Le Livre moderne (volume 1)  

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Le Livre moderne (volume 1)

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Full text[1]

BPiJ'^.a) ^'^■i'fJrl^l'


^acbartr ColUge I,ilirars


MRS. ANNE E. P. SEVER, OF BOSTON,

WlDOlV O» COL. JAMBS Wa«K.N SkVKK.

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LIVRE MODERNE


TIRAGE A MILLE CINQUANTE EXEMPLAIRES NUMÉROTÉS AINSI QUE SUIT :


Mille, sur Verg^ des Vosges (numérotés de 1 à 1000), Vingt, sur papier du Japon (de I & XX), Quinze, sur papier de Chine (de XXI à XXXV), Quinze, sur papier Whatman (de XXXVI à L).


Exemplaire J\l° f^^SH:


LE

LIVRE MODERNE

REVUE DU MONDE LITTÉRAIRE

rBIfBLWPHILES COJ^TEMfPO^^IJJS

PCBLIÈB PAE i'êf- ^y

OCTAVE UZANNE


PREMIER VOLUME

(janvier-juin)

Direction ,■ 17, Quai Voliatr,

PARIS MAISON QUANTIN

COMPAGNIE GâNÉKALB D'[ MPRIiSSION ET



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\J^AMAf Jùu/yiMA'



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TEXTE

" Acte de naissance en guise de présentation.

" h'AST DU uvhb et les livres d'aht.

" CiiAUPFLEURy. — Noies et Souvenirs.

" Rondeau pour les lectrices. Autographe inédit de Jean Riche PIN.

' Au Pays des autoobaphes. — De quelques dédicaces curieuses. Les débuts littéraires de Charles Monselbt.

" BiBLioGBAPiiiE-EXPREss. Bévue diligente des Livres Nou- vellement parus.

" CuRiosA. — Notules, Singularités, Trouvailles, Obser- , valions bibliographiques.

" Le Phehibr dîner des contemporains.

" Nouvelles, racontages et on-dit du honde des curieux.

° La Bourse des livres : les enchères d'hier et de demain,

" Journaux et Revues. — La Presse et la Critique à vol de

° Revue cosmopolite : Les Livres, les Éditeurs el la Litté- rature à l'Étranger.


— »«—


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ILLUSTRATIONS

I" Portrait (/'Octave Uzanne, composition de

A. Gihaldon, gravure à l'eau -forte

f d'EuGËNE Abot.

'2" Les lectrices a travers i.bs aces, gravure

à l'eau-forte de Henri Manessb. d'après

L, Métivet.

— Vignettes. Chaînes diverses de Champfleurv.


PUBLICATIONS SUPPLÉMENTAIRES

r Catalogue de la Librairie française. — Recueil de Biblio- graphie pour les seuls abonnés du Livre moderne. 2" Un Avis aux Souscripteurs imprimé en bleu. 3" La librairie internationale. — Journal de publicité.


AVIS. — Les Exemplaires Spécimens Uréa sur Papier dfpreans

(l.- cien Livre, et il adisparu quel- ques jours à peine avant la livraison finale de cette revue oùil avait publié par Fragmenta successifs la majeure partie de son ouvrage sur les Vignttlet Romantiques. Je le vois encore, le cher homme, arrivant aux bureaux de la revue défunte, le dos déjà voûté, l'allure incer- taine, avec son œil inquiet de myope et la caractéristique de cette moustache tombante éternellement entr'ouverte par un bout de cigare à moitié carbonisé et toujours éteint. Il s'asseyait distraitement, ôtait son binocle, et, dardant sur son interlocuteur ses yeux froids et perplexes d'oiseau de nuit, il s'apprêtait & déficeler un manuscrit.


8 LE LIVRE MODERNE.

dont il contait vivement, en attisant la curiosité, Tin- croyable bizarrerie, en appuyant toujours sur la singularité et la physionomie de l'être grotesque dont il s^était fait rbistoriographe ou plutôt rhistoriogrifife.

Car ce que Champfleury goûtait le plus chez ces romantiques dont son humeur fureteuse se plaisait à exhumer les types inconnus, c'était le caractère carica- tural, le talent outré, l'originalité accusée dans toutes les expressions littéraires et artistiques. Ce n'était pas im enthousiaste des lettres, un bibliographe épris des belles formes, un Don Quichotte lettré, allant par monts et par vais dans les contrées des génies oubliés pour trouver de nobles figures à mettre en lumière ou de beaux esprits à défendre, par la sertissure même de leurs œuvres les plus élevées; il n'avait ni la religion, ni même l'amour passicmné des belles œuvres, mais plutôt la cruauté pro- fane et'la recherche de l'ironie qiumd même.

Cet amoureux des chats était un félin, et, lorsqu'il s'avisait dé tomber en arrêt sur quelque pauvre hère exaigéré, hirsute, ruisselant d'inouïsme, il se plaisait des heures entières à le retourner de la plume, à le rouler dians son encre de petite vertu avec des miaulements de jdie stridents et des grâces espiègles et perfides de Grippe- minaud.

Ce réaliste n'aimait peut-être que la caricature même de la vie réelle, non pas avec l'indulgence profonde et parfois émue d'un Henry Monnier, mais avec l'âpreté cancéreuse d'une moquerie à l'eau-forte. Aussi, en dérou- lant ses manuscrits et ses illustrations, était-il déjà secoué par un rire sec, étouffé, diabolique, un rire qui ronronnait dans sa gorge et qui indiquait bien qu'il possédait quelque mignonne souris contrefaite dont il allait nous conter les exploits étranges et les excentricités,


CHAMPFLEUHY. 9

avec cette petite pointe de plume menue, aiguisée comme une lancette, dont la copie microscopique et rageu- sement tracée faisait le désespoir des compositeurs.

CHAJIPFLEUBT — fir tlLL


L'auteur de Moniieur. Tringle ne manquait pas à sa tâche; toujours son butin provenait de quelque poursuite dans les soupentes des bibliotlièques, soit qu'il exhibât un illuminé, un apôtre, un forcené comme Gagne, ou un


10 LE LIVRE MODERNE.

visionnaire comme Carnaval. Qu^on relise les séries de ses études publiées dans notre ancienne Revue : qu'il s'agisse de Karageuz ou de Cabanon, Fauteur dû Boman pour les cuisinières^ on verra que Champfleiuy n'a jamais montré patte blanche que pour faire sauter d'un coup de griffe quelque innocente victime du rêve affolant, quelque écrasé de la vie, grimaçant dans la douleur de l'illusion déçue. — De là le côté mystificateur que l'on s'accorde à attribuer à Champfleury, qui se complaisait à tous les pièges et chausse-trapes dont son intellect lui suggérait l'invention. D'allure bonhomme et un peu provinciale, d'aspect naïf au delà de l'expression, ce romancier, qui eut son heure de gloire aux époques où Poulet-Malassis associait ses destinées avec celles de de Broise, était devenu un oublié et un dédaigné des générations actuelles et il en avait conçu une amertume mal déguisée. Relégué à la Manufacture nationale de Sèvres, il avait presque abandonné les œuvres d'imagination et, tout à ses sou- venirs, à ses collections, à ses livres, il compilait, com- pilait, compilait, comme le pédant raillé par Voltaire.

Sa dermère œuvre, sur laquelle il fondait les plus grandes espérances et qui devait, selon lui, apporter de nouvelles formules d'art théâtral, la comédie de F Apôtre, qui parut chez Dentu il y a trois ans environ, n'obtint aucun retentissement, et son auteur attristé se confina de plus en plus dans ses fonctions administratives. Champ- fleury a été un peu touche-à-tout, et a droit au qualificatif de Polygraphe dans l'amusante classification des catalo- gues de vente d'autographes. Sa physionomie biographiée fournirait assurément une étude fort pittoresque et qui mériterait de prendre place en appendice de son Livre les Excentriques. L'histoire de ses ouvrages de 1848 à 4860 surtout mériterait une bibliographie qui aurait son inté-


GHAMPFLEURY. 11

rèt^ car il s'y rencontre des particularités peu .connues et on trouve à y ajouter des suites d'eaux-fortes originales de Bonvin, de Bracquemond^ d'Edmond Morin et de A. Gauthier qui garderont certainement leur rang dans les illustrations bizarres de la seconde moitié de ce siècle. Un bibliophile moderniste peut posséder BoisdChyver, les Héritiers Le Camus et Mademoiselle Mariette ^ s'il a su les enrichir des eaux-fortes à part que, pendant longtemps, le Ubraire Pincebourde débita à bas prix dans son officine de la rue de Beaune. On se souvient aussi de la Gazette de Champ fleury qui n'eut que deux numéros assez pau- vrement fournis de littérature (novembre et décembre 1856) en format petit in-16 et qui valent cependant d'être conservés, si l'on peut leur adjoindre. une brochu- rette de même format publiée par Hippolyte Babou en 4857 chez Poulet-Malassis et de Broise sous ce titre : la Vérité sur le cas de M. Champ fleury.

Comme critique d'art, l'historien de la Caricature antique et moderne s'est complu à faire revivre le talent réaliste des frères Lenain et à sortir de l'oubli une série de petits maîtres dont le c6té d'hydrocéphalisme charma son instinct vers le grotesque.

Nous reviendrons probablement un jour à l'idée de consacrer une étude sur la figure très spéciale de ce mort d'hier, dont nous ne faisons aujourd'hui que crayonner la silhouette en ombre chinoise. Un bibliographe de nos amis, apprenant le décès de ce collectionneur émérite, a fait en une seule exclamation sa très juste oraison funèbre : « Champfleury est mort ! sacrebleu ! conservons nos $ausl — Quelle fameuse vente cela va faire! »

En réalité ce sera une fameuse vente, si cette vente se fait, et, ce qui survivra peut-être le plus sûrement de ce grand maître oublié du Réalisme, ce sera son catalogue


11 LE LIVRE MODERNE.

général : Livres, lithographies, estampes, faïences réro-

lutionnaires, tableaux, aquarelles et le reste. ■

Dans son logis de la Manufacture de Sèvres Champ- fleur; avait réuni et augmenté cette fameuse collection qu'il possédait déjà au 23 de la rue Germain-Pilon vers 1865, quand un rédacteur anonyme de la Petite Revue (2 décembre 1865] s'avisa de donner quelques notes sur son intérieur. Il y a là bien des pièces curieuses et raris- simes que le 6n matois avait su dénicher; une collection de Daumier incomparable, des Romantiques oubliés, des livres de ce siècle incroyablement curieux. Peut-être au- rons-nous bientôt à parler de cette vente et nous l'espé- rons, car elle fournira à tous ceux qui nous liront un délicat régal.

On a peint ainsi Champfleuiy :

Il Bizarre nature dominée par les nerfs, attentive comme un chat, patiente et emportée, froide et enthou- siaste, généreuse et serrée, suffisante et modeste, myope et clairvoyante, active et abattue, raisonneuse et pleine de mutisme, sympathique aux uns, faisant froid aux autres etpoussantle goât de lamystiâcation àTextrème. »

Que dites-vous de ce portrait ? N'exprime-t-il pas l'art de dessmer quelqu'un — qui devient quelconque, — avec de la gomme à eftacer.

MCSCULUS ViNDEX.


LES LECTRICES A TRAVERS LES AGES

. Ile ku4-iif^ Sç^ua^ ^* /)î//ti^m/^




C^UlTÙ^



AU PAYS DES AUTOGRAPHES


Quelques (Dédicaces inconnues


LES DÉBUTS LITTÉRAIRES DE CHARLES MONSELET

QiMtre curieuses lettres lnâdltes de Mohselet à ses parents


Buz lettrés, doublés de deux col- lectionneurs, MM. Alexis Martin et Gément- Janin , ont publié chacun de leur côté un volume sur les livres avec dédicaces.

Le travail de M. Clément- Janin a été fait à l'aide d'un cer- tain nombre d'ouvrages prove- nant de la bibliotlièque de Jules Janin, son parent; il est plus étendu que l'ouvrage de M. Alexis Martin.

Nous continuerons pour nos lecteurs l'oeuvre de ces deux bibliophiles, et nous donnerons, de temps à autre, l'indication des livres curieux par les dédicaces qui auront passé sous nos yeux. Nous nous attacherons seulement è ceux-là. Les livres


JtV PAYS DES AUTOGRAPHES. 15

& dédicaœs ne sont pas rares, mais les dédicaces piquantes, spirituelles ou originales sont moins communes qu'on n6 serait tenté de le croire.

Dans une vente annoncée discrètement dans le Figaro, le 10 octobre 1888, vente faite sans catalogue et sans bruit, se trouvaient quelques épaves de la bibliothèque Sainte-Beuve, vendue peu de temps après sa mort par le libraire Potier.

Ces épaves, conservées longtemps par M. Jules Troubat, le dernier secrétaire de Sainte-Beuve, passèrent à peu près inaperçues du public des amateurs, mais nous avons relevé, à cette époque, Tindication de quelques-unes des dédicaces (les plus curieuses, bien entendu) qui enrichissaient les livres com- posant cette vente ignorée.

Et maintenant. Messieurs les Bibliophiles, savourez ces pri- meurs littéraires.

r

Sur un exemplaire de Fanny, l'auteur, Ernest Feydeau, avait écrit et signé ces lignes: « Offert à V auteur de Volupté, M. Sainte-Beuve, au plus délicat des maîtres de la parole écrite, par son indigne ému le . »

A George Sand, maintenant.

En offrant au célèbre critique son Monsieur SHvestre, 2* édition, elle inscrivait ces mots sur le volume : « A mon ami Sainte-Beuve, chère et précieuse lumière dans ma vie, »

Théophile Gautier est plus familier, par exemple.

Sur le volume de Spirite, édité en 1865 par Charpentier, il trace, de sa plume paresseuse (les autographes intéressants de Gautier sont de la plus grande rareté), ces deux petites lignes plaisantes : « A Fonde Beuve, Le neveu Théo, Témoi- gnage fFaffectueuse admiration. »

Barbey d'Aurevilly, le grand écrivain que les lettres pleu- reront longtemps, donne à Sainte-Beuve son fameux volume de Poésies (sans titre), et voici ce qu'il lui dit sur la page blanche. « Au grand poète qui a écrit J. Delorme^ à Mé Sainte-Beuve. Que le critique se détourne avec indulgence.


16 LE LIVRE MODERNE.

et que. le poète, généreux comme le Génie, me donne l'hospi- talité. » N'est-ce pas flambant? • Rien n'était banal chez ce diable d'homme, pas même ses dédicaces.

On ferait avec les dédicaces de J. Barbey d'Aurevilly le livre le plus 'plaisant^ le plus hùmburistique, le plus sing^ulier du. monde. L'auteur du Prêtre mariié sema l'esprit dans ses dédicaces, qui jamais ne furent ordinaires ou quelconques, mais qui toutes portent le cachet de son incomparable dis- tinction intellectuelle. — Nous essayerons peut-être par la suite de réunir le plus g^rand nombre possible ^e ces ex-dono du maître écrivain. Aujourd'hui, j'en signalerai deux qui ont été écrits sur des exemplaires offerts au fondateur du JLivre mo- derne et des Bibliophiles contemporains. — Sur un volume de première édition de VEnsorcelée, l'auteur a écrit de sa belle encre polychrome cette fière pensée : « Un livre est un pont jeté d'Âme à âme: — Heureux de vous avoir rencontré ao bout du mien, »

Sur un exemplaire de la Vieille maîtresse se trouve écrit :

« Une vieille mattresse que je vous donne et qui- ne vaut pointy hélas 1 toutes les beautés réelles que votre jeunesse vous a fait conquérir.

Nous reviendrons du reste, tout nous le fait espérer, sur d'Aurevilly Dédicacier.

Notre regretté Charles Monselet donne au critique ses Galanteries du xviii« siècle, avec cette phrase : nA M. Sainte- Beuve. Au critique souriant », accompagnée de quelques lignes spirituelles dans lesquelles il réclame l'indulgence de Joseph Delorme pour ce pauvre ResUf de la Bretonne.

Afin de donner quelque variété à cet article, nous allons terminer en plaçant ici une note écrite de la main de Sainte- Beuve sur une plaquette sans autre titre que celui-ci : Poésies diverses y qui figuraient dans la même vente du 10 octobre.

« Ces vers sont de moi. Aujourd'hui on me croit seule- ment un critique, mais je n'ai pas quitté la poésie sans y avoir laissé tout mon aiguillon. »


AU PAYS DES AUTOGRAPHES. 17

Les voyages à travers les livres ont du bon, n'est-ce pas? ce sont peut-être entre tous les meilleurs et les plus reposants!

Voici quatre lettres de la jeunesse de Charles Monselet, à ses débuts littéraires. % Elles sont absolument inédites et adressées à ses parents qui habitaient alors Bordeaux. — Le plus singulier des hasards, par deux voies différentes, nous a per- mis, de réunir et de publier ici ces quatre épitres si curieuses pour rhistoire des débuts de Fauteur de Monsieur Cupidon.

La plus ancienne comme date est du 14 février 1847.

« Mon cher papa et ma chère maman,

« Je vous remercie %du sacrifice que vous avez fait pour moi en m*envoyant un mandat de 50 francs. Si je ne vous en ai pas plus tôt accusé réception, c*est que j'attendais de jour en jour avons donner des nouvelles satisfaisantes sur ma dou- teuse position.

« Hier, par exemple^ j'avais rendez- vous avec M. Cuvil- lier^Fleury, il m'a parfaitement reçu, mais il m'a dit que je ne pourrais entrer au Journal des Débats qu'avec un roman. Certainement l'espoir est une belle chose, mais on ne fait pas un roman en quinze jours. Voilà donc une chance dç moins pour le moment actuel.

« La veille de votre* lettre, heureusement, il m'a été pos- sible d'obtenir 50 francs de V Artiste, Avec les vôtres, cela m'a été d'un bon secours, car V Époque sur qui je comptais vient encore de me faire défaut pour le payement de mon feuil- leton du mois dernier, intitulé VAn 1846 ; le caissier m'a renvoyé comme tout le monde à la semaine prochaine. Rien de nouveau pour la liquidation. Décidément ce journal joue de malheur.

« Néanmoins, il publiera mardi un feuilleton de moi, que j'espère vous envoyer.

« J'ai obtenu une lettre de recommandation pour le Journal du Dimanche. Le directeur m'a demandé un article de genre ou d'actualité, spécialité qui m'a fait apparemment

1. 2


18 LE LIVRE MODERNE.

remarquer dans V Epoque, Il Taura dans quelques jours. Je finis également ma nouvelle pour Ul Presse.

« Le monsieur de la Vie des Peintres qui me devait 50 francSy voyant que je le faisais assigner , m'a fait proposer... 15 francs! J'ai accepté en rougissant.^Mais que fallait-il faire, n'ayant pas d'autres ressources?

« Je tache aussi de ressusciter le Journal des Familles, •qui avait été pour moi dans le principe une si bonne vache à lait. Ce sera difficile.

« Quant à M. An ténor Joly, il est venu chez moi avant-hier pour m'annoncer qu*il m'avait trouvé un éditeur pour mon roman y et qu'il n'y avait plus qu'à nous entendre pour les conditions. Rendez-vous est pris pour mardi prochain.

« Voilà en peu de mots, mes chers parents, le résumé de ma situation. Toujours l'espérance dans l'avenir, mais rien que cela. Je ne vous parle pas des petites contrariétés que me suscitent deux ou trois légères dettes en souffrance ; devant ma bonne volonté, cordonnier et tailleur ne peuvent faire autrement que de prendre leur mal en patience. Dans quelque temps, je l'espère, tout cela s'éclaircira ; merci donc, mes bons parents, de m'avoir un peu aidé dans cette circonstance. Gardez- vous bien de trop sérieuses inquiétudes à mon égard; à mon âge et avec un peu de volonté, on ne renonce pas au bout de six mois à une carrière qu'on s'est choisie et où l'on sent qu'on fera son chemin. La vie est un combat, a dit Beau- marchais. Mieux vaut encore pour moi combattre au début, pendant que mes forces sont toutes neuves.

« Richard (Lesclide) part mercredL II vous portera une lettre de moi, et vous donnera de vive voix des détails sur ma vie à Paris.

« Je suis reconnaissant envers Prosper {son frère) pour son bon cœur, et je lui souhaite plus de tranquillité que moi dans sa vie de comptoir.

c< Je vous embrasse, mon cher papa et ma chère maman,, ■de tout mon cœur. Votre fils qui vous aime,

« Chablbs Monsblet. »


I I


AU PAYS DES AUTOGRAPHES. 19

« Mon cher papa et ma chère maman ,

« Vous avez appris la mort subite de VÉpoque, et vous avez dû en être étonné comme moi ; je pensais que le Gou- vernement aurait trouvé son intérêt à maintenir un journal conservateur qui possède 10^000 abonnés. Mais puisqu'il n'en a pas été ainsi, qu'il n'en soit plus parlé. U Époque a eu cela de bon qu'au moment de sa mort elle a consenti à régler ses comptes avec moi> et qu'après bien des réductions et des chi- canes, elle m'a octroyë une somme de 130 francs pour le payement de mes feuilletons de janvier et de février. C'est moi qui ai tenu un des glands du char à son convoi, en ce sens que ses deux avant-derniers numéros contenaient ma nouvelle du Coup de pied quelque part, retapée sous le titre du Poulet.

« J'ai remis mon petit roman à la Presse, et j'attends maintenant son bon plaisir. Quand je dis j'attends, ce n'est là qu'une manière de m'exprimer, car je travaille à une série de feuilletons dans laquelle j'ai grande espérance. Ce sont des portraits littéraires, artistiques et même politiques, d'un genre tout nouveau. J'ai communiqué mon idée à mon coar- lier ordinaire, Anténor Joly, qui en a été enchanté. Dès qu'il y en aura deux ou trois de faits, il s'engage à les faire accepter à un grand journal.

« La semaine dernière, M. Buioz, directeur de la Revue des Deux Mondes, m'a fait prier de passer au bureau de son journal, et cela pour me demander rhonneur de ma collabo- ration. La Revue est l'un des journaux les plus considé- rables de Paris et où n'écrivent que des auteurs en renom ; papa doit s'en souvenir, et me félicitera sans doute de cette bonne fortune qui m'est tombée du ciel sans aucune recom- mandation. Je dois y retourner demain afin de m'entendre sur le sujet que jcf dois traiter pour le numéro du 1^' avril.

« L Artiste est toujours ce journal qui paye quand il peut, et qui peut très rarement. Néanmoins, je continue toujours


  • A LE LIVRE MODERNE.

mes rerues de la semaine, et je me propose de lai demander à ia an du mois quelque chose comme cinquante francs.

m Le Dinumche a reproduit mon feniUeton de Paris mas- qué. Je lui ai donné alors une nouvelle assez volumineuse qui dfAl passer prochainement, mais je crains d*être obligé de bien courir pocr avoir mon argent; n'importe, je courrai. La lit- térature, pour les commençants, est un métier de bottier et de tailleur : il faut revenir vingt fois k la charge pour avoir son argent.

« Voila le résumé de ma situation. De Tespoir! toujours de Fespoir! mais rien que cela. Vous avez bien raison de me comparer à Balthaz&rt, le poète du roman de Martin; et souvent vous devez sourire en voyant mon étemelle con- fiance dans l'avenir . Cest que je suis toujours, je le sais, Thomme des illusions. 11 n*y a que cela qui puisse me faire passer sur mon présent un peu sombre, et me faire oublier les petites tracasseries de ma situation actuelle. Je me figure de mois en mois que ma foKune va changer, et je puise dans cette idée consolante un courage et une persévérance qui, j'espère, ne se démentiront pas.

« En attendant, je te promets à Ta venir, ma chère maman, d'être plus circonspect dans les commandes que je pourrai faire à mon tailleur. Je n'ai cependant qu'une redin- gotte (sic) sur la conscience et sur le dos. Le gilet et le pan- talon sont payés. Quant au cordonnier, je suis tellement ravi de la manière dont il me chausse, que je le paye rubis sur l'ongle. Le chapelier est un de mes amis.

« Je suis retourné l'autre soir chez M. Augustin Thierry, et j'ai beaucoup causé avec M. Castil-Blaze, que papa con- naît de nom. Je vois aussi assez souvent Salvator, qui va don- ner un concert où l'on entendra des fragments de notre fameux opéra.

« Le Livre des familles est mort, et son éditeur presque ruiné. Peut-être se relèveront-ils l'un et l'autre, alors je ne les perdrai pas de vue.

« Charles Monselbt. »


AU PAYS DES AUTOGRAPHES. M

Autre lettre du même, en date du 21 mai 1847 :

« Mon cher papa et ma chère maman,

« J^ai reçu votre bonne lettre du 26 avril dernier, accom- pagnant un mandat de quarante francs qui m*a fort aidé, et dont je vous remercie de tout mon cœur. Depuis, vous avez dû recevoir un numéro de FAriiêie^ que je vous ai envoyé, renfermant une revue de moi, en vers et en prose.

« Voici ce qu'il y a de nouveau pour le moment dans ma position. L Artiste m*a donné cent francs. Il parait commen- cer à goûter mes articles, dont Jules Janin a fait des compli- mens. On m'a accordé, en outre, mes entrées au Théâtre* Français, mais ceci n'est qu'une affaire d'agrément.

« Quant à la Presse et à la Bévue des Deux Mondes, tou- jours motus. M. de Girardin, à qui j'ai demandé une avance d'argent sur la nouvelle qu*il a entre les mains, ne m'a pas encore répondu. Je viens de lui écrire encore. — Mon article delà Revue des Deux Mondes pAsser^prohahiemeni le l*'juin, et dans la quinzaine j'espère toucher alors quelque somme.

<c Victor Hugo m'a envoyé l'autre jour une loge de six places, avec une lettre fort gracieuse pour la reprise de sa pièce de Marion Delorme, Théophile Gautier m'a fort com- plimenté sur ma dernière revue, en se promenant avant-hier avec moi. Enfin, Arsène Houssaye veut k toute force faire une pièce de théâtre avec ma collaboration. Je vais accepter, afin d'être en droit de lui demander plus souvent de l'argent.

« Voilà pour mes relations.

« Je ne rencontre plus • du tout M. Solar. — Je vois sou- vent MM. Vergniaud, Anténor Joly et Salvator. — Laharpe est à peu près ma seule connaissance intime, avec un jeune homme nommé Femandez de Rodella, littérateur aussi, et cousin de Saint-Rieul.

« Allons, mes chers parents, du courage; vous voyez que les nouvelles d'aujourd'hui sont un peu plus tranquillisantes ; les prochaines, il faut l'espérer, vous rassureront tout à fait. Dieu aidant, je ne partirai pas de Paris et j'y ferai mon che-


22 LE LIVRE MODERNE.

min, au contraire. Cest mon idée fixe, et je commence un peu à être connu sur la place, comme on dit dans le langage commercial. Espérons qu'avant peu mes produits y seront bien cotés, et que tout ira pour le mieux.

« Soyez sans inquiétude, je me porte à merveille, et Tair de la capitale m'est très favorable, — sous ce rapport du moins.

<c Je borne ici ma lettre, mes chers parents, car le travail me presse. Je causerai plus longuement dans la lettre sui- vante. Répondez-moi sans trop de retard, et donnez-moi des détails sur tout ce qui vous concerne.

<( Je vous embrasse de tout mon cœur, mon cher papa et ma chère maman.

« Votre fils qui vous aime.

« Charles Monselbt. »

La dernière page est adressée par Charles à son frère Prospe^ Monselet, qui était resté à Bordeaux :

c( Merci mille fois des dix francs que tu as bien voulu ajou- ter au mandat de nos bons parents. Je voudrais pouvoir t' ex- primer toute ma gratitude en vers^ comme faisait Horace envers Mécène, mais tu m'excuseras si je m'en dispense. Entre nous, une poignée de main d'amitié suffit. Je désire que ta carrière financière ait moins d'écueils que ma carrière poé- tique, et que tu continues à faire ton chemin dans le monde des billels de banque et des pièces de cent sous. Moi, je reste au pays des nuages, des fleurs et des étoiles, etc.. »

Voici, enfin, la dernière épître de Charles Monselet à papa el à maman. Elle est datée du 2 août de la même année.

« J'ai reçu votre lettre du 7 juillet, renfermant un mandat • de trente francs, qui m'a fait le plaisir que vous vous imagi- niez. Peut-être trouvez- vous que j'ai un peu tardé à vous répondre, mais n'ayant point de changement dans ma posi- tion à vous signaler, j'ai cru pouvoir attendre jusqu*à ce jour. Papa, continuant toujours à aller chez Delpech, peut se con-


V


AU PAYS DES AUTOGRAPHES. jy.

vaincre de mon existence par mes revues de VArlisle; aussi' je ne pense pas vous avoir mis en peine.

« J'ai été passer une huitaine de jours à Versailles pour travailler à la comédie de Madame de Pompadoar, J'y ai loué une chambre de quinze sous par jour, où j'ai vécu, comme un ermite, de fruits et de fromage à la crème. J*ai visité le châ- teau de fond en comble, avec des permissions de la liste civile - pour les bosquets et les appartements réservés, et aujour- d'hui, je peux dire que je sais mon Versailles comme pas un^ seigneur de la Cour de Louis XV.

« C est huit jours de paradis terrestre que j'ai passés la. — Au théâtre de la ville, j'ai retrouvé Viette, Néroud et M'** Anna Luther.

« J*y serais resté plus longtemps peut-être, si une lettre de M. Anténor Joly ne m'avait rappelé à Paris. Il m'a fait faire plusieurs réclames et un feuilleton non signé dans ie Corsaire, sur un établissement nouveau intitulé le Chàleaa des fleurs. J'y ai gagné une quarantaine de francs environ.

« M. Arsène Houssaye, en attendant la livraison de Madame de Pompadour, me donne aussi quelque argent, ce qui m'aide à attendre des temps meilleurs, émaillés d'un plus grand nombre de pièces de cent sous. — C'est là mon unique res- source, car la Nouvelle Époque est ajournée à l'hiver pro- chaîn, et la Pressse me lambiné perpétuellement sans insérer mes feuilletons, qu'elle a par devers elle.

« Tu me demandes, ma chère maman, quelques détails que je vais m'empresser de te donner. C'est par le beau-frère de Salvator, qui est en même temps le secrétaire de M. Augus- tin Thierry, que je me suis fait présenter chez la princesse Belgiojoso. — - J'ai rencontré chez elle Bou-Maza, qui était en visite, et j'ai baragouiné quelques instants. avec lui. C'est un homme dans la force de l'âge, très grand, d*une figure féroce, et porteur de soixante-huit blessures, du moins à ce qu'en racontent les journaux. Quant à la princesse, elle a trente-huit ans, ni belle ni laide. Elle s'occupe de l'indépen- dance italienne et a une grande réputation daAs les salons de


rîT-j» Ji* Kî^ 'a. ••If!- nie Îct::! 5îi* mifr *T>* m «îiir <t ^ Oie / a mi» T*mt^ iKotii*.


• 4^*r Vr rfflKrenf. skil -csksr wna. lit ïe» c&Ki-ftSits ftfttl^ 4n «v';*»^ le fltt p4«tt!e fur ITiif i—r de J^iironii^igT,

éUmsès^ c-iit <iîr ^*f^r:l^x. iifr rjft'ii ■ lÈum^ éet caractère!?, H

«itfile : et «« «Tjl^T^i, 6» raoïs* «fc ja fc»>*rtrw> Bu r c fc ^ ^ da Irôœ. B*»-4-cîit pa* sa i=iin^ avssc \ qc'oo ffiii^e le dê-âpcr ? BeaosBarrtes^ a f i£: 6-5 cooetîîes arec iDOÎn^ que c«la. arrc on srazMi (TEsçnrae et oae citaBbrière. Le jrram de sentîment qci ar.îmr asa pt<*o? est dus FaiBoiir de Lenormaiid d'Elkiles pour sa finoaie. et dans la lutte désespérée qu'il entre p rend ponr la detocmer de son ambition. — La nioralîté est dans la mort solitaire de M** de Pompa- door. qui n'obtient qu'un regard à peine distrait du roi à sa dernière heure.

« (Test un plaidoyer contre rambition des luKuntA ; la Du Barrr eût été trop ignoble ; M"* de Pompadour a rarement été exploitée, et son nom, qui doit être, ce me semble, une attraction pour le public, résume d'ailleurs un des grands côtés de l'hi^îre du xxnr siècle. — Nous verrons si je me suis trompé, lors de la représentation. Le comité du Théâtre- Français, prévenu trop tôt par Arsène Houssaje, s*est déjà assemblé une fois pour en entendre la lecture, mais je ne pense pas l'avoir terminé avant une quinzaine de jours. Je ne peux donc point m*occuper d*un autre, avant d'avoir clos


L


AU PAYS DES AUTOGRAPHES; 55

celui-là, «t je n'ai pas encore trouvé le temps de lire les Mé- moires (fun Médecin.

« Je termine, mon cher papa et ma chère maman, en vous embrassant de tout mon cœur, ainsi que mon frère Prosper. t Votre fils qui vous aime,

« Chablbs Monselet. »

Il y a loin de ces débuts du petit bibliographe bordelais au Monselet sur lequel Prosper Blanchemain écrivit ces jolis vers :

Connu chez la brune et la blonde, Monselet a la panse ronde. Gourmand comme trois sénateurs, C*est le Gupidon des auteurs. Toigours il mange, il aime, il fronde.

André Monselet, fils de ce délicat bibliophile poly graphe, prépare un volume des plus complets sur son père, sous ce titre: Charles Monselet, sa vie, son œuvre. MM. Jules Claretie et Octave Uzanne seront les parrains de ce livre, sûrement do- cumenté, en tête duquel ils écriront préface et notice visant cette physionomie charmante, sur laquelle nous aimerons sou- vent à revenir car ce fin lettré est parti bien vite et, on peut bien le dire, dans une indifférence vraiment trop générale. Cet épicurien méritait mieux du journalisme, où il avait vécu et apporté un esprit et un style plein de biendisance ce qui est assez rare parmi les folliculaires au jour le jour.

Le mois prochain, nous entretiendrons nos lecteurs des ventes d'autographes qui ont lieu pendant cette saison, et nous leur signalerons les pièces les plus curieuses ou les plus remau^quables qui auront été mises aux enchères par MM. Cha- ravay, experts connus et appréciés des amateurs.

EVERYBODY.



BIBLIOeRAPHIE-EXPRESS


(Revue diligente des ^Publications nouvelles


ES ANCIENS se plaignaient parfois

de la multiplicité des livres, et

nous avons lu des pages entières

de Cicéron, d'Érasme, de Balzac le

vieux, de Voltaire et de Gœthe,

qui tous protestaient avec ardeur

contre l'abondance des publica-

lions naissantes* et l'inanité d'une

pareille production.

Les braves gens ! — leur ire nous cause une philosophique

hilarité, lorsque nous jugeons de combien peu ils s'aflligeaient

en ces temps doctes et paisibles d'avant l'ère du journalisme,

alors que les livres venaient au jour, savamment combinés,

revus et corrigés, après avoir été pensés, mûris et lentement

calligraphiés ou imprimés et déCnitivement mis en circulation

à nombre minime d'exemplaires, dont la moyenne ne dépassait

point cinq cents, autant du moins que nous en puissions juger.


BIBLIOGRAPHIE-EXPRESS. 57

Si l'usage des Dialogues des Morts ne s'était perdu dans- Doire littérature, il eût été curieux de mettre en scène, au milieu des parterres élyséens, les grands et fins esprits dont nous venons de. citer les noms et de jouir sans mesure de leur ahurissement ancestral à l'audition des nouvelles terrestres apportées par l'alipède Mercure.

c< — Ce n'est pas un volume par mois, ô Cicéron I un livre par quinzaine, très sapient Érasme, un ouvrage par semaine,, cher Bacon et judicieux Balzac, s'écrierait le Fsychopompe ; ce n'est plus, très malin polygraphe Voltaire, une publication quotidienne, ni même deux, ô Goethe, père du Faust. 11 parait aujourd'hui par heure un volume à Paris, par minute un livre en Europe, par seconde une œuvre dans l'Univers, et tous ces instantanés se poussent vers le rayon d'or de la gloire, grouillant, pullulant comme des éphémères dans le prisme- solaire en un matin d'été.

« Et ne croyez pas qu'on les lise, ajouterait le Messager des Dieux, ne pensez point qu'on les parcoure ; l'humanité est si fiévreuse qu'elle se repaît en hâte de la lecture des cin- quante mille journaux du globe terrestre; ces livres, on en achète quelques-uns, que de singuliers bibliophiles aiment à collectionner et à vêtir de reliures brillantes, mais la haute- majorité des auteurs se grise de réclame toute faite, hume* l'encens qu'ils se sont fait brûler dans la cuisine des journaux, où la rédaction n'ayant ni le temps d'ouvrir un livre, ni le- loisir d'en éplucher l'esprit, préfère s'en rapporter à l'écri- vain pour juger du talent que celui-ci se décerne avec des éloges qui vous paraîtraient outrecuidants, si la folie générale des humains n'avait depuis longtemps démonétisé la monnaie des grands mots de gala, et si les termes de chefs-d'œuvre, de- merveilleux, d'incomparable, de génial et de maîtrise ne cou- laient aujourd'hui de toutes les lèvres et de toutes les plumes avec autant de facilité que d'absolue banalité. »

Malheureusement « le Dialogue des grandes Ombres )> n'est plus de mode ; Renan, qui le dernier a tenté de faire revivre cegenre^ierruçifedans son c< 1802 », a essuyé un de ces-


^0 LE LIVRE MODERNE.

attention, par des arrêts sérieux, qu'aux points où la bifur- cation le commandera et lorsque renrayement nous sera •imposé par des événements imprévus.

Notre mouvement, réglé par grande vitesse de malle-poste, aura son régulateur et son frein suivant la route qui nous sera •fournie. Lorsque nous inviterons nos compagnons de voyage à descendre par le cri caressant de: F Arrêt, Bu ffet^c est que nous aurons à leur offrir quelque plat de résistance, de longues théories de hors-d' œuvre, un succulent entremets ou un des- sert recommandable.

Notice collaborateur-chauffeur, très au courant des varia- tions du manomètre littéraire, ne renversera la vapeur qu'à bon escient et nous espérons, ô très précieux co voyageurs, que notre locomotion accélérée, douce, incahotée, confortable, • ne vous laissera qu'une sensation de bien-être et de plaisance, que nos arrêts dinatoires vous procureront une ivresse aimable et que vous conviendrez enfin que rien ne vaut V Express- Bibliographe de P,-L,'M. (Lisez: Pans-Livre-Moderne) où les sleeping, espérons-le, ne seront d'aucune utilité.

Mais veuillez nous excuser de vous tenir aussi longtemps en cette salle d'attente, afin de mieux préparer notre quai d'embarquement. Notre chauffeur futur est fortement infbienzé et ne peut se mettre en route. Le train est formé: prenez place. Nous ne ferons aujourd'hui qu'un court trajet, mais vous serezconduitparlé directeur du L.-Af. — Le sifflet ébranle l'air de sa vibrante acuité. Le wagon est en marche ; il dévore respace,ce qui creuse nos appétits; déjà il ralentit et stoppe: dix minutes d'arrêt y station des :

Romans et Nouvelles.

Peu de monde en gare, la foule s'est portée en masse vers Tembranchement des Etrennes. Les hommes, éternels enfants, ne peuvent désapprendre d'aimer cette grande kermesse des livres du nouvel an, dont les vêtements éclatants et criards mettent dans l'œil la danse aveuglante des ors et des couleurs.


BIBLIOGRAPHIE-EXPRESS. 31

Parmi les rares nouveaux venus qui nous attendent sous leur couverture jaune à 3 fr. 50, nous remarquons :

Madame la, Boule, par Oscar Métenîer, chez Charpentier. Le GilBlas en a donné la primeur, il y a quelques mois, en rez- de-chaussée, nous pourrions dire en sous-sol, car M. Métenier, qui, par ses fonctions d'^attaché à un commissariat de police, peut fréquenter les mondes les plus grouillants des bas-fonds sociaux, s*est spécialisé dans la peinture de la haute pègre. Il ne néglige l'analyse d'aucune des boues qu'il étale ; \1 s'y com- plaît, on le sent trop aux relents de Madame la Bouler mais il serait injuste de dire qu'il n'y apporte pas une véritable passion de naturaliste et un talent indéniable. Malgré tout, ces tableaux de Boule Noire et de bastringues parisiens, ces vices de la crapule et toutes ces buées d*ignominie ne sont pas au goût <le chacun; il est permis de penser qu*on en abuse vraiment et qu'il y a autre chose à apprendre que la géographie des égouts. Puis, entre nous, depuis Germinie Lacerteux, le livre type, c'est toujours la même chose. Ces romanciers de la queue de Zola ont des procédés, souvent même un réel ta- lent de description, de la couleur et de l'observation ; mais, sacrebleu! il nous semble quil serait temps d'avoir la crânerie

originale de regarder en haut et de ne pas prendre pour

unique lunette celle où s^appuient nos chairs jumelles aux instants où la nature nous convie à la garde-robe . Trop de littérature à 15 centimes, — l'esprit peut fort bien se passer de chalets de nécessité, je pense même qu'il doit les ignorer.

m 9

Possédée d* amour , par Jean Rameau (chez OllendoriT); un poète, M. Jean Rameau, un hirsute qui eut des succès de salon à la façon de Rollinat et qui sait plaire aux femmes par Tau- dace de ses envolées sur le tremplin de l'épithète. — Il nous a déjà donné deux jolis volumes poétiques : la Vie et la mort^ ainsi que la Chanson des étoiles. Son talent de prosateur a moins de vibrance que sa muse. Il a voulu ici être moderne à outrance et montrer un de ces sempiternels ménages adultérins


LE l:vee x:i;£2X



tu„uk qneUof%qmtf et sc-a* e«pêroc^ ie reocootjvr sur un t^m jitUèraire oâ sera pîas isaitre <ie ses BKnjens.


GtOTZ^n ^J^Det pablie la «cite de ses B^t^lts iUns la ri«, «r^ «iemier-fké eil bapiisé Dernier ^mour. — Que n'est-ce en effet •oo àermer saaoûr de librairie ! Il est aojoonThiii de maovais ^^M d'e«Aarer n rerre sur le saccê» de œ Poason da Terrail de la boarçeoîâe, après réreinlement de la majeufe partie des écriviim lettrés; mais lorsqu'on ^"ient de perdre quelques heures a lire les monda ineries incolores de ce romancier juché sur la p^Tamide de ses éditions successives, on est pris du MTotiment naturel de la révolte en vovant un xéro si mal placé. Jamais on ne composa plus ^uimauvesque quintessence de nullité dans la conception, dans la conduite d^une osarre et surtout dans l'écriture même, pour ne pas dire le style, qui n'a de comparable dans la basse presse que celle de Riche- bourg, cet empoisonneur des classes populaires. Détournez- vous de ce Dernier amour, chers compagnons de route, c'est le synonyme de Timpuissance proprement 'entretenue, avec des reflets de pommade et des prétentions à la bonne compa- gnie d'un intolérable fatuisme.

Ilisloirejf scandaleuses, par Armand Silvestre (EIrnest Kolb). Tout l'esprit des vieux conteurs mis à la lessive mo- ' derne, y compris les procédés chimiques du sel de rire et da sulfure d'humanité. — Ah ! le cher Silvestre des grands vers rôvcurs! Qui se douterait en lisant sa prose que... Silvestrem tenui musam,.. Puis les lecteurs du Gil Blas adorent les cré- pitements verveux et les borborygmes de ce conteur Paul-de* kockesque I

Le Roman. (Tun assiégé, par Jean de Villeurs (Lemerre) . Il s'agit du siège de Bitche, 1870-71. L'auteur a recueilli et coor*


BIBLIOGRAPHIE-EXPRESS. 33

àonné des notes, des lettres, des impressions fraichement crayonnées pendant cette année terrible dans la forteresse inviolée de notre frontière. Il a raison de décorer le joli livre qu*il a ainsi formé du titre de roman, car cette œuvre, faite de bribes, est plus émouvante, plus noblement invraisemblable qae tous les parisianismes romantisés et édulcorés d'aphro- disiaques de la librairie courante. C'est simple et profondé- ment touchant.

Les Amours de Gilles, par Louis Morin, avec 178 dessins de Fauteur (Kolb, éditeur, in-8°). Cette histoire d'autrefois parut en automne dernier, mais passa presque inaperçue sous les yeux des amateurs. Que conclure de cette indifférence ? Fy aurait>il plus de gens de goût et d'amateurs de livres d'art vraiment originaux? — Celui-ci est une perle. Le texte est aimable, spirituel, sans prétention et d'un style coulant et avenant qui repose des ciselures sur orde matière de l'école naturaliste. Ces Amours de Gilles, qui se passent à Venise au XVIII® siècle, sont mouvementées, dramatiques ou friponnes et font revivre la joie communicative de cette exquise comédie italienne. Mais ce qui ravit sans mesure les amoureux des livres à l'œil artiste et au sens affiné, c'est la suite des nom- breux dessins que Fauteur-dessinateur a su marier à son texte avec un goût, un esprit de facture et une entente de l'har- monie du livre qu'on ne saurait trop vivement applaudir et encourager. Les bibliophiles se plaignent qu'il n'y ait plus d'ouvrages vraiment typiques à collectionner. N'ont-ils plus d'yeux ? En voici un fait à ravir, joli, pimpant, coquet, illus- tré avec un rare esprit, charmant en tous points, qui coûte deux maigres écus de trois livres, et nul ne se soucie de ce petit bijou. — Il faut vraiment n'avoir jamais palpité devant les Longhi, les Canaletto, les Guardi et tous les petits maîtres de la peinture vénitienne au xviii* siècle, pour ne pas sauter sur ce petit ouvrage envignetté à plaisir et dans lequel se font voir tant de minois mutins et radieux comme ceux que nous a légués la Rosabba, cette suave peintresse rose de Chioggia.

I. 3


M LE LIVRE MODERNE.

Parmi les coaTeriones î&iiacs, racbemîsant des œuvres nouvelles ou rêê-iî&êies, sicriiil :-n< ea deux lignes : Histoire d'une fille c/o monde, par Ars^ae H >3f5ave chez Charpenlier). C'est du Resiif de la Bretonne qT:i::ts«eiiciê et aussi fantas- tique que ie Pied de F^mhette. — La Grande /aiiic, par Paria Korigan, lisez M"* Emile Lévx obei Albert Savine;, Roman breton et sau\~a£e où s'allui^enl des lueurs de vrai talent . PM-iie carrée, roman de Ibeophiîe Gautier Charpentier), qui parut pour la première fox> en i>4S dans la Presse sous le titre de : ies Demx êU»sles et qui prit au?«i plus tard le titre de U Beile Jenny. — Les Trc^îr an- cnfax Je Gertrude, par M"« Sta- nislas Meunier ^cbez Charpentier . owivre qui tire sa force d'une subtile analvse des sectimesls passionnes et qui nous montre enfin — ô morale, reviens à nous! — une jeune épouse qui fait triompher son devv^ir contre la propre passion que loi inspire un jeune artiste d<>uè <>>mn)e le Prince Channant.

Messieurs le* voya^urs phil>-b:blii^5rraphes, en voiture! — Notre express file à toute vitesse vers la halte des études littéraires. Veuillez ne pis perdre de vue que nous nous trouvons dans un train dînaucuratîon, avec un service encore mal outillé, et de plus sous Tinfluence épidémique de la fiè\Te deng^ue, dont tous nos assesseurs sont cruellement atteints. Nous nL*clamons donc volr>? indalg^ence pour le désarroi de celte première excursion. Acc^ordez-nous-la large- ment et sans mesure, nous stoppons en un p^ys plus sévère et moins fantaisiste sur notxY carte biblio-cosmique. Nous voici arrivés à

CRITIQl'E LITTÊSAïaS ET AKTISTIQCE

Nous y sommes attendus par plusieurs personnages de dis- tinction. M. J.-K. Huysmans nous y présente ses derniers essais, qui forment une œuvre rare par le talent et la haute valeur de ses >'ues artistiques. Son li^^re est intitulé : Certains, ^Tresse et Stock). L*auteur d*A Rebours y étudie Tart de plusieurs modernes isolés dans la tour d'ivoire d*une esthé-


BIBLIOGRAPHIE-EXPRESS. 35

lique essentiellement personnelle. Il analyse Tœuvre curieuse et étrange de Gustave Moreau, de Degas, de Wisthler, de Rops, de Chéret, de Millet, de Tissot, de Raffaêlli et de Forain. Il apporte dans ses argumentations l'esprit fin et délié de son dilettantisme si éloigné de toute promiscuité d'admi- ration et de tout éclectisme. — Cette œuvre, souverainement méprisante pour toutes les coteries négociantes de ce temps de réclame, ne donne place qu'aux forts, aux chercheurs de formules nouvelles, aux talents solitairement poussés loin des inutiles académies. — Ses jugements sur le peintre Degas, sur Forain et sur Félicien Rops sont mieux que des œuvres litté- raires délicatement ouvrées, il s'en dégage une vérité féroce et superbe, et la voix de ce critique demeuré intact et ingan- grené par les contacts forcés de cette époque rongeuse d'effigies personnelles est une consolation et un appui pour les décou- ragés. Certains mérite d'être lu avec soin, lentement dégusté. C'est un de ces livres trop rares qu'on doit tenir à honneur de conserver, bien vêtir et qu'on ouvrira souvent comme un flacon rempli de quintessences vivifiantes.

M. Charles de Pomairols vient à nous avec une étude de morale et d'esthétique sur Lamartine (Hachette et G'). C'est une œuvre grave, très fouillée, d'une élégante mélancolie, où la philosophie de Lamartine, sa spiritualité, la conception de sa poésie, la richesse de ses images, sont non moins minutieu- sement étudiées que sa politique, son éloquence et sa valeur * de romancier et d'historien. C'est assurément là une œuvre de bibliothèque, un supplément indispensable aux œuvres com- plètes de l'auteur des Méditations, On sort de la lecture de ce livre tout imprégné d'une tendresse admira tive non tant pour le poète que pour l'homme même, qui nous apparaît revêtu de toutes les noblesses, de toutes les grandeurs, de toutes les beautés morales qui s'allient si rarement au génie. — L'hu- manité de Hugo était mesquine et discutable, celle de Lamartine est aussi haute, aussi généreuse, aussi largement ouverte et aussi blanche que l'idéalité de sa muse.


36 LE LIVRE MODERNE.

Jules Lemaitre qui depuis plusieurs années met en volumes ses feuilletons dramatiques des Débats^ nous donne la quatrième série de ses Impressions de théâtre (Lecène et Oudin). Point n*est besoin de paraphrases sur la subtilité et la grâce littéraire du jeune successeur de J.-J. Weiss.* Il est de ceux sur lesquels chacun s'est fait depuis longtemps une opimon-y car la presse de toute nature, journaux et revues on t suffisamment divulgué sa prose pour qu'il soit utile de disserter sur SCS œuvres.

M. Auguste Bourgoin pense que le xvii« siècle peut sup- porter encore ses investigations et il nous met de son avis en nous faisant lire un ouvrage intitulé : Les mattres de la critique au xvii* siècle, Cest le défilé de rigueur. Chapelain et son indépucelable pucelle, Saint-Évremont, Boileau, La Bruvère et Fénelon.

L'auteur a abordé ces cinq grands critiques littéraires avec la déférence que Ton doit à de tels hommes, mais aussi avec toute la liberté que comporte un pareil sujet. C'est un clas- sique qui rend à ses maîtres l'hommage d'une sincère admira- tion, mais sans aveugle fétichisme.

Il a, chemin faisant, touché et essayé d'élucider bien des questions que soulève l'examen des doctrines et des opinions soutenues par les cinq critiques; en ce sens, son ouvrage sort du cadre ordinaire des li\Tes dits classiques. M. Bourgoin écrit à la fin de son Avant-propos, avant d'aborder la revue sommaire des critiques littéraires, par occasion, du xvii^ siècle :

H Ce livre n'est ni une compilation ni une œuvre de fan- taisie. Il |>eut être lu par ceux qui seraient soucieux de par- courir un coin inexploré de notre grand siècle littéraire. Nous serions heureux aussi qu'il rendit service à ceux qui sont obligés d'accroître sans cesse leurs connaissances pour répondre aux exigences des examens ou pour remplir dignement de délicates fonctions. » Ainsi soit-il !

Barbey d'Aurevilly, le grand disparu, a laissé parmi ses


BIBLIOGRAPHIE-EXPRESS. 37

œuvres posthumes un ouvrage encore tout étincelant des batailles passées, sous ce titre : les Polémiques d'hier. Grâce a Vesprit, au diable au corps, à la magnificence des coups portés, à la hautaine crânerie de ces cris de guerre, les belles pages de Barbey d'Aurevilly n'ont pas vieilli, bien qu'elles soient toutes antérieures aux événements de 1870.

Dans ces pages, datées des dernières années du second empire, on trouve, en même temps que les éblouissantes qua- lités de style du célèbre artiste, de véritables aperçus de génie •sur les hommes plus oa moins fameux qui préparaient à cette époque les malheurs immenses dont notre patrie souffre encore. Certains chapitres inouïs d'intuition, et pour ainsi dire prophétiques à force de profondeur, donnent à ce volume écrit il y a vingt ans, et publié aujourd'hui pour la première fois, l'intérêt vivant d*une admirable étude sur le temps actuel.

Barbey d'Aurevilly grandira toujours par l'éloignement comme tous les contempteurs; il mettait de son vivant un bâton de longueur entre lui et les hommes qu'il jugeait bas, mesquins et rampants. La majorité en a fait un isolé, ne pou- vant confisquer son talent et l'abâtardir dans les compromis- sions des masses. Aujourd'hui il ressuscite comme Lazare, droit, superbe avec sa noblesse de paladin, et les générations avenir rendront hommage et justice à ce preux des belles- lettres qui est parti dignement avec la devise bretonne : Poiius mori quant fœdari.

Un autre noble dignitaire de la littérature, parti également sans avoir effeuillé le laurier de la gloire, le comte de Villiers de risle-Adam, a fourni à ses exécuteurs testamentaires, Stéphane Mallarmé et J.-K. Huysmans, la matière d'un livre très suggestif : Chez des passants. Ce sont des fantaisies, des pamphlets, des souvenirs, jetés aux hasards de la lutte pour la vie, mais qui, par l'incomparable valeur de l'écrivain, par l'imprévu ingénieux des idées, méritaient d'être recueillies pieusement pour la joie délicate de quelques-uns.


n


38 'LE LIVRE MODERNE.

Ces mélanges d'un homme qui ne se plia jamais aux néces- sités de la liltérature marchande ont un cachet de profond personnalisme et une ardente expression de foi.

Dans le flot montant des brochures imprimées, de tels recueils sont rares, car celui-ci ne provient pas d'une de ces polyuries d'encre, qui caractérise la plupart de nos journa- listes boule vardi ers, mais chacun de ces articles a été écrit à son heure, dans la ferveur et Tamour de Fart.

Félicien Rops a frontispice ce livre d'une eau-forte très étrange et d*un haut style, comme tout ce que procrée cet • éminent conceptif d'un génie si nettement en relief, au pre- mier rang, dans l'art contemporain. Chez les passants ne doit pas aller à la dérive. Bibliophiles, veillez!

Messieurs les voyageurs, de nouveau en voiture! notre rapide rebrousse chemin ; la voie n'est plus libre pour cause d'encombrement.

Quelle courte escapade nous venons de faire à la suite de préparatifs qui paraissaient promettre davantage. Mais le Livre moderne ne peut dérailler; son réseau est chargé à outrance par la mise en marche des différents trains et les croisements de lignes forcément multiples de ^es débuts.

Revenons à notre point de départ d'une seule traite, et, sur le quai d'arrivée, veuillez tendre la main à votre guide en guise de bienvenue et en espoir de retour. Le mois prochain, r Express-bibliographe sera sous vapeur et vous attendra pour un voyage à plus long parcours, les disques et signaux fonctionneront à loisir, les équipes seront au complet, et nous pourrons passer par les raccordements des variétés, poésies, études historiques et autres, à la visite complète de toutes les provinces où notre humeur curieuse portera nos intellec- tuelles investigations.

0. U.



Jiotules — Singularités — Trouvailles Observaiions bibliographiques


fiSQ^^ N 'roman BiBUOGBAPHiQrE. — Qui connait aujour- w^9d d'hui le nom à^ Antoine Caillot? — PersoDue, à J^^SS l'exception peut-être de quelques rares curieux qui l'ont pu remarquer dans les vieux catalogues des anciens cabinets de lecture. Peu d'auteurs ont, cependant, plus fait gémir les presses que ce bon Lyonnais (né vers 1737), qui, de ISOi à 1829, a inondé les boutiques des Brunot-Labbe, des Cbamerot, des Ledentu, desDelaunay et autres fameux libraires de cette époque, de près de soixante ouvrages représentant ensemble plus de cent volumes. Médiocre écrivain autant que compilateur labo- rieux, Antoine Caillot fut surtout ce qu'on appellerait de nos jours un vulgarisateur ; il se piquait de n'écrire que pour l'instruction et l'amusement de la jeunesse (faisons quelques réserves pour <t amusement »] ; aussi son œuvre abonde-t-elle en Abrégét, Beautés, Morceaux choisit, Tableaux, Vies et maintes productions analogues, qui eurent, alors, une heure de vogue. De son œuvre originale, beaucoup plud restreinte, trois ou quatre ouvrages au plus peuvent être tirés de l'oubli; tels, par exemple, \e Nouveau


4« LE LIVHE IICOEEXE.

Diaionnaire proœrhûd^ êMirifme ri hmHaqÊie, phis

campUi que cemx fu o^ pan jm^pTà et jomt, ù Tusmge dtUmtle Monde 2* édlÛM. Pa^ls, I^Ainiiu IS29. iii-l2\ où Ton trouve quelq;i£* ôe:izil::-:is «4 expressions curieuses. — el Ma vingt iT-* de /l'.'ir, d'amour et de bonheur^ ou Mémoires fv^ oHh pdt-wuUre anonrme^ Paris, Librairie ëc»aoni:q;:e. 1><>T. 3 vc4. in- 12 . pro- duction assez peu êuifiiiîe, s l\n s'en rapporte à ce j usinent de la Berue des B:'wl:j\s : * CTc^ le tableau le plus dt>£rcmtaut du CT-niszs>e et de la débauche : les folies sont de fpciides sotlises rs^x^ulces d«: ton le plus triste et le plus glàcié- •

Mais ce qui peut mérite? à Caili:4 un tout petit souvenir bii«licCTapfcique. c'est î'c-cvra^ suivant, dont voici l'exacte description :

VoTAûE ACTor» m: ma liirMCTar jrr. BowèiM UUioffra- phique, cù les gms du nkonde €t les rfiiii peurent apprendre â former mne bibîi':iJ^he de bons ouerofes^ dams quelque genre que et soit, — Par Axt. Cauxot, auteur du Voyage religieux et se-Jimenljl aux quatre cimetières de Paris; de YHis::ire d'un pensionnat de jeunes demoiselles, etc. — Paris, L. Haussman et d'Hautel, 1809: 3 vol. in- 12. 6 fr.

La donnée de ce xx>nian devenu peu commun ice dont on aurait tort de se désoler est des plus simples, pour ne pas dire des plus plates. M. de Valcour, le liéros du livre, a recueilli, dans lliérita^e de son oncle, vieux prieur fort instruit, une superbe bibliothèque de vingt-cinq mille volumes, collection magnifique conte- nant tout ce que Ton conàdérait alors comme le deniitf mot de la littérature et de la science. Aidé de son ami MonviUe, de sa belle amie M^ de GourviUe, et d^une


CURIOSA. 41

autre jeune veuve, M"* de Cléri, qu'il a convertie à la bibliophilie, Valcour procède à l'examen et à la réduc- tion par sélection de la bibliothèque du prieur. On devine que l'opération achevée et après quelques inci- dents plus naïfs que romanesques, l'ouvrage se termine par un double mariage. C'est là tout le roman propre- ment dit et, on en conviendra, il ne serait guère curieux s'il ne présentait quelque intérêt au point de vue des jugements littéraires qui y sont exprimés au fur et à mesure de l'examen des diverses sections de la biblio- thèque. Ces appréciations, qu'on ne saurait attribuer à Caillot tout seul, le bonhomme manquait bien trop de critique pour cela, offrent un reflet parfait de l'opinion commune qui régnait alors au sujet des productions de l'esprit. Caillot composait sa compilation aux plus beaux jours de TEmpire et l'on ne saurait dire la banalité, le « poncif » des observations, des réfutations, non dépour- vues de quelque bon sens, qu'il met dans la bouche de ses personnages. Ce n'est point lui seul qui parle; il n'est que l'écho des lettrés de son temps et ce qu'il nous dit n'est pas pour donner une bien haute idée du savoir et de la critique d'alors. Aussi, pour bizarre et banale qu'elle soit, son œuvre méritait-elle d'être signalée comme pou- vant donner une assez exacte mesure de ce que valait, littérairement parlant, la moyenne de la société polie de cette fameuse époque plus militaire que dilettante.



Une anti-sans-culottide. — En fouillant dans un carton provenant d'une mienne arrière-grand'tante (fort belle personne, ma foi! à en juger par son portrait, où elle figure pinçant de la guitare et coiffée d'un turban magnifique), j'ai découvert la chanson qui va suivre.


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Dura fit I ladu^trie H k«  V«f%w Ckire Tii-re le* Lsi £1 jpçiier drs ccl-Atcs bis .

De l'homme dl-feodex les droits. Partout ob^i^sant aux lois,

CfTMnme bons patriotes bû, : O/ncit/iyens, sans vous fâcher, ilachez ce que Ton doit cacher,

liemeltez vos culottes (hU;.



CURIOSA. 43

Voilà, certes, d'excellents conseils^ qui, bien que vieux de cent ans, déjà, sont bons à mettre en pratique... en tous lieux.



Correspondance. — Nous recevons d'une petite ville de l'ouest, dont nous croyons devoir taire le nom, la lettre suivante que nous transcrivons intégralement, sans en rien retrancher que la signature.

« A Monsieur le Directeur du Livre moderne,

« X..., 27 décembre 1889.

« Honoré Monsieur,

« Nous avons formé, dans notre endroit, une petite société de gens de goût et de bibliophiles, à l'instar de la capitale. Malheureusement, nous n'avons . pas les moyens de nous assouvir comme vous, par suite de notre éloignement de votre si belle ville. Nous avons chacun notre genre et nous ne recueillons que du curieux et du rare. Mais il nous manque bien des choses et nous avons pensé, honoré monsieur, à recourir à la munifi- cence de votre concours, pour vous prier de nous faciliter la recherche de quelques productions que nous envions ardemment d'acquérir.

« Moi, d'abord, qui ne recherche que les poésies rarissimes, je voudrais que vous pussiez, par la publicité choisie de votre estimable feuille, me faire trouver ces deux volumes : Fleurs des Bois, du célèbre Eugène Pétasse, qui n'a été tiré qu'à cent vingt exemplaires et te Rimailleur bruxellois, ou résultat inutile de vingt'- cinq ans de délassement, par le grand Triponetty; ce» qui me charme le plus dans ce dernier ouvrage, c'est qu'on m'a dit qu'il n'a pas moins de onze pages d'errata. Comme cela doit être intéressant à vérifier, et quel consciencieux auteur que ce M. Triponetty I


(S LE LIVRE MODERNE.

fi Notre curé, un saTant qui mériterait le chapeau Ttmge, s'il était connu comme je le connais, Youdrait avoir ' le plus possible des écrits poétiques de Jacob Abrahaim Soubira, de Cahors^ qui^ de 1813 à 1830, a publié tant de brochures qu*il signait modestement : Le poète du Lot, le poète d'Israël et le poète du peuple de Dieu. Il parait que c'est très rare et plein de belles choses.

« Voilà, honoré monsieur, les trois ouvrages cjue pour cette première fois, je me permets d*avoir Thonneur de vous demander. J'ose espérer que je ne vous serai pas indiscret et, en attendant votre estimable réponse, je vous prie de me croire votre serviteur très humble.

• Secrétaire de la mairie de ... Membre des commissions scolaires, OfBcier d'Académie. •

— Nous nous empressons de satisfaire, pour une fois, au désir de M. X... Puisse notre modeste publicité l'aider à découvrir les bizarreries bibliographiques qu^il convoite et qui sont consignées en effet dans le catalogue de Lorenz, d'après les recherches que nous avons faites, craignant, d'après le ton de la lettre, d'être victime d'une plaisanterie de mauvais goût.



Sur les quais, je découvre une première édition des Stalactites de Théodore de Banville (Paris, Saulier, Galeries de rOdéon, 1846) qui est de toute rareté.

Sur la couverture sont annoncés pour paraître pro- chainement :

Le$ Lesbiennes, par Charles Baudelaire-Dufay.

Le Harem, par Auguste Vitu.

Le Roman du Cygne, par Pierre Dupont.

Et j'ai songé à ce rêve tant de fois caressé : faire la*


CURIOSA. 45

Bibliographie de$ Livres qui rCont jamaiê paru. Ce serait un travail de Néo-Calédonien ; mais quel étonnant recueil !



Je lis dans un des derniers catalogues reçus :

— Le$ Allumettes du feu divin pour faire ardre les crieurs humains en r amour de Dieu, par P. Doré, doc- teur en théologie. Paris, 1538, un vol. in-8. On les vend au Palais, en la galerie par où on va à la Chancellerie, en la boutique de Vincent Sertenas.

Mais ces allumettes4à coûtent plus cher que celles de la régie.

Dans un autre catalogue se rencontre cette facétie :

Guère de Trois^ recueil de calembours, à Paris. Année de la grande omelette [mil huit-cent d*œufs,)

Cette farce bibliographique me remet en mémoire un travail projeté sur les ouvrages que les illettrés réclament dans les bibliothèques. J'ai lu des bulletins de demandes ainsi conçus :

Les Mille^ par J.-J. Rousseau. La Bible ^ par le bon Dieu. Les Opéras^ d'Horace.

Ah! si les bibliothécaires voulaient bien faire la cueillette pour nous, quelles bonnes aubaines de gaieté l'ignorance humaine nous fournirait !



Notre collaborateur M. Charles Glinel ne connaît pas évidenmient le quatrain suivant d'Alexandre Dumas père, en dépit de ses recherches curieuses sur Dumas poète publiées dans le Livre défunt. — Un honorable Breton, d'une laideur indiscutable, M. M..., ayant fait publier


\J: llVlfi MODEREE.


— ^rr -firtmit ians L^iIlMmi ilUe-et-Vilaine, était

■:" r c j>apa Dama» — aoa ami — pour le prier

• :ii.'iLpts jouis aor ce témoignage d*iconoIâtrie.

-«.unt levant ce babouLa grare et d'un jet il

es 'vrs .ui-tiesBou» :


Ltu neupe (iont j'ai retienne '1* .'firc m huimne au regard chagrin; •-« il 11 'nul : lUe-ei- Vilaine, •2 je^i-nit lire : 0. est vilain.

'^, j: ■:^:i fui spiritueL il godta la pointe poétique et


• '-L


■ — ^ ' ,.3£ DES FHOMAGES. — Les extraordinaires • ■» ^- iZ^^anova sont remplis de choses précieuses. zz£ crt aventurier génial avait entrepris, une ftftscremcnt pleine de goût et capiteuse au premier u •"**' Je veux parler du Dictionnaire des Fromages. . • Zoia : analyste du Ventre de Paris, ta symphonie fro- n..u:'rt' arrivait en retard, voici ce que nous conte .-iMirtir^^nt Casanova :

.uu 'achetai des traductions que je fus fort

^ . .. • îr.vvPi cMtc^^lle ne m'ayant jusque-là paru

, ., ,v. ^%î: i»xo<»]lent fromage, connu dans

, ^.,.-. : r. ,n. ik /*û7iPi«sû;i, car ce fipomage

■.•.,-Tn - U même jour, je ne man-

- V. nr.,:-^ à l'article Parmesany

..* i V Vf*, T^irs. ouvrage que j'avais

Avjnt reconnu au-

. ^ K^^usseau trouva ^vvoaique. »


v- •.


•*»-♦•


&«i -»■


<^ à reprendre, et V *. V i ^ ^«cv»^. le munster


CURIOSA. 47

et le sept-moncel n'attendront pas longtemps leur Littré. Aous nous réjouissons d'avance d'y fourrer le nez. Ce sera un livre à mettre sous cloche.

On se souvient du vers connu :

Un poète mort jeune à qui Thomnie survit.

Notre confrère Francisque Sarcey Chimène, qui

leût cru ? — a laissé des poésies qui sont rarissimes, je ne citerai que les vers suivants qui sont intitulés : A Vol- taire ^ ap^ig avoir lu les Satires de Veuillot.

^ Saircey ! quel didactique vous fûtes ! vous faites avaler ^ l'auteur des Couleuvres plus d'un de ses rep- liles de plusieurs pieds de longs. ■ Oyons :

Triple extrait de vinaigre en pauvre et laide ftole!

Des verst le malheureux! à son Agel oh! la folle

£t trisle ambition, à cinquante ans sonnés,

D'enfourcher un Pégase & se casser le nez.

En prose, il écrivait d'un style fort passable.

Peu d*haleine, il est vrai, rien de fin, rien d'aimable.

De délicat qui plût aux raffinés de goût;

Mais du trait, de la verve et de l'esprit partout^

Un esprit violent comme un taureau qu'excite

La troupe des chulos acharnés à sa suite.

Qui voit rouge, fait tête, et de coups furieux

Frappe les vains drapeaux qu'on agile & ses yeux.

Le vers demande plus ; apprends-lui donc, Voltaire,

Qu'il y faut une main plus souple et plus légère,

Un goût plus fin, un art d'être court, vif et vrai,

De ramasser parfois le bon sens en un trait,

Etc.

Cela sent évidemment le fort nourrisson des Muses, sérieusement allaité ; la rime est pécunieuse, mais songez que cette versification date d'environ trente ans et plus, et ma foi déjà Sarcey perçait sous de Suttiôres. C'était le temps où Chaumont, Rodez et Grenoble possédaient


48 LE LIVRE MODERNE,

.tour à tour le savant professeur qui devait apporter dans la critique contemporaine.ee grand éclat de bon sens, de sincérité, de bonhomie, de joyeuse humeur, qui nous . a tous attelés à la lecture dominicale du Temps et atix causeries dt^ Annales.

® ■

Ces Curiosa pourraient avoir pour sous-titre : le vide-poche des curieux, car tous nos lecteurs sont invités k nous adresser leurs menues trouvailles littéraires, les miettes de l'histoire des lettres et toutes tes étrau^etés qu'ils pourraient découvrir dans les déhcicuz passe- temps des flâneries bouquinières. Ce chapitre sera le bon coin de la communauté des amis du Livre moderne.

POLYHORPUILE.


f


LE IP'REMIE'R miJ^EiR


BIBLIOPHILES CONTEMPORAINS


ES CHERS CONFRÈRES, le sieUf

de Cussy avait raison : Lé

dtner nt le nerf de la vie

tociale ; les Bibtio-con-

tempo — .qu'on me passe

ce diminutif familier — en

ont fourni délicieusement

la preuve en festoyant au

nombre d'une trentaine, au

café Biche , le mercredi

18 décembre dernier.

  • ^Uissent les absents ne point s'en consoler, mais il
    • ^ toute justice d'avouer que la chair était exquise,

_^*»is délicats, et l'esprit confraternel digne de ces

^*ïiie8 agapes où le bon Athénée fait converser entre

  • <2b étonnants et paradoxaux personnages.


^


40 LE LIVRE MODERNE.

Dictionnaire proverbial, satirique et burlesque, plus complet que ceux qui ont paru jusqu'à ce jûur^ à Vusage de tout le Monde (2« édition, Paris, Dauvin, 1829, in-12), où l'on trouve quelques définitions et expressions curieuses, — et Mes vingt ans de folie ^ d* amour et de bonheur^ ou Mémoires d!un abbé petit-maitre (anonyme, Paris, Librairie économique, 1807, 3 vol. in-d2), pro- duction assez peu édifiante, si Ton s'en rapporte à ce jugement de la Revue des Romans : « C'est le tableau le plus dégoûtant du cynisme et de la débauche ; les folies sont de froides sottises racontées du ton le plus triste et le plus glacé. »

Mais ce qui peut mériter à Caillot un tout petit souvenir bibliographique, c'est l'ouvrage suivant, dont voici l'exacte description :

Voyage autour de ma bibliothèque. Roman bibliogra- phique, oii les gens du monde et les dames peuvent apprendre à former une bibliothèque de bons ouvrages, dans quelque genre que ce soit. — Par Ant. Caillot, auteur du Voyage religieux et sentimental aux quatre cimetières^ de Paris; de V Histoire d'un pensionnat de jeunes demoiselles^ etc. — Paris, L. Haussman et d'Hautel, 1809; 3 vol. in-i2, 6 fr.

La donnée de ce roman devenu peu conmiun (ce dont on aurait tort de se désoler) est des plus simples, pour ne pas dire des plus plates. M. de Valcour, le héros du ^livre, a recueilli, dans l'héritage de son oncle, vieux prieiu* fort instruit, une superbe bibliothèque de vingt-cinq mille volumes, collection magnifique conte- nant tout ce que l'on considérait alors comme le dernier mot de la littérature et de la science. Aidé de son ami Monville, de sa belle amie M"'* de Gourville, et d'une


CURIOSA. 41

autre jeune veuve, M"* de Gléri, qu'il a convertie à la bibliophilie, Valcour procède à Texamen et à la réduc- tion par sélection de la bibliothèque du prieur. On devine que l'opération achevée et après quelques inci- dents plus naïfs que romanesques, Touvrage se termine par un double mariage. C'est là tout le roman propre- ment dit et, on en conviendra, il ne serait guère curieux s'il ne présentait quelque intérêt au point de vue des jugements littéraires qui y sont exprimés au fur et à mesure de l'examen des diverses sections de la biblio- thèque. Ces appréciations, qu'on ne saurait attribuer à Caillot tout seul, le bonhomme manquait bien trop de critique pour cela, offrent un reflet parfait de l'opinion commune qui régnait alors au sujet des productions de l'esprit. Caillot composait sa compilation aux plus beaux joiu*s de TEmpire et l'on ne saurait dire la banalité, le « poncif » des observations, des réfutations, non dépour- vues de quelque bon sens, qu'il met dans la bouche de ses personnages. Ce n'est point lui seul qui parle; il n'est que l'écho des lettrés de son temps et ce qu'il nous dit n'est pas pour donner une bien haute idée du savoir et de la critique d'alors. Aussi, pour bizarre et banale qu'elle soit, son œuvre méritait-elle d'être signalée comme pou- vant donner une assez exacte mesure de ce que valait, littérairement parlant, la moyenne de la société polie de cette fameuse époque plus militaire que dilettante.



Une anti-sans-culottide. — En fouillant dans un carton provenant d'une mienne arrière-grand'tante (fort belle personne, ma foi ! à en juger par son portrait, où elle figure pinçant de la guitare et coiffée d'un turban magnifique), j'ai découvert la chanson qui va suivre,


J


52 LE LIVRE MODERNE.

imprimeurs, dessinateurs, graveurs et relieurs, qui valent bien d*étre encouragés, dit-il, et auxquels on a jusquHci trop refusé d'attention, au profit d'un art rétro* spectif qui ne doit absorber ni notre argent ni notre admiration. — Cette allocution nette, incisive et cbaleu- reuse était bien faite pour ravir les Bibliih<ontempo qui toastèrent d'un même mouvement : Aux Modernes!

L'ère des discours n'était point acbevée. M. Georges Bengesco, Conseiller de la légation de Roumanie, se leva pour remercier le vice-président, Cbarles Cousin, du toast chaleureux qu'il venait de porter à Sa Majesté la Reine Elisabeth de Roumanie, et il lut la petite harangue déliT catement tournée que voici reproduite en partie :

En plaçant, dit-il, notre Société sous le haut patronage de rillustre écrivain qui, sous le pseudonyme, aujourd'hui presque populaire en France, de Carmen Sylva, a buriné des Pensées dignes de vos meilleurs moralistes, vous avez voulu non seulement donner à la nation roumaine un témoignage de sympathie dont elle vous est reconnaissante, mais encore marquer votre respectueuse admiration pour mon Auguste Souveraine, qui porte si noblement la double Couronne de la Royauté et du talent.

Nulle assurément n'est plus digne qu'eUe de présider à nos travaux, parce que nulle peut-être ne réunit au même degré ces qualités d'originalité, de charme, de grâce et de goût qui distingueront très certainement nos futures publi- cations. Véritable âme de poète et d'artiste, aimant et culti- vant le beau dans toutes ses manifestations et sous toutes ses formes, nulle ne pourra mieu\ seconder nos efforts pour réaliser dans cet art exquis du livre la perfection idéale vers laquelle s'élèvent nos aspirations; et, tandis que ses œuvres si belles, si harmonieuses, d'une conception si touchante et d'une si rare perfection de forme, pourront inspirer délicieu- sement le pinceau magique d'une Madeleine Lemaire ou d'un


DINER DES BIBLIOPHIUES CONTEMPORAINS. 53

Olivier Merson, qui sait, Messieurs, si Carmen Sylva ne dai- gnera pas un jour nous donner un gage précieux de l'intérêt qu'elle porte à notre Société, en illustrant EUe-méme, de son crayon magistral, pour les Bibliophiles contemporain», quelque belle légende de Pierre Loti, son prosateur favori, ou quelque superbe poème de Leconte de Lisle, son poète préféré?


Sous de pareils auspices, et avec le concours dévoué de son fondateur, qui jouit à un si haut degré de notre confiance, de notre estime et de notre sympathie, la Société des Biblio- philes contemporains peut envisager sans crainte Favenir. Elle est sûre du succès, et d*un succès d*iftutant plus éclatant que la pléiade de bibliophiles, de lettrés eC d'artistes qui la composent ne voudra rien négliger pour lui faire atteindre très rapidement le but élevé qu'elle poursuit, et qui, aux termes mêmes de nos Statuts, est d'introduire dans l'art de la typographie de luxe le plus haut degré de perfection pos- sible.

Permettez-moi en terminant. Messieurs et chers collègues, de me conformer '4 un constant usage diplomatique en por- tant la santé de M. le Président de la République fran- çaise, et en buvant avec vous à la grandeur et à la prospérité de la France, cette terre classique de l'élégance, de l'esprit et du goût, si hospitalière pour les étrangers, et si largement ouverte aux savants, aux érudits et aux artistes de tous les pays.

Vivent les Bibliophiles contemporains!

Inutile de dire Faccueil galant et chaleureux qui fut fait à rélégant Conseiller de légation de Sa Majesté le Roi de Roumanie ; le savant bibliographe de Voltaire fut couvert de fleurs, et chacun, non content de l'avoir applaudi en communauté, tint à le féliciter en personne.

Charles Cousin, le Toqué, lâché en liberté de bavar-


i( LE L:vaE «:: eî^e.

da^e pi-LllAtt. t.;"^"^ 4t:c U iinij:^'» ir.trxâe ; il sTaît en face de Ini !«■ O/rrent J^-e* B-t-Itiî.*^ Ttsù d<?s livres brocbés e* dr« o:-*iAa-J--a* *:ç^::âe«: £i p-jrtA U santé de noin lri:s sjzn^ztl-rx «t crcTt U .\7vk:Ti>îe-Tivsorier dont le* ffjncti-.-n*. socvei:! iiL^rklé^ r>Â:lia:*at tant d'ac- tivité, de k!*. de S'.-Laa oi-t*;^^!* *t ce lirvocemenl pour notre Soc-iéU-.

C'était assez d'ei-xpiecoe th^^ipagmiséie pour un pre- mier repas, et il était pencis d* se lever de table pour passer au salon voisin.

Lt âiati ClL -o i-jïTif. -m r»i-^ est, Oo ovole, -n riL o« mrL: il pr>.v^ i.

a si bien dit le patriarvhe de Femey. Les Contemporains, chaudement enveloppés dans une bienfaisante atmos- phère de cordialité, a^tèrvnt les projets grandioses, conçurent des livres extraordinaires et jiuvrent de se liguer contre la tvrannie des grands formats, si peu con- formes à la vie moderne, si rarement élégants, si illi- sibles ou plutôt inlisibles.

On s'unit et causa par petits groupes, et Jean Richepin se vit fêté, rencontrant parmi nous autant d'admirateurs que de collègues heureux de lui être présentés. — Un joli mot au sujet de l'auteur des Blasphèmes: Béraldï père, le voyant entrer, demanda à Béraldi junior : Quel est ce Monsieur ? et sur la réponse du 61s désignant le chantre des Cueux: — Il lui ressemble! clama le féroce iconophile qui n'aime à connaître les hommes de son temps que par l'œuvre gravé des portraitistes.

// lui ressemble est immense! ce mot superbe piédes-

iise à lui seul im amateur d'estampes. La petite fête, si cordiale, si intime, si impétueuse-

îut égayée par la ver^^e de son >-ice-président — un


/


^l^Zn DES BIBLIOPHILES CONTEMPORAINS. »

  • « la toquade qui est son propre fol — prit fin peu

■tut le milieu de la nuit. Chacun partit à Tanglaise

pour se retrouver à la française au mois des roses éditées

à la veiie feuille, chez le tant attendu Désiré Printemps,

chasseur de brumes, de rhumes et d'influences.

Tous les convives du Dîner du 18 Décembre aimeront lon^rops à se souvenir de cette belle soirée où quelques- nnes de nos charmantes biblio-contemporaines — ont, il faut bien le dire, malheureusement fait défaut. —

V^ MONSIEUR PU COMITE DB!4 DIX

(finxement Bibtitfhitt et t«r(em«nf Contemporain^.


II-IIT, lUaiTAIEf ET AIECIITEt II IIIIE lES CHIC»


Les Tableaux des mœurs du temps

I RABLES Co(.-si:i, le [4oi>to-bU>liophile auteur des BaconlMrt, possède en son grenier un petit Enfer dont l'incandescence monte à des atmosphères in- connues det lecteurs du Gil Blaa. Parmi les perles les plus pures en convoitise dans ce sabbat bibliographique, figure ce livre inappréciable en exemplaire unique qui a nom : lei Tableaux de* maar* da temp$, du fermier général La Popelinière ou La Poupelinière, l'un et l'autre se dit ou se disent, lorsqu'il s'agit du mari de la gentille Nfimi Dancourt, en faveur de laquelle le galant duc de Richelieu avait fait fabriquer une plaque de cheminée tournante ayant issue chez la belle, à l'insu du mari.

Ce Livre manuscrit sur vélin est orné de vingt surprenantes miniatures exécutées avec le plus grand soin (seize en couleur et quatre au lavis), dont on peut attribuer la paternité à Monnet.

Il paraîtrait que le Toqué reçoit, pour l'acquisition de ce fameux ouvrage vêtu de maroquin janséniste, les propositions


NOUVELLES. 57

•les plus folles ; les grands libraires ont des commissions fiibu- leuses el d'honnêtes dames très blasées et blasoniiées se sont mis en têle de posséder coûte que coûte cette merveille. .

Le Toqué résiste, rien ne le tantalUe; il vit courbé sur son La Popelinière comme saint Antoine sur la Bible et il échappe mx suggestions des reines de Sabba les plus insidieuses.

Ce Livre a une histoire et des parchemins ; je ne pense point que Charles Cousia possède Tune et les autres au complet; aussi tâcherai-je d*étre le D'Hozier et aussi le Quérard de ce livre troublant.

La première mention qui soit faite de cet oiseau rare se trouve dans Bachaumont, à la date du 15 juillet 1763.

Tout le monde sait — y est-il dit — que M. de la Poupelinière visojt à la célébrité d'auteur; on connoîssoit de lui des comédieB, des romans, des chansons, mais on a découvert, depuis quelques jours, un ouvra^ de sa façon qui, quoique imprimé, n*avoit point paru. C'est uo livre intitulé : Uê Mœurs du êiècU (ici Bachaumont n'est pas exact) tndiâlogueM; il est dans le goût du Portier dei Chartreux, Ce vieux poillard s'est délecté à faire cette œuvre licencieuse. Il n'y en a que trois exemplaires existants. Ils étoient sous les scellés ; an d*eux est orné d'estampes à très grand nombre. Elles sont relatives au sigct. Il en est qui ont beaucoup de flgurcs, toutes très flnics. Ënfhi on estime cet ouvrage, tant pour sa rareté que pour le nombre et la per- fection des tableaux, plus de 20,000 écus.

Lorsqu'on fit cette découverte. M"* de Vandi, une des héritière», fil un cri effroyable et dit qu*il falloit jeter au feu cette production diabolique. Le commissaire lui représenta qu'elle ne pouvoit disposer seule de cet ouvrage, qu'il falloit le concours des autres héritiers; qu'il estimoit convenable de le remettre sous les scellés jusqu'à ce qu'on eût pris un parti; ce qui fut fait. Ce commissaire a rendu compte de cet événement & M. le lieutenant général de police, qui l'a renvoyé à M. de Saint-Florentin. Le ministre a expédié un Ordre du Roi qui lui eiyoint de s'emparer de cet ouvrage pour Sa Migcsté ; ce qui a été fait. ,

Toujours pour les fins morceaux, ce Louis XV, comme disait Monselet.

Depuis lors, il s'ëcoula un assez long espace de temps, pendant lequel on n*en tendit plus parler de ce mystérieux exemplaire. On le retrouva dans la fameuse armoire de fer des Tuileries. De la, il passa en Russie ; on le signale dans le


58 LE LIVRE MODERNE.

catalogue des livres précieux du prince Michel Galitzin (Moscou, 1820). Vendu à ramiable, sans avoir été exposé, et à un très haut prix, il arriva de main en main à M. Jérôme Pichon, président de la Société des Bibliophiles françois.

M. le baron Jérôme Pichon trouva sans doute le voisinage de ce livre un peu trop brûlant et peu associable avec l'aus- térité de ses mœurs, puisqu*il s*empressa de céder ce monument de la corruption du xvm* siècle à M. Frédéric Hankey.

Cet Anglais, véritable érotobibliomane, était alors fort connu à Paris et son cabinet de la rue Laffitte a été visité par tous les passionnés d'ouvrages étranges par le sujet, l'iUustration et la reliure. Il est mort il y a quelques années, et sa veuve, de concert avec M. B***, bibliophile trèsérudit sur la question, procéda à la liquidation de cette suprenante collection de livres, tous en remarquables conditions de firaîcheur et de reliure.

C*est de la succession de Frédéric Haurkey que Charles Cousin tient ce joyau bibliographique d'une si haute valeur et que Malassis, à bout d'épithètes, qualifiait de Superlatif,

Le Toqué a payé cette merveille vingt mille francs au bas mot ; mais, dans bien des librairies, on se remue pour le lui arracher à coups de doublons, de ducats et de florins.

Toquiy résistera»-lu aux formidables toc toc de ces bé- liers d'or?

Je n'en répondrais point. — Variables comme Tonde, les vrais curieux I

Les Amis des Lmres doivent se réunir le mardi 14 janvier en vue de procéder à la nomination du bureau et au compte rendu de V exercice 1889.

Ce ne sera pas sans quelque stupeur que Ton verra l'hono- rable Archiviste-Trésorier, Alfred Piet, apparaître au dessert comme Banco pour rendre ses comptes, donner sa démission et se retirer dans un manteau de froide dignité doublé de la chaude fourrure, en ventre de petiUgris, des devoirs accomplis.


NOUVELLES. 59

Alfred Piet, biblioiconophile très fervent, homme de méthode jusqu'à la science des détails la plus crispante pour les ner- veux, fils de notaire et d'un esprit nourri des minutes pater- nelles, a donné son temps, ses soins et le gage constant de sa fidélité à la Société depuis sa fondation. Il a été le gardien vigilant du magot social qu'il ne voulut jamais laisser entamer, le recruteur des cotisations, le signataire à nobles parafes de mandats à toucher chez Rouquette par les artistes illustra- teurs et graveurs ; un conflit est survenu à propos de Zudig que la Société des amis des Livres doit publier.

Reniplacera-t-on Piet, cet homme intègre qui ne buvait que de Teau et qui n'était, comme Cerbère, sensible qu'aux Or- phées de l'Opéra- Comique ? — Non, Piet ne sera pas remplacé. Ce Don Pedro du trésor social ne méritait point la révolution de' palais qui le met hors comité et le rend tout entier, mais pas en Premier Étatj croyez-le, à la catalographie nocturne de ses chères estampes.

Piet (Alfred) ferait bien cependant de méditer ces vers de Ponsard sur la vertu des Archivistes-Trésoriers :

La vertu qui n est pas d*un facile exercice,

C'est la persévérance, après le sacrifice ;

C'est, quand le premier feu s'est lentement éteinl,

La résolution qui survit à l'instinct.

Et seule devant soi, paisible, refroidie,

Par un monde oublieux n'étant point applaudie,

A travers les besoins, l'iigure et le dégoût,

Modeste et ferme, suit son chemin jusqu'au bout.

J'ai dit que la Société des Amis des Livres préparait une édition du Zadig, de Voltaire. L'illustration en avait été con- fiée au peintre Jules Gamier et la gravure à Gaujean, qui devait exécuter toutes les aquarelles de Tauteur de Borgia s^âmuse en chromogravure, par trois planches repérées.

Deux dessins et deux planches ont été faits et gravés, croyons-nous, mais le pauvre Jules Gamier vient d*être


60 LE LIVRE MODERNE.

emporté le mois dernier de façon foudroyante, et Tillustration du Z&dig est en plan, arrêtée dès son début.

Comment s'en tirera le directeur de la publication? Ne pas abandonner les planches déjà faites serait un tort , car avec un continuateur on risque de n'obtenir qu'une œuvre bâtarde; d'autre part, il faudra du temps pour remettre le tout entre les mains d'un nouvel artiste et la Société n'a rien publié depuis Aline y c'est-à-dire depuis dix-huit mois. Les collègues de M. Eug^ène Paillet manifestent une impatience légitime et trouvent que la Société est d'un platonisme navrant.

Aline, ce n'était qu'un délicieux hors-d'œùvre, et Ton peut dire que les Amis des Livres n'ont rien mis au jour depuis Grandeur et Servitude. — ^11 y a bien un Annuaire qui représente la valeur de V Annuaire du Bureau des longitudes et qui offre moins d'intérêt. Franchement il serait temps que les Amis des Livres montrent qu'ils ne sont pas morts, frappés par Vinfluenza du lazaroiiisme et la malaria de l'indifférence.

Un autre décès non moins regrettable qui frappe le monde de l'édition est celui du peintre Jacques Léman, illustrateur du Molière qui porte son nom et l'un des membres fondateurs des Bibliophiles contemporains. Jacques Léman, peu connu du grand public, était un artiste de la plus haute valeur et de la plus rare conscience.

Le Molière auquel il donnait ses soins restera un des plus beaux monuments élevés à la gloire du grand maître de la scène française. Il était impossible d'être plus minutieux, plus érudit, plus précis dans l'ampleur du talent que ne le fut Léman au cours des nombreuses compositions hors texte et dans le texte de son édition magistrale. Ce fut un illustrateur hors ligne, un vignettiste exquis par le goût, la distribution et l'agencement décoratif des lettrines, têtes de pages et culs- de-lampe.

Il est de ceux qui ne sauraient trouver de remplaçant dans


NOUVELLES. 61

notre génération hâtive, où les jeunes artistes n*ont plus le souci de perfection des anciens.

Léman était un lettré, un philosophe, un savant dans l'archéologie des costumes historiques du grand siècle.

L'éditeur Testard, qui avait repris la suite de l'édition du Molière Leman-Lemonnyer, doit se trouver en cruel embar- ras pour le couronnement de cette superbe publication.

Les Bibliophiles ctmtefnporsdM doivent publier la /e- genée de Saint JmUen HotpiiëUer de Flaubert. La mise en marche est prête ; Olivier Merson, enthousiaste de cette con- ception superbe, rêve de chefs-d'œuvre incomparables dans une illustration très spéciale et déjà déterminée.

Il ne reste que Tantorisation des héritiers Flaubert à obte- nir, et il nous parait que de mesquines difficultés peuvent s'élever de la part de M**Commanville. — Nous parlerons tout à notre aise de ce sujet le mois prochain, lorsque la question sera résolue dans un sens ou dans l'autre. Nous pourrons alors apporter ici les pièces mêmes du différend ; aussi bien n'avons- noHs bit aujourd'hui qu'une bien maigre potinière qui, nous Tespérons, sera plus grasse et aussi plus épicée par la suite.

Ubiquiste.



LA BOURSE DES LIVRES


Les Enchères d'hier et de demain


lEH esl bien lointain; aujourd'hui, nous finis- sons à peine de subir l'influence des étrenncs et toutes les pralineries du nouvel an.

Les grandes ventes, d'ailleurs, n'ont pas encore attiré les compétiteurs acharnés, ni suscité, dans les salles de l'Hôtet Drouot, les titâniques combats.

La forte somme donnée pour uç livre a été, ces temps derniers, comptée directement au lity-aire Emile Rondeau, le successeur de Fontaine, des Panoramas, par un amateur ano- nyme, chevalier au casque fermé et à l'écu voilé, — mais qui a mis au grand jour, ruisselant et froufroutant sur table, quarante-cinq jolis mille francs pour un manuscrit à minia- tures, de Froissart, dont on a du reste assez parlé, et plus en mal qu'en bien : ce qui prouve, peut-être, que beaucoup qui le dénigrent chez le voisin le trouveraient merveilleux chez eux.

Le libraire L. Sapin a procédé, les 11, 12 et 13 novembre,


LA BOURSE DES LIVRES. W

dans la salle de la rue des Bons-Enfants, à la vente d'une collection de livres modernes, d'ouvrages illustrés, et d'affi-' ches illustrées de Chéret, Caran d'Ache, Nadar, etc.

J'y remarque une recherche de plus en plus grande des journaux artistiques de mode de l'école romantique. Ainsi (n" 10) Y Album, journal des arts, des modes et des théâtres, de 1821-1823, avec un volume supplémentaire sur sa dispa- rition, a atteint 110 francs; et (n^ 566) neuf volumes de la. Sylphide, modes, littérature, beaux-arts, de 1840 à 1844, se sont vendus 38 francs.

La mort d'Augier n'a pas donné une grosse plus-value à ses œuvres, même en première édition. Je ne trouve guère que Maître Guérin, 1^64, avec envoi autographe au maréchal Vaillant, qui mérite d'être noté à 15 francs. Le reste s'est (fifltribué à la poignée, comme menu fretin.

(N" 167). — Coppée.Le Reliquaire, eaiï-tovie de Flameng. 1866, 12 br., couv. impr., T* éd.; papier de Hollande: 19 francs. Je donnerais bien, à ce prix-là, le Pater par-dessus le marché.

(N® 183). — La première édition du Tar tarin de Taraseon, de Daudet (1872), dans sa couverture, est arrivée à 50 francs; et celle de Jack, en 2 vol. avec couvertures, à 82 francs. Mais celle-ci était en hollande. Il s'en faut que les autres romans de Daudet aient fourni une course comparable.

(N** 233). — Dumas, Alexandre III et sa cour. 1829, •in-8^^ dans sa couverture; édition originale : 38 francs.

(N" 243). — Dumas fils. La Dame aux Camélias. 1852. in-12, dans sa couverture, 1'° édit. : 34 francs. — Je ne suppose pas que ces deux pièces de quarante sous marquent la différence du père au fils.

(N** 287). — La première édition du Capitaine Fracasse, de Théophile Gautier, en rel. d'amateur, non rog., avec la couverture, se hisse difficilement à 49 francs. C'est Conquet qui l'a recueille.

(N** 292). — , Vingt sous de plus les Émaux et Camées,


64 LE LIVRE MODERNE.

édition de 1872 avec eau-forte de Jacquemart, mais en papier de Hollande ; sur papier ordinaire, ça fait 3 fr. 50. .

(N 323). — Un des dix exemplaires sur hollande de Renée Mauperin, )" éd., 1864, avec la couverture, 77 francs.

{N° 373). — Victor Hugo. Buy-Blas. Leipzig. 1838, in-t2, couv. impr. : 26 francs.

(N^ 451). — La première édition des Scènes popuUires de Henry Monnier (Levavasseur), 1830, in-8®, fig., deroi- mar., avec coins, non rog., couv. impr. : 35 francs.

Les comédies de Musset en premières éditions dansent un pas fantaisiste et irrégulier, depuis cinquante sous jusqu'à 50 francs et plus. Ainsi le n** 4Q7, // ne faut jurer de rien, a atteint 63 francs ; le n 47 1 , les Caprices de Marianne, 50 francs, et le n^ 468, rHabit vert, proverbe fait en collabo- ration avec Emile Augter, a été acquis 119 francs par Rou- quette, bien que Fexemplaire fût un peu délabré.

(N*» 522). — La Vie de Jésus-Christ d'Ernest Renan, 1863, in-8°, l*"^ édit. ; dans sa couverture et sur hollande, est monté à 59 francs, à la grande honte de son pendant V Antéchrist qui, dans les mêmes conditions, n*a rapporté que 20 francs.

Les Zola. sont chers en papier de Hollande. Le fait est que le linge propre du papier de fil ne saurait leur faire de tort. Je cite (n" 616) les Soirées de Médan, 60 francs; (n^ 621) Une Page d'amour, 42 francs; (n<» 6l7) Madeleine Fératy 31 francs; V Assommoir, 135 francs. — On peut rester sous ce dernier coup.

Les 18, 19, 20 et 21 novembre, M. A, Durel vendait, Hôtel Drouot, salle n^ 5, des livres anciens et modernes, parmi lesquels des livres à figures du xviii* et du xix* siècle, et des éditions originales d*auteurs contemporains, le tout provenant de la bibliothèque d'un amateur étranger.

Je note tout d*abord une publication des Amis des Livres, (n" 2) About, les Mariages de Paris, dessins de Pignct, gravés sur bois par Huyot; imprimé par Lahure, 1887; petit in-8*' avec sa couverture et dans son étui. On sait, que l'édition a


LA BOURSE DES LIVRES. 65

été tirée à 115 exemplaires, tous sur papier de Chine, avec la suite des dessins à part. Mis à prix à 100 francs, le livre à dû être adjugé à 68. C*est maigre. — AUne, reine de Golconde, fût vendue au bas mot 200 francs..., et c'est une plaquette!

(N** 69). — U Amour impossible, de J. Barbey d'Aure- villy. 1841, in-8°, édition originale : 25 francs.

D'autres ouvrages de Barbey d'Aurevilly, également en

éditions originales, se sont arrêtés à des prix bien inférieurs.

(N^ 78). — La Galerie Poulain en premier tirage, dans

ime reliure en veau porphyre, tranches dorées, a été acheta

162 francs par la librairie Morgand.

(NO 94^ _ UnBéran^er de 1828 (Baudouin frères, 2 tomes en 1, in-8®), avec des vignettes de Deveria et 33 dessins colo- riés d'Henri Monnier, exemplaire légèrement défectueux, a atteint 86 francs.

(N*» 1 19). — Œuvres diverses du sieur />***. Paris, Denis Thierry, 1674, in-4®, première édition de Boileau sous le titre à' Œuvres; très bel exemplaire en maroquin de ChamboUe- Doru, 39 francs. — Voilà qui est rafraîchissant pour une con- science pure ! Surtout en un temps où une des premières mai- sons de la librairie française sollicite l'amateur avec un Boileau somptueux sur du papier lourd d'une livre la feuille, avec des eaux-fortes, très belles, mais où les auteurs semblent avoir pris à tâche de montrer quelle diversité d'interprétation on peut apporter dans l'illustration d'un texte dont, pour les contemporains, le sens est perdu. Les ventes de l'avenir nous réservent de belles vengeances!

Il ne me parait pas non plus que les in-4^, dans lesquels Sébastien Mabre-Cramoisy présentait au monde les chefs- d'œuvre de l'aigle de Meaux, aient un mouvement de hausse prononcé.

^f^o 127). — Discours sur VHistoire universelle (1681), en maroquin, avec dent, int., a décroché tout juste 12 francs. Ce n'est pas la timbale !

(N® 166). — Un manuscrit autographe de Champfleury, ks Sensations de Josquin,ir9iié avec toutes sortes de respect

I. 5


M L£ LITR£ MODERNE.

de reinire, atcc les jêm ê l* àm ooBile de Mandre, a été adjugé an fibraîreTh. Belinpoor 15 firancs. Ce n'esl pas réconfortant po«r les mânes de nolve regrette ooUaborateor.

>o 1H7 . — Le Drapeam, de Jvlcs daretie, avec 1 firont. et 12 vigii* drames par ¥awfmann et graTés par ClapèSy en trois états, dont les eanx-Cbries pores et les avant- lettres, et nne snîte de 5 aquarelles de Sta. Paris, Calmann- Léry, 1886, petit in-8» sar papier Telin à la cnre, dans une bdle relinre en Maroquin ronge doublé de maroquin bien, par CbamboHe-Dure» a pémbkoMnt atteint 247 firancs.

La même déprédation se iait sentir un peu partout.

(N^ âli}. — Le Théâtre de Pierre Corneille. Rouen et Puis, Look Bîllaine, 1668; 4 toI. in-13, en maroq. jaune, dent, intér. 'Bdz-Niédrée' s'est arrêté à 39 francs.

^N* 395;. — Les Grands peinires français et étrangers, publiés à 600 francs diez Lannette en 1884, se vendent ici 135 bwics.

D*un antre côté, les incunables rares gardent leur pnx. Sous le n* 437 s*est vendu un Hortns sanitatis antérieur à 1491, avec des figures sur bois. Il a atteint, malgré ses mouil- lures, 78 francs.

(443). — Une autre publication de la Société des Amis des livres, les Orientales, de \'ictor Hugo, en maroquin, belle reliure de Chambolle-Duru, a rapporté 248 francs.

(N* 58ô\ — Les Amours du ckecalier de Faublas. An VL 4 vol. in-8* avec la suite des 27 figures, dont 26 avant la lettre. EIxemplaire provenant de la bibliothèque B. Jouvin, — ce qui n'est pas une grosse recommandation : 125 francs,

(N^ 633.) — Première publication due aux « Amis des Livres »: la Chronique du règne de Charles IX^ par P. Méri- mée, 1876, 2 vol. gr. in-8*, mar. bl., 390 francs. — . Faible en vérité. Où sont les cours de 500 et 600 francs ?

(X^ 639.) — Un Molière de 1682, 8 vol. in-12, en maro- quin; 260 francs. J^en ai vu un passer dans une Auction Sale, à Edimbourg, vers 1878, et réaliser 42 livres sterling, soit 1.050 francs.


LA BOURSE DES LIVRES. 67

(N 670.} — Un exemplaire spécial» sur papier vélin, de Zébmir, par Mord de Vindé, Paris, Didot Tatné, 1801, in-S"», maroquin doublé, de maroquin, avec dorures en feuillages, non rogné, avec les figures avant la lettre et les 6 dessins ori- ginaux de Lefèvre, fe'est donné à 305 francs. Cest M. Piat qui a profité du cadeau.

(N° 699.) -^ YOvide de Tabbé Banier, 1767-1770, 4 vol. m-4% en veau, et, je le suppose, les figures de second tirage, 85 francs.

(N® 771.) — Le Rabelais de Le Duchat, avec les figures de Picart; Amsterd., J. Fréd. Bernard, 1741 ; 3 vol. in.4«, 50 fr. Dirl cheap! dirait un bibliophile anglais.

(N® 792.) — Recueil des meilleurs contes en vers, Londres (Paris, Caân, 1778)| 4 vol. in-18, fig., mar. r., dent, intér., 90 francs. — Quelle dèche, mon empereur I

(N** 888.) — Sterne. Voyage sentimental. Launette,1884, in-4^, mar. bl., dent, intér. (ChamboUe-Duru). L'un des cent exeni(rfaires sur papier Whatman, orné d*un sujet inédit peint à Taquarelle par M. Maurice Leloir, et d'une double suite des photogravures, épreuves sans la lettre, 336 francs.

La vente des^ livres d'Arnold Mortier, le « Monsieur de fOrchestre » du Figaro, dont le catalogue comprend deux parties, et qui s'est faite à Thôtel Drouot les 15, 16, 23, 25 et 26 novembre, par les soins de la librairie Fontaine, a été hono- fée d'une préface par M. Auguste Vitu. Nous ne nous y ar- rêterons pas. Cette vente était maquignonnée par plusieurs amateurs réunis et ne signifiait rien d'important.

La curiosité de la collection était un recueil manuscrit sur vélin de Fables et Emblèmes, in-4*, dans^une reliure en ma- roquin vert de Bauzonnet-Trautz. Ce manuscrit, qui date du commencement du xvi* siècle, contient 18 feuillets et autant de miniatures avec encadrements de feuillages. Il a été exécuté pour Louise de Savoie, mère de François I^', dont le portrait et les armes sont 'peints sur le premier feuillet. L'auteur des fables est Pierre de Sala, de Lyon, écrivain de la Chambre du




1*tL 7<t. ia--' : piKC par i^s .5 ■SX. nr JniMa coo-




liure e!!t ornée d'aae aquarelle originale r^vésenUnt ^e. dans un encadremeot <w et couleurs de style


quel, qni sait tneo ce qnll Eut, a pris posses- ^ea beautés pour 300 francs.


LA BOURSE DES LIVRES. «9

(N^ 184,) — Une coUèctioD delà Gazette des Beaux- ArU^ de 1857 à 1886, s'est vendue 425 firancs.

(N^ 237.) — 5.1 volumes des œuvres complètes et inédites de Victor Hugo, xlans l'édition ne varietur Hetzel-Quantin, ont donné lamisère de 135 francs.

(N^ 367.) — Un Paris-Guide de A. Lacroix et C pour ^'e^position de 1867, a atteint 200 francs, grftce à un album de io2 autographes d^ écrivains ayant concouru à la publication ^/'âri-GiiM/e.

l^n des premiers volumes publiés par L. Ulbach, qui n'avait ^iîrëqu'à 240ez., VÈre nouveUe, Troyes, Bougnot, 1848, uhS^, avec sa couverture, a été mis à prix à 20 francs et s*en est allé tout heureux d'avoir trouvé acquéreur à 20 sous.

Terminons cette course rapide, à travers les salles des enchères, par la vente d'une collection de romantiques faite par les soins de M. Antonin Chossonnery, le 14 décembre.

Le marché est toujours bien flottant, plein de dessous, d'imprévus et de traîtrises, en ce qui regarde ces romanti- ques, que les amateurs font toutes sortes de mines pour ac- cepter, malgré les risettes et clins d'œil agpçants des libraires.

Des premières éditions de Balzac à 22 francs, y compris Eugénie Grandet ; les ïambes de Barbier (1832), au même prix; deuxDrouineau pour 3 francs; Antony (1832) pour 10; les 4 volumes de Chants et chansons de Pierre Dupont, à 22 fr. Tout cela n'est pas très encourageant et ne sent guère la pou- dre des grandes batailles.

Un avenir prochain nous réserve sans doute des compen- sations. La vente du baron SeUlière, encombrée de gothiques et de gothiques espagnols, bone Deus t sera intéressante, mais bien dure. Emile-Jean Fontaine en prépare une, la vente du chocolatier Marquis, où les amateurs pourront se donner rendez- vous et s'amusera la danse des billets de banque. D'ici là, on prend ce qu'on a sous la main. -— Nous allons nous outUler pour tout voir, tout entendre, tout connaître.

LOOKERMAN.


JOURNAUX ET REVUES


La (pressa et la Critique à vol de plumes .^c« 


BCHBBCHBR k travers tout le papier imprimé que nous apportent cha- que matin journaux et revues les curiosités littërairea dignes de fixer l'iittention, signaler les polémiques de plume, noter les fantaisies dignes de survivre quelques heures à leur sort éphémère, mettre en relief les critiques siocèrement ex- primées dans la presse, applaudir aux talents naissants, inven- torier tout ce qui se rattacbe à l'état du livre dans les publica- tions périodiques, nous tenir sans cesse en éveil sur toutes les questions d'art littéraires traitées dans les revues par des éru- dita compétents, et ne rien négliger de résumer de ce qui inté- resse l'esprit des curieux, faire en un mot le tri consciencieux des idées imprimées et servir chaque mois à nos lecteurs une suprême quintessence du mois précédent, tel sera notre rôle dont nous espérons nous tirer à la satisfaction de chacun.


JOURNAUX ET REVUES. 71

Pour cette première cueillette, nous avons ëté pris un peu de court et étranglé par le temps, en une époque où la fièvre dengue a raison des plus robustes — ce sera une revue impro- visée que nous publierons ici en sommaire. Salut donc à tous nos futurs compagnons dans nos vues panoramiques sur la lit- térature du jour — et ceci dit, regardons autour et alentour de nous.

Au loin beaucoup de volumes apparaissent sur le point d*çn«  trer en scène. — Voici d'abord le Cadet, roman inédit de Jean Richepin que Charpentier doit lancer le 15 de ce mois ; — puis, plus lointainement, chez Galmann-Lévy, V Avenir de la Science, par Ernest Renan ; Essaie sur Vhistoire de la Uttéra- tare française, de J.-J. Weiss, les Lettres intimes de Stendhal; Nouvelles questions de critique, de Fernand Brunetière. — - Aspasie, CléopAtre et la reine Théodora, par Henry Hous- saye. — Théâtre des Marionnettes, de Maurice Sand. -^ Nou^ veaux entr*actes, un volume de causeries, par Alexandre Du- mas fils. — O province t par Gyp. — Honneur d'artiste, par Octave Feuillet. — De la Modernité des Prophètes, par Er- nest Havet. — Au Maroc, par Pierre Loti. — La Conversion de Thaïs, par Anatole France et un Petit neveu de Mazarin, étude sur le duc de Nivernais, par Lucien Perey.

On voit que la moisson littéraire des premiers mois de 1890 promet d*être abondante, et par les noms que nous venons de citer on peut penser que la bibliographie peut apprêter sa pa- lette d'épithètes, sans compter le Roman nouveau de Zola, des oeuvres de Maupassant et la grande lutte académique qui met en ligne tant de candidats pour un seul fauteuil.

Notre chronique ne chômera pas.



Un portrait peu flatté, bien que reconnaissable, de M. Mau- rice Barrés, lettré plus que jamais Sous Vœil des Barbares, puisqu'il est aussi député— demandez plutôt au poète échappé delà galère Clovis Hugues, — s'étale en article de tête dans


72 LE LIVRE MODERNE.

la Revue Bleue du 23 novembre. Sybil a la dent dure d'une pythonisse masculinisée. Il Tenfielle de la haine boulangique^ ce 'commencement de la sagesse républicaine et parlementaire. En plus d'un endroit il emporte le morceau, et ce sont juste- ment ces endroits-là que le lecteur trouve le plus friands. — M. Barrés, d'autre part, publie dans la Bévue illustrée un portrait de Jules Simon, très intéressant et d'une critique moderne féroce.

' La Bévue critique que dirige, «vec tant de talent et de sa- voir, mon collègue A. Chuquet, chez l'éditeur Ernest Leroux, nous annonce que M. Julien Vinson fera paraître, dans l'au- tomne de 1890, une BibUognaphie basque qui formera un vo- lume de cinq cents pages environ.

J'ajeiile que, bien auparavant, vers la fin de janvier, je crois, paraîtra chez Ro«q«6ite une autre bibliographie qui intéres- sera les Basques et les Eec t tM Jim mùi&tmU comme les autres -«-car on mange chez eux de femenses a gmhmwm d^ — eo un volume de plus de 700 pageç, dans le format des Cohen. C'est la Bibliographie gastronomique, dont l'auteur, M. Georges Vicaire, finit de revoir les preuves.

Les amateurs des Chansons populaires^ c'est-à-dire tous les FolkhrisieSy feront bien de lire une étude assez longue, que M. Gaston Paris a insérée dans les numéros de septembre, d'octobre et de novembre du Journal des Savants, à propos des Canti Populari del Pieokonte publiés par M. Costantino Nigra, l'année dernière, à Turin, chez Loescher (1 vol. in-8^). Des investigations patientes pour établir la filiation de cer- tains thèmes, des vues fort ingénieuses sur la façon dont les chansons populaires naissent et se propagent, et des recher- ches minutieuses et savantes sur la rythmique des poésies populaires, en font un morceau capital.

Malgré mon désir de ne pas m'arrêter aux journalistes en fonction régulière dans tel ou tel journal, je ne peux m'empé-


JOURNAUX ET REVUES. 73

^"^ de signaler à radmiraiion de tous ceux qui ont le sens tér^^^ et aussi de tous ceux qui ont jamais eu sur leurs J'^ ce tnilk of hunum kindness que lady Macbeth repro- ^^ ^on époux» deux, en particulier, des contes que Jean Ri- ^^ jette, comme ils sortent de ses mains h&tives de puis- ouvrier mêlés de scories ou tant d*or pur finement fondu, . , ^ fournaise du Gil BUs. Je veux parler de Jean le Cocu 1 f^ne Sainte. L'un et rautcè sont en vers. Jamais langue ^^tte, plus riche d'imagés et plus dédaigneuse de vains ^Qnts n'a fait vibrar la sonorité du vers sous le marteau ^^ Va rimé. Et, dans la seoonde pièce, jamais le sentiment in- tense de la misère humaine avec, pour seul adoucissement et seul rachat, la bonté, ne s'est exprimé en de plus simples, vraies et navrantes paroles.

m

Le Figaro aussi a publié des vers. Du fruit défendu I Du nanan, quotl II nous donnait tout au long, dans son numéro du 23 décembre, k Pater ^ drame en un acte, en vers, par M. François Coppée, accepté par la Comédie-Française et interdit par la Censure. — Honnête Anastasie, que de mal n^a- t-on pas dit de vous l Et comme je suis disposé à en dire du bien. — Oh! rien que pour cette fois et sans préjudice de votre existence, — pour avoir caché autant que vous lavez pu cet humble chef-d'œuvre aux yeux des Coppéelisants !



Qui donc prétend que les patrons opulents des lettres et des littérateurs^ les grands seigneurs, les fermiers généraux recherchant et pensionnant les beaux esprits, sont choses du temps passé et à jamais englouties avec la vieille France d'a- vant la Révolution? Ce- serait se tromper lourdement. Fou- quet, j'entends Fouquet avant les dilapidations, — revit


71 LE LIVRE MODERNE.

parmi nous, et, pour ne point paraître suranné, il s'est GEÛt directeur de journal boulevardier, VÉcho de Paris.

Grâce à son prestige, trois jurys, où siégeaimit des poètes conune Leconte de Lisle ^t Théodore de Banville ; des roman- ciers comme Daudet, de Concourt, de Maupassant, Zola ; des chroniqueurs ou des critiques comme Jules Lemaitre, Octave Blirbeau, Aurélien SchoU, J.-J. Weiss, se sont réunis à plusieurs reprises et ont dirtribué les récompenses.

Il en est sorti une ou deux douzaines de beaux, poèmes et de beaux contes, dont les un^ ont valu à leurs auteurs mille francs, les autres cinq cents, les autres deux cent cinquante, les autres cent, les autres un salut flatteur^ et le tout a fourni aux lecteurs deP^cAo de P^ris deux suppléments de quatre pages sur papier glacé, pour les bibliophiles d'occasion.


Extrait d'une lettre contenant Topinion de Stanley sur les fenunes et les poètes, qu'il réunit dans le même dédain :

« Je ne peux parler de la femme et de l'amour. J'ai

toujours vécu avec les hommes, non avec les femmes. Et c'est la rudesse, la franchise crue de l'homme que j'ai contractée par la force des choses.

<t Les poètes sont, à mon sens, mous, efféminés, si diffé- rents, à ce qu'il me semble, du type de l'humanité, que celui qui leur parle ainsi qu'aux femmes, doit adoucir sa voix, lui donner un débit lent et affecter une articulation particulière... Aussi les hommes sont rarement sincères avec les femmes ou les poètes. Ils doivent prendre une douceur que je ne saurais mieux comparer qu'à celle d'un colosse vis-à-vis d'un baby.

« Je suis d'ailleurs incompétent pour parler des femmes, avec lesquelles je suis moi-même fatalement hypocrite, comme les autres, et cela m'irrite. »

Stanley adoucit cependant ses • critiques en disant à son correspondant, un poète, qu'il y a une femme de ses amies avec laquelle il peut parler librement et sans contrainte.


JOURNAUX ET BEVUES. 15

  • ^aii8 le Figaro du 5 janvier, à signaler un article des plus

iniëressants signé Whist, sur les £ameux Mémoires de Tal- le^ran€i^ dont on annonce toujours Tapparition comme prochaine.

^a lettre mensuelle d'Orient que publie la Revue BriUh--

lUfQe Contient souvent des aperçus très judicieux qui dénotent

cnez son auteur une connaissance approfondie de son sujet.

^^ la dernière datée de Con^antinople, 10 décembre, je

^^Miclie la curieuse information que voici :

« Grâce au séjour, à Yildizkiosk, de l'empereur allemand, ^ curieux a pu voir sa bibliothèque de voyage. Sr restreinte ^dle soit, elle donne une idée plus nette de sa nature d'esprit, que tout un volume de. prétendues révélations.

« Cette bibliothèque se compose du Dictionnaire de la

Cojwersaiion alhmàndey et de deux ouvrages de chasse, la

Vie animale f de Brehm, et la Faune Alpestre, de Tschudi,

Ces trois ouvrages, en allemand, ont pour complément le

Dictionnaire allemand- français de Thibaut. Il parait, en effet,

qu'en fait de journaux, Guillaume II, semblable en cela à M. de

Bismarck, ne lit guère que les nôtres. C'est une lecture qui

doit mettre plus d'une fois son caractère à Tépreuve, car il n'y

trouve guère de compliments, et il n'y a que la vérité qui

offense. Mais il n'y a aussi que la vérité qui intéresse. »

Le correspondant oriental de M. Pierre-Amédée Pichot parait d^ordinaire si bien renseigné, qu'il n'y a pas lieu de douter de l'authenticité de sa nouvelle.

II serait intéressant de connaître ainsi la bibliothèque por- tative de tous les souverains, ministres et chanceliers et d'écrire un ouvrage à sensation sous ce titre: L'Avenir de FEurope dévoilé par les bibliothécographies royales.

ACCIPITBR.


REVUE COSI-IOFOX^IirE


Les Livres et la Liiiéraiure à VÈiranger


EUX des poêles les plus grands par le talent et la renommée que l'An- gleterre contemporaine ait pro- duits, ont chacun pubUé, ce der- nier décembre, un nouveau volume de vers. L'un, poète-lauréat du royaume, devenu lord d'Angle- terre par la toute-puiesance de sa poésie officielle, porte allègrement une verte vieillesse, chargée d'œuvres et d'honneurs. L'autre, dont on est trop près pour le bien voir dans ses grandes lignes d'ensemble, veuf depuis maintes années de celle qui fut la plus haute personnification de la poésie féminine dans cette ère victorienne, retrouvait, il y a quelques mois à peine, l'ardeur indignée de ses jeunes ans pour défendre, contre un maladroit, la mémoire de la femme qu'il aima dans la vie et qu'il avait continué d'aimer au delà. Suivi par l'admiration raisonnée de tous ceux qui ont qualité pour êtres juges, envi- ronné de la vénération et de l'émerveillement des foules pour


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lesquelles son grand front était d'autant plus majestueux qu'il se perdait dans les nuages, étudié et commenté comme un classique et comme un ancien, .il vient de mourir, en Italie, à Venise, le jour même (12 décembre) de l'apparition de son poème Assolando : Fancies and Faiis, dont le sous-titre «Fantaisies et Faits » dé.voile, autant qu'il est possible en deux mots les sources intimes de son inspiration. Il était né en 1812. Aujourd'hui il repose dans le coin qu'il a bien gagnée au Poets* Corner, dans l'abbaye de Westminster.

Finissons-en avec le vivant, s'il vous plaît, pour mieux revivre avec le mort.



Qui ne connaît, depuis le temps que les brises d'Angle- terre en emportent les échos sur toutes les rives, la poésie d'Alfred lord Tennyson?

Figurez-vous un Lamartine officiel, fabriquant des Chants du sacre et se livrant, à ses loisirs, à toute sorte d'exercices pompeux et graves sur les divers modes lyriques, avec la touche de pathos et la verbosité de description sans quoi relent fermés les cœurs tendres et champêtres des idylliques enfants d'Albion. Ajoutez-y un plus grand art d'ouvrier, moins de jet et plus de ciselure, et, de temps en temps, grâce à ce travail sincère, des vers superbes et sans défaut de frappe, tels que l'abondance lamartinienne n'en offre guère dans cette perfection.

Wealth with hU wines and his wedded harlols ; Honest Poverty, bare to the bone.

Voilà Aevon vers dont un poète comme Richepin peut rendre, sans doute, les caractérisations si nettes et l'opposi- tion farouche, mais que personne ne traduira.

Le poème qui donne son nom à ce petit recueil, modeste- ment vêtu d'une toile verte sans ornements ni dorures, Deme- ter, n'apporte aucune indication sur le ton général du volume ^,

i. Demeter and other Poems, hy Alfred lord Tennyson. Lond., Macmillan and C^^- 1SS9/


7S LE LIVRE MODERNE.

formé des morceaux les plus dirers de ton, déforme et d*objet. Il n'en est même pas la pièce la plus longue ni la plus impcnr- tante. La Bague (ihe Ring}, te Progrès da Printemps (the Progress of Spring), le Remords de Romneg (Romneffs A#- morse), ei même ce long et sentîmeotal récit lyrique de la fiancée du lépreux, intitulé Hstppy, auraient autant de droit que les lamentations^ les démarches ei le succès final de De-* meter en quête de sa fille, à fournir une étiquette au dos da recueil.

Le poète-lauréat a, pac la publicalion de ce volume, ajouté quelques fleurs à sa guirlandaw Elles disparaissent dans l'en- semble; mais, si on les examine k part, on reconnaît cjue, pour l'éclat du coloris et la beauté de ki forme, elles valent les autres. Le parfum* je veux dire la pensée» n'en est pas d'ordinaire bien pénétrant ; mais, quoi qu'il en soit, à^isoixante^ dix-neuf ans, lord Tennyson forge encore de beaux versw


^;'S"


De Robert Browning je ne peux dire que deux mots, â mon chagrin. Deux mots de son oeuvre, non de son dernier ouvrage, sur lequel il se ipeut que nous revenions ; mais ce poète, dont la puissance est telle que, si l'on veut lui donner un rang, on ne peut que le mettre à côté de Shakespeare, tous les autres — je dis. les mieux inspirés et les plus glorieux — paraissant trop petits pour soutenir son voisinage, ce poète, que les peuples de langue saxonne regardaient de son vivant comme un être à part, plongeant dans l'infini et, qu'il vécût ou non, inéluctablement immortel, nous ne le connaissons pas ; à peine ceux d'entre nous qui tiennent Toreille ouverte aux manifestations littéraires du dehors ont-ils retenu son nom. Et qui, parmi ceux-là, est sûr de ne pas confondre Robert Browning avec un educationist en réputation, je crois, chez nos voisins de l'autre côté de l'Atlantique, et qui, s'ap- pelant aussi Browning, a pour surnom Oscar?

Il y a, en Angleterre et en Amérique, des Browning Clabs,


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des Browning Sociétés, qui se donnent pour mission de com- menter l'œuvre du poète, d'en tirer les sens caches, d'en ex- primer la philosophie, d'en mettre en lumière la haute portée, poussant à l'excès, ce culte d'un grand esprit. Non, quand on nous parle de ParaceUus, de Sordello^ du Drûmaiic Lyrics, de Chrûimas Eve and Eàsier Day (« Veille de Noël et Jour de Pâques »), de Men and Women, de DramaiU Personm, de ihe Ring and theBook, de the Two Poets of Croisic, de la Saisiaz et de tant d'autres poèmes où la sagacité de l'obser- vateur le dispute à Fenvolée du poète, nous disons, si nous sommes très bien informés : « Ahl oui, des excentricités d'une bizarrerie supérieure, dans un langage que nul ne com- prend. »

Le fait est que Browning, outre le pouvoir créateur poé- tique qu'il possédait au plus haut degré, était obsédé du be* soin d'analyse et portait, dans la peinture de ses caractères et dans la recherche des mobiles de leurs actions, une subtilité passionnée qui l'entraine à mille détours et en mille recoins, et fait au lecteur simpliste l'effet de lumières qui se contra- rient, l'empêchent de voir et lui sont plus désagréables qu'une franche et pleine obscurité. Le génie de Browning est, si l'on veut me passer cette figure, le produit de l'étonnant mélange d'un cerveau de scolastique du moyen flge et d'un cerveau de poète moderne dans une même tête, le tout nourri et échauffé par les pensées d'un cœur d'homme assez grand pour com- prendre l'humanité tout entière, la voir à fond dans ses mi- sères les plus hideuses, et l'aimer.

Eh! tenez I ce poètei inconnu de nous a fait, en de tristes jours, une bonne œuvre — qui est une belle œuvre — envers nous qui ne le connaissons pas. En un temps où notre pays était à la merci de l'Allemand, où tous nos sentiments natio* naux frémissaient, impuissants et meurtris, au milieu des la- mentations des amis de Job et des hymnes des Pharisiens chantant la main qui relève et qui châtie, Robert Browning écrivit un poème où il révélait à la France une de ses gloires ignorées. Ce poème parut dans une des revues de Londres, je


t» LE LIVRE MODERNE.

ne me souvienf plus laquelle, et les bonoraires qui en rerio' rent à l'auteur — une assez forte somme — furent TarBéa par lui au comité de secours pour la France.' Loi, le poète anglais, a reconstitué pour nous, vaincus, raillés ou gratifiée d'une pitié hautaine, l'histoire d'un marin du Croisic, Hervé Riel, qui, après le désastre de la Hogue, fait entrer à Saiut-Malo toute l'escadre de d'Amfreville, serrée de près par les vain- queurs, et, comme récompense, demande un congé de vingt- quatre heures pour aller au Croisic voir sa femme, la Belle Aurore.

Je ne connais rien d'une plus superbe allure lyrique, de plus brûlant de sentiment patriotique et d'enthoUsiasme pour tes braves gens, que ces onze strophes intitulées J7ert>é Bîel.

Merci donc à Robert Browning, au grand poète mort d'hier, qui, au jour de la détresse, nous a donné, avec le prix de son talent, de retentissantes paroles de courage et d'es- poir, et a bit passer dans la désespérance de nos cceors la réconfortante vision d'un h^os français !


L'ILLUSTRATION DES LIVRES


DES PUBUCATIOHS ILLU8TRABLE8


UAMD oa regarde les publications de luxe faites depuis quinze ans, avec tant de surabondance et ai peu de discernement par des édi- teurs le plus souvent improvisés et comprenant à peine l'A B C du métier, on est frappé de voir que l'illustratioa a'est répandue beaucoup trop généralement dans des ouvrages les moins dignes d'être enrichis d'eaux- fortes ou de gravures sur bois, et que l'entente, la perception , le tact de ce qui est littérature ou, si l'on veut, matière illustrable , semblent manquer totalement aux faiseurs de livres contemporains. Toutes les œuvres, il faut bien le dire, ni même


LE l:vse


Vy^ ^ chef^^'x^irre. ne sont pmnt illuslrables ; — îl^ kr ifJL\ parfois d*aatant mrâis, que leur re^^onirL'êe e§t pins pande el que la cristallisation de la £cl:^n qu'ils représentent s^est £ûte plos profon- dément dans l'esprit des lecteurs d*élite. Mieux un ouTTa^e littéraire est minptieusement dessiné, plus fl est piltoresquement dépeint, moins il est aisé à illustrer: — il n'est point un peintre de Taleur qui me contredirait sur ce point.

Pour demeurer dans les conditions d*une illus- tration supérieure, un ouvrage ne doit exprimer ni un sens dramatique trop déterminé, ni une localisa- ti<m trop précise, ni montrer une série de person- nages d^une idéalité trop élevée, car le contour d'un dessin humainement exécuté ne peut presque jamais arrêter et fixer par Texpression écrite des traits mieux faits pour demeurer flottants dans la chambre noire de Fimagination du lecteur que pour être formulés par le crayon d'un artiste. — Nos anciens conteurs français, italiens et espagnols des trois derniers siècles étaient faits pour être imagés, car ils offraient un thème naïf qui se prêtait à toutes les variations; ils présentaient un solide canevas transparent qui ne demandait que les reUefs d'une broderie d'art ; nos psychologues modernes et nos naturalistes alambiqués repoussent l'interprétation du peintre. — Bourget, avec ses mièvreries de style, n'est pas transposable en un art intéressant, tandis que Guy de Maupassant, ce successeur de nos maîtres conteurs d'antan, avec sa sobriété de touche, sa clarté, son exécution sans surcharges,


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mérite de séduire^ par son talent suggestif, tous les illustrateurs d'origine et tous les amoureux des ' scènes d'observation moderne.

Le Conte, au demeurant, est plus illustrable que le roman qui offre de gros inconvénients, en ce sens que ce dernier demande une illustration touffue qui ne s'accommode guère qu'avec la fiction héroï- fiante des aventures de cape et d'épée, car, pour les œuvres dites « intimes » — où une série de composi- tions pourrait être suffisante, — la nature même de ces compositions forcément banales ou vulgaires fait qu'elles rappellent toujours assez vaguement les anciennes gravures du Journal pour Tous dont les légendes, d'une drôlerie invincible pour les esprits irrespectueux, soulignaient les attitudes du dessin par des textes habilement tronqués comme : la comtesse se leva indignée ou bien encore : Edgar ému se précipita aux pieds de la Jeune fille.

11 est impossible de sortir de là, croyez-le, et toutes les suites d'illustrations pour les Bibliophiles exécutées pour M, de Camors, Fromont jeune et Risler aîné, le Roman d'un Jeune homme pauvre, la Mare au Diable, une Page d'amour, etc., etc., ne sont au fond que des compositions ayant forcément le côté comique des vignettes du Musée des Familles où le : Sortez, monsieur, s'écria le comte, revient malgré tout comme situation capitale, en dépit du talent de l'exécutant, qui ne peut rien contre le drama- tique bourgeois de scènes aussi peu variées que nos actes d'humains trop civilisés. — Dans ces romans, nous voyons se jouer nos passions dans des décors


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mondains formés de parcs éternels, de serres, de jardins d'hiver et de vastes salons de ce faubourg Saint-Germain, d^où nos romanciers ne nous ont jamais tirés depuis cinquante ans d'une assidue fré- quentation qui plaît toujours aux lecteurs de France.

Le conte, ou mieux encore la nouvelle, n'a point le désavantage du roman ; elle est plus souple à l'in- terprétation, étant plus condensée. — Comme une pièce en un acte, une nouvelle ne traîne pas et court droit au but sans se charger de digressions parasites ni de développements de mise en scène. — Exemple: on ne saurait publier une édition illustrée des Mé- moires du Diable de Frédéric Soulié, bien que ce ' soit un livre foisonnant de choses de la plus étour- dissante imagination; mais on édite avec d'heu- reuses vignettes la petite nouvelle du Lion amou- reux digne de la bibliothèque des amateurs lettrés.

Voyez combien les plus belles œuvres de Balzac sont difficiles à traduire en éditions de luxe avec vignettes et planches gravées : Eugénie Grandet, le Cousin Pons, Vautrin, la Cousine Bette, le Père Goriot, le Lis dans la vallée : ce sont cependant de rudes livres, mais dont vous ferez très malaisément des bijoux de bibliothèque, tandis qu'en cueillant dans des ouvrages moindres, vous obtiendrez, avec quelques-unes des nouvelles qui composent les Scènes de la vie privée^ — il y en a trop pour que je les puisse citer — des opuscules à souhait pour réaliser nos rêves qui se portent sur de jolis ou- vrages d'un bel ensemble, où le texte puisse rester très intimement en communion d'art avec le dessin.


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Si les contes et nouvelles, comme je viens de le dire, offrent à l'illustration plus d'accueil sympa- thique que le roman de ce temps et une surface d'événements mieux équilibrée, je n'en ferai pas cependant, loin de là, les principaux ouvrages litté- raires qui doivent intéresser nos modernes éditeurs.

Au premier rang des publications décoratives* et susceptibles de donner lieu à des chefs-d'œuvre d'édition, je placerai volontiers les monographies, les dissertations fantaisistes, les voyages humo- ristiques, les singularités amusantes et les physio- logies spéciales dans le goût de 1830. Dans ces livres, l'artiste peut se donner carrière avec génie, souplesse et esprit; il peut appeler à son aide l'allégorie « l'allusion plaisante, la variété du cos- tume, l'ingéniosité de son intuition individuelle, qui s'irradie vite au contact des idées de l'auteur dont il n'est point tenu de serrer de trop près le texte. Il se sent, ce décorateur vignettiste, en véritable compagnonnage d'idées dans ces chapitres tissés de paradoxes, qui ouvrent des perspectives sur toutes choses; il travaille sans contrainte, laissant se jouer l'humour de son crayon en marge même des apho- rismes de l'auteur. — Un éditeur avisé devrait, le plus généralement possible, réserver tous ses moyens pour les impressions de luxe illustrées de ces ou- vrages de notre littérature ingénieuse, qui a fourni les plus purs chefs-d'œuvre à notre histoire des lettres, tant au siècle dernier qu'aujourd'hui même.

Quel livre incomparable ce serait que la Physio- loffie du Mariage de Balzac confiée, non pas à un


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grand peintre* — les grands peintres sont d^atroces illustrateurs, — mais à Ton de nos plus heureux rôdeurs de maires, à quelqu*un de ces artistes amu- sants avant la grâce d*Eisen, la souplesse de Gra- ▼elot, le charme de Choffard, lajprestesse de Gigoux, la malice de Grandville et Fesprit de Gavami !

' Ces ouvrages de philosophie sociale, d'observa- tion, de morale mondaine ou de dissertations hu- moristiques, ces petites monc^raphies historiques forment Bien les livres illustrables par excellence, et aussi, il faut bien le dire, ce sont ^[alement les livres choyés des bibliothèques de lettrés, ceux qui se relisent ou se parcourent bien mieux que les romans, car on aime à reprendre ceux-ci sur les tablettes aussi peu qu'on se soucie de revivre une aventure dont on connatt trop bien la conclusion.

Ces sortes de livres physiologiques et mono- graphiques, que produisent seuls les vrais écrivains, sont de ceux qui ne datent pas, qui ne font pas époque, où le costume n'est pas imposé par le temps, où l'esprit d'observation se promène à travers les siècles, où l'amour est encore mythologique et la femme déesse ; ce sont les livres enfin qui s'enlèvent avec succès quand ils paraissent, car ils sont dans le sentiment de notre génie français qui compte ses chefs-d'œuvre les plus indiscutables dans cette littérature d'un esprit spécial où Voltaire, Diderot, Balzac, Brillat-Savarin et tant d'autres ont excellé.

Je n'ai fait dans ce bavardage initial que de pré- senter une ou deux idées dans le vague, peut-être un peu nébuleux, de l'impromptu; ce n'est qu'un


DE L'ILLUSTRATION DES LIVRES. 87

maigre préambule aux vagabondages que je compte vous proposer de faire de compagnie, par étapes successives, sur le domaine si étendu du livre illus- tré moderne et des diverses expressions d'art qu'il peut et doit revêtir.

Je n'ai prétendu, dans ces notes brochées à la hâte, que mettre tous les débutants en garde contre le roman illustré en éditions d'amateurs, dont la plupart de nos libraires- éditeurs se disposent à doter les bibliophiles. Il ne faut pas abuser du ro- man ; il y a des chefs-d'œuvre en dehors des fictions dramatiques, et je pense qu'avec la Théorie de la Démarche, les Voyages en zigzags, les Opinions de Thomas Graindorge, VHistoire d'une épingle, les Souvenirs de Jeunesse de Nodier, et cent autres ou- vrages du même esprit, nous pourrions enrichir nos bibliothèques plus sérieusement que par l'intro- duction de certains romans, qui ne seront, quoi qu'on fasse, sur nos rayons, que des échantillons somptueux d'une littérature qu'on ne pourra jamais posséder dans un ensemble d'éditions luxueuses et qu'il est préférable de réunir sur un bel alignement dans l'état original peu coûteux de leur primeur.

Puis, d'autre part, nous ne pouvons encore dis- cerner les chefs-d'œuvre véritables de nos contem- porains ; l'éloignement nous manque, il ne nous est point possible de juger ceux qui sont postéritéables, — l'avenir est toujours plein de surprises I



LIBRAIRES DE BIBLIOPHILES


SILHOUBTTBS PABtSlBNNBS


LÈOJ^ COJ^QUET


A vogue parisienne si instable met en haute vedette une librairie parisienne régulièrement tous les dix à quinze ans dans le public des Bibliophiles du monde élégant. — On proclame un Roi de l'édition ou bien un prince des li- braires auxquels « Messieurs du Livre » portent leurs hommages et qu'ils soutiennent avec ferveur jusqu'à ce que la Mode, qui régit notre inconstante humanité,' pousse ces fashionahles du genre bouquinier à se chercher un autre temple muni d'un autre grand prêtre qu'ils aban-


LES LIBRAIRES.de BIBLIOPHILES. 89

donneront encore dix ans plus tard avec une apparente lassitude de gourmets changeant leurs traiteurs.

Conquet aujourd'hui tient la corde du monde biblio- phile ; on peut le discuter, mais on ne saurait nier qu^il ait sa s'imposer par le travail obstiné, par le bon goût de ses éditions et par Faffabilité de ses manières. Il atteint dès maintenant Tâge critique du succès, cette heure psychologique où, si Ton ne se renouvelle pas, on dé- croît. — Actif, remuant, Tesprit très en éveil sur les formules d'art typographique, profondément épris de la perfection matérielle pour tout ce qu'il exécute, Léon Conquet a largement mérité le grand renom dont il jouit, dans le public des Bibliophiles modernes de France et de l'étranger; nous pouvons donc lui accorder la première place dans notre Galerie de$ Libraires du jour.

Depuis dix ans qu'il édite avec un savoir-faire remar- quable et une délicatesse de sentiment d'art rare chez un faiseur de livres, Conquet nous a présenté, tirés à petit nombre^ une vingtaine de vrais ouvrages de biblio- philes, auxquels rien ne manque sous le double rapport de la beauté et de la perfection de la forme. On ne peut y blâmer ni la bonne entente de l'imposition du texte, ni la richesse du papier, ni l'ordonnance des caractères de choix, ni même le nombre et le fini des gravures dues aux maîtres aquafortistes et burinistes de ce temps et toutes exécutées d'après des habiles compositions signées des premiers peintres de l'heure présente. — Nous ne trouve- rons donc rien à reprendre dans le bagage éditorial de Tardent libraire de la rue Drouot ; il mérite à plus d'un titre de voir rougir sa boutonnière pour ne pas envier le ruban pourpre de ses confrères, car il a mis au jour des éditions impeccables, polies, affinées et d'un attrait indiscutable pour tous les amoureux du livre ;


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seulement il faut bien le dire, et ce serait notre grief, Conquet est resté obstinément traditionnaire ; dans Tart des jardins bibliographiques il n'a pas dépassé Le Nôtre; c'est-à-dire qu'il s'est montré ami de l'alignement, du bien peigné, du ratissage et du correct à outrance sans ouvrir de nouvelles perspectives sur aucun des points du domaine livresque. — Il nous a dotés de vingt beaux ouvrages que nous avons tous, par sincère sjm- pathie, revêtus de nos privilèges; mais, au milieu de ces vingt volumes irréprochables comme la froide beauté vertueuse, il ne nous a pas encore permis d'applaudir à un $eul litre original, à un beau fils naturel de l'art et de la fantaisie, très irrespectueux du passé.

Un livre original, c'est-à-dire une publication ingé- nieuse, nouvelle, étonnante, bizarre^ montrant des sen- tiers non battus, des formules encore vierges. Un livre original, c'est mieux encore, c'est un livre tout ce qu'il y a de plus sujet à controverse, un ouvrage souvent même mal venu, ayant un manque d'unité, des trahisons d'exécution, peut-être, au surplus, des faiblesses de pro- cédés, mais enfin un original j un irrégulier, un livre de bohème, laissant voir ce je ne sais quoi qui est comme la' fleur des choses nouvelles et, en outre, montrant l'indépendance de ses filiations et la belle allure des êtres insoumis aux règles trop aisément admises.

Nous ne ferions pas le Livre Moderne si nous pen- sions autrement, et si, aux louanges très véridiques dont nous gratifions L. Conquet, nous ne mettions une sour- dine. Nous n'ajouterons ici que l'expression d'un désir, celui de voir ce Libraire-Éditeur encore si remuant, si jeune et si justement orgueilleux de sa situation acquise, ne pas se reposer sur le socle de ses publica- tions devenues « rares et curieuses ». — Qu'il veuille


LES LiBRAIRES DE BIBLIOPHILES. 91

bien essayer d'aller de ravant, qu'il cherche, qu'il s'ingénie, qu'il ne craigne point d'oser des gravures en couleur à l'eau-forte, des impositions nouvelles, des mariages de textes et de vignettes aquarellées, qu'il nous sorte du noir de ses titres, du fini admirable de ses gravures au burin, impeccables même à la loupe. L'esprit de l'homme est ainsi conçu, qu'il se lasse plus du parfait que de l'imparfait et il n'est pas un seul de nous, je le pense tout au moins, qui ne ferait des traits à la Vénus de Milo en faveur d'une faunesse de Clodion ou d'une baigneuse de Pradier. — La beauté du diable est plus affolante que la beauté classique.

Mais c'est trop montrer de pédanterie bibliognos- tique et assez faire le néo-rhéteur. — Présentons maître Conquet dans une hâtive silhouette bibliographiée.

Tout le monde des arts et des lettres, de la finance assise et de la magistrature ambulante connaît l'Éditeur de luxe et le libraire d'art de la rue Drouot. — Un petit homme fort, vigoureux, agile, de la solide race de l'Aveyron, relevant' d'une main fébrile une chevelure grisonnante dont les mèches sont parfois rebelles aux caresses de ses doigts.

Agé de quarante-deux ans environ, très avenant, très renseigné sur toutes les choses de la librairie de ce siècle, il séduit tous ses clients de passage qui deviennent vite ses fidèles attitrés après avoir franchi son seuil.

Une vie laborieusement remplie comme on le verra.

A ses débuts, d'abord commis chez Rouquette où il séjourna peu de temps, et d'où il partit, taquiné par la passion de la photographie à laquelle il faillit se livrer entièrement. Mais le bouquin l'avait impressionné plus fortement que le coUodion, il y revint et entra chez


» LE LIVRE MODERNE.

Garousse, son cousin, libraire au boulevard Bonne-Nou- velle.

.Ce fut dans cette maison que tous les curieux éclos k la vie et à l'amour des livres, vers les cinq ou six an- nées qui suivirent la guerre, connurent le jeune Conquet, qui, lui aussi, était bibliophile d'instinct et de vocation, cela se flairait à première vue. — N'ayant pas encore atteint la trentaine et très fougueux, très entraînant, il se créa dans la librairie qui faisait face au Gymnase la clien- tèle sympathique et dévouée de tous les jeunes amateurs qui se ruaient alors vers le livre avec une ardeur d'autant plus méritoire que leur bourse ne les secondait pas tou- jours par l'équilibre des lois de pesanteur. Conquet com- prit qu'il fallait ouvrir une nouvelle voie aux investiga- tions de ces jeunes curieux. Les livres à vignettes du xviii* siècle, de prix fort élevés, ne permettaient pas d'aspirer à des possessions dignes d'un Fermier général, aussi le petit commis de Garousse, déjà maître eu la demeure de son cousin, se mit avec zèle, avec ardeur et intelligence, à s'attaquer à d'autres livres moins en . faveur, et ce fut lui qui devint eu partie le véritable instigateur du mouvement qui porta les Bibliophiles vers les Romantiques, les Illustrés du xix* siècle et les petites curiosités littéraires dans le genre Malassis.

Parmi les Bibliophiles qui fréquentaient alors chez le

petit commis Conquet, on comptait Jules Claretie, Mon-

selet, Paul Gallimard, Abel Giraudeau, Jules Brivois,

Decaux, etc., et plusieurs d'entre ceux de ce temps-là

nossèdent encore des livres, introuvables aujourd'hui,

ir ont été dénichés par le fureteur enragé qui créait

>uvelle école en la boutique de Garousse, incon-

de cette révolution opérée sous son toit.

1874, celui-là avait succédé à celui-ci, et le Futm'


LES LIBRAIRES DE BIBLIOPHILES. 93

éditeur de la Chartreuse de Parme se tirait du mieux qu'il pouvait de son rôle de patron. Peu fortuné, avec un capital roulant très léger, il fallait acheter, acheter sou- vent et toujours pour faire un négoce productif, et la caisse n'était pas pleine tous les jours. Mais Gonquet luttait avec opiniâtreté ; il avait pris en sa compagnie son ami Poisson, qui Taidait de son mieux à remonter le cou- rant; ce même brave Poisson, qui est encore aujourd'hui la doublure de Gonquet bibliophile, une doublure solide frappée de la dentelle à roulette de Tamitié. Poisson, le secrétaire, parfois même le conseiller du libraire à la mode, est resté attaché à la proue éditoriale du raréfac- teur des Romantiques. N'est-ce pas curieux, l'association de ces deux noms maritimes : Gonquet et Poisson, ces nouveaux Oreste et Pylade; on n'y songe pas tout d'abord, mais la vie a de ces bizarres rapprochements de noms sur le ciment des affections naturelles.

Ge fut en 1880 que Gonquet émigra du boulevard Bonne-Nouvelle vers la rue Drouot, à deux pas du bou- levard et à deux enjambées de l'Hôtel des ventes. Il s'y installa avec un luxo tout moderne, dans une boutique vaste, largement vitrée et laissant voir partout des livres comme en un mirage des pèlerins voient les paradis rêvés. En 1881, l'éditeur apparut avec la publi- cation de ce chef-d'œuvre littéraire : Mon oncle Benjamin. C'était ime tentative; elle réussit bien, au delà de l'espé- rance de l'entrepreneur, et l'on sait depuis avec quel souci de mieux faire Gonquet, éditeur, a graduellement fait monter le nombre déjà respectable de ses impres- sions de luxe et d'art.

La caractéristique la plus originale de ce libraire, c'est qu'il a toujours été et qu'il est resté bibliophile. — La plupart de ses clients sentent chez lui le confrère plus


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§


lis întinr.iicif par la bea^ê cai c s&a nte des maroquins, Toos seclez qne T^c-tre iiit^e^ laipie et macère dans le jar^n bibliopîiîlesqQe; votre oreille perçmt des conver- sations qui eussent booleversé Tentendement dn bon La BniTère, le cniel pnoclamat«vr dn mot Tatmerie; vons apprenez les on-dit^ les noorelles, le langage spécial des gens da bel air bibliographique; toos voyez enfin défiler tont un monde de célébrités diverses, artistes^ littéra- tenrs, critiques dont les noms cités feraioit une longue n<MnenclatuTe.

Sur la table placée au milieu de la boutique et autour de laquelle les habitués priment chaise, sont diqiosées les nouveautés du jour parues chez tous les libraires parisiens. — On les prend, on les soupèse, on les palpe, on en inventorie les .vignettes et généralement on les biche, on les chine^ on les èreiniej si bien qu^il en reste




LES LIBRAIRES DE BIBLIOPHILES. 95

rarement quelque chose. Conquet, très exclusif en fait de livres illustrés, n'est pas le plus conciliant de tous les bêcheurs réunis chez lui; — il vous a un mouvement d'épaule, une moue méprisante qui cassent un livre en deux. — On n'est pas tendre pour le confrère, à la rue Drouot; mais, dans le métier, chacun défend sa reliure, car il serait puéril de le cacher dans la mêlée des efforts communs, — trouer la peau du voisin, c'est encore pro-. téger la sienne, — le système des éreintements mutuels étant en vigueur dans toutes les corporations.

Mais un régal incomparable vous attend peut-être et, si vous voyez Conquet dispos, souriant et de loisir, n'hé- j sitez pas; priez-le de vous introduire dans sa chambre du

I fond, où se trouve sa bibliothèque privée. Sous ime lai^e

' bibUothèque vitrée, l'éditeur du Brivois a réuni une série

de plus de 300 volumes absolument hors ligne qu'il a en- richis d'aquarelles, d'états de gravures, de dessins origi- naux, d'autographes d'auteurs et illustrateurs de tout ce que le délire d'imagination du collectionneur peut inventer. Ces livres inouïs et qui, vendus aux enchères actuelle- ment, monteraient certainement à plus de cent cinquante mille francs, sont tous brillamment habillés dans les plus nobles reliures exécutées .par les premiers bibliopigistes de Paris.

Sur le premier feuillet de garde de chacun de ses livres, Conquet a collé son eaylibris. Un gros oiseau chantant sur des livres, avec cette devise : J^ ouvre l'œil, l'eau-forte de cet ex-libris est de Champollion, je crois, d'après une composition de Giacomelli. Pourquoi un oi- seau? me dira-t-on. — Je l'ignore ; mais, si j'avais à four- nir ime opinion, je dirais qu'à mon avis ce ne peut être là assurément qu'un merle blanc. Cette bibliothèque, pour être sommairement cataloguée, demanderait une forte


96 LE LIVBE MODERNE,

brochure ; nous n'y égarerons donc pas notre plume pai' esprit de prudence, mais sur un exemplaire de la Mi- Carême de Meilhac et Halévy, nous cueillerons simple- ment ce joli quatrain de l'auteur de Décoré :

Pour que noire âme soU en fête, Pour avoir un lionheur complet. Que faut-il ? Faire la conquête D'uD livre édité par Conquct.

N'est-ce pas un parchemin que cette dédicace et pouvions- nous trouver meilleure citation pour mettre fin & cette hâtive étude de bibliopole-bibliophile ?




Le LIVRE MODERNE — Depuis le JO Janvier 1890 — parait chaque mois par livraison de Tormat pelit in-8* raisin de 64 pagca sur fort vergé de Hollande avec un appendice de 8 pag'ea minimum, Tarmant un caLalogue général très complet des nouvcauic ouvrages publiés en France dans le mois précédent.

CetU publicaLion formera deux beaux volumes par an, de près de 400 pages chacun, avec titres, faux titres et tables.

Elle sera ornée par an, de huit ou dix illustrations de gravées 4 l'eau-forte, au burin ou sur bois. Celte publîcat tirée BU nombre maximum de Ullla ExMaplalrM immèrotèfl dont le Prix d'Abonnement est ainsi établi :

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Il sera tiré en outre 50 EzamplairM d« Lox», ornés d'élatt d'eau-forte et de fumés. Ces exemplaires, paraphés par le Directeur, seront enrichis de tout ce qui pourra satisfaire A la curiosité des Souscripteurs Bibliophiles.

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A U (In de l'année, les exemplaires du LIVRE MODERNE qui n'auraient pas été souscrits par abonnement seront mis en vente en deux volumes bu prix da 50 tt., et, dans le cas où il n'y aurait pas épuisement rapide, les derniers exemplaires restants seraient réservés exclusivement aux abonnés des années suivantes au bien diiruUi, si le LIVRE MODERNE cessait sa publication ou se transformait A nouveau.

En tout état de cause, nous pouvons garantir le maintien absolu du prix de souscription et donner l'assurance d'une plus-value cer- taine de cette publication nouvelle, conçue pour un petit nombre de délicats lettrés et dirigée, sans aucun esprit de spéculation ni préoc- cupation commerciale, pur un Écrivain Bibliophile aussi soucieux que ses lecteurs de la bonne tenue do ce recueil.

Le LIVRE MODERNE étant abaolument indépendant de ta Maison Quantin, où il continuera néanmoins A être imprimé, nous prévenons que les Abonnements seront payés directement au Directeur- Éditeur, M. Octave Uzanne, 17, quai Voltaire, par mandat-poste, ou bien, pour nos aneienM Abonnit feulement, et s'ils le préfèrent, les recouvre- ments se feront dès lb hois bb ianvieh \mt l'entremise di; l'Admi- istration des (lostes.



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CUEILLETTES LITTÉRAIRES


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LA BlBLIOa.uiE AC Théâtre. _ L'accueil tail à la notice sur le Voyage autour de ma Bibliothifue, d'Antoine Caillot, nous encourage à putlier ici une autre notule sur une curiosité de môme nature. Tou- tefois, ce n'est plus d'un roman qu'il s'agit, mais d'une pièce de théâtre, récemment découverte dans un recueil factice de productions dramatiques. Elle doit être tort peu commune, car on ne la trouve que rarement, et l'exact Quérard ainsi que le oopieui catalogue Soleinne ne la m, tjonnent pas. Jugez un peu! - En voici la descriptio

La BiBLiOHAniE, comédie en lroi> acte, et enven par Pbévost, Uenlenant do gendarmerie, à Provins. _ Prix •


a men-


98 LE LIVRE MODERNE.

40 SOUS. — A Paris', chez Lepetit, libraire, Quai des Augustins, et Maradan, libraire, rue du Cimetière- André- des-Arcs. In-8® de ii-82 pages. (Imprimé à Provins, chez Michelin, Imprimeur.) — Sans date.

L^exemplaire que nous possédons oiFre une particula- rité intéressante ; il a été revu par l'auteur, qui a corrigé plusieurs vers de sa main (ses corrections, hélas! ne valent guère mieux que le premier texte) ; il a, chose sin- gulière, complètement raturé son nom et sa qualité sur le titre ; enfin, sur un feuillet blanc qui précède le faux titre, on lit cette dédicace : (( La BibUomanie, Pour le citoyen Befifroy, représentant du peuple, rue Neuve-des- Petits-Champs, n° 45, de la part de Fauteur » ; mais cette dédicace même a été surchargée, Prévost ayant changé d'avis, ou retiré son exemplaire, et remplacée par celle- ci : « Pour la citoyenne Montansier. »

Tout d'abord une question se pose : Quel est ce Pré- vost qui fit, disons-le de suite, une pièce si médiocre en si pauvres vers? — Il est assez malaisé de résoudre le pro- blème, en l'absence de tout pr^énom et de toute indica- tion propre à faciliter nos investigations. Plusieurs auteurs dramatiques, du nom de Prévost, ont, à la fin du siècle dernier, publié des œuvres de théâtre ; aucun n'est désigné comme le^père de la BibUomanie. Malgré le silence de Quérard et quoique la qualité de « Lieutenant de gendarmerie à Provins » (d'ailleurs raturée sur le titre) nous déroute un peu, il me semble que cette pièce ne peut guère être attribuée qu'à Augustin Prévost^ ou Prévôt f comédien et auteur dramatique, né à Paris, en 1753, filleul ou, dit-on, fils naturel du dernier prince de Conti et d'une comédienne. Cet écrivain, sur lequel les Mémoires de Dazincourt contiennent quelques renseigne- ments intéressants, parait avoir eu une carrière assez


CUEILLETTES LITTÉRAIRES. 99

mouvementée. Avant d'exercer la profession d*acteur en province, il était allé en Russie, y avait eu les pieds gelés et avait dû subir l'amputation des orteils; de là une dé- marche iirégulière, incertaine, que lui passait le public de province qui Faimait beaucoup, mais que n'acceptèrent jamais les spectateurs parisiens. De retour à Paris, vers 1795, il dirigea d'abord le Théâtre-Patriotique (ancien Théâtre des Associés), avec sa femme qui faisait partie de la troupe, puis divers autres spectacles, jusqu'à ce que le fameux décret de 1807, qui supprima tous les petits théâtres, vînt consommer sa ruine. Depuis cette époque il ne fît que végéter, n'ayant pour toutes ressources qu'une petite lanterne magique qu'il montraft au quartier Mar- beuf. Il mourut dans une profonde misère, à soixante- dix-sept ans, le i^ août 1830.

Nous voici bien loin de la Bibliomanie ; mais les dé- tails qui précèdent n'étaient point inutiles pour faire con- naître brièvement l'auteur à qui nous croyons devoir attribuer la paternité de cette pièce.

Une des raisons déterminantes est celle-ci : parmi les vingt pièces imprimées (drames, comédies, vaude- villes, etc.) que l'on a de Prévost, il en est une, VUtilité du Divorce (comédie en trois actes, en prose, représentée en 1797), où l'on trouve des idées sensiblement identiques à celles qu'expriment, sur le même sujet, des personnages de la Bibliomanie. Laquelle des deux pièces a précédé l'autre? peu importe. Notons seulement cette particula- rité qui permet de fixer la date (non indiquée sur le titre) de cette dernière production, entre la promulgation de la loi du 20 septembre i792 et 1798.

Ceci dit, venons ^enfin à l'analyse de la satire, bien anodine, du bon Prévost contre les Bibliomanes. Les


100 LE LIVRE MODERNE.

noms des personnages, smvant la mode ancienne, sont significatifs ; ce sont :

VoLUMEN, bibliomane, amateur de vieux livres. Cécile, sa fille.

DoRYAL, bibliomane, amateur de nouveautés^ amant de Cécile.

Feuillet, bibliothécaire de Volnmen. OcTAVO, garçon de bibliothèque de Volumen. Vignette, suivante de Cécile. Griffon, écrivain public.

Le théâtre représente une belle Bibliothèque remplie de vieux livres et de meubles antiques, « mais très beaux » (sic).

L'intrigue est des plus simples : le riche Volumen, ancien sous-fermier, occupe les loisirs que lui a faits la suppression de la ferme, à collectionner des livres, des vieux, des manuscrits surtout, que le bonhomme est d'ail- leurs parfaitement incapable de comprendre et même de lire. Feuillet, son ancien secrétaire, flatte de son mieux cette manie qui justifie son nouvel emploi de bibliothé- caire; à son instigation le vieillard sème à profusion les assignats pour de très médiocres acquisitions, sur les- quelles Taigrefin Feuillet ne manque pas de prélever un honnête bénéfice.

Dorval, le fiancé de Cécile, jeune homme de goût, amateur de nouveautés^ ne montre point autant de sou- plesse à regard des manies de son futur beau-père. Il le raille si imprudemment sur sa passion des vieilleries, que Volumen exaspéré le congédie tout net et fait choix, pour sa fille, du complaisant Feuillet, tout heureux, conmie on peut croire, de cette aubaine inespérée. Désespoir des amants que, suivant les us du vieux répertoire, la fine


CUEILLETTES LITTÉRAIRES. 101

servante 'Vignette — avec lettres — se charge de tirer de peine. Son petit complot se réduit à ceci : elle prouve à volumea que Feuillet est un fripon qui ne le flagorne que par intérêt et qui le vole ; l'écrivain Griffon arrive à point pour déclarer que c'est lui qui est le copiste d'un manus- cnt des Caquets de F Accouchée, commandé par Feuillet, moyennant deux miUe livres, et revendu six mille au vieux bibliomane. On devine le reste. Feuillet est lestement ^is à la porte par Volumen, qui marie enfin les deux •amants. Inutile d'ajouter que Vignette épouse Octavo.

Tout cela, comme on le peut voir, sans être fort « empoi- piant », a le tort d'être long et fade. Quant au talent poétique de l'auteur, il suffira, pour en donner l'idée, de citer quelques vers choisis parmi les moins ternes. Ainsi par exemple, Octavo, déplorant le nouveau genre de vie de son maître, dit :

Boire, manger, dormir était son habitude; Que n'a-tr-il, sur ces points, poussé plus loin l'étude? Il regrette aujourd'hui le temps qu'il passe au lit, £t court une journée après un manuscrit ; Plus les livres sont vieux et plus il les achette; II ne rentre jamais qu'il n'ait fait quelque emplette Et l'argent qu'il dépense est d'autant plus en vain Qu'on ne le voit jamais avec un livre en main. Ah! qu'un bien mal acquis rarement nous profite!

Ce même Octavo, qui est vraiment le sage de la pièce, apostrophe ainsi un tas de bouquins dont l'a gratifié Volumen :

Je vais dans ma mansarde emporter mon cadeau Et mettre à part Vadé, pour meubler mon cerveau ; Pour vous, infortunés, oubliés pour la vie, Vous ires sur les quais, au soleil, à la pluie, Attendre, en pourrissant, qu'un oisif campagnard Jette, en passant, sur vous un coup d'oeil, par hasard.


i:-: LE LIVBE MODERNE.

A noter cette réflexion de Vohmien partant

n «e fut déjà tard;

Je iKfTTais ax-xr fiut h moctié de nn ronde. Cl i*:« acA^, mmnML dépemd dmmt xamde.


Ce qai précède, da reste, doit suffire à faire com- prendre qa'ime vraiV pièce snr la Bib)iomanie est encore à ccmposer. — A rcntrre^ ma Amis!


50TE D r5 COftBESPOXDA?(T.

DA5S la livraison de janvier jp. 43;, il est parlé d un travail projeté snr les ouvrages que les illettrés ré- clament dans les bibliothèques publiques, et on cite quel- ques exemples de bonnes bourdes commises sur certains bulletins de demandes. Ce travail existe; j'en ai tenu le manuscrit tout préparé pour Timpression. C'est Foeuvre d'un homme de mérite, Théophile Baudement^ conserva- teur à la Bibliothèque nationale, mort en 4874. à qui Ton doit plusieurs traductions d*auteurs latins compris dans la Collection y isard et une intéressante plaquette sur le Raheldis de Iluei Jouaust. 1867\

Le manuscrit de Baudement, composé, autant qu'il m'en souvient, d'une centaine de feuillets du format de papier à lettres, eût foumrla matière d'un charmant in-18. n m'a été moRiré par un des neveux et héritiers du défunt, qui me consultait sur les moyens de l'éditer M fiructueusement ». — Je ne puis en dire le titre exact. Je donnai les meilleurs conseils qu'il me fut possible au neveu de l'auteur. Sans doute, il ne put s'accorder avec aucun des éditeurs que je lui indiquai ; il attribuait, à vrai dire^ un prix énorme au manuscrit qu'il pensait devoir lui rapporter des sommes considérables.


CUEILLETTES LITTÉRAIRES. 103

Il est regrettable que le travail de Théophile Baude- ment, qui avait de la finesse et de la gaieté, n^ait pas vu le jour; ce devait être fort récréatif. Le manuscrit a dû rester dans la famille, à moins qu'il n'ait été acquis, de gré à gré, par quelque bibliotaphe jaloux de garder pour soi seul les joyeuses bévues patiemment collectionnées parTérudit bibliothécaire...

M Emile Zolâ, qui se présente à TAcadémie en com- • pagnie de douze autres candidats, a singulièrement oublié ses majestueuses indignations d'autrefois et, parmi les diatribes imprudentes qu'il a jadis publiées, nous avons plaisir à recueillir la suivante qui a paru dans une étude sur Balzac, à la page 38 des Romancier» naturalistes (Charpentier, in-18); ^ savourez le morceau :

L^échec de Balzac auprès de TAcadémie suffit à juger cette institution caduque qui s'entête à vivre dans les temps nou- veaux. Elle a perdu depuis longtemps toute action sur les belles-lettres. Elle ne peut même pas achever le dictionnaire que M. Littré a terminé avant elle. Chaque année, elle se contente de distribuer des prix de littérature, comme on dis- tribue des images de sainteté dans les couvents, aux plus sages et aux plus religieux. Le grand courant moderne, qui doit fatalement remporter un jour, passe, sans s'inquiéter de ce qu^elle fait ni de ce qu'elle pense. Et il est des années où Ton peut véritablement croire qu'elle n'existe plus, tant elle paraît morte. Pourtant, la gloriole pousse encore nos écri^ vains à se parer d'elle comme on se pare d'un ruban. Elle n'est plus qu'une vanité. Elle croulera le jour où tous les esprits virils refuseront d'entrer dans une compagnie dont Molière et Balzac n'ont pas fait partie.

Décidément, une vérité chaque jour plus triste à


104 LE LIVRE MODERNE,

découvrir, c'est que ce n'est pas le talent qui manque à rhomme, mais Vhomme qui manque au talent. M. Zola^ qui n'avait pas le désir d'Académie, a succombé norma- lement à cette vanité, grâce au gros point de vue bour- geois qui est en lui. L'esprit viril dont il parle lui a fait défaut. — Flaubert disait de Dumas fils : « Il veut être de l'Académie, il est bien modeste. » — M. Zola rêve de l'Académie, comme le négociant rêve des mé- dailles et décorations officielles qui poussent à la vente. N'a-t-il pas formulé, dans le même ouvrage signalé plus haut (p. 38), cette opinion qui montre bien le mercan- tilisme de ses vues actuelles :

Dans notre pays, Ton veut que le talent soit patenté; pour le reconnaître, les bourgeois ne s'inclinent que devant Técrivain qui porte Testampille de l'Institut. Les livres de cet écrivain s'écoulent à un beaucoup plus grand nombre d'exemplaires, sa personne devient comme sacrée.

Le talent considérable de l'auteur de Pot-Bouille ne sera pas encore patenté A. G. D. A. en avril prochain. Le fauteuil d'Augier ne deviendra point le siège d'Augias — comme on dit dans le Parti des Ducs. — M. Zola attendra quelque temps la patente qu'il réclame pour ses œuvres, par le vulgaire désir de maintenir le gros tirage.

HENRI Meiluac, l'auteur de la Margot en vogue au Français, . est un fin bibliophile dont nous aurons quelque jour plaisir à esquisser la physionomie bibliothé- cographiée. Aujourd'hui nous nous souvenons qu'il fut poète avant de songer sérieusement à devenir Immortel et nous éprouvons un sentiment de joie maligne à publier


CUEILLETTES LITTÉRAIRES. 105

ici, à titre de curiosité littéraire, le bizarre et piquant son- net suivant de Tancien collaborateur de Ludovic Halévy,

Un sonnet, dites-vous; savez-vous bien, madame, Qu'il me faudra trouver trois rimes & sonnet? Madame, heureusement, rime avec ftme et flamme, Et le premier quatrain me semble assez complet.

J*entaroe le second, le second je Tentame Et prmds en Tentamant un air tout guilleret. Car, ne m*étant encor point servi du mot ftme. Je compte m*en servir et m'en sers en effet.

Vous m'accorderez bien, maintenant, j'imagine, Qu'un sonnet sans amour ferait fort triste mine, Qu'il aurait l'air boiteux, contrefait, mal tourné.

Il nous faut de l'amour, il nous en faut quand même, J'écris donc en tremblant : Je vous aime, ou je t'aime, ' Et voilà, pour le coup, mon sonnet terminé.

Le tour en est galant et la chute admirable Ne pensez-vous point que ce sonnet eût reçu un chaleureux accueil à Thôtel d'Arthémise? La marquise de Rambouillet et*M°® Paulet, la Lionne^ se lussent pâmées à son audi- tion, bien qu'en agitant Té ventail pour la conclusion.

DANS un ancien numéro du journal disparu, le Parle- ment (12 février 1882), nous trouvons, sous la signa- ture de Paul Bourget, cette jolie description de la Biblio- thèque de rhomme de lettres, à propos de la vente de Paul de Saint- Victor, qui eut lieu vers ce temps-là :

Surtout la bibliothèque de Thomme de lettres est une sorte d*êlre vivant dont chaque livre est comme la cellule. Vous rencontrerez sur les rayons d'en bas, ceux qui sont bien à portée de la main, les volumes que Técrivain relit dans les jours de reploiement d'esprit. Celui-ci préfère les moralistes, et c'est Montaigne ou c'est Pascal, c'est La Rochefoucauld,


10« LE LIVRE MODERNE.

cest le Stendhal delà Correspondance qu'il ouvre au hasard , pour raviver en lui le goût de la réflexion personnelle et solitaire. Cet autre ne se complaît que dans les feux d'artifice de stvle et Tinvenlion violente des images; il dira comme Gautier dans Alhertus :

. . . Et dit«s qu'on m'apporte Un toow de Pani-M^nel!

C'est Rabelais, c*est Saint-Simon, c'est Chateaubriand dont il contemplera quelques périodes furieusement colorées. Cet autre s'enivrera de la mélodie d'un poète préféré. Tous ont ainsi des auteurs dont ils sont les tout proches parents par l'arrière-fond de la sensibilité. Puis c'est sur d'autres rayons les livres d'il y a déjà ^dngt ou trente années, dans leurs pre- mières éditions. Ce sont les livres donnés par les amis. Les volumes sont là, ornés de leur dédicace. L'ami est mort, ou, s'il vit, parfois il n'est plus l'ami. Des reliures précieuses ou commodes attestent le goût luxueux ou pratique du maître... Et tout ce petit univers d'idées doit cependant être dilacérc. L'homme de lettres est malade, il est mort, et déjà les ama* teurs guettent leur exemplaire. Les indifférents entrés à l'hôtel Drouot par flânerie auront aussi le leur, et montreront à d'autres indifférents avec un orgueil naïf la signature de l'écri- vain défunt !.•. Heureusement qa^en dépit du mot du poète, il n'^est pas d'âme aux choses et que ces livres chéris, ces beaux livres, ne sentent rien I


Nous' avons parlé de la magistrale façon dont le regretté J. Barbey d'Aurevilly rédigeait ses dédi- caces. Un bibliophile très délicat et amoureux d'ouvrages modernes, M. Ernest Chaze, nous communique les jolis vers suivants, écrits en encre polychrome par le maître styliste sur un exemplaire des Diaboliques^ relié par Thi- baron en maroquin rouge, avec milieu et dos orné :


CUEILLETTES LITTÉRAIBES. 107

A Qai relie mon Livre et lie mon cœur.

Un jour, racontent les chroniques, Et ce trait m*a toujours semblé touchant et beau, Sur deux amants, hardis comme mes Diaboliques, Et qui faisaient Tamour au fond des basiliques,

Un saint roi jeta son manteau ! C'était le temps des Rois et non des Républiques!

Mais toi, tu n*es pas LefTemberg... Toi, tu te moques bien des morales publiques I Et tu vas me couvrir mes pauvres sataniques

D*un manteau des plus magnifiques...

Chaze, tu m'es le Roi Robert I

Quelle allure! hein! et quelle noblesse magnifique dans tout ce que signa ce véritable preux des lettres!

Nous recevons la communication suivante :

L'un de vos collaborateurs, qui signe Poiymorphile^ a bien voulu, en termes fort aimables, me signaler un quatrain dont feu Alexandre Dumas aurait été le père. Permettez-moi de lui opposer, au sujet de cette paternité, les réflexions insérées dans V Argus Soissonnais du 22 janvier 1890.

D'après ce dernier journal, les vers cités seraient de M. de Tillancourt. « Ils s'appliquaient à M. Charles Méaulle, fils de Jean-Baptiste Méaulle, député à la Convention et qui fut le collègue du regretté député de l'Aisne à l'Assemblée nationale de 1847, comme représentant d'Ille-et^ Vilaine.

« M. Méaulle, qui ne rappelait en rien Apollon, avait donné son portrait à M. de Tillancourt, avec celte inscription placée dans la marge supérieure : Méaulle (Ille-et-Vilaine}, M. de Tillancourt, en contemplation devant ce portrait,


s'écria


Cette image dont j*ai l'étrenne Représente Méaulle au regard incertain. On lit en haut : Ille-^t-ViUiine, On devrait dire : « Il est vilain. » '

J'abrite donc ma défense derrière l'article 340 du Code


.:v«E MODEBNE.

> b pat«rT)h«. mais je ne crois ^..^-f 3i-i.,pT '.e* b^^s-^es pctiêts aax pages 45 et 46 du l.r-t iH'iTf. rn I '^-.M-i çT*àr ic ces quatre Tersie ba^ge T'.^î-i'raî M rilij^c?- e^jjc- ie MUers-CoUerels.

C Gleiel.

iL '^JJLifL riL **î é-r-^iaLment le rédacteur anonrme

■; Tj.-yia ^ ■i*.*n.j.-«. — ô Scat-r-graphes, eassiez-vous

jzr--^z± zs tir^ £■* xcrr-il! — noos permettra de penser ra; V- -î^ THiz>;rtJ^. çd tesait fort soaTeDt ses calem-

>
iir« L^ si<-.CfLi —t-'^ ^i q^n était peu scrupuleux sur

ji ^:ls_ à .ri .:c;:£i»p<rr à son profit et dénaturer le ■Z^^^^i^^ rr* E.:cs avcas ciiê et qui nous a été donné à K:E^;-s iTJK i-rctes les garanties de paternité désirables. M^:^ oi^s c^^^^ petite Ters plaisants ne méritent pas une f '.-* ;;=j^.e ars:::::«:;a::oa. Terminons icî ces Cueillette* iV.";' Tfi>v», la prvTisîon est suffisante.


EXCURSION BIBLIOGRAPHIQUE Aax ftoatièrea des Kouveaatés littéraires


o u s vous souveneE que le mois der- nier, sous la conduite de noire Direcleur du P.-L.-M. (traduisez toujours : ParU-Livre-Moderne), fut inauguré l'Express -Biblio- graphe, un vrai train de plaisir constamment égayé par les ingé- nieux aperçue, la causerie pleine d'impromptu et la verve du conducteur,quinenousSt stopper qu'aux plus attrayantes stations du réseau. Aussi, le simple chef de train, chargé dès aujourd'hui de diriger ces excursions bibliographiques, éprouve-t-il de légitimes inquiétudes ; car, s'il n'appréhende ni de dérailler, ni de s'égarer dans un pays qu'il parcourt depuis plus de vingt ans, il redoute, à juste titre, une comparaison malaisée à soutenir avec son devan- cier. Il s'empresse donc de solliciter l'initiale indulgence, et, son itinéraire étant assez chargé, il donne, sans plus tarder, le signe du départ,

En voiture, en voiture, un coup de timbre, un coup de


-1 LE LÎVEE XODEBNE.


. ci axi$ Toicî a la première ■ire Se ryztt, ceïïe des :


i^Tiic^ ?x:i:>>:>FB:^rES et keligiecses.

ii^^il ZuFZ'i-A i= p^T^ c'est p2« ^ el le sol en parait '~^', V;j la? riie !ya2 uyas atiend en ces oonlrées peu


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(r«t iTii^^rd S^int T\'.^m^s d'Aqnin et /a Philosophie càr'.tflf'^^e [zha \'>ct.3r Lecoffre . par le R. P. Elisée Vincent Mx -=:::*, d» frgrr* prêcîie-jrs, dDctenr en thêolo^. A quoi tïcid-f^ ces dé-ox fT^jts volumes? A rien moins qu*à prouver ^je IM-j^lre d:-clear da xm* siècle, F « Ange de l'école », la jl:-lre de Tordre de Saint-Dominique, était inGniment plus f*:-rt el plu« I.*r::pe que Descartes, le père de la philosophie m tierce, qai, suivant Fauteur, a commis de très grosses erreurs. Dans cette oravre consciencieuse, le R. P. Maumus a natureilemeot. comme on dît, prêché pour son saint. Notons, en passant, que son livre, qui n^est pas pour plaire beaucoup à Messieurs les professeur:: de Sorbonne, contient un bien ^Honcant chapitre sur Faccord possible de la célèbre théorie de la • prémotion physique » avec la doctrine du libre arbitre.

La Philosophie de L^mennM^ par M. Paul Janet (chez Félix Alcan), est une œu%~re beaucoup plus accessible au commun des lecteurs, et son éminent auteur y a merveilleu- sement exposé les évolutions successives du célèbre écrivain.

\'oici maintenant M. Maurice Vemes qui vient, dans les Bêsullats de F exégèse hibliqae (chez E. Leroux), résumer, avec sa haute compétence, les travaux de la critique moderne appliquée à Félude des L«i\Tes saints; mais nous ne pouvons nous arrêter même un moment à un ouvrage de cette impor- tance, car déjà TExpress-Bihliographe est reparti pour nous déposer à la station :

HISTOIEB. GEOGRAPHIE. VOTAGBS.

Malgré Faccalmie ordinaire au mois des étrennes, nous ren- controns assez de monde aujourd'hui dans ce grand débarca-


EXCURSION BIBLIOGRAPHIQUE. iil

dère où divers embranchements viennent verser une foule pittoresque et bigarrée : historiophiles purs, bien emmitou- flés de chartes et de documents pour affronter les brumes du passé, géographes armés de compas et de lunettes, voyageurs bottés d*épaisses cnémides de cuir et coiffés du casque blanc qui défie les ardeurs du soleil des tropiques.

Le premier compagnon de route qui se présente est M. Paul Lejay, portant sous le bras ses Inscriptions antiques de la Côte-<rOr (Ém. Bouillon, in-8®|, recueil utile et bien fait qui rendra de réels services à la science épigraphique. Les centaines d'inscriptions, fidèlement reproduites et ingénieu- sement commentées, qu'il a recueillies sur des monuments de toute nature, aideront à fixer bien des points encore douteux de la vie publique et privée de nos ancêtres, pendant les cinq premiers siècles de notre ère.

Voici maintenant un laborieux s'il en fut, M. le comte Hector de la Perrière, qui a consacré sa longue et honorable carrière à fouiller les petits coins du xvi" siècle. Il nous offre dans Henri IV, le Roi, V Amoureux (Calmann Lévy), trois nouveaux essais sur c< le seul roi dont le peuple ait gardé la mémoire ». D'abord il conte les péripéties du premier mariage du Béarnais avec Marguerite de Valois, ainsi que les négocia- tions difficiles poursuivies à Rome, à la veille de l'abjuration du prince. Puis, et c'est assurément la plus curieuse partie de ce volume documenté, Tauteur retrace l'histoire des dernières amours du roi Vert-Galant.* Le caractère et les intrigues de la fameuse duchesse de Verneuil sont ici présentés sous un nouveau jour; ce qui n'est ni moins neuf, ni moins intéres-' sant, c'est le chapitre relatif à la mort du roi, aux révélations, trop négligées par les historiens, de la femme de confiance de la duchesse de Verneuil, une certaine d'Ëscoman, qui accusait, et non sans vraisemblance, son ancienne maîtresse et le duc d'Épernon d'avoir été les complices de Ravaillac. Il y a là une source d'indications précieuses pour l'étude de cette énigme historique, toujours posée et jamais résolue : les causes de l'assassinat d'Henri IV.


112 LE LIVRE MODERNE.

M. Henri Wallon poursuit le cours de ses admirables recherches sur les Représentants en mission et la. justice révo- lutionnaire en Van II (Hachette) ; son quatrième tome, con- sacré aux départements de la frontière du Nord et aux pro- vinces d'Alsace et de Lorraine, n*est pas moins terrifiant que ses devanciers. Ahl ils allaient bien, nos pères de 1793-1794, et c'était une bien belle chose que la justice confiée à des scé- lérats tels que l'abominable Euloge Schneider, de Strasbourg, qui parcourait ses « états » entraînant après lui la guillotine.

A quelque opinion que Ton appartienne (à moins que l'em- barras du choix ait fait renoncer à en avoir aucune), on ne sau- rait se désintéresser du livre posthume de M. le duc d'Or- léans, Récits de campagne, 1833-1841 (Calmann Lévy), publiés par ses fils, M. le comte de Paris et M. le duc de Chartres. Ces mémoires, demeurés jusqu'à présent inédits, retracent avec une vigueur singulière les glorieux exploits de nos armées pendant les expéditions de Mascara (1835) et des Portes-de-Fer (1839). Il se dégage de ces « Commentaires » d'un prince-soldat un discret parfunï d'héroïsme et de forti- fiantes leçons de vrai patriotisme et de dévouement au devoir.

Passons maintenant, si vous voulez bien, aux récits des voyageurs, ces hardis pionniers de la civilisation et de la science, qui, possédant vraiment, comme dit le poète antique, robur et ses triplex, affrontent mille périls, parfois même une mort horrible, avec autant de courage que d'abnégation et d*absolu désintéressement.

C'est ainsi, par exemple, qu'un savant naturaliste norvé- gien, le docteur Cari Lumholz, désireux d'accroître nos con- naissances sur la faune et la flore australiennes, s'est condamné à passer cinq années (1880-1884) au milieu des plus sauvages indigènes de l'Australie orientale (Queensland). Vous imaginez quelles privations, quelles peines il a subies, quels dangers il a courus parmi ces hommes plus que primitifs et parmi leurs hideuses femelles, adonnés les uns et les autres à l'anthropo- phagie. Lisez d'ailleurs le livre du docteur C. Lumholz, Au Pays des cannibales (Hachette, gr. in-8'», nombreuses figures)^


EXCURSION BIBLIOGRAPHIQUE. 113

et vous aurez une exacte idée des fatigues de son auteur et des précieuses découvertes dont il a pu enrichir l'histoire natu- relle.

La mission accomplie par M. J. Chafianjou, aux bords des fleuves FOrénoque et le Caura (Hachette, figures), ne saurait non plus passer pour un voyage d'agrément. Que de patience et de persévérance il a fallu à l'intrépide explorateur français pour pénétrer jusqu'aux bassins supérieurs de ces deux grands fleuves, à travers les contrées du continent sud-américain, peuplées seulement de multitudes de bêtes désagréables et de rares indigènes plus déplaisants encore I

Lumholz et Chaffanjou, toutefois, ne semblent pas avoir atteint le comble des misères de l'exploration, si on compare leurs récits aux deux suivants qui se complètent bien l'un par l'autre : b Délivrance éTÉmin pacha, d'après les lettres de H. M. Stanley (Hachette), et Stanley au secours (FÉmîn pacha, par A.-J. Wauters (Quantin). C'est dans ces volumes, dignes d'être entre toutes les mains, que l'on se rend compte de ce que peut l'énergie humaine contre les efforts combinés du terrible sol de l'Afrique centrale et de ses bizarres et tant variées populations.

Ne quittons pas cet arrêt déjà long, sans jeter, avec M. Louis Henrique, un coup d'œil sur nos possessions et pro- tectorats de l'hémisphère sud et de l'océan Pacifique. Son quatrième et dernier tome des Colonies françaises (chez Quantin) nous sera un guide aussi attrayant qu'instructif à feuilleter jusqu'au moment où nous arrivons au pays des :

BEAUX-ARTS.

C'est ici que le fameux utile dulci trouvera une fois de plus son application; quatre volumes bien faits, pimpants, largement illustrés et fort intéressants nous attendent; à peine, hélas ! avons-nous le temps de les décrire.

L'Histoire de la peinture décorative (chez H. Laurens, in-8«), par M. A. de Champeaux, bibliothécaire de 1' « Union I. s


114 LE LIVRE MODERNE.

centrale des Arts décoraiîfe », est on résumé très méthodique des progrès accomplis, depuis trente siédes, dans nne branche de Tart pictaral qui n^a pas encore été, que nous sachions, étodiée i:ïoIénient. Les stjies, les caractères distinctifs de chaque époque et de chaque école j sont nettement définis ; la coQcIusioQ de Toarra^ n'est pas très flatteuse pour notre temps, dont le caractère particulier semble être de n'avoir pas de style personnel.

La maison Qnantin nous présente les tomes XXXIII et XXXr\' de son excellente « BiUiothèque de l'enseignement des Beaux- Arts •. Avec M. Lecoj de La Marche, nous appren- drons à connaître tes Sceaux, dont on n'avait pas, jusqu'ici, asseï apprécié l'importance au point de vue des mœurs, usages et costumes du moyen âge et dont les érudits tireront si bon parti pour l'étude historique proprement dite. Voilà heureuse- meat la sigillographie « lancée », et nous pouvons nous attendre a voir paraître maints bons travaux sur cette science intéres- sante. Avec FArt héraldique ^ de M. H. Gourdon de Crenouillac, nous reprendrons goût à l'étude du blason, si bien connu jadis, aujourd'hui presque totalement négligé. Et c'est un grand tort, car rien n'est plus utile que cette science pour empêcher les artistes modernes de tomber dans de grossières erreurs héraldiques, et pour mettre les collectionneurs éH garde contre les supercheries que les marchands antiquaires ne se privent pas de commettre, au grand dommage des ama- teurs de curiosités. Un procès tout récent (la fameuse table aux armes de Richelieu) en est la preuve.

On ne tirera pas moins de profit du travail de M. Ris- Paquot, à qui Ton doit déjà tant de bons livres sur diverses matières d'art et de curiosité. Son Dictionnaire des poinçons, marques et monogrammes, etc., des orfèvres français et étrangers (H. Laurens) permettra de reconstituer avec certi- tude Tétat civil, au besoin depuis le xiii« siècle jusqu'à nos jours, de ces précieuses pièces d'or ou d'argent que les ama- teurs s'arrachent à un prix souvent centuple de leur valeur intrinsèque. Gare aux truquages et supercheries I nous avons


EXCURSION BIBLIOGRAPHIQUE. 115

à présent un sûr moyen de savoir à quoi nous en tenir sur rorigine de nos <c Vieilles argenteries de famille », comme dit Baron à la voix d'or, dans la Cigale.

Tandis que nous causons, notre train s*est remis en mou- vement et a lentement marché, car voici qu'il s'arrête à la gare très fréquentée :

BIBLIOGRAPHIE. '^CRITIQUE. — Ml&LANGES LITTéRAIRES.

Quel est, sous un vêtement tout neuf, cet ancêtre qui s'avance courbé sous le double fardeau d'un latin baroque et d'un français passablement barbare? C'est le bon frère mineur Nicole Bozon, dont MM. Lucy Toulmin Smith et M. Paul Meyer viennent d'exhumer les Contes moralises (Didot), au profit des membres de la « Société des anciens textes fran* çais ». Montez, bon père en Dieu, montez dans le sleeping, et que la lecture de .vos vieux contes et de vos pieuses fables vous procure promptement un doux sommeil I

Eh! voici un trio de bibliographes : ils ont l'air tout déconfits de ne pas trouver de wagon de troisième classe (il parait que la bibliographie n'enrichit guère!). Bah I qu'ils montent tout de même dans le train, ils payeront leur place en remettant leurs ouvrages au contrôleur. M. René Kerviler donnera le huitième fascicule (Bli-Boi) de son Répertoire général de bio-bibliographie bretonne (Rennes, chez Plihon et Hervé), cette œuvre colossale qu'il a entreprise avec tant de hardiesse et qu'il poursuit avec tant de persévérance, jus- tifiée par le succès. M. P. de Boutarel ne sera pas moins bien accueilli avec sa Table alphabétique et bibliographique des matières et des auteurs figurant dans les 130 premiers volumes du compte rendu des séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques (Alphonse Picard) ; il n'est pas besoin de dire quels services rendra aux travailleurs cet excellent et indispensable répertoire, composé en collaboration avec M. Henry Vergé, sous la direction du secrétaire perpé- tuel de l'Académie, M. Jules Simon. Enfin, nous réserverons


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•^•M, hznxrs' bbf '.ess- nmr anc» »!■■» de faulex final certaîiis aut-^irs itm tes ^inx» iisiîâre?^ de BL2Cre Impft.

1.1 :r-uinu? sx rfsrsseuice. rc- Tmr,m rî. par an se«l Tolmne, Jl-ii/'w ^ f^rïiJBw» :àBt O-i^JIie-lIfflraar. de M. Jacques riiinur ITfïïL :iii tïitbbI Âf 2iixC csaww <m ae ■nnifBcnt pas js« ^nu!» n-'îrrrjit^à. a iescims à reaepr Croatie le pfgwjmwmc lOL ^f*ii£ ai 7111» «s TitD^ â amàir 2i Jîuêratere.

Le« pn.s Â* ]a in:»>fricare iSnTii aiiii' feroet Immi accoeS i r zœrnx^ iULTioc : A'L'"ùi«jii «Àtia aaifra eràie^ Uiiersrû w«Â;r<ba «ILii R C^tiCiu dùBK Lipr , CTmpilatîmt foK bien Ci.ce par M. l:rd MmmdL Vs^ àt cent TÎngt articles cri- brses. 1.B azx ane-IIifars «crtùiç de Fltaiie cooleflqMiraiae, 50c^ rgff^rs «c cet eorrae v.x::zae de près de huit crents ptges ; cbcisss rar 112 fe. >.,' !.e i*xa rcdîjadîcîeox ei sûr, ils sont très prxTcs A icc2«r Fiièe de ce que Teiite des écrivains d*au delà les iDocts pense de la riche litlèralnre italienne. Il serait â délirer q;i'im recueil analosue fût fut, diei nous, pour notre propre littérature.

Une œurre po^thome du comte deMlliers deTIsle-Adam, Axel. Tient de paraître à la maison Quantin. Ce n*est pas le livre le moins extraordinaire de l'écrivain ; il est difficfle k classer, participant à la fols du drame et de Fétude philoso- phique. (Test une sorte de tétralogie, â laquelle, dit-on, Fau- teur a travaillé toute sa vie, ce que Fon croît volontiers en parcourant maintes pages, qui semblent avoir été écrites aux


EXCURSION BIBLIOGRAPHIQUE. 117

plus beaux jours du romantisme. Quant à la pensée maîtresse qui a inspiré cette production, dont les superbes qualités lit- téraires ne peuvent dissimuler Fétrangeté, il semblera peu commode^ même aux adeptes, de la dégager avec précision. La collection des « Classiques populaires », éditée par Lecène et Oudin, vient de s'accroître de trois volumes qui feront bonne figure dans les bibliothèques d'étudiants et même sur les rayons des lettrés désireux d*avoir, sous un mince format, une bonne analyse critique des grands auteurs. Ces trois oeuvres de vulgarisation, publiées par d'éminents univer- sitaires, ont pour titre : Démosthène, par M. Ouvré, — Cicé- roïiy par M. Pellisson, et la deuxième série des Chroniqueurs, Froi^sart et CommineSf par M. A. Debidour.

La station des Mélanges littéraires dessert, comme vous savez, plusieurs localités très voisines ; profitons donc de cet arrêt pour grimper sur l'omnibus que remorque le cheval Pégase et poussons jusqu'au gros bourg de la sacrée colline, sous le Lyrique Portique des :


POESIES.


Sans descendre de l'impériale, nous pouvons apercevoir les manteaux coquets de jolis recueils de vers, de petits poèmes familiers, intimes, champêtres et même philosophiques, tels que Femmes antiques (Ollendorff), par une femme très moderne qui signe : M. Jean Bertheroy, — Drapeaux et voiles (Jouaust), par M. E. Houard, — Pour mes amis (Havard), par M. G. Boisson, — Les Automnales (Jouaust), par M. Camille Thorin, sans oublier La Boulangeade (Havard), poème en treize chants, de M. Louis Lafon, qui raconte les péripétie» de l'aventure boulangiste. Bornons-nous à prendre le signale^ ment de ces dangereux séducteurs qui, si on les laissait faire, envahiraient tout notre papier, et, en regagnant notre train, traversons au pas l'élégant village des

REIMPRESSIONS. — EDITIONS DE BIBLIOPHILES.

Ah I quels aimables gens, peu nombreux, mais si choisis, l'on voit en ce délicieux séjour. A l'hôtel Jouaust, nous ren-


A


118 LE LIVRE MODERNE.

controns rénidit M. H. Monin qui nous présente les Mémoires sur ht B^tille, du grincheux Linguet et du bon Jean Dusaulx, Tun nous retraçant, avec son exagération ordinaire, les « tor- tures » de la fameuse citadelle, Tautre nous en racontant la prise et la destruction; — puis un autre savant, M. F.-A. Aulard, qui nous offre un livret devenu introuvable, VAlmanach des bizarreries humaines, du conventionnel Jacques-Charles Bail- leul, précieuse peinture, prise sur le vif, de la vie des prisons sous la Terreur, où Ton voit, par un bizarre contraste, périr des suspects qui avaient tout fait pour sauver leur tête, tandis que d*autres, insouciants ou las de vivre, ont pu, malgré de téméraires bravades, échapper à Féchafaud.

Devant la villa Lemerre apparaissent deux nouveautés charmantes : d*abord un nouveau lome des Œuvres complètes de Charles Baudelaire, V Art romantique, recueil des essais de critique artistique et littéraire du maître écrivain ; — puis dans la même « Petite bibliothèque littéraire », le chef-d*œuvre de Benjamin Constant, Adolphe, dont M. Anatole France s*est chargé de faire ressortir l'extraordinaire beauté psychologique.

Au pavillon Charpentier enfin se présente, réuni pour la première fois, le Théâtre complet de M. Henri Becque, Tau- teur justement célèbre des Corbeaux, de la Parisienne, de la Navette, etc. En même temps, dans la mignonne « Petite biblio- thèque », commence la publication de V Œuvre poétique de Victor Hugo; les deux tomes déjà parus comprennent Tun les Odes, — l'autre les Orientales et les Feuilles d'automne, illus- trées de petites eaux- fortes de Jazinski, d'après les dessins de Rochegrosse.

• Mais nous nous attardons, lecteurs, rentrons vite en gare et remontons dans V Express-Bibliographe qui, cette fois, ne s'arrêtera plus qu'à notre destination finale :


EXCURSION BIBLIOGRAPHIQUE. 119

ROMANS BT NOUVELLES.

0! mol ! 01 moi ! Pheu I pheu ! comme s*écriaient les héros de Sophocle, quel encombrement et comment nous débrouiller au milieu de ces impatients qui déjà nous entourent ? Tant pis ! arrangeons-nous avec le premier venu. Peste I ce premier venu n*est autre que Le Cadet (Charpentier) de M. Jean Riche- pin ; nous avons la main heureuse, car si ce roman... épicé peut provoquer quelques grimaces pour les palais trop déli- cats, il sera absorbé avec plaisir par les tempérament^robustes qui ne craignent point une nourriture solide, fût-elle diable- lAent assaisonnée. Il y a là, en effet, une œuvre qui, dégagée de certains épisodes scabreux et d'expressions trop souvent empruntées à la langue « naturaliste », doit être considérée comme une conception d*une réelle hardiesse et d'une psycho- logie excessivement curieuse. Amable Randouin, le triste héros du livre, est, cela ne fait pas question, un monstre de vanité, d'égotsme et d'ingratitude, que l'obsession d'une idée fixe amène au viol, à l'inceste et au fratricide ; mais, et c'est par là que M. Jean Richepin nous attache à son étude, l'évolution de sa perversion morale est si bien enchatnéQ, si rationnelle, qu'il semble que ce criminel conscient (son premier mobile étant accepté) ne pouvait agir autrement qu^il ne fait. Pour étrange qu'elle soit, la conception d'un phénomène exception- nel tel qu' Amable Randouin ne laisse pas d'être fort remar«  quable ; mais ce n'est qu'un phénomène, ce n^est qu'une excep- tion, et l'on se demande ce que peut bien vouloir exprimer l'auteur quand il nous invite à « contempler notre cœur dans ce véridique miroir? » — Au résumé, œuvre forte, savamment écrite et superbe comme tout ce que signe Jean Richepin.

Dans Un petit ménage (Dentu), M. Paul Ginisty nous ramène, sous une forme aimable, à des scènes moins com- pliquées et moins violentes. Ce n'est pas, toutefois, que son héros ne soit, lui aussi, dans son genre, un drôle de corps ; mais, si nous comprenons bien la pensée du romancier, c'est


im LE LITBE MODERXSL


ci ijMtf xz bd 6t ûae^saiire qn*il Fa conslmit ainsi : JsffEi-eL: R:.ûciC PsvisïeB très a£Eaié, s'est épris de sa cousine MiTM^Axre^ ek ra^rkaa^Ae petile Breioniiey anssi simple et

Cest «s ^«azl k icgj i td âe de Famoiir qaH s*est pris à son pniiçre pù^- r^^?^ trêsdoox qui le condoil an mariage. Mais of ^2itrr^ îfLèï se le oorri^ pasdeson pédié migaon, llioiTear âx boBiI d de boarreois compliqiiêe de Tamoiir du factice. E ae î:d <cfEt pa» d'être le maître aimant et aimé d'une créa- iae cxqpkr: il liai à aoa nerrosiaBe cérébral le ragoût de ZirrèçviLasTàè. Ifeocr sa femme en cabinet particulier, pour la cocqoêrir f^eîtf comme il ferait d'une demoiseQe, feindre les rr^pSares. sîmsler les jaloofîcs. telles sont les suprêmes joies de cet aimable détraqué qui. à cbaqne épreuTC, ressent pour 3larie-Ax^£e un ssrcroit d*affectneiise passion. A bout de fio- tioss, il en vient à persuader â sa femme d^essajer, pour liaire sembluat. du iliTorce. Marie-An^ j consent, sans entrain, pour lui plaire, et la procédure se poursuit jusqu'à Tordon- nance de la séparation. (Ten est trop, toutefois, pour la pau- vrette qui. lasse de cette vie de simulation, désenchantée et désespérant pour toujours du bonheur calme et uni qu'elle pensait trouva^ jdans le mariage, profite de l'ordonnance pour signifier à son mari qu'elle en reste là et qu'il ne la reverrapas. Le roman s'arrête à ce point, sans nous dire ce que devient et ce que pense le trop inventif Robert. Malgré le silence de M. Paul Ginistv, nous pouvons imaginer qu'un jour, guéri de ses lubies amoureuses, Robert pourra reconquérir, et cette fois sans complications baroques, l'adorable créature qu'il a tant fait soullrir par ses capricieuses imaginations.

Alfrédme ^Ollendorff;, par le comte Stanislas Rzewuski, peut se résumer ainsi : Quel malheur pour un homme sensible de ne pouvoir être légalement bigame ! Si cela se pouvait, il ne manquerait rien au bonheur du comte Henri qui aime aussi tendrement Louise, sa femme légitime, qu'il adore pas- sionnément Alfrédine, son amie d'enfiaufice. Il ne saurait vivre sans l'une et l'autre; mais, comme il Haut bien choisir et


EXCURSION BIBLIOGRAPHIQUE. isi

comme il ne saurait leur infliger la honte et la douleur d*un partage, il se décide à divorcer. Louise en mourra ; tant pis, il lui faut Alfrédine. Par bonheur pour la morale, celle-ci se sacrifie, rapproche les époux et disparaît pour toujours.

L'espace va nous manquer et cependant nous ne pouvons pas ne pas dire au moins un mot d'œuvres estimables telles que Sur le seuil (Calmann Lévy), de M. Léon de Tinseau, — Péri en mer l (Havard), de M. Gustave Toudouze, — Le mal du siècle (Westhausser), cette remarquable satire de la société allemande, par un des premiers romanciers de F Allemagne, M. Max Nordau, — - Sauveteur (Dentu), attachante peinture de mœurs maritimes, par Pierre Noël, — Ceux quirêvent (Comp- toir d'édition}, par M. Albert Toumaire. Il faut bien aussi, sous peine d'être incomplet, mentionner, pour mémoire, des productions d'un ordre moins élevé,, mais dont les dévoreurs de romans voudront au moins connaître les titres : Lucine (OUendorff), récit peu édifiant, par Monj oyeux; — Secrets à vendre (idem), plaidoyer contre les agences Tricoche, par MM. Louis Bloch et Sagari ; — Le roi des bonneteurs (Marpon) , récit ejusdem farinse, par M. Maxime Boucheron ; -^ L'en" fance d'un homme (Lemerre), livres aux allures d'autobiogra- phie par M. Armand Charpentier; — Chaste et flétrie, (Dentu), roman honnête, mais singulièrement « poncif » et « mélo », par le fécond M. Charles Mérouvel ; — Evel (Havard), par M. Bclz de Villas, et Entre mère et fille (idem), par M"** la baronne Staffe, etc., etc. i

Enfin, il est indispensable de joindre à ces œuvres d'ima- gination les recueils de nouvelles intitulés : L'Infidèle (Havard) , suite de galants récits par M. Catulle Mendès, — André Marsy (Perrin et C'®), esquisses variées et fines par M. Emile Hinzelin, — Devant l'âtre, contes très moraux de M. Lucien Douel, — et Quarts de nuit (Jouaust), scènes de la vie mari- time, ornées de jolis croquis, et dues sans doute à un homme de mer, qui se déguise sous le pseudonyme de Georges Matapo.

Voici notre deuxième excursion bibliographique terminée


IM LE LIVRE MODERNE.

et je n*ai plus qu'à prendre congé de vous... Mais qu* est-ce encore ? Que nous veut cet homme d'équipe porteur d'un léger paquet ? J'y suis, c'est un envoi d'une toute petite halte que nous avons dû brûler, car elle ne figure que de temps en temps sur notre feuille de service ; c'est celle des :

QUESTIONS POLITIQUES, écONOMIQUES ET SOCIALES.

Voyons lestement ce qu^elle nous adresse: d'abord un volume dont on peut juger le mérite sur le vu seulement du nom de son auteur, Remarques sur V Exposition du Centenaire (Pion), par M. le vicomte E.-M. de Vogué, qui y juge magis- tralement toutes les manifestations de l'art et de l'industrie que nous avons admirées, cet été, dans les palais du champ de Mars et de l'esplanade des Invalides. — G* est ensuite la tra* duction du livre de A. Dovérine(Tchernoflf), L'Esprit national russe sous Alexandre III (Charpentier) , et une nouvelle édition de Russie et Liberté (Savine), par un gentilhomme russe, — productions qui, dans l'état actuel de la politique europénne, présentent un intérêt sur lequel il n'est pas besoin d'insister.

C'est bien tout maintenant, et c'est « pour de bon », cette fois, que je vous tire ma révérence, en vous donnant rendez- vous mensuel pour d'autres voyages au pays des Livres, sous des formes variées qui excluront, j'espère, toute monotonie, comme on le verra.

F. DE Tboyes.



LES TROUVAILLES


NOIES D'UN AUTOGRAPHOPHILE


Un Album Amieornm. — fferntni ella Censure. — Le comédien Michclot à ses élecleurs. — Quelques prix des Autographes les plue curieux de la vente Louis CIbach.


ES amateurs d'autrefois préféraient les choses qui leur rappelaient le passé, et ne donnaient qu'une at- tention secondaire aux autogra- phes contemporains. C'était peut- être de l'exagération, mais comme nous ne prétendons pas être juges de cette question de goût ou peul^tre démode, nous ne nous y étendons pas davantage. Parmi les curiosités autographiques collectionnées autre* fois, on remarquait les Atbam Amicorum que la plupart des étudiants ou des voyageurs de distinction portaient soigneu- sement avec eux dans leurs pérégrinations, et sur les pages


134 LE LIVRE MODERNE.

blanches desquels s'étalaient pompeusement les témoignage» d*amitié et de sympathie dont le propriétaire de l'Album était l'objet. •

Nous voulons signaler à nos lecteurs un. de ces précieux vestiges du passé qui, par son intérêt et par les documents qu'il renferme, mérite de fixer un instant l'attention. Nous reviendrons ensuite à des choses plus modernes.

Ce curieux Album figurait à la vente de la bibliothèque de M. Henri Bordier, érudit d'une rare modestie, mort ré- cemment. La vente a eu lieu à la fin de décembre dernier, et le catalogue dressé avec soin par un savant libraire, M. Claudin, donne une description claire et intéressante de cet objet unique. Nous ne croyons, pouvoir mieux faire que de tran- scrire ici la note du catalogue.

Ahicorum m Helvetia, Gallùi^ utraque Germania et Anglia cogniiorum memoriœ Joannes Jacobus a Slaal Patricins Solodorensis hune librum consecravit, Luîetim Wjunii 1567. — Pet. in-4°, vél., fil., dent., tr. dor.

Cet Album Amicornm de J. Jacq. de Staal, de Soleure, est fort inté- ressant. Commencé sur les feuillets d'un exemplaire des Devises héroï- ques de Paradin, édition d* Anvers, Planiin, 1561, il a été continué sur des feuillets blancs et augmenté de cahiers de papier et de feuillets de vélin tant au commencement qu'à la fin. Dans les feuillets additionnels du commencement, il est question des voyages de Staal & travers la France, et les villes qu'il traversa sont dénommées. On y remarque trois petites vues très joliment peintes en miniature; la première est une vue d'Étampes, la seconde une vue de Foiîtainebleau et la troisième, la plus curieuse, représente la terrasse ou quai des Augustins è Paris, en 1566, lieu favori de promenade de Staal, que l'on aperçoit avec un groupe d'amis. Dans le fond, on voit le pont Saint-Michel avec ses maisons. De Staal, qui faisait partie de la garde suisse au service des rois de France, était en relations avec les célébrités de son temps. On trouve dans son Album des autographes de hauts personnages, tels que Robert Myron, J. de Bellièvre, Méric de Vie. Parmi les littérateurs on voit des signatures et des devises autographes de Jean Danraij P. de Ronsard, P. de la Ramée, André Thévet, Gentian Hervet, Denys Lam- bin, etc. — Ces devises sont souvent accompagnées d'armoiries délica- tement peintes en miniatures et de petits dessins. L'un de ces dessins, à la page 137, signé de P. Tassel, peintre k Langres, représente une vue de Langres en 1567. Cet album est un des plus curieux que nous


LES NOTES D'UN AUTOGRAPHOPHILE. 125

«OTUiaissions. Nous renvoyons au Cabinet hUtorique, t. V, p, 74-76, où il est plus amplement décrit. — Tous les feuillets ont été remontés.

Ce manuscrit a été vendu 750 francs ; il est retourné, dit-on , dans la famille de Jacques de Staal, encore existante.

REVENONS maintenant & nos contemporains et plaçons sous les yeux des amis du <c Livre moderne » un document autographe d'une grande valeur pour Thistoire littéraire et pour Fart dramatique.

Ce document nous est communiqué par un admirateur enthousiaste de Victor Hugo, et cette pièce ne pouvait mieux tomber assurément qu*entre nos mains ; nous en voulons donc régaler nos lecteurs.

C'est le rapport du Comité du Théâtre-Français sur Hernani^ signé par MM. Brifaut, Ghéron, Laya et Sauva, daté du 23 oc- tobre 1820. Comme cette pièce est beaucoup trop étendue, nous nous bornerons à en citer les principaux passages.

Le rapporteur quitenait ce jour-là la plume antiromantîque s'exprime ainsi :

a Cette analyse ne peut donner qu'une idée imparfaite de la bizarrerie de cette conception et des vices de son exécu- tion. Elle^m'a semblé un tissu d'extravagances, auxquelles l'auteur s'efforce vainement de donner un caractère d'éléva- tion, et qui ne sont que triviales et souvent grossières. Cette pièce abonde en inconvenances de toute nature. Le roi s'ex- prime souvent comme un bandit. Le bandit traite le roi comme un brigand. La ûUe d'un grand d'Espagne n'est qu'une dévergondée, sans dignité, ni pudeur, etc., etc.

« Toutefois, malgré tant de vices capitaux, je suis d'avis que non seulement il n'y a aucun inconvénient à autoriser la représentation de cette pièce, mais qu'il est d'une sage politique de n*en pas retrancher un seul mot. Il est bon que le public voie jusqu'à quel point d'égarement peut aller l'esprit humain affranchi de toute règle et de toute bienséance. »


126 LE LIVRE MODERNE.

En suite de cette conclusion lumineuse, nous voyons appa* raitre le baron Trouvé ^. Outre ses fonctions au ministère de l'intérieur, qui l'obligeaient à intervenir dans cette circon- tance solennelle, le baron avait fait ses preuves. N'avait-il pas inséré de petites poésies dans VAlmanach des Muses, et enfin n'était-il pas l'auteur d'un Pausanias, tragédie en cinq actes, représentée au théâtre Feydeau en 1795, comme pièce de circonstance (le sujet est le Neuf Thermidor) ? — C'était suffi- sant, et au delà, pour se montrer sévère envers Hernani.

Donc, le baron Trouvé, dans une longue note, indique les corrections ou suppressions à faire au^ pauvre drame, et, malgré l'avis de la Commission qui veut qu'on livre au public

la pièce telle qu'elle est, il pense qu'il convient d'exiger :

f

« 1<> Le retranchement du nom de Jésus partout où il se trouve.

<f 2^ Aux pages 27 et 28, de substituer aux expressions inso- lentes et inconvenantes : Vous êtes un lâche , un insensé, adres- sées au roi, des mots moins durs et moins pénétrants (sic).

m

« 3* A la page 28, dans le même sens, ce vers doit être changé :

Croit-<ii donc ^ue Us rois à moi me soient sacrés ?

« 4^ Page 59, supprimer ou changer ce commencement de co vers.

Un maoMis roi...

« On peut rester, par réticence, sur la fin du vers précé- dtnil : liai, don Carlos, vous êtes,,.

« Muis on craindrait d*odieuses allusions à ce passage, n 5*' Remplacement de ces deux vers (page 71}, dont le


tf (^iliArlcA-Joseph, buron Trouvé, littérateur, né & Chalonnes-sur- LoliH) (Ai\jou), on 1769, mort à Paris, en 1860. Il éUit, en 1829-1830, chef (lo lu divinion dos beaux-arts au ministère de Tintérieur.


LES NOTES D'UN AUTOGRAPHOPHILE. ^«7

sens est trop amer et Tex^Hression trop dure, en parlant des courtisans :

BûssB'-conr oà le roi, mendié saju pudeur, A tous ces affamé» émiette la ffrandeur.

« 6* Pages 73 et 74.

Pauvres fous (les rois) qui, l'œil fier, le front haut, visent droit

A Tempire du monde, et disent : J'ai mon droit.

Ils ont force canons rangés en longues files,

Dont le souffle embrasé ferait fondre les villes ;

Ils ont vaisseaux, soldats, chevaux... et vous croyez

Qu'ils vont marcher au but sur les peuples broyés.

Bastel... Au grand carrefour de la nature humaine,

Qui mieux encor qu'au trône à l'ichafaud noui mène,

A peine ils font trois pas qu'indécis, incertains,

Tftchant en vain de lire au livre des destins,

Ils hésitent, peu sûrs d*eux-mème, et dans le doute

Au nécromant du coin vont demander leur route.

« Cette paraphrase du mot de Frédéric : Dieu est du côté des gros bataillons, semble devoir être retranchée à cause du ton général du couplet, du Droit attaqué et de Véchafaud. Le sens et le commentaire tolérables de cette pensée se trouvent suffisamment dans les vers qui précèdent ceux-ci... »

Pour en finir avec ces longues divagations de dame Cen- sure, ajoutons que, dans une conversation que le baron Trouvé eut avec Victor Hugo, relativement aux suppressions exigées dans sa pièce, le grand poète se borna à réclamer contre quatre. Elles lui paraissaient purement littéraires, parce qu'il s'agissait de mots de situation qui n'avaient aucun but poli- tique. Don Carlos, âgé de dix-neuf ans, a enlevé une Espa- gnole. Un brigand, qui en est aimé, poursuit le prince, etc.

Bref, on finit par s'entendre ; mais ce ne fut pas sans diffi- cultés.

Nous parierions que François Coppée n'a pas eu, avec son Pater, le quart des ennuis de toutes sortes qui furent suscités au génial auteur d*Hernani*


1» LE LIVRE MODERNE.

PuisQCB nous touchons au théâtre, nous allons reproduire une pièce typique : c'est la profession de foi politique d'un acteur sociétaire de la Comédie-Française, nommé Mi- chelot', devenu professeur au Conservatoire. La scène se passe en 1848.

« Citoyens,

« Je n'ai point d'antécédents politiques, ma vie n'a été que celle d'un artiste laborieux. Républicain par principes, j'ai toujours senti vivre au fond de mon coeur le symbole de notre régénération :

« Liberté, égalité, fraternité.

« Pour arriver à la réalisation de cette Trinité, je demande le bien-être pour toutes les carrières utiles et honorables, par l'organisation et surtout par la moralisation de tous les répu- blicains. Je prendrai l'initiative, ou je voterai des lois :

« Sur l'impôt proportionnel et progressif, en faveur des travailleurs pauvres ;

« Sur l'abolition de l'agiotage à tous les degrés.

« Je voterai une loi qui aura pour but d'honorer publique- ment le travail et de flétrir l'oisiveté, afin que tous les repu» blicains comprennent bien que la vraie fraternité n'a de sens moral et religieux que chez ceux qui produisent réciproque- ment.

c Je voterai la proscription des jeux, dont l'argent est le but, depuis la roulette des rues, qui corrompt le pauvre, jus- qu'aux cartes des cercles et aux marchés à terme de V Antre de la Bourse.

ft Je deoninderai le divorce à plusieurs degrés.

« Je demanderai une loi sur la tutelle des enfants de la République, par la République.

« Je voterai une loi sur Tabolition et sur la répression du

1. Pierre-Marie-Joseph Michelot naquit à Paris le 5 juin 1785, et mourut à Passy, le 38 décembre 1856. 11 débuta en 1805 et flit reçu dociélaire en 181 S. Il prit sa retraite en 1831, mais il professa au Con- tervaloiro jusqu en 1851.


LES NOTES D'UN AUTOGRAPHOPHILE. 1S9

duel, parce que le sang firançais ne doit couler que pour la défense de la République.

a Je demanderai également une loi sur la mobilisation graduée de la garde nationale, pour le cas seulement d'agres- sion étrangère.

« Et enfin, je provoquerai un essai pratique et expéri- mental, dans une seule commune agricole de France, du pro- cédé de Tassociation intégrale du capital, du travail et du talent, afin de porter un jugement en connaissance de cause, sur l'erreur ou la valeur de la théorie sociétaire. »

Là s'arrête ce document autographe qui n'a pas été achevé par son auteur. Évidemment, ce pauvre Michelot devait être on bon et brave homme, car sa profession de foi respire les sentiments les plus honnêtes, et ne plonge pas le lecteur ou rélecteur dans les folles théories inventées par ce qu'on est convenu d'appeler la politique.

A. la même époque, un véritable grand acteur, celui-là. Bocage, le farouche et romantique Bocage, rêvait également de la moralisation du peuple et de son relèvement social.

Nous devons dire, pour être vrais, que, pas plus que Michelot, il n'eut le moindre succès sur le théâtre politique où son républicanisme l'avait entraîné.

Vente des autographes de feu Louis Ulbach, homme de lettres, bibliothécaire de l'Arsenal, — et ajoutons, — quel- que peu conseiller littéraire de S. A. la Reine de Roumanie.

Cette réunion d'autographes (car ce n'était pas à propre- ment parler une collection formée par un amateur) se composait exclusivement des correspondances adressées à l'auteur de Monsieur et Madame Fernely durant le cours de sa vie littéraire, et à ce point, de vue précisément, offrait un vif intérêt, en raison du côté absolument littéraire des lettres

I. 9


130 LE LIVRE MODERNE.

cataloguées et des noms plus ou moins célèbres de ceux qui les avaient écrites à Louis Ulbach.

Disons tout d*abord que les honneurs de la séance (ou vacation, en langage de l'hôtel Drouot) ont été pour M. Emile Zola, dont on s'est littéralement arraché les pattes de mou- ches, et qui a triomphé sur toute la ligne.

Voici les prix des principaux articles de la vente, qui plon- geront les curieux ou les collectionneurs dans une douce per- plexité. Us pourront se demander, en présence de certains chiffres des enchères, en quoi consiste la popularité et si elle n'est pas trop souvent l'œuvre de la fantaisie de l'enregistre- ment irréfléchi et de l'imbécillité.

Suivons l'ordre du catalogue :

1. Aboul (Edmond). Article autographe de sa jeunesse; 12 francs.

6. Agonit (comtesse d'}, 63 lettres; 12 fr. — Peu galants^ les amateurs.

10, Aumak (ducd'). 1 lettre; 13 francs.

15. Baudelaire. Lettres à Th. Gautier, accompagnées de plusieurs pièces de vers publiées plus tard dans les Fleurs du Mal; 105 francs.

17. Baudelaire. Réunion de 8 pièces de vers qui prirent également place plus tard dans son célèbre volume ; 150 fr.

18. Bernhardi (Sarah). 1 lettre; 9 francs. 25. Cop/)ë6 (François). 5 lettres; 10 francs.

31. Deschanel (Emile). 24 lettres; 3 francs. — Où étiez- vous donc, MM. les Universitaires?

33. Dumas fils. 34 lettres ; 53 francs.

34. Elisabeth, Reine de Roumanie. 12 lettres; 116francs« 

35. Femmes de lettres françaises. 40 lettres, Gyp, Mêla- nie Waldor, Louise Colet, etc.; 15 francs. — Quel contraste piquant avec le numéro précédent.

36. Ferry (Jules). 3 lettres; 4 francs. 38. France (Anatole). 2 lettres; 7 francs.

42. Gérard de Nerval. Le Prince des sots, manuscrit au-


LES NOTES D'UN AUTOGRAPHOPHILE. 131

tographe, 200 pages in-4®; 250 francs. — C'est le prix le plus élevé de la vente.

47. HetzeL 21 lettres; 2 francs. A quoi peuvent servir l'es- prit et l'humour, alors ?

49. Houssaye (Arsène). 4 lettres; 3 francs.

50. Hugo (Victor). 2 lettres superbes; 30 francs.

51. Le même. 1 lettre de deux pages; 21 francs.

54. Le même. 6 lettres; 35 francs. — Hugo, le nom le plus glorieux du catalogue, ne s'est pas vendu. Il s'en consolera avec ses amis Paul Meurice et Auguste Vacquerie (voir plus loin).

63. Lamartine. 11 lettres; 19 lettres de M"'* de Lamartine et de Valentine de Cessia, sa nièce; 50 francs.

66. Laurent'Pichat. 290 lettres; 12 francs! II

68. Ledru'Rollin, 1 lettre; 30 francs. — Est-ce que la poli- tique serait supérieure aux lettres? — Pourtant, Jules Ferry (n^ 36, ci-dessus). Hum ! hum I c'est un abîme.

79. Meurice (Paul). 30 lettres; 5 francs.

91. Ratisbonne (Louis). 18 lettres; 2 francs. De mieux en mieux.

93. Renan (Ernest). 1 lettre; 13 francs.

95. S and (George). Lettre de 7 pages; 38 francs.

98. La même. 1 lettre de 1 1 pages ; 85 francs.

100. La même. Manuscrit de 40 pages, intitulé : la Rêve- rie k Paris; 105 francs.

102. Simon (Jules). 135 lettres; 34 francs. Nous n'enga- geons pas Tacquéreur à publier cette correspondance, car ce serait sans doute une déception amère.

107. Vacyizerfe (Auguste). 14 lettres; 2 francs.

110. Zola (Emile). 1 lettre de 3 pages; 55 francs.

111. Le même. 1 lettre de 4 pages, dans laquelle il pro- teste énergiquement contre Tépithète d'obscène dont on a qua- lifié son œuvre ; 36 francs.

113. Le même. Manuscrit de 14 pages, intitulé: Lettres (TAlceste; 71 francs,

114. Le même. Manuscrit de 56 pages, ayant pour titre : Une histoire d'amour; 140 francs.


133 LE LIVRE MODEHNE.

115. Le mime. Autre manuscrit intitulé: Ut Roayon' Mticqa&rt, histoire d'une famille tout le tecond Empire, 26 pages. Curieux travail. 11 trace le plan de sa célèbre série de romans. On .y a joint une généalogie de la famille Rougon- Macquart; 105 francs.

En résumé, et sauf quelques écarts fantaisistes dans les enchères, dus aux amateurs, la vente a eu du succës, et elle a été fort habilement dirigée par M. Etienne Charavay, l'expert intelligent, dont il n'y a plus à faire l'éloge.

Dans notre prochaine livraison, nous donnerons à aostec- leurs quelques correspondances de la vente Ulbach qui ne les laisseront pas indifférents.

C'est égal, les enchères, qu'il s'agisse de livres ou de pièces manuscrites, nous inspirent une profonde philosophie. Le vent de la mode y souffle toujours sur la girouette de l'opinion que la force même du génie ne parvient pas à fixer.


i^E :moiideî t^^:b x^xvtiks


CE on s r DIT , 8 T FAIT , S I PRÉPARE


oNvoQuéa pour le 14 du mois dernier, les Amis des Livre» ont reconstitué leur comité. Alfred Piet, l'Archiviste- trésorier démissionnaire, a été rem- placé par M. Billard. Obi la bonne bille qu'ont nos Chartres I Messieurs des Cinquante I Le mari de le grande bibliophile M°* de Chamillard eùl ca- rambolé dejoleà l'audition dece joli nom de trésorier, chaîné du roulement de nos fonds sur le tapis vert de l'Espéranc^,

Rien autre â signaler; le Comité ayant été nommé & nou- veau sans autre changement, maître Eugène Paillet en tête, à cette présidence qu'il occupe si bien avec toutes les qualités requises, courtoisie, belle humeur et autorité sereine.

On a songé à remplacer — pour l'illustration du volume de Zadig en préparation ^ le pauvre peintre Jules Ganiier si brusquement emporté le mois dernier et l'on a fait choix de Félicien Rops, qui de lui-même s'était offert aux Amia des Livret pour mettre la magie de son art exquis en commu- nion avec la diablerie malicieuse de Voltaire.


134 LE LIVRE MODERNE.

Notre avis — qui n'est pas humble, on lésait — est loin de contredire au choix de Félicien Rops, qui, s*il le veut patiem- ment et en dehors de la fantaisie du moment, peut faire une des plus adorables illustrations de ce temps, une œuvre fine, très spir^uelle, enjouée, avec toutes les séductions du nu et toutes les grâces de sa haute valeur personnelle.

Mais, pourquoi ne pas Ta vouer ? — nous nous méfions du lendemain. — Rops, à notre sentiment, n'est pas illustrateur de suites, c*est-à-dire interprète suivi et constant d'une même œuvre. Il ne peut se plier de façon à passer sous les petits arceaux d'une illustration de dix compositions successives. — Il s'élance, ravi, enthousiasmé par le sujet, assuré d'arriver au bout du but, mais nous l'attendons au second, voire au troisième dessin aquarelle de Zadig ! Quand il atteindra le qua- trième croquisi^ nous ferons amende honorable au dernier ténor dessinateur de la place Boïeldieu, où le peintre des Sataniques a campé son atelier, en face de cet Opéra-Comique dont il savoure voluptueusement l'heureuse incinération.

Le talent considérable de Rops est trop alambiqué, trop parfait, trop moyenrageusement ciselé pour se distribuer mé- thodiquement et se canaliser dans un long ouvrage.

La fleur de ce talent bizarre est semblable à celle des or- chidées ; elle est, selon le mot des botanistes, hermaphrodite et étrangement polymorphe, mais elle apparaît seule et ne se reproduit pas à souhait. — Le talent orchidéen de Félicien Rops se classe à part, loin des artistes ordinaires, — on ne peut jamais dire s'il florira, ni comment il fleurira, mais on peut être sûr que ce que son génie fera issir de lui sera tou- jours rare, varié, incomparable et -au-dessus de toutes les critiques courantes. C'est pourquoi Rops ne s'en Zadiguera, pas, quoi qu'il en dise, au delà d'une ou deux compositions. — Que parie-t-on? — l'enjeu est ouvert, mais qui le tiendra?



Les Bibliophiles Contemporains seront vivement désap- pointés en apprenant que M*"* Commanville, nièce et héritière


LE MONDE DES LIVRES. 135

de Flaubert, prétextant d'un article écrit par le Président de notre Société contre elle-même -r (en temps que publicatrice des lettres amoureuses du grand écrivain} — n'a pas autorisé V Académie des Beaux Livres à publier la Légende de saint Julien FHospitaKer.

Nous n'insisterons point sur cette façon assez étroite de comprendre les devoirs d'exécutrice littéraire d'un maître styliste, et nous laissons à tous nos collègues le soin de juger l'auteur de ce singulier procédé. — Le Comité, sur la propo- sition du Président fondateur, a accepté de publier, en lieu et place du conte de Flaubert, l'admirable cbapitre de la Légende des siècles connu sous le titre : les Chevaliers errants ^ perle incomparable de l'écrin poétique de Victor Hugo. Nous ne parlerons de nos projets sur cet ouvrage que lorsque nous aurons obtenu des héritiers et des nombreux éditeurs de Victor Hugo le droit de nous occuper de cette publication.

Que de difficultés n'a-t-on pas pour avoir droit de témoi- gner par des hommages artistiques coûteux de son culte litté* raire envers un maître contemporain I



Les éditeurs Boussod et Valadon, après le succès de leur grand volume de Y Abbé Constantin çt le suffrage d'estime, avec vente moyenne, de Pierre et Jean, roman de Maupas- sant, ont cherché à publier une œuvre très parisienne, très coquette et féminine, et ils se sont adressés à M. Paul Hervieu, un jeune écrivain très subtil et très mondain qui, dans la défunte revue des Lettres et des Arts, a publié par fragments le roman réclamé qui va paraître très prochainement sous ce titre : Flirt. — Flirt a été illustré de nombreuses aquarelles par la fée des fleurs et des élégances modernes, Madeleine Lemaire. L'exposition de ces aquarelles a eu lieu rue Chaptal les derniers jours du mois et le high life le plus affiné s'est porté à cette exhibition de délicates illustrations qui vont bientôt, grâce aux reproductions héliographiques, attirer les regards aux vitrines de nos librairies. Attendons pour juger.


136 LE LIVRE MODERNE.

Flirty souvenez-vous de ce nom. Je gagerais que littérai- rement le roman est exquis; les aquarelles sont divines y comme on eût dit au temps du Directoire. Mais Théliogravure en couleur, voilà le point discutable. Faisons nos réserves pour les hommes dessinés par M™* Lemaire. — Hum I



• La vente des livres et objets d*art de Champfleury aura probablement lieu au prochain printemps. MM. Jules Troubat et Maurice Toumeux ont été désignés testamentairement pour le classement des papiers de Fauteur de Chien-Caillou,

Je trouvais hier dans une note de Delvau ce terrible mot inédit sur l'hi^rien de la Caricature : — Champfleury : Une illustre plume ; ses ancêtres ont sauvé le Capitole.



Serait-ce vrai, ô Justice immanente, cesserais-tu d*étre torse, aveugle et sourde?

Il paraîtrait que les derniers Ohnet se vendent maigrement et que le public ne s'enbéffuine plus de forge comme au début ; les piles des éditions EiiFeliennes ne sont plus démon- tées aujourd'hui par la ferveur des Ohnetistes. Mais, ô pro- dige, Ohnet s'illustre, Ohjiet vise aux suffrages des Bibliophiles, et nous allons être dotée des œuvres du dramatique romancier en éditions de luxe in-8o, avec eaux-fortes de Lalauze et de Paul Avril et de nos plus fameux vignettistes.

Seigneur! protégez-nous!

Nous avons entr'aperçu un certain Serge Panine en faveur duquel Lalauze a embourgeoisé ses meilleurs cuivres, — sans aucun talent d'ailleurs, — - et il est question de faire mordre à Tacide toute l'épopée flatulente des romans d'Ohnet.

Qui donc osera s'offrir un Ohnet sur chine ou japon avec états de première morsure? — réalité 1 tu dépasses le cau- chemar ! — Un Ohnet non rogné, texte réimposé, cela fou- droie! Quelle perspective pour un nouvel Enfer du Bibliophile I


LE MONDE DES LIVRES. 1S7

Et tandis que OUendorff embibliophilUe son petit auteur à grand succès, il ne donne pas à Maupassant, ce vrai Roi littéraire de sa librairie, les honneurs des vignettes et des impressions -de luxe qui nous feraient tous applaudir à son initiative, ne fftt-elle que médiocrement réalisée.



Un Bibliophile de la vieille école, qui fut un remarquable collectionneur et l'un des plus fins connaisseurs de beaux livres anciens du xvi* siècle, français, italiens et espagnols, Eugène Piot, est mort le mois dernier, figé de soixante-dix-sept ans.

Tous les curieux connaissent son Cabinet de ramatenr dont la première série (1842-1846) forme quatre volumes qui se vendent fort cher aujourd'hui dans les ventes avec la fameuse planche du Fumeur de Meissonier qui fait souvent dé&ut, et sur laquelle il est temps de revenir.

M. Eugène Piot a fait partie, tout au début, de la Société des Amis des livres , mais il donna vite sa démission. Ce fut un des amis de Théophile Gautier, de Thoré et de toute la gé- nération romantique ; — d'humeur assez acariâtre, il fréquen- tait peu les milieux où les Bibliophiles de la nouvelle école se réunissaient. Voyageant très fréquemment, on le rencontrait à Venise, à Vienne, à Florence ou à Londres, furetant partout avec passion et accumulant une grosse fortune par suite de ses heureux achats, ventes et échanges.

Nous nous souvenons d'avoir pris le lunch en sa compa- gnie il y a six ans environ à Londres, chez le grand bibliophile Turner, où Eugène Piot frémissait de bonheur en palpant de vieux maroquins et vélins qui recouvraient des « Espagnols » de la plus rare origine typographique. Depuis, Turner est mort de manière tragique et Piot est allé rejoindre aux Champs Élysées les bons bibliophiles à la manière de Nodier, dont il ne trouvait plus guère trace parmi nous.

Eugène Piot est une physionomie intéressante à fixer. En février prochain, M. Maurice Toumeux nous fournira


lis LE LIVRE MODERNE.

sur ce grand amateur Traimeni typique une étude de quel- ques pages très documentées et curieuses.

Le papa ^laloret, le doyen des bouquinistes des Quais de PariSy est mort le mois dernier, âgé d'environ quatre-vingt- deux ans. Ce vétéran du Bouquin était, lorsqu'il voulait bien causer, dans les jolis jours d'été qui permettaient de station- ner près de son étalage du pont des Arts, un aimable bavard tout rempli d'anecdotes ; il avait vu passer bien des généra- tions littéraires et Ton eût fût un recueil fort piquant en col- lectionnant les MUoreUtnat, Dans le livre sur les Qu&ù de Paru que nous préparons et qui paraîtra, enfin! — dans le cours de cette année, le père Maloret y prendra la place qui revient de droit à ce bouquiniste de la vieille roche.

n n'est bruit à Rome, dans le monde des Bibliophiles^ que du procès intenté par le duc de Parme au gouvernement ita- lien pour obtenir la restitution de la Bibliothèque Parmesane, que le prince déclare être sa propriété privée.

Il y a là matière à des plaidoiries susceptibles d'agiter dans leurs tombes tous les illustres vieux maîtres imprimeurs de l'antique Toscane.

Il paraîtrait que nous allons posséder, per gracia et labore Joannis Gnigardi, un Nouvel Armoriai da Bibliophile, en- tièrement refondu et mis au courant des révolutions du jour. M. Emile Rondeau, successeur d'Auguste Fontaine, a eu le bon goût de se faire l'éditeur de ce Guide de PAmateur des livres armoriés, — Les rois s'en vont, les écussons restent! Le vieil Armoriai de Joannis Guigard était bien vétusté et dé- modé, il sentait son Bachelin de Florenne des temps napo- léoniens; il avait grand besoin d'être frappé à neuf et considé- rablement augmenté pour l'instruction et l'esbattement des


LE MONDE DES LIVRES. 139

générations présentes, et ce nous est grand plaisir de voir pointer cette publication à l'horizon bibliographique.

Ce Nouvel Armoriai formera deux volumes in-8® raisin de 600 pages chacun, contenant 2,500 armoiries. Le prix de ces deux volumes sera de 50 francs. — Pour faciliter les re- cherches, l'auteur a fait quatre grandes divisions : Souverains français et étrangers. Amateurs ecclésiastiques. Femmes bibliophiles et Amateurs particuliers.

En outre de cette classification, une table bien comprise et un résumé des termes héraldiques avec figures rendront les recherches très faciles.

Ce Nouvel Armoriai contiendra aussi la reproduction d'un certain nombre de riches reliures armoriées appartenant à quelques-uns de nos plus célèbres Bibliophiles et à nos bi- bliothèques publiques.

Quand ce livre mirifique verra le jour, nous le saluerons de nouveau à son entrée dans le monde des Bibliophiles.

En attendant, nous accordons un bon point à l'éditeur débutant Rondeau, en espérant que ce nom cher aux nourris- sons des Muses sera par la suite non moins agréable aux amis de la curiosité littéraire et savante.



A-t-on jamais songé à une Bihlio-iconographie du Général Boulanger? — Le catalogue de tout ce qui a été écrit, publié, dessiné sur cet encombrant GénéraUchromo est inénarrable ; chansons, journaux, brochures, portraits, livres, charges, caricatures variées, c'est une montagne de choses qui serait intéressante à déblayer et à classer.

On nous affirme que ce travail formidable est fait. Le cata- lographe serait M. Henri Ferrari et la Bibliographie du Général Boulanger ^ imprimée clandestinement chez l'auteur, à très petit nombre, verrait le jour d'ici quelques mois. Atten- dons patiemment cette monographie des Rayons et des Ombres de l'astre éteint.


LÀ CURIOSITÉ DES ENCHÈRES


(BOURSE DES LIVRES)


jjf^^l ODS n'avons guère isnregislrer, ce mois-ci, que trois raflK] ventes faitee k la salle de la rue des Bons-Enfants ^■S par le ministère du libraire Porquet ; encore la troi- sième n'est-elle pas terminée au moment où nous livrons notre copie à la composition, ce qui nous oblige k remettre au mois prochain ce que nous aurions eu à dire sur les Mérimée, les Balzac, les Stendhal et les Romantiques dont elle est ample- ment fournie.

Les 16 et 17 janvier, la collection, d'un intérêt médiocre, contenait cependant un certain nombre d'ouvrages bibliogra- pbiques, parmi lesquels beaucoup de monographies et d'études par Gustave Brunet, le fécond bibliographe, qui n'ont trouvé acheteur que par grâce. Cela se vendait dans les trente ou quarante sous le lot.

Ce discrédit est, d'ailleurs, et pour des raisons qu'il est superflu d'exposer & des lecteurs au courant de la science des


LA CURIOSITÉ DES ENCHÈRES. 141

livres, particulier aux travaux un peu légers du pauvre biblio- graphe bordelais aujourd'hui firappé de cécité.

N® 3. — La, description des livres de liturgie de la bibUo- thèque de Charles-Louis de Bourbon, par Anatole Aies (Hen- nuyer, 1878), a atteint 26 fr.;

N^ 71. — Le catalogue du cardinal Loménie de Brienne (Manger, 1797), qui ne se trouve pas tous les jours, 20 fr.;

N** 74. — Celui de la bibliothèque de M. Chardin (de Bure, 1823, in-8<>), 20 fr. également;

N° 110. — Un louis encore, la lettre de Dibdin (Lettre neuvième) relative à la bibliothèque de Rouen (Crapelet, 1821);

N** 89. — Et 18 fr. seulement, // Codice Cassinense délia divina Commedia (Tipografie di Monte Cassino, 1864, in-4°), bibliographie dantesque importante que M. Welter n*aura pas de peine à revendre avantageusement.

Un Salammbô, avec envoi d'auteur (1863, édition originale, n^ 135), a été acheté 25 fr. par le successeur d'Auguste Fon- taine, et un exemplaire sur Hollande de V Éducation senti- mentale (1870, édit. orig.,n^ 136), aussi avec dédicace auto- graphe, a atteint 40 fr.

N^ 138. — Une collection de la Gazette archéologique de J. de Witte et Fr. Lenormant, en 13 vol. in-4^, s'est payée 230 francs ;

N® 157. — V Histoire du vicomte de Turenne (J.-B. Gar- nier, 1735, 2 vol. in-4*'), en maroquin, n'a pas dépassé 42 fr., malgré les armes d'A. de Ségur, président au Parlement de Bordeaux, et VAstrée de 1633 (Anth. de Sommaville, 5 vol., pet. in-8, fig. n"" 187) s'est donné à 62 francs.



Dans la seconde vente (18 janvier), qui se composait de livres et de manuscrits provenant du château du Titre, la plu- part des volumes étaient recouverts de bonnes reliures an- ciennes en maroquin aux armes de J.-B. de Machault, chan-


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celier de France, et quelques-uns avaient des vêtements véritablement illustres et précieux.

Des manuscrits ^historiques d'une valeur incontestable, comme (n*> 4) Y Analyse de la guerre de 1740 k 1748, enSilésie, en Allemagne et en Bohême, en Italie et dans les Pays-Bas et en Ecosse, acheté 108 fr. par le libraire chargé de la vente; (n® 50) YÉtat alphabétique des officiers de la marine en 1774, vendu 420 francs à Morgand; (n^ 93) la Liste générale des gardes du Pavillon de la marine jusqu'en 1574, acheté 330 francs par Baudoin ;

Toute une collection de cartes et de plans originaux, et la plupart, je pense, inédits, tels que : (n^^ 27) Carte du cours de la Seyne, de la Marne et de TOyse, levée en 1747 et 1748; 365 fr. Morgand ; (n® 28) carte générale de Flandre et cartes particulières de Lille à Liège, plus le plan de la bataille de Rocou et de Laveldt, 200 fr. ; (n« 123) Plan de la Route de Paris à Huningue, front, et 56 cartes, 755 fr., Morgand; (n*' 124) Plan de la Route de Paris à Lyon, aux armes et aux chiffres de Louis XV, front, et 70 cartes, 1205 fr., Grepp«; {n9 125) Plan de la Route de Paris à Maubeuge (1754), front, et 34 cartes, 1205 fr., Morgand;

Ont été dispersés, quand il eût été si intéressant et si utile de les avoir réunis dans quelque dépôt public. Mais il est bien rare, dans ces ventes, de voir des représentants de nos grandes bibliothèques, et les commissions qu'elles donnent aux libraires ne sont guère plus fréquentes, croyons-nous. Affaire de budget, sans doute, TÉtat ayant de moins en moins d'argent à dépenser pour les choses de Tesprlt.

Parmi les manuscrits purement littéraires, il faut faire mention du poème de Rosset, l'Agriculture, 1754, in-4^, avec des variantes au texte imprimé en 1774, un titre aux armes du Chancelier et 10 vignettes inédites à Tencre de Chine (n^ 149). M. Morgand a payé cette assez remarquable pièce 280 fr.

La collection était riche en grands ouvrages géographiques et en œuvres descriptives du genre de celles que les Anglais appellent pa^ean^j. Citons entre autres :


LA CURIOSITÉ DES ENCHÈRES. 143

N® 15. — Bellin. Essai géographique sur les isles Britan- niques (Didot, 1757, iii-4«), 200 fr.

N**31. — De Chabert, Voyage dans V Amérique septen- trionale en ll^et 1751 (Imp. roy., 1753, in-4«), 152 fr.

N** 45. — Description de la grotte et des fontaines de Ver- sailles (Imp. royale, 1779, in-P), 900 fr.

N® 57. — Fête publique donnée par la Ville à Voccasion du mariage de Monseigneur le Dauphin, /e 13 fév. 1742^ in- fol. dans une reliure de Padeloup avec 7 planches coloriées, 2,150 fr. à Tabsorbeur de ^os morceaux Morgand.

N® 129. — Portraits des grands hommes illustres et sujets mémorables de France, gravés et imprimés en couleur (Blin, in-4°; 192 pièces), 430 fr.

N^ 136. — Recueil des plans, élévations et coupes des châ- teaux, jardins et dépendances que le roy de Pologne occupe en Lorraine (Paris, François, 2 vol. in-fol.) 1,100 fr.

N** 145. — Représentation des fêtes données par la ville de Strasbourg pour la convalescence du Roi (1744), inventé et dessiné par Weiss (Strasbourg, in-fol.), aux armes de Louis XV, 1,005 fr.

N® 171. — Van der Meulen, Œuvres (Paris, s. d., gr. in- fol.), portrait et 80 planches sur les 152 de son œuvre gravé, aux armes de Louis XIV, 2,500 fr., adjugé à Rouquette.

Les fanciers ont pu se disputer le n** 133, VArt de faire éclore et d'élever en toute saison des oiseaux domestiques, par de Réaumur (Imp. roy., 1751, 2 vol. in-12), que le mdme Rouquette a acquis pour 787 fr.

Relevons en terminant les prix de quelques dix-septièmes :

N*^ 23. —Bossuet. Traitez du libre arbitre (B. Alix, 1731), in-12, aux armes^ du prélat, 150 fr. Mais le numéro suivant. Méditations sur PÉvangile (1731, 4 vol. in.l2), s'en est allé pour 21 fr.

N« 102. — Molière, D. Thierry, 1682, 8 vol. in-12, en veau, 170 fr.

N<* 120. — Les Provinciales, Cologne, Pierre de la Vallée,


144 LE LIVRE MODERNE.

1637, première édition elzévirienne sous cette date, en ma- roquin de Bozérian, 132millim.y 120 fir.

Enfin un beau spécimen de reliure du zvin* siècle, in-f* en maroquin rouge, doublée de tabis, aux armes de Machault, avec larges dentelles, a atteint le joli prix de 955 fr.



Quelques échos de ventes à Tétranger.

Allemagne. — Le 9 novembre de Uan passé, il s'est vendu en vente publique à Leipzig, un volume des œuvres de Rabe- lais ainsi composé :

1^ La plaisante et joyeuse histoire du grand Géant Gar- gantua» Second {et tiers) livre de Pantagruel, 3 parties, impri- mées à Valence en 1547.

2® Le quart Livre des Faicts et Dictz Heroiques du noble Pantagruel. Composé par M. François Rabelais, Docteur en Medicine, et Galloier des Isles Hieres. A Lyon, Lan mil cinq cens quarante et huict.

De l'édition de Valence on ne connaissait que trois exem- plaires : l'un à la Bibliothèque nationale; l'autre dans la bibliothèque du comte de Lurde; et le troisième qui fut vendu 1,800 fr. en 1874 par Edwin Tross. — Il y a bien une réim- pression de Valence ; mais elle diffère de l'édition originale, et c'est de l'édition origipale qu'il s'agit ici.

Quant au Quart Livre de Lyon, 1548, aucune grande bibliothèque ne le possède en première impression. La Biblio- thèque nationale n'a que la seconde et la troisième réimpres- sion. Le seul exemplaire connu jusqu'ici avait été vendu par Edwin Tross à feu James de Rothschild.

Ce volume précieux, qui appartenait au conseiller supé- rieur de Justice A. F. G. Meyer, de Hanovre, a été acquis pour la relativement modique somme de 610 marks par un libraire de Leipzig.



LA*CURIOSITÉ DES ENCHÈRES. . 145'

Angleterre. — On annonce, à Londres, pour ce mois-ci, des ventes qui font palpiter le cœur de tous les amateurs du Royaume-Uni .'Les manuscrits autographes du premier chant du Lay of the last Minstrel (Walter Scott), et de tout le poème de Làlla Bookh (Thomas Moore), un journal auto- graphe de John Franklin pendant ses voyages à Malte et aux lies Ioniennes (1831), des lettres de Dickens, une note de Nelson écrite de la main gauche, une aquarelle signée de Thackeray, une feuille manuscrite de Tennyson, deux vieu^ et beaux manuscrits anglais à enluminures, Tun contenant la seconde partie de la Bible ^de Wiclif, et l'autre un livre d'heures: tel est le résumé des merveilles que livreront au plus offrant et dernier enchérisseur MM. Sotheby, Wilkinson et Hodge.



États-Unis. — La superbe collection de Harrison Gray Otis, dont le noyau se composait de la bibliothèque Spietz achetée en bloc en Suisse par feu M. Otis père, a été récem- ment revendue à Boston pour le compte de l'héritier du bibliophile. Les Aide, les Elzevier, les Plantin, les incu- nables, les manuscrits, missels et livres d'heures enluminés y abondaient. Le catalogue, mal rédigé et plein d'erreurs, n*était pas fait pour allécher les amateurs et les grands libraires, et de merveilleux ouvrages se sont vendus pour rien. Ainsi un exemplaire parfait de la Bible de Nuremberg (1487) a été donné pour 12 fr. 50; V Atlas de Mercator (Amst., 1616), dans une superbe reliure du temps, a atteint 25 fr. Les 53 planches de la Danse de la mort d'Holbein (1547), dans une belle reliure maroquin, se sont élevées à la somme énorme de 16 dollars (80 fr.), et le reste à l'avenant.




La maison Labitte, Emile Paul et O^ vend en ce moment

I. 10


.lis LE LIVRE MODERNE. -

k bibliothèque de M. V. de T. (3. 4 et 5 février). Nous y reviendrons le moia prochain.

On annonce pour le mois d'avril la vente de la biblio- thèque de M. Madden, de Versailles, riche en incunables, hélas! — et pour le mois de mars, celle de la bibliothèque de M. AlkaD aine, plus allidante peut-Atre au goût des ama- teurs modernes. — M. Alkan aloé, le vieux typographe qu'on nommait aussi le Petit père Alkan, était le beau-père du libraire Claudin — un type, je vous jure, cet Alkan, mais si amoureux des choses typographiques qu'on lui pardonnait son allure de courtier équivoque échappé d'un roman de Gaboriau.


LES LETTRES ET LES LIVRES


A TBAVER8 LE MONDE



ouB commencer par les poètes, je dirai reg- pectueusement un mot à l'un des plus grands, qui ne dédaigne pas d'écrire en prose. Notre ancien Livre a signalé la splendide étude que M. Algernon. Charles Swinbume a récemment consacrée i Ben Jonson, un des géants de l'âge d'Elisabeth*. Le vieux poète ne pouvait espérer meilleur critique, plus capable de le comprendre, de fbire la part du bl&me et de l'éloge, de ne rien dissimuler des fautes, même quand il y trouve de quoi admirer, et de revêtir analyses, louanges, critiques et admiration du langage le plus magni- fique et le plus savant.

Mais j'ai une querelle à faire à l'illustre critique de Ben Jonson, et je l'ai d'autant plus à cœur qu'il est aussi versé dans l'histoire de notre littérature que dans l'histoire de la sienne propre. Il se trouve que Ben Jonson a composé des épigrammes et que ces épigrammes sont parfois grossières, au point de a fleurer plus fort, mais autrement que rose ».

1. A Slady of Ben Jontoa, by Al^mon Charles Swinburne. Lon- don, Chatto and Windus, 1SB9, 1 vol. in-8*.


148 LE LIVRE MODERNE.

Cela fait songer à Martial et autres écrivains latins, dont Boi- leau disait :

Le latin dans les mots brave l'honnêteté, Mais le lecteur français veut être respecté.*

Or c'est pour le lecteur anglais seul que M. Swinburne réclame ce respect, car « touâ les lecteurs anglais, il en a la confiance, tomberont d*accord avec lui que la coprologie doit être laissée aux Français ». Suit toute une tirade où il déplore qu'un écrivain anglais aussi grand que Ben Jonson ait fait, comme un Zola parisien, le plongeon dans la fosse à Vidange. Outre que cette insistance à agiter la matière ];i 'indique pas une délicatesse olfactive aussi sensible que les pcemiers mots l'auraient pu faire supposer, M. Swinburne trouverait-il beau- coup d'écrivains anglais, du xv^ au xviii* siècle, qui n'aient pas fait le plongeon dont il parle, et lui serait-il bien difficile de citer, même de nos jo\irs, des écrivains anglais — oh! ceux-là de la baser sort — qui s'y baignent à plaisir ou s'y vautrent par métier ?

Cette dernière partie de la question relève trop de la So- ciété de Vigilance — qui a bien d'autres chats à fouetter — et de Scotland Yard, pour qu'il me soit permis d'y insister. Mais la première? Faut-il rappeler à M. Swinburne le portier de Macbeth et ses plaisanteries sur la boisson ?

« La boisson, monsieur, provoque grandement à. trois choses... Nose-painting y sleep and urina, »

Butler, assimilant le Parlement au croupion qui « dans les corps naturels est le fondement de tout », et reprenant avec lyrisme : Os sacrum! etc.

Congrève, dont il fait, à juste titre, grand cas, Rochester, Wycherley et tous les poètes de la Restauration.

Swift, qui donne un tonneau de vidange par semaine à un des savants de Laputa pour ses expériences, qui invente un soufflet à guérir la colique, et qui fait souiller Gulliver par les excréments des Yahoos.

Enfin, pour clore une liste qui se prolongerait indéfiniment.


y


LES LETTRES ET LES LIVRES A TRAVERS LE MONDE. 14»

Smolleit et son Boderick Random,ovL le pot de chambre joue un rôle dont l'importance est à peine égalée dans certains ro- mans de Paul de Kock.

Non, non I n'en déplaise à M. Swinl)ume, Paris n*{i point de monopole en cftte affaire, et chacun peut trouver ample- ment chez soi de quoi se contenter.

Les Anglais, au surplus, le savent bien, qu'ils n'ont pas besoin de chercher en France ni ailleurs', puisqu'ils sont la Merry England^ et que, s'il faut en croire de petits papiers imprimés qui circulent parmi les couches profondes des lec- teurs de la Grande-Bretagne, à Tinsu, sans doute, du grand poète, l'homme heureux est celui qui se délecte in the smell of his own Farts.



Un auteur, qui signe Clelia, a fait sur Shakespeare ce que notre philosophe aimé des dames, Caro, a tenté de faire sur Goethe : elle y a cherché et suivi, à travers un gros volume, l'idée de Dieu ^. A vrai dire, elle se propose quelque chose de plus.

« Je veux vous montrer, s'écrie-t-elle en accents pleins de foi, que le profane acteur était un saint prophète. En vé- rité, je vous le dis, et plus qu'un prophète, le Messie l Heine, un Hébreu, a le premier appelé Stratford la Bethléem du Nord. Je veux montrer que Heine, le poète, disait plus vrai qu'il ne le savait lui-même. »

Nous n'entraînerons pas le lecteur dans la démonstration de Clelia. Les messies pullulent, et ceux qui éprouvent le besoin d'en avoir un n'ont qu'à le choisir autour d'eux, tout vivant.

Ce travail, qui pourrait avoir de la valeur comme contri- bution à l'étude du texte .de Shakespeare, n'est que l'élucu- bration curieuse d'un esprit que le mysticisme a détraqué.


1. God in Shàkespeàref hy Clelia. London, T. Fisher Unwin, 1890 1 vol. in-8».


150 LE LIVRE MODERNE.

Mentionnons un autre travail où tout souffle poétique fait défaut, d'ailleurs, et qui est la première section d'un Traité sur Vimmoralité de Pidolàtrie^. Cette première section s'occupe spécialement de la Métaphysique du christianisme.

Théologie supratranscendante, nous vous respectons et vous saluons I laais notre âme est prise par le double culte, un au fond, des beaux livres et des beaux-arts.

Aussi recommanderons-nous avec plus de confiance à nos lecteurs, que charment les mollesses habituelles et les sou- daines énergies du parler italien, le joli et émouvant roman signé Gordelia et intitulé Forza irresistibile, que publiaient naguère les frères Trêves, de Milan, et qui a déjà eu plu- sieurs éditions.


1^^


C'est bien à regret que nous ne pouvons dire qu'un mot des deux fiuperbes volumes que M. Paul B. du Chaillu a consa- crés aux origines et aux antiquités des peuples de langue an- glaise*. C'est l'histoire des gestes, des mœurs et des cou- tumes des ancêtres des populations connues sous le nom d'anglo-saxonnes, tirée surtout des monuments Scandinaves, et illustrée d'après les antiquités découvertes dans les tumuli, les cairn^^les dépôtd d'ossements, et aussi d'après les Sagas et les Eddas. On voit que si ce livre, profusément illustré de dessins authentiques, a, grâce au talent d'écrivain de l'auteur, tout l'attrait d'une œuvre de vulgarisation, il soulève de graves problèmes, et tend, non sans force, à trouver chez les Scandinaves, et non chez les Teutons, les véritables ancêtres des Anglais d'aujourd'hui.



1. A TreatUe on the Immoralily of Idolairy, London, W. Ridg- way, 1888, 1 vol. in-8».

2. The Wiking Age : The early History, Manners, and Customs of the Ancestors of the English-speaking Nations, by Paul B. du ChaiUu. London, John Murray, 2 vol. in-8*, fig.


LES LETTRES ET LES LIVRES A TRAVERS LE MONDE. 151

La science bibliographique- est de plus en plus en honneur en Angleterre. Nous parlerons, un jour, tout au long du livre de M. Wheatley, How io Catalogue a Library, Mais, sans nous arrêter, pour Tinstant, à la théorie, nous nous plaisons à admirer la pratique dans le gros volume où M. Charles Welch a dressé le catalogue de la Guildhall Library de la cité de Londres ^ institution qui correspond à peu près, bien qu*avec toute sorte de différences et de nuances, à notre bibliothèque de l'Hôtel de Ville. Pour plus de simplicité, et pour ne pas augmenter indéfiniment le volume d^un ouvrage déjà considérable, on a adopté Tordre alphabétique par noms d'auteurs; les anonymes sont classés sous le mot générique indiquant la matière dont ils traitent. Ainsi toutes les bro- chures sans nom d'auteur, sur le commerce de l'argent, sent réunies à Farticle Banking. Ce système, qui serait insuffisant pour un dépôt de livres très considérable, compense ici les inconvénients qu'il peut avoir par une brièveté qui, dans une collection limitée, ne nuit pas sensiblement à la commodité des recherches. Les pièces historiques en français y sont assez nombreuses. Mais la bibliothèque est riche surtout, comme il est naturel, en ouvrages sur Londres et ses indus- tries. Le mot London n'occupe pas moins de cinquante colonnes à lui seul.

Comme typographie, le volume est irréprochablement exécuté et la correction nous en semble, à première vue, parfaite.



' L'auteur anonyme des deux études sur le phallisme et l'ophiolâtrie, dont nous avons rendu compte dans un des derniers numéros du Livre de 1889, vient d'ajouter deux nouveaux volumes à sa série. L'un passe en revue lés diffé- rents monuments et objets qui se rapportent au culte phal-

1. Catalogue of the Guildhall Library ofthe City of London, Wiih Additiont to June 1SB9. Prepared undcr the Direction of the Library Committee. London, 1S89 ; 1 vol. sr- in-S^* de 1137 p.


i5S LE LIVRE MODERNE.

lique % et l'autre étudie le culte des arbres' en le rattachant, comme il semble juste, à Tidée sexuelle.

Pour porter un jugement sur ces deux ouvrages, nous devrions répéter ce que nous avons dit de leurs aînés. L'éru- dition qui s'y trouve condensée est immense; elle pourrait être mieux ordonnée, et tous les faits curieux qu'elle entasse un peu péle*mêle gagneraient beaucoup à être bien mis au plan. Nous laissons à d^autres le soin de démêler si l'esprit de système ne fait pas une trop large part au culte phallique, et si c'est bien toujours le pouvoir générateur qui était adoré sous le symbole des diverses manifestations des puissances naturelles. D'ailleurs, il est juste de dire que l'auteur n'est pas outrecuidamment affîrmatif, et qu'en bien des cas il déclare honnêtement former une hypothèse et exposer un doute.

Le Culius Arbormn se termine par une liste des autorités consultées par I auteur. Tout incomplète qu'elle est, c'est un intéressant essai de bibliographie spéciale et curieuse.

Le libraire A. Reader (Orange Street, Londres), qui a présidé i^ Timpression coquette et à petit nombre de ces volumes d'amateur, nous annonce, pour clore la série, une étude sur les poissons» les fleurs et le feu, en tant que sym- boles phalliques.



Nous nous contenterons aujourd'hui de signaler une nou- velle éiiition foK augmentée de The Book-Hanter, l'ouvrage


I. f^Uh 0i^9Hs, MotmimeHU md Jlemaiiu. lUostrations of the Rise (kWKÏ lV\vK>pmeni of Um Phallk Idea (Sex Worahip), and iU Embodi- in0iU« hi \\\vrk» of Nature and Art. Privately printed, iS89 ; 1 vol.

S. («itll«« Arbormm. A descriptire accoont of Phallic Tree Worahip wilh IIUis(i>iiUvt» L«|t«nds, Superstitions, Usages, etc., exhibiting its Oei|ri» «iHl IVrelopment amongst the Eastem and Western Nations of lh« \>'orKl fKun the earUest lo modem Times; with a Bibliography of VVork« upon and referring to the Phallic Coltus. Privately prin- tcd» tSt>0; I vol. in-a*, niHill pages.


LES LETTRES ET LES LIVRES A TRAVERS LE MONDE. 153

de John Hill Burton (William Black wood and sons, 1 vol. in-8)y qui a obtenu un si vif succès en Angleterre sous sa première forme. Le sujet est trop de notre goût et du goût de nos lecteurs pour que ipous ne remettions pas ht- dégusta- tion de ce fin morceau à un temps où nous pourrons le savou- rer à loisir.



La littérature slave prend de jour en jour une plus grande importance dans le > mouvement intellectuel européen. On nous signale la publication toute récente, à Cracovie, d'un ouvrage historique important, sous le titre « PAffaire de Sigismond Unroughe, chambellan de la cour du roi de Pologne Auguste II, 1715-1740 » {Sprawa Zygmunta Un- rnga), par Alexandre Kraushar (2 vol., 1890), poète et histo- rien dont il a déjà été question dans le Livre (février 1889, p. 69). Il s^agit d*une étrange accusation de blasphème portée contre Unroughe par un André Potocki qui convoitait ses biens, accusation qui lui valut une condamnation à mort, à laquelle il échappa par la fuite. En vain, pendant onze ans, le clergé polonais, Auguste II lui-même, le pape, la Sorbonne s'évertuèrent à prouver son innocence et à faire casser le jugement. H fallut la grande diète de 1726 pour le réhabiliter, sans grand avantage matériel pour lui, d'ailleurs, car, depuis longtemps, ses biens avaient été vendus et dispersés.

Cet ouvrage remarquable est une manifestation nouvelle de l'activité littéraire des Slaves. On trouvera un tableau instructif, bien que incomplet de parti pris, des résultats de cette activité dans une brochure que le révérend père P. Mar- tinov, de la Société de Jésus, extrait du compte rendu des travaux du congrès bibliographique international (1888), sous ce titre : la Littérature slave 1878-1888 (Paris, au siège de la Société bibliographique, 1888; br. in-8^, 38 p.). L'auteur y donne malheureusement une importance exagérée aux ouvrages religieux et parle à peine des ouvrages de fic- tion. C'est le contraire qu^il nous faudrait.


DAXS LE JOURNALISME


RÉSrHË PAR SIGNALEHENT DES MEILLEURS ARTICLES DE LA PRESSE PËRIODIQCE


A critique dans le Journal est morte ; il y a longtemps qu'on a chanta son Miserere. Quaad nous rencontrerons des audacieux ou des croyants qui prétendent la ressus- citer ou, plus modestement, la galvaniser, nous ne manquerons point de les signaler à l'émerveilleraeat des contemporains. Rien de pareil pour le moment. La littérature originale a plus ses coudées franches que la critique dans la presse quotidienne ; et il y aurait de quoi se consoler, ai cette littérature était moins en proie au chic, au procédé et au poncif, et voulait bien, avant de s'offl-ir du public, se soumettre à quelques injections antiseptiques pour assainir sa facture.

Le poète RoUinat continue à donner des morceaux de valeur diverse au Figaro; mais, soit qu'il se répète ou qu'il


LA LITTÉRATURE DANS LE JOURNALISME. 155

tente des voies noavelles, il ne semble point qu^il fasse un* pas en avant : bien au contraire, il en reste à ses promesses qui, il y a deux ou trois lustres, eurent tant d'éclat et firent tant de bruit.

Le Gil BlsLSy ouClre ses chroniqueurs, ses poètes et ses con- teurs, à propos desquels il faudrait se répéter chaque mois, s'en est pris récemment au bel Arthur Schopenhauer dont il a publié les Dernières Pensées en dizain. Cest le pendant des Maximes d* Alexandre Dumas, dont s'enorgueillissait naguère r^cAo de Paris. Mais il ne nous paraît point qu'il y ait équi- libre, Schopenhauer distance Dumas fils. Qu'on en juge plutôt :

« La force de Shakespeare, c'est qu'il n'a pas de goût. Il n'est pas homme de lettres. »

« Une réputation est une cloche que personne ne consent à tinter le premier. Mais, si le vent la fait tinter, c'est à qui s'y suspendra. »

L'Écho de Paris continue à être un des journaux les plus littéraires de la ville dont il résonne : Théodore de Banville y publie périodiquement ses Peiiies Odes où la culture clas- sique se mêle si artistement et si plaisamment au modernisme le plus aigu. Nous avons remarqué particulièrement, sous le titre de VHéauionkaiomènos (22 janvier), un conte de Catulle Mendès où il incame, avec un singulier relief, en un seul indi- vidu, toutes les mauvaises et criminelles imaginations qui, en dépit de la conscience et de la volonté, assaillent parfois nos âmes.

Le forgeur et tréfileur de phrases, Léon Cladel, donne depuis quelque temps à ce journal des échantillons choisis de ses périodes à perdre haleine et de ses fantaisies héroïques et quatre-vingt-treizeuses (voir Housàrd de VanlII ; 21 janvier).

Guy de Maupassant y découpe en chroniques ses impres- sions de voyage en yacht sur les côtes de la Méditerranée, à


156 LE LIVRE MODERNE.

quoi nous préférons les impressions qu'il nous suggère avec tant d'intensité quand il nous fait un simple récit.

Enfin, Octave Mirbeau y sert par tranches un nouveau roman, Sébastien Roch, étude d'une âme d'enfant dans un milieu étranger et hostile.

UÉcho de Paris annonce au surplus une nouvelle œuvre posthume de Stendhal, que M. Casimir Stryiensky vient de fiaire sortir des papiers originaux découverts par lui dans la bibliothèque de Grenoble. Sous le titre de Vie de Henri Brù- lardf c^est, parait-il, l'histoire de son enfance et de sa jeunesse que Bevle raconte avec bonne foi. Peut-être y trouvera-t-on la clef de tant de choses inexpliquées et choquantes que ses admirateurs se sont affligés de rencontrer dans son Journal, récemment publié et provenant de la même source.

UÉcho ^-ient enfin de traiter avec M. de Concourt pour la publication complète de la seconde partie du Journal des deux firères.

M. Jules Brisson étudie, dans ïe Parti national (12 et 13 janvier), le r61e de l'homme de lettres dans la société romaine, et le même journal donne, sous la signature Paul Margue- ritte (12 janvier), une notice sympathiqtie sur le bon poète Maurice Bouchor, dont la décoration toute fraîche fait grand honneur au ministre dont il la tient.

Le Temps du 10 janvier analyse les Souvenirs sur le grand historien Carlyle, que le professeur Tyndall publie dans the Forinighily Review,

Le numéro du 19 contient, sojus la rubrique « la Vie lit- téraire », un article où M. Anatole France, s'étant promené sous les galeries de TOdéon, en prend prétexte à parler des lecteurs en plein air; des gens du monde qui n'achètent pas de livres ; des éditeurs français qui feraient mieux de publier


LA LITTÉRATURE DANS LE JOURNALISME. 157

leurs volumes tout reliés comme les éditeurs anglais, ou, du moins, dans une solide et artistique couverture, comme les Zigzags d'un curieux.

En passant rapidement, et sans aucune prétention à être complet, les périodiques en revue, nous signalerons, dans les Annales politiques et littéraires, la contribution ordinaire qu'y fournit, sous le titre V Autographe, Tauteur de la nouvelle comédie donnée aux Français, AfeiïAac^ bibliophile d'une pas- sion débordante à effrayer le libraire qu'il charge de ses com- missions aux ventes, et digne d'apprécier toute la vérité de cet aphorisme : « Le livre et la femme qu'on désire ne se- payent jamais trop cher. »

Dans la Curiosité universelle (20 janv.) une Histoire résu- mée — trop résumée — de l'affiche,

La belle publication de M. S. Bing, le Japon artistique, a donné la fin de la remarquable étude sur la Tradition poé- tique dans l'art au Japon, par M. J. Brickmann, et continue la série de ses planches si curieuses et si suggestives.

^^

Le morceau capital de la Bévue des Deux Mondes (15 jan- vier) est un fragment de l'Histoire des princes de Condé par le duc d'Aumale, tiré du livre VI et ayant pour sujet la Lutte entre Turenne et Condé (1654-1657).

La nouvelle Bévue commence un ouvrage de M. Pierre Loti, écrivain cher à M'^ Adam et à Carmen Sylva, sans compter les autres. L'œuvre nouvelle s'appelle le Boman d'un


158 LE LIVRE MODERNE.

enfant. Dans le même numéro (15 janv.), M^^* Marie-Anne de Bovet, qui éprouve le besoin de parfaire le travail de M. Lar- roumet, étudie, à son tour, Marivaux romancier.

La Bévue de famille nous donne la fin de la Cure de Misère, nouvelle par M. François Coppée.

Enfin la Revue interruLtionale, qui, pour se publier en Italie, n^en mérite pas moins une mention ici^ puisqu'elle est rédigée en français et qu'elle^ accorde une attention toute spéciale à notre littérature, publie, sous lé titre Un assaut d'esprit au xviii* siècle f d'agréables vers inédits de Voltaire et du chevalier de Boufflers.

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Beaucoup de livres sont à Thorizon, point n*est besoin de le dire, puisqu'il s'en publie tous les jours des douzaines. M. de Goncourt prépare une série d'études sur les actrices du xviii* siècle : Lecouvreur, Clairon, Sophie Arnould, Gamargo, Guimard, Contât et Favard. La biographie de la Clairon a déjà paru dans un journal du matin; mais l'auteur y ajoutera plusieurs documents inédits et curieux. Nous croyons savoir que c'est l'étude sur la Guimard qui est la plus avancée.

On faisait espérer la publication prochaine des Mémoires du prince de Talleyrand, dont les deux propriétaires actuels sont le notaire Chatelin et le duc de Broglie. Mais il paraîtrait qu'il y a dans les mémoires des allusions, des détails sur cer- tains faits politiques comme la mort du duc d'Enghien, et sur- tout sur certains faits d'ordre purement privé dont quelques- uns touchent de près Talleyrand lui-même, et que la publication n*en serait guère possible actuellement. Les divulgations de toute sorte qui se sont produites sur les faits et les hommes de cette époque permettent de s'étonner de scrupules si vifs et si prolongés. Talleyrand lui-même ne leis avait pas, puisqu'il


LA LITTÉRATURE DANS LE JOURNALISME. 159

admettait, dans son testament, qu'il se pouvait faire que la publication de ses mémoires fût devenue possible trente ans après sa mort. Les descendants de nos hommes historiques ont répiderme de plus en plus sensible. Est-ce à force d'avoir été battus?

D'autres ouvrages historiques moins passionnants sont sur le chantier. Ainsi le recteur de l'Académie d'Aix, M. Belin, ayant découvert dans un grenier les registres universitaires d*avant 89, prépare une Histoire de Vuniversité d'Aix, La deuxième série des Affiches portant un intérêt historique (1600-1789) va paraître ou a déjà para à Aix chez Makaire. A Marseille, on annonce un savant travail intitulé Studio sulla Malebolga di Dante (imprimerie Marseillaise).

Le Livre Moderne et la Presse anglaise, — The Athe- nœum a, dans son numéro du 28 décembre dernier, annoncé dans les termes les plus bienveillants, la métamorphose du Livre en Livre moderne.

Notes and QueriesyR fait plus d'une fois allusion, et, dans son numéro du 11 janvier, il donne au dernier fascicule du vieux Livre des éloges qui nous sont précieux, tout en pro- nostiquant le succès du nouveau. Et, de fait, dans son numéro du 25, il nous consacre un long et très élogieux paragraphe analytique où il dit — on nous saura gré de le répéter, dût notre modestie en rougir... — « La vogue du Livre mo- derne semble (Jevoir éclipser celle de son prédécesseur. Le format en est plus commode, le caractère plus lisible, et le texte plus littéraire et moins journalistique. Au lieu de cri- tiques sur les livres nouveaux, nous avons maintenant de courtes causeries. L'ensemble est pétillant, brillant et neuf... En disant que la publication nouvelle est en progrès sur l'an- cienne, nous lui faisons un grand éloge. C'est l'œuvre la plus fraîche, la plus élégante^, la plus délicieuse, qui se soit jamais,


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E calme reste plat chez les <i Édi- teurs au bois dormant >> qu'aucun prince Charmant ne vient éveiller. A On y prépare de nombreux livres J de luxe, mais mollement, sans en- thousiasme, car on sent que l'ama- ^^ teur, le brave amateur gobe-tout des bons temps commence à se faire rare et ne mord plus avec la même gloutonnerie aux appas du petit nombre et de « la petite merveille typographique destinée à devenir introuvable. »

h' Introuvable s'est si étrangement transformé en solde à tous prix et en sollicitations d'achat dans ces dernières années que les nombreux dupés se méfient et ne mettent


162 LE LIVRE MODERNE.

plus deux ou trois louis sur des ouvrages qu'ils espèrent voir glisser au petit écu de cinq livres.

Il est survenu enfin une crise prévue et salutaire dans la librairie^ les boulimiques bibliophiles n'entassent pas cbez eux les publications menacées du krack, et, comme le marché est encore encombré, jusqu'à l'engorgement, par des ouvrages que les publicateurs d'hier destinaient à la ra- reté^ les éditeurs d'aujourd'hui sont prudents, car ils savent que, malgré les plus étourdissants entrechats de la réclame, — cette ballerine des petits échos payés, — le public ressent de plus en plus de TindifFérence en matière de librairie banale mise en vedette par le tam-tam de la presse.

L'avenir et le succès seront aux novateurs, à ceux qui, au lieu de fournir des réimpressions d'auteurs de la veille et de l'avant-veille, donneront des œuvres originales mises au jour dans une manière nouvelle, avec un aspect jeune, aimable et plein de fraîcheur et d'attraits. — Le siècle vieillit; il lui faut des tendrons à mine réjouie, vêtus avec un art prime-sautier et montrant une expres- sion naïve çt précieuse à la fois. Le bégayement des dé- buts, une certaine gaucherie d'impression, une imper- fection par suite de tâtonnement, tout cela est préférable aux grâces surannées des vieilles formules et aux publi- cations dont le poncif d'exécution ou le fini bêtement cor- rect du burin rappellent les peintures vitrifiées de l'ini- mitable Bouguereau.

Vous avez lu, il y a moins d'im mois, les détails de l'incendie de la très illustre bibliothèque du comte Os- borne, secrétaire d'ambassade. Cette bibliothèque, esti- mée à plus de deux millions et que son propriétaire con- servait en son appartement de la rue de Seine, dans


LE PHONO-BIBLIOGRAPHE. 163

V Hôtel de Valois, a été entièrement incinérée ; le feu n*a rien épargné, ni les manuscrits précieux, ni les incu- nables, ni les documents uniques sur l'histoire d'Angle- terre, l'époque de Cromwell, la restaïu'ation des Stuarts et l'histoire d'Espagne et d'Italie. Plusieurs de ces pièces avaient été payées par le comte Osbome, qui était un bibliophile très érudit, plus de quarante mille francs.

Aucun des manuscrits, des documents et des cartons renfermant des dessins et des planches des grands maî- tres italiens et espagnols n'a pu être sauvé. Les quelques éditions de luxe qui n'ont pas été brûlées, jetées et entas- sées dans la cour, ont été irrémédiablement détériorées par l'eau dont on les a inondées.

Comme il était question de ce véritable désastre, l'autre soir, dans une réunion de bouquinierê très ren- seignés, l'un des assistants nous fit le récit que le comte Osbome aurait eu, quelques nuits avant son désastre, un véritable cauchemar prémoniteur qui l'avait impressionné très fortement à la manière noire. Dans ce rêve fantas- tique, tout rempli de démons, de sombres diables à mines de pédants, de chats hirsutes et de fîgiu'es goguenardes, le pauvre bibliophile aurait vu ses livres vendus par lots, dispersés le long des quais, livrés à Tépicier et dilapidés de mille façons terribles et poignantes.

Nous raisonnâmes, comme de juste, sur ce songe et sur les mystères qui relient le monde occulte à la vie réelle ; — le sujet se présentait à notre imagination avec des allures de conte très horrifiquebien fait pour enténébrer l'entendement de nos chers contemporains. — Le Belze- buth le plus abracadabrant des illustrateurs, Albert Ro- bida, mandé au chevet de notre conception, y prêta une attention enflammée : — « J'en ferai une eau^forte, cria-t-il avec une gesticulation luciferéenne ! la première


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1/' w inûulvt*H ^r«v<îUPH viennent précisément d'ouvrir Inir hi'i oimIi* <<k|Mmiti()n; on y voit les œuvres dernières fli< ht'hiiiii'il, (îtK'M'iird, TiHHot, de Los-Ilios de Cheret, de M*"** MriM (|iH«niniil, du A. Lcpère et de ving^ autres artistes iltiiil lr« itniMN Honl (uMtl)rt'H tant en France qu^en Angle- li'iii' l'I ni llnlluiulo. On peut dire que cette exposition toi>MttM«n ii|i|iriMul pUiN Hur Turldela gravure indépendante \\\\\^ \\\\\Wi^ loH ilhmlnilions dos interprètes mises en vo- \\\\\w ol \\\\\ tv\ \Av\\{ un «ri lin^p îilriotomont domestiqué par \\\'n i\\\\\\\\\\'H opprisoM cl qui somblonl inexorables.

Il N i^nsùl uuo vnuiouso oludo à fwiix* sur les livres


LE PHONO-BIBLIOGRAPHE. 105

illustrés à Teau-forte dans ce siècle, en divisant les gra- vures d'interprétation et les œuvres des peintres graveurs. Il nous semble que le résultat de cette étude serait que les ouvrages les plus rares et les plus intéressants, aux yeux des biblio-iconophiles vraiment éclairés et d'un goût cultivé, sont ceux qui ont été interprétés par leurs compositeurs originaux. Il y a dans la gravure du peintre ime facture libre, dégagée, franche, vagabonde, qui donne à l'ensemble un charme, une vigueur, une sé- duction complète, que n'auront jamais les eaux-fortes de l'interprète graveur. Les uns ont le coup d'aile de la création, les autres le terre à terre de l'adaptation.

AAp ^^

Les Bibliophiles contemporains ont été appelés à don- ner leur sanction au projet de publication des Chevaliers efrants, le chapitre le plus héroïque de la Légende des siècles. Il est peu probable que l'on rencontre de l'oppo- sition, et le Livre, tel qu'il est conçu avec ses nombreuses têtes de pages, ses grandes compositions initiales et son tripti- frontispice, — une invention d'eau-forte en forme de tableau antique, — aura, nous l'espérons, un succès général, même avant sa complète exécution. Le dessinateur est choisi, mais jusqu'à nouvel ordre le secret sera gardé. — On discute un choix, on ne discute plus des preuves de talent, et il est bon d'éviter des dissertations inutiles avant la mise en exécution.

La Société des Bibliophiles contemporains est à peine créée que déjà on prétend abuser de cette réunion de let- trés, amoureux d'ouvrages de ce temps. La liste des membres et fondateurs très recherchée par les placeurs do


166 LE LIVRE MODERNE.

livres, a été, par Tobligeance de quelques collègues, com- muniquée à des libraires aux aguets, car on nous apprend qu'un débitant de publications fraîchement décorées vient de lancer ses prospectus-écriteaux à tous les membres de la Société, pour une édition mise chez lui en sous- location. Il s'agit d'une opération de librairie que nous avons d'autant moins à recommander que nous l'igno- rons ; mais nous ne saurions trop mettre en garde nos confrères contre les sollicitations de toute nature qui les visent. Le titre de membre de l'Académie des Beaux- Livres n'implique pas celui de : souscripteur breveté de MM. les éditeurs et libraires. — Amis, barricadez- vous ; gardez vos munitions pour les belles causes à défendre, pour les vraies batailles de l'art et de l'idée à soutenir ; laissez pleuvoir les bulletins de souscription. Il est un chapitre dans Rabelais, où la plupart de ces pro- spectus méritent de figurer. ^

Eugène Paillet vient de rehausser son siège présidentiel de la Société des Amis des Livres^ par la belle acquisition qu'il a faite, il y a une quinzaine, à la vente Marquis, d'un précieux exemplaire imprimé sur vélin de la Daplmis et Chloé de Longus, Paris, Didot 1802, in-folio, relié en maroquin bleu par un praticien assez peu célèbre du nom de Lewis. Ce précieux exemplaire, contenant les des- sins originaux de Prud'hon et du baron Gérard (3 de Prud'hon et 6 de Gérard), a toute une histoire qui nous est révélée par une note du Catalogne de M. Morgand que voici :

Ces neuf dessins de Prud'hon et de G^rarrf, réunis à un exemplaire de l'ouvrage imprimé sur vclin, furent offerts en


LE PHONO-BIBLIOGRAPHE. 167

1807 à Junot, futur duc d*Abrantès, ainsi que le prouve la dédicace suivante, imprimée en lettres d*or sur vélin : Exemplaire unique imprimé sur vélin, auquel on a joint les dessins originaux par PrucThon et F. Gérard, pour la biblio- thèque de Son ExceUei^ce le colonel général des hussards Junot, grand officier de VEmpire, premier aide de camp de Fempereur Napoléon /•', grand cordon de la Légion d'hon- neur, grand'croix de Vordre du Chrvtt, commandeur de Vordre royal de la Couronne de fer, gouverneur de Paris y janvier mdcccii.

Ce volume devint, après la mort de Junot, la propriété de sa femme, M™* d*Abrantès, en même temps que la magnifique bibliothèque que Junot avait rassemblée. M"^ d*Abrantcs, criblée de dettes, vendit tout vers 1816, et le volume de Lon- gus passa en Angleterre, où il fut vendu 73 livres, ainsi que le prouve une adjudication citée par Brunet. Ce fut proba- blement à cette époque qu'il fut acquis par M. Beckford, à la mort duquel il passa entre les mains du duc d'Hamilton, il a. été vendu à la vente de ce dernier, au mois de décembre 1882. (N« 1874 du cat.) £ 900 — (22,500 fr.).

Ce que ne dit pas le catalogue Morgand, c'est que le chocolatier Marquis acheta ce livre unique 30,000 francs. Il y avait donc de Témotion lors de la mise sur table de ce numéro hors ligne. Eugène Paillet a triomphé de toutes les convoitises en se faisant adjuger ce livre, deux fois historique, pour la somme de 15,000 francs, soit 46,500 francs avec les frais. C'est là, franchement, un joli coup de marteau qui a profité à la nouvelle biblio- thèque Paillet, chez lequel cette bonne fortune va attirer le dimanche ime foule de collègues mordus par la curio- sité et par l'envie.

Cette édition du Longus est imprimée comme VEu- ripide en lettres majuscules. Paillet, qui lit le grec comme feu Philoxène Boyer, va pouvoir s'offrir un plaisir que


168 LE LIVRE MODERNE.

Socrate ni Platon ne connurent jamais. — Heureux homme !

C'est égal, Henri Béraldi, auteur de la Bibliothèque cTun bibliophile^ doit bien enrager dans sa reliure hu- maine dé n'avoir pu cataloguer ce livre-ci avec la pompe héroïque de son histoire, écrite en un style spé- cial, auquel Marco de Saint-Hilaire n'aurait certainement rien compris.

Notre article sur le libraire-éditeur Conquet nous a attiré lettres et bavardages. L'opinion de nos correspon- dants et interlocuteurs semble -être que nous avons été trop bienveillant pour Conquet, alors que celui-ci se montre en général si peu tolérant pour tout ce qui ne porte pas son estampille, et si féroce, paratt-il, — ceci nous importe peu, — pour le fondateur des Bibliophiles contemporains.

Nous répondrons aux uns et aux autres que les com- mérages de boutique sont trop au rez-de-chaussée pour notre jugement, que nous plaçons très au-dessus du niveau des concierges. Nous n'avons pas à apprécier la nature d'esprit ni la façon d'être de M. Conquet, mais à mon- trer le libraire et l'éditeur, ce que nous avons fait sans parti pris; quant au!x on dit et aux on repète, ces choses- là ne montent pas à nos assises, et nous n'en tiendrons, qu'on le sache bien, jamais compte dans nos futurs juge- ments bibliographiques et bibliopolesques.

Ex-abonnés du Livre^ vous tous qui possédez les dix années au complet de cette grande revue terminée, ré- jouissez-vous I — Le Livre est épuisé, archiépuisé; les


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LE PHONO-BIBLIOGRAPHE. 169

éditeurs ne sont point parvenus à réunir deux simples collections totales, et il a été décidé de mettre au pilon les. livraisons et années séparées; sauf dix séries de 1889 qui seront réunies avec peine. Aujourd'hui, il ne reste plus rien en magasin de ce qui fut le Livre et nous pensons avec un ravissement sous-cutané que peut-être, très pro- chainement, la collection complète sera cotée de façon très honorable. Nous parlerons, en avril prochain, de la Table des matières qui sera tirée à petit nombre et dans des conditions que nous pourrons alors faire connaître ; nous n'épargnerons rien pour réserver aux anciens sous- cripteurs du Livre le plaisir de posséder une édition peu commune sur le marché, et qui bientôt sera très deman- dée dans les petites colonnes de la Bibliographie de France. — Vive le Livre!

La vente des livres manuscrits et objets d'art ayant appartenu à Champfleury n'aura lieu qu'en novembre prochain. Sapin a été choisi comme libraire-expert. Trois amateurs bibliophiles, MM. Paul Eudel, Henri Beraldi et Jules Troubat, sont chargés de l'inventaire et de la classification de ces livres, tableaux et estampes dont la vente fera sensation à l'automne de cette présente année.

Les bibliophiles laborieux et fureteurs de Londres sont dans l'allégresse :

Le British Muséum est à présent éclairé à la lumière électrique et, depuis une quinzaine, les visiteurs y sont admis de 8 h. à 10 h. du soir. Le nombre des visiteurs a toujours été en augmentant et maintenant il dépasse


no LE LIVRE MODERNE.

12,000 pour les six soirée? de la semaine, et est plus

considérable que pendant la journée.

Un nouveau règlement a été inauguré à la Bibliothèque. On s'est aperçu qu'une grande partie des places était occupée pendant la journée par des lecteurs de romans nouveaux, en sorte que les travailleurs véritables n'a- vaient pas de sièges à leur disposition. Il a été décidé qu'à partir du 1 !i février on ne délivrerait plus de romans, à moins qu'ils ne soient imprimés au moins depuis trois ans. On avait pris déjà une décision semblable à propos des manuscrits et des journaux qui ne sont plus com- muniqués que dans une salle particulière. Malgré toutes ces restrictions, il y a encore quotidiennement 700 per- sonnes à la Bibliothèque, et l'encombrement demeure encore considérable.

Il est vrai que la salle de lecture est si commode, que l'on y est si bien installé, que beaucoup de gens y pas- sent toute leur journée, y jouissant par moment d'un re- pos réparateur. Je ne serais pas surpris si l'on oi^anisaît une salle spécialement affectée aux dormeurs; ce serait le moj'cn le plus sûr de permettre aux travailleurs de faire leurs recherches sans être troublés par les trop so- nores ronflements des voisins.


J/OTBS


L'EirSEIfiNEMENT DES MODERNES CURIEUX


A deuxième livraison de ce recueil con- tient (page 123) sur VAlbum de J.-J. de Staal, de Soleure, une notice qui vaudra sans doute un regain de curiosité et d'intérêt aux recueils de ce genre. Les amateurs savent de reste ce que sont ces types abrégés, familiers et portatifs de la collection d'autograj^es, dont les xvi* et xvn' siècles nous ont légué un certain nombre de types variés. A peine est-il besoin de rappeler la définition très explicite qu'en donne le Dictionnaire de Trévoux ; « Album est le nom que l'on a donné à un petit registre ou livret que les savants por- tent avec eux. Lorsqu'ils se trouvent dans quelque ville, en voyage ou autrement, ils vont visiter les savants du pays et ils leur présentent leur Album Amicorum, et les prient d'y écrire quelque chose, afin d'avoir de l'écriture


172 LE LIVRE MODERNE.

de leur main. Ce qu'on écrit sur V Album est ordinaire- ment une devise, ou quelque sentence, ou quelque chose d'obligeant pour celui qui présente V Album. » — On ne saurait, mieux dire et nous voici parfaitement édifiés sur le vrai mobile de ces dignes savants ou simples étudiants, qui allaient béatement quêter à domicile « quelque chose d'obligeant » et de flatteur pour leur amour-propre. Sans doute, il devait être difficile de refuser l'inscription requise (à titre de réciprocité peut-être), et l'on s'ex- plique que, sur les Albums qui nous sont parvenus, figu- rent tant de noms de personnages célèbres s'évertuant à glorifier des solliciteurs demeurés parfaitement obscurs. Cela, d'ailleurs, n'est que de peu d'importance; ce qui en a beaucoup plus, c'est l'avantage qui est résulté pour nous de cet usage très répandu, surtout en Allemagne. Grâce k cette coutume, en effet, nous possédons, revêtues de signatures autographes, maintes pensées fines ou pro- fondes, maintes piécettes curieuses, malheureusement enfouies encore dans ces « petits registres » qui ne pas- sent que rarement en vente.

Ce n'est pas, cependant, qu'il n'ait été fait quelques essais d'analyse de ces intéressants livrets : ainsi M. Ch. As- selineau a consacré un bon article aux Albums et Auto- graphes (i8K3); — M. Rathery nous en a dit des choses excellentes (Bulletin du Bibliophile, 1861); — M. La- lanne ne les a point omis dans ses Curiosités littéraires; — M. de Lescure en a parlé dans son livre sur les Auto- graphes en France et à Vitranger; — enfin, le regretté M. Feuillet de Conches s>st plu« dans ses Causeries d^un curieux ^^tome II), à résumer, en soixante-dix pages, les particularités les plus intéressantes sur cet attrayant sujet. Malgré ces esquisses^ un bon travail d'ensemble est encore à faire^ tâche peu commode, du reste, puisque


LES ALBUMS AMIGORUM. 173

les Albums Amicùrum (Alba serait plus correct, mais Albums a prévalu) se trouvent dispersés, par tout petits groupes ou par unité, en cent bibliothèques publiques ou collections particulières.

Les bibliothèques publiques sont accessibles aux tra- vailleurs, mais combien sont parfois strictement fermées celles des bibliophiles ! Certes, on aime à se faire honneur des raretés que Ton possède, on montre volontiers un beau livre, une riche série d'estampes, on est plus réservé en matière de manuscrits ; et c'est ainsi^ que les déten- teurs à^ Albums ne tiendraient pas, en général, à com- muniquer trop largement leurs trésors. Le nombre est bien restreint, d'ailleurs, des amateurs qui ont été assez heureux pour réunir plusieurs spécimens de ces précieux livrets. On en peut citer pourtant quelques-uns qui y ont réussi. Les Cabinets de la reine douairière Marie de Saxe, du D' Wellesley à Londres, de Frédéric Kampe, négo- ciant à Nuremberg, renfermaient, au dire de M. Feuillet de Couches, d'importantes séries d'albums, et beaucoup de catalogues de bibliothèques en décrivent souvent une demi-douzaine. Tels sont, par exemple, les catalogues du chanoine Gasparoli, d'Anvers (1823), — de Dawson Tur- ner, de Londres (1859), qui mentionnait douze Albums Amicorum, — de Van Woorst, d'Amsterdam (1859), qui en énumérait dix-huit, — enfin, triomphe du genre, celui d'une collection d!autographes vendue à Londres, par Sotheley, en 1825, qui en renfermait quarante-trois.

Les Album Amicorum^ Liber Amicorumj Philotheca^ Stamm-Bûchem, car ils ont successivement porté ces noms divers (voir les essais de Lilianthal et de Stier- landt), comportent, a-t-on dit, une grande variété de forme ; ils consistent le plus souvent en « petits regis- tres », comme dit le Dictionnaire de Trévoux. Mais les


174 LE LIVRE MODERNE.

livres à figures, les recueils d'armoiries, les livres d'em- blèmes surtout, ont été fréquemment transformés pour cet usage; bien plus, d'ingénieux imprimeurs, désireux de servir fructueusement un goût si fort en vogue, eurent ridée de faire paraître de beaux livres, bien illustrés, spécialement destinés à cet emploi. Tout le monde con- naît, au moins de nom, le Thésaurus Amicorum, composé de feuillets blancs, avec encadrements variés, gravés sur bois, que publia l'imprimeur lyonnais Jean de Tournes ; on peut mentionner, comme productions analogues, le Stammoder Gesellenbuchf orné de superbes bois de Jost Amman, avec des écussons vides, qu'un étudiant de Francfort fit exécuter, en 1579, chez Sig. Feyrabend, — puis im livre de même nature, mais non plus destiné aux seuls étudiants, qui parut, la même année, à Vienne, chez l'imprimeur David de Neker.

En voici bien assez pour faire comprendre l'attrait et la variété, sinon l'importance, de ces intéressants recueils, dont quelques-uns ont eu les honneurs de l'impression. Tel fut V Album de la Puce de mademoiselle Desroches ^ « chef-d'œuvre unique (dit M. de Lescure) de la galanterie bourgeoise, pédantesque et parlementaire, comme la Guirlande de Julie est le monument de la galanterie aristocratique et rafiînée. » Tel fut aussi le recueil con- servé à la Bibliothèque royale de Bruxelles, que la « So- ciété des Bibliophiles montois n fit imprimer, en 1849, sous le titre de : Albums et œuvres poétiques de Margue- rite d^AutrichCf gouvernante des Pays-Bas (in-S**, carac- tères gothiques, 200 exemplaires).

Ces trois ouvrages imprimés étant à la portée de tous, il n'est pas besoin dé s'y arrêter, bien qu'ils renferment des pièces agréables et piquantes ; il vaut mieux dire un mot de quelques autres albums moins connus, que nous


LES ALBUMS AMICORUM. 175

voyons figurer parmi les notices (cent quarante environ) recueillies sur les albums par un bibliophile de nos amis. — Nous signalerons d^abord comme un des plus curieux spécimens le Liber Amicontm de Nicolas Van Sorgen^ natif de Delft, qui, dans un voyage effectué en France, en Suisse et en Allemagne, de 1604 à 1605, a recueilli des centaines d^autographes de personnages éminents : Philippe de Momay, Pierre du Moulin, Isaac Casaubon, Janus Gruter, Nicolas Viguier, J. Pacius, Jacques Lec- tius, J. Paré, Nicolas Van Svieten, ont rempli successi- vement les pages de ce précieux registre de pièces de vers ou de prose, en français ou en latin, et même en grec ou en hébreu. La plus intéressante de toutes ces inscriptions est peut-être celle qu'écrivait, à Genève, Théodore de Bèze, alors âgé de quatre-vingt-sept ans, au folio 69 du volume : Nemo œgrotus est eo imanabilior qui tibi sanus videtur.

Tous les albums n'of&ent point le caractère de pieuse gravité qu'on remarque dans celui de Van Sorgen. Un cer- tain Léonard-Christophe Rehlinger, bourgmestre d'Augs- bourg vers 1550, préférait aux sentences sévères les amusettes auxquelles se plaisaient alors les beaux esprits. Aussi son album est-il farci de pièces de vers en forme d'œufs, d'ailes, de haches, de poissons, de cœurs enflain- més et autres bagatelles chères aux amateurs de rébus et de difficiles nugœ.

LtOÉ « galanteries » même n'étaient pas rares, princi- palement sur les albums de « belles et honnestes dames », dont quelques-uns sont parvenus jusqu'à nous. On en trouve une assez bonne collection sur celui de Marie de Mompraet (1596)> que conserve actuellement la Biblio- thèque de Bruxelles; M. de Reflfenberg, qui l'a longue- ment décrit dans le Bibliophile belge (tome II, 1845), en


176 LE LIVRE MODERNE.

a extrait quelques gaillardises, dues, paraît-il, en bonne partie, au « grand-duc de Croy » ; il suffit de citer celle-ci, composée de deux lignes rimées :

Vestire les filles richement c*est chose perdue ;

Car qui les ayme vrayment les demande toutes nues.

Bien plus décent était Malherbe quand, en tête de Talbum de Madame Des Loges^ une précieuse avant rheure, passablement maltraitée par Tallemant des Réaux, il écrivait ce galant sixain :

Ce livre est un sacré Temple Où chacun doit, à mon exemple, OfTrir quelque chose de prix. Cette offrande est due à la gloire D'une dame que Ton doit croire L'ornement des plus beaux esprits.

Dans le même ordre d'idées, Talbum de Madeleine de Laubespiney dame de Villeroy^ sur lequel s'inscrivirent Ronsard et toute la pléiade, fournirait les éléments d'une abondante cueillette de jolis vers.

Il ne doit pas non plus manquer de pièces piquantes, l'album de Ba&ile BranwerSy d'Amsterdam (1567), à qui Jeanne Magon^ « sa bonne amye », adressait ces vers plus riches de promesses que de poésie :

Qui veult avoir lycsse Seullement d'ung regard t Vienne vers ta maîtresse Que Dieu maintient & gard. £Ue a tant bonne grûce Que celluy qui la voit Mille douleurs efface. Et plus s'il en avoit.

Pour revenir à des sujets moins badins, il suffit de jeter un coup d'oeil sur les albums de Guillaume Barclay ^ qui avait fait interfolier un superbe exemplaire du De


LES ALBUMS AMIGORUM. 177

CMStantia de Juste-Lipse, et sur lequel se sont inscrits maints personnages, tels que Juste-Iipse lui-même, Phi- lippe Rubens, Casaubon, Martin del Rio, etc. ; — de Jacques Lauro^ peintre et graveur (1598-1640), livre ma- gnifiquement illustré de dessins et armoiries en cou- leurs, où l'on trouve des autographes de toutes les per- sonnes de marque qui passèrent à Rome en cette période ; — de Jean Saroiin (1574-1632)^ Fun des plus savants hommes de son temps, qui a recueilli un nombre con- sidérable d'illustres témoignages; — de l'infortimé Charles l^y qui écrivait au premier feuillet : 1626. — Si vis omnia subj'icere, subjice te rationi — Caroluêy B., — sentence au-dessous de laquelle la reine ajoutait cette devise : En Dieu est mon espérance. — Henriette-Marie, B. ; — de Clément XIII, somptueux manuscrit sur vélin, composé de cinquante-quatre grands dessins d'emblèmes curieux accompagnés d'im texte hébraïque et latin, et revêtu d'illustres signatures; — du Synode de Dordi, rempli d'autographes des célèbres théologiens réformés qui prirent part à cet important congrès (1618-1619); — de Louis de Sonntag (Sempronii, 17S3), volumineux recueil qui prouve que la mode des albums n'était pas tombée en désuétude au milieu du siècle dernier; — de Christophe Felber^ simple ouvrier relieur (1642), qui, à l'époque de la guerre de Trente ans, allait, comme com- pagnon, travailler dans les principales villes d'Allemagne ; — enfin, 1^ merveille du genre, l'album du baron de Bur^ kanaj personnage étrange, né à Alep, élevé à la cour de l'empereur, et mort à Vienne en 1766, après avoir par- couru toute l'Europe. — Qui sera assez heureux pour retrouver ce manuscrit qui, dit M. Lalanne, appartint en dernier lieu à Gœthe et qui a disparu depuis? Ce vaste recueil de 3,532 témoignages d'estime et d'amitié en prose


  • -< LE L:v»E MvI-EaSE.

H «B T«r«. dï <■■-*-■■' -1*— ^* tf^w'.a*^* fnirnrtrr 't ti et aBecd>'ji». {wrlaiî ot thiv «n {reniai» «i «i latm :

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tié el fit \» W.-. coc«acTé an «Mnnecir d^rabie et étemel; ▼'«» «kisc U-cs <j^ êtes pi«iix «nnine Enée, Corts eamme Herc-Je. amis omme Prlacle. Edeks coaune Acliate: enUei-r. hriii'>t¥z-le de Totir présence, toos êtes mTtté pav (^^ sei^aeuTV : le InroD de Bcrkana et Aleppo- StTten. • Toat le xvm* sic<:le a pa^&é par cet albam.

/oui «tf/j... Les citations qai précèdent suffisent pour faire comprendre combien, à défaut d'nne monographie proprement dite, on trarail deosemble sur les alboms Mraît intéressant et curieux, et quelle anthok^ie piquante on en pourrait extraire an milieu, il est vrai, de besnooap de fatras.


LES AMATEURS DISPARUS


EUGÈME IPIOT


LA raort récente de M. Eugène Pîot et ses legs splen- dides au Louvre et à l'Académie des inscriptions ont donné à son nom, connu seulement d'un petit nombre de curieux, une notoriété qui lui a été refusée de son vivant. Combien de gens, en effet, ont dû apprendre son existence en ouvrant le journal qui leur annonçait ses munificences! Et combien, parmi le petit groupe des survivants de ceux qui furent ses contemporains, auraient pu supposer qu'il se prépa- rait une si glorieuse oraison funèbre I II faut bien le dire, au risque de paraître piétiner sur une tombe à peine fermée, Eugène Piot n'était pas aimé, et quoiqu'il souffrit certaine- ment au fond de l'isolement où il vivait, il n'a jamais rien fait pourspaiser les rancunes qu'il avait soulevées et pour dissiper


IM L£ LIVRE MODEK^^E.


lec lé^e&def avxjgndlei «on liiifiii MHonaMf arnl eotirf. D'où renakot o» baôna? Je n'ai pas à les icï« fiû i plaider ks carcooctancei aHôrnaiiteB qui explique- nyrvi. fis elle» ne lei excsseot, bâeo des tfji q t d des prooê- db» 6é*>oh]içeuÈU,mm eo attendant qne rbeore sait Yemede re&dre â l'booiiiie une plos équitable justice, le miiat ni et le Im^u f3M>uf toat CiToraMef ponr esqnifser la ph jsaoomie dn bii/iiopLile.

EAX^èae Piot, oo Fa dit déjà et r<»i ne sanrait tny le redire, (ai dans tootes les branches de la coriosîté et de rêmdition on précorseor et on initiateor, et et n*est pas le côté le moins exir^ordînaâre de cette natore conq^exe que ce sens si net et si perspicace dévolo k on honmie dont rinstmction première arait été complètement négli|;ée. Loin d*en rougir, d*aillears, il s'en enor(piaIliflBait TolontierSy et lorsqn'fl plaçait soos vos yeox les premiers spécimens delà tjpc^rapliie grecque, il .pré- tendait être lu»v d'état de les déchiffrer; mais ce qn*ilne disait pas et ce dont on s'apoxsevait Inen vite, c'est qa'il avait suppléé à l'enseignement routinier dn collège par une autre éducaticm autrement suggestive pour quiconque est en mesure de voir, de retenir et de comparer : tout ce qu'il savait, — et savait beaucoup, — U le devait à ses yeux et à sa mémoire.

M. Ch. Yriarte, dans un supplément du Figaro (numéro du 8 février), M. L. Courajod dans un prochain article de la Gazette des beanx-arts, ont dit et diront les mérites de l'ar- chéologue. Ce n'est pas empiéter sur leur domaine que de rappeler le goût très vif qu'Eugène Piot eut de tout temps pour les livres dont, de tout temps aussi, il sut tirer un double profit^ leur demandant de l'instruire et de payer au centuple les peines qu'il s'était données pour les remettre en valeur. Personne n'ignore l'étroite parenté de la plupart des amateurs modernes avec feu M. Jourdain père qui « se connoissoit fort bien en étoffes, en alloit choisir de tous côtés, les faisoit ap- porter chez lui et en donnoit à ses amis pour de l'argent. » En ceci encore Eugène Piot devança son temps. Seulement, au lieu di écrémer les boîtes des quais et les échoppes des bou-


LES AMATEURS DISPARUS. IBi

quinistes parisiens, il choisit pour champ d'expérience TEu- rope tout entière, sauf la Russie où il n'a, je crois et je ne sais pourquoi, jamais mis les pieds ; de Stockholm à Cadix et d'Edimbourg à Naples il n'est peut-être pas de boutique de libraire qui n'ait reçu sa visita; mais c'est surtout en Italie, où il passa une partie de sa vie, que la chasse fut giboyeuse. Quand, après avoir franchi les cordons de douaniers, de Kài- serlicks et de policiers qui en rendaient alors l'accès sinon redoutable, au moins singulièrement incommode et coûteux, il pouvait vaguer du nord au midi, il mettait la main non seu- lement sur d'incomparables exemplaires sortis des presses vé- nitiennes ou florentines, mais il recueillait au passage plus d'une épave des conquêtes de Charles VIII et de Louis XII. Sa moisson faite, il rentrait en France, et tantôt sous son nom, tantôt sous ses seules initiales, il livrait au hasard des ventes la meilleure part de son butin, se réservant les livres d'étude où' il puisait un savoir toujours accru. La plus ancienne de ces ventes est, je crois, de 1840; mais sur ce point comme sur bien d'autres, nous en sommes réduits aux conjectures, car Eugène Piot ne livrait pas plus volontiers le secret de ses opé- rations que celui de ses origines. La liste de ces ventes, qu'il serait curieux et même profitable de dresser, ne suffirait pas cependant encore à nous faire connaître toutes les richesses qui, durant un demi-siècle, ont passé par ses mains : c'est ainsi qu'il céda, vers 1862, au musée de South-Kensington une magnifique collection de ces luxueux livrets d'entrées et de fêtes, si légitimement recherchés aujou^rd'hui, et dont il avait, m'a-t-il dit, entrepris une bibliographie raisonnée.

Il en fut malheureusement de ce travail comme de plu- sieurs autres qu'il avait promis ou annoncés : ses exécuteurs testamentaires pourront seuls nous dire s'il en subsiste quel- ques vestiges. Soit par suite de la paresse dont il se targuait, soit en raison de ses longues et fréquentes absences, soit tout simplement, enfin, par suite des lacunes de son éducation pre- mière, ses écrits sont rares et ne donnent point la mesure de ce qu'on était en droit d'attendre de lui. La forme en est pé-


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LES AMATEURS DISPARUS. 183

à des observations fort justes dans le fond, mais formulées en termes tranchants et rogues sur des erreurs commises dans les catalogues Vellenave (Dessins anciens, novembre 1842), et Soleinne, le Bulletin de Falliance des arts avait beau jeu à railler cette publication mensuelle « qui ne paraissait pas tous les mois » et qui s'intitulait, « sous prétexte d'art, sinon de grammaire », Revue de tableaux et d'estampes anciennes, mais le Cabînety fort de l'exemple d'Henri Estienne qui donnait un sou par faute que lui signalaient les polissons du collège Mon- tagu, — il y a polissons, — renvoyait Paul Lacroix à la gram- maire, chapitre de la Syllepse, en l'invitant à l'étudier pour son usage particulier, avant d'avoir « la sotte prétention » de corriger les autres, déclarait que « la bibliographie était une science dont il ne savait pas le premier mot et ajoutait que si une fantaisie de jeune homme lui avait fait mettre depuis quinze ans le mot de Bibliophile sur quelques romans, cela ne suffisait pas à lui donner des droits sérieux au titre de biblio- graphe. »

Ce ne sont pas les seules aménités de même nature qu'on pourrait retrouver en feuilletant les deux feuilles rivales ; plus tard, il est vrai, et en dépit du triple airain dont il semblait cuirassé, Piot regrettait ces violences de plume dont le temps émousse l'acuité, mais qui creusent le plus souvent entre les champions un fossé infranchissable.

Il ne faudrait pas conclure de cette trop rapide esquisse que Piot professât, en tant que bibliophile, un fanatisme exclusif et intolérant. Je ne jurerais même pas que, sous l'influence persuasive de M. le baron Roger Portalis, il n'ait eu pour l'art d'Eisen et de Moreau de passagères indulgences, et sa conver- sion m'étonnerait d'autant moins qu'il a le premier signalé la valeur hors ligne des compositions de Meissonier pour les Contes rémois. Témoin et vétéran des grandes batailles ro- mantiques, il avait pressenti là encore l'intérêt qu'offriraient plus tard ces beaux in-8^ à couverture jaune et leurs origi- nales vignettes ; sous un panneau secret d'uhe de ses biblio-


1S4 LE LIVBE MODERNE.

ihèquet je vis tin jour toute une rangée de ces cnriositës en ilats irréprochables. « Il fiuit bien avoir de tout, » disait^il.

. Assurément, mais ils sont rares, ceux-là qui peuvent avoir de tout et ne garder que la fleur de tout. L'argent n'est point ici le seul facteur du problème : il Csiut apporter à sa solution le flair, le goût, le savoir et la patience. Cet axiome, assez banal en lui-même, prenait sur les lèvres de celui qui l'émet- tait Taccent d'une profession de foi, et l'appartement où il fut formulé attestait' assez quel avait été le constant souci de son locataire. Eugène Piot a demeuré plus de trente ans au n® 20 de la rue Saint-Fiacre, d^abord au cinquième, puis au qua- trième étage ; aussi, lorsqu'on avait franchi les premiers pa- liers ornés à chaque porte de plaques de cuivre appartenant à d'honorables lingers ou chemisiers, la surprise était grande de se trouver tout à coup en présence des plus rares mer- veilles. J'ai encore dans les yeux l'éblouissement que me causa une haute et large vitrine de chêne clair remplie, — bourrée plutôt, — d'exquises reliures des principaux artistes mo- dernes et que surmontait une admirable ébauche de Van Dyck d'après Henriette d'Angleterre. Là siégeait l'élite des hautes raretés; mais si le maître vous faisait pénétrer dans sa salle à manger transformée en cabinet de travail, un coup d'œil vous suffisait pour vous assurer que les outils indispensables au tra- vailleur comme au curieux n'étaient pas traités avec moins de luxe et de raffinement. Buloz, en villégiature chez M. de Pontmartin, se demandait, dit-on, comment on pouvait faire payer sa copie quand on avait de si beaux arbres; j'aurais vo- lontiers demandé à Piot comment il pouvait rester oisif dans un pareil atelier; mais il professait à cet égard la théorie des Orientaux sur la danse et il préférait assister au labeur d'au- trui plutôt que d^ajouter quelques pages au petit nombre de celles qu'il laissera.

Dana quelques mois, tous ces beaux livres iront diercher asile chei d'autres curieux. Souhaitons qu'il subsiste de leur {MMMqre ehea Piot un bon catalogue, — mais rien de plus ne trahira leur origine. Soit par modestie, soit ea vue de faivo-


LES AMATEURS DISPARUS. IBS

riser de fréquents échanges, Piot n'avait ni marque spéciale, m ex libris, bien que, selon M. Béraldi, Frédéric Hillemacber en eût gravé un pour lui. Il est vrai qu'en dehors de photo- graphies anciennes il n'existe pas davantage une effigie de Piot qui n'avait point d'ailleurs, — tant s'en faut,

Une tète romaine i graver en camée.

Il restera de lui plus et mieux qu'un monogramme ou qu'un portrait, car ses largesses posthumes ont désarmé les hostilités les plus invétérées, et rarement on n'entendit un plus unanime concert de louanges que derrière le cercueil de cet homme qui n'avait pas un ami.

Maurice Tournbux.


LES


LES MANUSCRITS QUI RESTENT


Lellret inédites de, George Sand

INTËRIBUR ARTISTIQUE d'UH HOMIIB DE LJ

tAuguste Vacquerie


0U3 avons promis de donner ici la primeur de quelques auto^aphes curieux de la collection Louis Ulbach, vendue en janvier der^ nier.

Voici la reproduction des quatre lettres de George Sand, que l'ac- quéreur de ces précieux billets a bien voulu nous compnuniquer avec une bonne grâce dont tous les curieux, nos amis, lui seront, non moins que nous, reconnaissants.

NohBiil, l« aoAt ISBS. C'est venir bien tard vous remercier, monsieur, des sen- tîmens d'estime et de confiance mcrale qui ont dicté l'article relatif à 3/"* La. Qaintinie dans le Tenu. Je n'ai pas pu lire


LES LETTRES QUI PASSENT. 187

plus tôt tout ce qui a été écrit à ce sujet et je le lis mieux maintenant. Je vous dois de la gratitude et de la sympathie pour les choses vraies que vous dites sur tous, et pour la loyauté de vos appréciations générales. Vous revenez sur le tems déjà éloigné — nous vivons si vite maintenant! — où . vous écriviez M, et M"^ Fernel, cette excellente étude où il ne semblait que vous alliez en artiste puissant, sans trop songer au péril que J'ai signalé dans M^ La Quinlinie, et vous dites : Tavais mes raisons, dans lesquelles je persiste encore. Oui, sans doute, vous aviez vos raisons et, à un certain point de vue, elles seront toujours bonnes; Fartiste saisit la poésie où il la rencontre, à travers le confessionnal, la lessive, Tamour, et Todeur des confitures, il voit passer des types dont il a mis- sion de dégager Tidéal en dépit des détails naïfs de la vie bourgeoise. Il est entré dans un tableau flamand, il y a décou- vert une Madone de la Renaissance, et il mettra sa force et son habileté à peindre ce contraste. Mais, épris de son sujet,, il n'en est pas moins Thomme de son tems et le serviteur du progrès, et il n'impose pas son étude comme le dernier mot de sa croyance. Voilà, si je ne me trompe, ce qui vous laisse la conscience dans un légitime repos à l'égard de M™* Fernel. Mais l'encouragement sérieux et fraternel que vous donnez à des tentatives opposées prouve du reste que vous n'avez pas abandonné la question vitale de notre époque. Vous aviez pressenti, dites-vous, AP* La Quintinie dans ma lettre à pro- pos de if"« Fernel. Me permettez-vous de pressentir dans votre article un roman ou une pièce de théâtre où vous mon- trerez toute la philosophie du mariage, selon votre conviction et votre critique. Quel que soit le thème et quelle que soit la thèse, il y aurait grand profit pour tous et pour vous-même à dire et à peindre ce. sanctuaire de la vie humaine où l'on pénètre si peu ou si mal encore, et où tout le monde n'est pas compétent pour porter la lumière.

Mille complimens bien affectueux,

George Sand.


188 LE LIVRE MODERNE.

Cher Monsieur,

Combien je suis heureuse d'stvoir à vous remercier ! Quand votre loyale et forte main signe un brevet de talent, l'apprenti passe maître et prend son rang. Vous avez surtout senti ce qui ne pouvait échapper â un coup d'œil comme le vôtre; mais ce qu'il était bien utile pour mon fils de dire au public vulgaire, c'est qu'il a une individualité qui est bien sienne et qu'aucune direction n'a pu lui donner. Tout mon rôle à moi était de ne pas la lui ôter et de comprendre sa réelle valeur. C'est à quoi je me suis attachée toute ma vie, et j'en suis ré- compensée, le jour où vous me prouvez, vous en qui je crois, que je ne me suis pas fait d'illusions maternelles sur cette va- leur des talens.

Votre appréciation si franche et si délicate est une joie réelle pour moi, et je vous remercie du fpnd du cœur d'avoir lu le livre avec cette conscience et cet esprit de généreuse protection. J'envoie l'article à Maurice qui est à Nohant avec sa femme.

Je vous serre les mains, cher confrère, et suis avec affec- tion. Tout â vous.

G. Sand. Palaiseau (Seine-et-Oise), 27 juin 1865.

Vos livres me sont arrivés dans un moment affireux/ cher monsieur, laissez-moi plutôt dire ami. J'ai été morte, je ne sais pas si je suis vivante, bien que mon corps marche et agisse. Était-ce une bonne disposition pour vous lire? Pour- tant je viens de lire Louise Tardy et cela me semble un chef- d'œuvre d'analyse délicate, subtile et vigoureuse à la fois, une de ces histoires sans événements qu'on n'oublie pourtant jamais parce qu'on croit avoir toujours connu ces âmes-là. Et quelle forme exquise, ingénieuse à définir toutes les émotions et toutes les réflexions. Vous me traitez de maître, c'est vous qui passez maître et moi je passe je ne sais quoi. Je double le cap de l'amertume et j'entre dans les mers inconnues de


LES LETTRES QUI PASSENT. 180

risolemeni. N'importe. Dans la douleur ou dans le calme je vous applaudirai toujours du cœur et des deux mains, merci d'avoir pensé à moi. Je lirai le Parrain^ bien sûr. Cette femme de lettres que vous peignez si bien, elle est jeune, et on peut s'imaginer au premier abord que son état Ta blasée sur les choses de la vie ; mais, si elle était vieille, vous eussiez pu la peindre tout de suite, comme aiguisée et surexcitée, et dis- posée à souffrir plus que les autres. Au reste, vous avez bien conclu. Vous avez montré que notre travail d'analyses k vous, à moi, à tous les artistes qui prennent leur tâche au sérieux, pousse au besoin de se dévouer et de se défendre, deux solli- citations contraires qui rendent la vie plus difficile à nous qu'aux autres.

Quelle affaire que la vie I et la mort, quel abîme !

Ayez grand courage, vous aurez le grand lot. A vous de cœur.

G. Sano.

Palaiseau (Seine-et-Oise), 27 septembre, 1865.

Cher bon ami.

Vous me désolez. Si vous m'eussiez avertie quelques jours plus tôt, je vous aurais envoyé un article que j'ai fait sur le nouveau livre de Flaubert. Il est trop tard à présent. Je l'ai offert à Girardin et il l'a. Et ceci me prive d'apparaître à votre début, car j*ai un traité très rigoureux avec la Bévue des Deux Mondes, Je ne peux donner aux journaux que de courts articles et rarement.

Jugez si je peux donner un roman, même une nouvelle! Certes le plaisir de vous obliger vaudrait plus pour moi que Por que vous m'offrez, mais en me donnant de l'or, Buloz m'a pris ma liberté. J'arrive bientôt à la fin de mes engagements avec lui, nous devons renouveler dans un an. Je tâcherai de renouveler sans me lier de cette façon.

Mais dans un mois ou deux, il ne grondera pas si je vous donne un article coiir^, c'est-à-dire un feuilleton, et je ferai


190 L£ LIVRE MODERNE.

de mon mieux pour vous être utile, si je suis bomae à quelque chose, et surtout pour vous prouver mon amitié de cœur.

G. Sand.

Nohant, 11 décembre 1869.

Vous êtes bon et tendre, et vrai. Vous pleurez votre vieille mère, comme un enfant, et c'est bien, c'est bon, c'est touchant.



INTÉRIEUR ARTISTIQUE d'uN HOMME DE LETTRES.

Chez M, Auguste Vacquerie.

Les manuscrits. restent et révèlent parfob des intérieurs tapissés de chefs-d'œuvre, c'est ainsi que nous avons décou- vert une curieuse description, écrite par M. Vacquerie lui- même, des tableaux et dessins ornant son appartement.

M. Auguste Vacquerie reste un de ces vaillants hommes de lettres dont la race supérieure tend malheureusement à disparaître. A ce titre qui le rend sympathique à tous les lettrés, nous reproduisons ce curieux état de lieux artistiques que voici :

Dans le salon.

Eugène Delacroix. — La Femme du massacre de Scio. — Le Lever (Marguerite au miroir). — Le Bon Samaritain. — Le Giaour. — Le Christ aux Oliviers.

GéRiGAULT. — Un cheval à l'écurie. — Un lion.

Corot. — Une plage. — Un coup de vent. — Un chemin dans un bois. — Étude d'arbres.

Paul Huet. — Bords de la Seine.

DiAZ. — Scène de carnaval.

Petit salon.

LéoN Glaize. — Mon portrait. — Portrait de ma sœur. — Portrait de mon petit-neveu.


LES LETTRES QUI PASSENT. 191

Salle à manger.

Trois grands dessins de Victor Hugo. — Ce qu'il voyait de la dernière maison qu'il ait habitée avant le coup d'État (rue de la Tour-d'Auvergne). — Environs de Saint-Denis. — Ruines dans une montagne.

Grandes aquarelles de Louis Boulanger. — Dernière scène du premier acte de Lucrèce Borgia du même peintre.

Ma chambre.

Dessins de Victor Hugo. — Un dessin daté de 1866 (pen- dant l'exil). — Un vaisseau déniâté, à demi brisé, secoué par une mer furieuse, avec cette légende : Fracta, sed invicta. A Auguste Vacquerie : Victor Hugo.

Autre dessin d'exil : Une vague énorme tourmentant un navire. — Au bas : Ma destinée.

Les bords du Rhin (page d'album). — Goulatromba. — Dessous de bois ; etc.

GéaicAULT. — Un cuirassier. — Le Naufrage de la Mé- duse.

Decamps. — Des enfants devant une cage de lapins.

Eugène Delacroix. — Dessins, aquarelles.

DiAz. — Baigneuse.

Corot. — Un enfant.

Que dites^vous de ce musée Vacquerie? — Quel petit Louvre, Messeigneurs I — Cette description nous ferait battre dans la tête le Rappel de la convoitise. L'auteur de Souvent homme varie doit encore, espérons-le, pos- séder au grand complet cette précieuse galerie.



Un autographe de Paul Lacroix. — On sait que le Bibliophile Jacob fut, dans la belle période romantique^ grand éditeur de Keepsakes et Uvres de beautés. Il en


102 LE LIVRE MODERNE.

dédia un, le Royal Keepsake (Paris, V« Louis Janet; gr. in-8®), aux femmes en ces termes galants :

Entre toutes les royautés, la vôtre est la plus douce et la mieux établie; Ce Keepsake que je publie sera royal, puisque vous Facceptez.

Nous en possédons un exemplaire qui porte, sur sa feuille de garde, ce madrigal dédicatoire manuscrit, et, sans doute, inédit :

A Madame UlM&rqnisû de Làcarte.

J*ai dédié ce livre aux femmes,

Quand je ne vous connaissais pas. Vous qui charmez les yeux, les esprits et les âmes ;

Ma dédicace est à changer hélas I Et je fais Veratum en vous nommant tout bas.

Paul L. Jacob Bibl. »



PETITES NOTES CURIEUSES

« 

Un admirateur de M. Gladstone a formé une col- lection des brochures du chef du parti lierai; il y en a 229, sans compter les articles de journaux et dç revues!



Un curieux manuscrit vient d^être offert à F Académie française par M. le comte de la Perrière : c'est la seule copie qui existe du Livre de dépenses de la reine de Na- varre, Marguerite d'Angoulême, sœur de François I*, du mois de septembre 1540 à la fin d'août 1549.

L'original de ce manuscrit est conservé dans la bibUo- thèque du marquis de Frotté, descendant en ligne directe de Jehan de Frotté, secrétaire des commandements de la reine Marguerite.


LES LETTRES QUI PASSENT. 193

Savez-vous, qu'il en coûtait chaud aux érudits d'au- trefois quand ils voulaient s'offrir le luxe d'un livre.

En effet, voici d'après des papiers manuscrits qui nous sont remis, ce que dépensa Etienne de Conty, pour faire copier les Commentaires^ d'Henry Bohic :

lîv. 8.

Salaire de Técrivain 31 5

Achat et apprêt du parchemin, y compris la

réparation des trous 18 18

Prix de six grandes initiales dorées 1 lo

Prix des autres enluminures roug^cs, noires et

bleues 3 6

Location d'un exemplaire fourni au copiste par

le bedeau des Carmes 4 »

Réparation des trous de marges et tirage du

livre 2 »

Reliui*e.... 1 12

Soit (monnaie parisis) 62 11

Environ 825 francs de notre monnaie actuelle. — C'est assez raide !

M. Monval, l'érudit archiviste de la Comédie-Fran- çaise, nous a signalé quelques erreurs au sujet du rapport sur Hernani, publié dans notre deuxième livraison.

Erreurs typographiques et faciles à corriger. Nous l'en remercions sincèrement.

Quant aux dates de naissance, de sociétariat et de mort de l'acteur Michelot, nous les avons reproduites d'après l'article donné par M. de Manne sur cet artiste, dans la Biographie Didot.

Or, d'après M. Monval, qui est mieux placé que per- sonne pour connaître ces petites particularités, aucune de ces dates n'est exacte.

A qui se fier, de Manne ; à qui se fier, Didot?



I. 13


19« LE LIVRE MODERNE.

Le catalogue 72 des libraires lyonnais Bcmoux et Cusnier, contient sous le n** 333 — les trois bossus — la très précieuse pièce que voici :

333. Baudelaire (Charles). Le Marquis du l^ Hou- zardê^ pièce autographe signée de ses initiales, 12 p. in- fol. 150 fr.

Manuscrit d'une très curieuse pièce. Canevas d'une comédie qui n'a jamais été terminée.

Quelle aubaine pour notre revue investigatrice si l'ac- quéreur de cet autographe nous permettait sa reproduc- tion! et mieux encore... si le livre n'était point vendu — rinvraisemblable n'est souvent que la vérité cristallisée dans son puits ; mais l'inédit toutefois ne nous fait pas défaut, on en verra les preuves de mois en mois, de livraison en livraison. Amis connus et inconnus, aiguisez vos appétits de curiosité, nous nous chargeons de les satisfaire.

Cependant du Baudelaire théâtral, ce serait étrange !



X^KS FOEÎSIKS CXJ LIVRER-


ET CNE BALLA.


Vélin doré. — Les bons bouquineurs.



ES livres ont de tout temps inspiré la muse des Parnassiens, depuis Ronsard à nos jours. — Nous conserverons le plus souvent possible dans notre pério- dique le Coin des Poètes bibliographes. Aujourd'hui, notre ami José-Maria de Hérédia, qu'on eût baptisé jadis /e Magnifique, pour l'éclat de ses rimes d'or, la sonorité de son verbe et l'ampleur de son geste et de son allure conquérante, nous fait tenir un sonnet inspiré par un de ces beaux vieux vélins à dentelles d'or si caressants à nos yeux: et même à nos mains amoureuses des petits fers bien poussés sur le poli de la peau. — La large écriture de Hérédia, contournée, pleine de liés et d'arabesques, a dû être réduite au cadre de notre texte.


196 LE LIVRE MODERNE.

Elle y perd, mais son sonnet est si parfait que nous y gagnons encore. Le voici :


nâi^ fneuJu^. teiùi4tt-jr^ '^ foc ^ ^^mU

^' éA^kt' ^^^^•^ /^'"'^^^^ ^ /^^wv-T^e^â^^a^r^fe.


Uhjtu ^J^.





fjt*^ ^€tAcA. dtAj^^uduZ^


D^autre part, et dans une note combien différente, nous recevons de M. Maurice Champavier, un inconnu qui se plaît à musarder à la façon d^ Auguste de Châtillon et aussi de feu Mac-Nab, une ballade aux rimes vaga- bondes et espiègles à laquelle nous nous empressons de donner Thospitalité pour resjouissement des honnestes descouvreurs de livres vieilz et antiques. Cela est intitulé


Les uns s'en vont aux Tuileries Pour jeter du pain aux moineaux; D'autres vont lire les journaux Aux portes des imprimeries; D'autres hantent les ma s troquets Et fêtent la divc chopine. Ma passion est moins mesquine : Je Bouquine le long des Quai*.

Les uns vont devant les mairies

Voir défiler les conjun^os;

Au Palais, d'autres, des nigauds!

Sont bouche bée aux plaidoiries

Des avocats alambiquës;

Foin de ta toque et de l'hermine!

Quant à moi, moins sot, je bouquine,

JcBoaquine le long de* Quai*.

Ne me parlez pas des prairies.

C'est trop vert! — ni des clairs ruisseaux.

Ça mouille! — ni des chants d'oi

De la Se ine aux rives fleuries ;

C'est bon, ça, pour les freluquets

Que mons Cupidon turlupine :

L'amour des livres me domine ;

Je Bouquine le long de* Quai*.


Vénus, je hais tes airs coquets.

Que je n'ai pas l'humeur badine : Je Bouquine le long de* Quais.


198 LE LIVRE MODERNE.

r. Rongez un peu à ce que deviendrait cette ballade mo- nologuée sur la scène par un habile diseur travesti pit- toresquement en Gustave CoUine de la Vie de Bohème. Elle y obtiendrait un vrai succès de public.

Au reste, la passion des livres est si variée, si étrange, si fantasque dans ses outrances, qu'elle prêterait aux poésies sério-comiques les plus amusantes; stances, bal- lades, rondeaux, triolets méritent de se laisser cueillir par les poètes du livre, et nous accueillerons avec galan- terie les sourires des muses bouquinières, et même les chansons dans le goût des couplets de la Clef du caveau, dont les épigrammes s'aiguiseraient sur notre sereine et heureuse toquade car, il faut bien le dire, nous sommes les premiers à nous gausser de notre humaine folie en vrais petits-fils de Rabelais.


■ I^E P'ElMCr <?-U-E;R.Ji.R.E)


PUBLICATIONS RÉCENTES


CATALOflUE SUCCINCT DES LIVRES DU MHS


NSTALLÉa commodément dans de bons fauteuils, nous allons, s'il vous a^rëe, passerenrevuelasoixantainede volumes qui se sont amassés sur notre tiible. — Mais quel énorme paquet I Comment nous débrouiller au milieu de cette bousculade d'ouvrages qui, de l'insinua'nt in-18 à rin-4 solennel,

élérité pour se trouver en belle page

dans la légère et trop brève étude critique que nous pouvons leur consacrer? — Il y aura place pour tous cependant, et nous allons ponctuellement inventorier à la manière du bon Quërard ces derniers venus de la librairie, avec un peu plus de mansuétude toutefois que ce cher savant, qui n'en mon- trait guère en ses ouvrantes; avec ég'alement beaucoup moins


200 LE LIVRE MODERNE.

de cette minutie descriptive dont Texcellent homme se faïsait un devoir et dont nous nous tiendrons éloigné conune du Mancenillier de la bibliographie reposante.

D'ailleurs, nous ne nous piquons pas ici de science biblio- technique dans le sens aride du mot et nous avons moins de souci de la forme matérielle d'un livre que de son contenu. Nous pousserons même la profanation de Tart de Psaume jusqu'à ne pas tenir compte des classifications consacrées, et, pour bien marquer notre indépendance absolue, nous allons dresser notre petit catalogue suivant notre conception indivi- duelle, c*est ainsi que, partant de la grave Histoire, — qui nous conduira normalement par rhistoire littéraire à la critique et à la Bibliographie, — nous arriverons aux Variétés et Mélanges, puis aux Œuvres dites d^imagination. Pour plus de clarté, d'ailleurs, nous procéderons par articulets, tout comme dans un véritable catalogue.

Bibliographes, tenez- vous à l'écart et ne protestez point... Mais vous, curieux des nouveautés littéraires, approchez! Nous j sommes. On commence.

HISTOIBB. VOTAMES

— Les Communes françaises a V époque des Capétiens di- rects, par M. Achille Luchaire (Hachette). — Voici un excel- lent livre où, résumant ses leçons faites en Sorbonne, le savant professeur condense avec un ordre et une clarté remarquables, tout ce que les travaux de la critique historique contempo- raine ont ajouté à l'œuvre des Augustin Thierry et des Guîzot. Non seulement il met en pleine lumière les origines réelles du grand mouvement communal qu'on a si souvent représenté comme une première manifestation de l'esprit démocratique, non seulement il retrace, avec une exactitude parfaite, les moindres détails de l'organisation civique, financière et mili- taire des communes, mais il nous fixe sur le* véritable carac- tère de ces « Seigneuries collectives » souvent hostiles aux autres éléments sociaux, imprégnées de l'esprit de particule-


PETIT QUÉRARD DES PUBLICATIONS RÉCENTES. 201

risme, agitées de passions belliqueuses. Il faut en rabattre sur ces organisations tant vantées, où. les conquêtes de tous n'abou- tissaient qu'à assurer la fructueuse suprématie de quelques- uns, dont la décadence est due en grande partie à l'incapacité financière des oligarchies qui les administraient. Encore une légende du « bon vieux temps » qui s'en va, car rien ne serait moins enviable que de vivre « dans ces républiques militaires, jalouses à l'excès de leurs privilèges, souvent impitoyables p our le menu peuple^ qu'elles excluaient des charges munici- pales tout en l'écrasant d'impôts, et qui, ruinées par l'anar- chie et l'émeute, préparaient insensiblement leur absorption par le seigneur roi ».

— Leê Cabochiens et V ordonnance de 1413, par M. Alfred Coville (Hachette). — Ouvrage non moins important et intéres- sant que le précédent. L'auteur nous faitrevivre en plein Paris du temps de Charles VI, au milieu du fastueux désordre de la Coor, des troubles des factions d'Orléans et d» Bourgogne, des souffrances et de la terreur des Parisiens opprimés par le fameux Caboche et ses écorcheurs. C'est un récit singulière-

ment émouvant que celui des journées d'avril et mai 1413, pendant lesquelles la Bastille fut prise une première fois par le peuple. L'analyse de la grande Ordonnance qui mit fin à ces troubles occupe une bonne partie du volume ; on n'avait point encore étudié avec autant de fruit ce vaste document en 259 articles, véritable encyclopédie administrative de la France au XV* siècle.

— La France pendant la guerre de Cent ans, par M. Siméon Luce, membre de l'Institut (Hachette). — Excellent recueil d'épisodes de la vie publique et privée de nos pères aux xiv* et XV* siècles. Ces articles séparés ont pour lieu commun la grande figure de Jeanne d'Arc, qu'entourent de nobles personnages tels que Charles V et Du Guesclin et de vaillants et obscurs serviteurs de la patrie, tels que ce Guillaume l'Aloue et ce Grand Ferré, si redoutés de l'Anglais, et ce sublime Philippe


303 LE LIVRE MODERNE.

Le Caty le pauvre a harpeur» de Cherbourg, un martyr inconnu de ridée nationale. Dans d'autres chapitres, Fauteur nous offre des tableaux moins réconfortants, alors que, par exemple, il retrace les prouesses de l'épicier Pierre Gilles, un des me- neurs de la commune de Paris en 1358, et ce fameux Etienne Marcel, trailre au roi, traître au Dauphin, finalement traître à la pairie même^ mais homme d'expédieiits et de précautions, casant paternellement sa famille aux bons emplois, surtout aux bons postes financiers de la ville.

— Les comtes de Tende de la maison de Savoie, par le comte de Panisse-Passis (Didot). — Ce magnifique in-4*, luxueusement édité, largement illustré, contenant maints curieux fac-similés d'autographes, mérite à tous- égards l'atten- tion des bibliophiles, qui feront bien de se hâter de l'acquérir, car il n'est tiré qu'à 250 exemplaires, dont un petit nombre seulement sont mis en vente. Le sujet en est très spécial ; c'est une monographie des princes de la maison de Savoie qui, par le mariage de René de Savoie, dit le Grand-Bâtard, avec la grande héritière du comte de Tende, devinrent maîtres de ce riche domaine. Cette étude, cependant, est fort intéressante au point de vue de notre propre histoire; les quatre comtes de Tende-Savoie ont été intimement mêlés aux affaires de France pendant tout le xvi* siècle ; les services qu'ils ont rendus aux rois de France, leurs suzerains, les événements importants auxquels ils ont pris part, sont retracés par M. le comte de Panisse avec une précision et une richesse d'authentiques docu- ments, recueillis en maintes archives, qui font de son travail une source précieuse à consulter pour les érudits qui s'occu- pent de notre histoire au xvi" siècle.

— Les Anglais et les Hollandais dans les mers polaires et dans la mer des Indes, par l'amiral Jurien de la Gravière (Pion, 2 vol., cartes). — Le savant académicien, à qui l'histoire de la marine est redevable de tant de bons volumes, retrace ici les travaux et les voyages des illustres navigateurs qui ont


PETIT QUÉRARD DES PUBLICATIONS RÉCENTES. 203

peu à peu conquis à leur patrie Tempire des mers ; son travail embrasse la période qui va de 1576 à 1617; Barentz, Mahu, de Noordt, d'une part, et, de l'autre, Baffîn, Davis, Gavendish, Hudson, sont les principaux personnages de cet intéressant chapitre d'histoire.

— Les Préliminaires de la Révolution, par M. Marius Sepet (Retaux-Bray). — Cet ouvrage, qui n'est pas, tant s'en faut I le premier sur la matière, offre du moins cet avantage de présenter, d'après les travaux d'écrivains autorisés, un ré- sumé consciencieux et impartial' Il se divise en deux parties: La société française à la veille de la Révolution, les dernières années de l'ancien régime, et constitue, dans son ensemble, une œuvre de vulgarisation estimable.

— Assemblée électorale de Paris. — Procès-verbaux d'élections, par Etienne Charavay (Quantin, Jouaust et Noblet). Ce septième tome de la « collection de documents relatifs à l'histoire de Paris pendant la Révolution française » continue dignement l'œuvre entreprise sous le patronage du Conseil municipal. Nous avons là les premiers travaux (18 novembre 1790, 15 juin 1791) de l'assemblée qui, en vertu de la consti- tution nouvelle, était appelée à élire les fonctionnaires de l'ordre civil et ecclésiastique. Procureur général, syndic, juges et administrateurs, membres du tribunal criminel, évêque et curés, tels sont les personnages dont nous trouvons ici les procès- verbaux d'élection. Les délibérations de rassemblée électorale, sont, comme on pense bien, pleines de faits inté- ressants, mais elles ne sont pas plus curieuses que la liste « critique » des 913 électeurs, dont M. Etienne Charavay, le savant archiviste-paléographe que Ton sait, nous a esquissé la physionomie d'ensemble et fait le dénombrement avec une abondance de documents et une précision tout à fait remar- quables.

— Psùris pendant la Terreur, par Edmond Biré (Perrin et


304 LE LIVRE MODERNE.

O). — Cet excellent livre forme la suite et le ccHnplément de Paris en 1793, ouvrage auquel l'Académie française a décerné, cette année, une de ses plus enviables récompenses. Il com- prend la période qui va du 31 mai au 31 octobre 1793, c'est^ à-dire de la chute et la proscription des Girondins à leur procès et à leur exécution. Il n'est pas besoin d'insister sur l'intérêt puissant de la nouvelle œuvre de M. Edmond Biré. La mort et les funérailles de Marat, l'exécution de Charlotte Cordaj, le procès de Custine et le supplice de la reine, sont les scènes capitales de cette émouvante et consciencieuse étude. Dans ce récit soigneusement documenté de la vie de Paris pendant la Terreur, l'auteur, avec un merveilleux souci de scrupuleuse exactitude, fait tour & tour passer sous nos jeux le club des Jacobins, le Tribunal révolutionnaire, les séances de la Convention, ainsi que le public et les mœurs des cafés, des restaurants et des théâtres. Rien de plus saisissant que ces * dramatiques tableaux qu'on pourrait parfois croire empruntés au roman et qui ne sont, hélas ! que de la pure histoire.

— Paris. — Le Quatre Septembre et ChàtUlon, par Alfred Duquet (Charpentier, 4 cartes). — Dans ce quatrième tome de sa série d'études sur la guerre 1870-1871, l'auteur raconte, d'après d'authentiques et multiples documents, les événements accomplis dans et devant Paris du 2 au 19 septembre 1870. Comme ses devanciers, ce nouveau livre fait bien augurer de l'ensemble de l'ouvrage, qui contiendra sept autres parties et qui constituera l'un des monuments les plus utiles à con- sulter sur l'année terrible.

— Lettres de lord Beaconsfield à sa sœur, traduction et notes par Alexandre de Haye (Perrin et Q*) . — Quel bon article on pourrait faire sur cet ouvrage, si notre cadre très restreint ne s'y opposait ! Que de citations curieuses et attachantes on en pourrait extraire! Malheureusement, nous avons tout juste assez de place pour signaler la remarquable introduction de l'érudit traducteur « Lord BeaconsGeld et le parti tory », et


PETIT QUÉR>VBD DES PUBLICATIONS RÉCENTES. 205

pour appeler Tattention sur cette correspondance de vingt années (1832*1851), a^dressée par le futur lord Beaconsfield à sa soeur chérie, Sarah Disraeli (Fadorable Myra du roman d*Endymion). Inutile d'insister sur l'attrait de ces lettres charmantes et sur leur importance, tant au point de vue de la vie intime de leur auteur, que sous le rapport historique» proprement dit.

Ne quittons pas ces sérieux travaux sans y ajouter deux monographies biographiques dignes d'intérêt : Thouret, sa vie et ses œuvres y par Ernest Carette et Armand Sanson (Alph. Picard), joli petit in-4^ avec portraits et fac-similés, contenant la plus complète étude que Ton ait encore écrite sur l'un des fondateurs de notre organisation judiciaire ; puis le Père Damierij par M"' Aug^stus Craven (Perrin et C*^, portrait) biographie touchante de l'admirable missionnaire, « l'apôtre des lépreux de Molokaï », que la mort a emporté l'an passé. Disons aussi un mot rapide de deux volumes de voyages: Au Maroc, par Pierre Loti (Calmann Lévy), incomparable pein- ture du Moffhrebf de ce pays de l'Islam noir, si mystérieux encore pour l'Européen, si étrange et si merveilleux pour qui sait voir. Or personne n'ignore à quel rare degré M. Théophile Viaud est doué du don de l'observation, et comment il sait traduire ses impressions. L'autre volume, Espaiïa, par M. Lio- nel de La Laurencie (Lemerre), se compose d^une quinzaine de simples esquisses, charmantes d'ailleurs, sur le pays et les mœurs de nos voisins d'au delà les monts.

HISTOIRE ET CRITIQUE LITTERAIRES. BIBLIOGRAPHIE.

— Chapelain et nos deux premières Académies, par M. l'abbé Antonin Fabre (Perrin et G'®) . — Pour un bon livre, voilà un bon livre, bien fait, largement documenté et rempli de particularités instructives. Il n'aboutit à rien moins qu'à la réhabilitation de l'infortuné chantre de la Pacelle, réhabili- tation invraisemblable pour ceux qui n'en sont encore qu'aux


206 LE LIVRE MODERNE.

rudes sarcasmes de Boileau contre ce médiocre prosateur, doublé d*un plus méchant poète. Mais, comme Ta déjà fait comprendre M. Tabbé Fabre dans une précédente étude {les Ennemis de Chapelain), si Chapelain fut réellement un pauvre auteur, ce fut du moins un homme de bon sens, dont le bon 'goût égalait la profonde érudition. Ce fut, en outre, en dépit des dispositions avaricieuses qu'on a tant raillées, un homme de cœur et un brave homme. Ce n'est point, d'ailleurs, de parti pris que M. A. Fabre nous le présente sous cet aspect honorable :

C'est la force même des choses qui l'y a amené. Il se pro- posait d'étudier les origines de nos deux premières Académies, l'Académie française et celle des Inscriptions et Médailles ; or il n'a pu mettre de côté le rôle fort important de Chapelain dans la fondation et l'organisation de ces deux illustres com- pagnies ; il n'eût pu, sans réelle injusiîce, méconnaître les services considérables rendus alors par la victime de l'inexo- rable Boileau; et c'est ainsi qu'il nous l'a montré, usant de son crédit et de son influence, d'abord sur Richelieu puis sur Colbert, non seulement dans l'intérêt des Académies, mais aussi pour le bien de ses confrères et pour tout ce qui touche à l'honneur et à la prospérité des Lettres. Lisez, chers biblio- philes, lisez l'excellente étude de M. l'abbé A. Fabre, et vous ne trouverez point excessive son œuvre de juste réhabilita- tion.

— Dix-huitième siècle, — Études littéraires ^ par M. Emile Faguet (Lecène et Oudin). — Dans ce digne complément de ses études sur les xvii« et xix° siècles, M. Emile Faguet étudie. les principaux écrivains du siècle intermédiaire qui sont analysés ici plutôt en leurs idées qu'en leurs procédés d'art. La. raison de cette préoccupation particulière est celle-ci : c'est que le xviii«  siècle a plutôt remué des idées qu'il ne s'est appliqué à la re- cherche de formes littéraires. Pierre Bayle et Fontenelle, Le Sage et Marivaux, Montesquieu et Voltaire, Diderot et J.-I. Rousseau, Bu (Ton, Mirabeau et André Chénier, tels sont les


PETIT QUÉRARD DES PUBLICATIONS RÉCENTES. 207

éminenis esprits, sur lesquels l'auteur, avec la compétence et les rares qualités que l'on sait, a réussi à dire des choses nou- velles et singulièrement attachantes.

— Vauvenarguesy par M. Maurice Paléologue, forme la huitième étude de cette exquise k Collection des grands écri- vains français » publiée avep tant de goût par la librairie Hachette ; Fauteur de cette œuvre vraiment neuve nous donne de Yauvenargues un portrait fort curieux, bienfait pour nous intéresser au malheureux jeune homme, officier de mérite, dont les premiers écrits avaient charmé Voltaire, et qui mou- rut à trente ans, au moment où il allait se consacrer exclusi* vement aux lettres.

— Portraits et souvenirs littéraires, par Hippolyte Lucas (Pion). — Une main pieuse a recueilli les essais qui composent ce livre posthume d^un littérateur justement regretté. C'est une suite de souvenirs notés par l'auteur, pendant sa longue carrière, sur des personnages très connus avec lesquels il s'était trouvé en relations amicales ou littéraires. Balzac, Cha- teaubriand, Rossini, Gérard de Nerval et d'autres encore figu- rent en ce volume qui ne renferme rien de bien nouveau, et dont le principal intérêt réside en une série de lettres inédites.

— La Bataille littéraire y par Philippe Gille (Victor Havard). L'excellent critique du Figaro, nous donne, en ce deuxième recueil de ses judicieux articles, un fort bon chapitre de l'his- toire littéraire contemporaine. La période qu'il étudie (1879- 1882) est particulièrement intéressante en ce sens qu'elle a vu croître et s'affirmer davantage les écrivains nouveaux apparus au cours des cinq années précédentes. Réalistes et naturalistes, spiritualistes et romantiques, historiens et philosophes, sont groupés et caractérisés dans ces pages avec une sûreté de mé- thode, et d'appréciation qui fait grand honneur au sens criti- que et à l'aimable esprit de M. Philippe Gille.

— Bibliographie- gastronomique, par M. Georges Vicaire


308 LE LIVRE MODERNE.

(P. Rouquette). — Pour le coup, chers Bibliologues, voici du nanaiiy une production magnifique en tant que travail biblio- graphiquCy une œuvre délectable en tant que sujet. Jugez un peu I il s*agit ici, non pas seulement des vulgaires livres de cuisine, mais de cette innombrable variété d'ouvrages, en prose ou en vers, sérieux ou comiques, didactiques ou fan- taisistes qui, de près ou de loin, se rattachent à cette louable Science de Gueule^ si chère à Montaigne et à Rabelais, si pri- sée par tant de bons esprits de tous les temps. Savez- vous combien M. Georges Vicaire a su dénicher de productions curieuses, pour remplir les 900 colonnes de son superbe in-8®? Plus de 2,500, qu'il s'est plu à décrire avec une rigoureuse exactitude et à commenter en des notules sobres, mais sub- stantielles et pleines de saveur. Que d'introuvables raretés, valant dix fois leur pesant d'or, il a fait figurer en ce vaste répertoire I Que de farces plaisantes il nous signale, que de poèmes badins, que de précieuses plaquettes dont il a suivi les pérégrinations à travers d*incomparablesaiic<ib/i«.^ L'espace nous manque, et nous le regrettons fort, pour nous étendre comme il conviendrait sur cette bibliographie savoureuse, tirée, à notre avis, à trop peu d'exemplaires (avis aux ama- teurs!).

Ne la quittons pas cependant sans mentionner au moins une de ses plus singulières curiosités : Roli-Cochon^ ou mé- thode très facile pour bien apprendre les enfants à lireenlatiu et en français (Dijon, in-8° de 36 pages, vers 1696, avec figu- res). Dans ce livret bizarre « très utile, et même nécessaire, tant pour la vie et le salut, que pour la gloire de Dieu (sic) », les petits Bourguignons du xvir siècle s'instruisaient par des inscriptions moralement expliquées de plusieurs représenta- tions figurées de différentes choses de leurs connaissances. Exemple, page 15 : deux lignes, « Principibus servire et Po- pulo. — // sert aux princes et au peuple », servent de devise à l'image d'un délicieux jambon, que suit cette judicieuse ob- servation : « Le jambon de pourceau bien mayencé est bon à manger, mais non pas sans boire. » — C'est la grâce que je




PETIT QUÉRARD DES PUBLICATIONS RÉCENTES. 109

VOUS souhaite, lecteurs, en vous conseillant d*acquërir la cu- rieuse biblio^aphie de M. Georges Vicaire.

— A BibUogràphy of Tanisiay par H. S. Ashbee (Lon- dres, Dulau, — carte). L*auteur de cet important travail est bien connu des lecteurs de l'ancien Livre, qui renferme plu- sieurs articles de lui. Notre aimable confrère a réuni ici tout ce qui a été publié, livres, brochures, articles de revues ou de journaux, jsur la Tunisie, depuis l'antiquité jusqu'à la fin de 1888. Utique et Carthage, les guerres puniques, la domi- nation romaine, la conquête arabe, les expéditions de saint Louis et de Charles-Quint, enfin rétablissement de notre pro- tectorat, sont les principaux sujets des nombreux écrits con- signés en ce vaste répertoire, qui ne rendra pas moins de services à Thistorien et à l'archéologue, qu'à l'économiste et à l'homme d'État. Ce qui ajoute un surcroit de valeur à cette

  • étude, c'est que l'auteur en a recueilli sur place de nombreux

éléments, au cours d'un voyage qu^il a effectué vers 1887 et qu'il a raconté dans son i)eau livre : Travels in Tunisia.

— Ricordi Bibliograficif di Camille Raineri Biscia (Li- vourne, Francisco Vigo, 2 vol. in-8.) Ce précieux travail n'est autre chose qu'un catalogue raisonné de 1,935 ouvrages de valeur et d'importance, appartenant pour la plupart à la litté- rature italienne, catalogue rédigé dans le genre de la célèbre « Bibliothèque Poétique » de Viollet-le-Duc. A la suite de chaque description de livre, se trouve une notice plus ou moins étendue dans laquelle l'auteur, résumant ses impressions, a fait la critique du livre et consigné toutes les particularités bibliographiques intéressantes. Il aborde ainsi maints sujets, il élucide maintes questions controversées de littérature et d'histoire que, pour plus de commodité, il a méthodiquement classées dans un index final. Il n'est pas besoin de dire quels services peut rendre un tel ouvrage non moins à l'histoire lit- téraire qu'à la science bibliographique proprement dite.

Mentionnons encore deux publications, l'une fort utile :

I. 14


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|>é«cé «CT L» libres et Les ^âasr^ ^ ses ait£3


— La C^tmp^q^u ypAij f^jts et ptys^us, par Eo^ne Noël, Tanenr^. CLarmaste réizipe«stsi%xi, îllssirée de jolies vi-

gDelUs, d'un lirre pam po3r la preciiêre fois depuis bientôt trente ans. L'auteur j retrace arec beaucoup dliumonr et de bons sens les mœurs rustiques ei vise à ce double but : faire aimer la campagne par les habitants des villes, la flaire aimer surtout par les paysans.

— Le Comte (F Orsay. Physiologie (fan roi de U mode^ par le comte G. de Contades (Quantin), — portrait, — délicieux volume, luxueusement édité et tout à fiiit digne de la maison de la rue Saint-Benoit. Cette biographie du roi des « Lions », le successeur et Témule victorieux du beau Brummel, est un fort piquant chapitre de la « petite » histoire de ce siècle. — Qui pense encore aujourd'hui à ce fashionable raffiné qui fit loi


PETIT QUÉRARD DBS PUBLICATIONS RÉ;GENTES. 211

dans le beau inonde ? D*où lui vint Tempire qu'il exerça sur toute une génération ? Pourquoi niéritait-il à certains égards d'être tiré de l'oubli? C'est ce que nous explique très bien M. le comte de Contades dans cette agréable étude qui fera bonne figure, sur les rayons des bibliophiles^ près de l'élé- gante plaquette que le regretté J. Barbey d'Aurevilly a con- sacrée jadis au Dandysme et à G. Brummel,

— Du faubourg Saint-Germain en Fan de grâce 1889, par le comte Léonce de Larmandie (Dentu). L'auteur de Y « étho- pée » intitulée la Comédie mondaine (voir Patricienne, Excel- sior, Pur-Sang, etc.), entreprend ici une « étude physiolo- gique et documentaire » de la noblesse contemporaine ; c'est une œuvre « d'apologie et de glorification » inspirée par des sentiments respectables ; mais vraiment l'auteur se ' montre bien peu tendre pour les* simples bourgeois actuellement aux affaires.

— Le Gai Conscrit (Jouaust) mérite de prendre place en tête de ces Afiïiïarîarta que nous prodiguent les romanciers; c'est jm recueil humoristique de silhouettes du tirage au sort et de la revision, suivies d'un petit manuel pratique du conscrit, d'après la nouvelle loi militaire.

— En pays envahi, par M"»* Pauline Drouard (Savine), est une affligeante étude sur les désastres de 1870-1871.

— Le Testament d'un musicien (Fischbacher) se compose de souvenirs recueillis par M. Arved Poorten, maître de cha- pelle à la cour de Rusde.

— La jolie « Édition définitive » des Œuvres de Victor Hugo (Hetzel et Quantin) s'enrichit de deux nouveaux vo- lumes : Actes et Paroles, Avant Vexil, recueil des manifesta- tions politiques de Fillustre écrivain, de 1841 à 1851.


ii Li: I-ttilX it oI'UKfi:.


— ISiiiif {*ui'*iiii£. v^^v ÀSS' vmt^. QBm: if domaine des ffiu^T^ d'nnarinaiiLir : maH- il nouf haA JxmrtùtBr d'mK telle aliurt Qi]^ UDu^ zr^^DHf h peme le lençiF el ia plaoe naces- iku^'ef p:iur caïaïupier re(^ apHiwiiW prndiicûans. SsEryons

— -Lw O'mpci . par M. Puni Ver ai*. r^aiiQilair d'éditiaiL, j4 rut rluif^-r^. iuxueia vuiumf 6± i)iiiii:iTîiiiie BbnndamiiiBiit iliuslrt ùt vàiarmairib aessiTTf àt J . ViLfîi^Lsrp ei plu5 délicieiZK ■eiifjrf ;mr i^ piecret rî^ruif*» m: il rtairerme. La meillenre, peUi-«lrt. «ïî it }«"u: prHTme ot Ci^arxsr. ainsi intitulé du n'Jir àt ceriait TÎliiurt T»«rdr dimf il mur lame nirnise. L'as- t*"ur T èv:»cnie etuc ux litieuàrifsennEnl mèltte dlunnonr ei iiurijit- d lait luTf TihiirM^niiîuf , jw- TÙuf -rife. «nrrvenirf: de son ■eiiiioiot. Gt n:»ns^ est ut vra: crpT-fr-casur df x'er pcan'oir idea cner. inine dt jCai'e.

— L C^àtm* êLur.rof. prcŒEiere parue des SîenJcs laartg Xi CmeiLiy par li. it Ti:ï:ini:« de Gnfsme^ sf compose, camne If '{^^ prepwnîjr ±t "lilre^ de juerï» esmjireinifif dîme laoAe j»hIj:»sc»jiLJi-. traidiLiMe ce tctf iusn îrtjïpeîu


Litsut-TTc ii:»uf c«£rrrî Tiiit i.Tmi.iùe vETifii- de p:ièsie« mf^»- ?


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— Jduder Miarir-f^ pc JL. J. &rTr-R:«paîti Ijemarrp), ierme iiDe f<érif de xûto» c»«. Trc refirMrre les çBhliLès habk-


— Ki^f^rretz^i^n. 5:-r?>r»:»ï^««f ' de M. G. CA^urel (01-

ic*rii:»rJ. €s4, le tilre rin£-f:ji» f:; re«Ce. ïlt i«icaie£ de poésies


— La MutardÎKt, par IL Eùbacod R:isijwl JjeHvrre)» sai-eot passer da pare aa i:4LX« et s Tco est fteatê de s*at-


PETIT QUÉRARD DES PUBLICATIONS RÉCENTES. 213

trister aux mélancolies des Songe-creux^ on finit par s'atten- drir aux vers charmants du Livre de F Aimée.

— La Chanson de l'hiver (Lemerre), recueil tour à tour sérieux et fantaisiste, pai» l'excellent poète M. Antony Vala- brëgue, nous offre une suite attrayante et variée de croquis intimes et bien parisiens.

— Enfin, Récits et Légendes (2« série, Retaux-Bray), de P. V. Delaporte 5. /., se composent de poésies, plus édifian- tes que Récréatives, «k l'usage des jeunes gens ».

ROMANS — NOUVELLES

C'est ici qu'il faut redoubler de concision si nous vou- lons parvenir à réunir dans notre catalogue toutes les fictions romanesques que nous a prodiguées février. En voici vingt, ni plus ni moins, que nous devons nous borner à décrire en en indiquant, d'un mot, le caractère. « A tout seigneur, tout honneur », la première place revient de droit à

— Toute une jeunesse, de M. François Coppée (Lemerre). On a soupçonné dans ce livre un essai d'autobiographie et l'auteur a pris soin de repousser cette supposition en décla- rant qu'il n'y a rien de tel. Il avoue seulement que son héros Amédée Violette, « personnage imaginaire dans une action imaginaire, sent la vie comme il la sentait lui-même dans son enfance et sa jeunesse ». S'il faut émettre un avis sincère, il ne semble pas que cette production, très curieuse et passion- naùte pour qui aime l'auteur, — et il n'est pas besoin de le dire, profondément honnête, — soit la meilleure œuvre de l'éminent écrivain. Ce livre sent le froid mélancolique de l'automne, sur- tout étant dépouillé des jolis dessins qui accompagnaient le récit quand il parut tout d'abord dans le journal V Illustration, Le poète Amédée Violette, ce beau caractère, cette âme tendre et concentrée, ce sentimental aigu, nous touche moins par la peinture de ses douloureuses désillusions, qu'il ne nous


214 LE LIVRE MODERXE.

étonne finalement par le pesaznisnie que Ton dégage de sa ré- signa tion. Maïs G^ppée se tronve tout entier dans ce livre, le cher François Coppée Rive-gaodier ParisieiL des heures du siège et d'après la Q>mniane, et c'est plaisir à nous de suivre ce cher compagnon dans tout ce passé qu'A évoque avec sa magie de poète qui sait voir et exprimer ses viâons avec un art de conteur ravissant.

— Les Fictions^ par M. Léon Allard (Charpentier] semblent, dans leur genre, une œuvre plus réeOement poignante. Ce n*est plus seulement sous le poids des douleurs d'ordre moral que se débat lliumble professeur Manoury ; tous les fléaux de la vie semblent ligués pour Fécraser. Quoi de plus émou- vant que la lutte de ce savant méconnu contre les jalousies et les haines, contre rhorrible misère, contre Tincessant supplice que lui inflige Tétroite méchanceté de sa femme, Tacariâtre bigote qu*une tendre pitié lui a fiadt tirer de la détresse, — quoi de plus navrant que ce ipèr^ si cruellement éprouvé? Qu'on lise ce livre pour apprendre ce que peut une âme bien trempée pour résister aux pires suggestions et pour demeurer droite, alors même qu'elle sait n*avoir d'antre fin à attendre, comme le pauvre Manoury, qu'une mort solitaire sur un misé- rable grabat.

— Comme dans /a vîie, deuxième partie de Un monde qui s*en va (Ollendorff), par M. Albert Delpit, est un roman d'al- lures philosophiques, reposant en partie sur les principes de récole darwiniste. L'étrange héros du livre y commet force crimes avec sérénité ; c'est un vrai struggle-forlifenr à qui tout réussit à merveille, jusqu'au moment où, enfin éclairé par le tardif éveil de sa conscience, il se châtie lui-même par le suicide. Quant au style, dame! c'est du Delpit I

— La Confession d'un fou (011endor£f), par M. Léo Tré- zenik, ressortit également à l'étude psychologique, et nous n'hésitons point à dire que c'est une des productions les plus attachantes qui aient récemment paru. Cest le journal d'un


i


PETIT QUÉRARD DES PUBLICATIONS RÉCENTES. 215

homme instruit qui , se sentant menacé par la folie, entreprend de retracer pas à pas la marche de sa déchéance intellectuelle et psychique. L'abolition progressive de la volonté, le dédou- blement, l'hallucination, sont décrits ici avec une rare préci- sion.

— Le Termite^ de M. J.-H. Rosny (Savine), est un « ro- man de mœurs littéraires » tout à fait étonnant comme con- ception et plus surprenant encore au point de vue du style. Et dire que l'auteur a dû sertir tant de talent avec un effort visible pour mettre au point cette œuvre peu recréative I Que n'en est-il resté à sa première manière, aux étydes conscien- cieusement fouillées telles que Nell Horn et surtout Le Bila- téral, ces livres qui avaient fait concevoir, parmi les délicats sur l'avenir littéraire de M. J.-H. Rosny, des espéraoces dont, nous voulons le croire, la réalisation ne peut être qu'ajournée.

— Cœurs inquiets (Calmann Lévy), par M. J. Ricard, nous ramène avec charme à des scènes plus douces, à une littérature moins surchauffée. C'est l'éternelle histoire, mais combien rajeunie et délicatement agencée I de l'homme qui néglige le bonheur vrai qu'il a sous la main, pour s'attarder aux attraits factices d'une liaison « troublante » où les sens et l'esprit ont plus de part que le cœur. Le héros de M. J. Ricard sait heureusement se délivrer de la tyrannie de la maîtresse pour se soumettre au joug plus légitime de l'épouse tendre et dévouée.

Mais nous n'en finirons pas, si nous allons de ce train ; résignons-nous à citer en bloc les autres œuvres romancières, sans nous arrêter davantage aux livres du genre estimable, qu'à ceux dont, suivant l'expression consacrée, « le besoin ne se faisait pas sentir ». Ce sont donc : Un Mystère (Pion), roman honnête et habilement conduit par M™" Henry Gré- ville; — Rivales/ (Calmann Lévy), histoire d^une femme abo- minable conmie épouse et comme mère, par M. Paul Labar- rière; — Le Docteur Frank (G. Carré), par M"' A. F., œuvre d'un genre nouveau et qui parait tracer un bel avenir


216 LE LIVRE MODERNE.

au « roman pharmaceutique »; — Les Nœllet{CaimannLévy), étude intéressante, par M. René Bazin , qui a encadré une attachante histoire dans des scènes de mœurs de la vie rurale ; — La Peau (V. Havard), production pimentée, de M. René Maizeroy; — L'Absente (Savine), œuvre molle par le fond et la forme, de M. Adrien Remacle ; — Biribi (Savine), peinture très poussée au noir de la vie militaire, aux « compagnies de discipline », par M. Georges Darieu ; — Le chemin de Mazas (Calmann Lévy) histoire de deux fieffés coquins, par M. Edouard Cadol; — Mam'zelle Quinquina (OUendorff), lamentable histoire d'une fille de brasserie, par M. François Oswald ; — enfin deux romans anglais : L'Irlande il y a qua- rante ans (Hachette), épisode de l'insurrection irlandaise de 1848, par Miss Annie Keary ; — et Rachel Ray (idem), inté- ressante peinture de la vie de province, en Angleterre, par Ant, Trollope,

Signalons, en outre, trois recueils de nouvelles : Cœurs à part (Charpentier), études psychologiques fort curieuses, par M. Abel Hermant ; — Les Décembristes (Savine), fragments d'une œuvre inachevée du comte Léon Tolstoï , et contes d'Amérique (Lemerre), récits pleins d'humour et d'originales excentricités par M. Louis MuUem.

— Hé bien, à la légère et tant bien que mal, voilà qui est fait. — Nous avons réussi à caser tous nos hôtes dans notre « Petit Quérard », auquel il ne manque pour mériter tout à fait son titre que de parler des livres de Droit et de Sciences. Nous y reviendrons, en signalant les quelques ouvrages de cette nature qui peuvent intéresser les bibliophiles. En atten- dant, nous nous bornerons à vous indiquer une œuvre qui n'a pu trouver place sous les rubriques précédentes. Elle appar- tient à la fois à l'étude scientifique et à l'art dramatique, comme l'indique son titre : la Science au théâtre (Tresse et Stock, 2 vol. in-18), par M. Louis Figuier, l'un des initia- teurs de la presse scientifique. Le savant écrivain, qui a tant contribué par ses excellents livres à vulgariser les acquisi-


PETIT QUÉBARD DES PUBLICATIONS BÉCENTES. 317 lions et )es découvertes de la science, a, depuis des années, eu l'ingénieuse idée de la populariser par le Théfilre, on peut dire même que cela a été le rêve de toute sa vie. C'est ainsi qu'il a composé un certaia nombre de comédies et de drames (dont plnaieuro ont, non sans succès, affronté les feux de la rampe), qu'il réunit ici pour le plus grand profit de ceux qui veulent se récréer et s'instruire. Liseï ces pièces, Gutenberg, Papin, Kepler, etc., où sont merveilleusement exposés les origines ou les progrès des plus hautes conquêtes du génie humain, et vous reconnaîtrez que M. Loub Figuier n'a pas moins bien mérité des Lettres que de la Science.

Sur ce, Je prie l'ombre de Quérard de nous avoir en sa sainte et digne garde pour nous être tenu dans ce catologae ultra-moderne, à l'abri de son nom vénéré. Puissent Louandre et Boorquelot et Otto Lorenz n'en être point jaloux!

C'est égal, que de livres en un mois I — Devant cette foule de talents, le plus ardent liseur doit renoncer à se maintenir au courant et le rdle du moniteur bibliographe est des plus ardus. Il est aussi malaisé de bqnjourer au passage tous les nouveaux venus, qu'il est impossible au plus vert galant de France de faire une politesse aux innombrables jolies filles écloses chaque matin à l'aurore de l'amour.

Le critique n'a qu'une plume ! l'amoureux n'a qu'un cœur I

F. DE TBOYES.


L'INVENTION


BOITES -S-UX X^E-rOMiES


TITS DOCUMBNTS LITT^BAIRES.


E n'est pas, — en dépit du jeu de mots, — s'écarter de l'bistoire des lellret modernes que de rechercher l'origiDe de ces dépAtsii missives qui, chez nous, affectionnent les devantures des marchands de tabac, égale- ment marchands de ' timbres-poste, et que Anglais aiment à disposer le long des trot- [-S dans des cylindres de bronze semblables à icanons posés de champ sur la gueule, qu'ils appellent des pillur-boxes. — Ils rendent assez de services journaliers à la presse et à la littérature pour qu'on les consi- dère comme un des plus utiles instioiments de nos manifesta- tions intellectuelles.

Le journal des curieux anglais, Notes and Queriet Çl dé- cembre 1889), rappelant que la poste aux lettres à deux sous avait été inaugurée h Londres par le tapissier Robert Murray, en 1685, fait remarquer que, plus de trente ans auparavant, un système de bottes avait été organisé à Paris, grâce auquel


L'INVENTION DES BOITES AUX LETTRES. Î19

les lettres étaient distribuées dans toutes les parties de la ville, à raison d*un sou pièce. Il cite à Tappui un édit de Louis XIV qui se trouve dans le Recueil d'Isamberi, mai, 1653, tome LUI, p. 307, et dont voici les passages les plus plus caractéris- tiques.

I

a Louis, etc. — Considérant que la grande étendue de notre bonne ville de Paris, et la multitude des personnes qui la composent, cause beaucoup de longueurs et de retardements au nombre infini des affaires qui s'y traitent et qui s'y négo- cient, nous avons reconnu qu'il étoit nécessaire d'apporter quelques ordres particuliers afin d'en avoir une plus prompte et diligente expédition, et après avoir examiné plusieurs pro- positions qui nous ont été faites sur ce sujet, nous n'en avons point trouvé de plus innocente pour les particuliers, ni de plus avantageuse pour le public, que l'établissement de plu- sieurs commis dans notre dite ville de Paris, lesquels étant divisés par quartiers auront la charge de partir tous les matins, et de prendre chacun dans un bon nombre de boêtes qui se- ront mises en différents endroits desdits quartiers pour la commodité de tout le monde, les billets, lettres et mémoires que l'on est obligé d'écrire à tous moments et à toutes ren- contres, et de les porter dans une boutique ou bureau qui sera dans la cour du Palais pour y estre délivrés par ordre de quartiers et rendus par lesdits commis sur-le-champ diligem- ment et fidèlement à leurs adresses.

« Ainsi l'on fera plus d'expéditions et de diligence en un

jour que Ton en peut faire à présent en une semaine entière

Les habitants de Paris pourront facilement communiquer entre eux, tandis que jusqu'ici on avoit plus facilement des nouvelles de ceux qui habitent les provinces que de ceux qui sont dans les quartiers éloignés. Enfin, cette disposition sera surtout avantageuse au marchand qui ne peut quitter sa bou- tique, à l'artisan qui n'a rien de si cher que le temps de son travail, à l'officier, de quelque condition qu'il soit, qui, du- rant l'assiduité à son exercise, ne le peut abandonner.


MO LE LIVRE MODERNE.

Loret paraphrase plaisamment cet édit dans sa Gazette :

On va bientôt mettre en pratique^ Pour la commodité publique, Un certain établissement (Mais c'est pourParis seulement) De boetes nombreuses et drues Aux petites et grandes rues, Où, par soy-mesme ou son laquais. On pourra porter des paquets, Et dedans à toute heure mettre Avis, billet, missive ou lettre, Que des gens commis pour cela Iront chercher et prendre Là, Pour d'une diligence habile Les porter par toute la ville, A des neveux, & des cousins. Qui ne seront pas trop voizins, A des marchands, à des marchandes, A des galands, k des galandes, X A des amis, & des agens,

Bref, à toutes sortes de gens. Ceux qui n'ont suivans, ni suivantes, . Ny de valets, n'y de servantes. Ayant des amis loin logez, Seront ainsi fort soulagez ; Outre plus, je dis et j'annonce Qu'en cas qu'U faille avoir réponce, On l'aura par mesme moyen. Et si l'on veut sçavoir combien Goûtera le port d'une lettre (Ghoze qu'il ne faut pas obmettre) Afin que nul n'y soit trompé, Ce ne sera qu'un sou tapé.

Malhem*eusement le service ne fut organisé que dans l'or- donnance ; Furetière prend le soin de nous dire, dans son Roman bourgeois, que les lettres n'arrivaient jamais à leur adresse ; et quand on ouvrait les boîtes, on n*y trouvait que des souris, que de mauvais gamins y avaient fourrées.

Ce ne fut que plus d'un siècle après que M. de Ghamouset établit la petite poste, et nul ne se souvenait alors de la mal- heureuse tentative de 1653.


LE PETIT TÉLESCOPE LITTÉRAIRE


Las douze Candidats de l'académie


odzb!... tous avez bien lu... ils sont douze I — Douze comme les apôtres, douze comme les mois, douze qui veulent i'encoapoler ea face du pont des Arts. Avant que onze d'entre eux ne succombent, passoDS-les eo revue, ces gladiateurs des arènes de l'immortalité. — Les voici al- phabétiquement classés :

— Barbier (Jules). A gagné bien des parties à la roulette dramatique avec le double zéro, — a rencontré toutes les heureuses fortunes de la médiocrité, mais n'a point su doter ses rimes en détresse, pauvres filles sans contour, sans tiratcheur et sans, flamme ! — Les Quarante se souviendront de leur collègue d'hier, l'auteur des lambet, et ils ne voudront point que Jules puisse être confondu avec Auguste. — Celui-ci fut César une heure, celui-là ne le sera jamais. — L'Opéra-Comique doit sufBre à sa gloire.


333 LE LIVRE MODERNE.

— Becque (Henri). — Je sais bien qu ila fait la Parisienne, les Honnêtes femmes, Michel Panper^ et qu'il passe pour un de ces hardis novateurs auxquels nos contemporains réservent toute leur indulgence, comme à tous les incomplets des arts et des lettres ; mais là, voyons, vraiment, entre nous, — bien que Villon ait dit : // n*est bon Bec que de Paris, — voyez-vous bien les palmes vertes sur ce corbeau pervers aux ailes coupées ?

— Brunbtierb (Ferdinand), académicien de la fondation, école de Conrart, moins le silence, — ce n'est pas un homme de lettres, c'est un régent de lettres, — les grandes traditions des belles phrases et de la pure rhétorique. Aloeste de notre siècle et Philinte de la Société polie du xvn* ; passera cette fois ou une autre au nombre des quarante comme un décret fatal du destin. — Mézières et Mazade en jureraient.

— Fabre (Ferdinand). UAbbé Tigrane lui a donné les indulgences plénières aux yeux des vrais lettrés. Peu bruyant, modeste, vivant loin des réclames et des basses confréries, il est de ceux qu'on respecte pour le respect qu'ils accordent eux- mêmes à l'art. Trop silencieux peut-être. Les immortels don- nent parfois leur voix à ceux qui font sonner dans leur propre organe avec la plus haute vibrance le la dièze de la vanité triomphante.

— HoussAYB (Henri). Un Grec attardé qui a écrit l'histoire d*Alcibiade avec la sagesse et l'éclat d'un Périclès. Auteur d'un 1814 très supérieurement documenté; il apportera dans rhémicycle de l'Institut la coquetterie de sa blonde barbe d'Apollon et l'élégance de ses manières délicates. Très biblio- phile ; avant d'être des Quarante, il a tenu à faire partie des cinquante, c'est-à-dire des Amis des Livres, Est également membre de V Académie des contemporains, — Vient de faire pa- raître Aspasie, Cléopàtre et Théodora, trois divines de l'his- toire que l'auteur de tArt français pendant dix ans a voulu mettre comme atouts dans son jeu, avec une malice qui n'a


LE PETIT TÉLESCOPE LITTÉRAIRE. M3

d'égale que la façon exquise dont il nous a présenté ces trois voluptueuses maîtresses de notre imagination.

— Loti (Pierre). Mon frère Yves guette à la porte et fait les visites. Julien Viaud n'attend qu'un signe et reste en croisière ; soyez sûr qu'il pourra évoluer et aborder habilement, en faisant mine de se laisser imposer la quarantaine au Lazaret de Mazarin.

— Manuel (Eugène). Auteur des Ouvriers^ ce Manuel Ao- ret de la poésie sensible. Candidat à vie ; ne craint plus le microbe du ridicule et fait toujours échec et mat la voix de Jules Simon, sa victime.

— Nauroy (Charles). Un obscur directeur du journal dé- funt le Curieux (1884-1885). A laissé deux livres, l'un sur la Duchesse de Berry, l'autre sur Louis XVII.

De la dépouille de Nauroy Avril va joncher la terre. Le vote sera sans mystère, Et le Curieux en désarroi.

— RegnauLt (A.), de l'Académie de Lyon. — Ombres et mystères ! Évoque des souvenirs plus pectoraux que littéraires.

— Thburiët (André).

J*aime tant ses romans, le soir au fond des bois I

— Thureau-Dangin. La tireuse de cartes de la rue de la Fidélité affirme le succès de son élection. Dans les séances de spiritisme, les ombres de Thiers et de Mignet s'agitent en sa faveur, et les crayons mystiques laissent des traces versifiées semblables à celle-ci : ^

Par la foudre frappés quand les Mnes succombent, Il salue en pleurant leurs débris abattus ; Car il aime à chanter les monuments qui tombent. Et les héros qui ne sont plus. *

— Zola (Emile). <( UAcadémiey écrivait il y a neuf ans l'au- teur des Rougon-Mâcquart, a perdu depuis longtemps toute


SM LE LIVBB HODEBNE.

action air W beUe^leUres. Chique aimêe, die ae contente de

distiibser de? prix àe liltà-atnre, canme on distribue des prix de ssinleté àâiif le? convenu aox fJits sages et anx pins reli- gieux, n en de* anur-e* ou 3" on penl croire qu'elle n'existe plnf, tant elle parut morte. Ponitant b gloriole pousse encore nos êcrirains â s* parer délie comme on se pare d'an ruban I » — Après cela, j'ai ccmme idée que Z<Aa ne se présente chei les immort^lf que pc-ur être reloqué. D brûle du désir de po- 5^ devant la po>lérit^. arec Molière, Balzac, Baudelaire et Gantio-, parmi le? frrnies qui se sont vu fermer la porte an Dcz. Je croîs bien qu'on lui iaeililen ce r&Ie. D serait cepen- dant bien spirituel de le recevoir. Il y a tant de mois dans le Dictionnaire en ccurç d'élaboration gavant d'arriver au W) dont Zola seul parait susceptible de dégager toute la lleur de quintessence!


CHBONIQUE DES SALLES DE VENTE


icBOS osa DSBHlftmBS BNCBftsBS


B grand événement du mois est la vente Marquis. Ce chocolatier était un collection- neur polyphile. Nous n'avons pas k parler des curiosité mobilières dont il avait dé- coré ses appartements, et qui, dispersées aux enchères, ont produit, avec des surpri- ses de plus et de moins-value, des sommes fort rondes que tes journaux ont enregistrées. La bibliothèque est ledernier mor- ceau de ce long festin offert aux amateurs. A peine la venteen estr^lle terminée. Aussi attendons-nous la dernière minute pour en signaler les incidents.

Du 10 au 12 février, le Ubraire A. Durel a procédé à la vente d'une bibliothèque moderne composée par un industriel en chaussures qui ne croyait pas fait pour son usage le pro- verbe : Ne ultra crepidAm, II avait réuni la plupart des édi- tions de vrai ou de faux luxe dont des hbraires de toute caté- gorie, depuis les fins artistes jusqu'aux fabricants de camelote, ont, depuis vingt ans, encombré le marché. Mais ce qui


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dofiiidit un attrait particulier t m coliccuaL. '/était i* n

t4.';(ttf. da<juaf filet et de densii»' ori^nnnBL. Ncras àM£Tfm>-sat- li'fjiiMit quW^jue^uzif def principaux omrra^e^ avec i& tunt:- j/f iiL fi'Uiifb nuilh Si ont du qu a Àeinr


N"^ 2. — About, Le nez d'un notaire ']^^v svcc 3£ jon»- i«'Jl«'» **( .*> d<'^t^in« il la plume, par A. Soimier : 8. ir.

N"" 'JfJ. — BaJxac, Le colonel Chuberî ]*<N'^..ex. sirJaiian. M v<m; ^r^ ««luarif^Uett de H. de 5t£ anr lef Twrryef : iUfi fr.

N" *^>, — hiès\>ey d'Aure^'iUr. X«e Chevalier des Tamheg (lt\f, iU*it l/iMiopbiletf, ÏH^^ %•)'> anrpvnd pqiisr de iuù- ItttuU*, av<*c 4^> aquarelles, par A- Bliprr: 1 W» fr.

,%•' <H, - - Claretie, JLe dr^peëja 18§C., «nr Japon, a^œc 3? ttqiiijrf !!<'« d(f A. Klij^ny sur les marre§: Iî4.r) fr.

N" 'n\K - G'iftbe, ViVr^Acr lib. def hibliaphiteB, 3f«6. ^i|^.JMVi'<' <^) iU*hm\n et aquarelles de EL Bernssii : IM' h.

l«ii uiïmé*.vii «uivanti /a FfZfe jE'Itca 'l^CT.. bien qu'omê df 1 10 ^<>lMpo^ih'i>nM d*J^gard Vial, n^a pas dépassé 7^ fr.

N " •iUi. MuupaHHant. Bel' Ami (1885 . 44 cançositians ilu A. NoMiiidr; 120 fr. MontOriol^ arec 77 aifiiarelief ist 1<^ ibibcfiiitt k lo pluma (N" 325), par Jolet Lon^nefn a éiè adietc 100 fi .

N" 401.— Sumlaau. Un débaldên» U nugistnimn ISïC diir Jrt|)iiMi 25 Hi|iiar»IleM de H. deSta: 151 fr.

N' \nl, Slttrufl. Voyage senlimenUl, édition Lainetle (|ni(), iiVMii utia double Ruito des illustrations de Maniîoe I i:|»itr ni iiiiti mpuirc^llu originale et inédite du même artisie:

N» ^n7. - Thaurlc^t. Nos oiseaux (Launette, 1886}; ex. «Ml iluptin, rtMto (louhid Nuito des illustrations de Giaoomelli, »>l MMit Mi|M(U't»ll0 orliniuAlo par Hllustrateur : 327 fr.

\\\\\\ I0 iomIu iiVhI V(MuIu k dos prix bien inférieurs à ceux ilo Im iuUo (Mt mmU«v SouIn Ic^k livres en condition spéciale de |Mt|iUMN \\\\ %\\\ mmMoh dfi ligures so tiennent un peu. Une suite


LA CHRONIQUE DES SALLES DE VENTE. 327

des illustrations de Paul Avril pour V Éventail en épreuves sur Japon (N"" 519} a été achetée 140 fr. par le libraire Pellet. Le numéro 168, qui a atteint le chiffre le plus élevé: 1,050 fr., est un exemplaire sur Japon, avec double suite, de V Armée fran- çaîsCy texte par J. Richard, types et uniformes par Ed. Détaille (Boussod, Valadon et 0«, 1885-1889, 2 tomes in-fol ).

Le lendemain de cette vente, 13 février, M. Durel offrait aux enchères^ dans la môme salle de Thôtel Drouot, des livres provenant de la bibliothèque de M. G. de B., pseudonyme genre de Bruxelles sous lequel les initiés lisent le nom du li- braire Deman. Beaucoup de livres modernes, la plupart sans grand intérêt, quelques-uns avec aquarelles ajoutées, comme le Drapeau, de Claretie (N® 45), qui a atteint 232 fr. avec 3 états des planches et 4 aquarelles de H. de Sta, le Paal et Virginie (N^ 164), édition Launette, sur Japon, avec cinq suites et une aquarelle de Maurice Leloir, payé 360 fr. ; un Voyage sentimental (N® 170), dans des conditions analogues, relié sur brochure par ChamboUe-Duru, que M. Rondeau, le successeur d'Aug. Fontaine, s'est fait adjuger à 320 fr. après avoiracheté 300 fr. le Manon Lescaut (N^ 156).

Les livres à figures du xviii* siècle étaient en bel état et ne se sont pas vendus cher ; le grand engouement est décidé- ment passé. Exemple: N*' 2, Almanach de la Révolution de Rabaut, sur papier vélin, avec figures avant et après la lettre, dans une belle reliure de Chambolle-Duru : 90 fr.

N«63. — Lettres A Emilie (Renouard 1801), mêmes con- ditions : 145 fr.

N®71 . — Les quatre heures de la toilette des dames (1779) ; papier de Hollande, non rogné : 90 fr.

N® 91. — Lettres d'une Péruvienne (1797), grand papier vélin, 3 états des figures et les dessins originaux : 1 1 1 fr. et ainsi du reste.


228 LE LIVRE MODERNE.

Quelques livres anciens intéressants n*ont pas excité de grandes convoitises. C'est ainsi que M. Rondeau a pu avoir pour 75 fr. la Cosmographie d'Appian (Anvers, 1544, in-4**), et M. Belin le Jardin d'Hyver de J. Fresneau (Douai, 1616, in-4**), pour 42 fr.;Un Régnier des Elzevier (1652), en maro- quin, et haut de 121 millim. n'a trouvé acquéreur qu*à 14 fr. Un Bruscambille, édition de Rouen, 1635, relié par Bradel- Drome, a péniblement atteint 28 fr. ; les Contes et Discours bizarres de Cholières (A. du Breuil, 1610), dans une reliure de Gapé, 22 fr. ; le Boileau de David Mortier, 1718, 2 vol. in- 4® avec le portrait de Gunst et les figures de Picart, 11 fr . I

En revanche l'édition originale d'Une vieille maîtresse (Gadot, 1851) 2 vol. reliés en maroquin, par Ëelz-Niédrée, avec les couvertures et une lettre autographe de Barbey d'Au- revilly, a été achetée par M. Durel 84 fr.

Notons pour nos lecteurs anglais et américains un exem- plaire de la seconde édition du Hogarth lUastrated (London, Brydell, 1793-1798), 3 vol. gr. in-8S ornés de 133 planches qui s'est vendu 40 fr.

Nous arrivons aux gros morceaux de la vente Marquis, faite par M. Jean Fontaine du 24 au 28 février. Le catalogue, dans un bel ordre classique, bien que certains' ouvrages figu- rent dans des sections qui ne sont pas les leurs, bien imprimé, donne, avec une sobre exactitude, le signalement et l'état ci- vil de ces livres, dont la plupart ont une histoire.

Les vieux livres à gravures sur bois avaient, dans cette vente, quelques représentants d'élite qui ont atteint de hauts prix, la place nouff fait défaut pour les citer.

L'exemplaire des Lettres de saint Augustin (Paris, J. B. Goignard, 1701, 6 vol. in-8®), aux armes de M*"* de Ghamil- lard et qui avait successivement appartenu au baron J. Pichon et au baron de La Roche Lacarelle, a été vendu 6,800 fr., {n? 19) ; ce même exemplaire à la vente Lacarelle (n® 36 du catalogue) s'était vendu 9,000 fr.


i


LA CHRONIQUE DBS SALLES DE VENTE. 259

Un Examen du prince de Machiavel, Londres, G. Meyer, 1741, in-S** {n? 56), a dû sans doute son prix de 700 fr. à sa belle reliure aux armes de Turgoi, œuvre de Dubuisson.

C'est aussi la reliure, très beau spécimen du talent de Le Gascon, qui aura fait vendre 1,705 fr. les Cinq livres de Pimposture et tromperie des diables, Paris, Jacques Du Puys, 1567, 2 vol. in-8® (n« 86), ouvrage très peu connu d'ailleurs.

Les grands livres d'estampes ont été chaudement disputés. Les deux plus importants étaient (n<* ^67), la collection des costumes, gravés par Delaucourt d'après Vernet (Paris, Bauce, 1814-1818 in-fol.), qui a atteint 2,705 fr., et les trois suites (n* 165) d'Estampes pour servir à l'histoire des mœurs et des costumes des François, par Freudeberg et Moreau (1774-1783, 3 tomes en 2 fol. in-8»), qui s'est vendu 14,800 fr. Il est vrai que les estampes y sont avant la lettre, et que cet exemplaire, dans des conditions extraordi- naires de fraîcheur et de reliure, s'était vendu 10,700 fr., à la vente Béhague (n« 333 du catalogue).

Citons encore, dans cette section, le n» 168, le Bon genre (Paris, 1827, petit in-fol.) rare et curieux recueil satirique de modes et de costumes, vendu 1,745 fr.

M. Marquis avait une jolie série de livres de cuisine, avec les traités sur le café, le thé et le chocolat, comme il convient. Un Taillevent, Paris, G. Nyverd, petit in-8® goth., prove- nant de la bibliothèque Bourdillon, en passant par celles des barons Pichon et La Roche Lacarelle, en faisaient la gloire (n» 189). M. Morgand Ta conquis au prix de 1,580 fr.

Parmi les ouvrages classiques, les Métamorphoses d' Ovide , de l'abbé Banier (n<> 221), exemplaire aux armes de La Mothe de Dreuzy, avec épreuves avant la lettre, et, pour le Jupiter amoureux d'Io et la Diane au bain, en double état, a été adjugé à 13,000 fr.

La collection des poètes et auteurs dramatiques français


230 LE LIVRE MODERNE.

du xn« aa xnn* sîède élail assez remarquable. Nous enregis- trerons les enchères les plus importantes :

N« 311. — Corneilley en éditions ori^nales, 1644-1652, 3 vol. petit in-12, provenant de la bibliothèque Didot, a été acheté 1,660 fir., par M. Porquet.

>• 314. — Moiiere, Est. Lojson, 1666, 2vol. in-12 : 1455, à M. Durel.

X» 316. — /îacûie. Cl. Baii>in, 1676, 2 vol., avec un troisième volume composé d*Esther et d'Athalîe, Denys Thierry, 1689-1692 : 990 fr.. à M. Morgand.

N^ 271. — Le myosotis d^Hégésippe Moreau, Paris, Deses- sart, 1838, gr. in-8* dans une délicieuse reliure de Guzin, avec 110 dessins à Taquarelle de Giacomelli : 5200 fr., vendu à Morgand.

Les romans et contes n'étaient pas moins bien représen- tés, à commencer par les Pastoraks de Longus, en grec, édi- tion Pierre Didot, 1802; exemplaire unique sur vélin, in- folio, tiré par Junot, duc d*Abrantès, avec les dessins origi- naux de Prud'hon et de Gérard, (n^ 326). Ce' livre princier s'est vendu 15,000 firancs. M. Paillel (Eugène) est l'acquéreur de ce livre admirable que feu Marquis avait payé 30,000 fr. , — très malin Paillet; combien le revendra-t-il?

N^" 342. — TélémAque, Florentin DelauLae, 1717, 2 vol. in-12, dans une reliure de Padeloup ornée des insignes de Longepierre, son premier possesseur, 5,100 fir.

N<> 389. — Mademoiselle de Maupin. Qu'on ne se scanda- lise pas du rapprochement : cette troublante Maupin vaut bien la nymphe EucharisI Renduel, 1835, in-8®avec 12 aqua- relles a*Édouard Morin : 1,805 fr.

N® 425. — Les contes drolatiques; 1855, in-8*; premier tirage des figures de Doré ; exemplaire sur chine : 1,605 fr.

N® 436. — Les Nouvelles de Cervantes, Paris, Jean Ri- cher, 1618, 2 vol.; aux armes de Louis XIV; 3,060 fir.

Dans la section historique :

N* 533. — Nouvel abrégé chronologique, du président


LA CHRONIQUE-DES SALLES DE VENTE. 231

Hénault, Prault, 1749, in-i"", grand papier, reliure de Pade- loup ; 2,500 fr. * •

N«548. — Journal de VEsioile, 1744, 5 vol., et 1741, 4 vol., reliés par Derome, à Toiseau; ex. de La Roche Laca- relle : 4,120 fr., (à la vente La Carelle vendu 4,700).

N« 571. — Fête publique donnée par la, ville de Paris à l'occasion du mariage de Monseigneur le Dauphin (1745), gr. in-fol. Reliure de Padeloup, aux armes de M™* Victoire, le's figures et vignettes peintes à la gouache : 2,300 fr.

Nous ne faisons qu'écrémer ce riche catalogue. Il y aurait mille détails à relever, et des observations intéressantes à prendre sur les ouvrages de valeur réelle et de prix modes- tes. Mais nos limites sont étroites, et il faut se hâter : un volume n*y suffirait point.

La vente de la bibliothèque Sand vient. d*être terminée après avoir duré du 24 février au 3 mars (rue des Bons-En- fants). Le catalogue, très mal dressé et assez médiocrement présenté par un petit libraire de la rive gauche, n'a pas excité les convoitises. Nous sommes tout d'abord frappés par la fai- blesse des prix. La plupart de ces livres modernes, enrichis d'envois autographes, dont quelques-uns sont d'une véritable curiosité pour l'histoire littéraire de ce temps, se sont plutôt donnés que vendus. Le système adopté par lecatalogueur, qui réunit quantité d'ouvrages sous un seul numéro et pousse le succès de la description jusqu'aux environs du néant, n'est pas de nature à attirer les amateurs, et est, au contraire, plein d'avantages pour les libraires. D'un autre côté beaucoup de ces volumes, et, des plus précieux, reliés à La Châtre, sans doute, sont déplorablement rognés ou châtrés et semblent sortir d'un cabinet de lecture proprement tenu. Nous n'en voulons pour exemples que les œuvres de George Sand elle- même (n^ 769) en 79 vol. sur grand papier de Hollande, reliés en demi-chagrin, que M. Goaquet a acquis pour 395 fr., et


232 LE LIVRE MODERNE.

dont la taille est à peine celle des petits papiers ; et la Confes- sion (Pun Enfant du siècle, Bonnoire, 1836,2 vol. en grand pa- pier, avec un précieux envoi de Fauteur à George Sand, que le relieur a bien voulu épargner en pliant de quatre ou cinq centimètres la feuille qui le porte. Cet exemplaire d'un livre fort rare et fort recherché, qui, dans des conditions convena- bles, aurait atteint facilement 1,200 ou 1,400 fr., s'est vendu 325.

Quelques numéros émergent de la monotonie de ces en- chères à dix sous la mise. Nous citons en courant :

N® 155. — L* Essai sur le Duel de Ghâteauvillard, Paris, Bonnaire, 1836, in-4** maroquin ; acheté 73 fr., par Morgand.

N® 245. — Un lot de contes de Dumas, de la Bédollière, d'Ourliac, de Feuillet, de Stahl et de Gozlan en première édi- tion (1845-1846), 8 vol. in-8^ br., sur lequel Conquet a fait main basse pour le prix honnête, celui-ci, de 200 fr.

N^ 255. — La Femme de Claude, d'A. Dumas fils, 1873 ; avec envoi autographe, acheté par le même 51 fr.

N«»385. — Histoire de Jules César (1865-1866), avec envoi autographe de Napoléon III : 53 fr.

N^ 626. — Des idées Napoléoniennes, 1839, également avec envoi : 250 fr.

N*" 535 La première édition d'Azyadée de P. Loti, 1879, payée* 55 fr. par M. Rouquette.

N** 679. — Polichinel ex-roi des marionnettes devenu philo- sophe, par A. J. Lorent. — Paris, Wilermy, 1848, in-8®. Satire politique ornée de curieuses figures sur bois, avec envoi : . 115 fr.

N** 741, — Volupté, de Sainte-Beuve, Renduel, 1834; 2 vol. dem. rel. avec envoi: 118 fr.

D'autres romans de G. Sand, dans des conditions sembla- bles, se sont vendus à des prix analogues.

N<'868. — Le théâtre de Clara Gazul, 1825; la Mosaïque, 1833 et la Chronique de Charles IX, 1832, en demi-reliures, ébarbés seulement : 155 fr.


LA CHRONIQUE DES SALLES DE VENTE. 233

N» 937. — Son Excellence Bougon, par E. Zola; 1876; l'* édition, avec envoi: 46 fr.

Un livre d'Armand Sylvestre, les Poésies, 1866-1874, Paris, Charpentier, 1875, s'est payé une quarantaine de francs avec l'admirable sonnet manuscrit que nous avons pu tran- scrire sur la première page, et qui exprime bien l'ardente dé- votion du poète des Heures pour le grand écrivain rustique. Voici ce sonnet, daté du 2 mai 1875 :

'A George Sand

Tous ces vers sont à vous, je vous dois le courage D'avoir voulu, d'avoir souffert, d'avoir lutté. Humblement à vos pieds, j'apporte votre ouvragée, Et ce qui, de mon cœur — l'œuvre faite — est resté.

Votre nom, qui, du temps, brave à jamais l'outrage, Porte en soi le secret de l'inimôrtalité. Puisse-t-il, protégeant le mien contre l'orage, L'emporter sur son aile à la postérité.

Je vous dois tout, l'amour du beau, du vrai, du juste ; J'ai gardé tout entier cet héritage auguste, Qu'un jour tendit vers moi votre vaillante main.

Je veux dire bien haut que j'ai tout reçu d'elle ;

La gloire me suffit d'avoir vécu fidèle

A l'ombre de la vôtre, et sur votre chemin.

Le livre enrichi de ce sonnet, et qui a été acquis par Rou- quette, méritait mieux que la petite somme dont la mollesse des enchères l'a gratifié.

On aurait pii s'attendre à rencontrer beaucoup de Gustave Planche. Iln'est représenté quepar son Salon de 1831 (N**667) vendu 69 fr., et deux volumes de ses Portraits littéraires, 1836, adjugés à 35 fr.

Quelques grande livres, rari nantes, ont maintenu leurs prix. Ainsi les chansons de La Borde (N^ 442), tomes I et II,


234 LK LIVRE MODERNE.

dans une reliure à Toiseau de Derôme aux armes du maréchal de Saxe, — un livre de famille, sans doute, — a été très dis- puté et finalement adjugé à 3,510 fr.

En somme, bonnes journées de ravitaillement pour le commerce des livres parisiens.

DERNIÈRE HEURE .'

La vente des livres rares et précieux de la bibliothèque Marquis a produit la somme exacte de 234,469 fr. 50. Avec les objets d'arts, cette vente a donné une somme de 913,176 fr. pour toute la collection.

Étranger. — Les Auctioneers Bennett et fils, de Dublin, ont vendu dans cette ville, le 19 février, une importante col- lection de livres formée par M. Berwiek, magistrat récem- ment décédé. Parmi les articles qui peuvent intéresser plus spécialement nos lecteurs nous relevons un Homèrey traduc- tion anglaise de Chapman, vendu 10 guinées; un exemplaire de rédition originale des comédies de Wycherley, avec une dédicace autographe à Swift et la signature du fameux auteur des Voyétges de Gulliver, adjugé à onze livres sterling; et, entre tous, VHeptàméràïiy édition de 1559, dans une reliure ancienne avec armoiries, mosaïque et le collier de la Toison d*or. Ce beau livre a atteint cent livres, soit 2,500 fr. envi- ron.



NOUVELLES IffllYERSElLES DES LETTRES

H13CBLLANÉBS inTBHKATIONALES


Bs livres nouveaux mis en vente par la li- brairie française pendant le mois précédent ont déjà reçu leur estampille bous la Rubri- que du Petit Qnérard, et nous n'avons point à y revenir. Nous ne voulons annoncer qu'une ou deux primeurs, non encore parvenues sur le mar- ché. D'abord Pères et nutrù, de Guy de Maupassant, chez Victor Havard, et un nouveau roman psychologique du jeune écrivain -député Mam-ice Barrés, qui ne se lasse point de s'agiter toaa Cceil des barbares. Dans ce livre, M. Barrés se propose d'expliquer les raisons pour lesquelles il a subite- ment passé du rêve à l'action, et comment il a déserté les lettres pour la politique. Modestement, il l'intitulera : Qaalis artifex pereol Quel artiste je meurs! Voilà qui est plein d'intérêt... pour M. Barrés. Mais de cette mort nul ne s'in- quiétera, car tout le monde sait, pour le lui avoir entendu dire, que M. Barrés vaut au moins l'oiseau phénix.


Parmi les productions à éclore prochainement de la librai- rie étrangère les mieux faites pour être appréciées par des esprits français, nous signalerons une Histoire de lu Révolu-


236 LE LIVRE MODERNE.

tion française en quatre volumes, par M. Justin Huntly Me Carthy, qui va par^aître chez Chatto et Windus, et un livre où M. W. H. Hurlbert, écrivain catholique bien connu aux États-Unis, expose, sous le titre France and her Republic les impressions que lui ont laissées ce qu'il a vu et entendu en France pendant Tannée du Centenaire de 1789. Cet ouvrage sera publié par MM. Longmans et C^.

Citons enfin un travail considérable qui remplira une lacune dans l'histoire générale de la typographie. C^est une bibliographie de la Silésie, qu'après bien des recherches le docteur Crzcpki va faire paraître à Breslau. Ce grand travail sera intitulé : Die Bibliographie der schlesischen Drucke bis zum Ende des neanzehnten Jahrhunderts.



Un livre qui n'affiche point des prétentions aussi vaftes et ne s'occupe que du temps présent, mais qui sera du plus grand secours aux bibliographes de Tavenir, c'est le Litera- tur Kalender que publie depuis douze ans le savant et infati- gable directeur de la revue allemande Ueber Land und Meer, M.Joseph Kûrschner (Stuttgart, chez l'auteur, 1890; 1 vol. in-18; 4 portraits; 1020 p.). Grâce à une impression très compacte et pourtant très lisible, ce volume donne, avec tous les détails nécessaires, mais sans rien de superflu, 1^ les lois et conventions qui régissent la propriété littéraire en Alle- magne (Bavière, Hambourg, Prusse, Saxe, Wurtemberg, Bade et Hesse), en Autriche et en Suisse; 2^ les sociétés de publication et les associations littéraires de langue allemande, y compris celles qui ne s'occupent que de questions locales ; 3^ une chronique comprenant une nécrologie, l'énumération des auteurs promus à des fonctions publiques, récompensés ou décorés, et une statistique de la production littéraire (tou- tefois cette dernière section se trouve dans le volume XI pour 1888 et ne sera donnée que dans le volume XIII pour 1889); 4^ enfin, et c'est la partie de beaucoup la plus considérable,


NOUVELLES UNIVERSELLES DES LETTRES. 237

une notice succincte, mais complète, sur chacun des écrivains allemands vivants, avec leur adresse ; l'indication des agences littéraires, des correspondances de journaux et des théâtres allemands non seulement eïi Allemagne, mais dans le monde entier.

Le Preas Directory anglais est loin de cette abondance de renseignements et de cette perfection de méthode, et je ne vois rien en France qui puisse être comparé au Kalender de M. Kûrschner.



Nous ne quitterons pas FAllemagne sans signaler les pages que M. Ferdinand Gross consacre à Pierre Loti dans la livraison de février de la revue Nord und Sud (Breslau), et dont voici la conclusion, très solidement soutenue par Ten- semble de Tarticle. « A la question : a Loti est-il un grand écri- « vain ? » Nous répondrons honnêtement : « Presque. » *



Une analyse systématique et régulière de la presse pério- dique atteindrait des proportions qui lasserait toute patience. Nous relevons, au courant et au hasard de la lecture, dans nos journaux et dans nos revues :

Les articles que donne sur le théâtre contemporain et sur l'art théâtral en général M. Ancey, dont les théories viennent de recevoir une assez malheureuse application dans Grand* mère. Les mémoires de jeunesse de Stendhal, publiés dans le même journal [VÉcho de Paris), sont sans doute intéressants; mais la matière est maigre et Ton y sent combien Beyle, déjà vieux, est préoccupé de se trouver en germé et de se recon- naître tel qu'il était devenu dans ses actes et ses impressions d'enfant. Quant aux nouveaux mémoires des de Concourt, dont la publication est commencée depuis quatre jours à peine, nous en parlerons, lorsqu^'ils paraîtront en volume.

Le Figaro (25 janvier) annonce qu'il se fait l'éditeur du


238 LE LIVRE MODERNE.

prochain livre d'Alphonse Daudet, autre carambolage de la série Tartarin, et en donne, par la plume de M. André Maurel, un avant-goût à ses lecteurs. Gomme l'exploitation livresque s'internationalise de plus en plus,- on ne s'étonnera pas que Port'Tarascon — tel est lô titre du volume promis — paraisse tout d'abord en anglais dans une revue de New-York, le Harper's Magazine, avec des illustrations en couleurs. Le même numéro contient un article assez curieux de M. Lucien Descaves sur le Roman populaire et ses fabricants les plus en renom : MM. de Montépin, d'Ënnery, Richebourg, Mary, du Boisgobey, Bouvier, etc. Enfin, dans le numéro du 20 février, Un Badaud (lisez Hugues Leroux) fait un charmant portrait du poète François Coppée à l'occasion de son nouveau livre : Toute une Jeunesse,

M. Anatole France cède au même sentiment dans le Temps du 16 février, et parle de Toute une Jeunesse et de son au- teur* avec une émotion douce qui est grandement honorable pour l'écrivain dont le caractère éveille de telles sympathies et garde de telles amitiés. Dans le numéro du 21, M. E. Legouvé donne une étude pleine d'entrain et d'esprit de jeunesse sur les Jeunes filles dans Molière.

A propos des prochaines élections académiques, où tant de coureurs sont engagés, M. Paul Desjardins fait, dans les Débats (25 janvier), une revue animée des performances de l'un des favoris, Emile Zola. Il n'est point sympathique à l'œuvre du grand romancier ; mais il reconnaît l'énormité puissante de « ces surprenantes épopées matérialistes ».

Un nouveau périodique mensuel, la Revue d'aujourd'hui publie dans son premier numéro (janvier) de curieuses pages posthumes: l'Amour sublime, par Villiers de l'Isle-Adam. M. Gustave Geffroy, qui fait la critique d'art à la Revue d'aujourd'hui, débute par un brillant article sur Jules Ghé- ret. La livraison de février contient une bonne étude de M, Paul Alexis sur Gustave Flaubert considéré comme auteur dramatique, et des poésies de M. Paul Verlaine que j'avoue ne goûter guère.


NOUVELLES UNIVERSELLES DES LETTRES. 239

M. Emile Gebhart insère, dans la Revue Bleue du 1*' fé- vrier, une intéressante contribution aux études dantesques : le mysticisme du Dante, Cest un fraient d*un livre qui parait chez Hachette sous ce titre : T Italie mystique; Histoire de la Renaissance religieuse au moyen âge. On lira aussi avec plaisir l'étude, superficielle d'ailleurs, que M. Pierre Foncin consacre à la presse canadienne.

A savourer dans le Gil Blas un conte breton : Haine (4 février) et un douzain de superbes ballades (11-25 février), par Jean Richepin.



Les périodiques anglais et américains ne nous fourniront que quelques glanes. M. Samuel Smiles continue, dans le Murray's Magazine^ son travail sur les auteurs et les éditeurs [Authors and Publishers), travail plein de renseignements curieux dont nous ferons, quelque jour, profiter nos lecteurs.

Belgravia publie un parallèle entre Eugène Sue et Emile Zola qu'un Anglais seul pouvait concevoir et écrire. L'auteur, M. Joseph Forster, y donne l'avantage à Eugène Sue, dont tous les personnages, le chironeur [sic] lui-même, ont de nobles ^instincts. « Sue enseigne l'espérance, la foi et l'amour. Zola prononce l'arrêt d'une société qui rend un tel écrivain possible et célèbre. » — Enlevez, c'est pesé I

Il y avait encore quelque chose à apprendre et à dire de lord Chesterfield, comme l'a bien prouvé la collection de let- tres inédites publiée récemment par lord Carnavon à la Cla- rendon Press, et comme le prouve derechef, à propos de cette publication, un critique anonyme dans le Blackwood*s Magazine,

Le LippincotVs Magazine^ de Philadelphie, qui a com- mencé la publication d'une œuvre posthume de Nathaniel Hawthorne : Elixir of Life, insère un plaidoyer en faveur de la censure que M. A. E. Watrous envie à notre vieille Europe, et une amusante collection anonyme de bévues dans lesquelles


MO LE LIVRE MODERNE,

sont tombés des traducteurs de différeots paj-s et de diffé- rents temps ; Tradatlore Tradttore.

La revue bibliophilesque de réditeur Elliot Stock est tou- jours intéressante. Le numéro de février contient quelques pages signées d'un u Bibliophile contemporain uami daLivre moderne, M. II. S. Ashbee, sur les Français qui ont écrit en anglais, et particulièrement Voltaire. Dans le numéro de mars, le rédacteur en cher, M. W. Roberls, commence l'histoire du " Mathusalem des périodiques anglais », le Genlleman't Ma- gazine. Ce premier article est consacré aux «Prédécesseurs». Nous remarquons encore le portrait d'un bibliophile améri- cain, M. Laurence Hutton, qui est aussi un crilique drama- tique de beaucoup de savoir et de talent.


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' 'iolhèqueun peu '

, pour rilablir, beaucoup de Lcmps et de soins.

Aussi esUil absolument niocs- sairc, pour ne pas faire de travail inutile, d'adapter un bon système de ctassincation. Le seul système qui permette d'obtenir les résultats dissi- pés, c'est-à-dire la rapt'diW dan* lej recherchei, ta técariU dxnt l'ordre dei fiditt, en évitant Ut intervenioiu et Ut perlet, enfin ont durée itlimifée du travail, est le Gataloftna & fiohe« artJoulàea fixes ou mobiles à votonU.'. Ce système est adopté et appréeii! universellement. — Envoi franco du prii courant concernant les articles spéciaux pour bibliothèques.

Maison GEORGES BQRGEAOD. rue des Saints-Péres. 41 bis. PARIS

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BIBLIOPHILES ET BIBLIOPOLES


JJotes à bâtons rompus sur les choses de la Librairie


fues écrivait autrefois : <i L'ac- plus de fortunes que la pru- — Il semble aujourd'hui quel'ex- ice ait prouvé à nos éditeurs la sseté de cet aphorisme, car la mdence est devenue la vertu à la mode. Les transactions sont difliciles, les ventes molles, l'orientation hésitante. La pn>- I duction de la littérature cou-

rante s'est quelque peu ralentie et les publications de luxe semblent ne venir au jour que munies de crainte, frileusement, avec le trac d'une fausse entrée en scène.

Le mois dernier n'a pas brillé parla moindre carac-


342 LE LIVRE MODERNE.

4


téristique de bibliophilie. Dans les salles de ventes, rien à glaner au milieu des enchères sans ressort et des livres sans valeur ; les autographes seuls ont fourni à la chro- nique le piquant des révélations inédites contenues dans des liasses de correspondances dispersées par les Charavay .

Pour nous mettre en humeur de signaler de Toriginal, il nous faut aller jusqu^à Lyon, chez les libraires Dizain et Richard, qui viennent de publier une revue grand inr4^, sous la direction de Charles Goux, avec le titre pompeux de Chronique de France^ revue historique, artis- tique et générale.

Ce premier numéro qui nous parvient et qui forme un véritable volume de grand luxe est vraiment curieux et évoque Fidée des publications satiriques les plus vi- vantes de la Révolution. Cette livraison (Numéro Un) contient l'écho des événements politiques du premier semestre de 1889. Le fameux Général oublié y tient une place considérable et les planches à Teau-forte, les estampes ingénieusement coloriées y abondent en telle pro- fusion qu'on s'en étonne en raison de la prodigalité.

Nous espérons que cette revue luxueuse, et qui donne le témoignage d'un gros sac dans sa direction, continuera normalement de paraître. Nous regretterons seulement que les fondateurs de cette œuvre curieuse l'aient faite si exclusivement politique; les arts, les lettres, la vie sociale, l'esprit du temps et les modes du jour méritent de prendre tête sur cette politique fugitive dont on n*aime guère à revoir les vilains méandres derrière sgi. Rien n'est plus triste au souvenir que le ministère de la veille et les hommes disparus qui appartiennent à une histoire qu'il n'est pas encore judicieux d'écrire aujourd'hui.



BIBLIOPHILES £T BIBLIOPOLES. 243

Parmi les ouvrages littéraires parus au début d'avril ou à paraître au cours de ce mois du renouveau, nous signalons :

Le Bire de Caliban, par Emile Bergerat, avec préface d'Alphonse Daudet, chez Charpentier; les Fleurs à Paris, par Hugues Le Roux, chez Quantin; Futura, par Auguste Vaquerie, chez C. Lévy et, chez ce dernier editeiu*, V Ave- nir de la Science y par Ernest Renan ; Honneur d^ artiste, d'Octave Feuillet ; Souvenirs du dernier secrétaire de Sainte-Beuve, par Jules Troubat. On annonce, ce qui ne nous émeut guère, l'Ame de pierre, roman nouveau par Georges Ohnet, chez OllendorfT; les Mémoires du baron Haussmann, en quatre volumes, chez Victor Havard ; et rinutile Beauté, par Guy de Maupassant. Ce sont là, croyons-nous « les gros légumes » du marché littéraire de la saison.



La question des livres vendus au rabais préoccupe non moins que nous nos voisins les libraires anglais. Il parait qu'à Londres le commerce des détaillants subit une crise en raison des rabais plus ou moins grands con- sentis d'après la remise des éditeurs. M. Macmillan, dont le nom fait justement autorité dans toute l'Angle- terre, vient de faire parvenir au directeur du Bookseller (6 mars dernier) une intéressante lettre que voici :

Monsieur,

Les lettres publiées dans les colonnes de votre journal et celles que j'ai reçues moi-même, récemment, de plusieurs libraires de Londres et de la province, me prouvent que tous ceux qui portent intérêt à la question de la vente des livres au-dessous du prix fort doivent sans plus tarder chercher une solution à ce problème. Pour ma part, depuis vingt-trois ans


244 LE LIVRE MODERNE.

que je suis dans le commerce delà librairie, j*ai toujours envi* sage la chose comme une question brûlante. Or elle a pris récemment de telles proportions que, sous peu, il deviendra impossible au libraire dont les affaires n'embrassent que la littérature courante de gagner de quoi vivre.

Les libraires détaillants sont naturellement les plus inté- ressés à la question; mais elle est également d'une impor- tance incontestable pour les auteurs, les éditeurs et les ama- teurs de productions littéraires, en un mot, pour tous ceux qui ont souci du sort des lettres. Un magasin bien fourni de livres est un précieux foyer de lumières intellectuelles ; en sorte que tout ce qui tend à en compromettre l'existence est une atteinte à la société.

Depuis longtemps déjà, Ton s'aperçoit qu'il faut prendre un parti, afin de mettre un terme aux abus de la vente à prix réduit, cause évidente de tout le mal. Mais la difficulté d'une action commune entre les libraires est si grande que, bien qu'on y ait déjà réfléchi et qu'on en ait encore plus parlé, on n'a pu aboutir à rien : on s'accorde à penser que c'est aux éditeurs qu'il appartient de prendre l'affaire en main ; comme c'est aussi mon avis, j'ai cru devoir écrire cette lettre.

Il existe deux moyens de conjurer le mal : ou fixer la limite du rabais autorisé sur le prix fort, ou l'abolir entière- ment. Une étude approfondie de la question m'a amené à donner la préférence à ce dernier procédé. Du moment où les acheteurs savent que le rabais est chose admise en principe, il devient difficile de le limiter. La seule mesure efficace, suivant moi, serait donc d'abaisser le prix fort et de diminuer le taux des remises, en sorte que le prix marqué soit accep- table pour le vendeur et pour l'acheteur. En ce qui est de la vente en gros, je maintiens que le prix net de 10 pences pour un schilling, avec Tescompte actuel au tnoment du règlement et sans treizième, serait à la fois suffisant et juste, sans être assez large pour tenter le libraire détaillant de faire des rabais à ses clients, ou de persévérer dans des usages pernicieux.

Ma conviction est que toute tentative faite pour fixer à


BIBLIOPHILES ET BIBLIOPOLES. 245

25 pour 100 le rabais fait àPacheteur sur le prix marqué, ainsi que l'a proposé l'un de vos correspondants, serait inefificace, et, à mon avis, je doute fort que les éditeurs acceptent ce dernier arrangement. Il serait facile, ce me sembla, de décider le public à payer intégralement le prix marqué, s'il lui était clairement démontré que les remises accordées aux libraires ne leur permettent plus de vendre au rabais. Tant que Tache- teur conservera Tespoir d'une réduction quelconque, il la réclamera, en restant persuadé qu'il lui eût suffi de se montrer moins coulant pour obtenir des conditions plus avantageuses ; mais la facilité avec laquelle les livres sont vendus à prix net, dans certains cas, me porte à croire qu'une tentative dans ce sens, serait couronnée de succès. Nombre de maisons de librairie ne sont pas éloignées, je suppose, d'adopter cette nouvelle base de transaction. Toutefois, on ne peut espérer qu'elles acceptent un projet qui leur imposerait le travail énorme de reviser leurs prix actuels, si elles n'ont Tassurance, d'une part, d'avoir l'approbation du commerce de détail et, d'autre part, la certitude que leurs livres n'ont pas à redouter la concurrence de leurs confrères. Si les éditeurs se prêtent à ce projet, ce sera en vue d'en faire bénéficier leur clientèle et d'arriver à la solution d'un problème difficile, plutôt que dans l'espérance d'en tirer un avantage direct. La première chose à faire serait donc de consulter le commerce de détail sur les moyens d'assurer la réussite de cette combinaison.

Il me parait, Monsieur, que, comme éditeur de l'un des organes les plus autorisés de la librairie, vous consentiriez peut-être à accueillir des réponses à une série de questions posées aux intéressés. Au cas où l'on répondrait en masse à cet appel (et il n'est sûrement aucun libraire qui n'ait une opinion arrêtée sur ce point), les opinions émises dans .ces lettres pourraient devenir l'élément d'une conférence d'édi- teurs convoqués à cet effet.

Pour ma part, j'jii confiance qu'avec le concours du com- merce de détail, le système de la vente au prix marqué peut être définitivement adopté, et les affaires de librairie repose-


3i« LE LIVRE MODERNE.

raient dorénavant sur des bases solides, sur des principes hon- nêtes et sur des éléments sérieux de prospérité.

La question des remises uniformes aux libraires sera résolue, on le verra bientôt chez nos voisins, qui sont éminemment pratiques. En sera-t-il de même chez nous, où le mal est encore plus grand? — Il est vrai- ment à désirer qu'on règle un peu les intérêts de notre librairie moderne. — Ce serait si aisé !

A propos de livres jetés au rabais, voici un récent et bien comique incident :

Si nous en croyons certains bruits, un bibliographe avisé aurait dernièrement — sans même nonmier le per- sonnage — effleuré la béate vanité d'un débitant de livres de ... Gérolstein dont la ridicule suffisance com- merciale n*est en proportion ni avec Tétroitesse de sa boutique, ni avec sa notoire ignorance.

Ce bibliopole de poids, après avoir cherché à tirer vengeance de la pointe qui crevait sa vanité en bau- druche, se serait, dit-on, souvenu qu'il avait jadis vécu dans les étuves des cabinets de bains, où il échaudait et douchait tour à tour les clients, victimes de sa faconde.

Il a donc — profession oblige et ne s'oublie — songé à mettre à la lessive d'un rabais sans précédent les ou- vrages plus ou moins épuisés de l'écrivain qui l'aurait visé, et dont il faisait auparavant payer à poids d'or les exemplaires réunis dans sa modeste boutiiq[ue.

L'auteur se réjouit d'espérer pouvoir se racheter à bas prix; mais les clients, mis hier en moiteur dans un tépi- darium excitant et aujourd'hui transis par la fraîcheur de ces rabais, protestent naturellement à qui mieuxmteux.


BIBLIOPHILES ET BIBLIOPOLES. 247

On affirme qull faut se défier et que les ouvrages an- noncés ne sont pas livrés aux demandeurs. — Que sait-on? Si ce Savoyard, qui doit rester ignoré, ne réussit pas, ce qui est à prévoir, dans ses opérations hydrothérapi- ques, il aura la ressource de trouver une place de bouqui- niste pédicure dans la Société des Thermo^Bibliophiles qui serait alors à créer.



C'est fort heureusement à tort que le Bulletin du Bibliophile et le Livre même ont annoncé naguère que le savant et serviable patriarche de la bibliographie fran- çaise, M. Gustave Brunet, était atteint de cécité com- plète. Grâce à une récente opération, subie avec un suc- cès satisfaisant, notre vénérable ami est à même de se remettre à Fétude qui a fait le charme de sa vie. Nous tenons de bonne source que le fécond et infatigable Phi- lomneste Junior s^occupe actuellement d^ajouter un nou- veau travail à ses innombrables monographies. C'est sur la Beliure des livres et sur les Collections de quelques bibliophiles de ce siècle que Térudit bordelais va réunir de curieux souvenirs et des particularités ignorées, qui ne peuvent manquer de présenter un aimable intérêt.



Les Sociétaires des Bibliophiles contemporains ont tous reçu, ainsi que certains de nos abonnés, une lettre- prospectus dont la copie originale avait été adressée au directeur du Livre moderne.

Ce long réquisitoire, écrit dans im français très peu orthodoxe et filandreux, était signé par un éditeur de pu- blications d'art en faveur duquel nous n'avons jamais que trop largement distillé la louange.


248 LE LIVRE MODERNE.

Il y avait, dans cette fastidieuse épître, une série de récriminations et de doléances mesquines dont nos col- lègues nous affirment n'avoir même pu supporter la lec- ture. — Ce factum, qui n'intéressait ni de près ni de loin les Académiciens des Beaux Livres^ a donc été mis au panier avec un ennui légitime. — La réclame aura manqué son but du tout au tout.

La théorie soutenue par ce négociant semble être que le président des Bibliophiles contemporains outrepasse- rait son droit en ne laissant pas les éditeurs et libraires libres de soumettre leurs publications nouvelles aux cent soixante membres de la Société. — Cette insinua- tion ne peut obtenir aucun crédit auprès de nos collègues.

Nous n'avons jamais eu le ridicule de prétendre ré- genter une Académie où la communauté du goût et des idées d'art nous ont réunis tous dans un même intérêt; mais il était urgent que le bibliographe dont est doublé le fondateur des Néo-bibliophiles avertît ces derniers qu'ils devaient recevoir avec une grande réserve les com- munications de librairie, et leur affirmât que ces envois de circulaires et bulletins de souscription — ainsi que la communication des listes d'adresses de la Société — étaient absolument faites contre son assentiment et non pas avec sa complicité.

Cette note (voir pages 165-1 66) servait d'avertissement général ; elle prenait prétexte du lancement d'un pros- pectus qu'on nous signalait comme adressé à tous nos confrères. Il suffit de la relire pour se convaincre qu'elle ne visait directement ni ne nommait personne.

Au surplus, il ne nous convient point d'insister sur cette circulaire sans portée aucune.

Le jeune éditeur qui a pris la succession d'une mai- son dont il vante avec raison l'honorabilité n'a pas agi


BIBLIOPHILES ET BÏBLIOPOLBS. 249

selon ses intérêts dans cette circonstance. — Il ne devait et ne pouvait protester, n'étant point attaqué.

Il a préféré se compromettre en s'associant aux misé- rables et impuissantes rancunes d'un de ses débitants d'exemplaires de luxe, dont la très médiocre importance dans le monde des livres ne valait assurément pas de sa part le sacrifice d'un sage silence.

Pour cette fois-ci nous serons charitable, lé fait étant peu intéressant, et nous avons plaisir à clore un incident sur lequel nous ne reviendrons plus.



Oh ! la bonne découverte déconcertante que nous ve- nons de faire, ... il s'agit d'un roman! — Écoutez ce dé- but de dialogue ultra-naturaliste :

« Oui, je t*en f..., murmura le postillon, en serrant la bri- de de son maillet.

— Conducteur, conducteur... Arrêtez... postillon. Sacre- bleu I arrêtez donc I

— Quoi que c'est donc ? dit le postillon, en se renversant sur la selle pour retenir ses cinq chevaux.

— Ce n'est rien, dit le conducteur, c'est une dame que j'oubliais.

— Nom de D... il oubliait la religieuse !

— Allons, ma sœur^ faut monter à l'assaut.

— On ne vous donne pas seulement le temps de lâcher de l'eau ! s'ccria la nonne en grimpant sur l'impériale, n

Quel est l'auteur de ce dialogue? Paul de Kock, Henry Monnier ou Emile Zola. Vous n'y êtes pas. C'est George Sand!

C'est la reproduction textuelle de la première page

I. 17


350 LE LIVRE MODERNE.

du premier roman de George Sand, écrit en collaboration avec Jules Sandeau: Bose et Blanche ^ ou la comédienne et la religieme^ par G. Sand, Parh^ Lecointe etPougin^ 1831. 5 vol. pet. in-12.



Note pour Thistoire de la reliure. — On lit dans The American Bookmaker (janvier) que, d'après les écrivains spéciaux anglais, Tusage de la toile ou percaline poun recouvrir les livres fut introduit par un Archibald Leigh- ionj qui aurait le premier eu l'idée de faire teindre, tail- ler, calandrer et, plus tard, gaufrer et estamper la toile pour en faire des reliures, à une date indéterminée entre 1820 et 1840. Nous possédons des volumes anglais reliés en percaline dès 1824.



Les amateurs de beaux et bons livres apprendront avec plaisir que le prix triennal de la fondation Guizot vient d'être attribué à la savante édition de 3/on^at^n^^. publiée par MM. H. Motheau et D. Jouaust, avec notes, glos- saire, index et une importante étude sur l'auteur des Essais.



LES


LIBEAIfiES DE BIBLIOPHILES


SILHOUETTES PARISIENNES


J.-fPierre <ROUQUETTE


-•^B«-


UGUNdes amateurs parisiens n'i^ore Rouquette, « Le Père Rouquette », comme on Tappelle déjà, avec son allure un peu sanglier des Ardennes et sa rondeur impétueuse et brutale, qui fait soudainement place à une bonhomie insidieuse et matoise, ou à un accès de douceur et de loyauté franc-comtoise qui déroute, mais aussi qui captive étran- gement. — Sous des dehors mal dégrossis, Rouquette est le meilleur garçon du monde. Enfant de la balle, fils de ses œuvres, il peut être logiquement fier d'une vie de labeur incessant que ses solides qualités d'Aveyronnais



252 LE LIVRE MODEItNE.

lui ont permis de conduire avec prudence, patience, in- telligence et opiniâtreté vers un même but.

Rouquette est peut-être resté l'un des derniers libraires de Paris, qui sachent demeurer à leur place, sans affecter, comme tant d'autres d'une génération plus récente, des prétentions éditoriales, artistiques et littéraires que rien souvent ne pourrait justifier. Il n'a peut-être point son pa- reil, cependant, pour connaître les Livres des trois der- niers siècles, non moins que les modernes ; mais il ne les juge qu'au point de vue exclusivement marchand, conmie simples valeurs négociables. — Il a le mérite de ne pas prendre des airs entendus sur le fond littéraire ni sur la forme artistique, dont, on le sent tout de suite à son gros rire franc, il n'a vanité ni souci de s'occuper.

Mais, s'il s'agit de la belle condition d'un livre, de sa curiosité ou de sa rareté, des détails nécessaires pour le monter à sa plus haute valeur, tels que : états de planches, particularités d'impression, provenances historiques, prix précédents, etc., le bon Rouquette est Général sur son dada et nul parmi ses confrères ne lui dame le pion.

Peut-il en être autrement, alors que, depuis quarante ans, Rouquette use sa reliure humaine contre le maroquin des livres de tout ordre, qu'il catalogue son fonds de librairie, qu'il classe ses fiches, qu'il annote ses achats et qu'il passe des heures diurnes et nocturnes dans les salles de ventes, toujours au premier rang, la main avide à palper, l'œil prompt à déshabiller im exemplaire mis sur table, facile à emballer avec ça, mais toujoiu*s le premier à rire de ses hâtives montées à l'échelle.

Au demeurant^ il faut le répéter, libraire dans les moelles et excellent homme ; moins rusé qu'il ne paraît et plus accessible qu'on le pourrait croire à l'ampleur d'un bon mouvement et à la bonne grâce serviable et chari-


LES LIBRAIRES DE BIBLIOPHILES. 253

table vis-à-vis des impéciuiieux ou des clients flâneurs qui se plaisent à faire flanelle dans son sérail'de peaux à dentelles et de dos à compartiments.

La vie de Rouquetté comme celle des peuples heu- reux n'est pas fertile en événements marquants, et cepen- dant sa librairie aura été le théâtre de bien des drames poignants et de nombreuses comédieà comiques jouées secrètement entre bibliophiles rivaux.

Né le 15 novembre 1833 à Espalion (Aveyron), pays de Conquet, dont il est le cousin, J.-P. Rouquetté vint à Paris vers Tâge de onze ans, pour entrer comme attrape-science et bibliothèque ambulante, chez M°^* Fou- cault, éditeur des Mémoires relatifs à V Histoire de France de Petitot et Montmerqué, lequel éditeur tenait, aux en- virons de 1847, cabinet de lecture place de TOdéon. Quelques années plus tard, il entra chez Garousse où il fit long séjour; depuis il passa chez Leclerc et Bossange où il fît son dernier stage de commis-libraire, avant de se sentir complètement équipé, couvert et doublé pour la lutte. — Ce fut en 1861 seulement que Rouquetté se dirigea vers le passage Choiseul où il prit à son propre compte la librairie Eugène Delaroque.

En ces temps déjà lointains, la Bibliophilie, telle que nous la sentons actuellement, n'était encore qu'à l'état de germe; la librairie de luxe était toute consacrée aux livres anciens; les Elzévirs, les Plantin, les Bodoni, les Didot, les Estienne, étaient très demandés, ainsi que les Classiques du Grand Siècle et \es ouvrages à vignettes du siècle dernier, sous belles couvertures de maroquin an- cien. Le sentiment du beau livre moderne ne se faisait pas encore jour dans l'espht enténébré des Bibliophiles


154 LE LIVRE MODERNE.

rétrospectifs. La librairie courante, au surplus, ne s'oc- cupait guère de sertir des publications d'art, et Poulet- Malassis était alors le seul qui se souciât, au milieu d'une indiflTérence incroyable, de publier des éditions propre- ment imprimées avec un certain goût et une véritable recherche de format, d'harmonie et de beauté typogra- phique.

Vers 1863-1866, Rouquette avait créé une boutique d'un genre bien spécial, lai^ment achalandée en livres de marque et déjà pourvue de quelques-uns de ces beaux ouATa&res du xnc* siècle dont la vogue devait peu à peu s'accroître jusqu'à l'exagération. Sa librairie était gaie, gt>niiment située en plein centre de Paris, en un passage à l'abri dos intempéries: il v apportait en dot sa grosse belle humeur et des rodomontades amusantes, sa oon- naissiuioe réelle du livre et un lenouveau constant dans ses vitrines. CVtait plus qu^il nVn fallait pour lui attirer bien dos symp;ithios et créer chez lui. à Theure de la clô- tura do la BouRîe et des cabinets d'affaires* un centre de réunion do Bibliophiles, une pariote d'amis des Livres, qui bientôt se constit^ia en monde oKciel des amateurs c\H\tomjv>rains,

On jvul dire que ce lut chez Rouquette que se forma vv tuuoux tvpe du Bîhnii^'^kiU d^ IST5, dont l'ami Bê- taIvU a ^ $|>îrituolloaient trjKV la phjnàoî.^e dans Tîni- miUiHo OîAÎo^ue PailIotrcebiMivpîiiiede 1>TS tocjouis tîOYTvux. surexcité, jv^ctaut la passsàoa du Evi^ à son jvirv^xv'^î'îe et luo&ani us>e swc^aùoa e&«iê^, qui rap- pol^u; îe sv>!4cn>e Je Làw e< k^ piss beaux kwrs de la k^erxe. — IVraldi boc^^ a picîu: œ r:ra.~riile aisaaî^ et aKVu>ç:llAriî, recuuan* e< aîri:^, wiidjLiiU brv>castast.e«:ki»- j^Nîiut, u:<;jcit oe tc<» V« bûc v^eci* pccr p&iinfsdr à la pos-


LES LIBRAIRES DE BIBLIOPHILES. 355

Parmi les plus assidus on remarquait, à cette heure des causeries apéritives, M. Eugène Paillet si malin et si futé en affaires, que Rouquette, ce « tombeur de TAvey- ron », en restait bouche bée, ayant trouvé son maître ; à côté du rusé conseiller à la Cour, on voyait MM. Quentin- Bauchard, Le Barbier du Tinant, Gallien, Truelle Saint- Evron, de Saint-Albin, Baucher, Dauphinot, de Ligne- roUes, Rigaud, agent de change. Mercier, Deblades, Lesser, Henry Meilhac, Laroche-Lacarelle et vingt autres amateurs plus ou moins connus. Le regretté baron James de Rothschild était presque chaque soir le président de ces réunions bouquinières. Les événements politiques, les bruits publics, n^avaient aucune prise sur Tesprit de ce petit comité. Il n^y était question que d'exemplaires hors ligne, de vignettes et de reliures signées par les maîtres; en dehors du livre, point de salut ! — La Société des Amis des Livres fut pour ainsi dire décidée ou plutôt improvisée dans ce milieu suggestif en 1877, et Rou- quette en fut, comme de juste, le libraire attitré et môme, tout au début, le bailleur de fonds. Le premier volume de la Société, cette même Chronique de Charles IX de Mérimée, aujourd'hui si recherchée, fut mis en œuvre aux frais de M. Eugène Paillet et de Rouquette — le tirage en était fait à 120 exemplaires, au prix modeste de 100 francs. — Chose incroyable! près de la moitié de cette édition restreinte demeura longtemps en magasin — à rheure actuelle on ne peut obtenir la Chronique dans les ventes à moins de 25 louis.

Bien qu'exclusivement libraire de Bibliophiles, Rou- quette fut conduit à devenir éditetu* intermittent. La vogue des ouvrages à vignettes du xviii* siècle le porta assez naturellement à publier le fameux Guide Cohen qui eut en dix ans cinq éditions, dont la dernière, qui contient


256 LE LIVRE ^lODERNE.

plus de 600 articles, fut mise au point par le baron Roger Portalis et parut en 1887.

En dehors de ce Guide ^ aujourd'hui dans toutes tes bibliothèques et plus utile même que le Brunet aux nour velles générations, Rouquette se fit l'éditeur d'une série dé publications bibliographiques sur Hugo, Alfred de Musset et autres romantiques; il publia en outre : la Bibliographie parisienne de Paul Lacombe, la Bibliogra- phie de la Chasse de Souhart et, tout récemment, la Biblio- graphie astronomique de Georges Vicaire. — Dans le domaine de la fantaisie et des livres à vignettes, il est inu- tile de rappeler la jolie édition de Point de lendemain^ dont Paul Avril a fait une publication délicieuse.

Rouquette, nous le répétons, a la grande qualité de ne pas s* en croire; — s'il est venu en sabots à Paris, il ne fait pas aujourd'hui petit pied ni chaussure fine; il est resté bien à sa place, et ne cache pas ses souliers en cuir de brouette, comme on dit chez nous. Ainsi que lé libraire d'antan, il est vendeur de livres, et non pas petit manteau bleu et conseiller .des artistes et des lettrés. Travailleur infatigable, opiniâtre et sans pose, il a droit, plus que bien d'autres à l'estime absolue de ses clients. Chose étrange ! à mesure que le temps neige sur sa tête et modèle les méplats de son visage , ce libraire rustique et taillé en cariatide antique semble s'affiner; son ton, son geste, ses manières se font moins cassantes, ses angles s'arrondissent; encore quelques années et nous aurons tous envie de l'appeler familièrement Mon- sieur de Bouquettel — mais l'excellent homme aura le solide bon sens de ne s'en point fâcher.


CHARLES MONSELET CHEZ MALASaiS


Miettes et Ckarg'es Littéraires inédites


oclet-Malassis, qui fut Bibliophile de la bonne méthode, c'est-à-dire un curieux épris de tout ce qui concourt au groupement des documents di- vers sur un écrivain et sur les livres de cet écrivain, avait le bon esprit, ayant été éditeur, — de conserver dans ses livres et au besoin de réunir en des recueils factices tout ce qu'il pen- sait pouvoir présenter un intérêt réel émanant des princi- paux auteurs dont il avait réclamé l'appui & leurs débuts. Grâce à l'intelligence et à la bonne ordonnance de cet ex-éditeur lettré, les bibliophiles possèdent aujour- d'hui des exemplaires uniques, dont l'intérêt littéraire et artistique s'impose déjà et qui rendront de véritables services quelque prochain jour à l'histoire des lettres. C'est par ces archives de Malassis qu'il nous a été


!S8 LE LIVRE MODERNE,

permis de goûter ft Baudelaire intime et sans pose; c'est encore à lui que nous devrons la connaissance familière d'Asselineau, de Delvau, de Banville et de Monselet sous plus d'un point de vue curieux.

Parmi les recueils précieux qui formaient la biblio- thèque de Malassis, l'un d'eux, qui avait été acquis par Noilly, est devenu notre propriété lors de la vente de celui-ci en mars 1886. Il est intitulé : Charles Momelet : Corretpondance littéraire et de*$int. C'est un recueil fac- tice, petit in-4°, qui ne com- prend pas plus de quinze pièces littéraires d'une véri- table originalité; il est car- tonné en percaline citron, ainsi que la plupart des bro- chures de l'associé de de

_. . ., , , , . . Broise, et se trouve revêtu de

Cbar^ de MoDselet par lui-mime.

son magistral ex-librit ; Je L'ai, gravé si largement par Bracquemont. — La plaquette s'ouvre sur un portrait-charge que Charles Monselet fit de lui-même en un moment de bonne humeur sur la table même de son éditeur et que celui-ci eut la pru- dence de conserver. Nous reproduisons ici cette chai^ gaminement traitée par l'auteur de Montiew Cupidon. Au second feuillet, nouveau dessin du même Monselet, c'est une composition humoristique intitulée : Grand concours de Poitty, et qui doit représenter quelque Charles Bataille ou un Amédée Rolland recevant d'un maire rural la couronne virginale réservée aux rosières.


CHARLES MONSELET CHEZ MALASSIS. 19» Une nouveUe composition caricaturale du biographe des Oubliée et Dédaignh, se trouve fixée sur le troi- sième feuillet blanc. Cette naïve fantaisie est intitulée


^ chutkuu. d.'n



les Chercheurs ior, Grand concourt, et l'on sent qu'elle a trait b l'un des événements de l'époque et qu'elle a dû mdtre sous la plume de Monselet comme illustration


d'une causerie animée sur le sujet. Le quatrième cro- quis charge porte des légendes à la plume et reste comme un document d'un enfantillage aimable qui fait grand honneur à l'œil observateur et au sens comique


m LE LIVRE XODER3(E.

de Mf/DMelei^ CTest en ba&qoet présidé p^ le baroo TarW. çrarre et étno. q:ii noos est mis aoos le repvd; les enyoTÎTes saol WîpfKAjtt C«tiîle^ IGrecocrL le bio- graphe, et yiaaîe Ajcard. Ces quatre binettes, très malî- cieosemect ressemLlantes et d'une drôlerie bidiscntable: Tajlor. c'est un Bonaparte : Casdlle. on Qoris Hu^rnes. Mireeonrt. c'est Camot en personne. Marie Arcard, éroijae le peut père Tliiers.

Noos arons Tn. dans les ventes et cbez des collée- tionneors. de nombreuses charges tracées en qoelqœs secondes par le paorre Monselet. Tontes ont le même sentiment dliumoar et le même eqirit d'écolier blagneor; on ferait arec ces riens réunis on sing:ulier petit recueil d*antant pins plaisant à feuilleter qn*Q serait plus imprém.

A la suite de ces croqmmlUmt dliomme de lettres, Idalassis a tenu à conserver des petits vers que Monse- let cravonnait en se jouant, alors qu'il occupait ses loi- sirs chez son hôte, Timprimeur d*Alençon, en compagnie d*nne joyeuse fournée de confrères* édités aa passage Mires. Écoutez cette chanson sans façon :

Duis le chef-Uea d'Alençoo On impriBKf on imprime, Diuis le cheMîea d'Almçon, On imprime lout an long.

Hontégni a sa locanie; Et Baboo, son belréder. L'on semble M. de Carae, Et fantro Pannj EUsler.

Dans le <dief-liea d'Afencoo, etc.

Asselinean Ta Toir traire Les vaches de Sennery, Et Weil fkit, pour le distraire. Des bedid* gonddtg renlit.

Dans le dieMiea d^Alençoo, etc. ■


CHARLES HONSELET CHEZ MALASSIS. Ml Le reste du recueil comprend ; l' une carte de duel de M. de Foj, agent matrimonial à Monselet, le traité si^é de la Lorgnette Littéraire et neuf lettres auto- graphes pleines de détails, de l'auteur à l'éditeur, relati- vement à la publication de ce dernier ouvrage.

Nous ne pourrions résumer ici, aujourd'hui, cette correspondance et nous la donnerons quelque jour pat extraits importants. Ce qu'il nous convient d'indiquer en terminant ces quelques notes brochées avec hâte, c'est que Matassis voulait absolument adopter pour la Lorgnette Littéraire ce vilain titre lugubre ; la Fo$$e commune; ce ne fut qu'à la dernière heure, au moment même de mettre sous presse, que Monselet obtint gain de cause et conserva pour son Dictionnaire des grands et petit» auteurs, le titre que nous lui connaissons et qui convient si bien & l'esprit endiablé de ce livre pétillant qui vivra plus longtemps que tous les Vafehead réunis.


FLANERIES D'UN BIBLIOGRAPHE

Essais et observations sur la <Bibliognosie.


OMSiEcn, c'est une grande et subtile question entre les doctes de savoir... Je vous prie d'écou- ter ceui, s'il vous plaît. Les uns disent que non, les autres disent que oui ; et moi je dis que oui et non... »

Mais il ne s'agit pas ici de l'opinion de Sganarelle « sur l'incongruité des humeurs opaques... n (qui dépend, comme on sait, ii du mou- vement oblique du cercle de la lune »), il s'agit de savoir si ceux qui comptent ou décrivent les livres rendent plus de service, que ceux qui les font. Or c'est une grande et subtile question qui n'est pas encore tran- chée ; et, comme la réponse que l'on y peut faire ne dépend absolument que de l'amour que l'on a pour ces


FLANERIES DfUN BIBLIOGRAPHE. M8

chers bouquins; cohune, avant dé les aimer, il faut les eonhaître; comme, pour les connaître, il est indispen- sable d^avoir dès. guides qui vous dirigent et aplanissent devant vous les difficultés dont la bibliophilie est héris- sée, tout bibliographe est bien tenté de croire que son métier n'est pas aussi inutile que bien des gens le disent.

Mais, c'est un plaidoyer pro domo, direz-vous? At- tendez; j'ai sur ce point l'opinion qu'avait Sganarelle sur le cas delà charmante Lucinde : « Moi, je dis que oui et non. »

Vous qui aimez les livres, suivez-moi donc, si tel est votre goût. Nous allons flâner le long des rayons où ils reposent; nous les feuilleterons ensemble, tâchant d'y découvrir les curiosités qu'ils renferment, d'y puiser les enseignements qu'ils peuvent directement — ou indi- rectement — nous donner ; enfin, nous bouquinerons, disons le mot, puisque l'Académie nous le permet. Nous parlerons des bons et des mauvais livres — je veux dire : ceux qui sont bien ou mal faits — louant ceux-ci, criti- quant ceux-là, et, tout en exhumant d'anciennes curio- sités, nous tâcherons de rester modernes puisque tel est le progranmie du recueil où ces lignes reçoivent une aimable hospitalité.

C'est votre serviteur qui tient le dé de la conver- sation : c'est évident. Vous saurez, n'est-ce pas, ami lecteur, lui couper la parole au besoin : il ne professe pas, car il ne peut ni ne veut avoir cette prétention ; il cause, il parle de choses qui lui sont chères, et n'a qu'un désir ; c'est celui de ne pas vous ennuyer.

Par^ci, par-là, nous tâcherons de découvrir un anonyme non encore signalé, de dévoiler un pseudonyme sous lequel un auteur a prétendu se cacher; mais nous ne serons pas trop bavards, et nous respecterons les se-


I

3M LE LIVRE MODERNE.


crets que Polichinelle lui-même am^t la politesse de ne pas trahir. Nous craindrons, par exemple, d^être désa- gréables à notre aimable confrère *** en imprimant sans sa permission qu'il est Tauteur d^un roman intitulé: Cousine Anneite et publié sous le nom de j£A2f Berleux : il a pu avoir de bonnes raisons pour dissimuler sa pater- nité en cette circonstance. Mais nous dirons aussi — entre nous — qu'il pourrait bien joindre l'autorité de son nom à un ouvrage actuellement annoncé comme étant sous presse, ouvrage que l'auteur, gpràce à ses connais- sances spéciales, saura rendre aussi intéressant que précieux pour les amateurs. Il s'agit de la Caricature pendant le Siège et la Commune (Emile Paul, éditeur).

Et, comme ledit ouvrage se rattache en quelques points à la bibliographie, nous adressons à l'avance, à notre con- frère, nos vœux pour sa réussite en y joignant, d'ores et déjà, les compliments qu'il ne manquera pas de mériter.

La recherche du nom des auteurs qui n'ont pas voulu, pour une raison quelconque, livrer leur nom en toutes lettres sur le titre de leurs œuvres, à la postérité, consti- tue une des branches les plus intéressantes des études bibliographiques. C'est une besogne de curieux, amu- sante pour celui qui s'y livre, et des plus utiles pour les lettrés et les travailleurs ; mais elle réclame des aptitudes extraordinaires et des connaissances fort vastes, si l'on étend ses recherches à la bibliographie générale et si l'on ne se cantonne pas dans un sujet particulier.

Un ouvrage — tout récemment publié — peut servir de preuve à ce que je viens de vous dire ; son auteur, infirme et âgé, a droit à des égards que commandent sa longue carrière et ses cheveux blancs. Nous n'insisterons pas si vous le voulez bien. Nous dirons seulement, pour le moment, que les trop nombreux défauts de cet ouvrage


FLANERIES D*UN BIBLIOGRAPHE. 265

(quelles que soient les causes auxquelles il faut les attribuer) em rendent la publication regrettable, si Ton se place au point de vue de l'intérêt général de la biblio- graplu®. Il ^^ faut jamais — en bibliographie moins qu'en autre chose — se fier à l'étiquette pour juger du contenu d*un sac.

C'est qu'il faut beaucoup de qualités à un bon biblio- graphe! Il en faut tant que, la perfection n'étant pas de ce monde, personne n'est capable de les réunir toutes, ni de mériter en cette science des éloges absolus.

Il faut des connaissances variées et très étendues ; il faut de la patience, de la clarté dans les idées, de la préci- sion, une vue infatigable, du désintéressement, de l'humi- lité... Que sais-je? Il faut beaucoup à! et cœieraî

Les connaissances les plus vastes sont nécessaires pour éviter les bévues ou pour savoir établir des rap- prochements curieux. La patience est indispensable pour décrire un livre, en déterminer le format, comparer les éditions entre elles. La clarté dans les idées et dans la manière de les exprimer (ce qui est souvent très difficile en bibliographie) rend les plus grands services à celui qui veut travailler avec ordre et méthode. La précision dans les descriptions est une qualité toute moderne ; il en est de même pour l'exactitude de reproduction des titres : je crois que le Catalogue de V Histoire de France (Bibliothèque nationale) est le premier monument biblio- graphique qui nous en ait donné l'exemple. J'ai à peine besoin de vous dire pourquoi il faut de bons yeux: rap- pelez-vous à quels détails typographiques on reconnaît une édition d'une autre; il faut que rien n'échappe : sou- vent une lettre cassée, une autre retournée, une virgule déplacée, sont des signes ou des repères que le biblio- graphe est obligé de noter.

I. 19


766 LE LIVRE MODERNE.

Pour ee qm est du désintéressement, oh! pas de bibliographie possible sans lui ! C^est un travail qui ne se fait pas pour de Targ^it. D'abord Fimpression d'une bibliographie, avec ses colonnes, «es caractères variés, ses grandes et petites capitales, ses mots en italique, coûte déjà excessivement cher par elle-même ; si, à cette d^>ense, l'éditeur doit encore ajouter des honoraires à donner à l'auteur, honoraires proportionnés au mal que celui-ci s'est donné, au temps qu'il aura dépensé, il lui (audra vendre le volume à un prix qui fera reculer les acheteurs...

Je sais à ce sujet un mot qui me semble topique et qui montre combien les personnes étrangères au sujet qui nous intéresse peuvent difficilement se rendre compte de ce qu'est la composition (je parle de l'auteur) et la publication (je parle de l'éditeur) d'un tel volume.

Il y a quelques années, un amateur — cet amateur, je le connais très personnellement — allait mettre au jour un volume de bibliographie. Il en parlait à un de ses amis (un Philistin, du reste).

— Je vous fais mon compliment, mon cher, lui di- sait le Philistin en question. Et quel est le libraire qui vous publie?

— C'est X... ; vous connaissez les splendeurs de son étalage, passage *^, vous savez?... Il a pris à sa charge tous les frais de la publication. Il est propriétaire de la première édition qui est tirée à 500 exemplaires, et, bien qu'il se contente d'un très léger bénéfice, il vendra le volume vingt francs...

— Oh ! diable, dit l'autre. Ce n*est pas donné pour une bibliographie!

Le malheureux bibliographe s'est promis de ne plus parler aux profanes des études qui lui sont chères.


FLANERIES D^UN BIBLIOaRAPHE. 2«7

L*huinilité est une vertu du cœur qui semble n^avoir aucun rapport avec la science dont nous causons ici, et cependant c^est une qualité qui n'est .pas moins néces- saire au bibliographe que toutes celles que je vous ai déjà énumérées. Il a été dit des poètes qulls étaient gens irritables ; et les bibliograj^es donc? Quérard, dit- on, n'était pas d'im caractère absolument agréable et il a laissé un curieux spécimen de sa mauvaise humeur dans une brochure intitulée De la Bibliographie générale au XIX® siècle^ Cette brochure est rédigée sous forme de lettre à son confrère J.-C. Brunet, et ne constitue pas précisément un recueil d'aménités ni de politesse. Soyons heureux de ne plus avoir à prendre parti dans la que- relle qui divisa ces deux maîtres. . . Ce qu'il y a de certain, c'est que le bibliographe, devant s'attendre à toutes sortes de critiques, doit les accepter non pas seulement avec calme et humilité, mais aussi avec reconnaissance. Je crois avoir montré que ses travaux sont d^un genre essentiellement perfectible ; ne doit-il donc pas accueillir avec plaisir les observations qui lui seront adressées? Ces observations, il peut en être presque sûr, ne lui seront faites que par des critiques compétents et consciencieux : ils sont rares ceux qui liteni une bibliographie d'un bout à l'autre. Et puis, n'est-il pas bien plus facile de louer plutôt que de critiquer, surtout quand il s'agit de tra- vaux de précision du genre de ceux qui nous occupent?

Du reste, laissons là les auteurs, si vous le voules bien, et occupons-nous de leurs ouvrages. Je viens de prononcer le nom de Quérard et je n'ai pas besoin de vous rappeler que sa France littéraire est son titre de gloire. C'est un ouvrage bien connu et qui est consulté par tous les travailleurs. Permettez-moi de vous si- gnaler plutôt une œuvre du même auteur qui est restée


tes LE LIVRE MODERNE.

presque ignorée parce qa elle n'a été qa'ébanchée et parce qu'il n*en a paru qu*une très fiaible partie. Cela promettait d*ètre admirable et très utile; voici son titre qui est malheureusement un peu long et que j*abrège: Lit France littéraire ou Dictionnaire bibliograpkiqae des savants, historiens et gens de lettres de la France, ainsi que des littérateurs étrangers fui ami écrit en français j plus particuliéreaum pendant les xvn^et xn* siicles.^. Par J.-M. QrteAU). Ouvrages polgongmes et ananjfmes 1700-1845... (Paris, Féditeur, 4846, iii-8*). Vous sentes, n'est-ce pas, d'après ce titre que cet ouvrage faisait partie du grand projet qu'avait formé l'auteur d'étaUir une biblic^raphie générale des publications françaises. Celui-ci contient, par ordre alphabétique de titres, leB ouvrages polyonymes et anonvmes. H est des |^as eu* rieux et des plus intéressants. Malheu r e usem ent il a été arrêté après la troisième livraison et ne ecHnporte que 240 pages. Il s'arrête à l'article Abmmach musical (par Luneau de Boisjermain, 1775-1783), mais il contient heureusement, sur un grand nombre d'Abnanm^, des indications que l'on ne trouverait pas ailleurs. C'est là ce qui rend ce volume très précieux et je vous engage vivement à le rechercher.

Comme la plupart des ouvrages qui n'ont pas été terminés, celui-ci est très rare. Il est probable qu'il a été mis au pilon, car on ne le rencontre jamais dans les ca- talogues de libraires, et j'ai eu toutes les peines du monde à trouver l'exemplaire que je mets en ce mcMnent sous vos jeux. Il est vrai qu'il n'a jamais été fait de titre : pour qu'un rédacteur de catalogue le reconnaisse, il faut que la couverture imprimée ait été conservée, ce qui, évidemment, n'arrive pas souvent.

Le plan du travail de Quérard était excellent et le


FLANERIES D'UN BIBLIOGRAPHE. 269

monument qu'il eût élevé, si les fonds ne lui eussent pas manqué, aurait été magnifique. Guillaume Fleischer avait, en 1812, eu à peu près la même idée et commença la publication d'un Dictionnaire de bibliographie fran- çaise (2 vol. in-8**), mais son ouvrage s'arrête à la syllabe Blia. Quérard avait très heureusement modifié le plan de Fleischer en n'admettant que les anonymes et les polyo- nymés. Sa France littéraire, classée par noms d'auteurs, était achevée quand il mit la main à ce nouveau travail, et, l'un complétant l'autre, l'ensemble eût été presque parfait.

Certes, il est regrettable que ces différents ouvrages n'aient pas été achevés, mais il ne faut pas s'apitoyer outre mesure. Des travaux plus modernes ont vu le jour ; des bibliographies monographiques ont été publiées ou sont en voie de l'être; Bengesco s'est occupé de Voltaire^ Brivois, des ouvrages illuttrés du xix* siècle; Drujon, des Livres à clef; Toumeux, de la Révolution ; Lacombe, de la bonne ville de Paris : et chacun, dans sa sphère, ap- porte à l'immense édifice une pierre qui vient contribuer à sa solidité, à sa grandeur et à son achèvement.

Paul Lacombe, Parisien.



Nous peDsions trouver, dans la bibUothèque de George Sand vendue les 24 février et jours sui- vants, un grand nombre d'ouvrages enrichis de dédicaces sonores, flamboyantes et admiratives en l'hoD- neur de l'illustre écrivain qui tient une si lar^e place dans la littérature contemporaine ; mais grande a été notre déception, et, sauf quelques intimes qui lui adressaient leurs livres avec des phrases charmantes, toute la litté- rature grande et petite, mais surtout la grande, ne s'était pas mise en frais d'esprit ou de galanteries, et le nom de George Sand, écrit sur la page blanche, aurait pu être, sans nul inconvénient, remplacé par celui d'un Mon- sieur X... quelconque, critique influent.

Le choix fait par nous au milieu de cet amas de vo- lumes sera donc restreint, et nous le regrettons, car nous avions pensé de prime abord pouvoir être k même de faire une moisson plus abondante.

Flaubert, qui avait encore sur le ccbut l'insuccès de son Candidat, tombé au Vaudeville, «avole sa pièce ft M™ Sand, avec laquelle il était lié d'une profonde ami- tié, en accompagnant sa dédicace de cette phrase inter-


UNE POIGNÉE O*AUT0GRAPH£S. Ml

rogative, qui révèle en lui une amertume mal dissi-» mulée :

A G. S.

Est^e aussi idiot qu'on le dit, chère (sic) Maître, — Votre vieux troubadour,

Gustave Flaubert.

Il répète volontiers ce titre de vieux troubadour sur ses autres envois.

Alexandre Dumas fils dédie ses ouvrages à George Sand, sa grand'mère, comme il la nomme gentiment, mais sans ces phrases visant à l'esprit qu'il emploie pour- tant avec tant de verve assez souvent.

En revanche, cet esprit se révèle aux dépens de M. Hector Fleury, auteur d'un volume de poésies impri- mées en 1861, chez Perrin^le célèbre typographe lyon- nais.

Alexandre Dumas vit le livre en question, et comme il y avait en tète de belles pages, d'une blancheur éblouis- sante, il ne put s'empêcher d'y inscrire le quatrain sui- vant :

Voilà ce que, sur ma parole, Je pense de ton livre obscur : La poésie en est trop molle. Et le papier en est trop dur.

Mais aussi quelle idée avait eue M. Fleury d'envoyer à George Sand son volume, accompagné (circonstance aggravante) d'un sonnet autographe et de sa photogra- phie?

Revenons à nos dédicaces.

Les frères de Goncourt, qui donnaient fort exactement à M™* Sand leurs productions littéraires, y joignaient des envois courts et corrects, sans tournures de phrases par-


S7S LE LIVRK MODEBNE.

ticulières, dans lesquels ils se déclaraient, chaque fob, ses très humbles. Voilà tout.

Victor Hugo ornait ses œuvres de dédicaces qui sem- blaient s'adresser au premier venu. L'une d'elles, cepen- dant, prend sous sa plume illustre une tournure origi- nale, il sV met aux pieds de M"^ Sand. Mais cela ne tire pas à conséquence, car l'auteur d^Hemani avait pris l'ha- bitude d'en user aussi galamment avec les dames, et nous nous rappelons avoir vu jadis un volume du grand poète, donné par lui à M"* Ihiers, et revêtu de la même fo^ mule.

M^ Gustave Fould (jadis M^ Val^e, du Théâtre- Français^ a abordé la carrière littéraire sous le pseudo- nvme de Cusimte HmUer. Elle a poUié sous ce nom, en i875« le Blmei avec une prébce de George Sand. Natu- rellement elle a offert à sa mairaine un exemplaire de son livre, en Fomant de Tenvoi suivant :

Am gtnie^ à h gràce^ i /a bontés A M^ G. Sajuf.


Valêne ForL© ^G. Hallek)

Henri Heine. le spiritu^ et brillant écrÎTain* inscrit sur ifriVèuifer r


.A wjiy\\.Ve e< yrx't^ cv^^ixe» G, 5., «"«aie l^rt //aaye


vr4J^n;-4;?,.t,


Hecri Hrt^x.


Arrivv^ii* à xra iT*a J *2Ù de Geccse SumL Henri de l >itv'Cvi:e. ^^ui Tj^nLi et la pcv<èce« daxs bs jocrs





UNE POIGNÉE D'AUTOGRAPHES. 2T3

avec ces simples mots qui en disent assurément plus que de grandes phrases :

A mon camarade Aurore.

H. DE La T.

« 

Arrêtons-nous sur ce mot charmant, et regrettons toutefois que les hommes de lettres, contemporains de l'illustre auteur de François le Champi\ n'aient pas fait plus de frais d'esprit et d'imagination quand il s'agissait pour eux d'offrir à leur grande camarade leurs œuvres qu'elle feuilletait quelquefois, et qui avaient la bonne for- tune d'être admises dans sa bibliothèque.

QUELQUES AUTOGRAPHES CURIEUX

D'abord une lettre d'un chanteur de salon aujourd'hui absolumentoublié, et qui eut cependant ses moments de succès. Il se nommait Paul Malézieu.

Sa lettre, datée de Vichy, le 4 août 1866, nous trans- porte en pleine cour impériale.

. « Le jeune Prince arrive ce soir à 8 heures : le prince Napoléon est parti ce matin; le maréchal Baraguay d'Hilliers est arrivé ce matin. Vous verrez les accompagnateurs de l'hé- ritier du trône... Vous verrez les lignes bien' senties que j'ai dites sur la dernière représentation de M"*® Gabel, lignes aux- quelles notre cher directeur a voulu absolument ajouter un peu du sien.

L'empereur parait tout joyeux de l'arrivée de son fils. Je vous dirai tout à l'heure s'il est allé le chercher à la gare.

Je vous ai dit, je crois, que Love a fait connaissance avec le chien impérial : Néro. Ils ont fait ensemble une partie qui a réjoui le parc tout entier.

Régnier est charmant; il a une immense qualité à mon

I. 20


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•fz. ykr'jt <f ,=s fçl-;=*£jie Làl i-îisirft* q:jd sera offert au j-r^ie ^jxit CiWTa:n r-Tj-câe.

Oa «e £2;! dc'â iinfcrire r«:cr La recciésentatioii de lundi

4 * >&

procLiIs, la sale «era tout eciiere ec^evèe en moins de trois b^ure*.

Le Prince est acccmpafcêe de M. le pènêral Flenry, grand tcujet^ de son écuTer et de son percepteur M. Monnier.

Le prince est arrivé : une foule prodipeuse Tattendait à la gare. MM. le général de Béville, aide de camp de Fempereur,


L


UNE POIGNÉE D'AUTOGRAPHES. 275

Pietri, secrétaire particulier, toute la maison impériale enfin est allée à ses devants. Il a été merveilleusement accueilli au chalet de Fempereur, il a été pressé sur le sein de son illustre père, et les deux joies se ressemblaient. La ville de Vichy est merveilleuse d*illumination ; on entend les accords de la re- traite aux flambeaux.

Votre bien dévaué, Paul Malézibu .

Sonnet d'Edmond About, copié sur f autographe même^ pièce de jeunesse, écriture d'écolier.

  • A UN YIBUX CA9TBL

Salut!... 6 vieux manoir de nos antiques preux, Fantastique séjour où régnaient nos aïeux!... Quoi ! tes murs forts jadis des foudres de la guerre, Tes remparts, la terreur du reste de la terre, Sont couchés là!... plongés dans un morne sommeil, Sommeil des monuments qui n'a pas de réveil.

Où sont, 6 vieux castcl, tes graves chc'^telaincs? Où sont tes nobles fils qui couraient dans les plaines? Où sont tes noirs canons, et tes larges fossés, Et les boulets mortels dans tes murs entassés?

Plus!... dit le vent qui siffle à travers la ruine, Rienl... me hurle en craquant chaque os de ta poitrine, Mort!... semble s'écrier ton squelette effrayant, Hélas!... dit chaque mur qui tombe en s'écroulant.

Lettre de Michelet à Louis IJlbach, à propos de la Cloche, devenue, à partir de décembre 1869, un des grands journaux quotidiens de l'opposition radicale.

19 mars 1870.

Je vibre à votre appel, ami de vingt années. Je suis charmé de voir, dans tant de choses heureuses et réussies, les progrès de votre pensée.

Quel titre admirable I la Cloche t.. •


s


î-« LE LIVRE MODERNE.

Mais savex-vous qu'il m'a toujours soirî.ei à irarers toute rhisloire?

La C.V-«r^^, c'est la voix de la patrie locale, de ville et de riliAce. le dr.^ît primstif. indipè^ae. de ia liberté, où commence le >ens de la hjiute Patrie.

Iji question capîU:e du j>ar ^la Jroe>ifra//«ji/fon, intelli- c>e'nle et teniiv^ree'*, c'est le drv^t de la cloche même. Elle est la voix de la v\MniEUDe, q-,^ prrsoïiDe n'eût dû lui ravir.

Il vous CtM:\-iendrail fc*i de £tîre la curiease histoire de ce drv^it^ usurj^e piar !'lLc-:î»e, bi£:s If^H-fraent pc-Iilique et civique que les \ieilles ailles d'iljilie ont tcotes une tour à part pour celte vo:t. de U ciîe- Ei qui touj-be a la cloche, en meurt.

Au Nord, la £rai>3e cwoche e<i le Roolindt de Flandre, qui <Vsîeî>d a d:x I:«>eî? contre ie R:« Se Frarice, contre le TesoerAîre.

P.^ur i>v^us ÔI^T ce* VvX\ i'- i^ecr'-f f»ccveTiia, il ne CaHut rvfcs ïCvxr;* o;ie TeTîîeaîe d«: de-;iT ixrwrôàe*, du Roi et de

O-ï* £;-elIe ? a rwsire c^^je la rljci* se l::î, le branle coai- mess-a i\ia cxr,ll-.\r ^'^fîr *u:rv. 3e cieiîe cl.x"*>e iimaense qui UjA vr»uler j?< îr:cj^5^ C*e>î la Pr^^sse.,, E: c'efî la raîson.

H.v*? 3?s TvJLr^is. i*s s^^.•^^î^^ soir.T>«... Noas écoutons... Sk-^^cj-a^as i'^«lTe r-i T»as» eî eu: eacrorte un monde.

Je voiîs scu^ïs^ vc<2S e:n:^r>.^ e: ;e sne ^.czss a t-jh3s.

J- MlTHIlFT.


lx::r^ ir:4vi.:c vîc 0-hjurl;:^^ ïUuii wirv' 1 s^js edileor et 4tr.ù rs>cIiî-Mji.U>5s:>w vy^ïi Ic-c^ riciïc^ s»i^,Litn>esiî de cette

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Zï»vJï>« ^ * r>* .*> v.-» V H-^'. *

.t xuofaLnrrf lie*.


UNE POIGNÉE D'AUTOGRAPHES. 277

cher demain. Seulement la journée devant être occupée par un déménagement de papiers, il est certain que vous ne rece- vrez après demain que le traité, Fexposé de vos comptes que vous me demandez ne pouvant être fait que dans Tentrevue avec Galonné.

Il est présumable que le prêteur, si prêteur il y a, hélas ! désire être nanti du traité pour m*empêcher d*emprunter deux fois sur la même valeur. Cette défiance est naturelle mais peu honnête.

En attendant, voici vos comptes «e/on moi ;

(Suit une page de chiffres sans intérêt.)

Raisonnablement, je ne peux pas faire plus de quatre feuilles par mois, surtout avec mes habitudes de concoction spirituelle. Galonné n*en publiera jamais moins de deux (400 bu 500 francs).

Serai-je obligé de faire en outre une lettre ainsi conçue : Je prie madame Aupick, ma mère et mon héritière naturelle,

au cas que je meure, de rembourser la somme de

prêtée par sur tel traité?

Bonne précaution, mais humiliante.

Je n'ai pas vu votre Figaro. Je m*en fous, comme du Gaulois et de tous ces petits torche-culs qui me sont d'autant plus odieux que je suis occupé de choses plus tristes, ou plus sérieuses.

Mon cher Malassis, faisons de notre mieux. Je ferai tout pour donner des sécurités suffisantes.

Tout à vous, et pardonnez-moi mon impatience d'hier.

G*est demain le 1 1 .

Ma conférence avec Galonné aura lieu le 12.

Le 12 vous aurez le Traité,

Le 13 vous aurez le Compte.

Gh. Baudelaire. 22, rue Beau treillis.


COLPORTEUR DES NOUVELLES NOUVELLES

LE CRITIQUE DES LIVRES DU JOUR A DOMICILE


E me délecLais, l'autre molin, dans la contempla- tion de deux nouveaux ouvrages de luxe, l'un intitulé ÏOEavre de Barye, magnifique grand in-l", édité avec cette somptuosité qui caractérise les publications d'art de la maison Quentin, — l'autre, le MU&nthrope, formant la seizième livrai- son de cet incomparable Moliêbe illustré par Jacques Léman, dont la librairie Testard poursuit l'exécution avec autant de régularité que de succès. — Dans le premier, je ne savais qu'admirer d'avantage, ou de la substantielle étude que M. Roger Ballu a consacrée à l'œuvre considérable de Barye, ou des cent planches reproduisant avec une netteté parfaite les oeuvres nfiaîtresses de l'immortel sculpteur, c'est-à-dire ces merveilleux animaux qui, isolés ou en groupes, donnent tour k tour l'impression de la force ou de la grâce, et toujours celle du mouvement et de la vie. En feuilletant le second


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ouvrage, il me semblait être transporté dans le Paris de 1666, au milieu de cette élite de la société polie dont Jacques Léman, avec une érudition et une probité artistiques bien rares, a fait revivre les costi^mes et les attitudes, les gestes et toutes les allures. Je croyais presque assister, en quatrième, à cette fa* meuse scène du sonnet d*Oronte, retracée d*un crayon si fin et si sûr, et je déplorais en moi-même la fin prématurée de Féminent artiste, mort récemment, laissant tout prêts les ma- tériaux nécessaires pour Taccomplissement du labeur immense dopt il ne lui aura pas été donné de voir l'achèvement.

J'en étais là de mes réflexions, quand ma respectable gouvernante vint m'annoncer un inconnu qui insistait vive- ment pour me voir et dont elle me remit le nom gros- sièrement imprimé sur un méchant carton, Eusèbe Pilou, Bibliopole-analyseur. — Tels étaient les noms et qualités du singulier personnage que je me décidai à recevoir après quel- ques instaiïts d'hésitation. Figurez-vous un gaillard d'une cin- quantaine d'années, au port majestueux, à la mine fleurie, à la barbe abondante, aux cheveux non moins longs et gras que ses habits, portant, suspendues à chacun de ses bras, deux lon- gues caisses noires assez semblables à celles que remorquent les pauvres trottins du « commerce des fleurs et plumes »• Après s'être débarrassé de son double fardeau, le sieur Pilou me mit brièvement au courant du but de sa visite : ancien pro- fesseur libre^ « ayant eu des malheurs », il avait tâté de cent métiers sans en pouvoir trouver un bon ; en dernier lieu, il s'était fait placier en livres et avait imaginé de se créer une spé- cialité fructueuse en ce genre de commerce, grâce à une <( idée géniale » qu'il venait m'exposer, en me priant de le recomman- der aux bibliophiles amis. — Que vousdirai-je? J'étais pincé, bloqué par Eusèbe Pilou et par ses fameuses boites; je flairais d'ailleurs quelque chose d'original dans son cas ; je le priai donc de m'expliquer son petit système, ce qu'il fit aussitôt par un torrent de paroles et avec forces gesticulations mêlées d'effluves absinthifères.

— Ah ! mon Dieu, c'est bien simple I dit-il avec des into-


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luiU^Hi^ difïKS de feu Gù-P«f«z. Jusqu'à présent les fJacîers en lihrjùnes n\MU $u quVnsuver îe$ clients en voulant leur fv>«rrer des rv>îi?^ira>l5 et ea les escirorqujLat diias des souscnp- tit>3S d'uitersiiiviLbles pcàlri^vaùosis en liiTaisoos. Jloi, c'est t4>ut autre cb.><e« je ne < iàJts • q^ae djirïs le « neuf ». je ne coîpiMie qi»e ce qui vient de juriiir*: je K>-prais d'offrir on lixie dâtj^nt de r-'Jts d*un s:>c«s. E& ccire^ et c'est U mon vé- ntJiKie Irwc^ ea H>«ae tecrv? ^jae 'e rreseste ies onvra^es, je Ses A;::ÀJÙv<e« j ea £jl^ evciiuiije je cvciess d'na nM^. j'epai^me

sr5e r^rrte de teciits o.>QïîS«"k
ôe a 1 jcûece^r ^^ siit d'avance

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sulat d* Alger, pour retrouver et reproduire les centaines de documents. réunis en son ouvrage. Gomme tout cela est sai- sissant et instructif! On en apprend plus, en ces deux volumes, sur le passé de la république de pirates fondée par Taîné des Barberousse, en 1517, sur la cruauté des pachas, aghas, deys qui Tont successivement gouvernée (et dont très peu, notons- le en passant, moururent de leur belle mort), sur l'attitude tour à tour impérieuse ou... prudente de la cour de France et des autres puissances de la chrétienté à Tégard des « magni- fiques seigneurs » barbaresques, que dans les cent ouvrages ou monographies déjà publiés sur la république algérienne. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'on y trouve des clartés toutes nouvelles sur les événements qui ont précédé, amené et suivi la conquête. C'est une vraie mine de sûrs renseignements, aussi précieuse pour l'historien désireux d*entreprendre une nouvelle étude, que pour le simple curieux qui se guidera aisément dans ce vaste répertoire, grâce aux excellents index qu'y a joints M. Eugène Plante t.

Un bien joli volume, c'est l'étude de M"* la comtesse d*Armaillé, née de Ségur, sur la Comtesse d'Egmont, 1740- 1773 (Perrin). Savez-vous qui était cette femme charmante, dont les traits fins et spirituels sont reproduits en tête du volume, d'après une délicieuse miniature? C'était l'aimable Septimanie, la fille du célèbre maréchal de Richelieu, le vain- queur de Mahon, le gouverneur de la Guyenne, ou pour mieux dire l'idole et le roi des Bordelais. Rien ne fut plus digne et plus pur, sous ce règne qui ne se piquait guère de vertu, que cette très grande dame, une femme tout à fait supérieure, entendez-vous bien, qui exerça une réelle influence sur la so- ciété qui l'entourait, moins encore par les grâces et les charmes de sa personne que par les hautes qualités de son cœur et de son esprit. Et pourtant, de quelles malignités ne fut-elle pas l'ob- jet? Combien son caractère n'a-t*il pas été travesti par les dramaturges, romanciers et écrivains de tout genre qui se sont occupés d'elle? De quelles calomnieuses insinuations n'a- t-on pas essayé de flétrir sa liaison avec le prince de Suède, le

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futur Gustave III? Lisez Tattrayant ouvrage de M"® la com- tesse d*Arinaillé, scrutez cette correspondance secrète si tou- chante et si sage, échangée entre la comtesse et le prince, et qui est ici publiée pour la première fois, et vous saurez à quoi vous en tenir sur la valeur de ces pitoyables allégations; vous acquerrez, avec Tauteur, la certitude absolue qu'entre ces deux cœurs d'élite, entre la douce Septimanie et le futur monarque, il n'y eut d'autre sentiment que celui de l'amitié la plus pure et la plus respectueuse de part et d'autre.

Que n'a-t^n point écrit aussi, Monsieur, sur la plus infor- tunée des reines, sur cette fille des Césars qui, tombée du premier trône du monde, se releva, plus grande que jamais, pour gravir les marches de l'échafaud? Combien outrés par- fois ses apologistes, combien perfides et souvent maladroits ses détracteurs? Où trouver la vérité au milieu de tant de pu- blications contradictoires? M. Maxime de la Rocheterie vous en offre le moyen dans son intéressante Histoire de Marie-- AnioineUe (Perrin, deux forts vols. in-S""). Mettant à profit les correspondances, mémoires, études diverses publiées de- puis vingt années, il s*est attaché à dégager de cet immense ensemble de documents, la véritable ph^*sionomie de la reine. Les mémoires de Fersen, les lettres échangées entre Marie- Antoinette et sa mère Marie-Thérèse, lui ont été particuliè- rement utiles. Il a su faire la part de la réalité et celle de la légende, mêler à de justes louanges, une part minime de cri- iiques de déiaiK enfin nous restituer la figure, sinon d*une sainte comme Tont voulu faire quelques écrivains, du moins d^une femme bonne et charmante, épouse irréprochable autant que tendre mère, et reine pleine de dignité.

Puisque nous en sommes à la terrible époque, il but que je vous sien A le deux ouvrages qui s*y rattachent. L*un esl rHistoire du clfr(fé pend»ni /a Bérolutian (Calmann Lévv, 2 vol. in-^^). i^r M. Bertrand Robidou. qui aborde ici une question fort délicate. Après avoir, dans un pr>âambale oô, pour un peu. il remonterait au déluge, retracé les origines de la constitution du clergé de France dès les temps féodaux.


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montré son attitude à la veille de 1789, puis ce fameux élan (qui ne dura guère) de la célèbre nuit du 4 août, il nous fait assister à l'élaboration de la constitution civile du clergé. Pour M. Robidou, ce fut là la plus grosse faute des hommes de la Révolution : avec la question du serment, ils brouillèrent tout, et le corps des fidèles, partagé entre les prêtres jureurs et les prêtres réfractaires, dut fatalement arriver aux excès que Ton sait. Sans prendre plus parti pour les cruautés des , persécuteurs que pour les sanglantes représailles des victimes, Tauteur s'attache à prouver que tant de maux eussent pu être évités si le législateur avait purement et simplement laissé le clergé libre de tout lien envers l'État, au lieu d'en vouloir faire un instrument de gouvernement, comme Ta fait depuis le signataire du Concordat, sous le régime duquel nous sommes encore. Conclusion : la situation n'a pas changé, on en voit tous les jours les inconvénients, le seul remède est la séparation déGnitive des Églises et de l'État. L'autre ouvrage ne peut manquer de vous plaire ; c'est la troisième série des excellentes études que M. Marcellin Pellet réunit sous le titre de Variétés révolutionnaires (Félix Alcan). Vous retrouverez dans ce dernier volume de très intéressants essais, tels que celui sur Théroigne de Méricourt, que la Maison Quantin a récemment réédité à part, en une exquise plaquette; tels, encore, les chapitres consacrés aux historiens italiens de la Révolution, aux pamphlets pleins de fiel d'Alfieri, aux plates palinodies du piètre abbé-poète Vincenzo Monti, etc., etc.

Attention I voici un livre triplement historique et très appétissant, sous ce titre : Aspasie, Cléopàtre, Théodora, par M. Henry Houssaye (Calmann Lévy). Livre charmant dont l'érudition n'a rien de rébarbatif et qui a beaucoup de couleur et beaucoup de couleur locale. Décidément Henry Houssaye est un écrivain tout à fait objectif. Son style se modifie sans cesse selon qu'il traite tel ou tel sujet. Quand il écrit un Salon, il est brillant, quand il fait de l'histoire, il est sévère. Ses capitaines de 1814 parlent comme de vrais grognards ; sa Cléopâtre est bien une Égypto-grecque, son Antoine est bien


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un Romain. Cette faculté de dédoublement nuit un peu à l'originalité d'Henry Houssaye, en tant qu'écrivain, mais elle profite singulièrement à ses livres. Pour résumer ces trois illustres courtisanes, je dirais que j'aimerais à aller au five cloche d*Aspasie, à souper avec Cléopâtre et à passer la nuit avec Théodora.

Pour en finir avec l'histoire, je n'ai plus à vous présenter que le Napoléon /•% sa vie, son œuvre (Delagrave), de M. Léon Meyniel, œuvre de vulgarisation, compilée d'après les travaux historiques les plus récents et qui n'est pas pour donner une haute idée du grand homme ; puis le deuxième tome du très instructif ouvrage de M. Paul Gaulot, la Vérité sur Vexpédi- iion du Mexique d'après les documents authentiques de M. Ernest Louet, payeur en chef du corps expéditionnaire. Ce second volume embrasse la période qui s'étend du départ de Maximilien pour le Mexique jusqu'au moment où l'évacua- tion des troupes françaises fut résolue. C'est l'histoire de deux années. Tristes années et triste histoire, monsieur, que celle de V Empire de Maximilien! Les documents secrets publiés ici vous donneront fort à réfléchir sur toute cette lamentable affaire et surtout sur bon nombre des personnages qui y ont joué un rôle.

Moi. — Monsieur Pilou, je vous rends grâces pour vos renseignements. Mais pourquoi ne me parlez- vous point de ce petit in-8^ à couverture grise que vous glissez sous le paquet de l'histoire? Ah! je vois le titre : la Vie privée d'autrefois ; V Hygiène, par Alfred Franklin, chez Pion et Nourrit, avec gravures.

M. Pilou. — Monsieur, je l'oubliais ; c'est, en son genre, un des livres les plus curieux que l'on puisse trouver. Vous savez que M. Alfred Franklin, le savant administrateur de la Mazarine, a entrepris sur la vie privée de nos pères une série d'études pleines d'intérêt et de particularités singulières. Vous possédez certainement les précédents volumes de cette collec- tion : la Table et les Repas, V Affiche et la Réclame, la Toilette, etc. Vous ne pouvez vous abstenir d'y joindre ce-


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lui-ci. Il y est question de V Hygiène. Eh bien I vrai I nos aïeux ne brillaient pas à cet égard. Vous ne sauriez croire, si Fauteur ne vous le démontrait avec de bonnes pièces à Tappui, combien ils étaient... quedirai-je? peu délicats? bahl met* tons le mot, totalement malpropres. Suivez un peu M. A. Fran- klin dans les hôpitaux, où les malades crèvent comme mouches au milieu du plus infectieux encombrement, dans les cime- tières intra-urbains, où les cadavres empilés, que la terre saturée est incapable de consumer, se désagrègent lentement en liquides nauséabonds qui suintent dans les caves des mai- sons a voisinantes, dans la rue où Ton piétine sur F ordure et la charogne, sans préjudice des rosées odorantes que déversent libéralement les toits en auvent et les fenêtres ; dans les mai- sons, enfin, où, sans parler de la saleté qui règne en maîtresse, on voit — Tart des Richer étant à peine soupçonné — les gens du plus bel air vaquer trop librement à leurs nécessités. (Je vous signale spécialement Tappendice final, « Latrines et chaises percées, )» plein de détails plus que rabelaisiens). Mais en voici assez pour vous édifier sur cette étude qui vous consolera de ne pas vivre en ce <( bon vieux temps » si vanté. Rappelons- nous, c'est bien le cas, que

Loin d'épuiser une matière,

On n'en doit prendre que la fleur.

et passons, s'il vous plaît, à Y

HISTOIRE LITTÉRAIRB.

En première ligne. Monsieur, je n*hésite pas à vous pré- senter une vraie trouvaille, une résurrection, que nous devons à la patiente sagacité de Térudit M. Joseph Denais. Ce sont les Poésies de Germain Colin Bûcher, angevin, superbe in-8* sur Hollande, édité à très petit nombre par la librairie Techener. Voici plus de trois siècles et demi que cet « émule de Clé- ment Marot », comme le qualifie son inventeur, gisait dans un profond oubli ; oubli fort immérité, je me hâte de le dire, bien que je ne partage pas entièrement à son égard l'admira-


2M LK LIVRE MODERNE.

lion onlhouifiaHto do M. Joseph Denais, qui le considère conimtt H un poèto de premier ordre. » C*est en faisant des riiclinrcliort pour d'autres travaux que M. Denais a découveK, k lu l)il)liothè(iuo Nationale, l'unique et fort joli manuscrit d(iM poc^HJdH du bon Angevin. 11 s'est efforcé. Dieu sait au prix d(i (juolloH p(iail)IoH investigations! de reconstituer la vie de MOU autour, utco qu'il a découvert se réduit à peu près à ceci : (lonnaia (]oliu Ducher, né à Angers, vers 1475, d'une bonne lunûllo (lo robe, eut une vie passablement dissipée, passa sa jtiunoHMO dnuM lo culte des Muses et des dames, voyagea beau- otuip, fut un moment secrétaire du grand maître de l'ordre de Multo, Villiors do Tlslo-Adam, et termina, vers 1545, dans la* puuvroté et lu maladie, la longue existence qu'il confesse avoir follomoni gaspillée. Qu*importe, après tout, ce fut un ainuiblo luuumo, un bon vivant, un poète agréable qui nous a l«iHj*é prt^î* do lixùs cents jolies pièces de vers; je sais des vies plus mal t>mplovéos: je si\is aussi de u beaux esprits mieux rentes» i\^ ce lomps qui n\>nt aucune chance de revivre, dans trois »i^olos» dans la mémoire» de nos neveux. Voulez-vous un échantillon de sa manit^iv ? PiM*nons celle première pièce qu'il adrt^Sjie à son amie, d;une fv^rl honnèle» qu'il a chantée à tout ^uv|K>«, en puiv perle d\ùlleur*»

«I U pltiS ^e^V dif mtts ^aU^ Giflom^

W^y^wi lo* slicux vie cWiuono* et ct>EK>3rde

K> \WvAWï lv\\\ llUo iK>a vx»mj.>jirjible»

Je tUî* way \\\Hi :S*.»k'^ttael et duruiWe» V^i-K.» U >ct\iiKl ^iNitx.v ctt too vvrw jivlixiaTfcWe Ne we luit ^vmt i-vur-su^ vir (jl merey^ ' Nv^i U beauU> <u< H>'.Viie e\».aîj.vabve*

Maï^ te* veKu* aau* î.vjL;Si me toat tru3:*y. b"^ teile jinK^cî^ etfc ucix^u cceur v^ai ^-^Tt^^c V^v je ti'ji>i vK'^cu iVr< :>*x îVii'"ev ea 5ccx'y; S?ut'e tu e-t s;ue ; ÎK»ttv»fe. Ji^ute ^ ^rêe. .V>i tue itt\.»> ^»av\( • ^w a« a «.MX iecus- repctse^ v'd^* *«iv»a jutK^ur >iica: ie î>v*tt ;u.-c?itteai V^i cv».Ki\^ ••a t i'm.'u:*e«Àr5e ^'ti . >,».r«s<f Vu* jcs ïcetvt* ic Jk.-al.x jillcîfeutcac.


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Évidemment Germain Colin ne fut pas sans valeur, et son œuvre, qui renferme d'agréables pièces, trop longues pour être citées ici, présente de l'intérêt par les particularités qu'elles renferment sur divers personnages du temps. Mais, en somme, s'il vous faut donner mon petit sentiment,

J'aime mieux Marot,

O gué! J^aime mieux Marot.

Paulo majora canamns... M. le pasteur Louis Molines nous offre une Étude sur Alexandre Vinet, critique littéraire (Fischbacher) ; c'est un travail de premier ordre dont j'ai le regret de ne pouvoir vous détailler tous les mérites. Qu'il me suffise d'attirer votre attention sur ce livre considérable; jus- qu'à présent, on avait surtout étudié Vinet comme théologien, comme polémiste, etc. Il nous est maintenant révélé sous un nouveau jour par l'auteur de cette substantielle production, qui y dégage à merveille la haute valeur du savoir de Vinet et de ses jugements critiques, ses rares qualités de style, ainsi que l'élévation et l'originalité de sa pensée.

On a bien abusé des anthologies, et le lecteur est toujours un peu en défiance quand il voit surgir quelque nouvelle pro- duction de ce genre facile. Il serait injuste, cependant, de ne point accorder une mention toute spéciale à la charmante plaquette qui vient de voir le jour à la librairie Chacornac (au coin du quai Saint-Michel et de la rue du Chat-qui-pêche ; 6 Parisiens, qui de vous connaît cette ruelle épargnée dans les bouleversements hausmanniens?) — Elle a pour titre : Voyages à travers les Dauphinois, par le sieur Amédée Gué- rin. Ce n'est qu'une simple compilation, mais des plus ingé- nieuses. Le sieur Amédée Guérin (pseudonyme d'un fonction- naire supérieur de l'administration parisienne, dont le fameux rond de cuir traditionnel n'a point obstrué le cerveau) est originaire du Dauphiné; il a eu l'idée de rechercher, en plus de cent ouvrages, tout ce que les écrivains français ont, depuis le zvi® siècle, dit de flatteur ou de piquant sur le caractère, la


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LE COLPORTEUn DES NOUVELLES NOUVELLES. 289

avec lui en Italie, en Sicile et jusqu'à Kairouan. Il y a là des pages d*une intensité de vision surprenante, et il se dégage de cette œuvre une philosophie générale profondément person- nelle et humaine.

Un écrivain anonyme des Débats en parle ainsi que suit : oyez-moi ça :

« Le yacht est à Tancre dans le port de Cannes. G*est un bateau de vingt tonneaux tout blanc « avec un imperceptible « filet doré qui le contourne, comme une mince cordelière sur a un flanc de cygne ». Les voiles, blanches aussi, semblent « de la soie argentée », et Tintérieur, avec son revêtement de pin verni, ses cuivres jaunes et gais, fait un logis confortable et frais, même sous Taccablant soleil de la Méditerranée. Le yacht attend la fantaisie de son- maître pour dresser sa voilure et cingler à Palerme, à Gênes ou vers la côte africaine. Ce maître est un romancier à la fois très délicat et très robuste, le meilleur prosateur français depuis Flaubert. Mais, comme sa tâche est de regarder et de peindre les paysans et les bourgeois de son temps, il en éprouve parfois quelque dégoût. Alors, il laisse là les paysans, les bourgeois, tous les pantins de la comédie moderne, et s'en va voguer, loin, très loin de Médan. Nous le retrouvons à Sienne, devant les fresques pâ- lies d'Orcagna et de Simone Memmi; à Syracuse, devant le torse de la Vénus qu'Héliogabale donna aux Syracusains ; à Kairouan, sous les colonnes d*onyx et de marbre de la mosquée Djama-Kébir. L*été dernier, il s'embarqua (lui-même nous Ta conté) pour en finir avec le cauchemar de la tour Eiffel et se sauver des foules hideuses qui grouillaient au Champ-de- Mars. Mais M. de Maupassant ne voyage pas que les années d'exposition universelle. Ce qu'il va chercher au loin, c'est, — n'en doutez pas, — avec une diversion à son travail de ro- mancier, l'oubli de Paris, l'oubli des disputes esthétiques, l'oubli de la littérature, »

Je vous signale au passage les Masques modernes. Sous ce titre, l'éditeur Dentu publie un recueil curieux et piquant

I. 22


tm LE LITBK MODEENE.

àt pcviraiLs de nos contemporuBS iflostres. CTest im jeune de la dirnniqTie, Feljcka Ciuanpsafiir. qui, éams ce pîmpuit et satirîqoe voiniDe, awrwcht les Masy B es aux hoanaes câihfes H sc^nleve cenx des coBMNiienDes.

Un &»nti5TÛce liors tcxt* de Fthâen Bops sjntliêtise Tes- fgîi de cr livrt qid sera «a ttû rr^ral pour tons les aans des brres Rt>x><àeiis.


Oiex ie iDènie è^ditrar Data, M. Edonani DrMBOBt, au- de h Frjtitct jmkit^ xiesA de laaccr sa Dtrmière haimiile. Cest nae funeat^^e diarce ooBtre la locîèiê aciaefle ei le nK»>de juil. faite aveic Fiprt oMmre. la fsmswt mdoBfilafale et Fasiere irvxDe de ce piWfia de FaoïLisêniîtisHie.

Cet cvuTTAfe oi>ti«ït vu s«ccc$ «Mâderable^ el les piles d'<«iiik>ns L i : iwr t df^a de petites Ioor CiTcL — DrHHHi a pocr lui ie p-i^ publjc français qm a ciê hL.yn.mi> d*ap- pianiir a <«s conrapesx d<èwLs ci qui le snî^Ta daas twilti

m

Là r«f*'xjr'Y ItaïasZir anra riaBBOksie lelestiaseiBeHt de


5ï. TvjLscr "»e vaisToos xune, mcvcfaeac

3e voà^ £rurcr xa c%:tir.rùel sac vcis ravc^iBs^ Ta hbj'iIh, Sftondf if It h.^ jr-pL:. le^ — Va>c:i pîissiraTS aamccs déjà joute de iii st».\rc de «ini: denûer <dj;eiir« je naanrelhni ciKie cc'..fcu.'a: ^ car3»t5e deoMvrul

Y«axx Tv>f%59f5;<^u:s^ VM. Pj.hb k N^nmu se cèureeaft de la ooDllxoer K df vxiïdre inxà MÎne ia qa i:c«e Wi

pMrTre es «suacrCJes de la scterf £":«•. Pc«ïr BMts d.>:^Mi; x:ae csrictsî;.; de hhm r.-ùst : Ifiet /i

^■e Xjo.i Jts RisL:: ax^ajt^ caï:;^ adu



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Saint-Louis, les dates des événements mémorables de sa vie ; pendant plusieurs mois^ il put se livrer paisiblement à cet exercice; mais, un jour, il constata qu'un « infâme » (sic) (c'était sans doute son gendre Auge), se plaisait à effacer ces « Inscripcions ». M. Nicolas se résigna à renonoer au style la- pidaire, mais il ne voulut pas que ses laborieux grattages fussent totalement perdus. Il recopia doue sur un cahier spé- cial ses premières inscriptions, qu'il continua ensuite, pendant deux ou trois ans, sous forme de notes recueillies au jour le jour. Mais quel amalgame, quel chaos hiéroglyphique que ce cahier dont un fac-similé figure dans le volume ! Il n'a rien moins fallu que l'indomptable persévérance, )e savoir et la sa- gacité de l'éditeur, M. Paul Cottin, pour débrouiller cet illi- sible et incompréhensible fouillis. Cette tâche, devant laquelle eussent reculé vingt paléographes experts au déchiffrement des plus énigmatiques palimpsestes, M. Paul Cottin Ta coura- geusement entreprise et mené tout seul à bonne fin. Il a fait bien mieux encore que de traduire les inextricables griffon- nages de Restif, il les a éclaircis et commentés en des notes pleines d'une sûre érudition, grâce auxquelles vous pourrez lire avec autant de curiosité que d'intérêt les confidences, par- fois bien étranges, que M. Nicolas compilait consciencieuse- ment pour lui-même.

Les recueils de chroniques, études, articles divers, etc., continuent à être fort en vogue; en voici deux nouveaux que les noms de leurs auteurs suffisent à recommander au choix du public lettré ; ce sont : ia Maison de VOgre (Calmann Lévy), suite de piquantes bluettes, où l'infatigable auteur des Guêpes M. Alphonse Karr, satirise, avec autant d'humour que de bons sens, les personnages et les travers du jour, — puis la Vie littéraire (même librairie), deuxième série des excellents et solides articles que M. Anatole France a publiés depuis près d'une année dans le journal le Temps, Vous relirez avec plaisir et profit ces agréables chroniques qui semblent acquérir, par leur réunion, un certain caractère d'unité, et vous y pourrez joindre les Catueriej sur la, Langue


S93 LE LIVRE MODERNE.

française (Perrin), dans lesquelles une ëducatrice distinguée^ M** KraflFl-Bucaille, rassemble d*instructifs essais sur les ori- gines et le mécanisme de notre langue, sur la question si déli* cate du goût, ainsi que sur les variations de la poésie cham- pêtre, depuis- Tidylle d*antan jusqu'à l'aimable pastorale du siècle dernier.

Que si les études d'un genre plus grave ont pour vous un attrait spécial, vous trouverez de quoi vous satisfaire avec le Progrès et F Instruction publique en Russie (Savine) , du comte Léon Tolstoï, et la Liberté de conscience en France et à VÉtranger (Perrin), de M. G. Saunois de Gfaevert, qui nous dit des vérités assez dures et qui, lui aussi, écrit un plai- doyer en faveur de l'Église libre dans l'État libre, autrement dit en faveur de la dénonciation du Concordat.

Un volume d'aspect moins sévère, le troisième tome da Théâtre complet de M, Ernest Legouvé, de l'Académie fran- çaise (Calmann Lévy), renfermant de curieuses préfaces et le magnifique drame en vers de Médée, m'amène naturelle- ment à aborder les œuvres d'imagination et, tout d'abord, à vous parler des nouveautés de la


POESIE


Moi. — - Un moment, monsieur Pilou, je veux être firanc avec vous ; ne vous mettez point trop en frais sur ce chapitre et passez vite.

Ce n'est pas, croyez-le, que je craigne les vers. Mais, vous savez, cela se fourre partout et, comme disait l'Auvergnat, cela tient de la place.

M. Pilou. — Comme il vous plaira, Monsieur, je vais être bref; aussi bien n*ai-je pas un grand assortiment en ce genre : quatre à cinq volumes en tout^ ce qui est déjà fort raison- nable. Voici donc de l'héroïque et du grave :

Poèmes Aztèques (Fischbacher), par M. Auguste Génin, qui retrace en très bons vers, ma foi! les antiques légendes du Mexique et des épisodes de la conquête. Mais quels noms,


LE COLPORTEUR DES NOUVELLES NOUVELLES. 595

bone Deusl quels noms à coucher dehors, si j'ose le dire, et qui font songer, par leurs rocailleuses constructions, aux fa- meux vers de Tabbé Leblanc :

Crois-tu de ce forfait Manco Capac capable?

Les Refuges (Lemerre), récits héroïques de M. Maxime Forment, qui ont obtenu les suffrages d'un maître, M. Sully- Prudhomme ;

Les Poeans et les Thrènes (Lemerre), pietits poèmes d'une saveur antique, par M. Ferdinand Hérold.

M. Jules Guillebert nous donne du doux et du sentimen- tal dans ses Harmonies du *oir(Lory), ainsi qu'il convenait à l'auteur des Souvenirs lointains.

Enfin M. Emile Vitta nous offre du frétillant et du gai dans sa Farandole de Pierrots (Léon Vanier), si délicieuse- ment illustrée par Willette ;

Vous voyez, monsieur de Troyes, que je n*ai point abusé de votre patience, et celte concision, dont je m'honore, vous allez la retrouver au sujet des

ROMANS ET NOUVELLES

en tète desquelles je placerai nécessairement ce chef-d'œuvre, disent les uns, cette très puissante étude, disent plus simple- ment les autres, qui a pour titre la Bête humaine (Charpen- tier), par M. Emile Zola. — Je n'ai pas le temps, et je le re- grette, de vous conter par le menu l'action singulièrement complexe de ce drame charpenté de main de maître. Il est bien probable du reste, que vous l'avezlu déjà, et que ce sour- nois de Roubaud, le sous-chef de gare ; sa femme, la volage Séverine ; Tamant de celle-ci, l'érotomane mécanicien Jacques Lantier; Norine, la belle fille affolée d'amour, et tout le per- sonnel du roman sont déjà pour vous de vieilles connaissances. Déjà, sans doute, vous avez lu les pages superbes où l'auteur décrit une affreuse catastrophe, le déraillement du train ex- press, et tout ce que je pourrais vous en dire n'ajouterait


»4 LE LIVRE MODERNE.

rien à votre admiration. Laîsaei-nioi seulement appeler votre attention sor un côté utilitaire de ce livre, que la critique, à mon sens, n*a pas assez fait ressortir : grâce aux détails tedi- niques qu'il j a accumulés avec une prodigalité plus grande encore que de coutume, le nouveau roman de M. Zola parait appelé à rendre de réels scrri ce s aux machinistes, aiguilleurs, graisseurs et autres employés de la voie ferrée; pour les voya- geurs qui firéquentent la ligne du Havre, il remplacera avan- tageusement IViu/ica/eori/etcAemûu de fer.

Vous avez certainement lu aussi, dans la Bévue des Deux Mondes, une Gageure, que M. Victor Cherbuliez fait paraître en volume à la librairie Hadiette. Vous savez alors quel abtme y côtoie l'auteur, avec une prudence et un tact ex- trêmes, je le veux bien, mais enfin un abime... Une amitié de femmes... passons.

Rajeunissant un peu sa manière, M. Hector Malot nous offre dans Mère (Charpentier), une étude curieuse sur un cas d'hypertrophie de Famour maternel. Son héroïne, M"^ Gom- barrien, une femme de tète cependant, est si complètement soumise à l'empire de ce sentiment que rien ou presque rien n'existe pour elle en dehors de son fils Victorien. Amis, pa- rents, fortune, son mari même qu'elle aima tendrement jadis, tout disparaît, tout s'annihile quand Fintérêt de son fib est en jeu. Ce serait à merveille si ce beau fils était digne d'un tel amour; mais ce n'est en réalité qu'un fieffé gredin, ce qui ôte à la fois de l'intérêt et de la vraisemblance au récit compliqué de M. Hector Malot.

Chanie-Pleure (Lemerre), par M. Emile Pouvillon, est une œuvre plus simple et, pour le moins, aussi attachante ; Taction, qui se déroule en ces campagnes pittoresques du Quercy que l'auteur a décrites de main de maître, a pour héros un jeune docteur qui vient s'établir au village natal, où l'at- tendent les agitations et les souftrances d'un double amour et les désespérances du bonheur perdu.

M. Paul Verlaine s'est donné la peine d'éditer une œuvre posthume de son ami Eugène Versmesch, F/nfamie hunuune


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LE COLPORTEUR DES NOUVELLES NOUVELLES. 595

(Lemerre) , roman par- lettres, d'une conception bizarre, ina- chevé d'ailleurs, et qui eût pu demeurer inédit sans grand dommage pour les lettres françaises. Si vous tenez à en con- naître la donnée...

Moi. — Non, non, monsieur Pilou, cela me suffit bien, et vous m'obligerez fort, car l'heure s'avance, si vous vous bornez à m'énumérer les titres de la respectable pile de romans que vous avez encore à me signaler.

M. Pilou {piqué), — Soit, Môssieur, puisque mes apprécia- tions ne semblent pas vous plaire^ J'eusse été heureux pour- tant de vous analyser Peine perdue (OUendorif), de Jeanne Mairet (autrement dite M"* Charles Bigot), qui dépeint d'une façon des plus remarquables la touchante abnégation d'une sœur qui se dévoue jusqu'au sacrifice pour un frère orgueil- leux et ingrat ; — l'histoire attachante d'un amour coupable, mais non sans excuse, qu'un écrivain de mérite, qui garde l'anonyme, a contée dans A côté du devoir (Galmann-Lévy) ;

— ces productions, croyez-le, ne sont pas indignes d'atten- tion, non plus que FÉireinie (Ollendorff), par M. Louis Rogue- Hn, peinture saisissante des dangers d'une première passion,

— ou encore l'ingénieuse fiction qui a pour titre la Cité future (Savine), par M. Alain Le Drimeur, qui s'efforce de conjectu- rer ce que sera, au vingt et unième siècle, la société humaine, quand certaines idées, actuellement à l'état embryon- naire, auront accompli leur évolution. Mais, pour vous obéir, je ne fais plus que citer : Mademoiselle Henri (Calmann- Lévy), histoire d'une fille de bonne famille tombée dans le vice, par M. Edouard Grimblot ; — la Joie suprême (Genon- ceaux), production assez baroque de M. Paul Leleu ; -— ATon- talègre (Ollendorff), émouvante histoire d'un noble artiste marié à une coquine, par M. Georges Pradel ; — la Fortune de Silas Lapham (Hachette), amusante étude des mœurs bostonniennes, traduite de l'anglais, de W.-D. Howells ; la Recluse de Montfleury (Dentu), bon vieux roman d'aventures au temps de la Régence, par M. Paul Saunière ; — enfin la Découverte des mines du roi Salomon{}ieizel), attachant récit





» r«i7» ài 'SjT-i : — ^ ini» ««.t- ^.-» àc Ljrtvéât V. Léo;!»:* . »=n»i=is aiJïs ïc^-_iri«. par V. J«vi DtmU,


«c-ij=îi T» iu^ MC'-iï, î;cfi M. ùCil* Wsrôis s'est bit s»e tr» Eîiisrfe *çi;Tr-Lnf : — rc-#. pmr îir^i=>«-. sac soie

Cy-r-t'-'-'^rt . ,ji* a>;<i* ;(t« Li *ç«riiaf-> et isJVKsable

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LIVBES D'OUTEE-MANCHE


DBRNliRBS PUBLICATIONS ANGLAISES


L'actif et intelligent éditeur londonien T. Fisher Unwin nous a envoyé un choix de ses publications les plus récentes. Je ne citerai que pour mémoire tke Paradox Clab, par Edouard Garnelt, dont il a été déjà parlé dans te Livre de jadis. Mais nous appellerons tout particuliè- rement l'attention des amateurs sur la charmante collection appelée the Cameo Séries, dont je n'ai malheureusement sous les yeux que deux volumes sur les quatre qui ont été publiés. Le premier est la traduction autorisée du drame de Henrik Ibsen, Fraen fra Havet, par Kleanor Marx-Aveling, sous le titre tke Lady from the Sea, avec une introduction par M. Edmund Gosse, un des critiques littéraires qui ont le plus de talent et d'autorité *. Je n'ai pas ici à apprécier le drame où l'auteur norvégien cherche à résoudre le problème de l'état social de la femme dans un prochain avenir. On sait que c'est

1. 1890, 1 vol. pet. in-S*, IBi p. Prix : 4 fr. 35.


S98 LE LIVRE MODERNE.

une des œu\Tes les plus remarquables de ce poète si harmo- nieux, devenu, en même temps que prosateur, un des maîtres de Fart dramatique contemporain. Je ne louerai même pas la traduction, si Gdèle et si naturelle à la fois, pour pouvoir dire un mot de Texcellence typographique du volume, de son élé- gance achevée, avec Técusson si original, qui est la marque de la collection, son titre en vieux caractères (pourquoi les types sont-ils ici mêlés? Cest là une faute, évitée d'ailleurs dans le volume suivant), son portrait d'Ibsen, son superbe papier, sa belle justification, sa couverture si sobre et si agréable à l'œil.

L'autre volume de cette série, qui a toutes les quahtés matérielles du premier avec un degré de plus vers la perfec- tion, est un recueil de vers dont l'auteur, M. William Watson, est assuré de l'immortalité, du moins tant qu'il y aura des bibliophiles *. Les vers ont, d'ailleurs, une réelle valeur ofiheir own, La pièce principale du recueil, le Tombeau de Words- worth, est d'une inspiration noble et d'une grande allure ; les sonnets réunis sous le titre inquiétant de Ver tenebrosum sont animés d'un beau souiOe patriotique et résonnent comme des sonnets cuirassés. Mais à quoi bon décerner tant de louanges, moi misérable foreigner, à un poète qui a ciselé quatorze vers sur la « déférence exagérée envers l'opinion lit- téraire de l'étranger », pour déclarer qu'en comparaison de Byron et de Wordsworth, il fait bon marché de Goethe et de Hugo?

Une autre grande entreprise éditoriale de M. T. Fisher Unwin, c'est V Histoire des nations fthe Story of the Nations), dont vingt-trois volumes ont déjà paru. L'avant-dernier a pour sujet les Corsaires barbaresques et pour auteur M. Stanley Lane-Poole '. Tout en étant un livre de vulgarisation, celte


1. Wordsworth*9 Grave and otherPoems^ hy William Watson. 1890; 1 vol. pet. in-go; 76 p. 5 fig. Prix : 4 fp. 35.

2. The Barbary Corsairs, hy Stanley Lane-Poole ; with additions by Lieut. J.-D.-J. KcUey, U.-S. Navy. 1890. 1 vol. in-8% xviii-316 p. Prix : 6 fp. 25.


LIVRES D*OUTRE>MANCHE. 299

histoire n*en est pas moins un livre d'érudition, pour lequel on a consulté les meilleurs ouvrages spéciaux. Elle est illustrée de trente-neuf figures, cartes ou plans, dont la plupart sont tirés de vieux livres comme la Sphère des deux Mondes de Darinel, pasteur des Amadis (Anvers, 1555), ou des ouvrages de Famiral Jurien de la Gravière. J*y remarque un truculent portrait de « Andréas de Auria ». Je le recommande k mon ami Edmond Petit comme frontispice pour la prochaine édi- tion de son beau livre sur André Doria, que M. Lane Poole ne semble pas connaître, soit dit en passant. La narration, qui commence avec Barberousse en 1504, ne s'arrête qu'après la conquête de l'Algérie par la France et notre établissement à Tunis. Ce dernier chapitre n'est point tendre pour nous. Il n'y a point lieu de s'en étonner, ni de s'en plaindre. Il n'y a qu'à déplorer que les reproches qui nous sont faits puissent si faci- lement et si justement être retournés contre ceux qui nous les font.

Our Journey io tke Hébrides, par Joseph Pennell et Eliza- beth Robins Pennell ^, dont le croquis, en costume de pedes- trian touristes, est un des plus amusants ornements du livre, a fait presque scandale en Angleterre lors de sa première ap- parition dans le Harper*s Magazine. Les auteurs, Américains nullement épris des perfections sociales de la Grande-Bre- tagne, avaient été voir ce qu'ils voulaient raconter, et racon- taient ce qu'ils avaient vu. Jnde irse. Ces tableaux de misère et d'oppression étaient d'autant plus shocking pour les lecteurs anglais qu'ils s'en sentaient tous solidairement responsables. Mais l'effet est passé, car on s'habitue à tout, même aux véri- tés désagréables, et il reste un bon livre, qui sera plus tard un document, et que M. Fisher Unwin a revêtu de tous les charmes d'une belle typographie. Les dessins, dus à l'un des auteurs, M. Joseph Pennell, ajoutent à la clarté et à l'attrait du récit. Le plat intérieur et le recto de la première feuille

1. 1890; 1 vol. in-B^f xx-225 p., fig. Prix : 9 fr. 55.


300 LE LIVRE MODERNE.

de garde portent un titre illustré en deux tons qui est d'un effet très original et que je dois signaler comme une ingé- nieuse innovation.

J*ai gardé pour la fin, en gourmet délicat, le meilleur mor- ceau. C'est une traduction de l'histoire d'un condottiere an- glais écrite en italien par John Temple-Leader et Giuseppe Marcotti*. John Hawkwood, que les chroniques italiennes appellent Giovanni Acuto et qualifient d'acerrimns bellalor et cnnctaior egregius, méritait bien d'avoir ce monument litté- raire élevé à sa mémoire dans son pays d'origine. Son histoire a, d'ailleurs, une utilité plus générale, car elle jette une nou- velle lumière sur la condition sociale et militaire de l'Italie pendant la seconde moitié du xiv* siècle. Mais, quelque éni- dite, intéressante, mouvementée et documentée que soit cette biographie, ce qui nous touche le plus, avouons-le, c'est la beauté de ce grand in-8«, admirablement imprimé à Florence par G. Barbera et tiré à cinq cents exemplaires, dont quatre cents seulement sont offerts au public.



Nous n'avons pas eu encore l'occasion de parler d'un petit livre d'ailleurs modeste, mais qui a déjà rendu bien des ser^ vices, sinon aux typographes de profession, du moins aux amateurs et aux lettrés que rien de ce qui touche à l'impri- merie ne peut laisser froids. Il s'agit d'un vocabulaire de mots et de locutions techniques usitées dans les imprimeries anglaises depuis Caxton jusqu'à nos jours*. Il serait intéressant de com-

1. Sir John Hawkwood (L'acnlo). Story of a Condottiere, translated from the Italian of John Temple-Leader, Esq. and Li^. Giuseppe Mariolti, by Leader Scott. London, T. Fisher Uwin, 18S9; 1 voL gr. in-8«, 870 p., front.

3. The Printer's VocabuUry. A Collection of some 2500 technical terms, phrases, abbreviations and other expressions mostly relatinjç to Letterpress Printinç, many of which hâve been in use since the time of Caxton. By Charles Thomas Jacobi. Lonûon, the Chiswick Press, 1888 \ 1 vol. pet. in-8% viii-i60 et 4 p.


LIVRES D'OUTRE-MANCHE. 301

parer ce travail, très soigné et dû à un homme du métier, avec la liste polyglotte publiée dans le Caspar's Directory, mais le temps et Tespace nous manquent pour cela. Signalons seulement une légère faute d*impression qui nous frappe dans un ouvrage si correct et si bien ordonné au point de vue typo- graphique : le mot français papeterie ^ donné à juste titre comme équivalent de st&iionery, est imprimé papeterie*. Quelques pages consacrées aux signes usités dans la correc- tions des épreuves et à des spécimens de caractères nommés d'après leur grandeur, ajoutent à l'utilité pratique de ce très recommandable travail.



L'humouriste américain Mark Twain, bien moins connu sous son vrai nom de Samuel L. Clemens, vient de publier un des livres les plus désopilants et les plus sensés à la fois que j'aie lus depuis longtemps. Il a paru chez Ghatto et Windus, de Londres, sous le titre de A Yankee at the Court of King Arthur^. Par une sorte de transposition des corps d'une époque dans une autre, qui ne pouvait être conçue que par un esprit fantastiquement funny, Mark Twain implante, au beau milieu de la cour du roi Arthur et des chevaliers de la Table Ronde, un Yankee supra-civilisé qui improvise les plus récentes applications de la science, télégraphes, téléphones, revolvers, canons, feux d'artifices et bicycles dans la Grande- Bretagne d'il y a treize cents ans. Ge qu'il en résulte de bouffonneries et de renversantes aventures, il faut lire le livre pour s'en faire une idée. Mais il y a, sous ces drôleries, qui convulsent la rate, un amour de la liberté et du progrès qui relèvent la plaisanterie, ennoblissent les imaginations bur- lesques, et répandent dans maintes pages une généreuse élo- quence. Je ne sais quel critique anglais s'indigne de ce que l'écrivain américain ait eu l'audace de profaner la légende de

1. 1 vol. in-8^; 220 illustr. par Dan. Beard. ; 1889; xvi.


303 LE LIVRE MODERNE.

la Table Ronde et du Saint-Graal : la haute leçon qui sort de ce choc entre tout le monde féodal et un seul homme moderne a été perdue pour lui. Cette indignation risible est un trait comique inattendu, dont Mark Twain n'aurait pas de peine à tirer bon parti.

Les illustrations, très nombreuses, sont spirituellement adaptées au texte, et en forment un inventaire graphique si clair et si frappant qu'on pourrait comprendre le sujet et en suivre les principales péripéties sans rien lire.

Toutes ces choses charmantes sont habillées, il £aut bien le dire, d'une couverture laide à faire peur.



Sous le titre de The Sin ofJoosi Avelingh, a le Crime de Joost Avelingh », les éditeurs Remington et C^ ont dernière- ment publié un roman hollandais de Maarten Maartens^, où une singulière sincérité de détails descriptifs s'allie à l'analyse profonde et troublante d'une âme complexe d'homme moderne. L'effet est d'autant plus saisissant que c'est par l'action même et non par des dissertations ou des monologues, que le déve- loppement de cette analyse se manifeste au lecteur. Le remords d'un crime conçu, mais non commis, amène Joost Avelingh à des expiations et à des sacrifices dont sa femme seule comprend la noblesse et qu'elle sait lui rendre doux en les approuvant et les partageant.

Des caractères très vivants, d'un dessin net et personnel, des épisodes émouvants et tragiques, une peinture saine et réelle à la fois de la vie provinciale en. Hollande donnent à ce roman une valeur qui serait tout à fait considérable si le monde littéraire voulait y voir, comme je crois qu'elle y est visible en effet, l'indication d'une voie nouvelle à frayer dans le champ de la fiction.

1. London, 1889; 2 vol. pet. in-8^


LIVRES D»OUTRE-MANGHE. 303

Un idolâtre de Shakespeare, qui passe sa vie à propager son enthousiasme et à fonder ou à maintenir des sociétés vouées au culte de son dieu, M. L. M. Griffiths, secrétaire de la « Shakspere Society » de Cliflon, a consigné les enseigne- ments de son expérience dans un gros volume in-4*> qu'il appelle Soirées avec Shakespeare^. Composé dans un but très spécial, que le public de langue anglaise appréciera surtout, ce livre contient une foule de renseignements que tous ceux qui lisent ou étudient Shakespeare seront bien aises de trouver sour leur main, car ils résultent de la longue enquête qui se poursuit encore sur la vie et les œuvres du grand poète dramatique, et ils sont épars dans une foule de brochures et de volumes, inaccessibles le plus souvent. Le travail de M« Grif- fiths, si utile pour les clubs ou sociétés dont le but est la lec- ture, le commentaire et parfois la représentation des œuvres de Shakespeare, est donc aussi, bien qu'à un autre titre, d'un incontestable intérêt pour nous.



Nous avons reçu trop tard pour pouvoir lui accorder autre chose qu'un accusé de réception, un roman en trois volumes par M. Hall Gaine, intitulé Tfie Bondsman, scènes de la vie islandaise^. Il est publié par M. William Hei- neman, ancien associé de Trûbner, qui, depuis Pamalgamation avec Kegan Paul et Trench, a fondé une nouvelle maison d'édition. Nous serons heureux de reparler, s'il se peut, de ce remarquable roman le mois prochain.



Je voudrais m'arrêter là, mais nos lecteurs me sauront gré,

1. Evenings with Shakspere. AHandbookto the study of his Works, wilh suggestions for the considération of other Ëlisabethan Litera- ture and containing spécial help for Shakspere Societies. Bristol, G.-W. Arrowsmith ; 1 vol. in-12 ; xyi-365 p.

2. The Bondsman, A newSaga. By Hall Gaine. Lond., William Heine- man, 1890 ; 8 vol. pet. in-6*.


304 LE LIVRE MODERNE,

je n'en doute pas, de leur signaler exceptionoellemeDt ud ca- talogue d'une collection très remarquable de lithographies en vente à Amsterdam, cheï Frederick MuUer et C*. Ce Cata- logue, qui contient 1060 numéros, vaut la peine, dans sa cou- verture joliment illustrée, d'être gardé comme document i consulter. L'école française y est largement représentée. On ; remarque, entre autres pièces curieuses ou précieuses, une collection, en dix volumes contenant 524 planches, de la Ca- ricature de Pbilippon, exemplaire unique, offert par PhiUppon lui-même à un de ses amis, et enrichi d'explications auto- graphes du directeur de ce journal, couvrant 34 pages d'une écriture serrée. Toutes les planches non coloriées sont sur Chine. L'exemplaire contient la rarissime planche de Patis. Pour cette merveille, la maison Frederik Muller demande 650 florins, soit 1377 li-.

1. L» Lithographie. Ecoles française, aéerlandaise, allemanda, u>- glaise et russe, i broch, iii-8', ïfl p.


JOURNAL INTIME DE GŒTHE


L y a plus d'un demi-siècle que Goethe, rassasié de jours et de gloire, s'éteignait à Weimar. Et depuis, à l'inverse de la critique française qui parait se désinté- resser de plus en plus de l'œuvre de Victor Hugo, la critique allemande n'a cessé de discuter, d'éclaircir, do vulgariser et surtout d'admirer l'œuvre multiple et cosmopolite et phiioso- pKiquc de celui qui fut vraiment un poète dans l'accep- tion absolue de ce terme, — c'est-à-dire qu'il fut celui qui créait la vie, le rêve et la pensée. A l'imitation de la Société shakespearienne de Londres, il s'est formé, en Allemagne, sous le patronage du grand-duc de Baden Alexandre, une Société qui se propose d'éclaircir tous les points relatifs à la vie et à l'œuvre de Gœthe. On lui doit d'excellentes éditions et toute une série de pu- blications sérieuses et indispensables. A côté, il con-


306 LE LIVRE MODERNE.

vient de citer les Conférences d'Hermann Grimm, d'une lecture si instructive, et les travaux très documentés, mais quelque peu ardus de d'Erich Schmidt, du célèbre critique allemand Scherer et de beaucoup d'autres, qu'il serait sans intérêt de nommer ici. i Pourtant, je ne vou- drais point oublier M. Kuno Fischer, l'auteur d'une Histoire de la philosophie moderne qui semble incompa- rable^ dans laquelle la beauté de la forme s'unit à l'exac- titude des renseignements et à l'originalité des théories. Il est fort regrettable, pour nous, que ce oapital ou- vrage auquel M. Fischer a consacré sa vie ne soit ni traduit, ni en passe de l'être. Dans ses heures de loisir, M. Fischer fait de la critique littéraire ; c'est ainsi qu'il a écrit un volume sur Lessing, et plusieurs sur Gœthe, dont un sur Faust^ un sur Iphigénie en Tauride^ un sur les <:ommentaires et les commentateurs du Faust. Bien diffé- rentes des habituels travaux de la critique française, ces pages exposent non sans grâce, mais avec une extrême et sans doute pédante précision, la genèse, puis la psychologie •des œuvres étudiées. Pour qu'une semblable critique «'exerce avec quelque profit, il est nécessaire de traiter d'œuvres aussi complexes, aussi pleines d'intentions et •de symboles que le Faust ou que V Iphigénie. Je le répète, je ne connais pas, en français, d'études qui se puissent •comparer pour la méthode et les procédés à celles de M. Kuno Fischer. Au fond, c'est la critique historique, artistique et surtout philosophique.

Mais, à côté de semblables travaux, qui sont excep- tionnels en Allemagne, la plupart des publications rela- tives à Gœthe sont des commentaires, des annotations, de scrupuleuses revisions de textes. C'est ainsi que récem- ment, M. Henri Diîntzer donnait enfin la première édi- tion correcte et pratique dn Journal (Tagebuch) de Gœthe.


LE JOURNAL INTIME DE GOETHE. 307

Il m'a paru qu'il y avait un réel intérêt bibliographique à esquisser Thistoire des éditions de ce journal depuis Riemer jusqu'à M« Henri Dûntzer.

On sait que les notes concises, souvent abrégées, par- fois énigmatiqites que le valet de chambre de Gœthe, Philippe Seidel, puis que Gœthe lui-même écrivirent sur des calendriers., forment ce que Ton a l'habitude d'appeler, un peu prétentieusement sans doute, le Journal de Gœthe. Ces notes partent du 11 mars 1776 et vont jusqu'au 43 juin 1782. Elles contiendraient donc les impressions des six premières années du séjour à Weimar si, la plu- part du temps, elles étaient autre chose que la sèche énumération des événements de la journée, sans réflexions, sans dissertations, avec des signes hiéroglyphiques dont le secret a été levé peu à peu. Ainsi, le signe du soleil indique ^M"* de Stein, celui de Mercure, Wieland, celui de Jupiter, le grand-duc, celui de Vénus, la comtesse de Werther-Neuenheiligen, etc. De plus, ces notes sont sou- vent mal orthographiées ; elles sont pleines d'archaïsmes de déclinaison, d'abréviations hasardeuses à comprendre et toujours gribouillées à la hâte, presque indéchifirables. Si bien que la nécessité d'une édition critique accompa- gnée d'explications était absolue, puisque, à défaut, le Journal de Gœthe perdait toute valeur historique et n'était plus qu'une suite de renseignements propres à induire en erreur et d'un intérêt assez mal évident. Or la première édition, celle de 1841 faite par Riemer, présentait la plu- part de ces inconvénients. D'abord, Riemer avait tra- vaillé d'après une copie que Krauter, critique lui-même et préparant une vie de Gœthe, avait rendue volontaire- ment incomplète. Puis Riemer ne se défendit, ni d'éla- guer, ni d'ajouter, ni de corriger. De là, les longs et sévères articles, pleins de remarques, de discussions du


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308 LE LIVRE MODERNE.

chancelier MûUer, puis de rarchiviste Burkhardt au Meê^ gager deê frontières [Remarquée êur la biographie de Gœthe d'après les lettres de Seidel et le Journal de Gœthe). L'édition était plus complète, mais plus incorrecte aussi et des erreurs, comme Arbas à la place de Atkas, n^y étaient point rares. Aussi ne fut-elle acceptée qu'avec une extrême méfiance et, quelques années plus tard, Robert Keils donnait-il la première édition complète du Journal de Gœthe* Encore ici, beaucoup d'erreurs de copie, d'inhabiletés de lecture. MM. Erich Schmidt^ Henri Dûntzer et Reinheld Kohler le prouvèrent abon- damment et surabondamment. Plus savante, mieux rai- sonnée fut l'édition déjà presque définitive de Weimar, faite par Burkhardt pour la société de Gœthe. On peut lui reprocher quelques inexactitudes qui sont choses de détail, sans doute, mais qu'on eût préféré n'y point trouver et surtout la critique allemande ayant fait de nouvelles découvertes, M. Henri Dûntzer, à qui nous devons d'excellentes éditions de Faust^ de Prométhée et Pandore^ de Torquato Tasso, ainsi que deux excellentes études sur Gœthe et Charles^ Auguste^ sur les Amis de Gœthe^ a jugé convenable une nouvelle édition. Il vient de la publier, à Leipzig, à la librairie Dyck, s'efforçant de la rendre aussi savante, aussi indiscutable, aussi ne va- rietur que le permettait notre connaissance de Gœthe. Je ne prétends point discuter un travail semblable qui a coûté tant de recherches, tant de patience; mais je vou- drais seulement indiquer qu'un livre pareil, où les notes représentent au moins trois fois la longueur du texte, est, dans sa science excessive, essentiellement utile aux bio- graphes de Gœthe, mais enfin essentiellement étranger aussi à nos manières de comprendre les travaux histo- riques. Ce n'est pas sans quelque ei&oi que l'on parcourt


LE JOURNAL INTIME DE GGETHE. 809

ces pages ayant souvent quatre lignes de texte et cin- quante lignes de commentaires. Il y a là une science un peu écrasante pour nos intelligences latines. Et pourtant ces remarques sont, j^en conviens, curieuses, pleines de faits, indispensables même, si vous voulez. Un exemple très au hasard :

(( 4 juin 1876. Erwin und Elhire. Cewiiter Nachtàbei ® * » Voici ce qu^ajoute M. Dûntzer : « Répété Erwin et Elmire — Orage. )jl Vraisemblablement la re- présentation fut troublée par Torage et c^est pourquoi lu cour partit en carrosêe par des tempêtes de pluie, car le qpectacle avait été donné dans la salle des capitaines. De nuit (après Forage) chez . C'est la première fois que Gœthe emploie le signe du soleil à la place du nom dé Stein. Il devait avoir à .se réjouir, une fois de plus, de la profonde amitié de cette femme. Désigner par rimage du soleil ce nom qui revient si souvent n'indique rien de plus que Temploi ailleurs, d'autres signes plané- taires pour d'autres noms.

A un point de vue moins uniquement bibliographique, ce Journal nous renseigne d'une manière presque indis- crète sur la vie de Gœthe, sur ses relations, sur ses oc- cupations, sur ses habitudes. Nous le voyons zigzaguant sans cesse aux environs de Weimar, à Ilmenau, à Erfurt, partout — tantôt chassant, tantôt péchant, tantôt faisant de longues parties de traîneau; puis, au retour, ce sont des causeries dans le jardin fleuri que lui a donné le grand-duc — d'interminables causeries, avec Wieland, avec Herder, avec la grande -duchesse Louise, avec M"'® de Stein. Et les amis partis, des heures de dessin, des lectures surtout; des lectures encyclopédiques de l'Eschyle et du Beaumarchais, du Voltaire et du Virgile. Et puis naturellement, les travaux de composition : les


aïO LE LIVRE MODERNE.

Deux Sœurs^ la première Iphiginie, Egmomi^ des scènes de TorqwUo TassOj des fragments de Wilhebn Meitter^ des poésies^ des lettres innombrables, bref l'existence beureuse des petites cqxos d'Allemagne, Fexistence calme, coupée de fêtes avec des êtres distingués de race et d'esprit, à Fâme merveilleusement artiste. Pourtant cette existence douce reste pour Gœthe incitante à l'ac- tivité. Ainsi, actif en son esprit, actif en son cœur, pen- sant, lisant, rêvant, aimant sans cesse, vivant donc d'une vie plus réelle, plus intense que la plupart d'entre nous, Gvœthe, en cette cour de Weimar qui rappelle les cours de l'Italie du xvi^ siècle, entouré d'amis, d'admirateurs et d'amies, laisse passer les années, comprenant, aidant lui-même à Tépanouissement de son âme. On ne l'a pas assez dit, en France, Goeibe fut mieux qu'un poète, mieux qu'un philosophe — il fut un bomme. En Alle- magne, on l'a compris et c'est pourquoi M. Fiscber — si j'ai bien entendu sa théorie — prétend que l'étude de la vie de Gœthe est pour le moins aussi utile, aussi philo- sophique que l'étude de son œuvre. Car, avec Gœthe, nous n'avons pas comme avec Dante, comme avec Mil- ton, comme avec Victor Hugo, Tœuvrc indiscutable ou discutable d'un homme qui fut faible, mesquin, pares- seux, violent, emporté, d'un homme qui tergiversa avec ses croyances, qui manqua de grandeur d'âme ou de bienveillance ou de passion. Chez Gœthe, au contraire, tout est rationnel, plein d'intentions, d'activité, de science et de beauté. Ici, les circonstances de la vie servent non seulement à expliquer l'œuvre écrite, mais elles ont une valeur, un intérêt qui leur sont propre ; elles sont une œuvre par elles-mêmes et en elles-mêmes, une œuvre non pas écrite, mais vécue et vivante toujours. 'Or la vie, Tactivité du cœur, du corps, de l'esprit, c'est, après


LE JOURNAL INTIME DE GCETHE. 311

tout, ce qu'il y a de plus beau ici-bas, puisque le su- prême éloge fait à un écrivain est de lui dire qu'il a rendu ou expliqué, ou senti cette chose multiple et qui com- prend tout : — la vie.

Ces considérations indiquent pourquoi — selon nous — les commentateurs d'Allemagne ont raison de ras- sembler les moindres notes de la main de Gœthe et pourquoi nous avons cru bien faire en écrivant ces lignes.

Ernest Tissot.


LES FBËRES

JULES ET LÉON D'AUEEYILLY

D'APRÈS DES LETTRES INÉDITES


ARBET d'Acrevillt nous a quittés il y a déjà une année ! — Le 23 Avril dernier, on célébrait la messe de bout de l'an de son décès, et tons les amis du grand Maître défunt se trouvaient réunis i Saint-François-Xavier, fi- dèles au souvenir de cet esprit fait homme qui leur fut si cher et si ré- confortant jusqu'à son deroi^ soufile. Depuis un an. — au milieu de la fièvre d'oectqiations et de la trépidation énervante de cette torible vie pafi- sieane. — nous avons song^ bien souvent an volume <pn serait à faire sur la nohle physionomie de l'aDtear des Bytkmes 04tbti^; nous avons pensé et espéré, après avoir recueilli bien des documents inédits, des notes


LES DEUX D'AUREVILLY. 313

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amicales, des souvenirs intimes, avoir le loisir de fuir vers Valognes, dans cette paisible ville normande qu^ii ïnagnifiait, afin d^écrire, dans Tair ambiant de l'ancien Hôtel Grangeval-Clarigny, l'ouvrage de biographie anec-^ dotique qui nous hante et qui montrerait peut-être à tous ceus: qui ne Vont approché quel homme superbe, généreux, chevaleresque, idéalement paradoxal ùi exqui- sèment bon fut notre regretté Jules Barbey d'Aurevilly.

Mais puisque les horizons calmes semblent encore disparaître au loin sous nos yeux, et comme ce nous est cependant un pieux devoir de raviver ici, en ce temps d'anniversaire, la mémoire du maître écrivain de l* En- sorcelée^ nous venons de réunir, dans le dossier des pièces inédites que nous tenons en réserve, une série de lettres intimes, mi-sérieuses, mi-enjouées, échangées entre Jules Barbey d'Aurevilly et son frère l'abbé Léon, qui fut un doux poète normand et un véritable saint chez lequel la belle humeur et la verve gauloise tempéraient ce que ses hautes vertus religieuses — non masquées par la gaité — auraient pu avoir d'âpreté et de raideur.

Né à Saint-Sauveur-le- Vicomte le 28 septembre 1809, Léon Barbey d'Aurevilly était d'une année plus jeune que son frère Jules, et — à l'exclusion de deux autres frères venus au monde en 1811 et 1812, — il s'était formé entre celui-ci et celui-là une. amitié tendre, une affection sereihe, une intimité de cœur et d'esprit rare et touchante qui unissait ces deux frères normands comme deux solides branches maîtresses d'un vigoureux pommier.

Élevés l'un près de l'autre, nourrissant les mêmes rêves, forgeant d'identiques espérances, Jules et Léon semblent avoir atteint l'adolescence comme ces jumeaux

X. 25


314 LE LIVRE MODERNE.

des contes bleus qui passent, côte à côte, sosies étranges, dans les souvenirs littéraires de notre imagination.

Après la vingtième année, Jules Barbey s'en fut à Caen pour faire son droit, et Léon entra dans les ordres. Après s'être appuyé sur l'amitié fraternelle, il s'appuya sur la croix de toute sa faiblesse et sa force de croyant.

Jules Barbey d'Aurevilly ressentit comme une déser- tion de .son cœur à ce moment; la vocation fraternelle lui fut amère ainsi qu'une trahison, et il ne put jamais dissimuler la tristesse' de cet abandon. — Une des pre- mières lettres que nous avons pu recueillir est relative au désespoir qu'éprouva le fougueux auteur de la Vieille Mat- tresse lorsqu'il vit son frère Léon épouâer la religion si passionnément qu'il en eut, par dépit, la jalousie de Dieu.

Cette lettre est écrite à F. G. S. Tributien, l'ami et le frère d'élection des deux Barbey et aussi leur éditeur, car s'il publia le Dandysme, la Bague d'Annibal et les poésies de Jules, il mit également au jour, en 1856, un recueil poétique de Léon sous ce titre : Basa Mystica, « Rose mystique, — disait-il, — qui peut jaunir et mourir dans l'herbier que nbus lui avons dressé, mais qui y lais- sera assez de parfum pour qu'on reconnaisse qu'elle a fleuri sur un autel. »

Donnons donc en début la lettre à ce Tributien confi- dent; on y lira ce que Jules Barbey d'Aurevilly, alors âgé de trente-six ans, pensait de l'abîme moral que la religion mettait entre son frère et lui. f

30 décembre 1844.

... Quant à Léon, pourquoi ne lui avez-vous pas écrit? vous lui auriez fait d'autant plus de plaisir que je vous crois (me trompé-je ?) dans des idées religieuses bien rapprocKées des siennes. Du moins, à une certaine époque, votre esprit se tournait de ce côté. Moi, mon ami, qui suis resté à des points


LES DEUX D'AUREVILLY. 3tS

de vue bien différents de ceux de mon frère, je crains bien qu'il n'y ait eu influence de ceU sur notre affection. Elle est


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encore tiis grande (j'en réponds pour moi et je veux lecroire pour lui), mais ce n'eet plus ce qu'elle a éU. C'eet impouible.


S16 LE LIVRE MODERNE.

La tunique du prélre a dévoré le vieil homme, ce vieil homme que je suis toujours ! Mon cœur bat pour les choses visibles, lui ^Léon) les lient en pitié. Là où va ma pensée, il détourne la sienne. 11 y a un infini entre nous. Je sais trop la nature humaine pour m'irriler de cela, mais j*ai trop en moi de cette faible nature pour ne pas m'en affliger. Dieu m^a pris Léon tout entier, et quel Dieu I un Dieu jaloux et incompatible. Ah I pour moi, les dominations de mon âme ne m'arracheront pas tout entier à mes amis, mais lui n'a plus une fibre du cœur qui vibre ou qui saigne quand les choses de la terre qu'il méprise nous font, à nous, vibrer et saigner le cœur. U s'est consumé sous cette foudre de l'amour de son Dieu. Vous, Trébutien, vous avez beau croire à ce qu'il croit, sympathiser avec ce qu'il aime, vous n'êtes pas prêtre. Il y a pour nos in- telligences, à vous et à moi, pour nos activités, pour nos rêves, des terrains communs, des sphères partagées ; si nous ne sommes pas en tout semblables, nous ne sonomes pas en tout dif- férents. C'est une grande diose que cela. &Iais pour Léon, ma ▼ie n'est plus sa vie. Il ne m'écrit presque plus. Que me dirait- il? Il m'aime comme il doit m'aimer. Il prie pour moi; il pense k moi à l'autel. Moi, je pense à lui quand je souffre (c'est un autel aussi que la souffrance), et je pense qu'autre- fois il partageait ma peine, tandis qu'à présent il répète la grande ironie : bîenkeoreax ceux qui souffrent I — Voilà, mon «ni» où nous en sommes. J'ai ai trop écrit, mais j'ai été en- traîné, et, d'ailleurs, vous avez la mesure de mon amitié par la profondeur de la sonde que je vous fiûs mettre dans mes blessures.

Les angoisses de cette première douleur se calmèrent cependant peu à peu; la littérature conquérante de 1 au- teur du Chevalier Desioyche, sa vie outrée de polémique dans le IS'ain Jaune et le Pays nuagèrent lentement les déboires de la séparation fraternelle.

Au premier voyage à Valognes, les deux amis se


LES DEUX D'AUREVILLY. 317

retrouvèrent au nid d'enfance attendris comme jadis, tisonnant encore d'ardents enthousiasmes, étonnés d'avoir pu vivre l'un sans l'autre, et désespérés d'avoir à songer déjà au départ.

Lisez cette lettre de Jules à Léon, — de Jule$ Pacha, comme il signait par allusion à son amour du faste et à l'éclat de ses vêtements à l'orientale.

Valognes, vendredi.

Mon cher abbé, tu m'as donné hier, en me quittant, une joie grande et aussi du chagrin.

De la joie, car franchement je croyais que tu ne m'aimais pins comme autrefois^ et à tes pleurs, en me quittant, j'ai vu que tu m'aimais encore.

Du chagrin parce que je te quittais, baigné de larmes, et que je n'avais pas le temps de te dire combien ces larmes-là m'allaient loin dans le cœur !

J'aurais bien pu descendre de cabriolet et passer la soirée avec toi, mais il aurait fallu recommencer de partir le lende- main. Seulement j'ai pensé à toi toute la soirée et voici ce que je veux te dire, mais de vive voix: c'est que, si le ciel favorise mes projets, nous passerons nos derniers jours ensemble, comme les premiers jours, sous le même toit, et ce sera le mien.

Je m'en rebâtirai un, puisque je n'en ai plus, ou bien je mourrai à la peine ; et nous donnerons au monde le spectacle rare d'un vieux pacha et d'un vieux abbé accouplés I Voilà ce que je te dis ce matin avec la plume, mais ce que je veux te dire de vive voix demain.

Monte dans la voiture d'Emile et viens déjeuner avec moi demain samedi, — Dimanche je serai à Cherbourg. Viens de- main. Nous serons seuls et nous causerons de cœur à cœur.

Je ne puis pas te dire quels abîmes de tendresse j'ai dans le cœur pour toi ; malgré la légèreté de l'esprit, il faut croire un peu à mon âme, sous les turqueries de ton

Jules Pacha.


318 LE LIVRE MODERNE.

Ce n'est plus Jules Pacha que nous allons lire main- tenant. L'abbé Léon va faire son apparition, une appa- rition imprévue, gamine, fantaisiste, écolière ; — il écrit au frère et ouvre sa lettre par un impromptu de rimes qu'il fait sursauter et sonner comme un sac de noix sur une charrette ; mais du vers cahoté il passe à la prose et s'y montre aimable, observateur, espiègle, bon enfant; bien que lointaine et très locale, cette lettre, par son allure mouvementée, nous intéresse extrêmement. — Jugez-en plutôt.

Saint*Sauveur-le-Vicointe, ce 2 janvier 57.

— Altention !... je vais rimer en ac !

Je te croyais feu le baron de Crac,

Ou tout au plus vrai comme un almanach.

Tu nous faisais le plus brillant flic-flac

De ton paquet tout plein de bric-&-brac...

Mais tu ^rdais le tout au fond du sac

Et tu.8emblais dormir dans ton hamac.

Dès qu'arrivait le coche et non le bac.

Tous nos trois cœurs ne faisaient qu^un tic-tac,

Et nous disions et &b hoc et ab hac.

Est-il parti dans son cher Armagnac,

Et nous tendions en vain notre bissac.

Papa trompé flairait son makoubac.

C'est un remède & tout que le tabac.

Voici pourtant notre paquet... Clic clacl

Qu'on donne à George un verre de cognac...

Et le paquet est mis sur le tric-trac.

  • Depuis longtemps nos cœurs étaient dans la détraque.

Étions-nous par hasard victime d'un cosaque, Ou Jules, tout épris de sa belle Andronaaque, Voulait-il s'en tirer, hélas! par une craque? Oh ! nont enÛn voici le trésor qu'on attaque.

Tout se fond et tout craque. Ce n'est point du hareng qui gtt dans cette caque ; Mais sous mille papiers, très utile mic-mac, Sbnt des bustes chéris, des bottes à tabac. Un voyage en Russie, armé de son colbac, Puis les écrits d'un saint qui pour rimer en aque Devrait changer de nom et se nommer Saint-Jacque. Bravo I dis-je. Barbey n'est pas monsieur de Crac. Un homme comme lui, grand cœur, riche estomac, N'a pas reçu le jour dans les murs de Moissae,


LES DEUX D'AUREVILLY. 319

Voilà, mon bien cher, des folie» pour rimer aux tiennes. Je me sens en veine, bien que coiffé d'un rhume formidable, et je crois bien que, sans trop de peine, je pourrais remplir la feuille entière de mes craques/

Nous avons donc reçu, mon bien-aimé, après les deux lettres si agréables et si vives, Tune en rouge, à moi, Vhomme noir, et Tautre en vert, à papa, Thomme blanc, la dive boite si longtemps, si impatiemment attendue. — Quelle joie I quel feu dans les regards pendant que maître Vindard, notre voi- sin, le menuisier du coin, développait le mâchicoulis de papiers qui voilaient tant et de si belles choses I Seulement, au fond de la boîte, nous avons trouvé un mystère? 36 médailles du plus beau module, que j'ai supposées devoir venir de sœur Placide pour les pensionnaires de TAbbaye. La sœur Cohm^ hier avait promis aux petites bonnes femmes de leur expédier cette cargaison. Or tu Tas vue deux fois, et je n'ai pas besoin de porter un nom en ac et d'être né à Moissac pour me douter que ces médailles appartiennent aux enfants de TAbbaye. Sois assez bon cependant pour nous en dire un mot.

Mon père, comme tu le penses bien, est enchanté du tout, surtout du buste de Henri V; il te remercie chaleureusement, et, n'était un gros rhume accompagné d'un violent mal de tête, il t'eut écrit dès aujourd'hui pour te remercier, comme il sait le faire, quand il est touché ; mais tu ne perdras rien pour attendre.

Mon père est si content,., si content (traîne en longueur comme M. Bertrand) qu'il veut te donner et t'envoyer une image,.. Cette image te plaira, c'est la vue de Saint-Sauveur par mon oncle M. de Montressel (nom charmant à mon gré). Seulement cette vue a besoin d'être ré-encadrée^ le papier est plissé par le temps et l'humidité. Quel cadre y voudrais-tu? Veux-tu du Louis XV?.., ou bien veux-tu qu'on te l'envoie, le cadre, tel quel, pour que tu le fasses remettre à ta dévo- tion ? — Réponse à tout cela, le plus tôt possible.

Après tout ce fatras de douces et tendres bagatelles, mon cher ami, j'arrive au sérieux. Nous sommes à l'époque des


320 LE LIVRE MODERNE.* '

vœux et des souhaits. Pour moi, cher ami, tous les jours sont le jour de Tan, dès qu'il s'agit de te souhaiter bonheur par* fait — ce qui se résume dans un divin monosyllabe, accompa- gnant le mot délicieux de bonheur!... Pur! Aujourd'hui, jour Saint-Basile, comme tous les jours de docteurs, je t'ai souhaite à l'autel une pluie de lumière dans l'âme, afin que, chevalier de la vérité, armé de pied en cap, tu puisses la venger bril- lamment de tous les outrages qu'elle reçoit tous les jours. Mais en te souhaitant une grande plénitude de lumières cé- lestes, je te désire aussi V onction qui la rend insinuante et agréable en même temps que victorieuse. Il faut, pour bien faire, que ceux qui rendent les armes à la vérité aient du bonheur à le faire. La vérité est trop noble, trop belle et trop pure pour qu'on doive rougir d'être vaincu par elle. Or vaîlà ce qui te manque, à mon sens, même quand tu as raison, et tu l'as au moins dix-neuf fois sur vingt I Je te reproche trop d'âpreté, et cette âpre té vient de l'orgueil. Quand tu aimeras Notre-Seigneur plus tendrement, quand tu seras plus initié aux secrets de son cœur, par une communion plus fréquente et une âme plus sanctifiée, tu fouleras sous tes pieds le moindre sentiment d'orgueil — et la vérité, dans ta bouche ou sous ta plume, aura une puissance irrésistible.

A six ans de distance Tabbé Léon d^ Aurevilly se montre à nous sous Taspect d^un véritable pasteur d'âmes. On sent qu^il est tenu au courant des moindres écrits de son frère, qu'il lit ses œuvres attentivement, qu'il les critique judicieusement et qu'il ne se fait pas faute d'ex- primer son opinion avec la franchise dont il est digne.

La lettre suivante est relative au Prêtre marié ^ elle est éloquente, élevée et semble tomber de la chaire comme un noble sermon de semaine sainte.

C'est assurément la plus belle de la série que nous pid)lions ici. Lisez^la lentement comme il convient, avec


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LES DEUX D'AUREVILLY. 811

ferveur, après vous être remis en mémoire les péripéties du roman le Prêtre marié.


Saint-Sauveur-le-Vicomte, ce 13 octobre 1864. En la fête de Saint-Edouard, le merveilleux Roi vierge

(Époux du ciel}.

Voici encore une lettre, mon cher ami. Ce n'est point sur le plan à modifier ton voyage ; tout est réglé, comme cela ! et j'aurai cette année une raison de plus d'aimer saint Martin qui, sans cela, joue un grand rôle dans mes enthousiasmes apostoliques, comhie de raison I Mais comme, en repassant sur mes souvenirs du Prêtre marié, il m'est revenu une observa- tion que je crois grave, je veux te la soumettre aujourd'hui même (ipso facto), pour n'être pas en danger de Voublier, Dans un passage à propos des Anges, qui, dans la gloire des cieux, éprouvent une soi-disant douleur des horribles impie- tés du Sombreval, à propos de l'Eucharistie, il y a là quelque chose de fort poétiquement pieux (tu trouveras aisément l'en- droit), mais cela n'est pas exact et conforme aux saines idées théologiques. Les saints eux-mêmes les plus embrasés de zèle et qui ont donné ici-bas de leur sang pour empêcher ou punir le Péché, en glorifiant Jésus crucifié, ne peuvent point être troublés ni malheureux pour le fait du crime des hommes. Absorbés comme les saints Anges dans le bonheur de la vision ' et possession de Dieu, ils participent évidemment à l'immuta- bilité du Bien suprême qu'ils cohtemplent et possèdent. Or, cela posé, il ne peut y avoir aucune souffrance, aucune dou- leur même de zèle, dans le sein de Dieu, au Paradis 1 Tout ce qu'il est possible d'admettre parmi les esprits bienheureux et les saints, c'est que, connaissant les péchés des hommes, ils peuvent (et doivent même) faire un double acte de charité, le premier pour les coupables, en demandant grâce pour eux, et le deuxième à Pégard de la sainteté infinie I Or comme Dieu est rai;nour infini (Deus caritas est), le sentiment profond, ineffable, brûlant des droits de Dieu et du pouvoir de Fimmo-^

X. *i6


334 LE LIVRE MODERNE.

ton amabilité, encore qu'un peu tardive, Tépée restera dans le fourreau. Je disais :

Allons I l'homme au pantalon rose, Grand seigneur vraiment sans soud, Allons ! en ma faveur dispose ' De ton beau « Jupon cramoisi ».

O toi que le pli d'une rose Inquiète et met en souci, Il faut te piquer — et pour cause — - Sous ton beau « Jupon cramoisi ».

C'est pour une fille très rose Qui le désire moult ici, Que je veux cette belle chose, Ton brillant « Jupon cramoisi ».

Or il lui faut plus qu'une rose Pour t'adresser un doux merci, A ses yeux il faut qu'on expose Le plus beau « Jupon cramoisi ».

Aux pieds de ma vivante rose, Que l'on courtise fort ici, En pacha très galant dépose Ton brillant « Jupon cramoisi ».

Son front deviendra plus que rose. Si tu retiens, toigoùrs transi, Par indolence, on le suppose. Ton si beau « Jupon cramoisi ».

Ce Jupon est plus beau que rose ; Ta riche poésie aussi Comme une dentelle est éclose Au bord du « Jupon cramoisi ».

Faut-il prendre de l'encre rose Avec du papier d'Annecy Pour exiger en belle prose L'envoi du « Jupon cramoisi » ?

(Après l'arrivée du fkclenr,)

Mais, 6 l'homme au pantalon rose. C'est très bien, bravo I le voici. Ma cliente enfin tient la chose... Ce charmant « Jupon cramoisi »;


LES DEUX D'AUREVILLY. 825

Et Taurore au minois de rose Non I ne fut jamais rose ainsi, Et le sien fait p&Iir, il l'ose, Jusqu'à ton « Jupon cramoisi ».

Et moi, pour terminer les choses, Je rou^s de plaisir aussi, Déraisonnant avec mes roses, Brodant ton « Jupon cramoisi »...

Saint-Maur * dont la muse est très rose

Devra lire avec toi ceci,

Lui, le juge en dernière cause,

De tout beau « Jupon cramoisi ».

Voilà, mon ami, des folies s'il en fut jamais. — Miss Hen- riette, par malheur, hier que j'étais à Avranches et aujour- d'hui que je n'y suis pas, n'a pas pu me donner le spectacle de son innocent et naïf enchantement, mais la chère petite va être ravie, et son ravissement me ravit ; je ne trouve rien de si doux et de si charmant que de faire de pareils plaisirs, je ne dirai pas avec si peu, car je calomnierais le brillant jupon cramoisi, mais enfin avec la simple peine de le transcrire avec de l'encre digne de son éclat.

Tu auras pour ta peine, aujourd'hui, deux feuilles de papier au lieu d'une. Je termine celle-ci par un insolent acros- tiche à notre miss Henriette qui voulait, je crois, du bon- bon, et à laquelle, je n'ai donné que du chicotin. Il ne faut pas gâter l'estomac et les dents des belles demoiselles.

IMPROVISA.

Holà I monsieur Tabbé, des vers pour Henriette S Elle vous le commande et ne plaisante pas. Ne dites point nenni; la petite coquette Rirait de vos refus et de votre embarras. Il faut, pensez-y bien, la flatter pour lui plaire ; Elle est bien de son sexe... enfin, soyez galant, Tapez fort sur l'éloge, hélas ! c'est sa chimère, Tout auteur qui la vante est pour elle un Voltaire, Et du moins à ses yeux parattrez-vous brillant.

La chute en est jolie, amoureuse, admirable.

Que dites-vous de la boutade? Thomas, qnîd dicis?

1. M« de Saint-Maur, poète, grand ami de Barbey d'Aurevilly.


3S6 LE LIVRE MODERNE.

Voici encore une lettre qui ne contient qu^une chanson ; Tabbé s*y montre assez gaillard. — Il s^agit évidemment de critiques de son frère, écrites avec emportement dans le genre de Veuillot et que d'Aurevilly aurait signées : Un inconnu.

A VR IRGOIfRU.

(Chamon comique,)

Exécuteur des hautes œuvres De la justice du bon Dieu, Bien armé d*un fouet de couleuvre, A la triple langue de feu ; Toi qui fesses La BédoUière, Et, certes! le fesses à nu Sur son retentissant derrière. Cher Inconnu, tu m'es connu.

Je connai» le trait satirique De l'émule du vieux Boileau, Et comment ta verve caustique Emporte dûment le morceau. Devant l'empreinte meurtrière De ton pied sur l'endroit charnu Vulgairement nommé derrière. Cher Inconnu, tu m'es connu.

Je te connais à ta science,

Et plus encor, je le prétends,

A ce mig'estueux silence

Que tu gardes avec les gens.

Autre Jean le Silentiaire,

En lettres si fort retenu,

Je n'ai de toi — que ton derrière.

Cher Inconnu, tu m'es connu.

Depuis si longtemps que j'acclame Au plus brillant des beaux esprits, J'ai soif de tes lettres de flamme, ^ De tes mirobolants écrits.

Avec les miens je crois te plaire. Vois combien je suis ingénu 1 Mais tu me tournes le derrière. Cher Inconnu, tu m'es connu.


LES DEUX D'AUREVILLY. 8Î7

Malgré ton silence inflexible, La seule réponse à mes vœux, Crois, pacha, que Je suis sensible A tes succès miraculeux. Je baise & tes pieds la poussière, Mais je voudrais bien avoir vu Autre chose que ton derrière, Cher Inconnu, tu m*es connu. .

O toi que je nomme mon maître !

Mais trop sévère sur ma foi,

Cher Inconnu, fais-toi connaître.

Par moins de réserve avec moi; .« 

D'un sourire plein de lumière

Bénis-moi, le temps est venu

De retourner ton gros derrière.

Cher Inconnu, tu m'es connu.

Lb PàRB n'A. (Variante) Inconnu, qai m'est trop connu.

On voit que l'abbé Léon avait la muse alerte à Toc- casion ; lorsqu'on lit Rosa mystica et les poésies insérées dans le Livre des Hirondelles^ on demeure étonné de la prodigieuse variété apportée dans toutes les notes poé- tiques par le frère de Pacha Jules. Ce saint homme qui confessait dans une église sans toit, à Saint-Sauveur-le Vicomte, et qui donnait l'absolution par les gros temps d'orage avec les intempéries du ciel ruisselantes dans son dos, ce prêtre modèle n'affectait ni mesquines pudibonde- ries, ni de doctorales allures; toutes ses lettres à son frère sont empreintes d'une humeur franche, parfois bouffonne, souvent d'esprit ambigu ; la dernière que nous puissions citer en est une nouvelle preuve. Elle a trait à la véritable difficulté qu'éprouvait notre grand ami disparu pour écrire de longues lettres; tout épistolier qu'il fût dans les moelles, il sentait la paresse ramper en lui comme ime couleuvre lorsqu'il s'agissait de composer une épître à la Sévigné, sur les mêmes événements de sa vie et le récit de ses actes journaliers. S'il s'agissait de dissertation


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328 LE LIVRE MODERNE.

purement littéraire, sa plume était plus prompte à partir au galop sur le papier à lettre, mais le renseignement n^étaitpas son fait; aussi les stances suivantes adressées par Tabbé Léon à son frère le Parisien sont-elles provo- quées par Tune de ces longues périodes de silence dont il était parfois coutumier.

Pourquoi gardes-tu le silence ? Et pourquoi ta plume au long bec • Montre-t-elle, avec impudence,

Son tuyau pointu, toujours sec? J'ai beau regarder, rien ne bouge, En vain je guette, en vain je veux Un petit bout de lettre rouge. — Écris donc, 6 grand paresseux 1

Et moi, j'écris d'une main leste

Gomme un sémillant Figaro.

Je griffonne, joyeux et preste.

En valsant près de mon bureau.

J'évoque d'antiques figures.

Fronts dénudés et nez morveux !!

Au marchand de caricatures,

Ecris donc, 6 grand paresseux! '

Je fais de la haute morale A propos de ces faux chignons Que toute belle aux yeux étale, Patapoufs assez peu mignons I En fait de lettres es-tu chiche ? Et veux-tu donc, pacha fameux, Succéder & l'homme postiche ? Écris donc, ô grand paresseux!

Que m'ont servi mes chants grotesques, Ma gatté de faridondon, Mes tours de jambes assez burlesques Pour en orner un rigodon? En vain ma trjès grave soutane A pris des airs très hasardeux. Gomme un homme d'esprit fait l'âne. Écris donc, ô grand paresseux I

Allons I mes vers, allons! ma prose, •Pincez le nez au grand pacha.


LES DEUX D'AUREVILLY. M9

Qu'il en devienne... humide et rose... Ne le marchandez pas, oui-da I Que son beau nez soit responsable De ce silence malheureux, Qui me rend, moi, si misérable. Écris donc, 6 grand paresseux î

Écris de cette main brillante Qui fait feu sur le blanc papier, Qui sait voltiger pétillante.., Écris, puisque c'est ton métier ! N*écris pas seulement pour plaire. A des gens souvent dédaigneux, Mais écris pour charmer ton frère. Écris donc, ô grand paresseux I

Ou bien dans mon cruel martyre, J'écris demain & tout Paris Que tu refuses de m'écrire, A moi qui cependant t'écris. A l'Europe entière j'adresse Un faclum en style fougueux! Pour lui dénoncer ta paresse. Écris donc, ô grand paresseux!

Lb p&rb d'A.

L'abbé Léon d'Aurevilly mourut à Thospice de Saint- Sauveur-le- Vicomte le 14 novembre 1875, précédant son aine de treize ans dans la tombe.


L'abbé Léon mériterait les honneurs d'une biographie complète. Nous n'avons pu trouver de lui d'autre por- trait que le médaillon accolé à celui de Trébutien dans le Livre des Hirondelles et qui est bien insuffisant. — Mais il nous a été agréable de publie!r uii portrait à l'eau-forte qui nous représente l'auteur de Ce qui ne tnetirt pas dans, une bien familière et curieuse attitude.


I. 27


A ANVERS


ot"8 recevons d'Anvers avis d'une grandiose Conférence du Livre dont nous allons résumer les termes.

Au mois d'août 1890, Anvers cé- lébrera la mémoire trois fois sécu- laire de Christophe Plantin, l'un des représentants les plus illustres de la typographie, le fondateur du mo- nument le plus remarquable qui ait été élevé à la mémoire de cet art, la grande « OfGcine Plantinienne », aujourd'hui le musée Plantin-Moretus.

A cette époque aura lieu, dans la même ville, l'inau- guration solennelle des nouveaux musées des beaux-arts et des antiquités.

Cette coïncidence a fait naître la pensée de réunir, à Anvers, la u Conférence du Livre », depuis longtemps proposée, mais toujours remise.

L'occasion a paru favorable pour débattre et pour


CONFÉRENCE DU LIVRE A ANVERS. 331

essayer de résoudre quelques questions se rattachant au progrès ou aux lacunes que Ton a constatées dans cette branche principale de Tactivité humaine.

Il a donc paru du plus haut intérêt d'étudier lé « Livre » dans sa condition matérielle, et de rechercher tous les perfectionnements dont il a besoin pour accomplir, promptement et sûrement, sa mission civilisatrice.

Le Livre, nous n'avons pas besoin de vous l'apprendre, est le plus puissant des moteurs du progrès, puisque c'est par lui que se recueillent, se conservent et se répan- dent les conceptions du génie et les conquêtes de la science. Il est donc du plus haut intérêt que, dans sa condition matérielle, il réunisse tous les perfectionne- ments dont il est susceptible et jouisse de toutes les faci- lités dont il a besoin pour accomplir, promptement et sûrement^ sa mission civilisatrice.

Sans doute, le Livre a secoué beaucoup d'entraves et réalisé d'importantes améliorations ; mais on peut signa- ler encore de nombreux desiderata relatifs à sa confec- tion, à son transport, à son échange.

Dans cette pensée, on a formé le projet de réunir pendant quelques jours, à Anvers, sous le patronage du gouvernement et de la Ville, les hommes de bonne volonté, persuadés qu'il y a encore des progrès à réa- liser, des droits à conquérir, des services à rendre, et que notre époque a le devoir de se préoccuper du « Livre » autant que des autres moyens de relation entre les hommes.

La Conférence se composera de toutes les personnes qui auront répondu à cet appel.

Des invitations ont été lancées dans les deux mondes, aux principaux bibliophiles et bibliothécaires, aux édi- teurs, imprimeurs, libraires, aux écrivains et légistes


3S2 LE LIVRE MODERNE.

s^étant occupés de questions concernant le Livre, aux artistes de Tillustration, etc.

Toute personne s'intéressant au Livre, qui désirerait faire partie de la Conférence, est priée d^adresser une de- mande par. écrit à M. Max Rooses, conservateur du mu- sée PUmtiri'Moretu»^ à Anvers. L^admission à la Confé- rence est purement gratuite ; seulement les membres qui désireraient avoir un exemplaire du compte rendu des travaux sont priés d^ souscrire moyennant 10 francs, en envoyant leur adhésion.

La Conférence se partagera en trois grandes sections dont voici le programme sommaire et provisoire :

Première section. — Questions relatives à Tobjectivité du Livre; sa nature, sa composition, sa conservation, etc.

Adoption d'un système général de détermination des formats.

Classement international des caractères d'imprimerie.

Règles d'uniformité à proposer en ce qui concerne la tomaison, la pagination, les titres courants, les tables de matières, etc.

Questions relatives aux procédés d'illustration, au meilleur établissement du Livre dans les divers ordres subjectifs : livres consacrés aux sciences, aux lettres, aux arts, à la liturgie, etc.

Reliure : moyens à proposer pour le développement de cet art ; reliure des ouvrages destinés ,aux bibliothè- ques publiques, entente internationale concernant la reliure des ouvrages échangés entre les gouverne- ments, etc.

Deuxième section. — Questions relatives à l'expédi- tion du Livre et à la Librairie.


CONFÉRENCE DU LIVRE A ANVERS. 838

Examen des règles suivies dans les relations des libraires et des éditeurs avec les auteurs, concernant les tirages, les remises, les droits d'auteur, etc.

Tromime section» — Usage public et échange inter- national officiel du Livre.

Organisation des bibliothèques publiques.

Création de bibliographies nationales.

Étude d'un système uniforme de catalogues pour les grandes bibliothèques.

Communication des livres imprimés et des manuscrits d'une bibliothèque publique : projet d'entente interna- tionale.

Échange officiel du Livre : extension à donner aux traités conclus entre divers pays.

Formule de garantie mutuelle, légale, entre gouver- nements, de tous les objets faisant partie du domaine public spécial des musées et des bibliothèques.

Ce programme est intéressant et fait honneur à l'es- prit des initiateurs. La France pourrait à bon droit se montrer jalouse de la grande conférence que nos petits voisins vont former avec d'aussi nobles idées et des vues aussi larges.

Le comité d'organisation de la Conférence du Livre compte déjà les noms les plus estimés des Flandres. Une exposition du Livre sera organisée à Anvers au Palais dç l'Industrie et servira de corollaire à la Con- férence.

Nous reparlerons en temps voulu de cette intéres- sante entreprise.


NOUVELLE FLOEE IITTÉEAIEE


IHPRESStQHS DE PRINTEMPS

VarUiioru lur det Pipeaux BibUographiqaes

Born in yoa blaxe of orieni ifty, Sweet Mayl Ihy form nnfold, Vnctoit Ihy lilae voluptoa* eg» And WMtot Ihy thadoiny loeki ofgotd.


ACBBz bien, je le gagerais volon- tiers, que le bon Aubrey de Vore, alors qu'il écrivait ce joli quatrain, était sousle cbarme inspirateur d'une riante nature et d'un ciel moioB capricieux que celui dont nous gra- tifie encore la Rousse Lune. — O Mai, douxMaî, tant vanté des amanta et des poètes, où sont les tiède» zé- phyrs et tes radieuses clartés d'au- tan? Pourquoi se mbles-tu aujour- d'hui te plaire â nous accabler de froidures piquantes et de giboulées, Hicheux héritages de tes devanciers mars et avril? Ce ne peut être k coup sAr, — effort démesuré pour un résultat si mince, afin de réduire à néant le dessein formé par ie très ingénieux bibliographe du


LA NOUVELLE FLORE LITTÉRAIRE. 335

Livre Moderne.-^Je me proposais, en effet, en cette époque du renouveau, de passer la revue des livres du mois, au milieu des séductions de la prime saison; je voulais, m*inspirant du vieux Songe du Verger, vous promener à travers lés discrets ombrages et les brillants parterres du pays littéraire. Mais, puisque les fantaisies d*un ciel douteux nous retiennent au logis, faisons appel à notre imagination, remplaçons les bos- quets par les murailles décoratives du cabinet, les verdoyantes pelouses par le tapis vert du bureau de travail, et les plates- bandes de fleurs par la polychromie des couvertures de cet énorme bouquet de livres nouveaux, d'où s'exhale, à défaut des parfums de Flore, la pénétrante et fraîche odeur de Tencre d'imprimerie.

Ceux de mes lecteurs qui se déclarent prêts à me suivre, et qui se sont bien empreints de la fiction adoptée, peuvent avancer à l'ordre; nous partirons ensemble sans plus tarder et visiterons en premier lieu ce boulingrin touffu, où doivent croUre aussi quelques ronces, refuge préféré des penseurs qui se consacrent à ces questions ; nous pourrions nommer ce passage le Maquis des esprits solitaires ou encore questions de :

RELIGION. PHILOSOPHIE. — POLITIQUE.

Nous y rencontrons d'abord M. Alaux qui, dans le Pro- blème religieux au xix« siècle (Félix Alcan), aborde un des plus graves sujets dont se puissent occuper les cerveaux sérieux, celui de notre avenir religieux. A l'heure actuelle, dit en sub- stance le âavant professeur de philosophie à l'École des lettres d'Alger, le problème religieux ne comporte que l'une ou l'autre des quatre solutions suivantes : — disparition de la foi devant la science ; — apparition d'une foi nouvelle ; — conser- vation delà foi ancienne et traditionnelle (chez nous, le catho- licisme) ; — évolution de la foi catholique transformée. Pour diverses raisons, remarquablement exposées et développées par M. J.-E. Alaux, les trois premières solutions, toutes né- gatives ou chimériques, paraissent devoir être écartées ; c'est


336 LE LIVRE MODERNE.

donc la dernière qui semble devoir être la véritable, c'est-à- dire, non le remplacement, mais la transformation de la foi traditionnelle par la philosophie.

Dans la Vertu morale et sociale du christianisme (Penîn et G*), M. le comte Guy de Brëmond d'Ars ne poursuit pas un but moins élevé que le précédent auteur, mais ses voies sont différentes ; tandis que M. Alaux préconise et prévoit une évolution de la foi vers la philosophie, M. de Brémond d'Ars se propose de rejoindre la première par la seconde; il démontre, en outre, et de la façon la plus attachante, Fexcel- lence, pour la conquête et Taccomplissement du «bien social », de cette religion chrétienne dont Tidée de charité est la plus haute et la plus puissante expression.

Nous voyons s'avancer maintenant [Quantum mutatas!) M. Hyacinthe Loyson, qui, sous le titre de Ni cléricaux, m athées (Marpon)^ vient de réunir les discours et lettres qu'il a, depuis vingt ans, prononcés et écrites au sujet de la troi- sième république, « recueil, nous dit Fauteur, où la politique a été touchée dans son rapport avec la religion, ou, pour par- ler plus net, avec l'irréligion )r. Les belles idées exprimées en beau langage ne manquent pas, on s'en doute, dans ce livre rempli de bonnes intentions ; mais quelle différence, au point de vue de la solidité du raisonnement et de la fixité de la pensée, entre ces oscillantes prédications d'apparat et les fortes conférences de l'ex-orateur de Notre-Dame I

Le Clergé sur la brèche (Savine), ce titre l'indique du reste, appartient au genre polémique ; l'auteur, M. Justin des Bruyères, y vient, en effet, traiter des devoirs politiques du clergé dans la défense du christianisme.

« Êtes-vous théosophe, mon cher monsieur? — Non. — Aspirez- vous à le devenir? — Pas davantage. — Avez-vous, du moins, curiosité de connaître les mystères de cette religion nouvelle et de ses annexes, l'ésotérisme et l'occultisme, dont les élucubrations alimentent toute une librairie de la rue Saint- André-des-Arts? — Tout de même. — Ohl bien, alors, n hé- sitez pas à vous plonger dans la lecture du livre de M. Jules


LA NOUVELLE FLORE LITTÉRAIRE. 337

Lermina, Magie pralique^ Révélation des mystères de la vie et de la mort (E. Kœb). Vous y trouverez, décrits avec autant de clarté que le comporte le sujet, les rites et les dogmes du nouveau culte, dont M. Jules Lermina^ cet aimable et spiri- tuel lettré, se donne comme un fervent adapte ; vous appren- drez à connaître ce que signifient ces expressions : monde physique, monde spirituel, monde astral, — ce que sont les élémentaires et les élémentaux, le Kama-Loka, le Dévakan, le Karma et quantité d'autres belles choses ; vous vous édifie- rez à la lecture de merveilleux récits de stupéfiants phéno- mènes, près desquels les miracles bibliques ne sont que de simples badinages ; enfin si, pris d'un tardif désir d'initiation, vous voulez vous convertir à la foi nouvelle, vous aurez sous la main un véritable catéchisme de l'aspirant théosophe ; mais je dois vous prévenir que la chose n'est pas précisément com- mode et je me déclare, pour ma part, tout à fait incapable des rares vertus requises chez le plus humble des néophytes.

M. Emile de Laveleye nous ramène à des études plus po- sitives en nous offrant une cinquième édition de son beau livre, le Socialisme contemporain (Félix Alcan). Dans cet ouvrage écrit de main de maître et qui reparaît à point au lendemain de la fameuse conférence de Berlin, Téminent cor- respondant de rinstitut de France démontre que le mouve- ment socialiste sort des sources mêmes de notre civilisation et qu'il est la conséquence inévitable de l'organisation actuelle du travail et du progprès de la démocratie.

Dans le même ordre d'idées, c'est également un livre inté- ressant que l'ouvrage posthume de M. J.-B. André Godin, le fondateiu* du Familistère de Guise, la République du tra~ vail et la Réforme parlementaire (Guillaumin), œuvre pleine d'utiles aperçus sur l'organisation et l'émancipation du travail, mais trop considérable pour être analysée en quelques lignes. — Aussi bien est-il temps de sortir de notre boulingrin pour nous promener dans le majestueux quinconce à la Le Nôtre où nous allons pouvoir examiner les productions classées sous la rubrique :

I. 3S


338 LE LIVRE MODERNE.


HISTOIRE. — VOYAG ES


C'est M. Tabbë H. Duclos, curé de Saint-Eugène, qui vient nous recevoir en nous présentant sa nouvelle édition, considérablement augmentée, de Mademoiselle de La Vallière et Marie-Thérèse d'Autriche, femme' de Louis X/V^(Perrin, 2 vol.). 11 n'est pas besoin de dire avec quel tact et quelle réserve Térudit auteur a traité les parties délicates de son sujet ; il suffit de rappeler, d'après lui-même, les motifs qui Font amené à entreprendre une telle étude. Il s^est d'abord proposé de fixer d*une manière définitive la figure historique de M"^ de La Vallière, si souvent dénaturée par certains historiens, en la plaçant, à l'aide de tous les documents, dans son jour véritable et complet. Puis il a voulu réhabiliter, si l'on peut ainsi dire, Marie-Thérèse d'Autriche, l'épouse mé- connue du grand roi, la « bonne reine », comme on l'appelait, en la révélant sous un nouvel aspect, et en tirant d'un indif- férent oubli ce nom et cette mémoire dignes à coup sûr d'une meilleure fortune. Il lui a semblé, enfin, que de l'ensemble des faits rapportés en cette double monographie devaient se dégager d'utiles leçons de vie et de morale ; et c^est dans ce but plus général, le relèvement du respect dû à la dignité du mariage, qu^il s'est attaché à venger la femme de foyer, la femme de devoir, la femme légitime, en ne souffrant pas qu'en histoire la maîtresse continue à occuper le premier plan«du tableau. — Tel est l'esprit dans lequel a été conçu cet excel- lent livre que l'abondance et la sûreté des informations, la variété des personnages et des événements, ainsi que la nou- veauté de certains aperçus rendent aussi attrayant qu'utile pour la connaissance du grand siècle.

La lecture de Princesses et grandes dames (Hachette), par Arvède Barine, n'offre pas moins d'intérêt et de charme. On sait quelle femme d'esprit, maniant une plume alerte et délicate, se dissimule sous ce pseudonyme; on devine dès lors que ce nouveau livre ne le cède en rien au précédent volume


LA NOUVELLE FLORE LITTÉRAIRE. 339

du même auteur, Portraits de femmes. Certes, il ne fallait rien moins que la finesse féminine pour scruter avec tant de précision et rendre avec tant de grâce des cœurs de femmes telles que celles qui nous sont présentées ici. Et ce n*était point une tâche aisée que d'apporter par surcroît Tattrait de la nouveauté en des sujets tant de fois traités que, par exem- ple, cette Marie Mancini, cette Christine de Suède et cette duchesse du Maine, dont l'élégant écrivain a retracé si vive- ment les existences aventureuses, les allures parfois singuliè- rement... excentriques, et fait en même temps ressortir à merveille les séduisants aspects. Deux études non moins cu- rieuses complètent les trois essais deM™"Arvède Barine; l'une fait revivre l'histoire douloureuse delà margrave de Bayreuth, sœur du grand Frédéric; — l'autre uqus initie aux mystères d'un harem d'un sultan de Zanzibar, en analysant les mémoires d'une pauvre princesse arabe, finalement échouée, après de romanesques aventures, dans le piètre ménage d'un digne bourgeois allemand.

Près de ces princesses authentiques, se glisse, conduite par M. Edmond de Concourt, une Reine de théâtre qui, elle aussi, a déjà fait couler pas mal d'encre. Après Sophie Arnould et M^^ Saint'Huberty le magicien explorateur du xviii® siècle nous présente Mademoiselle Clairon, d'après ses correspond dances et les rapports de police du temps (Charpentier). Dans cette œuvre admirablement documentée, et assaisonnée de toutes les herbes et épices delà Saint-Jean, nous avons un tableau complet de la longue carrière (1723-1803) de Claire- Josèphe Lerys, dite Clairon, dite aussi Frétillon. Ce livre laisse souvent à désirer, comme on s* en doute, au point de vue de V^dification ; il n'est pas moins certain qu'il est d'un ragoût délicat pour l'histoire du théâtre et du beau monde, au siècle galant. Il est aussi fertile en surprises, et nous recommande- rons spécialement aux lecteurs les chapitres qui ont trait au rôle, très peu connu jusqu'à ce jour, joué par la Clairon à la petite cour du gros margrave d'Anspach, ainsi que ceux qui nous retracent les dernières et misérables années de « l'incom-


340 LE LIVRE MODERNE.

parable Frétillon ». — Notre regret est de ne pouvoir consa- crer dix pages à ce livre délicieux.

Comme toujours^Pépoque révolutionnaire nous fournit son contingent d'études nouvelles : c'est d'abord M. Aulard qui poursuit son magistral travail de classement et d'annotations, en publiant le Recueil des aciers du Comité de Salut public avec la correspondance officielle des représentants en mis- sion (Hachette); son tome deuxième, qui vient de paraître, embrasse la période comprise entre le 22 janvier et le 31 mars 1793, dates qui suffisent pour faire présumer Timpor- . tance et l'intérêt des documents qu'il renferme.

C'est ensuite M. P. Charpenne, l'auteur de la belle « His- toire des réunions temporaires d'Avignon etduComtat^Venais- sin à la France », qui vient de mettre au jour un bien curieux livret : Voyage à Paris, en 1789^ de Martin, faiseur de bas d'Avignon (Thorin). Après avoir expliqué dans quelles cir- constances il découvrit le manuscrit de son compatriote, M. Charpenne résume, à peu près comme suit, le journal de Martin, un simple artisan, relativement assez lettré, que ses affaires amenèrent à Paris au début de là Révolution. Parti de chez lui, le 19 avril, la poche lestée d'un millier de livres. Mari in, en garçon rangé, prit soin de noter jour par jour toutes ses dépenses, et résuma à sa manière les événements auxquels il assista. Témoin de la prise de la Bastille, il nous a révélé quelques particularités ignorées; celle-ci par exemple, que le commandant des canonniers de la Bastille était d'Avi- gnon et s'appelait Miret, qu'il eut la tête tranchée et qu on la promena au bout d'une pique, comme celle du gouverneur, M. de Launay. Martin profita de son séjour à Paris pour jouir, au plus juste prix (il ne dépensa en tout que 585 livres 5 sols), des plaisirs et distractions qu'offrait alors aux étran- gers la capitale du royaume. Nous le voyons s'abonner aux bals du Ranelagh, hanter les Italiens et l'Ambigu, assister, à Versailles, aux séances de l'Assemblée, et même au jeu de la reine, « qui l'a regardé I » affirme-t-il. Martin rentra à Avi- gnon, le 19 septembre, ayant bien employé son temps ; ses


LA NOUVELLE FLORE LITTÉRAIRE. 341

comptes de dépense ne sont pas la partie la moins intéres- sante de son journal, puisqu'ils nous renseignent exactement sur le prix des denrées et choses usuelles à cette époque.

Mentionnons aussi, comme très important au point de vue de la vie des émigrés, le journal, si attachant sous d'autres rapports, d^Anne-Paule'Dominiqae de Noailles, marquise de MontagUy dont la librairie Pion et Nourrit vient de faire paraître une nouvelle et excellente édition; et signalons comme une œuvre de premier ordre, le beau livre. Russes et Slaves (Hachette), de M. Louis Léger, professeur au Collège de France ; c'est un recueil d'essais, déjà parus séparément, où les origines de la nation russe, les débuts de sa littérature, le génie de la race slave et ses aspirations pour l'avenir, et maintes autres questions d'égal intérêt sont traités de la ma- nière la plus instructive et la plus attachante.

M. Ernest Hamel fait paraître le second et dernier volume de son Histoire du règne de Louis-Philippe faisant suite à Vhistoire de la Restauration (Furne et Jouvet) ; ce tome, qui termine l'histoire de la monarchie parlementaire en France, retrace les graves événements qui 9e sont succédé pendant une période de dix années, depuis l'ouverture de la session parlementaire de 1838 jusqu'aux journées de février 1848; si M. Hamel se montre parfois sévère dans ses appréciations sur les hommes et les choses, on ne saurait toutefois lui refuser ces. rares qufilités : une sincérité entière et un constant souci d'impartialité.

Ne sortons pas du quinconce sans jeter au moins un coup d'œil sur quelques productions qui, à des degrés divers, ne sont pas dépourvues non plus d'intérêt ou de mérite : /n- troduction à mes Mémoires, suite de Ma jeunesse (Sau- valtre), nouvelle compilation de souvenirs par l'infatigable M. Alexandre Weill, qui malmène assez vivement la fameuse « génération de 1830» ; — Du Caucase aux monts Alaï (Pion et Nourrit), journal instructif d'une excursion rapide, de Paris aux frontières de la Chine, par Bakou et Samarcande, par M. Jules Leclercq, président de la Société belge de géogra-


342 LE LIVRE MODERNE.

phie; — Autour des Balkans (Challamel), récit d'explora- tions sur la rive orientale de l'Adriatique, de Corfou à Trieste, par M. Victor Cambon, qui s'attache à réveiller notre sym- pathie pour ces populations parmi lesquelles le nom français a gardé, depuis uh siècle, un réel prestige ; — Notes de voyage d'un hussard; un « raid » en Asie (Calmann Lévy), par M. Jean de Pontevcs de Sabran, l'auteur bien connu de VInde k fond de train, qui nous conte avec sa verve habi- tuelle les curieux incidents d'une course de trois mois à tra- vers la Turquie et surtout la Perse; — enfin, deux superbes plaquettes in-4**, imprimées pour l'auteur, à très peu d'exem- plaires et avec un luxe du meilleur aloi ; les titres suffisent à en indiquer la nature et l'objet, en même temps que le nom de leur auteur en fera pressentir les mérites ; ce sont : le Pre- mier établissement des Néerlandais à Maurice, et le Glacier de VAletsch et le lac de Marjelen (avec gravures), par le prince Roland Bonaparte, à qui l'on doit déjà une vingtaine de très précieuses monographies du même genre.

Et maintenant, rendons-nous d'un pied léger vers l'agréable enclos réservé à ces études d'un autre genre :

HISTOIRE LITTERAIRE. BIBLIOGRAPHIE.

Ce petit coin est vraiment fort bien habité. Voici d'abord un professeur à la Faculté de Lille, M. A. Pinloche, qui nous offre un livre considérable : la Réforme de Véducation en Allemagne au- xviii* siècle, — Basedow et le Philanthropi- nisme (Armand Colin), dont l'auteur a pris soin de préciser lui-même l'objet. « Ott sait, dit M. Pinloche, que la publica- tion de V Emile de Rousseau, qui n'eut guère en France qu'une importance littéraire et un succès de mode, fut suivie en Alle- magne de cette profonde réforme des écoles à laquelle la Prusse d'abord, et aujourd'hui tous les États germaniques doivent leur système d'enseignement. Cette coïncidence a donné lieu à une opinion erronée, encore très répandue, 1

d'après laquelle les réformateurs n'auraient fait qu'appliquer


LA NOUVELLE FLORE LITTÉRAIRE. 343

les idées de Rousseau. » C*est pour combattre cette erreur que le savant professeur a jugé bon d'étudier en lui-même ce grand mouvement, connu dans l'histoire de la pédagogie alle- mande sous le nom de philanthropînismey et de rechercher ses origines. Ce livre, plein de faits importants et le plus utile que Ton puisse lire sur la question, aboutit à cette conclu- sion : a Basedow, ses émules et ses continuateurs n'ont rien dû à Rousseau, du moins en ce qui concerne le principe le plus essentiel de leur système, celui de Védacation nationale; c'est à notre compatriote La Chalotais qu'ils ont emprunté cette idée maîtresse de la réorganisation scolaire qui devait être si profitable à l'Allemagne. )>

M. Ferdinand Brunetière, dont on sait de reste le talent et la compétence en matière de jugements littéraires, réunit sous ce titre : Nouvelles Questions de critique (Calmann Lévy), douze de ses excellents articles ayant trait soit à des ouvrages, soit à des questions littéraires. «La fureur de Y inédit », — « les Editions originales », — « l'Eloquence judiciaire », — « Buf- fon », — « les Symbolistes et les Décadents », — « le Mou- vement littéraire au xiz® siècle», etc., tels sont les princi- paux sujets traités par le maître écrivain et maître critique, si judicieux et si parfait qu'on ne trouve pas la moindre fai- blesse à lui reprocher, pas même celle d'une bienveillance excessive pour les auteurs soumis à son examen.

On ne prendra pas moins de plaisir à relire le recueil que fait paraître M. Alexandre Duoias fils, Nouveaux entr*actes (même librairie), renfermant des discours et morceaux déjà parus en divers périodiques. Il suffit de signaler les titres de quelques-uns de ces essais : « les Femmes qui tuent et les femmes qui votent », — « la Critique théâtrale », — « la Recherche de la paternité », etc., — pour faire présumer quel intérêt présentent de telles questions étudiées par un maître aussi éminent.

Voici maintenant un livre posthume d'un écrivain qui n'a pas eu le temps de donner toute sa mesure, mais dont la bril- lante collaboration au Journal des Débats permettait de près-


344 LE LIVRE MODERNE.

sentir le bel avenir littéraire; je veux parler du regretté M. Emile Hennequin, mort prématurément, il y a bientôt deux années. C'est spécialement son œuvre critique que des mains amies ont recueillie dans ce dernier livre : Quelques écrivains français (Perrin), suite et complément nécessaire des Écrivains francisés , œuvre si appréciée des lettrés déli- cats. Zola, Victor Hugo, Flaubert, de Concourt (je cite au hasard), tels sont les auteurs étudiés en ces derniers essais, nop moins remarquables par un rare souci de la forme que par rindépendance et la sincérité des jugements.

Près de ces oeuvres excellentes, on ne do^t pas hésiter à placer le livre de M*. Charles Le Goffic, les Romanciers cf'ao- jounPhui (Léon Vanier), intéressant essai de classification des productions innombrables de la littérature d^magination. On trouve de tout ici, des rustiques et des mondains, des psy- chologues et des naturalistes, des impressionnistes même et jusqu'à des symbolistes. En étudiant les œuvres maîtresses des multiples écrivains qu'il essaye d'immatriculer, M. Le Gof- fic fait très bien ressortir cette vérité que les formules du roman contemporain ne sont point, au fond, si variées qu'on pourrait croire ; on peut en réalité les ramener toutes à ces deux prototypes : le réalisme et l'idéalisme.

M. Pierre de Corvîn (alias Pierre Nevsky), le collabora- teur de M. A. Dumas pour la pièce célèbre des Danicheff, vient défricher un coin assez peu exploré encore, chez nous du moins, de l'histoire littéraire. Il nous offre le premier tome d'une étude qui promet, à en juger par le début, d'être aussi instructive qu'attrayante ; c'est le Théâtre en Russie, depuis ses origines jusqu'à nos jours (Savine) ; cette précieuse étude se divise en six périodes, dont les cinq premières (Origines, — Règnes de Pierre le Grand et de Catherine II, etc.) forment la matière de ce volume initial.

Le printemps est vraiment une époque de fécondité litté- raire exceptionnelle ; il ne stimule pas seulement la floraison poétique et romancière, il fait remonter sa sève productrice jusque dans les rameaux arides de l'arbre rugueux de la biblio-


LA NOUVELLE FLORE LITTÉRAIRE. 345

graphie [Quercus nota li fera Querardi, bien connu des bota- nistes du quai Voltaire). Voici les trois derniers bourgeons poussés sur ce végétal admirable : d*abord le neuvième fasci- cule (Boi-Bon), du merveilleux Répertoire général de Bio^ bibliographie bretonne y de M. René Kerviler (à Rennes, chez Plihon et Hervé) ; — puis deux nouveaux essais d'un fécond et très érudit bibliographe italien, M. Carlo Castellani, direc- teur de la bibliothèque Saint-Marc à Venise : dans Tun, la Stampa in Venezia (Ongania, éditeur à Venise), le savant auteur retrace, avec une remarquable abondance de curieux documents, l'histoire de l'imprimerie dans la ville des doges, depuis les origines jusqu'à la mort d'Aide Manuce l'ancien ; — dans l'autre, l'Origine Tedesca et l'origine Olandese delV invenzione délia Stampa (même librairie), il examine de nou- veau la question tant de fois controversée de l'origine de l'art typographique. S'appuyant sur de nouveaux témoignages et sur des documents inédits, M. Carlo Castellini formule son opinion personnelle sur la question ; Ta-t-il vraiment résolue d'une façon définitive ? Adhuc sub judice lis est.

Pour reposer un peu nos regards sur de plus riants objets, arrêtons-nous un moment près de cette corbeille de fleurs où s'épanouissent les orchidées rares qui sont dénommées les :

PUBLICATIONS DE LUXE.

Admirons d'abord cette production charmante : les Oatils de l'Écrivain (H. Laurens), délicieux volume sur japon, dont l'auteur, M. Spire Blondel, n'est point un inconnu pour les lecteurs de l'ancien Livre; c'est, en effet, dans ce monumental recueil qu'il a publié les divers essais que nous retrouvons ici. On sait, dès lors, l'intérêt et l'agrément de ces chapitres in- structifs, ou nous sont révélées, avec l'érudition la plus agréable, une foule de part iculafri tés curieuses sur les origines, les transformations et les perfectionnements du papier, de l'encre, de la plume, de l'écritoire, du crayon, du cachet, de la cire, etc., sans parler des amusantes anecdotes et des mul-

I. 29


316 LE LIVRE MODERNE.

tiples citations de jolis vers dont est constellé cet élégant vo- lume.

Approchons-nous ensuite de ces deux suites d*eaux-fortes destinées à illustrer la Chronique de Charles IX, de Prosper Mérimée (compositions d'Edouard Toudouze, gravées par Abot) J j et les Chouans (composition de Julien Le Blant, gravées par Boilvin), que la maison Testard, à qui Ton doit de si aimables publications, fait paraître pour compléter son édition somp- tueuse de ces deux ouvrages. Ces deux séries de planches, où la grâce et l'originalité de Tinvention égalent la finesse et la perfection de Texécution, sont accompagnées de préfaces, Tune due à la plume érudite de M. Francisque Sarcey, l'autre écrite par ce maître qui se nomme M. Jules Simon. Rien n'a été omis, on le voit, par la maison Tes tard, pour rendre aussi • désirables que possible ces magnifiques albums qui n'ont, à mon avis, qu'un défaut, celui de venir un peu tardivement. Je me demande quelle figure feront les bibliophiles qui déjà ont fait relier, avec le luxe dont ils sont dignes, leurs exemplaires des Chouans et de la Chronique, en voyant arriver ces tar- dillons qui font, dans la circonstance, involontairement songer au vieux proverbe culinaire : Mustarda post prandium. Peu importe ; en somme, ils en seront quittes pour faire relier à part ces superbes estampes, régal exquis pour les yeux de tout amateur véritable.

Passons vite près du sixième fascicule de la riche étude sur la Porcelaine de Sèvres (Quantin) et du septième tome {les Fâcheux) du Théâtre de Molière par pièces séparées (Jouaust), puisque nous connaissons déjà ces publications faites avec tant de luxe et de goût, — et cueillons diligem- ment, pour en délecter notre odorat et notre regard, les Fleurs à Paris (Quantin), spirituelle bluette de M. Hugues Le Roux, dans lesquelles sont enchâssées, comme des perles, cinq ravissantes vignettes à l'eau-forte.

Il nous faut maintenant aborder la pelouse, où poussent et se cultivent, l'une près de l'autre, les productions d'imagi- nation civilisée ; mais en passant, s'il vous plaît, jetons un


y


LA NOUVELLE FLORE LITTÉRAIRE. 347

■ coup d*œil sur ces espaliers où, un peu péle-méle, fleurissent

des espèces si diverses qu'on peut à bon droit les réunir sous

la rubrique de :

VARiérés.

Il y en a ici pour tous les goûts : à vous, Lutëciens du boulevard, le Paris galant (Genonceaux) de M. Charles Vir- mattre, qui continue, en ce volume pimenté, les confidences qu*il a commencées^ dans son Paris impur ^ sur les hauts et les bas ainsi que sur les rites et les petits mystères de la galan- terie vénale ; à vous, amateurs de piquantes chroniques, le Rire de Caliban (Charpentier), recueil de brillants articles, par M. Emile Bergerat, que M. Alphonse Daudet, dans la préface, a tout simplement sacré grand homme (excusez du peu !) ; consécration prématurée peut-être, puisqu'elle a tant échauffé la bile de M. H. Céard.

Si vous préférez les productions moins superficielles, lisez Tagréable volume de M. Léon Delbos, les Deux Rivales; V An- gleterre et la France (Savine), parallèle impartial et enjoué des qualités et des détauts des deux nations, et dans lequel, nous autres Gaulois, nous ne sommes vraiment pas trop mal jugés.

Un livre intéressant aussi, c*est le fameux ouvrage de Thomas de Quincey, les Confessions d'un mangeur d'opium (Savine), traduit intégralement, pour la première fois, par M. V. Descreux. Vous savez déjà, par les précédentes « adap- tations » françaises de cette étude (celle de Baudelaire notam- ment), le double intérêt qu'elle présente, et comme autobio- graphie de son célèbre auteur, et comme saisissant tableau des plaisirs ou des tortures que peuvent procurer à l'homme Pusage ou l'abus du terrible agent narcotique.

Un maître d'armes qui compte plus de trente années de pratique, M. J.-B. Charles, vient de résumer les fruits de sa longue expérience dans un volume, A/a Méthode (Quantin) qui sera bien accueilli par tous les amis du noble sport de l'escrime. L^auteur, dont on connaît ^incontestable compétence, se pro-


348 LE LIVRE MODERNE.

pose de réagir contre la ferrAÎllerie, si fort en honneur dans les salles d'armes et les cercles ; il expose les principes d'une méthode plus simple et plus rationnelle, dont il fait excellem- ment ressortir les avantages.

Mentionnons, pour mémoire, le Bismarck intime^ recueil anonyme d'anecdotes qui ont couru partout, dont la librairie Westhausser fait paraître une nouvelle édition; puis Francesco Crispi, V homme privé, V homme public (Savine), de M. Féh'x Narjoux, qui s'efforce de nous montrer dans le fameux pre- mier ministre du royaume italien... un ami sincère de la France ! Je ne saurais vous dire si l'auteur a raison ; mais, en ce cas, il faut reconnaître que l'avocat Crispi e^t un homme d'État parfait, car vraiment il sait bien cacher ses sentiments.

Enfin, en dernier lieu, donnons le bonjour à une plaquette de Jean Berleux : la Fin de Murât ^ drame en trois tableaux, d'après Alexandre Dumas (OllendorfT) ; du talent, de l'esprit, du mouvement, tout cela dans une typographie soignée, sur beau papier et tiré à 400 exemplaires.

Traversons lestement cette petite serre où grelottent fri- leusement les quelques plantes délicates qui nous représen- tent la

poésiE.

Un livre considérable a paru, cependant, une œuvre qu'on a pu nommer le troisième Faust. Je veux parler de la Fulura, d'Auguste Vacquerie, dont toute la presse a fanfare les louan- ges très justement et qui nous reporte aux dernières années de Victor Hugo, à cette heure où paraissaient encore des œuvres comme Religions et Religion,

L'œuvre de M. Vacquerie mériterait d'être citée en entier et nous aurions plaisir à égrener ici nombre de beaux vers de Futura; mais notre place est petite, nous ne pouvons que la saluer au passage, et nous n'avons plus, comme à l'ancien Livre, les colonnes enrégimentées à déployer pour le triomphe des lettres et des livres.


LA NOUVELLE FLORE LITTÉRAIRE. 349

Fuiura mérite de prendre place à côté de Tragaldabas dans la bibliothèque des bibliophiles.

Quel calme, quel silence d*autre part, aujourd%ui, dans ce buen-retiro du sonnet et de Talexandrin I A peine distin- gue-t-on les susurrements du bon vieux M. Charles desGuer- rois, qui nous dit des choses excellentes, suivant sa coutume d'ailleurs, dans France toujours! (Lemerre). Près de lui fré- tille M. Viteau Paul, qui voudrait nous glisser à Toreille les saynètes et monologues bizarres qu'il réunit dans Oh/ famille! (Jouaust); il est incommodé, sans doute, par le voi- sinage des Rayons et des Ombres, nouvellement publiées par Hetzel et Quantin, dans leur excellente édition définitive des Œuvres complètes de Victor Hugo, — Plus paisiblement se comportent MM. Georges Gillet et Etienne Rouvray, qui, dans Siny-'les-Buines {Lemerre) et dans les Cendres chaudes (même librairie), nçus offrent une grande variété de pièces vraiment jolies. — > Mais la vraie reine du bouquet poétique qui nous est offert, c'est l'œuvre intitulée Dans ma nuit (Lemerre)^ recueil de poésies charmantes d'inspiration et de forme, par M"« Bertha Galeron de Galonné, une jeune femme, aveugle, hélas ! dont Carmen Sylva, dans une touchante pré- face, a merveilleusement caractérisé le talent délicat et les sentiments élevés.

Nous voici bientôt au terme de notre printanière prome- nade dans la vaste prairie où foisonnent les marguerites de l'imagination ou les

ROMANS ET NOUVELLES.

Que de volumes I que de volumes I en comptons-nous assez, BoneDeus! de ces in-18 qui nous tirent l'œil par l'éclat de leurs couvertures jaunes ou bleues, vertes ou rouges, ou décorées d'alléchants dessins ! Les marchands de papier doi- vent donner de beaux dividendes. — Allons, chers compa- gnons de route, un peu de courage, et débrouillons ensemble ce monceau de fictions, dans lequel nous ne pouvons man- quer de faire d'agréables trouvailles.


350 LE LIVRE MODERNE.

Ne serons-nous pas bien vivement récompensés en mettant la main sur une œuvre telle que Honneur d'artiste (Cal* manti Lévy), par M. Octave Feuillet? Cest, il n*est pas besoin de vous le dire, le clou du mois, et peut-être savez-vous déjà le sujet de cette production admirable, dont voici, en deux mots, la donnée : Le peintre Fabrice a épousé Béatrice, une fille de noble lignage, qui ne Taime point et qui n'a accepté cette union que pour sauver de la ruine son cousin, le mar- quis Pierre» qu'elle adorait secrètement et à la main duquel elle a renoncé sans dire son secret. Un jour vient où Pierre découvre tout, et le sacrifice de sa cousine et son touchant amour : on devine l'inévitable catastrophe qui jette les amants dans les bras l'un de l'autre. L'heure vient aussi où le piauvre Fabrice, doublement trahi par l'ami et par répouse« apprend la vérité. Pour éviter tout scandale, il imagine de jouer sa vie contre celle de son rival, dans un ipatch au pistolet; le perdant devra se tuer dans un délai de trois mois. C'est l'ar- tiste qui perd. Alors un revirement se produit dans le cœur de Béatrice. Pénétrée de son infamie, repentante de son crime, pleine d'admiration pour le chevaleresque Fabrice, elle sent enfin son cœur s'ouvrir à Tamour pour cet homme même qu'elle a si cruellement outragé. Cet amour, elle ose l'avouer ; Fabrice y croit, il en est sûr ; mais, malgré les dou- leurs de Béatrice, malgré les humbles supplications de Pierre, rien ne peut le détourner du strict honneur et, au jour dit, il se tue.

Ce n'est pas non plus une œuvre ordinaire que celle qui commence une nouvelle co.llection pour les jeunes gens et les jeunes filles, que vient d'entreprendre la librairie Charpen- tier. Les habiles éditeurs de la rue de Grenelle ne pouvaient mieux s'adresser, pour inaugurer cette série de productions élevées, attrayantes et irréprochablement honnêtes, qu'à M. Ferdinand Fabre, le romancier éminent que nous espé- rons bien voir passer prochainement des galeries de la biblio- thèque Mazarine sous la coupole de l'Institut. Et sa nouvelle œuvre, F Abbé Roitelet, lui sera un titre de plus pour ce cou-


LA NOUVELLE FLORE LITTÉRAIRE. 351

ronnement de sa belle carrière littéraire. Je suis sûr de n*être point contredit par les lecteurs de ce récit, qui a pour théâtre les Cévennes méridionales, cette Espinouze que Tauteur a tant de fois et si pittoresquement décrites, -* et pour héros un humble curé de village, dont la simple histoire est des plus émouvantes. C'est à tous égards une production exquise.

A un degré moindre, sans doute, mais assez haut encore, ta Fausse rouie (OUendorff), par l'auteur du Péché de Made- leine, mérite l'attention des lettrés. C'est une étude cruelle du mariage, où l'on voit un homme sacrifier, par le divorce, l'adorable compagne de sa vie, pour épouser une astucieuse et redoutable créature dont il est éperdument épris. L'expé- rience ne lui réussit pas, car la seconde femme vengera large- ment la pauvre délaissée en faisant chèrement expier son erreur à l'aveugle héros du livre.

Dans Chaîne brisée (Calmann Lévy), M. Edouard Delpit nous offre une œuvre singulièrement tourmentée et qui pré» sente avec la précédente plus d'une similitude. Mais la diffé- rence consiste en ceci, c'est que le mari, ici, est plus cruel peut-être et qu'il est bien moins châtié, puisqu'il a la chance d'être délivré, tragiquement, de sa seconde femme et n'a plus qu'à venir se repentir près de la première.

Devons-nous parler de Méphistophélès ^ roman contempo* rain par Catulle Mendès? (Dentu). Certainement ce livre est plein de talent, mais nous ne conseillerions pas de l'introduire dans les gynécées! — Le sujet est d'un antiphysique... je ne vous dis que ça... Vous savez, Dona con Dona,,. Un de nos amis résume très justement ce roman par ces mots : c'est le Manuel Roret du Lesbianisme,

U Adultère sentimental (Charpentier), de M. Camille Ou- dinot, n'est pas, comme on s'en doute, une œuvre chaste, et cependant l'auteur, qui nous conte, avec des détails assez vifs parfois, la ilirtation d'un jeune homme et d'une femme romanesque se plaisant en une « union d'âmes », a grand soin de « moraliser » son histoire en nous montrant le bon jeune homme se consolant, par le mariage, de n'avoir pu pousser les


353 LE LIVRE MODERNE.

choses jusqu'au bout, et la femme revenant à son brave mari, tout heureux et tout aise de la recouvrer.

L'adultère, avec ses nombreuses variétés, est, vous le savez de reste, le dada favori des romanciers contemporains ; ne vous étonnez donc pas si nous le retrouvons encore dans Trahie! (E. Kolb), intéressante étude de mœurs et de carac- tères, par M. Maxime Paz; — dans le Roman d'un prince (Dentu), livre à clef, par M. Pierre de Lano, qui semble nous donner là une seconde édition remaniée des Bois en exil; — dans Qui perd gagne (Ollendorff), par M. Alfred Capus, qui nous montre un mari d'une philosophie admirable ; — et, bien entendu, vous le verrez aussi servir de thème dans les recueils de nouvelles.

Signalons en outre les Turiurel, par Paul Hugounet, un talent encore indécis, entre le grotesque et le sentimental, et un esprit qui rappelle celui d'Alphonse Karr, l'esprit d'il y a cinquante ans, ce n'était pas le pire assurément.

Bien qu'ils ne soient pas sans mérite, il nous faut, sous peine de remplir ce numéro du Livre moderne, passer très rapidement sur les ouvrages suivants : Espérance (Charpen- tier), par M. Paul Viguet, histoire des déceptions d'un pro- vincial perdu dans Paris, où il est venu pour conquérir la gloire littéraire ; — Pascal Bordelas (Havard), autre roman à clef, où M. J. Boyer, d'Agen, retrace des scènes de la vie politique d'il y a une douzaine d'années ; — Rose Minon (Chacornac), histoire d'une aimable fillette de Paris, victime d'une détestable mère, par M. S. de Linas ; — Daniel Cum- mings (Pion et Nourrit), fort jolie et attachante étude des idées et des mœurs américaines, par M. Henri GauUieur; — r Héritier des Moulardon (Marpon), joyeux récit à la manière de Paul de Kock, par M. Octave Pradels; — puis Vidocq, le roi des voleurs (Savine), première partie d'un roman du genre historique (?), par MM. Marc Mario et Louis Launay.

Je vous garde pour la bonne bouche l'Essence de soleil (Tresse et Stock), par M. Paul Adam, production mystico- symbolico-décadente que je ne me chargerais pas d'analyser,


LA NOUVELLE FLORE LITTÉRAIRE. 353

même si vous m'offriez une tour Eiffel en bronze d*alumi- nium; c'est, si j'ose m'exprimer ainsi, tout ce qu'on peut imaginer de plus abracadabrant, coquesigruphiant et stupé- facteur; je me permets d'offrir ces adjectifs à l'auteur qui emploie ses talents d'une façon si stérile.

N'oublions pas de noter deux excellentes publications à l'usage de la jeunesse : Mémoires d'un collégien russe (Hetzel), par M. André Laurie, et les Flibustiers, par M. Léon AUard, superbe récit d'aventures extraordinaires, illustrés par M. L. Montégut.

  • En tête des recueils de nouvelles, il faut nécessairement

placer V Inutile beauté (Havard), où les nombreux admirateurs de M. Guy de Maupassant, c'est-à-dire tous ceux qui le lisent, retrouveront les rares qualités d'observation et de style, qui font de lui, à l'heure actuelle, le premier de nos conteurs ; — et terminer en signalant les Facéties de Cadet-Bitard , par Armand Silvestre (Kolb), contes très plaisants où le prosateur, se souvenant de l'exquis ^poè te qu'il recèle, a su encadrer dans ses récits les plus jolis vers du monde ; puis Gris et rose (Ferreyrol), suite de vingt récits par M. Henri Conti ; — Trois Nouvelles (Westhausser), traduites de l'allemand, de M"" la baronne Marie d*E)bner-Eschenbach, une Viennpise qui n'est point inconnue chez nous ; — le Mariage de la petite Providence (Dentu), aimables bluettes, par M. Louis Petit- bon; enfin, la Croix, Autour de la caserne (Savine), scènes de la vie militaire, fort agréablement contées par M. Oscar Méténier.

Un point. C'est tout. Nous voici revenus de notre excur- sion imaginaire au pays de «Vertes-feuilles ». Je douhaite que vous vouliez bien en retenir quelques profitables souvenirs et un réel intérêt, et je prie Dieu de vous conserver durant cette saison douce aux sens, un œil vigilant, un teint vermeil

et un esprit fleuri de gaieté.

F. DE Troyes.


I. 30


BLOCK-NOTES D'UN BIBLIOGBAPHE

variCtés sur les choses du jour


^_. » PrvwluctioD des livres de luxe a pris, depuis

DB environ, une telle proportion, on a n orme et dressé l'Amateur dans les serres ides des œuvres curieuses, eB spéculsot la flore de la rareté et la poyssée de l'épuisement rapide, que les dupes ont été nombreuses et FÉcole des BibUo- ' philet s'est trouvée faite au détriment de tous ceux qui ont apporté plus de hSLe que de discer- nement dans leur passion. — On se bousculait, il y a quelques années encore, pour souscrire aux nouveautés, avec l'idée de la prime à réaliser; aujourd'hui l'expérience est ^te, le marché des beaux livres est encombré, la baisse est presque g:énérBle; beaucoup d'éditeurs ont mordu la poussière; d'autres rfllent; la situation s'éclaircil, et il est permis d'es- pérer qu'une ère nouvelle va venir, au cours de laquelle il ne suffira plus, pour décrocher la timbale du succès, d'im- primer ou de réimprimer des ouvrages avec un luxe typo-


BLOCK-NOTES D'UN BIBLIOGRAPHE. 355

graphique, un assortiment dé dessins graves et une suite d'états de planches avec première ou seconde morsure.

Tous les procèdes poncifs susceptibles de tenter la mise de fonds du premier venu et qui ne nécessitent ni connaissances bien~ profondés, ni goût très délicat, ni ingéniosité d'aucune sorte, nous paraissent aujourd'hui définitivement condamnés. Ceux qui les pratiqueront encore verront chaque jour dé- croître leur clientèle, car les (emps sont proches où les ama- teurs dignes de ce nom seront excédés par Téternelle réim- pression de chefs-d'œuvre souvent contestables, munis d'agréables gravures sans originalité, tirés toujours à trop grand' nombre pour la banalité, qui les caractérisent.

Les livres vont de plus en plus nettement se diviser en trois classes : livres de littérature courante, publications d'étreanes et ouvrages de véritable goût, édités avec toutes les garanties possibles et tirés à nombre minuscule, selon des formules d'art très indépendant.

J^aime & espérer que la jeune école bibliophile est arrivée à se convaincre qu'un livre de luxe n'est pas seulement une de ces publications très. proprettes, très nettes, très minutieu- senient gravées, comme on prétend dans certains milieux nous en imposer, c'est bien au contraire une publication très dégagée des traditions et des préjugés typographiques et ico- nographiques, montrant l'expression réelle du temps, vivante dans une forme contemporaine, jeune par la littérature et par l'illustration, et n'affectant pas des prétentions à la reconsti- tution des époques disparues et des types oubliés.

Ce n'est pas le tout de s'adresser à un peintre célèbre, de confier les compositions de ce maître à un graveur très « Prix de Rome », en raison de sa froideur et de son allure acadé- mique, puis de donner à un bon imprimeur un texte à com- poser selon la justification voulue, cela n^est que l'art de faire un livre quelconque, très correct, très keepsake, très album, mais rien de mieux.

Or le livre type, comme de plus en plus notre goût en réclame, ce n'est pas celui du xvii* siècle, ni même le genre


356 LE LIVRE MODERNE.

de ceux du siècle dernier. Dans cette note, nous avons dMn- comparables chefs-d'œuvre ' que MM. X..., Y... et Z..., édi- teurs du style pompier et rococo, n'égaleront jamais ; — ce que nous voulons, ce sont des livres dignes de ce temps qui voit se transformer toutes les idées reçues au point de vue des perspectives générales, et qui, imprégné des arts d'extrême Orient, commence à briser les lignes, à sortir des cadres, à révolutionner logiquement et intelligemment les règles niaises que l'accoutumance seule avait fait jusqu^ici respecter.

A la rescousse, mes Amis, soutenons coude à coude nos revendications d'art bibliophilesque nouveau ; mettons à l'in- dex les réimpressions des deux derniers siècles; tout ce qui devait être fait l'a été sur nos grands Classiques, et les vieilles éditions du temps passé auront toujours, pour les fervents, plus de couleur locale que les plus maniérées rééditions mo- dernes, qui toujours seront dépourvues de ce je ne sais quoi constitué par l'air ambiant d'une époque.

Ne tolérons plus seulement le bien fait, mieux vaut le pire; il est moins traître. Un livre « convenable », comine on en voit tant, ne montre généralement qu'une réunion de mé- diocres talents; le vrai talent est toujours un peu excessif, fringant, novateur, inégal : Goya est mille fois préférable en tant qu'illustrateur au pompeux et froid Léopold Robert.



On vient d^ouvrir à l'École des Beaux- Arts une bien curieuse Exposition d'Estampe japonaise.

Un comité formé pour l'organisation de cette exposition se compose de MM. Edmond de Concourt, Ph. Burty, Conse, Montefîore, Antonin Proust, E. Taigny, Ch. Cillot et Bing.

M. Bing, dont on sait les superbes collections, a été l'ini- tiateur de ce projet qui est assuré d'un grand succès. Cette exposition fera connaître au grand public les merveilles de délicatesse et de coloris que, jusqu^à présent, quelques rares amateurs avaient pu apprécier. L'estampe complétera brillam-


BLOCK-NOTES D'UN BIBLIOGRAPHE. 357

ment les révélations de ce curieux art japonais, qui a coulé le bronze et ciselé le fer comme nos Benvenuto, et étonné la vieille Europe par la somptuosité de ses laques et de sa céra- mique.

Il y a peu d'années seulement , remarque judicieusement M. Bing dans Tavant-propos du Catalogue de cette Exposition, l'Estampe japonaise était encore chose inconnue pour nous. C'est par ce trait que le Japon devait clore la série de ses ré- vélations successives. Il n'a pas fallu moins de deux siècles pour amener le pays du soleil levant à nous livrer les derniers secrets d'une antique civilisation qui avait grandi dans le silence et l'isolement.

Il y a dix ans à peine, les passionnés d^art qui parcou* raient le Japon pour aller sur les traces de ces enviables spé- cimens dUmpression parvenaient à peine à rassembler quelques épaves. Cependant, un chercheur obstiné eut la joie, peu de temps avant son retour en Europe, de se voir apporter un petit nombre de feuilles qui, par leur puissance de dessin et leur extrême suavité de tons, attestaient clairement une chose déjà soupçonnée : à savoir que, derrière la verve exubérante qui avait séduit dans les spécimens d'abord vus, se cachait tout un enchaînement d'art, remontant à des origines déjà lointaines. Il y avait là un indice de trésors cachés. Dès ce jour plus de trêve. Des missions furent organisées pour explorer les bons coins et pour découvrir les amateurs indi- gènes qui avaient monopolisé ce genre de collections. On fouilla les anciens fonds d'éditeurs de Tokio, de Nagoya, de Kioto et d*Osaka. On alla dans les familles, promettant par- tout une rémunération libérale pour faire sortir de terre ce qui avait semblé s'y trouver enfoui. Le branle une fois donné, la récolte fut abondante, inespérée. Les Japonais se dessaisi- rent d'abord de leurs collections les moins précieuses, des œuvres les moins anciennes, mais l'un après l'autre apparu- rent les noms des grands artistes, des créateurs, des chefs d'école. -» Conformément aux ordres donnés, les recherches 86 sont poursuivies sans relâche, à mesure que de nouveaux


358 * L£ LIVRE MODERNE.

filons furent découverts. Ajoutons que ces* efforts ont été puissamment encouragés par nos plus ardents amateurs pari- siens, parmi lesquels en première ligne M. Th. Duret et M. Louis Gonse, dont les bibliothèques non moins que celles de MM. Edmond de Concourt, Ph. Burty et Gh. Gillot ren- ferment aujourd'hui d'incomparables collections de livres et d'estampes.

La gravure se pratiquait au Japon au moyen de la taille sur bois, écrit d'autre part M. Bing. Sur une planche de ceri- sier ou d'un autre bois dur, toujours scie dans le sens de sa longueur, on fixe le dessin à reproduire, que l'artiste a pris soin d'exécuter sur du papier pelure. G'est le recto qui est tourné du côté du bloc, mais la tranqçuirence du papier permet au couteau du graveur de tracer sur le bois les contours du dessin en fendant le papier. Au moyen d'un petit ciseau on creuse ensuite toutes les surfaces intermédiaires, de façon à épargner seuls les linéaments du sujet. L'imprimeur enduit d'encre toutes les parties restées saillantes, y applique son papier et opère à la main, en se servant d'un rond de carton enveloppé de filaments de bambou. On ne se contente pas, cependant, comme nous pourrions nous le figurer, d'étendre l'encre uniformément. Afin de faire surgir des aspects imprévus, des modelés, des plans espacés ou des profondeurs d'atmosphère, on manipule la matière grasse de mille manières, on force d'un côté, on atténue de Tautre, graduant par endroits, de sorte que des effets de ton très variés peuvent être produits par un seul tirage. S'il s'agit d'imprimer en plu- sieurs couleurs, il faut un bloc séparé pour chacune d'elles* Le repérage est presque toujours d'une grande correction, grâce à des points de repère ménagés par le graveur dans les angles du bloc, et qui s'impriment sur la feuille dès la pre- mière partie de l'opération.

On voit par ce qui précède quelle importance acquiert dans une estampe japonaise le travail technique^ chargé de faire valoir l'œuvre du dessinateur, et néanmoins ce ne sont pas les noms des graveurs, malgré leur mérite hors ligne,


BLOCK-NOTËS D'UN BIBLIOGRAPHE. 359

qu'il convient le plus souvent de placer en vedette dans This^ toire de cet art, si Fon veut rester dans la justice, car les peintres ont eu une influence considérable sur Testampe, ainsi que tous les japonisants peuvent le faire remarquer.

L'exposition de l'estampe japonaise, tout en présentant un intérêt de premier ordre pour les artistes, ne laisse pas» — à mon avis, — de lasser bien vite, en raison même de son in- stallation grandiose, dans un cadre beaucoup trop vaste pour ces mignonnes vignettes d*un art si intime et qui réclament le petit milieu qui les a vus naître. — Au Japon, tout est petit, restreint, délicieus<emeht resserré ; les vignettes et estampes japonaises sont faites pour être appréciées dans une atmosphère de petite pièce, l'une après l'autre et non pas embrassées d'en- semble. Ce peuple d'accroupis a créé un art d'impression qui devrait être considéré lentement, avec une religiosité également accroupie; les grandes murailles de l'École des beaux-arts conviennent mal à ces délicates effigies; le jour y est trop brutal et «tous ces cadres se nuisent placés bout à bout. Néanmoins, cette observation faite, je dois dire qu'il serait difficile de voir réunie une plus étonnante variété de merveilles, et tous les Bibliophiles parisiens feront sagement d*aller se mettre dans Tœil la magie de ces fines impressions, l'harmonie de ces colorations ravissantes et cette pureté incomparable du trait qui cerne les à plat avec une précision si prestigieuse dans la simplicité de son exécution.

L'Estampe japonaise ouvre de glorieuses perspectives à l'art futur du livre français, du vrai livre indépendant.



Aucune vente de livres à signaler qui ait fait vraiment sen- sation dans le courant d'avril, beaucoup d'enchères ordinaires et de mises en adjudication sur catalogues sans caractère ori- ginal. Je ne remarque guère que les trois petites vacations du début d'avril^ au cours desquelles on a vendu la plupart des


360 LE LIVRE MODERNE,

livres « bien conditionnés » de M. Alfred Piet, ancien archi- viste-trésorier des Amis des livres (le catalogue est anonyme) .

— Je puis y relever V Eugénie Grandet, publiée par cette société en 1883, qui a été adjugée 235 francs, — ce qui n*est pas étourdissant.

— Le Béranger en 2 vol. in-8», de chez Baudoin frères, 1828, avec le supplément de 1833 de Perrotin, très bel exem- plaire contenant les premières épreuves avant la lettre, tirées sur papier blanc, et une lettre autographe du chansonnier ; vendu 495 francs.

— Une suite de lithographies d'Henry Monnier, in-4", faites pour les Chansons de Béranger au nombre de 24 pièces coloriées, publiées S. D. par Bernard et Delarue, et qui sont devenues rares, a atteint la somme de 216 francs.

— AUne de Golconde, plaquette des Amis des livres parue en 1887; vendue 184 francs.

— Le Manuel de Brunet, avec les deux volumes de supplé- ment, se maintient toujours dans les environs de 250 francs.

— Les Chants et chansons populaires de la France, Paris, Delloye, 1843, trois volumes adjugés à 319 francs. — Pas excessif en vérité, car il s'agit ici d*un admirable ouvrage.

— Jacques le fataliste de Diderot, publié par les Amis des livres en 1884; vendu 235 francs — c'est faiblot. Ce livre, cependant très réussi, ne s'enlève pas. — Je sais bien que Maurice Leloir a fait mieux. . . Cependant I

— Le Fond du sac, 2 vol., Cazin^ 1780, bel exemplaire en maroquin rouge ancien; cédé au prix rond de 150 francs, — maigre, n'est-il pas vrai? — Il y a quinze ans, pour le Fond du sac, il fallait vider le fond du gousset. Quantum mutatusf

— L'Eldorado ou Fortunio de Théophile Gautier, publié en 1880 par les Amis des livres, in-8**, avec eaux-fortes de Mi- lius et vignettes de Paul Avril ; laissé sur table au prix de 335 francs. — Rien à dire !

— Les Orientales de Hugo, éditées par la même société, sur japon, 180 francs.


BLOGK-NOTES D'UN BIBLIOGRAPHE. 361

— Imitation de Jésus-Christ de Curmer, 1855-1858, 2 vol. in-4», 299 francs.

— La Chronique de Charles IX, illustrée par Ed. Morin, — première publication de la Société, dont le misanthrope Alfred Piet a liquidé tous les livres, — a été vendue 455 francs.

A mentionner principalement les Contemporaines de Res- tif de La Bretonne^ 42 voL. iQ42, 1781-1785. Bel exemplaire dans une reliure de Belz-Niédrée, dans lequel on avait inséré 45 dessins orig^inaux de Binet ; le tout vendu 730 francs. ^- Mais c'est donné I — Quelle binette eût fait Binet de se voir adjugé à si bas prix, pas même un louis par dessin original! — temps I mœurs I — Piet, volage iconophile qui devenez iconobazardeur , dans quel Waterloo sinistre et morne avez- vous poussé les colonnes de vos livres chéris ! ! I

Toute la première partie de ce mois, grandes et nobles enchères par suite de la désagrégation mobilière du Château de Mello. — Durant onze jours seront vendus les livres, manu- scrits et imprimés composant la bibliothèque de feu M. le baron Achille Seillière. C'est Porquet qui conduit la danse. Il faut remettre au mois prochain le salut à ces livres qui partent.

Ah ! que cet ancien avait raison qi|i avait pris pour devise d'ex'libris : Ite ad vendentes! — Tôt ou tard, tout y passe sous le marteau du priseur de commission 1 — aujourd'hui nous achetons et demain nous vendons — la passion qu'ont épou- sée les bibliophiles est souvent dissoute par un divorce inex- plicable; mais, plus souvent encore, c'est à la mort qu'il appar- tient de séparer les vrais amoureux des livres qu'ils pos- sèdent. « 

Depuis deux mois je pensais pouvoir annoncer à tous les souscripteurs la mise sous presse de la Table Décennale du Livre 1880-1889, — et la prochaine apparition de ce volume qui semble — si nous en croyons tous les gens graves — indis- pensable à la grande et belle collection de la revue disparue.

I. 31


M3 LE LIVRE MODERNE.

Hëlas I rhomme propose et les rédacteurs disposent. Le patient classeur de fiches qui nous avait promis son concours et nous affirmait, semaine par semaine, que le travail tirait â sa fin, M. Louis de Hessem, nous a totalement manqué de parole, par suite, parait-il, de Tétat de sa santé, et toute la rédaction de cette table tant espérée, et en partie soldée, semble aujourd'hui complètement à vau-l'eau.

J^avoue, comme je le ferais en un milieu d'amis, que ce résultat négatif m'est d'autant plus pénible, que cette table tenait largement à cœur, on le conçoit, au fondateur du Livre, car c'était la clef de l'édifice. — Mais, après six mois d'énervement constant par suite des promesses intermittentes du manuscrit et des remises sans cesse renouvelées par le ca- talographe, j*ose dire que je ne me sens plus la force de repê- cher un travail peut-être irrémédiablement compromis. — Le rédacteur temporisateur proteste contre mon scepticisme attristé et assure qu'il conduira au but. cette grosse classifica- tion de notre chère revue en vingt volumes. — Je lui donne acte ici de sa parole, et, comme je ne saurais de longtemps, au mi- lieu d'innombrables travaux divers, assumer la responsabilité de cette entreprise, je prie les intéressés de vouloir bien en- voyer *à l'avenir leurs doléances et espérances à M. Louù de Hessem, à Flins-sur-Seine (Seine-et-Oise). Il appartient à ce -grand coupable de remédier à une situation qu'il a créée, et lui seul sera désormais en mesure de renseigner utilement les souscripteurs sur la possibilité de mise au jour de l'Index gé- néral du Livre, — Puisse-t-il ne tromper personne I

Si toutefois en août prochain le manuscrit complet n'était pas remis en mains éditorialcs, je serais en droit de recher- cher, d'autre part, un rédacteur ayant l'amour, le culte et le génie de la table analytique, et bonne note sera prise des personnes qui voudront bien s'offrir à nous, munies des ga- ranties nécessaires pour arriver à la satisfaction parfaite de notre grand desideratum.


BLOGK-NOTES D'UN BIBLIOGRAPHE. 3«S

L'Icono-Bibliographie du général Boulanger, dont il a été question ici, il y a deux mois environ, vient de paraître en première partie. Cette grande brochure, de plus de 150 pages, contient toutes les chansons faites sur le général de 1886 à 1890. Cette curieuse publication, imprimée par les bibliographes mêmes, n^a été tirée qu'à 130 exemplaires. Je crois savoir qu'il appartiendra au libraire Sapin, 3, rue Bona- parte, d^en distribuer quelques spécimens au public.

Bientôt paraîtront les affiches, placards, portraits, cari- catures, publiées pendant la période du mouvement boulan- giste. C'est vraiment drôle à feuilleter.



Je reçois de notre collègue Jules Brivois la lettre suivante qui offre divers détails curieux sur Pierre Rouquette et sa li- brairie :

«J'ai lu avec intérêt, dit M. Brivois, dans le dernier numéro du Livre Moderne, la silhouette que vous avez tracée du li- braire Rouquette.

« J'avais connu Rouquette quand il était chez Garrousse et je suis son plus ancien client, car je crois que c'est moi qui l'ai étrenné quand il s^est établi passage Choiseul.

« Sa boutique était, il y a une douzaine d'années, le rendez- vous des amateurs qui faisaient alors la pluie et le beau temps dans les ventes et chez les libraires. Là, à l'heure de la verte, on vous faisait l'autopsie d'un livre, de telle façon, qu'il était démonétisé et qu'aucun amateur sérieux n'eût voulu l'acheter. Rouquette avait une expression pour caractériser ces sortes d'exemplaires -^ quand ils étaient chez un confrère, — « Ce sont des drouilles ! »

c( Il faut dire tout de suite que ces jugements, sans appel, étaient rendus avec la plus entière bonne foi, ajoutée à la com- pétence la plus absolue. J'étais un des plus assidus de cette parlotte, mais je me trouvais alors et suis resté depuis, l'apôtre fervent des ouvrages du xix® siècle.


t«4 LE LIVRE MODERNE.

H Fréquentaient aussi chei Rouquette, comn dit, M. Euf ène Paillet, celui de tousqui, k prem vaitde suite la tare d'un livre. Amateur passion i depuis, s'est débarrassé de sa bibliothèque con barrasse d'une maîtresse qui a cessé de plaire ; rence près que l'on met discrètement sur la d demoiselleune liassede billets de banque, tandis < lui, en a reçu un gros paquet; — Ernest Quei Lebarbier de Tinan, Truelle Saint-Evron, Less* Léon Mercier, qui depuis ont vendu leurs Bëraldi, notre collègue des Amis du Livre et d«  ^ ' contemporains, qui préludait alors à la remarqui de livres extra du »vt^ et du xix' siècle que nou rée l'autre jour ; — M. Da^uin, quand on parle < de M. Daguin, on dit : il a tout: classiques du / ^^vrages à figures du »v* siècle, livres illustrés du ' mantiques,enétat parfait; — M. Parran quirecl les romantiques; M. AbelGiraudeau, M. Roger le baron James-Édouard de Rothschild, vrai bibl bibliographe, causeur charmant. Sa mort prén tous attristés. Le baron (comme nous l'appeli ment] était très fin connaisseur en toutes sortes i en reliure moderne il était intransigeant, il n' Tra u ta-Bauzonnet .

« On se livrait donc à des discussions quelq nées. Rouquette s'y mêlait très peu, tout en faii de ce qui se disait. On lui savait gré de son qua

« Rouquette avait ramassé (vers 1866) des tités d'ouvrages à figures du xvni" siècle, que [ peu près, ne recherchait alors ; je lui ai vu à Ta cinq exemplaires des Chaïuong de Laborde, au morphoseï d'Ovide, des exemplaires en grand f sert et des Fable» de Dorât, etc., à des prix ridicu ché. Il m'a vendu, pour une centaine de francs, broché de Habelaû, de Le Duchat, 1741, 3 vol — vous m'entendez, non rogné ni ébarbé. — .


BLÛGK'NOTES D'UN BIBLIOGRAPHE. 3«»

« C'était le bon temps I

« A cette époque reculée, — il y a vingt-cinq ans, — on était acharné sur les éditions originales de Molière, Racine, La Fontaine. et autres du zvii* siècle. Aujourd'hui on n'en parle presque plus. Question de mode.

u En outre des ouvrages de bibliographie que vous citez, Rouquette a publié, en 18B3, de compte à demi avec L. Con- quet, ma Bibliographie des ouvrages iUnstrès du xiz^ siècle. Je ne puis me rappeler sans sourire le ton narquois que quel- ques-uns des amateurs susdits prenaient en pariant des ouvra- ges que je m'apprêtais à décrire : « Le xix® siècle, est-ce qu'il a produit quelque chose ? Les couvertures illustrées, qu'est-ce que c'est que ça? — fiUe&en ont bien rabattu' depuis, n'est-ce pas ? »

Certes oui, ami Brivois, mais ne vous semble-t-il pas aussi que les temps ont si vivement marché et les modes de même, que LES XIX® déjà commencent à faiblir — en tout cas, ce n'est plus le beau temps I — comparez l'ardeur des enchères d'il y a quatre, six ou huit ans, avec la mollesse de celles d'aujour- d'hui. — On a été trop vite et trop haut, voilà la vérité. Avouez qu'on a ponté sur les Curmer, les Perrotin et les Dubochet des sommes exagérées. — Avouez-le, Brivois, avouez-le I



— Une revue mensuelle, TOuest artistique et littéraire, organe de la Société artistique et littéraire de l'Ouest (Bre- tagne, Poitou, Maine, Anjou], va se publier à Paris, sous la direction d'un comité de rédaction composé de MM. Lionel* Bonnemère, F.-E. Adam, B.-H. Gausseron et Olivier Moreau, avec M. René Huette pour rédacteur en chef.

U Ouest artistique et littéraire paraîtra le 15 de ce mois (rédaction : 1 1 , rue des Feuillantines. •— 5 fr. par an).



366 LE LIVRE MODERNE.

D'un interview de M. Paul Meurice fait par un rédacteur du Parti national, je détache les curieux renseignements sui- vants sur les Œuvres complètes de Victor Hugo.

— Je sais, dit le rédacteur qui signe Guy, que vous êtes en train de préparer le prochain volume de Victor Hugo qui doit paraître dans un mois. Je serais donc très désireux d'obtenir de vous quelques indiscrétions touchant cette œuvre nouvelle?

— En effet, — réplique M. Meurice — je prépare en ce moment un livre qui contiendra les récits des voyages faits par Victor Hugo, car, ainsi que vous le savez, Victor Hugo vovageait plusieurs mois chaque année, au moment des va- cances. Il écrivait des lettres à ses intimes, à sa famille, rela- tant les différents incidents de ses voyages. Ce sont ses lettres que nous avons l'intention de publier.

Nous ne retrancherons pas un mot à ces lettres, pour leur conserver toute leur intimité.

Vous voyez, ajoute M. Paul Meurice, en nous montrant les lettres que Victor Hugo envoyait de Belgique en 1837 ; à cette époque, il n y avait pas d'enveloppes, on repliait la lettre en quatre, comme ceci.

Ces lettres de Belgique commenceront le volume.

Après viendront les lettres de la Bretagne.

Puis les relations de son voyage dans le midi delà France.

Enfin son voyage dans les Pyrénées.

Ces lettres envoyées de Belgique et de la Bretagne n'ont pas été écrites en vue de la publication.

Il n'en est pas de même de celles des Pyrénées que je vais vous montrer.

M. Paul Meurice nous fait feuilleter un album où Victor Hugo écrivait ses impressions de la journée, ajoutant même de délicieux croquis à la plume.

— Le soir, quand il rentrait, nous dit M. Meurice, son premier soin était d'écrire ce qu'il avait vu, agrémentant son récit de dessins que nous publierons plus tard.


BLOGK-NOTES D'UN BIBLIOGRAPHE. 367

^- Votre intention est de faire une édition illustrée de ces voyages ?

— Oui, mais pas tout de suite.

Ce voyage dans les Pyrénées contient des pages admira- bles. Victor Hugo y rappelle ses souvenirs d*enfance, car il a passé une partie de sa jeunesse en Espagne.

— Je crois à un gros succès, aussi gros que pour Choses vues.

— Quand paraîtra-t-il ?

— Fin mai ou au commencement de juin, au plus tard.

— Et quels sont encore les volumes à venir?

— Il nous reste trois ou quatre volumes au plus à faire paraître, sans compter les volumes de correspondances.

— Et quels sont-ils, ces volumes?

— D*abord, les Années funestes, c'est-à-dire les années de Tempire, prenant rang entre les Châtiments et V Année ter- rible.

Puis Dieu, volume de philosophie religieuse. Dieu aura-tril un grand succès? Vous connaissez le mot de Buloz père, un jour qu'on lui remettait un livre sur Dieu ? « Dieu, dit-il, ohl ça manque un peu d'actualité! »

— Puis Océan, qui sera un volume de pensées, un recueil semblable à Choses vues.

Je crois même que l'intention de Victor Huge était de réunir en un seul volume, Océan et Choses vues.

Après ces volumes, viendront les correspondances de Victor Hugo; mais nous ferons un choix et nous ne publierons que les lettres très intéressantes.

Nous ne ferons paraître les autres que plus tard, comme on a fait pour les lettres de Voltaire. Il parait toujours de nouvelles épîtres de Voltaire.

Voilà ce que je puis vous apprendre sur les Œuvres inédites de Victor Hugo. — Je n'ai rien changé aux termes sans façons de cet interview. Le fond en est très précieux pour nos lecteurs et nous voyons déjà avec plaisir, en vrais


368 LE LIVRE MODEREE.

bibliophiles, que d'ici peu de temps nous pourrons posséder un Victor Hugo complet et définitivement classé.



Il vient de paraître un livre bien singulier, de format in-4"y comprenant 134 pages et imprimé pour le compte de Fauteur, M. Henri Cordier, sous ce titre : Stendhal et tes ami», noief d'un curieuXf tirage à 300 exemplaires, dont 200 seulement ont été mis dans le commerce. Sur le titre, pas de nom de libraire, une simple reproduction en sanguine du médailloii de Henry Beyle, fait par David d'Angers en 1829.

Je me suis procuré un exemplaire de cette publication peu vulgaire chez Sapin, moyennant un louis, et en tant que Stendalhien, je n'ai point regretté mon acquisition, car ce joli livre, très joliment imprimé par Herissey d'Evreux, con- tient de l'inédit à foison et des dessins naïfs, mais intéressants relatifs à la vie de Stendhal. C'est un livre de Littré au pre- mier chef. N'ayant pas le loisir de lanalyser comme il con- viendrait, je le signale bien volontiers à l'attention de tous les amis de l'auteur de la Chartreuse de Parme.



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~V Les DBRNiiiRES Lettres d'Ai,frbi> DEtyAU. — -/i)o(^iimen/«. inédits). Alfred Delvku é. Josépkin SQuhry.

.2®' Im. BiéLiOTiiË<iuE<i tournante' ou tes! lcii^i\ ç)Uin b^lii "' *fera[phé.-^' nevucties pubHcatwns rëcififcs.-* - -'•^ ,


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•3" TnojUYAiLLESi ^Ti^iy AIRES. — •'"D^u?^ rêçu^l^'^des J^ajbles de La Fontaine qui ne sont pas de La Fontaine.

4** Notes; ET , NpofVELLEs.

5" Table des matière^ pu premier volume.

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m^^'j.


, - y \ ILLUSTRATIONS

Dans le texte. — '■ Vignettes et lettrines.



PUBLICATiOKS SUPPLÉMENTAIRES

Catalogue de Ir Librairie française. — Recueil de Biblio- graphie publié pour les abonnés du Livre moderne.

Le journal de publicité x.a Librairie internationale qui «. paru dans les deux premières livraisons a cessé sa pu bU-. cation. . - * . .

AVIS. —La. Direction ne traite que par corre^ponJa nce. S'adrcsspr,^ '. " ncHir toùle question administrative et pour abonncnieols dU'eçtis, a- , ^T "' M. Klphè^re Guilloninot, Maison Quanhp, f, rue Saiut-lkm>àt.



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DERNIÈRES LETTRES D'ALFRED DELTAD


Lettres de Alfred Delvaa à Joséphîn Soul&ry.

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~ N un coin de notre bibliothèque, le coin

des Manuscrits, nous possédons un vo- lume in-S" de 200 feuillets, plus (les épreuves corrigées, des Sonneurs de sonnets d'Alfred Delvau. — Ce manu- scrit précieux de l'auteur des Cythères parisiennes est entièrement tracé sur des papiers multicolores par la maîn large de Delvau dont l'écriture rappelle prodigieusement celle du maître Victor Hugo dans sa dernière manière. Il est peu d'écri- tures modernes d'une coulée plus belle, plus spontanée


370 LE LIVRE MODERNE.

d'allure et plus sympathique. On sait qu'Alfred Delvau piiblia en partie ses Sonneurs de Sonnets dans le premier Bibliophile français de Bachelin-Deflorenne, en 1866; il reprit son travail pour le refondre vers la fin de cette même année, et, singulière fatalité, le volume parut, dans son joli format in-32, juste le jour de la mort de son auteur, le 2 mai 1867. — Delvau avait qu^ante-deux ans.

C'est de son lit que le pauvre Delvau, épuisé par le surmenage laborieux e^ aussi par les privations et les cahots d'une vie ardue, donna les derniers bons à tirer que nous possédons.

On sent qu'il se hâtait et qu'il avait le pressenti- ment que l'apparition de ce petit livre allait sonner son heure dernière ; toutes les notes marginales des épreuves témoignent de son impatience de voir l'impression achevée et le livre broché au grand jour. Les dernières lettres qu'il ait écrites au milieu de ses angoisses finales dnt été adressées à Joséphin Soulary ; toutes sont relatives à ces Sonneurs de Sonnets. Notre manuscrit en contient une copie fidèle, et cette ^érie d'épîtres forme une sorte de roman si poignant, que nous ne résistons pas au désir de publier pour la première fois ces pages touchantes, d'une grande poésie voilée de mélancolie maladive.

C'est l'histoire d'une curieuse amitié in extremis entre Delvau et Soulary qui nous est révélée par cette suite d'épîtres qui plairont à tous les lettrés.

La première lettre marque le début même des rela- tions avec le cher poète lyonnais, on verra avec quelle cordialité ces relations s'établirent.

25 février 1867.

C'est, monsieur, une simple galerie de Sonneurs de Son- nets que je fais, comme vous Rapprendra la première feuille que je vous envoie en épreuves et que je vous prie de vou-


LES DERNIÈRES LETTRES D'ALFRED DELVAU. 371

loir bieïi me retourner. Votre nom figure naturellement parmi, — je me trompe, — à la tête des Sonneurs d'aujourd'hui, et vous êtes représenté par deux sonnets empruntés à votre pre- mier volume de poésies. (Je dis deuxj quoique les autres ne soient représentés que par un seul.) Mais si j'avais un sonnet inédit! Un instant j'ai cru le tenir, grâce à une indiscrétion aimable de M. Thierry. Malheureusement M. Thierry, dans sa précipitation à copier ce rara avis, a sauté un vers,, ce qui rend ce précieux sonnet impossible. Force m'est donc, mon- sieur, de vous importuner, puisque vous avez l'obligeance de m'y autoriser, et de vous demander un sonnet inédit pour ma collection, si toutefois vous la jugez digne de cet honneur. Vous rendrez heureux un de vos plus obscurs, mais non de vos moins sincères admirateurs.

Alfred Delvau. 15, rue Houdon, à Montmartre, Paris.

Le hasard nous a permis de retrouver la lettre que Soulary répondit de Lyon, aussitôt réception, à la date du 26 février 1867. La voici :

Monsieur,

L'exactitude est la politesse des rois et des poètes. Cour- rier par courrier je réponds à votre aimable lettre, avant même d'avoir reçu la première feuille en épreuves que vous m'annoncez. Voici quelques sonnets inédits; choisissez. Vous me parlez d'un emprunt fait à mon premier volume de poésies ; n'auriez-vous donc pas la dernière édition complète ? Si vous ne l'aviez pas, je me ferais un vrai plaisir de vous en offrir un exemplaire.

Veuillez, je vous prie, agréer l'expression de mes senti- ments les plus dévoués.

JosépHiN Soulary.

Pans cette lettre étaient adressés les sonnets suivants qui ont paru dans les Sonneurs : les Scrupules de la mort.


872 LE LIVRE MODERNE.

— On a ses pauvres, — Odi profanum vulgus^ — A quoi bon ? — Pas de chance. En post-scriptum Soularj ajoutait :

P.-5. :— Je reçois à rinstant même les épreuves annoncées. le mignon bijou I et vite, je vous prie, inscrivez^moi au nombre de vos souscripteurs pour deux exemplaires.

Me permettrez-vous une observation? Dans votre galerie, il y a (vous Tannoncez vous-même) beaucoup d'omissions de parti pris. On ne peut vous faire un reproche de ce que vous aurez cru devoir rejeter un certain nombre de sonneurs sonnant faux ou sonnant creux. Mais puisque vous parliez d*01ivier de Magny, n'était ce pas Foccasion de dire un mot, et de citer un sonnet de sa maîtresse Louise Labé, la Belle Cordière lyonnaise ?

Je ne puis croire que dans le recueil de cette charmante Muse du XVI® siècle aucun sonnet n'ait trouvé grâce à vos yeux. Il y en a deux bien jolis cependant, celui : Ne repre- nez, Damesy si fay aimé, elc, et cet autre : Baise, m'amor, rebaise^moy et baise^ etc.

A cette lettre, Delvau s^empressa de répondre :

Je suis confus, monsieur, et ne sais comment vous remer- cier. J'osais à peine en espérer un ; en voilà cinq. Ah I je les donnerai tous, je ne veux pas manquer cette belle occasion d'illustrer mon volume de sonnets inédits de Soulary. Seule- ment, cela va m'obliger — et j'en suis aise — à remanier le chapitre dans lequel je vous avais fait entrer avec quelques autres poètes ; vous serez tout seul, monsieur, dans un cha- pitre spécial ; ne protestez pas, votre protestation arriverait trop tard.

J'accepte avec reconnaissance — et j'attendrai avec impa- tience — l'exemplaire que vous voulez bien mettre à ma dis- position ; je vais préparer sa place sur le rayon de ma biblio- thèque consacré aux poètes de choix. (Un petit désert, ce rayon I)


LES DERNIÈRES LETTRES D'ALFRED DELVAU. 373

Croyez-moi, je vous prie, monsieur, votre à tout jamais reconnaissant et dévoué

Alfred Delvau.

P. -5. — Je me suis bien gardé d*oublier la Belle Cordière. Vous la retrouverez plus loin, dans la deuxième feuille. Pour- quoi pas à côté d'Olivier de Magny ? J'ai pensé qu'ils avaient été assez réunis de leur vivant et que je pouvais sans crime les éloigner un peu l'un de l'autre après leur mort. Les his- toriens — comme moi — ont parfois de ces taquineries-là, qui sont une sorte de jalousie rétrospective.

A. D.

Ici la réponse du poète nous fait défaut; nous don- nerons donc la troisième lettre de Delvau à son nouvel ami.

Lundi, 18 mars. Cher grand poète.

Voilà quinze ou seize jours que je suis au lit, souffrant d'une fièvre nerveuse. Cela vous explique mon silence, inex- plicable autrement, surtout après la bonne, bonne, bonne lettre que vous m'aviez écrite et à laquelle je réponds aujour- d'hui, quoiqu'il me soit sévèrement défendu de lire, d'écrire, et même de penser. Ma main tremble un peu en ce moment, et ma pensée vacille un peu aussi dans ma cervelle ahurie par la fièvre, mais je sais ce que je veux vous dire et je vais vous le dire. « Causons de ces doux riens qui nous touchent de près. »

D'abord, cher grand poète, je vous remercie des choses flatteuses que vous a inspirées mon écriture, mais quelque intérêt que j'aie à y croire, je me refuse à y croire. Je n*aime pas les sucreries : si j'ai la bouche amère, ce n'est pas d'en avoir mangé. Pourtant, pendant quelques minutes, j'ai été presque grisé par vos éloges. Il est vrai qu'à ce moment-là précisément ma fièvre débutait et que je n^avais plus de no- tions bien saines sur ma propre valeur. Aujourd'hui, après


374 LE LIVRE MODERNE.

quinze jours de diète, d'hallucinations, de papillons noirs, etc., je commence à m'y reconnaître ; aujourd'hui votre trop bien- veillante lettre me touche, mais seulement à cause des deux lignes de la fin, où, cassant le premier la glace, vous me trai- tez avec la cordialité d'un vieil ami et me conviez à vous trai- ter de même.

Oui, mon cher poète, seulement à cause de cela ; car, voyez-vous, en ce qui touche mon écriture, j*ai grand' peur que vous ne vous soyez absolument trompé, comme se trom- pent forcément tous les DesbaroUes passés, présents et futurs.

L'âme humaine n'est pas ainsi à fleur de peau ni à fleur de papier. Il faut du temps, même au plus habile pour connaître à fond l'homme dont le visage est le plus clair, dont l'écriture est la plus limpide. Pas plus que le latin ou l'anglais, l'âme ne s'apprend en une séance, ni en deux, ni en trois ; il faut le temps, — beaucoup de temps, connaître une langue, ce n'est pas la traduire seulement, c'est s'en assimiler le génie, c'est s'en approprier la moelle, c'est en nourrir désormais sa pensée comme de la moelle de sa langue natale. Connaître une âme, c'est, à force d'indiscrétions loyales, pour ainsi dire, et en tous cas fréquemment répétées, avoir pénétré dans l'ombre mystérieuse, nécessaire, où elle a fait élection de domicile. Il arrive une heure où l'âme se livre avec l'abandon et la con- fiance enivrée d'une maîtresse vaincue par les sollicitations passionnées de son amant, — quitte à regretter plus tard, sans en rien dire ,à personne, de s'être abandonnée ainsi.

Vous ne me connaissez pas encore, mon cher poète, mal- gré mon écriture et malgré le portrait que je vous envoie, mais je me hâte de vous dire que je me crois digne d'être connu de vous, et peut-être d'en être aimé. Je ne vaux pas grand'- chose, mais je vaux quelque chose, puisque j'ai le bonheur d'avoir quelques amis de choix, les mêmes, et aussi fidèles, depuis vingt ans. Un jour que je serai mieux portant d'esprit et de corps, j'ouvrirai pour vous l'alcôve de mes sentiments, je vous dirai quels rêves j'ai eus, ardents.et fous, il n'y a pas longtemps encore, et quelle indifférence profonde j'ai mainte-


LES DERNIÈRES LETTRES D'ALFRED DELVAU. 375

nant pour toutes les choses qui m*ont jadis passionné, — ^ ex- cepté, bien entendu, pour le pain, pour le vin, pour le prin- temps, pour Tamitié, pour les beaux vers, pour les beaux ta- bleaux et, de temps en temps, pour les belles filles. Je veux vous aider à me connaître, dussé-je perdre à être connu. D'avance je vous avertis : plus de fumée et de cendres que de flammes dans mon cœur et dans ma tête.

Quant à vous, mon cher poète, je ne veux pas dire que je vous connais, puisque je viens d'affirmer que connaître un homme était la chose la plus longue et la plus difficile ; mais je ne crains pas d*avouer que j'ai pour vous, depuis longtemps (depuis les Sonnets Humouristiques), les plus vives et les plus sincères sympathies ; vous ne m'auriez pas écrit, je n'aurais pas eu cette bonne fortune de cinq sonnets inéditsde vous, que je ne vous en eusse pas moins consacré, dans mon étude sur les sonneursde sonnets, le chapitre spécial que je vous ai annoncé. Vous aviez pour moi, au milieu des poètes contemporains, une signification particulière, et je comptais bien le dire. Je me moque de ce qu'en penseront les eunuques de la critique et les poètes vos confrères : j^ai toujours eu pour habitude d'aller droit mon chemin dans la vie et dans la littérature, sans me préoccuper des criailleries des badauds que je froisse en pas- sant. Aussi ai-je (les Dieux en soient loués !) quelques ennemis. Je n*ai souci que d'ufie chose, mon cher poète, c^est de ce qui peut vous choquer, vous. Je vous demande la permission de citer vos cinq sonnets inédits (et quelques autres avec ceux- là) : Si vous me la refusez, je vous obéirai docilement, mais avec chagrin. Je tiens tant à affirmer, non pas mon engoue- ment, mais mon admiration, qui a une dizaine d'années de date! Voyez, pesez cela dans votre conscience, mon cher Sou- lary, et ce que vous me commanderez de faire, je le ferai.

Ai-je assez bavardé, hein? comme je me venge bien sur vous de quinze jours de silence! et cependant je n'ai pas en- core fini, j'ai encore §i user une feuille de papier pour vous demander un service.

Une partie de mon étude sur les Sonneurs de Sonnets a paru




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LES DERNIÈRES LETTRES D'ALFRED DELVAU. 377

A cette longue épître si attristée et si cordiale, Sou- lary répondit aussitôt par le mot suivant et le sonnet demandé.

Monsieur Delvau,

Vous me prenez au dépourvu, mais je m'exécute immé- diatement au risque de rimer malgré Minerve. Seulement je suis en dispositions tristes et ma poésie s'en ressentira. Vous me demandez un épilogue, c'est une épitaphe que je vous envoie. Que voulez-vous? on n'est pas maître de ses impres- sions. Vales, vous le savez, signifie à la fois poêle et prophète ; Dieu veuille que je ne sois que poète !

A vous> tout à vous.

JOS. SOULARY. 1" mars 1867.

Voici ce sonnet à Delvau :

A Alfred Dblyau

Amis, nous sommes nés en des jours violents! Le Passé tombe après s'être coupé les veines , Et le Présent nourrit de lâchetés malsaines L'avenir au maillot dont il rompt les élans,

Meurent les seins féconds et les mamelles pleines I

Nos fils boiront la honte et les afTronts sanglants ; *

On les verra traîner sous des cicux insolents

Leurs fronts lourds de mépris et leurs bras lourds de chaînes.

Pour nous, tout près de voir le grand sol des aïeux S'effondrer sous nos pieds, sauvons du moins nos Dieux, Les gais sonneurs d'amour, les charmeurs de souffrance !

Vous serez oubliés, grands héros du hasard, Hois, tribuns et soldats; le bonhomme Ronsard Vivra pour dire où fut le beau pays de France.

J03. SOULARY.

Modifiez ainsi le dernier tercet pour lui donner plus de force :

Rois, tribuns et soldats, grands héros du hasard,

Vous serez oubliés; le bonhomme Ronsard

Vivra pour dire où fut le beau pays de France.

J. s.

I. 33


«78 LE LIVRE MODERNE.

Alfred Delvau ne resta pas en reste de promptitude et d'amitié ; tout souffrant qu'il fût, il répondit de son lit :

Je m'empresse de vous remercier de votre empressement^ mon cher Soulary ! qui cito dat bis dat. Votre sonnet est très beau, malgré ou plutôt à cause de son êpreté et de son amertume sombre. Dame I les temp^ne sont pas gais.

Il m'a remué jusqu au plus profond des entrailles, et il en remuera bien d'autres comme moi; même les plus réfractaires a la poésie. C'est un grand cœur de patriote désabusé qui bat dans ces beaux vers.

Je vous remercie, je vous remercie.

Vous avez eu tort de remercier les Dieux au sujet de ma santé : les Dieux n'ont absolument rien fait pour elle. Je suis toujours malade, mais j'ai changé de maladie. Hier fièvre nerveuse; au- jourd'hui hépatite. Je crois que je m'en tiendrai à l'hépatite.

Je n'ai pas la moindre force, et malgré cela je travaille. Les sonneurs de sonnets étaient commencés, il fallait bien les finir. Comment les ai-je finis ? Un miracle ! car ma pauvre cervelle a été tant de fois secouée, qu*elle se trouve en ce moment dans un remarquable désarroi. Je regretterais bien d*avoir raté le chapitre que j'ai été si heureux de vous con- sacrer, mais cela ne m'étonnerait pas.

11 faut que je m'arrête ici, ne pouvant aller plus loin. J'avais pourtant mille choses à vous dire. Oh ! misère de nous ! la Belle sera donc toujours vaincue par la Béte ?

Il me restera toujours assez de force pour vous dire, pour vous répéter, combien je suis reconnaissant de votre amitié^ qui me réconforte en mes heures d'ennui (24 par jour). J'es- saierai un jour de vous prouver la mienne. Eln attendant.

croyei-moi tout à fait à vous.

Alfred Delvau.

Dans les Deux cortèges^ que j*ai cité naturellement, il }' ^

Au bras qm le défend,

Vu nourrisson paiouUIe une note indécise ;

Sa mère, lui tendant le doux sein quelle épuise.

L'embrasse tout entier d*un regard triomphant.


I


LES DERNIÈRES LETTRES D'ALFRED DELVAU. 379

Qu'elle épuise ! elle, la mère ! Cest le nourrisson qui épuise le sein de sa nourrice, — ordinairement I — Faute typographi- que, n*est-ce-pas ? A moins que vous n'ayez eu l'intention de dire : .

« Le doux sein qu'elle épuise à force de le presser, d'en faire scfrtir le lait. » Qu'il épuise serait, malgré cela, aussi eup|;ionique et moins cacophonique. Vous m'excusez, mon cherSoulary? Donnez-moi sur les doigts si je me suis trom- pé, je vous en prie.

Et le portrait ?

Nous avons retrouvé la longue réponse deJoséphîn Soulary pleine de notes littéraires et de conseils sani- taires. Il ne nous a pas été possible de reconstituer les autres réponses du poète lyonnais.

Ami, Lyon, 3 avril 1867.

Les deux premières éditions de mes sonnets portent (son- net des Deux cortèges) qu^ il épuise. Mais M. Vapereau, le citant dans son Année littéraire, a fait remarquer que l'enfant ne peut pas à la fois gazouiller et téter. J'ai dû faire épuiser le sein par la mère qui le tend (vainement) à Tenfant gazouil- leur.. J'avoue que je préfère ma première intention, l'enfant pouvant très bien gaozouiller et téter successivement. Resti- tuez donc le qu'il épuise.

Ce sonnet a joué de malheur. Après avoir été lourdement imité et paraphrasé par un poète du nom d* Achille Milieu, qui m'en a imité trois ou quatre, il vient de m'étre volé par un M. de Bailon industriel de Saint-Germain, qui l'a fait paraître il y a quinze jours, sous son nom, dans un nouveau journal : la Raison. Mais déjà le Figaro et le Charivari ont fait justice de ce plagiat. Mieux que tous les éloges des revues et des journaux, cette circonstance prouvera que ledit sonnet doit avoir du bon.

Au nom des Dieux, cher ami, traitez votre hépatite par rhoméopathie. Si vous n'avez pas confiance, voici un remède dont je vous certifie Tefficacité : (Experto crede RobertoJ.


380 LE LIVRE MODERNE.

Faites-vous tourner dans un bloc de quassia amara un gobelet dans lequel vous boirez votre eau et votre vin. Ce bois communique immédiatement à la boisson une saveur franchement amère qui fait merveille dans les maladies de foie. Nous sommes tous plus ou mpins atteints de ces mala- dies-là, vous le savez, et par le temps qui court plus que jamais ; les hépatites et les gastrites ne sont guère que des indignations morales comprimées.

Cette digression m'amène naturellement à ce sonnet que vous trouvez si âpre et si sombre. J'espère qu'il pourra me mener à Cayenne ; les voyages d'agrément me plaisent beaucoup. Si pourtant vous le trouvez trop cru, en voici un autre que vous pourrez lui substituer.

Celui-là ne va pas à Cayenne, mais il vient des Odeurs de Paris. Paulo minora canamus.


A Alfred Delvau (Sui^ le sonnet page 186, des Sonneurs.)


2 avril 1867.


Veuillot, stercoraire sacré, que ta masse me 9oit légère!

Pondre un sonnet, mon cher Delvau, la belle cotonnade! Le tout est de le faire tenir droit sur ses jambes. Oit n'y parvient qu'en bourrant ce petit avorton de nourriture, et encore faut-il la choisir avec soin et l'accommoder avec son tempérament. Un sonnet pléthorique est aussi désagréable à Dieu qu'un sonnet exsangue. Je laisse habituellement dor- mir ces petits monstres un mois avant de les peigner, — le temps nécessaire pour les oublier un peu. Ce temps écoulé, je les reprends et je leur fais leur toilette ; c*est le plus dilB- cile : on n'est plus sous l'influx de l'inspiration première, on juge sévèrement parce qu'on juge de sang-(roid, et il est rare qu'on ne retouche pas son petit monstre de pied en cap ; heu- reux encore si on ne le tue pas à force de le bouchonner.

Je vous embrasse comme du bon pain.

JOSEPHIN SOULART.


LES DERNIÈRES LETTRES D'ALFRED DELVAU. 381

Delvau répondit encore :

Vous avez deviné, mon ami, que si je ne vous ai pas écrit pour vous remercier du conseil que vous me donniez (de m'a- dresser à un médecin homéopathe), c'est que ôela ne m'a pas été possible.*La plume me pesait aux doigts, comme un monu- ment. Impossible, vous disr-je, impossible.

Pour vous remercier de votre conseil — et de votre son- net, que j'ai substitué à celui que vous m'aviez envoyé quel- ques' jours auparavant, non parce que celui-ci était inférieur, mais parce que celui-là est plus en harmonie avec le livre auquel il sert d'épilogue.

Je reviens à l'instant à moi, un seul instant. Comme j'ai la plus grande confiance en vous, je me serais empressé vrai- ment d'employer le remède indiqué par vous, si depuis douze jours je n'avais remis entre les mains de M. Marchai de Calvi le soin de ma guérison, qui sera lente à venir, il faut que je me le dise. Mais qu'importe, si vous avez l'amitié de m'écrire de temps en temps de ces bonnes lettres comme vous savez si bien les faire, esprit et cœur mêlés. Moi, je vous écrirai quand je pourrai, et pour l'instant, je ne peux pas beaucoup.

Et les Sonneurs de Sonnets, quand? allez- vous me deman- der. Dame 1 J'ai les dernières épreuves là, sur ma table, et c'est à peine si j'en peux corriger quatre pages par jour. Excusez-' moi de cette lenteur bien involontaire.

TuuSf Alfred Delvau.

Cette lettre était encore de la main de Delvau; la suivante, la dernière qu'il ait envoyée au poète, était dictée ; le mal s^aggravait. Lisons plutôt :

Je mets aujourd'hui à la poste, à votre adresse, un exem- plaire du Dictionnaire de Ul Langue verte, livre plus sérieux qu'il n'en a l'air.

N'avez- vous donc pas reçu, mon cher ami, l'exemplaire du Dictionnaire de la Langue verte, que j-ai fait mettre à la poste à votre nom, il y a huit jours?


382 LE LIVRE MODERNE.

Une lettre accompagnait cet envoi. Si vous^aviez ce que c'est que d'être au lit, d'attendre tous les jours une lettre d'un ami qui vous est cher (car nous avons à Paris une foule d'amis que nous exécrons et qui nous le rendent bien). Si vous saviez cela, vous m'écririez plutôt deux lettres «haque jour.

J'ai l'amitié tyrannique, mon cher Soulary, "mais il faut vous en prendre à vous qui m'avez autorisé à vous aimer à ma façon.

J'ai emprunté, comme vous le voyez bien, une main étran- gère pour vous écrire. Il m'est défendu de parler, d'écrire et de lire. Toute action intérieure, comme par exemple celle de la pensée, est considérée comme une cause d'agitation dan- gereuse.

N'allons pas plus loin : dicter fatigue.

Je vous embrasse, et me mets sur mon séant pour vous

signer,

Alfred Delvau.

A dater de fin avril, Delvau cessa de pouvoir écrire ou même dicter; les dernières lettres et billets que Ton va lire ont été écrits par Léon Renard, un ami intime de Delvau et Tun des collaborateurs du Parnassiculet con-- temporain. Ces écrits sont si touchants qu'ils se passent de conmientaires ; nous publions donc à la suite les cinq courtes missives de M. Léon Renard. — Que pourrions- nous y ajouter?

Paris, 29 avril 1867. Monsieur,

Mon ami M. Alfred Delvau me prie de vous annoncer l'envoi de deux exemplaires de ses Sonneurs de sonnets. Il aurait voulu accompagner ses petits livres d'un mot où il eût mis toute la sympathie qu'il a pour vous, mais il est si malade et si faible que cet effort ne lui est pas possible.

Vous serez, monsieur, la dernière personne à laquelle il enverra quelque chose. Dans quelques jours,. dans quelques


LES DERNIÈRES LETTRES D'ALFRED DELVAU. 383

heures peut-être, ce charmant esprit ne sera plus qu'un nom et des livres.

Agréez, monsieur, l'expression de mes meilleurs sentiments.

L. Renabd.

8, Rue de Moscou. Monsieur,

Tout espoir n'est pas perdu, mais il nous en reste bien peu. Une congestion du cerveau est venue compliquer le mal.

Il n'a plus connaissance de rien absolument, — pas même de la souffrance. Il ne m'a donc pas été possible de lui com- muniquer toutes ces choses que vous n'envoyez pour lui et qui l'eussent si vivement ému. Espérons, espérons bien fermement qu'il viendra une heure où il pourra les écouter, et vous, monsieur, les lui dire. ^

A bientôt, monsieur, et croyez-moi votre bien acquis

L. Rbnard.

Mercredi, 4 heures.

Paris, 2 mai 67. Monsieur,

Notre ami n'est plus. Mettez un crêpe à votre cœur, car il ' n'avait pas pour vous seulement l'admiration la plus vive, la plus profonde, — il avait aussi la sympathie la plus cordiale. Il me l'a dit en me lisant vos lettres, comme vous avez su le toucher 1 Vous avez été son dernier amour, et sans doute est- ce pour que vous le sachiez qu'il a mis cette hâte dont vous me parlez à publier son dernier livre; c'était vraiment une âme adorable, et je ne saurais vous dire, monsieur, quel par- fum et quel charme va maintenant manquer à ma vie.

Veuillez, me croire, monsieur, votre bien à vous

L. Renard.

Paris, 7 mai 67. Monsieur — Ami,

J'accepte avec une émotion que je^ne saurais exprimer la main que vous m'offrez par-dessus la tombe de notre ami.


SSi LE LIVRE MODËBNE.

Mais que vous apporierais-jc, moi, qui puisse remplacer tout ce que vous avez perdu en perdant Delvau? .Ai-je appris comme lui cette belle langue dans laquelle vous vous entre- teniez tous deux. A peine si je sais la lire, comment la par- lerais-je?

Laissez-moi vous dire tout le plaisir qu'ont fait vos lettres aux amis de Delvau, à Ernest Daudet, à Alphonse Duchesne, à Jules Noriac, à Félicien Rops.

Votre amitié pour Delvau rehausse la nôtre, en la plaçant à un niveau, plus élevé que notre cœur, craignant de s*abuser, n*osait la mettre.

Duchesne a publié dans le Figaro d*hier un article que je vous adresse. J. Noriac doit en faire un au Soleil qui paraîtra ce soir, je crois, et que je vous enverrai également. J'en ai porté un autre au Bulletin du Bibliophile où ont paru d*abord les Sonneurs de sonnets, et je me suis entendu avec Bachelin sur la publication d*une étude sur Delvau, telle que celles qu*il a publiées lui-même sur Gérard et sur Mûrger. Rops m*a olîert de l'illustrer. Et à propos de livres, , avez- vous tous ceux de DelVau? Si non — laissez moi faire aujourd'hui ce qu'il eût fait si le temps et l'occasion ne lui aA*aient pas manqué. Permettez-moi de vous adresser ceux de ses ouvrages que vous n'auriez pas.

^'otre bien cordialement acquis

Léon Renard. a« rue de Moscou.

'Fuis, 14 nuù 67. Cher et illustre Ami,

Je n*ai pas répondu plus tôt à votre gratcieuse leCtre» très absorbé que je suis par les soins à donner à rarrangement des affaires de notre ami. Triste, et cependant biea nécessaire ÎH^^^ie ! Il a laissé une femme — une brave fiUe qui Ta aime et soicnê avec un dé>-ouemenl sincère. Elle resie arec rien. — Ce n*est pas assez.

K» jitlendAat que Hv^us lui trouvions on petit coûu bobs rassembîcois tout ce qui peut constituer l*hêrttapt Batmcl àt


LES DERNIÈRES LETTRES D'ALFRED DELVAU. 885

Delvau, — livres, manuscrits, et c'est ce qui nous occupe, —

désirant faire pour le mieux.

Je vous adresse quatre volumes — tout ce que j'ai pu

trouver. — Nous comptons sur des éditions nouvelles de ses

autres ouvrages, et alors nous emplirons la tablette noire que

vous consacrez à l'œuvre si douce et si charmante de notre ami.

A vous de cœur.

L. Renard.

A la correspondance qui précède était jointe une lettre adressée par M. Aubry, libraire à Paris, constatant qu'il avait remis à M"*® Delvau, de la part de Soulary, une somme de cent francs qui lui avait fait grand plaisir.

Cette lettre, datée du 12 février 1868, se termine

« 

ainsi :

« En relisant votre lettre, je vois que vous pensez aux malheureux, sans sonder le fond de votre bourse. S'il fallait vous endetter avant la liquidation de votre pension, disposez plutôt de mes deniers, je vous en fais l'offre de tout cœur. »

Nous avons pu réunir la plupart des manuscrits, pièces inédites, lettres, poésies, notes d* Alfred Delvau, et nous espérons pouvoir un jour trouver le loisir de consacrer tout un ouvrage sur ce rare et délicat esprit. D'ici là, nous publierons parfois pour les lecteurs du Livre moderne quelques-unes des pièces intéressantes de notre volumineux dossier, et nous nous efforcerons de présenter sous un jour nouveau la physionomie assez peu connue de cet écrivain de Paris, qui restera longtemps encore très apprécié par tous les vrais bibliophiles de ce temps.


f. 34


BIBLIOTHÈQUE TOURNANTE


LOISIRS DU BIBLIOGRAPHE AU REPOS


Revae tar pivot de» Producliont nouvelle».


B serait bien le cas, Lecteurs, en ce présent mois de prairial, de reprendre, poar de bon, cette promenade cham- pêtre BU pays des Nouveautés litté- raires, que les caprices de la défunte Lune rousse nous ont contraints ù n'ef- fectuer qu'en imagination. Mais, vrai, il fait si chaud maintenant et le tempe nous semble menacer de tant d'orages, que je me sens fondre en eau à la seule pensée de nous mettre en route. Voulet- vous m'en croire? — cette fois encore, nous demeurerons au logis, sans bouger de place, en plein repos. Drapés dans une gandourah légère, commodément assis, alla larca, sur de bons


LA BIBLIOTHÈQUE TOURNANTE. 387

divans, le crayon d'une main et la chibouque dans l'autre, ayant bien à portée quelque breuvage odorant et frais, nous allons, sans façon, examiner avec bonhomie la soixantaine de volumes groupés aux divers étages de la « Bibliothèque tour- nante » que nous ferons rouler devant nous. Vous connaissez, sans doute, par expérience, les avantages de ce meuble com- mode, que les bibliophiles doivent à l'ingénieux Terquem ; je ne m'attarderai donc pas à vous le décrire ; je me borne à le faire tourner sur son pivot d'un léger coup de sandale — (en réalité, je n'ai que des pantoufles, mais « sandale » est plus noble! ), — et je commence immédiatement ma petite revue par lé côté qu'il me présente. Précisément il s'arrête à V

HISTOIRE.

Ne nous plaignons pas de ce hasard du tourniquet, car vraiment ce casier est abondamment garni de productions intéressantes. Voici d'abord deux beaux- volumes, qu'on ne saurait trop recommander à l'attention des gens d*étude ; ils ont pour titre : Nicolas Foucquet, procureur général y surintendant des finances, ministre d'État sous Louis XIV (Pion et Nourrit) et sont l'œuvre de M. J. Lair, ancien élève de l'École des Chartes. L'origine de cette production magis- trale est assez curieuse. En étudiant, il y a quelques années, l'histoire de Louise de La Vallière et de la jeunesse de Louis XIV, Fauteur, trouvant là le personnage épisodique de Fouquet, avait pris, au sujet du fameux surintendant, l'opi- nion toute faite, acceptée non seulement par de bons esprits de notre temps, mais aussi par des contemporains en crédit ; ce qui revient à dire qu'il ne l'avait point jugé avec une exces- sive tendresse. Par la suite, M. J. Lair a été amené à se de- mander s'il avait été bien juste pour ce personnage célèbre, et c'est sous la hantise de cette préoccupation qu'il a entrepris l'œuvre de vérité et de réparation que nous avons sous les yeux. Ce n'est jamais sans un vif regret que le pauvre biblio- graphe F. de Troyes se voit réduit à ne disposer que de


aSê LE LIVRE MODERNE.

quelques lignes quand il reocooire des oorraçes de Talenr; rarement il a plus proCondément é pr o u vé ce sentiment q«e dans la circonstance présente. Tout Fe^nce qui lui est ici concédé chaque mois ne suffirait pas à rendre compte comne il convient d'une œuvre de cette importance ; il doit donc se borner à en esquisser les grandes lignes. Le XicoUts Foacquel de M. J. Lair se divise en huit parties, où sont successÎTefne&t développés les points suivants : L'origine de la lamille de « Messieurs les Foucquet », comme on disait alors; la biogra- phie de François, magistrat fort distingué, père du soriatea- dant ; «— la vie publique et privée de Nicolas, son entrée aux allaires comme maître des requêtes, puis comme intendant en Dauphiné, sa promotion aux fonctions de procureur géaénl au Parlement de Paris, son rôle comme magistrat dans les affaires de la Fronde, puis son administration comme imaa* cier, ses grands travaux et ses grands services dans tous les emplois, etc., telles sont les principales matières, traitées de main de maître, remplissant le premier volume. — La disgrâce de Foucquet, son inique procès, sa captivité de dix-sept an- nées, sa résignation et sa mort chrétienne, sont les objets du second tome qui se termine par un intéressant résumé des des- tinées de sa famille. Il n'est pas besoin d'ajouter combien ce travail considérable et nouveau en bien des endroits, a coûté de peines et de recherches à son laborieux auteur ; il suffit de dire qu'il n'est rien de plus instructif et de plus profitable que ce livre, sans lequel on ne connaîtrait réellement pas Foucquet. Que de récits inexacts, en effet, que d'allégations légendaires ont couru sur l'infortuné surintendant I et com- ment discerner la vérité au milieu de tant d'imputations, erro- nées ou calomnieuses, accumulées sur la mémoire de cet illustre méconnu? Grâce au beau livre de M. J. Lair, nous savons maintenant à quoi nous en tenir sur cet homme de talents va- riés, qui ne fut pas seulement un financier habile et, pour Bon temps, un homme d^État de premier ordre, mais qui fut, pA^ surcroît, un esprit de grand mérite, un cœur loyal et bon, et, ce qui complète bien « Thonnète homme », suivant le langage


^*-


LA BIBLIOTHÈQUE TOURNANTE. 389

d'alors, un amateur éclairé des lettres et des arts, ainsi que de toutes les formes du beau.

L'ouvrage de M. J. Marchand, agrégé d'histoire, Unintenr dant sous Louis XIV; étude sur F administration de Lebret en Provence y 1687-1704 (Hachette), ne mérite pas moins d'éloges que le précédent. C'est une importante cçntribution à rhistoire administrative de l'ancienne France, qui vient uti- lement compléter les ouvrages nombreux, publiés, en ces der- nières années, sur les intendants des provinces, sur leurs ori- gines et leurs fonctions, ainsi que sur leur action politique. Ne cherchez pas dans les biographies générales le nom de Lebret, vous ne le trouveriez pas, et cependant on y rencontre ceux de maints personnages très minces, qui n'ont pas rendu la cen- tième partie des services de cet utile et consciencieux magis- trat. Pendant sa longue carrière (1639-1710), Pierre Cardin 'Lebret, seigneur de Flacourt, fut successivement intendant à Grenoble et à Limoges et enfin intendant de. Provence, charge qu'il cumula avec celle de premier président au Parlement d'Aix. C'était un homme instruit, avisé, habile, qui sut à mer- veille concilier les désirs de la cour avec les intérêts de ses administrés, et, certes, ce n'était point une tâche commode que d'amener la population de Provence, si jalouse de ses pri- vilèges et si fière, pendant longtemps, de ses libertés rela- tives, à se soumettre sans trop de murmures au régime du bon plaisir, à l'omnipotent empire du seigneur roi. Il n'était pas beaucoup plus commode de remplir son devoir et de main- tenir ses prérogatives en dépit des revendications hautaines du gouverneur de la province et des allures souvent envahis- santes de l'archevêque d'Aix. C'est ce que sut faire Lebret pendant les dix-sept années de son exercice, non sans peine et sans de prodigieux labeurs, comme on le verra dans l'excel- lente étude de M. J. Marchand, qui n*a rien épai^né pour nous donner une œuvre parfaite et qui, rien que pour recueillir les éléments de son travail, a dû compulser la plupart de nos grands dépôts d'archives et dépouiller consciencieusement les cent qua- rante volumes de la correspondance inédite de Lebret lui-même .


390 LE LIVRE MODERNE.

Puisque nous en sommes à la France d'autrefois, il con* vient de mentionner ici le livre de M. Tabbé Élie MëriCy doc- teur 'en théologie y et savant professeur de théologie morale à la Sorbonne. Ce livre, intitulé : le Clergé sous Vancien ré- gime (Victor Lecoffire), n a pas pour objet d'écrire lliistoire proprement dite du clergé français ; le but de Fauteur est sim- plement de décrire avec précision l'organisation singulière- ment compliquée et la vie, beaucoup moins facile qu'on ne le croit généralement, des ministres du culte avant la Révolution. A M. l'abbé Méric aussi il a fallu bien du courage et de la pa- tience pour recueillir les documents répondant à son dessein : procès-verbaux des Assemblées générales du Clergé, recueil des actes et mémoires du clergé, sans parler d'innombrables monographies et études locales, tels sont les monceaux impri- més qu'il lui a fallu analyser presque feuille à feuille, et tout cela pour en extraire les cinq cents pages, mais si substan- tielles ! de son intéressant volume. On peut faire deux parts dans l'œuvre de l'éminent professeur : Tune, retraçant les avantages, les privilèges de notre ancien clergé; l'autre, nous montrant l'envers de ce séduisant tableau. Ce sont, par exemple, une organisation si défectueuse et bizarre qu'on s'étonne qu'elle ait pu subir Pépreuve des temps sans se bri- ser; — les privilèges souvent exorbitants du roi et des sei- gneurs, des patrons et coUateurs ecclésiastiques ott laïques ; — des inégalités singulières; — des empiétements continus du pouvoir temporel ; de perpétuels conflits avec certains corps, tels que le Parlement et le Grand Conseil ; un affaiblissement progressif de l'autorité épiscopale ; — enfin un humiliant asser- vissement du bas-clergé, souvent considéré et traité comme un serviteur à gages par les gros bénéfîciers et les patrons laïques. Et, parfois, le prélat même n'était pas mieux traité que l'humble desservant à portion congrue ; lisez, pour vous en bien rendre compte, dans le curieux chapitre des « Servi- tudes et épreuves de l'ancien clergé », cette lamentable his- toire d'un malheureux évêque de Mirepoix, luttant, sans suc- cès d'ailleurs, contre les prétentions tyranniques d'une arro-


LA BIBLIOTHÈQUE TOURNANTE. 391

gante grande dame. Décidément la Révolution a eu du bon même pour TÉglise, car notre clergé actuel, dont on sait tous les mérites, a largement récupéré en dignité ce quMl peut avoir perdu en domination.

A côté de ces in-octavo magnifiques, se présente un modeste in-dix-huit, dont le titre seul et le nom de son auteur vous feront amplement présumer Tintérét; vous saurez, du reste, à quoi vous en tenir sur cet ouvrage, aujourd'hui réimprimé pour la quinzième^is^ et que, bien certainement, vous avez déjà dû lire : c*est la première des quatre séries composant, cette Galerie du xviii* siècle due à la plume féconde de Téru- dit et spirituel M. Arsène Houssaye ; ce premier tome, la . Régence (Charpentier), n'est pas, vous vous en doutez bien, la partie la moins piquante de tout cet ouvrage qui nous mène jusqu'à l'époque révolutionnaire.

Ah! la Révolution, quel inépuisable sujet, quelle mine à trouvailles, quelle mère-nourrice [aima mater, pour les dévots normaliens) de la librairie contemporaine! Chaque mois (on pourrait à certains moments dire chaque semaine) voit éclore sa petite étude révolutionnaire ; et Ton prétend que le souffle de 92 est perdu I Aujourd'hui, c'est M. Gaston Maugras qui est de service ; il s'acquitte de son devoir en nous offrant le Journal d'un étudiant pendant la Révolution (Calmann Lévy), livre composé à l'aide de la correspondance authentique d'un jeune homme de seize ans à peine^ envoyé à Paris, en dé- cembre 1789, pour y compléter ses études. Edmond Géraud, fils d'un riche armateur bordelais, écrivait régulièrement de longues lettres dans lesquelles il retraçait, en y joignant ses appréciations personnelles, les événements dont il fut le témoin jusqu'à la fin de 1792, époque de son retour à Bor- deaux. M. Gaston Maugras, qui s'est attaché à ne paraître que le moins possible dans ce volume et qui s'est borné à faire les raccords indispensables pour faire conipréndre la suite des événements, à extrait de la correspondance de Géraud tout ce qui lui a semblé réellement intéressant et caractéristique, et il a composé ainsi un livre bien étonnant. De même que du


391 LE LIVRE MODERNE.

Journal d'âne bourgeoise pendant la Rèvotaiîon^ publié na- guère par M. Lockroy, l'impression qui se dégage des lettres d^Edmond Gëraud est celle-ci : « L'ordre, la tranquillité, k calme le plus complet, ne cessent de régner dans Paris; jamab on n*a vu de mœurs plus douces, plus paisibles ; le peuple est doux et magnanime ; il n'aime que les joies pores et les plai- sirs diampétres ; il est sensible, il est vertueux ! « Si vous vous remémorez les récits, dignes de foi, des autres témoins de la terrible époque, un tableau tellement enoitonteur ne laissera .pas de vous surprendre; moi aussi, je vous le confesse, et si vous voulez mon sentiment sur les impressions d^Edmond Géraud, c'est que ce bon jeune bomme, ainsi que la bonne dame de M. Lockroy, devaient l'un et l'autre avoir l'esprit quelque peu déformé.

M. R. Kseppelin, un vénérable octogénaire alsacien, conna par de nombreux travaux scientifiques, nous donne dans FAhace à travers tes âges (Fiscbbacber) une oeuvre de vulga- risation fort recomroandable, dont le but est de constater qoe, dans les temps préhistoriques, l'Alsace a été unie à la France par la formation même des deux territoires et par Tidentite des races humaines qui les ont habités. Et dans la suite des siècles, les destinées des deux pavs sont restées onifonnes ei indivises; malgré les révolutions politiques, demeurant in- demne de tout mélange avec les nations germaines, FAkace n*a cessé d^ètre autochtone et gallo-franque. Je n'ai pas besom de vous dire quelle conclusion IbKifiante M. R. Kaeppdia dégage de sa patriotique étude.

Passons, un moment. Ira los montes, avec M. A. Hoo^too, qui veut retracer les Origines de la Bestamraiûm des Boat' bons en Espagne P\on et Nourrit\ Envoyé en Efp^'^ comme correspondant de journal, l'auteur a été témoin <k$ troubles de ce pav^ depuis 1S73 jusqu'au mob de mars l^'^ Mettant aujourd'hui en oeuvre, pour rectifier oeriaiiis récils plus ou moins erronés, les notes qu'il recueillit alors aa je^r le jour, U raconte fidèlement les £aîts accomplis pend an t ks dix-huit mois qui ont précédé ravènement du roî Alphonse 91-


t.'


LA BIBLIOTHÈQUE TOURNANTE. 303

Son ouvrage se divise en trois parties, où sont exposés très en détail les événements suivants : le coup d^État du général Pavia (3 janvier 1874), — les « hésitations » du maréchal Serrano et de ses ministres, — enfin les pronunciamientos de décembre 1874, à Sagonte, Valence, Madrid et Loi^rono. Sui- vant M. A. Houghton, les causes originelles de la restauration alphonsiste sont principalement « les' exagérations du parti de la révolution, ainsi que les intransigeances et Tincapacité des Certes fédérales ; » — cela n*a rien que de fort vraisemblable.

L'agréable volume de M. Louis Léger, Russes et Slaves (Hachette), appartient autant à la littérature qu*à l'histoire ; il convient, toutefois, de le classer ici en raison des intéres- sants aperçus historico-politiques qu'il renfermç. La plupart de ces remarquables essais sont consacrés à la Russie. Succes- sivement^ le savant professeur au Collège de France retrace l'histoire de la formation de cette grande nation, ses premiers rapports diplomatiques avec l'étranger, son organisation sociale au xvi* siècle, particulièrement en ce qui concerne la . condition des femmes, enfin la naissance et les premiers débuts de sa littérature. Passant ensuite à la Bulgarie et à la Serbie, il nous présente sous un aspect vraiment nouveau le caractère et le génie particuliers de ces petits peuples que, voici trente ans à peine, on considérait volontiers comme des « barbares», et il nous fait pressentir le rôle que, dans un avenir plus ou moins proche, devra jouer cette race slave, adversaire naturel du monde germanique.

Voici maintenant deux volumes qui ne sont encore que de la petite histoire, en attendant que, peut-être, ils servent à en composer de la grande : l'un a pour titre Confessions d'un journaliste (Savine), par M. Ernest Merson, un de ces hommes laborieux et modestes qui sont l'honneur, de la presse poli- tique, un de ces publicistes loyaux dont on respecte le carac- tère, alors même que l'on combat leurs, idées; M. Merson réunit ici quelques-uns de ces innombrables souvenirs qu'il a pu noter pendant cinquante années de journalisme ; il y a là, sur les hommes et les choses, de curieuses appréciations, et

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des portraits parfois piquants de certains personnages du second empire. — L'autre livre, — troisième tome du Journd deFiduê — (Savine), a pour sous-titre lUSssaihyalf et embrasse la période écoulée entre la chute de la Commune et les débuts du Septennat ; vous savez dans quel esprit sont écrites ces pages; n*y insistons pas, mais notons en passant quelques anecdotes intéressantes, telle, par exemple, celle qui a pour héros le regretté M. Pierre Pinçon, l'érudit et modeste au- teur de ce Nouveau manuel de Bibliographie qui nous a rendu à tous tant de services.

J'aperçois, sur la dernière tablette du casier que nous examinons, deux volumes qui appartiennent à la

GÉOGRAPHIE,

cette annexe indispensable de l'histoire : l'un est Fœuvre de M. Gabriel Thomas qui, sous ce titre : Du Danube à la Bal- tique (Berger-Levrault), réunit une suite de descriptions et souvenirs sur les pays qu'il a traversés du Sud au Nord, sur maintes villes encore bien mal connues de nous, et qui a joint à ce journal de voyage des réflexions pleines de fine et originale observation. — Le second, dû à une irès grande dame, la marquise de Dufferin et d'Ava, est intitulé : Quatre ans aux Indes anglaises. — Notre vice-royauté (1884-1888) (Galmann-Léyy. Portrait). — Pendant les quatre années de séjour aux Indes de son mari, en qualité de vice-roi, lady Dufferin adressait à sa mère de' longues lettres, qui ont été réunies en plusieurs volumes, dont le premier vient d'être traduit en notre langue par M"^® M. Savary.

Ce livre, dont on présume du reste la nature et Tobjet, diffère sensiblement des nombreux récits, journaux ou mé- moires déjà publiés sur l'Inde ; ici, point de longues descrip- tions, point de considérations politiques ou autres, mab de simples petits faits, bien caractéristiques, et les plus propres du monde à bien faire, comme on l'a dit, « comprendre et sentir la vie indienne » ; il me tarde, pour ma part, de voir paraître la suite de cette œuvre vraiment instructive et attrayante.


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Nous avons épuisé maintenant la face numéro 1 de notre Bibliothèque tournante; faisons-lui donc opérer un simple quart de conversion pour voir les richesses que renferme le côté numéro 2. — Hum! c'est asseï maigre; je n'aperçois de livres qu'à deux étages qui sont loin d*être remplis. — • Tant mieux, en somme, nous aurons fini plus vite I — Voyons d'abord ce que recèle le premier qui est étiqueté :

érUDES DIVERSES

On a fourré un peu de tout sous cette commode rubrique ; d'aimables Recueils de Chroniques et de graves études ; com- mençons par celles-ci, en citant tout d'abord le livre du doc- teur Adolphe Burggraeve : Éludes sociales (G. Carré), dans lesquelles le sayant professeur de Gand condense le fruit de' ses lectures et d'observations recueillies au cours de sa longue carrière. Le docteur Burggraeve est, on ne l'ignore pas, Tini- tiateur d'une méthode thérapeutique qui devient chaque jour plus en faveur, la dosimétrie, dont le prinôipe est de procé* der par toutes petites doses. Ce principe, l'auteur semble vou- loir l'appliquer ici à l'économie sociale ; se défiant de l'empi- risme et de la précipitation des « sauveurs du peuple » qui nous inondent de plans de réformes et de panacées politiques, il expose simplement ses idées sur les moyens les plus propres à amener, lentement il est vrai, mais sûrement, l'amélioration de la condition matérielle, intellectuelle et morale des classes ouvrières.

Après lui, feu Ignotus, c'est-à-dire le défunt M. Félix Platel, vient dans V Armée du Crime (Victor Havard) nous révéler quelques unes des plaies de l'état sopial, en étudiant les bas-fonds de la grand'ville ; c'est la misère parisienne sous ses plus affligeants aspects qu'il nous présente, ce sont tous ces drames de la débauche et du crime qui viennent fatale- ment se dénouer sur les bancs de la cour d'assises.

Le livre de M. Gustave Macé, Mon musée criminel (Char- pentier), n'est pas pour nous donner de l'humanité une idée


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beaucoup plus réconfortante ; mais, comme tout ce qu'il nous dit est instructif et curieux! M. Gustave Macë, qui termina sa belle carrière administrative par les fonctions si difficiles de chef du service de sûreté, a, grâce à son habileté et à son in- fatigable dévouement, mis entre les mains de la justice un nombre considérable de dangereux criminels et de scélérats fameux. C'est T histoire de ces misérables qui est résumée dans ces pages, en regard des portraits de ces malfaiteurs et des fac-similés des instruments à Taide desquels ils ont commis leurs forfaits. On imagine le terrible attrait d'un tel livre, où tout, texte et planches, est rigoureusement exact, et qui re- cèle des hideurs morales autrement effroyables que les hor- reurs plus ou moins authentiques de tous lés musées Tussaud du monde.

L'Ame de Paris (Charpentier), par M. Théodore de Ban- ville, vient faire une heureuse diversion à ces sujets affligeants. C'est un recueil de petites études toutes charmantes, dans lesquelles le délicat écrivain fait revivre en de multiples ta- bleaux pleins de variété et d'agréable humour, le Paris du mi- lieu de ce siècle, le Paris de 1830 et du romantisme qui valait bien, ne vous en déplaise, notre fameux Paris fin de siècle, Suivei; M. de Banville dans ses promenades des quais à la place Royale, dans ses pérégrinations à travers les modestes cénacle^ d'antan, et vous serez charmé de retrouver pour une heure cette vie à la fois plus calme et plus honnête, plus labo» rieuse et plus fantaisiste, que nous font regretter les fatigantes et stériles agitations des « Struggle-for-lifeurs » contempo- rains.

Vous n'éprouverez pas une impression moins reposante en parcourant le Sub Jove (Dentu)deM. Adrien Marx, que pré- cède une préface de Pierre Loti. Les quarante articles réunis en ce volume par le fécond chroniqueur se rapportent exclu- sivement à ces deux ordres de sujets : Chasses et pêches, — Excursions et petits Voyages. — Ce sont autant de petits ta- bleaux de la nature, parsemés d'amusantes anecdotes et de piquantes observations. On les a lus dans Figaro.


LA BIBLIOTHÈQUE TOURNANTE. S97

Que si vous vous plaisez à de plus sérieuses lectures, vous trouverez de quoi vous satisfaire dans les Perles et Talismans (Fischbacher), ingénieux recueil de pensées diverses, emprun- tées à d*éminents écrivains par M. André Lacroze ; — avec le très intéressant et patriotique essai de M. -Paul de Jouvencel sur V Indépendance des Gaules et V Allemagne; — enfin avec Touvrage de M. Jules Ferry, le Tonkin et la Mère Pairie (Havard), sobre réplique (accompagnée de force documents justificatifs) aux attaques passionnées dirigées contre l'émi- nent homme d'État.

C'est là tout ce que contient le casier des c< études di- verses » ; jetons un rapide coup d'oeil sur les productions, au nombre de trois seulement, qui s'étalent fort à Taise sur le rayon destiné aux

QUESTIONS d'art.

Quel est, d'abord, ce magnifique album grand in-4^ qui, étant timbré du chiffre de la Maison Quantin, ne peut ren- fermer que quelque chose de beau ? — C'est la sixième livrai- son de la luxueuse publication de M. Edouard Garnier, la Porcelaine tendre de Sèvres.

Nous somm^ déjà largement édifiés sur l'incomparable éclat de cette production splendide et cette livraison nouvelle n'est pas pour diminuer notre juste admiration ; rien n'est plus doux à l'œil, rien n'est plus séduisant que ces belles planches où sont reproduites, avec une perfection qui donne Tillusion de la réalité, quelques-unes des plus célèbres merveilles sorties de notre manufacture nationale, telles, pour en citer quelques- unes, que ces superbes vases de la collection Watelin et Four- nier, de sir Richard Wallace, du South Kensington Muséum, — la tasse offerte à Marie-Antoinette lors de la naissance du premier dauphin, — les vases offerts à Tippoo-Sahib, en 1788, par Louis XVI, — ^ le vase-vaisseau à mât du baron Alphonse de Rothschild, etc., etc. Ce qui me plaît particulièrement dans cette publication, digne en tous points de la grande maison qui


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redite^ c est que les livraisons nouvelles ne sont inférieures en rien à leurs devancières ; la trentième planche est aussi par- faite et aussi réussie que la première. De combien de grandes publications d'art en pourrait-on dire autant ?

Après ce régal des yeux, voici de quoi charmer Tesprit : c'est Y Esquisse (Tune histoire de la peinture au musée da Louvre par M. Pierre Petroz (Félix Alcan). L*auteur, qui s'est fait connaître par ses intéressants essais sur l'Art et U critique en France, n'a pas prétendu faire ici une histoire générale de la peinture ; la tâche beaucoup plus restreinte, mais passablement vaste encore, qu'il s'est assignée consiste en ceci : « Déterminer, autant que possible, lès rapports de la peinture des diverses écoles avec l'état intellectuel, moral ou social contemporain. » Sans remonter aux époques primi- tives, il recherche et expose, dans les sept parties de son cu- rieux travail, les changements qui se sont produits dans Vin- vention artistique depuis les premiers temps de la Renaissance jusqu'à nos jours. Pour marquer le sens, pour bien dégager la signification de ces modifications successives, il a choisi un ou deux exemples parmi les œuvres de l'artiste qui a pris Tini- tiative d'un de ces changements ou qui, du moins, semble en avoir le mieux réalisé l'exécution. On voit quel intérêt pré- sente l'œuvre consciencieuse de M. Pierre Petroz, particuliè- rement pour les habitués des galeries du Louvre.

La langue de Dante et de Michel-Ange vous est*elle fami- lière? — Pas trop. — Tant pis, car vous prendriez grand plai- sir à lire d'un bout à l'autre l'excellent travail de M. Raffaele Cattaneo, VArchitettura in Italia dalsecolo VI al mille circa (Venise, Ongania), superbe volume illustré de centaines de gravures sur bois. On ne manque pas d'études sur l'art archi- tectural italien ; mais la période comprise entre le y® et le x^ siècle de notre ère a été jusqu'à présent fort peu ou fort mal connue. C'est pour combler cette lacune que l'érudit pro- fesseur de Venise a entrepris ces Ricerche storico^critiche qui ne lui ont pas coûté moins de dix années d'efforts continus. L'abondante moisson de documents qu'il a pu recueillir l'a


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d*ailleurs bien payé de ses peines et Ta mis à même de mettre en lumière bien des faits nouveaux et de rectifier bien des erreurs sur cette période obscure de Fhistoire de l'art archi- tectural.

Arrêtons-nous un moment à feuilleter ce beau livre où sont reproduits tant de « motifs » d'une richesse et d*une va- riété incroyables; nous n'en serons que plus dispos pour scruter le contenu du troisième côté de notre pivotante bibliothèque. Y êtes- vous, maintenant? Allons, hop! un coup de pouce et nous voyons paraître, en ce tiers logis, des publi-r cations récentes, les productions relatives à la

CRITIQUE LITTERAIRE.

C'est un des doyens de la critique, M. Emile Montégut, qui ouvre la marche avec ses Dramaturges et Romanciers (Hachette).

Dans ce recueil d'essais, dont quelques-uns datent déjà de trente années, le Théâtre est représenté par l'œuvre des. Bar- rière, des Sardou, des Emile Augier, — et le roman par MM. Octave Feuillet et Victor Cherbuliez. On ne peut relire qu'avec plaisir ces pages écrites avec autant de finesse que de goût, et dans lesquelles on retrouve des jugements qui, mal- gré leur grand âge relatif, n'ont nullement vieilli.

A M. Emile Montégut succède M. Jean-Paul Clarens (autrement dit M. Jean-Pierre Caleanes) qui, sous le titre significatif de Réaction (Savine), nous offre des mélanges de critique littéraire et philosophique. Il a pour.but de « réagir» contre le réalisme et le matérialisme de la littérature et de la philosophie contemporaines. Les sept études réunies ici (pu- bliées naguère en diverses revues) sont consacrées à Joubert (dont l'auteur est le petit-neveu), à H. -F. Amiel, Jules Breton, Caro, Gratry, SuUy-Prudhomme et à M. Ernest Renan; elles ont pour lien commun une constante affirmation des principes spiritualistes, « hors desquels, dit Fauteur, il n'y a que dés- organisation, impuissance et douleur ».


400 LE LIVRE MODERNE.

Le livre posthume de M. Maxime Gaucher, Causeries lîtié- raires (Armand Colin), ne saurait manquer d*être favorable- ment accueilli. Le regrette critique qui, pendant plus de quinze années (1872-1888), a rendu compte, avec beaucoup d^esprit et de talent, des livres de la semaine et des pièces nouvelles aux lecteurs de la Revue Bleue^ songeait, dans les derniers temps de sa vie, a publier un choix de ses meilleures causeries. L'exécution de ce dessein a été reprise par MM. René Doumic et Henry Ferrari, qui nous offrent en ce volume le meilleur de l'œuvre critique de Maxime Gaucher.

Dans ses Poriraiis du dix-septième siècle (Perrin), M. Léon Gautier, de l'Institut, nous off're à dire vrai, moins des portraits achevés que des esquisses, mais des esquisses tracées de main de maître et dans lesquelles ne manque aucun trait essentiel. Dirigeant son étude sur les plus éminents écrivains du grand siècle, M. Léon Gautier s'attache à dégager de leur œuvre, en dehors du côté littéraire qui n'est qu'effleuré, le caractère purement religieux et moral. L'auteur, qui s'est placé exclu- sivement au point de vue chrétien, a parfois montré quelque rigueur dans ses appréciations. Les bons esprits, cependant, devront souscrire, en général, aux jugements qu'il formule sur les beaux génies qu'il étudie.

Les Évolutions de la critique française (Perrin), par M. Ernest Tissot, sont presque l'œuvre d'un débutant, mais d'un débutant qui promet beaucoup, à en juger par cet excel- lent livre. Ce n'est pas, comme on pourrait le croire d'après le titre, une histoire générale de la critique française que s'est proposé d'écrire l'auteur de ces ingénieux essais : son travail n'embrasse même pas tout ce siècle, il est borné au mouve- ment littéraire des vingt dernières années. Si M. E. Tissot a ainsi limité son étude, c'est parce qu*il lui semble bien établi qu'un fait domine toute la littérature de cette période ; ce fait, c'est « l'abaissement de l'imagination pure en raison directe du développement de l'esprit d'analyse dans la poésie, dans le roman et dans le théâtre contemporains. » Or l'auteur a pré- cisément pour but de définir les méthodes nouvelles, d'en


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expliquer la formation, d'en dire Thistoire, d*en indiquer rimportance actuelle, d*en étudier enfin toute la valeur dans quelques-uns des maîtres de la critique contemporaine. Et c'est ainsi qu'il a classé comme suit la critique moderne : cri-, tique littéraire, représentée par MM. Ferdinand Brunetiëre et Jules Lemaître, — moralistej par J. Barbey d'Aurevilly et Ed. Scherer, — analytique, par Màf. Paul Bourget et Emile Hennequin.

Quand nous aurons mentionné la cinquième série du Théâtre à Paris, année 1888-1889, de M. Camille Le Senne (Lesoudier), nous élèverons nos regards vers- les « rayons » (sans jeu de mots I) où se prélassent les livres éthérés de

poésiE.

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Et certes, ce n'est pas la place qui leur manque, aux pau- vrets, car ils ne sont que quatre en tout, y compris le tome premier des Poésies de Théophile Gautier, réimprimés dans l'élégante « Petite bibliothèque littéraire » de Lemerre; — - plus un volume, moitié prose et vers de M. Antoine Gam- paux, le Bêve de Jacqueline ^ chanson d'avril (Jouaust). — Vient ensuite un écrivain connu des lecteurs de l'ancien Livre, M. Olivier de GourculT, l'auteur des Rimes d'amour et de hasard, qui nous présente un nouveau recueil de jolis vers, le Rêve et la Vie (Jouaust), que précède une exquise préface de M. Jules Simon. — Enfin, M. Julien de Villecrosse nous offre une œuvre inspirée par un sentiment élevé de patrio- tism, le Poème de Jeanne d'Arc (Sauvaître), où il raconte en vers bien frappés, simplement et rapidement, ce que la sainte héroïne a fait avec tant de simplicité et de rapidité.

Allons, lecteurs, un peu de courage ! nous n'avons plus à explorer qu'un côté de notre meuble rotatif, si j'ose employer ce vocable ; je ne vous cacherai pas que j'éprouve quelque satisfaction à lui imprimer l'impulsion finale. Mais^ qu'est-ce qu'il se passa? Pourquoi cette * résistance accompagnée d^un inharmonieux miaulement? Holàl monsieur Terquem, votre

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402 LE LIVRE MODERNE.

pivot esC bien mal graissé. Bon! je devine ce qu'il en est et je vous fais mes excuses. Je viens de lire Tinscription de cette dernière face,


ROMANS ET NOUVELLES,

et je comprends pourquoi ce côté surchargé n*a pu facilement accomplir son évolution. Hélas I messeigneurs, que de bou- quins alignés en colonnes menaçantes ! Tâchons d*énumérer lestement cette trentaine de volumes qu'on est convenu de qualifier d'« œuvres d'imagination » (?).

Vous êtes bien prévenus; je n'analyse pas, je cite.

Parmi les romans nouvellement parus, celui qui a fait le plus de bruit, ce qui ne veut pas 'dire qu'il soit ni le meilleur ni surtout le plus édifiant, est le Sébastien Roch (Charpentier) de M. Octave Mirbeau. On sait déjà sur quel étrange sujet roule cette œuvre, « dont le besoin ne se faisait nullement sentir ». C'est l'histoire d'un pauvre enfant à l'âme timide et repliée sur elle-même, qu'un père imbécile et vaniteux place dans un collège tenu par les jésuites. Le petit roturier, Sébastien Roch, a d'abord singulièrement à souffrir des dé- dains de ses nobles condisciples ; puis, ce qui est autrement triste, il est victime d'un odieux attentat dont la souillure rejaillira sur toute sa vie. En vérité, quand on a le talent très appréciable que possède M. Octave Mirbeau, on devrait ne pas courir après un succès de mauvais aloi, en abordant des sujets si répugnants.

Un livre qui fait aussi quelque tapage, c'est celui de M. le comte d'Hérisson, Un drame royal (Ollendorff). On n'a pas oublié la profonde émotion causée. Tan passé, par la mort violente d'un prince, futur héritier d'un grand empire. C'est dans ce tragique événement que l'auteur a cru devoir, dès maintenant, puisser les éléments du récit qu'il laisse vo- lontiers prendre pour de l'histoire. Mettant en scène, sous


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des pseudonymes peu mystérieux, les personnages qui furent alors plus ou moins indiscrètement cités, il prétend dévoiler tous les dessous de cette douloureuse affaire.

Voici une production tout à fait originale; elle a pour titre : Lys Amors d'Helain-Pisan et d'Tseull de Savoùjfy mîz en escripts par Loys^JuUus Gasiine et aornés d*imaiges par Edoard Zier, Cest, au point de vue de l'exécution matérielle, un volume vraiment fort beau, illustré de 150 dessins du plus' heureux effet et qui joint à tous ses mérites l'attrait d'une rareté relative, puisqu'il n'est tiré qu'à 520 exemplaires numérotés. Quant à l'histoire elle-même, je ne saurais vous en parler que par à peu près ; je suis très peu versé dans le vieux français du'xiv* siècle, et je n'ai pas eu le loisir de piocher assez mon Lacurne de Sainte-Palaye pour lire cou- ramment ce consciencieux pastiche. J'ai cependant assez at- tentivement parcouru cette amoureuse histoire pour être à même de vous dire que la belle Iseult de Savoisy. était une personne aussi agréable que tendre, et que le valeureux Helain-Pisan n!a pas dû s'ennuyer auprès d'elle, si j^en juge par les scènes intimes (planches découvertes, messieurs I) très originalement rendues par le crayon de M. Zier. Aussi je me propose bien (et je vous engage à en faire autant) de relire à petits coups ce fabliau délectable, sans attendre l'édition, en français moderne, très adoucie sans doute, que M. L.-J. Gas- tine doit nous donner prochainement.

Dans un tout autre ordre d'idées, je vous recommande le Loup des Brousses (Dentu),de M. Philippe Louvet, qui traite, avec un réel talent, cet inépuisable sujet d'études : les mœurs de la vie rurale. Vous verrez là, notamment, un type achevé de paysan laborieux et âpre au gain, dur aux siens et à lui-même, qu'une insatiable ambition d'accroître sa terre et une jalousie farouche conduisent jusqu'au crime.

Stérile (Havard), par M. Charles Coynart, repose sur une donnée à la fois singulière et neuve : Une jeune femme acquiert la certitude « médicale » qu'elle ne peut devenir mère, et, bien qu'elle adore son mari qui le lui rend bien, elle


404 LE LIVRE MODERNE.

aime mieux se tuer que de déchoir au rang de « maîtresse conjugale ». C'est superbe, mais

Combien de femmes en ce monde Qui ne voudraient en faire autant!

Laissez-moi vous signaler à la queue-leu4eu : le Crime de la rue Monge (Dentu), roman policier du fécond et toujours ingénieux Pierre Zaccone; — la, Crise^ un monde qui se transforme (F. Roy), par M. André Poëy, œuvre de régéné- ration sociale aussi bizarre par le fond qu'extraordinaire au point de vue du style ; — En amour (Tresse et Stoek), où M. Jean Ajalbert conte, une de fois plus, Téternelle histoire de la pauvre fille qui se donne et que bientôt délaisse un sé- ducteur égoïste ; — les Mirages (Charpentier), par M. Jean Valnore, qui nous donne une idée peu flatteuse des mœurs administratives et de la probité de TÉgypte contemporaine ;

— Naufrage d'amour (Savine), par M. Eizéard Hougier, qui nous conte les malheurs d'une Manon Lescaut du xix" siècle ;

— le Fils du plongeur (Pion), scènes de la vie sportive, par M. Fortuné du Boisgobey; — les Crimes de Tresiaillons (Dentu), par M. Antony Real, qui nous fait revivre au temps de la Terreur blanche en retraçant, d'après de sûrs documents, la vie de Jacques Dupont, né à Uzès en 1763^ mort à Nimes, en 1828, cet horrible brigand, qui se fit une si lugubre célé- brité aux premiers jours de la Restauration; — puis encore Démos (Hachette), production fort remarquable, traduite de l'anglais, de Gissing, où l'on voit un ouvrier intelligent, ardent apôtre des revendications des travailleurs, orgueilleux de son pouvoir sur ses camarades, se gâter insensiblement sous l'influence d*une richesse subite, et bientôt périr dans une émeute, écrasé par ce même peuple qu'il a reni^, par ce Démos qui Tacclamait jadis.

Mentionnons aussi une réimpression des Travailleurs de U mer, dans cette excellente édition définitive des Œuvres complètes de Victor Hugo, publiée par les maisons Hetzel- Quantin, et passons aux recueils de Nouvelles.


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Voicî d'abord un livre délicieux, Titiâne (Pion), par Sadia. Histoire d'une femme charmante, victime des méchants pro- pos d'une petite ville. Ce récit, qui se termine tragiquement, est suivi de Une conquête de romancier, piquante étude dans laquelle est mis en scène, pas toujours à son avantage, un des écrivains les plus en vue de notre temps.

Ensuite vient Ludka (Calmann Lévy), suite de huit récits très délicatement écrits par M. Adolphe Aderer, qui sait à merveille passer du grave au doux et des émouvants petits drames aux plus aimables scènes.

Le Roman de la femme médecin, suivi de Récits de la Nouvelle-Angleterre (Hetzel), ne mérite pas moins votre atten- tion. C'est Pœuvre d*une féconde romancière américaine, M"® Sarah Orne-Jewette, dont M"® Th. Bcntzon, dans une intéressante préface, a pris soin d*analyser Tœuvre considé- rable et d'apprécier le très original talent.

Vous lirez également avec plaisir les Derniers rêveurs

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(Pion), études d'un sentiment très curieux dont le nom de l'auteur, M. Paul Perret, suffit à garantir le mécite ; — Ames slaves (Lemerre), par Tola Dorian, tableaux tour à tour dra- matiques ou gracieux, présentant sous ses multiples aspects cette âme slave, passionnée et mobile, qui est, comme dit l'auteur, « l'âme- femme du monde comme l'eau en est l'élé- ment féminin » ; enfin, l'Amant de Rébecca (Pion), suivi de la Veuve du major ^ agréables récits, l'un triste et l'autre presque bouffon, par M. Charles Canivet.

Nous manquerions à tous nos devoirs envers le young people, si nous hb mentionnions aussi quelques productions spécialement destinées à son usage. Nous placerons donc en tête de ces Juvenilia le récit exquis de M. Fernand Calmettes, Sœur aînée, que la librairie Charpentier fait reparaître dans l'excellente « Nouvelle collection » de la jeunesse, dont nous avons parlé naguère ; après cette œuvre délicieuse, nous nous bornerons à énumérer : les Vieux contes de la veillée (Ha- chette), légendes populaires de tous les pays, adaptées par M™* deWitt, née Guizot; — A travers les forêts vierges^ aven-


406 LE LIVRE MODERNE.

lures d'une famille en voyage (Hachette), livre de la famille des « Robinsons », par M. Désiré Charnay; — Braconnelle (Hachette), par M. Aimé Girou; — puis, dans la jolie collec- tion illustrée, si soigneusement éditée en commun par MM. Charavay, Mantoux et Martin, la mirobolante Histoire d'un bonnet à poil, par M. J. de Marthold, — la touchante aventure de Gipsy, par M. Jacques Lermont, — et le miri- fique récit de cape et d'épée de M. Henry de Brisay, Flam- berge au vent ; — enfin l'ingénieux Théâtre des Petits (Tresse et Stock), de M. L. Darthenay, qui ne contribuera pas moins que les précédents ouvrages à faire les délices des prochaines vacances.

Ceci dit, nous pouvons définitivement et vigoureusement repousser notre « Bibliothèque tournante » qui n*a plus rien à nous offrir. Aussi bien, est-il temps de dégourdir nos jambes quelque peu ankylosées par cette longue station sur le divan moelleux.

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Mais, avant de terminer, il me faut vous remercier encore de Taccueil que Ton a bien voulu faire, en ce premier semes- tre , à mes fantaisistes élucubrations. Je viens, pour cause de villégiature, prendre congé de mes lecteurs habituels, en les priant de reporter leur bienveillance extrême sur mon suc- cesseur. Ce n'est qu'un au revoir que je leur adresse, car je compte bien faire parvenir au directeur de cette revue quel- ques variétés, notules ou amusettes* bibliographiques de haut ragoût pour complaire aux gourmets de lettres,

F. DE Tr^yes.

(Fernand Drujon).



TBOUTAILLES LITTÉRAIRES


DEUX RECUEILS DES FABLES DE LA FONTAINE.. QUI NE SONT PAS DE La Fontainb,


OK chercherait vainemeot^ans VEssai bibliographique^ consacré aux œuvres de La Fontaine, par le regretté Paul Lacroix, les deux ouvrages dont nous allons dire ici quelques mots. On ne les trouverait pas davantage dans l'index qui termine la belle édition donnée par M. Moland, et c'est d'ailleurs à juste titre qu'ils n'y figurent point, puisqu'ils ne sont que des imitations arrangées, pour ne pas dire des travestissements, de l'œuvre de l'immortel fabuliste.

Le premier de ces ouvrages est une œuvre de moralisation et presque, comme on dirait aujourd'hui, de vulgarisation ; —


1. Cet essai rudimentoire, mais le plus complet que l'on ait encore sur la Bibliographie fonlanienoe, occupe les pages 1B3 à Ï3S des Noii- velUi œaere* inidilu de Jean de La Fontaine (Paris, IS73, in-S"), ou- vrage intéressant dont les quelques dernière eicmplaires se trouvent ii la librairie Féchoi, rue des Saints-Pire».


40S LE LIVRE MODERNE.

le second rentre dans le domaine de la satire politique. Tous deux eurent, en leur temps, une certaine vogue ; ils ne hiéri- tent plus guère aujourd'hui Tattention qu'à titre de curiosités. — En voici la description.

I. — Nouvelles étrennes utiles et agréables contenant un Recueil de fables dans le goût de La Fontaine, sur de petits airs et vaudevilles connus. — Paris, Lottin, 1734, in-32y avec musique gravée.

Telle est, croyons-nous, la première édition de cet ou- vrage, réimprimé plusieurs fois (1739-1746-1748, etc.) tant sous ce titre que sous le suivant, qui figure sur Fexemplaire que nous avons sous les yeux :

Recueil de Fables choisies , dans le goût de M, de La Fontaine, sur de petits airs et vaudevilles connus, notés à la fin pour en faciliter le chant. Nouvelle édition, revue, corrigée et augm.entée. A Paris, chez Ph.-N. Lottin et J.-H. Butard, rue SaintJacques, à la Vérité, M.DCC.XLIX, avec approba- tion et privilège du Roi. In-32 de iv-332 et iv pages, plus 32 pages gravées pour la musique.

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Ces mêmes fables en musique ont enfin reparu en deux volumes, la même année 1749 et chez les mêmes éditeurs, dans le Recueil de cjiansons morales et d'emblèmes, etc., donné par M"« Massuau, religieuse de l'abbaye de Voysin, au diocèse d'Orléans.

Quel fut l'écrivain assez audacieux pour toucher aux bijoux du fabuliste et transformer l'or pur du Bonhomme en un très médiocre chrysocale? — C'est, nous apprend Tinfaillible Barbier, le père Jean-Philippe Valette^ né à Caraman, diocèse de Toulouse (ces Toulousains ne doutent de rien I) qui entre- prit cette tâche téméraire, que peut seule excuser le but, qui fut celui-ci. Entré, en 1699, dans la congrégation de la Doc- trine chrétienne, le digne père pensa que ce serait œuvre pie de faciliter aux enfants, élevés par son ordre, l'étude des apo-


ÏROUVAILLÏÎS LITTÉRAIRES. 409

logues moraux' de La Fontaine; il se dit sans doute que, s*il est bien vrai que

Une morale nue apportant de Tennui, Le conte fait passer la morale avec lui,

ladite morale passerait bien mieux encore, grâce au concours de la musique ; de là à transformer les fables de La Fontaine en chansons « sur de petits airs et vaudevilles connus », il n*y avait qu*un pas à faire ; ce pas, le bon père le franchit candidement, en triturant à sa guise les vers délicieux de sa victime. Ce n'était d'ailleurs ni son premier, ni son dernier méfait poétique, ainsi que le démontrent sa Poésie chrétienne sur quelques idées de Thomas A Kempis (1728), et ses Élrennes de Salomon, contenant autant de sentences qu'il y a de jours dans Vannée, en distiques françois, etc. (1741). — Et c'est ainsi qu'avec une opiniâtreté, consciencieuse autant que déplorable, il a bousculé les apologues- de La Fontaine, faisant suivre chaque titre d'un sous-titre résumant la morale de la fable, et réduit les vers à la mesure de ces chansons po- pulaires, dont l'intitulé suffît à faire présumer le caractère éminemment moral, telles, par exemple, celles qui commen- cent ainsi : Béveillez-vous, Belle endormie, — Verse, verse du vin et souvent, — De la petite Jeanneton, — Tarare Ponpon, — C'est en aimant quon adore, etc., etc.

Pour faire comprendre ce qu'est devenue l'œuvre du fabu- liste sous la plume musicophile du bon P. Valette, il nous suffira d'un exemple que nous choisirons parmi les fables les plus connues de La Fontaine, afîn de n'avoir pas besoin de * reproduire le texte original ; c'est

LE CORBEAU ET LE RENARD

LA FLATTERIE

Sur lair ^ Pour passer doucement U vie.

Un corbeau tenoit un Aromage, Et sur un arbre étoit perché ; Vint un renard, fin personnage, Que l'odeur avoit alléché.

I. 37 .


410 LE LIVRE MODERNE.

Le drôle lui tint ce langage : Peut-on voir plus gentil oiseau? Si la voix répond au plumage, L'univers n'a rien de plus beau.

De plaisir Toiseau noir ci'oasse, Le morceau lui tombe du bec; Le renard vite le ramasse : Et dit : Je vais souper avec.

Apprenes, poursuit-il, beau sire, Qu*on ne vous flatte pas pour rien : L'adulateur ne vous admire. Que pour escroquer votre bien.

Bornons-nous à ce spécimen de la muse pieusement folâtre du P. Jean-Philippe Valette, dont l'entreprise, qui nous fait aujourd'hui sourire, obtint, répétons-le, un véritable succès au siècle dernier, et valut sans doute à son auteur Tadmira- tion et Testime de tous les pédagogues; puis passons au deuxième imitateur de La Fontaine, versificateur moins ano- din que le P. Valette et qui paya plus cher sa célébrité d*un moment.

II

J'ai deux titres fort longs; l'un est : Métamorphoêe,

Et l'autre est : La Fontaine en mil huit cent trente-an.

Pourquoi n*ai-je avec lui que cela de commun?

Mon papier est vélin, ma couverture est rose.

La politique étant le goût de la saison,

On en fourre partout; moi, j'en mets dans la fable;

Le lecteur y doit prendre un plaisir ineffiible...

C*est en ces vers, qu'au début d*un prospectus (4 pages, devenu de toute rareté) où il décrit ingénieusement le plan et le mode de publication de son futur ouvrage, Eugène Des' mares annonçait le recueil qui, paru d'abord en livraisons, fut réuni ensuite en deux volumes dont voici Texacte descrip- tion :

Les Métamorphoses du jour, ou La Fontaine en 1831^ avec des vignettes dessinées par Henri Mônnier et gravées par Thompson. Par Eugène Desmares, — Paris, Delaunay,


TROUVAILLES LITTÉRAIRES. 411

libraire, Palais-Royal, péristyle Valois, 1831. — ^.Deux vols. in-S*" de 256 et 319 pages, 18 francs. (Voir Texcellente Biblio- graphie de M. Brivois pour la description des 16 vignettes.) Ce n*était point le premier venu que cet Eugène Desmares, fils d'une actrice qui eut son heure de renommée, qui forida le journal de théâtre le Vert-Vert et qui termina, en 1839, k Saint-Pétersbourg, une vie active et quelque peu agitée. On trouvera sur cet homme d*esprit et de talent une notice né- crologique, qu'on ne peut, faute d'espace, reproduire ici, dans le tome IV (2® série, page 230} de r Artiste. Indépen- damment des nombreux articles qu*il inséra eu divers pério- diques, on lui doit un petit poème fort récréatif : Humour, Angleterre, Irlande, Ecosse, Voyage sur mer en quarante-six postes, avec quatre cents coups de fouet. (Paris, Delaunay, 1832, in-8^, 2 fr.) Toutefois son plus sûr titre à Testime des bibliophiles est encore son La Fontaine en 1831. C'est là qu'il a fait preuve à la fois d'ingéniosité et de courage. Sincère- ment libéral, il avait accueilli avec enthousiasme les événe- ments de juillet 1830, croyant, avec bien d'autres, que le duc d'Orléans était sinon « la meilleure des républiques », du moins le prince le plus capable d'améliorer le sort du peuple et d'assurer à la France la plus grande somme possible de liberté et de prospérité. Comme bien d'autres aussi, il n'avait pas tardé à reconnaître que le régime nouveau ne réalisait pas toutes les espérances qu'avait fait concevoir la chute du ré- gime ancien, que les hommes peuvent disparaître, mais que les abus restent, en un mot que, suivant le proverbe si judicieu- sement commenté depuis par Alphonse Karr : <c Plus ça change,... plus c'est la même chose. » Il crut donc faire une œuvre utile et méritoire en flagellant à sa manière les « dé- fectuosités » du nouvel ordre de choses. D'autres, on sait quels ils furent 1 recoururent à l'ïambe et à la satire; lui se borna simplement à traduire ses indignations sous la forme commode que lui offraient les fables de La Fontaine. Il y a peu d'années, quelques adaptations de ce genre ont été faites dans la presse politique, mais aucun des imitateurs du fabu-


\


412 L'E LIVRE MODERNE.

liste n'a atteint la verve virulente d'Eugène Desmares. Chez celui-ci, point d'allusions discrètes, point de détours ni de finesses; il va droit son chemin, appelant les hommes et les choses par leurs noms et, avec moins de prudence que de merveilleuse souplesse, il encadre les événements et les indi- vidus dans les vers mêmes de La Fontaine dont il s'attache à* ne modifier le texte que le moins possible. Veut-on un spéci- men propre à faire bien comprendre la a manière » d'Eugène Desmares, en voici un, et, à titré de comparaison, nous choi- sirons la même fable travestie plus haut par le P. Valette.

LE GENDARME ET L'HOMME DU PEUPLE

(le corbeau et le nBlTARD)

Mattre gendarme, un jour, sur son cheval perché.

Avait à la bouche Tii^ure : Mattre ouvrier, par sa morgue alléché,

Disoit, en voyant sa figure : Bon gendarme, bonjoiu*! que vous me sejnblez beau! Vous êtes magnifique en culotte de peau I

Sans mentir, si vptre courage

Répond à tout cet étalage, Vous êtes le phis beau des gendarmes du roi. A ces mots, le gendarme, heureux de faire un crime,

Ainsi que le veut son emploi, Tire son large sabre et frappe sa victime. Le peuple le renverse et dit : Mon bon ami,

Apprends qu'un loyal ennemi Doit respecter un ennemi sans arme ; Va ! le sang veut du sang ! donne le tien, gendarme l

Le gendarme, voyant ses efforts superflus, Jura, mais un peu tard, qu'il ne sabreroit plus.

Veut-on un autre exemple de la témérité avec laquelle Desmares mettait les personnages en scène, voici comment il traduisait la célèbre fable : la Cigale et la Fourmi.

LE JUGE ET LE HÉROS DE JUILLET

S'étant battu pour notre liberté, Cet été, Un héros de juillet, tronqué par la mitraille,

De tout se trouva dépouvu

Lorsque décembre fut venu. C'est pitié de le voirl étendu sur la paille,*


TROUVAILLES LITTÉRAIRES. 413

Sans pain, &ans travail, demi-nu.

Il alla donc crier famine

Devant une Chambre voisine,

Priant h hante voix Oupin De lui donner du travail ou du pain.

A ce prix bornant sa colère,

Il lui promcttoit de paye^

Bien exactement le loyer D'uhe Chambre aux François si chère. On l'arrête... Persil, qui ne pardonne guère,

Et c'est là son moindre défaut, Le fait mander, et voit, affrontant l'échafaud, Aux trous de son manteau passer la République ; Il l'interroge alors d'une manière oblique :

Que faisiez^vous à la chaude saison ?

— Je me battois, ne vous déplaise,

^ Vous vous battiez, j'en suis fort aise;

Allez maintenant en prison.

On pense bien que de telles gentillesses, dont nous n*avons cité que les moindres, ne furent pas sans offusquer quelque peu et «ce même Dupin, et ce même Persil qui figurent à chaque instant dans ces malicieuses adaptations, sans parler de maints autres personnages, y compris le « Citoyen Tyran » qui sont généralement fort maltraités. Aussi n*est-il pas éton- nant que leur auteur ait eu, à deux reprises, maille à partir avec dame Justice. La première fois, il eut la chance d*être acquitté par le jury. La seconde épreuve lui fut moins favo- rable et lui attira six mois de prison et 500 fr. d'amende...

Digne père Valette, spirituel Eugène Desmares, vous avez cru, chacun à votre point de vue, accomplir une tâche bonne et utile ; qui solige encore à vous, cependant, qui vous con- naît en dehors d'un très petit nombre de curieux? Puissent ces quelques lignes vous tirer, un moment, de l'oubli ! vous ne déméritez point entièrement cette faveur, ne fût-ce que pour avoir eu cette commune idée de placer votre œuvre sin- gulière sous le patronage du grand nom de La Fontaine.


• •• 9



«s Bibliophiles contemporains se sont réunis en un second Diner annuel, le samedi 31- mai dernier, au café Riche, au nombre de vingt^quaire convives, dont voici les noms. MM. George Bengesco, Comte de Boissy, Prince Roland Bona- parte, Jules Brivois, E. Chaze, Jules Comte, Comte de Contades, Charles Cousin, Paul Eudel, B.-H. Gausseron, Henry Houssaye, . Jacob, Paul Laeombe, Jules Le. Petit, Mariani, G. de Mon- tozon, Alfred Piat, Baron de Pommereul, Maurice Quentin- Bauchart, Général Mérédith Read, Thuile, Gaston Tissandier, Octave Uzanne et Henri Vever.

Diner très animé, très cordial et très jeune; — au café on a ébauché mille projets séduisants et parlé avec amour des livres à faire et de ceux qu'il convient de soutenir ; les ou- vrages de luxe à tendances froidement correctes et mono- tones, les publications d*art archiburinées ont été vouées aux gémonies, et Ton a reconnu que les éditeurs adonnés à ce genre patriarcal, rectiligne et empesé ne méritaient point d'être admis dans le royaume des vrais bibliophiles contem- porains.

Toutes les idées d'esthétique échangées prouvaient le sen- timent unanime des convives pour marcher de l'avant et pro-


NOTES ET NOUVELLES. 415

duire plutôt du baroque que du banal, de rinëçal que du poncif, de Pinou? que du [^at.

Une proposition originale a été émise avant de se séparer et adoptée par tous les membres présents.

Cette proposition a pour but d'animer la fin de tous nos dîners futurs par la mise au sort entre les convives d'un ou- vrage tiré spécialement pour un Membre Providentiel des Bibliophiles contemporains dont le nom sera laissé en blanc.

Les auteurs et bibliographes présents ont pris l'engage- ment de faire tirer dans ce but un Exemplaire Unique sur papier spécial ou parchemin de tous les ouvrages qu'ils publie- rçiient. — Le président sera le premier à tenir parole au diner de novembre prochain.

D'autre part, les éditeurs, de leur propre gré, pourront, si bon leur semble, s'attirer la reconnaissance des heureux ga- gnants, en faisant tirer à un seul exemplaire, sur un papier curieux, telles ou telles de leurs publications qu'ils jugeraient dignes de nous être offertes en un spécimen hors ligne.

Il y a là, on le voit, pour tous les dîneurs futurs, le prin- cipe d'une série de tentations que l'émulation ne fera qu*ac- croître. On verra, à l'issue de nos prochaines réunions, une agitation bruyante qui rappellera les clameurs de l'ancienne rue Quincampoix et les turbulences des loteries italiennes.

Mais les Contemporains peuvent apporter dans l'Académie des beaux livrer les gaietés d'une récréation ; ils auront le bouquin aimable et l'espièglerie des sociétés naissantes.



Beaucoup de ventes le mois dernier, des ventes plus capi- tales que capiteuses. Le gros catalogue du baron Achille Seil- lière contenait des merveilles, mais rien de très particulière- ment excitant; beaucoup d'incunables, des spécimens de la haute bibliophilie antique, des numéros qui eussent fait battre la charge aux cœurs maroquinés de feu Lebœuf de Montger-


416 LE LIVRE MODERNE.

mont ou même de Pixérécourt, mais qui ne pouvaient dyna- miter la passion des amateurs de la nouvelle école.

Nous avions pensé encombrer professionnellement les pages du Livre moderne avec Tindication des principales en- chères ; mais, au dernier moment, nous avons pitié de nos lec- teurs, et nous n*hésitons pas à les priver de toutes les dési- gnations coriaces, latines et classiques qui encombrent les catalogues des dernières ventes.

« Messieurs, n'oublions pas que nous sommes modernes », comme eût dit Hervé, dans son épilep tique bon sens.



Ce qui tend, hélas I et de plus en plus à prouver la mo- dernité à outrance de cette revue, ce sont les fautes et coquilles typographiques qui se glissent malgré toute notre attention et notre surveillance dans trop de pages de chaque livraison.

Là où les correcteurs marquent la faute, les corrigeurs ne corrigent que pour faire involontairement une autre erreur à côté.

Ceux qui ne sont pas au courant de la typographie con- temporaine, devenue usine à production hâtive, ne peuvent se douter de Timpossibilité d'obtenir aujourd'hui la correction absolue et d'éviter des bourdes qui eussent pétrifié Érasme et assomme Plantin-Moretus.

L'écrivain maltraité qui vit dans l'encre d'imprimerie, après s'être longtemps insurgé et avoir gémi en mineur, finit par accepter philosophiquement une situation à laquelle il se sent hors d'état de porter remède, en ce sens que la race des vrais correcteurs a aussi bien disparu de la cité parisienne que celle des vrais carlins des marquises ; — il s'habitue peu à peu à une moyenne de Coquilles de saint Jean Porte-Latioe et ne s'indigne plus que lorsqu'il juge que cette moyenne normale est dépassée.

Mais le néophyte écrivain, mais le lecteur attentif, ne sont pas aussi sceptiques ni aussi indulgents, et il nous arrive sou-


NOTES ET NOUVELLES. 417

vent d*ëcouter des malédictions profondes comme la con- science des honnêtes et très orthodoxes abonnés qui nous les adressent.

S*il nous fallait dresser ici le tableau des Errata, il serait long et fastidieux; le bénévole lecteur, si souvent invoqué jadis, fait le plus souvent justice des incorrections qui écor- chent sa rétine, mais parfois aussi il en coûte de spolier le texte d'un bibliographe, et notre ami Brivois, très maltraité dans l'interprétation typographiée de sa lettre de Mai dernier, nous envoie une rectification à laquelle nous faisons bon accueil en raison de son importance réelle.

Voici donc V

Errata, de Ut dernière livraison. Page 364 :

Ligne 13, lisez xyiii* siècle au lieu de xvi*,

— 1}, — XVII* — — XV*.

— 16, — XVIII* — — XV*.

Page 365 :

Avant-dernière ligne de Tarticle guillemeté, lisez-: Ils en ont bien., au lieu de : Elles en ont bien... *•



Il vient de se créer à Paris une société d'artistes dessina- teurs et graveurs qui, sous la désignation de Société du Livre illustré, se propose de publier une série d'ouvrages avec gra- vures sur bois ou à l'eau-forte et dont la première série sera composée de huit à dix plaquettes mises en vente sous le titre de Paris vivant.

Paris vivant comprendra tout ce qui constitue le pitto- resque de la rue : le journal, les élections, les badauds, les Parisiennes, etc.

Le tirage de ces exemplaires sera de 500, dont 5 japon et 10 papier de Chine. *

Nous reparlerons de cette curieuse tentative faite par des artistes très originaux et pleins de talent, parmi lesquels

I. 38


4u LE LIVRE HODEBNB.

M. A. Lq>êre, on maître dcMÏiutmrfravear dont l'e^wit de

bcture sur bois et bot caivre bit on TëriUble maître cod-


Nolre coofrére Jean Baleax [psendonfine da Bibliophile contemporain Maurice Quentin-Banchart) vient de publier à la librairie Labitte, Em. Paul et C, on onvrafe de gnnde Oiriosité depuis lon^mps attendu : La Ctriatart poUtiqne en France pendant U guerre, le liège de Paru et la Com- mune (1870-1871), (un vol. in-»" tiré à 250 ex. : prix 25 fr., et 40 fr. sur japon).

Cet ouvrage est le plus complet qui ait été fait jusqu'à ce jour. C'est en somme le catalogue détaillé de toutes les cari- catures parues pendant la guerre, le siège de Paris et la Commune. Il sera pour l'histoire un curieux Monument du déve;^ondage de la rue à cette époque. — Illustré d'environ quatre-vingts reproductions choisies parmi les plus curieuses ob les plus rares, il présente un aspect chatoyant qui doit plaire non seulement aux amateurs passionnés de cette époque, mais aussi à tous les connaisseurs et k tous les biblio- philes.

Nous ne pouvons aujourd'hui que le signaler à l'atteotion de nos lecteurs, en terminant notre tome initial du Zrère moderne.

riK DU paSHIES VOLUHK.



TABLE DES MATIERES


DU PREMIER VOLUME.


ILLUSTRATIONS


Aurevilly (Jules Barbey d*) por- trait-charge, 315.

Aurevilly (Jules Barbey d*] por- trait inédit. Eau-forte de Ch. Gé- rard, 320.

Ballade du Livre, large encadre- ment à Teau-forte de E. Van Muyden, 97.

Cauchemar d*un Bibliophile. Eau- forte de A. Robida, 169.


Champfleury, portrait-charge par A. Gill, 9.

Lectrices (les) à travers les Ages. Eau-forte de Henri Manesse d*a- près L. Métivet, 13.

Monselet (Charles), charges et portrait -charge (dessins iné- dits), 258.

Uzanne (Octave), portrait eau- forte de A. Giraldon, gravé par Eugène Abot, 3.


INDEX ALPHABÉTIQUE


A Bibliography of Tunisia, par H. S. Ashbée, 299.

A côté du devoir, 295.

A travers les forêts vierges, aven- tures d*une famille en voyage, par Désiré Charnay, 305.

A Voltaire, après avoir lu les Sa- tires de Veuillot, par Francisque Sarcey, 47.

Abbé (L') Roitelet, par Ferdinand Fabre, 350.

Absente (L'), par Adrien Remacle, 216.


Acte de naissance en guise de pré- sentation, 1.

Actes et paroles, Avant Texil, par Victor Hugo, 211.

Adolphe, de Benjamin Constant,

. par Anatole France, 118.

Adultère (L') sentimental, par Ca- mille Oudinot, 351.

Album de la Puce de Mademoi- selle Desroches, 174.

Albums Amicorum (Les), notes pour l'enseigement des moder- nes curieux, 170.

Alfrédine, par le comte Stanislas Rcewuski, 120.


420


LE LIVRE MODERNE,


Almanach des bizarreries humai- nes, du conventionnel Jacques- Charles Bailleul, par F. -A. Au- lard, 118.

Alsace (L') à travers les ftgcs, 392.

Amant (L') de Rébecca, suivi de la Veuve du major, par Charles Canivet, 405.

Amateurs disparus (Les). — Eugène Piot, bibliophile et publicistc, par Maurice Tourneux, 179.

Ame (L*) de Paris, par Théodore de Banville, 396.

Ame (L') de Pierre, par Georges Ohnet, 243.

Ames slaves par Tola Dorian, 405.

Amours (Les) de Gilles, par Louis Mo^in, 33.

André Marsy, par Emile Uinxelin, 121.

Anglais (Les) et les Hollandais dans les mers polaires et dans la mer des Indes, par Tamiral Jurien de la Gravière, 202.

Anoe-Paule-Dominiquc de Noailles marquise de Montagu, 341.

Annuaire des Journaux, Revues et Publications périodiques pa- rus à Paris jusqu'en novembre 1889, 210.

Antologia délia nosira crilica Ut' ieraria moderna, par Luigi Mo- randi, 116.

ArchUeilura in llalia dal secolo VI al mille circa, par RafTaele Catr taneo, 398^

Art (L*) Héraldique, par H. Gour- don de Genouillac, 114.

Armée (L') du Crime, par Félix Platel, 395.

Art (L') romantique de Charles Baudelaire, 118.

Aspasie, Cléopâtre, Théodora, par Henry Houssaye, 283.

Assemblée électorale de Paris. — Procès-verbaux d'élections, par Etienne Charavay, 203.

Au Maroc, par Pierre Loti, 205.


Au pays des autographes. — Quel- ques dédicaces inconnues. — Les débuts littéraire de Charles Monselet. — Quatre curieuses lettres de Monselet h ses parents, 14.

Au pays des cannibales, par C. Lumholz, 112.

Aurevilly (Les frères Jules et Léon d'J, d'après des lettres inédites, avec portrait, 312.

Automnales (Les), par Camille Thorin, 117. ' Autour des Balkans, par Victor Cambon, 342.

Avenir (L') de la Science, par Ernest Renan, 243.

Axel, par le comte Villiers del'Isle- Adam, 116.


Ballade du bon bouquineur, par Maurice Champavier, 197.

Ballade du Livre, par Maurice Bouchor, 97.

Barbier (Jules), 221.

Bataille (La) littéraire, par Phi- lippe Gille, 207.

Baudelaire (Charles), Marquis (Le) du 1" Houzards — manuscrit — 194.

Becque (Henri), 222.

Béte (La) humaine, par Emile Zola, 293.

Bibliographie des écrits relatifs à Mandrin, par Edmond Maignien, 210.

Bibliographie — Express— Revue diligente des publications nou- velles. — Intronisation, 26.

Bibliographie gastronomique, par Georges Vicaire, 207.

Bibliomanie (La) au Théâtre. — La Bibliomanie, par Prévost, 97.

Bibliophiles (Les) contemporains et M"»* Commanville, 134.

Bibliophiles et Bibliopoles. —


TABLE DES MATIÈRES.


431


Notes à bfttons rompus sur les

choses de la Librairie, 241. Bibliothèque d'un bibliophile par

Henri Béraldi, 168. Bibliothèque de l'homme de lettres

par Paul Bour^et, 105. Bibliothèque du comte Osbome,

(Incendie), 163. Bibliothèque (La) tournante ou les

loisirs du bibliographe au repos.

Revue sur pivot des productions

nouvelles, 386. Biribi, par Georges Darieu, 216. Bismarck intime, 348. Block-notes d*un bibliographe. —

Variétés sur les choses du jour,

354. Boulangeade (La), par Louis Lafon,

117. Bourse (La) des Livres. — Les

Enchères d'hier et de demain, 62. Braconnette, par Aimé Giron, 406. Brunetière (Ferdinand), 222.


Cabochiens (Les) et l'ordonnance

de 1413, par Alfred Goville,201. Cadet (Le), par Jean Richepin, 119. Campagne (La), paysages et pay*

sans, par Eugène Noël, 210. Caricature (La), pendant le Siège

et la Commune, 264. Caricature (La) politique en France

pendant la guerre, le Siège de

Paris et la Commune 1870-1871,

par Jean Berleux, 418. Catalogue de T Histoire de France,

265. Causeries littéraires, par Maxime

Gaucher, 400. Causeries sur la Langue française,

par M"»» Krafft, — Bucaille, 292. Cendres chaudes, par Etienne

Rouvray, 349. Certains, par J.-K. Huysmans, 34. Ceux qui rêvent, par Albert Tour-

naire, 121.


Chaîne brisée, par Edouard Delpit, 351.

Champfleury. »- Notes et souve- nirs, avec un portrait-charge d'André Gill, 7.

Chanson (La) de l'hiver, par Anto- ny Valabrègue, 213.

Chansons (Les) du Village, par Charles Grandmougin, 212.

Chante-Pleure, par Emile Pou vil- Ion, 294.

Chapelain et nos deux premières Académies, par l'abbé Antonin Fabre, 205.

Chaste et flétrie, par Charles Mé- rou vel, 121.

Chemin fLe) de Mazas, par Edouard Cadol, 216.

Chez des passants, par le comte Villiers de TIslc Adam, 37.

Chouans (Les), suite d'eaux-fortes, 346.

Chronique de Charles IX, de Mé- rimée, 255.

Chronique (La) de Charles IX, de Prosper Mérimée (suite d'eaux- fortes), 346.

Chronique de France, sous la di- rection de Charles Goux, 242.

Chronique (La) des salles de vente, échos des dernières enchères, 225.

(Ventes Marquis, G. de B., Sand).

Chroniqueurs : Froissart ctCommi- nes, par A. Debidour, 117.

Cicéron, par Pellisson, 117.

Cité (La) future, par Alain le Dri- meur, 295.

Clergé (Le) sous l'ancien régime, par l'abbé Elie Méric, 390.

Clergé (Le) sur la brèche, par Jus- tin des Bruyères, 336.

Cœur à part, par Abel Hermant, 216.

Cœurs inquiets, par J. Ricard, 215.

Colonies françaises, par Louis Henrique, 113.



LE LIVRE MODERNE.


Colporteur (Le) des Nouvelles Nouvelles ou là Critique des li- vres du jour h domicile, 378.

Comédien (Le; MichelotA ses élec- teurs, 13S.

Gomme dans la vie, par Albert Delpit, 214.

Commentaires d*Henry Bolué, 193.

Communes (Lesj françaises à Tépo- que des Capétiens directs par Achille Luchaire, 200.

Communication de C. Glinel à pro- pos d'un quatrain d'Alexandre Dumas, 107.

Comte (Le) d'Orsay, Physiolofçie d*un roi de la mode, par le comte G. de Contades, 210.

Comtes (Les) de Tende de ^ Mai- son de Savoie, par le comte de Paniase-Passis, 202.

Comtesse (La) d'£(pnont, par M"* la comtesse d*ArmaiUé, née de Ségur, 281. , Conférence du Livre & Anvers, 330.

Confession (La) d'un fou, par Léo Trézenik, 214.

Confessions d'un journaliste, par Ernest Merson, 893.

Confessions (Les) d'un mangeur d'opium, de Thomas de Quincy, traduit par V. Descreux, 347.

Contes d'Amérique, par Louis Mullem, 216.

Contes do tous les pays, 296.

Contes moralises de Nicole Bozon, par LucyToulmin Smith et Paul Meyer, 115.

Corbeau (Le) et le Renard, 409.

Correspondance, 43.

Correspondance des beys d* Alger avec la cour de France par Eu- gène Plante t, 280.

Cousine Annette, par Jean Sér- ieux, 264.

Crime (Le) de la rue Monge, par Pierre Zaccone, 404.

Crimes (Les) de Trestaillons, par Antony Real, 404.


Crise (La), un monde qui se tranv forme, par André Poey, 404.

Critique et esquisses, par Jacques Talmor, 116.

Croix (La), autour de la caserne, par Oscar Méténier, 353.

Cueillettes littéraires. Singulari- tés, Pièces inédites fit oubliées, Notes curieuses, Diversités, 97.

CurioêtL, Notules^ Singularités, Trouvailles, Observations bibiio^ graphiques, 39.

Curiosité (La) des enchères, Bourse des Livres, 140.


Daniel Cummings, par Henri Gaul- lieur, 352.

Dans nui nuit, par M** Berta Galeron de Galonné, 349.

Daphnis etChloé de Longus,1802, dessins originaux de Prud'hon et du baron Hérard (Vente Mar- quis), 166.

De rillustration des livres et des publications illustrables, 81.

De la Bibliographie générale au XIX* siècle, de Quérard, 267.

Décembristes (Les), du comte de Tolstoï, 216.

Découverte (La) des mines du roi Salomon, par Redder Haggard, 295.

Dédicace de Jules Barbey d'Aure- villy sur les Diaboliques, 106.

Délivrance (La) d'Emin pacha, d'après les lettres de H. M. Stan- ley, 113.

Démos, traduction, de Gissing, 404.

Démosthène, par Ouvré, 117.

Dernier amour, par Georges Ohnet, 32.

Dernier (Le) sire de Lavardin, par Jean Drault, 296.

Dernière (La) Bataille, par Alouard Drumont, 290.

Dernières (Les) lettres d'Alfred


TABLE DES MATIÈRES.


433


Delvau. Documents inédits, 369.

Derniers (Les) rêveurs, par Paul Perret, 405.

Deux recueils des fables de La Fontaine, qui ne sont pas de La Fontaine, 407.

Deux rivales (Les), l'Angleterre et la France, par Léon Delbos, 347.

Devant FAtre, par Lucien Douel, 131.

Dictionnaire des poinçons, mar- ques et monogrammes, etc., des orfèvres français et étrangers, par Ris-Paquot, 114.

Discours de Georges Bengesco, au 1*' diner des Bibliophiles con- temporains, 52.

Dix-huitième siècle. Études litté- raires, par Emile Faguet, 206.

Docteur (Le) Frank (G. Carré), par M"» A. F., 215.

Dorine, par Jacques Fréhel, 296.

Dramaturges et Romanciers, par Emile Montégut, 399.

Drapeaux et voiles, par £. Houard, 117.

Du Caucase aux monts Alal, par Jules Leclercq, 341.

Du Danube à la Baltique, par Gabriel Thomas, 394.

Du faubourg Saint-Germain en Fan de grâce 1889, par le comte Léonce de Larmandie, 211.


En amour, par Jean Ajalbert. 404.

En pays envahi, par M"* Pauline Drouard, 211.

Enfance (L*) d'un homme, par Ar- mand Charpentier, 121.

Entre mère et fiUé, par M"** la baronne Slaffe, 121.

ErraU, 417.

Espana, par Lionel de La Lauren- rende, 205.


Espérance, par Paul Vignet, 352.

Esprit (L') national russe sous Alexandre III, par A. Dovérine (TchernofT), 122.

Esquisse d'une Histoire de la pein- ture au musée du Louvre, par Pierre Pétroz, 398.

Essai bibliographique sur la des- truction volontaire des Livres ou Biblioly tie, parFernand Dru- jon, 116» .

Essence (L*) de Soleil, par Paul Adam, 352.

Étreinte (L'), par Louis Roguelin, 295. .

Étude sur Alexandre Vinet, cri- tique littéraire, par Louis Mo- lines, 287.

Étude sur Balzac, par Emile Zola, 103.

Études sociales, par le docteur Adolphe Burggraeve, 395.

Evel, par Belz de Villas, 121.

Évolutions (Les) de la critique française, par Ernest Tissot, 400.

Excursion bibliographique aux frontières des nouveautés litté- raires, 109.

Exposition de l'estampe japonaise, 356.

Exposition des peintres graveurs, 164.


Fabre (Ferdinand), 222.

Fa<^tie8 (Les) de Cadet-Bitard, par

Armand Silvestre, 353. Farandole de pierrots, par Emile

VitU, 298. Fausse (La) route, par l'auteur du

Péché de Madeleine, 351. Femmes antiques, p^ Jean Ber-

theçoy, 117. Fictions (Les), par Léon Allard,

214. Fils (Le) du plongeur, par Fortuné

de Boisgobey, 404.


431


LE LIVRE MODERNE.


Fin (La) de Murât, par Jean Ber-

leux, 348. Flannberçe au vent, par Henry de

Brisay, 406. Flâneries d*un bibliofpiîiphe, Essais

et observations sur la bibliogne-

sie, par Paul Lacombe, Parisien,

263. Fleurs (Les) & Paris, par Hu^es

Le Roux, 243, 346. Flibustiers (Les), par Léon AUard,

353. Flirt, par Paul Hervieu, 136. Fortune (La) de Silas Lapham,

par W. D. Howells, 395. France littéraire, de Quérard, 267. France (La) pendant la guerre de

Cent ans, par Siméon Luce,

201. France toigoursl par Charles des

Guerrois, 349. Francesco Crispi, Thomme privé,

rhomme public, par Félix Mar-

joux, 348. Futura, par Auguste Vacquerie,

243, 348.


Gai (Le) conscrit, 211.

Galerie du xviii* siècle, par Ap-

sène Houssaye, 391. Gendarme (Le) et Thomme du

peuple, 412. Gésa et Mal* Occhio, par Ossip

Schubin, 296. Gipsy, par Jacques Lermont, 406. Grande (La) Janic, par Paria Kori-

gan (M"« Emile Lévy), 34. . Gris et rose, par Henri Conti, 353.


Harmonies du soir, par Jules Guil-

lebert, 293. Hecquet, docteur-régent de «la


Faculté de médecine de Paris, par le docteur Jules Roger, 288.

Henri IV, le Roi, l'Amoureux, par le comte Hector de la Ferriène, 111.

Héritier (L') des Moulardon, par Octave Pradels, 352.

Hernani et la censure, 125.

Histoire d'un bonnet à poil, par J. de Marthold, 406.

Histoire d'une fille du monde, par Arsène Houssaye, 34.

Histoire de la peinture décorative, par A. de Champeaux, 113.

Histoire de Marie- Antoinette, par Maxime de la Rocheterie, 282.

Histoire du clergé pendant la Ré- volution, par Bertrand Robidou, 282.

Histoire du régne de Louis-Phi- lippe, faisant suite à l'histoire de la Restauration, par Ernest Hamel, 34.1.

Histoire littéraire du xix* siècle, par Antoine Laporte, 288.

Histoires scandaleuses, par Ar- mand Silvestre, 32.

Honneur d*artiste, par Octave Feuillet, 350.

Houssaye (Henry), 222.




Icono-bibliographie du général

Boulanger, 363. Impressions de thé&tre, par Jules

Lemaitre, 36. Indépendance (L') des Gaules et

TAUemagne, par Paul de Jou-

vencel, 397. Infamie (L*) humaine d'Eugène

Versmesch, par Paul Verlaine,

294. Infidèle (L'), par Catulle Mendès,

121. Inscriptions antiques de la C6t&^

d'Or, par Paul Lejay, 111. • •


TABLE DES MATIÈRES.


425


Intérieur artistique d'un homme de lettres: chez M. Auguste Vacquerie, 190.

Interview de Paul Meurice sur les œuvres complètes de Victor Hufo. .

Introduction à mes mémoires, par Alexandre Weill, 341.

Inutile beauté, par Guy de Mau- passant, 343, 353.

Invention (L') des bottes aux let- tres, Petits documents litté- raires, 318.

Irlande (L') il y a quarante ans, par miss Annie Keary, 216.


Joie (La) suprême, par Paul Leleu,

295. Journal d*un étudiant pendant la

Révolution, par Gaston Mau-

gras, 391. Journal d'une bourgeoise pendant

la Révolution, par Lockroy, 392. Journal (Le) intime de Goethe, par

Ernest Tissot, 305. Journaux et revues, La Presse et

la Critique à vol de plumes, 70. Juge (Le) et le Héros de Juillet,

413.


Lamartine, par Charles de Pomai-

rois, 35. Lectrices (Les) & travers les âges.

Rondeau, par Jean Richepin, 13. Légende (La) de SainUIulien-Hos-

pitalier, par Flaubert, 61. Lettre de Jules Barbey d'Aure- villy Mignée Jule» Pachà à Léon,

317. Lettre de Jules Barbey d'Aurevilly

à F.-G.-S. Trébutien sur Léon

d'Aurevilly, 314. Lettre de Jules Brivois sur Pierre

Rouquette, 363.

I.


Lettre de Léon d'Aurevilly à son frère Jules (Jupon cramoisi), 323. Lettre de Léon' d'Aurevilly à son fcère Jules, 318.

Lettre de Léon d'Aurevilly sur le Prêtre mtJ'ié, 321.

Lettre de Macmillan au Bookseller sur la vente des livres au rabais, 243.

Lettre de Michelet à Louis Ulbach à propos de la Cloche, 275.

Lettre de Paul Malézieu, 273.

Lettre inédite de Charles Baude- li^ire à Poule t-Malassis, 276.

Lettres d'Alfred Delvau à José- phin Soulary, 369.

Lettres de Charles Monselet lors de ses débuts littéraires, 17.

Lettres de L. Renard à Joséphin Soulary, 383.

Lettres de lord Beaconsfield à sa sœur, traduction et notes par Alexandre de Haye, 204.

Lettres (Les) et les livres & travers le monde, 147.

Lettres inédites de George Sand, 186.

Lettres qui passent (Les) et les ma- nuscrits qui restent, 186.

Liberté (La) de conscience en France et à l'étranger par G. Saunois de Chevert, 292.

Libraires (Les) de Bibliophiles, silhouettes parisiennes, — J.- Pierre Rouquette, 251.

Libraires (Les) de Bibliophiles, silhouettes parisiennes, Léon Conquet, 88.

Liter&lur Kalender, de Joseph Kiirschner, 237.

Lithographie (La), 304.

Littérature (La) dans le journa- lisme. Résumé par signalement des meilleurs articles de la presse périodique, 153.

Livre de dépenses de la reine de Navarre, Marguerite d'Angou- lôme, sœur de François I«», du

39


426


LE LIVRE MODERNE.


mois de septembre 1540, à la fin d'août 1549, 192.

Livre (Le) moderne et la Presse anglaise, 159.

Livres à clef, par Drujon, 269.

Livres avec dédicaces. — Une poi- gnée d'autographes, 270.

Livres d'outre-Manche. Dernières publications anglaises, 297.

Lorgnette (La) littéraire par Mon- selet, 261.

Loti (Pierre), 223.

Loup (Le) des Brousses, par Phi- lippe Louvet, 403.

Lucine, par Monfjoyeux, 121.

Ludka, par Adolphe Aderer, 405.

Lys Amors d'Hélain-Pisan et d'Iseult de Savoisy, par Loys- Julius Gastine et aornés d'imai- ges, par Edoard Zier, 403.


Ma méthode, par J.-B. Charles, 347.

Madame la Boule, par Oscar Mé té- nier, 31.

Mademoiselle Clairon, d'après ses correspondances et les rapports de police du temps; par Edmond de Concourt, 339.

Mademoiselle de La Vallière et Marie-Thérèse d'Autriche, fem- me de^ Louis XIV, par l'abbé H. Duclos, 338.

Mademoiselle Henri, par Edouard Grimblot, 295.

Magie pratique, révélation des mystères de la vie et de la mort, par Jules Lermina, 337.

Maison (La) de rOgre,par Alphonse Karr, 291.

Maîtres (Les) de la critique au zvii* siècle, par Auguste Bour- goin, 36.

Mal (Le) du siècle, par Max Nor- dau, 121.

Maloret, le bouquiniste, 138.

Mam'zelle Quinquina, par François Oswald, 216.


Manuel (Eugène), 223.

Mariage (Le) de la petite Provi- dence, par Louis Petitbon, 353.

Masques (Les) modernes, par Féli- cien Champsaur, 289.

Mémoires d'un Collégien russe, par André Laurie, 353.

Mémoires (Les) du Baron Hauss- mann, 243.

Mémoires sur la Bastille du grin- cheux Linguet et du bon Jean Dusaulx, par H. Monin, 118.

Méphistophélès, par Catulle Men- dès, 351.

Mère, par Hector Malot, 294.

Mes Inscriptions, journal intime de Restif de la Bretonne, 290.

Métamorphoses (Les) du jour, ou La Fontaine en 1831, par Eugène Desmares, 410.

Mirages (Les), par Jean Valnore, 404.

Misanthrope de Molière, par Jac- ques Léman, 278.

Modes mineurs, par J. Guy-Ro- partz, 212.

Mon musée criminel, par Gustave Macé, 395.

Monde (Le) des Livres. Ce qui s'y dit, s'y fait, s'y prépare, 133.

Monselet (Charles) chez Malassis. — Miettes et charges littéraires inédites, 257.

Monselet (Charles) : Correspon- dance littéraire et dessins, 258.

Monselet (Charles), sa vie, son œuvre, 25.

Montaigne, par H. Motheau et D. Jouaust, 250.

Montalègre, par Georges Pradel, 295.

Musardises (Les), par Edmond RosUnd, 212.

N

Napoléon I", sa vie, son œuvre, par Léon Meyniel, 284.


TABLE DES MATIÈRES.


427


Naufrage d'amour, par Elzéard Rougier, 404.

Nauroy (Charles), 223.

Ni cléricaux, ni athées, par Hya- cinthe Loyson, 336.

Nicolas Foucquet, procureur géné- ral, surintendant des finances, ministre d'État sous Louis XIV, par J. Lair, 387.

Nœllet (Les), par René Bazin, 216.

Nos variations futures sur TArt du Livre et le Livre d*art mo- derne, 4.

Note d'un Correspondant, 102.

Notes de voyage d'un hussard ; un raid en Asie, par Jean de Pon- tevès de Sabran, 342.

Notes et nouvelles, 414.

Nouveaux entr'actes, par Alexan- dre Dumas fils, 343.

Nouvel Armoriai du bibliophile, 138.

Nouvelles étrennes utiles et agréa- bles contenant un recueil de fables dans le goût de La Fon- taine, 408. ^

Nouvelles, on-dit, racontag^s et anecdotes du monde des curieux, 56.

Nouvelle (La) flore littéraire, im- pressions de printemps, Varia- tions sur des Pipeaux bibliogra- phiques, 334.

Nouvelles questions de critique, par Ferdinand Brunetière, 343.

Nouvelles universelles des lettres, Miscellanéesintemationales,235.


O Province ! par Gyp, 296. Odes de Victor Hugo, 118. Œuvre de Baryc (L'), par Roger-

Ballu, 278. Oh! famille! par Paul Viteau, 349. Orages (Les), par Paul Vérola, 212. Orénoque (L') et le Gaura, par J.

Chaffai^'ou, 113.


Orient (L*) antique, parle vicomte

de Gueme, 212. Orientales (Les) et les Feuilles

d'automne, de Victor Hugo, 118. Origine Tédesca et l'origine Olan-

dese dcir invenzione délia stam« 

pa, par Carlo Castellani, 345. Origines (Les) de la Restauration

des Bourbons en Espagne, par

A. Houghton, 392. Ouest (L') artistique et littéraire,

365. Outils (Les) de l'Écrivain, par

Spire Blondel, 345. Ouvrages illustrés du xix' siècle,

par Brivois, 269.


Paris, par Lacombe, 269.

Paris, le Quatre-Septembre et Chft- tillon, par Alfred Duquet, 204.

Paris galant, par Charles Virmat- tre, 347.

Paris pendant la Terreur, par Edmond Biré, 203.

Partie carrée, par Théophile Gau- tier, 34.

Pascal Bordelas, par J. Boyer d'Agen, 352.

Pater (Le), par François Coppée, 73.

Peau (La), par René Maizeroy, 216.

Peine perdue, par Jeanne Mairet (M»" Charles Bigot), 295.

Père (Le) Damien, par M"*" Augus- tus Craven, 205.

Péri en mer, par Gustave Tou- douze, 121.

Perles et talismans, par André Lacroze, 397.

Petit Quérard (Le) des publica- tions récentcs,catalogue succinct des livres du mois, 199.

Petit (Le) télescope littéraire; les douze candidats de TAcadémie, 221.

Petites notes curieuses, 192.


4M


LE LIVRE


Philosophie (La) de par Paul Junei, 110.

Phoflv>-BîbUo|rrapbe fLe> Moni- teur de* Bibliophiles, Tuiéiés, nouvelles, oo-dit, renseigne- menU, 141.

Pîei (AUnà), M.

Piol (Eut;ène). 137.

Plaisirs (Les) en Chine, par le gé- néral Tcheng-Ki'Tong, 210.

Pcesns (Les; cl les Thrènes, par Ferdinand Hérold, 293.

Poème de Jcdnne d*Arc, par Julien de Villccrosse, 401.

Poèmes aztèques, par Augoale Génin, 292.

Poésies CI^s) de Germain Colin, Bûcher angevin, par Joseph De- nais, 385.

Poésies de Théophile Gautier, 401.

Poésies du livre (Les), yn sonnet et une ballade, par José-Maria de llérédia (vélin doré). Les bons bouquineurs, par Bifaurice Champavier, 195.

Polémiques (Les) d*hter, par Bar- bey d'Aurevilly, 37.

Porcelaine (La) tendre de Sèvres, par Edouard Gamier, 340, 397.

Portraits du xvii* siècle, par Léon Gautier, 400.

Portraits et souvenirs littéraires, piir Ilippolyte Lucas, 207.

Possédée d'amour, par Jean Ra- meau, 31.

Pour mes amis, par G. Boisson, 117.

Préliminoircs (Les) de la Révolu- tion, par Marius Sopct, 203.

Premier dtner (Le) des Bibliophi- les contemporains, 49.

Premier (Le) établissement des Néerlandais h Maurice, et le gla- cier de TAletsch et le lac de Marjclcn, par le prince Roland Bonaparte, 312.

Princesse (La) nue, par Catulle Mcndès, 296.


par J.-E. Alau, 335. Progi è s Le et ITiisIrsciâoapnfalî- qve €■ Rawie, do ToIsCoi, 292.


Quarts de nnit, par Gear^ses Ha- Upo, 121.

Quatfatn par Alexandre Dumas, 40.

Quatre ans aux Indes anglaises, noire vioe-royanté, par la mar- quise de DulTcrni et d'Ava, 394.

Quelques échos de ventes &réCran- gcr, 144.

Quelques écrivains français, par Emile Hennequin, 344.

Qui perd gagne, par Alfred Capus, 352.


Rachel Ray, par A^t. Trollope, 216. Ray^s et ombres, par Victor

Hugo, 349. Réaction, par Jean-Paul Clarens,

399.

Récits de campagne de M. le duc d'Orléans piA* ses fils le comte de Paris et le duc de Chartres, 112.

Récits et Légendes, par P.-V. De- laportc S. J., 213.

Recluse (La) de Montfieury, par Paul Saunière, 295.

Recueil d'Isambert. — Édit de Louis XIV sur les boites aux lettres, 219.

Recueil de Fables choisies, dans le go(^t de M. de La Fontaine, 408.

Recueil des actes du Comité de salut public avec la correspon- dance officielle des représentants en mission, par Aulord, 340.

Réforme (La) de l'éducation en


TABLE DES MATIÈRES.


439


Allemagne au xviii* siècle. — Basedow et le Philanthropi- nisme, par A. Pinloche, 342.

Refuges (Les), par Maxime For- mont, 293.

Régence (La), par Arsène Hous- saye, 391.

Regnault (A.), 223.

Remarques sur TExposition du centenaire, par le vicomte E.-M. de Vogué, 122.

Répertoire général de bio-biblio* graphie br^tcmne, par René Ker- viler, 115, 345.

Représentants (Les) en mfasion et la justice révolutionnaire en Tan II, par Henri Wallon, 112.

République (La) du travail et la réforme parlementaire,'par J.-B.- André Godin, 337.

RésulUts (Les) de Texégèse bibli- que, par Maurice Vernes, 110.

Résurrection. Souvenons- nous I par G. Cabaret, 212.

Rêve (Le) de Jacqueline, chanson d'avril, 401.

Rêve (Le) et la Vie, par Olivier de Gourcuff, 401.

Révolution, par Toumeux, 260.

Revue Cosmopolite, les livres et la littérature & Tétranger, 76.

Ricordi Bibliografici di Camillo Ràiperi Bitcia, 209.

Rire (Le) de Caliban, par Emile

Bergerat, 243, 347.

Rivales! par Paul Labarrière, 215.

Roi (Le; des bonne teurs, par Maxime Boucheron, 121.

Roman (Le) d*un assiégé, par Jean de Villeurs, 32.

Roman (Le) d*un prince, par Pierre de Lano, 352.

Roman (Le) de la femme médecin, suivi de Récits de la Nouvelle- Angleterre, par M"^* Sarah Orne-Jewette, 405.

Romanciers (Les) d'aujourd'hui, par Charles le GofDc, 344.


Romanciers naturalistes, par Zola, 103.

Rose et Blanche ou la comédienne et la religieuse, par George Sand et Jules Sandeau, 250.

Rose Minon, par S. de Linas, 352.

Rôti-Cochon, ou méthode très facile pour bien apprendre les enfants & lire en latin et en Avan- çais, 208.

Russes et Slaves, par Louis Léger, 341, 393.

Russie et Liberté, par un gentil- homme russe, 122.


8


Saint Thomas d* Aquin et la Philo- sophie cartésienne, par le R. P. Elisée Vincent Maumus, 110.

Sauveteur, par Pierre Noél, 121.

Sceaux (Les), par Lecoy de La Marche, 114.

Science (La) au théâtre, par Louis Figuier, 216.

Sébastien Roch, par Octave Mir- beau, 402.

Secrets & vendre, par Louis Bloch et Sagari, 121.

Simples rimes, par Georges Gillet, 349.

Socialisme (Le) contemporain, par Emile de Laveleye, 337.

Société du Livre illustré, 417.

Sœur atnée, par Fernand Cal- me ttes, 405.

Sonnet d'Armand Sylvestre, à George Sand, 233.

Sonnet d'Edmond About, 275.

Sonnet d'Henri Meilhac, 105.

Souvenirs du dernier secrétaire de Sainte-Beuve, par Jules Trou- bat, 243.

Stamp» in Venexià, par Carlo Castellani, 345.

Stances de Vabbé Léon d'Aure- villy à son frère Jules, 328.


4ao


LE LIVRE MODERNE.


Stanley an secours d'Émin pacha, par A.-J. Wauters, 113.

Stendhal el ses amis, notes d*un curieux, par Henri Cordier, 368.

Sl4^*rile, par Charles Coynari, 40^.

Sub Jove, par Adrien Marx, 396.

Sur le Seuil, par Léon de Tinseau, 121.


Table alphabétique et bibliogra- phique des matières et des au- teurs, par P. de Boutarel, 115.

Table décennale du Livre, 1880- 1889, 361.

Tableaux (Les) des mœurs du temps, 56.

Termite (Le), par J.-H. Rosny, 215.

Testament (Le) d'un musicien, par Arved Poorten, 211.

Théâtre à Paris, par Camille Le Senne, 401.

Théûlre complet, par Henri Bec- que, 118.

Théûtre complet de M. Ernest Legouvé, 292.

ThéAtre de Molière, 3*6.

Théâtre des Petits, par L. Darthe- nay, 406.

Théâtre (Le) en Russie depuis ses origines jusqu'à nos jours, par Pierre àe Corvin (alias Pierre Nevsky), 344.

Theuriet (André), 223.

Thouret, sa vie et ses œuvres, par Ernest Carette et Armand Sanson, 205.

Thureau-Dangin, 223.

Titiane, par Sadia, 405.

Tonkin (Le) et la Mère Patrie, par Jules Ferry, 397.

Toute une jeunesse, par François Coppée, 213.

Trahie I par Maxime Paz, 352.

Travailleurs (Les) de la mer, par Victor Hugo, 404.


TmeU in Taniisa, par H.-S. Ashbée, 209.

Trois (Les) amoureux de Gerimde, par M"* Stanislas Meunier, 34.

Trois Nouvelles, par M** la ba- ronne Marie d'Ebner-Eacheii- bach, 353.

Trouvailles (Les) el les notes d'un

autographophile, 123.

Trouvailles littéraires, 407.

Turturel, par Paul Hugounet, 352.


U


Un Album Amicorum, 123.

Un autographe de Paul Lacroix, 191.

Un dictionnaire des fromages, 46.

Un drame royal, par le comte d'Hérisson, 402.

Un intendant sous Louis XIV, étude sur Fadministration de Lebret en Provence, par J. Mar- chand, 398.

Un Mystère, par M"* Henry Gré- ville, 215.

Un petit ménage, par Paul Gi- nisty, 119.

Un roman bibliographique, 39.

Une anti-sans-culottide, 41.

Une gageure, par Victor Cherbu- liez, 294.


Variétés révolutionnaires, par Marcellin Pellet, 283.

Vauvenargues, par Maurice Paléo- logue, 207,

Sonnet de José-Maria de Hérédia, (Vélin doré), 196.

Vente Achille Seillière, 415.

Vente, par L. Sapin, 62.

Vente, par A. Durel, 64.-

Vente, par Anlonin Chossonnery, 69.

Vente d'Arnold Mortier, le Mon- sieur de l'Orchestre, 67.


TABLE DES MATIÈRES.


Vente de la bibliothèque Alfred

Piet, SflO. Vente de la bibtiolhique du baron

Achille Scilliirc, 361. Veata des aut«(p^phc3 de Louis

Ulbach, 1Î9. Vente Louis Ulboch, 6B. VdriW (La) sur l'expfidition du

Mexique, par Paul Gaulol. 184. Vers de Ponsard sur la vertu des

archiviates-tn^soricrfl, 59. Vertu (La) morale et sociale du

christianisme, par le comte Guy

de Brdmond d'Ars, 336. Vidocq. le roi des voleurs, par

Marc Mario et Louis Lauhay, 353. Vie errante (La), par Guy de Mau-

passant, 3Be. Vieux (Les) contes de la Veilla,


par M~* de Witt, née Guizot,

iOb. Vie (La) littéraire, par Anatole

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NOV :i89C





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