Pierre d'Esternod, qui, appuyé par d'autres troupes, sut en imposer à l'adversaire et reprit les places sans combat.

Deux mois après, la milice commandée par Pierre d'Esternod vint en aide aux troupes du Baron de BaufTremont, afin de contrarier les mouvements de l'armée royale. Velasco témoigna sa satisfaction à la ville de Salins en lui remettant plusieurs pièces d'ar- tillerie prises à Yesoul, à quoi le mayeur et les éche- vins répondirent par le don d'une monture de cent écus d'or. L'écrit constatant la reconnaissance du capitaine-général, et signé Uon Juan-Ferdinand de Velasco, est daté, à Lons-!e-Saulnier, du i8 octobre 1695.

Le concours de Pierre d'Esternod à la défense de Salins est vanté par la plupart des historiens comme


XVI l'espadon satyrique

un fait d'armes remarquable. Voici d'ailleurs à ce sujet une Attestation du Conseil de la Ville, datée de

i6ii.(8)

« Les Mayeur, Capitaine, Eschevins et Conseil de la Ville de Salins, sçauoir faisons, que sur requeste verbale à nous faite par Pierre d'Esterno, Sieur dudit lieu, d'Alaise, Re franche, Salgret, etc., co-Eschevin d'icelle, disant que puis quelques années il auroit plu à leurs A. A. S. S. de pourvoir le Sieur Mayeur de ladite Ville de VEstat de Capitaine, et qu'il n'éloit besoin d'avoir lieute- nant en icelle, à raison que les sieurs Eschevins, co-juges en ladite Ville, étoient de droit en son absence; et comme luy étoit pourvu dudit Estât par le Sieur Gouverneur Général du Pays, il ne pouvoit honnesteinent quitter ladite charge qu'il n'eust attestation de ses bons et fîdels desportemens, et pour de ce requeroit et priait mesdits Sieurs luy vouloir octroyer en forme probante ladite attestation, comme de même des autres charges à luy commises par notre Magistrat. Nous, par ces raisons à tous notoires, déclarons et attestons en vérité ledit Sieur d'Esterno avoir exercé par environ cinq années VEstat de Lieutenant du Capitaine de nostre Ville, avoir eu charge pendant l'incursion des Lorrains, conduits par d'Aussonville et Tremblecourt, de Capitaine et Lieute- nant d'une Compagnie, conjoinctement avec le Sieur Amyot, Escuyer, Eschevin, pour lors en ce lieu; comme aussitost après avoir eu charge d'une autre Compagnie de deux cens hommes par nous envoyés au secours de Messieurs de Poligny nos voisins, laquelle Compagnie fut tirée dudit lieu par le commandement du Seigneur


(8) Preuves de la Maison d'Esterno. (J.-B. Guillaume, Sires de Salins, t. II, 77, sq.)


PREFACE XVII

Sombarnon, Lieutenant du Gouverneur au Bailiage d'Aval^ pour aller assiéger Chastel-Chalon surpris par nos ennemis, lequel s'y comporta en homme d'honneur, comme aussi en toutes ses autres charges ci-dessus rap- portées. Et pour ce avons ordonné à notre Secrétaire ordinaire de signer les présentes et y apposer le scel de ladite Ville. Fait au Conseil le dix-huitiesme Jour du mois de Juin mil six cent et onze. Signé par Ordonnance, Vernier ».

Le calme ayant été rétabli dans la province, dit J.-B. Guillaume, Pierre d'Eslernod « y jouit d'une réputation qu'il s'éioit acquise par ses belles actions, et eut une part principale dans l'administration de la Ville de Salins ». Il assista en i6i4et 1616 à l'Assem- blée des Etats Généraux du pays, et fut inhumé sous une tombe charg-ée des blasons de ses alliances, parmi lesquels on remarque les armes de la maison de BauiTremont. (9)

Pierre d'Esternod avait épousé, par contrat du 28 juillet iBqi, Elisabeth Ouantcau, fille et héritière de feu noble homme François Ouanteau (10), de Salins. Il en eut Claude, le poète; Guy, dit Gniony qui

(9) « Le père de ce d'Esternod, comme lui prénommé Pierre, avait ractieté la terre d'Eterno de Simonne d'Esterno, sa cousine. Il était allié par traité passé à Salins, le -io oct. i552, avec Antoinette Grand, fille de feu Etienne Grand, de Salins, écuycr, et de Claudine de Varenncs. Celte dame avait pour aïeule maternelle Marguerite de BauiTremont, femme d'Antoine de Varennes. Il mourut des blessures qu'il reçut dans les guerres de Flandres.

Quant à son fils, Pierre d'Esternod, seigneur dudit lieu et de Sale- gret, il tenait cette dernière terre de la succession de Glanda d'Es- terno, sa tante, qui le mit en état d'acquérir celle d'Alaize et de Refranche, et une partie de celles de Malaus et de Lisine m. J.-B. Guillaume, Sires de Salins.

(10) Ou Quanical, Cantaud, ou Quinteuu.


XVIII l'espadon satyrtoue

a fait branche, et Marguerite, femme de Laurent Marrelet.


La généalog-ie, même succincte, de la Maison d'Es- ternod, jointe à la vie du défenseur de Salins, n'aurait guère d'intérêt ou d'utilité pour l'histoire littéraire, s'il ne fallait, une fois pour toutes, détruire jusqu'au moindre vestige le mythe du S'^ de Franchère identi- fiable à François de Fourquevaux, ou collaborateur de celui-ci. Il se trouve des critiques, ou soi-disant tels, qui, sans plus rien tabler sur Fourquevaux, trouvent plaisant et facile de nier l'existence de Claude d'Esternod. Ils sont prêts à soutenir, avec l'aplomb de l'ig-norance, que V Espadon est un recueil collectif, dans le genre du Cabinet^ Safi/rique; mais ils ne poussent pas encore l'ingéniosité jusqu'à prétendre que le nom de son auteur est formé sur la première personne du présent de sternere... C'est du moins à cette étymologie que songea le poète, autant pour Jouer sur les mots que pour se faire reconnaître, quand il choisit le titre et le frontispice de son ouvrage, ce satyre abattant les vices de l'épée à deux mains.

On s'accorde à penser que Claude d'Esternod naquit à Salins, en 1592. Faute de documents plus étendus, on ne peut que rt'péler avec l'Abbé Guillaume qu'il suivit le métier des armes à l'exemple de ses prédé- cesseurs, et que le courage qu'il fît paraître lui pro-


PREFACE XIX

cura le gouvernement du château d'Ornans, dans le Comté de Bourg-og-ne. C'était un poste dont la garde n'était confiée qu'à des personnes d'une valeur recon- nue. L'Abbé Guillaume ajoute qu'il mourut à Salins, après avoir dissipé la plus grande partie de ses biens et aliéné la terre d'Alaise, dont il ne se réserva que le nom, le cours d'eau, et le droit d'instituer des offi- ciers de justice.

La date de sa mort est portée à 1628 par La Ches- naye-Desbois. Ce généalogiste le fait succomber en même temps que sa femme à l'épidémie de peste qui ravagea la contrée. Claude d'Esternod est en effet mort de la peste à Salins, mais vers i64o, et d'ailleurs, il est nommé dans le testament d'Elisabeth Ouanteau, sa mère, en date du 17 septembre 1689. (11)

Il s'était allié à Françoise de Vesoul, fille de Georires de Vesoul, écuyer, seigneur de Ilaincourt, — issu, par les Faucogney, des comtes de Bourgogne — et de Philippole de Saint-Belin, de laquelle il eut six fils et deux filles : Georeres d'Eslernb, mort aux guerres d'Espagne, Louis-Humbert, qui acheva de dissiper ses biens (12), Claude et Antoine, morts au service de leur prince, et, enfin, Touss;sint, Jean, Marguerite et Philippa d'Esterno.

C'est tout ce que Ton sait de précis sur la vie du


(11) Cf. Carrt'-s d'Hozier, 241, f" i55: Klisabeth Ouanteau, y institue ses deux fils ses héritiers universels par moitiés, sauf pour les meubles, qui apparlieuneot à Guyon. Il ressort qu'elle avait déjà fait une donation à ses enfants en 1023. Au f» i53, 4 nov. 1035, Claude d'Esternod vend une rente de 7 livres à Pierre Vig'oareux, de Refranche, contre la somme de 20<3 livres.

(t2) Il fit un mariaire d'inclination, d'où naquit François d'Esterno, Sgr. de Hefranche. C'est celui qui mourut au service de l'Electeur.


XX L ESPADON SATYRIQUE

poète, qui, comme Sigog^ne, son maître littéraire, fut g-ouTcrneur de place forle et grand dissipateur. Il est souvent dit qu'il vint à Paris, el qu'il s'y lia avec Reg-nier, Sigogne, Berthelot et Molin, dans les loisirs que lui laissait son office (i3). En effet, il nomme un peu familièrement ces poètes en compagnie des far- ceurs de l'Hôtel de Bourgogne, et l'on voit par les pièces onomastiques de Pierre de Boissat, Nicolas Faret et Henri Fagot qu'il comptait des amis parmi les auteurs. Cependant, si l'on prend souci des dates, passé l'âg-e de vingt et un ans, il ne put connaître Régnier et Motin, morts en i6i3, ni, passé l'âge de dix-neuf, Sigogne, mort en 1611 : il n'était donc pas encore g-ouverneur d'Ornans.

Les séjours de Claude d'Esternod à Paris ne devaient être ni très fréquents ni de longue durée. Mal- g-ré la Paix de Yervins, il est douteux qu'un officier des armées d'Espagne ait pu résider en France sans froissements avant le double mariage de Louis XIII avec Anne d'Autriche, et de Dom Philippe avec Elisabeth. Mais il est vrai qu'à l'époque les accommo- dements de cette nature n'étaient pas rares entre gentilshommes; pourtant, il règne dans VEspadon, et surtout dans les œuvres qui le précèdent, un air, un style, une rudesse qui se ressenlent assez forte- ment, non de l'étranger, mais de la province, bien que la Franche-Comté fût de langue et de tradition française et qu'elle comptât, comme la Bourg-ogne,


(i3) Voir la Salyre XV, ou l'auteur parle en débauché, et tn poète crotté. Mais on ne peut savoir à quel point il est sincère. Peut-être doit-on voir là une attitude littéraire.


PREFACE XXI

des écrivains d'un mérite éclatant. Seulement, Claude ne trouvait g-uère à Salins l'occasion de se polir au contact du monde et des gens de lettres. Il n'y rencon- trait que des amateurs de poésie, comme les apothi- caires associés Touverey et Maginet — ce dernier, auteur d'un poème sur la Thériaqiie; — Pourtier, offi- cier de S. M., et une quinzaine de bons compagnons, qui louèrent en latin, en grec et en français le chef- d'œuvre du pharmacien. La Satyre VIII de VEspa- don, avec ses récipés de casse et de cannelle et son langage pédantesque, dut faire la joie de Maginet, et sans doute vit-il en ces vers une allusion bouffonne :

Ergo vale, cher fdiole.

Je vay chez le pharmacopole.

11 est probable que Maginet, dont Guillaume Col- letet rédigea la Vie, aujourd'hui perdue, recommanda le jeune homme auprès des satyriques, quand il vint à Paris, comme le veut la tradition.

Le premier ouvrage de Claude d'Eslernod, mis au jour en i6i4, n'est pas satirique. Il a trait au mariage de Philippe d'Espagne et d'Elisabeth, sœur de Louis XllI, qui avait été secrètement stipulé, et dont la reine mère communiqua le projet, le 26 jan- vier i(3i2, au Conseil extraordinaire de la noblesse de France. On sait que cette révélation donna lieu aux plus grands mécontentements et qu'il se forma tout un parti contre la cour, à la télé duquel se trouvaient Condé, Soissons, Bouillon,, Lesdiguièrcs, Mayenne, Nevers et Concini, et que le 9 novembre iGi5, il fal-


XXII l'espadon satyrique

lut des armées pour protéger à Headaye l'échange des princesses (i4) sur la Bidassoa.

Les Désirs Amoureuœ de Dom Philippe, Prince cVEspagne, dédiés à Madame, Sœur du Pioij, paru- rent donc à Paris en i6i4. Ce poème peut être consi- déré comme une œuvre de pure propagande poli- tique, malgré l'inclination naturelle que son auteur marque pour la France, et que rien d'ailleurs ne per- met de mettre en doute (i5).

Il y vante les avantages que la Chrétienté tirera d'une pareille alliance, et promène les époux royaux à travers le Monde pour leur en faire admirer les sept merveilles, auxquelles il ajoute naïvement la ville de Salins. C'est une occasion pour lui de déployer ses richesses verbales, qu'il fera mieux valoir plus lard dans la Première Satyre de V Espadon Satyrique :

Tous ces barbares Roys des loingtains Hémisphères, Autrefois incognus aux barques de nos Pères, Maldiva, Galicut, Pacen, Gochin, Tanor, Zofala, Zancibar, Ternade^ Zocator, Baheren, Siacan, Monbaza, Pan-Tidore, Prendront le fief de vous avecques Gananor ;

Et de l'autre costé que le soleil se baigne, Ghica, Nicaragua, Ghili, la Neuve-Espagne, Plata, Peru, Brésil, lucatan, Fondura, Paria, Gubaga, Guba, Californie,


(i4) Anne d'Autriche et Elisabeth de France. (i5) On y relève ce vers :

Mais le François sgait tout ce que sçail rcstrauger.


^f/r


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^ y y


D R S I R S

M. G V R E V X.

D£ DO M PHILIPPE

r RI N C E D E s PA G N H.

-^ ç^CADAME SOEVR D r Ror,

prix Cl. DesternoDj Gentil- homme de la Franche- Comté.



ïMmsmm


A P A II I S ,

i ^- î Impiiriicric de P i l r r r Dvk a sd

umontS.Hil,urc,alHn.iacS Scba-

Ai. DC. xir.


PREFACE XXIII

Floride, Cornibas, Alpache, Virginie, Labrador, Nourombej, Ganade, Quivira.

Les deux nations qui remplissaient l'Europe du choc de leurs armes ne doivent plus avoir qu'un ennemi commun; comme le rêve de Charles-Quint paraît enfin réalisé aux yeux du poète-soldat, cet ennemi sera le Turc. Ne faut-il pas employer contre quelqu'un la valeur des Aventuriers, donner aux poètes courtisans l'occasion de manifester leur recon- naissance et leur génie ?

Sus donc! advançons-nous ! j'cntens jà les trompettes Eschaulîer nos harnois encoiilre leurs sag"ettes; Dieu charme les efFects de leurs vains Gonfanons; Je les vois, dru menu, tomber comme des mouches; Ils ont moins de valeur que des troncs ou des souches : J'en vois dix mille morts au seul bruit de nos noms!

Mais où est-il, ce Turc? Au sérail il se cache : Madame, je le tiens au poil de sa moustache. Qu'il se man^-^e soy mesme, ainsi qu'Ëresicton ! Qu'il soit bruslé tout vif, tout ainsi qu'un Phalare ! Qu'il abisme aux enfers, comme un autre xVmphiarc ! Et qu'il meure de faim, ainsi qu'un Ariston !

Que le ciel le foudroyé, ainsi que Salmonée!

Ainsi comme Tymon, qu(' je voye orrenée

Sa teste de cailloux ! Que, comme Marsias,

On l'escorche tout vif! Qu'en la flamme on le g"rille.

Comme Phalare fisl au malheureux Perille !

Et qu'aux esmerillons il serve de repas 1


XXIV l'espadon satyrique

La bacchante fureur la raison me surmonte...

Je vous prie, excusez ma muse Rodhomonte :

Je suis trop bon Ghrestien, je suis trop bon Gontois,

Pour ne point détester ceste race maudite,

Qui se rit, qui se dupe, et mesprise, et despite,

D'une bouche de chien, nos Catholiques Rois.

Mais espérant par vous sa fatalle ruine. Je prie incessamment la Majesté divine Que, voyant advenir mes augures divers, Je n'aye point le nom d'un fabuleux Poëte, Ains d'un esprit divin qui présage en Prophète Ce que doit advenir du Turc, dedans ces vers.

Ce poème de CV strophes de six vers est fort au- dessous du mérite de Claude d'Esternod ; il l'aurait même rendu ridicule s'il se fût trouvé des satiriques du temps de la Ligue, ou des critiques narquois de l'entourag-e de Malherbe pour amuser le public de sa mytholog-ie d'écolier, de ses rodomontades espag^noles et de son lyrisme trébuchant. Mais peut-être se ren- contrera-t-il un critique pour y voir autre chose qu'une curiosité, et grossir démesurément quelques trou- vailles bizarres, qui annoncent de la verve et du bril- lant. A la vérité, les Désirs Aniouf^en.jc sont l'œuvre d'un écrivain comique qui s'ignorait encore lui- même.

Le Franc-Bourguignon, pour ^entretien des Alliances de France et d'Espagne, seconde publica- tion de Claude d'Esternod, parut en iGi5. C'est encore un ouvrage de propagande, écrit à la veille des noces princières :


LE FRANO

BO VRG VIGNON.

Pour l'cntrcricn des Alliances de France dz d'Efpagnc.


{xx^




- CÇi>'X,


^^^






A P A R I s ,

Chez G I L L F. B E Pv T ÎC \^ F. A V

M. DC. XV,


PREFACE XXV

Je resens galoper dedans ma fantasie

Sur un genêt d'Espagne, enfant d'Andalousie,

U Alexandre Espagnol, Soleil de l'Univers.

Le Franc-Bourguignon consacre 2i5 pag-es de prose entremêlée de vers français et latins, « du plus recherché g-alimatias, des plus basses injures et des plus fades louang-es », dit Fevret de Fontelte, aux avantages des alliances que le poète chanta dans leS Désirs Amoureux. La Satire commencée s'y montrer contre le protestantisme, et fait concevoir que ce fut peut-être un sentiment relig^ieux qui détermina l'en- thousiasme du poète pour le mariage de Philippe d'Autriche et d'Elisabeth de France. Claude Ouanteal, salinois, son parent, y prononce à son propos les noms de Catulle et de Virgile, sans que d'Esternod s'en soit jamais justifié par ses œuvres; il lui con- sacre encore ce sonnet ampoulé :

A MONSIEUR DESTERNOD

Sieur Dalaize, Salegret, Refranche, Malan, etc.

Desternod, ton esprit, arsenac de prudence, Donne à penser à ceux qui ont la gloire au cœur. Puisque les plus subtils te donnent tout l'honneur, T'admirant bien plutost qu'imitant ta science.

Le François t'a donné le prix de l'éloquence, L'Espagnol t'a quitté son martial humeur; Ainsi temperes-tu le froid par la chaleur. Et joints, par tes escrits, l'Espagne avec la France;


XXVI l'espadon SATYRîOUE

Peu s'en faut qus le Turc ne suive son Lycambe, Tant archiloque Va pressé par son ïambe ; Ce sont des actions clignes cVestonnement.

Deffaire et faire tout, disposer de V Europe, Joindre ensemble deux Rois, partager VEtiope, Madame en est l'esprit, et toy le truchement.

C'est dans le CaihoUqne franc-comlois, dédié à Claude d'Achey, abbé et seigneur de Baume, et pu- blié en 1619 (16), l'année de V Espadon, que Claude d'Eslernod se révèle poète satirique. Le Catholique franc-comtois est une petite satire de quinze strophes octosyllabiques, dirig-ée contre Vapostat Léandre^ (( autrement dict, Constance Guénar. » Avec les œuvres précédentes, elle fournit la preuve que Claude d'Esternod ne s'est pas converti au protestan- tisme : qu'il ne faut donc pas le confondre avec un Claude Esternod(i7) qui fut rejoint en Suisse par des Esternod de Franohe-Gomté devenus religionnaires, lesquels s'installèrent auprès de la branche vaudoise, elle-même réformée.

Constance Guénard, l'objet de la satire, se retira vers la même époque que les seig-neurs d'Esternod. Il était né à Dole en i584. Après de brillantes études, il


(16) Lyon, pour Antoine Robin, 1619, in-S" de 3i pp. chiff. La pre- mière pièce, pp. 5-27, est en prose : Le Franc-Comtois catholique, contre l'Apostat Leandre, autrement dict, Constance Guénar, traistre à Dieu et à sa pairie ; ensuite vient un sixain de J. Man- g-inelle : Tout ainsi que l'Amour fat cause que Leandre; puis la satire A messieurs les Prétendus Reformez, etc., devenue la Satyre XVI de VEspadon; Anagrame : Constance Guénar, Enragé, Satan, Cocu; Sonnet : Qui ne le cr tindroit pris? c'est un monstre Guénar.

(17I Ancêtre direct du D"' A. F. C. d'Eternod.


L E

( ATHOLIQjyE

r I\ A N C-C G M T O i s.

Connc rApofuit Lcan Jrc,

. Ù! ! i .frjcnî d:cï , C O N S T A N C r G V E î; A R . tr.nfr/L .} D.cu , c^ .ift J'iinc,

i C L A V D F d'Est t r n g d. Gc-nt'!lHV':MTi. }-r.inc-coniro;'.,.Sicur a'Ai.ulL^Rch-anchc,


f-y? L r o A\ l'eut A N T O I X r II o B 1 i\'


c^l/ 'D C .V / .V


PREFACE XXVri

fréquenta les cours de la Faculté de droit, puis renonça à la tog-e pour revêtir la robe de capucin. En prononçant ses vœux au couvent de Dole, il prit le nom de Léandre, choix galant pour un moine. Le P. Léandre prêcha dans les grandes villes et fit valoir ses succès pour obtenir une chaire de philosophie, qui lui fut refusée. Blessé dans son orgueil, il s'évada du couvent et se rendit à Rome, afin de solliciter sa sécularisation. On le somma de retourner dans sa province, ce qu'il fit, mais sous un faux nom, et vêtu du costume séculier. La crainle de la pénitence le poussa chez les Cordeliers; puis, redoutant que ceux-ci ne le livrassent aux Capucins, il jeta le froc aux orties et professa ouvertement la religion réfor- mée à Montbéliard, où il obtint un emploi de précep- teur. Il se rendit ensuite à Baie, puis à Genève. Là, il fit imprimer, en 1618, sa propre apologie : Déclara- tion des causes de la conversion de Constance Giié- nar. Le livre fut brûlé en place publique devant six mille témoins. Deux ans plus tard, Gratien de Mont- fort (18), provincial des Capucins, publia sous ce titre à la Garasse une réfutation de l'apologie : F^a Taren- tule du Guenon de Genève, ci-devant nommé Léandre, et à présent Constant Guénar, hérétique, etc., con- tenant une entière réponse auœ causes impertinentes de sa conversion au calvinisme.


(18) Il était né à Monlfort, en Franchc-Comtc. et mourut à Salins' en lOfio. On a encore de lui Axtomatd philosophicn... Anvers, i6?.G, iD-8; A.xiomnta fheolor/ia..., in-8, ms. Bibl. de Besançon. La réfuta- tion de Guénar parut sous le nom de Denix de Formont, anagramme de Montfort, S« Mihiel, 1620, in-8.


XXVIII l'espadon satyrioue

C'était, comme on le roit, une affaire locale qui prit quelque importance, et par quoi l'on remarquera qued'Esternod trouvait surtout l'inspiralion dans son milieu provincial. U Espadon lui-même contient nombre de pièces qui révèlent un auteur peu familier avec la vie que Ton veut à toutes forces lui faire mener à la Pomme de Pin, en compag-nie des saly- riques notoires. Ces pièces sont rAnii-Mariage d^un cousin et dhine cousine de Paris, où le poète s' in- digne trop facilement d'un fait que l'on ne réprouve ailleurs que dans les campagnes; le Mespjns d'une jeune fille de Languedoc, la Satire AY//d'un Advo- cat ignorant, qui rappelle les querelles et les animo- sités de petite ville, et enfin La Ouincaillère qui n'es- toit ny riche nij noble.

Pour peu qu'un poète soit gaulois, la plupart des critiques le tirent du mauvais lieu pour le jeter à la Pomme de Pin, où ils lui entonnent à boire et le lais- sent ivre-mort. Ils ont mis là toute une compagnie, dont plusieurs ne se sont jamais vus de leur vivant ou ne pouvaient se supporter, comme Sigogne et Motin. Enfin, ces amis du pittoresque facile, dis- cernent des écoles imaginaires dans un milieu créé par eux de toutes pièces; ils entendent même des conversations et notent des confidences dont ils tirent les conclusions les plus pauvres. De sagaces cri- tiques s'y laissent prendre et la légende devient difficile à détruire. Ainsi M. Léon Levrault, qui a trop entendu parler d'ivrognes et de débauchés, ne veut-il voir en d'Esternod qu'un « malandrin de la Littérature, un gaudissart de la Satire... »


PREFACE XXIX

Il ne faisait, cependant, que suivre l'exemple de ses aînés, Régnier, Sig-og-ne, Motin et Berthelot. Ceux-ci se croyaient eux-mêmes dans la véritable tra- dition de la Satire française, que Ronsard, avec le Livret de Folastries (19), renouvela des anciens recueils et des gaillardises de Clément Marot. Le Discours préliminaire aux Œuvres Complètes de Sigogne (20) expose la conception que l'on se faisait alors de la Satire, selon l'étymologie communément acceptée. Satijra, au lieu de Satura, « parce que, dit Vauquelin de la Fresnaye, les vers alloient et sau- toient d'un vice à l'autre suivant la coutume des Satyres ». Sans revenir sur cette dissertation, il con- vient d'ajouter que de là vint la croyance qu'un sati- rique ne pouvait se dispenser de mêler la licence à la censure, et que son style dût être bas et commun ; l'on pensait encore que la licence ou la fantaisie, à elles seules, relevaient naturellement de la Satire. Régnier, qui s'éleva plus haut dans le genre, trouvait encore trop de discrétion dans Horace. C'est pour- tant l'auteur de Macelie qui s'est le j)lus approché du véritable style satirique, lequel n'est pas destiné au chaste lecteur.

Ce que Boileau écrivait de Régnier, tout en lui ren- dant un éclatant hommage, La Bruyère le [)ensait aussi de Rabelais, qu'il renvoyait à la canaille, à


(19) Voir la préface de cette éd., par Fernand Fleuret et Louis Per- ceau. L'Edition, Paris, 4> rue de Furstenberg', 1920.

(20) Gliez le int-rue éditeur, Paris, 1920. On trouvera dans celte pré- face un tableau de la Satire à l'époque de Kegriier, qui disiJCuse de le reproduire dans cette étude.


XXX l'espadon satyrique

cause de certains passag-es — procès de g^rammaire, dit Pierre Bayle, qu'on peut faire à un auteur qui n'a point suivi la politesse la plus raffinée du style, et à quoi les mœurs n'ont point de part (21). Mais, en vérité, ce n'est pas qu'un procès de grammaire, c'est celui d'un genre littéraire qui, comme tous les genres, eut son style propre. Sitôt qu'il en fut privé au nom des convenances, il devint l'Épitre ou le Dis- cours moral, et, peu après, s'éteignit de la maladie du sommeil avec l'académisme.

Claude d'Esternod a pourtant trouvé d'ardents défenseurs en Pierre Louys et Remy de Gourmont. Le premier l'a qualifié de « maître en l'art lyrique » ; le second lui a consacré une petite étude dans ses Promenades littéraires. C'est, dit-il, un « poète d'une singulière virilité et d'une souplesse rare..., un autre Régnier, moins soutenu sans doute, mais moins monotone, parfois aussi solide et doué d'un certain lyrisme grimaçant. Plus que chez Mathurin Régnier, la rime est chez d'Esternod inattendue; elle vient de loin souvent, ce qui fait les belles rimes. Sa langue est plus osée, plus pittoresque, pleine de mots par- lants, d'amusantes images... Si d'Esternod avait voulu brider sa c phantaisie » et s'appliquer au lan- gage à la mode, il eût, tout comme les autres poètes de son temps, estimés des professeurs de littérature, ordonné de placides odes amoureuses... »

La louange de Remy de Gourmont est excessive et disproportionnée, autant que son jugement sur

(21) Sur les obscénités, Gay, 1879.


PREFACE XXXI

Régnier est imprévu; car Reg-nier n'est pas mono- tone : il pèche justement par excès de diversité. S'ins- pirant des satiriques latins et de l'axiome de Varron — .satura sive miœtura, — il croyait que la Satire dût être comme une prairie,

Qui n'est belle sinon qu'en sa bizarrerie.

Si la rime de d'Esternod est plus inattendue que celle de Reg-nier, laquelle, d'ailleurs, convient à son style nonchalant, c'est que l'auteur de VEspadon imitait directement Sigogne. Ce dernier imitait lui-môme les CapîtoU du Berni et de Sansovino, où les effets les plus plaisants sont obtenus par le disparate et les rapprochements forcés.

Reg-nier, s'il n'est pas le maître de Sigog-ne et de Molin, plus âgés que lui, n'eut de son vivant qu'un disciple, Claude d'Esternod. Mais c'est un disciple inconstant. Les Satyres I, IV, VIII et XV se res- sentent de l'influence de Rcirnier, surtout la der- nière, qui est une sorte de contrefaçon de Macette. Ce sont néanmoins les plus personnelles à côté des autres, où l'application à se rapprocher de Sigrogne est trop visible et ne donne que des résultats infé- rieurs aux premiers.

La personnalité de d'Esternod est tout de môme assez forte dans V Ambition de certains courtisans nou- veau.T venus et dans ses pièces en mètre héroïque. Elle est faite d'une fantaisie cavalière, peu soucieuse de relier entre elles les idées ou les images; elle est surtout faite d'un verbalisme incorrect, mais extra-


XXXII l'espadon satyrique

ordinaire, qui se grise de lui-même ou laisse aller les mots en liberté; d'un pittoresque colore, et d'une éloquence cahotique, qui atteint parfois à la gran- deur. En voici quelques exemples, qu'il serait trop facile de multiplier :

Bragardants en courtaut de cinq cents richetales,

Gring-otans leur satin comme asnes leurs cimbales,

Piolez, riolez, fraisez, satinisez,

Veloutez, damassez, et armoisinisez,

Relevant la moustache à coup de mousquetade.

Vont menaçant le ciel d'une prompte escalade.

Ils blasphèment plus gros dans une hostellerie Que le tonnerre affreux de quelque artillerie : « Ghardious, morbious, de pocab-de-bious !

A vray dire, ces fats sont quelquefois issus D'un esperon, d'un lard, d'un ventre de merlus, D'un clistere à bouchon, d'un soulier sans semelle, D'une chausse à trois plis, d'un cheval, d'une selle, D'un fripier, d'un grateur de papier mal escril, D'un moine défroqué, d'un juif, d'un Antéchrist, D'un procureur crotté, d'un pescheur d'escrevice, D'un sergent, d'un bourreau, d'un marouffle, d'un suisse.

Moy qui coupe dans l'air dix mille caprioles, Moy qui rafle d'un coup tousjours mille pistoles, Moy qui n'ai jamais veu ny double ny liard, Moy qui suis Rhodomont comme Gastel Bayard, Moy qui passe en sçavoir les diables et les hommes,


PREFACE XXXIII


Moy l'unique croquant de la terre où nous sommes, Gomme jadis estoit Nabuchodonosor...


Nez qui pourroit servir d'espouventails très dignes, A chasser les oiseaux qui se jettent aux vig-nes; Nez d'arg-ent de rapport, damasquiné, grand, long-, Nez de courg-e, cocombre, ou citrouille, ou melon; Nez qui sent sa vendange, et, superbe en son membre, Semble crier partout : purée de septembre; Nez le jouet des vents, comme en Mirabalais Les moulins; né bronsé, couleur rubis-balais. Nez enfin qui n'est pas un crocheteur de fesses, D'autant que tous les trous ont trop de petitesse.


Ces nitouches cagots, ces sots torlicoUis.


La nuict avoit jà dit : « Bonsoir, Messieurs, bon soir », Et crioit tout partout : « Noir à noircir du noir. »


Quand parut VEapadon, Claude d'Esternod attei- gnait vinj,^t-sept ans. Tous les saff/fique:'! étaient morts, Ueg-nier, Sigogue et Molin; Berlhelot devait les suivre ou disparaître trois ans plus tard. D'Esternod se trouva bientôt être le dernier représentant d'un genre qui brilla par les /^^cv/r/V.s-; soit qu'il manquât de maîtres pour le conseiller, soit que l'atmosphère lui fît défaut ou qu'il ne sut pas se renouveler, il cessa d'écrire et ne se mêla plus que d'exercer son état. La seule pièce de lui qui ait vu le Jour do[)uis VE.'-'pa-


XXXIV l'espadon satyrique

don fut imprimée à Lyon, en i663, dans la Thériaqiie françoise de son ami Maginet (22). La voici :


AU S MAGINET, PAR LE SIEUR D'ESTERNOD Gentilhomme Bourguignon.

STANCES

Un Theriaque tel seulement tu ne tire

De Vipère odieux, Mais un los immortel, qui fait que l'on t'admire,

Malgré les envieux.

Un tel Vipère aussi, mis en vers, de chasque homme

Te rend plus honnoré Que celuy qui pippa Adam par une pomme

N'est de nous abhorré.

D'un Vipère il tira, jadis, ce premier Père,

Une exécrable mort, Mais toy, tout à l'envers, tu tires du Vipère

La vie et le confort.

Un caillou précieux naist de l'eau d'un Panthère,

De sale terre l'or; Tu tire tout ainsi l'Antidot du Vipère,

La vie de la mort.


(22) Ils étaient alliés. Claudine, fille de Marc d'Esterno, écuyer, et de Richarde Poysier, avait épousé noble homme Guillaume Mag'iuet de Salins. (Abbé Guillaume, Sirea de Salins, i23.) — Richarde Poysier était fille de noble homme Humbert Poysier et de Jeanne de Gram- mont. {Ici. ibid., et La Ghesnaye-Desbois, i64-)


THERTAQVE

FRANÇOISE.

,4 r E C LES yEKTys.ET

proprietez^d'icclle fdoti Galien.

M î S E S EN V E î< S T R A N C O I S P A R Puirc Magiirv-t Pharjnacien Saiinois.

i;i difpcrué pkhlirMemc'ût U Salirn par Itdtci eJ7/.';'?.7(r/

' (^Uude Ti'iOPiuereyfreri's Pharrrucuns..

enlAti I ^ i 3.


i*^^:


T/ùi



\A/E r V<^,

Mcrcicre , a l'Enlcigne àchVidotïo,


PREFACE XXXV

Ainsi g-uerit jadis la Lance de Telephe

Tous ceux qu'elle blessoit,

Admirable mag-ie, où l'oracle de Delphe Comme icy paroissoit.

Theriaque divin, lequel, par tes merveilles,

Ne coule seulement De la bouche en nos cœurs, mais qui, dés les aureilles,

Goule en l'entendement,

Meslé de tant de Miel, de Nectar, d'Eloquence,

Que nos esprits perclus Du venin de bestise et poison d'ignorance

Ores ne le sont plus.

A tant de Charlatans, Bouffons de Rhétorique, Sur leurs banques montez,

J'ay desja desdié l'Espadon Satyrique,

Pour les rendre eshontez;

Car alors qu'ils diront : « Theriac de Venise »

Faisant les Arlequins, Je diray : « Vous mentez ! car il faut que l'on dise :

Theriac de Salins. »

Galien, l'inventeur, au langai,^e des hommes

Y rencontra des mieux. Mais aprez, Maginet la réduit où nous sommes,

Au langage des Dieux ;

Chef d'œuvre pour le vray, recœuil de l'industrie

Et comi)lément de l'art, Lequel n'honnore inuins sa natale patrie

Que l'Autheur d'où il part :


XXXVI L ESPADON SATYRIQUE

La Theriaque peut nous redonner la vie Pour un temps seulement,

Mais ces vers te feront, avec ton industrie, Vivre éternellement.

Ce n'est plus l'élève de Reg-nier et de Sigog-ne qui parle, c'est un disciple de Malherbe qui veut forcer sa nature et ses talents, et n'arrive à coucher sur le papier que de mauvais vers. Il est donc heureux qu'il n'ait pas persévéré dans cette note, après avoir publié un recueil qui survit à la Thériaqiie de l'apo- thicaire Maginet, auquel il promettait l'immortalité.

Le succès de V Espadon fut assez grand pour qu'il en parût onze éditions en un siècle et deux éditions partielles ; pour que l'auteur des Exercices de ce temps ^ en qui M. Frédéric Lachèvre a enfin reconnu Angot de l'Esperonnière, ait eu l'idée de lui emprun- ter des vers, ainsi que Sonnet de Courval et plusieurs autres. Le mystérieux gouverneur d'Ornans reste, avec le S de Sigogne, gouverneur de Dieppe, un des poètes les plus curieux et les plus vivants de son époque : il avait comme lui sa place arrêtée dans une Collection qui doit réunir autour de Mathurin Régnier un groupe de brillants satellites.


PRKFACE XXXVH

OUVRAGES A CONSULTER

Bibliothèque Nationale {Cabinet des Titres.)

Carrés d'Hozier, 241. — (Le n'^ 2^2, porté au Catalogue, renvoie au n" 241.)

Dossiers Bleus, 258.

Pièces Orig-inales, 1089.

Armoriai général de la France (Salle des Mss), Bour- gogne, t. I, 673.

(Imprimés)

Lelong. — Bibliothèque Historique de la France. Traitez sur les Alliances Politiques de la France, Paris, 1719. T. II, p. 608, n° 11845, note sur le Franc-Bourgui- gnon.

Brossette. — Les Satyres et Autres Œuvres de Régnier, Londres, 1729. P. viii : Jug^ements sur Régnier, | 3. — P. 377 : Note erronée à l'Epistre II : A Monsieur de Four- quevaux. Cette note est reproduite dans l'édition de Lenglel-Dufresnoy, 1730, et dans la plupart des éditions suivantes, jusqu'au xix® siècle inclus.

GouJET. — Bibliotlièque Françoise, Paris, 1752. T. XIV, p. 309 et pp. 485-486.

M.-J.-B. Guillaume. — Histoire Généalogique des Sires de Salins, Besançon, 1707. T. I, p. u i.

M.-J.-B. Guillaume. — Histoire de la ville de Salins, Besançon, 1758. T. Il, p. ii:^.

Lelong. — Bibliothèque Historique de la France, Paris, 1768. T. H, u" 28.G3G. Edition Fevrct de Fontette.

Dreux du Radier. — Satires de Perse en vers ou en prose, Paris, 1772. Pagres 4i-43.

3


XXXVIII l'espadon satyrique

La Ghesnayb-Desbois. — Dictionnaire de la Noblesse, Paris, 1773.

Baron de Trenck. — Mémoires, Strasbourg-, 1788. 3 vol. in-8.

Grappin. — Mémoires Historiques sur les Guerres du xvi« siècle dans le Comté de Bourgogne, Besançon, 1788. P. 180.

D1EUDONNÉ Thiébaud. — Mes Souvenirs de vingt ans de séjour à Berlin, Paris, 1804. T. II, p. 58.

ViOLLET-LE-Duc. — Histoire de la Satire en France, dans les Œuvres de Mathurin Régnier, Paris, 1822.

P. XXXVI.

D. MoNNiER. — Les Jurassiens recomniandables, Lons- le-Saulnier, 1828. P. 432.

M. BÉGHET. — Recherches historiques sur la Ville de Salins, Besançon, 1828. 2 vol. in-12.

Pyot. — La Franche-Comté ou Comté de Bourgogne et ses souverains, ses hommes illustres et sa géographie, Besançon, i836.

G. DuvERNOY. - Esquisses des relations qui ont existé entre le Comté de Bourgogne et VHelvétie, Neufchâtel, 1841. Pp. ii3 et 116 (sur Guénard).

Biographie universelle (Biographie Michaud), Paris, 1842-1865. Article Fourquevaax, sig-né W.s (Weiss). — Article Claude d'Esternod, signé Z. — Article Gratien de Montfort (au sujet de l'Apostat Léandre).

Gh. Nodier. — Description d'une jolie collection de livres, 1844. P- 221.

LoYs Gollut. — Mémoires historiques de la République Séquanaise et des Princes de la Franche-Comté de Bour- gogne, édit. Gh. Duvernois, Arbois, 1846, P. 1060.

Francisque Michel et Edouard Fournier. — Histoire des Hôtelleries, Cabarets, etc., Paris, i85i. T. H, p. 3o8.


PREFACE XXXIX

Nouvelle Biographie générale {Didot), Paris, ï85i-i866. Article Pavie (Raymond de Beccarie de... Baron de Four- quevaux). — Article d'Esternod (Claude).

Ed. Fournier. — Variétés Histor. et Litlér., Paris, i85/i. T. IV, pp. 33-34, note.

Les Caquets de l'Accouchée, Paris, r855, avec notes d'Edouard Fournier. P. ii5, note.

A. RoussET. — Dictionnaire géographique, historique et statistique des Communes de la Franche-Comté, i858. T. IV, pp. 44o à 442.

Catalogue de la Bibl. poétique de Viollet le Duc, Paris, i85q.

Brunet. — Manuel du Libraire, Paris, 18G0. T. II, n° in8, colonne 653.

Tricotel. — Variétés Bibliographiques, Paris, i863. P. 202 : La Satyre du Temps à Théophile.

Paul Lacroix. — L'Espadon Satyrique, Paris, i863. Avant-Propos.

D'HoziER. — Armoriai Général de la France, Paris, i865. Registre !«•■, première partie, p. 222.

G. Lenient. — La Satire en France ou la Littérature militante au xvi^ siècle, Paris, 18GG. P. i45.

Courbet. — Œuvres de Mathurin Régnier, Paris, 1869. Notice, pp. xv-xvi. — Page 293, note à Fourquevaux.

Courbet. — Œuvres complètes de Mathurin Régnier, Paris, 1875. Pages ix, x, xli et 2G8.

Sainte-Beuve. — Tableau de la Poésie française au xvje siècle, Paris, 187G. T. I, p. 240.

J. Tripard. — Notices sur la ville de Salins, 1881. P. 28G.

Grande Encyclopédie, 1886-1902. T. XVI.

Eugène Tavernier. — La poésie et les poètes en Franche-Comté avant le xix« siècle, Paris, 1880. P. 4o.


XL l'espadon satyrique

Joseph Vianey. — Mathurin Régnier, Paris, 1896. Pages 33 (note), 187, 188 (note), 3io, 3i3 et 3i4.

Petit de Julleville. — Histoire de la Langue et de la Littér. franc. Paris, 1896 et suiv. T. IV, p. 43 : U Ecole de Régnier.

F. Brunot. — La Macetie de Mathurin Régnier, Paris. 1900, passini.

Ad. Van Bever. — Les Poètes Satiriques des xvie et xviie siècles, Paris, 1903.

Gaston Goindre. — Le Vieux Salins, Promenades et Causeries, Besançon, 1904. P. 356.

RÉMY DE Gourmont. — Promenadcs Littéraires, 2^ Série, Paris, 1906. Pages 269 à 273.

Pierre Louys. — Antée, Bruges, 1906. P. 1194.

Pierre Louys. — Spondrilles (Revue des Études Rabe- laisiennes, Paris, 1909, 117 sq.)

H. C. (Henri Clouzot). — Notes pour le commentaire des spopondrilloches, etc. (Revue des Etudes Rabelai- siennes, 1909. P. 400).

G. Lanson. — Manuel Rihliographique de la Littéra- ture française moderne, Paris, 1914. N^^ 421, 3554, 3558 et 3559.

J. Mathorez. — Bibliographie de Maître Guillaume. (Rev. des Livres Anciens, \, 1914, 338.)

Frédéric Lachèvre. — Les Recueils Collectifs de Poésies Libres et Satiriques, Paris, 1914. Pages 167, 534 et 538 (note à Besançon).

Titres et publications du D^ Auguste-François-Charles d'Eternod, Professeur ordinaire à l'Université de Genève, Genè\e, 1916.B. — Biographie. I. — Famille, i3-i4.

Fernand Fleuret et Louis Perceau. — Les Œuvres satijriques complètes du Sieur de Sigogne. Paris, 1920. Discours Préliminaire, p. xlvii sq.


PREFACE XLI

Fernand Fleuret. — Remarques sur les Exercices de

ce Temps, d'Angot UEsperonnière (Les Écrits Nou- veaux, juillet 1921. T. VIII. — 7.)

Frédéric Lachèvre. — Mélanges, Paris, 1920. Pag^es i53 et 157.

LÉON Levrault. — La Satire, Evolution du genre, Paris, Delaplane, s. d. 75-76, 82, 100.

Les Caquets de V Accouchée, Paris, s. d. — Pag-es 109 et no (Edition Flammarion).

Ad. Van Bever. — Les poètes de Terroir. Paris, s. d. T. II, pp. ii5-ii6.

Maurice Allem. — Anthologie des Poètes Français, XVII9 siècle, Paris, s. d. — Introduction, p. xxi.

Grand Dictionnaire Larousse, Paris, s. d.


F. F.


BIBLIOGRAPHIE


I. — ŒUVRES DE D'ESTERNOD

A. — Les Désirs Amoureux.

Les Désirs Amoureux de Dom Philippe Prince d'Es- pagne. A Madame Sœur du Roy. Par Cl. Desternod, Gentilhomme de la Franche-Comté. A Paris, De l'Impri- merie de Pierre Durand, au mont S. Hilaire, à l'image S. Sebastien, devant le puits-Certain. M. DC. XIV. (Voir le Fac-Similé pag-e xxii.)

I vol. pet. iu-8o de 24 pages. {Bibl. Nat. Ye 202i4-) Contient une Epitre dédicatoire en prose et un poème.

B. — Le Franc Bourguignon.

Le Franc Bourguignon. Pour Ventretien des Alliances de France et d'Espagne. A Paris, Chez Gillebert le Veau. M. DC. XV. (Voir le Fac-Similé page xxiv.)

1 vol. in-8f> de 2 feuillets et 216 pages. {Bibl. Nat. Lb^^ 47i-) Contient deux pièces liminaires de Claude Quantal, Salinois, l'une en vers français, l'autre en vers latins, et Le Franc Bourguignon, A Madame Sœur du Roy, ouvrage en prose mêlé de vers latins et français. Remis en circulation sans nom d'auteur.


BIBLIOGRAPHIE XLIII

C. — Le Catholique Franc-Comtois.

Le Catholique Franc-Comtois. Contre V Apostat Leandre, Autrement dict. Constance Guenar, traistre à Dieu, et à sa Patrie. Par Claude D'Esternod, Gentil- homme Franc-comtois, Sieur d'Alaise, Refranche, Sale- gret, etc.. A Lyon, Pour Antoine Robin. M. DC. XIX. Avec Approbation. (Voir le Fac-Similé page xxvi.)

I vol. in-8o de 32 pages. {Bibl. Nat. Ln - 9226.) Epître dédi- catoire, le Franc-Comtois Catholique, pamphlet en prose, une pièce liminaire en vers, de Jacques Manginelle, une satire et un sonnet, que nous donnons plus loin ; enfin V Approba- tion.

D. — U Espadon Satijrique.

L'Espadon Satyrioue. Par le sieur de Franghère, gentilhomme Franc-comtois. Dédié à monsieur le Baron de Roche. A Lyon, Par Jean Lautret, Marchand Libraire. M. DC. XIX. Avec Privilège. (Voir le Fac-Similé p. 2.)

I vol. in-i2 de 12 ff. non chiffrés (Titre, épitre, pièces limin. et ire Satyre), 129 pp., i p. non chiffrée pour la Permission et I feuille blanche portant au recto la Figure du titre, sans la lettre. {Bibliottièqiie Méjanes, Ville d'Aix-en-Prouence, G. 3o33.)

C'est le texte que nous avons suivi.


L'Espadon Satyrique A Rouen, chez Jacques Be-

songne, Nicolas le Prévost et Jean Boulay, iOiq.

I vol. pet. in-i2 de 5 If. et 122 pages. Ed. citée par M. Frédé- ric Lachèvre. C'est la reproduction te.vtuelle de l'édition de Lyon.


XLiv l'espadon satyrique


L'Espadon Saïyrioue. Par le sieur Destcrnod. Seconde édition. A Lyon, Par Jean Lautret, Marchand Libraire, M. DC. XXL Avec Privilège.

I vol. in-8 de 5 ff., i44 PP- et i f. pour la gravure de la fin ; cette gravure est au verso. {Bibliothèque de Versailles : E. 5oQ c.) Epître dédicatoire à B. D. P. ; eu plus, stances limi- naires de Henry Fag'ot. C'est par erreur que Brunet dit {Man. du Libr. SuppL, p. 384) que la Satyre du Temps s'y trouve.


L'Espadon Satyrique... Reueii et augmenté de nouveau. Lyon, Jean Lautret, 1622.

I vol. in-i2 de 5 ff. et 157 pages. Ed. citée par M. Laclièvre. D'après lui, elle contient, en plus des précédentes, la Satyre du Temps et VOde Satyrique d'un amoureux à sa mais- tresse.


L'Espadon Satyrique... Lyon, Jean Lautret, 1628. I vol. in-i2. Cité par M. Lachèvre.


L'Espadon Satyrique... Rouen, David Ferrand, 1624. I vol. in-i2. Vente Nodier, en i844-


L'Espadon Satyrique... Rouen, David Ferrand, s. d. (1625?)

I vol. pet. in- 12 de 6 ff. et 142 pp. Il est difficile de déterminer la date de cette édition. Serait-ce celle du Catal. Auvillaiu,que l'on dit être de 1620, et la même que M. Lachèvre cite d'après Brunet et VioUet-le-Duc, mais à laquelle il donne une date approximative, enti^e 1628 et 1626? Nous la croyons postérieure


BIBLIOGRAPHIE XLV

d'une année à celle de Rouen 1624, qui ne contiendrait pas la Suitte de l'Espadon Satijrique. C'est d'après cette édition sans date que Gay a reproduit les pièces diverses du supplément.


L'Espadon Satyrique: Par le S"" Desternod. Reveu et augmenté de nouveau. A Lyon, par Jean L'Autret, Mar- chand Libraire en rue Mercière. M. DC. XXVL Avec Pri- vilège.

I vol. in-i2 de i.Vi PP- (Arsenal B. L. 8gS3 in 80) C'est la reproduction de celle de Lyon, iG2:>. L'Arsenal en possède deux exemplaires. Sur le 8983 une note manuscrite accumule en peu de mots beaucoup d'erreurs : « Le vray nom de l'auteur de ces satyres étoit François Pavie, baron de Forquevaux. Il etoit amy de Régnier qui luy a dédié une de ses satyres. Celles-ci ont d'abord été imprimées en 1O19 sous le vray nom de l'auteur, ensuitte en 1620 sous celuy ci. Ainsi en voici la 3e édition; il y en a encor une 4* de 1682. II a composé une vie en prose des capitaines franoois (sic) qu'on dit bonne, quand à ces satyres elles sont mauvaises et ordurieres. Le Cabinet Satyrique contient plusieurs morceaux do cet auteur ci, homme de grande qualité mais poète libertin et médiocre. Il est mort en 1611. »


L'EsPADO.N Satyrique. Par le Sieur D'Esternod. Reveu et augmenté de nouveau. A Colog^ne, Chez Jean D'Escri- merie, à l'Académie de France. M. DG. LXXX.

I vol. in-i2de G ff. et 174 pp. (Arsenal, B. L. ^gS// in-80). Les deux premières pages, contenant la pièce de Henri Fagot, ne sont pas chiffrées. Le privilège manque à la fin. Le titre est précédé d'une gravure sur cuivre imprimée au recto d'un feuillet. Le Satyre à l'Espadon qu'elle représente est différent de celui de la i^e édition, et tient toute la page. C'est celui que nous reproduisons en frontispice. L'exemplaire de l'Arsenal contient cette note manuscrite : « Il y a une autre édition de ce même ouvrage sous le nom du Sr. de Franchere genlilhome franccomtois, imprimé à Lyon en 1619 par Jean Lautret 1619


xLVi l'espadon satyrique

in- 12. C'est la momo chose que ccluy cy, excepté que cette édi- tion est beaucoup plus belle; il est vray qu'à celle de 1G19 il y a une satyre iG, contre l'apostat Leandre, mais elle n'est pas du g-enre du reste de l'ouvrage et dans celle cy il y a une ode satyrique d'un amoureux à sa maîtresse qui est du genre qui précède et qui ne se trouve pas dans l'autre édition. » Ajoutons que ni la Satyre du Temps, ni les pièces du supplément de Rouen s. d. ne se trouvent dans celle édition. Selon M. Lachèvre, il y en aurait eu un second tirag'e en 1O81.


L'Espadon Satyrique. Par le sieur D'Esternod. Réim- pression faite sur l'édition de Lyon, 1626, collationnée et complétée sur les autres éditions du même ouvrage, et augmentée d'un Avant-Propos. Bruxelles. Imprimerie de A. Mertens et fils. i863.

I vol. in-i2 de xvi-i52 pages. De la Collection des Raretés Bibliographiques, de Gay. Tiré à 102 exemplaires. 11 repro- duit l'édition de 162G, et donne les pièces du Supplément de l'édition de Rouen, s. d.


En somme, des 10 éditions publiées sous le titre d'Espadon Satyrique, nous n'avons rencontré que celles de Lyon 1619, Lyon 1621, Lyon 1626, Golog-ne, 1680, et Bruxelles i863, les seules qui se trouvent dans les fonds publics. Mais, au moyen des indications recueillies dans les ouvrag^eç bibliog-raphiques et les Catalogues des grandes ventes, on peut constater que les éditions anciennes de V Espadon forment trois séries : 1° Celles de Lyon, réimprimées à Cologne et Amsterdam. Elles sont au nombre de six : 1619, 1621, 1622, 1628, 162G et 1680(1);


(i) Il y faut joindre une édition d'Amsterdam, intitulée : Satyres amoureuses et galantes. (Voir plus loin).


BIBLIOGRAPHIE XLVII

2° Celles de Rouen qui ne sont que des contrefaçons, de la première et de la seconde édition de Lyon. On en compte trois: i6iç), 1G24 et sans date (vers 1625). Cette dernière est aug^mentée de pièces de divers auteurs tirées en par- tie du Carquois d'Amour et que reproduit l'édition Gay; 3" La réimpression de Gay, i8fi3. Le chapitre suivant contient la nomenclature de quelques supercheries de libraires autour de VEspadon ou de quelques-unes des Satyres de d'Esternod.


E. — Recueils collectifs et supercheries.

Les Délices Satyriques, ou Suitte du Cabinet des vers Satyriques de ce Temps. Recherchez dans les secrets Cabinets des sieurs de Sigognes, Régnier^ Matin, Rerte- lol, Magna/-d, et autres des plus signales Poêles de ce siècle. A Paris Chez Anthoine de Sommaville, au Palais en la Gallerie des Prisonniers prez la Chancellerie. M. DG. XX. Avec Privilège du Roy.

I vol. in-i2 de 6 feuillets et 472 pages (Bibl. de Versailles, Fonds Goujet E. 584 c.) Contient 10 Satyres extraites de la lere édition de r£'.s/>«'^o/i-' Satyre I, pag-e 43 ; Satyre II, page 108; Satyre III, page 117; Satyre IV, page 124; Satyre V, page 267 ; Satyre VI, page 205; Satyre VII, page 272; Satyre VIH, page 333 ; Satyre IX, page 342 ; Satyre X, page 3Gj.


La Quint-Essence satyriqle, ou sbconde partie, du Parnasse DF.s Poètes Satyriques dii: nostre temps. Recher- chez dans les Œuvres secretles des Auteurs les plus gnalez de nostre siècle. A Paris, Chez Anlhoine de


XLVIII l'espadon SATYRinUE

Sommavillc, au Palais, en la gallerie des Libraires prcz la Chancellerie. M. DG. XXII.

I vol. in-8o de i feuillet de litre et 279 pages. (Cabinet de M. Pierre Loui/s). Contient 4 des Satyies reproduites par les Délices Safyriques : Satyre VII, page 71 ; Satyre II, page i58; Satyre III, page lôy ; Satyre IV^, page 235. Ou les retrouve dans les différentes éditions du Parnasse Saf{/ric/ue ; cùUes-ci repro- duisent toujours le texte de la Quintessence, qui n'est que la seconde partie de la i^e édition.


Le Parfaigt Macquereau suivant la Cour, Contenant une Histoire nouvellement passée à la Foire de sainct Germain. Entre un Grand, et l'une des plus notables et Renommées Courtisannes de Paris. 1622.

I vol. in-80 de iG pages. (Bibl. Nat. Réserve ye 211-].) Cet opuscule reproduit en partie les Satyres XII et VIII. Sous le litre de Parfaict Macquereau, etc., viennent 18 stances de la Satyre XII, — les stances i à .'j, — 7 à 1 1, — 14 à 16, — 18 à 20, 22 et 23 ; ensuite ig stances de la Satyre VIII, intitulées : Com- plaincte sur le succès de l'histoire dont est question. Ce sont les stances 7 à 16, — 21 à 26, — 29, 3i et 34.


Le Tableau des Ambitieux de la Cour. Nouvellement tracé du pinceau de la vérité, par Maistre Guillaume à son retour de l'autre monde. M. DC. XXII.

I vol. in-80 de i4 pages. (Bibl. Nat. ye 238/fi.} Cet opuscule reproduit simplement la ire Satyre de V Espadon, que l'éditeur a pensé rendre méconnaissable en l'amputant des 4 premiers vers et des 4 derniers. M. Edouard Fournier a réimprimé le Tableau dans ses Variétés historiques et littéraires (Tome IV, page 33). Il en donne un texte assez inexact.


BIBLIOGRAPHIE XLIX


Le Parnasse des Poètes Satyriques, ou dernier Recueil des Vers picquans et gaillards de nostre temps. Par le sieur Théophile. M. DC. XXV.

I vol. in-8 de 38o pp. (JUbl. Aat. Réserve ye 2766). Repro- duit, sous uu seul titre, le Parnasse et la Quinl-Essence de 1622. (Voir ce dernier titre).


Le Parnasse satyrique des vers de Théophile sur les

AFFAIRES de CE TEMPS. S. L II. d.

Nous n'avons pas rencontré ce petit in-i?., cité par Brunet, (Suppl., page 385). Cette supercherie de libraire ne serait autre chose que les seize satires de Y Espadon.


Satyres amoureuses et galantes, Et l'ambition de CERTAINS Courtisans nouveaux venus, et gens de for- tune. Par le S^ B'". A Amsterdam, Chez Adrien Moetjens. M. DCC. XXL

I vol. in-i2 de 168 pages, non compris i feuillet de titre. (Bibl. Nat. Réserve ye 3q8o. — Arsenal, B. L. 902.4 in-8°).

L'exemplaire de la Bibliothèque Nationale est incom- plet du titre et des pag'es i.")<) à lOf», qui sont manuscrits. D'après Brunet, l'ouvraçe ruirail été imprimé en Fiance. Il contifMit les XV premières satires de VEspadon, et, sous le titre de Satyre XVI. D'un amoureux d sa mai- tresse, l'Ode Satirique de la 3" édition. C'est, en somme, une réimpression, sous un litre différent, de l'édition de 1680, moins le Frontispice, la Préface, et les pièces Limi- naires.


L ESPADON SATYRI(^)UE


F. — La Tlieriaque françoise.

La TiiERiAQUE FRANÇOISE. ylyé'c/L'?^ VcHiis, et proprictcz d'icelle selon Galien. Mises en vers français par Pierre Maginet Pharmacien Salinois. El dispsnsc publiquement à Salins par ledict Maginet, et Claude Thouverey frères Pharmaciens, en Van 162,3. A Lyon, Par Barthélémy Vincent, en rue Mercière, à i'Enseig"ne de la Victoire. M. DC. XXIIL (Voir le Fac-Simile, p. xxxiv.)

I voL in-80 de 90 pag-es et i feuillet. (Bibl. Nat. ye ayoïo). Cet ouvrage contient do d'Esternod une pièce liminaire en vers français.


II

NOMEx\GLATURE DES POÉSIES DANS LES SUPPLÉMENTS A L'ESPADON


A. — Edition de Lyon, 1622.

SATYRE DU TEMPS A THÉOPHILE

La réputation que ta veine féconde


Satire de 214 vers. Sig'née : Besançon. Elle est précédée, dans l'cdition de 1622, de ce titre g-énéral : Slitte de l' « Espadon Saty- iviouE M, et suivie de I'Ode Satyrique d'un Amoureux a sa Mais- tresse. Elle ne fiçure plus dans les éditions de {'Espadon posté- rieures à celle de 1026. Elle est imprimée, sans nom d'auteur, à la suite de l'édition de Lyon, 1623, de la Satyre ménippée contre les femmes, de Courval-Sonnet.

ODE SATYRIQUE D'UN AMOUREUX A SA MAISTRESSE

Je ne sçay quel regret me pique,


9 stances de 10 vers. Publiée en 1622 dans le Supplément, ce n'est


LU L ESPADON SATYIllOUE


que dans les éditions de Cologne, en 1680, et Amsterdam, 1721, qu'elle est attribuée à d'Esternod, et qu'elle est introduite dans le corps de l'Espadon, où elle remplace la XVI" Satyre. Cette pièce est une pièce malherbienne, très supérieure, d'ailleurs, aux œuvres de Claude d'Esternod, qui n'a ni ce style ni cette aisance.


13. — Edition de Ilouen^ s. d. {162,5).

ODE AUX DAMES Chers soleils des veux et des âmes,


II stances de 4 vers. Cette ode est reproduite du Carquois d'Amour, s. d., où elle est ég-alement anonyme.

A CALISTE

PRKLUDE

Toutes les fables sont muettes,


14 stances de 4 vers. Reproduites du Carquois d'amour, où elles sont ég:alement anonymes.

EPIGRAMME D'UxN PESCHEUR

Un pescheur à son hame<;on

14 vers. Épigramnie reproduite du Carr/uois d'Amour, où elle est également anonyme.

AUTRE SUR DIANE

On feint Diane chasseresse


Si.vain. Voir ci-dessus.


BIBLIOGRAPHIE LUI

AUTRE

SUR LA CORDELIERE

QUE PORTENT LES DAMES DANS LE SEIN

Belle, je loue un tel dessein,


SixaîD. Voir plus haut.

AUTRE D'UN CHASSEUR

Un chasseur courant sur le tard,

17 vers. Voir plus haut.

AUTRE SUR UN TABLEAU DE L'OCCASION

Courtisans pipez de faveur,


Dizain. Voir plus haut. C'est une parodie de l'épigraniinc de Posi- dippe sur une statue de l'Occasion [Anthol. de Planude, épigr. 275.I

A LTN LAIDERON Quand je ne le le veux point faire,


Dizain. Il est de Saint-Romard. Un le trouve dans les Recueils sui- vants : Traductions, i55o. — Le Parar/on, i554. — Le Thresor des joyeuses inventions, s. d., — La Récréation et Passetrrnps des Tristes, 157.3.

D'UNE GROSSE GARCE gui FEIGXOIT ESTRE GROSSE D'ENFANT

Alix, qui son ventre porloit


II vers. — Épijframmc de Sainï-Komard, publiée sous les initiales

4


Liv l'espadon satybique

s. R., dans les Traductions de i55o. Anonyme dans le Thresor, s. d., les Satyres Bastardes, lôi'i, Les Délices Satyriques, 1620, et La Quin- tessence Satyrique, 1G22. Elle commence parfois ainsi : «Jeanne, qui son ventre portoit... »

D'UN OUI PRESSOIT UNE FILLE D'AMOUR Helas ! Monsieur, ostez-vous tost !


7 stances de 6 rcrs. Par Gilles d'Aviugny. Ces stances fig^urent dans son Tuteur d'Amour, i553. Reproduites dans les Satyres Bas- tardes, i6i5, et le Cabinet Satyrique, 1G18.

A UNE DAME OUI NE SE PEUT DEFFAIRE D'UN IMPORTUN

Geluy qui si fort vous mug-uette,


Dizain. Par Gilles u'Avrigny (Le Tuteur d'Amour, i546). On le trouve aussi dans Le Printemps de Madame Poésie, i547, et La Récréation et Passctemps des Tristes, iï>-]3.

D'UN BIEN D'AMOUR Au temps qu'Amour me celoit sa naissance

Dizain. Par Gilles d'Avrigny (Le Tuteur d'Amour, i540). On le trouve égfalement dans les deux mêmes recueils que le dizain pré- cédent.

D'UN CORDELIER ET DE QUELQUES SOLDATS

Un cordelier tomba entre les mains


24 vers. Épigramme attribuée à Eotohc, me Reaulieu, par M. Fré- déric Lachèvre (Les Recueils libres}. Signée D. R. dans les Traduc- tions, i55o; anonyme dans le Tfiresor, s. d., et la Récréation, lâ^2.


BIBLIOGRAPHIE LV


D'ANNE QUI EST MALADE QUAND ELLE VEUT

Petit ennuy qui par trop tarde


3o vers. Épigramme de Ch. Fontaine [La Fontaine d'Amour, i546), reproduite en 1673 dans la Récréation.


D'UNE QUI DISOIT ESTRE BIEN D'ESTRE FEMME

Ces jours passez, quelqu'un tout à loisir

Huitain. Publié sans nom d'auteur dans la Récréation, ib'jZ.

L. P.


III DOCUMENTS DES ÉDITIONS


Epitre dkdicatoire DES « Désirs Amoureux »

A Madame. Madame, Tout ce que mon Prince révère, je l'adore, et comme je sçay qu'il est en perpétuelles contemplations, extases et ravissements, sur le bel astre de vostre beauté, dont les Emperieres perfections exercent une puissante Monarchie, non seulement sur mon Ame, mais sur toutes celles de vos vassaulx et subjects : Je me hasarde au jour pour en retracer l'histoire au soleil rayonnant de vos yeux, mesprisant toutes sortes de blasons, et hypothèques de la mesdisance à dents vipérines et crénelées, si ce petit Discours vous agrée; car la moindre œillade que vous luy donnerez me rendra impénétrable, comme le bouclier d'Ajax, invulnérable comme Achille : Et en ceste dévotion, je demeure inviolablement, Madame,

Vostre tres-humble serviteur. Cl. Desternod.


bibliographie la'ii

Épitre Dédicatoire du Catholique Franc-Comtois

A Tresl/histre et Religieux Seigneur

CLAUDE D'ACHEY

Abbé, et Seigneur de Baume, S. Lotain, etc. au Comté de Bourg-og-ne : Salut.

Monseigneur,

Qu'en direz-vous de ce maliieureux Cicophante, qui ayant sacrileg-e et impie prophané les clioses sainctes, a creu le serpent, et digéré la pomme conta- g-ieuse du Calvinisme ? Oui le croiroit, que Bourgongne, le piédestal, et le plus ferme arc-boutant de la Clires- tienté, ayt élevé ce vipereau, qui a pensé crevanler sa mère, et comme le chien d'Acteon, dévorer son maistre? Que Bourgongne, qui n'a jamais allaicté Huguenot, comme l'Angleterre ne nourrit point de loups, et comme les mouches ne pouvoyent entrer dans le temple d'Hercule appelle Sigaros : Qui le croi- roit, que ce fier dragon en soit issu, et que cette chelive Agrip{)ine ait nourry ce Néron? Mais la mythologie en est réelle, la fable est une vérité : et d'asseurance Leandre a faict naufrage, et les flots du lac Léman l'ont enveloppé, pour le donner en proye à l'insatiable cupidité des poissons de l'Enfer : dès lequel lieu, comme un Oresle furieux, avant le der- nier hocquet il escume en Bacchanle, vomit anallieme qu'il est, mille injures contre l'Eglise, veut acculer, et reculer, sabouler, et fouler l'honneur du sainct Père : et fait gloire, comme Psaphon, d'estre loué des bestes. Demeurer sur tant d'injures sans repartie,


LVITI L ESPADON SATYRIQUE

ce seroit esire comme la statue d'Esciilape, laquelle estant inanimée, enduroit que Denys de Syracuse luy arrachast la barbe. Mais mon couraîre incompatible avec tant de blasphèmes, ne permettra à ce Cerbère vomir son aconit avec impunité contre l'Eg-lise, comme il l'adore avec impieté. Me voicy donc à l'apres de mettre le caveçon à ce cheval eschappé qui trotte sur le pavé de sa ruine. Vous, Monsei- GN^EUR, qui vivez avec tant de sincérité, sous la reg"ence et discipline de la vertu, prestez (s'il vous plait) l'oreille à la Trag-edie de cet Apostat, sur qui je fay esclater l'arrest espouventable de la mort : et vous obligerez,

Monseigneur,

Vostre tres-humble serviteur, Claude d'Esternod.


Approbation du Catholique Franc-Comtois

APPROBATION

Bon Catholique Franc-comtois, qui franchement (mais catholiqucment) contes à l'inconstance de Gue- nar la vérité : Tu peux voir le jour, à fin que cha- cun cognoisse que c'est le devoir de ne tourner le doz à Dieu, et se porter aux Apostasies. A Lyon, ce 8. de Mars, 1619.

Fr. Robert Berthelot. Evesque de Damas.


bibliographie lix

Epitre dédicatoire de l'Espadon satyrique A Tres-Illustre et Généreux Seigneur

BENIGNE DE PRACONTA,

Baron de Roche, Sieur d'Arqués, Cenans, et Maisonforle de Bussard (i).

Monsieur,

L'Espadon Satyrique n'attaque point vos prouesses incomparables. Tous ses molinets ne se tournent que })our les vitieux, gauchers à tout devoir, debifez d'ex- cez, el qui ont donné la dextre defîensive, et offensive à la poltronnerie, avec une opiniastreté si résolue, qu'il semble que la Satyre ne soit à présent moins néces- saire que la prudence d'un bon Magistrat, lequel ne travaille moins à corriger les sots, qu'à gouverner les sages. Je cherche les hommes à la lanterne, comme Diogene, mais je n'attaque point les Dieux, comme Momus : n'osant mosme entreprendre le para- nymphe de leurs louanges, de peur, que blasonnant sur elles, l'on ne m'accuse de curiosité, ou qu'en doutant, je ne sois déclaré prophane et sacrilège. Me voicy donc en posture, pour jouer de l'Espadon Saty- rique, non contre vostre espée, que je ne peux accuser que de trop de vaillance; espée à tout vaincre, et à rien craindre, sans suros, sans tache, hors de la portée, et de la touche de toutes les Satyres, et mes- disances : mais contre un tas de Centaures, issus de


(i) Dans la 2' édition (Lyon, 1621) et les suivantes, ce titre est ainsi modifié : « A Trcs-Illustre et Généreux Seig-neur 13. D. F. »


Lx l'espadon satyrique

rexcremenl de la terre, qui sont tousjours hors de la posture d'honneur, et n'ont jamais veu combats qu'en pourtraits, et en livres. C'est ceux que je veux mettre en eschec, hors de train, et au caïmandemenl de leur infa-me vie. Je leur veux tracer de la pointe de mon Espadon un Epitaphe, qui sera immortel comme les victoires de vostre espée, lesquelles n'au- ront jamais autres bornes que l'éternité. Sous l'adveu donc magnanime de ceste généreuse flamberge, je rendray le monde net d'ordures, comme Hercule la terre de monstres. Et devez sçavoir, pour conclusion de la présente, que si vous estes vaillant extrême- ment, je suis encore davantage.

Monsieur,

Vostre tres-affectionné et humble serviteur.

Cl. de Franchere. (2)


Privilège de l'Espadon satyrique PERMISSION

Il est permis au sieur Jean Lautret, d'imprimer ce livre intitulé UEspadon satyrique, avec deffences en tel cas requises. Faict à Lyon, ce 20. avril, 1619.

De Sauzey', Lieutenant particulier.


(2) a partir de la 2* édition (Lyon, 1621), l'épitre est signée Cl. Des-

TFRNOD.


IV PIÈGES LIMINAIRES


A MONSIEUR D'ESTERNOD CONTRE L'APOSTAT LEANDRE. (i)

Tout ainsi que l'Amour fut cause que Leandre S'abysma dans les flots, sans pouvoir s'en défendre, Ouoy qu'il se travailiast pour trouver du secours : Ainsi, mon d'EsxERNOD, l'amitié que tu porte A ta chère patrie, a fait, d'une autre sorte, Abysmer ce Leandre aux flots de tes discours.

J. Manginelle.


POUR L'ESPADON SATYRIQUE DU SIEUR DE FRANCIIERE. (2)

Espadon digne de mémoire. Oui, profitable à ton Ouvrier, Sert plus de burin pour sa gloire Que d'instrument pour son mestier;


^I) Le Catholique Franc-comtois, Lyon, 1619.

(2) L'Espadon, LyoQ, 1619 et éditions suivantes. Var. de la 2« édi- tion (Lyon, i6ai) et des suivantes : « Du aicur Desternod. »


Lxii l'espadon satyrique

Jamais Ion atteinte n'est vaine


Mais tu frappe avecque douceur, Puisque ta trempe est Hipocrene, Et un Poëte est ton Fourbisseur ; (3)

Car aussi sa veine coulante Te servant d'huile, désormais, Fera, d'une façon puissante. Que tu ne t'enroûille jamais.

De Boissat.


SUR L'ESPADON SATYRIQUE DU SIEUR DE FRANCHERE. (4)

Anœ Dames.

Bien que les traits de Cupidon Soyent ceux que vostre ame désire. Belles, que ce mot Espadon Ne vous empesche pas de lire ;

Car je vous promets pour certain Que cet escrimeur d'entre-cuisse Seroit plus à craindre en Lorrain Qu'il ne seroit à craindre en Suisse.


(3) Var. (Lyon, 162G) :

Et un Poëte ton Fourbisseur.

(4) L'Espndon, Lyon, 1G19 et éditions successives. Var. de Lyon, 1621 et éditions suivantes : « ... Du sieur Desternod. »


BIBLIOGRAPHIE LXIII

Eux, des deux mains, à tort et droit, S'escriment de mauvaise trog-ne, Au lieu que luy, du I)out d'un doit, Fait quatre fois plus de besogne.

Nicolas Faret.


SUR L'ESPADON SATYRIOUE DU SIEUR DE FRANCHERE. (5)

Stances.

Espadon plus dig-ne de gloire Que tous ceux-là que la mémoire Des Anciens nous a donné. Ainsi que tu es sans exemple. Ainsi celuy qui te contemple Ne peut qu'il ne soit estonné.

Car s'il regarde en ta fabrique, Que ta matière Satyrique Sur toute autre passe devant, Il coguoislra qu'un tel ouvrag^e Ne sort pas d'un apprentissag-e, Mais pluslost d'un uiaistre sçavant.

Le papier a esté l'enclume. De marteau t'a servi la plume.


(5) L'Espadon, Lyon, 1G19 et éditions suivantes. Var. de Lyon 621, et cdilioDs suivantes : « ... du sieur Dcstcruod. »


Lxiv l'espadon satyrique

Et les vices des feux ardens Qui ont la matière alumée, Pour esclairer la renommée, Et dehors la France, et dedans.

Tranche donc, coupe, fends, et passe. Te faisant par tout faire place, Et si quelqu'un veut contester. Ou bien par envie, ou par blasme, Fais luy voir que contre ta lame Personne ne peut résister.

Mais n'aye crainte que personne (6) Contre toy quelque mal soupçonne. De bon cœur on te voudra voir, Voyant bien que tu es à craindre. Et aucun n'osera se plaindre. De peur d'irriter ton pouvoir.

C'est un des vœux que je souhaitte, Pour rendre l'amour satisfailte Que je porte à cil qui t'a faict ; L'autre, c'est si bien que tu tance Les vices qui régnent en France, Qu'ils ne soyent jamais en effect.

Jaques Manginelle.


(6) Var. (Colog-ne, 1680) :

Mais n'aye crainte de personne.


BIBLIOGRAPHIE LXV


AU SATYRE SUR SON ESPADON (7)

Satyre à la nouvelle escrime, De qui le nom dig^ne d'estime Ne verra jamais le trespas, Dis nous de quelle estrang-e sorte Est faict l'Espadon que tu porte, Qui pique, et si ne tranche pas? (8)

Il n'est personne qui n'admire De voir dans la main d'un satyre L'Espadon, comme je l'y voy; Et que l'antiquité le die S'il s'est veu, dedans l'Arcadie, Un satyre armé comme toy !

Mars ne fust pour tel dans la Thracc, Car tu sçais avec tant de g-race Joindre l'adresse à la fureur. Qu'à chasque poiiicte que tu tire Tes amis se meurent de rire Et tes ennemis de douleur.

Henry Fagot.


(7) L'Espadon, Lyon, 1621 et suivantes.

(8) Correction. Les textes donnent:

Qui pique, et s'il ne tranciic pas? Cf. Glossaire : Si.


L'ESPADON SATYRIQUE


DE


CLAUDE D'ESTERNOD


SONNET ACROSTICHE & ENCOMIASTIQUE

A

CLAUDE D'ESTERNOD

Charmant, joyeux poète, auteur de 1' <r Espadon », Les cuistres sont nombreux en notre temps moderne ! Aig^uise bien ton arme, et vise leur lanterne : Un ! Deux ! Fends-toi, mon brave, et frappe sans pardon !

De la sottise humaine éventre la citerne ! Enfume dans son nid cet arrog-ant bourdon ! Etrille-moi cet âne, ami du beau chardon! Sus à ces chats-huants hurlant dans leur caverne !

Tel se croit un phénix, qui n'est qu'un grand buzard, Et prend pour du g-énie un efTel du hasard : Rien ne jaillit de rien, pas même en rhétorique !

Noble et fier g-ouverneur de la cité d'Ornans,

Oh ! prends sans hésiter 1' « Espadon satyrique » :

D'une estocade abats tous ces affreux manants !

Si octobre igoy.

D^ A. F. C. d'Eternod.


•'•^Pl^»'^


^L ESPADON

SATYRrQJ^R

Par le fieur de Franchere,gencil-/

'i homme Franc- comtois. j

, Dédié à monfiettr XttÂsn de Roche,



?A


"^ L ro N,

I E A N


-L A V T R


Marchand Libraire.

M. \)Qr~XÎx,


L'ESPADON SATYRIQUE


LVVMBITION DE CERTAINS COURTISANS NOUVEAUX VENUS

Saiijre / (i)

De tant de Cavaliers qui vont avec des bottes, A faute de souliers, et n'ont faute de crottes, (2)

(i) U Espadon, hy on, 1619 et éditions successives. — Reproduite en 1620 dans les Délices Sutyriques, et séparément, en 1622, sous ce titre : Le tableau des ainbitien.T de la Cour, nouvellement tracé du pinceau de la Vérité, par maistre Guillaume, à son retour de l'autre monde. Les quatre premiers vers et les quatre derniers manquent dans cette édition séparée. La Satire XlVde Régnier parut aussi sous le nom de M' Guillaume, avec ce titre : Satire de mattre Guillaume contre ceux qui déclamoient contre le gouvernement. Au sujet de M« Guillaume, Fou de cour, sous le nom duquel paraissaient des pasquins et des pamphlets, qu'il débitait lui-même sur le Pont-Neuf, voir notre éd. des Satyres de Signgne, et le travail de M. Jules Mathorez dans le tome II de la Revue des Livres Anciens (1914)- D'après un passag-c de la « Troisième Journée » des Caquets de l'accouc/iée (1622), un libraire réformé de la rue Saint-Jacques aurait publié cette satyre sous le titre de Discours du Courtisan à la mode : « J'ai veu aussi, dit la femme du Conseiller, un discours du Courtisan à la mode, imprimé il n'y a pas long-temps, lequel n'estoit autre chose qu'un extrait ou transcrit de l'Espadon salyrique mot pour mot, ce qui ne se devroit tolérer : car c'est tromper et abuser le monde... » Cette édition, qu'aucun bibliographe n'a encore rencontrée, ne doit pas être celle du Tableau des ambitieux de la cour, attendu que l'auteur des Caquets dit qu'elle est transcrite mot pour mot. Ed. Fouruier-, dans ses Variétés ITisl. et Litter. t. IV, p. 33, a reproduit assez iue.\actemeat le Tableau des ambitieu.v de la cour.

Uu vers 5 au vers i4, cette satire rajqielle les vers 217 à 328 de la Salure VI de Rcsrnier, eux-mêmes imités du Mauro. Elle peut passer pour une transposition burlesque de la Sat. Mil de Juvénal : Nobilcs. Mais il est certain que son auteur s'est surtout inspiré de divers pas- sages de Régnier.

(2) Correction. Tous les textes portent :

A faute de souliers et non faute de crottes,

La Satyre de Jean Le l^lanc que nous avons découverte dans ses


L ESPADON SATYRiyUE


De tant qui vont à pied à faute de chevaux (Cavaliers, postillons, n'ont faute d'animaux) : (3)


œuvres {La Neotoinachie Poétique du Blanc, Paris, iGio), mais qui fut reproduite auonynie dans les i'a^yre^ Bastarder,, i6i5, puis ajoutée à la suite des œuvres de Reirnier, 1616, et qui fut enfin mise au nombre de celles-ci par les Elzcviers : la Satyre, de Jean Le Blanc (J'estois sur le l'ont Neuf) contient deux vers dont d'Estcrnod s'est directement inspiré :

Soit durant le beau temps, soit durant que les crottes, Ont leur siège à Paris, il marche avec des bottes. Cette pièce de Jean Le Blanc, toujours amputée de ses premiers vers, est une imitation de la VllI" Sat. de Keg-nier, dite de l'Impor- tun.

Du Lorens, le meilleur élève de Rcernicr, qui convient des emprunts qu'il a faits à son maître et des tournures bouffonnes qu'il a prises à Berlhelot, a imité par deux fois ce passag-e de d'Esternod, cf. Les Satyres, i633, Sat. IL

Tel y scroil cncor, n'cstolt que tant de crottes L'obligeoient en tout temps d'aller avec des bottes.

Satyres de Dulorens, 1646, Sat. IX :

Tel y seroit encor, n'cstolt que tant de crottes

L'obligcoienl au mois d'Aoust à demander ses bottes,

Et, faute de cheval, à piquer le pavé,

Pource qu'il n'éloii pas un peu si relevé

Que ce jeune frisé monté comme un saint Georg'e,

Tout rayé de clinquatis et qui d'aise regorge.

(3) Corrections. Tous les textes portent :

Cavaliers, postillons, non faute d'animaux.

Nous avons mis une parenthèse. L'auteur veut ici parler des vrais cavaliers et postillons, et non de ces faux g-entilsliommes qui n'ont môme point de monture.

La Satire de d'Esternod a été imitée dans un Chant Royal de la Muse Normande (réimpr. de 1891, Soc. Roucnn. de Biblioph. t. I. p. 149)- Le collecteur de la Mnze Normande était David Ferrand, poète lui-même, et éditeur du Satirique Jean Auvray. Voici l'arg'ument et une strophe de ce Chant Royal.

L'autlieur descrll les Vilains boit':: à faute de souliers.

Satlrtcum de liotlbus

Contre un nombre de fripponniers.

Qui se botent in crottbus

Pendant qu'on refait leurs souliers.


Qui ne riroit d'un subject si comique De voir des fous trancher des estaliers. Battre du pied une couche héroïque ? Tels qui n'ont pas une vieille bourrique, Marchent bottez par faute de souliers. Faut-il aller pour cbouse d'importance


DE CLAUDE d'eSTERNOD 5

Les plus sots sont ceux-là qui se vantent sans cesse De leurs extractions, sans argent, ny noblesse; Oui présument, boufîs de magnanimité, (4) Faire jambes de bois à la necessit ; Pauvres et glorieux, veulent pousser fortune A conlre-fil du ciel, qui leur porte rancune; Font la morgue au destin, et, chetifs obstinez. Fourrent jusqu'au retraicl leurs satyriques nez.

Ils font les Rodhomonts, les Rogers, les bravaches; Ils arboriseront quatre ou cinq cents pennaches (5)


Au Pontautoii, à Caën ou à Constance,

Quelque Bouillais esl un coclie pour eux,

Diguant après la mazelle en paiçnotles,

C'est ce qui fait remarquer si nombreux

Un las de gueux ennoblis par les bottes. On consultera le pasquin en prose antérieur à VEspadon : La grande propriété des bottes sans cheval en fout temps, nouvellement descou- verte, avec leurs appartenances, dans le grand magasin d"s esprits curieujc. Paris, 1616 (reprod. dans les Variétés Hist. et Littér. d'Ed. Fournier, t. VI, ^tg). Le X' Livre de Francion contieDl aussi un dis- cours satirique à la louanfre des bottes, dont quelques passag-cs rap- pellent d'Esternod (Cf. éd. Emile Colombey, Delahays, i858, p. 422).

(4) Expression reprise par l'auteur des E:rercices de ce Temps, Antrot de l'Esperonnière, ce qui prouve, une fois de plus, que la i" édition de ce recueil est postérieure à 1919. Cf. Satyre IX, Z,e Débauché : v. 29 :

Bouffi d'ambition, d'amour, de frénésie, Cf. du m^me, Le Poëie :

Bouffis d'ambition ! cela n'cstonne point Les sages

(5) Cf. Rcg-nier. Sat. VIII, v. 9-10 :

Quand un jeune frisé, relevé de moustache, De galoche, de botte et d'un ample pennache.

Boileau a repris ces vers de Hei,nier dans sa HI» Sat. : Quand un des campagnards, relevant sa moustache, Et son feutre à grands poils, ombragé d'un panache.

Imité par .Ican Auvray. dans ses Chevaliers sans Reproche (s. d. vers 1G22, et le Banquet des Muses, 1O23) :

Que ces grands avalleurs de charrettes ferrées Qui passent tout le monde au til de leurs espées,


6 l'espadon SATYKIOUE

Au leste sorcillcux d'un chappcau de cocu,

Et n'ont pas dans la poche un demy quart d'escu.

« Monsieur, vous plairoit-il me payer? » Il réplique :

« Je n'ay point de inonnoye », au courtaud de boutique;

Puis, pompeux, se bradant avecques majesté.

Dira à son valet : « Suis-je-pas bien botté?

Fraisé comme Medor? N'ay-je pas bonne grâce? »

— « Sçay-mon, dit le laquay, mais garde la besace !

De gripper la fortune assez vous essayez; (6)

Mais tandis les marchands veulent estre |)ayez.

Et n'y a dans Paris tel courtaud de boutique

Oui, vous voyant passer, ne vous fasse la nique.

Et ne désire bien ([ue tous les courtisans

Fussent aussi taillez conune les païsans.


Ces fendeurs de nazcaux, que l'on voit aujoiird'iiuy

Vençer à prix d'arpont Jes passions d'aulriiy,

Qui n'ont de leur estoc que l'cspée et la cappe,

Gens de feu et de corde, aillent chez le Satrape

Les fendre jus(ju'aux dents, et que leurs pensions

Soient prises désormais sur les prétentions

Du grand Souldan de Perse, ou qu'ils aillent, bravaches,

Sur les murs du grand Cayre arborer leurs pennaches. Voir aussi, du même, dans L'Escuellc (Banquet des Muses), ce passag-e, d'ailleurs imité de divers auteurs :

Qui sçait bien dompter sa rotonde.

Négliger un peu ses rebras,

Bransler le corps, faire un cinq pas,

Trousser les crocs de sa moustache,

Leurrer l'oyseau, porter pennache,

Mordre en riant, pezer ses mots,

Kt dire chouze à tout propos :

Il est en France un g-rand maistre. (Sic. Vers faux) Imité, de même, par Du Lorens, Satyres, i646, Saf. XVII :

Pour faire les vaillans ils ont de grands pannaclies; Imité aussi par Ang-ot l'Esperonriière, Exerc. de ce temps, Sut. X

Un jeune cavalier, relevé de pennache,

La botte blanche en jambe et la gaule à la main. Et, enfin, par Du Lorens, i646. Sut. XVII :

Pour faire les vaillans ils ont de grands pennaches; (6) Var. (Lyon, 1626) :

De gripper la fortune assez vous l'essayez.


DE CLAUDE d'eSTERNOD 7

Oui, taillables des grands, n'ont point d'autres querelles Que tailles et qu'imposts, que gets (7) et que g-abelies. L'on ne fait rien pour rien, et, pour l'odeur du gain, Le manœuvre subtil prend l'outil en la main. Mais vous, guespes de Cour, g-loutonnes sans pareilles. Vous mangez le travail et le miel des abeilles, (8) Et ne ruchez jamais, ny d'esté ni d'hiver.

Quand ils sont attachez à leurs pièces de fer.

Et qu'ils ont au costé (comme un Pédant sa verge)

Joyeuse, durandal, haute-claire, et flamberge,

Ils présument qu'ils sont tombez de Paradis,

Ils prisent les ducats pour les maravedis. (9)

Les simulacres vains des faux Dieux de la Chine

Ne s'oseroyent frotter contre leur élamine,

Et Maugis le sorcier, prince des Sarrazins,

Ny le fameux Nembroth, n'est pas de leurs cousins;

Bragardants en courtaut de cinq cents richetales,

Gringottans leur satin comme asnes leurs cimbales,

Piolez, riolez, fraisez, satinisez,

Veloutez, damassez, et armoisinisez.


(7) Lire : guets, c'est-à-dire robligalion de monter la garde.

(8) Imité par Sonnet de Courval, dans s& Satyre Quatriesme, Contre les Officiers de Judicature :

Ou, comme ces freslous et guespes bourdonnaates, Vous laschez d'eflleurer le suc plus savoureux. La cire et le miel des plaideurs mal-lieureu.\.

Jean Auvray a, lui aussi, imité ce passage dans les C/ievaliers sans reproc/ie :

Au reste, ces frellons consomment en délices Le journalier labeur des abeilles nourrices.

(fj) Var. (Le Tableau des Ambitieux) :

Us pissent les ducats pour les maravedis.


8 l'espadon satyrtque

Relevant la moustache à coup de mousquelade, (lo) Vont menaçant le ciel d'une prompte escalade, Et de bouleverser, cracque ! dans un moment, Arctos, et Autarclos, et tout le firmament.

La maison de Cecrops, d'Atrée, de Tantale, Champig-nons d'une nuict(ii), leur noblesse n'ég-ale ;


(lo) Jean Auvray s'est encore souvenu de ce passag-e, dans ses Chevaliers sans Reproche :

et tandis des g'avnchcs

Qui n'ont jamais appris qu'à trousser leurs moustaches, A dompter leur rotonde, à cajoler en cour, A godronner leur fraize et à faire l'Amour...

Du même. Le Magnanime :

Mais un sol à vingt-cinq carrats, Pourveu qu'il jure à tour de bras, Qu'il sçache dompter sa Rotonde, Qu'ils soit gautfré tous les matins. Et qu'en moustaches il abonde, II fera la nique aux Destins.

La g-aillardise de ce vers et le pittoresque du pennache ci-devant ont beaucoup frappé Angot l'Espcronnière. Cf. LeGenlilhonune, pass.: Tournent les yeux, relevant leurs moustaches.


Branler le corps et tresser sa moustache. Leurrer l'oiseau et porter grand pennache,

Voir aussi le Poète, du même :

Fanfarons de couchette emplumez de pennaches. Qui, faute d'entretien, relèvent leurs moustaches;

(il) Cf. Regrnier, Sut. //, v. 218 :

Naissent en une nuict, comme les champignons. Auvray a directement emprunté cette expression à d'Esternod (Chev. sans Reproche) :

Champignons d'une nuict, charlatans, gens d'affaire, Il l'emploie encore dans les Peines Infernales :

Vous, Docteurs à la haste. Apostats malheureux,

Champignons engendrez en une nuict ou deux,

Et dans le Magnanime :

-Mais, pour flestrir ces Champignons li ne faut qu'une matinée.

Enfin, dans VEscuelle :

Souvent, ces Cornettes de Cour, Ces petits Champignons d'un jour


DE CLAUDE D ESTERNOD

Ils sont, en ligne oblique, issus de rarc-en-ciel (12). Leur bouche est l'alambic par où coule le miel; Leurs discours nectarez sont sacrosaincts oracles, Et, demi-Dieux çà bas, ne font que des miracles. Mais un lion plustost me sorliroit du eu (i3) Que de leur vaine bourse un misérable escu !

Ils blasphèment plus gros, dans une hostellerie, Que le tonnerre affreux de quelque artillerie : « Chardious ! morbious! de pocab-de-bious! Est-ce là appresté honnestement pour nous? Torchez ceste vaisselle, ostez ce sale linge : Il ne vaut seulement pour attifer un singe! Fi, ce pain de Gonés 1 apportez du mollet. Grillez cet aucosté (i4) ; sus, à boire, valet! Donne-moy ce chapon au valet de l'estable. Car c'est un durandal, il est plus dur qu'un diable!


Dans l'Espadon Sa(. de 1622, Hesançon l'emprunte lui aussi à d'Es- ternod. Cf. Sa/yres des Temps à Théophile :

Champignons avortés des humeurs d'une nuict, Cette expression fit fortune auprès de la plupart des satiriques. On la retrouve dans le Gu'UJC Ra/raischi, de Garaby de la Luzerne (Essais poétiques, Paris, 1G42; Sat. inédites, Rouen, 1888) : Vois-tu ce champignon, ce germe d'une nuict, (12) Cf. Régnier, Sat. X, v. 18 :

Se va préconisant cousin de Larcanciel Cette expression a été imitée à deux reprises par Du Lorens, entre autres, dans ses recueils de 1624, Sut. V, L. II, et de 1646, Sat. XlII.

(i3) Le D' Clirisostome Matanasius, pseudonyme qui cachait Thé- miseul de Saint Hyacinthe, aurait pu faire un plaisant rapproche- ment entre ce vers et les vers i2a-i23 de la Sat. II de Juvénal, dont c'est peut-être la parodie...

(i4) Lire haut-costé. Cf. Glossaire. C'est d'ailleurs le texte des A mbitieux de la Cour,


10 L ESPADON SATYRIQUE

C'est quelque crocodil ! Tau, tau! pille, lévrier! (i5) Que ce cocq-d'Inde est flac! Va dire au cuisinier S'il se dupe de nous, s'il sçait point qui nous sommes, Et luy dis si l'on traitte ainsi les gentils-hommes ! »

L'hoste qui ne cog"noit qu'énigme au taffetas : « Gentil-homme? Monsieur, je ne le sçavois pas; Et quand vous seriez tel, c'est assez bonne chère ! Monsieur, que Dieu pardoin à feu vostre grand père ;

11 estoit bon marchand : j'achetay du tabit Du pauvre sire Jean pour me faire un habit. Il m'invita chez luy à curer la mâchoire; Mais, là, le cuisinier n'empeschoit sa lardoire, N'ayant d'alebrotté (i6) que trois pieds de mouton. Et, au sortir de \h, payer demy teston.

L'on n'y regarde plus, soit sot ou gentil-homme,

Massette de Régnier, on prend garde à la somme : (17)

Car selon que l'on frippe on paye le gibier.

Le noble tout autant que le plus roturier.

Quand c'est semblable laine, autant verd comme jaune.

Ainsi, bien maniuit vosire grand |)ere l'aune. »

A vray dire, ces fats sont quelquesfois issus D'un esperon, d'un lard, d'un ventre de merlus,


(i5) Var. (Lyon, 1G2G) :

C'est quelque crocodil ! Tau! pille, lévrier! Leurier, au xvi», était dissyllabe.

(16) CorrectioQ. Les textes donnent : d'allebotter. Var. (Ambitieux de la Cour) :

N'ayant albotté que trois pieds de moutons,

(17) Cf. Rtgaitr Macttte, Sat. XIII, v. 2i3 :

Laissez la mine à part; prenez g'arde à la somme, lUche vilain vaut mieux que pauvre gentil-homme :


DE CLAUDE d'eSTERNOD 1 I

D'un clistere à bouchon, d'un soulier sans semelle,

D'une chausse à trois plis, d'un cheval, d'une selle.

D'un fripier, d'un g-rateur de papier mal escrit.

D'un moine défroqué, d'un Juif, d'un Antéchrist,

D'un procureur crotté^ d'un pescheur d'écrevice,

D'un Sergent, d'un bourreau, d'un maroufle, d'un Suisse;

El cependant, ils font les beaux, les damerets.

Et nepourroyent fournir que deux harencssorels. (i8)

Mais lisez vos papiers, vos pancartes, vos tiltres,

Et vous vous trouverez tous issus de belistrcs.

Mille fois plus petits encor que des cirons.

Et plus nouveaux venus que jeunes potirons.

Qu'il vous faut humer frais, comme l'huitre en escaille,

Et que vostre maison n'est pas un anticaille.

Venons sur mémento^ nous sommes tous cinis,

Mais d'un raverlerh g-ardez d'estre punis.

Qui fait plus qu'il ne peut au monde de despenre.

Il a plus qu'il ne veut, quelquefois, d'indulg'ence, (19)

Pour amortir l'org-ueil de mille vanitez,

Considérons jadis quels nous avons estez,

Et, faisant à nature une amende honorable,

Dis, superbe : « J'estois vilain, au préalable

Que d'estre g-entil-homme; et, puisque, de vilain,

Je me suis anobli du jour au lendemaiji,


(18) Vor. [Dél.Sat., 1620):

Et ne pourroieot fournir pour deux harencs sorets.

(19) Var. (Ambiiieux de la Cour) :

U u'a plus qu'il ne veut au monde d'indul^enco.


12 l'espadon satyrique

Du jour au lendemain je peus chang-er de liltre, Et de petit seigneur devenir grand belitre, Et en siècle d'airain chang-er le siècle d'or, Et devenir soudain de consiile Rellior. »

J'ay veu des pins fort hauts élever leurs perruques

Par sus le front d'Iris, et, tout d'un coup caduques,

Arrang-ez sur la terre, et ne servir qu'au deuil

D'un cadaver puant, pour faire son cercueil.

J'ay veu de Pharaon les pompeux exercites,

Et contre Josué les fiers Amalechites,

Gipper, tripcr, friper; et, aprcs un combat.

Je passe de rechef, et ecce non eral. (20)

Sur la flotante mer je voyois un navire

Qui menaçoit la terre et les cieux de son ire;

Mais, tout soudain, rompant le cordage et le mast.

Je cherche mon navire, et ecce non erai.

J'ay veu ce que j'ay veu, une rase campagne

Enceinte devenue, ainsi qu'une montagne.

Qui, pour mille géants, n'enfanta qu'un seul rat;

Où est-il? Je reg^arde, et ecce non erat.

Bref, que n'ay-je pas veu, que ne contemplc-je ores?

Et, avant que mourir, que ne verray-je encores?

Le monde est un théâtre où sont représentez

Mille diversitez de foux et d'éventez. (21)


(20) Cf. Psaume XXXVI: « Vidi impiurn superexaltatum, et eleva- tum sicut cedros Libani; et transivi, et ecce non erat. » On se sou- vient de la sublime traduction de Racine, au III* Acte û'Eslher :

Je u'ai fait que passer, il n'ctoit di^jà plus.

(21) Horace : tota vita fabula est.


DE CLAUDE d'eSTERNOD i3

constance inconstante ! ô leg'cre fortune ! (22) Oui donne à l'un un œuf, et à l'autre une prune; Oui fais d'un Charpentier un brave Mareschal, (23) Et qui fais g-aloper les asncs à cheval ; Qui fais que les palais deviennent des tavernes; Qui, sans miracles, fais que vessis sont lanternes ; (24) Qui fais que d'un vieil gant les Dames de Paris Font des gaudemichis à faute de maris; Que le sceptre d'un Roy se faict d'un mercier l'aune; Que le blanc devient noir, et que le noir est jaune ; Qui change quelquesfois les bonn^ets d'Arlequins Aux couronnes des Roys, et les Roys en coquins, (26) Les marottes en sceptre, en tripes les andoûilles, Les chaperons en houpe, en glaives les quenouilles. Le rosti en boulli, une fille en garçon. Le Loutre en bon castor et la buse en faucon. (26)

Je suis, sans y penser, des Stoïques escoles; Je croy ce que disoient ces sçavans Picrocoles, Qui, sans hypotequer cinq cents pieds de mouton Où l'on n'en voit que quatre, arrestez au fatum, Disoyent de toute chose : « Ainsi plaist à fortune! »


(22) Var. iDél. Sat. 1620) :

O constance inconstance ! ô leg-^re fortune !

(23) Sans doute Concini, Marrchal d'Ancre, gendre d'un menuisier florentin.

(24) Correction. Dans tous les textes :

Qui sans mirades, fais que vessies sont lanternes;

(25) Var. (Tableau des Ambitieux) :

Aux Couronnes des {frands, et les grands en coquins,

(26) Texte des Délices Sai. 1G20. Dans la i" édition et le Tabl. des Ambit. :

Le coutre en bon castor, et la buse en faucon.


i4 l'ksi'adon satyrique

Que si quelqu'un çardoit les brebis à la lune, (27) Pendillant tout ainsi qu'un bordin vermoulu, Ils repliquoyent : « Ainsi fortune l'a voulu! » Si d'autres ils sentoyent, de qualité fort basse, Elever jusqu'au ciel leurs grands becs de bécasse, Ils disoyent, en voyant ce Crœsus dissolu : « Que voulez-vous? ainsi fortune l'a voulu ; Donnant, comme elle veut, à chacun sa chacune : Car tel ne cherche rien qui rencontre fortune. Et souvent, c'est à ceux qui ne la cherchent pas Qu'elle fait les doux yeux de ses doubles ducats. »

Ha! que si l'alchimie avoit, dans sa cabale.

Geste pierre trouvé, qu'on dit philosophale,

Les doctes porteroyent jusques au ciel leurs nez.

Et Chimistes, sans plus, se diroyent fortunez;

De fortune ici bas l'on ne parleroit mie :

Ceux-là seuls seroyent grands qui sçauroyent l'alchimie.

Vous ne verriez alors tant de doctes esprits, Bottez jusqu'au genoûil des crottes de Paris, Mal peignez, déchirez, le soulier en pantoufle. Les mules au talon, n'ayant rien que le souffle. Et, le foiiet en la main, pauvres prédestinez. Recouvrer au Landi deux carts d'escu rognez, Pour se traicter le corps le long d'une semaine, Domine, sans conter ny l'huile ny la peine, Les plumes, le papier, l'ancre de son cornet. Un sol pour degresser les cornes du bonnet,


(27) Cf. Oudin, Cariositez Françaises : « Garder les moutons à la lune^ id est, estre pendu. »


DE CLAUDK D ESTERNOD li)

Deux sols au savetier, qui son cuir rapetasse, Un double au Janiteur, pour balier la classe. Sans conter le barbier, tpii luy pend au menton Une barbe de bouc, d'Albert, et de Platon; Un pair de rudiments, un bon Jan Despautaire, Et mille autres fatras qui sont dans l'inventaire D'un pédant affamé comm' un asne baudet, Plus amplement à vous (jnœ glosa recliidet. (28)

Mais aujourd'huy, l'ont tient à mespris la science, (29) Et fortune ne rit, sinon à l'ig-norance. Un homme bien versé, ce n'est rien qu'un Pedan; Les asnes vont en housse, et tout est à l'encan. La vertu, sur un pied, fait sentinelle à l'erle;


(28) Var. (Lyon, 1G2G) :

Plus amplement à vous qua^ cluusa recludel.

(29) Cf. Régnier, Sat. IV, v. loi (imité de Du Bellay) :

Inutile science, Ingrate et mesprisce, Et surtout le vers 52 et suivants de la Sai. III nn /Ifurquis de Cœuvres, dont notre auteur a fait une amplification tout au long- de sa pièce :

Puis, que peut-il servir aux mortels icy-bas,

Marquis, d'eslrc sçavant, ou de ne l'eslre pas?

SI l'i science pniwre, njfreuse et mesprlsée

Sert au peuple de fable, aux pins çrands de risée?

Si 1rs g-ens de Latin, des sots sont dénisrcz ?

Et si l'on est Ijocleur sans prendre ses devrez?

Pourveu qu'on soit morganl, qu'on bride sa mousiaclic,

Qu'on frise ses cheveux, (pi'on porte un çrand pannaclie,

(Ju'on parle liarratroiiyn, cl qu'on suive k- vent :

Kn ce temps du jourd'nuy l'on n'est (pie trop S(;avanl.

Im siècle les mignons, (Ils de la poulie bl;inclic.

Ils tiennent à leur gré la fortune en la manche;

En crédit eslevez ils disposent de tout,

Et ii'enlreprenncul rien qu'ils ne viennent à bout.

Mais quoy, me diras-tu, il t'en faut autant faire.

Qui ose, a peu souvent la fortune contraire.

Importune le Louvre, et de jour et de nuict ;

Perds pour l'assujettir cl la table, et le lict ;

Sois entrant, efTronté, et sans cesse importune :

En ce temps l'impudence csleve la fortune.


ï6 l'espadon satvkiqub

Madame de Faveur lient partout cour ouverte, (3o) Et dans les mag-istrats parents fourrent parents, Ainsi que l'on entasse en cacque les harents. Suivant comine poussins sous Taisle de leur mère. Tout va au g-rand galop, par compère et commère ; Le vieillard Phocion, et le docte Gaton, N'y ont pas du crédit pour un demy leston. Dans ces jeunes conseils la vieillesse ravasse; Quelque riche bedon, fol et jeune coiiillasse. S'il a, sans droit, sans loix, quantitez de ducats, Se fera préposer à dix mille Advocats, (3i) Qui auront dans l'esprit la science et l'escole De Jason, de Gujas, de Balde, et de Bartole. (32) L'univers, aujourd'huy^ est sans foy et sans loy ; La vertu de ce monde est quand l'on a dequoy ; (33)


(3o) Correction. Le texte porte : Madame de faveur... Var. (Le Tableau des Ambilleux) :

Madame la faveur licut par tout cour ouverte,

(3i) Var. (Le Tableau des Ambitieux) :

Se fera proposer à dix mille Advocats

(32) Cf. Régnier, Sat. IV, v. 48-5o :

Si j'eusse estudié,

Jeune, laborieux, sur un banc à l'escole,

Galien, Hipocrale, ou Jason, ou Bartole, Les vers suivants se ressentent de cette Satire de Régnier, ainsi que d'un passai^e de Macette, que nous signalons. On remarquera, en outre, que le dequoy se retrouve au vers iGo de la Macette, comme au vers i4A de la Sat. III au Marquis de Coeuores.

Jean Auvray, daas ses Chevaliers sans Reproche, s'est inspiré à la fois de Régnier, et d'Esternod :

Que l'on renverse donc les fameuses escolcs

Des Universitez : arrière les Bartolcs,

Les Baldes, les Jasons el les Justinians,

L'homme est fol d'employer le meilleur de ses ans

A fournir des cayers, et vivre en solilude

Sur les livres relants d'une poudreuse esludc,

Eté

(33) Imité par Du Lorens, Satyres, 1646, Sat. XVII :

Que pour eslre honnestc homme il faut avoir dequoy.


DE CLAUDE D ESTERNOD I7

Le sçavoir est un fat, l'argent nous auctorise ; L'on ne peint la vertu avec la barbe grise : Son habit est de femme, et jeune est sa beauté. Pourquoy les femmes donc n'ont ceste dignité, Pluslost que ces friands hobereaux de la Beausse, (34) Oui de l'homme n'ont rien que le simple haut-de-chausse? Que si cela est vray, pensez-vous, Courtisans_, Sans argent ny faveur parvenir de cent ans? Pensez-vous, sans argent, noblesse, ny doctrine. Obtenir des estats sur vostre bonne mine? Que, pour friser, porter belle barbe au menton, Un banquier vous voulust prester demy teston? (35) Vous estes de grands sots, si de ces ombres vaines Vous allez repaissant vos travaux et vos peines. Pour faire rien de rien, il faudroit estre Dieu ; Mais vous n'avez argent, ny sravoir, ny bon lieu. Tu viens, accompagné des neuf Muses d'Homère, (36)


(34) Texte des Dél. snl., i6;'-o. Dans la i" édition :

Plutost que ces friands obereaux de Beausse,

(35) Cf. Régnier, Macette, Sat. XIII, v. 229-232 :

Tous ces beaux sufflsans dont la cour est semée, Ne sont que triacleurs et vendeurs de fumée. Ils sont beaux, bien peignez, belle barbe au menton ; Mais quand il faut payer, au diantre le teston ;

(3G) Texte des Délices Sulyr. 1620. Dans la i" édition :

Tu viens, accompagné des neuf Muses, Homère, Repris et développé par Jean Auvray, dans les Chevaliers sans Reproche :

Ces hommes

De l'ingrate forlunc œilladcz de travers, Homeres, pour du pain composeront des vers, La pauvreté en croupe : et tandis des gavaches, Qui n'ont jamais apris qu'a trousser leurs moustaches, A dompter leur rolonde, à cajoler en cour, A godronner leur fraize et à faire l'Amour, Tiendront les premiers rançs, respondront les oracles, Et par tels jeunes saints se feront les miracles.


16 L ESI'AUON SATVKiyUE

Mais tu n'apportes rien : rien l'on ne te révère,

Tu n'es qu'un Triboulet, et quant et quant, pour lors,

Avecqnes tes neuf S(eiirs, tu sortiras dehors.

Dieu d'amour peut beaucoup, mais monnoye est plus forte.

L'arg-ent est tousjours bon, de quelque part qu'il sorte. (37)

N'espérez seulement un estât de Sergent,

Si, pour vous faire tel, vous n'avez de l'arg-ent;

Si Cartier chez le Roy vostre bon heur recouvre,

Sera au Chastclet plustost que dans le Louvre.

Alors vous ne vivrez, n'ayant pas le dequoy

De vous entretenir, sinon du pain du Roy :

Là, vous n'aurez besoin de chevaux, ny de guides.

Exempts de gets, d'imposts, de tailles et subsides. (38)

Tous ces esprits falots, boufîs comme bêlons.

Oui veulent estre Roys de simples Pantalons, (39)

Qui le fient de porc veulent nommer civette.

Et faire un brodequin d'une simple braycllc,

Imilé par Du Lorens, Satyres, 1C24, Sat. VIII (Liv. I) :

Mais Homère, à leur çoiist, n'est qu'un homme de paille,

D'Eslernod dé%'eloppc Ovide (.4m. FAeg. VIII) : Qui dabit, ille niag-no sil major Honiero.

(37) Var. {Le Tableau des AmbUieux) :

L'argent est toujours bon, de quelque lieu (ju'il parte. Cf. Reg-nier, Mncetie, Sat. XIII, v. 207-210 :

Il n'est que d'en avoir : le bien est toujouis bien.

Et ne vous doit chaloir ny de qui, ny combien,

Prenez à toutes mains, ma fille, et vous souvienne,

Que le gain a bon goust, de quelque endroit qu'il vienne, lîrosselte, qui cite d'Eslcrnod dans ses lîcmai-i/ues sur R.cg'iiier, fait remarqiier que c'est là un mot de Vespasiea ; il rappelle le vers de la Sat. XIV de Juvcnal :

... Lucri bonus est odor ex re

Qualibet...

(38) Var. {Le Tableau des Ambitieux) :

Exempts de guets, d'impost, de tailles et de subsides.

(39) Var. {Le Tableau des Ambitieux) :

Qui veulent estrc grands de .simples Pantalons,


DK CLAUDK D ESTERNOD IQ

Oui de l'esclat d'un pet veulent poser un cas, (4o)

Et d'un maravedis faire mille ducas;

Tous ces dresseurs d'espoirs, ces foux imaginaires.

Ces courtisans, parez comme reliquiaires.

Ces fraisez, ces Medors, ces petits Adonis, (4ij

Qui portent les rabats bien froncez, bien unis,

Ces fils g-auderonnez d'un patar la douzaine, (^2)

Voycnt presque tousjours leur espérance vaine.

Que celle qu'enfanter se promet un Géant (43)

Ne produira sinon du fumier tout puant,

Lequel, pour tout g-uerdon, donnera la repeuë

A quelque nez camard, qui ja en esternuë.

Avecques leurs espoirs les courtisans sont foux;

Que bienheureux sont ceux lesquels plantent des choux!

Car ils ont l'un des pieds, ditRabelay, en terre.

Et l'autre, en mesme temps, neTesloig-nedeg-uiere. (44)

Il n'est que le planclier des vaches et des bœufs;

J'ayme-mieux qu'un harenc une douzaine d'œufs.


(4o) Var. {Le Tableau des Ambitieux) :

Qui de l'csclal d'un pet veulent peser un cas, (4i) Texte des Dél. Satyr. 1620. Dans L'Espadon :

Ces Haisez, ces Medors, ces petits Adonis, Cf. le 8" Sonnet d'Estat, dans notre éd. de la liouqiUnnde et autres Gaillardises de P. de Ronsard, Paris, l'Edition, 1921. Ce son- net de Pasquier fut enregistré par l'Estoille en 1577 :

Ils yront, non feront, ces Courtisans gorriers.

Ces fraizés, ces frizés, ces abbateurs de filles.

Ces musqués, ces mas(iués, nouveaux inigaous de villes,

(42) Var. (Le Tableau des Ambitieux) :

Ces fils gauderounez d'uu Fater la douzaine, (Lyon, 162C) :

Ces fils gauderonnez d'uu patat la douzaine, (43). Var. (Tableau des Ambitieux) :

Que celle qu'enfantant se promit un géant (44) Var. {Tableau des Ambitieux) :

Et l'autre en mesme temps ne s'éloigne de guierc


20 l'espadon satyrique

Et je m'aimerois-mieux passer de molu' fresche (45)

Que d'hazarder mon corps à praciiquer la peschév

Ostez-moy cest espoir, car je n'espère rien

Que d'eslre un pauvre Job, sans secours, el sans bien ;

Que fortune tousjours, qui de travers ni'ag-uetle.

Ne me voudra jamais baiser à la pincette ;

Et je mourray plutost sur un fumier mauvais

Que dans une cuisine, ou dans quelque palais.

Vous direz que je suis un baudet et un asne, (4^>)

D'attaquer de brocards la secte courtisane,

Veu mesme que je vais, il y a plus d'un an.

Botté, esperonné, ainsi qu'un courtisan;

Que c'est estre ig-norant, avoir i'ame peu caute,

Que reprendre l'autruy et ne voir pas sa fautes

Car de la sapience et le don et l'arresl,

C'est connoistre son cœur, et sçavoir qui l'on est. (47)

Il faut avant l'autruy soy-mesme se cog-noistre.

Et, comme Lamia, nous ne devons pas estre (48)

Des taupes dans chez nous et des linx chez l'autruy, (49)


(45) Correction. Les textes portent :... de moTtiëffesohe.

(46) Var. {Tableau des Ambitieux, 1622) :

Vous diriez que je sais un baiidel et un asne,

(4?) Var. {Tableau des Ambitieux, 1626) :

C'est cogaoistre son cœur, et sçavoir que l'on est.

(48) Var. {Tableau des Ambitieux, 162e) :

Et comme Lauria, nous ne devons pas estre,

(49) Var. {Dél. Sat., 1620) :

Des taupes dans chez nous et des linx chez au'lrhy, {Tableau des Ambitieux, 1622) :

Des laujjes dans chez nous et des lienx chez l'autruy, Par Lamia, il faut entendre Lnmie, spectre qifc l'antiquité repré- sentait avec un visag-e de femme et gai se cachait dans les buissons pour dévorer les passants. Cette fable paraît avoir été formée sur celle de Lamia, reine qui fut transformée en lynx à cause de son


DE CLAUDE D ESTERNOD 21

De peur qu'au charlalan qui ouvre son estuy Pour panser l'empesté, el luy-mesme a la. peste, (5o) L'on ne dise : « Monsieur, vous n'estes qu'une beste. Avant que de donner aux autres guerison, Monsieur le charlatan, medica te ipsuni t »

Il est vray, par ma Toy ! j'ay suivi ceste vie, Mais en après, messieurs, je n'en ay plus d'envie ; J'ay franchi ce fossé, et, en sortant du lieu. Je n'ay pas oublié mesme à leur dire adieu, Gomme fît à Marot le valet de Gascogne (5i).


caractère féroce et qui massacrait les enfants. Quand elle était ivre elle permettait de faire tout ce que l'on voulait, sans craindre de sa part aucun retour sur ce qui s'était passé durant son ivresse. Aussi mettait-elle avant de boire ses yeux dans un sac.

La Fontaine semble s'être inspiré du vers de d'Eslernod, Fables, Liv. I, f. 7, La Besace :

Lynx avec nos pareils, el taupes envers nous.

Cependant, ou cite un apologue de Gratianus à Sanclo Elia, inti- tulé Conspicilla,<( Les Lunettes», qui était peut-être connu du Fabu- liste : Docere volait (philosophus) homines, in observandis aciibus proximi, oculos habere lyncœos, esse aquilas et aryos ; ad suas vero actiones esse talpas. »

D'Eslernod s'est plus certainement inspiré de ce passag'c de Rabe- lais, Liv. III, cbapitre xxv : « Il ne srait le premier Iraicl de pbiloso- phie, qui est Congnoy-toy. Et se g'iorifiaut veoir un feslu en l'oeil d'aullruy, ne veoit une grosse souclie laquelle luy pocbe les deux yeux... C'est une autre lamie, laquelle en maisons eslraiiçes, en publicq, entre le commun peuple, voyant plus penetrammcnt que unjj Lynce, en sa maison propre cstoit plus aveug'le que une Taulpe : chez soy rien ne voyoit )>.

(5o) Correction. Dans la i" édition :

Pour penser l'empester, el luy-mesme a la peste, Var. (Dél. Sat., 1620) :

Pour penser l'empeslé, el luy-mesme a la peste, [Le Tableau des Ambitieux) :

Pour penser l'erapescher, et luy-mesme a la perte, (ôi) Cf. L'Epitre de .Marot au Ilny pour avoir esté dérobé :

Finablemenl, de ma chambre il s'en va

Droict à l'eslable, où deux chevaulx trouva;


22 L ESPADON SATYRIQUE

Mais vous quittez la cour el venez en Bourgong-ne

Sans adieu : autrement, vos créanciers mai ris,

Pour estre satisfaicts, vous rcndroyent à sainct l'ris. (52)


Laisse le pire, el sur le meilleur tiuinle, Pique et s'en va. Pour abréger le compte, Soyez certain qu'au partir du dict lieu N'oublia rien fors qu'à me dire adieu.

Imité par Aiig-ot l'Espcronnicre, Le De.shnuché : .le n'ay pas le loisir d'aller ouyr la messe. Mon congé m'est escrit, il faut quitter le lieu, Et, vallct de Marot, sortir sans dire adieu.

Egalemeot imité par Du Loreus, Satyres, i646. Sat. IX : Qui srait que de l'aris tel part, qui, de par Dieu, En valet de Marol, oublie à dire à Dieu.

(52) Les quatre derniers vers sont supprimes dans le Tableau des Ambitieux de la Cour, qui se termine par un adieu répété et à la lierne.


DE CLAUDE d'eSTERNOD 23


LE PARANYMPHE DE LA VIEILLE QUI FIT UN BON OFFICE

Satyre II {i)

Sur un vieil rebec plein de rouilles, Plus que la Royne des andoûilles, Niflesest, vieil et ancien, Je veux chanter la Rhétorique D'une vieille médaille antique, (2) La seule cause de mon bien.

Ne pense point, vieille Savate, Que ma Muse soit tant ingrate Qu'elle t'aye mise en cubly : Je veux chanter par tout le monde


(i) L'Espadon, Lyon, 1619 et (dilions successives. — Reproduite dans les Délices Sutyriques, 1G20; La Quintessence Salyrique, 1622, et Le Parfait Macquercau suivant la Cour, 1622. Cette Satire se ressent de l'influence de Reg'nier, de Siçogne et de Fernando de Rojas, l'auteur de la Célestine.

(2) Cf. Sig'og'ne, La Grande Sauvage :

Les traits de sa médaille clique. Maynard, Satyre contre une vieille ridée (Cab. Satyr. 1618) :

Vieille médaille dédorée, /</. nis. 884, DilJl- Nat. (anonyme) :

Médaille antique et dédorée, Monlg-aillard, Contre une vieille sempiternelle {Suppl. aux Bigar- rures, lOi/t).

Vieille médaille de la nuit,


a4 l'espadon satyrique

Ta sapience, et la faconde, En crieur de verre joly. (3)

Toute cesle sotte canaille,

Qui va criant : « Huitrc en escaille!

Ciboules! La mort aux souris!

Mes beaux navets! Ma grosse guigne! (4)

Ne chanteront, ô mère digne!

Que tes vertus dedans Paris.

Pies, corbeaux, hiboux, corneilles, Viendront nicher dans nos oreilles, Ne crofiassant que tes vertus, Nous asseurans, en leur ramage, Que tu as fait, par ton langage, Cent mille hommes becques-cornus.

Nos pigeons, nos oysons, nos canes. Nos chiens, nos chevaux, et nos asnes. N'entonneront autres chansons; Les aveugles, sur leur vielle. Ne chanteront autre nouvelle En mendiant dans nos maisons.

Mille farceurs, et mille masques, Sur leurs petits tambours de Basques,

(3) Cri rural des marchands verriers. Auvray l'a reproduit dans les Verriers :

gentil joly verre, ù joly gentil verre, Joly verre gentil, gentil verre joly !

(4) Var. {Quint. Sat.) :

Mes beaux noiiets ! ma grosse guigne !


DR CLAUDE d'ESTERNOD 25

Te chanteront en leurs plan plans ; Le fri fri de nos lichefrilçs, Et le glou g-lou do nos marnniles, En bouilliront plus de mille ans.

Régnier, Berthelot, et Sigongne, Et dedans l'hostel de Bourg-ongne, Vautret, Valerant, et Gasteau, Jan Farine, Gautier Garguille, Et Gringalet, et Bruscambille, En rimeront un air nouveau. (5)

Souris^ en leurs tendres cassines, Pitois, belettes, martes, foynes, Et les chats en leur miaou, (6) Les oyseaux en leur tirelire. Nous entendrons chanter et bruire Tes prouesses sur le filou.

Tues plus fine, vieille drogue, Que Moregard, cet astrologue Qui fit jadis un Roy en l'air; Tu es plus fine que la lirousse, Et que César, qui va en housse, Dans le Sabat, comme un esclair.


(5) L'énumt'-ration de celle strophe fui imitée par Jean Auvray, dans le Tomheuu (l'Anrjnulevent :

Il ny eul jamais Tabarin, Galiuellc, ny Tiirliipin, Gros Uuillauiric, ny Jean Farine, Plus; farcy de bouffons propos, Aussi fut-il Prince des sots Uoyaume plus jjrand que la Chine.

(6) Ce vers manque daos les Satyres Am. et Gai. 1721.


26 l'espadon satyhioite

Geste vieillesse vénérable Est plus sçavante que le diable, Et Belsebul n'en sçail pas plus; Car le miel coule de ta lang-ue, Tout ainsi qu'en la caquessangue De nos fesses coulent le flus. (7)

Tes mots coulent, vieille Druide, (8) Mieux que la veine Emorhoïde D'un vieil podagre estropié ; Tes mots roulent comme des boules : Le renard qui preschoit les poules (9) N'avoit pas tant estudié.

Cipri, ci mi, que quelque fille T'a approché d'un fil d'esg-uille, (10) Les talons luy deviennent cours : (11) Fourrez dedans, branlez la queue,


{-]) Var. (Quint. Sat.) :

En nos fesses coulent le flus.

(8) Cf. Sig'og-ne, Satyre (notre éd. p. 22)

Car, pour entendre ces harangues,

Il oust fallu le don des langues

De l'un et l'autre testament.

Ou tirer des fosses humides

Nos grands Pères, les vieux Druides,

Pour luy servir de truchement.

(9) Var. (Lyon, 1626) :

Le renard qui preschoit aux poules

(10) Va. (Dél. Sat.) :

T'ait approché d'un fil d'esguille.

(11) Expression très fréquente chez les satiriques et les auteurs licencieux du temps. Cf. Glossaire. Voici à ce sujet un quatrain des Proverbes d'Amour {Muse fotastre, i liv. 1600) :

La femme pour tomber souvent à la renverse N'est pas plus à blasnier en matière d'amour ; Le se.\c a de nature ainsi 1rs talons cours : Il n'est si bon charLier qui quelquefois ne verse.


DE CLAUDE D ESTERNOD 27

Car la voilà toute estendue Au plus petit de tes discours.

Lucrèce fait bien de la sotte, Et ne veut pas qu'on la biscotte; Mais je mettray, pour un chequin, Que si de loy elle s'acoinle, Vous la verrez aller, main jointe, Prier d'amour le bon Tarquin.

Pauline fait bien la sucrée, En dedaig-nant d'estre bourrée Par Decie, noble Romain; Mais je gage que sans Anube Geste cruelle eust faict le Cube, En t'acointant, d'un tourne-main.

Comme après la lyre d'Orphée Suivoit une Roche coi fiée : Ainsi, auprès dettes patins. Courtisent paillards et ribaudes. Ainsi qu'autour des chiennes chaudes Vont abayanl mille mastins.

Pour la Mule, qui rien n'eng^endre, Si elle veut ton conseil prendre, La matrice luy enflera. Et tu feras, contre nature. Que quelque vieille créature De deux cents ans, enfantera.


28 L*ESPADON SATYRIQUE

Si dessus un troupeau de chèvres Quelques mots sortent de tes lèvres, En humeur sont tous les bouquins : Ils vont hélant, branlant leurs queues, Pour baiser leurs Dames barbues De leurs sales villebrequins.

Dans la maison tout multiplie,

Le Piiieon en hyver parie,

Quelque veau naist tous les beaux jours.

L'œuf est lousjours au cul des poules,

Et le bien vient à grandes foules

Où sont log^ez ces yeux d'amours. (12)


(12) Pour cette strophe et la précédente, cf. Motin, Muses gail- lardes, 1609 (Regrets sur la Du Moulin); et Suppl. aux Bigarrures, 1614, où la pièce est siffnée. Ce passag-e suivant de Motia paraît être inspiré de la IV" Folastrie de Ronsard, p. 44, de notre éd. 1920.

Elle fut d'attraits si pourveue Qu'un printemps sorloil de sa veue Dont les Iraicts d'amour s'aug'meotoienl, El comme en la saison nouvelle, Les animaux ù l'entour d'elle Les uns sur les autres montoient.

Imité par .lean Auvray, dans le Tombeau d'Angoulevent, déjà cité :

Son persuader fut si doux, Qu'il en meltoil en rût les loups, Les thoreaux, et les cerfs rapides. Couplant plus de culs deux à deux Qu'on ne voit dans les fresnes creux, L'Esté, joindre de cantarides.

A l'odeur de ses vestements Les chevaux sailloient les juments, Les poissons frayoient aux rivières. Et les Asnes, d'Amour touchez, Baudouynnanl dans les marchez. En rompoienl sangles et croupières.

Cependant, tous ces auteui-s, y compris d'Esternod, amplifient Fernando de Rojas. Cf. La Gélestine, éd. Germon de Lavigne, acte I, p. 27.


DE CLAUDE d'eSTERNOD 29

Sans pislacho, sans canlharide, (i3) Elle vous rend le flanc humide, Plein de semence, et bon paillard, Et, quoy qu'on le fasse sans cesse, Sur la croupe ny sur la fesse Vous n'en avez pas moins de lard.

Qu'un vieil chastré, privé d'andouille. Contre elle un peu son cas chatouille, Il n'est jamais de frigidis ; Mesme, au pays où elle hahite, Tous les hongreS;, pour son mérite. Ont ja perdu tous leurs credis.

Quoy que vieille sempiternelle, (i4)

Geste vieille et paillarde et belle,

Autant qu'elle a esté jamais.

Ne courbant point sa droite espaule, (i5)

Ayant, comme Amadis de Gaule,

La barbe blanche et le leinct frais.


(i3) Cf. Motin, Muses gaillardes, 1609, pièce citée ci-Uessus Elle fait, avec son lani^açe, En un jour, sans heibe ou breuvage, Ne secours de pistaclie ou d'dMif, Plus naislre de seinance humaine...

(i!\) Cf. Montg-ailiard, Œuvres, iGûG, ei Hupl.aux Bigarrures, 161/) Contre une vieille riche :

Image de la mort, vieille sempiternelle, Expression très fréquente chez les satiriques. Cf. Délices Salyr. 1620, et ms. 884, Bibl. Nal. (anonyme) : Geste vieille scm|iiternclle, Qui n'a que les os et la peau, A bien le naturel fort beau, Mais sa nature n'est pas belle.

(i5) Var. [Quint. Sut.) :

Ne combat point sa droite espaule.


3o l'espadon satyrtque

Quelquefois donc, à faute d'autre, Dessus sa cuisse l'on se veautre; Nous la baisons, vieille qu'ell' est; Elle nous dit : « J'entends l'escrime », Et nous aussi, sur la maxime Que vit bandé n'a point d'arrest.

Plustost sorcier d'elle est le diable Qu'elle n'est sorcière, et taillable De ce rusé maistre Gonnin ; Trop peu rusée est la sorcière : Elle prendroit à la pantiere De tous les diables le plus fin.

Au sabat, la bande sorcière Du diable baise la croupière. Idolâtrant un bouc cornu ; Mais, tout au contraire, le diable Offre la chandelle à son rable. Et, tout dévot, la baise au eu.

Elle cause bien à merveille; Sur le printemps, la douce abeille Vient picourer sur ses estrons Le miel, amy de la nature. Que, par après, en confiture. Avidement nous dévorons.

Que si son cul le miel distille. De sa bouche faicte en eslrille (i6)

(i6) Cf. Siffog-Qe, Desdain {Œuor. Satyr. L'Edition, 1920), p. 70 Voslre estomac, faict en estrille.


DE CLAUDE D'eSTEKNOD 3i

La manne coule à plein vaisseau, Et le nectar, et l'ambrosie Dont Juppiter se rassasie. De la morve de ses naseaux.

Si sous les plis de sa chemise Un petit pet elle org-aniso. Vous jug-erez parfaictement Que Pindare, ce docte Chantre, Pince sa lyre dans son ventre. Tant elle pette artistement.

Bref, il y a quelque mystère En tous les faicts de ma Commère, Et, comme en l'alphabet hebrieux Chaque lettre a son sens mystique. Ce vieil Sing-e Cabalistique Est tout aussi mystérieux.

Bref, je te suis tant redevable, Vieille pfus fine que le diable. Pour avoir faict l'amour pour moy, Que tu seras mon Connestable, Et mise à ma première table. Si quelque jour l'on me faict Roy.

S'il faut qu'un jour, vieille, tu meure. Puisque mourir c'est chose seure. Tu mourras dans nostre cartier ; Puisque tu as, toute la vie. Tant aymé la fauconnerie. Je te feray part du gibier.


32 l'espadon SATYI\I(JUE

Tu m'as pipé, par Ion adresse, Vieille Sybile, une Déesse Que j'iionore plus que mes yeux, El faut-il pas, en recompence, Que je preste toute assistance Au foible trot de tes ans vieux?

Puisse-tu donc, vieille Cibele,

Vivre lousj ours comme immortelle;

Que la puce, mal à propos,

Le morpion, ny la punaise.

Ne viennent point troubler ton aise, (17)

Ta pasture, ny ton repos !

Dieu le doin escuelle profonde, (18)

Et le ventre à la table ronde.

Et de ton dos la long-e aux feux ; (19)

Dieu te rende, toute ta vie,

De riiospital comme bannie,

Pour ne mourir entre les g-ueux !

Qu'à la tig-ne, qu'à la podairre, A la migraine, à la cbirag-rc. De t'olTencer soit interdis; Et, après la mort filandriere, Deux asnes, dans une litière. Te portent droict en paradis !


(17) Ce vers manque dans la Qainlesaence Sityriquc.

(18) Cf. RciTQier, Macetle, Salyr. XIII, v, 93 :

Dieu le doinl, pour guerdou de tes œuvres finales,

(19) Texte du Quint. Sa/. Dans la i" édition :

Et de ton doz la longe au feux ;


DE CLAUDE d'eSTERNOD .S3


L'ANÏIMARIAGE D'UN COUSIN ET D'UNE COUSINE DE PARIS

Satyre /// (i)

Vous espousez-donc ce fanlosme,

Fondée sur un axiome

Que chair du cul n'a point de sens,

Que le sansr, ny le parentale,

N'allèrent point un mariage,

Si vous faites quelques présens?

Ne doutez plus de la dispense; Auctorisez tost vostre olfence, Vos patentes ont eu leur seau ; Pendez, mon fils, pendez, ma fille. Quatre jambons à la cheville Qui est sous un ventre de veau.

Mais, pour tronçonner voslre lance, Un petit cas de conscience : Je vuideray sur le bureau, Et preuveray, en Philosophe, Qu'un inceste de telle estofe Est pire que tout un bordeau.


[i] L'Espadon, Lyon, 1G19 et t;ditions successives. — Ile|)ioduitc en 1620 dans les Délices Su/i/rif/ues, cl en 1622 dans la Quintessence Salyrifjue.


34 l'espadon SATYKIOUn

Je me porte bien, je demande, Tant j'ay la bedaine friande, Ne plus no moins qu'au carnavai, Mang-er la chair tout le caresme ; L'on le permet, mais à moy-mesme Le jugement, si je fay mal.

L'intention un chacun juge.

Si c'estoit après le déluge.

Si vous estiez Eve et Adam,

Je vous dirois : « Plus je n'en gronde,

Ne laissez point faillir le monde,

Ma cruelle, poussez dedans ! »

Mais à cette heure, que nous sommes Et tant de femmes et tant d'hommes ! Alliez-vous à vos amis ; N'allons chercher, Nerons sévères. Contre le ventre de nos mères, Un inceste qui n'est permis.

Un bon chien couche avec sa mère. Avec sa sœur, avec son frère, Mais, le chetif ! il n'en srait rien ; Moy, qui ay Tame raisonnable. Si je commets chose semblable Ne suis-je pas pire que chien?

Ha I si j'estois que de vos pères Vous marcheriez tous en galères. Et, pour oster un tel abus, A l'heure de vos espousailles.


DE CLAUDE d'eSTERNOD 35

Je vous ferois chastrer, canailles ! (2) Auprès du cul, tout rasibus.

Lors, petit foireux Misantrope, Petit modelle d'un Esope, Vous ne seriez plus amoureux; Au lieu d'un mig-non de couchette, Vous serviriez d'un eslaphette. Ou d'un portier dans les Chartreux.

Vous seriezj^toute vostre vie, Dans les sérails de la Turquie, Un Enuque sans magasin ; Vous garderiez la jalousie. Vous seriez un cheval d'Hongrie, Et non pas^un petit Roussin.

Encor, ce que pins je déteste.

C'est qu'ils disent : « Bran pour l'inceste 1

Sont des contes pour ravasser ;

Le péché est si près des fesses

Que seulement deux bonnes vesses

Nous suffiront pour l'effacer ;

ï Pour augmenter le parentage, Il se faut joindre d'avantage : Le sang en sera plus espais. » Vostre esprit seroit assez souple,


(2) Var. (Lyon, 1O26) :

Je vous feray chastrer, canailles !


36 l'espadon satyrique

Incestueux et maudit couple, Si le grand Dieu estoit niais 1

Mais ce Dieu a des Commissaires, Esbieres, bourreaux, et Notaires, Qui, vous faisant vostre procès. Ne vous feront plus belle aumône, Sinon que chez Messer Plulone Ils puniront tous ces excès.

Gardez donc ceste tache d'huyle ; Sur vostre chef tombe la tuile ; Vous ferez un monstre d'enfant, Qui portera yeux de chouette. Pieds de Icsard, cul de levrette, Gorg-e de loup, né d'elcphant.

Velu ainsi que la pelisse,

Il rampera en escrevisse.

Il grunnira comme un pourceau, (3)

Crotté ainsi qu'une gamache,

II pleurera comme une vache,

Et puis rira tout comme un veau.

Si, au moins, comme la vipère, En naissant il tuoit sa mère,


(3) Var. {Dél. Sut.) :

Il gTundera comme un pourceau, (Quint. Sat.) :

Il ffronde comme ua pourceau,


DE CLAUDE D'ESTERNOD 87

Vous ne verriez pas vos malheurs, Xv monstrer, dans un jeu de paume D'un Bateleur, maistre Guillaume, Ce monstre, né de deux pécheurs.

Mais ce qui plus me fait vous plaindre.

Le diable est fin : il est à craindre

Que l'avorton incestueux,

Après avoir tué son père,

Ne vueille encor baiser sa mère :

Une poule fait bien deux œux !

Je fremy, je pleure, je tremble, Je vay le trot, le galop, Tamble, Las! en changeant de qualité. Ayant grand peur que, de poëte, (4) Je ne chante, comm' un prophète, Pour des fables la vérité. (5)

Que le sabat ne le permette ; Sorcier, nouez voslre éguillette, Commandez que ce limaçon Se retire dans sa coquille. Et que ce fin manche d'estrille Devienne froid comm' un glaçon.

Las! que s'il fait le chicque chacque. Son bagage soit mol et flacque,

(4» Var. (Dé/. Sal.) :

Ayant grande peur que, de poète, (5) Var. (Dé/. Sai.) :

Pour les fables la vérité.


38 l'espadon satvrioue

Comme un g-an qui n'a point de main, Et qu'il aye moins de furie Qu'une vieille pomme pourrie Pour canonner un mur d'airain !

Aymez-vous ce muet idole, Ce petit moucheron d'escole, Ce marmouset et ce g-rimau? L'aymez-vous bien, ce beau bardache ? Ah 1 vous avez des yeux de vache, Si vous aymez des yeux de veau ! (6)

Quand est de moy, si j'estois fille. Que ma g-raisse, comme à l'anguille, Par la queue ne coulast pas, (7) Fut-il un Empereur de Romme, J'aymerois-mieux avoir un homme Que quatre cents mille ducas I

Que la veille de vostre nopce

Soit l'avant-jour de vostre fosse !

Et si vivez un an entier.

Que viviez en telles détresses

Que n'ayez, pour bouscher vos fesses,

Quatre fueillets de bon papier I (8)


(6) Var. {Dél. Sa(.) :

Si vous aymez les yeux d'un veau !

(7) Var. {Dél. Sat.) :

Par la queue ne coule pas,

(8) Var. {Quint. Sat.) :

Quatre fueilles de bon papier !


DE CLAUDE d'eSTERNOD SQ

prodige ! aymer sa cousine !

Où est la veng-eance divine?

Puisque vous vous dites Docteur,

Je jure, sur vos escritoires,

Que vos livres n'ont point d'histoires (9)

Pour y fournir quelque bon-heur.

Baldus, Cujas, Jason, Bartole, Et tous ces vieux pedans d'escole, Le droict Canon, le droit Civil, Considérant un tel inceste. Mettront au bas de la requeste Pour un fiât un beau nic/til.

Pour ce péché, que je déplore, Abisma Sodome et Gomorre ; Est-il honneste qu'un parent Dessus sa parente se veautre, Comme on entasse l'un sur l'autre Dans une cacque les harens? (10)

Si jamais l'Antéchrist arrive, 11 naistra, dit-on, d'une Juifve, D'une Nonain, d'un Turlupin; Moy, au contraire, je me pense Que l'Antéchrist prendra naissance D'une cousine et d'un cousin.


(9) Texte de la Quint. Saf. Dans la i«" édition :

Que nos livres non point d'histoires

(10) Var. (Quint. Sat.) :

Uans une caque de barens ?


4o l'espadon SATYRIOUR

La douleur tue ma parole,

Mais le démon qui me console,

Parmy la rage et le despit,

C'est qu'un jour, estant misérable, (i i)

Vous vous direz : « De par le diable, (12)

La Satyre l'avoit bien dit I »


(11) Il faudrait, nonobstant la triple rô;<ctition de nir\E :

Dit qu'un jour, estant misérable, Mais on peut, en conservant le texte original, prendre cette tour- nure comme une anacoluthe hardie, Alors, il faut les deux points après despit.

(12) Var. (Dél. Sut.) :

Vous nous direz : « De par le diable,


DE CLAT^DE D'eSTERNOD l^I


L'IMPORTUNITÉ A UNE DAMOISELLE

Satijre IV (i)

J'allois, un de ces jours, en g-uise d'un cadet, Quoy que je sois l'aisné, sur un petit bidet, Lequel, ne pesant pas un double Richetale, Ne ressembioit Bavard, Rag-ot, ne Bucephale, Ains, moins outrccuidé qu'un Coursier, qu'un Genêt, S'appeloitj en un mot, marlyre de Guinet.

Cheval qui mesprisoit caveçons et gourmettes, Et ne para jamais repolons ny courbettes, Cassé cent fois du basl, qui ne craint l'esperon Non plus qu'un démentir : tout ainsi qu'un larron Qui, desja desniant, n'a point d'autre espérance, (2) Apres cent coups de fouets, sinon en la potence. Ainsi, las! ce Bidet n'a point d'autre confort. Et, tant il est martyre, il voudroit estre mort, Son cuir maroquiné jette à la voirie,


(i) L'Espadon, Lyon, 1619 et éditions successives. Reproduite dans les Délices Satyriqucs «ic 1G20 et dans la Quint-Essence Satyrique, de 1622.

(2) Correction. Tous les textes :

Qui, desja des mille ans, n'a point d'autre espérance,

11 est visible que l'auteur a voulu dire que le larron, dès qu'il commence à mentir, à nier pour sa défense, n'ig'nore pas. cependant , que ses efforts sont superflus, qu'il n'échappera pas à la justice.


42 l'espadon satyriqiie

Car son maislre, qui est une juste furie, Ne considère pas que c'est un cheval doux, Débonnaire et bénin, qui mesprise les coups. Qui va pedetentim (3), et qui est si peu traistre. Qu'il renverse devant que renverser son maistre ; Qu'il est poussif, hargneux, malandreus, farcineus; Qu'il voudroit volontiers, d'autant qu'il est g-outeus. Se retirer de cour, et, paisible en l'estable. Au monde renoncer, à la chair, et au diable.

J'alois doncques faisant, à part moy discourant.

Sur ce petit Bidet le Chevalier errant.

Quand, passant par la rue, au devant d'une porte.

Où l'amour sans Bidet sur le cœur me transporte.

Ne désirant rien tant que de voir les beaux yeux

D'une belle qui est le miracle des cieux,

L'abreg-é des beautez, et le plus cher ouvrage

Que nature aye fait en terme d'un visage.

J'appelle un gros valet, et luy dis : « Mon fîdel,

Dy moy, Madamoiselle est-elle à son hostel ? »

Ce grossier me respond, sans « Je vay voir, messire >' : (4)

« Monsieur, entrez dedans. » Et moy, qui ne désire

Rien tant qu'entrer dedans, pour avoir ce bon heur


(3) C'est-à-dire pied à pied, tout doucement. Pris à Mathurio Reg:nier. Sat. X. v. 217 :

Marchaut pedetentim, s'en vint jusques à moy,

Régnier emprunta ce mot au portrait du pédant, de Caporali, Tercet 38 :

Pedetentim s'accosta al dotto Scrinio.

(4) Correction. Tous les textes :

Ce grossier me respond, sans « je vay voir » me dire :


DE CLAUDE d'eSTERNOD 43

De pouvoir adorer ce miracle d'honneur, Ce Phœnix des beautez, des belles la plus belle, J'entre tout aussi-tost : « A vous, Madamoiselle, Et vostre compagnie!.. » Et, en cet entregent, Tout le monde se levé, et, réciproquement, L'on me rend mon bon-jour avec ma révérence.

— « Hé bien ! comment (luy dy-je), en effect, quand je pense.

Il y a dix mille ans que je n'eus cest honneur

De te baiser les mains! Je suis ton serviteur.

Et tout entier, mon cœur, je te pry de le croire.

Par ma foy ! je ne peux ores manger ny boire.

Tant je suis enyvré d'une telle beauté !

Ma belle, baise-moy. Hé! que de cruauté!

Quand l'on parle d'amour, vous faites tant la fine ;

L'on ne s'ose frotter contre vostre estamine !

Hé quoy ! vous me morguez ?» — « Il n'y a pas de quoy.

Repart ceste cruelle. Il est vray, par ma foy !

Vous me desobligez, je n'en suis pas à l'aise ;

Vous me desobligez, vous me gastez ma fraise;

Vous n'y avez rien mis? Hé! que cherchez-vous là?

Voyez, je ne prens point de plaisir à cela. (5)

A une autre qu'à moy il faut faire tel conte; (6)

Je suis toute desfaite. Ha ! ma foy I c'est une honte 1 »


(5) Imité par Du Lorens, Satyres, i64(5, XVI :

Te dire en rcchigrnant : « Vous me çastez ma fraise i, Ou : « Vous me chifFonez, vous n'avez rien mis là ; Ma foy, je ne prens point de plaisir à cela. »

(6) Var. (Quint. Sat.) :

A une autre qu'à moy il faut faire un tel conte ;


/i4 l'espadon satyrioue

Et moy, fasché de voir ses beaux yeux en courroux, Qui ne furent jamais que gratieux et doux, (7) Qui portent la douceur, la majesté, la grâce. Comme en leur paradis, sur les traicts de la face, J'en demcuray fâché, et avec un « Sambieu I » (8) Presque je repartis : « Hé bien ! adieu, adieu 1 »

Je ne leur eusse peu d'avantage complaire; Car vous devez sçavoir, pour entendre l'afTaire, Que c'estoit son plaisir et son ambition Que je sortis de là, car la cotation Estoit appareillée avec cérémonie; Maugréant mon entrée et cherchant ma sortie. Et, comme ils desiroyent de bien friper les plats, Se pensant que j'estois gourmand comme ces chats (9) Oui, dans un tourne-main, gripent tout sur la table, Me souhaittoyent alors à tous les mille diable; Que ce que j'estois maigre estoit d'estre affamé; Que n'ayant rien de gras au museau que le né, D'un si grand appétit je pourrois bien repaistre ; (10) Que je les mangerois, défaillant leur mencstre; Que jamais sur le dos je n'eus un bon pourpoin; Que j'estois sans aveine et mon Bidet sans foin ;


(7) Var. (Quint. Sai.) :

Qui me furent jamais que gracieux el doux,

(8) Cf. Rejarnier, Sat. VIII. A. M. L'Abbé de Deaiilieu (L'Importun ou le Fascheux), v. i5 :

Qui brusquement eust dit, avecq' une sangbieu :

(9) Var. [Quint. Sat.) :

Et comme elles dcsiroient de bien frippcr les plats, Se pensans (jue j'estois friant comme les chats

(10) Var. {Quint. Sat.) :

D'un si grand appétit je pourrois en repaistre,


DE CLAUDE d'eSTERNOD l^5

Bref, que j'estois si gloiit, qu'en la meilleur cuisine

Je ferois dans trois jour crier à la famine.

Ainsi l'on souhaittoit bien loin de ce festin

Ce ventre de lévrier, et la dent du mastin.

Et moy, qui ne pensois aux mines, fines mines.

Et qui cherchois plustost cousines que cuisines,

Oui estais altéré d'amour, et non de vin,

Ne pensant nullement à ce pompeux festin,

Je croYois fermement, ne les voyant rien dire,

Que j'estois importun, ne les faisant pas rire;

Que peut-estre j'estois d'un trop maigre entretien.

Que pour les resjouyr je ne leur disois rien.

J'en conte la dessus, je parle autant que quatre ; (i i)

Je leur sonne des vers, je fay de mon folastre ;

Je donne des brocards, je m'appelle coquin ;

Je leur fay les doux yeux, je fay de l'arlequin ;

Je dis le petit mot, en terre je me veautre;

Je veux jouer pour l'une et parier pour l'autre.

Mais tout cela et rien, c'estoit presque tout un :

Je n'estois à la fin qu'un fâcheux importun ;

A rien, en ce temps-la, ne servoyent ces merveilles, (12)

Car le ventre affamé (dit-on) n'a point d'oreilles.

Et je ne pouvois mieux ces Dames resjouyr

Qu'avec bona dies (i3) brusquement m'enfuyr.


(u) Var. (Quinf. Sat.) :

On conte la dessus, je parle autant que quatre ;

(12) Correction. Tous les textes :

Et rien en ce temps-la ne servoyent ces merveilles,

(i3) Cf. Reffnier, Sat. III, v. ii3 :

Pour cent bonadiez s'arrester en la rue,


46 l'espadon satyrioue

Mais Dieu, qui vouloit lors qu'ils fissent pénitences Des péchez véniels qu'ils avoyent fait aux dances, Vouloit, comme ennemy tout contraire à leur bien. Que je fusse importun et que je n'en sceu rien. (i4)

Tantost elle me dit, pour de moy se desfaire :

« Monsieur, n'avez-vous point au monde quelque affaire?

Monsieur, rien ne doit cstre aujourd'huy négligé. »

— « Ma belle (lui dis-je), vous me des-obligé : L'affaire le plus grand que je cherche en ma vie. C'est de ne point quitter si noble compagnie. » Puis elle repliquoit : « Laissez-vous tant de jours Couler, sans visiter le lieu de vos amours? Vous sçavez que l'oubly s'engendre de l'absence. » Je pare à ce coup-là, disant : « Vostre présence M'est si chère, mon cœur, que rien, sinon la mort. Ne m'en peut séparer, tant je vous aime fort! Que je vous quitte? Ha, Dieu! le regret est extrême D'éloigner tant soit peu le sujet que l'on ayme. » Elle, de desespoir, ne sceut que repartir. Car ne me voyant faire aucun vœu de sortir, Elle s'imaginoit, la pauvre Damoiselle, Qu'encor après la mort je serois avec elle.

Cependant, il sembloit que l'heure se passoit De la colation, et que l'on se lassoit (i5)


(i4) Sur les irrégularitcs du subjonctif dans l'ancienne langue, cf. Darmesteter, Cours de Gram. Hisi. 1897, t. IV, i24-i3i.

(i5) Var. {Quint. Snt.) :

De la collation que l'on luy apprestoit,


DE GL.VUDi: d'kSTERNOD 4?

Des cartes et du jeu. Jà desja Marguerite

Me souhaittoit bien loing-, pensant à la marmite;

Natoire, qui de ris vouloit chauffer ses flancs. (lO)

Pour caroler plus droit, eust bien donné six blancs

Pour me bannir de là; et la belle Tienette

Eust voulu ja cent fois voir sa vaisselle nette.

Mais comme la defaicte est d'un pénible accez,

L'on ne sçavoit comment définir le procez,

Car de me dire à dieu il n'estait pas honeste ;

De me prier aussi que je fus de la feste,

On pensoit que jamais je ne dirois que non;

Et puis, avecques-moy j'avois un compag-non,

Un vray ang-oulevent, un fesse-pinte en gueule,

Qui du plus grand moulin digereroit la meule.

Qui n'est point délicat, et n'a accoustunié

Vivre de cler de gru, collis, et consumé :

Furieux en la table, et sans miséricorde,

Qui dévale le vin dans son ventre, sans corde.

Ce fut encore là un des sujets pourquoy

L'on ne nous prie point vouloir mouiller le doy :

Car ces Dames, qui sont molles et délicates.

Des Lyons rugissans craignoyent alors les pâtes,

Elle parloit desjà, pour me faire en aller. De déloger à vespre. Aussi tost, sans parler. Je la prens sous le bras, mais sans cérémonie : « Belle, je vous feray, s'il vous plaist, compagnie :


(16} Var. {Dél. Sat.) :

Naloirc, qui de ris vouloit chausser ses flancs,


48 l'espadon satyrique

On ne dira jamais que je manque au devoir d.

Elle pensa mourir alors de desespoir,

Car, se représentant vaine son entreprise^

Elle s'imaginoit : « S'il s'en vient à l'Eg-lise,

Tousjours il reviendra au log-is avec toy.

Puis, pendant tel séjour, l'on poiirroit bien sans moy

Jouer de la mâchoire et défricher la tartre. » (17)

Si bien que la Cloris, fine comme une Martre,

Se résolut d'user d'une autre invention.

Helas! combien de fois, de pure affection,

Prioit elle son Dieu de la vouloir défaire

De ce sot, qui estoit à son dessein contraire :

« Mon Dieu ! si tu m'acquiers ores la liberté,

Je te voue à jamais pure virg-inité ;

Ne laissant point venir le chat à mon fromage,

Que sous le sauf-conduit d'un loyal mariage.

Mon Dieu ! si tu me fais quitte de ce poltron.

Je te promets de mettre un double dans le tronc.

Je jeusneray trois jours, si d'entre nous tu l'ostes

La veille de Noël, de Pasque, et Pentecoste,

Et promets de te faire, ô Seigneur bon et beau, (18)

La veille des trois Roys, le Roy de mon gâteau ! »

Si bien que le Seigneur promptement délibère D'exaucer son dessein et sa saincte prière.


(17) Var. (Quint. Sai.) :

Jouer de la mâchoire, et dcfrischer la terre.

(18) Var. {Quint. Sut.) :

Et je promets te faire, ô Seigneur bon et beau,


DE CLAUDE d'eSTERNOD 49

Je ne sçay si c'estoit quelque divin esprit

Qui entra dans la chambre, et brusquement luy dit :

« Madamoiselle, or sus! le messager désire

De partir promptement, voulez-vous bien rescrire?(i9)

Il faut qu'il aille encore à cinq lieues d'ici. » (20)

— Ah ! je n'en ay qu'assez, dit-elle, de soucy.

Mais de grâce, monsieur, le voudriez-vous permettre, Que je fis, s'il vous plaist, responce à ceste lettre ?

— Permettre ?(respondis-je) Ah ! n'usez de ce mot. (21) Vous pouvez tout, mon cœur; je m'en iray pluslot,

Si vous ne me prenez pour vostre secrétaire.

— Non, dit-elle, monsieur, c'est un secret afïaire. Grand mercy, je craindrois vous donner trop d'ennuit ; Plus, il faut travailler d'icy jusqu'à minuit ».

Alors, je commençay un peu me prendre garde

Que j'estois importun, car, comme ell' entrelarde

D'un cageolant discours mille divers propos_,

Je creus que je troublois (mais trop tard) son repos;

Et, comme je voyois des traicts de commedie,

Je cogneus à l'instant toute sa maladie.

Et moy qui, pour tout l'or de l'Inde et du Peru,

Ne suis point si cruel, lourdaut, et malautru

Que de vouloir donner aucune fascherie


(19) Var. (De/. Sal.) :

De partir promptement, voulez vous pas rescrire?

(20) Var. {Quinl. Sai.) :

Il faut qu'il aille cncor à quatre licuë d'icy.

(21) Texte de la Quint. Sal. Dans la i" édition :

Permettre? (respond-je) Ah ! n'usez de ce mot,


5o l'espadon SATYRIOUE

A celle qui sur moy a toute seig^neurie : (22) Baisant bien humblement les mains à tout chacun, Je cessay par l'adieu d'estre plus importun, Extrêmement fasché d'avoir faict ceste ofTence. Mais, après tout cela, mes amis, je me pense Que tel, pendant le jour, fait à sa Dame ennuit, (23) Qui pourroit luy donner mille plaisirs la nuict. (24)


(22) Var. {Dél. Sai.) :

A celle qui sur moy a toute fascherie :

(23) Var. (Dél. Sat.) :

Mais après tout cela, mes amis, je ne pense Que tel pendant le jour fait sa Dame de nuic

(24) Var. (Quint, sat.) :

Qui pourroit luy donner mille plaisir de nuict,


DE CLAUDE d'ESTERNOD


LE JUIF ERRANT

Satyre V (i)

Aymanl l'autre jour à paroistre (2)

Dans le dortoir cl dans le cloistre

De certaines Nonnains sans nom,

Superbe, enfle comme un balon,

Contrefaisant en contenance

Le Balag-ni de nostre France,

Faisant les deux ances d'un pot,

Comme quelque morg-ant Nembrolh,

Quelque Mimas, quelque gros Suisse,

Enflé du vin et du saucisse,

Elles disoyent : « Et qui est-il,

Ce Monsieur qui faict le g^entil,

Oui se dorlotte, qui se g-uinde,

Ne plus ne moins qu'un grand Coq d'Inde,

A qui l'on dit : « Goulu! g-oulul ».

Alors, le bon Seigneur voulu Qu'un médecin, le g-rand Satrape De Galenus et d'Esculape,


(j) L'Espadon, Lyon, 1619 et éditions successives. — Reproduite en 1620 dans les Délices Satyrirjucs.

(2) Texte des Dél. Sat. Dans la i" édition : Aj-manl Taulre jour paroistre.


52 l'espadon satyrioue

Leur respond, me monslrant aux dois : (3) « C'est un Gentil-homme Ilolandois. »

Que je vous donne à tous les diables,

Médecin ! vous contez des fables.

Je me nomme le Juif errant,

Je vay de çà de là courant ;

Mon logis est au bout du monde ;

Tantost je suis en Tresibonde,

Et puis soudain chez le Valon.

Ma teste, aussi, n'est pas de plom,

Car je suis né dessous la lune.

Je vis au soir le Roy de Thune,

Et aujourd'huy le Prestre-Jan, (4)

Et il n'y a pas un quart d'an

Que je vis le Roy de la Chine,

Qui portoit une capeline

En g-uise de vos couvrechef.

Souvent aux pieds faict mal le chef,

Comme le mien, s'il est fantasque ;

Si vous sçaviez qu'est sous mon casque.

Vous sçauriez bien qu'est au cuissard :

Vous y trouveriez un bracmard (5)

Digne de faire un Antichriste.

Mais je ne suis Anabaptiste,


(3) Il faudrait : Lear respondist...

(4) Texte de r.oloj»'no, 1680. Dans la i" édition :

Et aujourd'huy le Prcsle-Jam,

(5) Correction. Dans la i" édition :

Vous y trouveriez un bramard


DE CLA-UDE d'eSTERNOD 53

Je suis Chrestien, lofian'jre à Dieu!

Mon Javelot ny mon Espieu

N'est pas forbi pour votre biche,

Fussiez-vous nobles comme Austriche.

Je cour Vhyver, je cour l'esté,

Je peus dire que j'ay esté, (6)

Non que j'ay leu dans l'autentique

D'une carte g-eographiquc

Que Savoy joint au Dauphiné. (7)

J'ay entremis par tout le né,

Et, leg-er postillon d'Eole,

Couru et l'un et l'autre pôle.

Ne fust qu'un saupiquet d'oignon,

En toutes saulses je suis bon,

Soit au vinaigre, et soit au beure;

Je suis un homme de toute heure.

Ores nouveau, or ancien :

Ma patrie est où je suis bien.

Accommodant, je m'accommode,

Falut-il, à la vieille mode,

M'accommoder du vieil caban

Du g-rand Renaud de Montauban,

De la magie à Melusine,

De l'haussecul à Jaqueline,

De la table du Roy Artus,

Des comédies de Plautus,


(T)) Dans l'édition de Lyon, iC?.6, ce vers est reporté ajrès les qur.tre vers suivants.

(7) Correction. Dans la ;" édition : Que Savoyc joint au Dauphiné.


54 l'espadon satyrique

De l'arbaleste à Charlemag-ne, (8)

De l'esprit de Merlin Cocag-ne,

Des sottises de Triboulet,

Et du cheval de Pacolet.

Ma uiere ainsi fut mesnagere,

Car d'une vieille mentoniere

Elle faisoit, pour ses garçons,

Cinq ou six paires de chaussons.

Dieu luy pardoin, quoy qui luy cousle : (9)

Cela m'a g-ardé de la goûte,

Et préservé des pieds pourris.

Quand j'eslois laquais à Paris,

Je n'avois pas les pieds d'estoupe,

Avant qu'on eust mangé la soupe

Et qu'on donnast dans le pigeon,

Je revenois ja de Dijon,

Avec le pot de la mouslarde.

Vos fîeres mules. Dieu m'en g-ardel (10)

D'estre monté sur deux basions.

De peser plus de deux testons.

D'avoir les deux pieds en escharpe, (11)


(8) Plaisanterie reuouvelce de Matliurin Reg'Diêr, Sat. X, 204 :

11 portoit l'arbalcslre au bon Roy Charicmagne. Le cabaa de Renaud de !\IontaubaQ rapi)elle, lui aussi, ces vers de la même satire de Réi^-nier (181-182) :

Pour sa robbe, elle fut autre qu'elle n'estolt Alors qu'Albert le Grand aux festes la portoit;

(9) Var. (Dél. Sat.) :

Dieu luy pardoin, quoy qu'il luy cousle!

(10) Var. {Dél. Sat.) :

Vos fièvres mules, Dieu m'en g'arde !

(11) Var. (Lyon, 1O2C) :

D'avoir les deux pieds en escarpe,


DE CLAUDE D'ESTERNOD 55

D'estre enfermé comme une carpe Dans un estang-, d'estre en prison. Je jetterois noslre maison Plustost cent fois par la fenestre ! Quoy? Oui voudroit lousjours y eslre? L'on porteroit lost le bissac, L'on n'entendroit que Iric et trac; « Qui va là? » Pour toute réplique, C'est un courtaut d'une boutique : (( Monsieur n'est-il pas au logis? » Un laquais, fin comme Maug^is : (12) « Que voulez-vous que je luy dise? »

— C'est pour payer la marchandise, Ja de dix ans, d'un tafetas.

— Monsieur a dit qu'il n'y est pas. Brottez du foin de patience, (i3) Monsieur s'en est allé en France, Portant ses jambes sur son col. » Lors, vous verrez mon pauvre fol, Aussi roug-e qu'une escrevisse. S'en retourner contre Gallisse, Faisant vœu de n'y plus venir.

Ne me pouvant jamais tenir.

Et se pendroit, en ce discorde.

Si rien ne luy coustoit la corde,

Maugréant l'homme et le crédit :

« Mais bran pour lui, s'il me maudit;

(12) Var. (Lyon, 1C26J :

Un laquais Ht tomme llaugis :

(i3) Correction. Dans les textes : Bottez du foin de patience,


56 l'espadon satyrique

Sçay-mon ! à ta gorge, Perrelte,

Je ne crains pas un sainct qui pette! »

Voilà comment, si le cheval Fait au fessier un peu de mal. Ces Mercadents, que je déteste, Ne me rompent jamais la teste, Car je les fuy comme la mort, D'autant qu'ils me bonnettent fort.

Vous ne sçavez donc i)as qui paye Tous les Chirurgiens de ma playe. Mes ponts-levis, mes escarpins. Mes Advocats, mes Médecins, Mes qui pro quo d'Apolicaires, Mes Procureurs, et mes Notaires, Mes Mareschaux, mes Fourbisseurs, Mes Marchandots, et mes Tailleurs, Mes Regrateurs de quinquenailles, Et million d'autres canailles Que je hay plus que le trespas? (i4) C'est un : « Monsieur icy n'est pas » ; Un : « Monsieur est allé en France » ; Une incertaine cognoissance De la maison du Juif errant. Un vif argent tousjours courant. Oui n'est point né dessous Saturne,


(i4) Vers pris à Sigogne, cf. Satyre contre une vieille sorcière Encontre une femme chetive Que je hais plus que le trespas.


DE CLAUDE d'ESTERNOD 5?


Esprit falot, esprit nocturne, Oui n'a Paris tout seul couru, Ainsi que le Moine bouru ; Oui, plus sçavant que Magellane, A veu la mer Mediterrane, Sur un Dauphin, comme Arion ; Oui, plus que Christofle Colon, Et que le Draque fait de course. S'il a un peu d'argent en bourse ; Car, en ce temps que j'ay dequoy. Je m'estime plus que le Roy, Et n'est Bâcha de la Turquie Oui meine plus joyeuse vie ; Et, pour vous le dire en un mot, Je ne suis rien qu'un escargot. Chair ny poisson, tantost femelle Et tantost maslo je m'appelle. Si vous me dites Bourguignon, Je ne dirai jamais que non; Mais pour bien boire en la taverne lo varli, je suis de Berne ; Pour les postures d'Arelin, Vous me prendriez pour Florentin ; Pour me vanter d'une parole, J'ai le cœur faict à l'Espagnole; Pour attraper quelque garçon. Cap de bious ! je suis Gascon; Pour asseurer et me dédire, Je suis Normand. Mais las ! le pire C'est d'estrc pauvre,, quelques fois. Ne plus ne moins qu'un Irlandois,


58 l'espadon satyrique

Que toute nuict garde la Lune, (i5)

Pour penser dire la fortune

Au mauvais riche, ce fin gueu,

Qui a trop de ce que j'ay peu ;

Car la fortune est si marâtre,

Que plustost à quelque folâtre,

A quelque sot, à quelque chien.

Elle fera part de son bien.

Qu'à un brave, qui peut despendre

Le revenu d'un Alexandre,

Et tous les escus possédez

Du roy Crœsus, avec trois dez.

Quand au surplus, pour vous, mes Dames, J'ai mille amours, et mille fiâmes. Pour ces tétons qui, sans guindau. Bandent les nerfs de mon corlau ; (i6) Pour ces beaux yeux, que je révère Comme un Poupa faict sa grand mère ; (17) Pour ces beaux teincts pleins de brandons. Que j'ayme plus que les chardons Ne sont aymez, ô douce vie ! Des Rossignols de l'Arcadie.


(i5) Var. {Dél. Sat. ) :

Qui toute nuit garde la Lune,

(16) Var. (Dél. Sat.) :

Bande les nerfs de mon courtau ;

(17) Vers pris à Sigogne; Satyre contre la Vieille Corneille :

Amour, qui la suit en colère,

Comme un poupart fait sa grand'mere,

Var. [Dél. Sat.) :

Comme un Poupart faict sa grand mère ;


DE CLAUDE d'eSTERNOD 69

A un seul mal subject je suis, C'est que, faisant nouveau pays, Je fay aussi nouvelle Dame; Si vous avez donc quelque flamme Pour mon sujet en ce pays, Aymez-moi tandis que j'y suis : Car, quittant votre demeurance. Vous chercherez fort ma présence. Et la voudriez pour mille escus, (i8) Mais vous ne la trouverez plus.


(18) Var. {Dél. Sat.) :

Et le voudriez, pour mille escus,


6o l'espadon satyrique


LA MORT D'UN PERROQUET QUE LE CHAT MANGEA

Satyre F/(i)

Laissez-moy, je suis en colère : Si l'on avoit tué mon Père, Je n'en serois pas plus fasché; Ou si l'on m'avait arraché Par le derrière la mâchoire. Je ne veux plus manger ny boire, Puisque le petit Perroquet, Lequel faisoit, par son caquet, Son barag-oûin, et sa souplesse, Passer le temps à ma Déesse, Par le carnag-e et l'assassin D'un Marcou cauieleux et fin.


(i) L'Espadon, Lyon, 1919 et ('ditions successives. — Reproduiteen 1620 dans les Délices Satijriques.

Cette charmante pièce est dans le style des Epitaphes que les poètes de la Renaissance se plaisaient à renouveler des petites élégrles de Catulle sur le passereau de Lesbie, d'Ovide, sur le perroquet de Corinne (Am. Liv. H, 6), de Slace, sur le perroquet d'Atedius Melior, etc. D'Esternod ne s'est pas seulement souvenu de YEpi- iapfie d'un Chai, des Jeux Rnstlqufs, de la V" Folastrie de Ron- sard et de l'Elégie XI de Passerai sur la Mort d'un Moineau, mais encore de la Complainte sur la Mort d'un Perroquet, d'Estienne Forcadcl.

Le Second Livre de la Muse Folastre, iGo3, contient une £'/e^je sur la Mort d'un Perroquet, par Paul de L'Ecluse. Elle est en partie imi- tée d'Ovide; mais d'Esternod ne lui doit rien.


DE CLAUDE d'eSTEUNOD 6i

A perdu la tant douce vie Dont ma maistresse fut ravie. Las ! si ce Perroquet mig-nard, Gaillard, raillard, ha^^^urd, paillard, De ses harangues charmeresses. Enchanteresses, piperesses, Brag-ardelet, mig-nardeleî, Paillardelet, friandelet. Ne t'a peu rendre pitoyable, chat cruel et implacable I Et t'empescher de le saisir : Au moins, respectant le plaisir Ou'alloit prenant en ceste heste. Ores ma belle^ que déteste, (2) Tu ne devois non seulement. Le laisser vivre doucement. Mais, en faveur de cette belle, Tousjours faire la senlinelle, Pour empesclier ([u'un autre chat, Quelque souris, ou quelque rat. Ne fist ny force ny dommage Au Perroquet dedans sa cage.

Et cependant, chat desloyal, C'est vous qui avez faict le mal; C'est la patte, patte assassine, C'est vostre gorge de cuisine.


(2) Correction. Tous les textes : Ores ma belle, qui déleste L'imprimeur a été trompé par Tapocopo de Vs à la seconde per- sonne. Lire : r/iie tu délestes.


62 l'espadon satyrique

Altérée comme un laquet, Qui a mang-é le Perroquet, Pource qu'un peu, au préalable. Quand vous montiez dessus la table Pour attraper vostre chaland, Il vous crioit : Friand ! friand !

Tout ainsi comme mamaistresse

Est un Phénix en son espèce,

N'ayant aucune egalilé.

Soit en vertu, soit en beauté,

Ce beau Perroquet, tout de mesrae,

Fut d'une beauté si extrême

Que tout ainsi que mon Soleil

Il ne trouve pas son pareil.

Ce Perroquet, du Ciel l'ouvrage,

Estoit d'un si exquis plumag-e.

Que ny des Pans les aislerons,

Les aig-rettes ny les fleurons

Dont nous parer avons coustume,

N'ég^aloient en rien cette plume,

Plume qui fut d'un si vert ji'ay.

Le plus vert g-ay qu'au mois de May,

Quand les forests sont en verdure.

Nous ayons veu en la nature. (3)

Ah ! mon Dieu 1 quel plaisir c'estoit Quand ce perroquet caquettoit.


(3) D'Esternod transforme d'une manière plus heureuse et plus familière la comparaison d'Ovide :

Tu poteras vindes pennis hebetare smaragdos.


DE CLAUDE d'ESTERNOD G3

Regringotoit, chantoit sans cesse

Aux oreilles de ma maistresse :

« Perroquet, que dit-on du Roy? » (A)

Vrayement, Perroquet, je croy

Que beaucoup d'ames paresseuses,

Letharg-iques, peu curieuses.

Ne s'informeront comme toy

De leur Seigneur ny de leur Roy !

Mais toy, comme oyseau de police,

Ou de finance, ou de justice.

Tu t'informois tousjours chez toy :

« Perroquet, que dit-on du Roy? »

Au surplus, il estoit semblable A ce chetif et misérable Qui, gonflé d'amour et d'ennuit, Souspire pour vous jour et nuict ; Car, si sa chair estoit couverte D'une livrée qui fut verte. Je suis aussi un verd vestu ; Que si son bec jaune pointu Nous deguoisoit mille harangues, (5) J'ay tout ainsi le don des langues. Et plus que luy j'ay de caquet; Que si ce mignard Perroquet


(4) Cf. Estiennc Forcadel, Œuv. Poël., Paris 1075, Complainte sur la Mort d'un perroquet, p. lyâ :

Il vollilloil, criant, holla,

Oui frappe l'huis? vive lo Roy !

(5) Var. {Dél. Sat.) :

Nous deguisoit mille harangues.


G4 l'espadon satyrique

Eut sa crelle jadis pourprine, (6) De couleur rouge incarnadine, Mon pennache est incarnadin ; Que s'il ne fut pas assez fin Pour se munir contre l'outrage Qu'a faict le chat à son fromag-e, Tout de mesme, aussi, je n'ay pas Tant de ruses ny de ducas Pour me munir et me défendre Contre un Rival qui me veut prendre.

Voilà donc, Perroquet mignon, Comme je suis ton compaignon, Et que ta mort est le presag-e, Bien tost, de mon futur dommage.

Or, il ne me souciroit pas D'un si cruel et fier trespas, Ny d'un esclandre si funeste Qui doit tomber dessus ma teste. Si, après (jue je seray morl. Comme je suis (idel consorl, En faveur de la couleur verte, Cher Perroquet, de vostre perte, Ma belle pleure it mon esmoy,. Comme elle fit, mignon, pour toy,


(6) Texte des Dél. Sat. Dans la première édition :

Eut sa cretle jadis poupine, Ovide ni Catulle ne parlant de crête, d'Esternod s'est inspiré de ce vers de Passerat :

Adonc vous l'eussiez veu crouller la rouge creste

Attachée au sommet de sa petite teste.


DE CLAUDE d'ESTERNOD 65

Alors que, toute eschevelée, De larmes la face mouillée, Cherchant le chat et sou butin, Elle pleura tout un matin. Menaçant mille fois d'occire Le chat, qui n'en fait que se rire, Et qui s'en va toujours son train. Apres avoir le ventre plein. Mais que cent fois, hclas! je meure. Je n'ay pas peur qu'elle me pleure, Ny d'estre d'elle regretté, Comme en ta mort tu as eslé ; Et c'est pourquoy, petit folastre. Tu es heureux en ton desastre. Ayant au moins ce reconfort Que ta belle pleure ta mort. Sans que tu ais pleuré pour elle. Et neantmoins, son plus lidelle Patiente, tous les beaux jours, Dix mille morts pour ses amours ; Et cependant, ccste cruelle Oui le meurtrit et l'ensorcelle, N'en jetteroit la g-oute d'eau. Et se meurt bien [)our un oiseau.

Mais de l'oiseau c'est le mérite

Oui fait jetter cette eau bénite

Par ses beaux yeux, flambeaux des deux.

Las ! falloit-il, ditles, (V Dieux,

Qu'un Perroquet, la mig-nardise,

Le passetemps, la g-ailiardise,


66 l'espadon SATYRiyUE

De ces beaux yeux, yeux immortels, (7)

Dont je révère les autels,

Fust le butin, et fust la proye.

Et le g"ibier, et la lamproye,

De ce Mitoiiin mitoûard (8)

Qui a ainsi maniL,'-é le lard?

Qu'à tout jamais, en contrechang-e.

Chat Gannelon, que tu ne mange

Taupe, Belette, ny Souris,

Qui ne t'estrang-le, l'ayant pris;

Que le Choucas, l'Hibou, la Chouë,

Tire tes yeux hors de la joue ;

Que tu ne trouve rien de bon

Oui ne te soit mortel poison ;

Que te fuye la chate chaude.

Quand l'amour fait quf3 tu miaude;

Que les sorciers, dans le sabat.

Ne prennent plus forme de chat ;

Qu'il te tombe sur le pellag-e

Quatre escuelles de chaud potag-e ;

Que de tous les garde-manirer

Tu sois banny comme estrang-er ;

Que tu meures de la gratelle; (9)


(7) Var. (Lyon, 1G26) :

De ces beaux yeux immortels,

(8) Cf. Du Bellay, Jeux Rustiques : Epitaphe d'an chat :

Ainsi le petit milouard JS'cntra jamais en matouard. Voyez Glossaire.

(9) Cf. Pierre de Ronsard. Livret de Folastries (Bibl. des Curieux', 1920), Folast. V, p. 40 :

Ton nez camard et tes çros yeux, Meriloienl bien de luire aux cieux,


DE CLAUDE d'eSTERNOD 67

Que tu n'ailles jamais en celle, N'apres disné, n'apres soupe; Que lu sois tousjours constipé; Que si, quelque jour, tu fiante Le Perroquet que je lamente, Tu fiente, d'un mesme coup, (lo) Tes infâmes boyaux de loup, A fin que Dieu, voyant ce crime, Un sacrileg-e, que j'estime Plus que de lèse majesté, Une semblable cruauté, Au temps présent abominable, Au temps passé tant exécrable, Horreur des siècles à venir, Ne demeure sans te punir !


Mais en lieu d'uue gloire telle

Une dernançeante gratelle.

Une founnilliere de poux,

l'n camp de puces et de loups,

La race, le farcin, la laiçne,

Un dogue afamé de Brelaigne,

Jusque aux oz le puissent manger.

Guy de Tours, dans ses Meslanges, à la suite des Souspirs Amou- reii.r (La Description de Bisloquet, mon Chien; éd. des Œuvres, Wilhem, 1878, II, 85) a repris le vers de Ronsard tout entier :

Jamais ne tombe sur ta leste

Aucun mèchef et loing de toy

Tousjours soit le fâcheux esmoy

D'une démangeante gratelle !

(10) Var. (Lyon, 1626) :

Te flenlc, d'un mesme coup,


68 l'espadon satyrioue


LE MESPRIS D'UNE VIEILLE FILLE DU LANGUEDOC

Satyre V/f (i)

Si l'on me parle d'avantag^e De ce pourry et vieil ffomage, L'horreur de tous les amoureux, Je veux que le diable m'emporte Si je ne me pends, de la sorte Qu'un Absalon, par les cheveux !

Que je te chang-e, ma Déesse, (2)

Contre ceste vieille diablesse?

Helas, bon Dieu ! n'en parlons plus.

Je veux que le diable me lue

Si de ceste vieille moluë (3)

Je mang-erois, pour mille escus !


(i) L'Espadon, Lyon, lOig et (-ditions successives. — Reproduite ea 1620 dans les Délices Satyriques, et en 1622 : « Contre une vieille KiLLE. Satyre ». Dans la Quintessence Salijriqae. Var. (Lyon, 1626) : « Le mesphis d'une jeune fille du Langueooc. Satyre VII ».

Cette Satire fut écrite sous l'inlluence de Sig:og-ne. On en retrouve non seulement la facture, mais encore des images, des mots typiques, et des vers à peine modifiés.

(2) Texte de la Quint. Sut. Dans la i"^" édition :

Que je te chang'eas, ma Déesse,

(3) Cf. Sigog-ne, Satire contre une Darne Maigre :

Où pensicz-vous, seiche moIûe,


DE CLAUDE d'eSTERNOD 69

Si seulement je la regarde,

Elle prend, comme la moutarde,

Plutost mon né que mes deux yeux ; (4)

Et seulement lors que j'y pense.

Je croy de faire pénitence (5)

De mes péchez nouveaux et vieux.

C'est me juger fol manifeste, Et me croire bien grosse beste, Moy qui fonds aux rais de l'amour, Ne plus ne moins qu'au feu la cire, De penser que je voulus cuire Mon friscandeau dans un tel four I

J'adorerois plustost la fille Ou de Gautier ou de Garguille, Avec un petit de beauté. Pour le plaisir de mon estrille. Que tous les doublons de Castille En si grande deformilé.

Sa grosse teste jaune et fauve, (6) Sans chevelure, toute chauve. Ressemble au tabouret frippé Oui, autour de son écarrure.


Cl) Cf. Sigogne, Desdain :

Mais si de i)rcs l'on vous regarde, Vous prenez comme la moutarde, Par le nez, et non par les yeux.

(5) Var. {Quint. Sal.) :

Je pense à faire pénitence

(0) Var. (Quint. Sat.) :

Sa grosse teste, jeune, fauve.


70 L ESPADON SATYRiyUE

N'a que quatre doig^ts d'embourrure Et trois franges de poin coupé.

Comme un clavier d'une espinette, Sa face sèche et maigrelette, Comme un petit cheval fluet Qui n'a que l'os sur la frontière, Demonstre bien que sa croupière N'est autre qu'un harent soret.

J'ay trop de feu, lu es trop sèche ; Garde qu'ainsi que de la mèche (7) Je ne me brûle en t'approchant. Ce n'est pas d'os que je m'allume; Va à Paris, c'est la coustume Des (juenaux de sainct Innocent.

Tysiphone sempiternelle, Vous me direz que la mouëlle Est dans les os, non dans la chair ; Sçay-mon, dans ceux de la jeunesse, Mais les vostres n'ont plus de grcsse, Et ne sont pleins sinon de l'air. (8)


(7) yar.{Dél.Sa(.) :

Carde qu'ainsi que de ta mcche

(8) Cf. Sigog-ne, Desdain :

Vos os, sans entrer en dispute, Sont creux tout ainsi qu'une fiuttc ; Oui vous soufleroit dans le cul Vous feroit sonner comme un org:ue


De vostre corps, faicl en siringuc, Ainsi que Pan feist de Syrinçue, On feroit plusieurs challumcuux.


DE CLAUDE D ESTERNOD 7I

Vous avez moins qu'une escabelle

De l'humidité menstruelle

Que les femmes ont tous les mois,

Et je croy que vostre nature

Est si eslroilte à l'embouchure

Qu'on n'y pourroit mettre deux dois. (9)

Ce nez, qui sçait l'art de Grimoire, Est diapré et plein d'histoire, Comme un hast d'asne, un macaron, Une garde dasmasquinee, (10) Et noir comme la cheminée Ou bien le cul d'un chauderon.

Vos tetins, longs comme des gaules,

Prests à jetter sur les espaules.

Pour apprendre à nager sont bons.

Car les ayant sous les aisselles.

Je ne sçay vessies plus belles

Pour empescher d'aller au fonds. (11)

N'ayez pas peur d'eslre ravie De Jupiter, vieille Momie,


(9) Texte des Dél. Sat. Dans la i" ('-(lition :

Qu'on y pourroit mettre deux dois.

(10) Var. [Quint. Sat.]:

l/ne garde de masqulnce,

(11) Cf. Sigog-ne, Desdain :

Et qui vous auroit sous raisselle Ne doit craindre d'aller sous Teau.

Vostrc panse, toujours farcie De vent, ainsi (ju'unc vessie Pourroit bien servir au besoin Ou de ballon ou de nageoire Pour passer la Seine ou la Loire,


72 l'espadon satyrique

Pliilon mourroit pour ce sujet, Car vous avez si laide mine Que tout ainsi que Proserpine Vous luy pouvez servir d'objet.

Si vous aviez de l'éloquence, L'on prendroit tout en patience, Mais vous parlez Suisse, ou Valon, Ou François du pays do Lieg-e, Et croy qu'ainsi, durant son siège, Parloit Godefroy de Buillon.

Vous estes si laide et horrible Que vous traiclez de l'impossible En m'adorant ; j'ay trop d'effroy Quand je vous sens, tousjours je gronde. Et le monde faudroit au monde S'il n'y avoit que vous et moy. (12)

A un Chrestien joindre un Marane ! Acoupler la jument à l'asne, Encor, c'est pour faire un mulet : Mais contraire si fort vous m'estes, Que les hommes deviendront bestes Quand je seray vostre valet.

Mettre la main sur vostre gorge,

Et vous baiser, ventre sainct George 1


{12) Sigogne, stances sur les grands C... Le monde s'en iroit grand erre, Si j'estois tout seul sur la terre Et qu'il n'y eusl que de grands Gons.


DE CLAUDE d'eSTERNOD 78

Je deviendrois Maçon entier, Au lieu que je suis Gentilhomme : Car, vous baisant, vieille fantosme. Ne broiray-je pas le mortier? (i3)

Je vous flatte : vous estes noire De beaucoup plus que n'est l'Ivoire, Mais vous estes plus blanche aussi Que l'ebeine, par ironie : Vous estes de ce que l'on crie Pour les soliers, noir à noirci.

La Salemandre ne m'agrée ;

Je ne boy point en eau troublée.

Comme un chameau ; dans les brasiers

Je ne vy point, en pyralide ;

Mais j'imite la cantharide.

Qui n'ayme que les beaux rosiers. (i4)

N'en parlons-plus, fi ! trefve, trefve ; Je sens le cœur c[ui me sousleve. Je vomiray tout mon disné. Que si d'en parler il me fasche. Je croy qu'en baisant ceste vache Il faudroit bien boucher mon né.

De son cul la cloaque sale Est de quelque mer glaciale

(i3) Var. [Quint. Saf.) :

Ne boiray je pas le mortier ? (i4) Var. (Quini. Sat.) :

Qui n'ayme que des beaux l'osier.


74 l'espadon satyrique

Et de l'hiver la région ; Et croy qu'en sa froide nature, Pour les excès de sa froidure, One elle n'eusl un morpion.

Sa robe mal faicte et mal mise, Ne plus ne moins qu'une valise Sur la croupe d'un postillon, Luy fait aussi mauvaise niorg-ue, Que ces mounins qui sont à l'orgue, Qui vont beelant au carillon.

Quand elle trépigne et sautelle, (i5) Tousjours son chien court après elle, Suivant partout son pelisson ; Mais de cela je ne m'estonne, Car, si de près il la talonne. Il sent la vieille venaison.

Mathusalé n'a pas tant d'âge ; Elle estoit ja au mariage D'une tierce fille d'Adam, (i6) Et, long temps devant le Messie,


(i5) Cf. Sig-og'ne, Desdain :

Baston à faire la chandelle

El mouche «jui toujours sautelle,

(i6) Var. (Dél. Sat.) :

Elle servoit chez Abraham,

Cf. Sig'Og'ne, Satyre contre la Vieille Corneille Geste vieille et noire corneille, Des ans la honte et la merveille, Des vits l'horreur et le degoust. Qui, di'sjà froide, sèche et blesiiie, Porloit la salière au haptesme De la sybille de Panzoust.


DE CLAUDE d'eSTERNOD ']5

D'où les Juifs attendent la vie, Elle servit chez Abraham.

Elle est difforme comme un Sing-e, Et si je croy que sous le ling-e Elle a plus de gales au sein, De malandres, et d'escroûelles, De coslig-ues, et de gratelles, Que tous les ladres de sainct Main.

Elle est blesme comme pommade ; (i 7) Et puis, d'autant qu'ell' est malade. Pour luy coroborer les flancs. Pour drogues, juliets, et racines. Et pour docteurs en médecines. Faut-il pas ja ving-t mille francs?

Je me rirois de telle histoire Si quelqu'un alloit faire croire A ma maistresse tout le cas ; Ma maistresse, par Irop crédule, Croiroit que j'aime ceste nmle Que j'hay plus que le trespas. (18)


(17) Cf. Sigog-ne, Pour une vieille Courtisane

Quand je voy son front de malade, Sophistiqué par la pommade,

(18) Proi'oncer haï (dissyllabique) Var. I Quint. Sat.) :

Que je liay plus que le trespas. Cf. Sigoprne, Desdain :

Maintenant, il faut que j'escrive Encontre une femme chetive Que je hais plus que le trespas.


76 l'espadon satyrique

Elle a le né de fessepinte,

Et la bouche de coloquinte,

L'haleine de diamerdis,

Les dents de corne de lanterne,

Et son discours le plus moderne

C'est Mel usine et Amadis. (19)

Si quelquefois je la révère, C'est comme si à ma grand mère Je tirois, d'hazard, mon chapeau ; (20) Je porte honneur à sa moustache, Comme autour d'une vieille vache L'on voit sauter un jeune veau.

Si j'honore ceste vielle, C'est comme une g-rosse escarcelle Qui cache l'or dedans ses flancs. Ou tout ainsi comme le cofre De quelque avare lifre lofre. Oui recelé cent mille francs.

C'est aller du galop à l'amble : Avant que nous couchions ensemble. Les loups baiseront les brebis. Et la vapeur de vostre aisselle


(ig) Cf. Sig-ogne, Satyre (p. 21 de noire éd.) Je n'entens point vostre lang'age, Vous parlez plus vieux qu'Amadis.

(20) Var. (Quint. Sat.) :

Je tirois un coup de chappeau ;


DE CLAUDE d'ESTERNOD 77

Resentira, Madamoiselle,

Et la civette, et l'ambre gris. (21)

Tout ce qu'un mary peut prétendre De vos beaux yeux, vieille cassandre, Et du ressort de vostre eu, C'est que vous estes si sotte oye Ou'encor bien qu'il vous mette en proye Il ne sera jamais cocu.

Mais vostre busqué plus ne bande : Pour caroler la Sarabande, Vous tendez-trop, dit-on, le eu, Et rien ne vaut vostre hacquenée, Que pour la dance macabrée, {22) Car vous avez ja trop vescu.

Priez donc Dieu, sempiternelle ;

Dittes, dittes vos Kyrielle,

Et ne pensez-plus aux amours.

Car tout espoir est déplorable (28)

D'avoir mary, si quelque diable

Ne vous baise, l'un de ces jours. (2/1)


(21) Cf. Sig-o;?ne, Desdain :

Mais, au lieu de civette et d'ambre, Vous sentez comme un pot de cliambre,

(22) Var. (Quint. Sat.) :

Et rien ne veut vostre haquenee, Que pour la pance mal cabrée,

(23) Var. {Qainl. Sal.) :

Car tout exploict est déplorable.

(24) C'est le sujet de la Satyre contre une Dame Sorcière qui frayoit avec le Diable, pnr Sigogne.


78 l'espadon satyrioue


LA CHAUDEPISSE Satyre VI/l (i)

Sur mon lict, emplasiré d'ordure, (2) Je ronfle comme un Epicure, Ou le porceau sur son estron, Sentant couler dessus ma cuisse (3) Une certaine chaudepisse Aussi jaune que le citron.

Et n'estoit que, pendant ma vie. Geste maudite maladie


(i) L'Espadon, Lyon, i6ig et éditions successives. — Reproduite en 1620 dans les Délices Sdtyriques et (en partie) en iCa2, dans Le Parfaict Macquereaa suivant la Cour : « Complaincte sur le succès de l'histoire dont est question. » Stances 7 à 16, — 21 à 26, — 29, 3i et 34.

Cette Satyre est une réplique à l'Ode sur la ch"* de Mathuria Reg-nier et à la Satyre Contre une dame Sale, de Sig-ogne. Ang^ot l'Esperonnièrc a imité les trois auteurs dans la satire des Exercices de ce temps intitulée : Le Débauché.

(2) Cf. Z. Blenet, dit le Capitaine Bel-Air, Muse Folastre, i6o3, II» Livre, Le Testament :

Renversé sur le lict tout cmplastré d'ordure,

(3) Cf. Sig-ogne :

Ce n'estoit que boue amassée, Dessus sa cuisse hérissée, Angot l'Esperonnière a directement imité d'Esternod, transfor- mant ses octosyllabes en alexandrins :

J'en ressens les elTecls, car, au long rie ma cuisse Dégoutte lentement une orde chaude-pissc.


DE CLAUDE d'ESTERNOD 79

M'a desja pris deux ou trois fois, Je vous donne toute asseurance Que je perdrois la patience, Et qu'enrag:é je me turois.

D'avoir ce mal c'est ma coustumc, Comme fraper sur une enclume Est cousLumier au mareschal. Quand Proserpine sera rousse. Et que les chiens iront en housse, Je n'auray plus ce maudit mal.

La chasse n'est point si certaine D'un lapereau dans la garene. Gomme je suis tousjours certain De r'emporter la chaudepisse. Si je descends dessus la lice Pour besog-ner quelque putain.

Je n'y veux plus coucher mon reste :

Devant l'amour je le proteste.

J'y endure trop d'inlerests;

Ils le feroyent, vos seigneuries.

Mais les taureaux mis en furies

En leurs foui^ues n'ont point d'arrests.

Quoy que chacun me die : « Claude, Ne touche point ceste ribaude, Ou autrement lu y mourras ; Tu y mourras, je fe l'asseure! »


8o l'espadon satyrioue

J'aymerois mieux mourir à l'iieure Que de ne la besogner pas.

Hé Dieu, helas ! hé Dieu ! que l'homme, Pour avoir mangé d'une pomme, Porte de maux dessus les reins 1 Tout comme nous picquent les bestes, Et n'ont jamais véroles, pestes, Chaudepisse, chancres, poulains. (4)

J'ay veu des chiens plus de dix mille, Lesquels fretaillent, file à file, D'une seule chienne le Noc, (5) Mais pour cinq cents mille estocades Ils n'en furent jamais malades, Et tousjours droit est leur estoc. (6)

Encor, les chiens ont Tadvantag-e Qu'entrant dedans leur bordelag^e Ils n'y payent pas un douzain ; Nous autres donnons la pistole, Et n'en avons que la vérole, Souventes-fois, pour nostre gain!


(4) Var. {Le Parfaict Maquereau) :

Chaudepisses, chancres et poulins.

(5) Var. {Le Parfaict Macquerean) :

Lesquels foulaillcnt, file à file, D'une seule chienne le con,

(6) Var. [Le Parfaict Macquereau) :

Tant qu'ils le trouve tousjours bon.


DE CLAUDE d'ESTERNOD 8i

Marchant qui pert n'ayme pas rire.

Vieii-çà, laquay, et va t'en dire

A Soufletruse, médecin (7),

Qu'il vienne voir mon pauvre zeste (8)

Oui ne peut plus lever la teste,

Tant il est rempli de farcin (9).

Je sens déjà monter mon asne, Sang-lé d'une vieille soutasne, L'housse de l'Evesque Turpin, Et dont les bords, bordez de fanges, Faisoyent traîner dix mille franges (10) Oui pandilloyent sur l'escarpin.

Un grand chapeau de Jésuite, Gressé du suc de la marmite, Couvroit son Pericranium, (11)


(7) Ce Médecin est aussi dans Aagot TEspcronnière

Je retourne à Paris chercher un médecin,

Car mon mal me faisoit appréhender sa tin,

De crainte que j'avois que l'humeur mordicante,

Comme d'un alambic par le bout dislilanle,

N'enracinast l'uIcere envieillif au dedans,

Qui me pourroit causer de fascheux accidens.

Je treuvé Machimi^rde, expert en médecine.

Qui juçea bien mon mal, voyant ma triste mine.

« De l'encre et du papier, ([u'on me fasse donner,

Me dit-il aussitost, etc

(8) Var. (Le Parfaict Macquereau) :

A soufreleux, ce Médecin,

Qu'il vienne voir mon pauvre vil,

(9) Var. {Le Parfaict Macquereau) :

Tant à présent il est maudit.

(10) Var. (Le Parfaict Macquereau] :

Pensoient trouver dix mil françes,

(11) Var. (Le Parfaict Macquereau) :

Couvroit son percoranium,


82 l'espadon satyrioue

DorloLlant une longue barbe, Dont le parfum est de rubarbe, De coloquinte, et d'opium.

Sa langue de suppositoire.

Plus aig-uë qu'une lardoire,

« Dieu soit céans! » disoit alors;

Ce né, ronge comme Ecrevisse :

« Dieu soit céans! » — « La cliaudepisse,

Tout bas disois-je, et vous dehors! »

Que je meure pas de la corde

Si j'entendois point son exorde,

Moins encor sa narration ;

Car ce docteur en Médecine

Escorche la langue latine

Comme un boucher fait un mouton.

Il se hausse, et puis il se guindé.

Ne plus ne moins qu'un grand coq d'Inde,

Et jugeriez parfaictement

Que, finissant les destinées,

11 vient tenir ses grands journées, (12)

Quand il parle du jugement :

(( Ergo juro, par la Savate Et la crepidc d'IIipocratc ! Je le cognosce, il est certain, A ceste jaune subucule.


(12) Var. {Le Parfaicl Marquereaii) : Que faussant les destinées, Il veut tenir les grands journées,


DE CLAUDE d'ESTERNOD 83

Qu'avez planté voslre menlule Dans les clunes d'une putain. (i3)

» Dedans le vase spermatique D'une merelrice impudique, Tu planlasti l'eng-in viril : Intell ii^e mon idiome. » Moy, lors, au mot de ce fantôme, Je dis : « Amen, ainsi soit-il ! »

— Amen, amen, tu le confesse ! Excusabo ceste jeunesse

Qui, lors, vexoit tuum inguen; Vocanms, en langue Galisse, Islud malum la chaudepisse. » Il entendoit le tu auteni.

— Recipe, un bolus de casse (i4), Comme fient que le porceau casse, (i5)

(i3) Var. {Le Parfaict Macqucreau) :

Dedans le con d'une putain, (l'i) Imité par Ang-ot de l'Esporonnière : Recipe un l)olus de casse trcs-amcre Pour vnidcr vos liumeurs par le trou du derrière, Ce genre de pièce farcie fui très en honneur. En voici une attri- buée à Théophile de Viau (ms. 8127, Bibl. Am. ci Quintessence Salyr. 1622I :

UEMEDE APPROUVlî l'OLIV LES FILLES

Recipe virgam homlnls,

Cuni duobiis testlculls,

Gros, durs et lonçs et pleins d'humeur,

Pris dans le souspirail du cœur,

Virga rigide Jlfjatur,

El si le uial non sanalur.

Deux ou trois fois Itcralur

Soir et matin f/uolldle.

(i5) Var. {Dél. Sat.) :

Comme fient qu'un pourceau casse,

10


84 l'espadon satyriqub

Ad tollendum illi le pus (iG) Oui manatde la chaudepisse; Qu'il ne comede, point d'espisse, Ponal de l'eau dans son polus. (17)

» Ad refrig-endum, sa poictrine, Carpet de la tberebanline, Pour loller l'inflamation ; Et si inlus est quelque ulcère, D'une seringue on pourra faire Persjepius l'injection. (18)

« Erg-o vale, cher filiole, Je vay chez le pharmacopole. » Moy, qui estois importuné Plus de sa sotte pedantise Que du mal qui me martyrise, Je dis adieu à Domine.

Mes boyaux ronflent de colère, Je sens déjà la casse amere


(16) Cf. Ang-ot de l'Esperonnière :

Car il ne faut si tost du pus lollir le cours ;

(17) Var. (Lyon, 1626) :

Ponant de l'eau dans son potus.

(18) Cf. Ang-ot de l'Esperonnière :

Si cela ne sufnt, ferons injection

Dans votre priapus d'une décoction ;

Puis prendrez quelque-fois de la Iherebenlinc

Ainsi nous guérirons ce mal en peu de temps, Adoucissant l'ulcère escorché au dedans. »


DE CLAUDE D ESTERNOD

Joiicr de l'espce à deux mains; Gare le coup d'estoc, de tailles, (19) Pour débouler jusqu'aux entrailles Mille sortes d'humeurs vilains. (20)

Tant plus je pousse, moins il entre ; Tout coule, lout roule du ventre, Vuidant ma cause sans appel ; Lors je faisois une grimace, (21) Comme un démon ([ue l'on terrasse Dessous les pieds d'un sainct Michel. (22)

Jamais, jamais je n'y retorne, (28) Je le proteste sur la corne Du plus g-rand cocu de Paris ! Car le renard, finet et sage,


(19) Var. (Le Parfaicl Mucquereau) :

Garde le coup d'estoc, de tailles,

(20) Cf. Ang-ot de l'Esperonnière :

Mais, las! le loncr du jour, je sens mainte colique f)ui tranche mes boyaux d'une espée à deux mains ; Je jette mille humeurs et sales et, vilains. Hombiuant du derrière et d'estoc et de tailles, Je crois faire corps neuf et vuider mes entrailles;

(21) Cf. Régnier :

Et fait aussi laide grimace

(22) Ançot de l'Esperonnière prend à la fois à Régnier et à d'Estcr- nod, ou du moins, plagiant celui-ci, imitant celui-là, il se trouve délji- tcur de tous les deux :

Je fais, me refroignanl, bien plus laide grimace Oue ne fait le dœmon que saint Micliel tcrrace.

(28) Même remarque. Sigogne avait écrit en deux endroits de sa satire :

Jamais |)lus je ne m'y rcjig-age.

Si jamais j'y retourne plus ! Augot de l'Esperonnière reprend :

Dieu me fasse mourir si jamais j'y retourne !


86 l'espadon satyrique

Pris deux fois au mesme passage, Au troisiesme n'est jamais pris.

Une putain, qui pour ce tiltre A mille fois porté la mitre Par tous les lieux, aux carrefours. Me la donna pour son episse : N'estois-je pas un vray jocrisse De contenter là mes amours?

Cependant, ceste putain sale Faisoit de sa vierg-e vestale, (24) Et a plus brinbalé de coups Que tous les g-ueux de l'Alemag-ne, De France, Italie, et d'Espagne, A l'hospital n'ont pris de poux.

Son corps a plus soustenu d'homme (25) Que toutes les putains de Romme, Et plus mutilé de coiiillons Que Venise n'a de pistoles, Et a donné plus de véroles Que l'Océan n'a de sablons.

Elle donne plus de practiques, Chirurg-iens, à vos boutiques,


(2/,) Var. (Dél. Sai.) :

Faisoit de sa verge vestale,

(20) Texte du Parfaici Macquereau. Dans L'Espadon. 1619 Son corps a plus soustenu d'iiomincs


DE CLAUDE d'eSTERNOD 87

Que les cours et les Parlements N'ont de practiques en la France, En décidant tant de sentence, Tant d'arresls, et d'appointements.

Dedans la grotte de Tolède, Un grand diable qui la possède. Dit l'histoire, faisoit leçon ; Ainsi, je croy que la vérole Et le chancre tiennent escole Dans la caverne de ce con. (26)

trou remplit de chaudepisse ! Tu es le trou de sainct Patrice, (27^ Qu'Irlande tient en ses confins. Car tu as, pour les misérables, (28) Dix mille légions de diables. Pleine de peste et de venins.


(2G) Var (Lyon, 162O) :

Dans la caverne de ce en. {Del. Sat.) :

Dans la caverne de ce G...

(27) Var. (Cologne, 1680) :

Tu es le Irou de P... S...

[Sut. A m. 1721) :

Tu es le trou de ... Patrice,

Cf. SiVoi^ne, Stances (notre éd. 223) :

Et toy, grand trou de Sainct-Patricc, Tu p.'iruis, sans lever la cuisse, HesTrongné comnie un vieux Maçot, Voir comme un cornet d'escritoire ! Je le liens pour le purgatoire, Kl veux devenir huguenot.

(28) Correction. Dans les textes :

Car tu as, par les misérables, Var. {Le l'nrfaicl Macqiiereau) :

Car tu as pour lieux misérables.


l'espadon SATYRigUE

Que maudite soit la carongne Qui m'a taillé telle besong-ne ! Qu'elle aye les estraingui lions, Qu'une lèpre, mais des plus fines, Hideusement, dès les narines. Couvre son corps jusqu'aux talons! (ag)

Que tes paillards les plus lubriques, Ayent leur zest long- comme piques, (3o) D'un fin acier, trenchant, aigu. Transperçant comme des aiguilles. Pour te rompre les spopondrilles, Et les nerfs qui bandent ton eu !

Que quatre cent mille hommes d'armes Prennent ce trou rempli de charmes; Mais, avant que sortir du lieu, Qu'ils tirent tous comme le foudre. Et si quelqu'un n'a point de poudre, Qu'il la flanque d'un coup d'espieu !

Si de toy reste de la cendre, Que Belzebut la vienne prendre,


(29) Angot de l'Esperonnière a pris ici la matière de ces deux der- niers vers, et la forme dans Marot et Montg-aillard :

Aux jambes puisscs-lu log'er tousjours des loups ! Que ton cul soit farcy de galles et de clous !

(30) Var. (Dél. Sai.) :

Ayent leur V. lonj? comme piques, {Le Parfaict Macquereau] :

Ayent leur vit long' comme picqucs, (Lyon, 1626) :

Ayant leur zcsl long' comme de picques,


DE CLAUDE d'eSTERNOD 89

Car Belzebiit de tout se ser, Pour en poudrer la chevelure De Proserpine, ou l'escriture Du secrétaire à Lucifer I

Mes beaux souhaits ne seroyent fables, Mais je sçay bien que tous les diables De l'emporter font du refu, Craignant d'avoir la chaudepisse, Disant qu'ils ont, sans ce supplice. Assez de feux aux poils du eu. (3i)


(3i) Var. (Le Parfaicl Macquereau) : Disant qu'ils ont, sans le surplus, Assez de feuz au poil du eu.


go l'espadon satyrique


LE SOUFFLET QUI ENFLA LA JOUÉ

Satyre IX (i)

En me traictant comme un valet, Vous me donnasles un soufflet, Qui m'a si fort enflé la joue Que malgré moy j'en fay la moue; La marque est noire en marroquin, Je tords le nez comme arlequin, J'enfle la gorg-e, qui dégoûte Comme un joueur de saqueboute, Ou un trompette, ou un cleron, Qui au g'ibet meine un larron. Si l'autre joue estoit semblable, Patience ; mais c'est le diable Que d'un coslé, tant seulement, Vous m'avez faict enfler la dent.

Si que je fais une morg-uette.

Tout ainsi que tante Laurette,

Qui tord le g-roin comme un pourceau,

Tordant le fil de son fuseau,


(i) L'Espadon, Lyon, 1619 et éditions successives. Reproduite en 1620 dans les Délices Satyriqiies. L'édition de Lyon, 1626, indique par erreur : Satyre vi.


DE CLAUDE d'eSTERNOD QI

Crachant, bavant sur sa filasse, Comme au printemps une limasse. Ainsi ma dent bave la nuict, Tout ainsi que d'un œuf mal cuit L'on épure dans la saussoire, (2) Sauf le moyeuf, toute la glaire.

Or, d'un costé je suis enflé Comme un halon qu'on a soufflé Pour en prendre de l'exercice, Refaict ainsi qu'un cul de Suisse ; De l'autre part, je suis plus sec Que la table d'un vieil rebec. Plus corosif que n'est l'episse, Mal poli comme rigalisse, Comme un crapaud hors du maret. Et bref, un vray hareng- soret. Si qu'on feroit, dans un village. D'un sac de doux plus gras potage. Voila comment vous me traicté, Crotté rii yver, poudreux l'esté ; Voilà comment, i^etite chate, Friandetle, petite ingrate. Vous mignardez vos bons amis ! Vous me direz (|u'il est permis. En m'objeclant, pour repartie. Que (]ui bien ayme bien chastie.

Mais ce n'est point la vérité : Ce n'est amour, ains cruauté,

(2) Prononcer : saussouëre.


92 l'espadon satyrique

Oui vous fait, dame Fredeg-onde, Talotiser sur tout le monde. Dans l'oreille, plustost, des chats, Iront nicher_, souris et rats, L'ag"nean naistra de quelque louve. Avant qu'amour dans vous se trouve.

Comme Genève, et Amsterdam, Et La Rochelle, et Montauban, Avec plusieurs autres provinces. Se mutinant contre leurs Princes, l'our mourir en leur liberté, Ont secoué la Royauté : Tout de mcsme, beauté cruelle, Vous vous estes faicle rebelle Contre le Dieu de nos amours ; Vous bastissez chasteaux et tours, Boulevars, murailles espesses. Contrescarpes, et forteresses. Et vous avez tant de mespris Qu'avant qu'amour vous aye pris, Devant, Albert mettra, sans doute, Tous les estais d'iïolande en route, Ruinant à fond tout Amsterdans, Avant qu'amour entre dedans.

Vous n'espari!:nez, en vostre estrille, Ny le Gautier, ny le Garguille, (3)

(3) Cf. Régnier, Macette, satyre XIII, v. 2o5 :

Au reste, n'osparsTnez ny Gaultier ny Garguille, Qui se trouvera pris, je vous pri' qu'on l'estrillc.


DE CLAUDE d'ESTERNOD 98

Le Brabantin, ny le Flamand, Autant petit comme le grand.

Quand vous joiiez de vostre courg-e, (/[) Chascun vous est un bonnet rouge, Jusqu'à joiier de l'éguillon Sur vostre frère Francillon, Luy estampant sur la croupière Les ampoules de l'estriviere, Si que, de peur, cest enfançon En forma un pet de maçon Qui luy causa un dissenlere. Etquoy? ainsi fouetter son frère? Les loups ne mangent pas les loups; Mais luy donner cinq ou six coups ! Si le bon droit estoit en ville, Vous en auriez plus de dix mille : De coups de zest je ne dis rien, (5) Mais, par ma foy ! je m'entends bien.

L'autre jour mon rival satyre, Gorge-Noire, qui vouloit rire, Eut comme moy dessus le né, Encor qu'il soit un peu aymé; Je ne sçay si c'est par feintisc. D'autant qu'il change de chemise Et qu'il ne sent pas le gouset. Si est-ce que son marmouset

(4) Prononcer : couge, à la bourgruignonne.

(5) Var. [Del. Sut.) :

Des coups de V. je ne dis rien,


94 l'espadon satyrique

Eut, Faut re jour, son t orgue lorgne. Et s'il fait bien de son fin borgne, Il n'osoit plus avec la main Ratativer dans vostre sein (6), Mais il obtint, en peu d'espace, (7) Estant plus fort que vous, sa grâce. Car, ou par force ou par amour. Nous en aurons la brique un jour.

La goûte cave bien la pierre : Je vous feray si fort la guerre Que j'amolliraj la rigueur Du diamant de vostre cœur. Il sembloit bien que jadis Troye Ne pouvoit pas estre la proye Du preus Achille et des Grégeois, Mais ils la prindrent, toutes fois, Monslrant que, par force ou finesse. Se sape en fin la forteresse, Bref, qu'il n'y a chasteau, ny for, Où peut grimper un asne d'or. Fut-il gardé d'un maislre diable. Qui à la fin ne soit prenable. Vous avez beau me souffleter. Vous avez beau me rejetter, D'une boufetade chetive Rendre malade ma gencive.


(6) Var. (Dél. Sat.) :

Ratatiner dans vostre sein,

(7) Var. {Dél. Sal.) :

Mais il obtient; dans peu d'espace,


DE CLAUDE d'eSTERNOD 95

Vos yeux, qui sont mes présidents, Me peuvent bien osier les dents, Mais non l'amour que je vous porte. Car mon amour est de la sorte De la palme, qui plus croit hau Que l'on luy donne de fardeau. Quand les baudets aussi l'on charg-e D'un gros bahus fort long- et larg-e. Vous les voyez bien mieux trotter Que quand ils n'ont rien à porter, Car aux choses plus difficiles (8) Les hommes se monstrent habiles. L'estroit chemin de la vertu N'est un sentier point trop battu, Et faut estre ferré à g-lace Pour parvenir à ceste grâce. Et non est omnibus datum De bien jofier de ce baston.

Ainsi que vos mains délicates

Du soufflet que vous me donnastes

Le visag"e m'ont faict enfler.

Enfler aussi, et redoubler.

Vous avez faict la douce flame

Et le brandon de ma pauvre ame.

Dont, me sentant moins afflig^é.

Je me sens plus vostre oblig-»',

Bien que chacun de moy se mocque,

Quand pour mon mal je les invoque.


(8) Var. (Lyon 1626) :

Car aux choses diCQcilcs


gG l'espadon satyrique

L'un me dit, de mes compag-nons : « Va te frotter le cul d'oignons, Tes dents ne seront plus de mise ! » L'autre : « Va brûler ta chemise, Tu n'auras Jamais mal dedans! »

— Ouy, mais j'auray le mal de dents; (9) J'entends fort bien cet equivo(|ue. »

Un autre, qui de moy se moc([ue. Me dit : « Il faut, à ton resveil, Monstrer la racine au soleil. » Un autre dit, (|ui pindarise : « L'amy, va t'en dans une Eglise, Et, ayant faict ton oraison. Si tu trouve un pauvre g-arçon Sur ta porte, dis : Je te donne Ce quart d'escu, en pure aumosne, Pour me g-arir mon mal de dents. Puis, en fin, le mettant dedans Sa bourse, faut que tu la baise. »

— Baiser sa bourse? Hé, dit Fadese, S'il n'en a point, lors, que veux-tu?

— Que tu le baise droict au eu ! »

Voilà comment chascun se gausse D'un pauvre lièvre de la Beausse, (10) Que vous avez blessé à mort. Mais l'on vous donne aussi le tort,


(9) Texte des Dél. SaL Dans la i" édition ;

— « Ouy, mais j'auray mal de dents ;

(10) Correction. Dans les textes :

D'uu pauvre lièvre de Beausse,


DE CLAUDE d'eSTÉRNOD 97

Car, par Monsieur sainct Policarpe! Sans dire mot comme une carpe, Vous mordez bien comme un brochet, Et vostre main, faicte à crochet. Est plus leg-ere que ma teste, Car vous mordez en faisant feste.

Dessus mon visa^ie de bois

Vous touchastcs de vos cinq dois.

Et, aussi tost, ma chalemic

Alla enfler; mais, je parie

Que si je touchois, d'un seul doit.

En un certain pelit endroit,

\ous enfleriez bien davantage;

Mon courtaut estant des plus sages, (ii)

Rouge en chapeau de Cardinal,

Faisant pluslost masle que mal.

Car il n'est point, alors qu'il touche.

Comme les vostres, tant farouche ;

Il n'est cause du mal de dents.

D'autant qu'il fait du bien dedans;

Son bout est teint en escarlate,

Il n'a point d'ongles, et s'il grate.

Il est grosset et assez long.

Si vous voulez l'échantillon.

Mesurez-en quel([uc dix pouces ;

Ses cordes comme miel sont douces;

Quand il perce, c'est du ncctart;

S'il vous touchoit en quelque part,

(il) Ce vers ne figure que dans les Dél. Sut.


gS l'espadon satyrioue

Vous enfleriez, comme je pense, Mais bien avec de différence, D'aulanl (|u'on dit communément Rag"e du cul passe les dents. (12)


(12) Ancien dicton, qui fut, au xvi' siècle, le sujet d'une cpigrammc anonyme, insérée pour la première fois dans la Fleur de J'oésie //•{wrnyse, Paris, i543 (rééd. Paris, Sansot, 1909). Elle fut enfin repro- duite dans le Recueil des vers satyriques, 1617, où d'Esternod la trouva sans doute :

Alix avoit aux dentz la maie rag-e Et ne povoit son grief mal alleçer; Martin faisoit aux champs son labourage. Vers luy s'en vint pour son mal soulaçcr. Son grief luy deist; Martin, pour abréger, Prend dame Alix et luy doiuie dedans. Alix rt'pond : Hardiment, franc berg'er, Rage du cul passe le mal de denlz.


DE CLAUDE d'eSTERNOD 99


LE DIVORCE DU MARIAGE

Satyre X {i)

Geste cruelle me mesprise, Se mutine, se formalise, Avec un insolent caquet; Et croy que la Reyne Gilette Auroit aussi-tost d'amourette Prié jadis le fol Hrusquet.

J'auray plustost cinq cents pistoles Dans les garnisons Espagnoles, Pour l'entretien de mon estât, Qu'une seule bonne parole De caste vieille et morne idole, Qui ne vaut pas demy ducat.

Toutes les fureurs de Megere, Qui mirent Medee en colère Contre son parjure Jason Qui la quiltoit pour sa Creuse, Alecton, Gorgone, Méduse, Sont avec elle en ma maison.


(i) V Espadon, Lyon, 1619 et cdilioDs suivantes. — Iicpioduile en i6ao par les Délices Satyriques.


100 l'espadon satyrique

As-tu donné la femme à l'iiomme, Amour, à fin qu'il se consomme, La besognant incessamment ? Quand ell' est jeune encore, passe. Mais n'ayant plus que la carcasse^ Qui aymeroit telle jument?

Si la servante je reg^arde. Elle luy dit soudain : « Paillarde, Troussez bag-ag-e, et délogé ; Allez ailleurs faire l'offence! » Bien que je n'aye, en conscience, A ce forfaict jamais song-é.

Las! si, d'hasard, elle me parle.

Je m'en tiens fier comme un Roy Gharle

En housse sur son cheval gris,

Ou comme Pierre de Provence,

Quand Maguelonne, en une dance.

Il conduisoit dedans Paris.

Tout aussi-tost que je l'aborde, Elle me dit, pour tout exorde : « Va au diable, gros Rufien ! » Lors, tout penaud, baissant la veuë. Je fuis, sans rien dire, la queue Entre les jambes, comme un chien.

Je prise bien plus ma fortune Que d'eslrc Roy de Pampclune,


DE CLAUDE D ESTERXOD lOI

Si elle donne un bon propos, Car recevant tel privileg:c Je suis ayse, comme au colleg'e Les escoliers qui ont campos.

Permellant que ma main je frotle Un petit peu contre sa coite, Je m'en tiens fier mille fois plus Que ne faisoit l'Indois barbare, Du temps de François de Pisare, D'un miroir de trois carolus.

Si contre moy elle se fasche,

Je deviens froid comme une vache

En travail d'avorter un veau ;

Je me condamne comme un diable,

Et croy pour chose verital)le

Que je suis un damné nouveau.

Je tremble comme un joiieur d'harpe Lequel reçoit la rouge escliar[)e De la main d'un messer bourreau ; Je deviens froid comme Lazare, (2) Ou un paillard, sans dire g^are, Que le Serg-ent prend au bourdeau.

La maison pleine d'adultcrc, Monseigneur, jamais ne prospère,


(2) Var. {Dél. Sat.) :

Je deviens froid coinrac un Lazare,


I02 l'espadon satyrique

Il est bien vray; mais, mon Seigneur, Doniié-moy une autre bourrelle Que ma femme, car ell' est telle Que sans seconde est sa rig-ueur.

De David tu punis la teste,

Parla guerre, famine, et peste; (3)

Au moins, ainsi chastre mes maux, (4)

Car ma partie est si félonne

Que les tourments qu'elle me donne

Sont plus cruels que ces trois fléaux. (5j

Car ne sont rien que controverses : « Vous avez mille amours diverses! » Me dit-elle. Je luy respond : « Pardonné, ma mie, à Guillaume ; Il n'est si bon joueur de paume Oui ne fasse quelque faux-bond.

« Vous me dites que sur une autre

Que vous, souvent mon corps se veaulre ;


(3) Cf. Sig-og'ne, Songe :

Alors que l'AriErc rigoureux Contre le l'rophelc amoureux Porta la vang'eancc céleste, 11 luy laissa ce triste choix, Pour sa peine : une de ers trois, La guerre, la faim ou la peste. Dieu vous veuille à l'heure envoyer, Puis qu'on voit en vous déployer De ces trois la charge inhumaloe. Au ventre la faim et l'horreur, Aux yeux, la guerre et la fureur. Et la peste à la chaude halleine !

(4) Var. (Dél. Sat.) :

Au moins, ainsi cliastie mes maux!

(5) Ce mot était monosyllabique.


DE CLAUDE d'eSTERNOD Io3

Mais, qui n'a beu que d'un seul vin Ne sçait de l'autre la puissance, Et qui tousjours est en Provence Ne sçait qu'on fait en Limosin ! »

Elle repart : « C'est de la sorte;

Il n'y a femme qui comporte

Si largement comme j'ay laict. »

Je luy respond : « Fussiez-vous morte 1

Car toute femme qui con porte (6)

Si largement, n'est pas mon faict. »

— Fusse-je morte? respond-elle. Fusse-je morte donc pucelle?

— Vous dites bien, chapeau pointu ; Il vous démange sur le cliouse. Car ne fussiez esté jalouse

Si vous n'eussiez jamais foutu. (7)

— Je suis dame, ma foy! dit-elle, D'une aussi bonne parentellc


(6) Var. (De/. Sal.) :

Car toute femme qui comporte (Lyon, 1626) :

Car toute femme qui r.n porte (Cologne, 1680) :

Car toute femme qui c. . porte

(7) Texte des Sal. Am., 1721. Dans la r* édition

Si vous n'eussiez jamais contu. • Var. (D^/. .S'a/.) ;

SI vous n'eussiez jamais . .lu. »


I04 l'espadon SATYniQUE

Que la vosirc, loiiang-e à Dieu !

— Je n'en sçay rien, vieille chevêche; (8) Mais une terre aride et sèche

Comme la vostre, est-ce bon lieu?

— Mais vous avez de ma jeunesse Mangé la chair, si qu'en détresse Ronger les os il vous convient.

— Rong-er les os, jà ne m'advienne 1 Madame, si vous estes chienne,

Ne croyez pas que je sois chien I

— Un chien auroit plus de pitié Qu'il n'en eust plus de la moitié. (9)

— Le fin diantre le feroit bien, Car un chien a mille maistresses,

Et pour mouvoir cent fois les fesses. Jamais un chien ne paye rien.

— Sainct Jaques n'a tant de coquilles : Vous avez dix mille chevilles

Pour me bouscher autant de trous. (lo)


(8) Imag-e prise à Sig-og^ne. Cf. Pour une Vieille courtisane :

Je pense voir une chevêche (g) Tous les textes reproduisent cette faute de prosodie de la \" édition : trois rimes masculines succédant à une rime du même g-enre.

(lo) Ces vers paraissent avoir été quelque pou inspirés par une stance de la pièce de Sigog-ne sur les Grands G... (p. i6i de notre éd.) :

Je hais ces baveuses rloacques, Où les gros bourdons de S. Jacques Ne trouvent ny rive ny fond.

D'Esternod a déjà dit, 5 stances plus haut : Car toute femme qui con porte Si largement, n'est pas mon falot.


DE CLAUDE d'ESTERNOD Io5

— Si j'eusse dit ma palenotre Quand il fallut bouscher le vostre, Je me dirois quitte de vous.

Mais quoy! que tout cela se passe; Permettez que je vous embrasse, Mon cœur, je vous crie mercy. Doit-on pas pardonner l'ofFence Lors que l'on a la repcntance. Et qu'on ne veut plus faire ainsi ?

Tout va au change et au rechang-e, Mesme à cbang-er le ciel se range : Apres la nuict vient le beau jour; Et celuy a peu de Science Oui ne sçait pas que l'inconstance Règne aux maisons comme en la cour.

Ne le trouvez donc pas estrange, Puisque chacun se plaist au change ; Le changement tousjours est doux. Aujourd'hui vent et demain bise; Et, pour ne changer de chemise, C'est ce qui fait aux gueux les poux.

Tousjours de perdris, iiy de traînes. Les friands n'enflent leurs bedaines. Car d'appétit ils n'auroyent plus; Et en la Cour j'ay veu un Prince


io6 l'espadon satyrique

Pluslost au lard jeller la pince

Qu'à ces bouillons faicls d'os moulus, (i i)

Le dieu Jupin, au dard de foudre, Las du Nectar, et de recoudre La chemise de sa Junon, Venoit ça bas changer de couche, Et, plus rusé que maistre Mouche, De Latonne gratter le con. (12)

Je suis menu, petit, et mince, Et je ne suis ny Dieu ny Prince, Mais je ne trouve point mauvais De changer par fois de monture. Car tout homme, de sa nature. Honore fort le beurre frais.

Ce trou est creu comme un heaume; (i3)

Que dis-je? comme un jeu de paume,

Et mille advocals rioteux

Y entreroyent avec leur juge, (i4)

Ou, comme en l'arche du déluge.

Au moins de toutes bestes deux.


(n) Texte de Lyon, 1626. Dans la i" édition Qu'à ces bouillons faicts d'ors moulus.

(12) Var. (Lyon, 1626) :

De LaUmne gralrer le en. {Cologne, 1680) :

De Latonne gratrer le c. . .

(i3) Prononcer : heaume.

(i4) Var. (Dél. Saf.) :

Y entreront avec leur juge,


DE CLAUDE d'ESTERNOD IO7

Mais li quanti pote barette

Non forono jamai estrclte :

C'est bien parler moralement.

Mais quand, trop large, il ne peut joindre,

S'accommoder avec un moindre,

C'est le meilleur du compliment.

Un long- estoc, faict en Tolède, Un semblable fourreau possède ; Mais au fourreau d'un espadon Un barbier mettre la lancette, C'est coupler à une levrette L'eng-in viril de Cupidon.

Quand vous sortiez d'estre pucelle. Il faisoit bon sur vostre selle : Vous faisiez-bien cosi cosi ; Mais à présent, vieille litharg-e ! Si je vous dis qu'il est trop larg-e. Dites, sans honte : Messor, si !

Alecliez mon hoirmie de chambre. Car il porte un assez beau membre Pour bien sangler vostre mulet. Je suis trop las, je ne peux rire ; Cherchez quelqu'un qui vous retire : (i5) Je ne suis pas vostre valet!


(i5) Ce vers manque dans l'édition de Lyon, 1626.


io8 l'espadon satyrique

Que si le noc tant vous démange, (iG) Eschang-ez celuy qui vous chang-e; Mais je sçay bien que le cocu N'y viendra point pour paillardise, ]\Iais plustost pour la convoitise De g-aig-ner un couple d'escu.


(i6) Var. (Dél. Sat.) :

Que si le C. tant vous démange,


DE CLAUDE D ESTERNOD lOQ


L'AMBITION D'UNE FILLE EXEMPTE DE TOUS MERITES

Satyre XI (i)

Moy qui suis l'abrégé, le portraict racourcy, Des beautez que l'on volt aux contrées d'icy ; Moy qui suis le phœnix des cavaliers plus braves ; Moy qui rends les grandeurs de l'univers esclaves; Moy qui bride les vents, qui charme les esclairs. Qui donne la lueur aux espaces des airs, Qui commande aux frimats, enchante les tonnerres, Et cognois la vertu des herbes et des pierres. Qui fais pâlir chacun de craintes et d'effrois; Moy qui suis le mig-non des Seigneurs et des Roys, Qui fais tout, qui dis tout, et qui fais ma parole Voler comme un esclair de l'un à l'autre pôle; Moy qui suis bien fraisé et poli, plus encor Que Narcisse, qu'Amour, qu'Adonis, et Medor ; Moi qui suis jilus sçavnnt que les sœurs de Parnasse; Moy qui ay veu la mer, le golphe de Patrasse, Le g-lacial Triton, les Scythes reculez, (2)


(i) L'Espndon, Lyon, 1619, et éditions successives.

La répétition constante de moy se retrouve dans une pièce ano- nyme des Muscs Incognues, iOo4; Des int d'une vieille à un vieillard qui l'appeloil sa marreine. D'Esternod lui doit certainement ce pro- cédé.

(2) Vîir. (Lyon, 1626) ;

Le glacial Trllon des Scythes reculez,


no l'espadon satyrique

Gilbaltar, le cap Noir, les Morisques brûlez,

Bref, plus que tous ceux-là qui font les Mag-ellanes,

Et sur la Seine ont faict toutes leurs caravanes,

Et n'ont jamais mangé ny salé, ny biscuit

Qu'à la Pomme de Pin, où ils sont jour et nuict;

Moy qui sçay marier l'instrument de musique

Mieux qu'Appollon cent fois, à ma voix harmonique;

Moy qui porte la mine, en traictant un cheval.

D'un vaillant Alexandre estant sur Bucephal;

Moy qui coupe dans l'air dix mille caprioles;

Moy qui rafle d'un coup tousjours mille pistoles ;

Moy qui n'ay jamais veu ny double, ny liard ;

Moy qui suis Rhodomont comme Castel Bayard ;

Moy qui passe en sçavoir les diables et les hommes;

Moy, l'unique croquant de la terre où nous sommes,

Comme jadis estoit Nabuchodonosor ;

Moy qui vaut plus cent fois que je ne pesé d'or :

Moy, donc, j'espouseray ceste infâme Méduse,

Qui a plus mauvais vent que meclie d'arquebuse.

Dont l'ambre sent les ails, le puant Galbanon,

Et l'Assa Fœtida, son musqué plus mignon?

Quoy donc? J'espouseray ceste noire diablesse!

Que le feu sainct Antoine entre dedans sa fesse! (3)

Que d'un mau fin fîo de rie rac renforcé.

D'un bouillant vif argent soit son ventre percé!

La punaise 1 Hé, bon Dieu ! madame, il n'est pas peine

Prendre tant de raison. Que (sa fîevre quartaine!)


(3) Var. (Sai. Am., 1721) :

Que le feu S.... A entre dedans sa fesse!


DE CLAUDE D ESTERNOD I I I

L'estafier saincl Martin, en sortant du sabat, (4)

Pour telle vanité se pende à son rabat,

Et la fasse ternir, comme lors que larmoyé

Sous une cheminée une andoûille de Troye.

Que j'espouse ce nez, de rouge cramoisi?

Et ce Pluton d'enfer, qui cri' : noir à noirci !

Son grand crin de cheval sur sa teste toute orde,

L'haras de mille poux, fourniroit bien de corde

Les cloches de Paris, d^'atirail les bateaux.

De mèches les soldats, de licol les bourreaux,

Les joueurs d'instruments, fors que de chanterelle,

Car c'est bien grosse corde et ce n'est point cordello.

Ces yeux, ([ui ont versé plus de cire et de miel

Qu'il n'en a pieu jadis, dans le désert, du ciel,

Me resemblent du tout un retraict de collège,

Où la jeune marmaille en se vuidant s'allège.

Car, ainsi qu'indiscrets, de leurs fessiers merdeux.

Ils rendent tous les trous et sales et breneux :

Ainsi, autour des yeux de ceste vieille loue, (5)

Il y a plus de lacs, de marets, et de boue,

Qu'il n'y a, comme on dit, dans la Bresse d'estangs.

Et qu'en la boucherie on n'a versé de sangs.

Son gros nez me resemble une antique médaille

De l'empereur Galba, ayant la mesme taille

Qu'un manche de rasoir, sous lequel, aysément.


{^1 Var. {Sat.Am., 1721) :

L'eslafltT S.... M , en sortant du sabat,

(5) Correction. Dans les textes : louve. C'est le même mot. De lu- pum, il a donné lo, leu, et Ion, et ne s'est écrit loup que par réaction étymologique. Nous ne connaissons pas d'autre texte duonant le féminin loue; il a existé certainement ; il se retrouve d'ailleurs dans le diminutif /oue//e, qui dcsifjnait la tombée de la nuit.


112 l'espadon satyrique

A l'ombre du soleil se met un reg-iment ;

Nez qui pourroit servir d'espouvanlails tres-dignes

A chasser les oyseaux qui se jettent aux vignes;

Nez d'arg-ent de rapport, damasquiné, grand, long;

Nez de courde, cocombre, ou cilroiiille, ou melon;

Nez qui sent sa vendange (6), et superbe en son membre,

Semble crier par tout : purée de Septembre !

Nez, le joiiet des vents, comme en Mirebalais

Les moulins; né bronsé, couleur rubis balais;

Nez, en fin, qui n'est pas un crocheleur de fesses, (7)

D'autant que tous les trous ont trop de petitesses,

Et qu'il ne peut log-er sa grosseur et rondeur

Que dedans un retraict plein de fecrile odeur.

Ses sorcils hérissez, non d'ebeine, ains d'ivoyre.

Oui jaunastre devient, en couleur de lardoire.

Au lieu de ressembler l'arc de l'enfant d'amour,

Ressemblent en leur voûte une gorge de four.

Mon stile se rabaisse, aussi point je ne loue

L'etique parchemin de sa pendante joue;

Ses oreilles, qui sont faictes en escarpin.

Pleines jusqu'au dessus de crottes de lapin; (8)

(6) Ce passaçre sur le nez est ins|)iré par le Nez (Tan Couriixan, de Sig'og'ne; le vers ci-dessus a i'ourui par aualog"ie à l'auteur auo- nyme de la Safijre contre le nez cVune Courtisane, [Dél. Satyr. 1620), réplique à celle de Siffogne, l'imag-e suivante :

Nez fait en cstron de vendange,

(7) Développé par l'anonyme de la Satyre contre le nez d'une cour- tisane :

Au sabat, ce nez de mannolte

EstoiL la hideuse carotte

Qui lui bouchait le trou du eu.

(8) Sig^ogrue, Satyre contre une Vieille Sorcière :

Vostre embonpoint est d'escabelle, Vos bras de casse et de canelle, Vos dents de crotte de lapin. Et vos cheveux de rcHralisse, Vostre nez faict en cscrevisse, Et vostre oreille en escarpin.


DE CLAUDE d'eSTERNOD Ii3

Mais je prendray d'assaut sa larg-e g-alemelle,

Oui est du creux manoir l'antique citadelle; (9)

Ses lèvres de limasse y servent de rampart;

Le suisse qui la garde est le fleg-me qui part

De la porte Collise, aussi ver qu'emeraudes, (10)

Crachant à tous les coups dix mille gring-uenaudes;

Mille rots haletant, laschez par ses polmons,

Laschent contre les nez mille coups de canons :

Car, comme les Indois se prosternoyent à terre,

Quand Pisare laschoit son foudroyant tonnerre.

Ainsi, sentant son vent, les nez, tous estourdis,

Fuyent, pour éviter ce fin diamerdis.

Les trois grands fléaux de Dieu (11), comme dedans Ostendc,

Se sont là retranchez : la famine commande

A ses sots appétits remplis de passions,

La guerre à ses discours pleins de detractions,

La peste à ses poulmons, lesquels, plus fort qu'Hercule,

Pourroyent faire avorter une breaig'ne mule ;

Bref, l'on ne craint [)as plus en l'Eglise le Turc

Que l'on craint de sentir ces parfums et ce musc,

Et l'on craint tout autant semblable citadelle

Que Nismes, xMontpellier, Genève, et La Rochelle.

Ce mystère crotté abouti it au menton,

Lequel porteroit barbe, ainsi comme Platon,


(9) Var. (Lyon, 1G2GI :

Qui est du creux manoir l'uniqu^ citadelle;

(10) Texte de Lyon, 162G. Dans la v édition :

De la porte collise, aussi ver ((u'eineraude, L'auteur veut dire que le « flcffrae » en défend Pentr/'e, comme ferait un Suisse.

(11) FleriuélHH monosyllabique. DEsternod répète la strophe i3 de soa Divorce du Maringi;, iuiilée da Siifoguc.


ii4 l'espadon satykioue

Mais le trenchant rasoir si souvent y arrive,

Avecques ronction d'orpiment et chaud vive,

Que l'industrie et l'art nous empesche de voir

La princesse de Parme avec son décrottoir.

Belle opération ! mais aussi, en eschang-e,

Tout ainsi que Ton voit, dessus le pont au change,

La montre de l'orfèvre, ou tantost un coral

Rougir contre vos yeux, et tantost un cristal (12)

Donner de son brillant dedans voslre prunelle, (i3)

Icy, du diamant pétille l'eslincelle,

Icy reluit l'opale, et du saphir le pris,

Deçà un hiacynte, un ag-ate, un rubis,

Delà la calamité, icy les perles fines,

Deçà un beau carcan de riches cornalines :

Ainsi, sur l'abrégé d'un si rare menton,

Vous y voyez tantost dorlotter un bouton.

Quelque goutelle icy, de vérole le signe,,

Deçà quelque malandre, et delà quelque tigne,

Icy, proche le chancre, un ulcère vilain,

La peste de saint Roch, la lèpre de saint Main,

Deçà le feu volage, et dix mille autres choses.

Comme vous voudriez dire un peu de couperoses.

Son col plissé, terni, un vieil pilier cassé

Du Gloistre au Corde! ier, qu'on a rapetassé, (i4)

Nous monstrant (|uc le temps toute chose tari,


(12) Correction. Dans les textes.

Rougi contre vos yeux, et tantost un cristal

(i3) Texte de Lyon, 1626. Dans la i" édition :

Donne de son brillant dedans vostre prunelle,

(i4} La succession irrég-ulière des rimes masculines ne s'explique que par rémission de deux vers féminins.


DE CLAUDE d'ESTERNOD Ii5

Est remblcme naïf du mémento mori.

De là sont ces tétons ; que dy-je? je ravasse :

Seroit-ce point plustost ceste vieille besace

Que le diable portoit pour cacher son butin, (i5)

Alors qu'il demandoit l'aumosne à S. Martin?

Tetin qui va criant, de peur qu'on ne le touche :

« Gardez de m'approcher des doigts ny de la bouche » ;

Où un vilain bout noir sottement abouti,

Tetin articulé d'un parchemin routi.

Mais si d'en parler plus ja mon papier se fasche,

Laissons les puanteurs de ses truffes de vache.

Et remontons plus haut, car de passer plus bas.

Je crains d'y encourir la mort et le trespas.

Il faudroit estre Ilercul, ou le vaillant Tliesee,

Pour descendre aux enfers, suivant telle brisée;

Mais d'autant que je sçay qu'avecques la valeur

L'on ne revient jamais d'un lieu si plein d'horreur.

Et que chacun ne peut arriver dans Corinthe,

Je n'entreray donc point dans ce creux labyrinthe;

Je crains qu'en descendant dans ce val de Suson,

Quelque maudit Ang-lois ne me prenne à rançon,

Car entre les deux os de ses deux cuisses ladres

Est la forest des poils, où sont dix mille escadres

De Géants affamez, surnommez morpions,

Belliqueux, outrageux, et pleins d'ambitions.

Ayant chacun cent pieds, ainsi que Briaree

Portoit jadis cent mains; gents forts, et de durée.


li5) Cf. Sig-og-ne, Desdain :

El de vos pendantes mammelles Un bissac ou des escarcelles l'our mettre l'argent du bordeau.

12


iiC) l'espadon satyrique

Comme les Espagnols, aymanl plustost mourir, Tant bien ils tiennent tout, que de laisser courir Cela qu'ils ont acquis avecques mille peines, Vivans et habitans tousjours en chairs humaines, Tenans leurs g-arnisons si fort dedans la chair, Qu'il faudroit que le ciel, armé de son esclair. Pleut, dessus leurs rempars et dessus leurs garites, Le boiii liant vif argent, pour nous en faire quittes ! Passons donc, en faisant du chrestien le signal. Ce larmeux Acheron et ce gouffre infernal. Est-il possible, ô Dieu! qu'un monstreux Thersite, Oui n'a grâce, beauté, richesse, ny mérite. Ose penser à moy, moy qui fais plus le fin Et le puissant Seigneur que le tonnant Jupin ? Que ce Machicoli, ceste vieille Momie, (i6) Que ce maigre squelet, que ceste anatomie, Picoure les baisers de ma bouche de thin ? Que je charme mes sens de ce cruel venin? (17) Et que ceste guenon, bec à bec, bouche à bouche. Honnisse mon Hymen, et l'amour de ma couche ? Je jure, par le zesl du petit Cupidon,


(iG) Cf. Sig-oîfiie, Satyre (noire éd. p. i8) : Cesle respirante momie, Doal l'on cognoist l'anatomie

Machicoli est emprunté à cette strophe de Sig-og-ne, par laquelle il s'explique mieux (Contre une vieille Courtisane) : Bref, ce nez, g:ros comme le poing, DefFcnd sa bouche de si loing, Avec l'odeur puante cl forte Dont SCS deux nazeaux sont remplis, Qu'il semble d'un masche coulis Qui delTend le seuil d'une porte.

(17) Var. (Lyon, 1626) :

Que je charma mes sens de ce cruel venin?


DE CLAUDE d'eSTERNOD I I7

Par les plombets jumeaux de l'amoureux Adon,

Par riioupelu connin de la belle Cithere,

Que je ne haiscray jamais cesle Megere !

Bannissant de ton cœur, doncques, un tel espoir,

Retranche-toy, Gorgone, au ténébreux manoir,

Et n'espère soûlas en l'amour qui le rong-e,

Si les incubes vains ne te causent un songe

Oui te fera penser que j'amortis tes feux;

Mais ce ne sera rien_, tousjours, qu'un songe creux,

Car si cesle laideur veut avoir son semblable,

Elle ne peut avoir que l'amitié d'un diable,

Et lu ne joiiyras de l'amoureux esbat

Si le paillard Satan ne te baise au sabat! (i8)


(18) (Voir le Mespris d'une vieille .fille du Languedoc, dernière Strophe noie 4- Même remarque. Cf. Maynard, Priapée CXXXI : £t si Ton ne baise aux Enfers, N'es[)érez plus d'èlre baisée.


ii8 l'espadon satvrique


LA BELLE MAGDELAINE

Satyre XII (i)

Devriez-vous pas donc, Madeleine, Ainsi qu'on voit une Panleine (2) Des bécasses serrer les cous, Aussi serrer entre vos cuisses Les cervelats et les saucisses Qui se meurent cent fois pour vous?

Les saucisses, dedans Bolongne, Ne portent point si bonne trong-ne Que fait le zest d'un Cavalier, (3) Et ny les andoiiilles de Troye, Ny l'anguille, ny la lamju'oyc, N'esgalcnt point ce doux gibier.

C'est un Cavalier sans reproche. Dur au combat comme une roche,

(i) L'Espadon, Lyon, 1G19 et éditions successives. — Reproduite aussi eu partie dans une plaquette intitulée : Z,c Par/aie/ Mnrque- rcnu suivant la Cour, 1622. Ou y trouve les stances i à 5, — 7 à 11, — 14 à 16, — 18 à 20, — 22 et 23.

(2) Inspiré (lar Sigog-ne : Dialogue de Perrette parlant à la Dirine Maceilc :

Je semble un rat de Guynée,

fne rels qu'on a traînée

Tout le long' d'un grand chemin ;

(3) Var. (Le Parfaict Macquereau) :

Que fait le vit d'un Cavallier,


DE CLAUDE d'eSTERNOD IIQ

Ha ! jel'ay dit, n'en dites mol; Son espee est de bonne trempe. Son zest ardent comme une lampe, (4) Ou un clieval qui va le trot.

« Je le seay bien, (dites-vous, belle), Qu'il a une bonne alumelle. Mais je crains que, comme le coq Apres l'avoir fait le publie. Qu'à tout le monde il ne le die : Alors, que deviendroit mon noc? » (5)

Vous estes une fine buse;

Son zest n'est pas une liarquebuse (6)

Oui, dcscbarg-eant, meine du bruit;

Il est muet comme une carpe,

Et l'on ne sent presque l'escarpe

De cet esprit qui va de nuit.

Brides à veaux, ce sont lanternes. Car avant, ces mulets d'Auvergne Tout l'Aristole ex[)li(iueront ; Les j)0urceaux feront la civette, Avant que la bouche discrette (7) Jamais vous faie un tel affront.


(4) Var. {Le /'urfaicl Macquereau) :

Son vil ardent comme une lampe, (.'>) Var. (Le Parfaict Afart/uereau) :

Alors, (iiie deviendroit mon noc? cox. (ô) Var (Le Parfaict Macquereau) :

Son vit n'est pas une harquebuse I7) Var. (Lyon, 1626) :

Avant que sa bouche discrette


120 l'espadon satyrique

Les bestes, qui ne sont tant belles Que vous, dites, s'en passent elles? Nenny, par bleu ! les morpions, Et toute autre petite beste. Comme puces, et poux de teste, (8) Piquent, ainsi que des lions.

Un lévrier (9) sur une levrette, Roidenient tire sa brayette. Comme Jaqiiet sur Alizon, (10) Et crois que tout pareils nous sommes A ces bestes, fors que nous, hommes, Avons un peu moins de raison.

Jamais beste ne se pollue.

Mais une femme dissolue

Se façonne un gaudemisi

Oui la souille, fouille, farfouille.

Et chatouille, comme l'andouille

D'un homme qui feroit ainsi.

C'est trop nous donner d'eaux bénites : Vous le dites, vous le dédites. Vous donnez l'assignation ; L'heure venue, on s'y transporte.


(8) Correction. Dans la i" édition :

Comme puces^ et poux de testes,

(9) Ce mot était dissyllabique.

(10) Var. {Le Parfaict Mncquereau) :

Comme Uobert sur Alizon.


DE CLAUDE d'eSTERNOD 121

Mais on ne baise que la porte, Au lieu de vous baiser le con. (ii)

L'autre jour, j'agueltois mon maislre. Sifflant devant vostre fenestre; Je me pensois : tout en est dit. J'iiarassois d'aise en ma chemise, Me pensant qu'il vous avoit prise A la pointe de son beau vit.


Il va, il vient, il tourne, il trotte. Mais il ne fit qu'user sa botte; Vousjoûasles un tourdion. Moy, eslonné de la cassade, Je disois que la bastonnade Devoit venger sa passion.

Par vostre foy, dites, ma belle, Croyez-vous pas esLre pucelle? Non, voire non; un almanac De l'an mille six cents et quinze M'a dit qu'estiez du tout apprinse En ce qui est du ticque tac.

Vous estes un marie sublime : (12) Gaufridi ne sceut point l'escrime


(n) Var. (Lyon, iC)2C>) :

Au lieu de vous baiser le en. (Colog-ue, 1680) :

Au lieu de vous baiser le c. . .

(12) Correction. Dans la i" édition Vous estes une marte sublime


122 l'espadon SATYRIOUE

Si bien que vous, ny le latin ; Et plus gros que deux bréviaires Vous avez faict des commentaires Des postures de l'Aretin.

Vous avez, sçavanle professe, (i3) Publiquement, par tout la Bresse, Monstre de arte amandi. Sous le signe d'une brayette. Venus, qui fut vostre planette. Vous fît naistre le vendredi.

Vous le faisiez pour une pomme, Jadis, en Bresse, avec un homme ; Maintenant, vous n'avez égards. Ma belle, à cinquante pistoles. Vous qui n'aviez autres paroles Que : « Qui en veut pour deux liards? »

Le cadenat est donc au chose? Hé ! Dieu te gard, la belle rose. Ne te mocque pas tant de gent : (i4) Picquer pour rien est chose aymable. Mais ce qui est plus souhaitable. C'est le plaisir avec l'argent.


(i3) Var. {Le Parfuicl Macqiiereau) : Vous avez, sc^avanle portefesse.

(i4) Tous les textes donneut : des gent, avec apocope de l's. Cela est inadmissible, de même qu'à l'époque la rime plurielle avec ua singu- lier. A ces irrég-ularités, l'auteur a certainement préféré l'incorrec- tion granim.iticale; il faudrait : de la gent, c'est-à-dire du monde.


DE CLAUDE d'eSTERNOD 123

Vous sçavez si monsieur en manque, Et si sa bourse est une banque Où vous pouvez, à cent pour cent, Comme les Juifs, faire l'usure : Vostre noc est de fine bure, (i5) Puisqu'il est tant vendu d'arg:ent.

Pendant que cest hyver nous dure. Monsieur voudroit, de ceste bure. Faire à son zest un balandran; (i6) Il lui seroit fort bon, me semble, (17) Car quelquesfois ce beau zest tremble (18) Comme l'ég-uille d'un cadran. (19)

Vostre Noc est doublé d'hermine, {-20)

On en feroit une liong-reline

A son beau zest, ou un robon; (21)

Mais il faudroit que la peluciie

Un peu devant l'on épeluche.

Pour en oster le morpion.

(i5) Var. (Le Parfaict Macquereau) :

Vostre cou est de fine bure, (iG) Var. (Le l'arfaict Marr/aereau) :

Faire à sou vil uu balandran ;

(17) Var. (Lyon, 1G26) :

Il luy feroit fort bon, me semble,

(18) Var. (Le Parfnict Macquereau) :

Car quelquesfois ce beau vit tremble

(19) Cf. Siffogne, Desdain :

Et branlez sur pied, ou assise, Comme l'esguille d'un Cadran.

(20) Var. (Le Parfaict Marquerenii) :

Vostre con est doublé d'hermine,

(21) Var. (Le Parfaict Macquereau) :

A son beau vit, ou un robon,


124 l'espadon satyrique

Ne faisons plus les chatemiles, Car mon brave a trop de mérites, Belle, pour vous desobliger; Monsieur n'est pas une trompette, (22) Il vcsse plustost qu'il ne peUe, Quand il veut son corps décharger.

Ce cavalier a tant d'adresses, D'enchantemens, et de prouesses, Que dans le nid des passereaux Il va besogner la femelle Si finement, qu'il ne resveille Ny le père, ny les oyseaux.

Vostre con a une languette, (28) Et cependant ell' est muette ; Monsieur est tel que vostre con, (24) Car bien qu'il aye une braguette, (25) Ce n'est pour estre la trompette De l'affaire de question.

Voire, quand l'on sçauroit l'affaire, Que seroit-ce? Qu'un exemplaire, (26)

(22) Cf. Motin, Les Muses Gaillardes, 1609, Epigrajnme :

Car pour moy je ne semble poinl A quelque Irompelte ('clataiile Qu'on fait sonner avant ce choq.

(23) Var. (Lyon, 1626) :

Vostre en a une languette,

(24) Var. (Lyon, 1626) :

Monsieur est tel que vostre en, (20) Correction. Tous les textes :

Car bien qu'il aye une languette, (26) Correction. Tous les textes donnent ce vers faux :

Que seroit-ce? Un exemplaire.


DE CLAUDE d'eSTERNOD 125

Aux pauvres filles de ce temps. De caresser un genliliiomme Pour gaigrier une bonne somme : Sans le plaisir, que vaut l'argent?

Vous deviendriez un jour Baronne, Vous en auriez plustost l'aumosne Quand vous ne pourriez plus filer; Car nostre cœur rien tant ne blesse Qu'une pauvre vieille Noblesse Qui ne peut plus se travailler.

Sans y penser vieillesse arrive ; Ne plus ne moins qu'à une grive, Sans y penser la mort advient ; Et puis, quand vous avez des rides, Vous estes des vieux mords de brides Qui pour chevaux ne valent rien.

Toi qui fais tant de la fascheuse, Malandreuse, poussive, hargneuse, Je te verray, l'un de ces jours. Maugréer ces vieilles prestresses Qui te cadenassent les fesses Pour ne jouyr de tes amours.

Les Arlequins dessus ta face Se dresseront à la grimasse; Sur ton museau l'on moulera Les masques de Zani Cornette,


l'iO l'espadon satyrique

Car Ion visage maladelle (27) Un vieux singe resemblera.

Quand l'on voudra peindre le diable De sainct Michel, sur une table, Les imagers dessus ton né (28) Viendront tirer leur tablature, Car tu seras la pourlraicture De Belzebut ou d'Asmodé.

Tu ne gaigneras plus ta vie Qu'en estrillant la ladrerie Des pauvres haires malandrez, Cliancres, poulains, chiragre, ulcère. Et tu seras comme la mère Des ladres et pesti ferez.

Un autre office de diablesse Pourroit soulager ta vieillesse : C'est que, portant un vieil cabat, AfTublée d'une couverte, Tn vendras la chandelle verte Aux sorcières, dans le sabat.

Traisnant ta chetive carcasse. Ayant la ride sur ta face, (29)

(27) Correction. Dans les textes :

Les masques de zani cornette, Car ton visage maladelto

(28) Texte des Sat. Am., 1721. Dans la r» édition :

Les imagers dessus ton nez

(29) Var. (Lyon, 1626) :

Ayant la ride sur la face,


DE CLAUDE D ESTERNOD 127

Comme un vieil rouli parchemin; (30) Criant les os, comme un chat traistre, Lequel, tombé d'une fenestre, Meurt errené sur le chemin. (3i)

Tu tiendras ces mesmes paroles : « Où sont les cinquante pisloles Que jadis on me presentoit? Las! où sont ces roses vermeilles? Que n'ay-je pris par les oreilles Le loup, alors qu'il s'arrestoil?

<r J'ay imité donc les cigales Qui se dupoyent, sans intervales, Voyant travailler les formis. Ha ! qu'il n'y a telle finesse Que d'ac(|uerir pour sa vieillesse Un peu de bien et des amis ! »

Pensons-donc aux choses futures : Quand nos corps, glacez de froidure. Seront courbes et tout chenus. Nous serons des vieux commissaires Qui n'entendront plus les affaires, Car nous serons sols et perclus.

(3o) Cf. Sigognc, Pour une vieille Courlisanc :

OiTun chaud brandon caché luy ridf

(-ionime le feu le parchemin. Voir aussi, du même, la Satyre contre une vieille veusve :

De vieilles Chartres surannées,

Parchemins rôtis sur le g-ril

(3i) Correction. Tous les textes : Meurt erroné sur le chemin. Cf. Glossaire.


128 l'espadon satyrique


D'UN PETIT ADVOGAT IGNORANT, SE DISANT MON COR RI VAL

Satyre XIII {i)

Ce petit Bariole sans liltres, Sans paragraplies ny chapitres, Ce docteur de nécessité, Sans loix, de la dernière date, Ce Justinien de^Pilale, Sans cause l'hyver et l'esté :

Par ma foy ! il me fait bien rire. Ce docteur qui ne sçait pas lire, Quand il se dit mon corrlval. Comme si les grandes oreilles D'un gros baudet estoyent pareilles A celles d'un brave cheval !

Quiconque à toy me parang-onne

Fait d'un souris unelyonne,

Compare un Roy au savetier,

Une Venus avec Méduse,

Un tiercelet à une buse.

Et l'ambre gris à un fumier.

(i) L'Espadon, Lyon, 1619 et éditions suivantes.


DE CLAÏÏDE D ESTERNOD I29

Vous sçavez en Aslrolog'ie Autant qu'en rime et en magie; Vous pipez moins en tout cela Qu'un innocent en negromance, Ayant du droict moins de science Que de l'obscur clavicula.

L'imprudence est vostre monnoye; Vous estes sot tout comme une oye ; Vous n'entendez point, de Platon, La science, ny Fandrogine, Et sur l'empreunt de voslre mine L'on n'auroit pas demy teston.

Si l'on ayme vostre présence, C'est qu'on pardonne à rinnocence; Vos discours ne sont point bannis. Pour ce sujet, d'entre les dames, Car elles croyent, en leurs âmes. Que tous les foux sont bien fournis.

Ils croyent que, pour cent pistoles. Vous n'avez esprit, ny paroles, Pour déceler leur petit cas ; (a) Vous publiez en vain le crime. Personne n'en fera estime. Car à un fol l'on ne croit pas.


(2) Var. (Lyon, 1626) :

Pjur déclarer leur petit cas ;


i.'^o l'espadon satyrioue

Pardonnez-moy, mes chères dames, Vous adorez des corps sans âmes, Aymant ces hommes sans esprit ; Vous ressemblez à ces fouraches Qui arment mieux hi chair des vaclies Cent mille fois que les perdris.

Ainsi, les gros sols de villag-e, Piuslost que d'un barbet à nage, Se serviront d'un gros uuistiu ; Car grosellus, mes damoiselles, Ny g-rosella, ne sont g-roiselles. Mais gros et long, c'est bon latin.

Que jugez-vous de mon bagage? llegardez-moy sur' le visage : N'ay-je pas un assez beau né ? Quoy? Ad formam nasi, ma belle, Jugez-vous pas ([u'cn l'escarcelle J'ay le tribart fort bien vuidé?

Quoy? voulez-vous que je vous monstre Les cordes de la basse-contre? Vous verrez maistre Jean Jeudi, Un beau gros manche de raquette. Un petit mignon de couchette, Plus qu'un César jeune et hardi.

Vous le verrez courtois, honnesie. Morne, muet, et sans requeste,


DE CLAUDE d'ESTERNOD i3i

Si je ne suis son truchement, Vous faisant sçavoir qu'il désire, Au cabinet d'amour, vous dire Deux petits mots, secrettement.

A vostre col je veux me pendre, S'il ne se fait à vous entendre Mieux mille fois que l'Advocat, Car, au regard des damoiselles, Les paroles ce sont femelles, Et les effects hommes d'estat.

La gloire point ne vous consomme ; Noslre père est bon gentil-homme; L'on ne se doit mal aller ; Tandis qu'on a vaillant la maille, A la roturière canaille L'on ne se doit apparier.

Vous faicles tort à la Noblesse ; Pardonncz-moy, chère maistresse : Jug-es, Esbieres, et Greffiers, Et toutes personnes publiques, Comme Advocats de tricfiue nicques, Et procureurs, sont roturiers.

S'il estoit de belle venue, Que sa langue fut bien pendue. Passe, dirois-je, ell' a le cœur Charmé de sa riche doctrine ;

13


i32 l'espadon satyrique

Mais il ne sçait en médecine Ou si en droict il est Docteur.

On voit de ces petits bridoyes, Avecques la pane de soyes, L'habit velouté, damassé, Les plus polis de tout le monde, Bien parfumez, belle rotonde. Et le rabat bien agencé ;

Mais cestuy-cy est une loupe, Tousjours enflé comme une soupe. Crotté l'hyver, l'esté poudreux. Oui tousjours traisne par la rue Quelque semelle décousue. Et, pour François, il parle Hébreux.

Qu'on luy parle de g'riefs, dupliques.

Apostilles, appel, répliques.

Il parle d'intimation.

Et sont les paroles qu'il donne.

Comme la tour de Babylonne,

Balourdes de confusion.

Vous prendriez ce petit belistre

Pour Predicant, ou pour Ministre

De Nismcs et Montelimard,

Et voit-on bien, à son lang-age,

C'est un Magister de village

Qui ne sçait rien que : Dieu vous g-ard !


DE CLAUDE d'eSTERXOD i3;

Qui luy parle des Autentiques,

Des Rubriches, des Politiques,

De Bartole, Jason, Cujas,

Il prend cela pour des paroles,

Des batailles de Cerisoles,

De sainct Quentin, ou de Coutras.

S'il faisoit bien la cabriole Aux doux accents d'une viole, S'il joiioit de quelque instrument. Passe ! dirois-je, elle s'arreste Au son du Luth ; mais ceste beste Ne sçait jouer que de la dent.

Il est riche, quoy que rustique; Mais je ne suis moins pulmonique. J'en peus cracher autant que luy; Je dois quelque petite somme. Mais il n'est pas bon i^'-entilhomme Qui ne doit rien, à ce jourdhuy.

C'est donc l'arg-ent qui vous transporte? Fut il un vilain de mainmorte, Aussi g-rossier qu'un chat-huant. Et plus benest que Benest mesme, On l'idolâtre, et chacun l'ayme, (3) Pour son coquin metail d'argent.


(3) Var. (Lyon, 1626) :

L'on ndolatre, el chacun raime,


1^4 l'espadon satyrioue

Geste Medée enchante, pipe, Père, Rival, et Zclotype; Chacun luy porte de l'honneur. Faisant croire aux hommes modernes Que vessies sont des lanternes. Tant ce metail est grand Seig-neur I

Amour, tes plus douces paroles Et tes aubois sont les pistoles; Si tost que ce soleil reluit. L'on voit trembler les pucelag-es, (4) Comme, pendant les gros orag^es, Les arbres tremblent jour et nuict.

L'on n'adore plus la noblesse : « C'est un petit gentil de Bresse, C'est un Gascon, c'est un cadet, C'est un obereau de la Beausse, (5) Qui ne porte dans i'hautdechausse Que dix escus pour un bidet.

» Comme Bias le philosophe. Soit en habit, soit en^estofTe, Il porte tout dessus le dos. Ne plus ne moins que la coquille. »


(f\) Cf. Sig-ogne, fiances Safyrlques contre l'OUiuasfre Per-reite (variante 8) :

Devant ton œil sorcier les puccUagcs tremblent

(5) Correction. Dans la i" édition : C'est un obereau de Beausse,


DE CLAUDE d'eSTERNOD i35

Voilà comme ces sots de ville Parlent de nous mal à [)ropos.

Comme Calvin hayt la messe,

Ils veulent mal à la noblesse,

Et ces sols voudroyent, volontiers,

Obstinez en leurs avarices,

Que fussions, comme les Suisses,

Tous païsans et chercutiers.

Mais je perds temps de le vous dire I Vous chérissez trop ce beau sire, Mais non pas tant luy que son bien, Car, si c'est que la [)aillardise Vous chatouille sous la chemise, Autant vous en peut faire un chien.

Et s'il porte en Docteur la robe,

Ce n'est à fin qu'il en desrobe.

N'entendant pas le Ciceron,

Mais c'est à (in qu'ayant ce tiltre,

Sa femme, un jour, comme une milre.

Puisse porter le chaperon;

Luy le bonnet à quatre cornes. Sans y comprendre les escornes Que luy ferez sortir du front, Si que, mordu de jalousie. L'amour, tnmblant sa fantaisie. Le rendra fol comme un levron.


i36 l'espadon satyrique

Et_, puisque c'est l'or qui vous meine, Pour conquérir de l'or sans peine, Donnez des cornes de Cocus : Car il y a de telles cornes, Comme les cornes de Licornes, Oui vallent deux cent mille escus.

Si Dieu me faisoit ceste grâce, Plutost que porter la besace J'irois au rang- de tels cocus : Car, ayant deux cornes semblables. Me voulussent mal tous les diables, J'aurois vaillant cent mille escus!


DE CLAUDE d'eSTERNOD 187


A LA OUINCAILLERE, OUI N'ESTOIT NY RICHE, NY NOBLE, ET FAISOIT LA DAMOISELLE

Satyre XIV {i)

Vous cherchez tant qu'on vous appelle,

Par le monde Madamoiselle,

Faites-vous besogner par moy,

Car celles-là que je besog-ne

D'un grand vid d'aze de Gascog-ne,

Sont hidalgos comme le Roy. (2)

Si Madamoiselle vous estes, Les limasses ne sont pas besles. Le bourreau est bon cavalier, Les brodequins sont hong-relines. Les cornes des pannaches fines. Et le musqué, c'est du fumier.

Contez icy vos seize lig^nes. Les proiiesses, les faicls insignes De Messieurs vos prédécesseurs, Dont les chausses se sont fripées Pour onc avoir porté espées Qu'en qualité de fourbisseurs.

(i) L'Espadon, Lyon, 1619 et éditions successives. (a) Correction. Tous les textes : hiclalgas.


i38 l'espadon satyrique

Ils ont plus porté de besasses, Dessus leur dos, que de cuirasses, Plus de couclioux que d'eperviers, Et n'ont porté plumes en ville, S'ils ne portoyent la volatille, Pour les festins, aux cuisiniers.

Ils n'eurent onc autres batailles Qu'en écorchant jusqu'aux entrailles Punaises, poux et morpions; J'en vis, l'autre jour, deux se battre, Portant pour rondache une tartre. Et deux pastez pour morions.

Pour les armes de vos grands pères.

Ce sont les quatre caractères (3)

Pris dans l'estandard ancien

De Rome, à qui l'on vous compare :

«Son Pere-grand, Ouincailler Rare, »

Mais c'est tousjours : « Si Peu Que Rien. »

Quand, pour vostre noblesse neuve. Il vous faudra faire la preuve, Faite escorcher aux charcutiers La meilleure de vos ouailles, Lors, sans le cul et les entrailles. Vous trouverez quatre quartiers.


(3) C'est-à-dire : S. P. Q. R.


DE CLAU[>K d'eSTERNOD i'^cJ

Si VOUS voulez qu'on vous appelle Très-justement Madamoiselle, Soufflez au trou de mon derrier, Vous soufflerez alors un verre, Car nul ne peut, en ceste terre, S'il n'est bien noble estre verrier.

Je vous prendrois pour la suivante De quelque Dame Présidente, Qui vient de Vitri le François ; Puisque l'habit sert à la mine, Le satin, mieux que l'estamine, Vous pareroit cent mille fois.

Vostre robe à la vieille mode, Balandran, jadis, d'un Herode, Déposera de trois mille ans. Racontant histoires et vies. Et ce que c'est des monarchies (4) D'Assiriens, Medes, Persans.

Un Juif m'a dit (}ue leur cabale Parle de ceste robe sale.


(4) Correction. Dans la i" édition :

El srait que c'est des Monarchies

Tout ce passade sur la robe est une réminiscence de VAnntomie d'un Manteau de Court, et de la Satyre du /'nurpoint, par Siçro^'ue, qui mit ce genre à la mode. Ou en trouve d'autres imitations dans les Mélanges Poétiques de Jean de Schélandre, et dans les Satyres Bastardes, i6i5 : La Métamorpltose d'une robbe et Juppé de salin blanc, reproduite dans les Satyres Régnier, 161G, et le Cabinet Satyr., i('.i8.


i/jo l'espadon satyriqub

N'ayant voulu vérifier Qu'en nostre primitive Eg-lise (5) Mesme robe portoit Moyse, Quand il alloit sacrifier.

Pour son antiquité très-grande, Tout le monde s'y affriande : L'on la veut pendre au Ghaslelet (Gardez qu'on ne la vous desrobe) Ainsi qu'on voit pendre la robe, A Montpelier, de Rabelet.

Les filets joints par la navette, Comme cordes d'une raquette Disposez en cent trous divers, Font que l'on voit, des cent années, Comme aux toiles des araignées. Un beau soleil tout au travers.

Vous portez là, crois-je, une cotte Qui vient du gain de vostre motte. Car vous avez mesme vertu Que l'escurieul qui, de sa queue Couvrant sa teste chevelue, A découvert laisse son eu.

Ceste cotte est bien damassée. Mais, las ! ell' est frippée, usée.


(5) Var. (Lyon, 1626) ;

Qu'en vostre primitive Eglise


DE CLAUDE d'eSTERNOD i4I

Et voil-on bien que les frippiers L'ont tant tenue, et retenue, Et dégraissée, et retondue, Qu'elle ne vaut quatre deniers.

C'est une musique sans notte Que le damas de vostre cotte, Et ces fueillag-es engraissez Me resemblent de nos grands pères Les tombeaux, dont les caractères Nous ne pouvons lire, effacez.

Eli' est, cesle cotte, crottée. Pleine de pluye, et tempestée, Comme un crapaut dans un marct ; Elle a esté incarnadine, (6) Mais elle a pris, dans la cuisine. Une couleur d'harenc soret.

Vous portez un moule d^estoupes, Enharnaché de petits houpes De papier bleu bien coloré. Un pendant de verre qui brille, Et dans vos cheveux, une ég-uille De quatre sols, cuivre doré.

Si vous portez quel([ue dorure. Dans les pluyes elle ne dure,


(6) Texte de Lyon, 1G2O. Dans la 1" édition Elle a esté incardine


i42 l'espadon satyrique

Car si lost qu'elle sent de l'eau, Sa couleur d'or n'est de durée, Et si quelqu'un la voit dorée, C'est seulement de l'orepeau.

Si dessus vous l'or est de mise. C'est au pan de vostre chemise. Le tout par règle Ii'ic dat oi\ Et vous avez. Dame superbe, Faict véritable ce proverbe : Tout ce qui luit n'est pas bon or.

Vos rabas de toile d'Holande La lessive tousjours demande, Savonnettes, et amidon, Et vostre ling-e est aussi sale Que la valise, et que la malle De Proserpine et de Plu ton.

Bien est vray que semblables toiles,

Plus que les astres, les estoiles.

Et les éléments, dureront.

Car, ayant ceste toile noire

Dix mille trous, faut-il pas croire

Que toujours ils s'élargiront?

Que l'on rédige en inventaires Tous vos fatras et vos affaires. Ils ne pourront monter jamais A un escu : car vos estraines,


DE CLAUDE d'eSTERNOD i43

Vos carcans, vos pendants, vos chaînes, Sont toutes faites de Jayais. (7)

Vous pensez estre des merveilles Ces deux petits pendants d'oreilles, Pestris de pasle de senteur; (8) Mais s'ils valent deux, trois oboles. Ils valent plus de cent pistoles. Jusqu'au dernier enchérisseur.

Vous avez si peu de richesses Qu'on tireroit plustost des fesses D'un asne mort un air d«; cour. Qu'un seul denier de voslre poche ; Vous estes un Echo de roche. Vous n'avez rien c[ue le discour.

Mon Dieu, (|ue vous estes sorette 1 Vous n'avez pas vaillant paillette, L'aveug-le voit tout vostre bien ; Et, tant plus vostre faict je sonde. Je voy que Dieu, comme le monde. Vous a faicte toute de rien.


(7) Correction. Tous les textes donnent ce vers faux :

Sont toutes faites de Geais. Nous donnons kjmjft l'orthoy^mphe que dut employer l'auteur, et qui trompa le typotrraplie. Cf. Glossaire. On remarquera que l'accord de g-enrc se fait sur le dernier substantif, chaisnes.

(8) Pendants d'oreilles, faits d'une résine odoriférante, sans doute de benjoin, et le plus souvent montée en forme de télé de nègre. Sigogne eu a parlé dans les Stances Satyriques contre l'Ollirastre Perrette :

Les Mores de parfum pendus à tes oreilles

Et ton mufOe bronze sont trois lestes pareilles,


i\\ l'espaoon satyrique

Quantesfois, pour passer la Seine, Avcz-vous d'espérance vaine Repeu messieurs les batteliers, Qui vous passent, sur l'espérance Qu'ils danseront la basse dnnce, Pour payement de leurs deniers !

Vostre bouche de commissaire Est sans doute pensionnaire De vostre g-rand eu de putain ; Il vous fournit de bas d'estame, Et le sot fourreau de vostre ame Sans C8 beau trou mourroit de faim.

Aussi chacun, dans son idée.

Ne vous estime outrecuidée,

Ne refusant point le devant

A toute sorte de personne ;

Mesme les gueux, pour leur aumosne,

Par dessus vous passent souvent.

Mais c'est trop vivre à la Françoise, Ma foy, c'est estre trop courtoise. De se soubmettre ainsi à tous ; Pourquoy permettez-vous, friande, Estant d'une maison si grande. Que tout chacun passe sur vous?

Estant d'une maison si grande, Comme voulez-vous qu'on entende La grandeur de ceste maison ? Vous estes moindre qu'une prune.


DE CLAUDE d'eSTERNOD l/jô

Et VOUS n'avez grandeur aucune, En vostre faict, sinon au con. (9)

Rayez doncques petite vieille, (10)

La qualité de Damoiselle,

Ou, si vous portez plus ce nom.

Je me diray Roy de Sicile,

De Grenade, Léon, Castille,

De Portugal, et d'Aragon.

L'habit jamais n'a faict le moine.

Car bien qu'en Roy et bien qu'en Royne

S'habille le comédien.

Cela n'est pas pourtant à dire

Que l'on doive traicter de Sire,

Ou majesté, l'homme de rien.

Que je n'en aye plus de plainte 1 Si de jurer estes contrainte, Jurez : foy de fille d'honneur, Et non pas : foy de Damoiselle, (n) Car quiconque vous nomme telle, S'il ne vent rire, il est menteur.


(9) Var. (Lyon, 1626) :

En vostre faict, sinon au en. (Cologne, 1G80) :

En vostre faict, sinon au c... Cf. Sigog'ne, Satire, Contre une Dame Maigre :

in vous mescog'nus dans les draps,

Où rien n'est grand, que vostre cas.

fio) Correction. Tous les textes donnent ce vers fau.x : Hayez donc, petite vieille,

(11) Ce vers manque dans rédilion de Lyon, 1626.


i46 l'espadon satyrique


L'HIPOGRISIE D'UNE FEMME

QUI FEIGNOIT D'ESTRE DEVOTE,

ET FUT TROUVEE PUTAIN

Satyre XV (i)

L'unique des sujects qui, par son élément,

Alimente mon cœur en son contentement,

C'est de voir bras croisez, comme une saincte Clere,

En terre le g-enoûil, en bouche la prière.

Les yeux levez au ciel, la saincte Eustochion,

Laquelle, tout de Dieu et de dévotion, (2)

En tout lieu qu'on la voit nous monstre bon exemple,

Et plus dans sa maison qu'à l'œil de tout le temple ;

Car ceste douce extase et ce ravissement

Ne veut masque, ny fard, pour embellissement. (3)

Jamais l'extérieur sa franchise ne touche,

Demandant nostre cœur plustost que nostre bouche.


(i) L'Espadon, Lyoa, 1619 et éditions successives. C'est une imi- tation de la Macette de Régnier. Voir les sources de ce dernier dans les cd. Brossette, Leng-let-Dufresnoy, Viollet-le-Duc, etc., sans oublier le Mathurin Régnier de M. Joseph Vianet, ni les remarques de M. Bru- not sur la Macette.

(2) Cf. Macette, v. 16 :

Elle a mis son amour à la dcA'otion.

(3) Cf. Macette, v. 17-18 :

Sans art elle s'habille, et simple en contenance, Son teint mortiflé presche la continence.


DE CLAUDE d'eSTERNOD I^?

L'hypocrite, à l'envers, bouffi de vanité, Donne du vermillon à cestc vérité. Et le pipeur qu'il est pense nous faire croire Que le fiel c'est nectar, que l'ebene est y voire. Le blanc estre le noir, et les enfers les cieux, (4) Tant ce fin enchanteur nous fascine les yeux. Mais le ciel, quelquesfois, par sa toute-puissance, Contrepointe ce charme et donne cognoissance Du monstrueux Thersite, à la fin devestu. Par un arrest divin, du masque de vertu.

Or, estant Franc-comtois^ Romain, et Catholique, J'ahis plus que Luther, et Calvin l'heretique. Ces nitouches cagots, ces sots torticollis. Oui, de mea culpa menteusement remplis, Veulent (}ue pour tres-saincts chacun les préconise. Cependant, tout leur jeu n'est rien qu'une feintise. Et telle est au sermon tant que le jour nous luit. Que j'ay veuë au bordeau tout le long- de la nuit.

Or, une j'en cog-nois de semblable farine.

Qui est une Laïs et fait de la Pauline,

Qui porte un habit faict d'hymmes et oraisons, (5)

De Grenades, de Jobs, et de cent Jean Gersons, (G)


(4) Cf. Ileg-nier, Eley. II, v. 273 :

tu voudrois faire accroire,

Avecque faux serinens que la neige fusl noire.

(5) Cf. Macetle, v. 14 1 :

U'un long habit de cendre envelopant ma flame,

(6) Cf. Macette, v 20, sq :

Elle lit sainct Bernard, la guide des Pécheurs, Les Méditations de la uiere Thérèse,

U


i48 l'espadon satyrique

Ayant le nez cag-ot avec la morg-uo eti(]ae. Comme un i>;e sol ré ut à crochet de musique; Son poil, cnlremeslé comme le grisouris, Est l'habitation des bien-heureux espris; Son œil fanfreluche comme un soldat d'Ostende ; Desaincte Marg-uerile ell' a leu la légende; (7) D'eau bénite elle n'a jamais assez parlé, Gomme de grain l)enit, pardon, et jubilé; (8) Ainsi qu'un vieil missel, son bec plein d'Evangiles Sçait que par placebo commencent les vigiles; Elle gringolte bien la guide des pécheurs ; (9) Elle sçait les sermons de cent et cent prescheurs ; S. Jean, Luc, Marc, Matthieu, sont dedans sa mémoire ; Hierome, et Augustin, Ambroise, et S. Greg-oire, Sont ses quatre cartiers; et a i*-losé, jadis. Le Talmud, en faveur des saincls de Paradis ; Elle theologise (10), et, dedans la Sorbonne, Trouvoyent les Bacheliers sa sentence fort bonne; Elle veut accorder l'Eglise et Gharanton, Et monsieur du Moulin avec Père Gotton, Jurant : puissance Dieu ! et le : ventre S. George! Que Jean Galvin mentoit mille fois par la gorg-e, Et que Luther esloit un fin rusé coquin ; Et du sieur Mahomet, parlant catexoquin.


(7) Cf. Macetle, v. 20 :

Les Meditatioas de la raerc Thérèse,

(8) Cf. Macetle, v. 27 :

Que valent chapelets, gT;iius bénits enfliez,

(9) Cf. Macetle, v, 20, sq :

Elle lit saincl Bernard, la Guide des Pécheurs,

(10) Cf. Macetle, v. 22 :

Sçait que c'est qu'hyposlase, avecque synderese ;


DE CLAUDE d'eSïERNOD I^Q

Asseuroit qu'elle avoit des fueilles piperesses

De monsieur l'Alcoran torché cent fois ses fesses ;

Elle dira combien les innocents Guenaux

Ont, dans leurs vieux haillons, de poux es hôpitaux.

Car, faisant la pieuse, elle les cpeluche.

Autant sur le burail que dessus la peluche,

Disant que l'on n'a pas la foy sans charité;

Tous les jours, de ses yeux, le temple est visitx^.

Et les g^ueux mendians, qui sont devant la porte,

Accusent ceste Dame estre de leur main-morte,

D'autant qu'elle leur doit à chacun un denier.

Soit d'aumosne ou de droict, fussent-ils un millier.

Et le contant à Dieu pour un, dans son idée.

Elle regarde alors si ell' est regardée.

Et luy semble vraiment que si, faisant du bien,

Un chacun ne le sçait, c<3lu ne sert de rien;

Empoulant de présents et bribes les cuisines

Des Carmes, Recollets, Ursules, et Béguines :

Chacun y a son pain, garnissant de son vin

Presque de tous Gon vents (i i) le grand Bourabaquin.

Que si quelque putain, pour le serre-croupiere, Se fasse seringuer et gratter le derrière. Lors, le moule du gant sur les tendres roignons De la belle, elle passe, et, sans frotter d'oignons Le cul, tant que le brassa force anéantisse,


(u) Cf. Macette, v. 23-24 ;

Jour et naict elle va de convcnt en convent, Visilc les saiQcts lieux, se coDfesse souveal.


i5o l'espadon satyrique

La chair on luy découpe à barbe d'escrevisse, Et n'y a chien, ne chat, par un fier marmiton, Pour avoir dérobé mieux frotté du baston.

Mais d'autant qu'elle sçait que ceste peau de fesse Recroit sept fois le jour à la tendre jeunesse, Et que, leur appliquant ses ventouses, la peau S'en fait plus délicate, aussi le teint plus beau : Meslant le vermillon avecques la ceruse, Sçavez-vous point que fait ceste horrible Méduse? Elle les fait raser comme du velours ras. Ou comme sur le port vous voyez les forsas. Faisant si bien la barbe à leurs sourcils d'ebeine, Que leur face, jadis belle et veneriene. Ne feroit harasser le g-rand diable d'enfer ! Les pauvrettes ont beau par attraits s'attifer. Ce n'est qu'une guenon, ce n'est plus qu'un vieil singe, Un haras à Marmot embeguiné d'un linge !

Cela n'est point mauvais, mais l'argent est meilleur,

Et si le gorgias ne dcmentoit le cœur.

Je priserois par tout si bonne conscience.

Si elle n'avoil pas du maudit con science !

Prier toujours son Dieu, avoir, par pieté.

Aux yeux d'un Crucifix tousjours l'œil arresté;

Il est bon de porter la haire et le cilice,

Pourveu que sous tel fard l'on ne cache son vice ;

Sa carcasse matter, discipliner sa chair, (12)


(12) Cf. Macete, v. 35 :

La voyant aymer Dieu, et sa chair maistriser,


DE CLAUDE d'eSTERNOD i5i

Pourveu qu'on touche fort et qu'on ne fouette l'air ;

Se monstrcr libéral sans se monslrer prodigue;

Il ne i"auL à son Dieu jamais faire la figue ;

Une feinte équité n'est pas une équité ;

Tout ce qui luit n'est d'or, mais double iniquité.

Et quoy que l'hipocrite entende le grimoire,

L'on cognoit à la fin qu'il en veut faire croire.

Ainsi je recognus, il y a quelques jours,

De ma saincte nitouche et les traiset les tours,

Et qu'elle, qui faisoit de sa chaste Diane,

Idolâtre Venus d'un culte assez prophane.

La nuict avoit jà dit : « Bon soir, messieurs, bon soir », Et crioit tout par tout : « Noir à noircir du noir! » Et les besles, messieurs, estoyent toutes à l'ombre. Quand moy, qui ne servois au logis que d'encombre, (i3) Je sorty de chez nous, morne, triste, pensif, Autant qu'au carnaval quelque vieillard rancif. Cela qui me faschoit esloit que sur ma bourse Un diseur de fortune avoit faict une course, El que je ne pouvois trouver un six escus Pour celles qui m'avoyent jadis preste leur fins. J'allois pedetentin (i4), comme un vieillard caduque; J'allois de ru(" en rur, on trratant ma pcruque. Feuilletant dans mon chef de invcntione.


(i3) Var. (Lyon, 162G) :

Quand à moy, qui ne servois au logis que d'encombre,

(i4) Cf. Mathurin Rcg-nier, Sal A, v. 217 :

Planchant fdclrnttm, s'en vint jusques à moy, Déjà employé par d'Eslcrnod dans Vlmportunité d'une DamoiseUe.


102 l'espadon satyriqub

Tirant et arrachant les poils de mon gros né,

Song-eant s'il y avoit^ pendant cesle nuict brune,

Moyen de moyenner la moyenne fortune.

Le diable me tentoit d'arracher des manteaux

Et de tirer la laine à quelques cocardeaux.

Et j'eus touché, peut-estre, en ces harpes modernes,

Si l'on ne m'eust coj^nu au brillant des lanternes.

Et si je n'eus pas craint qu'un Chevalier du Gay

M'eust faict faire aux prisons mon premier coup d'essay.

Je maugreois mon estre, et detestois, en somme,

Le père qui m'avoit faict naistre gentilhomme.

Disant que si le ciel m'eust créé roturier,

Je sçaurois, misérable, au moins quelque mestier :

Jouer du cul d'ég-uille, ou battre la semelle ;

Mais que ma qualité misérable estoit telle

Que je ne peus gaigner, ainsi qu'un tronc de bois,

Si ce n'est de mon bien quatre double tournois.

La fortune (disois-je) est-elle pas marastre

D'enrichir plus souvent quelque magot folastre,

Lourdaut, vilain poltron, casanier, peu paillard,

Que quehjue bon fripon, dont l'esprit fretillard

Feroit de ses escus plus belle délivrance

Que le plus grand banquier qui soit dedans Florence;

Qui alambiqueroit les Pintagorions

Des Crœsus, des Midas, et des Pigmalions?

Et cependant, helas ! un vilain soutaiguille,

Un cacquerafe sot, qui mange la lentille

Avecques la fourchette, et qui, de deux pruneaux,

Fera cinq cents repas et dix mille morceaux;


DE CLAUDE D'ESTERNOD i53

Oui, hideux, tient toujours une joue aussi maigre Qu'un vieil chat errcné c|ui a beu du vinaigre; Oui, pour n'humer jamais potage ny bouillon, Est tousjours eflanqué en cul de postillon; Oui ne veut au foyer jamais voir la marmite, Crainte d'user du beurre et du bois à la cuite ; Oui haït le barbier : qui, d'un tison de feux, Se fait gaillardement la barbe ei les cheveux ; Oui aura tous les ans dix mille escus de rente. Et des successions, voire plus de cin([uante; Et cependant, plustost du gozier d'un porceau On tireroit le sucre, et le miel d'un crapau, Avant que de tirer le patac, ny la maille. Des grands marsupiums d'une telle canaille.

Moy, è contrario, qui suis fort libéral; Qui suis un bon g'arçon (|ui n'y pense aucun mal; Qui sçay picquer le banc, petarder les assiettes, Et faire les plats nets, si Dieu ht les planettes ; Qui ne sens mon soucy metagrabolisé D'avarice jamais ; qui ay tousjours prisé Plus cil qui d'emprunter jamais ne se contente Que cil qui tous les jours met son arg-ent en rente; Moy qui sçay en fredons orgraniser les eus, Dames, auray-je point une couple d'escus?

Ainsi je mang-erois ma trairiquo fortune. Pour consolation, je n'en avois aucune; D'aller importuner en ce temps mes parens : Ils ne m'eussent pleigré pour un couple d'harencs. D'emprunter de l'argent sur quelque petit g:age :


i54 l'espadon satyrique

En ce temps-là, j'estois en petit équipage,

Ne sçachant à quel Sainct dire ora pro nobis ;

Déjà en pension estoyenttous mes habis,

Sayons, cappes, bonnets, pistolets, et flamberg-e,

Salin, et camelot, et baracan, et serge^

Et ne me restoit plus qu'un rouge balandran,

Trois chevilles de luth, ma brosse, et mon cadran,

Une carte d'artois, l'estuy d'une escoupette,

Un retrousse moustache, avec une éguillette. (i5)

Mais Dieu, qui ne veut pas qu'un baudet au besoing Meure faute de sel, de chardons, et de foing. Permit que j'entendis, dans quelques autres rues. Une troupe de Nains qui combattoyent les grues, (i6) Et qui faisoyent miracle avecques le baston. Moy, je fis aussitost un toile grabatum {i-j) Du fourreau de mon ame, en la rue prochaine. Crainte que ces coquins ne tirassent ma laine.


(i5) Cf. Berthelot, Satyre sur l'Inoenfaire d'un Courtisan, dans le Cah. Satyr. et l'ed. de Sansot, Paris. igi3 ; Regriier, Sat. XI, v. 181-200.

Ces inventaires devinrent fort à la mode ; la Satire du Débauché, d'Ang-ot de l'Esperonnière, dans les Exercices de ce Temps, en con- tient deux à elle seule, imités de Reg-nier. Voir aussi la Description d'un Bordel {Délices Satyr., 1620), par Tlicophile de Viau, qui s'est inspiré et de Reg-nier et de d'Esternod, et l'Inventaire de la Nymphe au petit museau dans le Rec. bigarré de l'Estoille. Il s'en trouve un autre dans la Satyre du S'^ de la Croix, analog^ue à celle de Macette. Saint-Amand a suivi la tradition dans sa (Chambre du Débauché, et Du Lorens, Satyres, i64G, dans sa Satyre XXV, où il imite surtout Reg'nier.

(16) Cf. Sig'Og-ne, Sonnet (notre éd. p. 43) :

Ce sera Nabolin qui conibatra la grue!

(17) Var. (Lyon, 1G2G) :

Jloy, je fis aiissi-lost un toile yrabaton


DE CLAUDE d'eSTERNOD i55

OÙ je ne fus si tost que j'entendis pctter

Les fenestres d'en-liaut, ou pluslost craqueter;

Je me tire à quartier, craig^nant l'odeur de l'ambre,

Et d'estre parfumé de quelque pot de chambre ;

Mais je comprins soudain que ce n'estoit cela,

La chambrière (i8) disant : « Hola ! monsieur, hola!

Je m'en vay tout soudain ouvrir preste la porte. »

Or, moy (|ui l'escoulois parler en ceste sorte,

Je pense incontinent qu'il y avoit du cas;

Toutefois, je disois : « Icy l'on ne fout pas ;

La Dame de céans est trop religieuse ;

Pour la servante aussi, c'est une vieille beuse. »

Et pendant que je veus le lièvre descouvrir,

Elle ne tarde pas aussi-tost de m'ouvrir.

Alors que je vis donc que ceste maquerelle

Me dit : « Entrez, Monsieur! » sans feu, ny sans chandelle,

Lors je m'imaginay : il ne faut dire mot,

On te prent pour un autre; et je n'estois point sot.

.le tiens pour ce soir là d'un Apostat la place.

« Montez, montez, Monsieur, disoit ceste carcasse.

Madame vous attend dedans le pavillon.

Vous n'avez entendu (crois-je) le carillon

De la cloche sonner; vous tardez-trop d'un' heure;

Voire, vous avez tort, c'est trop battre le beurre.

Mais paix! venez sans bruit, et me donnez la main. »

Et moy, je me pensois : il sera jour demain.


(i8) Ce mot était trissyllaltiiiiie. L'intervention de la chambrière rappelle l'entrée de Kcs'uier dans le mauvais lieu, Sat. X, v. 435:

et qu'une chambrière

Vouloil monslrer ensemble et cacher la lumière :


i56 l'espadon satyriquk

J'arrivay donc alors, sans flambeau ny chandelle,

Vers le lict de madame, et me couche auprès d'elle;

Sans siller, sans parler, sans mutir, sans toussir, (19)

Preste, je contenlay son amoureux désir.

Ha ! Dieu sçache, à ce coup, si sentant ce vidase,

Sœur cagotte, à l'instant, fut ravie en extase!

En fretin fretaillant, si de contentement

Ne luy eschappoit pas, presque, le fondement,

Et si, enrag^ement, dessus le lict qui tremble.

Elle ne pleuroit d'aise et rioit tout ensemble!

Lors, elle me disoit : « Mon petit Cupidon!

Baisotte-moy, mon cœur ! baise-moy, mon bedon!

Mon soucy ! cabinet de mes chastes pensées !

Bordel de mes amours ! soûlas de mes années !

Mon petit coiiillon gauche! » et autres mots lascifs,

Qui eussent mis en rut les mulets plus retifs.

Et moy, mot, petit bruit, muet, et taciturne,

Ainsi que le sommeil du silence nocturne.

Car je me repentois d'avoir logé mon train

Sur ceste vieille lice, et dans ce trou vilain.

Et me faschoit beaucoup qu'une sempiternelle

Pleine de requiem, une vieille allumelle

Aux yeux d'escarlatin, puans, et contrefaits.

Comme les sales trous de deux ordes retraicts,

Picourast les baisers des lèvres baiseresses

D'un qui n'a besogné jamais que les Déesses;

(19) Cf. Reg-nier, Sat. IV, A Monsieur Motin, v. 3i : Sans oser ny cracher, ny toussir, ny s'asseoir,

Ce vers même de Reg-Qier est emprunté aux Meslanges à M. l'abbé de Thiron, de Vauquelin des Yveteaux. Regriier ne put connaître que manuscrite ceUe pièce, qui ue fut publiée que beaucoup plus tard sous l'anonyme.


DE CLAUDE d'eSTERNOD i57

Si bien que, cognoissant que mot je ne disois,

Que dessus ses tétons ma main je n'ag'ençois,

Et que je n'estois pas en mon humeur ribaude,

Cog-nut qu'il y avoit, à la fin, quelque fraude.

Voulant de quelques cris et de larmes s'armer,

Par Jaqueline fit la chandelle allumer.

Alors, estant cogncu au rais de la chandelle,

Je luy dis promptement : «: Bon soir, Madamoiselle. »

Elle me repartit : « Quel grand diable, mon Dieu !

(Notez : diable, mon Dieu 1) vous ameine en ce lieu ? »

Je lui respond soudain : « Ma fortune maudile.

Qui vouloit que je sceus qu'estiez une hipocrite! »

Là dessus ne pouvant chanter alleluya.

Elle, d'estonnement demeuroit à quia,

Et ne sracliant, de peur, quel démon la tourmente,

Tanroit, et brocardoit la chctive servante, (20)

Me reprochant : « Monsieur, vous n'estes-pas secret:

L'on ne fait aux maisons pas seulement un pet

Que vous n'en abreuviez toute la republique!

Vous es:tes mesdisant, Poète Satyrique,

Qui dit tout, qui scait tout, et qui fait des discours

A tirelarig:ot d'un chascun dans la cour. » (21)

Apres plusieurs devis, pleins d'amours et de charmes,

Reg:rets entrecoupez de souspirs et de larmes,

Pour oster ce vaultour qui bec([uetoit son cœur,

(20) Var. (Lyon, 1626) :

Danruit, et brocardoit la cliclivc servante,

(21) Cf. Mncelte, v. 245, sq. :

Mais au reste, après tout, ccsl un homme à Satyre.


Ces hommes mesdisans onl le feu sous la Icvre, Ils sont malelineurs, prompts à prendre la chèvre. Et tournent^leurs humeurs en bizarres fnron.s ;


i58 l'espadon satyrique

Je liiy dit promptement : « Madame, n'ayez peur Qu'en ma discrétion vosire secret repose ; Je n'oserois jamais déceler telle chose, (22) Car mon honneur y est plus que vous eng-agé ! M'estimeroit-on pas quelque diable enrag-é, Moy qui suis au bouillant de ma verte jeunesse, Si je m'estois vanté de vous gratter la fesse, Vous qui n'avez amours, ny beautez, ny attraits (28) Que pour quelques faquins, ou porteurs de coutrets? Vous, de qui les tetins de peau de vieil reg-istre Brimbalent sur le ventre en bissac de belistre? (24) Qui toutes vos parois couvrez de vos crachats? Vous, dont le corps produit la vermine et les rats? J'aymerois -mieux mourir que dédire, madame, Que je fusse entaché d'un si mal-heureux blâme!

» Puis, quand je le dirois, on ne le croiroit-pas. Quoy ? qui croiroit que vous, de qui les graves pas (25) Preschent la modestie et la saincte abstinence,


(22) Var. (Lyon, 1626J :

Je n'oserois jamais déclarer telle chose,

(23) Correction. Le texte porte :

Vous qui n'avez amours, ny beautez, ne attraits,

(24) Cf. Sigog-ne, Sonnet (notre éd. io4) :

Vostre peau le revers d'un antique registre ; Vostre gorge pendante un bisac de belistre ;

Cf. Maynard, Ode sur une vieille ridée (Cab. Satijr., 1618, et ms. 884, anonyme) :

Vos tetins, dont la peau craquette Comme laurier qu'au feu l'on jette, A toucher ne sont point plus doux Que le dessus d'un vieu.-s. registre. Et, comme un bissac de belistre. Ils vous tombent sur les genoux.

(25) Cf. Macette, v. 47 :

Geste vieille Chouette, à pas lents et posez,


DE CLAUDE D ESTERNOD lOQ

Eussiez voulu commettre une si griefve offence? Vous, de qui les saincts jours on veut solemniser, Que comme la Massette on veut canoniser, (26) Et de qui, balançant les vertus infinies, L'on adjouste bien tost le nom aux Letanies? N'ayez peur que de vous on croye un pareil cas ; Quand bien on le verroil, on ne le croiroit-pas, Car la veuë de l'homme est de charme abusée, Et faussement ainsi fut Susanne accusée.

» Moy-mesme, je ne croy l'affaire que j'ay creu, Et croy qu'illusion est tout ce que j'ay veu ; Qu'une pollution, qu'un incube, qu'un songe Me rampe dans l'esprit, ceste ombre de mensonge M'asseurant pour plaisirs, et pour passetemps vrais. Des Chimères de nuicl qui ne furent jamais.

» Nature m'a donné bien assez d'artifice

Pour monstrer, toutesfois, que vertu c'est un vice,

Et monstrer au naïf qu'un Esope boussu

Est quelque Cupidon de Githeree issu.

Il ne faut, cependant, qu'un fredon de pistole.

Ou le son d'un escu, pour m'oster la parole :

Pour appaiser un dogue en ses rudes abois,

Jettez-luy l'os en g-ueule, il cessera sa voix;

Mais ne luy donnez rien, il abbaye sans cesse.


(26) Cf. Macette, v. 33-36 :

Pour Beale par tout le peuple la renomme, Et la Gazette mesme a des-Ja dit à Rome, La voyant aymer Dieu, et la chair maistriser, Qu'on n'attend que sa mort pour la canoniser.


i6o l'espadon satyrique

Ainsi, ne voulez-vous que mon discourt vous blesse,

Jetlez-moy l'os en bouche, el je seray sans son ;

Madame, un dix escus en feront la raison.

Car la nécessité me presse de le dire,

Et de vous déclarer librement mon niarlire. »

Elle me repartit : « Dix escus, les voila.

Qu'on ne parle jamais, donc, monsieur, de cela;

Que ce soit à jamais une chose tracée.

Et du livre de vie elle soit effacée.

Ne parlez ny de moy ny de ces dix escu ;

De mauvaise nouvelle ou doit torcher son eu,

Et d'une chose ainsi, que mal faicte j'advoiie,

Je ne désire point que le monde s'en loiie.

L'assassin bien discret par tout levé le né;

Le péché qu'est secret estdemy pardonné. (27)

Je n'en cog^nois que trop qui se donnent carrière,

Et qui font à chacun plaisir de la croupiez^e;

Mais ils sçavent couvrir leurs imperfections,

Tout scandale évitant, avec discrétions; (28)

Puis estant, voire, moins chastes que nous ne sommes,

Sçavent discrettement user des braves hommes. (29)

C'est espèce qu'amour de guerre et de combat,

Nous traictons en l'amour tout ainsi qu'en l'Estat.

Souvent, pour avancer il faut qu'on se recule;


(27) Cf. Macette, v. i44 :

Le péché que l'on cache est demi pardonné.

(28) ::f. Macette, v. 123-124 :

Elle a plus de respect non moins de passion, El cache ses amours sous sa discrétion.

(29) Var. (Lyon, 1626) :

S^-avcnt discrettement user de braves hommes.


DE CLAUDE d'eSTERNOD iGl

Le cœur se cognoit trop qui rien ne dissimule. Soyez au moins secret, si vous estes pécheur! (3o) Celle qui dit que non remédie à l'honneur. (3i) L'honneur, ce n'est que vent, ce n'est qu'une fumée (82) Qui ne g'ist qu'aux effets d'un peu de renommée; (33) Pour y remédier, il faut estre secret; (34) Vous avez beau vessir, si vous ne faite un pet. Vous pouvez démentir par le nez, par la gor^îe, Tous ceux-là qui diront qu'il sort de vostre forge. Ainsi, mais qu'on ne voyeel qu'on ne dise rien, (35) Nous serons, mercy Dieu ! tousjours femmes de bien. Et quand bien nous aurions du laict dans les mammelles, Nous preuverons encor que nous sommes pucelles ! Adieu doncques, monsieur, et qu'on n'en parle plus. »

Moy, je pris froidement ces petits dix escus, Et, luy disant adieu, je fis vœu de silence, Et de ne déclarer une si grande offence.


(3o) Cf. Desportes. Elé{/. III. Liv. II :

Pour Dieu, prenez-y garde, et devenez discrète. Ne soyez pas plus cliasle, ains soyez plus secrète,

(3i) Cf. Macelie, v. i44 :

Le péché que l'on cache est deniy-pardonné, II) ici. V. i48 :

Qui peut dire que non, ne pèche nullement.

(32) Cf. Macette, v. 97-59 :

Ces vieux contes d'honneur dont on rcpaist les Dames, A Monsieur de Réthiine. Sat. VI, v. 1^7 :

Qui nous gonfle le cœur de vapeur et de vent,

(33) Cf. Macelie, v. 90 :

Dans l'esprit des humains, un mal d'opinion,

(34) Cf. Maceite, v. 122 :

Elle n'est pas plus sage, ains elle est plus secrète.

(35) Cf. Macelie, v. i46 :

Le scandale, l'opprobre, est cause de l'offence.


102 l'espadon satykioue

Et, ruminant après toute mon action,

Je trouvay en mon faict double conclusion :

La première, que Dieu, lors que moins on y pense,

Aux pauvres afflig^ez donne de l'aleg-eance.

Ainsi qu'il fit à moy, en me faisant le bien

De dix petits escus, quand je n'esperois rien ;

Et l'autre, que ce Dieu faict de l'hipocrisie

Recog-noistre, à la fin, la cauteleuse vie.

Et la bouche sans cœur, ainsi que l'on peut voir,

En la Dame, aujourd'huy, qui nous sert de miroir.

Que tout le monde croit une chaste Pauline,

Et je croy qu'elle soit pire que Messaline.


DE CLAUDE d'eSTERNOD i63


CONTRE L'APOSTAT LEANDRE

AUTREMENT DIT CONSTANC.E GUENAR.

A MESSIEURS LES PRETENDUS REFORMEZ

DU LAC LEMAN.

Satyre XVI {i)

Si converty Guenar vous dites C'est à cause des bonnes truites Et des festins de vostre Lac ; Ce n'est pour croire vos histoires,

(i) L'Espadon, Lyon 1619 et ('ditions successives jusqu'en 1626. L'édition de 1G80 et celle de 1721 ont supprimé celte satyre et l'ont remplacée par l'Ode satyrique d'un amoureux à sa maistresse. Dans Le CallwUque franc-romlois, Lyon, i6i<j, cette satyre est intitulée : « Pour favklk a MKssncuas lics rivKXENDus Rf-i'ormez du lac Lkman ». Elle est su-ivie du sonnet suivant, dont Claude d'Esteraod est l'au- teur :

ANAGRAME

CONSTANCE GUENAR ENRAGÉ, SATAN, COCU. Sonnet. Qui ne le craindroiL pas ? c'est un monstre, Guenar, Qui porte sur le front six cornes d'apanag-e, Un couple il en reçoit de sa l;accliaiile rage. Qui le rend enrage ainsi (prun Leopar. Satan, qui cogrooissoit ce cauteleux renar. Qu'il voit comme Judas luy faire tout hommage, Henonf;ant à son Dieu, luy tll cet avanUiife Que de rendre Guknar comme Satan cornar. Genève, qui coguoit que cet Apostat traistre Quatre cornes portoit, les veut de deux accroistrc, En le rendant de l'reslre un infâme Cocu; Si qu'estant Eniiagk, Satan, Cocu, funeste, Guenar, tu porteras six cornes sur la teste : Hé! qui ne craindroit donc un monstre si cornu?


i64 l'espadon satirique

Vos ag-ios, et vos grimoires, Mais pour remplir son estomac.

C'est pour traicter son omoplate,

Ayant la g'org'e délicate.

Ne plus ne moins qu'un loup cervier

Il adore plus qu'une fee

La nape qu'il voit bien coiffée

De viandes, et de g-ibier.

Ce fut ceste délicatesse

Oui, d'une amorce piperesse,

Tira Guenar de son Couvent ;

Car, enseigné de l'Epicure,

Il protesloit que sa nature

Ne pouvoit pas vivre de vent. (2)

Si en voslre secte nouvelle, Pantagruel, et Galemclle, (3) Y auctorisent le bon vin. Et si madame friandise Est déesse de voslre Eglise, Guenar du tout suit le Calvin.

Si vous favorisez les traistres, Et si vous mariez les Prestres Contre le précepte divin. Leur faisant un maquerelage

(2) Var. (LyoD, 1G2G) :

Xe pouvoit que vivre du vent.

(3) Lire : Garg-araclle,


DE CLAUDE d'eSTERNOD [65

De quelque fille de passage, GuENAR du tout suit le Calvin.


Si vous ayniez offenccr, mordre, Les supérieurs de vostre ordre, Mesprisant le pouvoir divin, Faisant à Jésus banqueroute Comme Judas, Guenar, sans doute En tous ces poincts suit le Calvin.


Si vos esprits, en conscience. Ne pèchent pas par ig-norance, Qu'ils ayenl du flambeau divin Receu la lueur et la flame. Et ofFencent contre leur ame, Guenar du tout suit le Calvin.

Mais eussiez- vous tous les Apostres, Les cènes, et les patenôtres. Et vous n'eussiez-pas de bon vin, Des viandes bien savoureuses. Comme vos truites saumoneuses, Guenar du tout fuiroit Calvin.

Et n'estoit qu'il craint, en Bourg-ong-ne, L'Harpe, la prise, et la Gascongnc, En le trouvant hors du couvent, Luy promettant chère meilleure. Vous le verriez, à la mesme heure. Contre Dole fendre le vent.


iC6 l'espadon satyrique

Allez! la secte Calviniste, Apprestez, pour cet Anlichriste, Quelque Venus, quelque Junon, Et la couchez dans un beau ling-e, Sans considérer qu'à un Singe Tel que Guenar, faut la Guenon.

Vous, sorciers, par la cheminée, Criez : « Hymen ! ô Hymenée ! » Et après maints tours d'arlequins, Pour une si bougre alliance Courez tous, par resjouyssance, Baiser le cul à vos bouquins.

Vous, Meg-eres, et vous, bourelles, Assistez toutes aux nouvelles De ce tout amoureux duel ; Ne venez pas au mariage. Mais plustot au maquerelage D'un inceste spirituel.

Si, dans les voûtes etherées. Des substances incorporées Vous n'estiez, je croirois, en fin, Qu'à ce sujet, vous autres âmes. Auriez des corps, amours, et fiâmes. Pour engendrer quelque Merlin.

Merlin sortir de luy ? Que dy-je ! Le fruict est trop bon pour le tige,


DE CLAUDE d'ESTERNOD 1G7

En son genre il est trop mauvais, Et si l'Antéchrist il n'engendre, Il ne se veut dire Leandre, D'autres enfans père jamais.

Conservez donc ce fier coleuvre,

Qui doit bastir ce beau chef d'oeuvre ;

A le traicter n'oubliez rien.

Idolâtrez cet Antipape,

Mais gardez qu'il ne vous eschape,

Car Bourgongne s'en passe bien.


FIN DK l'eSî'ADON S.VTVRIOUE


GLOSSAIRE


DE


L'ESPADON SATYRIQUE


GLOSSAIRE

DE L'ESPADON SATYRIOLE


Aggravante. — Écrasé, acca- blé sous un poids excessif... Ce mot est vieux, et vieut du latin aggravare. Autrefois on disoit même en François Aggravan- ter... (Trévoux).

Alambiouekait (qui). — Qui ferait fondre, comme à l'alam- bic.

Albert. — Albert-le-Grand, ou, de son nom, Albert de Boll- sladt, fameux philosophe et théologien, né en i iy3, mort eu 1280. Rappelons qu'il commenta à l'Université de Paris la phy- sique d'Aristote, et que, la salle étant trop petite pour la foule des auditeurs, il dût professer en plein air sur une place qui porte encore son nom : Mau- bert, de Ma, abréviation de ma- gnas ou magister, et d'Albert, ou Aubert. On représentait tou- jours AlI)ert-le-Grand avec une longue barbe.


Albert. — (p. 94). Albert VI, Archiduc d'Autriche, gouver- neur, puis souverain des Pays- Bas. Il épousa, en iSgS, Élisa- beth-CIaire-Eugénie d'Autriche, fille de Philippe II et d'Elisabeth do France. Cette princesse lui apporta en dot les Pays-Bas catholiques et la Franche-Com- té. La paix de Vervins entre la France et l'Espagne lui permit de tourner sos armes contre les Hollandais.

Alebrotter. — Au mot al- botteur, Cli. V. de la l'ronos- ticalion pantagrueline, Le Uu- chat ditquelesa/lebuteurs sont de pauvres gens qui tracassent les vignes pour y grapiller. — Alebrotter voudrait donc dire grapiller, picorer, manger chi- chement.

Allmf.lle. — Lame, épée.

Ane d'or. — Rien de commun avec celui d'Apulée... Le poète


17'


L F.SI'ADON SATVRIQUE


veut dire qu'une forteresse, « fût-elle gardée d'un diable », serait corrompue par un âne chargé d'or, à qui les assié- geants feraient g-ravir les pentes et les talus, dans le dessein que l'on devine, et sans qu'ils eus- sent à s'expliquer davantag-e.

Anube. — Anubis. Rappelons l'histoire de Pauline, dont il est question dans la strophe. Un jeune homme, nommé Decius Mundus, conçut pour elle l'amour le plus violent. Ne pouvant la gagner ni par pré- sents, ni par prières, il résolut de se laisser mourir de faim. Une des affranchies de son père, nommée Idé, le consola et cor- rompit quelques prêtres de la Déesse Isis, qui firent savoir à Pauline que le dieu Anubis la voulait voir en particulier. Pau- line s'en sentit honorée et s'en vanta à son mari. Enfin, elle fut coucher dans la chambre du pré- tendu Anubis, où Mundus était caché. Quelque temps après, celui-ci l'ayant rencontrée lui révéla son subterfuge. Pauline pria son mari de la venger, et ce dernier alla se plaindre à Tibère, qui fit crucifier les prê- tres d'Isis et l'affranchie Idé. Il se contenta d'envoyer Mundus en exil.

Arboriseront. — Arboreront. Ancienne confusion entre arbo- rer et le verbe primitif arbori- ser, qui signifiait herboriser.


Armoisinisez. — Vêtus d'un taffetas de soie de couleur pour- pre, nommé armoisin. Il a existé un verbe armoisir, pour : teindre en pourpre, dont on re- lève, dans Rabelais, le participe armoisy.

AsMODÉ. — Ou plutôt Asnio- dée. Démon que l'on nomme encore Chammadaï et Sydonaï. C'est un de ceux qui possédaient Madeleine Bavent. Il passait pour le serpent qui séduisit Eve. Les Juifs faisaient de lui le prince des démons, comme on le voit dans la paraphrase chal- daïque. Il a trois tôles : la pre- mière, celle d'un taureau; la seconde, celle d'un homme; la troisième, d'un bélier. Il a une queue de serpent, des pieds d'oie, une haleine enflammée. Il se montre à cheval sur uq dragon, portant en main un étendard et une lance. Il est sou- mis par la hiérarchie infernale au roi Amoymou. Cf. Wierus, Pseudomonarchia dœmon.

AucosTÉ. — Voir Haut-costé.

Rahus. — « Coffre couvert de cuir, dont le couvercle est arrondi en forme de voûte ; plusieurs ne croyent pas pour- tant qu'il soit de l'essence du bahut d'être tel. Ce mot vient de bajiilo, selon Nicod, à cause qu'on le porte sur des mulets... jl n'est plus guère en usage, et en sa place on dit coffre. » (Fu- retière).


GLOSSAIRE


173


Balagni. — Jean de Monlliic. sieur de Balag-ny, prince de Cambrai, maréchal de France.

Balanouan. — Manteau. Ce mot, déjà archaïque du temps de d'Esternod, n'était plus usité, dit Furetière. que dans le style simple et comique.

Il est parlé de balandrans en 1226, dans la règle de Saint-Be- noît.

lîARACAN. — Boiiracan, tissu de poil de chèvre, qui servait aux manteaux de pluie.

Bardachk. — Cinède. Italien : Bardasso.

BASSE-coNTnE. — En ce sens : la contrebasse.

Basse DANCE. —Pris au figuré, dans le sens erotique. Au propre, les danses-basses, dit le Dicl. de J'révoii.r, étaient « les danses régulières et communes, telles que sont celles des honnêtes gens : ces sortes de danses furent ainsi nommées pour les distinguer des danses irrégu- lières, accompagnées de sauts, de mouvements violents... telles que sont les danses des Panto- mimes et des Saltimbanques : ces dernières... se nommaient danses par haut... »

Bavard. — Cheval des Ouatre- Fils Aymon. II fut donné par la féeOriande; il était /ae aussi.

Beausse {hobereaux de la). — La pauvreté des gentils- hommes baucerons était pro- verbiale. Cf. Oudin, Curiosités


françoises : gentilhomme de la Beausso, qui se tient au lit pendant qu'on refait ses chausses. On dit autrement : qui vend ses chiens pour avoir du pain. Montfleury fitjouer en 1670 une comédie, en vers, inti- tulée : Le Gentilhomme de De au ce.

Becques-cornus. — Maris trompés. Italiani.sme : Decco- coriuito. En français, l'on di- sait becu.

Belistre. — Mendiant.

Beuse. — Buse.

BiAS LE 1M11LOSOPHE. — Un des Sept-Sages de la Grèce. Valère Maxime dit que sa ville natale, Priène, en Carie, ayant été as- siégée, les habitants prirent la fuite, emportant ce qu'ils avaient de plus précieux. tUas fut le seul qui partît les mains vides, sur quoi, ayant été inter- rogé, il répondit qu'il portait tout avec soi.

BiGQUEUAY. De biqner, forni- quer.

BoissAT (de). — Malgré son jeune âge, en 1619, il s'agit cer- tainement ici de Pierre de Bois- sat, dit Doissat l'Esprit, et non de Pierre II de Boissat, son père, qui mourut en iGi3. Notre Bois- sat naquit à Vienne, en Uau- phiué, en i6o3, et mourut le 28 mars 1662. L'Abbé d'OIivel, dans son Hist. de l' A r ad. fran- çaise, dit (|u'il <( fut dès l'en- fance un |)ro(lia:ieux talent pour


174


L ESPADON SATYRIOUE


les vers ». Au sortir du collège, il s'eng-agea dans les troupes du Connétable de Lesdiguières qui marchait contre les Hugue- nots du Vivarais. 11 visita Malte et fit naufrage à son retour sur les côtes du Languedoc. Protégé par le gouverneur de cette pro- vince, Henri de Montmorency, il le quitta cependant pour suivre Lesdiguières dans sa campagne contre les Génois. En 1G27, il se trouve au siège de l'île de Ré, et l'année suivante à celui de La Rochelle, d'où il revint à la suite de Gaston d'Orléans. C'est dans l'entourage de ce prince, ami des lettres, qu'il connut Raudoin, Faret, Théophile de Viau, Nicolas Bourbon, Saint-Amant et Gucz de Balzac. Gaston le fit gentil- homme de sa chambre, le prit pour confident, et l'emmena avec lui en Lorraine, en Flandre et en Allemagne. De retour en France après la bataille de Nort- lingue, Boissat entra à l'Acadé- mie, qui venait d'être instituée par Richelieu. 11 voyait la for- tune lui sourire, lorsqu'en iG30, étant à Gi^enoble, il eut la fâ- cheuse idée d'assister, déguisé en femme, au bal du Comte de Sault, l^ieutenant du Roi en Dauphiné. « Il s'y servit, dit d'Olivet, du privilège qu'ont les masques pour tenir des propos libres à Madame la Comtesse de Sault. » Elle s'en offensa, et


le fit battre le lendemain par les valets de son mari. Cette affaire ne s'arrangea qu'au bout de treize mois ; mais il avait perdu toute idée de repa- raître à la Cour, et la noblesse dauphinoise l'avait contraint de se retirer à Vienne, où il épousa par consolation Clémence de Gessans, nièce dun Grand Maître de Malte. Il tomba vers la fin de ses jours dans une dé- votion exagérée, qui le faisait catéchiser dans les rues, vêtu d'habits grossiers, les cheveux et la barbe en désordre. « En un mot, dit d'Olivet, il ne vou- lait nulle différence entre les vertus d'un Cavalier et celles d'un Moine. » Christine de Suède passant par Vienne en i656, on pria Boissant de la haranguer à la tête des principaux de la ville. Mais sa malpropreté et son sermon pathétique sur une matière lugubre comme le mé- pris du monde lui fit dire que ce n'était point là le Boissat qu'elle avait connu, et qu'un Prêcheur avait emprunté son nom. Après quoi elle refusa de le revoir. L'ami de Nicolas Cho- rier et aussi de Théophile, qui l'appelait son fils, a laissé de nombreux ouvrages, dont quel- ques-uns, en latin, sont les re- lations des campagnes qu'il avait faites. Nous citerons seulement VHistoire Nègrepontine, Paris, i63i, in-8, parue sous le nom


GLOSSAIRE


170


de Joan Baudoin, et qui fournit à La Calprenède les principales situations de sa Cassandre ; — Les Fables d'Esope, illustrées de Discours moraux, Paris, 1(333, in-8; — Relations des des Miracles de Notre-Dame de l'Ozier; avec des vers à la louange de la Sainte Vierge en cinq langues (grecque, latine, espagnole, italienne et fran- çaise), Lyon, 1659, in-8; — Pétri de Boissat opéra et operuni fragmentahistoricaetpoetica, in-fol., s. 1. n. d., etc. Cf. N. Cho- rier, Ilist. du Dauphîné ; — Niceron, Méni. Xlll et XX; — Gui Allard, Bibl. du Daupliiné, et surtout la thèse et l'ouvrag-e français de M. G. Latreille : Petro Boessatio, Vienne, 1899 ; — Pierre de Boissat et le mou- vement littéraire en Daupliiné, Grenoble, 1900.

BoLONGNE. — Boulogne, cé- lèbre par ses saucissons. Cf. Le- roux de Lincy, Prov. franc.

130NNET A QUATRE CORNES. —

] )it aussi bonnet carré, que por- taient les g-ens d'Eglise, les gens de Justice et les Docteurs de l'Université. L'auteur équivoque sur les cornes.

BoNNETTENT. — De bonueler, solliciter quelqu'un, lui faire la cour, en lui faisant bien des révérences. (Trévoux.)

BoRDiN. — Bâton, do bour- don, qui dérive de bourde, même signification, lequel


semble venir du haut al'.em. port, ais, planche. Ital. : bor- dône.

BouFETADE. — Soufflet. De buffet, que Du Cange dérive de buffa.

BouRABAQUiN. — Gourde de cuir, ou grand verre à boire. Dans le texte, il s'agit d'une outre ou d'un jarre à mettre le vin.

Bracmard. — Sorte de courte épée, ou de coutelas. Son nom vient de ce qu'on le portait sur les bragues. On dit plus ordi- nairement braquemard. L'au- teur joue sur le sens obscène.

Bragant(Se). — \^Q braguer, se parer, faire le glorieux. Z/ra- guer vient de brague, haut de chausses que portaient les gens riches. Brague finit par dési- gner le luxe dans les habits. Cf. Apologie pour Hérodote, p. /.54.

Bragardants. — De bragard, brave, ajusté, mignon. Il faut entendre fringants comme un cheval de cinq cents rixdales. Voyez (^ouRTAUT.

Breaignes. — Brehaigncs, Stériles.

Bresse (gentil de). — Même signification que hobereau de la Beausse. Voir Beausse.

Bridoves. — Sots, qui pense- raient brider les oies. C'est le même mot que Bridoyson.

Brioue. — Ou briche, sorte de jeu de crosse : « Aucunes bacheletles jouant au jeu ap-


176


L KSPADON SATYRIOIJE


pelé la briche » (Texte cité par Lacurnc). — « Plusieurs gens qui jouent au geu de briche » {ici. ibi(L). On a souvent équi- voque sur ce jeu et l'acte véné- rien :

Eur et ineseur est le gieu de la

[brique ;

Qui est eureus, chascun lui donne

[et offre.

(Eust. Deschamps).

La brique ou bricolle était proprement la balle du jeu. Donc, en auoir la brique si- g'nifle parvenir à ses lins en amour. Il s'attachait aussi à cette expression une idée de ruse, de voie indirecte et dé- tournée. Cf. Lacurne. Brique, et Bricole, texte et notes.

Brottez. — Broutez.

BuuscAMBiLLE. — Dcslauricrs, dit..., comédien du xviic siècle, qui vivait encore en 1634. Après avoir joué à Toulouse, il vint à Paris vers 1606, et entra dans la troupe de l'Hôtel de Bour- gogne. Ses équivoques et ses joyeusetés faisaient les délices du public. Il fit imprimer en 161 2 : Les Fantaisies de Brus- cambille, contenant plusieurs discours, paradoxes, liaran- ffues et prologues Jacétieux. Cet ouvrage eut un si grand succès qu'il fut réimprimé plus de vingt fois jusqu'en 1741 sous des titres diiférents. Les éditions les plus complètes sont les (Euores de Bruscambilie, de 1619 et celles de i634. Pour les


autres, cf. Brunet, Manuel du Libraire.

Brusquet. — Bouffon de cour, mort en i563. Il eut l'emploi de fou sous François W, Henri II, François II et Charles IX. Il cu- mula ces fonctions avec celles de valet de garde-robe, de valet de chambre et de maître de poste. Sur les tours et bons mots de Brusquet, cf. Bran- thôme, Grands Capitaines, chap. xxxii. M. le Mareschal Strozze; — H. Estienne, Apol. pour Hérodote, XXI ; Perro- niana, 1691, p. 30; — De Billon. Le Fort inexpugnable du sexe féminin, i555, p. 24.

BuRAiL. — Espèce de serge ou de ratine.

Busqué. — Morceau de bois, d'yvoire ou de baleine, que les femmes mettent dans les corps de Juppé par devant pour les tenir droit. (Furetière.)

Cagquerafe. — i\Iot inconnu, mais sans doute déformé par une faute d'impression. Nous proposons Caquerasse, ou Ca- guerasse, fait de cagueur et de la terminaison fréquentative asse. Cesi-k-dire foireux. Quoi qu'il en soit, on trouve dans Rabelais, L. IV, ch, xxix, un mot qui semble se rapprocher du notre : « Un grand avalleur de poys gris, un grand caque- rolier. »

Cadran. — Boussole, ou ca- dran solaire portatif. Cf. Sorel,


GLOSSAIRE


177


Francion, p. i.lô : « Pas plus grand qu'un cadran au soleil à porter en la poche. »

Caïmandement. — Qucmande- ment. « C'est ceux que je veux mettre en eschec, hors de train et au caïmandemcnt de leur infâme vie », C'est-à-dire qu'il veut les contraindre à mendier.

Calamité. — La pierre d'ai- mant. Ou la rangeait parmi les pierres précieuses, comme on le voit par divers auteurs, no- tamment Rémy Belleau. Mais il y eut certainement confusion avec la cadmie, cobalt fossile mélangé de zinc et de bismuth, car l'on sait que la pierre d'ai- mant n'est guère séduisante par sa couleur.

Caouessangue. — Ou mieux : Car/aesangue, dysenterie, flux de sang-.

Carcans. — Colliers.

C-AROLER. — Danser.

Cas. — Cazzo : Parties sexuelles de la femme.

Cassade. — Ruse, feinte.

Casse. — Mange. « Oui-dà, dit-il, messieurs, je le ferai, mais que j'aie disné. — Et cas- sait toujours » (iîon. des Périers, noiiv. GV). — Au xviiic siècle, on disait casspr la gigue pour manger le gigol. Cette expres- sion argotique s'est conservée de nos jours, dans casser la croûte.

Cassines. — Petites maisons. liai. : cassina.


Catexoquin. — Mot tiré du grec, h l'exemple des mots bur- lesques de Rabelais. Do /.a-'j- Ç07 ûv, élevé, d'un rang supérieur. Langage relevé et comme ins- piré.

Caute. — Avisée, subtile.

Caveçons. — Bride ou muse- rolle qui sert à dresser les che- vaux.

Celle. — Pour : selle. Dans le sons d'aller à la...

CÉSAU. — « Charlatan qui vivait à Paris sous Henri IV, et qui était astrologue, nécroman- cien, chiromancien, physicien, devin, faiseur de tours magi- ques. Il disait la bonne aventure par l'inspection des lignes de la main. Il guérissait en pro- nonçant des paroles et par des attouchements. II arrachait des dents sans douleur, vendait assez cher de petits joncs d'or émaillés de noir, comme talis- mans qui avaient des proprié- tés merveilleuses contre toutes les maladies. 11 escamotait ad- mirablement et faisait voir le diable avec ses cornes... Le bruit courut à Paris, en iGii, que l'enchanteur César et un autre sorcier de ses amis avaient été étranglés par le diable. On publia môme, dans un petit imprimé, les détails de cette aventure infernale. Ce qu'il y a de certain, c'est que Cx'sar cessa tout à coup de se montrer. Il n'était cependant pas mort; il


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L ESPADON SATYRKjU


n'avait même pas quitté Paris. Mais il était devenu invisible comme quelques autres que l'État veut se charger de loger » (Collin de IMancy. Dict. Infer- nal.) Voir ce qu'en dit L'Es- toile, oct. 1608.

Chaland. — Ou chalan, pain blanc et massif comme celui de Gonesse, et nomme chaland parce qu'il était le pain ordi- naire des chalands d'un bou- lang-er. Cf. Régnier, Sat. X, V. 320 :

Mais retournons à table où l'es-

[clanche en cervelle.

Des dents et du chalan separoit la

[querelle-

Chalemie. — Chalumeau, es- pèce de musette. C'est plus pro- prement ce qu'on appelle la cornemuse. La chalemie est dif- férente de la cornemuse en ce qu'elle n'a point de bourdon (Furetière). Ici, la Joue.

Chaperon. — Équivoque sur le chaperon que portaient les gens de jurisprudence et le cha- peron ou mître que l'on faisait porter aux prostituées, sorcières et proxénètes, quand, pour cause de délit, on les promenait nues à travers la ville, ou qu'elles étaient exposées au pi- lori. Voir Bonnet a quatre

CORNES.

Charle. — Voir Roy Charle. Cheouin. — Sequin. Cuevances. — Biens d'une personne.


Chevêche. — Chouette.

Chicque chacque. — Onoma- topée de la langue erotique, analogue à cliquon-cliqiielte, pour désigner l'acte vénérien.

Chiragre. — Mot grec que l'on doit prononcer Kiragre, remarque Trévoux. Goutte des mains, qui en affectait la partie externe. On le disait surtout en langue de fauconnerie pour dé- signer une maladie des serres. Ital. : Chiragra.

CuouÉ. — Chouette.

Clavicula. — C'est-à-dire pe- tite clef. Mais ou ne l'emploie guère qu'au pluriel dans le sens qui nous occupe. Il s'agit des C/awiCu/es de Salomon, ouvrage que l'on attribue à ce prince, et qui contient des conjurations et des formules magiques, par lesquelles on peut acquérir, prétendaient les occulistes, une partie du pouvoir que Salomon avait sur les esprits.

Cler de gru. — Potage de gruau, c'est-à-dire de farine d'orge ou d'avoine.

Clunes. — Fesses (latinisme). Ce mot savant a passe dans l'ar- got classique.

COCARDEAUX. Ou Cor/MOr-

deaiix, galants, mirliflores.

Coco d'Inde. — Dindon.

CoLEuvRE. — Couleuvre, ser- pent.

CoLLis. — Coulis, jus de viande.

CoLLisE (Porte). — Pris au


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figuré. L'une des portes monu- mentales qui s'ouvrent sur le Colisce, soit l'Arc de Constan- tin, soit celui de Titus.

Commissaires (vieux). — Par analogie avec les grands Com- missaires du Grand Conseil, qui étaient choisis parmi les plus anciens Conseillers de chaque Chambre, et qui, avec les deux Présidents, jugeaient souverainement des procès où il y avait plus de cinq chefs ou articles. Cf. Furetière.

Consumé. — Consommé {cni- ^ine).

CoROBORER. — Corroborer, dans le sens ancien d'ajouter à la force que tient de sa consti- tution le corps ou une partie du corps.

CoRRiVAL. — « Vieux mot qui signifioit originairement celui qui tiroit de l'eau d'une même source qu'un autre; qui la con- duisoit parmi même canal pour la faire venir sur ses terres. Depuis, on l'a dit de ceux qui étoient concurrens et compéti- teurs ; qui avoient les mômes prétentions, soit de gloire, soit d'amour; qui couroient dans la même lice; qui aimoient une môme femme. Il est aboli : au- jourd'hui', on dit seulement ri- val dans la même signification » (Furetière.)

CosTiGUES. — Mot que nous n'avons pas rencontré dans les lexiques. Il semble venir, ce-


pendant, du provençal coii- tiga, chatouillement, ou de coiistija, chatouiller. Ce serait alors une maladie de peau ana- logue à la grattelle.

Cosi cosi. — Italien : ainsi ainsi. L'auteur l'emploie, comme cliqaon-cliquette, dans un sens erotique. De cosi-cosi est venu couci-couci.

Coton (Père). — Le P. Pierre ('otton, surnomme VOraieur, Jésuite et prédicateur du roi. né à Néronde, dans le Forez, en i56/'j, mort à Paris, le 19 mars 1626. Protégé par le maréchal de Lesdiguières, il réussit à s'at- tirer la confiance d'Henri IV et en devint le confesseur. Après le meurtre du roi, il essaya de défendre son ordre des accusa- tions dont il était l'objet, en publiant : Lettre déclamatoire de la doctrine des pères Jé- suites conforme aux doctrines du Concile de Constance, 1610, in-i.?, mais il s'attira des répliques; la plus connue est l'/l n//-Co//on, Paris, i6io,in-i2. II devint directeur de conscience de Louis XIII, ce qui faisait dire : « Notre prince est bon, mais il a du coton dans les oreilles. » Cf. Le P. d'Orléans, Z,a Vie du P. Cotton, Paris, 1688.

CoRTAu. — Pour : courtaud. Nom burlesque du membre viril.

CoucHoux. — Coucous.

CouRDE. — Courge; du pro-


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l'espadon satyrique


vençal coagourdo. Cf. Darmes- leter : Courge et Gourde.

GouRTAUT. — Ou courtaud. Ne pas confondre avec courtaud de boutique. Il s'agit ici du cheval ainsi nommé parce qu'il était écourlé de la queue et des oreilles. « Courtaut de cinq cents ric/ieiales. »

CouTRETs. — Cotrets.

Cygoignes. — Le poète sati- rique Charles Timoléou de Beauxoncles, sieur de Sigogne. Voyez le recueil de ses Œuvres Satijriques complètes, avec notre Discours Préliminaire, Paris, L'Édition, 1920.

Crepide. — Sandale (lati- nisme).

Creuse. — Creuse épousa Ja- son, après qu'il eut répudié Médée. Celle-ci envoya à Creuse une petite boîte d'où sortit un feu qui embrasa le palais.

Creux-Manoir. — L'Enfer.

Cube. — Faire le cube, en as- tragalomancie, est opérer la di- vination par les dés. Le poète veut dire qu'on ayant recours à la Vieille qu'il vitupère, Pau- line eût connu que son destin était de coucher avec Décius, et qu'elle se fût rendue aux rai- sons de l'entremetteuse, sans que Décius eût eu besoin de recourir au stratagème d'Anu- bis. Voir Anube.

Cymbales. — Clochettes. Du Cange cite des auteurs chrétiens de la basse latinité qui désignent


la cloche de l'église et celle du réfectoire par cymbalum.

Debifez. — Dérangés, désor- donnés.

Decie. — Décius Mundus. Voir Anube.

Dequoy (Le). — L'argent, ce qu'il faut. « Les courtisans, voyeut que rien ne rend les hommes sujets à la cruauté du tyran que les biens; qu'il n'y a aucun crime envers luy digne do mort que le de quoy. » La Boëtie, Servit, volont.

Despendre. — Dépenser.

DiAMERDis. — On ne sait où Cotgrave et Oudin ont pris que le diamerdis fût une confection de sauge sauvage. C'est un mot burlesque, formé comme dia- margariion ou diamorum, de l'ancienne pharmacopée. Et ce n'est rien d'autre que de la plus Jine... Cf. Roger de Col- lerye, éd. i855, 199 :

Quelqu'un la cliquette pourvoit. Autant les lundys que m;u\lys, De bran ou de diamerdys.

Draque (Le). — Sir Francis Drake, célèbre navigateur an- glais, vo^\o-i'Mf). On sait que Drake fut un des jjlus terribles adversaires de l'Espagne dans les Indes Occidentales, où il fit un grand butin à différeutes re- prises. Aucun des grands voya- ges entrepris depuis Magellan n'avait eu un succès compa- rable au sien.

Du Moulin (Pierre). — Ce ce-


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I»I


lèbre Ihéolog-ien protestant, né le i8 octobre 1508 au château de Buliy, mort à Sedan, le lo mars i658. Il fut appelé à la Cour d'Ang-leterre en i6i5, etJacqucs 1er le chargea de rédiger une Confession propre à unifier le protestantisme, lletiré ensuite à Sedan, il y professa la théolo- g^ie. Il soutint d'ardenlos con- troverses contre Cayet, Du Per- ron et La Milletière, et laissa de nombreux ouvrages dont on trouvera la liste dans la France Protestante de Hnag.

DuKANDAL. — Epée de Ro- land.

Errené. — YYerrener ou es- rener. P"ouler ou rompre les reins. C'est la même chose qu'éreinter.

Erroné. — Voir ci-dessus.

Erte (à /'). — Orthographe primitive d'a/er/e. Le mot vient de l'italien /are all'erta, être au guet. Cf. Montaigne, Liv. I, 19 : « Se tenir à l'airte. »

EsBiÈRES. — Sbires.

Escarpe. — Chaussures. Ita- lien : scarpa, dont le diminutif scarpino a donné escarpin. Le poète veut dire que l'on entend pas marcher cet a esprit».

EscoRNEs. — Affronts.

EscouPETTE. — Escopette.

Espadon. — Grande épée à deux mains.

Estame. — Etamine.

Estoc. — Epée, au propre, et.


dans le sens erotique, membre viril.

ESTRAINGUILLONS. — PoUr :

estranguillons. Maladie qui prend à la gorge, qui l'enfle et qui empoche la respiration. C'est un mal qui vient particulière- ment aux chevaux. Ce mot vient de stranguillo, qu'on a dit dans la basse Latinité dans le môme sons. (Furetière.)

KxERCiTEs. — Armées.

Fagot (Henry). — Il n'existe rien sur ce poète.

Faret (Nicolas). — Né à Bourg-en-P.resse, vers 1600, mort à Paris, en lô/jr). Il vint jeune à Paris, avec des lettres de recom- mandation de Méziriac pour Vaugelas, Boisrobert et Coëffe- tcau, auquel il dédia une tra- duction d'Eutrope, en 1621. « Il languit longtemps à Paris, dit Pellisson, sans trouver aucun emploi. Enfin M. de Boisrobert et quelques autres de ses amis le donnèrent pour secrétaire à M. le Comte d'Harcourt. » Par l'intermédiaire de Boisrobert, il persuada à Richelieu qu'en s'at- tachant le comte d'Harcourt, .sans chercher à rallier ou sa mère ou le duc d'Elbcuf, son frère aîné, il diviserait la mai- son de Lorraine, et ainsi l'ahai.s- serait facilement. Richelieu donna donc les premiers em- plois à d'Harcourt et fit du même coup la fortune de Farot. Celui-ci suivit son maître dans


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l'espadon satyrioue


son expédition contre les îles Saint-Honorat et Sainte-Mar- guerite. On sait que le bon gros Saint-Amant était de la partie. Le nom de Faret lui fournis- sant une rime à cabaret, il fail- lit laisser du pauvre homme un réputation de débauché fort in- justifiée. Le principal ouvrage de Faret est V Honnête Homme, imité de Balthazar Castiglione. Ce traité lui valut d'être pré- senté par Malleville dans le cer- cle de Conrart, qui devint peu après l'Académie. Ce fut lui que l'on chargea d'en dresser le projet. « 11 fut marié deux fois, dit Pellisson, fort richement, particulièrement la dernière. On tient qu'il mourut fort ac- commodé, quoy que, par une reconnaissance loiiable, il se fût diverses fois engagé pour secourir Monsieur de Vaugelas en ses affaires, ce qui faillit à gâter les siennes propres... 11 a laissé un fils de son premier mariage, et d'autres enfans du second. Il étoit homme de bonne mine, un peu gros et replet, ctavoitdes cheveux châ- tains, et le visage haut en cou- leur... » Outre VHonnête Hom- me où l'Art de plaire à la Cour, Nicolas Faret a laissé les ouvrages suivants : Histoire chronologique des Ottomans, à la fin de V Histoire de Geor- ges Castriot, recueillie par J. deLavardin, Paris, 1621, in-40;


— Histoire romaine d'Eutro- pius, Paris, 1621, in-i8 et in- fo!.; — Des Vertus nécessaires à un prince pour bien gou- verner ses sujets, Paris, 1628, in-40 ; — Recueil de Lettres nouvelles (dont 10 des siennes), Paris, 1627, in-8; en plus de quelques autres ouvrages de mémoires, quelques poésies éparses dans les Recueils. (]f. Fréd. Lachèvre, Bibl. des Rec. Coll. de Poésies, 1901.

Farcineux. — Qui souffre de la maladie purulente propre aux chevaux, et nommée far- ci n.

Farine (Jean). — Farceur du Théâtre du Marais et de l'Ilotel de Bourgogne, qui, secondé par Bruscambille, proposait au pu- blic des panacées burlesques. Cf. J.-B. Gouriet, Personnages célèbres dans les rues de Paris, 181 1, t. 1, 1O4, sq.

Feu Sainct-Antoine. — Aussi nommé Mal Saint-Fiacre : hé- morroïdes.

Fient. — Fiente.

Figue (faire la). — Mépriser quelqu'un, le braver, le défier, se moquer de lui. « Ce proverbe, dit Furetièi'e, vient aussi de l'italien, Far lajlca. 11 tire son origine, à ce que dit Munster et autres auteurs, de ce que les Milanois s'étant révoltés contre Frédéric, avoient chassé igno- minieusement hors de leur ville l'Impératrice, sa femme,


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sur une vieille mule nommée Tacor, ayant le derrière tourné vers la tête de la mule, et le vi- sage vers la croupière. Frédéric les ayant subjuguez, fit mettre une/lffue aux parties honteuses de Tacor, et obligea les Mila- nois captifs d'arracher publi- quement cette Jlque avec les dents, et de la remettre au même lieu sans l'aide de leurs mains, à peine d'être pendus et étranglez sur le champ, et ils étoient obligez de dire au Bour- reau qui étoit présent ; Ecco la Jlca. C'est la plus grande in- jure qu'on puisse faire aux Mi- lanoisquede leur faire Xiijlyue: ce qu'on fait en leur montrant le bout du pouce serré entre les deux doigts voisins. De là ce proverbe est passé aux autres nations, et même aux Espa- gnols qui disent : Dur las hi- gas. »

Flac. — « On dit aussi Jlac pour flasque. » (I-'urctière.)

Flamberge. — Epée de Re- naud de Montauban. Epée dans l'acception courante.

Flus. — Jeu de cartes. « Au jeu d'Hombre, être à Jlus, c'est n'avoir que des triomphes et ne pouvoir lâcher. » (Furetière). L'auteur équivoque sur cette expression.

FouRACHES. — Italien : Forra- gière, fourrageurs ou paysans.

Friper. — .Manger goulû- ment : « Les ris redoublés ne


purent s'achever plutôt que le chapon que Perot avoit fripé ». (D'Aubigné, Fœneste, IV, 5). L'idée de vol s'attache à ce pro- verbe, bien qu'il soit employé exactement dans l'un et l'autre sens, de môme que friponner signifie et bien manger et voler. Le sens primitif paraît être : se dépêcher de manger ce que l'on a volé. Le texte admet les deux sens, et aussi leur confusion.

Galbanon. — Galbanum.

Galemelle. — Ce mot, deux fois employé, n'est pas dans les lexiques. Cependant, par son premier emploi dans le Cath. Franc-ComL, on voit qu'il s'agit de Gargamelle, mère de Pantagruel, dont galemelle est la contraction avec mutation bourguignonne de Vr en /. La seconde fois, le poète emploie ce mot substantivement dans le sens de nature féminine. Le sens exact de gargamelle est gorge, d'après une citation de Godefroy, et Rabelais l'a em- ployé dans le sens plus étendu de giron, scmble-t-il. Cf. Pan- tagr., xiv. Jany eût dit gi- do aille.

Galenus. — Galien.

Ca.mache. — Guêtre de toile.

Gascog.ne. — Craindre la Gascogne, en argot ancien, est craindre les voleurs. Cf. Oudin, iG4o : « Gascon, qui desrobe volontiers ». Procès des Coquil- lards, 1455 : « ung gascatre est


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l'espadon satyrique


un apprentiz qui n'est pas encore bien subtil en la science de la coquille ».

Gasteau. — Farceur de l'Hô- tel de Bourgogne.

Gaudemichis. — Cf. l'étude sur ce mot, à la suite des Pria- pées d'Alexandre de Vérineau, publiées par Helpey, 1920.

Gaudemisi. — Voir ci-dessus.

Gauderonnez. — C'est-à-dire, portant la fraise à grands plis, ou godrons.

Gaufridi. — Ou plutôt Louis Gofridi, ou encore Goffridy, ecclésiastique né à Beauveset, et brûlé à Aix, le 3o avril 161 1. Curé de la paroisse des Ac- coules, à Marseille, il s'occupait de magie et d'occultisme et crut tenir du génie du mal le don de séduire les femmes sur lesquel- les il soufflerait. Il souffla sur Maleine de La Palud, si bien que les parents de cette fille la firent enfermer au couvent des Ursulines d'Aix, d'où Go- fridi la fit sortir. Reprise par sa famille la jeune fille avoua qu'elle était ensorcelée. Le Par- lement d'Aix se saisit de l'af- faire, et Gofridi fut condamné au feu comme sorcier. Cf. Le P. Michaélis, Histoire de la pos- session d'une pénitente séduite par un magicien, Paris et Douay, i6i3, in-8. — De Rosset, Hist. tragiques. — Michelet, Hist. de France.

Gautier-Garguille. — Hu-


gues Guéru, dit Gaultier-Gar- guille, naquit à Sées vers iSyS, de Loys Guéi-ii, ou Quéru, sieur de Fléchelles, et de Catherine du Frische. Il rencontre à For- ges François Vaultret qui dirige un théâtre, etquil'enrôledans sa troupe, en compagnie de Robert Guérin, dit La Fleur, ou Gros- Guillaume, et de Henri Legrand, sieur de Belleville, dit Turlu- pin. La légende veut qu'après une tournée infructueuse à Tou- louse, les trois comédiens, qui devaient rester intimement liés jusqu'à leur mort, fussent deve- nus boulangers, et qu'ils au- raient débuté à Paris dans un Jeu de Paume de la rue Saint- Jacques. Cependant. Gaultier- Garguille appartint dès i6i5, d'une façon définitive à l'Hôtel de Bourgogne, après avoir tenu des rôles comiques et tragiques sur le Théâtre du .Marais. Il assuma plus tard la direction de l'Hôtel de Bourgogne, et de- vint assez riche pour acheter une petite maison près de la Porte-Montmartre et collection- ner des monnaies. Il est vrai qu'il avait épousé, en 1620, Léonor Solomon, fille d'un ar- tisan aisé de Normandie, plus exactement d'un maître-ceintu- rier. 11 mourut à Paris, vers 1637. Sa veuve épousa un gen- tilhomme normand. On accusa Molière de lui avoir acheté les manuscrits de Gaultier-Gar-


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guille pour en tirer parti. Les contemporains du comédien di- sent que sou aspect était irré- sistible, et qu'il était à la fois burlesque et naturel. Il est l'au- teur de quelques farces et passe pour l'être de ses Chansons, mais il est permis d'en douter, du moins pour quelques-unes d'entre elles. On n'a pas assez remarqué que le nom de Gaul- tier-Garguillc. avait déjà été porté par un farceur : oq le re- trouve dans la Nouvelle I de Bonav. Des Périers, t. II de l'éd. Jannet, p. 9. On consultera avec profit la savante biographie de M. Emile Magne, suivie des Chansons, dont quelques-unes sont notées. .M. Emile Alagne y détruit quelques légendes et inexactitudes que ses devan- ciers avaient répétées sans con- trôle.

Gay (Vert). — On appelle verd naissant cette couleur vive qui paroît aux feuilles des arbres au printemps. On l'ap- pelle aussi verd (jay et verd d'émeraade. (Furotière.)

Genêt. — Cheval d'Espagne, de petite taille.

Gillette (Reine). — « Ou appelle Ironiquement une Reine Gillede, dit Furelière, une femme altière qui veut prendre avantage sur celles de son rang. » C'est pourquoi le satirique, dans un cas qui lui semble extraordinaire, dit que


la Reine Gillette en aurait prié d'amour un méprisable bouffon. Cependant, l'origine de cette expression proverbiale est la Nouvelle IX de Boccace, où la fille d'un médecin de Narbonne, nommée Gillette, s'éprend du Comte Bertrand de Roussillon, refuse tous les par- tis et repousse les hommages des galants, dans le pressenti- ment qu'elle pourrait un jour épouser celui qu'elle aime. Elle y parvient, en effet, après de nombreux avatars et humilia- tions, montrant ainsi ce que peut endurer et concevoir une femme éprise doublée d'une ambitieuse. Gillette de Nar- bonne.

GipPER. — Mettre en pièces, déchirer, et peut-être voler, de l'anc. franc, chippe, lambeau, ou ffippe, justaucorps ; Ital. : cioppa. Darmesteter dérive le verbe moderne chiper du pre- mier de ces termes. Il n'a pas connu fflpper, intermédiaire.

Glout. — Glouton.

GoNÈs (Pain de). — Pain de ménage que le bourg do Go- nesse, aujourd'hui en Seine-et- Oise, fournissait à Paris, deux fois par semaine. Ce pain ne passait pas pour délicat.

GoNNiN. — Maître Gonnin, farceur du temps de Franroisler. Voir la dissertation d'Éd. Four- nie!', au sujet de son nom. Va- riét. Ilisl. et Litt., v. 209. Bran-


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tome. D. Gai., dise. 2, art. 3. — Sorel, Ilisi. corn, de Francion, 177.

GoRGiAS. — Pour gorgiaseti-, car gorgias est un adjectif, employé ici substantivement. Vanité, extérieur provoquant, org-ueil.

GousET (Sentir le). — Sentir des aisselles. Le gousset était une petite bourse que l'on met- tait autrefois sous l'aisselle.

Gratelle. — Impétigo, petite g-ale.

Grégeois. — Les Grecs.

Griefve. — Féminin de grief, douloureux, dangereux; pour les péchés et les crimes : grand énorme.

Gringalet. — Farceur de l'Hôtel de Bourgogne. Il fut l'âme et le chef des parades en plein air dans les débuts de la troupe. Comme celui de Gaul- tier-Garguille, son nom n'était pas nouveau : ou le retrouve dans les Contes d'Eiitrapel, chap. XXIV. Un autre farceur de la Restauration reprit le nom de Gringalet. Tout ce que l'on sait du nôtre se trouve dans les Débats et facétieuses ren- contres de Gringalet et de Guillot-Gorju, son maître, dédié à Jean l""arine et revêtu de l'approbatiou de Gros-diuil- laume et de Gauthier-Garguille. Réimpr. à Troyes, en i652.

Gri.ngottans. — Au sens pro- pre gringoter. veut dire fre-


donner. Mais dans ce passage, il faut entendre : faisant cra- quer ou crisser leur satin.

Gringotter. — Fredonner. Dans ce sens : « Elle gringotte bien la Guide des Pêcheurs, » gringottei: signifie lire en mar- mottant.

Groiselles. — Groseilles.

Grosellus. — Pour : grossu- lus, le môme mot que grossus, gros, épais. Groseille se dit aussi grossulus.

Grunnira. — Futur de grun- nir, grogner comme un porc. Latin : grunnire.

« N'avcit brait ne grnni, ne crié ne huchié. » ( Thom. de Can- torb. i5o).

Guenaux. — Gueux. Voir

QUENAUX.

Guerdon. — Récompense.

Guide des Pécheurs. — L'ou- vrage capital de Louis de Gre- nade, célèbre théologien espa- gnol. Paru en 1070, il eut chez nous un succès considérable dès la traduction de 1574. Il était encore lu du temps de Molière. Gf. Sganarelle. se. I. Le guide des Pêcheurs est encore [uQ bon livre.

Guigne. — Grosse cerise pré- coce, dite aussi bigarreau.

GuiNDAU. — Guindeaii, « Ma- chine qui sert à élever les far- deaux ou à tirer. C'est la môme chose que virevant ou cabes- tan. » (Furetière.)

Harasser. — Pour : arresser


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OU arser, être en érection, brû- ler des feux de l'amour. Il se pourrait que notre verbe haras- ser, dont Darmesteter ig-nore l'orig-ine, fût le même qu'ar- resser.

Harpe. — « C'est lorsqu'on est nanty qu'il faut craindre la harpe. » {Ane. Théâtre franc. IX, 55 : Comédie des Pro- verbes.) C'est-à-dire, en arg-ot ancien, la (jrijfe du voleur. Joueur d'har[je : voleur. Cf. Lazare Sainéan, V Argot an- cien, 1907, p. 37.

Haute-Claire. — Épée d'Oli- vier.

Haut-Costé. — Et non au- costé, comme on a écrit par cor- ruption, est une côte de mouton.

HoNGRELiNE. — Sortc d'habil- lement de femme fait en ma- nière de chemisette, avec de grandes basques. On l'appelle ainsi parce qu'il est venu de Hongrie.

Chaque Dame eut une hongreline Avec sa jupe d't-lamine 1

(SCARRON.)

Housse (en). — Les Médecins, dit Trévoux, faisoient autrefois leurs visites montés sur des mules avec des housses. C'est pour cela (jUL- H(jiloau dit qu'on voit

Avec la mort en trousse, Courir cliez un malade un assas- [sin en housse.

Janiteur. — De Janilor, por- tier.


Jayais. — Jai/et, ou jais.

Jean-Jeudi. — Un des noms burlesques donnés par Rabe- lais au membre viril.

Jouer du cul d'éguille. — Pousser l'alêne, comme un sa- vetier.

Journées (grandes). — Grands Jours, séances qui se tenaient en cerlaines villes dé- signées par le roi, pour juger les atraires civiles et criminelles. Ceux de Bourgogne se tenaient à Mcaune.

Joyeuse, — Épée de Cliarle- mag-ne.

JuLiETs. — Juleps. « Le peu- ple dit Jullet », lit-on dans Trévoux. En mouillant les //, comme l'indique l'orlhographe du poète.

Justinien. — Empereur et ju- risconsulte, auteur des Pan- di'cles, où sont fondues et coor- données les anciennes législa- tures, notamment celles de Cé- sar et de Tliéodosc II. 11 publia encore un nombre considérable de constitutions sépaif-es. Far Justinien de Pilate, l'auteur désigne un avocat de mau- vaises causes.

La Brousse. — a La Brosse, astrologue que l'on appeloit le Philosophe de la Hoine-.Mère, dit Pierre de l'Estoile, parce qu'il s'estoit mesié de lui pré. dire beaucoup de choses de l'avenir, et encore s'en mcsloit- il auxquelles tonlofois il rcn-


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l'espadon satyrique


conlroit assez mal et s'y trom- poit ordinairenieiil. » {Méni. oct. 1593.) Il prédit cependant au Roi qu'il serait tué le jour môme, c'est-à-dire le vendredi i4 du mois d'avril lOio. Cf. VEstoile, éd. Lemerre, t. X,

p. /}02.

Laink (xmER la). — Voler à la tire.

Lamia. — Reine de Lybie qui, en laison de sa férocité, fut chang-ée en bête sauvage. Elle habitait un antre garni de lierre. Ayant perdu tous ses enfants, elle fît enlever ceux des autres femmes pour les mas- sacrer elle-même. Quand elle était ivre, dit Diodore de Sicile, elle permettait de faire tout ce qu'on voulait, sans craindre de sa part un retour sur ce qui s'était passé pendant son ivresse. C'est pour cela qu'avant de boire, elle mettait ses yeux dans un sac, et c'est à cette cé- cité que le poète fait allusion.

Landi. — Ou foire de l'/n- dict, à Saint-Denis. Elle mar- quait un temps de fête pour l'Université, et les écoliers of- fraient d'ordinaire à leurs maî- tres un citron dans lequel on avait enfoncé des écus. C'est à ces pauvres pédants que l'au- teur fait allusion.

Levron. — Jeune lévrier.

LiFRE-LOFUE. — Le satiriquc emploie ce mot pour sa drôle- rie, car il n'a pas d'autre sens


que celui que lui donne Rabe- lais, qui l'inventa. C'est-à-dire jarg-on allemand, ou bien l'Al- lemand ou le Suisse qui le parle. « Rabelais, dit Le Du- chat, appelle Lijfrelojfres les Alemans et les Suisses parce qu'il semble quand ils parlent qu'ils ne disent autre chose que Liffre-Loffre. » Il se peut cepen- dant, que le poète ait songé à un Allemand ou un Suisse de son entourage.

Litharge. — D'Esternod use de ce mot comme d'une injure contre une vieille, sans doute parce que la litharge est une scorie calcinée. La litharge en- trait aussi dans la composition des emplâtres pour leur donner de la consistance.

Longe. — Ne s'emploie qu'en vénerie, pour désigner chez les animaux la partie externe des côtes à la queue et où le rog'non est attaché. Le satirique l'ap- plique injurieuscment à un être humain.

Macahrée (danse). — Danse Macabre.

Magellane. — Magellan.

Maguelonne. — Voyez Pierre DE Provence.

Maille. — Petite monnaie qui a valu un demi-denier.

M.viN.MORTE. — « On appelle main-morte celui qui est main- mortable, qui est de condition servile. lly aencoreune infinité de familles dans la province de


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Bour£:og-ne qui sont des g-ens de main-morte... Ce nom vient de ce qu'après la mort d'un chef de famille sujet à ce droit, le Seiçneur venoit prendre le plus beau meuble, ou. s'il n'y en avait point, on lui oiFroit la main droite du mort pour mar- quer qu'il ne servirait plus. » (Furetière.)

.■Maladette. — Maladetto, en italien. Maudit.

Malandres. — Maladie des chevaux, gales ou crevasses qui viennent à la jointure du genou des chevaux et qui suppure quelquefois. (Trévoux.)

MalaiNDreus. — Oui souffre de la malandre.

Malandrez. — Comme ci- dessus.

Mal Saint-Avertin. — Mala- die d'esprit, qui rend furieux ou emporté. Le vertiijo. On di- sait proverbialement des en- fants criards qu'il fallait les vouer à Saint-Avertiu, lequel est Saint-Aubertin.

Mar,\.ne. — Ou maran, nom que les Espagnols donnaient aux Maures d'Espagne.

Marcou. — Matou.

Marmot. — Singe.

Marmouset. — Dans l'accep- tation burlesque tic visage.

Marsupiums. — Latinisme : marsupium, bourse.

Marte (U.n). — Lue martre.

Mal-. — Mauvais. D'un maii


Jïn Jio, de rie rac renforcé, en- filade de mots fantaisi-vles sans signification précise, mais par lesquels le poète raille les termes cabalistiques employés par les jeteurs de sorts et les invoca leurs.

Maugis. — Maugis d'Aigre- mont, fameux enchanteur des Chansons de Geste.

Menestre. — Potage. Italien : minestra. Cf. Régnier, Sut. X, 291 :

Mon Docteur de Menestre en sa [mine alti^rée,

Mkrcadents. — Marchands, dans le sens péjoratif de mer- cantis.

Merlin. — Merlin l'Enchan- teur. Dans VHi.-iloria Britonum et le poème de Robert de Boron, il est fils d'une femme et d'un incubo.

Merlin Cocagne. — Merlin Coccaie ou Coccaye, héros du poème macaronique de Fo- lengo, et qui passe pour avoir servi de prototype à Rub lais.

.Metagrabolisé. — Mot bur- lesque forgé par Rabelais : « Il y a huit jours que je suis à ma- tagraboliser cette harangue, a Se donner beaucoup ùe peine pour rien : de ;xaTavoî, fou ; ypaçEtv, écrire ; ,3ïÀX{tv, jeter.

MÉTAIL. — Met il.

MiDAS. — Rappelons que Mi- das régna dans cette partie de la grande Phrygie où coule le Pactole. liacclius étant venu en ce pays, acconiiagné des Sa-


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L ESPADON SATIRiyUE


tyres et de Silène, ce dernier s'arrêta près d'une fontaine où Midas avait fait verser du vin pour l'y attirer. Quelques pay- sans qui le trouvèrent ivre en cet endroit le conduisirent à Midas, après l'avoir paré de guirlandes. Le prince reçut de son mieux le bonhomme Silène, le retint pendant dix jours, qui se passèrent en réjouissances, et le rendit à Bacchus. Ce dieu, charmé de revoir son père nour- ricier, dit au roi de Phrygie de lui demander tout ce qu'il sou- haiterait. Midas le pria de faire en sorte que tout ce qu'il tou- cherait devînt or. Etc.

Mimas. — Géant foudroyé par Jupiter et qui fut changé en une montagne d'Asie-Mineure portant son nom.

MiREBALAis. Ou Mircba-

loys, ou .Myrabalays, de Mire- beau, en Poitou, où il y avait beaucoup de moulins. Rabelais en parle souvent, notamment dans ce passage de Gargantua, chap. XI : « YA pour s'esbatre comme les petitz enfans du pays, lui feirent un beau virol- let des aesles d'un moulin de Myrabalays. »

MiTOL ARD. — Comme mituiiin et niiton, ce mot désigne le chat et s'emploie tantôt sub- stantivement, tantôt adjective- ment. De mitis, doux ; mais, en français, avec le sens péjoratif de doucereux.


MrruE. — On faisait porter la mître aux filles dissolues et aux proxénètes en les promenant à dos d'âne, nues et montées à rebours.

MoiNE-BouRU. —Moine-bourru, fantôme légendaire qui courait les rues de Paris la nuit, le temps de l'Avent, et qui ru- doyait les passants.

Mo lu'. — Morue.

MoREGARD. — Ou Maurcgard, célèbre astrologue et pronosti- cateur, qui finit aux galères de Marseille. Il est l'auteur d'al- manachsetd'écrits divinatoires. Cf. Lettres de Malherbe à Pei- resc, janv. iCi4, et Var. Hist. et Litt. II, 211.

MoRGANT. — Qui a de la morgue.

MoRGUETTE. — Miue, grimace. Dérivé de morgue.

Maître - Mouche. — Scara- mouche? Cf. Le Ballet des Quo- libets dansé an Louvre, dans notre éd. des Œuvres Sati- riques du S^ de SiffOffne, Pa- ris, Bibl. des Curieux, 1920, p. 286.

Mounins. — Le Dict. Roman, Wallon, Celtique et Tudesque, 1777, et le Glossaire de Roque- fort donnent singe comme sy- nonyme de mounin. Faut-il entendre que des figures gro- tesques et articulées accostaient certaines orgues, ou bien, au propre, qu'il s'agit de véritables singes que les bateleurs mon-


GLOSSAIRE


I9Ï


traient sur des orgues porta- tives ?

Mules (vos fières). — L'cpi- thète de flores convenait aux mules ou socques, lesquelles étaient montées sur des patins de bois ou des talons très éle- vés.

MuTin. — Terme de faucon- nerie, employé plaisamment; parlant de l'homme: Fiontcr.

Nembroth. — « Un des esprits que les magiciens consultent. Le mardi lui est consacré et on l'évoque ce jour-là : il faut, pour le renvoyer, lui jeter une pierre ; ce qui est facile. » (Col- lin de Plancy, Dicl. Infernal.)

Niflesest. — La dame Ni- phleseth, royne des Andouillcs. Cf. Pantagruel. I>. IV, 42.

Noirci (noir a). — Cirage à noircir les bottes, que l'on criait dans les rues.

Orepeau. — Oripeau, feuille de laiton battue imitant gros- sièrement l'or.

Orpiment. — Il s'agit ici de l'orpiment dit des philosoplies, ou soufre. Mêlé à la chau.v vive, il servait de dépilatoire.

Pacolet (cheval de). — Che- val de bois enchanté qui por- tait en un moment un liorniiic à mille lieues. C'est dans lo Ro- man du cycle des Douze Paiis, Valent in et Orson, que l'on trouve le cheval de Pacolet. Rabelais, Liv. Il, 24, injlne : « Et feust ce Pégase de Perseus


ou Pacolet, que devant eulx je n'eschappe gaillard. »

Pantalons. — De Pantalon, bouffon de la Comédie italienne, qui dansait d'une façon extra- vagante et portait le pantalon napolitain.

Panteine. — Filet d'oiseleur.

Pantiere. — Filet à prendre les oiseaux.

Parangonne (me). — Me com- pare.

Paranymphe. — En grec, ce- lui qui est auprès de l'époux, c'est-à-dire celui qui conduisait par honneur l'épouse chez l'époux, faisait les honneurs de la noce et l'éloge du marié. « Maintenafit, dit Furetière, il n'est enjusage qu'en l'Université de Paris... Le Chancelier de Notre-Dame fait l'éloge de tous ceux qui sortent de Licence les uns après les autres, et quel- ques jours après ils reçoivent la bénédiction de Licenciez dans la Chapelle de M. l'Archevêque. Il se dit aussi de l'éloge qu'on fait de quelqu'un dans une com- pagnie. On a fait votre para- nymphe en bonne compagnie. j>

Parie (le pigeon). — S'appa- rie; do pariade, terme d'oiselle- rie qui désigne la saison où les perdrix s'atcouplent.

Parme (prlncesse ue). — Al- lusion dégoûtante (]ui s'ex- pl)(iue assez par l'indusliio ali- mentaire qui se fait à Parme.

Patac. — « Monuoye d'Avi-


192


L ESPADON SATYKIOUE


gnon, qui vaut uu double. Il a cours et est assez commun dans la Provence et le Dauphiné. » (Furetièrc.)

Patar. — Petite monnaie va- lant un sou.

Pedetentim (ou Pedetentiis). — Pied à pied, tout doucement.

Pelisse. — « Robe de chambre fourrée, faite à peu près comme les vestes de dessus que portent les Turcs. » (Puretière.)

Pelisson. — (( Jupe faite de peaux fourrées, que portent les vieilles femmes. On l'a dit aussi des robes de chambre fourrées qu'on portoit autrefois. Ce mot vient de pelliceum ou peUicio, qu'on trouve chez les Autours Latins ; ou de l'Italien pe///c/a. » (Furetière.)

PiCROGOLES. — Edouard Four- nier fait remarquer dans ses Variétés hisl. et liti., t. l'V, [\o (Note aux Ambitieux de la Cour) que Pichrocole est un roi visionnaire inventé par Ra- belais, et qui n'avait rien de la philosophie de Pangloss que d'Esternod prête aux savants qu'il baptise ainsi.

Picquent. — « Tout comme nous pirquent les bêtes », c'est- à-dire qu'elles forniquent.

PiERUE DK PR0VE^•CE. — Héros du célèbre roman de chevaleiie et d'aventures intitulé : //is- ioire du noble et vaillant che- valier Pierre de Provence et aussi de la belle Maguelonne,


Jllle du roy de Naples. Voyez Brunet, t. IV.

PiGMALioN. — Pygmalion, fils de Bclus, roi de Tyr, et frère de Didon, tua Sichée, son beau- frère, pour s'emparer de ses trésors.

Pince. — Vol, filouterie. Cf. l'SIarot, Ep. au Roy, pour avoir esté desrobé :

Car vostre argent, trop débonnaire

[prince,

Sans point de faute est sujet à la

[pince.

Ronsaid. //e L. des Ili/ni. X :

le prince

De ceux qui ont les mains sujcUcs

[à la pince.

Cependant, par analogie, le poète désigne proprement ici la main qui ravit quelque chose.

PlNTAGORIONS. — jAIot COr-

rompu et tiré du grec, dont jM. André David, du Cabinet des Médailles de la liibl. Nat., a su retrouver la véritable forme. « Le mot Pintayorions, nous écrit-il. n'existe pas en numis- matique. J'imagine cependant, comme vous, qu'il s'agit ici d'une monnaie. Ce serait une monnaie factice, inventée par le poète, et dérivée par lui du mot grec "a.^-^ùo:ov, qui signifie pièce d'argent, et au- quel il aurait peut-être atta- ché l'idée qu'exprime le mot voisin "açYJoi'ç, employé parfois avec le sens précis de drachme. Dans cette hypothèse, il fau-


GLOSSAIRE


193


drait lire Pintargurions, et comprendre pièces de cinq drachmes, « écus » de Crésus, do Midas et de Pygrnalion. » Cette rectification nous semble défi- nitive, et préférable à celle que nous avions soumise au savant numismate : Peniassarions, à l'exemple de iéirassarion, monnaie divisionnaire d'Égypîc sous les Ptolémécs.

PioLEz. — Parés de diverses couleurs.

Le nombre on ne dit point au re-

[nouveau des fleurs

Qui les prés piolez bigarrent de

[couleurs.

(Baik.)

Pistache. — La pistache pas- sait pour aphrodisiaque ; les salyriques y font souvent allu- sion.

Pleigé. — Cautionné.

Podagre (la). — La goutte.

Pont au Change. — Le Pont- au-Change était borde de bou- tiques de changeurs, d'orfèvres et de lapidaires.

Pomme de Pin. — Fameux cabaret, df'-jà célèbre du temps de Rabelais. Il était situé près de Notre-Dame, dans la rue de la Licorne, et non loin de l'ég-lise de la Madeleine, démolie en 1789. Cf. Franc. Michel et Ed. Fournier, Hisi. des Hôielleries, Cabarets, etc., t. II, p. 3o2.

Pote. — Mais li quanti pote [Ijarctie Non forono jamai estretle.

On peut traduire ainsi cet


italien macaronique : « Mais les c.ns usag-és ue furent ja- mais étroits. » Après l'usage, s'entend...

Poupa. — Poupart, nourisson, enfant en bas âge.

PouRPRis. — L'enclos, les en- virons, les clôtures d'un lieu seigneurial ou propriété parti- culière; l'habitation même et son jardin compris dans les li- mites du fos.sé. On devine ce que le style erotique a nommé pourpris.

Prksthk-Jan. — Personnage imaginaire, dont la légende re- monte au xiie siècle. Elle con- tient le récit fabulcu.x des pro- ductions du royaume de ce prince, prêtre nestorien, qui au- rait soumis l'Abyssinie. Cf. Let- tre de Preslres Je/ians k l'Em- pereur de Rome, t. II du Rute- Ijeuf d'Achille Jubinal, p. 35C.

Pyraude. — La salamandre, qui passait pour vivre dans le feu et s'en nourrir.

Ouenaux (les innockns). — Les gueux ou mendiants qui vivaient dans le Cimetière des Innocents. Il fut longtemps ou- vert aux passants. En 1186, Philippe-Auguste le fit clore de murailles. Dans la suite, on construisit tout autour de la clôture une galerie voiltéc appe- lée les charniers. Villon en parle daus le Grand Testa- ment, strophe cxlix, et Rabe- lais, au Chap. vu de Pania-


I9'^


l'espacon satykioue


gruel : «... il disoit que c'étoit une bonne ville (Paris) pour vivre, mais non pour mourir, car les gucnaulx de Sainct In- nocent se chauffoicnl le cul des ossements des morts. »

Raisez. — Rasés.

Rancif. — Ranci.

Ratativer. — Mot burlesque, formé pcrojativement sur retà- ier.

Regrateurs de quinque- NAiLLEs. — Créanciers qui dis- putaient sur les cinq ans accor- dés au débiteur auquel le juge avait accordé des Lettres de ré- pit, ou qui, de toutes façons, s'ettbrçaient d'en obtenir quel- que chose. Ouinqaenailles est une corruption de quinquen- nales, employé lui-même à tort pour quinquenelle, qui désigne les Lettres de répit, dans le droit coutumier. On disait r/w/n- quannion pour le terme de cinq ans.

Regringotoit. — Chantait en resassant le même air ou la môme chose.

Renaud de Montauban. — L'un des Ouatre-Fils Aymond. Les autres étaient A lard, Gui- chard et Richard.

Repolons. — Repolon, terme de Mancg-e. Demi-volte d'un cheval, la croupe en dedans, formée en cinq temps. Quel- ques-uns appellent repolon le galop d'un cheval, l'espace d'un demi-mille. (Trévoux.)


Rescrire. — Répondre par écrit : « En rescripvant de ces diirérens, il me alla souvenir et revint en remembrance. » (Froissart).

Richetales. — Rixdales. Monnaie de divers Etats du Nord; en français un écu.

Il m'a coûté dix richcdales

Pour avoir eu serviettes sales. (ScARRON, Virff. trav.)

RiGALissE. — Bois de réglisse.

RiOLEz. — Bigarrés. « Voilà qui est riolé, piolé, comme la chandelle des Rois. » Comédie des Proverbes, Ancien Théâtre, IX, .^)8.

RioTEux. — Querelleurs.

RoBBON. — Ou robl)on, petite robe.

Rossignols de l'Arcadie. — Les ânes.

Rotonde. — Colct empesé et monté sur carton, que portaient les hommes.

RouTi. — Rôti.

Roy Charle. — Au sujet du vers de Régnier, Sat. X, v. 60, M. Emile Roy {Mél. de Phil. romane) dit qu'il s'agit de Charles V, dont le portrait or- nait, avec celui de Jean le Bon, la petite galerie du Louvre ré- cemment achevée par Henry IV.

RoY DE TnuNE. — C'est-à-dire roi de Tunis. Surnom que por- tait le Grand Coesre, ou chef des Gueux, à l'exemple du gé- néral des Bohémiens appelé duc d'Egypte.


GLOSSAIRE


195


Sainxt Main. — Saint Main passait pour le patron des ga- leux. On disait une demoiselle de Saint Main, pour une ga- leuse.

Sainct Prix. — Prisons, Evè- que de Clermont, qui guérit du mal caduc un diacre que lui avait envoyé l'évéque de Tours. Par la suite, on l'invoqua con- tre les maladies incurables. La maladie incurable à laquelle le poète fait allusion est Vinsolva- bilité. Il feint que les créanciers enverront le débiteur à Saint Pri.x pour qu'il le leur guérisse; ou plutôt c'est une façon de l'envoyer promener.

Sangler le mulet. — Dans le sens d'allonger, flanquer, don- ner un coup brusquement, comme si l'on fouettait un mulet. Au figuré, jouir d'une femme.

Saqukboute. — Trombone à coulisse.

Savons. — Casaques.

ScAT-MoN ! — Pour : C'est mon! (Sous-entendu : mon avis ou mon sentiment). Interjection familière aux xvie et xyii». On l'employait souvent dans le sens de qu'importe! et plus souvent hors de propos.

Seize lignes. — Les seize quartiers de noblesse.

Si. — Pourtant; cependant; ainsi. Si était encore employé comme particule explétivo.

S'il. — Si il : et pourtant il...

SiLLER. — Cligner les ytux.


Simulacres. — Dans le sens latin de fantômes, d'appari- tions.

Si que. — Cependant que; si bien que ; de sorte que.

Sorette ou Saurette. — Il ne faut pas confondre avec le fé- minin de sauret, qui signifie de couleur jaune tirant sur le brun, et qui désigne aussi le hareng fumé. C'est un terme de fauconnerie qui s'employait pour désigner l'oiseau pendant sa première année, quand il porte son premier plumage, le- quel est roux, mais peu fourni. Il faut donc entendre : Mon Dieu, comme vous êtes peu étoffée !

SouLAS. — Plaisir.

SouTAiGuiLLE. — Mot incounu, que nous croyons un italia- nisme. On peut y trouver le préfixe solto, dessous ; guille se référerait à l'ancien français guiller ou gailer, indépendant de ffuiilcr, tromper, et qui si- gnifie se décharger le ventre en diarrhée. Cf. Muse Nor- mande, éd, Lestringant, 1891, t. I, v. !^ ; III, 64, V. 3 ; 265, v. 4; et guilleux, chieur, t. III, iG3, v. 10 et 20. Par Soutai- guille, synonyme de caque- rasse ou caqueraffe il faudrait donc entendre un homme qui fait sous lui, ou qui ne peut se retenir.

Spopondrilles. — Nature de la femme, petites lèvres de la


17


IQÔ


l'espadon satyrique


vulve ou orifice du vagin. Sur ce mot et ses vicissitudes, Cf. r*ierre Louys : Spondilles, Es- pondilles, et Ospopondllles, Rev. des Etudes Rabelaisiennes, Paris, 1909, p. 117. Rabelais écrit spopondrilloches, V, eh. XXXIII : Comment furent dames lanternes servies à soupper.

SuBUCULE. — Latinisme. Au propre, tunique do dessous. Au figuré, où l'emploie l'auteur, l'enrobement formé par le pus autour de la verge.

SuRos. — Le suros est propre- ment un calus qui vient au ca- non du cheval. Appliqué à répée, il désigne quelque dé- faut de forge, tel qu'un relief.

Suzanne. — Allusion à l'his- toire de Suzanne et des deux Vieillards, qui pour la perdre prétendirent qu'ils l'avaient vue au bain en compagnie d'un jeune homme.

SusoN. — Voir Val de Suson.

Tabit. — Tabis, étoffe de soie moirée.

Talons (Cours). — On disait d'une femme qu'elle avait les talons courts quand elle se lais- sait aisément renverser sur un lit. On nommait les filles de joie : Nymphes aux courts ta- lons. Cf. Leroux, Dict. comique.

Talotiser. — Frapper. De taloche, déformé à la bourgui- gnonne : talotte.

Tartre. — Tarte.


Tandis. — Cependant, pen- dant cela. Tandis s'employait sans que avant Vaugelas. On le trouve ainsi dans le P. Le Moine et dans Corneille, Ilor. IV, 2, et tandis il m'envoye — faire ofjîce vers vous de douleur et de Joi/e.

Thériaque. — Composition pharmaceutique où entrait en majeure partie l'opium et le haschich, mais que les apothi- caires avaient avantage à don- ner comme de la chair de vi- père, pour frapper l'esprit de leurs clients. Aussi ce mot est-il formé de Ûrjo, bête féroce. La Thériaque servait de contrepoi- son contre les morsures veni- meuses, la colique, les vers, les fièvres intermittentes, et sans doute les cors aux pieds et la chaudepisse. Elle passait pour cire le mithridate, modifié par Andromaque le Père sur l'ordre de Néron. On appelait prover- bialement les charlatans ven- deurs de thériaque.

Thune. — Voir Roi de Thune.

Tiercelet. — Terme de Fau- connerie, qui se dit des mâles de quelques oiseaux de proie, comme de faucon. d'autt)ur, de gerfaut, d'épervier, etc. Us sont ainsi nommés parce qu'ils sont plus petits de taille d'un tiers que leurs femelles. Il se dit par mépris en parlant d'un homme qu'on croit être au-dessous de ce qu'il croit être. (Furelière.)


GLOSSA.IRE


197


TiGNE. — La teiçne.

ToussiR. — Tousser.

Touhdion. — Ou tordion, mouvement de danse, contor- sions du corps — le plus sou- vent deshonnêtes, dit le bon Furctièro.

Traînes.— Perdreaux pris au filet du même nom, quand ils u'ont pHvS la force de voler.

Tkibart. — Au propre : bâ- ton ; au figuré : membre viril.

TRmouLET. — Fou de Louis XII et de François Vr_^ ne à Blois, vers la fin du xv« siècle, mort avant i^iiô. C'est de lui que parle Jean Marot dans ces vers du Siège de Pescaire: Petit front et gros yeux, nés grand [et taille à voste, Estomac plat et long, hault dos à [porter hôte.

Ce fut à Triboulet que succé- da Brusquet.

Triques-niques. — Choses de rien, bagatelles, querelles sur des pointes d'aiguilles.

« Ce mot, dit Furetière, fai- soit un proverbe grec, t/iri- choon neCIcos, c'est-à-dire, dis- pute sur un cheveu. D'autres croyent qu'il a été fait detricœ, qui signifie à peu près la même chose en latin, et de nihil, qu'on écrivoit autrefois nic/iil. « 

Triper. — Danser, de tri/ju- diare .

« En Languedoc, ditBorel,ya tripet, c'est-à-dire rire extra- ordinairement. »


S'il en patience travaillent (Ju'il baient, et tripcnt et sailent. (R. DE LA Rose.) Il y eut aussi iripeter :

Et tout après moy les fcisse F'ar vive rage tripeter.

(Tbid.)

Trou de Saixct-Patrice. — Grotte d'une montagne d'Ir- lande, que l'on croyait être l'en- trée du purgatoire, et où les pèlerins du saint hermite obte- naient la purification de leurs péchés. Le Saint s'était retiré dans cette caverne afin de se livrer à la prière ; mais il fut tourmenté par une légion de démons qui voltigaient autour de lui sous la forme d'oiseaux noirs : c'est à quoi le poète fait allusion. Cf. Notice sur le Puy Sainct Patrix, par Philomneste Junior, à la suite du Voyage du Puys Sainct Patrix, Gay, Ge- nève, 18G7.

Tu AUTEM (le). — Pour le but, l'issue, le point, l'événement, le nœud.

.Je t'apprendrai, Messire Enée,

De ton étrange destinée

En peu de mots le tu-autem.

(ScAuiiON, Virff. trav.)

Truffes (de vaches). — Autre nom du champignon appelé vulgairement vesse de loup. L'auteur l'emploie au figuré pour désigner les mamelons.

Turlupin. — Henri Le Grand, dit Bellevilleon Turlupin, l'un des plus célèbres comédiens de son temps, avec Gros-Guillaume


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l'espadon satyrique


et Gaulier-Garguille. II jouait les valets fourbes et intrie:ants à l'Hôtel de Bourgogne, et portait le même masque que le Briffuella du théâtre italien du Petit-Bourbon, si bien que l'on aurait pu les confondre. Il mourut à Paris en i634. Il avait encore joué sur le Théâtre du Marais. J.-B. Gouriet, Person- nages célèbres dans les Rues de Paris, Paris, 1811, t. II, 189 sq. Sauvai, Hist. de P.; Beau- champs, Recherches sur les Théâtres de France, Paris, 1735, in-4°, p. 164.

Val de Suson. — Vallée du ruisseau nommé Suzon, en Bourgogne. Cf. Coulon, Riviè- res de France, II, 79. Ce ruis- seau déborde souvent.

Valerant. — Valerant Le Comte, comédien de l'Hôtel de Bourgogne.


Vautret. — Comédien de l'Hôtel de Bourgogne.

Vert Vêtu. — Allusion aux soupirants des romans de che- valerie, qui s'habillaient de vert par amour, le vert signifiant l'espérance.

ViDASE. — Ou Vid d'aze, ou viédaze. Primitivement vidaze signifiait visage d'âne, au temps que l'on disait vis pour visage. Mais ensuite, l'igno- rance a confondu vis et vit, et l'on a donné à ce mot un sens obscène : vit d'âne.

Zani Cornette. — Zani Coi- netto, plus connu sous le nom de Zani tout court. Bouffon de la Comédie italienne.

Zeste. — Membre viril. L'au- teur écrit aussi Zest.

Zelotype. — Jaloux.


TABLE DES POÉSIES (i)


Pag'es.

Aymant l'autre jour à paroistre 5i

Bien que les traicts de Cupidon lxii

Ce petit Bartole sans tiltres 128

Geste cruelle me méprise 99

Charmant, joijeux poète, auteur de l' « Espadon ». 2

Desternod, ton esprit, arsenac de prudence .... xxv

De tant de cavaliers qui vont avec des bottes 3

Devriez vous pas donc, Mag'delaine 118

En me traictant comme un valet 90

Espadon digne de mémoire lxi

Espadon plus digne de gloire lxiii

J'allois, un de ces jours, en guise d'un cadet /ji

Laissez moy, je suis en colère Go

L'unique des sujets qui par son élément 146

Moy qui suis l'abrégé, le portraict racourcy 109

Qui ne le craindroit pas? c'est un monstre, Guenar. . i63

Satyre, à la nouvelle escrime lxv

Si converty Guenar vous dites iG3

Si l'on me parle davantage (18

Sur mon lict emplastré d'ordure 78

Sur un vieil rehec plein de rouilles 23

Tout ainsi i/ue l'Amour /ut caus»^ que Leandre . . lxi

Un Theriaque tel seulement tu ne tire xxxiv

Vous cherchez tant qu'on vous appelle 187

Vous espousez donc ce fantosme ."'.3


(i) Les pièces dont le premier vers est en italique ne sont pas de d'Estcrnod.


TABLE DES GRAVURES


1. Frontispice de VEspadon Safi/riqiie, 1680.

En frontispice, face au titre.

2. Le Château de Refrauche.

Face à la page viii

3. Fac-similé du titre des Désirs Anioiireux, 1G14.

Face à la page xxii

4. ¥d.c-siin\\e dnMive au Franc-Bourguignon, i6i5.

Face à la page xxiv

5. Fac-similc du titre du Catholique Franc-Comtois,

1619. Face à la page xxvi

6. Fac-similé du titre de la Thériaque Françoise, 1623.

Face à la page xxxiv

7. Fac-similé du titre de r£'s/)arfo/i 6'a///r/gr{ie, itiig.

Face à la page 2


TABLE DES MATIERES


Papes.

Préface vu

Ouvrages à consulter xxxvii

Bibliothèque Nationale, cabinet des titres . . . xxxvii

Imprimés . xxxvii

Bibliographie xlii

/. — Q'hivres de D'Esternod xlii

A. — Les Désirs Amoureux xlii

B. — Le P^anc Bourguignon xlii

C. — Le Catholique Franc-Comtois xliii

D. — L'Espadon Satyrique xliii

Ë. — Recueils collectifs et supercheries . . . xlvii

F. — La Theriaque françoise l

//. — Nomenclature des Poésies dans les Sup- pléments à /' « Espadon » li

A. — Édition de Lyon, 1G22 li

B. — Édition de Rouen, s. d. (i62[»). lu

///. — Documents des Editions lvi

Épilro dédicat(.<ire des /)t^s<rs ylmoj/reu.r . . . lvi

Epitredédicatoiredu Crt<//o//V/U(?/'>anc-Com/o/s lvii

Approbation du Catholique Franc-Comtois. lviii

Epitre dédicatoire de L'Espadon Satyrique . . lix

Privilèg-e de L'Espadon Satyrique lx

IV. — Pièces liminaires lxi

A Monsieur d'Esternod (J. Manginellc) .... lxi


204 TAULE DES MATIÈRES

Pages.

Pour V Espadon Satyriqiie [De Boissat). . . . lxi

Sur l'Espadon Satyrique. Aux Dames {Nico- las Faret) lxii

Sur VEspndon Satyrique. Stauces {Jaques

Manginelle) lxiii

Au Satyre, sur son Espadon {Henry Fagot) . lxv

L'Espadon Satyrique i

Sonnet acrostiche et encomiastique, D"^ A. F. C.

d'Eiernod 2

L'Ambition de certains courtisans nouveaux

venus. Satyre I 3

Le Paranymphe de la vieille qui fit un bon office.

Satyre II 2.3

L'antimariage d'un Cousin et d'une Cousine de

Paris. Satyre III 33

L'importunité à une Damoiselle. Satyre IV . . . !\i

Le Juif errant. Satyre V 5i

La mort d'un Perroquet que le chat mangea

Satyre VI 60

Le mespris d'une vieille fille du Languedoc.

Satyre VII 68

La chaudepisse. Satyre VIII 78

Le soufflet qui enfla la joue. 5'fl///re /.Y 90

Le divorce du mariage. Satyre X 99

L'ambition d'une fille exempte de tous mérites.

Satyre XI 109

La belle Magdelaine. 5'a/yre A'// 118

D'un petit Advocat ignorant, se disant mon cor- rival. Satyre XIII 128

A la Quincaillere, qui n'estoit ny riche, ny noble,

et faisoit la Damoiselle. Satyre XIV 139

L'hipocrisie d'une femme qui feignoit d'estre

dévote, et fut trouvée putain. Satyre XV . . . 146


TABLE DES MATIERES 205

Pages. Contre l'apostat Leandre, autrement dit Cons- tance Guenar. A Messieurs les Prétendus

reformez du lac Léman. Satyre XVI i63

Glossaire 169

Table des Poésies 199

Table des Gravures ■ 201

Table des .Matières 2o3


FIN


ACHEVE D'IMPRIMER

le dix mars mil neuf cent vingt-deux

par

l'Imprimerie du Bon Vieux Temps

12, rue de Chabrol, la

à Paris.



Esternod, Claude d». L* espadon satyrique


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