The New Industrial and Social World  

From The Art and Popular Culture Encyclopedia

Jump to: navigation, search

"For bankruptcy has become such an art that every day someone invents a new species, especially in the realm of governmental bankruptcies where France has just made an innovation: the doubledupe or amphidupe, which has provided the nation with a new means of despoiling itself."

Orignal French::

"On pourrait aisément étendre cette liste au triple et au quadruple, car il en paraît chaque jour de nouvelles espèces, tant cette industrie se perfectionne, surtout en banqueroutes fiscales où la France vient d'innover, par le genre double dupe, amphidupe, aidant elle-même à se faire spolier de diverses manières."

--The New Industrial and Social World (1829) by Charles Fourier

{{Template}} Le Nouveau Monde industriel et sociétaire, ou Invention du procédé d’industrie attrayante et naturelle, distribuée en séries passionnées (1829) is a book by Charles Fourier.

Full text

LE NOUVEAU MONDE INDUSTRIEL ET SOCIÉTAIRE, OU INVENTION DU PROCÉDÉ D'INDUSTRIE ATTRAYANTE ET NATURELLE DISTRIBUÉE EN SÉRIES PASSIONNÉES. PAR CH. FOURIER. Ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles. EVANGILE. Ce ne sont paslà des hommes

il y a quelque bouleversement dont nous ne savons pas pénétrer la cause. J.-J. ROUSSEAU. PRIX 7 FRANCS. PARIS, BOSSANGEPÈRE, RUE DE RICHELIEU ,N.° 60, P. MONGIE AINÉ, BOULEVART ITALIEN , N.°10. 1829,

LE NOUVEAU MONDE INDUSTRIEL ET SOCIÉTAIRE. OU RÉSULTATS DE L'INVENTION. Moyen de Quadrupler subitement le produit effectif, et de vingtupler le relatif, la somme dejouissances ; D'opérer l'affranchissement des nègres et esclaves, convenu de plein gré avec les maîtres; L'accession générale des sauvages à l'agriculture, et des barbares aux moeurs policées ; L'établissement universel des unités de relations, en langage, monnaies, mesures, typographie, etc. PLAN RÉDUIT. Préface. Indicesd'égarement. Monde à rebours. PRINCIPES. I. e Section. Attractionpassionnée. 2.eSection. Canton d'essai. APPLICATION. 3.e Section. Éducation harmonienne. 4.eSection. Mécanisme de l'attraction. 5.eSection. Équilibre des passions; CONTRE-PREUVE. 6.e Section. Analyse de la civilisation. 7.e Section. Synthèse du mouvement. Postface. Duperie du mondesavant. Cataracte intellectuelle. BESANÇON , IMPRIMERIE DE L. GAUTHIER. LE NOUVEAU MONDE INDUSTRIEL ET SOCIÉTAIRE, OU INVENTION DU PROCÉDÉ D'INDUSTRIE ATTRAYANTE ET NATURELLE DISTRIBUÉE EN SÉRIES PASSIONNÉES. PAR CH. FOURIER. Ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles. EVANGILE. Ce ne sont pas là des hommes

il y a quelque bouleversement dont nous ne savons pas pénétrer la cause. J.-J. ROUSSEAU. RIX 7 FRANCS. PARIS, BOSSANGE PÈRE, RUE DE RICHELIEU , N.° 60. P. MONGIE AINÉ, ROULEVART ITALIEN , N.° 10. 1829. NÉOLOGIES OBLIGÉES, POUR INDIQUER DES DISPOSITIONS INCONNUES. PHALANSTÈRE

Edifice qu'habite une phalange agricole. SÉRISTÈRE Nom des salles et pièces contiguës, servant aux séances d'une Série passionnée. SÉRIAIRE, ce qui est relatifaux Séries passionnées. Garantisme 6. Sociantisme 7. Harmonisme 8. Noms des 3 périodes sociales qui succèdent à la 5e dite civilisation. Harmonien. Mot déjà employé. SIMPLISME Simpliste, ce qui tient au mouvement simple. Passionnel. Ce qui tient au mécanisme des passions : Le mot passionné désignerait l'effet et non la cause. CASTROSOPHIE. La gastronomie appliquée à l'attraction industrielle et à l'hygiène. Cabaliste Papillonne Composite Noms des trois passions jugées vicieuses , qui font mouvoir une Série passionnée. UNITÉISME Passion de l'unité, inconnue des civilisés. et X Signes de pivot et contre-pivot de série. Y et » de pivot direct et inverse. K et » d'ambigu direct et inverse. Ces 3 signes sont nécessaires dans les tableaux d'une Série passionnée, 76. les chiffres n'y suppléeraient pas

ils ont d'autres emplois, décrits p. 76 et 77. NOTE pour la lecture du traité de 1823 , indiqué p. 56. Distinction desparties quitraitent du mécanisme sociétaire. Préludes, principes et généralités, tom. I

notices 4, 5, 6 ; p. 348. Tableaux descriptifs. II

sections 1, 2, 3, 4. Théorie des équiliéres II

 »

78 p. 477. y ERRATA. Page 72, ligne 22 : MONDE ambigu, lisez MODE ambigu. Page 146 au plan : au lieu de front 260 toises , lisez 360 Page 526,ligne 31. Population d'Irlande, 172 million, lisez 6 1/2. Page 442 ligne 10 vous priver, lisez nous priver. Quant aux fautes légères, p. 14, ligne 9, SA pour LA postface et aux inadvertances, théo pour théorie, 1728 pour 1828 : elles sont en très-petit nombre, le lecteur saura bien y suppléer. TABLE DES MATIÈRES. AVANT PROPOS. Entraves opposées aux inventeurs. IX. PRÉFACE. Indices d'égarement, monde à rebours. Article 1.er 2.e Exposé Enormité et notions du produit préparatoires. sociétaire I 18 3.° Cercle vicieux de l'industrie civilisée 32 SECTION I. ANALYSE DE L'ATTRACTIONPASSIONNÉE. I NOTICE. Notions élém. sur les Séries passionnées. Chap. I. Analyse de l'attraction passionnée 57 II. Généralités sur les Séries passionnées. 62 III. Personnel des Séries passionnées 67 IV. Relations des groupes d'une Série passionnée . 73 II NOTICE, Distribution du passionnel des séries. Chap. V. Des 3 causes ou passions mécanisantes. 79 VI. Des 3 effets obligés en Série passionnée. 94 VII. Des séries faussées, leurs correctifs 104 VIII. Des sortes et doses d'attraction 109 Appendice , chapitres omis VI TABLE. SECTION II. DISPOSITIONS DE LA PHALANGE D'ESSAI. III NOTICE. Partie matérielle des préparatifs. Chap. IX. Préparatifs en matériel et personnel 118 X. Classification, direction, devis. 128 XI. Distribution des cultures en trois ordres 140 XII. Distribution unitaire des édifices. 145 IV NOTICE. Partie spéculative des préparatifs. Chap. XIII. Séries à préférer en règne animal. 153 XIV. Séries à préférer en règne végétal. 159 XV. Choixdesmanufacturesspéculatives et usuelles. 164 XVI. Séries faussées et hongrées 174 Complèment. Duperie des détracteurs. Secte Owen 180 SECTION III. EDUCATION'HARMONIENNE. V NOTICE. Éducation de la basse enfance. Chap. XVII. Absurdité de l'éducation civilisée. 195 X.VIII. Education préparatoire , prime enfance . 200 XIX. Education des lutins par les bonnins 211 XX. Education des bambins par les mentorins 222 Conclusions. 287 VI NOTICE. Éducation des moyenne et haute enfance. Concurrence des instincts et des sexes Préambule 240 Chap. XXII. Des Petites Hordes 243 XXII. Des Petites Handes 251 XXIII. De l'enseignement harmonien .... 256 XXIV. Education de l'enfance mixte. 264 Résumé. 278 TABLE. VII SECTION IV MÉCANISME DE L'ATTRACTION VII NOTICE. Engrenage des attractions industrielles. Chap. XXV. Initiative en attraction industrielle. 287 XXVI. Engrenage des séries par la gastronomie. . 296 XXVII. De la gastrosophie ou sagesse harmonienne. 302 XXVIII. Du germe de discorde ou lien de famille. 310 VIII NOTICE. Accordsintentionnels en répartition. Chap. XXIX. Accords par les jouissances matérielles. . 317 XXX. Accord affectueux par fusion des 3 classes 324 XXXI. Accord par le charme du mécanisme. 331 XXXII. Accord par les trois unités 338 Résumé sur l'application, 345 SECTION V. EQUILIBRE GÉNÉRAL DES PASSIONS. IX. NOTICE. Accords etéquilibres en répartition. Chap. XXXIII. De la classification des séries. 356 XXXIV. Accord direct par cupidité 362 XXXV. Accord inverse par générosité. 372 XXXVI. Ralliement des seize antipathies. 379 Complément. L'équilibre de population. . 396 X. NOTICE. Etude enmécanismedes passions. Chap. XXXVII. Echelledes caractères et tempéramens . 403 XXXVIII. Groupes d'équilibre compensatif. . 408 XXXIX. Du vrai bonheur. 413 XL. Boussole en étude des passions 417 CONFIRMATIONtirée des SS. Evangiles 423 Erreurs en interprétation des saintes Ecritures 425 Impéritie en application des préceptes 435 Fondations approximatives en essai sociétaire 451 VIII TABLE. SECTION VI. ANALYSE DE LA CIVILISATION. XI NOTICE. Caractères de base et de lien. Chap. XLI. Caractères successifs des 4 phases. 457 XLII. Caractères permanent de la période 461 XLIII. Caractères du commerce, en genres 464 XLIV. Caractères du commerce, en espèces. . 469 XII NOTICE. Caractères defanal et d'écart. Chap. XLV. Caractères de répercussion harmonique 477 XLVI. Caractères de répercussion subversive . 485 XLVII. Caractères de rétrogradation greffée. 490 XLV III. Caractères de dégénération de la 3.° phase. 495 Résumésur la 6.e section 502 SECTION VII SYNTHÈSE GÉNÉRALE DU MOUVEMENT. XIII NOTICE. Premier âge du monde social. Chap. XLIX. Construction de la 4.e phase civilisée. 506 L. Construction partielle de la 6.e période, Gar. . 511 LI. Construction intégrale de la 6.e période, Gar 516 LII. Construction des 4 périodes infra civilisées. . 520 Intermède, ISSUES DU CHAOS SOCIAL. . . . 523 XIV NOTICE. Partie transcendante du mouvement. Chap. LUI. Détermination du plan de Dieu 526 LIV. Analogies générales du mouvement. 528 LV. Analogies spéciales du mouvement. 532 LVI. Immortalité de l'âme 537 EPILOGUE sur l'analogie et le prix de 12000 fr. parligne. 542 POSTFACE surla cataracte intellectuelle. Duperie du monde savant et des partis politiques 551 I.° Candidature spéculative. 552 2.° Réfutation de la secte Owen 557 3.° Du Simplisme cause de la cataracte. 562 4.° Démonstrationsfamilières de la cataracte 564 5.° CANDIDATURE INDIVIDUELLE. 570 AVANT-PROPOS. ENTRAVES OPPOSÉES AUX INVENTEURS. UN moyen de quadrupler subitement le produit de l'industrie ; de déterminer tous les maîtres à l'affranchissement conventionneldes nègres et esclaves; de policer sans délai tous les barbares et sauvages ( dont la philosophie ne s'estjamais occupée) ; d'établir spontanément toutes les unités en langage, mesures, monnaies, typographie, etc.!!! c'est quelque charlatanerie, diront les beaux esprits. L'auteur a dû prévoir cette défiance qu'excitent les promesses gigantesques; ilne s'exposeraitpas ainsiau soupçon dejonglerie, s'il n'était appuyé de preuves plus que suffisantes. Les charlatans scientifiques ont soin de ne pas heurter l'opinion ; ils prennent desformes patelines, insinuantes; ils évitent les annonces invraisemblables : mais celui qui publie une découverte réelle, ne serait qu'un charlatan s'il ne contredisait personne ; il n'apporterait rien de neuf: Colomb , Galilée, Copernic, Newton, Harwey, Linnée,furent obligés de heurter defront leur siècle, démentir les opinions les plus enracinées. Cependantlesformes académiquess'opposent à ce qu'on donne un démenti aux sciences en crédit; la règle est de distribuer de l'encens à tout le monde, si l'on veut se glisser dans les rangs des sophistes privilégiés. Le rôle d'un invenleur est tout différent ; il n est pas prétendant à l'académie, ni obligé d'en prendre le ton ; il ne peut pas encenser des préjuges qu il vient dissiper. Vouloir qu'un inventeur ne s'ecarte pas des idées reçues, c'est comme si on exigeait qu'un naturaliste, au retour d'un voyage d'exploration , ne presentat aucune plante nouvelle. Ceux qui nous ont rapporte d'Amériquele quina, le tabac, la pomme de terre, le cacao, la vanille , l'indigo , le vigogne , la cochenille, ne nous ont-ils pas mieux servis que s'ils n'eussent rapporté que des espèces déjà connues ? X AVANT-PROPOS. Un moderne a dit avec raison : Le dernier des torts qu'on pardonne est celuid'annoncer desvérités nouvelles. (THOMAS, Eloge de Descartes.), Tel est mon tort, c'est de dévoiler beaucoup de sciences neuves et éminemment utiles; les nouveautés les plus précieuses ont été repoussées à leur 'apparition; la pomme de terre et le café ont étéproscrits pardes arrêts duparlement; la vaccine, le mécanisme à vapeur, ont été de même diffamés dans leur début. C'est un travers inhérent à l'esprit civilisé que de contrecarrer les découvertes, en insulter les auteurs. L'amour-propre des diverses classes trouve son compte à ce vandalisme; lesphilosophesinclinent à étouffer une invention qui compromet leurs systèmes; les badauds se croient de beaux esprits, en raillant, comme au siècle de Colomb, une théorie avant quelle ne soit éprouvée : de là vient que tout le monde s'accorde à repousser les inventions, et même les nouveautés en demifaveur: Sévignéétait applaudie quand elle disait : On se lassera du café comme des tragédies de Racine. Pour motiver la défiance, la persécution contre les inventeurs , on objecte qu'ily a beaucoup de charlatans: c'est lafaute du monde savant qui n'a établi aucunjury d'examen, et quis'est organisé de manière à ne favoriser que l'intrigue. Citez un charlatan qui ait été repoussé, citez un inventeur qui ne l'ait pas été. Les académies, pours'excuser, rejettent lafaute sur lessièclespeu éclairés; le nôtre qui se dit pourvu de lumières, n a-t-il pas éconduit FULTON et LEBON, inventeurs du bateau à vapeur et de l éclairage au gaz ? On peut voir à la Postface un article où les savans françaisse trahissentetse dénoncenteux-mêmes, en croyant s'excuser de cevandalismequ on affecte de condamner pour mieux l'exercer, contre les hommes non protégés, dont la théoriefroisse quelque amour-propre. Renvoyons cette discussion : ilest plus pressant defaire connaître au lecteur le sujet dont on va l'occuper, l'echelle AVANT-PROPOS. XI dessociétéssupérieures à la civilisation, etdontle mécanisme est enfin découvert. L'humanité, danssa carrière sociale, a 36 périodes et parcourir; je donne ici un tableau des premières, quisuffiraauxdocumens contenusdans ce volume. ÉCHELLE DU PREMIER AGE DU MONDE SOCIAL. Voyez pour les 3 autres âges le chap. LIV. Périodes antérieures , à l'industrie. K. Bâtarde sans l homme (530) C. x. x. Primitive , dite Eden. C. 2. 2. Sauvagerie ou inertie. C. 3. Industrie morcelée, mensongère,répugnante. 3. Patriarcat, petite industrie, 4. Barbarie, moyenne ind. 5. Civilisation, grande ind. Industrie sociétaire, véridique, attrayante. 6. Garantisme , demi association. 7. Sociantisme , assoc. simple. C. 4. 8. Harmonisme, assoc. composée.C. 5. Nota. Les lettres C indiquent les époques des créations passées et futures dont on parlera au chap. LIV. Je nefais pas mention des périodes 9 et suivantes, parce que nous ne pouvonsnous élever aujourd'hui qu'à la période 8, déjà infiniment heureuse en comparaison des 4 sociétés existantes. Elle s étendra subitement et spontanément au genre humain tout entier, par la seule influence du bénéfice, du plaisir, et surtout de l'attraction industrielle , mécanisme bien ignoré de nos politiques et mora- listes. On en sent de plus en plus le besoin, car on ne peut amener au travail agricole, Ni les nègres de Saint-Domingue, malgré les amorces, concessions de libertés, avances demoyens ; Ni les nègres du Brésil, malgré les essais d'un colon aussijudicieux que généreux ; Ni les sauvages d' Amérique, malgré les tentatives de la secte Owen, qui s'etoitflattée de découvertesen régime d industrie sociétaire et attrayante, et qui a échoué complettemeni : aucune horde, aucun propriétaire de nègres n'a voulu adopter son système tout opposé à la nature, et si XII AVANT-PROPOS. peu lucratifque cette secte n'ose dire mot de ses bénéfices: ils sont donc bien médiocres! et pourtant la vraie méthode sociétaire, attrayante et naturelle, donnerait dès la Ire année quadruple produit. Combien la secte Owen est loin d'atteindre ni à ce résultat, ni à l'attraction industrielle. Pour créer cette attraction, ilfallait découvrir le procédé nomme Séries Passionnées , exposé dans cet ouvrage. Il s'établitpar degrés dans les périodes 6, 7, 8, du tableau précédent. La période 6 ne crée qu'une demi attraction, et ne séduirait pas encore les sauvages; la 7.° commencerait à les entraîner, la 8.eséduira en outre les riches oisifs. On pourrafranchir les périodes 6 et 7 , grâces à l'invention des Séries Passionnées qui sont le mécanisme de 8.e période. La connaissance de l'échelle des destins sociaux, va dissiper nos préjugés sur le bonheur. Nous avons sur ce sujet des notions si erronées, que la philosophie nous con cède une trentaine de faux droits de l'homme, souveraineté et autres , dont on n'a aucun besoin, puis elle nous refuse les droits naturels au nombre de sept, I. Chasse ; 2. Pêche ; 3. Cueillette; 4. Pâture ; 5. Ligue interne ; 6. Insouciance ; 7. Vol externe. X MINIMUM GRADUÉ

K LIBERTÉS RÉELLES.

Ce n'est que dans la 8e. période qu'on peut obtenir en plein ces libertés , ou des équivalons préférés. Le monde social vapasser a cette 8.e période, enfranchissant les 6. et 7.6, dont la découverte et le parcours auraient pu coûter bien des siècles encore , par influence de l'obscurantisme, vieille plaie intellectuelle que créa la docte antiquité, en nous dépeignant la nature comme impénétrable et voilée d'airain. Ecoutons là-dessus Ciceron : « Latent ista omnia, crassis occultata et circumfusa tenebris, ita ut nulla » acies humani ingenii tanta sit, quae in coelum pene- » trare, in terram intrare possit. » Voilà les visions de voile d'airain bien établies par la docte antiquité. Les modernes donnent dans un autre excès, dans les gasconnades AVANT-PROPOS. XIII surleurs torrens de lumières d'où on ne voit naître qu'indigence,fourberie , oppression, et cercle vicieux. Quelques savans modestes, les Montesquieu, les Voltaire et autres cités, 34, ont voulu faire entendre des opinions plus raisonnables, déclarer que la politique sociale était au berceau, que la raison était égarée dans un labyrinthe, comme l'ont pensé tant d'hommes célèbres qui, depuis Socrale et Arisiote jusqu'à Montaigne, ont dit : « Ce que je sais, c'est que je ne sais rien. » Ces opinions moderées ont dû échouer ; les excès ontprévalu,surtout chez les philosophes tous enorgueillis, comme Crebillon qui pensait qu'après lui on ne pourrait trouver aucun sujet de tragédie. Ainsi les politiques, les métaphysiciens, les mo- ralistes, les économistes, ont cru ou feint de croire qu'on ne pourrait inventer aucune société supérieure à la civilisation et la barbarie qui sont le terme de leurs étroites con- ceptions. Ils sont engouffrés dans des chimères de civilisation perfectible ( réfutées en VI et VII sections); ils sont engoués d'un mesquin budjet de 400,000 f. dans Paris : je prouve à la Postface, que chacund'eux, dans l'étatsociétaire obtiendra de son travailau delà de 400,000f.de revenu. Qu'ils cessent donc de s'alarmer de la découverte des destinées sociétaires ; mais la peur ne raisonne pas, les corporations aveuglées ne rétrogradent pas, on ne peut pas les convertir en masse ; peu importe : ilsuffira d'en desabuser une très-petite minorité, la tenter par l'appât d'une immensité de gloire et defortune assurée à tout ecri- , vain distingué, qui osera le premier dénoncer les chimères dites politique, moralisme , économisme , vraie cataracte qui aveugle l'esprit humain ; ces sciences n'ont aboutiqu'à détourner les nations des voies de progrès en échelle so- ciale. On verra, dans cet ouvrage, qu'un petit essai du régime naturel ou sociétaire applique à 1800 personnes, couvrira de ridicule les sociétée civilisés et barbare; etprouvera qu'elles ne sontpoint la destinée de l' homme. XIV AVANT-PROPOS. Alors finiront nos controverses parasites sur le bonheur, la sagesse, la vertu , la philantropie : il sera prouvé que le vrai bonheur consiste à jouir d'une grande richesse, et d'une variété infinie de plaisirs ; vérité que nos philosophes ont niée , parce que leur science ne peut donner ce genre de bonheur à personne, pas même aux sybarites ni aux monarques. César parvenu au trône du monde, n'y trouve quele vide, ets'écrie: N'est-ce que cela ! Madame de Maintenon dit: « Ne voyez-vous pas que je meurs de tristesse » dans une fortune qu'on aurait eu peine à imaginer, et » qu'il n'y a que le secours de Dieu qui m'empêche d'y » succomber ? » (secours bienfaible s'il la conduit a mourir d'ennui! ) elle ajoute: « que ne puis-je vousfaire voir » l'ennui qui dévore lesgrands, et lapeine qu'ils ont à rem- » plir leur journée ! tous les états laissent un vide affreux, » une inquiétude, une lassitude, une envie de connaître » autre chose. » Horace l'avait dit en d'autres termes : Post equitem sedet atra cura. C'est donc en vain que les sybarites parisiens nous vantent leur talent de VIVRE SI BIEN ET SI VITE ; je prouverai, par un parallèle avec les plaisirs de l'harmonie sociétaire, (période 8.edu tableau précédent ) que leur vie est bien mesquine, bien traînante; et que l'homme le moins riche, le moinsfavorisé dans l' état sociétaire, sera plus heureux que les sybarites parisiens , parce qu il pourra donner cours à ses douze passions dont le développement combiné est le seul gage de parfait bonheur. On persuade aux civilisés qu'ils volent a la perfectibilité , quand ils sont accablés de calamités nouvelles et récentes , dont 24 sont décrites au chap. XLVIII ; entre autres lefléau des dettes publiques , toujours croissant, et qui, à la première guerre entre les occidentaux , amènerait une banqueroute universelle suivie de révolutions. Il est bien d'autres plaies inaperçues: tel est l'empiètement du commerce qui menace de tout envahir, et dont les AVANT-PROPOS. XV gouvernemens commencent enfin à s'alarmer; la théorie sociétairepeut seule enseigner lesmoyens d'abattre ce Titan politique. ( Voyez 6.e section. ) Le vice de nos soi-disant régénérateurs est d'accuser tel ou tel abus, au lieu d'accuser la civilisation entière qui n'est qu'un cercle vicieux d'abus dans toutes ses parties; il faut sortir de cet abîme. J'en indique 32 issues, p. 523. Depuis 3000 ans, la philosophie ne sait inventer aucune disposition neuve en politique industrielle et sociale ; ses innombrables systèmes ne reposent que surla distribution parfamilles, réunion la pluspetite et la plusruineuse; quelle stérilitéde génie ! Voici enfin des idées neuves une théorie qui s' aux vues des gouvernemens, au lieu de les harcelerpar des visions philantropiques, vrais masques dagitateurs; tout ministre goûtera une méthode qui, quadruplant le revenu enectit, permettra de doublersubitement les impôts tout en dégrevantles administrés demoitié, en sens relatif. (Ils nepaieront que double sur un produitquadruple. p. 9.) effet plus brillantsera d'opérer sur le monde entier, sauvage, barbare, civilisé ; métamorphoserle toutpar un essai borné à une lieue carrée et 1800 personnes. Quel con- traste avec laphilosophie qui bouleverse des empires, de fond en comble, sans aucune garantie de bons résultats, ni d' accession des barbares et sauvages! La pauvre civilisationfait des efforts gigantesquespour des riens ; envoi d'arméesde terre et de mer pour délivrer peut-être un dixième de la Grèce ; révolutions et massacres pour essais sur l émancipationdes nègres; tentativesinfructueuses de secours à l'indigence ; tous ces travaux vont finir : le genre humain va être affranchi et secouru TOUT ENTIER ; liserallierapartoutà l'industrie attrayante, ès qu'ilsaura , par essai sur un canton , les prodiges de richesse, de plaisirs et de vertus qu'on en recueille. XVI AVANT-PROPOS. Làfiniront les chimères et lesfureursde l'esprit de parti: chacun en voyant la vraie destinée de l'homme, la mécanique des passions, sera si confus des absurdités civilisées , qu'on opinera à les oublier au plus vite. Obligé de démasquerici des professions vicieuses , commerce et autres , je ne blâmepas ceux qui en profitent : le tort est a la politique civilisée qui pousse les peuples au vice , en ne leur ouvrant d'autre voie defortune que la pratique de lafourberie. Ilfaudra clefréquentes redites pour dissiper certains préjugés , les illusions , « de tendre a la PERFECTIBILITÉ , dans cette civilisation ou le malfait dix pas en avant quandle bien enfaitun » : de tendre à la richesse par l'industrie morcelée dont lefaible produit, borné au quart de la sociétaire, est illusoire par le vice de population illimitée : de vouloir établir des moeurs avant d'avoir inventé le régime d'attraction industrielle, seul garant de bonnes moeurs et de juste répartition, 362. 872. Onfait à Paris une tentative d'extinction de la mendicité, tentativeet non pas moyen réel : le comité ignore qu'il faut opérer sur la campagne avant d'opérer sur la ville ; effectuer la réforme industrielle en agriculture,fabriques, commerce et ménage. Qu'on se dispense de recherches : dès ce moment on a l'option sur les moyens réels d'extirper et de plus prévenir cette lèpre, par avènement aux phases 2, 3, 4, du tableau page 552. Tant d'écrivains cherchent un sujet neuf: voici le plus fécond qui se soitjamais présenté. Je puis à peine en traiter la 20e partie:( voyez analogie 542. ) la proie est ample pour les coopérateurs : je doisy préluderpar une Préface réfutant nos prétendues perfections sociales, qui ne sont que l'absence de toute sagesse, que le monde à rebours en politiqueet en industrie, que lafolle prétention d'aveugles qui conduisent des aveugles. ÉVANGILE. PRÉFACE. ARTICLE PREMIER. EXPOSÉ ET NOTIONS PRÉPARATOIRES. IL n'est pas de désir plus général que celui de doubler son revenu par un coup de fortune, comme un riche mariage, un héritage, une sinécure ; et si l'on trouvait le moyen d'élever le revenu de chacun, non pas au dou- ble, mais au quadruple, en valeur réelle, une telle découverte serait assurément la plus digne de l'atten- tion générale. Tel sera le fruit de la méthode sociétaire naturelle

en France, le produit annuel, estimé six milliards, s'é- lèvera a vingt-quatre, des la première année de régime sociétaire ; même proportion pour les autres empires. La richesse la plus colossale serait illusoire, si elle n'é- tait soutenue d'un ordre distributif garantissant

Répartition proportionnelleet participationde la classe

pauvre à cet accroissement de produit

Equilibre de la population, dont le progrès illimité neutraliserait bientôt un quadruplementet même

un dé- cuplement de richesse effective. Ces problèmes, écueil des sciences modernes, sont pleinement résolus par la découverte du mode sociétaire naturel, dont on va lire un traité abrégé. Le titre de Nouveau Monde industriel m'a paru le plus exact pour désigner ce bel ordre sociétaire qui entre autres propriétés, possède , celle de créer l'attraction industrielle

on y verra nos oisifs, même les petites maîtresses, être sur pied dès les quatre heures du matin

I 2 PREFACE. en hiver comme en été, pour se livrer avec ardeur aux travaux utiles, au soin des jardins et basses-cours, aux fonctions du ménage, des fabriques et autres, pour lesquelles le mécanisme civilisé inspire du dégoût à toute la classe riche. Tous ces travaux deviendront attrayansparl'influence d'unedistributiontrès-inconnue, que je nommerai Séries passionnées, ou Séries de groupes contrastés: c'est le mécanisme auquel tendent toutes les passions, le seul ordre conforme au voeu de la nature. Le sauvage n'adoptera jamais l'industrie, tant qu'il ne la verra pas exercée, en Séries passionnées. Dans ce régime, la pratique de la vérité et de la justice deviennent voie de fortune ; et la plupart des vices dégradans selon nos moeurs, comme la gourmandise, deviennent voie d'émulation industrielle

de sorte que lesraffinemensgastronomiquesy sont encouragés comme ressorts de sagesse ; un tel système est l'opposé du mécanisme civilisé qui conduit à la fortune par le mensonge, et place la sagesse dansles austérités.D'après ce contraste, l'état civilisé où règnent le mensonge et l'industrie répugnante, sera surnommé monde à rebours ; et l'état sociétaire, monde à droit sens, fondé sur l'emploi de la vérité et de l'industrie attrayante. C'est surtout pour les savans et artistes que le régime sociétaire sera nouveau monde et monde à droit sens, ils y obtiendront tout à coup l'objet de leurs voeux les plus ardens, une immense fortune, vingtuple et centuple de ce qu'ils peuvent espérer dans l'état civilisé, vraisentier de ronces pour eux ; ils y sont abreuvés de tous les dégoûts, soumis à toutes les servitudes. Quant aux autres classes à qui j'annonce le quadruple revenu, elles vont d'abord me suspecter d'exagération ; mais la théorie sociétaire est si facile à comprendre, que chacun pourra en être juge, et apprécier au plusjuste s'il est vrai que la méthode naturelle décrite ici sous le nom de Séries passionnées , doive donner un produit quadru¬ PRÉFACE. 3 ple de celui de notre industrie morcelée et subdivisée en autant d'exploitationsqu'il y a de couples conjugaux. Unpréjugé a de tout temps empêché lesrecherches sur l'association

on a

dit

«

Il est impossible de réunir en » gestion domestiquetrois ou quatre ménages, sans que la » discorde ne s'y manifeste au bout d'une semaine, sur- » tout parmi les femmes

il est d'autant plus impossible » d'associer trente ou quarante familles, et à plus forte » raison trois ou quatre cents. » C'est très-faussement raisonné

car si Dieu veut l'économie et la mécanique, il n'a pu spéculer que sur l'association du plus grand nombre possible ; dès lors l'insuccès sur de petites réunions de trois et de trente fa- milles était un augure de réussite sur le grand nombre sauf à rechercher préalablement ,

la théorie d'association naturelle ou méthode voulue par Dieu, et conforme au voeu de l'attraction, qui est l'interprètede Dieuen méca- nique sociétaire. Il dirige l'univers matériel par attrac- tion ; s'il employait un autre ressort pour la direction du monde social, il n'y aurait pas unité, mais duplicité d'action dans son système. L'étude de l'attraction passionnée conduitdirectement a la découverte du mécanisme sociétaire

mais si l'on veut étudier l'association avant l'attraction , l'on court le risque de s'égarer pendant des siècles dans les fausses méthodes, de se rebuter et de croire à l'impossibilité ; c'est ce qui arrive aujourd'hui, où le problème de l'association , qu'on avait négligé pendant trois mille ans commence enfin à fixer , l'attention du monde savant. Depuis quelques années on écrit surle mot Association sans connaître la chose, sans même déterminerle but du lien sociétaire, les formes et méthodes qu'il doit adopter les conditions qu'il doit remplir, les résultats qu'il doit onner. Ce sujet a été traité si confusément, qu'on n'a pas même songé à ouvrir un concours sur la marche à suivre dans une étude si neuve. Ce concours aurait con- duit a reconnaître qu'on ne peut pas réussir par les I. 4 PREFACE. moyens connus, et qu'il faut en chercher d'autres dans les sciences encore vierges et intactes, surtout dans celle de l'attraction passionnée,science manquée par Newton qui y touchait de près. Démontrons quelle est l'unique voie de succès en association. Si les pauvres, la classe ouvrière, ne sont pas heureux dansl'état sociétaire,ils le troubleront parlamalveillance, le vol, la rébellion ; un tel ordre manquera le but, qui est d'associerle passionnel ainsi que le matériel, de concilier les passions, les caractères, les goûts , les instincts et inégalités quelconques. Mais si pour satisfaire la classe pauvre on lui assure un bien-être, l'avance d'un minimum copieux en subsistance, vêtement, etc., ce sera la pousser à la fainéantise ; on en voit la preuve en Angleterre où le secours annuel de 200 millions aux indigens n'aboutit qu'à multiplier le nombre des mendians. Le remède à cette fainéantise et aux autres vices qui désorganiseraient l'association, est donc la recherche et la découverte d'un mécanisme d'attraction industrielle, transformant les travaux en plaisirs, et garantissant la persistance du peuple au travail, et le recouvrement du minimum qu'on lui aura avancé. D'après ces considérations, si l'on eût voulu procéder méthodiquement en théorie sociétaire, il eût fallu avant tout mettre au concours l'étude de l'attraction passionnée, par analyse et synthèse, afin de découvrir si elle fournit des ressorts d'attraction industrielle. Telle devait être la marche régulière que n'ont pas entrevue ceuxqui ont écrit vaguement et superficiellementsurl'association. S'ils eussent étudié l'attraction, ils auroient découvert la théorie des Séries passionnées, sanslaquelle il est impossible de fonder le mécanisme sociétaire, car on ne peut pas sans les Séries passionnées remplirles conditions primordiales , telles que Attraction industrielle, Répartition proportionnelle, Equilibre de population. PRÉFACE. 5 Outre les écrits, on a fait des tentatives pratiques en as- sociation , des essais en Amérique et en Angleterre. Une secte dirigée par M. Owen prétend quelle fonde l'état sociétaire ; elle fait tout le contraire

elle travaille à décréditer l'idée d'association , par la fausseté de sa méthode contraire en tous sens à la nature ou attraction. Aussi la secte Owéniste n'a-t-elle séduit ni les sauvages ni les civilisés voisins

aucune horde, aucune province

des Etats-Unis n'a voulu adopter ce régime monastique de communauté des biens, ce demi-athéismeou absence de culte divin, et autres monstruosités que M. Owen décore du nom d'association. Il joue sur un mot en crédit; il en fait un objet de spéculation en s'affublantdeformes philantropiques

et l'apathie des corps savans sur ce grand problème, leur négligence de préciser les conditions a

remplir et le but à atteindre, dorment beau jeu aux intrigans pour égarer l'opinion sur ce sujet. Aucun des écrivains ou des entrepreneurs n'aborde le fond de la question, le problème d'associer en gestion agricole et domestique, non-seulement les facultés pécuniaires et industrieuses d'une masse de familles inégales en fortune, mais associer les passions, caractères, goûts, instincts; de les développer dans chaque individu sans froisser la masse ; faire éclore dès le plus bas âge les voca- tions industrielles qui sont nombreuses chez l'enfant, placer chacun aux divers postes où la nature l'appelle, varierfréquemment les travauxet les soutenirde charmes suffisans pour faire naître l'attraction industrielle. Au lieu d'envisager ainsi la tâche, on n'a fait qu'effleurer le sujet, donner, sur l'association, du bel esprit sans théorie ; il semble qu'on n'ait soulevé cettequestion que pour l'étouffer. Aussi le mot Association est-il pro- fané, déconsidéré. Les uns le prennent pour masque d'intrigues électorales et menées d'agiotage ; d'autres y voient un ressort d'athéisme , parce que la secte Owen , par la suppression du culte divin, s'est attiré en Amérique le nom de secte d'athées. Tous ces incidens répandent sur 6 PRÉFACE. la vraie association tant de défaveur que je n ai pas cru convenable de placer dans le titre de mon abrégé ce mot Association,devenuvide de sens depuis qu'ilsert de manteau à toutes les intrigues. Plus on a abusé du mot, plus il importe de donnersur la chose des notions préliminaires, et disposer le lecteur à concevoir que la vraie association, l'art d'appliquer à l'industrie toutes les passions, tous les caractères, goûts et instincts, étant un nouveau monde social et industriel, il doit s'attendre à trouver dans cette théorie des principes tout opposés à ses préjugés , qui lui dépeignent l'état civilisé comme voie de perfection et destinée de l'homme, quand il est évident que le peuple des pays les plus civilisés est aussi malheureux aussi pauvre que les populaces barbares de la Chine et de l'Indostan ; et que l'industrie morcelée ou ménage de famille n'est qu'un labyrinthe de misères, d'injustice et de fausseté. Fixons d'abord l'attention sur le résultat le plus saillant du régime sociétaire, le quadruple produit. Une grande réunion n'emploierait dans diversesfonctions que le centième des agens et machines qu'exige la complication de nos petits ménages. Au lieu de 300 feux de cuisine et 300 ménagères, on n'aurait que 4 ou 5 grands feux préparant des services de divers degrés, assortis à 4 ou 5 classes de fortune , car l'état sociétaire n'admet point d'égalité. Il suffirait d'une dixaine de personnes expertes, pour remplacer les 300 femmes qu'emploie le régime civilisé dépourvu des nombreuses mécaniquesdont on ferait usage dans une cuisine préparant pour 1800 personnes ( c'est le nombre le plus convenable ). Cette réunion abonnerait chacun à des tables et services de divers prix , sans aucun assujétissement contraire aux libertés individuelles. Le peuple, dans ce cas, dépenserait bien moins pour faire bonne chère, qu'aujourd'hui pour vivre pitoyablement. L'épargne de combustible serait immense, et assurerait la restauration des forêts et climatures, bien PRÉFACE. 7 mieux que ne feront cent codes forestiers inexécutables. Le travail de ménage serait tellement simplifié, que les sept huitièmes des femmes de ménage et des domestiques deviendraient disponibles et applicables aux fonctions productives. Notre siècle prétend se distinguer par l'esprit d'association ; comment se fait-il qu'en agriculture il adopte la distribution par familles, qui est la moindre combinaison possible? On ne peut pas imaginer de réunions plus petites, plus anti-économiqueset plus anti-sociétaires que celles de nos villages, bornées à un couple conjugal, ou une famille de cinq ou six personnes; villages construisant 300 greniers, 300 caves, placés et soignés au plus mal, quand il suffirait, en association, d'un seul grenier, une seule cave, bien placés, bien pourvus d'attirail , et n'occupant que le dixième des agens qu'exige la gestion morcelée ou régime de famille. Par fois des agronomes ont inséré dans les journaux quelques articles sur les énormes bénéfices que l'agriculture obtiendrait des grandes réunions sociétaires, si l'on pouvait concilier les passions de deux ou trois cents familles exploitant combinément, et effectuer l'association en passionnel comme en matériel. Ils en sont restés sur ce sujet à des voeux stériles, à des doléances d'impossibilité qu'ils motivent sur l'inégalité des fortunes, les disparates de caractère, etc. Ces inégalités , loin d'être un obstacle , sont au contraire le ressort essentiel

on ne peut pas organiser des Séries passionnées

sans une grande inégalité de fortunes, caractères, goûts et instincts

si cette échelle d'inégalités n'existait pas, il faudrait la créer, l'établir en tous sens, avant de pou- voir associer le passionnel. Nous voyons dans le régime civilisé des lueurs d'association matérielle seulement, des germes qui sont dus à l instinct et non à la science. L'instinct apprend à cent familles villageoises qu'un four banal coûtera beaucoup moins, en maçonnerie et combustible, que cent petits 8 PRÉFACE. fours de ménage, et qu'il sera mieux dirigé par deux ou trois boulangers exercés, que les cent petits fours, par cent femmes qui manquerontdeux fois sur trois le juste degré de chaleur du four et cuisson du pain. Le bon sens a appris aux habitans du nord, que si chaque famille voulait fabriquer sa bière, elle coûterait plus cher que les bons vins. Une réunion monastique , une chambréemilitaire, comprennent par instinct qu'une seule cuisine , préparant pour trente convives , sera meilleure et moins coûteuse que trente cuisines séparées. Les paysans du Jura voyant qu'on ne pourrait pas, avec le lait d'un seul ménage, faire un fromage nommé Gruyère, se réunissent, apportent chaque jour le lait dans un atelier commun, où l'on tient note des versemens de chacun, chiffrés sur des taillons de bois ; et de la collection de ces petites masses de lait, on fait à peu de frais un ample fromage dans une vaste chaudière. Comment notre siècle, qui a de hautes prétentions enéconomisme,n'a-t-il pas songé à développer ces petits germes d'association, en former un système plein, appliqué à l'ensemble des sept fonctions industrielles

savoir : 1.° Travail domestique , 2.° agricole , 3.° manufacturier, 4.° — commercial , 5.°— d'enseignement , 6.° Etude et emploi des sciences , 7.°—— — des beaux arts; fonctions qu'il faut exercer cumulativement dans la plus grande réunion possible. On verra, par la théorie suivante, qu'elle doit être de 1800 personnes. Au-dessus de 2000, elle dégénérerait en cohue, tomberait dans la complication ; au-dessous de 1600, elle serait faible en liens, sujette aux fautes de mécanisme, aux lacunes d'attraction industrielle. Cependant on pourra faire à peu de frais une épreuve PRÉFACE. 9 réduite au tiers du nombre, à six ou sept cents personnes ; les résultats seront moins brillans, moins lucratifs, mais ils suffiront à prouver qu'une réunion , élevée au nombre suffisant, à mille huit cents, réaliserait en plein les bénéfices et les accords décrits dans la théorie suivante. Dès qu'il aura été constaté par cet essai, que le mécanisme nommé phalange de Séries passionnées, crée l'attraction industrielle, on verra l'imitation aussi rapide que l'éclair

tous les sauvages

, tous les nègres d'Afrique embrasseront l'industrie : on aura, deux ou trois ans après, le sucre à échange, poids pour poids, contre le blé, et proportionnément les autres denrées de la Zone Torride. Un autre avantage entre mille, sera d'éteindre subitement les dettes publiques en tous pays, par suite du quadruple produit

lorsque celui de France, qu'on estime six milliards , sera élevé à vingt-quatre, le fisc percevra bien plus aisément deux milliardssur vingt-quatre qu'aujourd'hui un sur six. Il y aura dégrèvementrelatif de moitié , malgré le doublement effectif de l'impôt. Il convient de présenter d'abord cette perspective aux lecteurs français et anglais, surtout à l'Angleterre où le fardeau de la dette est si accablant. La France marche rapidement à cet écueil, et a d'autant plus besoin de la découverte que je publie. Doit-on s étonner que l'invention d'une théorie qui va changer la face du monde, ait été retardée jusqu'à nos jours ? On ne l'a jamais cherchée, elle a du rester inconnue. On peut bien trouver par hasard un trésor, une mine d'or ; mais une théorie qui exige des calculs ne se découvre pas tant qu'on ne la cherche point, et qu'onne la propose pas au concours. D'ailleurs ce n est guères que depuis un siècle qu'on s'occupe de théories industrielles. L'antiquité ne fit sur 10 PRÉFACE. ce sujet aucune étude

elle était entravée par l'esclavage qui aurait mis beaucoup d'obstacles à l'invention du mé- canisme sociétaire impraticable avec des esclaves. Les modernes qui n'étoient plus gênés par la coutume de l'esclavage, auroient pu spéculersurl'association agricole et domestique, mais leurs économistes ont été arrêtés par un préjugé qui persuade que le morcellementou culture subdivisée par familles, est nature de l'homme, destinée immuable. Toutes leurs théories reposent sur cette erreur primordiale, fortement étayée parla morale qui ne voit la sagesse que dans les relations de famille, dans la multiplication des chaumières. Les économistes ont donc sanctionné comme nécessaires les deux vices radicaux qu'ils ont trouvés établis, le morcellement de l'agriculture et la fausseté du commerce livré à la concurrence individuelle qui est toutemensongère et complicative, élevant le nombre des agens au vingtuple de ce qu'emploierait le régime véridique. Sur ces deux vices repose la société qu'on nomme civilisation, qui loin d'être la destinée du genre humain, est au contraire la plusvile dessociétésindustrielles qu'il peut former ; car c'est la plus perfide, à tel point qu'elle excite le mépris des barbares mêmes. Du reste la civilisation occupe en échelle du mouvement un rôle important, car c'est elle qui crée les ressorts nécessaires pour s'acheminer à l'association

elle crée la grande industrie, les hautessciences et les beaux arts. On devait faire usage de ces moyens pour s'élever plus haut en échelle sociale, ne pas croupir à perpétuité dans cet abîme de misères et de ridicules, nommé civilisation, qui avec ses prouesses industrielles et ses torrens de fausses lumières , ne sait pas garantir au peuple du travail et du pain. Sur d'autres globes comme sur le nôtre, l'humanité est obligée de passer environ une centaine de générations en mécanisme faux et morcelé , comprenant les quatre périodes, sauvage, patriarchale, barbare et civilisée ; et PRÉFACE. II d'y languirjusqu'à ce quelle ait rempli deux conditions, I.° Créer la grande industrie, les hautes sciences et les beaux arts; ces ressorts étant nécessaires à rétablissement du régime sociétaire qui est incompatible avec la pauvreté et l'ignorance. 2.° Inventer ce mécanisme sociétaire, ce nouveau monde industriel opposé au morcellement. On avoit poury réussir des voies tres-nombreuses dont je traiterai à la suite de cet abrégé, on les a toutes négligées, entre autres le calcul de l'attraction passionnée que recommandaient les succès de Newton en calcul de l'attraction matérielle. La première condition était fort bien remplie, nous avons depuis long-temps poussé l'industrie , les sciences et les arts au degré suffisant. Les Athéniens auraientdéjà pu fonder le régime sociétaire, en substituant à l'esclavage les rachats payables par annuités. Mais la deuxième condition n'a point été remplie : depuis cent ans qu'on commence à s'occuperde l'industrie, on n'a pas songé à inventer un mécanisme opposé au morcellement, aux petits ménages de famille : on n'a pas même proposé la recherche d'un régime d'industrie combinée en fonctions domestiques et agricoles. On propose des prix par centaines pour des controverses insignifiantes, des écrits parasites, et pas une petite médaille pour l'invention du procédé sociétaire naturel. Cependant chacun s'aperçoit que le monde social n'est point arrivé au but, et que le progrès de l'industrie n'est qu'un leurre pour la multitude. Dans l'Angleterre tant vantée, la moitié del a population est réduite à travailler seize heures par jour , une partie même dans des ateliers infects, pour gagner sept sous de France dans un pays où la subsistance est plus coûteuse qu'en France. Combien la nature est sage en inspirant aux sauvages un profond dédain pour cette industrie civilisée, fatale à ceux qui l'exercent et profitable seulement aux oisifs et à quelques chefs ! Si l'industrie n'était destinée qu'à produire ces 12 PRÉFACE. scandaleux résultats, Dieu ne l'aurait pas créée, ou bien il n'aurait pas donné aux humains cette soif de richesses que l'industrie civilisée et barbare ne peut pas satisfaire, car elle plonge dans la misère toute la multitude industrieuse pour enrichir quelquesfavoris, qui encore se trouvent pauvres, à les en croire. En réplique aux sophistes qui nous vantent ce chaos social comme une marche rapide vers la perfectibilité croissante, insistons surles trois conditions primordiales de sagesse sociale ; dont aucunene peut être remplie dans le régime civilisé

ce sont 

Attraction industrielle, Répartition proportionnelle, Equilibre de population, Economie de ressorts. C'est un sujet fort neufsur lequel il faut quelques re- dites pour dégager le lecteur de ses nombreux préjugés, et le rallier à des principessûrs. J'ai fait observer que si le peuple civilisé jouissaitd'un minimum copieux, d'une garantie de nourriture et d'entretien décent, il s'adonnerait à l'oisiveté parce que l'industrie civilisée est très-répugnante; il faudra donc, en régime sociétaire , que le travail soit aussi attrayant que le sont aujourd'hui nos festins et nos spectacles: dans ce cas, le remboursement du minimum avancé, sera garanti par l'attraction industrielle ou passion du peuple pour des travaux très-agréables et très-lucratifs

passion qui ne pourra se soutenir qu'autant qu'on aura une méthode de répartitionéquitable, allouant à chaque individu, homme, femme ou enfant, trois dividendes affectés à ses trois facultés industrielles, Capital, Travail et Talent, et pleinement satisfaisans pour lui. Quel que fût ce bien-être, le peuple retomberait bientôt dans le dénûment, s'il multipliait sans bornes, comme la populace de civilisation, les fourmilières d'Angleterre , France, Italie,Chine,Bengale , etc. Il faut donc découvrir un moyen de garantie contre l'accroisse¬ PRÉFACE. 13 ment indéfini de population. Nos sciences n'indiquent aucun préservatif de ce fléau, contre lequel la théorie de l'attraction passionnée fournit quatre garanties, dont aucune ne peut être introduite en civilisation , cette so- ciété étant incompatible avec les garanties sociales , ainsi qu'on le verra aux sixième et septième sections. Il est bien d'autres vices contre lesquels le régime so- ciétaire devra posséder des garanties efficaces ; le vol suffirait à lui seul pour faire avortertoutes les tentatives d'association

ces préservatifs se trouvent dans le mécanisme des Séries passionnées

, et la civilisation ne peut s'en approprier aucun : elle échoue dans toutes les ga- ranties dont elle veut faire l'essai

souvent elle aggrave le mal, comme on l'a vu dans l'affaire de la traite des

nègres et celle de la responsabilité financière. Il existe une théorie spéciale sur les garanties, et nos sciences l'ont manquée comme la théorie d'association. Celle-ci ouvre à l'ambition individuelle une chance bien magnifique

on voit quantité de personnages re- marquables par le rang, la fortune, les lumières, s'agiter pendant de longues années pour obtenir le poste de

ministre, et souvent de moindres places; on les voit fréquemment échouer après de pénibles efforts, et en concevoir un chagrin perpétuel. Voici, pour les ambitieux honorables, une carrière toute neuve et bien autrement brillante que celle de ministre amovible. Ici le succès ne sera ni douteux, ni différé, le rôle de fondateur de l'association n'exigera aucune intrigue, et élevera de prime-abord le prétendant au faîte de la fortune et de la gloire. Tout homme ou femme libre, ayant un capital de cent mille francs, à faire valoir sur hypothèque, et jouissant d'un relief suffisant pour s'établir chef d'une com- pagnie d'actionnaires portée à deux millions de capital, peut fonder l'association naturelle ou industrie attrayante, la répandre subitement par tout le globe , convertir les sauvages à l'agriculture, les barbares à des moeurs plus 14 PRÉFACE. policées que les nôtres , effectuer l'affranchissement convenu des esclaves, sans retour à la servitude, l'établissement universel des unités de relations en langage, mesures , monnaie , typographie, etc.; opérer cent autres prodiges dont il recevra une éclatante récompense, par le vote unanime des souverains et des nations. Les avantages assurés à ce fondateur et à ses actionnaires ou coopérateurssont si immenses , qu'il faut différer à les faire connaître. Je traiterai ce sujet à sa postface , article Candidature. J'insiste sur la pauvreté des chances actuelles de célébrité et de bénéfice ; elles exigent des travaux effrayans, elles exposentà des contrariétés sans nombre. Le feu duc de La Rochefoucault-Liancourts'était distingué dans une carrière d'utilité, celle d'encouragement de l'industrie

il en a recueilli beaucoupde tribulations, et, je pense, peu de bénéfice

il a de plus manqué son but 5 qui était d'améliorerle sort des classes ouvrières. On verra plus loin que le progrès industriel n'est pour le peuple qu'un écueil de plus, tant que dure la civilisation. En 1827, un banquier de haut crédit avait formé le pland'une société commanditaire de l'industrie, et avait déjà réuni 25 millions, avec espoir d'élever ce fonds à 100 millions. Il en serait résulté de belles entreprises , qui auraient illustré leur auteur; mais aussitôt des entraves sont survenues, et la société a dû se dissoudre. Le même banquier, voulant tenter une grande combinaison économique sur les trente-sept brasseries de Paris, et les réunir en une seule, avait formé pour cette affaire une compagnie versant 30 millions de capital: elle a rencontré des obstacles, des résistances, elle a avorté après beaucoup de démarches pénibles. Il est donc, avéré par les faits, qu'il ne reste aux gens riches aucune carrière d'illustration facile , profitable et exempte de contrariété. Celle qui s'ouvre aujourd'hui pour eux, réunit tous les avantages, et ne présente aucun obstacle. Elle sert PRÉFACE. 15 les intérêts des gouvernemens et des peuples, des riches et des pauvres; elle garantit la rapidité d'opération

en moins de deux mois d'exercice, la question sera décidée

sans nulle incertitude ; en deux mois, le fondateur aura déterminé le changement de sort du monde entier, l'abandon des trois sociétés , civilisée, barbare et sauvage , et l'avènement du genre humain à l'unité sociétaire, qui est sa destinée. Et pour obtenir ce triomphe, cent fois plus brillant que ceux des conquérans, faut-il une fortune colossale ? Non, il suffit d'un patrimoine bourgeois, comme celui d'un éligible, trois cent mille francs, dont cent mille en capitaux disponibles, qu'il affectera sur hypothèque et à gros intérêt, a la fondation d'epreuve du mécanisme sociétaire. La facilité de cette entreprise, la garantie de prompt succès, reposent sur ce qu'elle s'accorde avec toutes les passions. Je l'ai prouvé sur la grande question de l'affranchissement des esclaves. Il sera convenu, consenti et même provoqué par les maîtres impatiens de profiter des bénéfices de l'état sociétaire, dès-lors aucune classe ne sera froissée dans ses intérêts pécuniaires, tandis qu'en suivant les méthodes connues, celles des Brissot, des Vilberforce et des sociétés d'abolition de la traite, on compromet les intérêts des possesseurs d'esclaves. Remarquons bien cette propriété inhérente au méca- nisme sociétaire, contenter toutes les classes, tous les par- tis ; c'est par cette raison que le succès en sera si facile, et qu'une petite épreuve tentée sur 700 personnes, décidera subitement la métamorphose générale , parce qu on y verra réalisés tous les bienfaits que la philosophie se borne à rêver, liberté réelle, unité d'action, règne de la vérité et de la justice devenues voies de fortune ; mais dans l'ordre civilisé où la vérité et la justice ne conduisent pas a la fortune, il est impossible qu'elles soient préférées; aussi voit-on la fourberie et l'injustice dominer dans toute législation civilisée, et s'accroître en raison des progrès de l industrie et des sciences. 16 PRÉFACE. Le peuple, en pressentimenssur la destinée, est meilleur juge que les savans ; il donne à l'état civilisé le nom de monde à rebours, idée qui implique la possibilité d'un monde à droit sens dont il restait à découvrir la théorie. La classe savante n'a pas pressenti ce nouveau monde social que lui indiquait l'analogie ; nous voyons dans la nature matérielle , une double distribution, celle du faux et du vrai ; L'ordre combiné et juste parmi les planètes, L'ordre incohérent et faux parmi les comètes. Les relations sociales ne sont-elles pas sujettes à cette dualité de marche ? ne peut-il pas exister un ordre de vérité et liberté, par opposition à l'état de fausseté et contrainte qu'on voit régner sur notre globe ? Le progrès de l'industrie et des lumières n'y sert qu'à accroître la fausseté générale des relations, et la pauvreté des classes qui portent le faix de l'industrie

nos plébéiens, nos

ouvriers, sont bien plus malheureux que le sauvage qui vit dans l'insouciance, la liberté, et par fois dans l'abondance, quand la chasse ou la pêche ont réussi. Les philosophes, d'après leurs propres doctrines, auraient dû entrevoir la vraie destinée de l'homme, et la dualité de mécanisme en mouvement social, comme en mouvement matériel; ils s'accordent tous à enseigner qu'il y a unité et analogie dans le système de l'univers; écoutons sur cette thèse l'un de nos métaphysiciens célèbres; « L'univers est fait sur le modèle de l'âme humaine, » et l'analogie de chaque partie de l'univers avec l'en- » semble est telle que la même idée se réfléchit con- » stamment du tout dans chaque partie, et de chaque » partie dans le tout. » SCHELLING. Rien n'est plus vrai que ce principe : l'auteur et ses disciples devaient en conclure que si le monde matériel est sujet à deux mécanismes, combinaison planétaire et incohérence cométaire, le monde social doit être de PRÉFACE. 17 même sujet à deux mécanismes, autrement il n'existerait point d'analogie entre les deux mondes matériel et so- cial , point d'unité dansle système de l'univers.Et comme il est évident que nos sociétés civilisée , barbare etsauvage sont l'état d'incohérence et de fausseté, le monde à re- bours, il fallait chercher les voies du monde à droit sens ou régime de vérité et d'harmonie sociétaire applicable aux passionset à l'industrie et encourager cette recherche par des concours et prix. Le hasard m'ayant livré le germe de cette théorie en 1798 , je suis parvenu, en trente ans de travail, à la sim- plifier au point de la mettre à portée des hommes les moins instruits, et même des personnes frivoles et en- nemies de l'étude

c'est un calcul de plaisirs, il est de la compétence des femmes comme des hommes. Toute femme qui désire s'illustrer et qui a quelques moyens pécuniaires , peut prétendre à la palme de fon- datrice de l'unité universelle, ets'établir chef de la com- pagnie d'épreuve. Ce rôle aurait bien convenu à Madame de Stael qui aspirait à une grande célébrité et qui avait une fortune vingt fois plus que suffisantepour se mettre a la tête de la fondation. Certains hommes sans fortune peuvent aussi prétendre a ce triomphe ; un écrivain en crédit peut décider quelque ami de l'humanité, comme le roi de Bavière, à faire l épreuve sociétaire. Dans ce cas l'homme qui aura concouru à cette fondation, à titre d'orateur ou promoteur, participera au lustre et à la récompense du fondateur. C'est une entreprise pour laquelle on peut indiquer en Europe cent mille candidats pourvus des moyens né- cessaires; il ne sera pas difficile d'en décider un, en lui démontrant qu'il en va recueillir l'immensité de fortune et de gloire. Je reviendrai sur ce sujet qui serait ici trop éblouissant. Le plus heureux favori de cour ne peut pas obtenir un petit royaume héréditaire, comment croi- rait-on que le fondateur de l'état sociétaire obtiendra un vaste empire ? cela sera très-exactement démontré. 2 18 PRÉFACE. ART. II. ÉNORMITÉ DU PRODUIT SOCIÉTAIRE. Une des causes qui ont retardé l'invention du mécanisme sociétaire, c'est qu'on a manqué à la précaution de présenter comme motif d'espérance et stimulant d'étude , un tableau des immenses bénéfices de l'association. L'on pourrait en remplir plusieurs volumes; je vais me borner à quelques pages, où je supposerai l'association établie partout, et les villages remplacés par des phalanges industrielles d'environ 1,800 personnes. Distinguonsleurs bénéfices en négatifs et positifs. Le bénéfice négatif consistera à produire sans rien faire, plus que des civilisés forçant de travail. Par exemple : j'ai prouvé qu'une cuisine sociétaire épargnerait en combustible les 9/10, et en ouvriers les 19/20 de ce qu'emploient les cuisines des ménages. Outre le produit de toutes ces épargnes, on aurait celui d'une fabrication bien améliorée, le profit serait positif et négatif à la fois , car à l'épargne prodigieuse de combustible, se joindrait l'avantage de restauration des forêts, sources, climatures. Continuons sur l'hypothèse d'exploitation sociétaire : je l'applique à la pêche des petites rivières. On peut, par inaction combinée, par accord sur les époques d'ouverture et clôture de la pêche, décupler la quantité du poisson et le conserver dans des réservoirs à engrais. Ainsi par la seule inaction, les réunions sociétaires dites phalanges industrielles, obtiendront dix fois plus de poisson, en employant à la pêche dix fois moins de temps et de bras que nous, et en se concertant pour la destruction des loutres dans toute région. Voilà divers points surlesquels le bénéfice est décuple et vingtuple du nôtre , je n'exagère donc pas en estimant le produit sociétaire au quadruple du nôtre, et l'on verra que ce moyen terme est au-dessous de la réalité. Que PRÉFACE. 19 motifs d'examiner si le procédé d'association naturelle et d'industrie attrayante est vraiment découvert ! Continuons l'estimation. L'épargne du larcin serait un immense bénéfice obtenu sans rienfaire : le fruit est la plus facile de toutes les récoltes, mais le risque de vol empêche les 9/10 des plantations qu'on voudrait faire, il oblige à une con- struction de murs très-dispendieux; et nuisibles. L'Association, exempte du risque de larcin, aura moins de peine à trentupler les plantations d'arbres, qu'on n'en a aujourd'hui à les clorre et surveiller. Elle aura une telle affluence de fruits qu'elle en nourrira les enfans toute l'année, en conservant le fruit par procédés scientifiques, et l'employant en compotes et confitures qui coûteront moins que le pain ; parce que le régime des Séries passionnées ayant la propriété de créer l'attraction industrielle, convertir au travail agricole les sauvages, nègres, etc., la zone torride sera aussi-tôt cultivée sur tous les points, et le sucre ne coûtera pas plus que le blé, à poids égal. Dans ce cas la compote à quart de sucre deviendra, pour la classe pauvre, une nourriture moins chère que le pain, car le fruit de troisième choix, fruit à compote et marmelade, ne coûtera presque rien, tant les vergers seront immenses, quand le vol ne sera plus à craindre et que la restauration climatérique, effet des cultures générales et méthodiques , sera un sûr garant des récoltes: elles sont réduites aujourd'hui au tiers de ce qu'elles seront par suite de cette restauration qui aura lieu à la cinquième année de régime sociétaire. Au lieu de cette surabondance, les civilisés sont privés même du nécessaire en fruit; car la peur du larcin les empêche de laisser mûrir le peu qu'ils en ont. Les bons et simples habitans de la campagne sont si fripons qu'ils ne laisseraient pas un fruit sur un arbre non clos. si on ne cueillait pas avant maturité

ce risque oblige à

à faire une seule cueillette au lieu de trois, ce qui est très-préjudiciable aux qualités. [texte manquant] 20 PRÉFACE. Il faudrait à 300 familles d'une bourgade civilisée 300 retranchemens murés; ce serait trois fois plus de dépense que les frais de plantation même : d'ailleurs, la plantation est fortement contrariée par le risque des fraudes à essuyer en achetant des pépiniéristes; fraudes qui cesseront quand le régime commercial aura passé du mode mensonger ou civilisé, au mode véridique. Il est donc certain que le régime sociétaire gagnera à ne rien faire ou à très-peu faire, dix fois plus que les civilisés ne gagnent en forçant de travail. Souvent le bénéfice aura lieu en double sens, comme dans l'exemple suivant. On voit cent laitières civilisées porter au marché 300 brocs de lait, que remplacerait en association un tonneau sur char à soupente, conduit par un homme et un cheval, au lieu de 100 femmes, 300 vases , et une trentaine d'ânes. Cette économie s'éleverait du simple au composé, du producteur au consommateur, car le laitier rendu à la ville distribuerait son tonneau à 3 ou 4 ménages progressifs (ménages d'environ 2000 personnes que forment les villes en association) ; l'économie déjà cinquantuple sur le transport, le serait de même sur la distribution bornée à 3 ou 4 ateliers au lieu de 1000 familles. L'un des côtés brillans de l'industrie sociétaire sera l'introduction de la vérité en régime commercial. L'association en substituant La concurrence corporative, solidaire, véridique, simplifiante et garantie Ala concurrenceindividuelle,insolidaire, mensongère, complicative et arbitraire, emploiera à peine le vingtième des bras et capitaux que l'anarchie mercantile ou concurrence mensongère distrait de l'agriculture , pour les absorber à des fonctions tout à fait parasites, quoi qu'en disentles économistes; car tout ce qui peut être supprime dans une mécanique sans en diminuer l'effet, joue un rôle parasite. On fait un tourne-broche avec deux roues, PRÉFACE. 21 si un ouvrier trouve moyen d'y introduire 40 roues, il y en aura 38 parasites. C'est ainsi qu'opère le commerce mensonger ou système de concurrence complicative et pullulation d'agens. Une phalange industrielle ou canton sociétaire ne ferait qu'une seule négociation d'achat ou de vente, au lieu de 300 négoces contradictoires employant 300 chefs de famille, qui vont perdre dans les halles et cabarets 300 journées, à vendre sac parsac telle masse de denrées que la phalange sociétaire vendrait en totalité à 2 ou 3 des phalanges voisines, ou à une agence de commission provinciale. En commerce comme en toute autre branche de relations, le mécanisme civilisé n'est toujours que l'extrême complication, le mode le plus ruineux et le plus faux. Il est bien surprenant que nos philosophes qui se disent passionnés pour l'auguste vérité,se soient passionnés aussi pour le commerce individuel ou anarchie de fraude

ont-ils jamais rencontré dans aucune branche de commerce l'auguste vérité ? se serait-elle réfugiée chez les marchands de chevaux ou chez les marchands de vin? pas plus que sous les colonnades de la bourse. Nous avons aussi hors de l'industrie des milliers de fonctions parasites, quelques-unes bien visibles comme celles de judicature qui ne reposent que sur les vices du régime civilisé, et tomberaient par avènement à l'état sociétaire. D'autres fonctions très-parasites sont inaperçues et même réputées utiles, comme l'étude des langues,travail très-pénible et qui produit moins que rien. En effet

dès le début de l'état sociétaire, on adoptera un langage unitaire provisoire, peut-être le français,sauf à y ajouter environ 3 à 4 mille mots dont il manque. Tout enfant sera élevé à parler dès le plus bas âge cette langue générale ; dès lors chacun, sans étude des langues, pourra communiquer avec tout le genre humain , et en saura bien plusen ce genre que celui qui emploie aujourd'huivingt années à étudiervingt langues, et ne peut pas se faire entendre des trois quarts des nations existantes. 22 PRÉFACE. La perfection sera bien plus immense en travaux publics. Aujourd'hui un état réputé opulent, la France, manque de 200 millions qu'exigerait la réparation de ses mesquines roules : en association il y aura, par tout le globe, d'un canton à l'autre, de grandes roules à divers trotoirs ; ces superbes routes seront construites et entretenuessans impôts, par chaque canton, sauf celles de service général pour les courriers et charois. Un cadastre de France doit coûter, dit-on, cent millions, 50 ans de travail, et sera à peu près inutile

car les limites des propriétés seront toutes changées lorsqu'il sera fini. Un cadastre du globe entier ne coûtera qu'une année,

et presque point de frais, car chaque phalange lèvera à ses frais le plan de son canton, avec indication de la nature des terrains. Certaines fonctions civilisés absorbent au delà du milluple de temps nécessaire

une élection, parmi nous,

coûte à chaque électeur environ cinq journées de perte, y compris les réunions cabalantes dont elle a été précédée, les frais de voyage, etc. : elle ne coûtera en association, que deux tiers d'une minute, sans aucun voyage : c'est environ la quatre millième partie du temps qu'elle consume aujourd'hui, .le décrirai dans l'abrégé ce mode d'élection qui emploiera moins d'une minute, et auquel interviendront trois cent millions d'électeurs. J'ai peu fait mention des produitspositifs; on ne pourra en juger que lorsqu'on connoîtra les influences de la méthode nommée Séries passionnées , les moyens de perfectionnement et d'économie qu'elle fournit. On verra qu'à l'aide de cette méthode le produitsociétaire s'élèvera bien au-delà du quadruple du nôtre. Par exemple le cheval ardennois est la race la plus chétive de l'Europe. A la place d'un ardennois qui ne vaut pas cent francs, les phalanges de l'Ardenne sauront meubler leur pays de races qu'on paierait aujourd'hui cent louis, et dont la longévité sera double. Sur des objets où il nous paraît impossible d'atteindre PRÉFACE. 23 seulement au double produit, comme sur la culture de la vigne, qui ne comporte pas de deuxième récolte, l'état sociétaire saura atteindre bien au delà du quadruple, par combinaison de divers moyens, savoir

1.° Manutention méthodique et complette, 2.° Conserve générale jusqu'à maturité, 3.° Alliages assortis et coupes journalières, 4.° Qualité raffinée par l'équilibre de température, 5.° Quantité obtenue par la même cause. Non-seulement ces moyensréunis élèverontle produit de la vigne au-delà du quadruple, mais un seul des cinq peut dans divers cas donner ce quadruple : en voici la preuve. J'ai vu tel vin qui, après la récolte, n'auroit été vendu que cinq sous. Conservé et manutentionné avec habileté pendant cinq ans, il revenait à dix sous et on trouvait acheteur à cinquante sous, somme quintuple du prix réel y compris les intérêts et autres frais. Mais sur tout le produit de ce canton, il n'y avait pas un dixième qui eût été manutentionné et conservé de la sorte pendant 5 ans : la plupart des cultivateurssont pressés de vendre

tel vin qu'il faut garder cinq ans ne sera pas gardé cinq mois, il se consommera dans les petits ménages et les cabarets, avant d'avoir atteint au quart de sa valeur possible. Si à cette chance de conserve générale qui peut à elle seule quadrupler la valeur réelle de certains vins, on ajoute le bénéfice des quatre autres chances, il est évident que, sur la vigne même, l'état sociétaire saura obtenir le décuple produit, en supposant qu'il soit doublé en moyen terme par chacune des cinq chances, et sur tout par la cessation du fléau nommé second hiver ou lune rousse qui, par les retards de végétation, empêche les secondes récoltes et maltraite si fréquemment les premières. En thèse générale, la civilisation, dans son ensemble, présente les deux tiers d'improductifs ; j'en donnerai un tableau détaillé. Dans ce nombre figurent non-seulement 24 PRÉFACE. les improductifs avérés, comme les militaires, les douaniers, les agens fiscaux ; mais encorela plupart des agens réputés utiles, comme les domestiques , et même les cultivateurs qui sont parasites dans un grand nombre de fonctions.J'ai vu un jour cinq enfans employés à garder quatre vaches, encore leur laissoient-ils manger les épis de blé. On rencontre à chaque pas ce désordre dans la gestion civilisée. En ajoutant l'épargne des classes détruites par les fatigues, les excès, la navigation imprudente, les épidémies , les contagions, l'on trouvera , entre les civilisés et les peuples sociétaires, une différence décuple quant aux facultésindustriellesou produitsqu'onpeutobtenir d'une masse d'habitans sur un terrain donné. En effet, si les hommes, femmes et enfans travaillent par plaisir, des l'âge de trois ans jusqu'à l'âge décrépit, si la dextérité, la passion, la mécanique, l'unité d'action, la libre circulation, la restauration de température, la vigueur, la longévité deshommes et des animaux, élèvent à un degré incalculable lesmoyens d'industrie, ces chances cumulées porteront bien vite au décuple la masse du produit

et c'est par égard pour les habitudes que j'énonce le quadruple seulement, de peur de choquer par des perspectives colossales, quoique très-exactes. L'amélioration portera principalement sur le sort des enfans, très-mal gouvernés par les ménagères qui, dans leurs chaumières, leurs greniers et leurs arrières-boutiques, n'ont rien de ce qui est nécessaire au soin des en- fans; elles n'ont ni les ressources, ni la passion, ni les connaissances, ni le discernement qu'exige ce soin. Dans les grandes villes comme Paris, et même dans de moindres , telles que Lyon et Rouen , les enfans sont tellement victimes de l'insalubrité, qu'il en meurt huit fois plus que dans les campagnes salubres. Il est prouvé que, dans divers quartiers de Paris où la circulation de l'air est interceptée par des cours étroites, il règne un méphitisme qui attaquespécialementles enfans dans leur PRÉFACE. 25 première année; on voit parmi ceux au-dessous d'un an, une mortalité qui en emporte sept sur huit, avant l'âge de douze mois

tandis que dans les campagnes salubres comme celles de Normandie, la mortalité de cette cathégorie d'enfans est bornée à un sur huit. Elle sera à peine d'un sur vingt dans les phalanges sociétaires qui, malgré cette chance de population, ne procréeront pas autant d'enfans que les civilisés. La terre, quoique donnant quadruple et même décuple produit, serait bientôt jonchée de misérables comme aujourd'hui, si l'état sociétaire n'avait pas la faculté d'équilibre en population , comme en toutes les branches de mécanique sociale. (Voyez la section des équilibres.) J'ai démontré, par quelques détails, combien les bénéfices de l'association seront gigantesques

un tableau

complet de ces bénéfices remplirait plusieurs volumes. On a commis une faute inexcusable en négligeant de publier ce recueil d'aperçus, d'où chacun aurait conclu qu'il est impossible que Dieu, à litre de suprêmeéconome, n'ait pas préparé les moyens d'organiser ce régime d'économie et de vérité d'où naîtraient tant de prodiges.Croire que Dieu y ait manqué, c'est l'accuser implicitement d'être l'ennemi de l'économie et de la mécanique. A cela on réplique : tant de perfection n'est pasfaite pour les hommes! Qu'en savent-ils ? Pourquoi désespérer de la sagesse de Dieu avant d'avoir étudié ses vues dans le calcul de la révélation socialepermanente, ou attraction passionnée, dont on ne peut déterminer les fins qu'en procédant régulièrement par analyse et synthèse. Prétendre que tel degré de perfection n'est pas fait pour les hommes , c'est accuser Dieu de méchanceté; car il possède un moyen sûr d'appliquer aux relations humainestelsystème qu il lui plaira. Ce moyen est l'attraction, dont Dieu seul est distributeur, elle est pour lui une baguette magique, passionnant toute créature pour l'exécution des volontés divines. Dès lors si Dieu se com- plaît au régime de perfection sociale qui serait celui d'u¬ 26 PRÉFACE. nité sociétaire, justice et vérité, il lui suffit, pour nous faire adopter ce régime, de le rendre attrayant pour chacun de nous. C'est ce qu'il a fait

on va s'en convaincre

en lisant le traité du mécanisme sociétaire distribué en Séries passionnées; chacun s'écriera

voilà ce que je désire , ce serait pour moi le bonheur suprême. La perfection est donc faite pour les hommes , si elle est voeu de Dieu comme on n'en saurait douter. C'est pour avoir trop peu espéré de Dieu que nous avons manqué les voies de perfection sociale qu'il eût été si facile de découvrir par calcul de l'attraction. Mais ce calcul semble absurde au premier abord ; il nous apprend que chacun voudrait des millions et un palais; comment faire pour en donner à tout le monde? Objections frivoles! Est-ce là un motif d'abandonner une étude ? Poursuivez-la sans vous effrayer, suivez le précepte de vos philosophes, qui vous ordonnent dexplorer en entier le domaine de la science ; achevez donc ce que Newton a commencé, le calcul de l'attraction

il vous apprendra que celui qui désire des millions et un palais, désire trop peu ; car, dans l'état sociétaire, le plus pauvre des hommes jouira de cinq cent mille palais, où il trouvera gratuitement beaucoupplus de plaisirsque ne peut s'en procurer un roi de France, avec 35 millions de rente et une douzaine de palais, où ses plaisirsse bornent à entendre des solliciteurs de sinécures, des tripotages de parti, être harcelé par l'étiquette, et n'avoir d'autre délassement que les cartesou la chasse dégénéréeen tuerie, en plaisir de boucher. Nous désirons donc trop peu, c'est ce que prouvera le caleul de l'attraction. Dieu nous prépare un bonheur bien supérieur à nos médiocres convoitises

demandons beaucoup à celui qui peut beaucoup ; c'est faire injure a sa générosité , que d'attendre de lui des richesses médiocres, des plaisirs médiocres. Le destin du genre humain est, ou l'immense bonheur sous le régime divin et sociétaire , ou l'immense malheur sous les lois des hommes , PRÉFACE. 27 dans l'état d'industrie morcelée et mensongère qui, comparativement à la sociétaire, ne donne pas le quart en produit effectif, et pas le quarantième en jouissances. On voit les civilisés prêts à braver fatigues, périls et naufrages, pour hasarder de doubler leur fortune, ou d'en acquérir une petite : voici une chance bien autrement favorable, quadrupler subitement sa fortune, et sans se dépayser ni courir aucun risque sanitaire ou pécuniaire. Eh! que faudra-t-il donc faire? s'écrie-t-on. Rien autre que de se divertir du matin au soir, puisque les amusemens entraîneront au travail, devenu plus attrayant que ne sont aujourd'hui les spectacles et bals. Plus ces perspectives de l'état sociétaire sont éblouissantes, plus il importe de s'assurer si la théorie en est exacte, si le calcul de l'attraction industrielle et du mécanisme des passions est réellement découvert. Pour familiariser les esprits à cette étrange nouveauté, il faudra les initier un peu à la connoissance du mouvement et des destinées qu'on réputait impénétrables, couvertes d'un voile d'airain. Il existe bien un voile, une cataracte des plus épaisses, qui aveugle l'esprit humain : cette cataracte se compose de 500,000 tomes , qui déclament contre les passions et l'attraction, au lieu d'en faire l'étude. Que l'attraction soit éblouissante et absurde au premier abord, ce n'est pas sur ces apparences qu'il faut la juger, mais sur l'ensemble du mécanisme auquel tendent ses impulsions, qui nous semblent vicieuses quand on les observe en détail. Je vais, pour disposer à cette confiance, expliquer le but d'une de ces impulsions réputées vicieuses. Je choisis le penchant le plus général et le plus contrarié par l'éducation, c'est la gourmandise des enfans , leur passion pour les friandises, contre l'avis des pédagogues, qui leur conseillent d'aimer le pain, manger plus de pain que de pitance. La nature est donc bien maladroite, de donner aux enfans des goûts si opposés aux saines doctrines! tout 28 PRÉFACE. entant regarde comme punition un déjeûné au pain sec, il voudrait des crèmes sucrées, laitages et pâtisseries au sucre, des marmelades et compotes, des fruits naturels et confits, des limonades, orangeades et vins blancs doux. Remarquons distinctement ces goûts, qui dominent chez tous les enfans

il y a sur ce point un grand procès à juger

il s'agit de décider lequel a tort, ou de Dieu, ou de la morale. Dieu, distributeur de l'attraction, donne à tous les enfans ce goût des friandises; il eût été maître de leur donner du goût pour le pain sec et l'eau, il aurait servi les vues de la morale

pourquoi donc opère-t-il sciemment contre les saines doctrines civilisées ? expliquons

ces motifs. Dieu a donné aux enfans du goût pour les substances qui seront les moins coûteuses dans l'ordre sociétaire. Quand tout le globe sera peuplé et cultivé, jouissant de la libre circulation, sans aucune douane , les metssucrés que j'ai désignés plus haut seront bien moins coûteux que le pain; les comestibles abondans (voyez 19) seront le fruit, le laitage et le sucre,mais non pas le pain, dont le prix s'élèvera beaucoup, parce que les travaux de culture du blé, et préparation journalière du pain, sont pénibles et peu attrayans; il faudra les payer bien plus que ceux des vergers et de la confiserie. Et comme il convient que les enfans fassent moins de dépense que les pères, en nourriture et entretien , Dieu a opéré judicieusement en leur donnant attraction pour ces sucreries et friandises, qui seront moins chères que le pain, dès que l'on sera parvenu à l'état sociétaire. Alors les saines doctrines morales se trouveront pleinement erronées sur la nourriture des enfans, comme sur tous les autres points où elles contrarient l'attraction. L'on reconnoîtra que Dieu fit bien tout ce qu'il fit, qu'il a eu raison de donner aux enfans attraction pour les laitages, fruits et pâtisseries au sucre ; et qu'au lieu de perdre follement trois mille ans à déclamer contre le plus PRÉFACE. 29 docte ouvrage de Dieu , contre la distribution des goûts et attractions passionnées, on aurait mieux fait d'en étudier le but par calcul sur l'ensemble de ces impulsions que la morale insulte en détail, sous prétexte qu'elles sont nuisibles dans l'ordre civilisé et barbare; cela est vrai, mais Dieu n'a pas fait les passions pour l'ordre civilisé et barbare. S'il eût voulu maintenir exclusivement ces deux sociétés, il aurait donné aux enfans l'amour du pain sec, et aux pères l'amour de la pauvreté, puisque tel est le sortde l'immensemajoritédes civilisés et barbares. Ce sera une étude amusante et flatteuse que d'examiner les emplois de chaque branche d'attraction , l'utilité de chacune dans le mécanisme sociétaire

toutes seront

reconnues aussi justes, aussi bien adaptées que la gour- mandise des enfans ; chacun se convaincra que ses pas- sions, ses instincts les plus critiqués trouvent des em- plois précieux dans ce nouvel ordre

fut-il jamais de découverte plus flatteuse pour tout le monde ? Mais comment se fait-il, dira t-on, qu une inven — » tion si précieuse soit l'ouvrage d'un inconnu, qui ne » figure pas dans le monde savant ? Tant d'hommes cé- » lèbres, depuis Platon jusqu'à Voltaire, ont exploré » le domaine des sciences

peut-on penser qu'ils aient

» manqué la plus précieuse des découvertes? cela n'est » pas croyable, ce calcul de l'attraction et de l'associa- » tion ne peut être qu'une charlatanerie : c'est quelque » vision, quelque songe creux. » Ainsi raisonne l'orgueil

on est choqué de voir un inconnu enlever la palme que tant d'autres auraient pu cueillir avant lui. On aime mieux repousserune heureuse découverte que de la tenir d'un intrus. D'ailleurs, l'amour-propre est flatté en ravalant les idées neuves.Cent mille pygmées du 15.e siècle se croyaient hommes de génie, en persifflantChristophe Colombqui leur démontrait la sphéricité du globe, l'existence probable d'unnouveau monde continental.

Je réponds à ces détracteurs, comment se fait-il que 30 PRÉFACE. des découvertes éminemment utiles et à portée de tout le monde, comme l'étrier et la soupente, aient échappé à vingt siècles savans ? Il ne manquait pas, dans Rome et Athènes, de bons mécaniciens, aptes à faire ces faciles découvertes. Tout charron, tout cavalier pouvait inventer la soupente et l'étrier, choses dont tout le monde avait grand besoin, car chacun voyage en voiture ou à cheval. Les voitures des César et des Périclès étaient cabotantes comme nos charettes; les cavaliers romains étaient sujets à de graves maladies, qu'un étrier aurait prévenues; on plaçait sur les routes , des bornes de distance en distance, pour leur aider à remonter à cheval. En considérant cette inadvertance de la docte antiquité sur deux inventions qui étoient à portée de tout bon simple, s'étonnera-t-on qu'une théorie vaste et brillante comme celle de l'attraction passionnée, ait échappé au monde savant? D'ailleurs, on n'en tient le germe que depuis un siècle, depuis Newton, qui a éventé la mine. Or, si l'on commet des étourderies de vingt siècles sur des inventionsfaciles, comme la soupente et l'étrier, on peut bien en commettre d'un siècle sur des études transcendantes comme celle de l'attraction ; calcul bien aisé à comprendre aujourd'hui qu'il est fait, mis en ordre; mais la recherche en était plus difficile pour les savans que pour d'autres hommes, parce que le monde savant est tout imbu d'une doctrine appelée MORALE, qui est mortelle ennemie de l'attraction passionnée. La morale enseigne à l'homme à être en guerre avec lui-même,résister à ses passions, les réprimer, les mépriser, croire que Dieu n'a pas su organiser sagement nos ames, nos passions, qu'il avait besoin des leçons de Platon et Sénèque , pour apprendre à distribuer les caractères et les instincts. Imbu de ces préjugés sur l'impéritie de Dieu, le monde savant était inhabile au calcul des impulsions naturelles ou attractions passionnées,que la morale proscrit et relègue au rang des vices. Il est vrai que ces impulsionsne nous entraînent qu au PRÉFACE. 31 mal quand on s'y livre individuellement; mais il fallait en calculer le jeu sur une masse d'environ deux mille personnes sociétairement réunies et non sur des familles ou des individus isolés

c'est à quoi le monde savant n'a pas songé ; il auraitreconnu par cette étude, que dès qu'on atteint au nombrede seize centssociétaires, lesimpulsions naturelles dites attractions tendent à formerdes séries de groupes contrastés, dans lesquelles tout entraîne à l'industrie devenue attrayanteet à la vertu devenue lucrative. En voyant ce mécanisme, ou seulement en faisant le calcul de ses propriétés , on comprendra que Dieu a bien fait tout ce qu'il a fait, et qu'au lieu de perdre follement trente siècles à insulter l'attraction qui est l'ouvrage de Dieu, on aurait dû employer, comme je l'ai fait, trente ans à l'étudier.Les sciences devaient suivre leurs préceptes d'explorer en entier le domaine de la nature, étudier l'homme, l'univers et Dieu

elles devaient, au lieu de critiquer en détail nos attractions, les étudier dans leur en- tier, dans leur ensemble, en application à des masses nombreuses. L'attraction est le moteur de l'homme, elle est l'agent que Dieu emploie pour mouvoir l'univers et l'homme

on ne pouvait donc étudier l'homme, l'univers

et Dieu, qu en étudiant l'attraction dansson entier, en passionnel comme en matériel. Enfin l'inadvertance est réparée, le calcul de l'attraction passionnée est découvert, et le monde peut à l'instant passer aux destinées heureuses. Il ne doit s'attacher dans cette conjoncture qu'à vérifier si la théorie est juste, et non à chicaner l'inventeur sur les formes ; c'est le fond qu'il faut examiner. On a accordé tant de faveurauxcharlatans en association ! Le véritable inventeur ne demande que de la justice. Les charlatans ont trouvé de quoi fonder depuis vingt ans une vingtaine d'établissemens qui en Angleterre comme en Amérique ont manqué com- plettement le but : l'inventeur neveut former qu'un seul établissement qui, en deux mois, atteindra le but et opérera l imitationgénerale par appâtdu bénéfice et duplaisir. 32 PRÉFACE. Mais cet inventeur a le tort de ne pas s'accorder avec certaines sciences en crédit ; eh ! si je tombais d'accord avec les sciences politiques et morales, je ne serais qu'un sophiste de plus

Galilée, Colomb, Copernic, Newton,

Linné, donnèrent un démenti à leur siècle

un inventeur est obligé de contredire les erreurs dominantes, un

charlatan pourfaire des dupesflagorne tous les sophistes; lequel des deux est digne de confiance ? On prétend que l'histoire éclaire les peuples et rectifie leur jugement ; rien n'est plus faux , car ils sont aujourd'hui plus hostiles contre les inventions qu'ils ne l'étaient au temps de Galilée. Cent fois l'histoire leur a dit que » les grandes découvertes ont été dues plus souvent aux » jeux du hasard qu'aux spéculations du génie ; que le gé- » nie et le bon esprit, se trouventrarement chez les beaux » esprits, gensroutiniers et peususceptiblesd'idées neuves. Malgré les leçons de l'histoire et de l'expérience, on exige qu'un inventeur soit un personnage académique par les formes et le style ; étoient-ce donc des académiciens que ceux qui découvrirent la lunette et la boussole ? C'étaient des enfants et des êtres si obscurs que leur nom ne s'est pas transmis. Lorsqu'un trésor est apporté, hâtez-vous d'en jouir au lieu d'intenter des procès à celui qui l'a trouvé ; pourquoi le quereller sur les formes et le style. Qu'il s exprime en patois, peu importe : l'invention en a-t-elle moins de valeur ? Zoïles qui prétendez que l'esprit académique est nécessaire dans un inventeur, quel bien votre faconde at-elle procuré aux nations modernes ? L'examen de cette question terminera la préface. ART. III. CERCLE VICIEUX DE L'INDUSTRIE CIVILISÉE. En toute science le règne du faux précède le règne du vrai : avant la chimie expérimentale on a vu les alchi¬ PRÉFACE. 33 mistes occuper la scène ; avant l'astronomie exacte, on a vu dominer l'astrologie judiciaire ; avant la naissance de l'économie sociétaire, nous avonsvu dominer pendant un siècle l'économie anti-sociétaire ou théorie du mor- cellement, encourageant les petits producteurs qui sont de petits vandales en industrie. Partout le sophisme s'empare des sciencesneuvesavant que la raison n'ait su leur tracer la marche à suivre; aussi à peine les idées d'association commencent-elles à poindre, que déjà les esprits sont égarés sur ce sujet par les obscurans en méthode sociétaire, les Owénistes, qui se sont emparés de l'opinion. Que de sciences, et des plus révérées,sont encore dans cet âge de ténèbres qui précède le règne du vrai ! Par exemple, la morale

comment la concilier avec elle-même ? D'une part elle nous prêche le mépris des richesses

et l'amour de l'auguste vérité

d'autre part elle excite l'amour du commerce qui ne tend qu'à amasser des richesses par la pratique de toutes les astuces. On trouve même inconséquence, même contradiction dans toutes les sciences dites philosophiques. Au dernier siècle, Condillac disoit de leurs auteurs: L'art d'abuser des mots sans les entendre est pour eux » l'art de raisonner: de supposition en supposition fausse, » ils se sont égarés parmi une multitude d' erreurs, et ces » erreurs étant devenues des préjugés, ils les ont prises » pour des principes. Quand les choses en sont venues à » ce point, quand les erreurs se sont ainsi accumulées, il » n y a qu'un moyen de remettre l'ordre dans la faculté » de penser, c'est d'oublier tout ce que nous avons ap- » pris, et de refaire, dit Bacon, l'entendement humain. » C'était alors le siècle de la modestie

on n'avait pas honte de confesser que telle et telle science étaient encore

au berceau, et surtout la politique sociale ; ses coryphées la dénonçaient avec amertume et dédain, écoutons-les parler. MONTESQUIEU: « Les sociétés policées sont atteintes 3 34 PRÉFACE. d'une maladie de langueur, d'un vice intérieur, d'un ve- nin secret et caché (le morcellement). J.-J. ROUSSEAU

« Ce ne sont pas là des hommes, il y a quelque bouleversement dont nous ne savons pas pénétrer la cause. » VOLTAIRE

« Montrez l'homme à mes yeux : honteux de m'ignorer , » Dans mon être , dans moi, je cherche à pénétrer ; » Mais quelle épaisse nuit voile encor la nature ! » BARTHELEMY

« Ces bibliothèques

, prétendus trésors de connaissances sublimes, ne sont qu'un dépôt humiliant de contradictions et d'erreurs

 »

STAEL. « Les sciences incertaines ont détruit beaucoup d'illusions sans établir aucune vérité ; on est retombé dans l'incertitude par le raisonnement, dans l'enfance par la vieillesse. » Aujourd'hui la scène change, tout ce labyrinthe de systèmes philosophiques est transformé en torrens de lumières, en marche rapide et vol sublime vers la région des perfectibilités. C'est surtout en politique industrielle que notre siècle étale cet orgueil; fier de quelques progrès en matériel, il ne s'aperçoit pas qu'il est en rétrogradation politique , et que sa marche rapide est celle de l'écrevisse qui chemine, mais à reculons. L'industrialisme est la plus récente de nos chimères scientifiques; c'est la manie de produire confusément, sans aucune méthode en rétribution proportionnelle, sans aucune garantie pour le producteur ou salarié de participer à l'accroissement de richesse; aussi voyonsnous que les régions industrialistes sont autant et peutêtre plus jonchées de mendians que les contrées indifférentes sur ce genre de progrès. Il importe de dissiper dès la préface les illusions d'industrialisme ou abus de l'industrie, parce qu'elles sont le régime le plus opposé à la politique sociétaire, qui a pour hase. PRÉFACE. 35 L'attraction industrielle,la répartitionproportionnelle. L'économie de ressorts, l'équilibre de population, et autres règles dont s'éloigne en tous sens le système industrialiste, production désordonnée, sans garantie de justice distributive. Jugeons ici les systèmes par les résultats

c'est l'Angleterre qui est le point de mire, le modèle proposé aux nations, l'objet de leur jalousie ; pour apprécier le bonheur de son peuple, je vais m'étayer de témoignages irrécusables. Assemblée desmaîtres artisans deBirmingham , 21 mars 1827. Elle déclare « que l'industrie et la frugalité de l'ou- » vrier ne peuvent pas le mettre à l'abri de la misère, » que la masse des salariés employés à l'agriculture est « nue, qu'elle meurt réellement de faim dans un pays » où il existe surabondance de vivres. » Aveu d'autant moins suspect, qu'il part de la classe des maîtres d'ateliers intéressés à rédimer le salaire des ouvriers, et déguiser leur misère. Voici un second témoin également intéressé à dissimuler le côté faible de sa nation ; c'est un économiste, un industrialiste, qui va dénoncer sa propre science. Londres, chambre des communes, 28 février 1826. M. Huskisson, ministre du commerce, dit

« Nos fabri-

» ques de soierie emploient des milliers d'enfans qu'on » tient a l attache depuis troisheures du matin jusqu'à dix » heures du soir : combienleur donne-t-on par semaine ? » un schelling et demi, trente-sept sous de France, en- » viron cinq sous et demi parjour, pour être à l'attache » dix-neuf heures, surveillés par des contre-maîtres mu- » nis d'un fouet, dont ils frappent tout enfant qui s'ar- » rête un instant. » Voilà l'esclavage rétabli par le fait

il est évident que l excès de concurrence industrielle conduit le peuple civilisé au même degré de pauvreté et d'asservissement que les populaces de Chine et d'Indostan, les plus an¬ 3. 36 PRÉFACE. ciennement célèbres par des prodiges agricoles et manufacturiers. A côté de l'Angleterre plaçons l'Irlande qui, par double excès en culture outrée et en subdivision des propriétés, est parvenue au même dénûment où l'Angleterre arrive par double excès en manufactures et grandes propriétés. Ce contraste, dans un même empire , démontre bien le cercle vicieux de l'industrie civilisée. Lesjournaux de Dublin 1826 disent : « Il règne ici une » épidémieparmi le peuple : les malades qu'on amène à » l'hôpital guérissent dès qu'on leur donne à manger. » Leur maladie est donc LA FAIM : il ne faut pas être sorcier pour le deviner, puisqu'ils sont guéris dès qu'ils trouvent à manger. Ne craignez pas que cette épidémie atteigne les grands : on ne verra ni le lord gouverneur, ni l'archevêque de Dublin tomber malades de faim, ce sera plutôt d'indigestion. Et dans les lieux où le peuple civilisé ne meurt pas de faim pressante, il meurt de faim lente par les privations, de faim spéculative qui l'oblige à se nourrir de choses mal saines, de faim imminente en s'excédant de travail, en se livrant par besoin à des fonctions pernicieuses , à des fatigues outrées d'où naissent les fièvres, les infirmités

c'est toujours aller à la mort par la famine. Et quand il ne souffre pas de la faim, de quoi subsistet-il ? Pour en juger, il faut voir de près comment se nourrit le paysan français, même dans les provinces dont on vante la fertilité. Huit millions de Français ne mangent pas de pain, n'ont que des châtaignes ou autres pauvretés : vingt-cinq millions de Français n'ont pas de vin, et pourtant on est obligé, par surabondance, de jeter aux égoûts des récoltes entières. Voilà le vol sublime de l'industrie vers la perfectibilité ; et cependant chaque année voit éclore une douzaine de philosophies nouvelles sur la richesse des nations: que de richesses dans les livres, que de misère dans les chaumières! PRÉFACE. 37 A ces illusions, opposons les réalités

est-ce un vol

sublime que la situation de Londres, qui, tout en participant au secours annuel de deux cen ts millions accordé aux indigens , contient encore 117,000 pauvres connus à la charge des paroisses, 115,000 pauvres délaissés, mendians, filous, vagabonds, parmi lesquels on remarque : 3,000 recéleurs dont l'un est riche à vingt millions, 3, 000 Juifs distribuant de la fausse monnaie, excitant les valets à voler leurs maîtres, les fils a voler leurs pères. TOTAL.... 232,000 pauvres dans la ville qui est le grand foyer de l'industrie. La France marche à cette misère

Paris a 86,000 pauvres connus, et peut-être autant d'inconnus. Les ouvriers français sont si misérables, que dansles provincesde haute industrie comme la Picardie, entre Amiens, Cambray et Saint-Quentin, les paysans , sous leurs buttes de terre, n'ont point de lit ; ils se forment une couchette avec des feuilles sèches qui, pendant l'hiver, se changent en fumier plein de vers; de sorte qu'au réveil, les pères et les enfans s'arrachent les vers attachés à leur chair. La nourriture, dans ces huttes, est de même élégance que le mobilier. Tel est l'heureux sort de la belle France. On citerait une douzaine de ses provinces où la misère est au même degré, Bretagne, Limosin, haute Auvergne, Cévennes, Alpes, Jura, SaintEtienne, et même dans la belle Touraine, dite jardin de la France. A cela les industrialistes répondent qu'il faudrait répandre les lumières, l'instruction eh ! que sert-elle à des misérables qui n'ont pas de quoi subsister? elle les poussera à la révolte. Cette dégradation de l'humanité engendre l'athéisme ; il s'accroît en raison des progrès de l'industrie civilisée ; elle semble une dérision de la nature contre l'humanité

l'athéisme est le résultat nécessaire d'une civilisation 38 PRÉFACE. trop longtemps prolongée, et donnant un vaste essor à l'industrie avant de connaître la méthode de répartition proportionnelle et garantie de minimum au peuple ; en d'autres termes, connaître le code naturel ou divin sur les relations industrielles. Dieu fait des codes sociaux pour les insectes même

aurait-il pu manquer à en faire un pour le genre humain, bien plus digne de sa sollicitude que les abeilles, guêpes, fourmis ! Aurait-il donc créé les passions et les élémens de l'industrie, sans savoir à quel ordre il les destinait ? Il serait dans ce cas plus imprudent que nos ouvriers mêmes; car un architecte qui rassemble des ma- tériaux de construction, ne manque pas de faire préalablement le plan de l'édifice auquel il veut les employer. Dieu a dû prévoir l'impéritie de nos législateurs, des Solon, des Justinien, des Montesquieu,desTarget. Si ces hommes se croient capables de faire des codes sociaux, Dieu à plus forte raison sait en faire ; ils n'ont pour ap- pui de leurs lois que la contrainte,les sbires et les gibets; Dieu aurait pourappui des siennesl'attraction dont il est seul distributeur. Cent autres indices faisaient pressen- tir l'existence du code divin, il fallait donc en mettre au concours la recherche, et déterminer d'abord la méthode à suivre dans cette investigation. Le code divin, pour être méthodique, doit statuer avant tout sur l'industrie qui est fonction primordiale, l'administration ne naît qu'à la suite : il fallait donc chercher les lois de Dieu sur l'industrie, l'ordre qu'il a assigné aux travaux agricoles et domestiques. Les publicistes au contraire ne se sont occupés pendant 3000 ans que du gouvernement, que des abus administratifs et religieux ; ils ont commencé depuis un siècle seulement à traiter de l'industrie, sans songer à en corriger les désordres. Soit inadvertance, soit erreur systématique,il est certain qu'ils en ont prôné les deux vices radicaux , morcellement industriel et fraude commerciale fardée du nom de libre concurrence. PRÉFACE. 39 La science est donc en fausse route ; au lieu de s'occuper à combattre les vices des deux branches dites agriculture et commerce, elle ne s'exerce que sur les deux branches dites gouvernement et sacerdoce, auxquelles on ne peut pas toucher sans causer des commotions et souvent des redoublemens d'abus ; tandis qu'en corrigeant, par le système sociétaire , les vices du régime agricole et commercial, on opérerait en plein accord avec l'autorité, qui trouverait bien son compte dans le quadruplement de produit et dans la cessation de toutes les querelles de parti

elles seront regardées en pitié, dès qu'on aura passé au bonheur sociétaire. Après cet exposé des vices généraux de l'industrie et de la science , il reste à parler des vices de détail et des erreurs de système. C'est un sujet qui exigerait un volume ; j'en vais donner seulement l'aperçu. Nos économistes confus de voir la ténacité et même le progrès de l'indigence, commencent à soupçonner que leur science est en fausse route; un débat s'est engagé dernièrement sur ce sujet entre MM. Say et Sismondi : le second revenant de visiter les prodiges d'outre-mer, a déclaré que l'Angleterre et l'Irlande , avec leur industrie colossale, ne sont que de vastes amas de pauvres ; que l'industrialisme n'est jusqu'à présent que la région des l chimères. M. J.-B. Say a répliqué pour l'honneur de la science; mais à parler net, l'économie politique a été désorientée parla crise pléthorique de 1826 ; elle cherche à se justifier. Déjà l'on voit des chefs d' école , tels que feu Dugald Stewart, dire que la science est bornéeau rôle passif, que sa tâche est limitée à l'analyse du mal existant. C'est agir comme un médecin qui dirait au malade

« Mon ministère consiste à faire l'analyse devotre fièvre, » et non pas à vous en indiquerles moyens curatifs. » Un tel médecin nous semblerait ridicule; c'est pourtant le rôle que veulent prendre aujourd'hui quelques économistes qui, s'apercevant que leur science n'a su qu'em¬ 40 PRÉFACE. pirer le mal, et embarrassés d'en trouverl'antidote, nous disent comme le renard au bouc : « Tâche de t'en tirer et fais tous tes efforts. » Si l'on admet ce rôle passif, cet égoïsme par lequel ils croient excuser l'impéritie de la science,ils seront encore très en peine de tenir parole, de donnerl'analyse du mal; parce qu'ils ne veulent pas en avouer l'étendue, confesser que tout est vicieux dans le système industriel, qu'il n'est en tous sens qu'un monde à rebours ; jugeons-en par un demi-aveu échappé récemment à M. de Sismondi

il a reconnu que la consommation s'opère en mode inverse , qu'elle se fonde sur les fantaisies des oisifs , et non sur le bien-être du producteur; c'est déjà un premier pas vers la sincérité analytique : mais le mécanisme inverse est-il borné à la consommation ? n'est-il pas évident Que la circulation est inverse, opérée par des intermédiaires nommés marchands, négocians qui, devenant propriétaires du produit, rançonnent le producteur et le consommateur, et sèment les désordres dans le système industriel par leurs menées d'accaparement, agiotage, fourberie, extorsion, banqueroute, etc.; Que la concurrence est inverse, tendant à la réduction des salaires, et conduisant le peuple à l'indigence par les progrès de l'industrie

plus elle s'accroît, plus l'ouvrier est obligé d'accepter à vil prix un travail trop disputé ; et d'autre part plus le nombre des marchands s'accroît, plus ils sont entraînés à la fourberie par la difficulté des bénéfices. Voilà déjà trois ressorts dirigés en mode inverse , dans lemécanismeindustriel

j'en compteraifacilement trente, (voyez 6.e section)

pourquoi n'en avouer qu'un, celui de la consommation inverse? L'industrie présente une subversion bien plus saillante, c'est la contrariété des deux intérêts collectifet individuel. Tout industrieux est en guerre avec la masse , et malveillant envers elle par intérêt personnel. Un médecin souhaite à ses concitoyens de bonnes fièvres , et un PRÉFACE. 41 procureur, de bons procès dans chaque famille. Un architecte a besoin d'un bon incendie, qui réduise en cendres le quart de la ville , et un vitrier désire une bonne grêle qui casse toutes les vîtres. Un tailleur, un cordonnier ne souhaitentau public que des étoffes de faux teint et des chaussures de mauvais cuir, afin qu'on en use le triple, pour le bien du commerce : c'est leur refrain. Un tribunal croit opportun que la France continue à commettre chaque année 120,000 crimes et délits à procès, ce nombre étant nécessaire pour alimenter les cours criminelles. C'est ainsi qu'en industrie civilisée tout individu est en guerre intentionnelle avec la masse; effet nécessaire de l'industrie anti-sociétaire ou monde à rebours. On verra disparaître ce ridicule dansle régime sociétaire, où chaque individu ne peut trouver son avantage que dans celui de la masse entière. De tous les indices qui devaient faire suspecter l'industrie actuelle, il n'en est pas de plus frappant que celui de l'échelle simple en répartition. J'entends par simple, une échelle qui ne croît que d'un côté et non de l'autre : en voici un exemple adapté aux cinq classes La ligne Areprésente l'origine des sociétés où la différence des fortunes était peu saillante, où la classe pauvre, figurée par zéro, n'existait pas. A mesure que la fortune publique s'accroît, comme on le voit aux lignes B, C, D, E, il faudrait que la classe pauvre y participât selon la proportion indiquée dans chacune de ces lignes , c'est-à-dire , que dans un degré de richesse E, le riche ayant 128 fr. à dépenser par jour, le pauvre aurait au moins 8 fr.

dans ce cas l'é¬ 42 PRÉFACE. chelle serait composée, croissant proportionnément pour les cinq classes, et sans égalité. Mais en civilisation l'échelle ne croissant que d'un coté, la classe pauvre en reste toujours à zéro, de sorte que si la richesse est parvenue au 5.e degré E, la classe riche obtient bien son lot de 128, et la pauvre, zéro seulement, car elle a toujours moins que le nécessaire : de sorte que l'échelle civilisée suit la ligne transversale 0 , 2, 8, 32 , 128

et la multitude ou classe pauvre, loin

de participer à l'accroissement de richesse, n'en recueille qu'un surcroîtdeprivations ; car elle voit une plus grande variété de biens dont elle ne peut pas jouir ; elle n'est pas même assurée d'obtenir le travail répugnant qui fait son supplice, et qui ne lui offre d'autre avantage que de ne pas mourir de faim. Sous ce rapport, les peuples fainéans, comme l'Espagnol , sont plusheureux que les laborieux , car l'Espagnol est assuré de trouver du travail quand il lui plaira d'en accepter. Le Français, l'Anglais, le Chinois ne jouissent pas de cet avantage. Je n'en conclus pas que le régime social de l'Espagne soit louable, tant s en faut

je veux seulement arriver au but qu'indique le titre de cet article, démontrer que tout est cercle vicieux dans l'industrie morcelée ou civilisée ; elle crée, par ses progrès , les élémens du bonheur, mais non pas le bonheur; il ne pourra naître que du régime d'attraction industrielle et répartition propor- tionnelle, selon la ligne E. Cette répartition est impos- sible, tant que l'industrie est répugnante , il faut que le peuple reste dans l'extrême dénument pour consentir à l exercer. D'ailleurs, la civilisation produisant à peine le quart de ce que produira l'association, et peuplant outre mesure, il serait impossible d'assurer à ses fourmilières de populace un lot de minimum, ou honnête nécessaire. On a si bien reconnu ce cercle vicieux de l'industrie, que de toutes parts on commence à la suspecter, et s'éton¬ PRÉFACE. 43 ner que la pauvreté naisse en civilisation de l'abondance même. Je viens de décrire cinq vices, dont chacun isolément suffirait à produire ce désordre; qu'est-ce donc lorsque les 5 vices agissent tous à la fois, et concurremment avec une cinquantaine d'autres non encore cités ? (Voyez 6.e section.) Après avoir constaté la nécessité d'un sort malheureux pour le peuple civilisé, remarquons que le progrès de l'industrie n'ajoute que peu ou point au bonheur des riches. Aujourd'hui la bourgeoisie de Paris a de plus beaux meubles, de plus beaux colifichets que n'en avoient les grands du 17.e siècle; qu'est-ce que cela ajoute au bonheur? Nos dames, avec leursschalls-cachemires, sont-elles plus heureuses que n'étoient lesSévigné, les Ninon ? L'on voit à présent les petits bourgeois de Paris servis en porcelaine dorée; sont-ils plus heureux que les ministres de Louis XIV, les Colbert, les Louvois, qui avaient de la vaisselle de faïence? Il y a sans contredit jouissance réelle dans les perfectionnemens commodes et salutaires , comme la soupente des voitures ; mais on est blasé au bout d'une semaine sur les raffinemens de luxe visuel comme la porcelaine ; ils ne servent qu'à irriter la convoitise du pauvre, qui s'imagine que la classe riche trouve un grand bonheur dans la possession de ces hochets. Ils ne seront utiles que dans l'ordre sociétaire, où ils auront la double propriété de stimuler l'attraction industrielle, et de multiplier les accords de passions qui sont une jouissance bien réelle, et qui s'étendront au pauvre comme au riche, malgré l'extrême inégalité des fortunes. Alors le plus pauvre des hommes aura beaucoup plus de jouissances que n'en a aujourd'huile plus opulent monarque, parce que l'ordre nommé Séries passionnées, crée les concerts sociaux ou plaisirs de l'âme, qui aujourd'hui sont à peu près inconnus des grands, et il élève les raffinemens sensuels à une perfection dont le monde civilisé ne peut se former aucune idée. 44 PRÉFACE. L'industrie civilisée ne peut donc, je le répète, que créer les élémens du bonheur, mais non pas le bonheur. Il sera au contraire démontré que l'excès d'industrie conduit la civilisation à de très-grands malheurs, si on ne sait pas découvrir les moyens de progrès réel en échelle sociale.J'ai dit que notre politique n'avance qu'à la manière de l'écrevisse, tout en se vantant de progrès rapides. Ce sera un sujet assez digne de curiosité que l'analyse de cette rétrogradation à laquelle concourent les deux partis opposés, LIBÉRAUX ET INDUSTRIALISTES, OBSCURANS ET ABSOLUTISTES. La différence entre eux est que le parti obscurant ne nie pas qu'il tend à ressusciter le 10.e siècle, tandis que le parti libéral se flatte de conduire à la perfection. C'est faux : il tend, par double voie, à faire rétrograderle char ; on verra dans les chap. spéciaux , que la science n'a pas su élever l'état civilisé au seul progrès dont il était susceptible, c'était l'ascension en quatrième phase. Chacune des périodes sociales, dite civilisée, barbare, patriarchale, sauvage ou autre, se subdivise en quatre phases analogues aux quatre âges de la vie ; ce sont I.° l'enfance, 2.° l'adolescence, 3.° la virilité, 4.° la caducité. La 4.e phase, dite caducité, est par-fois un progrès utile; on en peut juger par l'Egypte, qui, en adoptant la tactique militaire, l'art nautique et les sciences fixes, entre en barbarie caduque ou barbarie de 4.e phase, conduisant peu à peu à la 1.re phase de civilisation.C'est donc un progrès réel, de même qu'une nuit avancée est un acheminement vers le jour. Si la civilisation savait passer de sa 3.e phase, qui est l'état actuel, à sa 4.e phase qui n'est pas encore née ; ce serait un changementtrès-favorable, car on se rapprocherait de la période suivante, celle des garanties sociales, qui est l'échelon supérieur et contigu à la civilisation. Les garanties sont le bien que rêvent tous les philosophes,sans savoir y atteindre en aucun sens : pour s'élever aux PRÉFACE. 45 garanties, il faut sortir de la civilisation, et monter à l'échelon suivant

nos sciences, loin d'avoir su nous élever ainsi de période en période, n'ont pas même pu

nous faire avancer dans la carrière civilisée, nous élever au moins de la 3.e à la 4.e phase, dont j'expliquerai le mécanisme en 7.e section. Remarquons à ce sujet qu'après tant d'études sur la civilisation, l'on n'a pas encore songé à en faire l'analyse régulière, la décomposition en quatre phases, en assignant à chacune ses caractères spéciaux qui constituent la phase, tel que anarchie mercantile dans la 3.e; et en classant les caractères généraux qui règnent dans le cours des quatre phases, comme ligue des gros voleurs pour faire pendre les petits; puisles caractèresd'engrenage quisont empruntés d'autres périodes; tel est le code militaire, qui est un emprunt sur la période inférieure, dite barbarie; tandis que le régime des monnaies, seule relation où règne la garantie de vérité, est un emprunt sur la période supérieure, celle des garanties solidaires, qui n'est pas encore née. En considérant que nos sciences ont oublié l'analyse de la civilisation, première étude qu'indiquait l'ordre méthodique, peut-on s'étonner qu'elles aient négligé beaucoup d'autres études, formant des sciences neuves et vastes, comme les suivantes, que je place en regard des classes de savans à qui elles sont attribuées. MORALISTES L'analyse de la civilisation. POLITIQUES....... La théorie des garanties solidaires. ECONOMISTES..... — des approximationssociétaires. MÉTAPHYSICIENS — — de l'attraction passionnée. NATURALISTES... — de l'analogie universelle. Lorsquechaque classe de savans manque ainsi sa tâche primordiale, il n'est pas surprenant qu'elle oublie de moindres détails, comme l'analyse du cercle vicieux de l'industrie, qui, dans son système, pèche évidemment contre les quatre bases de sage politique ; savoir

46 PRÉFACE. Attractionindustrielleapplicableaux trois classes rétives, les enfans, les sauvages, les riches oisifs. Répartition proportionnellesatisfaisant chacun en raison de ses trois facultés, capital, travail et talent. Equilibre depopulation maintenue au-dessous du nombre qui amènerait la gène des classes inférieures. Economie de ressorts, ou réduction la plus grande des improductifs, commerçans et autres, dont le nombre est aujourd'hui si énorme, qu'il comprend les deux tiers des civilisés. Lesindustrialistesesquiventcesproblèmes, et cent autres qu'onpourrait proposeraceux quise flattentde perfectionnerle système social par un progrès de la culture morcelée et de l'anarchie mercantile ou concurrence de fourberie. Les écrivains ne savent qu'encenser les vices dominans pour se dispenser d'en chercherle remède : sur les questions fondamentales, comme l'équilibre de population, l'on voit la science passer outre, en disant qu'on n'y peut rien comprendre. C'est ainsi que Stewart débrouille cette énigme de l'exubérance de populace, énigme reprise après lui par Wallace et Malthus, qui n'y ont pas compris davantage. Les questions de politique sociale seront toutes insolubles, tant qu'on voudra spéculer sur le régime civilisé qui est un labyrinthe intellectuel, un cercle vicieux en tout sens ; mais que ne s'exerçait-on à inventer une nouvelle société? C'était là une belle carrière pour tant décrivains qui se battent les flancs à chercher un sujet neuf. Et lorsque par hasard ils mettent la main sur quelque idée neuve , comme celle d'association industrielle, ils se hâtent de l'obscurcir et l'embrouiller, en y accolant leurs vieux sophismes jusqu'aux plus ridicules , comme la communauté des biens, la doucefraternité des vraisphilantropes, tous unis d'opinion. Loin de ces fadeurs morales que met en jeu la secte Owen , il faut, en régime sociétaire, autant de scords que d'accords

c'est même par les discords qu'on doit PREFACE. 47 débuter ; et, pour former une phalange de séries passionnées (un canton sociétaire de 1,800 personnes), il faut faire éclater au moins cinquante mille discords, avant d'organiser les accords. On peut juger par là combien notre siècle était loin des routes de l'association, en apportant à celte étude tous les faux jugemens de la mo- rale sur les passions et les voies d'harmonie sociale. L'industrialisme étant, je l'ai dit, la plus récente de nos illusions scientifiques et la plus accréditée ; j'ai dû la réfuter avant d'entrer en matière, en désabuser les par- tisans, leur montrer le cercle vicieux de ses efforts mal dirigés, de cette industrie opérant sans but ni méthode. Mais pourquoi tant d'impéritie chez des hommes si savans, si habiles écrivains; pourquoi leur beau talent n'a-t-il abouti qu'à nous jeter de Charybde en Scylla ? C' est qu ils marchentsans boussole dans un labyrinthe. Rappelons à ce sujet leur principe sur l'analogie ( SCHELLIING cité précédemment ). S'il existe unité et analogie dans le système de la nature, nous devons avoir en politique deux boussoles comme en matériel. Les na- vigateurs ont pour se diriger, l'aiguille aimantée et les astres; il faut que la politique sociale ait de même ses deux guides, sa boussole et sa contre-boussole. Il n'y aurait plus d unité de système ni d'analogie , si Dieu n avait pas pourvu le monde social comme le monde matériel de deux guides pour diriger sa marche. Avant de désigner ces deux boussoles sociales, il faut faire en- trevoirleur absence et les efforts de l'esprit humain pour les découvrir, soit en industrie, soit en administration. EN INDUSTRIE. Je choisis pour indice les vocations naturelles et l'art de les faire éclore. C'est un art profon- dément inconnu

on en va juger par un fait récent.

Un jeune charretier de 23 ans conduisait des métaux à l'usine de MM. Manby etVilson, à Charenton. L'aspect de cet atelier, qu on dit effrayant, le charma et développa sa vocation, son attraction industrielle méconnue jusque¬ 48 PRÉFACE. là de ses parents et de lui-même ; il s'engagea dans ce genre de travail, et il y fit un progrès si rapide, qu'au bout d'un an il put remplacer un ouvrier très-précieux qu'on payait 22 francs par jour. Dans ce petit événement,que de griefs contre nos méthodes industrielles, nos théories d'éducation, de perfectionnement et étude de l'homme ! Pourquoi ne saventelles pas discerner et faire éclore dès le bas âge les vocations industrielles de chaque enfant, l'appliquer aux divers emplois où la nature l'appelle ? Voilà ce qui est impossible à la civilisation ; elle veut faire de Métastase, un portier ; de J.-.J. Rousseau et de Franklin, deux ouvriers obscurs. Ce n'est que par des coups de hasard infiniment rares, qu'on voit quelques industrieux sauvés de cette absorption, et placés souvent très tard au poste que l'instinct leur assignait

ce charretier ne trouva le

sien qu'à 23 ans, et ce fut par effet du hasard. Il est donc évident qu'il nous manque une boussole, une clé pour déchiffrer ce grimoire des attractions et vocations industrielles ou scientifiques: on ne peut les faire éclore que par emploi des Séries passionnées, qui sont la boussole principale en toute branche de mécanique sociale et surtout en éducation. Le problème qui va être résolu sur ce sujet est de faire éclore non pas une mais vingt vocations, chez tout enfant âgé de trois ans ; dès l'âge de 4 ans il devra figurer déjà très-adroitement dans une vingtaine de Séries industrielles, et y gagner plus que ses frais de nourriture et entretien ; y exercer alternativement toutes ses facultés matérielles et intellectuelles, donner à toutes un essor complet. Au lieu de vingt vocations écloses et en plein exercice à l'âge de 4 ans , on ne trouve souvent, chez le civilisé, aucune vocation éclose à vingt ans. S'il est plébéïen, ses parens l'appliquentforcément à un travail horsdinstinct, où il végétera, car tout individu devient un pauvre sujet quand il n'est pas au rôle que la nature lui assigne. S il est de la classe aisée, il n'aura peut-être pas un état à 30 PRÉFACE. 49 ans ; sur cent jeunes gens qu'on envoie aux universités , aux écoles de droit et de médecine, il en est à peine vingt qui réussissent. L'éclosion des vocations, l'art de les développer dès le bas âge, est l'écueil de nos sciences

il dénote que nous n'avons point de boussole en direction des instincts, même en exercice de l'agriculture; elle est présentée aux enfans villageois, de manière à n'exciter que leur répugnance. Nos sciences, en éducation industrielle comme en tout, sont visiblement hors des voies de la nature ou attraction ; et il est clair qu'il faut recourir à une science neuve, pour obtenir une boussole de direction industrielle : c'est la Sériepassionnée. Quand elle est régulièrement formée selon les règles que j'exposerai en première section, l'homme, depuis le berceau jusqu'à l'âge décrépit, est toujours entraîné aux fonctions où il peut servir à la fois l'intérêt public et le sien, et donner la plus sage direction à ses facultés corporelles et intellectuelles. Il est une seconde boussole sociale à déterminer, car la nature n'en donne pas une seule, mais deux en tous genres : elle nous doit donc la contre-boussole en mécanique sociale. Je vais d'abord en signaler l'absence : EN ADMINISTRATION. L'instinct nous a fait découvrir le germe des garanties naturelles ( garantie de vérité et d'économie ), et l'on n'a su l'appliquer qu'au système des monnaies, seule relation où règnent la vérité et l'économie. Or qu'est-ce que le système des monnaies ? C'est une régie fiscale à deux contre-poids formésparle change et l'orfèvrerie

leur concurrence maintient le gouvernement dans les voies d'économie et de vérité ; c'est donc le système qu'il aurait fallu appliquer à tout l'ensemble du mécanisme commercial et administratif, pour y in- troduire les garanties d'économie et de vérité. Le régime des monnaies est un monopole, mais un monopole composé, à double contre-poids; en cela il diffère pleinement du monopole simple comme celui des tabacs, qui est l'arbitraire sans contre-poids. 4 50 PRÉFACE. Nous avons donc sous la main une des deux boussoles sociales, c'est le monopole composé que l'instinct a fait découvrir à tous les gouvernemens; ils n'ont pas su l'appliquer au commerce , et s'en emparer pour le bien des peuples qui ont besoin d'une garantie de vérité et d'économie dans le mécanisme de circulation. Dupe des sophismes de liberté, l'administration s'est laissée frustrer de la plus belle portion de son domaine: elle abandonne le commerce aux particuliers, à la concurrence de fourberie, à l'anarchie mensongère et complicative. Laquelle des deux méthodes est préférable , ou de la garantie qui règne dans le monopole des monnaies, ou de la liberté anarchique du commerce qui augmente chaque jour le nombre de ses agens, l'absorption de capitaux, les entraves de fourberie et la complication de mécanisme ? Pour en juger, il faudrait mettre pendant quelques temps la monnaie en régime commercial, en libre concurrence. L'on aurait bientôt dans chaque empire vingt-mille fabricans de monnaie, qui en protestant de leur loyauté selon l'usage commercial, distribueraient à l'envi des monnaies de faux titre

toutes les transactions

seraient entravées, l'industrie tomberait dans le chaos. De là il est évident que la garantie industrielle réside dans le MONOPOLE COMPOSÉ ou régiefiscale a double contre-poids , et que le régime de concurrence mensongère est l'absence de toute garantie. C'est donc le monopole composé qui est la deuxième boussole sociale ; son application au commerce nous aurait ouvert une issue de civilisation et nous aurait élevés à la période des garanties solidaires, qui est l'échelon intermédiaire entre l'état civilisé et l'état sociétaire. Ainsi nos philosophes dans leurs rêves de garantie sociale, vont chercher bien loin le trésor qu'ils ont sous la main, et dont ils voient le germe dans la plus remarquable de nos relations, celle des monnaies, exercée par monopole à double contre-poids. PRÉFACE. 51 Ils ont surles contre-poids sociaux des idées confuses: ils raisonnent sans cesse de balance, contre-poids, garan- ties, équilibre ; mais héritiers des travers de la philosophie ancienne, ils veulent introduire dans l'administrationces contre-poidsqu'il faudrait placer dansl'industrie. Cette fausse marche ne peut amener que des désordres

les gouvernemens qu'on veut enchaîner par des constitutions, résisteraienttoujours avec plein succès. La réforme ne doit porter que sur l'industrie. Dès qu'elle sera orga- nisée en mécanisme de garantie ou d'association, tout gouvernement trouvera son intérêt à réprimer les abus qu'il protège en civilisation. C'est donc, sur l'industrie seule que les réformateurs auraient du porter leurs vues ; et pour se diriger dans cette carière, il aurait fallu faire usage de l'une des deux boussoles

Ou du monopole à double contre-poids, qui existe déjà en germe, et qui, par son extension, aurait conduit à la période des garanties sociales. Ou des Séries passionnées: dont linvention plus difficile aurait conduit à l'association,destin ultérieur de l'humanité. ( Les garanties ne sont qu'une transition, un état mixte entre la destinée malheureuse dite civilisation et la destinée heureuse ou état sociétaire). L'invention du monopole composé était mieux adaptée à l esprit de notre siècle, qui se bat les flancs pour lutter contre un monopole simple exercé parl'Angleterre sur le commerce maritime. Cette tyrannie industrielle serait tombée comme toutes les autres devant le monopole composé, et l'Angleterre même y aurait trouvé du bénéfice. Cette invention eut illustré la science dite économie ou économisme, qui préfère lâcher pied, et préfend que sa tache se borne a l analyse de l'ordre existant

que n'a-t-elle tenu au moins cet engagement, en donnant

l analyse du commerce qui nous aurait révélé d'étranges turpitudes! ( Voyez chap. 43 et 44 ). On en aurait con- clu a la réforme de ce cloaque de vices, de ce mécanisme 4. 52 PRÉFACE. inepte qui, par le concours de soixante caractères malfaisans, tels que les cinq déjà cités, consommation inverse, circulation inverse, concurrence inverse, etc.,fait de l'industrie un trébuchet pour les peuples, et augmente à la fois leur misère et leur dépravation. L'on prétend que les hommes ne sont pas plus faux qu ils n'étaient jadis; cependant on pouvait, il y a un demisiècle se procurer à peu de frais des étoffes de bon teint et des comestibles naturels; aujourd'hui l'altération, la fourberie dominent partout. Le cultivateur est devenu aussi fraudeur que l'était jadis le marchand. Laitages, huiles, vins, eaux-de-vie, sucre, café, farines, tout est falsifié impudemment. La multitude pauvre ne peut plus se procurer de comestibles naturels; on ne lui vend que des poisons lents , tant l'esprit de commerce a fait de progrès jusque dans les moindres villages. Lorsque le parti obscurant s'autorise de ce résultat pour motiver ses vues de rétrogradation, il peut se croire bien fondé, surtout depuis la crise pléthorique de 1826. Toutefois c'est une ressource méprisable et dangereuse que l'obscurantisme dans les conjonctures présentes; il était un rôle brillant dont les adversaires du libéralisme n'ont pas su s'emparer; ils auraient dû faire ce que les libéraux ne savent pas faire, avancer en echelle sociale, opérer un progrès réel par la réforme du système commercial, opération très-facile qui, en France, donnerait un revenu de deuxcents millions au fisc, et d'un milliard à la nation ; puis un avantage plus précieux encore, la garantie de vérité et d'économie dans le mécanisme de circulation que l'anarchie actuelle complique au degré scandaleux

depuis un demi-siècle, le commerce a élevé au quadruple le nombre de ses agens, pour un travai qui n'a que peu ou point varié ; la fourberie s'est accrue en même rapport ainsi que l'absorption de capitaux. Si les obscurans avaient su inventer cette opération, appliquer au commerce le système monétaire , le monopole composé, ou régie fiscale à double contre-poids, ils PRÉFACE. 53 auraient enlevé aux libéraux la faveur de l'opinion, et auraient pu leur dire

« C'est nous qui conduisons l'état

» social au perfectionnement

vous ne saviez que le faire

» rétrograder en vous prosternant aux pieds du veau d'or, » en prostituant votre faconde à encenser un régime » d'anarchie et de fourberie mercantile , au lieu de vous » évertuer à chercher le mode commercial véridique. » Terminons en remarquant que les sophistes qui prétendent fonder l'association ou qui écrivent sur ce sujet, n'ont aucune connaissance des deuxboussoles, pas même de la deuxième dite monopole à double contre-poids, qui est au milieu de nous comme un diamant inaperçu et foulé aux pieds. D'autre part ces praticiens et théoricienstombent tous dans le vice d'irréligion scholastique, l'erreur d'attendre de la raison humaine dite législation, des connaissances qu'il faut demander à la raison divine, par étude de l'attraction ou loi naturelle. Au lieu d'incliner à cette étude, on voit les réunions soi disant sociétaires s'engager dans la controverse politique et religieuse. Quelques-uns en viennent presqu'à faire scission avec Dieu ; tels sont les Owénistes qui lui retranchent le culte public. Il suffirait de cette pitoyable innovation pour prononcer, même avant de connaître leurs dogmes et méthodes, qu'ils n'ont aucune connaissance en association. S'ils avaient entrevu en quelque point ce mécanisme, ils sauraient que dansl'étatsociétaire, l'amourdeDieu devient passion ardente chez tous les humains

jouissant à chaque instant de nouveaux plaisirs, et voguant sur un océan de délices, ils éprouverontle besoin d'adresserà toute heure des hommages au créateur d'un si bel ordre. Loin de se ralentir dans l'exercice du culte divin , ils s'en feront un charme habituel. Les assemblées religieuses dans les temples ne suffiront pas à leur gratitude ; ils vou- dront encore dans les groupes de travail ou de plaisir, voir au milieu d'eux quelque emblème du bienfaiteur 54 PRÉFACE. du monde, l'associer en quelque façon à leur bonheur, et entonner dans toute réunion un hymne à sa louange. Les athées mêmes, en voyant le chef-d'oeuvre de la sagesse divine, l'harmonie des passions et des caractères antipathiques, l'industrie devenue attrayante pour les Sybarites même ; les enfans, dès le plus bas âge, entraînés constamment au bien; l'excellence des impulsions données par l'attraction ; les athées, dis-je, en voyant ces merveilles, feront trophée de se rallier à l'esprit religieux ; ils seront les plus ardens à proclamer la gloire de Dieu et l'opprobre des lois civilisées; elles paraîtront ce qu'elles sont réellement, une oeuvre de l'esprit infernal. Ces lois, qui n'ont su qu'avilir la vertu, en assurant au vice tous les succès, ont fait naître les doutes sur la Providence dont on ne voyait aucune empreinte dans les perfidies du régime civilisé, dansles honteux résultats d'une industrie qui fait le supplice des êtres condamnés à l'exercer, et rabaisse l'homme policé bien au-dessous du sauvage et de l'animal. Je regrette que la nécessité d'abréger m'oblige à supprimer beaucoup de notions préliminaires: il aurait surtout convenu de donner aux savans et artistes un exposé des immensesrichesses et du lustre dont ils jouiront dans le nouvel ordre. Ils sont fort enclins à s'ombrager des découvertes,ils craignent qu'une science neuve ne nuise à leur commerce de systèmes. Obligés de ramper pour obtenir quelque chétif émolument, ils traitent de vision l'idée d'un ordre où les savans et artistes figureront aux rangs supérieurs, et gagneront aisément les trésors que l'état civilisé ne donne qu'aux agioteurs et aux intrigans. Quelle est leur duperie de se passionner pour un ordre de choses où ils occupent le dernier rang, car il n'est rien de plus asservi, bâillonné, humilié que les savans et artistes ! Ils vantent l'auguste vérité comme la meilleure amie des humains; elle n'est guère amie des philosophes; car, s'ils osent la faire entendre, ils sont dépouillés ou persécutés, comme lesVillemain, Lacretelle, PRÉFACE. 55 Michaud, les Legendre, Tissot, Lefêvre-Gineau, etc. Je m'engage à leur démontrer que, dans l'état sociétaire où ils jouiront d'une pleine liberté, il leur sera plus aisé de gagner des millions qu'aujourd'hui des mille francs, et que le moindre magister de village y deviendra un homme précieux , à plus forte raison les hommes capables de diriger en quelque branche l'école normale d'une province. Il faut, dans l'état sociétaire , que le peuple soit éclairé, initié aux sciences et aux arts ; c'est un moyen de fortune générale : dès-lors les obscurans actuels seront empressés de répandre l'instruction. Les tableaux de cette fortune prochaine des savans seraient trop éblouissans pour des hommes façonnés au mal-être ; ils soupçonnent toujours de l'exagération, et croient que je mets, comme les financiers, des zéros de trop ; il n'en est rien , tout sera bien arithmétiquement démontré

loin d'enfler les comptes, je suis dans l'usage de réduire de moitié la somme, et l'on verra qu'une seule des nouvelles sciences, l'analogie, doit rendre aux auteurs un bénéfice de cinq à six millions de francs parfeuille de 16 pages : elle contiendra au moins trois mille volumes de la dimension de celui-ci, et paraîtra feuille par feuille pour satisfaire l'impatience générale : ce ne sera qu'une branche des profits énormes que l'état sociétaire assure aux savans et artistes. Ils ont bonne grâce après cela de s'accrocher à leur mesquin budget de 400,000 francs dans Paris! C'est imiter un misérable qui, appelé à recueillir un brillant héritage, habiter un hôtel et renoncer à sa cabane, penserait qu'il va mourir de faim , quand il n'aura plus ses pots de terre et ses cuillers de bois. On peut excuser les médecins de s'alarmer du magnétisme , parce qu'il réduirait dans divers cas leur domaine sans présenter de compensation; il n'en est pas ainsi du calcul de l'attraction , qui est un Pactole pour tous les savans et artistes. En passant à cette théorie, je ne puis mieux fixer 56 PRÉFACE. l'attention du lecteur qu'en lui rappelant le but où. elle doit nous conduire

elle donnera la richesse et de plus le bonheur, qu'on n'obtiendrait pas de la seule richesse et qui consiste dans le plein développement des passions. C'est un bien dont les plus opulens civiliséssont encoretrèséloignés ; ou va se convaincre que le plus heureux d'entre eux, tel qu'un monarque puissant, jeune, beau et ro- buste , ne peut pas parvenir au degré de bonheur dont jouira, dans l'état sociétaire, le plus pauvre des hommes de même âge et même santé. Là se termineront toutes les controverses philosophiques sur le vrai bonheur

on

va reconnaître qu'il n'est pas fait pour la civilisation, et que les Sybarites les plus vantés sont encore infiniment loin du bonheur. AVIS. J'ai publié, en 1822 , un ouvrage sous le titre de Traité de l'Association domestique-agricole. Ce Traité, en deux forts volumes, contient des détails importons qui ne pourraient pas trouver place dans un abrégé aussi restreint que celui-ci. Je les indiquerai à l'occasion , en désignant chaquevolumepar les chiffres I et II, comme I, 300, II, 600. Par exemple : Grammaire des Passions, I, 381 à 443. Les renvois non précédés des signes I ou II, ne concernent que le présent volume d'abrégéPourfaciliter les personnes qui voudront consulter ce traité,j' en réduis le prix à moitié, à six francs les deux volumes, édition compacte, contenant 1, 300 pages : se trouve , à Paris, BOSSANGE père, rue Richelieu, n.° 60 ; P.e MONGIE aîné, boulevart Italien. LE NOUVEAU MONDE INDUSTRIEL ou MÉTHODE SOCIÉTAIRE NATURELLE. SECTION PREMIÈRE. ANALYSE DE L'ATTRACTION PASSIONNÉE. PREMIÈRE NOTICE. NOTIONS ÉLÉMENTAIRES SUR LES SÉRIES PASSIONNÉES. CHAP. I. Des trois buts de l'Attraction, et de ses douze ressorts ou passionsradicales. L'ATTRACTION passionnée est l'impulsion donnée par la nature antérieurement à la réflexion , et persistante malgré l'opposition de la raison, du devoir, du préjugé, etc. En tout temps et en tous lieux l'attraction passionnée a tendu et tendra à trois buts : I.° Au luxe ou plaisir des cinq sens. 2.° Aux groupes et séries de groupes, liens affectueux. 3.° Au mécanisme des passions, caractères, instincts. Et par suite à l'unité universelle, I.er But, LELUXE. Il comprend tousles plaisirssensuels; en les désirant nous souhaitons implicitement la santé et la richesse qui sont les moyens de satisfaire nos sens : nous souhaitons le luxe interne ouvigueur corporelle, raffinement et force des sens ; et le luxe externe ou fortune pécuniaire. Il faut posséder ces deux moyens pour atteindre au premier but de l'attraction passionnée, qui est de 58 NOUVEAU MONDE satisfaire les cinq ressorts sensuels ; goût, tact, vue, ouïe, odorat. L'analyse des sens est un sujetfort neuf,on'ne connaît pas même l'échelle des facultés de chaque sens, et de ses emplois en sept degrés. ( Voyez sur ce sujet, I, 395, les fonctions des sens graduées en échelle à tous degrés. I, 417 , même graduation appliquée à la vue et à d'autres sens. II, 444, l'attraction inverse ou combinaison des vi- lains goûtssensuels, et leur emploi en harmonie générale.) 2.e But

Les groupes et Séries. L'attraction tend à former des groupes qui sont au nombre de quatre. Des qu'un groupe devient nombreux, il se subdivise en sous-groupesformant une série de partis échelonnés en nuances d'opinions et de goûts. On voit la série se former, même dans un petit groupe de sept personnes ; après quelquesjours d'exercice, il présentera trois nuances ou partis, classés par 2, 3, 2 sectaires, et si le groupe s'élève à une vingtaine d'individus, il s'y manifestera bien vite, cinq, six, sept nuances d'opinions et de goûts. De là il est évidentque tous les groupes à tendent à former la série, ou échelle de variétés en genre, en espèce; et que les séries de groupes sont deuxième but de l'attraction, dans toutes les fonctions des sens et de l'âme. Par exemple, le sens de l ouïe exige, en accords mu- sicaux, une série de trois groupes, modulant en dessus médium et basse ; puis une série d'instrumens tenus par des groupes inégaux en nombre. Il en est de même de tous les plaisirs sensuels; aucun n'est complet s'il n'est distribué en série de groupes. Il y a mesquinerie et pauvreté partout où il n'y a pas série dans l'exer INDUSTRIEL. 59 cice des plaisirs pu des travaux, et option sur les échelons de la série. Il faut que le Créateur ait jugé les groupes et les séries bien nécessaires, puisqu il a adopté cette distribution dans tous les règnes: les naturalises ne peuvent les classer que par groupes et séries; que n'a-t-on fait sur ce sujet quelques essais appliqués aux passions. 3.e But : la mécanique des passions ou des séries de groupes; la tendance à faire concorder les cinq ressorts sensuels, I goût, 2 tact, 3 vue , 4 ouïe, 5 odorat, avec les quatre ressorts affectueux, 6 amitié, 7 ambition, 8 amour, 9 paternité. Cet accord sétablit par entremise de trois passions peu connues et diffamées, que je nommerai, 10 la Cabaliste, 11 la Papillonne, 12 la Composite. Elles doivent établir l'harmonie des passions, en jeu interne et externe. Jeu interne : Chacun voudrait ménager, dans le jeu de ses passions, un équilibre tel que l'essor de chacune favorisât celui de toutes les autres; que l'ambition, l'amour n'entraînassent qu'à des liaisons utiles, et jamais aux du peries; que la gourmandise concourût à améliorer la santé, au lieu de la compromettre ; enfin, qu'on marchât toujours dans les voies de la fortune et de la santé, en se livrant aveuglément à ses passions. Cet équilibre, fondé sur l'abandon irréfléchi à la nature , est accordé aux animaux et refusé à l'homme civilisé, barbare et sauvage. La passion conduit l'animal à son bien , et l'homme à sa perte. Aussi l'homme, dans l'état actuel, est-il en état de guerre avec lui-même. Ses passions s'entrechoquent ; l'ambition contrarie l'amour, la paternité contrarie l'amilié, et ainsi de chacune des douze. De la naît la science nommée MORALE , qui prétend les réprimer; mais réprimer n'est pas mécaniser, harmoniser; le but est d'arriver au mécanisme spontané des passions, sans en réprimer aucune. Dieu serait absurde, s'il eût donné à notre ame des ressorts inutiles 60 NOUVEAU MONDE ou nuisibles. (Voyez I, 281, la thèse des attractions proportionnelles aux destinées, ) Jeu externe : Pour le régulariser, il faudrait que chaque individu, en ne suivant que son intérêt personnel, servît constamment les intérêts de la masse. Le contraire a lieu : le mécanisme civilisé est une guerre de chaque individu contre la masse, un régime où chacun trouve son intérêt à duper le public ( 41 )

c'est la discorde ex- terne des passions

il s'agit d'arriver à leur harmonieinterne et externe, troisième but de l'attraction. Pour y atteindre, chacun a recours à la contrainte, et impose à ses inférieurs des lois de sa façon , qu'il appelle saines doctrines. Le père de famille assujétit sa femme et ses enfans à un régime qu'il dit être la sagesse. Le seigneur fait adopter ses saines doctrines dans le canton où il domine; le magistrat, le ministre, opèrent de même sur le pays qu'ils régissent. Une petite maîtresse veut régénérer toutes les toilettes par de saines doctrines sur le bon genre ; un philosophe veut régénérer toutes les constitutions, un écolierveut, à coups de poing, faire observerses saines doctrines dans les jeux enfantins. Chacun veut donc mettre les passions de la masse en harmonie coopérative avec les siennes; ainsi chacun tend a la mécanique externe des passions, et se persuade qu'il fait le bonheur de ceux qu'il assujétit à ses caprices. Chacun désire de même le mécanisme interne, qui mettrait ses passions en harmonie avec elles-mêmes. Il suit de la que le troisième but de l'attraction est le mécanisme interne et externe des passions. Ce mécanisme doit être dirigé par les trois passions numérotées 10, 11, 12, et qu'on peut nommer DISTRIBUTIVES ou MÉCANISANTES. Je leur donne à chacune trois noms spéciaux, afin de laisser l'option aux lecteurs pointilleux. 10.e La Cabaliste, intrigante, dissidente. 11.e La Papillonne , alternante, contrastante. 12. La Composite, exaltante, engrenante. INDUSTRIEL. 61 Je définirai plus loin cestrois passionstrès-méconnues. Ce sont elles qui gouvernent le jeu des Séries passionnées; toute série est faussée, quand elle ne donne pas un libre cours aux trois passions mécanisantes. Elles sont titrées de vices en civilisation

les philosophes prétendent que la io.e, l'esprit cabalistique, est un mal, qu'on doit être tous unis d'opinion,tous frères. Ils condamnent de même la 11.e, dite Papillonne, besoin de varier ses jouissances, de voltiger de plaisirs en plaisirs ; et la 12.e, dite Composite, besoin de goûter à la fois deux plaisirs, dont l'amalgame élève l'ivresse au degré d'exaltation. Ces trois passions titrées de vices, quoique chacun en soit idolâtre, sont réellement des sources de vice en civilisation, où elles ne peuvent opérer que sur des familles et des corporations; Dieu les a créées pour opérer sur des Séries de groupes contrastés; elles ne tendent qu'à former cet ordre, et ne peuvent produire que le mal, si on les applique à un ordre différent. Elles sont les principales des douze passions radicales; elles ont la direction des neuf autres : c'est de leur intervention combinée que naît la vraie sagesse, ou équilibre des passions, par contre-poids de plaisirs. Les 12 passions ont pour but l'unité d'action. Le besoin d'unité, que je nommerai UNITÉISME, se manifeste fortement chez les conquérans et les philosophes. Les conquéransrêvent l'unité forcée par terreur et as- servissement universel

ils l'établissent partiellement

c'est l'unité inverse, violentée. Les philosophes rêvent l'unité directe et spontanée, la philantropie universelle, ou fraternité de tous les peuples,fédération imaginaire. Ainsi chacun rêve l'unité à sa manière, soit pour l'ensemble , soit pour les détails. Chaque nation voudrait que son langage fût parlé par toute la terre. Les civilisés ont, plus que les barbares, le goût de l'unité, car ils voudraient que les quarantaines sanitaires fussent uni¬ 62 NOUVEAU MONDE verselles: ils sont donc très-enclins à la passion pivotale, que je nomme UNITÉISME, et qui est aux douze autres ce que le blanc est aux couleurs du prisme. L'ordre sociétaire va réaliser subitement, toutes les unitésimaginables,soit en utilité, comme celles de quarantaines, langage, méridien ; soit en agrément, comme celles de diapason et autres bagatelles. De là naîtra, entre autres avantages, l'extirpation des maladies accidentelles , pestes, épidémies, virus variolique, psorique, syphilitique et autres virus non endémiques. Au résumé, l'attraction tend à trois buts ou foyers. Elle nous y pousse par douze aiguillons ou passions radicales, cinq sensuelles, quatre affectueuses, trois mécanisantes. Apprenons, dès ce premier chapitre , à distinguerl'attraction du devoir

par exemple
aucun législateur n'a

érigé le dîné en devoir, parce que le dîné étant voeu de la nature, ou attraction, ne sera jamais négligé. N'admettons pour attraction que ce naturel invariable, comme le penchant à prendre ses repas, en dépit des dogmes et devoirs qui le défendraient. Toute théorie de devoir, de morale et de chaîne intellectuelle, ne conduirait qu'à s'abuser sur les ressorts et les fins de l'attraction. CHAP. II. Généralités sur les Sériespassionnées. L'ART d'associer ne consiste qu'à savoir former et développer en plein accord une masse ou phalange de Séries passionnées,pleinement libres, mues par la seule attraction , et appliquées aux sept fonctions industrielles ( 8 ) et aux plaisirs. Notre étude ici sera donc bornée à deux points

A la distribution interne d'une série et de ses groupes et sous-groupes. A leur distribution externe, ou engrenage et coopération spontanée avec les autres séries de la phalange sociétaire et des phalanges vicinales. INDUSTRIEL. 63 La nature emploie les séries de groupes dans toute la distribution de l'univers

les trois règnes, animal, végétal et minéral, ne nous présentent que des séries de groupes. Les planètes mêmes sont une série d'ordre plus parfait que celui des règnes

les règnes sont distribués en séries simples ou libres ; (le mot libres signifie que le nombre de leurs groupes est illimité

) les planètes sont disposées en série composée ou me- surée ; cet ordre, plus parfait que le simple, est inconnu des astronomes et géomètres

de là vient qu'ils ne peuvent pas expliquer les causes de la distribution des astres, dire pourquoi Dieu a donné plus ou moins de satellites à telles planètes, pourquoi un anneau à l'une, et point à l'autre, etc. Une Série passionnée est une ligue de divers groupes échelonnés en ordre ascendant et descendant, réunis passionnément par identité de goût pour quelque fonction, comme la culture d'un fruit, et affectant un groupe spécial à chaque variété de travail que renferme l'objet dont elle s'occupe. Si elle cultive les hyacinthes ou les pommes de terre, elle doit former autant de groupes qu'il y a de variétés en hyacinthes cultivables sur son terrain, et de même pour les variétés de pommes de terre. Les distributions doivent être réglées par l'attraction ; chaque groupe ne doit se composer que de sectaires en- gagés passionnément, sans recourir aux véhicules de besoin, morale, raison, devoir et contrainte. Si la série n'était pas passionnée et méthodiquement distribuée, elle n'atteindrait pas aux propriétés géomé- triques en répartition ; elle manquerait de la propriété primordiale, influence des groupes extrêmes, égale à la double influence du groupe moyen ; elle ne pourrait pas figurer dans une phalange sociétaire. Une Série passionnée agissant isolément, n'aurait pas de propriétés, quelque régulière qu'elle pût être; on pourrait, dans une ville, essayer de former une série 64NOUVEAU MONDE sur un travail agréable, culture de fleurs , soin de jolis oiseaux ; cela serait inutile : il faut des séries engrenées et mécanisées, au nombre de quarante-cinq à cinquante au moins ; c'est le plus petit nombre sur lequel on puisse tenter un essai, une approximation de lien sociétaire et d'attraction industrielle. J'ai dit que le mécanisme des Séries passionnées a besoin de discords autant que d'accords ; il utilise les disparates de caractères, de goûts, d'instincts, de fortune, de prétentions, de lumières, etc. Une série ne s'alimente que d'inégalités contrastées et échelonnées; elle exigeautant de contraires ou antipathies, que de concerts ou sympathies; de même qu'en musique on ne forme un accord qu'en excluant autant de notes qu'on en admet. Les discords sont tellement nécessaires dans une Série passionnée, que chacun des groupes doit y être en pleine antipathie avec ses deux contigus, et en antipathies graduées avec les sous-contigus; de même qu'une note musicale est essentiellement discordante avec ses deux contigues : RÉ discorde avec UT dièze, et avec MI bémol. Outre ses propriétés géométriques en répartition des bénéfices, une réunion de Séries passionnées a des propriétés magnifiques en harmonie sociale , telle que ÉMULATION , JUSTICE, VÉRITÉ, ACCORD DIRECT, ACCORD INVERSE , UNITÉ. Emulation, élevant tout produit au plus haut degré en qualité et quantité. Justice , moyen de satisfaire chacun en prétentions d'avancement, d'éloges, d'appui. Verité, passionnément exercée, et de plus obligée par impraticabilité du mensonge. Accord direct, par ligue des identités et des contrastes. Accord indirect, ou absorption des antipathies individuelles, dans les affinités collectives. Unité d'action, concours de toutes les séries aux dispositions qui conduisent à l'unité. Le régime civilisé a toutes les propriétés opposées, langueur, injustice, fourberie, discorde, duplicité. INDUSTRIEL. 65 Le mécanisme des Séries passionnées ne repose jamais sur des illusions

il n'emploie que des ressorts franchement attrayans , et réunissant ordinairement quadruple charme ; deux pour les sens et deux pour l'ame ; tout au moins un plaisir des sens et un de l'ame, ou deux charmes de l'ame dans les fonctions incompatibles avec le plaisir des sens. Une Série passionnée n'est régulière, et n'acquiert les propriétés précitées qu'en remplissant trois conditions, I.° La compacité, ou rapprochement des variétés cultivées par les groupes contigus. Sept groupes cultivant sept poires très-différentes, comme Beuré blanc, Mes- sire-Jean, Rousselet , Bezy, Martin sec, Perle, Bon Chrétien , ne pourraient pas former une Série pas- sionnée; ces groupes n'auraient ni sympathie, ni antipathie entre eux, ni rivalité, ni émulation faute de rap- prochement ou compacité des espèces cultivées, comme seraient les trois beurés blanc, gris et vert. La passion dite Cabaliste n'aurait pas d'essor, et c'est l'une des trois qui doivent diriger toute série passionnée. 2.° Les courtes séances : les plus longues bornées à deux heures. Sans cette disposition, un individu ne pourrait pas s'engager dans une trentaine de séries ; dès-lors les accords de répartition et le mécanisme d'attraction in- dustrielle seraient anéantis

les longues séances entrave- raient la passion dite Papillonne, manie de voltiger de plaisir en plaisir, l'une des trois qui doivent diriger toute Série passionnée, et ménager un contre-poids aux excès, par option sur double plaisir à toute heure de la journée. 3.° L'exercice parcellaire : Le travail de chacun doit se borner à telle parcelle de fonctions. Si la culture de la Rose-Mousseusefournit cinq à six fonctions différentes, le groupe gérant doit y affecter cinq à six sous-groupes qui se partageront les fonctions, selon le goût de chacun. Le mode civilisé obligeant un homme à remplir toutes les fonctions d un travail, entraverait le jeu de la pas¬ 5 66 NOUVEAU MONDE. sion dite Composite, ou exaltante,l'une des troisqui doivent diriger chaque série passionnée. En somme, le mécanisme des séries se réduit à une règle bien précise, bien fixe, qui est de développer les trois passions distributives, 10.e, 11 .e, I2.e, par emploi des trois méthodes, compacité, courtes séances, exercice parcellaire ; et ces méthodes ne sont autre chose que la passion même, l'effet naturel de la passion. Je développerai cette règle dans des chapitresspéciaux : il convient de la poser dès le début, pour faire connaître qu'il n'y aura rien d'incertain ni d'arbitrairedansla théorie d'attraction industrielle et d'harmonie pass : en effet: Le problème est de donner libre cours aux douze passions radicales; à défaut, il y aurait oppression et non harmonie. Ces douze passions tendent à former des séries où les deux classes de passions, dites sensuelles et affectueuses,seront dirigées par la classe des mécanisantes. Il reste donc à examiner s'il est vrai qu'en formant des séries de groupes où les trois passions mécanisantes auront plein cours.on parviendra à donner également libre cours aux neuf autres passions sans aucun conflit. Dans ce cas, toutes les douze étant développées et satisfaites chez tout individu, chacun sera arrivé au bonheur, qui consiste dans le plein essor des passions. Celle doctrine, opposée à tous les systèmes civilisés, est la seule théorie conforme au voeu de la nature, aux vues présumables de Dieu, qui , il faut le redire, serait un mécanicien inepte, s'il eût créé nos passions pour entraver celle des faibles au profit des plus forts , selon la méthode civilisée et barbare. Et dans celle que je vais, proposer, on ne trouvera aucun ressort de mon invention, puisque je n'emploierai que trois des douze passions à régir tout l'ensemble, par la combinaison la plus grande et la plus économique, celle des séries de groupes, voeu unanime du coeur humain, et distribution suivie dans tout le système de la nature connue. INDUSTRIEL. 67 CHAP. III. Détails distributifs sur le personnel des Séries passionnées. Nous donnons le nom de groupe à uneassemblée quelconque, même à une troupe de badauds réunis par en- nui , sans passion , sans but

esprits vides, gens occupés à tuer le temps, à attendre des nouvelles. En théorie des passions, l'on entend par groupe une masse liguée par identitéde goût pour une fonction exercée.Trois hommes vont dîner ensemble : on leur sert une soupe qui plaît à deuxet déplaît au troisième ; en ce moment ils ne forment pas ungroupe, car ils sont discordans sur la fonction qui les occupe. Il n'y a pas entre eux identité de goût pas- sionné pour la soupe servie. Les deux à qui plaît ce potage formentun groupe FAUX. Pour être juste et susceptible d'équilibré passionnel, un groupe doits'élever à trois au moins, être disposé comme la machine appelée balance, qui se compose de trois forces , dont la moyenne maintient l'équilibre entre les deux extrêmes. Bref, il n'y a pas groupe à moins de trois personnes homogènes en goût sur la fonction exercée. On répond : « ces trois hommes, quoique discordans » sur une bagatelle qui est la soupe, s'accordent sur » l'objet essentiel de la réunion, sur l'amitié ; ils sont in- » times

 » en ce cas, le groupe est défectueux, car il est simple

, il est réduit à un lien de l'ame. Pour l'élever au composé, il faut y ajouter un lien sensuel, une soupe qui convienne à tous trois. « Bah ! s'ils ne sont pas d'accord sur la soupe, ils le » seront sur d'autres mets. D'ailleurs, ce groupe a réel- » lement deux liens; car, outre le lien d'amitié, ces trois » hommes ont celui d'ambition, de ligue cabalistique

» ils se réunissent à dîné pour concerter une intrigue » d élection

voilà donc le double lien, le lien com- » posé que vous exigez. » Ce ne serait qu'un lien composé BATARD, formé de deux liens de l'ame ; le composé PUR exige un alliage de 5 [texte manquant] 68 NOUVEAU MONDE plaisirs de l'ame et des sens, et doit être exempt de dissidence

or, ici le repas commence par une dissidence

surla soupe, et le groupe est faussémalgré le double lien. Ce sera bien pis si nous passons au pain et au vin. Les convives A, B, C, auront sur le pain des goûts trèsopposés, une divergence complète ; par exemple, sur le degréde salaison

A veut le pain très-salé, B le préfère misalé, C le demande peu salé. Cependant on ne leur sert qu'une sorte de pain, selon l'usage civilisé ; il en faudrait au moins neuf sortes; savoir

trois degrés en SALAISON , trois en LEVAIN , trois en CUISSON ; encore faudra-t-il que ces neuf variétés de préparation soient différenciées sur troissortes de farines; une farine acidulée, recueillie en terrain pierreux, une farine moyenne, et une grasse, comme le gruau de Chartres. En total, il faut vingt-sept sortes de pain pour donner à un groupe de trois hommes un diné harmonique, un service concordant avec les passions et l'attraction. On doit établir pareille échelle de variétés sur le vin, la soupe, et sur la plupart des mets qui figurent au festin. « Eh ! s'il faut tant de raffinemens dans votre nouveau » monde industriel, pour donnera dîner à trois hommes, » onnepourrajamaisles contenter,encore moinssatisfera- » t-on les 800millions d'habitans dontle globe est meublé.» On se trompe : la théorie des Séries passionnéesfournit le moyen de satisfaire en détail toutes ces fantaisies , et cent mille autres que créera le régime sociétaire.Aussi ai-je dit qu'un monarque civilisé se trouvera beaucoup moins heureux que le moindre des harmoniens, peuples sociétaires; un enfant de sept ans, élevé dans l'harmonie, se moquera de nos sybarites actuels, il saura leur prouver qu'à chaque minute ils commettent des fautes gressières contre le raffinement des plaisirssensuels et animiques. Sans cette nouvelle science de développement et raffinement des passions, l'on ne parviendrait pas à former des séries bien méthodiques aptes à remplir les quatre conditions. (33) NOUVEAU MONDE 69 Et comme les Séries passionnées ne se composent que de groupes, il faut, avant tout, apprendre à former les groupes. « Ha ! ha ! les groupes, c'est un sujet plaisant que les » groupes: ça doit être amusant les groupes! » Ainsi raisonnent les beaux esprits quand on parle de groupes : il faut d'abord essuyer d'eux une bordée de fades équivoques; mais que le sujet soit plaisant ou non, il est certain qu'on ne connaît rien aux groupes, et qu'on ne sait pas même former un groupe régulier de trois personnes , encore moins de trente. Cependant nous avons de nombreux traités sur l'étude de l'homme : quelles notions peuvent-ils nous donner sur ce sujet, s'ils négligent la partie élémentaire, l'analyse des groupes, I, 381 ? Toutes nos relations ne tendent qu'à former des groupes , et ils n'ont jamais été l'objet d'aucune étude. Les civilisés ayant l'instinct du faux, étant portés à préférer toujours le faux au vrai, ont choisi pour pivot de leur système social un groupe essentiellement faux ; c'est le couple conjugal, groupe faux par le nombre borné à deux, faux par l'absence de liberté, et faux par les divergences ou dissidences de goûts , qui éclatent dès le premier jour sur les dépenses, les mets, les fréquentations, et sur cent menus détails, comme le degré de chaleur des appartemens. Or, si on ne sait pas harmoniser les groupes primordiaux, ceux de deux à trois personnes, on saura encore moins harmoniser l'ensemble. Je n'ai parlé que des sous-groupes, dont le minimum est de trois personnes; un plein groupe, en mécanique sociétaire , doit être de SEPT au moins, parce qu'il doit contenir trois subdivisions, dites sous-groupes, dont la moyenne soit plus forte que les extrêmes qu'elle doit tenir en balance. Le groupe de sept fournit les trois divisions 2, 3, 2, appliquées à trois parcelles d'une fonction. Dans ce cas , les groupes de 2, quoique faux, en action isolée, deviennent recevables par alliage à d'autres. 70 INDUSTRIEL. Si le centre, formé de trois personnes, est en balance avec les sous-groupes, 2 et 2, formant les extrêmes, c'est que le centre est toujours affecté à la fonction la plus at- trayante ; il a donc en supériorité de nombre, 1, et en supérioté d attraction , 1. Des lors son influence égale celle des quatre sectaires appliqués à deux autres fonctions. Un groupe serait mal équilibré à six sectaires formant les divisions 2, 2, 2 : son centre serait aussi faible en nombre que chaque aile; or, il faut, en principe, ren- forcer le centre et faire les ailes inégales, donner à l'aile ascendante plus de nombre qu'à l'aile descendante ; voici pour exemple trois divisions appliquées à 12, 16 et 24. 12 Sectaires divisés par 4, 5, 3. 16 — par 2, 3— 2, 3, 2 — 2, 2. 24 — par 2, 4, 2 — 3, 4, 2 — 2, 3, 2. Ces divisions ne doivent pas s'établir par ordre d'un chef, mais par attraction , par emploi spontané. Il faut que l'attraction seule détermine vingt-quatre sectaires cultivant telle fleur, tel légume, à former les neuf sousgroupes indiqués , et a les affecter à autant de fonctions distinctes. C'est ce que j'ai nommé régime parcellaire au deuxième chapitre. (65) Dans cet abrégé il faudrait donner au moins trente pages a ces détails minutieux sur la distribution des groupes, et je neveux pas excéder 3 pages. D'aprèscette brièveté d instructions élémentaires, on fera des fautes innombrables dans une fondation sociétaire où je ne serai pas présent; les groupes, les séries chancelleront, manqueront d'attraction, seront divergens et faussés en tout sens; on en accusera ma théorie et bien à tort, il faudra accuser la tyrannie de l'opinion qui ne permet pas aux inventeurs de donner des théories suffisantes. On accorde un espace de 5 a 6 volumes à un traité de chimie, de botanique et même à un roman ; on permet à peine un volume à l inventeur de la science d'où dépend le sort du genre humain ! Continuons. Les séries se distribuent de la même manière que les INDUSTRIEL. 71 groupes, elles opèrent sur les groupes comme ceux-ci opèrentsurlesindividus.Elles doivent contenir au moins 5 groupes. Le nombre 24 est le plus bas qui puisse fournir une scrie complète ; la division donnée plus haut pour 24 sectaires, remplit 7 conditions exigibles; savoir : Les 3 groupes, 2, 4, 2— 3, 4, 2 — 2, 3, 2 , inégaux. Le central plus fort que chacun des extrêmes. L'extrême supérieur plus fort que l'inférieur. Les 2 extrêmes subdivisés en 3 termes. Le moindre groupe élevé au minimum de 7 membres. Lessous-groupesde chaquetermerenforcéssurle centre. Les 3 groupes en progression régulière de 7, 8, 9. Cette série est donc rigoureusement exacte, quoique limitée au plus petit nombre possible : 23 ne pourrait remplir ni la troisième ni la sixième condition. Un groupe est suffisant à 7, mais il est plus parfait à 9, et peut ajouter à ses troissous-groupes un pivot ou chef, et un ambigu ou sectaire de transition ; exemple

Transition, I ambigu, Aile bacheli super.e, 2 bacheliers, Centre, 3 adeptes, Aile infer.e, 2 novices, Pivot, I chef. Celte distribution s'établit naturellement dans toute réunion d'industrie ou de plaisir, si on y donne libre cours aux passions et instincts. L'homme étant par instinctennemi de l'égalité, et enclin au régime hiérarchique ou progressif, celle échelle graduée s'établira dans une série de neuf groupes, comme dans un groupe de neuf individus, s'il y a pleine liberté. Les nombres 7 et 24 étant le minimum d'un groupe complet et d'une série complète, il faut pour établir un service actifsur ce nombre , suppléer aux malades et absens, élever au moins le groupe à 12 et la série à 40 sectaires, moyennant quoi l on pourra avoir des chefs et sous-chefs, des ambigus et sous-ambigus. Dans toute série l'aile ascendantese compose des grou¬ 72 NOUVEAU MONDE pes exerçant sur les genres les plus mâles; l'aile descendante comprend les genres benin et trivial

le centre contient les genres les plus nobles et les plus attrayans, parce qu il doit, je l'ai dit, contrebalancer les deux ailes par double supériorité, en nombre de sectaires et en dose d'attraction. Exemple tiré d'une série de poiristes. Ambigu, 4 groupes cultivant coings, sortes bâtardes. Aile asc.e, 10 = cultivant poires cassantes. Centre, 12 = cultivant poires fondantes. Aile desc.e , 8 = cultivant poires farineuses. Pwot, 2 = d'état major en industrie et en apparat. L'ensemble des séries formant une phalange se divise en neuf degrés ou puissances, savoir

1.° de classe, 5.° de variété, d'ambigu, 2.° d'ordre, 6.° de ténuité, d'infinitésimal. 3.° de genre, 7.° de minimité, 4.° d'espèce, Il serait trop long d'entrer dans les détails qu'exige ce sujet, et il est inutile de les donner trop courts sur une matière si neuve : j'en parlerai à l'occasion

voyez pour détails sur le monde ambigu

, II 440, et sur le mode infinitésimal, II 444. Insistons sur l'étourderie de cette civilisation qui pré- tend avoir étudié l'homme, et qui a oublié d'analyser les groupes, leurs propriétés contrastées, I, 386, leurs essors en divers degrés, I, 392. C'est une gaucherie de même force que si, en agriculture, on eût oublié les gra- minées; et que le blé, l'orge, l'avoine fussent encore dé- daignés, méconnus comme le café l'a été pendant plusieurs mille ans, jusqu'a ce que des chèvres par leur ivresse en eussent décélé les propriétés. Le monde savant a ce caractère de servilité, persissistance dans un préjugé, parce que tel maître en était imbu. Aristote n'a pas fait mention du café, vingt siècles suivans en concluent que le cafier et sa fève ne sont pas ines d'attention. Platon n'a fait aucune analyse des INDUSTRIEL. groupes, donc les groupes ne sont pas dignes d'étude. Ainsi opine le génie civilisé; puis il prétend avoirperfectionné la raison!!! CHAP. IV. Détails distributifs sur les relations des groupes d'une serie. Si le mécanisme des Séries passionnées est un nouveau monde social, c'est surtout par sa faculté de faire naître les économies et les bénéfices de toute disposition qui serait ruineuse dans l'état civilisé ; par exemple : s'il fallait chez nous fournir à diné 27 sortes de pain( voyez précédemment ) et une trentainey comprisles ambigus,telsque pain de seigle, d'orge ou autre, puis fournir ces pains en 3 degrés d'âge, en frais, en mixte, en rassis, total 90 sortes, ce serait de quoi ruiner un Lucullus; et pourtant cet immense assortiment devient économique dans les Séries passionnées en ce qu'il favorise l'attraction industrielle qui n'existerait pas si on ne fabriquait qu'une ou deux sortes de pain. Il en est de même des gens en place ou officiers, si dispendieux en civilisation

leur affluence est une voie de concorde et d'émulation dans l'état sociétaire; ils y deviennent plus productifs que les subalternes; on en crée par cette raison triple et quadruple corps : remarquons en seulement deux sortes, ceux d'industrie et ceux d'apparat, toutes deux indispensables dans chaque série. On choisit pour officiers de direction industrielle les sectaires instruits, exercés; et pour officiers d'apparat, les sectaires opulens qui peuvent représenter,faire de la dépense et donner du lustre à la série. En civilisation les chefs ne dépensent rien pour les administrés; au contraire

s'il y a un repas d'étiquette à offrir au nom d'une ville, la municipalité le dirige, mais elle n'y contribue que de son appétit, et le public paie le repas sans en goûter, heureux encore s'il ne paie que les frais réels qu'on fait si souvent mousser au double de ce qu'a coûté la fête. 74 NOUVEAU MONDE Dans une Série passionnée, l'emploi des officiers d'apparat est fort différent ; ce sont eux qui paient pour la masse de la série admise gratuitement au festin. Ils con- tribuent de même pour des dépenses plus importantes, comme celle d'achat des plants et graines; leurlibéralité serait bien ignoble, si elle se bornait au rôle d'Amphitrion donnant à diner. Toutefois les repas de corps coûtent fort peu en association, car on déduit sur le prix tout ce qu'auraient coûté les convives s'ils eussent mangé à leurs tables d'abonnés en première, deuxième et troisième classe

on déduit en outre tous les restes qui sont

livrés à moitié prix aux tables de troisième classe. La dualité d'officiers, en apparat et industrie, a lieu pour les groupes comme pour les séries; chaque série a ses capitaine, lieutenant et sous-lieutenant d'apparat, ses recteur, vice recteur et sous-recteur d'industrie ; il en est de même pour chaque groupe. En outre, dans les diverses fonctions, d'apparat ou de gestion, l'on établit par tout l'état major et l'état minor. Plus on crée d'officiers en harmonie, plus on obtient de bénéfice ; effet opposé au régime civilisé, où les chefs ne sont le plus souvent que des sang-sues dont il faut restreindre le nombre. La dualité d'officiers plaît beaucoup aux trois classes riche, moyenne et pauvre ; démontrons

L'homme riche y gagne en revenu, en dividende affecté au capital, ce produit s'accroit en raison de l'enthousiasme qu'on apporte au travail. Pour électriserle peuple en industrie, il faut des chefs qui mettent la main à l'oeuvre, et qui contribuent de leur bourse au soutien d'une fonction adoptée passionnément par la série entière. Le pauvre y trouve l'avantage de travaux joyeux, produits et dividendes copieux, insouciance fondée surla garantie du minimum que remboursera l'attraction industrielle, repas de corps gratuits à la fête de chaque groupe ou série : et comme les repas splendides coûtent fort peu en association, ( cela sera prouvé ), un individu pauvre INDUSTRIEL. 75 figure dans le cours de l'année à une cinquantaine de repas de corps, en chère de première classe; c'est un moyen de communiquer au peuple les moeurs polies des supérieurs. Au reste, le peuple harmonien jouit, même aux tables de troisième classe, d'une chère préférable à celle des bons ménages de civilisation, tous privés de l'assortiment gradué sur chaque mets. La pluralité en espèces de chefs, présente une autre amorce à la classe pauvre, c'est l'attrait des fonctionsmythologiques ou demi-Dieux qu'élit chaque série , chaque groupe: c'est un apanage de la jeunesse pauvre : mais cette coutume ne s'établira pas dans la phalange d'essai. La classe moyenne participant des deux autres, ses intérêts se confondent ici avec les leurs. La fonction d'officiers, en régime sociétaire, s'étend aux trois sexes masculin, féminin et neutre ou impubère. Toute Série passionnée élit ses chefs en proportion de sexes ; et comme plusieurs séries se composent de femmes ou d'enfans, exclusivement ou en grande majorité, aucune réunion d'un seul sexe ne va chercher ses officiers dans l'autre à moins de nécessité. Cent femmes qui cultivent un champ d'oeillets pour la parfumerie, n'iront pas appeler un pédant masculin pour les présider, soit en travail, soit en conseil, soit en parade : mais si leur série se compose de 2 ou 3 sexes, elle mélangera en proportion son corps d'officiers: du reste tout est libre dans ces choix, l'utilité en est la seule règle. Je franchis divers détails sur les rangs des séries

elles ne se classent pas selon la masse de produit : celle des vergers qui est énormément productive est une des dernières en échelle de rétribution, parce qu'elle attire trèsfortement ; et celle de l'opéra que nous jugerions superflue, est une des plus rétribuées, parce qu'elle est la plus utile en éducation sociétaire. Il conviendrait de parler ici des séries et groupes d'ambigu ; c'est un des mille sujets qu'il est force de supprimer dans un abrégé. L'ambigu ou lien mixte, lien de transi¬ 76 NOUVEAU MONDE tion, est un genre déshonoré par nos préjugés, et pourtant on ne peut pas former de série régulière sans y introduire aux deux extrêmes, des groupes d'ambigu et même de sous-ambigu. Il faut que la nature fasse grand cas de l'ambigu, puisqu'elle l'a prodigué dans toutes ses créations, comme on le voit par les amphibies, l'orangoutang, le poisson volant, la chauve-souris, l'anguille et tant d'autres , dontle plus notable est la chaux, lien du feu et de l'eau. Terminons par le tableau des accords et discords d'une Série passionnée d'ordre simple.Je suppose ici 32 groupes cultivant les variétés d'un végétal

L' affinité ou sympathie de contraste s'établit de chaque groupe à celui qui est placé à distance de moitié en échelle générale, tels sont I et 13, 2 et 14, 5 et 17, 9 et 21. La sympathie sera moins forte de I à 12 et 14, de 5 à 16 et 18, moindre encore de I à Il et 15, de 5 à 15 et 19. Elle ira ainsi en déclinant jusqu'aux deux quarts INDUSTRIEL. 77 d'échelle, où elle cessera, de sorte que 13 n'est plus sympathique avec 7 et 19, encore moins avec 8 et 18 , on commence une légère antipathie ; elle s'accroît de 13 à 9 et 17, et l'échelle de discords se renforce consécutivement, au point de former une antipathie très-prononcée de 13 à ses deux contigus, 12 et 14 ; elle est un peu moins forte de 13 à ses sous contigus, 11 et 15, et ainsi de suite. L'échelle dessympathieset antipathies n'est pasla même dans les groupes extrêmes, 1 à 3, 23 à 25, que dans les groupes de centre; mais l'examen de ces variantes nous conduirait au-delà des limites d'un abrégé ; qu'il suffise de dire que trente ans d'étude et l'instinct du métier, m'ont appris à connaître en tous détails le grimoire des Séries passionnées, des accords et discords de leurs groupes, des contrepoids à établir sur tous les points de la série. Il faut attendre les sectionssuivantes pour juger si je connais à fond cette théorie. Provisoirement je me borne à dire aux fondateurs présomptifs, que là où je serai, la mécanique marchera bien et ne fera pas une faute, malgré l'absence de moyens suffisans. Là où je ne serai pas, on commettra cent maladresses, les mauvais pilotes feront chavirer la barque , et s'en prendront à moi, de qui ils n'auront pas suivi les instructions, ou bien ils échoueront faute de détails que l'opinion m'interdit en me limitant à un volume. Achevons sur les notions élémentaires. Le groupe de pivot X , est en sympathie avec tous les groupes, excepté les sous-pivotaux Y et Y ; X , exerce sur une va- riété dont l'excellence et la supériorité sont si frappantes (tel serait le beuré gris parmi les poires), que les variétés vicinales 11 , 12, 13, 14, 15, consentent à lui céder le pas, pour se faire valoir chacune contre ses rivales en échelons contigus et sous-contigus. Les groupes de sous pivot Y et Y sont naturellement en accord de contraste, comme chefs des deux ailes liguées contre le centre. 78 NOUVEAU MONDE Le contre-pivotal X n'est en sympathie avec aucun autre groupe, excepté avec le pivotai X ; mais il n'est antipathique avec aucun. (En série de poiristes , le groupe de contre-pivot serait celui qui cultive la grosse poire dure , immangeable quand elle est crue.) Le groupe de diffraction D est en demi-accord avec tous les autres. (La diffraction est miroir inverse du pivot. L'albinos est diffraction de l'homme blanc faux, qui est l'européen noircissant au soleil

le renne est diffraction du cerf

glissons sur ce sujet.) Les groupes de transition K et sont en accord avec l'aile qu'ils terminent, et avec celle d'une autre série avec qui ils sont en contact. Ainsi, le groupe du brugnon ou prune-pêche s'accorde avec une aile de la série des prunes, et une aile de celle des pêches. J'ai supposé ici une série très-régulière, cultivant toutes les sortes d'un végétal. Si par inconvenance de terrain , elle ne cultivait que certainesvariétés d'une espèce, les accords et discords pourraient changer de proportion dans diversesbranches. Mais lorsqu'on explique les règles du mécanisme, on spécule toujours sur des séries intégrales. Voyez sur les variantes d'accords le chap. VII, Séries faussées. Dans toutes les sortes de Séries passionnées, (il en est de beaucoup d'espèces, tant en ordre libre qu'en mesuré), les accords de passions et de sympathie, dont les règles semblent aux civilisés un grimoire impénétrable, sont au contraire un mécanisme organisé selon des méthodes géométriques. Les civilisés, sur ce problème comme sur tout autre, ne voient la nature qu'en mode simple, ils croient toutes les sympathies permanentes; il en est de permanentes , d'occasionnelles,de périodiques, etc.,etc. Ce calcul est un des nouveaux mondes scientifiques, dont le génie civilisé n'a pas su s'ouvrir l'accès, mais qui n'a rien d'impénétrable , comme on se le persuade : toute la nature est une immense mécanique de sympathies et antipathiestrès-méthodiquementréglée ettrès-pénétrable INDUSTRIEL. Ie S. 79 au génie, pourvu qu'il étudie préalablement les deux théories de l'attraction passionnéeet de l'association dont nos beaux esprits n'ont jamais voulu s'occuper. Ils en sont bien dupes aujourd'hui, mystifiés depuis vingt ans par les menées de la secte Owen, qui met en crédit des sophismes sur l'association, et. étouffe la re- cherche de la méthode naturelle dont l'essai serait, pour tous les savans et artistes, une source d'immensefortune. DEUXIÈME NOTICE. DISTRIBUTION DU PASSIONNEL DES SÉRIES. CHAP. V. Des trois passions distribuées ou ressorts or- ganiques d'une Serie passionnée. Ce ne sera pas en distribution matérielle des séries qu'on éprouvera de la difficulté; d'ailleurs je pourrai ajouter beaucoup d'instructions à celles des 4 chapitres que je viens de donner sur ce sujet. L'obstacle à redouter tiendra au jeu de certaines pas- sions que les moralistes voudront entraver; et cependant la série la mieux formée perdrait toutes ses propriétés, d'attraction industrielle, accord direct des inégalités, accord indirect des antipathiques, etc. si on négligeait d'y développer combinement les trois ressorts que j'ai nommés passions mécanisantes ou distributives. Si l'une des trois est entravée dans une série, la série est faussée, les accords et l'attraction industrielle sont faussés de même, et réduits à des simulacres qui feraient avorter le principal équilibre, celui de répartition. Définissons ces trois passions

Je commence par la Papillonne : c'est le besoin de va- riété périodique, situations contrastées, changemens de scène, incidens piquans, nouveautés propres à créer l'illusion, à stimuler sens et ame à la fois. 80 NOUVEAU MONDE Ce besoin se fait sentir modérément d'heure en heure et vivement de deux en deux heures. S'il n'est pas satisfait, l'homme tombe dans la tiédeur et l'ennui. C'est surle plein essor de cette passion que repose une branche de bonheur attribuée aux sybarites parisiens, l'art de vivre si bien et si vite, la variété et l'enchaînement des plaisirs , enfin la rapidité du mouvement, bonheur dont les Parisiens sont infiniment loin. (Voyez II 598 le parallèle d'une journée d'harmonien avec la journée la plus heureuseque puisse espérerun civilisé, l'impossibilité où est celui-ci de s'élever un seul jour de sa vie au degré de bonheur dont jouit chaque jour le moins fortuné des Harmoniens. ) En opérant par séances très-courtes de 1 1/ 2 heures au plus, chacun peut exercer dans le cours de la journée, 7 à 8 sortes de travaux attrayans, varier le lendemain, fréquenter des groupes différens de ceux de la veille; cette méthode est le voeu de la onzième passion dite Papillonne qui tend à voltiger de plaisir en plaisir, éviter les excès où tombentsans cesse les civilisésqui prolongent un travail pendant 6 heures, un festin 6 heures, un bal 6 heures et durant la nuit, aux dépens de leur sommeil et de leur santé. Ces plaisirs civilisés ne sont toujours que desfonctions improductives, tandisque l'état sociétaire applique la variété de plaisirs auxtravaux devenus attrayans.Décrivons cet alternat par le tableau de deux journées d'harmoniens, un pauvre et un riche. heures. JOURNÉE DE LUCAS AU MOIS DE JUIN. à 3 1/2 lever, préparatifs, à 4 séance à un groupe des écuries, à 5 — à un groupe de jardiniers. à 7 le dejeuner. à 7 1/2 — au groupe des faucheurs, à 9 1/2 — au groupe des légumistes sous tente. à 11 — à la série des étables. INDUSTRIEL. I.e S. 81 à I LE DINÉ. à 2 — à la série des silvains. à 4 — à un groupe de manufacture, à 6 — à la série d'arrosage, à 8 — la bourse. à 8 1/2 le soupe. à 9 — fréquentation amusante, à 10 le coucher. Nota. On tient la bourse dans chaque phalange , non pas pour agioter sur la rente et les denrées, mais pour négocier les réunions de travail et de plaisir. J'ai supposé ici une journée à 3 repasseulement, comme le seront celles des débutans en harmonie

mais quand

elle sera en plein exercice, la vie active, l'habitude des séances courtes et variées donnera un prodigieux appé- tit: les êtres nés et élevés dans l'harmonie seront obligés de faire cinq repas , et ce ne sera pas trop pour consommer l'immense quantité de vivres que produira ce nouvel ordre, où les riches variant leurs fonctions plus fréquemment que lespauvresont plus d'appétit et devigueur. C est en tout point le contraire du mécanisme civilisé. Je vais décrire encadrede 5 repas unejournéed'homme riche, exerçant des fonctions plus variées que celles du précédent qui est un des villageois enrôlés au début. JOURNÉE DE MONDORENÉTÉ. heures sommeil de 10 1/2 du soir à 3 h. du matin, à 3 1/2 lever, préparatifs, à 4 Cour du lever public, chronique de la nuit. à 4 1/2 le Délité, I.errepassuivi de la paradeindustrielle. à 5 1/2 séance au groupe de la chasse. à 7•— au groupe de la pêche. à 8 le Déjeuné, les gazettes. à 9 séance à un groupe de culture sous tente. à 10 — à la messe. à 10 1/2 — au groupe de la faisanderie. à 11 1/2 — à la bibliothèque. 6 82 NOUVEAU MONDE à I LE DINÉ. à 2 1/2 — au groupe des serres fraîches, à 4 — au groupe des plantes exotiques, à 5 — au groupe des viviers, à 6 le Goûté à la campagne, à 6 1/2 — au groupe des mérinos, à 8 la bourse, à 9 LE SOUPER, 5e repas. à 9 1/2 cour des arts, concert, bal, spectacle, réceptions, à 10 1/2 le coucher. On ne voit dans ce tableau que très-peu d'instanslaissés au sommeil

les barmoniens dormiront fort peu; l'hygiène raffinée, jointe à la variété des séances, les habitueront à ne pas se fatiguer dans les travaux ; les corps ne s'useront pas dans la journée , n'auront besoin que d'un sommeil très-court et s'y habitueront dès l'enfance , par une affluence de plaisirs auxquels la journée ne pourra pas suffire. Pour faciliter les déplacemens fréquens qu'exige ce genre de vie, on ménage, dans tous les corps de bâtimens d'un phalanstère ou édifice de la phalange, des rues-galeries au premier étage et au bas, chauffées par tuyaux en hyver, et rafraîchies en été ; puis, des couloirs sur colonnes entre les corps parallèles , et des souterrains sablés communiquant du phalanstèreaux étables

moyennant quoi l'on peut parcourir à couvert les salles, ateliers et étables

, sans savoir s'il fait chaud ou froid au dehors. Dans la campagne, on emploie de grandes voitures légères à dix-huit personnes pour le transport des groupes agricoles. Quelques civilisés prétendent que cette distribution sera bien coûteuse

elle coûtera infiniment moins que les frais actuels de vêtemens et voitures, mouillage et boue, rhumes , fluxions et fièvres, gagnées par les brusques transitions et les excès. D'autres disent que la fréquente variété de séances INDUSTRIEL. I.e S. 83 consumera beaucoup de temps en déplacemens

il en coûtera de 5 à 15 minutes, moins d'un quart d'heure en moyen terme, pour les déplacemens champêtres, et moitié moins à l'intérieur. Ceux qui regrettent ce chômage sont comparables à celui qui proposerait de supprimer le sommeil, parce que c'est un temps perdu pour l'industrie. C'est accélérer l'industrie, que de lui ménager des repos : le travail passionné des harmonienssera ardent, ils feront en une heure ce que ne font pas en trois heures nos salariés lents, maladroits, ennuyés, musards, s'arrêtant et s'appuyant sur leur bêche dès qu'ils voient passer un oiseau. L'ardeur des harmoniens au travail deviendrait un ex- cès nuisible, si elle n'était tempérée fréquemment par les relâches qu'exige le changement de séance. Mais les critiques veulent toujours juger le mécanisme sociétaire d'après les coutumes et moyens du système civilisé. Je passe aux deux autres passions mécanisantes. La Cabaliste et la Composite sont en contraste parfait : la première est une fougue spéculative et réfléchie

la deuxième est une fougue aveugle , un état d'ivresse d'entraînement , qui naît de l'assemblage de plusieurs plaisirs des sens et de l'ame, goûtés simultanément. La Cabaliste, ou esprit de parti, est la manie de l'intrigue très-ardente chez les ambitieux, les courtisans, les corporations affiliées, les commerçans, le monde galant. L'esprit cabalistique a pour trait distinctif de mêler toujours les calculs à la passion : tout est calcul chez l'intrigant; ne fut-ce qu'un geste, un clin-d'oeil, il fait tout avec réflexion et pourtant avec célérité. Cette ar- deur de la 10.epassion, dite Cabaliste, est doncunefougue réfléchie, formant le contraste de la fougue aveugle qui est le propre de la Composite, 12.e passion. Chacune des deux stimule les groupes d'une Série industrielle par deux impulsions contrastées. La Cabaliste est pourl'esprit humain un besoin si impérieux, qu'a défaut d'intrigues réelles, il en cherche 6. 84 NOUVEAU MONDE avidement de factices, au jeu, au théâtre, dans les romans. Si vous rassemblez une compagnie, il faut lui créer une intrigue artificielle en lui mettant les cartes à la main, ou en machinant une cabale électorale. Il n'est rien de plus malheureux qu'un homme de cour exilé en province , en petite ville bourgeoise et sans intrigue. Un marchand retiré du commerce et isolé tout-à-coup des cabales mercantiles qui sont nombreuses et actives, se trouve, malgré sa fortune, le plus malheureux des hommes. La propriété principale de la Cabaliste, en mécanique de série, c'est d'exciter les discords ou rivalités émulatives entre les groupes d'espèce assez rapprochée pour se disputer la palme et balancer les suffrages. On ne verra pas s'accorder les groupes cultivant le beuré blanc précoce, le blanc tardif, le vert piqueté; ces groupes contigus en nuances sont essentiellement jaloux et discordans. Il en sera de même des trois groupes cultivant les reinettes jaune, grise et verte. Le discord des nuances contiguës est loi générale de la nature : la couleur écarlate s'allie fort mal avec ses contiguës, cerise, nacarat , capucine; mais fort bien avec ses opposées, bleu foncé, vert foncé, noir, blanc. La note RÉ ne s'accorde point avec UT dièze, ni avec MI bémol qui lui sont contigus,très-peu avec UT et MI naturels qui lui sont sous-contigus. Redisons qu'il faut en harmonie sociétaire des discords comme des accords. Mais les discords ne peuvent pas éclater entre groupes de nuances peu voisines comme ceux qui cultiveront la poire-perle et la poire-orange. Il existe déjà entre ces deux petites poires un différence trop saillante pour faire naître l'hésitation des juges; ils diront qu'elles sont bonnes toutes deux, mais trop peu rapprochées pour prêter au parallèle : dès-lors la jalousie, l'esprit de parti n'éclateront pas entre les deux groupes qui les cultivent, on manquera le jeu de la Cabaliste. il faut donc , dans toute Série passionnée, soit d'in¬ INDUSTRIEL. I.e S. 85 dustrie, soit de plaisir, former une échelle de fonctions très-rapprochées en nuances, l échelle compacte ou serrée. C'est un moyen sûr de donner un essor actif à la Cabaliste, élever chaque produit à une haute perfection , exciter une ardeur extrême dans les travaux, une grande intimité parmi les sociétaires de chaque groupe. On manquerait ce brillant résultat si on n'excitait pas le raffinement de goûts parmi les consommateurscomme parmi les producteurs. Que servirait aux Harmoniens la grande perfection de culture dans chaque variété de produit, s'ils avaient affaire à un public moraliste et uniforme en ses goûts , ne mangeant que pour modérer ses passions, et s'interdisant tout raffinement de sensualité, pour le bien de la morale répressive? Dans ce cas, la perfection générale des cultures tomberait faute d'appréciateurs , l'esprit cabalistique perdrait son activité parmi les groupes de producteurs et préparateurs, l'industrie agricole retomberait dans la grossièreté, comme aujourd'hui où l'on trouve à peine un centième des civilisés apte à juger de l'excellence d'une denrée ; d'où il résulte que le vendeur qui fausse les qualités a 99 chances de vente contre une de refus

de là vient que tous les comestiblessont si mauvais en civilisation. Pour obvier à ce désordre, l'état sociétaire élevera les enfans à l'esprit cabalistique en trois emplois, en consommation, en préparation et en production. Il les habituera dès le bas âge à développer et motiverleurs goûts sur chaque mets, chaquesaveur et chaque sorte d'accommodage ; exiger sur les moindres comestibles des apprêts variés selon les divers goûts, former enfin l'échelle cabalistique en consommation , pour l'étendre par suite aux travaux de préparation, conserve et production. Cette variété de goûts, qui serait très-ruineuse en civilisation, devient économique et productive en association

elle y procure le double avantage D'exciter l'attraction industrielle, Faire produire cl consommer par séries. 86 NOUVEAU MONDE Le mécanisme des Séries passionnées tomberait dès l'instant où il ne s'étendrait pas à la consommation

heureusement c'est là qu'il est le plus aisé de l'introduire par deux échelles ou séries de goûts, une sur les apprêts, une sur les qualités. Cette échelle d'exigences naît d'ellemême partout où on laisse libre cours aux impulsions naturelles. Par exemple, dans une auberge où chacun paie son écot, et où il n'y a ni père, ni maître, ni influence qui oblige à dissimulersa fantaisie, vous verrez, sur les moindresmets, sur une salade, sur une omelette, plusieurs goûts se manifester , désirer jusqu'à dix et douze variétés ; presqu'autaut de variétés que d'individus, si leur nombre n'excède pas sept. Ainsi le penchant aux préparations graduées, ou cuisine par série, éclate partout où on ne le contraint pas. Je sais qu'il serait impossible en civilisation de satisfaire cette multiplicité de goûts; chaque ménage se ruinerait à faire une demi-douzaine de cuisines différentes pour le père, la mère, les enfans, les domestiques; c'est par cette raison que le père appelle à son secours la morale, qui prouve qu'on doit avoir des goûts uniformes qu'il dicte à sa volonté. Cela est bien en civilisation ; mais nous allons parler d'un ordre où les variétés échelonées seront plus économiques en préparation, et beaucoup plus productives en culture ; on n'aura donc pas besoin d'entremettre la morale pour étouffer ce penchant. En conséquence,la phalange d'essai devra s'attachera provoquer parmi le peuple une grande variété de goûts sur tousles comestibles; on l'habituera à graduer les fantaisies en échelle compacte, en nuances minutieusement distinguées, et très-rapprochées. Sans cette échelle compacte, on ne parviendrait pas à établir, entre les groupes contigus de chaque série, des discords développant la passion dite Cabaliste, l'une des trois qui doivent diriger les séries. La Composite, ou exaltante, crée les accords d'enthousiasme. Il ne suffirait pas du ressort de cabale , ou esprit INDUSTRIEL. I.e S. 87 de parti, pour électriser les groupes dans leurstravaux : il faut mettre en jeu les deux contrastes , la fougue réfléchie de la Cabaliste, et la fougue aveugle de la Composite, qui est la plus romantique des passions, la plus ennemie du raisonnement. J'ai dit quelle naît de l'assemblage de plusieurs plaisirs des sens et de l'âme , goûtés simultanément. Elle est Composite bâtarde quand elle se forme de plusieurs plaisirs d'unseul ordre, tous sensuels ou tous animiques. Il faut que cette passion s'applique à tous les travaux sociétaires, que la Composite et la Cabaliste y remplacent les vils ressorts qu'on met en jeu dans l'industrie civilisée , le besoin de nourrir ses enfans , la crainte de mourir de faim, ou d'être mis en réclusion dans les dépôts de mendicité. Au lieu de ces mobiles abjects, l'ordre sociétaire sait, par emploi continuel des trois passions mécanisantes, et surtout de la Composite, animer chaque groupe industriel d'unquadruple charme ; savoir : deux illusions pour les sens et deux pour l'âme ; en tout, quatre sympathies entre les sectaires d'un même groupe. Les deux sympathies de l'ame consistent dans les accords d'identité et de contraste. Il y a accord d'identité entre les sectairesd'un groupe : ils sont nécessairement identiques d'opinion en faveur d'une fonction qu'ils ont choisie passionnément, et qu'ils peuvent quitter librement

l'accord d'identitédevient un charme puissantlorsqu'on se voit secondé par une troupe de coopérateurs zélés, inlelligens, bienveillans, au lieu de ces mercenaires gauches et grossiers, de ces fripons déguenillés qu'il eût fallu s'adjoindre en civilisation. La présence d'une compagnie gracieuseet amicalefait naître une vive ardeur à l'ouvrage, pendant la courte séance , un empressement à s'y retrouver, et à se réunir quelquefois dans des repas de groupe, aux époques où le travail est interrompu. Le second charme de l'ame est celui du contraste : j'ai dit et je dois répéter que, pour le faire naître parmi les 88 NOUVEAU MONDE divers groupes industriels d'une série, il faut les écheloner par nuances consécutives et rapprochées, em- ployer l'ordre compacte et serré d'où naissent les discords de chaque groupe avec ses contigus, et les accords avec les groupes opposés au contre-centre. Voyez sur ce sujet le tableau d'une série libre et complète, qui est placé à la fin du quatrième chapitre. Outre les deuxsympathies de l'âme, en identité et contraste , un groupe industriel doit être stimulé par deux autres véhicules de charme sensuel, qui sont le charme de perfectionspéciale, ou excellence à laquellechaquegroupe élève son produit, et l'orgueil des louanges qu'il en reçoit , puis le charme de perfection collective, ou luxe d'ensemble qui règne dans les travaux et produits de la série entière. Quelques groupes peuvent manquer d'un de ces quatre charmes ou le posséder faiblement

peu importe,

car il suffit déjà de deux charmes pour créer l'attraction industrielle : on verra d'ailleurs qu'elle a beaucoup d'autres sources, et j'en compterai au-delà de douze dans les chapitres suivans. Il est dans l'ordre que l'industrie sociétaire présente des amorces aussi nombreuses que les dégoûts de l'industrie civilisée. Cet aiguillon de charmes sensuels et spirituels sera incomplet, peu actif dans la phalange d'essai

mais ony

en verra de beaux germes croissant rapidement; et ces lueurs suffiront à faire entrevoir le haut degré où s'élévera le charme industriel, quand le nouvel ordre aura acquis de la consistance, et roulera sur une génération élevée en harmonie, préservée de la double disgrâce dont les enfans sont frappés par l'éducation civilisée , qui perclut les corps par la fausse gymnastique, et les ames par les préjugés. Pour résumer sur ces trois passions dites mécanisantes qui sont les trois ressorts organiques d'une Série industrielle, observons que, si elles ne sont pas développées toutes trois combinément , l'attraction industrielle ne INDUSTRIEL. I.e S. 89 naîtra pas, ou bien si elle apparaît, ce sera pours'amortir peu à peu, et s'évanouir bien vîte. Ainsi la condition à remplir pour s'élever à l'industrie attrayante, est d'abord de former des séries de groupes subordonnées au jeu de ces trois passions : Rivalisées par la CABALISTE, OU fougue réfléchie qui engendre les discords entre groupes contigus, pourvu que l'échelle des groupes soit compacte, formée de goûts et de fonctions très-rapprochées en variétés. Exaltées par la COMPOSITE, ou fougue aveugle, qui naît du charme des sens et de l'ame, quand ces deux sortes de charmes sont réunis et soutenus des quatre accords cités plus haut. Engrenées par la PAPILLONNE, qui est le soutien desdeux autres, et maintient leur activité par les courtes séances, par les options de nouveau plaisir qu'elle présente périodiquement, avant qu'on n'arrive à la satiété ni même à la tiédeur. J'insiste sur l'importance de la Papillonne, qui est la plus proscrite ; sur la nécessité des séances courtes et variées,principe qui condamne toute l'industrie civilisée : observons les effets de cette méthode en matériel et en passionnel. En MATÉRIEL, elle produit l'équilibre sanitaire : la santé est nécessairement lésée, si l'homme se livre douze heures à un travail uniforme, tissage, couture, écriture ou autre qui n'exerce pas successivement toutes les parties du corps et de l'esprit. Dans ce cas, il y a lésion même par le travail actif de culture, comme par celui de bureau

l'un excède les membres et viscères, l'autre vicie les solides et fluides. C'est pis si le travail actif ou inactif est continu pendant des mois, des années entières. Aussi voit-on dans certains pays un huitième de la population ouvrière affligée de hernies, indépendamment des fièvres nées d'excès et de mauvaise nourriture. Diverses fabriques de produits chimiques, de verrerie et même d'étoffes , 90 NOUVEAU MONDE sont un véritable assassinat des ouvriers, par le seul fait de continuité du travail. Il serait exempt de danger, si on n'y employait que de courtes séances de deux heures, tenues seulement deux ou trois fois par semaine. La classe riche, faute de ce régime , tombe dans d'autres maladies; apoplexie, goutte, rhumatisme, inconnues du pauvre cultivateur. L'obésité, si commune chez les riches , dénote un vice radical d'équilibre sanitaire, un régime contre naturedans leurs travaux comme dans leurs plaisirs. La destination sanitaire de l'homme est dans cette variété perpétuelle de fonctions qui, exerçant tour à tour chaque faculté du corps et de l'esprit, maintiendrait chez toutes l'activité et l'équilibre. C'est précisémentle but que manquent les sybarites parisiens, tout en se flattant de savoir vivre si bien et si vîte, genre de vie qui n'est réservé qu'aux Séries passionnées et dont les Parisiens ne connaissent que le désir sans avoir aucune idée de la CHOSE. EN PASSIONNEL , la Papillonne produit l'accord des caractères, même des contraires

exemple

A et B sont deux personnages d'humeur incompatible, mais il arrive que sur 60 groupes que fréquente A, il s'en trouve un tiers, 20 où ses intérêts coïncident avec ceux de B, et où il tire parti des goûts de B quoique opposés aux siens. Il en est ainsi des goûts de B à l'égard de A ; dès-lorssanss'aimer ils ont l'un pour l'autre des ménagemens,de la considération, une protection intéressée. Ainsi l'intérêt qui désunit les amis dans l'état civilisé, réunit les ennemis mêmes dans l'état sociétaire

il y concilie les caractères antipathiques, par coopération indirecte, née de l'engrenage ou papillonnage de fonctions qu'opèrent les courtes séances. C'est par cette brièveté de séances qu'une série, ne fûtelle que de 30 personnes, peut introduire ses sectaires dans cent autres séries,former avec elles des liens d'amitié et d'intérêt. On verra que cet engrenage est indispensable pour arriver aux deux buts principaux qui sont INDUSTRIEL. I.e S. 91 1.° la répartition équitable du triple dividende affecté au capital, au travail et au talent, 2.° l'accord parfait en intérêt par voie de la cupidité qui est aujourd'hui la plus féconde source de discordes. C'est donc par emploi de la passion la plus proscrite des philosophes, de la Papillonne, que nous allonsrésoudre tous les problèmes sur lesquels ils ont échoué. Combien ils vont se désespérer de n'avoir jamais fait le calcul des courtes séances et des résultats qu'elles produiraient ! Il faut être comme les moralistes, ennemi de la nature et de l'évidence , pour nier ce besoin de variété, qu'on voit dominer même en affaires matérielles. Toute jouissance long-temps prolongée devient abusive, émousse les organes, use le plaisir

un repas de 4 heures ne se terminera pas sans excès ; un opéra de 4 heures finit par

affadir le spectateur. L'ame est exigeante autant que le corps sur cette variété ; aussi les coeurs sont-ils très-sujets au variable chez la grande majorité des deux sexes. Chaquehomme et chaque femme voudraient avoir un sérail si la dépense et la loi ne s'y opposaient. Les graves Hollandais, si moraux à Amsterdam, ont à Batavia leurs sérailsassortis en femmes de trois couleurs, blanches, négresses et métisses.Voilà le secret de la morale, elle n'est qu'hypocrisie adaptée aux circonstances, etjetant le masque dès qu'elle peut le faire impunément. Les races ont besoin d'alternat et croisement en végétaux comme en animaux. A défaut de cette variété elles s'abâtardissent. Les estomacs ont de même besoin d'alternat : une variété habituelle de mets facilite les digestions; mais l'estomac rebutera bientôt le meilleur mets, s'il lui est présenté chaque jour. L'ame se blasera sur l'exercice de toute vertu qui ne sera pas relayée par quelqu'autre vertu. L'esprit exige aussi cet alternat

les caractères fortement dominés de la passion dite PAPILLONNE , ont besoin d'avoir à la fois 2 ou 3 intrigues, soit en ambition , soit en amour, lire 2 ou 3 ouvrages cumulativement. 92 NOUVEAU MONDE La terre même veut des alternats de semailles et pro- ductions

la plante veut des alternats de reproduction par graines, plants, marcottes, etc., le sol veut des échanges et transports de terre ; toute la nature veut donc la variété

il n'existe au monde que les moralistes et les Chinois qui veuillent la monotonie, l'uniformité ; aussi les Chinois sont-ils les êtres les plus faux et les plus éloignés des voies de la nature. Les moralistes mêmes approuvent indirectement ce besoin de variété, car ils nous promettent des charmes toujours nouveaux dans l'obéissance à leurs saines doctrines de mépris des richesses , amour de l'ennui, de la mauvaise cuisine, du brouet noir, etc. Les trois passions, Cabaliste, Papillonne et Composite, étant les plus critiquées par la morale, qui est l'antipode de la nature , on doit présumer que ces passions jouent un grand rôle dans le mécanisme social voulu par la nature ; elles y tiennent le gouvernail, car ce sont elles qui dirigent les Séries passionnées

toute série est faussée en mécanisme,si ellenefavorisepasl'essorcombiné de cestrois

passions quiformentle genre neutre dansla gammedes 12. Genre actif, les quatre passions de l'ame , les groupes. Genre passif, les cinq passions des sens. Genre neutre , les trois passions mécanisantes, elles sont neutres parce qu'elles ne sont que jeu de quelques-unes des neuf autres; chacune des trois ne peut se développer qu'autant qu'elle met en mouvement au moins deux des neuf autres. C'est par cette raison qu'elles ont échappé aux regards des analystes, et que personne n'a daigné leur accorder un brevet d'existence

je n'ai pu les découvrir qu'à la suite de calculs sur le genre neutre méconnu des mo- dernes , quoiqu'admis chez les anciens. Sur ce point comme sur tout autre, le génie moderne s'éloigne de plus en plus des voies de la nature, tout en vantant son vol sublime vers la perfectibilité. Observons que lestrois passions neutres conduisent au INDUSTRIEL. I.e S. 93 but, à l'harmonie et à l'équilibre des passions, par tous les moyens que dédaigne la morale ; on verra dans le cours de l'abrégé que cet équilibre si vainement rêvé , naît du jeu de la Papillonne qui prévient tous les excès en présentant toujours de nouveaux plaisirs avant qu'on n'ait eu le temps d'abuser du plaisir présent. Elle amène donc les passions à l'équilibre paraffluence de plaisirs et non par modération raisonnée, car elle opère par emploi de deux fougues, La CABALISTE ou fougue réfléchie, La COMPOSITE ou fougue aveugle , qui toutes deux pousseraient aux excès, même en vertu , sans l'intervention périodique de la PAPILLONNE ou manie de voltiger d'un plaisir à l'autre. Ainsi les Séries industrielles seront dirigées par 3 moteurs les plus réprouvés de la morale, pars 2 fougues contrastées que tempérera l'inconstance. Tel est le secret de l'équilibre des passions ; l'on n'y arrivera que par des voies opposées à nos visions de modération et de raison glaciale, que par emploi des passions les plus diffamées, telles que la gourmandise et la cupidité : elles sont en régime sociétaire les plus utiles à l'harmonie générale : on en jugera dès la 3.e section où commence l'application des principes exposés dans les deux premières. Nota. Ce chapitre étant le plusimportant de tous, puisqu'il contient la définition des trois ressorts qui doivent tout diriger, il m'a paru nécessaire de lui donner l'étendue que devrait avoir chaque chapitre d'un sujet aussi neuf. Tout y sera sans couleur faute de détails explicatifs. Sic voluere dii : ainsi l'exige le monopole de génie qui repousse toute idée neuve, et restreint une science nouvelle à quelques pages, en vertu du principe : « Nul n'aura de l'esprit que nous et nos amis. » Avec leur bel esprit atteindront-ils au but où conduit ma théorie ? Attacher à la pratique de la vertu quadruple plaisir des sens et de l'ame, au lieu de quadruple disgrace qu'on en recueille si on se confie aux dogmes de la morale. 94 NOUVEAU MONDE CHAP. VI. Des trois effets obligés en mécanisme de Séries passionnées. Nous passons des trois causes ou ressorts, aux trois effets qui en doivent naître. Lorsqu'un point de doctrine est de la plus haute importanceet forme la base d'une théorie inconnue, il convient de le réproduire sous diverses faces, afin de le mettre à portée des divers esprits. La méthode la plus régulièrepeut échouervers certainslecteurs; il faut donc recouririci à la précaution usitée en mathématiques où l'on donne la preuve et la contre-preuve. Ce chapitre sera la contre-preuve du précédent ; c'est le même sujet expliqué en sens inverse. Les 3 passions mécanisantes ou neutres, sont les CAUSES en formation de Séries passionnées: car elles poussent en tout sens à cette distribution ; elles produisent trois effets obligés qui sont, dans chaque Série passionnée : E de CABALISTE : l'échelle compacte parmi les groupes. E de PAPILLONNE : la brièveté et l'option de séances. E de COMPOSITE : l'exercice parcellaire en fonctions. Nous allons établir la démonstration sur ces trois effets, prouver qu'ils sont les leviers par lesquels doivent opérer les trois passions, qu'aucune des trois ne peut agir utilement sans l'emploi du levier auquel on la voit ici accolée. Ce sera descendre des causes aux effets, ensuite nous remonterons des effets aux causes. Déjà j'ai traité de la Cabaliste et de son effet spécial. Dans le cours du chapitre V j'ai démontré la nécessité de l'échelle compacte, pour exciterl'esprit cabalistique, les jalousies et rivalités émulatives entre les groupes : il faut, pourles piquer d'émulation,mettre l'opinion en suspens, créerl'indécisiondes juges.L'opinionn'hésiterait pas, (84) s'il fallait juger sur deux espèces peu voisines, prononcer sur le rang des groupes cultivant la pomme reinette ou la calvine ; mais on hésitera, on controverserasur deux variétés de reinette ou de calvine,surla priorité à donner INDUSTRIEL. I.e S. 95 aux groupes qui les cultivent. Cette balance de suffrages fera naître les jalousies, prétentions, discords et intrigues, entre les groupes cultivant ces deux pommes rivales. Ces luttes sont l'aliment de la passion dite Cabaliste

elle repose sur des prétentions échelonées par variétés et même par ténuités, mais non par espèces

elle veut, dans les séries, la graduation la plus minutieuse, la plus compacte possible. Je passe à un 2.e levier, l'exercice parcellaire d'où dépend l'essor de la Composite. La distribution parcellaire consiste à affecter un sousgroupe à chaque menue fonction d'un service

prenons

pour exemple la culture d'une fleur, soit la Jonquille. Le groupe qui s'y adonne a bien des fonctions à rem- plir, distinguons en 3 catégories Les aratoires ; bêcher, fumer, amender, mélanger, arroser les terres, sont autant de fonctions différentes à chacune desquelles on affectera quelques sectaires du groupe, et non pas le groupe entier dont plusieurs mem- bres n'auraient pas de goût pour exercer sur toutes ces branches. Les mobilières : soin des outils et ustensiles, préparation et pose des tentes,(car en harmonie tout carreau de fleurs est parasolé contre le grand soleil et la grande pluie) , soin du belvédère et des vêtemens de travail qui y sont déposés. ( Chaque groupe a un pavillon d'abri à proximité du terrain de ses cultures. ) Les reproductives; soin des bulbes, leur évulsion et sé- paration, l'étiquetage et classification des variétés, cueil- lette et conserve des graines, semis de graines. Enfin la fonction pivotale, celle des archives, puis l accessoire, celle des rafraîchissemens. Voilà pour le moins une douzaine de fonctions distinctes. Aucun sectaire ne voudra les exercer toutes, il en adoptera seulement une ou deux, trois au plus

il faudra donc former une douzaine de sous-groupes affectés à chacune de ces fonctions parcellaires

l'attraction in¬ 96 NOUVEAU MONDE dustrielle étant toujours parcellaire et jamais intégrale, on serait assuré d'ennuyer et rebuter tous les sectaires,si on exigeait que chacun d'eux vaquât à toutes les fonctions : mais le groupe ne fût-il que de douze personnes on pourra aisément en former 12 groupes chacun de 3, 4, 5 individus passionnés pour telle branche et même pour plusieurs des 12. Examinons comment cet exercice parcellaire est une source d'enthousiasme et de luxe industriel, développant la passion dite Composite. Chacun des sous-groupes se passionne fortement pour la parcelle d'industrie qu'il a choisie, et y développe la dextérité, l'intelligence qu'on apporte dans toute fonction attrayante préférée : il en résulte que chacun dedouze sous-groupes se repose sur les onze autres du soin d'élever toutes les autres branches à la perfection : chacun dit aux onze autres : nous soignerons au mieux la parcelle que nous choisissons, soignez de même la votre et tout l'ensemble sera parfait. La confiance, l'amitié, le charme seront d'autant plus vifs qu'on aura donné plus d'extension à cet exercice parcellaire, appliquant chaque individu aux fonctions où il excelle et qu'il préfère. Pourquoi le travail en civilisation est-il accablant même dans le cas d'attraction? c'est que le maître est obligé de veiller à tout. J'en ai souvent conféré avec des florimanes obligés de s'adjoindre pour la grosse besogne des mercenaires qui volent graines et bulbes, si on leur commet le soin de les planter, arracher, recueillir; et qui, loin de prendre aucun intérêt au travail,le traînent en longueur , le compromettent pour être occupés une journée de plus. Aussi arrive-t-il qu'un homme qui veut cultiver fleurs ou fruits, tombe dans le degoût; il est dupé, volé, partout où il n'est pas présent; il est servi gauchement par ceux des mercenaires qui ont de bonnes intentions; ses travaux agricoles ne sont pour lui qu'un calice d'amertume, sans parler des risques de vol. On a INDUSTRIEL. Ie. S. 97 vu un maréchal de Biron mourir de chagrin de ce que tous les fruits du jardin qu'il soignait lui-même furent volés en une nuit. Voilà les charmes de la civilisation perfectible, voilà les doux plaisirs que la morale garan- tit aux amis des travaux champêtres. Comparez à ce mécanisme de fourberies qu'on nomme civilisation, les plaisirs d'une industrie exercée sociétairement et parcellairement, dans un ordre de choses où le vol et la fraude sont impossibles : comparez au triste sort d'un agronome civilisé, le contentement de ces 12 sous-groupes dont chacun sûr d'exceller dans sa parcelle favorite, se repose sur les Il autres du soin d'élever toutes les branches du travail à la perfection où il élève la sienne

et décidez après cela si l'industrie civilisée est compatible avec la nature de l'homme qui se plaint à

bon droit de n'y trouver qu'un abîme de pièges et d'inquiétudes, qu'un océan de disgraces. Envisageons maintenant le mode parcellaire comme voie du luxe industriel nécessaire pour alimenter la Composite, ou exaltation qui n'admet rien de modéré en plaisirs. Chacun des douze sous-groupes cultivant telle fleur, tient à stimuler les autres, en leur prouvant qu'il est un digne coopérateur ; il veut, à cet effet, donner le plus grand lustre à la parcelle de travail qu'il a choisie ; de là naissent les subventions personnelles pour le faste de chaque branche. 98 NOUVEAU MONDE Tout homme riche en fera autant pour les sousgroupes dont il sera membre ; de là naîtra le luxe général des cultures et ateliers, et par suite le charme industriel porté à l'exaltation qui est nécessaire au jeu de la douzième passion , dite Composite. L'on va objecter qu'il ne se trouvera pas un Lucullus dans chaque sous-groupe industriel, notamment dans ceux de cordonniers et savetiers, où les Lucullus ne se presseront pas de s'enrôler comme aux oeillets et aux renoncules : c'est fort mal jugé. On verra plus loin que l'éducation sociétaire a la propriété de disséminer en toutes fonctions les gens riches, pourvu que cette classe soit en proportion numérique suffisante, et en graduation régulière. En principe, reconnaissons que l'exercice parcellaire a la propriété de répandre sur l'industrie les deux sortes de charme, le matériel par le faste qu'il crée dans chaque branche , et le spirituel par l'enthousiasme qu'il fait naître dans chaque sous-groupe, ravi d'être dégagé de telles et telles fonctions inhérentes à son travail, et de les voir exercées par des collègues intelligens. Souvent l'exercice parcellaire s'opère par embranchement : si tel groupe ne fournit pas une masse de sectairessuffisante pour tel service, comme celui des tentes, on pourra, en puisant dans plusieurs groupes ou séries, réunir une masse passionnée pour ce service, et qui exécutera pour divers groupes de fleuristes. Sans l'exercice parcellaire, les groupes ne jouiraient pas du charme d'identité de goûts; car, sur douze hommes passionnés pour la culture de l'oeillet, aucun des douze n'aura de penchant pour douze fonctions que comporte cette culture, dès-lors ses sectairestomberaient en discorde, s'ils manquaient à faire une répartition parcellaire des travaux. D'autre part le charme de contraste n'existerait pas entre deux groupes qui ne seraient pas enthousiastes d'eux-mêmes

le charme ne s'établit que sur des contrastes d'harmonie, et non sur ceux de discorde. INDUSTRIEL. I.eS. 99 L'exercice parcellaire est donc le moyen d'élever au plus haut degré la passion dite COMPOSITE ou exaltante ; en assurer le plein essor. Il repose sur l'exercice parcellaire , comme l'essor de la CABALISTE repose sur l'échelle compacte, poussée aux variétés et ténuitésJ'ai démontré que les deux leviers nommés échelle, compacte et exercice parcellaire, étant appliqués à des séries de groupes libres, y assurent l'essor des deux passions dites Cabaliste et Composite. Il reste à prouver que le troisième levier, les courtes séances à option,, étant appliqué à des séries de groupes libres, y assure l'essor de la passion dite Papillonne. Si l'on suppose que chaque individu ait eu libre choix sur ces courtes séances, plus elles seront courtes et multipliées, mieux on atteindra à l'équilibre de passions, au préservatif des excès. De là vient que les riches en association sont plus robustes que les pauvres; ils ont plus de moyens de papillonner, varier les séances jusqu'à une trentaine par jour, prévenir la satiété par emploi du Parcours ou réunion cumulative de plaisirs nombreux et rassemblés dans une même séance. Les riches n'ont pas ces jouissances en civilisation. Les courtes séances ne donneront plein essor à la Papillone que dans un ordre où les plaisirsseront exempts de tout danger, et où le papillonnagenepourraconduire chacun qu'au plus grand bien de ses intérêts et de sa santé. Au résumé, les trois ressorts organiques de série, La Cabaliste, ou fougue réfléchie, La Composite, ou fougue aveugle, La Papillonne, ou manie de variété, sont tellement identifiés avec les trois leviers nommés échelle compacte, exercice parcellaire et courtes séances à option, qu'on peut indifféremment établir la théorie sur les ressorts ou les leviers , car ils naissent les uns des autres : l'action de ces six moteurs est inséparable dans une Série passionnée ; et en considérant 7. 100 NOUVEAU MONDE Les trois ressorts comme CAUSES, Les trois leviers comme EFFETS , on peut vérifier de deux manières la régularité d'une série ; car la dissection de son mécanisme doit présenter, Les trois causes en action, produisant les trois effets, Et les trois effets produits par l'impulsion des trois causes. C'est une double méthode pour la vérification ; et chacun pour s'assurer si une Série industrielle est juste, soit en théorie, soit en pratique, aura l'option de ces deux pierres de touche

il suffit qu'on puisse voir dans une série les trois causes en action, pour qu'on soit assuré d'y trouver les trois effets ; et vice versâ. Puisque la théorie sociétaire ne repose que sur l'art de faire mouvoir combinément les trois passions mécanisantes qui doivent diriger le tout, on ne saurait trop étudier ces trois passions sur lesquelles j'ajoute quelques détails. Nos moralistes blâment l'esprit cabalistique, cependant les économistes et les littérateurs ne cherchent qu'à l'exciter dans toute branche d'industrie ou de jouissance, par les variations de modes, par la controverse en affaires de goût, en peinture, en poésie, etc.; sur des raffinemens de l'art inaperçusdu vulgaire. C'est par une échelle de ces nuances délicates qu'une Série passionnée sait électriser une vingtaine de groupes, et communiquer ce raffinement cabalistique, des consommateurs aux producteurs ; elle dissémine, au sortir des courtes séances, chacun de ses sectaires

ils vont, de la consommation , prendre part à un travail de production, et y porter l'esprit de parti dont ils sont animés. Nos compagnies administratives, dans leurs messes d'installation, demandent au Saint-Esprit de les préserver de l'esprit de cabale, les rendre tous frères, tous unis d'opinion ; c'est inviter le Saint-Esprit à se mettre en révolte contre Dieu ; car si le Saint-Esprit anéantissait l'esprit cabalistique, il détruirait la passion que Dieu INDUSTRIEL. I.e S. 101 a créée pour opérer sur les discords que doit contenir toute série bien échelonée. Le Paraclet, loin de déférer à leur demande incongrue , laisse les passions dans l'état où Dieu les a créées ; aussi voit-on , au sortir de la messe, que les députés , loin de vouloir s'unir d'opinion, vont organiser des comités cabalistiques, des menées d'intrigues et d'esprit de parti. Tel est constamment le fruit de cette prière déraisonnable, où ils invitent l'Esprit saint à imiter les philosophes, et vouloir changer les lois de Dieu sur l'emploi des passions. La Composite est tellement inhérente à la nature de l'homme, qu'on méprise tout être qui a le goût des plaisirs simples , borné à une seule jouissance. Qu'un homme ait une table exquise pour lui seul, sans y inviter jamais personne, il sera criblé de quolibets bien mérités; mais s'il réunit chez lui une compagnie bien assortie, où l'on goûte à la foisplaisir- des sens par la bonne chère et plaisir de l'ame par l'amitié , il sera prôné, parce que ses banquets seront plaisir composé et non pas simple. Une ambition n'est louable qu'autant qu'elle met en jeu les deux ressorts organiques de cette passion , intérêt et gloire : elle est vile, si elle n'a pour mobile que l'intérêt seul, elle est illusion perfide si elle ne tend qu'à la gloire; il faut donc l'élever du simple au composé, en recherchant à la fois l'intérêt et la gloire. Un amour n'est beau qu'autant qu'il est amour composé, réunissant le double charme des sens et de l'ame ; il devient trivialité ou duperie, s'il se borne à l'un des deux plaisirs. La Papillonne est voie d'équilibre entre les facultés corporelles et spirituelles, gage de santé du corps et de progrès de l'esprit. Elle seule peut créer cette bienveillance générale que rêvent les philosophes, car si l'on dissémine les collaborateurs d'un travail dans cent autres groupes, il arrive de cet engrenage que chaque groupe a des amis dans tous les autres ; c'est le contraire 102 NOUVEAU MONDE du mécanisme civilisé, où chaque profession est indifférente aux intérêts des autres, souvent même hostile avec elles. La Papillonne est donc la sagesse présentée sous les couleurs de la folie ; il en est de même des deux autres. Ces trois passions sont fort actives chez les enfans, sexe neutre, qui étant dépourvu des deux passions dites affectueuses mineures, amour sexuel et amour paternel, se livre d'autant plus aux trois passions mécanisantes: aussi voit-on les enfans enclins à la cabale, à lexaltation et au papillonnage, même dans leurs jeux, qu'ils ne continuent jamais au-delà de deux heures sans varier. C'est d'après cette disposition des enfans, que la manoeuvre de série sera plutôt organisée parmi eux que parmi les pères. J'ai dû définir amplement ces trois passions et les trois leviers qu'elles emploient, afin de prévenir les dispositions arbitraires en fondation sociétaire. On aura sur chaque Série industrielle deux trinités de règles dont il faudra vérifier l'observance

et toute dérogation à l'une des

six règlesrendra une série suspecte, comme un or qui, à la touche, se montre inférieur en titre. C'est par cette épreuve qu'on pourra se convaincre que tous les établissemens soi-disant sociétaires, qu'on forme en Angleterre et en Amérique, sont vicieux au suprême degré, puisqu'on n'y connaît, ni la formation et l'emploi des Séries passionnées, ni les six règles à observer dans celte formation , qui est l'affaire primordiale en mécanique sociétaire. Il reste à expliquer en quel sens les Séries passionnées tendent collectivement à l'unité d'action qui est but de Dieu en mouvement social comme en matériel. Les passionssont distinguées en trois ordres, l'actif ou les quatre affectueuses, le passif où les cinq sensuelles, et le neutre ou les trois mécanisantes qui opèrent en développant combinément les deux autres ordres; elles opèrent en action unitaire, car elles n'entravent rien, elles développent les trois ordres en pleine affinité. INDUSTRIEL. I.e S. 103 La morale, au contraire, veut mettre en lutte les trois ordres de passions1; elle veut que celles de l'ame étouffent les impulsions des sens, que la raison réprime celles de l'ame, et que les neutres soient exclues d'intervention ; elle tend donc à étouffer ou faire entrechoquer les trois ordres de passions,sacrifier les unes aux autres, au lieu de les associer dans un développement commun et libre à toutes , d'où naîtrait l'unité d'action. Le système de la philosophie n'établissant que divergence, entraves et conflits dans le jeu des passions, est une duplicité d'action organisée en tout sens ; il est l'opposé de l'unité et doit donner des résultats contraires a ceux de l'unité ; elle nous ferait jouir d'un bonheur composé et non pas simple, bonheur des sens et de l'ame a la fois ; la morale qui met les passions en conflit et sacrifie l'une à l'autre, ne produit que malheur composé et non pas simple, malheur des sens et de l'ame chez l'immense majorité. Aussi le juste qui sous le régime sociétaire obtiendrait la fortune et l'honneur, ne recueille-t-il que pauvreté et diffamationsous le régime philosophique ou civilisé. C'est un résultat dont on s'indigne et qu'on trouvera fort sage quand on connaîtra les lois du mouvement social ; car Dieu nous laissant le libre arbitre, l'option pour ses lois ou pour celles des philosophes,nous devons attendre des lois de l'homme tous les résultats opposés a ceux deslois de Dieu, double bonheur pour les méchans et double malheur pour les bons : tel est l'effet constant de la civilisation ou régime philosophique. Dieu déplore comme nous cet état de subversion inévitable dans les premiers âges d'un globe ; il nous laisse toujours libres d'en sortir

l'attraction qui nous interprète son code sociétaire, ne cesse jamais de se faire entendre; il nous est toujours facile d'en calculer les impulsions, en déterminer le mécanisme et organiser le régime des Sériespassionnées où elle veut nous conduire. 104 NOUVEAU MONDE CHAP. VII. Des Sériesfaussées. Correctifs ày appliquer. A la suite des règles prescrites dans les chapitres V et VI, ilfaudrait donner quelques applications ou exemples de Séries faussées; des Cacographies passionnelles qui exerceraient le lecteur à discerner dans quels cas une sé- rie passionnée remplit les conditions d'attirer à l'industrie, dans quel cas la série est faussée, mal équilibrée et susceptible de corrections. Pour bien concevoir la méthode exacte, il faut étudier la fausse. J'en avais préparé des exemples dans les deux séries suivantes , A et B, contenant chacune sept groupes de cultivateurs de poires. Série A trèsfaussée. Aîle supérieure Poires cassantes Groupe du martin-sec1, — du messire-Jean. Centre, Poires fondantes Groupe du beuré blanc, — du beuré gris, — du beuré vert piqueté. Aîte Inférieure. Poiresfarineuses «Groupe du bon-chrétien, — du rousselet. Groupes SÉRIE B peufaussée. Aîle super.e Centre, Aîle infer.e 1, 2 : cultivant 3, 4. 5. — 6, 7. — 2 sortes de beuré blanc. 3 sortes de beuré gris. 2 sortes de beuré vert. Il faudrait expliquer dans quel cas ces séries violeront ou observeront les règles de rivalité, exaltation, engrenage, établies chap. V ; et les régles de échelle compacte, courtes séances, exercice parcellaire, établies chap. VI

comment

la série B se rapprochera de ces règles tout-à-fait violées par la série A ; comment cette série A manquera des 4 ressorts de sympathie, en identité, en contraste, en per- fection spéciale, en perfection collective. Pour traiter exactement ce sujet, il faudrait un chap. INDUSTRIEL. I.e S. 105 de même étendue que les précédens V et VI

d'autres qui suivront exigeraient encore plus d'étendue. Cependant des critiques notables et dignes de foi en pareillematière, exigent une extrême brièveté, 300 pages, sous peine de ne pas être lu. Il faut donc se borner à indiquer les sujets dont on devrait traiter. Les effleurer, ce serait créer des doutes au lieu de donner des éclaircissements. Les discussions contenues dans ce chap. que je franchis , tendaient à prouver Qu'il y a lacune de discords dans toute série industrielle échelonée par espèces, comme serait une série de douze groupes cultivant 12 espèces de fleurs bulbeuses, Tulipe, Lys, Jonquille, Narcisse, Tubéreuse, Iris, Dalia, etc., qu'il faut échelonner les groupes d'une série, au moins par variétés , et préférablement par ténuités et minimités ; jamais par espèces, encore moins par genres; les variétés étant la plus basse des graduations d'où naît le discord. J'ai déjà établi ce principe en traitant de l'échelle compacte qui peut seule créer la controverse, l'obstination des partis et l'émulation qui s'ensuit. Il faut amener les groupes vicinaux d'une série au point de se traiter respectivement d'esprits faux, de profanes, d'hérésiarques, gens sans goût et sans raison. La série B indiquée ci-dessus approcherait de ce mécanisme de discords obstinés, tandis que la série A ne produirait que l'apathie, la fraternité. La série A n'exciterait aucun intérêt parmi les autres; la série B aurait de tous côtés des partisans qui s 'entremettraient à ses intrigues. Elle serait engrenée d'intrigue avec la masse de la phalange, lien que la série A ne saurait pas créer.Celle-ci a le vice d'embrasser une culture de région et non de canton, car on ne trouvera presque jamais un canton d'une lieue carrée , dont les terres puissent convenir aux trois genres de poires cassantes , fondantes et farineuses. La nature varie les qualités de 106NOUVEAU MONDE sol, de lieue en lieue, de deux en deux, de trois en trois lieues

dès-lors une série qui voudra adopter trois genres, courra le risque d'échouer dans deux, être faussée par insuffisance d'attraction et d'enthousiasme. Au contraire, une série qui n'embrasse qu'un genre ou moitié d'un genre, et qui en perfectionne les variétés et ténuités, excite l'enthousiasme dans les cantonsvoisins comme dans le sien; elle atteint à l'engrenage interne et externe en intrigues. Cette régle est l'opposé desméthodes civilisées où chaque province , chaque village voudraits'assortir de toutes les espèces, et se passer de tout achat chez les voisins. On suit le principe contraire en harmonie ; un canton aime mieux se borner à une espèce de poire ou de pomme de terre, en cultiver vingt variétés ou ténuités, et en fournir vingts charriots aux can tons voisins, de qui il recevra vingt chariots d'autres espèces que son terrain n'élèverait pas à la perfection nécessaire pour le mécanisme d'attraction passionnée. Toutefois ajoutons que, dans l'état sociétaire, on n'aura pas à redouter les fourberies commerciales qui aujourd'hui font redouter les échanges et obligent chacun à cultiver vingt espèces de légumes ou de fruits, pour se préserver de relations avec des voisins malveillans et trompeurs. J' ai dit ( 77 ) que ceux qui essaieront de fonder sans moi une phalange d'essai, tomberont dans mille erreurs sur la distribution de leurs Séries passionnées ; ils en fausseront les neuf dixièmes, tout en croyant suivre littéralement les règles, comme dans la série A, qui, au premier coup d'oeil, semble très-régulière, et qui pourtant est un assemblage de tous les vices; Son centre manque de lien avec les deux ailes, Chaque aile est d'échelle lâche, non compacte (65), Chaque division est apathique faute de discords. J' y compterais bien d'autres vices, quoique le centre soit bon, si on l'envisage isolément. Des séries distribuéesde la sorte,ne formeraientqu'une INDUSTRIEL. I.e S. 107 cacophonie et non pas une harmonie passionnée ; non seulement elles avorteraient en attraction industrielle , mais elles échoueraienttout net en mécanisme de répartition, puis on s'en prendrait à l'inventeur, ou dirait que sa théorie est une belle chimère. J'ai donné pour cette distribution des règles très-précises, aux chap. Y et VI ; il eût convenu d'ajouterici des cacographies, pour habituer l'étudiant à l'application complète de la méthode ; si elle n'est pas suivie en plein, on verra tout le mécanisme industriel manquer de rivalités, d'exaltation et d'engrenage. Le principal vice de la série A estle défaut de discords entre groupes contigus

les espèces 1, 2, 6, 7, n'ont point de rivalités avec le centre qui, de son côté, n'en a point avec elles. Tout le mécanisme de rivalité et d'émulation tombe, si l'échelle n'est pas bien compacte. Indiquons le remède à ce vice, le moyen de rétablir la compacité, qui interdit toute échelle d'espèces. Je suppose que, dans une phalange , les goûts se manifestent de manière à former la série A, il faudra bien la tolérer, toute vicieuse qu'elle est, car on ne doit jamais entraver l'essor de l'attraction ; mais l'art viendra au secours de la nature, et pour ramener cette série a la compacité, l'assemblée directrice, ou aréopage de phalange, examinera d'abord laquelle des cinq espèces contenues dans la série convient le mieux au terrain local

je suppose que ce soit l'espèce fondante nommée Beuré ; il faudra manoeuvrer pour faire prévaloir cette culture, sans contrarier l'attraction de personne. On déclarera donc que les quatre espèces des ailes sont inconvenantes au terroir, et ne peuvent pas illustrer le canton, figurer dans son écusson 1. Elles seront mises en éclipsé, 1 En harmonie, les armoiriesou écussonsne sont pas insignifianscomme parmi nous ; ils sont emblématiques des moyens d'industrie et de célébrité que possède une phalange ; ils représentent ses richesses naturelles et artificielles. La civilisationtoujours déraisonnable , ne choisit que des écussonsvides de sens, un lion passant, une croix potencée, un champ de gueules au pal de sable, et autres niaiseries dignes d'une société qui n'est en tout sens qu un chaos de déraison et de fausseté. 108 NOUVEAU MONDE et devront porter au drapeau la cravate de demi-deuil, crêpe violet à frange d'argent, indiquant le désaveu du canton. En même temps on fera des efforts pour organiser une série complète en Beurés, comme celle B, l'élever à 10, 12, 15 groupes; et organiser, s'il se peut , une seconde série de poires fondantes, Bézy ou autres, afin d'engager pleinement le genre où il peut exceller. Quant aux quatre groupes éclipsés, s'ils donnent des fruits passables, on les adjoindra comme rameaux bâtards à des séries de leur espèce, qui excelleront dans d'autres cantons. Dans tout jugement sur les espèces à éclipser, la faveur ne peut avoir aucune influence, car c'est la contrée en- tière qui est juge par le fait, par son empressement ou son insouciance à demander commercialement tel pro- duit. Les sortes qui ne trouvent que peu ou point d'acheteurs, sont évidemment médiocres et passibles d'éclipse. En suivant cette marche, tout canton se restreindra aux espèces où il pourra exceller en culture ou fabrication, et négligeant tout ce qu'il pourrait produire en qualité médiocre, il le prendra par assortiment semblable à la série B, dans les cantons qui y excelleront, et à qui il vendra pareil assortiment de sortes où il excellera lui-même. Toutes ces fournitures seront faites par échelle assor- tie, graduée et compacte. Une phalange ne vend pas mille quintaux de blé en telle qualité, elle vend mille quintaux distingués en échelle de cinq , six , sept nuances de saveur dont elle a fait l'épreuve en boulangerie, et qu'elle fait distinguer selon les terrains de récolte et les méthodes de cul ture. Sur les moindres denrées ou légumes, une phalange ne vendrait jamais en total une de ses qualités; on ne livre commercialement qu'une échelle de variétés assorties, parce qu'il faut consommer par séries de qualités, INDUSTRIEL. I.e S. 109 afin d'établir parmi les producteurs des séries bien intriguées

il faut lier exactement la consommation à la production , appliquer à toutes deux un mécanisme identique : cet ordre sera expliqué aux sections suivantes. Dans l'état sociétaire, chaque canton ne produira que des denrées exquises; mais chacun aura besoin de s'approvisionner chez vingt de ses voisins , contre l'usage des civilisés. Le commerce vicinal des harmoniens sera au moins centuple du nôtre, car sur chaque légume, rave ou chou, une phalange tirera dix approvisionnemens de dix phalanges voisines, chez qui elle prendra dix chargemens de choux renommés, en leur envoyant autant de chargemens de la qualité de choux où elle excellera, et qu'elle livrera par échelle de saveurs graduées. Cet énorme commerce ne s'établira que sur les bonnes qualités seulement ; les médiocres ne trouveront pas d'acheteur, parce que leur emploi fausserait le mécanisme d'attraction industrielle, les trois règles de rivalité, exaltation, engrenage. Un tel mécanisme sera le contraire de notre monde à rebours, de notre civilisation perfectible, où tout le mouvement industriel s'opère à contre-sens des trois règles ci-dessus. Aussi voit-on chez nous les denrées de mauvaise qualité vingt fois plus abondantes et plus faciles à placer que les bonnes auxquelles personne ne veut mettre un juste prix, et qu'on ne sait pas même distinguer des mauvaises; la morale, habituant les civilisés à manger le bon et le mauvais indifféremment. Cette brutalité de goûts est l'appui de touteslesfourberiesmercantileset agricoles, ainsi qu'on en jugera par le parallèle des deux mécanismes sociétaire et civilisé. CHAP. VIII. Des sortes et doses d'attraction. Pourcomplément des notions élémentaires, analysons les degrés de l'attraction industrielle et les emplois à en faire. Ces degrés sont au nombre de trois

110 NOUVEAU MONDE L'attraction directe ou convergente, L'indirecte ou mixte, L'inverse ou divergente et faussée , I.° L'attraction est DIRECTE quand elle naît de l'objet même sur lequel s'exerce une industrie. Archimède, en étudiant la géométrie ; Linnée, la botanique; Lavoisier, la chimie, ne travaillent point par appât du gain , mais par un ardent amour de la science. Un prince qui cultive des oeillets, des orangers, une princesse qui élève des serins, des faisans, ne travaillent pas par cupidité, car ce soin leur coûteraplus qu'il ne leur produira ; ils sont donc passionnés pourl'objet même , pour la fonction même. Dans ce cas, l'attraction est directe ou convergente avec le travail; cette sorte d'attraction régnera dans les sept huitièmes des fonctions sociétaires, lorsque les Séries passionnées seront méthodiquement formées. La plupart des espèces animales et végétales domestiques peuvent exciter l'attraction directe en régime sociétaire : elle pourra s'appliquer au pourceau même, quand les Séries industriellesseront bien intriguées. 2.° L'attraction n'est qu'INDIRECTE quand elle naît d'un véhicule étranger à l'industrie, d'une amorce suffisante pour en faire surmonter passionnément les dégoûts, sans appât de gain. Telle est la situation d un naturaliste qui entretient des reptiles dégoûtans , des plantes vénéneuses; il n'aime pas ces êtres immondes auxquels il donne des soins, mais le zèle pour la science lui fait surmonter le dégoût avec passion, même sans bénéfice. Celte attraction indirecte s'adaptera aux fonctions sociétaires dépourvues d'attrait spécial ; elles formeront un huitième dans la masse des travaux d'une phalange. 3.° L'attraction DIVERGENTE ou faussée, est celle qui discorde avec l'industrie et l'intention ; c'est la situation où l'ouvrier n'est mu que par besoin , vénalité, considérations morales, sans gaîté, sans goût à son travail, sans enthousiasme indirect. INDUSTRIEL. I.eS. 111 Ce genre d'attraction, inadmissible dans les Séries passionnées, est pourtant le seul que sachent créer la politique et la morale : c'est celui qui règne dans les sept huitièmes des travaux des civilisés. Ils haïssent leur industrie, elle est pour eux une alternative de famine ou d'ennui, un supplice où ils vont à pas lents, d'un air pensif et abattu. Toute attraction divergente est une répugnance réelle, un état où l'homme s'impose à regret un supplice. L'ordre sociétaire est incompatible avec ce troisième genre; et jusques dans les occupations les plus répugnantes, comme le curage des égoûts , il doit atteindre au moins à l'attraction indirecte, mettre en jeu des ressorts exempts de vénalité, des impulsions nobles comme esprit de corps, esprit religieux, amitié, philantropie, etc. Il faudra donc parvenir à bannir tout à fait d'une phalange sociétaire l'attraction divergente, travail depisaller, fondé sur la crainte du besoin. Plaçons ici le parallèle des sortes et doses d'attraction industrielle dans les deux régimes. L'ordre civilisé présente : 1/9 d'attraction indirecte , 7/9 d'attraction divergente, répugnance passive, 1/9 de répugnance active, ou refus d'industrie de la part des riches oisifs, des filous , des mendians, etc.,etc. L'analyse du régime sociétaire présentera : 1/9 d'attraction indirecte ; 7/9 d'attraction directe; 1/9 de chômage, obligé par maladie, infirmité, vieillesse ou basse enfance, mais non par goût. L'attraction directe s'étendra donc à l immense majorité des travaux , et l'indirecte au surplus: celle-ci y sera encore très-forte, et égale aux plus véhémentes que nous connaissions. L'appât du gain qui, chez le salarié, n'excite qu'une attraction divergente, un pis-aller d'option entre la famine et l'ennui, sera souvent un ressort noble dans l'as¬ 112 NOUVEAU MONDE sociation ; par exemple : s'agît-il d'une invention urgente et négligée , comme le moyen préservatif de la fumée, l'ordre sociétaire saura allier les 2 amorces de cupidité et de gloire. Je suppose qu'il offre un prix de dix francs pour la découverte du procédé anti-fumeux. Celui qui résoudra le problème recevra solennellement, de la part du globe, une somme de cinq millions de francs, à répartir sur chacune des 500,000 phalanges que pourra formerla population actuelle. L'inventeur recevra aussi un diplome de magnat du globe, jouissant par toute la terre des honneurs attachés à ce rang. (Quel estl'aveuglement de ces savans ennemis de la théorie sociétaire qui va les élever à une si haute fortune ! ) Elle serait colossale même dans les plus petites branches ; car si une bagatelle, ode ou symphonie est récompensée à deux sous par vote de la majorité des 500,000 phalanges du globe, l'auteur en reçoit la notification par le congrès d'unité sphérique. Muni de cette pièce, il fournit sur Constantinople (siège naturel du congrès), une traite de la somme de 50,000 francs. Il peut gagner plusieurs fois, dans le cours d'une année, cette somme et de plus fortes. Une bonne pièce dramatique obtientelle 1 franc? C'est pourl'auteur 500,000francs comptant; plus, un produit de vente des exemplaires, au moins dix par phalange, soit cinq millions d'exemplaires, sans possibilité de fraude ni contrefaçon. Si on accorde à l'auteur quatre sous de profit par exemplaire, c'est encore 1,000,000. Total, quinze cent mille francs de bénéfice pour une bonne pièce, tragédie ou comédie, avec garantie que l'examen, l'admission et la représentation ne pourront pas être différées d'un instant, et qu'aucune intrigue ne pourra prévaloir dans le jugement à porter. (Voyez I, 268. ) Je ne crains pas d'assurer que bientôt les corps savans déclareront eux-mêmes qu'ils étaient en démence lorsqu'ils repoussaient la théorie sociétaire, plus désirable pour eux que pour aucune autre classe de civilisés. INDUSTRIEL. II.eS. 113 La deuxième attraction, l'indirecte, qu'on n'emploiera que rarement en régime sociétaire , peut fournir encore de puissans moyens; en voici un exemple. En 1810, une mine de houille fut inondée à Liège, et quatre-vingts ouvriers y étaient enfermés sans subsistance. Pour les délivrer à temps, il fallait faire en trèspeu de jours une percée considérable

tous leurs cama- rades s'y entremirent avec ardeur ; les plus forts sollicitaient la préférence par point d'honneur, et l'on fit en quatre jours un travail auquel des salariés auraient em- ployé vingt jours. Aussi les relations disaient-elles
Ce

qu'on a fait en quatrejours est incroyable; et ce n'était pas par vénalité, car les ouvriers se croyaient insultés quand on leur parlait d'argent pour les encourager à forcer de travail et sauver leurs camarades enfouis. Il est donc évident qu'un ouvrage répugnant par luimême , comme celui d'une percée de mineurs, peut devenir attrayantindirectement,s'il est soutenu d'impulsions nobles. Telle est la faculté dont jouissent les Séries pas- sionnées : elles créent une quantité de ces attractions indirectes, qui sont au moins égales en force aux directes : on en jugera à l'article PETITES HORDES. J'ajoute sur l'attraction indirecte un second exemple. A l assaut de Mahon , les soldats français escaladèrent des rochers si escarpés, que le maréchal de Richelieu ne concevant pas comment ils avaient pu réussir, voulut le lendemain, par forme de parade, faire une répétition de cet assaut. Les soldats ne purent pas gravir de sang- froid ces rochers qu'ils avaient escaladés la veille sous le feu de l'ennemi. Cependant ce n'était pas l'espoir du pillage qui les avait stimulés, car il n'y a rien à piller dans une citadelle

c'était l'esprit de corps, la fougue aveugle qu une masse passionnée communiqueà chacun de ses membres. Dans ce cas, les coopérateurs font des prodigesincroyables pour ceux mêmes qui le sont opérés. (Effet de la douzième passion, Composite ou exaltante.) On en a vu tant d'exemples, que cette belle propriété 8 144 NOUVEAU MONDE de l'attraction indirecte aurait dû fixer enfin l'attention. Notre siècle, engoué d'industrialisme, aurait dû mettre au concours la recherche des moyens d'appliquer à l'industrie l'une ou l'autre des deux attractions, directe et indirecte, qui enfantent des prodiges. Les animaux industrieux , castors, abeilles, ont reçu de la nature le don d'attraction directe pour leur industrie

cette nature

n'aurait-elle point en réserve quelque moyen de communiquer à l'homme la faculté d'attraction industrielle dont jouissent les animaux? Ici une redite ( 31 ) est nécessaire

la philosophienous enseigne qu'il ne faut pas croire la nature bornée aux moyens connus. Cette nature peut donc avoir quelques moyens inconnus de nous, pour introduire l'attraction dans l'exercice de l'industrie, mais où chercher ces moyens? C'est encore la philosophie qui nous l'apprend, car elle ordonne « d'explorer en entier le domaine de la » science, croire qu'il n'y a rien de fait tant qu'il reste » quelque chose à faire. » Or, tout est à faire en recherches sur l'attraction, sur son analyse et ses emplois; on n'a pas encore commencé ni proposé ce travail, on n'a pas même fait la distinction préalable des trois sortes d'attraction que je viens de définir; c'est un sujet dont la philosophie s'obstine à empêcher l'étude

et cependant comment résoudre le problème d'introduire l'attraction directe et indirecte dansl'exercicede l'industrie,

si on ne veut pas consentir à étudier l'attraction par analyse et synthèse ? Quoerite et invenietis. Appendice à la première section. CHAPITRES Omis. J'y ai traité huit sujets élémentaires, et j'en ai omis au moins double et triple nombre : on s'apercevra de cette lacune , par exemple on trouve dès les premières lignes de la section, un tableau des quatre groupes distingués en deux majeurs et deux mineurs. Là-dessusle lecteurdira : « Que signifie cet argot scientifique de groupes INDUSTRIEL. I.e S. 115 » majeurs et mineurs? » On ignore qu'il faudrait pour l'expliquer un ample chap., puis un autre pour classer les quatre groupes en deux composés et deux simples, et pour indiquer les caractères qui motivent cette division. A cela on réplique : « dites-nous les choses en som- » maire. » J'y consens pour faire voir que trop de brièveté embrouille une matière neuve au lieu d'en donner des notions satisfaisantes. Essayons. La différence du majeur au mineurtient aux influences des deux principes,matériel etspirituel, nommésCORPS ET AME. Les groupes de famille et d'amoursont d'ordre mineur, parce que le principe matériel y domine, sur tout dans celui de famille qui est fixément sous le joug du matériel, car on ne peut pas rompre le lien du sang, changer de parens comme on change d'amis, d'amours, d'associés. Le groupe familial n'est donc pas libre

par suite de cette chaîne perpétuelle, il est vicieux en méca- nique de passion et ne peut y produire le bien que par absorption de son caractère anti-social, de son égoïsme

qui porte un père à sacrifier la société à sa famille, se croire tout permis, pour l'intérêt de sa femme et de enfans. ses Le groupe d'amour quoique fortement assujéti au principe matériel n'en est pas esclave : le principe spiri- tuel domine parfois en lien d'amour , comme quand on quitte une très-belle maîtresse pour en prendre une sans beauté, dont l esprit ou les qualités vous ont captivé Ainsi ce groupe n'étant pas sous la dépendance exclusive du matériel est le plus noble des deux mineurs. Le groupe d'ambition ou lien corporatif a pour dominantes la gloire et l'intérêt. Il est influencé parla richesse ou matière industrielle qui est plus noble que la corpo- relle ; a ce titre et à celui d'amour de la gloire il est de ordre majeur où domine le principe spirituel. Le groupe d'amitié est presque entièrement dégagé du matériel, a part les convenances d'industrie, il est tout au principe spirituel. Il est donc d'ordre majeur. Voyez 8. 116 NOUVEAU MONDE sur les 8 ressorts élémentaires des quatre groupes. I, 389. J'appelle composés les 2 groupes d'ambition et d'amour, parce qu'ils ont dans les Sériés passionnées et non pas en civilisation, la propriété de développer en équilibre direct les deuxprincipes, matériel etspirituel, maintenir en juste balance les ressorts de l'ame et des sens, tout en leur donnant libre cours. Les deuxautresgroupes sontd'ordresimple, parce qu'ils ne peuvent arriver à l'équilibre des sens et de l'ame que par voie indirecte ; il faut que l'un se rallie à la matière dont il est trop dégagé, (voyez ce ralliement, section 4.e Petites Hordes) ; et que l'autre se dégage de la matière dont il est trop esclave. ( Voyez 5.e section les adoptions sympatiques et les hoiries disséminées). Les deux groupes n'arrivent donc à l'harmonie que par voie indirecte ou dérogation à leurs caractères essentielsLes deux définitions qu'on vient de lire laissent trop à désirer; elles effleurent des points de doctrine qui auraient besoin de longs commentaires; elles obscurcissent le sujet au lieu de lexpliquer; elles prêtent le flanc aux sceptiques et aux ergoteurs ; c'est pour éviter cet inconvénient que souvent je franchirai telle question,jeglisserai sur telle autre. Non que je sois embarrassé de fournir tous les éclaircissemens; j'ai, surles problèmes d'harmonie, dix fois plus de solutions à donnerqu'on n'aura d'objections à élever; mais je dois négliger ce qui nous engagerait trop avant dans la théorie. Quant aux exposés sommaires qu'on demande, je viens de prouver qu'ils ne serviraientqu'à élever des doutes au lieu de répandre des lumières. Pour satisfaire sur cette double division des groupes, En majeurs et mineurs, en composés et simples, il faudrait au moins deux chap. de l'étendue des Vet à VI, et autantsur chaque propriété contrastée des quatre groupes : soit celle d'entraînement; s'il s'agit de braver un péril dans le cas de guerre ou d'incendie, les quatre groupes sont soumis à des influences très-différentes. Groupe d'amitié : tous s'entraînent confusément. INDUSTRIEL. I.e S. 117 = d'ambition

le supérieur entraîne l'inférieur. = d'amour

le féminin entraîne le masculin. = de famille : l'inférieur entraîne le supérieur. (Voyez I, 887, les contrastes des groupes en influence re- lative au ton et à la critique. L'examen de chacun de ces sujets est indispensable en étude desgroupes, et obligerait à de longs développemens, des parallèles et des contrastes, le tout étayé d'application aux propriétés des quatre sections coniques, types des quatre groupes. (58) Brisant sur ces problèmes je me borne à rappeler que l attraction passionnée qu'on a prise pour une amusette, est une science immense et géométrique ; et puisqu'on n'en veut admettre qu'un aperçu très-succinct , il faut s'en rapporter sur le choix des matières, au seul homme qui ait parcouru pendant 30 années ce nouveau monde scientifique. L'abrégé qu'on désire aura atteint son but, s'il amène leslecteurs à reconnaître l'impossibilité d'exposer superficiellementcette vaste science à laquelleje comptais donner non pas un abrégé, mais neuf gros volumes compactes, dont deux furent publiés en 1822, pour préludersur les diverses branches et sonderl'opinion sur l'étendue qu'il conviendrait de donner à chacune. Au lieu de m'éclairersur ce point, on m'a répondupar desinvectives, récompense ordinaire des inventeurs,surtout en France. Ici je me bornerai aux documens nécessaires pour un essai approximatif d'association domestique et agricole. Quand cet essai sera fait, on reconnaîtra l'importance de la nouvelle science, et on regrettera inutilement d'en avoir manqué le traité. Notre 19.e siècle suit ici la mar- che du 15e, qui se décida à croire au nouveau monde continental, lorsqu'il vit Colomb de retour avec les blocs d'or et les sauvages cuivrés. Ces conversions in extremis ou retour à la bonne voie quand le péché n'est plus pos- sible, sont habituelles chez la civilisation moderne ; elle niera le nouveau monde industriel jusqu'au dernier moment ; peu importe, puisqu'il suffira d'un petit comité de fondateurs pour opérer subitement la métamorphose universelle

pauci, sed boni. 118 NOUVEAUMONDE SECTION DEUXIÈME. DISPOSITIONS DE LA PHALANGE D'ESSAI. TROISIÈME NOTICE. PARTIE MATÉRIELLE DES PRÉPARATIFS. CHAP. IX. Préparatifs en matériel et personnel. Admission et installation successive. Je dois prévenir dès le début, et je devrairappelerfréquemment que, pour être en état de diriger une approximation sociétaire ou phalange d'échelle réduite, il faut connaître le mécanisme de la phalange de pleine échelle à 1800 personnes. L'opération en échelle réduite n'emploiera que le quart des capitaux qu'exigerait l'autre ; mais on ne pourraitpas juger des réductions que chaque branche peut subir en petite échelle,si on ne connaissait pas le plein mécanisme, l'harmonie en grande échelle. C'est celle qu'on va décrire dans les cinq sections de principes et application , 1, 2 , 3, 4, 5 ; elles serviront de hase pour le calcul de l'échelle réduite placée à la suite de la 7.e section. Il faudra donc, lorsqu'on trouvera les perspectives trop éblouissantes, se souvenir qu'on n'opérera pas si grandement, mais qu'il faut connaître ce mécanisme de haute harmonie des passionspour déterminer les réductions dont il est susceptible dans ses bas degrés. Je distingue les préparatifs matériels en 3 branches : 1.° La formation de la compagnie actionnaire. 2.° Les constructions, aprovisionnemens, plantations. 3.° Les engagemens et installations successives. INDUSTRIEL. II.eS. 119 I.° Formation de la compagnie : Comme il faudra suivre à cet égard une marche très-opposée aux méthodes usitées , éviter la cohue des petits actionnaires, pauci sed boni, je crois à propos de renvoyer ce sujet à l'article CANDIDATURE placé à la post-face. Bornons-nous à supposer cette compagnie toute formée, et pourvue du capital nécessaire pour fonder en grande échelle , puisque c'est sur la grande échelle qu'il faut étudier la théorie, pour savoir fonder en échelle réduite. 2.° Les distributions matérielles du canton d'essai. Elles seront exposées dans tout le cours de cette 2.e section, ainsi que les dispositionsrelatives au mécanismed'attraction, point sur lequel une compagnie d'actionnaires tomberait à chaque pas dans de graves erreurs, si elle se guidait sur les préjugés dominans. 3.° Les engagemens, admissions et installations consécutives. On suivra à cet égard une méthode opposée à celle des établissemens civilisés, où l'on installe brusquement et d'un seul jet tous les coopérateurs. L'installation de la phalange d'essai, ( je la suppose complète), devra s'opérer en 5 actes, savoir

Et pour la fondation approximative 900 seulement. 2000 Il faut un peu forcer de nombre dansla phalange d'essai , l'élever à 1900 et 2000, y compris la cohorte salariée, parce qu'elle aura plus de difficultés à surmonter que celles qu'on fondera postérieurement et qu'on réduira d'abord a 1800 et ensuite à 1700 : le nombre fixe étant 1620, qu'il faudra un peu excéder, surtout pendant les premières générations qui manqueront de vigueur. La méthode exigerait que je traitasse d'abord des bâtimens, des terrains; mais ce serait un détail un peu aride 120 NOUVEAU MONDE que je diffère. Commençons par la règle à suivre en in- stallation progressive des essaims. Si l'édifice et les plantationspouvaient se trouver tout prêts, on installerait toute la phalange dans l'espace de neuf mois, savoir

I.e essaim en Août, 2.e en Septembre 3.e en Octobre, 4.een Mars, 5.e en Mai. On ne pourrait pas opérer si rapidement en grande échelle, parce qu'il faudrait construire et planter, puis installer dans les portions d'édifice à mesure qu'elles seraientprêtes.J'estime donc que l'installation compren- drait un terme de 21 à 24 mois ; celle en échelle réduite se bornera à 3 essaims qu'on installera, 1.e en Août, 2.e en Octobre, 3.e en Mars; et avant tout les cent salariés, gens de peine, dont 2/3 d'hommes et 1/3 de femmes, qu on emploiera aux dégrossissemens et fonctions qui ra- lentiraient l'attraction industrielle. Cette centaine de sa- lariés sera la béquille de la phalange d'essai, très-gênée par les lacunes d'attraction , et obligée de s'étayer d'un appui soit en grande, soit en petite échelle. Si la compagnie d'actionnaires voulait engager tout-àcoup les 1900 personnes ou les 800 d'échelle réduite, elle échouerait

d'abord elle serait rançonnée par la classe ouvrière qui, ne sachant pas à quoi on va l'employer, serait fort exigeante sur les conditions; d'autre part les classes aisée et riche n'auraient pas de confiance etrefuseraient tout engagement. Il s'agit d'amener les uns et et les autres a solliciter l'admission comme une insigne faveur ; et pour y réussir il suffira d'opérer judicieusement sur le premier essaim. On traitera avec la classe industrieuse en stipulantl'option d une somme fixe, que l'engagé pourra exiger en cas de mésintelligence dans les partages sociétaires du bénéfice; ( je supprime à regret des détails importans sur ces engagemens) la régence ne doutera pas de l'accord dans la répartition ; mais comme les engagés en douteront, il faudra les satisfaire par cette option d'un fixe. Si le terrain contient quelque grand bâtiment, ch⬠INDUSTRIEL. I.e S. 121 teau ou monastère qu'on aura loué, on y installera d'abord le noyau ou premier essaim d'environ trois cents , plus la régence. Il se composera en grande partie de jardiniers qui prépareront les vergers , feront les transplantations et tous les ouvrages dont on doit s'occuper longtemps à l'avance ; introduction des animaux, conserve de fruits et légumes, plantation de végétaux qui, comme l'asperge et l'artichaut, ne fructifient pas dèsla première année. Le premier travail sera de former ces débutans au développement de l'attraction, faire éclore leurs passions, leurs goûts , leurs instincts; ils seront fort étonnés, pères et enfans, de ce que, au lieu de les rudoyer et moraliser, on ne s'occupera qu'à favoriser leurs goûts, répandre du charme dans leurs fonctions par les séances courtes et variées, les classer en groupes et. sous-groupes qu'on exercera à se passionner cabalistiquement pour tels mets, telles préparations, à graduer et écheloner les goûts des trois sexes, qui sont très-distincts. Une compagnie d'actionnairesnemanqueraitpas de réprouver ce procédé, et de prétendre qu'ilfaut discipliner cette réunion selon les saines doctrines ducommerce et de la morale

envisageons mieux le but. Il ne s'agira pas de former des civilisés, mais des Harmoniens, les amener à l'attraction industrielle par la prompte formation des Séries passionnées. Plus tôt elles seront formées, plus tôt cette attraction naîtra ; or, la voie la plus courte est la gourmandise raffinée et échelonée

elle formera d'abord les séries en consommation, ensuite l'échelle sériaire s'étendra aux préparations culinaires

ce mécanisme, une fois organisé aux tables et aux cuisines,

s'établira par suite dans les cultures et les ateliers de conserve. C'est une thèse à traiter aux troisième et quatrième sections

je me borne à la faire entrevoir. Cette facile sagesse de gastronomie échelonée, est le ressort que Dieu nous a ménagé pour opérer promptement et sûrement en mécanique d'attraction , réussir dès 122 NOUVEAU MONDE le premier mois d'essai. Une telle sagesse charmera tous les débutans; elle ne sera pastrès-lucrative sur le premier essaim de trois cents personnes, car les bénéfices du ré- gime sériaire ne s'établissent que sur le nombre 600

mais ce sera une semaille nécessaire à préparer les voies

du régime de l'attraction industrielle qui s'établira à l'entréedu deuxièmeessaim , et d'où naîtra le quadruple produit. Remarquons à ce sujet que, sur la gastronomie, la culture des fleurs, l'emploi de l'opéra et autres fonctions réputées frivoles ou vicieuses, je serai obligé de contre- dire sans cesse les doctrines civilisées; je ne conteste pas que ces fonctions ne soient nuisibles dans l'état actuel mais , je les envisage en application au régime des Séries passionnées ou elles deviennent voies de bien. Des que le peuple des villages et villes voisines connaîtra le genre de vie que mènent les trois cents débutans, leurs travaux à choix et en courtes séances, va- riées au moins quatre fois par jour, le service de leurs tables a option sur des qualités graduées, la sollicitude des chefs pour varier les plaisirs des hommes, femmes et enfans, ce sera un sujet de rumeur extrême chez toute la classe industrieusedu voisinage. On ne s'entretiendra que du bien-être des débutans; toute famille d'ouvriers, d'artisans, de petits cultivateurs, ambitionneraleur poste, et quiconque aura hésité sur l'engagement, viendra le solliciter comme haute faveur. Je suppose qu'à cette époque une aile du phalanstère sera déjà construite et habitable

on engagera donc le

deuxième essaimde quatre centspersonnes, dont une par- tie en ouvriers instructeurs, charpentiers, charrons, cor- donniers, serruriers; une partie en petits cultivateurs, puis des instituteurs d'école primaire, car le régime des Séries passionnées excite bien vite le peuple et les enfans a demanderl'instruction qu'ils n'acceptent que forcément en civilisation. Dans l'engagement de ce deuxième esaim, la régence INDUSTRIEL. II.e S. 123 aura l'option surlesbons ouvriers qui, séduits par le train de vie des sociétaires, se présenteront en nombre décuple du nécessaire, et bon pourra choisir les meilleurs. Le noyau se trouvant porté à sept cents par cette recrue, il passera de la manoeuvre de dégrossissement à celle de sous-approximation , ou quart d'exercice. Alors commencera l'essai du mécanisme des séries qui ne peut pas être ébauché à moins de six cents personnes : (voyez le tableau de la phalange, chap. X, en tribus et choeurs.) La régence livrera à tous les engagés leurs trousseaux de travail et de parade ; les groupes commenceront à aller au travail avec drapeaux, hymnes , fanfares. On établira aussi trois degrés pour les tables qui auront été bornées à deux espèces dans le premier essaim , plus celle de la régence. Ce ne sera qu'après cette ébauche du mécanisme sériaire qu'on pourra entrevoir les propriétés de l'attraction , sa justesse géométrique, le préservatif d'excès par alternat de plaisirs, la perfection du travail et l'ardeur industrielle croissant en raison des raffinemens gastronomiques , l'amour des richesses devenant voie de vertu, l'entraînement des enfans au travail productif, l'emploi des discords en harmonie générale, et l'accord indirect des antipathiques. Tous ces prodiges, dont on verra des germes sur une masse de sept cents personnes, ne pourraient pas se manifester dans le noyau de trois cents. Mais celui de sept cents et même six cents, donnera des résultats qui ne laisseront aucun doute sur la chute prochaine de la civilisation, (Voyez les détails en troisième et quatrième sections.) Alors tous les regards se fixeront sur cet embryon de l'harmonie; les actions en seront recherchées à double prix : beaucoup de gens de la classe riche demanderont à faire partie du troisième essaim, que la régence travaillera à rassembler, ou plutôt ACCEPTER. L'admissionsera d'autantplus recherchée, qu'on verra déjà éclater l'une des plus belles propriétés du régime 124 NOUVEAU MONDE sériaire, le vingtuplement relatif de richesse, ou faculté de quadrupler le produit effectif, 4000 pour 1000, et de mener, dans la phalange, avec une somme de 4000f. le train de vie qui en coûterait 20,000 en civilisation. L'on ne sera admis que difficilement au troisième es- saim, qui devra se composer d'instituteurs, d'habiles artisans, de cultivateurs expérimentés, d'agronomes, d'artistes chargés de donner la haute éducation aux plébéïens de la phalange, et surtout aux enfans. Quant au choix à faire sur les prétendans riches ou pauvres, on devra s'attacher à diverses qualités réputées vicieuses ou inutiles en civilisation , telles sont : La justesse d'oreille musicale, La politesse des familles, L'aptitude aux beaux arts, etsuivre diversesrèglesopposées aux idées philosophiques, Préférer les familles ayant peu d'enfans, Introduire un tiers de célibataires Rechercher , les caractères titrés de bizarrerie, Etablir l'échelle graduée en âges, fortunes, lumières. L' industrie sociétaire tire grand avantage de certaines facultés, comme la justesse d'oreille, que méprisent les sophistes, d'après leur principe bien chante et danse, peu avance, principe très-faux en mécanique sociétaire, et surtout dans la phalange d'essai, qui avancera beaucoup si elle a un peuple très-poli, bien chantantet dansant. D'abord elle aura ( je parle de la grande échelle) une somme énorme a percevoir sur les curieux payans : cette seule branche de bénéfice triplera le capital des actionnaires. On manquerait en grande partie cette récolte, si la phalange ne présentait aux curieux qu'un peuple grossier, inhabile aux évolutions matérielles de l'harmonie , et à la manoeuvre de passions qui exige beaucoup de raffinement. Gomme il faudra un assortiment d'ouvriers instructeurs, au moins trois en chaque métier, afin d'établir la concurrence de méthodes ; si chacun de ses ouvriers, INDUSTRIEL. II.e S. 125 tirés de la ville, amenait une famille considérable, on aurait presque moitié de pères et enfants non habitués à l'agriculture, ce qui fausserait le mécanisme sociétaire où l'agriculture doit tenir le haut rang. Dans les crédits et comptes courans relatifs aux avances de subsistance, vêtemens , logement et autres, la phalange ne connaît jamais de familles, mais seulement des individus qui ont leur compte distinct. Un homme ne peut pas traiter en commun pour sa femme et ses enfans; on stipule pour chacun individuellement, sauf les enfans au-dessous de trois ans, qui sont tenus aux frais de la phalange quand ils sont de la classepauvre. D'après cela , tout ouvrier surchargé de petits enfansrecherchera l'admission ; mais la régence n'acceptera d'enfans que selon les proportions convenables

je les indiquerai ailleurs. Il conviendra que la phalange, dès l'entrée du 3.e essaim, ail au moins deux tiers de ses végétaux en espèces fécondes

on devra donc faire les frais de transplanter

les arbres fruitiers, avec encaissement du massif de terre qui contient les racines. Si l'arbre est grand et qu'on ne puisse pas employer cette méthode, on suivra celle récemment publiée en Ecosse par Sir Stuart, et qui opérant par déchaussement des racines, permet de transplanter avec succès les arbres de toute grandeur. Moyennant ces dispositions on ne courra pas le risque de fausser le mécanisme pendant 2 ou 3 ans, par des travaux ingrats et mal intrigués, comme seraient ceux de jeunes vergers qui ne passionneraient pas les groupes, tant qu'on n'y verrait pas de fruits. La phalange d'essai devra, même en échelle réduite, pourvoir au bien être d'une centaine de salariés qu'elle s'adjoindra, les élever au demi-bonheur sociétairepar les variantes de fonctions et autres moyens, leur garantir l'admission dans les premières phalanges à fonder, ou dans la leur si elle n'est que réduite , extensible de 900 à 1800. Il faut que tout soit heureux dans cette réunion 126 NOUVEAU MONDE même les animaux; leur bien-être est une branche es- sentielle de l'harmonie sociétaire , et une des sources de sa richesse. Elle s'appauvrirait et fausserait son mécanisme , si elle donnait dans l'égoïsme de Platon qui, au lieu de chercher un remède aux misères de l'humanité, remerciait les dieux d'avoir échappé au malheur commun, d'être né homme et non femme, Grec et non barbare, libre et non esclave. Je reviendrai sur cet égoïsme de Platon et consorts : faut-il s'étonner qu'avec un tel caractère les philosophes aient manqué le calcul de l'attraction qui tend au bonheur de tous. Il est aisé de prévoir que tout ouvrier, tout paysan, voudra, en entrant dans la phalange, abonner sa femme et ses enfans à des tables de degré inférieur, les placer en 3.e degré, s'il s'abonne en 2.e. Il voudra aussis'allouer tout le montant du fixe ou somme d'option accordée dans les engagemens; n'en céder qu'une parcelle à la femme et aux enfans. Tels sont les tendres pères civilisés; les tendres paysans veulent tout pour eux sous prétexte de soutenir la morale douce et pure : ces tyrannies maritales et paternelles sont inadmissibles en régime sociétaire. D'ailleurs au bout d'un mois,toutsociétaire dédaignera cette rapacité civilisée, et sera assez satisfait d'être exempt de l'entretien de femme et enfans qui, par effet de l'attraction industrielle, gagneront bien plus que leurs frais. La phalange pourvue de son 3.e essaim pourra s'élever à la grande approximation ou demi exercicequi exige 1300 personnes. Alors commenceront les opérations de haute harmonie, comme l'éducation attrayante ou naturelle qui n'aura pu être qu'ébauchée dans le quart d'exercice borné à 700 personnes. L'éducation naturelle ( 3.e section ) sera la plus puissante amorce pour la classe opulente : on sera convaincu, après avoir vu les enfans de la phalange, qu'un monarque même ne peut pas, avec ses trésors et ses gouverneurs salariés, donner à ses enfans le quart des dévelop¬ INDUSTRIEL. II.e S. 127 pemens matériels et intellectuels que recevra le plus pauvre enfant de la phalange. D'après cela, tous les gens riches qui auront des héritiers précieux à conserver, se disputeront l'admission dans les deux derniers essaims N.° 4 et 5, ou demanderont à y introduire leurs enfans, sauf une prise d'action au cours qui sera déjà triple du capital primitif. J'ai dit ( 48 ) que la propriété la plus saillante de l'éducation harmonienne est de développer dès le bas âge de 3 à 4 ans une vingtaine de vocations industrielles, même chez l'enfant qui serait dans les ménages civilisés un paresseux obstiné ; et d'élever cet enfant au goût des sciences et des arts, au raffinement matériel et intellectuel, sans autre précaution que de l'abandonner à l'attraction , à la nature , à toutes ses fantaisies: (voyez 3.e et 4.e sections), un enfant élevé dès sa naissance dans les Séries passionnées serait à 4 ans bien plus avancé en vigueur qu'un civilisé de 6 ans, et plus avancé en intelligence que la plupart des enfans de 10 ans. Pour donner du lustre à ces propriétés de la méthode naturelle, il faudra réserver des places aux enfans extérieurs que les princes et les grands offriront en foule. On devra donc éviter d'admettre dans les trois premiers essaims des plébéïens chargés de famille, qui causeraient encombrement d'enfans. Il suffira qu'on ait assez pour organiser en âge de 5 à 13 ans les manoeuvres chorégraphiques à 144 enfans des deux sexes avec leurs chefs,soit 160. Or le nombre d'enfans de 5 à 13 s'élèverait à 220 au moins sur 1300 individus de familles civilisées. On pourra donc réduire la proportion naturelle d'enfans sur les trois premiers essaims, et admettre des enfans à pension qui seront très-offerts. Je suppose que le 3.e essaim aura été admis au commencement de l'automne ; les 1300 sociétaires auront pu former pendant l'hiver assez de liens pour se déployer d'une manière brillante au printemps, lorsque la phalange songera à enrôler son complet numérique,ses der¬ 128 NOUVEAU MONDE niers essaims 4.e et 5.e, à l'effet de frapperle grand coup, et déterminer en six semaines de plein exercice,l'abandon et la clôture de la civilisation. Déjà elle aura été condamnée de toutes voix ; mais comme l'hiver de demi exercice sera sujet aux calmes de passions, par absence des deux classes supérieures, ce sera après leur entrée qu'on la verra confondue honteusement et bafouée par ses plus obstinés défenseurs. Négligeons les détails d'installation de ces 4.e et 5.e essaims , puisqu'on se bornera à une petite phalange de 3 essaims seulement. Elle suffira déjà pour attirer une foule immense de curieux payans qui viendront de toute part s'assurer s'il est vrai que la destinée de l'homme, la mécanique sociétaire des passions est découverte, que la loi naturelle va succéder aux visions morales tendant à réprimer, modérer et changer la nature, substituer aux lumières de Dieu , les lumières de Caton et Target. CHAF. X. Classification, direction, devis. Dans toute réunion civilisée, on ne connaît d'autre hiérarchie que celle du rang ou de la fortune

l'ordre sociétaire emploie plusieurs autres échelles de classification inconnues parmi nous, comme celle des caractères qui sont pour les civilisés un grimoire indéchiffrable ; et celle des tempéramens que la médecine réduit à quatre, et qui sont en même quantité et même distribution que les caractères individuels

mais il faudra de longues

épreuves avant de pouvoir faire le triage et l'échelle régulière des caractères et celle des tempéramens. La première classification à établir sera celle des caractères collectifs analogues aux divers âges ; ils se classerontspontanément, personne ne sera obligé de se ranger dans telle catégorie d'âge. Voyez ladite échelle (130). Sa distribution représente une série mesurée ou composée ; c'est peut-être la seule qu'on pourra former dans la phalange d'essai. INDUSTRIEL. II.e S. 120 Nota. Ce qu'on peut remarquer ici, c'est qu'une série mesurée se prête comme une simple à la division en trois corps, ailes et centre ; mais si on décomposait celte série par sexes, on y établirait une autre division en quatre corps, dont il n'est pas pressant de parler. Les trente-deux choeurs, leurs esprits de corps et leurs attributions graduées seront une féconde source d'ac- cords, pourvu que les âges, les tribus et les choeurs se classent en pleine liberté. On ne distinguera pas de demicaractere dans une phalange d'échelle réduite à huit cents sociétaires et cent salariés ; la manoeuvre du demicaractere ne pouvant s'établir que sur une masse d'environ mille six cents. Je définirai plus loin la différence du plein au demi-caractère. Les enfans se prêteront ardemment à former l'échelle corporative des âges, les six tribus n.° I, 2, 3, 4 , 5, 6 sauf a avancer les enfans précoces en facultés, et retarder les moins développés. . Rebelle d'âges, qui plaît beaucoup à l'enfance, est indispensable pour l'émulation , pour le ton et l'impulsion, qui doivent être donnés par degrés, et communiques de la tribu n.° 6 aux tribus inférieures. Toute l'é ducation pivote sur la tribu n.° 6, (voyez 3.eet 4.e sect.) L âge avancé formera avec plaisir les tribus 14, 15 16, car les six choeurs de ces tribus jouissent de diverses prérogatives quant aux subsistances , vêtemens , logemens, voitures, etc. : un patriarche ( 16.etribu) est servi en chère de 1.re classe, quelque pauvre qu'il soit révérend : un et un vénérable ont droit aux tables de 2.e classe malgré le défaut de fortune; mêmes égards quant aux vetemens, logemens, équipages; nos modernes, en vrais sauvages, abandonnent la vieillesse, l'enfance, lades; les maon prodigue aux oisifs les litières suspendues, bourrées rem- tandis que les blessés sont cahotés , martyrisés dans des fourgons sans soupente : pas un moraliste ne ré- clamera pour eux. Voilà les bienfaits de la civilisation per- ectible, ses gasconades philantropiques et morales ! 9


132 NOUVEAU MONDE Lestribus 7.e et 8.e fort jeunes, et les 9.e et 10.e encore jeunes, se classeront sans aucune répugnance en échelle d'âges, à peu d'exceptions près, car tout sera libre dans cette classification, depuis la tribu 7.e jusqu'à la 16.E. C'est aux tribus 11 , 12 , 13, que commence l'âge déclinant, et l'on va présumer que les femmes, sur le retour, seront peu flattées de figurer dans ces tribus, qu'elles refuseront tout net de s'y incorporer

il n'en sera rien. Le régime sociétaire fait naître une foule d'intérêts différens des nôtres : l'un de ses effets est d'assurer considération et affection à la vieillesse, qui, dans l'ordre civilisé, est mal vue des jeunes gens. On verra , au chapitre des ralliemens passionnels, que cette bannière d'âge avancé, qui serait aujourd'hui un épouvantail pourlesfemmes déclinantes, deviendra pour elles une amorce. D'ailleurs, chacun pourra se classer dans la tribu dont il obtiendra l'agrément. La femme de 40 ans pourra se ranger parmi celles de 30 , si elle y est admise, et cette admission sera facile à obtenir. La classification au-dessus de 20 ans étant libre, je n'indique pas les âges des tribus n.° 7 et au-dessus. L'emploi le plus précieux de cette échelle d'âges est de faciliter l'éducation naturelle, créer chez les enfans des esprits de corps qui les entraînent passionnément aux études et aux travaux productifs. ( Voyez 3.esection.) On devra observer, dans la classification par tribus, l'inégalité des deux grandes divisions

d'ailleurs la nature fournit moins de nombre dans l'âge descendant que dans l'ascendant ; aussi ai-je distribué les quatorze tribus de pleine harmonie, par 38, 44, 50, 56, 62, 68, 74. = 54. — 70, 64, 58, 52, 46, 40, 34. Et non par nombres égaux en correspondance, 36, 42, 48, 54, 60, 66, 72. =54.= 72, 66, 60, 54, 48, 42, 36. La deuxième échelle supposerait l'égalité numérique des deux divisions d'âge. On aura au contraire , pendant 30 INDUSTRIEL. II.e S. 133 ans, une surcharge de nombre dans la première division, parce que les enfans sont surabondans en civilisation. La classe de plein caractère, qui comprend 810 individus , est celle des êtres qui jouissent de l'exercice plein en facultés corporelles et intellectuelles. Un enfant de trois à quatre ans ne peut pas avoir, même dans l'éducation sociétaire, la dextérité, l'intelligence, les penchans prononcés qui constituent le plein caractère. En si bas âge , il a peu de goûts saillans; il effleure tout, ce n'est guères que de quatre ans à quatre et demi que son naturel se manifeste nettement, et qu'on peut discernerses passions dominantes, ses sous-dominantes, ses instincts, etc. En conséquence, la tribu des bambins ne fait pas distinction du demi-caractère. Il en est de même de la tribu des patriarches. Un vieillard du 16.e âge n'a plus les facultés corporelles, et ne peut plus figurer dans le plein caractère, ni dans l'exercice actif. De là vient que le demi-caractère n'est tiré que des quatorze tribus n.oS2 à 15. Il se compose de 405 individus dont les goûts sont peu distincts, ambigus, et fort utiles pour lier les fonctions, car un demi-caractèrefigure souvent en doublure de deux caractères pleins. Ce genre, qui serait, dédaigné en civilisation, jouit en harmonie d'une grande considération ; le neutre et l 'ambigu y sont éminemment utiles. La classe des évolutions et manoeuvres, classe dite harmonie active, se borne aux douze tribus 2 à 13. J'ai dit qu'on tient chaque jour la bourse, ou réunion consultative pour concerter, soit en industrie, soit en repas et en plaisirs, les séances variées du lendemain et des jours suivans, ainsi que les prêts et emprunts de cohortes aux phalanges voisines. Le mécanisme de bourse, en association, est très-différent de celui de nos bourses de commerce,quisont la suprême confusion. Une bourse harmonienne débrouillera plus d'intrigues et conclura plus de négociations en une demi-heure, que la bourse 134 NOUVEAU MONDE. civilisée n'en terminerait en une demi-journée. Cette méthode est un des nombreux détails qu'il faut franchir dans un abrégé. La régence chargée de diriger les affaires courantes et pourvoir au service général , n'est que le délégué de l'aréopage, qui est une autorité d'opinion ; il se compose : 1.° des chefs de chaque série d'industrie ou de plaisir, les plaisirs étant aussi utiles en harmonie que les travaux ; 2.° des trois tribus de révérends, vénérables et patriarches; 3.° des actionnaires principaux ayant un vote par action, et des actionnaires d'épargne, qui ont obtenu une action par petites économies cumulées ; 4.° des magnats et magnates de la phalange. On en verra ailleurs la liste détaillée en trois sexes. L'aréopage n'a point de statuts à faire ni à maintenir, tout étant réglé par l'attraction, et par les esprits de corps des tribus, des choeurs, des séries. Il prononce sur les affaires importantes, moisson, vendange, constructions, etc. Ses avis sont accueillis passionnément comme boussole d'industrie, mais ils ne sont pas obligatoires

un

groupe serait libre de différer sa récolte, malgré l'avis de l'aréopage. Il n'a aucune influence sur l'opération principale, qui est la répartition des dividendes en triples lots proportionnels au capital, au travail et au talent. C'est l'attraction seule qui est arbitre de justice dans cette affaire. (Voyez 5.e section.) Ni l'aréopage, ni la régence ne sont chargés de responsabilités illusoires, comme celle de la finance civilisée qui, avec des fatras de chiffres, sait masquer tous les grivelages. La comptabilité, en harmonie sociétaire , est l'ouvrage d'une série spéciale, chargée de la tenue des livres, que chacun peut inspecter. D'ailleurs, les comptes sont très-peu compliqués dans ce nouvel ordre. On n'y connoît pas les paiemens journaliers, la coutume civilisée d'avoir toujours l'argent a la main. Chacun a un crédit ouvert en proportion de sa INDUSTRIEL. II.e S. 135 fortune connue ou de ses bénéfices présomptifs en industrie attrayante Les phalanges vicinales ne paient point jour par jour ce qu'elles se vendent réciproquement : bestiaux, volailles, légumes, fruits, beurre, laitage, fourrage, vin, huile, bois, etc. On en fait écriture, et on balance à termes convenus, après viremens ou compensations entre les cantons et régions. Quant aux comptes individuels, pour avance de subsistance et autres fournitures, ils ne se règlent qu'au bout de l'année à l'époque d'inventaire et répartition. Les contributions pour le fisc et les armées industrielles , dont on parlera plus loin, ne donnent lieu à aucun travail de percepteurs; chaque phalange règle avec le fisc en quatre billets payables par trimestre au cheflieu de province: quant aux armées industrielles, chaque troupe envoyée par une province ou un district, jouit d'un crédit fixe , sa dépense est payée par elle-même, en mandats surson district. Aucun fournisseur ne peut griveler. Le contentieux est réduit à quelques arbitrages.Chacun peut retirer à tout instant le montant de ses actions,sauf le dividende courant à régler lors d'inventaire. Il n'est besoin pour les enfans d'aucun tuteur : on ne peut pas leur enlever une obole de leur fortune, qui consiste en actions enregistrées au grand livre de chaque phalange, et portant intérêt fixe, ou dividende réglé chaque année d'après inventaire. Ainsi un pupille n'est exposé à aucun leure, et ses fonds, dans chaque phalange où il a des actions, s'accumulent avec intérêt , jusqu'à l'âge de majorité (vingt ans), où il en disposera. Il faudra distinguer trois classes de fortune et de dépense pour la table. C'est une échelle indispensable en harmonie , où toute égalité est poison politique. Parmi les sociétaires engagés, il s'en trouvera quelques-uns possédant un petit capital, des terres, bestiaux et instrumens aratoires qu'ils auront vendus , une cabane démolie qu'on leur aura payée. Ils obtiendront pour cesversemens une action ou parcelle d'action. 136 NOUVEAU MONDE Ils formeront une classe déjà supérieure à la multitude et pourront être admis, s'ils le désirent, aux tables de deuxième ordre, où l'on recevra de même ceux qui, par des connaissances précieuses en industrie, mériteront crédit pour l'admission en deuxième classe. On créera une première classe, composée des ouvriers principaux, des instructeurs enrôlés à la ville, et créanciers d'une somme d'option considérable; puis des cultivateurs qui, par fourniture de terrains étendus, ou d'unemaisonbonne à l'emploi, se trouverontactionnaires notables

ces trois degrés seront nécessaires même dans

la petite phalange d'échelle réduite. La régence, ou comité d'actionnaires gérans, formera une quatrième classe, qui ne pourra bien s'identifier à la phalange qu à l' époque ou les derniers essaims y feront leur entrée. Plusieurs familles riches pourront se décider à s'incorporer dès l'automne, ce qui serait fort utile pour donner de l'activité aux intrigues pendant l'hiver qui précédera l'entrée en plein exercice. Pour frapper un coup décisif au printemps, il faudra de bonne heure exercer les sociétaires, et surtout les en- fans, aux manoeuvres chorégraphiques et autres, depuis celles de l'opéra jusqu'a celles de l'encensoir. Il faudra que cette phalange, quoique insuffisante en nombre, sache, à l'issue de l'hiver, se présenter en belle tenue ma- térielle etspirituelle; qu elle soit manoeuvrière comme des danseurs et comparses d'opéra, et quelle présente déjà des équilibres de passions, par optionsur des alternatives de plaisir prévenant tout excès , et dénotant que cet effet sera général quand le mécanisme sera porté au complet par l introduction des derniers essaims. En insistant sur la nécessité d'opérer sur des essaims consécutifs, j'ai prouvé que la dépense d'amorce ne portera que sur le premier, très-peu nombreux. Je passe au devis estimatif. INDUSTRIEL. II.e S. 137 FRAIS DE FONDATION EN PLEINE ECHELLE. Ils ne s'élèveront qu'au quart en échelle réduite. Loyer d'un an pour terres et édifices 600,000 Construction de logemens et étables....... 5,000,000 Bestiaux, végétaux, mobilier rural 1,200,000 Frais d'engagemens et avances 1,200,000 Equipement, linge, vaisselle 1,000,000 Manufactures, ateliers, matières prem.... 1,500,000 Subsistance de six mois 800,000 Semailles d'attraction 800,000 Frais de bureau, régence, négociations... 600,000 Ouvriers coopérateurs non sociétaires.... 400,000 Transplantation avec massif de terre 400,000 Conserve de fruits et légumes 300,000 Bibliothèque publique 300,000 Musique et opéra 300,000 Palissade et grillage 200,000 Dépenses imprévues 400,000 15,000,000 Il suffira du quart, 4,000,000, en échelle réduite, et l'on pourra commencer avec deux millions, car dès qu'on aura mis la main à l'oeuvre, ou trouvera des actionnaires plus qu'on n'en voudra. Toutefois il convient d'avertir que si l'on fonde en petite échelle, on y perdra La revente des actions dont les deux tiers réservés et valant 10 millions, pourraient être vendus 40 millions, dans le cas où l'on ferait un coup d'éclat, une fondation brillante qui étalerait subitement les hautes harmonies de passions. Et le bénéfice des curieux payans, qu'il faut estimer 50 millions pour les deux premières années où la phalange de grande échelle serait la seule, et pour la troisième année où elle serait en supériorité de mécanisme. 138 NOUVEAU MONDE En estimant les curieux payans au moyen terme de cent francs par jour, six cents personnes admises chaque jour, fourniraient une récette de 44 millions en deux ans, et l on en aurait encore beaucoup dans le cours de la troisième année ; mais une phalange d'échelle réduite où les accords seront peu brillans, ne causera pas en Europe l'éblouissement d'où résulterait cette affluence de voyageurs opulens, amenés par la curiosité. Une phalange d'échelle réduite n'en attirera guères que le quart, et à quart de prix. On répond qu'il n'est pas aisé de trouver 15 millions de souscriptions

oui, parce que les esprits civilisés ne sont défians que sur les affaires sûres et exemptes de risque.

Mais s il s agit de quelque folie, on trouve des capitaux par 100 millions. N'a-t-on pas proposé récemment aux Français la folle entreprise d'amener des vaisseaux à Paris ? vaine gloriole, qui coûterait 300 millions, selon le devis, et peut-être le double en réalité , car, dans ces sortes de travaux , le devis est toujours bien radouci, et les obstacles ne sont pas portés en compte. Ici il ne s'agira que de 4 millions , dont deux seulement pour le début; or, combien de capitalistes peuvent a eux seuls faire la fondation ! Un pair de France a placé récemment 3 millions dans la faillite Paravey. Si on trouve tant d'hommes aventureux pour les affaires dangereuses , n'en trouvera-t-on pas un pour une affaire exempte de danger. La phalange d'essai étant obligée de construire, devrait acheter et non pas louer son terrain; mais, pour ménager le capital actionnaire, elle devra louer le terrain , et s'il se peut les édifices , avec faculté de les acheter sous deux ans, pour un prix convenu. Dès qu'elle sera installée, elle trouvera plus qu'elle ne voudra des capitaux pour consommer l'achat. Quoique tout terrain de bonne qualité soit convenable pour l'essai, il faudra rechercher un pays coupé, varié en expositions et meublé de monticules, comme le pays INDUSTRIEL. II.e S. 139 de Vaud, la Savoie, le Charollais, les belles vallées du Brisgau et des Pyrénées, celles de Bruxelles à Halle ; un pays propre à comporter des cultures variées , et pourvu, d'un beau courant d'eau. Il faut fonder près d'une grande capitale; peu importera qu'on en soit éloigné de 10 lieues, pourvu que les curieux puissent arriver de cette ville à la phalange sans coucher en chemin. Si l'on s éloignait trop des grandes villes, la phalange, au printemps, aurait de la peine à engager les familles riches qui devront y entrer a cette époque. Relativement aux édifices, on devra peu spéculersur les hàtimens faits ; un édifice distribué pour les relations civilisées ne le sera pas pour celles d'attraction industrielle. On aura beau remanier les bâtimens actuels, ils seront toujours gênans pour les relations des Séries passionnées. Les monastères civilisés qu'on pourrait acheter ont tous le défaut d'être à corps simple, (une seule file de chambres) , leurs étables ne sauraient convenir pour la distribution en séries. On peut tirer parti d'un de ces vastes châteaux qui abondent aux environs de Paris , et même de plusieurs, pourloger les curieux payans et résidant plus d'un jour ; une jolie maison , éloignée du phalanstère d'un quart ou d'une demi-lieue,sera également très-utile pour castel ou entrepôt rural; mais il faut éviter de s'entourer d'un village; car, lors même qu'on engagerait ce villageentier, il faudrait encore en abattre les maisons, ce qui serait très-dispendieux, et ne donnerait qu'un terrain fort ingrat. Si le phalanstère étoit voisin de quelque village ou de familles non sociétaires, elles entraveraient le mécanisme par leurs importunités, on les aurait continuellement sur les bras

il faut donc, un terrain dégagé d'habitans, dût-on abattre et extirper une portion de forêt. Du reste, si le canton contient quelques familles éparses, on peut les considérer comme enrôlées et réserver 140NOUVEAU MONDE leur place dans le phalanstère

elles seront bien em- pressées de s'incorporer à la phalange d'essai, et livrer leurs lambeaux de terre en échange d'actions; les femmes surtout, lorsqu'elles auront vu le ménage sociétaire, seront si harassées du ménage civilisé, qu'elles y sécheront d'ennui. Quant aux enfans, il faudra bien se garder de les introduire dans la phalange, car après avoir vu un jour les choeurs et groupes d'enfans en mécanisme d'attraction, ils tomberaient malades de chagrin quand il faudrait les quitter. J'ai porté au devis les frais de palissade, comme indispensables; on sera déjà encombré par l'admission journalière des curieux payans, il faudra donc se garantir des curieux importuns, et employer la palissade partout ou il n'y aura pas de barrière naturelle, rivière ou muraille grillée. Je dis grillée, parce que l'ordre sociétaire n'admet pas les murs monastiques masquant la vue et transformant en prison la voie publique. Il faut tout le mauvais goût des civilisés pour s'habituer à ces hideuses perspectives. CHAP. XI. Distribution des cultures en trois ordres. Pourintroduire dans lestravaux champêtresl'intrigue, le charme, la variété, voeux des trois passions mécanisantes, on distribue les cultures sociétaires en trois or- dres entrelacés et adaptés aux diverses localités. I.°L'ordre simple ou massif; 2.° l'ordre ambigu ou vague; 3.° l' ordre composé ou engrené. 1.° L ordre simple ou massif est celui qui exclut les entrelacemens

il règne en plein dans nos pays de grande culture ou tout est champ d'un côté, tout est bois de l autre, et ainsi des prés et des vignes; quoiqu'il y ait, dans chaque massif, beaucoup de portions qui pour- raient convenir a d'autres cultures, surtout dans les forets, où il faut ménager des clairières pour la circulation de l'air, le jeu des rayons solaires et la maturation du bois de tige. INDUSTRIEL. II.e S. 141 2.° L'ordre ambigu ou vague et mixte est celui des jardins confus dits anglais, dont l'idée est due aux Chinois. Cette méthode, qui rassemble comme par hasard toutessortesde cultures, n'est employée chez nous qu'en petit, et jamais dans l'ensemble d'un canton. L'état sociétaire en tirera grand parti pour l'embellissement général et le charme industriel. Les massifs actuels de prés, de bois, de champs, perdront leur triste aspect par emploi de l'ordre ambigu. 3.° L'ordre engrené ou composé est le contraire du système civilisé, des clôtures et barricades. En harmonie , où l'on ne peut pas essuyer le moindre vol, la méthode engrenée est pleinement praticable, et produit le plus brillant effet. Chaque série agricole s'efforce de jeter des rameaux sur divers points, elle engage des lignes avancées et des carreaux détachés dans tous les postes des séries dont le centre d'opérations se trouve éloigné du sien; et par suite de ce mélange (subordonné aux convenances de terrain), le canton se trouve parsemé de groupes, la scène y est animée, et le coup-d'oeil varié et pittoresque. Ces trois ordres peuvent être comparés à ceux de l'architecture grecque. On n'a rien su trouver de neuf après les trois colonnes grecques, à peine quelques légères variantes; il en sera de même de toutes les méthodes agricoles qu'on pourra indiquer, elles ne seront que modifications des trois ordres ci-dessus. L'ordre massif est le seul pratiqué dans les cultures grossières des civilisés ; ils réunissent d'un côté toutes les céréales ; d'autre part chacun d'eux fait dans son jardin, abus de la méthode engrenée, il accumule vingt espèces où il en faudrait à peine trois ou quatre. Une phalange exploitant son canton en système combiné, commence par déterminer deux ou trois emplois convenables à chaque portion. L'on peut toujours faire avec succès des mélanges, hors le cas de vignoble trèsprécieux qui encore peut comporter fruits et légumes, en accessoires de la culture pivotale. Ces alliages ont NOUVEAU MONDE pour but d'amener divers groupes, leur ménager des rencontres qui les intéressent aux travaux engrenés avec le leur, et laisser le moins que possible un groupe isolé dans ses fonctions. A cet effet, chaque branche de culture cherche à pousser des divisions parmi les autres : le parterre et le potager qui chez nous sont confinés autour de l'habitation, jettent des rameaux dans tout le canton. Leur centre est bien au voisinage du phalanstère, mais ils poussent dans la campagne de fortes lignes, des masses détachées qui diminuent par degrés, s'engagent dans les champs et prairies dont le sol peut leur convenir; et de même les vergers, quoique moins rapprochés du phalanstère ont à sa proximité quelques postes de ralliement, quelques lignes ou blocs d'arbustes et espaliers , engagés dans le potager et le parterre. Cet engrenage agréable sous le rapport du coup-d'oeil, tient encore plus à l'utile, à l'amalgame des passions et des intrigues. On doit s'attacher surtout à ménager des mariages de groupes , des rencontres de ceux d'hommes avec ceux de femmes , par suite de l'engrenage des cultures; l'idée de mariage des groupesest plaisante et prête à l'équivoque, mais ce sont des rencontres industrieuses, fort décentes, et aussi utiles que nos réunions de salon et de café sont stériles; par exemple : Si la Série des cerisistes est en nombreuse réunion à son grand verger, à un quart de lieue du phalanstère, il convient que, dans la séance de quatre à six heures du soir , elle voie se réunir avec elle et à son voisinage ; I.° Une cohorte de la phalange voisine et des deux sexes, venue pour aider aux cerisistes; 2.° Un groupe de dames fleuristes du canton, venant cultiver une ligne de cent toises de Mauves et Dalias qui forment perspective pour la route voisine, et bordure en équerre pour un champ de légumes contigu au verger ; 3.° Un groupe de la série des légumistes, venu pour cultiver les légumes de ce champ. INDUSTRIEL. II.e S. 143 4.° Un groupe de la série des mille fleurs, venu pour la culture d'un autel de secte (1) placé entre le champ de légumes et le verger de cerisiers; 5.° Un groupe de jouvencelles fraisistes , arrivant à la fin de la séance, et sortant de cultiver une clairière garnie de fraisiers dans la foret voisine. A cinq heures trois quarts, des fourgons suspendus partis du phalanstère amènent le goûter pour tous ces groupes: il est servi dans le castel des cerisistes, de cinq heures trois quarts à six un quart, ensuite les groupes se dispersent après avoir formé des liens amicaux et négocié des réunions industrielles ou autres pour les jours suivans. Plus d'un civilisé va dire qu'il ne voudrait envoyer ni sa femme, ni sa fille à ces réunions; c'est juger (83) des effets de l'état sociétaire, par les effets de civilisation, les pères seront les plus empressés de voir leurs femmes et filles dans les Séries industrielles, parce qu'ils sauront que rien de ce qui s'y passe ne peut rester inconnu. Or les femmes sont bien circonspectes en lieu où elles sont certaines que toutes leurs actions seront connues de père, de mari, de rivales ; c'est ce qui n'a pas lieu dans une maison civilisée, où le père, s'il veut surveiller femmes et filles, est trompé par tout ce qui l'entoure. Les mariages étant très-faciles en harmonie, même sans dot, les fillessonttoujours placées de 16 à 20 ans. Jusquelà on peut leur laisser pleine liberté , parce qu'elles se surveillent entr'elles, ainsi qu'on le verra aux chapitres spéciaux ; or, il n'est pas de garde plussûre auprès d'une femme que l'oeil de ses rivales. 1 Sur ces autels champêtres, on place au sommet d'un monticule de fleurs ou arbustes, les statues, les bustes des patrons de la secte, des individus qui ont excellé dans ses travaux et l'ont enrichie de quelques méthodes utiles. Ce sont les demi-dieux mythologiques de la secte ou série industrielle. Un corybante ouvre la séance en brûlantl'encens aué devant du demi-dieu. L'industrie étant aux yeux des Harmoniens la plus hautefonction , l'on a soin d'y alliertous les mobiles d'enthousiasme ; comme les honneurs mythologiquesrendus aux hommes ou femmes qui ont servi l'humanité en perfectionnant l'industrie. 144 NOUVEAU MONDE Je renvoie au traité, II, 48 à 67, pour les détails re- latifs à l'alliage des trois ordres agricoles; II, 54. On y trouvera des remarques utiles à un fondateur, sur les mariages de groupes, les affiliations des sexes dans une Serie industrielle, et les moyens d'en tirer parti pour at- teindre au but ultérieur, à l'accord de répartition, sans lequel tout le mécanisme sociétaire s'écroulerait le lendemain du jour où éclaterait la discorde en partage des dividendes. L'amalgame judicieux des trois ordres de culture, est le moyen d'allier le bon et le beau. Ces ordres ne sont pas même connus des agronomes civilisés, qui n'en peuvent employer que les trois caricatures, savoir

En ordre massif, les amas de forêts ou de champs

leurs guérêts sottement prônés par les poètes , offrent l'aspect le plus monotone ; tandis que les forêts sont un chaos de masses informes, et peu productives faute de culture qui, en civilisation, ne s'étend pas aux forêts. Nous sommes encore sauvages sur ce point. C'est un ca- ractère d'engrenage en période sauvage, comme le code militaire est engrenage en période barbare. En ordre ambigu, il ne peut s'appliquer parmi nous qu'à des lieux de plaisance, comme les jardins royaux , les Tivoli et guinguettes

encore n'embrasse-t-il qu'un pe- tit espace où il règne sans amalgame avec les deux autres ordres, et qui pis est sans production, sans alliage du

bon et du beau : il n'est dès-lors qu'une caricature de sa destination. En ordre engrené, on ne voit dans nos cultures que l'engrenage inverse, ou dissémination tendant à l'appauvrissement et l'enlaidissement. Trois cents familles villageoises cultivent trois cents carreaux de choux sur divers points dont à peine trente sont convenables à cette culture; et dans leurs trois cents jardins, on trouvera tout au plus dix chétives sortes de ce légume, tandis qu'une phalange en se bornant à trente choutières disséminées en terrains favorables, y cultivera avec succès INDUSTRIEL. II.e S. 145 cent variétés de choux. Nous sommes donc , sur l'emploi des ordres agricoles comme sur toute autre branche du système industriel, à l'opposé des vues de la nature. CHAP. XII. Distribution unitaire des édifices. Il est très-important de prévenir l'arbitraire en con- structions

chaque fondateur voudra distribuer à sa fantaisie. Il faut une méthode adaptée en tout point au jeu des Séries passionnées

nos architectes qui ne les

connaissent pas, ne pourraient pas déterminer le plan convenable

cependant si le matériel est faussé en dispositions, il en sera de même du passionnel. Les civilisés ayant communément l'instinct du faux ne manqueraient pas à préférer la plus vicieuse distribution. Cela est arrivé à New-Harmony, où le fondateur Owen a précisément choisi la forme de bâtiment qu'il falloit éviter, le carré ou monotonie parfaite. C'estjouer de malheurcomme un milicien qui attrape le billet noir : l'un des inconvéniens du carré est, que les réunions bruyantes, incommodes, les ouvriers au marteau,les apprentis de clarinette, seraient entendus de plus de moitié du carré surquelquepointqu'on les plaçât.Je citeraisvingt autres cas où la forme carrée causerait du désordre dans les relations. Il suffirait de voirie plan de cet édifice ( the coopérative magazine : for January 1826), pour juger que celui qui l'a imaginé n'a aucune connaissance en mécanisme sociétaire. Du reste, son carré peut êtrebon pour des réunions monastiques, telles qu'il en fonde, la mono- tonie étant leur essence. La principale cause qui empêchera d'employer avec fruit les batimens civilisés, c'est qu'il est presque impossible d'y pratiquer des SÉRISTÈRES ou masses de salles et pièces disposées pour les relations des Sériespas- sionnées

les étables existantes ont le même défaut. Ce- pendant on pourra faire emploi de certains batimens actuels pour la phalange d'échelle réduite, on ne le pourrait pas en pleine échelle, dont je vais donner le plan. 10 PLAN D'UN PHALANSTÈRE EN GRANDE ÉCHELLE. Longueur de la place P 200 toises. — Longueur du front entier 260 toises. INDUSTRIEL.II.e S. 147 Les doubles ligues représentent les corps de bâtimens le blanc Figure les cours et les vides. Les lignes de points sinueux et carrés figurent le cours d'un ruisseau à double canal. En ligne directe de L à L est une grande route qui passerait entre le phalanstère et les étables; mais on se gardera bien de faire passer les routes dans l'intérieur de la phalange d'essai qu'il faudra au contraire palissader contre les importuns. P..= est la place de parade au centre du phalanstère. A = estla courd'honneurformantpromenaded'hiver, plantée de végétaux résineux et ombrages permanens. a, aa ; 0, 00 ; cours placées entre les corps-de-logis. Gros points colonades et péristyles, d'un tracé informe, trop espacé hors les 12 colonnes de la rotonde. X,y, z; xx, yy, zz ; cours des bâtimens ruraux. II II les 4 porches fermés et chauffés, non saillans. E, ee, trois portails en avant-corps pour diversservices.

Ces doubles points entre deux corps de bâtimens,

sont des couloirs placés sur colonnes au premier étage. Les bâtimens dont la grande cour A est entourée et avoisinée sont affectés aux fonctions paisibles

on peut y placer l'église, la bourse, l'aréopage, l'opéra, la tour d'ordre , le carillon, le télégraphe, les pigeons de poste. On devra placer dans l'un des ailerons toutes les fonctions bruyantes et incommodes aux voisins. La moitié saillante du carré A , la portion d'arrière, est spécialement affectée à loger la classe riche qui s'y trouve éloignée du fracas etrapprochée du parterre principal, ainsi que de la promenade d'hiver, agrément dont, les capitales civiliséessont dépourvues, quoiqu'elles aient, presque toutes, plus de mauvaise que de belle saison. Les deux cours a, aa, qui tiennent aux ailes , sont affectées l'une aux cuisines, l'autre aux écuries et équipages de luxe. Toutes deux doivent être ombragées autant que possible. Je ne désigne pas les arcades de passage. Les deux bâtimens S, ss, pourront être employés, l'un 10. 148 NOUVEAU MONDE pour l'église, si on veut l'isoler, l'autre pour la salle d'opéra qu'il est prudent d'isoler. Ils auront communication souterraine avec le phalanstère. Les 2 cours O, oo, placées au centre de chaque aileron, seront affectées l'une au caravanserai,l'autre aux ateliers bruyants, charpente, forge, marteau, écoles criardes. On évitera par ces dispositions, un inconvénient de nos villes civilisées où l'on trouve à chaque rue quelque fléau des oreilles, ouvrier au marteau, marchand de fer, apprenti de clarinette brisant le tympan à cinquante familles du voisinage, tandis que le marchand de plâtre ou de charbon les enveloppe d'une poussière blanche ou noire qui empêche d'ouvrir les croisées, obscurcit les boutiques et le voisinage pour la liberté du commerce. L'aileron affecté au caravanserai contient les salles de relations des étrangers ; on les y place afin qu'ils n'encombrent pas le centre du phalanstère et qu'ils se répandent dans les batimens ruraux, vers les groupes des champs et des jardins, sans obstruer l'intérieurdu palais. Tous les enfans riches ou pauvres logent à l'entresol, pour jouir du service des gardes de nuit, et parce qu'ils doivent, dans beaucoup de relations, surtout dans celles du soir, être isolés de l'âge adulte. On en verra la nécessité à la section III qui traite de l'éducation. Les patriarches logent la plupart au rez de chaussée. En donnant au phalanstère des développemens trop étendus, on ralentirait les relations , il conviendra donc de redoubler les corps-de-logis, comme on le voit dans le plan : quelques-uns(x) de 80 toisessur 40, pourront être subdivisés en 2 ou 4 corps détachés et de formes variées. On ménagera entre ces doubles corps 2 sortes de communication, 1.° des souterrains, 2.° des traverses au I. étage par couloirs placés sur colonnes, aux points où les corps de batimens seront rapprochés comme en a et (ta. Pour épargner les murs et le terrain , il conviendra que l'édifice gagne en hauteur, qu'il ait au moins 3 étages, plusl'étage de frise. En y ajoutant le rez et l'entresol, INDUSTRIEL. II.e S. 149 on aura six échelons de logement, y compris le camp cellullaire placé à la frise. C'est un local pour les passages d'armées industrielles. Il faudra éviter de construire des bâtimens à simple file de chambres, comme nos monastères, palais, hôpitaux, etc. Pour activer les relations, tous-les-corps de logis devront être à double file de chambres, assez profondes pour contenir des alcoves et cabinets qui épargneront beaucoup de constructions. La rue-galerie est la pièce la plus importante ; ceux qui ont vu la galerie du Louvre au musée de Paris peuvent la considérer comme modèle d'une rue-galerie d'harmonie, qui sera de même parquetée et placée au 1.er étage, et dont les croisées pourront, comme celles des églises, être de forme haute, large et ceintrée, pour éviter 3 rangs de petites croisées. Toutefois on rabattrait beaucoup de ce luxe dans une phalange d'essai, même en grande échelle. Le rez de chaussée aura quelques passages en rue-galerie, mais elle ne pourra pas y être continue comme au I.er, où elle ne sera point interrompue par les passes de voitures et les porches. Lesdites galeries, tempérées en toute saison par des tuyaux de chaleur ou de ventilation, servent de salle à manger dans le cas de passage d'armée industrielle. (On n'en verra pas dans la phalange d'essai.) Ces communications abritées sont d'autant plus nécessaires dans l'état sociétaire, que les déplacemens y sont très-fréquens, les séances des groupes ne devant durer que I 1/2 ou 2 heures au plus. Les abris et passages couverts sont un agrément dont les rois mêmes sont dépourvus en civilisation; en entrant dans leurs palais, on est exposé à la pluie , au froid

en

entrant dans la phalange, la moindre voiture passe des porches couverts aux porches fermés, et chauffés ainsi que les vestibules et escaliers. Je ne dirai rien du camp cellulaire ou amas de cham¬ 150 NOUVEAU MONDE brettes placées à l'étage de frise. On n'en finirait pas de ces minutieuses descriptions. Les séristères ou lieux de réunion d'une Série passionnée, ne ressemblent en rien à nos salles publiques où les relations s'opèrent confusément,sans graduation.Un bal, un repas ne forment chez nous qu'une seule assemblée, sans subdivisions

l'état sociétaire n'admet pas ce désordre ; une série a toujours 3, 4, 5 divisions qui occupent autant de salles contiguës: chaque séristère doit avoir des pièces et cabinets adhérens à ses salles, pour les groupes et comités de chaque division

par exemple dans le séristère de banquet ou de salles à manger, il faut 9 salles

fort inégales, savoir

1 pour les patriarches, 2 pour les enfans, 3 pour la classe pauvre, 2 pour la classe moyenne, I pour la classe riche ; non compris les salles du caravanserai, plus les cabinets et petits salons nécessaires, soit pour la chère de com- mande, soit pour les compagnies qui veulent s'isoler des tables de classe quoique servies du même buffet. Les appartemens sont loués et avancés par la régence à chacun des sociétaires. Les lignes d'appartemens doivent être distribuées en séries engrenées, c'est-à-dire que s'ils sont de vingt prix différens, depuis 50, 100, 150, jusqu'à 1000, il faut éviter la progression consécutive continue, celle qui placerait au centre tous les appartemens de haut prix, et irait en déclinant jusqu'à l'extrémité des ailes, il faut au contraire engrener les séries d'appartemens dans l'ordre suivant : Distribution en échelle composée. Aux 2 corps d'ailerons par 50. 100. 150. 200. 250. 150. 200. 250. 300. 350. Aux 2 corps d'ailes par 250. 300. 350. 400. 450. 500. 400. 450. 500. 550. 600. 650. — de centre, par 550. 600. 650. 700. 750. 800. 850. 700. 750. 800. 850. 900. 950. 1000 INDUSTRIEL. II.e S. 151 Exemple : pour engrener ces doubles échelles, il faudra que les logemens dans une aile, soient échelonés comme il suit, en alternat de prix : 260. 400. 300. 450.350. 500. 400. 550. 450. 600. 500. 650. La progression simple, constamment croissante ou décroissante, aurait des inconvéniens très-graves ; elle blesserait l'amour-propre , et paralyserait divers leviers d'harmonie

elle rassemblerait au centre toute la classe riche, et aux ailerons tout le fretin ; il arriverait que les ailerons seraient déconsidérés et réputés classe inférieure. On doit distinguer les classes, mais non pas les isoler. Au moyen de la progression engrenée, tel individu logeant dans le centre A , qui est le quartier d'apparat, peut se trouver inférieur en fortune à tel qui occupe un logement en ailes; car les principaux appartemens d'aile payés 650, sont plus précieux que les derniers de centre payés 550. On manquerait un accord de la plus haute importance, la fusion des trois classes,riche, moyenne et pauvre, s'il existait dans le phalanstère un quartier de petites gens, un local en butte aux railleries, comme il en est dans chaque ville. On évitera cet écueil par la progression engrenée. Une phalange régulière, telles qu'ellesseront au bout de 40 ans, aura 3 ou 4 châteaux placés surles points fréquentés de son territoire; on y portera le déjeuné ou le gouté, dans le cas où des cohortes du voisinage se seront réunies sur ce point pour quelque travail : elles perdraient du temps en revenant prendre un repas au phalanstère, qui peut ne pas se trouver dans la direction de leur chemin de retour. Chaque série aura aussi son castel sur un point situé à portée de ses cultures

chaque groupe aura son belvédère ou petit pavillon d'entrepôt ; mais on n'aura pas tout ce luxe dans la phalange d'essai, quelques hangars et abris modestes suffiront. Il faudra seulement s'atta¬ 152NOUVEAU MONDE cher à bien disposer le phalanstère et les moyens de séduction comme les communications abritées. Elles seront une amorce très-puissante sur les gens riches qui, dès la I.re journée, prendront en aversion les maisons, palais et villes civilisées, les rues boueuses et les équipages, où il est ennuyeux de monter et descendre vingt fois dans une matinée. On trouvera bien plus agréable, en temps pluvieux ou froid, d'aller sur parquet ou carreaux, à toutes les réunions intérieures, cheminer en couloirs chauffés ou rafraîchis selon le temps; ce sera pour les curieux payans une première séduction qui les exciteraà parcourirtousles ateliers, les étables, y admirer la dextérité des groupes , leur bonne tenue , la distribution parcellaire et graduée ; au bout de 3 à 4 jours ils auront pris parti à plusieurs de ces détails parcellaires; et on aura, même dans une phalange d'échelle réduite, des postulans de classe riche, plus qu'on n'en voudra. Il reste à parler du matériel des constructions

il faudra sur ce point aller à l'économie, bâtir en brique et moellon, carlors même qu'onfonderait enpleineéchelle, il serait impossible dans cette 1.re épreuve, de déterminer exactement les dimensions convenables à chaque séristère et chaque étable. On ne pourra estimer au juste cette proportion que lorsqu'on saura à quellesespèces de travaux chaque phalange devra s'adonner de préférence, quand les rivalités et convenances de chaque pays auront été fixées par une expérience de quelques années. Chaque phalange, au boutde 3 à 4 ans, aura beaucoup de nouvelles relations et nouvelles Séries passionnées qu'elle ne pourrait pas organiser dans le début ; en conséquence, les édifices d'origine seront déjà fort inconvenans au bout de 10 ans et plus encore au bout de 20 et 30 ans, alors on reconstruira tous les phalanstères du globe très-somptueusement, parce qu'on saura par expérience que dans l'état sociétaire , le luxe, en architecture comme en tout, est semaille d'attraction et par suite voie d'enrichissement. INDUSTRIEL. II.e S. 153 Je supprime de ce plan beaucoup de détails; j'en ai donné suffisamment pour guider dans une fondation en échelle réduite, dont les actionnaires, tout en rétrécissant le plan donné, devront s'en rapprocher autant que possible dans les distributions. QUATRIÈME NOTICE. PARTIE SPÉCULATIVE DES PRÉPARATIFS. Antienne. Je devais placer ici deux chapitres sur les écueils d'une fondation en échelle réduite, et sur les vices de direction à éviter au début. Ces deux instructions, quoique très-importantes pour des fondateurs, sont du nombre de celles que je supprime pour abréger

je les reproduirai aux corollaires, si l'espace le permet. CHAP. XIII. Examen des Séries à préférer en règne animal. La phalange d'essai agirait maladroitement, si elle tentait la formation de séries dans toutes les fonctions qui en paraîtront susceptibles. Il est un choix à faire sur les fonctions

je vais indiquer les règles de ce choix. On manquera au début d'un grand nombre demoyens industriels, comme vergers et forêts en culture méthodique, animaux harmonisés par éducation combinée , rigoles d'irrigation, etc. Cependant il faudra parvenir à former un grand nombre de séries , car la théorie indique Pour une phalange de pleine harmonie et d'accords transcendans, séries............405 — 9/9 Pour une harmonie ébauchée, selon les faibles moyens des années de débuts.........135 — 3/9 Pour un minimum d'essai sur la plus basse échelle d'approximation 45 — 1/9 Spéculons donc sur l'assortiment de séries dont on pourra faire choix pour élever la phalange d'essai au 154 NOUVEAU MONDE maximum d'harmonie ébauchée, y organiser au moins 135 séries de bon mécanisme, et même 150 à 200. Le choix devra porter : I.° Sur le règne animal de préférence au végétal, parce que le règne animal entretient les séries en exercice permanent pendant le chômage d'hiver. 2.° Sur le règne végétal préférablement aux manufactures, parce qu'il est plus attrayant, et alimente les ac- cords directement, chap. VII. 3.° Sur les cuisines, parce qu'elles sont un travail permanent, sans chômage, travail d'initiative en attraction industrielle (voyez 4.e section), travail lié à la production et à la consommation, travail le plus apte à entretenir l'esprit cabalistique. 4.° Enfin, sur les fabriques attrayantes plutôt que sur les lucratives, la politique des fondateurs devant être de créer un bel équilibre de passions, et non de spéculer sur des bénéfices mal liés au système sociétaire. Ces profits deviendraient duperie, s'ils ne conduisaient pas au but, qui est de déployer promptement le mécanisme d'attraction industrielle, confondre la civilisation dèsla première campagne, dès le deuxième mois de plein exercice, et obtenir par un éclatant succès, la récompense et les bénéfices de fondation , le tribut des curieux , etc. Ces principes établis , je passe à un aperçu des fonctions les plus convenables à une phalange d'essai, entravée par de nombreuses lacunes d'attraction, et par sa solitude ou solité. Commençons par le règne animal hors des eaux, en espèces domestiques et productives. Ce règne est des plus pauvres en espèces utiles ; les deux créationsmalfaisantes dont notre globe est meublé, nous ont donné si peu de serviteurs précieux en oiseaux et quadrupèdes , que la France en contient à peine seize espèces, dont quelques-unes sont trop peu subdivisées en variétés pour occuper une série de groupes; ce sont : INDUSTRIEL. II.e S. 155 Chien, Mouton, Poulet, Canard, Cheval, Chèvre, Faisan, Oie, Ane, Cochon, Pigeon, Dinde, Boeuf, Lapin, Paon, Pintade. Ces espèces , dont je distrais le poulet, n'occuperaient pas quinze Séries industrielles de trois, quatre, cinq groupes, soignant autant de variétés ; l'âne, la chèvre, le lapin, le paon, la pintade, occuperont à peine un ou deux groupessur chaqueespèce , à moins qu'on ne forme des séries d'échelles alimentaires, opérant sur les variétés de nourriture et de tenue, et luttant sur l'excellence de divers régimes appliqués à une seule espece d'animaux. C'est la marche qu'on suivra. Ces séries de régime sont artificielles, car elles ne s'établissent pas sur des diversités naturelles d'espèce , mais sur les diversités d'éducation et d'engrais ; ce sont des séries GREFFÉES, qui introduisent artificiellement l'ordre sériaire sur les points où la nature n'a pas fourni les moyens de l'établir. (Nota. Je range le paon parmi les oiseaux productifs de basse-cour

les gastronomesromains en faisaient grand cas : c'est bizarrerie à nous de le mépriser, comme aux Bohémiens de mépriser les écrevisses qu'ils ne daignent pas manger, quoique leurs rivières en soient remplies. L'écrevisse est pourtant le régal des Parisiens, très-supérieurs aux Bohémiens en gastronomie.) Le cygne et le chat ne sont pas réputés productifs , quoiqu'on fasse bon usage du duvet de cygne, et qu'on mange fort bien le chat, même sans famine. Il vaut le lapin : on le recherche dans les villes assiégées. Le chameau, le buffle et le bison ne sont pas indigènes de France ni d'Angleterre ; d'ailleurs les deux premiers étant fort peu attrayans, ne seraient pas objet de spéculation pour la phalange d'essai

elle ne doit pas s'encombrer de gros animaux; leur soin emploie trop de bras et de temps, et ce serait un obstacle à la formation de nombreuses séries. 156 NOUVEAU MONDE D'autres espèces comme laperdrix, plus facile à priver que les poulets, et se laissant conduire en troupeau par des chiens, sont tout à fait négligées. Il est probable que la caille s'apprivoiserait de même, en deuxième ou troisième génération, comme le halbran, qui ne se prive pas en première. Le soin des perdrix et cailles entretiendra des séries fortes d'attraction et très-utiles. Les deux créations dont notre globe est meublé, sont d'une pauvreté révoltante en insectesproductifs; l'abeille seule pourra occuper une série à régimes diversifiés, ou série. greffée, artificiellement créée; (voyez plus haut.) Je ne compte pas la cochenille, insecte de climat chaud. J'ignore si cet insecte et le kermès qui le remplace durent assez long-temps pour entretenir une Série passionée ou seulement un groupe temporaire. Le ver à soie est un travail qui ne conviendra en aucun sens à la phalange d'essai

il est répugnant et il au- rait l'inconvénientde distraire toute la jeunesseà l'époque où les jardins, étables et colombiers l'attireront trèsfortement, et où les intrigues de fusion des trois classes de fortune commenceront à se nouer : il faudra se garder de tout ce qui pourrait les ralentir. D'ailleurs, ce travail distrairait encore de celui des fours à éclosion, qui tombe à la même époque, travail qui se lie très-bien à tout le système agricole, et qui présentera l'avantage d'entretenir une série infinitésimale; voyez-en la définition , chap. XIV. L'éducation des grandsquadrupèdes, chevaux et boeufs, conviendra peu aux intrigues de la phalange d'essai

elle y perdrait trop de temps, n'ayant pas la dextérité ni les connaissances qu'auront les générations élevées en harmonie; en outre elle n'aurait pas de chevaux et boeufs raffinés par l'éducation harmonienne, et dont un millier sera plus facile à diriger qu'une douzaine des nôtres. On laissera donc en grande partie ce soin à la cohorte de cent salariés adjoints

ils seront très-nécessaires dans cette industrie, car la phalange aura plus de boeufs et INDUSTRIEL. II.e S. 157 beaucoup plus de chevaux que nos villageois, notamment des chevaux nains pour monter la cavalerie enfantine. (Voyez troisième section.) Au résumé, les oiseaux et quadrupèdesen domesticité, n'entretiendront que peu de séries ; pour en grossir le nombre, il faudra recourir au mode que j'ai nommé série de régime, ou série greffée, mode qui, par la différence des méthodes en nutrition et tenue, fera naître sur le soin d'un même animal, des esprits de parti, des discords et rivalités entre divers groupes. Ce sera allier une série de méthodes à un travail qui, par lui-même , ne prêterait pas aux rivalités de série. Malgré ces ressources, pour augmenter, en règne animal, le nombre des Séries industrielles, je ne présume pas qu'on puisse les élever au-delà de vingt, car il faut distraire celle des poulets, oiseau qui, prêtant plus que tout autre aux sous-divisions, sera affecté à une série d'un ordre supérieur, l'ordre infinitésimal. Je compte pour emploi d'une série animale, le soin des chiens; leur éducation entretiendra divers groupes et partis , car on leur confiera beaucoup de fonctions qui occupent aujourd'hui des hommes et des courriers. Chaque phalange expédiera d'heure en heure à ses voisines des chiens portant au cou les dépêches peu précieuses, et en rapportant au retour. Les pigeons feront, en service lointain, mêmes fonctions que les chiens en service vicinal. L'état sociétaire élèvera en domesticité beaucoupd'espèces reléguées dans les eaux et forêts par la brutalité des civilisés ou leurs préjugés. L'association aura des parcs de lièvres apprivoisés, comme nous en avons de lapins. On objecte que cet animal est rétif, et ne veut pas se priver ; oui, en première génération , comme le halbran

mais la deuxième s'apprivoisera par deux moyens

inconnus des civilisés , ce sont : La dénaturation domestique en 2.e et 3.e génération, Les dispositions unitaires et méthodes harmoniques. 158 NOUVEAU MONDE C'est par le concours de ces moyens que l'association aura des troupeaux de divers oiseaux d'eau et de foret , aussi aisément que nous avons des troupeaux d'oies, bien que l'oie sauvage soit le plus défiant et le plus inabordable des oiseaux , le plus désolant pour le chasseur: c'est pourtant le même que l'oie domestique. En quadrupèdes, elle élèvera des troupeaux de zèbres, quaggas, onagres, aussi bien escadronnés que nos chevaux ; elle aura des troupeaux de vigognes, des parcs de castors construisant leur édifice aquatique , et peut-être aussi de biches et daims privés. Elle aura de même, dans des étangs et viviersspéciaux, beaucoup de races métisses en poissons, une vingtaine d'espèces en poissons de mer acclimatés par degrés en eau douce , des viviers de merlans, maquereaux,soles et turbots , dans des pays où ces poissons ne sont pas même connus. Les différences du régime privé au régime naturel établiront dans les saveursla même variante que du sanglier au pourceau, du canard au halbran. Quant aux moyens présens, nous ne devons compter les oiseaux (poulet déduit) et les quadrupèdes, que pour entretien d'environ vingt séries, y compris les greffées ou artificielles. On peut en ajouter dix autres; savoir

Deux pour la chasse, deux pour la pêche, Trois pour les volières , Trois pour les poissons à l'engrais en réservoir. TOTAL. Trente séries en industrie de règne animal. Le poisson ne tardera pas à en fournir un plus grand nombre, mais seulement lorsqu'il y aura concours des diversesrégionspour cette branched'éducation, aussi étrangère aux exploitations civilisées que la culture desforêts.Cependant le poisson, quoique l'un des plussains et des plus agréables comestibles, est le moins couteux de tous, car il se nourrit de son superflu de pullulation ; mais nous ne savons exploiter ni le poisson, ni le fruit dont nos arbres ne donnent que des feuilles ou quart de récolte. INDUSTRIEL. II.e S. 159 CHAP. XIV. Séries industrielles en règne végétal, en manutention et direction générale. Il serait trop long d'examiner pièce à pièce les séries convenables en végétal ; je me borne à rappeler la règle de compacité, chap, VI, et l'instruction de négliger et mettre en éclipse tout végétal qui ne pourrait pas fournir une série compacte, bien graduée en nuances rapprochées. La culture des végétaux, y compris lesforêts, prairies, serres chaudes et fraîches, pourra occuper cinquante séries dansla belle saison. L'on ne connaît en civilisation que les serres chaudes. Sur ce point comme sur tant d'autres, les esprits sont tout au SIMPLISME, ou mode simple, qui est le type du génie civilisé. Les serres composées ou chaudes et fraîches, combinément exploitées, seront, comme lesvolières, une branche d'attraction très-puissante sur les trois sexes, et principalement sur la classe riche. On devra donc donner beaucoup de soins à l'organisation de cette sorte d'industrie. La culture des forets et prairies emplantées et mélangées méthodiquement, sera un détail immense; chaque morceau de pré ou de bois recevra les espèces qui lui seront convenables. On formera des séries d'apparat champêtre, cultivant les autels et bordures de fleurs et d'arbustes, autour des pièces affectées à chaque espèce de végétaux. Ce luxe est unebranche d'attraction et d'intrigue très-précieuse. Lesmanufacturesattrayantes, même en supposant une fondation sur grande échelle ne fourniront pas plus de 10 à 12 séries. (Voyez le détail chap. XV et XVI.) Total des aperçus : Règne animal, 30 séries Règne végétal, 50 séries Manufactures, 20 séries 100 séries Pour atteindre à 135, il en reste encore une qua¬ 160 NOUVEAU MONDE rantaine à former; passons en revue les travaux domestiques propres à fournir ce nombre , en déduisant la cuisine, qui sera l'objet d'un compte à part. I. 2. 3. Lesgreniers, en graminées, légumes, fourrages. —4. 5. 6. La cave, la sous-cave, pour bière, cidre, vinaigre, liqueurs, etc. ; et le caveau, très-copieux pour les curieux payans. — 7. 8. 9. Lesfruitiers: on achètera énormément de fruits pour les conserver : ce soin entretiendra au moins trois séries. — 10. Le légumier, lieu de conserve en herbe ou sous terre, ou en vases, avec préparation. — II. L'huilerie. — 12. La greneterie générale. — 13. La laiterie, sans la fromagerie. 14. 15. 16. Les tabulistes et carriéristes ; service des tables et chambres. — 17. Les meublisies : conserve du mobilier depuis les glaces jusqu'aux marmites. — 18. 19. L'irrigation, y compris le soin des pompes et tuyaux. — 20. Les bonnes, soignant le séristère des marmots. — 21.Les nourrices, y compriscelles de supplément et rechange. — 22. Les bonnains et bonnines, opérant sur l'âge de 2 à 3 ans, pourl'éclosiondes vocations industrielles. 23. Les mentorins et mentorines, opérant sur l'âge de 3 à 4 et 1/2, pour l'éclosion des caractères,l'appréciation du titre en caractère et tempérament.— 24. La médecine en toutes fonctions, jusqu'aux infirmiers. — 25. 26. L'institution, bien plusétendueque dansl'état civilisé..J' y comprends l'enseignement en agriculture et manufactures. — 27. 28. Les petites hordes et petites bandes, séries principales en éducation. (Voyez la 3.esection.) — 29. 30. 31. L'harmonie vocale et instrumentale, la série des chants et hymnes, celle des instrumens à corde, celle à vent. — 32. La comédie, fournissant une série d'espèces bien graduées. — 33. L'opéra en toutes espèces. — 34. 35. La chorégraphie et la gymnastique.—36. La corvee périodique. — 37, 38. Enfin deux séries d'ambigu, en industrie animale et végétale, et peut-être quatre. Ces 40 séries forment le complément des 100 précédentes , car leminimumd'une harmonie ébauchée ( 131 ), INDUSTRIEL. II.e S. 161 est de 135 séries.Je supprime à regret les détails annexés à chacune de ces fonctions; j'en extrais un seul fragment. La corvée (série 40) comprend toutes les fonctions ou il y a isolement et absence d'attraction, comme les em- plois de postillon et courrier, faction à la tour d'ordre au télégraphe, au service de salve ou brandissement de pavillon, à la sonnerie du carillon, veillée aux deux con- ciergeries du phalanstèreet du caravanserai, éveil au phalanstère et aux étables, garde nocturne, vigie de feu et de fanal, etc., etc. La série des corvéïstes reçoit un dividende considé- rable, outre le tribut de dispense des riches qui se ra- chètent, comme chez nous, de la garde. Ce tribut est al- loué à la série entière et non aux individus, car le service individuel salarié serait déshonorant en association. En outre, on encourage les corvéïstes par diverses faveurs, comme le service en chère de deuxième classe

(ils sont communément de la troisième), on veut que la corvée, qui revient à peu près de quinzaine en quinzaine, soit une journée de gaîté pour le peuple. Ces précautions paraîtront bien superflues à des civi- lisés , tous habitués a considérer l'oppression comme sagesse morale ils oublieront ici à chaque page qu'il s'agit de créer l'attraction industrielle, opérer l'accord en répartition, et la fusion des trois classes

il faut donc bien se garder de ravaler aucune fonction, ni de mécontenter aucune classe; il faut avoir des moyens sûrs de répandre la gaîté dans les travaux répugnans et dédai- gnés. (Voyez petites hordes, 3.e section.) Je reproduis ici la règle donnée ( 154) sur les travaux de règne animal

peu s'adonner au soin des grandes es- pèces, chevaux et boeufs;

et des grands végétaux, arbres forestiers,qui coûteraient trop de temps à notre généra- tion peu exercée

on ne devra pourtant pas les négliger

comme aujourd'hui

mais le but est de former un grand nombre de séries bien intriguées; celles des fleurettes et des petits légumes seront presque aussi utiles que celles

II 162 NOUVEAU MONDE des chênes et des sapins, dont la culture emploierait dix fois plus de temps. Outre cette masse de séries libres que j'ai désignées, une phalange doit avoir en pivot de mécanisme au moins quatre séries mesurées, et quatre infinitésimales

ce sera

une lacune pour la phalange d'essai, qui ne pourra former qu'une série mesurée, celle des âges et des trentedeux choeurs ; (Chap. VII.) et tout au plus deux séries infinitésimales, ou subdivisées à l'infini en échelle de sous-série ; le poulailler en fournira une. (Son échelle , au lieu d'atteindre au huitième degré, pourra tout au plus s'élever au cinquième.Voyez 105 et I, 446 à 457.) On pourra former une deuxième série infinitésimale sur la gastronomie, plaisir qui n'est pas proscrit par nos moeurs, mais seulement par la morale. Nous n'avons jusqu'ici estimé qu'aux environs de cent quarante le nombre des séries que pourra former la phalange d'essai; mais j'ai annoncé qu'il reste une forte branche à porter en compte, celle des cuisines, qui va éleverl'ensemble des séries à deux cents; car les cuisines pourront en créer une soixantaine, d'autant plus précieuses qu'ellesseront la plupart permanentes , exerçant toute l'année. Il n'est guère de comestible, en règne animal ou végétal, qui ne puisse occuper et intriguer aux cuisines une Série passionnée et quelquefois plusieurs ; le poulet et le cochon, la pomme de terre et le chou en occuperont chacun plusieurs, qu'on pourra même dualiser1, Il aurait convenu de donner un chapitre sur les espèces de séries

j'ai indiqué plushaut les dualisées, on a vu, 253, les greffées,j'ai parlé des engrenéesen traitant de l'échelle des logemens; il est quantité d'autres séries dont la définition fournirait un ample chapitre ; mais on n'en finirait pas de détails élémentaires, si l'on s'arrêtait à toutes ces minuties didactiques. Par exemple, il faudra former des séries embranchées, puisant dans toutes celles d'un même genre : si c'est en greneterie, chaque série recueille et enserre ses graines; mais la série de greneterie générale puise dans toutes pour formerla collection assortie et mise en vente. La série embranchée est donc la tige commune de toutes celles d'un même genre. INDUSTRIEL. II.eS. 163 en alliant les intrigues de l'échelle de préparation avec celles de l'échelle de production. Kotzebuë dit que les traiteurs de Paris savent accom- moder les oeufs de quarante-deux manières

il n'a trouvé que cela de remarquable dans Paris. Les oeufs peuvent donc entretenir aux cuisines trois séries dualisées, dont chacune se composerait de douze à quinze groupes. Mais on n'atteindra à ce grand nombre de séries qu'autant qu'on adoptera le principe opposé à celui des mo- ralistes, l'extrême raffinement de goûts et de passions , moyen sanslequel les variétés de saveur ne seraient point appréciées,et les séries ne pourraient former leuréchelle ni en produits, ni en préparations culinaires; comment pourrait-on intriguer vingt groupes cultivant vingt va- riétés d une espèce, quand les consommateurs mange- raient indifféremment chacune des vingt, sans distinction de qualité ni d'apprêt ? La cuisine, tant méprisée par les philosophes, produit sur l'émulation agricole même effet que la greffe sur les fruits; elle en double la valeur. Les intrigues de culture, soin des bestiaux et volailles , redoublent d'intensité par alliage aux intrigues de préparation culinaire. De là naissentlesséries dualisées, se stimulant l'une par l'autre : ce sont de puissans ressorts en attraction industrielle. Dans l'état actuel, l'agriculture est affectée de deux vices opposés à ces belles propriétés de la cuisine sociétaire ; l'un est le travail répugnant, exercé par vénalité et nécessite ; l'autre est la limitation de la bonne chère aux oisifs. Celui qui cultive n'est intrigué, ni par attrac- tion spéciale pour son industrie, ni par cabale sur sa mé- thode, ni par débats sur la préparation du produit

car il n en goûte pas ou n'en mange que les rebuts, et les

mange très-mal apprêtés. La phalange au contraire devra cultiver en chaque produit animal ou végétal, une quantité telle que les tables de troisième degré puissent y par- ticiper

a

défaut, elles ne seraient pas intriguées sur cette industrie. II. 164 NOUVEAU MONDE Notre mécanisme agricole est donc faussé en tout sens par absence d'intrigues et cabales appliquées au produit, et par absence du raffinement sensuel limité aux oisifs , chez qui il est tout-à-fait inutile ; car il ne sert qu'à leur inspirer du mépris pour la triste condition du peuple qui travaille à servir leurs fantaisies. Ce vice radical a mécanisme civilisé deviendra plus sensible quand on aura lu en entier la théorie sociétaire. Par acheminement, il est bon de faire remarquer que les méthodes employées par la morale sont toujours à contre-sens des vues de la nature. C'est la principale thèse à démontrer dans un traité de l'attraction passionnée, car la morale et l'attraction sont les deux antipathiques, l'une voulant conduire aux accords sociaux par l'engorgement des passions, l'autre y conduisant par le plein développement des passions. CHAP. XV. Choix des manufacturesspéculatives et usuelles. Ce choix est une des opérations les plus délicates. Il s'agit d'établir, entre les manufactures et l'agriculture , une réciprocité de convenance qui fasse concourir ces deux classes d'industrie au succès l'une de l'autre

elles se heurteraient, si l'on manquait à la règle de favoriser l'essor de l'attraction industrielle préférablement aux vues de bénéfice pécuniaire : c'est le vice où tomberait tout pilote civilisé. Conformément à cette règle, on devra, dans le choix des fabriques de la phalange, veiller à ce que chacune soit avec l'agriculture en double affinité, En lien de passion cabalistique, Et en lien d'intérêt local. Signalonsles préjugés contraires à ces deux méthodes. Les manufactures tant prônées dans le système politique des modernes, qui les met au niveau de l'agriculture, ne figurent dans l'état sociétaire qu'à titre d'acces¬ INDUSTRIEL. II.e S. 165 soires et complémens du système agricole, fonctions subordonnées à ses convenances. Je ne prétends pas dire qu'elles seront peu considérées dans le nouvel ordre, car toute phalange sera manufacturière, et tout individu riche ou pauvre qui aura été élevé dès le bas âge en harmonie, sera coopérateur passionné d'une dizaine de manufactures; mais elles ne tiendront que le second rang en industrie, et seront , malgré les chances de bénéfice, abandonnées quand elles ne pourront pas alimenter des intrigues cabalistiques alliées avec l'agriculture du canton. Celui qui proposerait d'établir dans la phalange d'essai une filature à coton, commettrait une faute choquante, car cette phalange que je suppose fondée en France, Allemagne ou Angleterre, ne cultiverait pas le coton ; ses voisins ne le cultiveraient pas non plus

elle adopterait donc une fabrique dépourvue de lien avec ses cultures et passions locales. Ce genre de fabrique sera très-admissible quand les phalanges seront fortifiées par un exercice de quelques années, par des liens et rivalités avec les phalanges voisines, par un mécanisme de commerce véridique, etc. Alors il conviendra d'avoir dans toute phalange une fabrique opérant sur des produits exotiques; ce sera pour elle une voie de liens avec des régions lointaines. Mais la phalange d'essai, faible en mécanisme par défaut de voisines , et par tant d'autres lacunes d'attraction, II, 631 , ne pourra pas admettre les fabriques dépourvues de lien avec l'agriculture locale : ce sera un enfant au berceau qu'il faudra gouverner différemment des hommes faits

elle devra donc se concentrer, quant aux manufactures, dans le cercle de ses productionslocales ou vicinales, et ne fabriquer que des objets liés à ses intrigues agricoles. Distinguons en deux ordres les manufactures quelle devra adopter, les usuelles et les spéculatives. Je nomme usuelle toute fabrique de besoin journalier, 166 NOUVEAU MONDE commecellesdes ouvriers répandus partout, menuisiers, cordonniers, tailleurs, blanchisseuses, etc. Ces sortes de fabriques sont usuelles, indispensables , et non pas spéculatives; car aucun canton ne peut s'en passer. J'y ajoute celles dont on a besoin dans tout arrondissement vicinal, comme un atelier de sellier, de tonnelier, de chapelier-repasseur, de coutelier, etc., etc. Les fabriques spéculatives sont celles dont le produit doit être objet de commerce extérieur, et sur le choix desquelles nous aurons à statuer. Posons d'abord sur ce choix des principes généraux au nombre de trois. Le I.erest d'établir l'attraction en doses proportionnelles pour les trois sexes : chaque fabrique pourra ne pas convenir également à tous trois; on devra même observer cette graduation, choisir l'une au goût des enfans, l'autre au goût des femmes,l'autre au goût des hommes, de manière que l'ensemble des fabriquesspéculatives ménage à chacun des 3 sexes des doses d'attraction proportionnées. Le 2.e est de réserver aux femmes une moitié d'emploi dans les branches lucratives ; on devra éviter de les reléguer comme parmi nous aux fonctionsingrates, aux rôles serviles que leur assigne la philosophie qui prétend qu'une femme n'est faite que pour écumer le pot et resarcir les vieilles culottes. Les femmes en association , reprendront bien vite le rôle que la nature leur assigne, le rôle de rivales et non pas sujettes du sexe masculin. Il faut veiller à ce que cet effet s'opère d'emblée dans la phalange d'essai

à défaut l'on verrait son mécanisme chanceler sur divers points. Le 3.e est d'organiser chaque fabrique en série de rivalités, en triple et quadruple méthode;il faudra donc engager les ouvriersinstituteurs en triple nombre et triple système. Ces ouvriers étant enrôlés pour éduquer la phalange, former des élèves cabalistiques, il faudra se garder en chaque genre, d'un maître unique ; on devra en avoir 3 IN DUSTRIEL. II.e S. 167 ou 4 pour chaque industrie, carun seul pourrait se trouver de mauvaise école, ainsi qu'on le voit parmi les barbiers de Paris dont la plupart ne savent pas raser, n'ont point deprincipes sur la pose et le maniement du rasoir, encore moins sur les nombreux accessoires de leur art. Aucun d'eux ne sait maintenir la mousse de savon au degré de chaleur ; ils commettent vingt fautes également ridicules, et quand on les leur reproche, quand on leur apprend ce qu'ils ont à faire, ils sont ébahis et disent : on ne nous a jamais parlé de cela. Il faudra donc, en toute fonction, enrôler autant que cela se pourra des ouvriers CONTROVERSISTES SUR LEUR ART, des maîtres à prétention, propres à faire école, à créer des rivalités , des luttes émulatives. On ne pourra pas, dans la phalange d'essai, observer strictement cette règle; cela exigerait trop d'enrôlemens d'ouvriers, car les bons sont très-rares; et comme ils ne savent souvent ni enseigner ni analyser leurs procédés, il faudrait enrôler des théoriciens et des praticiens, ce serait trop de dépense , on se bornera à approcher du but. Après cet exposé des principes à suivre en choix des fabriques spéculatives, je vais désignerune série de celles qui m'ont paru préférables pour une phalange d'essai ; je les indique sauf meilleur avis. FABRIQUES SPÉCULATIVES PRIMAIRES. I pour hommes et enfans masculins, ÉBÉNISTERIE A 2 pour femmes et enfans féminins, PARFUMERIE B 3 pour hommes, femmes et enfans, CONFISERIE C Spéculatives secondaires pour les 3 sexes. & Fromagerie D. 6 Conserve artificielle F. 5 Charcuterie E 7 Grenelerie de fleurs G Pivotale X la LUTHERIE. Ambiguë K l'OISELLERIE. Nota.Je ne désigne ici que des fabriques permanentes et non celles de courte durée comme les fours à éclosion. Examinons si ce choix s'accorde avec les attractions collectives, et s'il satisfait à la règle posée plus haut, de 168 NOUVEAU MONDE faire naître les 2 liens depassion et d'intérêt, entre les fabriques et l'agriculture locale. 1 A. L'EBÉNISTERIE

le travailsur bois plaît aux hommes de tout âge et surtout aux enfans, pour qui le bonheur suprême est de manier les petites scies, petites haches, petits rabots ; le tour, le ciseau, etc. ; la boutique du me- nuisierles charme presque autant que celle du confiseur. Cette fabrique établira lien de passion entre les 2 classes du sexe masculin, les pères et les enfans, puis lien d'intérêt local, convenance avec les productions du pays; car on emploiera , à la superficie des meublesfabriqués, les bois du pays , en France, noyer, cerisier, orme, frêne, érable, concurremment avec les bois étrangers; puis les bois de chêne et autres à l'intérieur des meubles. La phalange en s'instruisant sur les défauts des bois, par emploi dans son atelier d'ébénisterie, mettra d'autant plus de soin à éviter ces défauts dans la culture de ses forets, et la manutention des bois coupés ; ainsi s'établiront les deux liens de passion et d'intérêt local avec l'objet manufacturé qu'elle voudra faire briller à double titre, comme produit de sa culture et de ses fabriques. 2 B. La PARFUMERIE plaît aux femmes de tout âge, adultes ou enfans; elle s'allie fort bien à la culture des champs de fleurs qui est, dans l'ordre sociétaire, une attribution féminine. Cet atelier présentera encore l'avantage d'intéresser les femmes aux travaux champêtres, en les habituantà cultiver en grand, et en plein champ, sous tente mouvante , les fleurs qu'elles ne soignent aujourd'hui qu'en pots, sans aucune vue de rivalité cabalistique ni d'enthousiasme pour leur pays et sa renommée. La parfumerie et les cultures attenantes s'allient aux goûts du sexe faible, comme le travail sur bois s'allie aux goûts du sexe fort. D'ailleursles deux fabriques pourront comporter divers alliages des sexes, chacune offrant des fonctions applicables à l'autre sexe ainsi qu'aux enfans. 3 C. La CONFISERIE

elle fournit des travaux adaptés aux goûts des 3 sexes et de tous les âges. INDUSTRIEL. II.e S. 169 La gestion des fours et manutention des bassines est un travail de force propre aux hommes. Les femmes soccuperont à la préparation des fruits et matières, à l empotage, etc. Les enfans y trouveront quantité de menuesfonctions, comme encartage, triage, moulage, etc. Cette fabrique opérant surle sucre,les fleurs, les fruits, les végétaux, les parfums, les liqueurs, a de quoi satisfaire tous les goûts des divers âges et sexes ; elle est trèsbien liée à l'industrie locale, employant les produits indigènes combinément avec les exotiques. D'ailleurs la phalange d'essai aura sur les lieux mêmes, une consommation assurée de ses produits de confiserie, pour les curieux opulens qui viendront la visiter, y passer 3 ou 4 jours : elle serait bien dupe de mettre cent mille francssuccessivement, à l'achat de confiseries dont la fabrication ne lui coûtera que moitié et favorisera beaucoup l'attraction industrielle. Tel est, sauf erreur, le choix de fabriques spéculatives le mieux assorti aux convenances primaires d'une phalange d'essai : elle devra donc engager en ces 3 genres, au moins une douzaine de bons maîtres d'enseignement, 4 pour chacune des 3 branches. Toutefois ces manufactures quoiqu'éminemment convenables, ne pourraient exciter aucune attraction, si les ateliers de la phalange étaient dégoûtans de saleté comme les nôtres qui par leur exiguité, ne se prêtent pas aux dispositions d'agrément, au luxe et aux ressortsd'enthousiasme. Le luxe est 1.er but de l'attraction, c'est son 1.er besoin ; il est donc difficile qu'elle naisse directement dans une industrie d'où le luxe est banni. C'est le vice de tous nos ateliers civilisés. Mais si le séristère de confiserie est construit pour une masse de 5 à 600 personnes , hommes, femmes et enfans, avec luxe des habits et instrumens de travail, on pourra, même dans la pièce des fours qui est la plus malpropre, mettre de l'élégance ; une graduation de fours 170 NOUVEAU MONDE garnis en marbres différens, des murs souvent repeints en gris ou brun , des bordures souvent rafraîchies. Les autres pièces non enfumées seront susceptibles de tout ornement, et l'ensemble du séristère sera aussi séduisant que le sont au 1.er de l'an , les chapelles sucrées de nos confiseurs. Ces 3 manufactures primairessont faites pour entrete- nir pendant l'hiver de grandes séries bien intriguées, et suppléer aux lacunes d'attraction agricole. Je passe aux fabriques secondaires quisont des travaux attenants à l'agriculture, mais pouvant en être séparés et former fonction spéciale. D. La Fromagerie, fabrication desfromages et beurres : la phalange d'essai pourrait vendre ses laitages à la ville voisine

il sera mieux d'en fabriquer des fromages qui auront nécessairement une supériorité par suite des soins qu elle donnera aux pâturages et à la bonne tenue des bestiaux. Le travail de la laiterie plaît aux femmes, c'est leur apanage ; il plaît de même aux enfans. Le soin des fromages fournit pour les hommes diverses fonctions. Cette fabrique se lie bien à l'éducation des troupeaux. e est très-propre a exciter des rivalités sur les divers systèmes de nutrition et d'éducation

ils seront jugés par a saveur des fromages tirés de trois divisions d'un même bétail diversement traitées. Si l'on vendait le lait, on ne pourrait pas savoir quel effet il produit à l'emploi en romage et en beurre. Plus cet effet sera constaté, mieux es divers groupes se passionneront pour leurs méthodes réciproques. C'est donc une fabrication qui satisfait à la double règle de passion cabalistique et d'intérêt local. 5E. La Charcuterie et macérationest encore un travail bien lié au mécanisme agricole, et attrayant même pour les femmes; elles sont assez intelligentes à préparer la cochonnaille. Les hommes exercerontvolontiersle travail de grande salaison, et les enfans ne craignent pas celui de triperie. D'ailleurs dans la partie rebutante on s'aidera de la cohorte des 100 salariés adjoints. INDUSTRIEL. II.e S. 171 Cette fabrique doit être comptée parmi les attrayantes: elle se lie cabalistiquement avec le soin des pourceaux qui seront très-nombreux dans la phalange , pour consommer les énormes débris des tables et cuisines

on

en formera plusieurs systèmes d'engrais, et la série des charcutiers opérera sur diverses qualitésde porcs auxquels des variantes en alimens auront donné des saveurs différentes. Dans cette industrie figurera la macération qui donne de beaux produits, tels que le boeuf fumé de Hambourg. Cette série sera fort utile pour habituer peu à peu les enfansau travail de boucherie, de maniéré qu'on puisse, au bout de deux ans, se passer de bouchers salariés et hors d'harmonie. 6 F La conserve artificielle de fruits et légumes, industrie fort étendue, attrayante et très-négligée en France , où on ne sait pas même conserver le haricotvert, comme en Allemagne, le pois vert, le chou en chou-croûte, les prunes à gâteau, tant d'autres légumes et fruits dont les barmoniens garniront toute l'année leurs tables, même celles de classe inférieure ou troisième degré. La France ne connaît guère que la conserve de fruits à l'eau-de-vie , et de quelques vilenies, comme poirestapées. La phalange d'essai devra réunir toutes les branches de conserve artificielle, et en faire le travail principal de ses premiers essaims, qui seront installés avant l'entrée en demi-exercice

elle emploiera les procédés d'Appert et autres, pour donner la plus grande extension à cette série qui sera très-précieuse, tant pour la bonne chère des curieux payans, que pour celle du peuple qui, dans cette phalange, mangera des fruits et légumes précieux, à l époque où les grands des capitales n'en auront pas. 7 G. La greneterie de fleurs et légumes. L'art de recueillir, préparer, classer et conserver les graines, est à peu près inconnu en civilisation. Le paysan n'a sur ce point ni lumières, ni moyens. Le travail de grenetier est confié à 172 NOUVEAU MONDE quelques hâbleurs mercantiles, aussi trompeurs que les pépiniéristes. Ce travail occupera, clans la première phalange, une série distincte , avec qui chaque série et groupe agricole sera en relation. C'est une série embranchée, puisant dans toutes celles d'un ordre, dans toutes les séries du règne végétal. Son approvisionnement, destiné pour la vente, sera indépendant des graines que chaque groupe gardera pour son usage spécial. X On s'étonnera si je désigne pour manufactureprincipale la lutherie ou fabrique d'instrumens à vent et à cordes: on objectera qu'elle satisfait peu aux deux con- ditions imposées. C'est une erreur: elle se lie bien avec l'agriculture par emploi des bois, comme l'ébénisterie ; elle s allie bien aux facultés des femmes et des enfans par la marqueterie, les petits ouvrages de luxe en bois, en ivoire, en nacre, etc. Je suppose qu'on n'adopterait que les ornemens en nacre, en bois, et non ceux en cuivre. Ce qui formera dans ce genre de travail le lien de passion , c'est que chacun, dans la phalange, deviendra musicien au bout de six mois, excepté chez les nations disgraciées d'oreille comme les Français ; mais en Italie, en Allemagne , chacun deviendra musicien trois mois après l'organisation sociétaire, chacun s'occupera des instrumens et prendra un vif intérêt à cette fabrication ; elle pas- sionnera les trois sexes, et favorisera le progrès musical, qui est de haute importance en éducation harmonienne. Quanta l'intérêt pécuniaire, j'observe que rien ne sera plus précieux au début de l'association que les instrumens de musique. Il sera impossible, pendant trois ans, de s'en approvisionner et de trouver subitement Un million de jeux d'orgues, Vingt millions de violons et altos, Six millions de basses et contre-basses, et en proportion tous les autres instrumens d'orchestre et de fanfare. INDUSTRIEL. II.e S. 178 En conséquence, la fabrique de lutherie sera trèsdigne de choix et très-profilable sous les rapports d'attraction industrielle et bénéfice. Du reste, on pourra la négliger. K. L'oisellerie, ou éducation de jolis oiseaux grands et petits, est encore un travail qui remplit très-bien les con- ditions, et dont les produits seront infiniment précieux, car toute phalange aura besoin de volières en divers genres. C'est une forte branche d'attraction et un moyen d'habituer les enfans de la classe riche, à la dextérité dans le soin des colombiers. Cette industrie est dédaignée en civilisation, parce que les oiseaux deviennent insipides quand on les voit dans les boutiques sales et fétides des oiseliers de Paris, où l 'on entasse pêle-mêledes criards et des chanteurs, tous dans des cages étroites, où ils sont comprimés et infectés. Le séristère d'oisellerie sera un vaste colombier à plusieurs chambrées distinguant les espèces : toutes y seront tenues dans le plus grand luxe et commodément , en grand espace, avec ombrages et arbustes enfermés dans les cages d'été, avec ruisseaux, gazons et tentes. Les incommodes, comme les perroquets, seront assez éloignés pour ne pas troubler les espèces harmonieuses ou paisibles. L'oisellerie est une branche d'industrie qui n'a jamais pu être exercée en grand chez les civilisés

elle sera l'une des curiosités de la phalange d'essai. Il suffira bien de ces fabriques spéculatives pour ménager a la première phalange un commerce de produits manufacturés, avec les autresqui s'élèverontautour d'elle. Quant aux civilisés, il sera indifférent qu'elle manque de commerce avec eux dans ses débuts, car le régime de négoce véridique ne pourra être établi qu'entre phalanges, et tout commerce avec des êtres faux comme les civilisés, ne pourrait exciter dans aucun cas des intrigues favorables à l attraction industrielle. Quelques fondateurs opineront à choisir des fabriques 174 NOUVEAU MONDE plus distinguées que DE, comme seraient la broderie et la passementerie, propres à passionner le sexe féminin

mais ce sont deux travaux fort ingrats quant au bénéfice;

d'ailleurs, ils ne peuvent comporter qu'un des deux liens exigés; celui d'affinité en passion ; mais non pas celui d'affinité avec le produit local. Ces deux fabriques n'alimenteraient donc pas des intrigues de rivalité dans les exploitations de régne animal et végétal ; tandis que la fromagerie et la charcuterie, fabriques non élégantes, et pourtant adaptées au goût des femmes, se lient aux travaux de régne animal et régne végétal, par rivalités sur les systèmes de nutrition, les qualités des laitages et viandes. La broderie et la passementerie présentent l'avantage de convenir pour l'hiver aux deux classes riche et moyenne ; mais cette convenance ne repose que sur l'absence d'intrigues, dont ces deux classes sont fort dénuées dansleur domestique. Ce vide spirituel n'aura plus lieu en association. Du reste , on peut admettre ces deux fabriques et d'autres qu'il serait trop long d'examiner. Jene prétends pas que les neuf, cotées ABC, DEFG, X, K, soient exclusivement convenables pour la phalange d'essai.Je répète que le choix des fabriques spéculatives propres à intriguer une série de groupes, devra se proportionner aux moyens locaux que je ne peux pas prévoir

j'ai voulu seulement enseigner l'application de la règle qui doit servir de boussole en pareil choix, c'est d'établir le double lien d'intrigue cabalistique et d'intérêt local entre les sociétaires et leurs cultures. CHAP. XVI. Distinction entre les sériesfaussées et les hongrées. Nous passons des fabriques spéculatives aux fabriques usuelles, qui peuvent fournir une douzaine de séries en fonctions obligées, comme buanderie, travail sur bois, sur cuir. INDUSTRIEL. II.e S. Ces séries, que je vais indiquer, seront la plupart défectueuses, peu compatibles avec deux des trois règles posées au chap VI, la compacité d'échelle et l'exercice parcellaire. C'est un vice inévitable pendant quinze à vingt années d'initiative sociétaire. Les fonctions non compactes en échelle pourront s'élever à une cinquantaine de genres et une douzaine de séries dans la phalange d'essai; elle ne voudra pas être dupe des ouvriers de la ville, ni les appeler chaque fois qu'il y aura un clou à poser ; ce serait s'encombrer mal à propos de civilisés. Pour s'en garantir, elle aura engagé des instructeurs en tous genres de travaux domestiques , fournissant quatre à cinq cathégories, comme travail sur bois, sur cuir, sur métaux, sur étoffes , etc. On pourra composer, de ces divers genres, les séries suivantes. A En bois

charpentiers, menuisiers. B Idem

tonneliers, vanniers. C En cuir

cordonniers, gantiers, culottiers. D En mixte

selliers, bourreliers, layetiers. E En fer

serruriers, éperonniers, maréchaux. F En mixte

carossiers, charrons, taillandiers. G En ornemens : modistes, brodeuses, passementières. H En étoffes

tailleurs, tailleuses, ravaudeuses , re- priseuses, corsetières. J En métaux

chaudronniers, poêliers, ferblantiers, lampistes, fondeurs, pompiers. L En mixte : couteliers, tabletiers, arquebusiers. M Idem

horlogers, joailliers, orfèvres. N En toile, lingères, tisseuses. Il reste divers emplois qu'on pourrait difficilement classer en série, vu le peu de lien qu'ils ont entre eux, tels sont : Une phalange de grande échelle aura besoin de tous 176 NOUVEAU MONDE ces emplois. Il serait fâcheux à elle de recourir aux ouvriers de la ville pour imprimerson bulletin de la bourse et autresminuties

pour raccommoder pendule, montre,

tabatière, cuiller, couteau, chapeau : les instructeurs enrôlés aux deuxième et troisième essaim aurontdûformer des élèves en ces divers genres. Sans adopter les fabriques de tissage, il en faudra quelque peu, un seul groupe, afin d'éveiller ce goût, le faire éclore chez certains enfans, à qui il est naturel. Mais la génération élevée, dans l'état civilisé, ne se passionnera que lentement pour les fabriques usuelles, qui, par cette raison ne pourront pas, dans les premières années, fournir des séries régulières en chaque espèce indiquée plus haut, sous les chiffres I à 13, et même dans les genres cotés de A jusqu'à N. Plusieursdes douze sériesAN manqueront de compacité entre leurs groupes, et seront mal intriguées; (chap. VI.) Ce seront des séries hongrées, insuffisantes en ressorts d'harmonie, en équilibre de passions. Il sera force, pendant la première génération, de se contenter de ces séries défectueuses, dites hongrées ou non compactes. Lesfonctions I à 13 ne formeront guère que des groupes détachés

elles n'ont pas de lien entre elles ; mais chacune, au bout de 30 ans, fournira une série, parce que les enfans élevés dans l'état sociétaire y prennent parti pour un très-grand nombre de métiers, sauf exercice parcellaire ; de sorte que, pour une fonction peu étendue comme celle d'emballeur ou parasolier, la phalange aura aisément une trentaine de sectaires, formant série. L'emploi des séries hongrées et mal échelonées, est une faute où tomberont fréquemment des fondateurs non exercés ; il importe de les prévenir sur ce sujet, déjà effleuré au chap. VII, sous le titre de séries faussées. Il y a peu de différence entre les hongrées et les faussées. J'appelle faussée celle qui est mal assortie, mal graduée, mais corrigible, comme on l'a vu au chap. VII. La série hongréepèche par le même défaut de gradua¬ INDUSTRIEL. II.e S. 177 on inexacte, mais sans possinitite d'y remédier, parce qu elle se compose de fonctions dont on ne peut pas se passer, quoiqu'elles ne soient pas assez vicinales pour qu'on en puisse former une série d'échelle compacte, bien nuancée. J'ai donné au chap. VII un exemple de série faussée

j en ajoute un de série hongrée très- méthodique. TRAVAIL SUR METAUX COMMUNS. Transition, asc : = Lampistes. Ferblantiers. Aile descend. Chaudronniers. Arquebusiers. Serruriers. Centre Maréchaux, éperonniers. Taillandiers. Charrons. Carossiers. Aile descend.e Pompiers. Coffretiers. Transition desc

= Couteliers. Ici les fonctions sont bien graduées, mais éloignées entre elles, formant échelle d'espèces et non de variétés. Ce vice est le caractère des séries hongrées

elles man- quent de compacité, leur échelle est d'ordre lâche quoique régulier, et par cette raison leurs groupes ne sont pas susceptibles de rivalités vicinales et discords graduésentre groupes contigus. Ce sont des séries rabais- sées en échelle, carla leur se forme d'espèces; une bonne échelle n'est formée que de variétés très-voisines, discor- dantes et jalouses; et comme ici les douze groupes ont des fonctions trop distinctes pour créer les discords c'est une série hongrée, privée du jeu de la cabaliste ou pas- sion des intrigues rivales. On sera forcé, pendant la I.re génération, de former dans toutes les fonctions de fabriques usuelles et même dans d autres industries, ces Séries défectueuses, cumu¬ 12 178 NOUVEAU MONDE latives d'espèces éloignées : au resie, dans son début, le mécanisme sociétaire ne pourra être en son ensemble qu'une harmonie hongrée, puisqu'il sera privé des relations d'amour libre qu'on ne pourra établir qu'a la 2.e ou 3.e génération, et des relations de famille harmonisée qui ne pourront naître que dans les 4.e et générations sociétaires. ( Voyez 5.e section ce qui touche aux harmonies de famille et d'héritage. ) Heureusementles Séries agricoles , dans la phalange d'essai,ne seront pas sujettes à ce défaut de compacitéqui paralyserait tout ; on pourra les former en échelle de variétés bien nuancées, donnant plein essor aux 3 passions mécanisantes. Les principes que je viens d'établir sur le choix et la direction des fabriques tant usuelles que spéculatives, sont fort opposés à ceux de la science dite économie politique, aux yeux de qui toute industrie est utile pourvu qu'elle crée des légions d'affamés, qui se vendent a bas prix aux conquérans et aux chefs d'atelier. La concurrence outrée réduit toujours cette populace au plus minime , salaire en cas d'activité et à l'indigence en cas de stagnation. L'ordre sociétaire n'envisage dans les manufactures, que le complément de l'agriculture, le moyen de faire diversion aux calmes passionnels qui éclateraient peu dant la longue fériation d'hiver et les pluies équatonales. Aussi toutes les phalanges du globe auront-elles (les fabriques, mais elles s'efforceront de porter les produits manufacturés à la plus haute perfection, afin que la longue durée de ces objets réduise à peu de temps le tra vail de fabrication. Posons sur ce sujet un principe méconnu de tous économistes, principe qui se lie au chap.VIII, sur sortes et doses d'attraction. . , Dieu n'a distribué pourle travail manufacturierqu'u dose d'attraction correspondante au quart du tems qu l'homme sociétaire peut donner au travail. Les trois INDUSTRIEL. II.e S. 179 tres quarts doivent être employés au service des animaux, des végétaux, des cuisines, des armées industrielles, en- fin de tout travail autre que celui des manufactures, dans lequel je ne comprends pas les cuisines de con- sommation journalière, car elles sontservice domestique. Si l'on voulait, dans une phalange, outre-passer la dose d'attraction manufacturière, pousser ce genre de travail au delà du quart du temps applicable à l'industrie, enfin donner aux fabriques moitié du temps disponible en travail non domestique, on verrait avorter l'attraction manufacturière et parsuite l'attraction agricole ; car les séries d'agriculture perdraient un tiers de leur temps d'exercice, et par suite un tiers de leurs sociétaires

on verrait diminuer en même rapport leur compacité et leur activité.

Ainsi tout le mécanisme d'attraction industrielle serait bouleversé si l'on procédait comme les civilisés, confusément et sans maintenir la proportion des doses d'industrie avec les doses d'attractions spéciales que distribue la nature. En outre cette proportion serait faussée en toutes branches de manufactures,si l'on fabriquait comme au- jourd'hui des qualités inférieures, et ruineuses pour le corps social

car des étoffes et teintures défectueuses ré- duisant la durée d'un vêtement à demi, tiers ou quart de ce quelle doit être, obligeraient à augmenter d'autant la masse de fabrication, et restreindre en même

rapport la somme de temps et de bras que donnerait à l'agriculture une population limitée à tel nombre fixe. Des sophistes répondront que ce serait un moyen d'augmenterla population ; c'est précisément le vice qu'on voudra éviter en harmonie

du moment où le globe sera parvenu à son grand complet d'environ cinq milliards, on ne s'occupera qu'à assurer le bonheur de ses habitans et non pas à en accroître le nombre. Or ce bonheur déclinerait si l'on faussait les équilibres d'attraction, en prenant du temps aux cultures pour eu donner aux fa¬ 12. 180 NOUVEAU MONDE. briques plus que ne leur en assigne la nature ; elle veut réduire les travaux de fabrication à la plus courte durée possible, en organisant les intrigues des séries de manière à élever tout produit à la perfection. C'estd'après ce principe que les manufactures,au lieu d'être comme aujourd'hui concentrées dans des villes où s'amoncellent des fourmilières de misérables, seront disséminées dans toutes les campagnes et phalanges du globe, afin que l'homme en se livrant au travail de fabrique, ne dévie jamais des voies de l'attraction qui tend à employer les fabriques en accessoire et variante de l'agriculture, et non pas en fonction principale, ni pour un canton ni pour aucun de ses individus. En terminant ces notions élémentaires sur la formation des séries, rattachons toutes les règles à un précepte général, qui est d'assurer aux 3 passions mécanisantes un plein essor en toutes fonctions. Or dans l'hypothèse d'accroissement de l'industrie manufacturière aux dépens de l'industrie agricole qui est la plus attrayante, on n'arriverait qu'à un résultat absurde, au ralentissement de ces 3 passions dont l'activité est gage de l'attracction industrielle et de tous les biens qu'on en doit recueillir. COMPLÉMENT DE LA I.re PARTIE. Duperie des détracteurs; Secte OWEN. Déjà l'on peut s'apercevoir que ma théorie sociétaire ne donne point dans l'arbitraire des faiseurs de systèmes; elle se fonde sur un procédé spécial, puisé dans la nature, conforme au voeu des passions et aux théorèmes de géométrie ; car le mécanisme des Séries passionnéesest géométrique en tout sens; on en verra la preuve aux chapitres qui traitent de la répartition, section V, et de l'analogie , S. VII. Nous pouvons maintenant examiner les inconséquen¬ INDUSTRIEL. II.e S. 181 ces commises à cet égard par le 19.e siècle qui , sur l'affaire d'où dépend le changement de sort du genre humain , surl'invention du procédé sociétaire, se confie à des hableurs fardés de philantropie , et ne leur impose aucune règle à suivre en théorie ni en pratique. (12) On voit qu'il y avait un procédé à inventer, c'est la Série passionnée, découverte qui exigeait de profondes recherches sur les dispositions et les emplois de ce ressort tout à fait étranger au mécanisme civilisé. Pour peu qu'on eut voulu opérer méthodiquement, on aurait exigé des prétendans, comme M.r Rob Owen ou autre, une invention et non pas des statuts ni des bizarreries telles que la communautédes biens , l'absence de culte divin, l'abolition brusque du mariage : ce sont là des lubies de casse-cou politique et non des moyens neufs ; c'est pourtant à ces billevesées que le 19.e siècle a donné sa confiance depuis vingt ans. Observons que dès son début Rob Owen opéra tout à contre-sens de l'association

ignorant que l'agriculture doit être la base du mécanisme sociétaire, il rassemblaià New Lanark 2000 tisserands n'ayantpas un arpent, de terre à cultiver. En commettant cette lourde faute, il se vantait de convertir les nations à sa méthode, et se faisait présenter aux souverains comme régénérateur présomptif du monde social. Sa science n'était autre que celle des sophistes, HASARDER TOUT, jouer en casse-cou sur les innovations; audaces fortunajucat ; et surtout faire sonner bien haut sa philantropie; ce masque fait toujours des dupes. Comment notre siècle, après tant d'expériences, après avoir vu depuis quarante ans tous les ambitieux affublés de ce titre, peut-il se laisser prendre encore à la fausse monnaie philantropique ? Un vrai philantrope aurait dit: « Il faut tenter des essais d'association ; mais on doit » en même-temps s'exercer à la recherche de la méthode » naturelle, et mettre au concours cette découverte. » Une marche si loyale ne sera jamais adoptée par des 128 NOUVEAU MONDE hommes qui veulent jouer un rôle sans moyens réels

M.r Owen a préféré se donner pour inventeur, il a

bâti un système qui est la contre-partie de celui de G.e Penn fondateur des Quakers. J'en donnerai ailleurs le paral- lèle: remarquons seulement dans la méthode Owen, une marche de casse-cou politique, décidé à tout hasarder, à essayer des monstruosités sans en prévoir les résultats. Par exemple : sur la liberté d'amours, il ignore quels seraient les effets de l'orgie amoureuse corporative, qui ne manquerait pas de s'établir quand la nouvelle secte aurait acquis de la consistance

il paraît aussi peu instruit sur le mécanisme des amours libres que sur les effets d'une absence de culte divin. Avant d'admettre seulement une demi liberté en amour, il faut introduire des contre-poids que les harmoniens mêmes ne pourront créer qu'au bout de quinze ou vingt ans d'exercice. Au reste les changemens que pourra subir le régime des amours, n'auront lieu qu'après avoir été demandés parle gouvernement, le sacerdoce, les pères et les maris; lorsque ces 4 classes de commun accord, voteront une innovation, l'on pourra être sûr qu'elle est utile et non pas dangereuse. Sans doute le système conjugal engendre une foule de vices

j'en ai décrit bon nombre à l'intermède II, 363 à 426

tous ces désordres ne sont pas un motif de supprimerle mariage, mais de le ramener à une échelle méthodique, établir dans les mariages une série régulièrecomprenant sept degrés, plus l'ambigu et le pivotai.

Et pour ne parler que des 1.er et 2.e degrés, n'est-il pas évident qu'un mariage stérile est un lien moins fort que celui qui donne un enfant ? Voilà une distinction des 1.er et 2.e degrés;il reste à établir celle des 7autres.Je renvoie ce détail, en faisant observer que lors même qu'on connaîtrait les neuf degrés à établir en mariage , il faudrait encore connaître et organiser l'état de choses qui fournira des contre-poids et garanties contre l'abus des libertés, abus que n'a pas prévu le sophiste Owen ; il veut INDUSTRIEL. II.e S. 183 émanciper tout-à-coup, lâcher la bride aux amours, comme si l'on était à l'île d'Otahiti, au pays d'Hamil, a Lancerote, à Java, en Laponie et autres lieux ou les coutumes et les préjugés ont établi des contre-poids. Négligeons ce débat puisque ce ne sera qu'aprèstrente ans d'harmonie qu'on commencera à s'en occuper ; mais pendant la I.ere génération sociétaire, il sera nécessaire de laisser les amours (voyez chap. XVI) dans l'état d'hypocrisie et de tromperie universelle qui caractérise la civilisation

l'amour et la paternité sont les dernières passionsqu'on pourra amener au régimevéridique , difficulté très-ignorée de ceux qui veulent, comme M. Owen, faire sur la liberté des passions un essai aussi téméraire que celui des philosophes de 1791 sur le brusque affranchissement des nègres. C'est l'affluence de ces sophistes qui prévient contre les véritables inventeurs , et engouffre notre siècle dans la détraction

elle est plus que jamais le travers dominant. Au reste elle est vice endémique du caractère civilisé

les découvertes les plus précieuses ont été proscrites à leur apparition : le café et la pomme de terre ont été judiciairement interdits et mis au rang des poisons; Fulton inventeurdu bateau à vapeur, etLebon inventeur de l'éclairage au gaz ne purent se faire écouter de personne dans Paris. D'après ces bévues récentes des Zoïles , on peut juger de la confiance que méritent leurs jugements; ils se disent partisans des lumières, ennemis de l'obscurantisme ; ils accusent tel ministre d'être un nouvel Omar , telle société d'être une réunion d'éteignoirs, eh ! que sont-ils eux-mêmes quand ils impriment, qu il ne peut point exister de découverte en calcul d'attraction ; et quand ils excitent à ne pas lire le livre qui en apporte la théorie complète , dont Newton n'a donné qu'un lambeau ? Ainsi le 19.e siècle se montre en digne héritier du 15.e et de la génération qui persécuta les Colomb et les Galiée ; alors c'était la superstition qui proscrivait les sciences NOUVEAU MONDE neuves; aujourd'hui elles sont proscrites par ceux qui se disent ennemis de la superstition.Voilà le secret de leur zèle simulé pour le progrès des lumières; voilà leur vol sublime

ils n'attaquent la superstition que pour pren- dre sa place, opprimer autant et plus qu'elle. Etrange inconséquence ! On porte aux nues l'homme qui a pris l'initiative en calcul d'attraction ; Newton qui en a traité savamment la branche inutile et de pure cu- riosité ; car que nous sert de savoir le poids de chaque planète ? il restait, en attraction, à explorer les deux branches importantes

L'UTILE ou théorie de l'attraction passionnée. L'AGRÉABLE ou théorie de l'analogie et des causes. Celui qui apporte ces deux sciences est une bête brute au dire des Zoïles qui pourtant exaltent Newton, pour avoir traité de la branche INUTILE, celle des effets matériels en attraction où il ne peut expliquer aucune cause ; si on demande aux newtoniens pourquoi Dieu a donné 7 sa- tellites a Saturne et 4 à Jupiter qui est double en grosseur, pourquoi un anneau à Saturne et point à Jupiter, ils ne pourront donner aucune réponse. Leur science n'en est pas moins belle par sa justesse mathématique ; mais elle n'est qu'un germe borné à l'explication des effets et non des causes ; et au moment où la théorie des causes est dévoilée, il faut, ou flétrir Newton puisqu il a commencé l' étude de l'attraction, ou pro- téger son continuateur bien plus digne d'appui, en ce qu'il a traité les deux branches de l'utile et de l'agréable, dont l'une conduit au bonheur social bien autrement précieux que la science. Ajoutons que le calcul de l'analogie, quoique branche d'agrément, a bien son côté utile, car c'est à cette nou- velle science qu'on devra la découverte de tous les antidotes naturels, la plupart inconnus, tels que ceux contre la goutte, l'hydrophobie, l'épilepsie, et autres maladies qui sont encore l'écueil de l'art. C'est un appât pour noire siècle et surtout pour la France, à faire trève de mal¬ INDUSTRIEL. II.e S. 185 veillance contre les inventeurs et accorder à la plus précieuse des découvertes,sinon une protection positive, au moins un accueil dubitatif, motivé sur des considérations que goûtera tout hommeimpartial

envoici l'abrégé.

« C'est la première fois qu'on nous présente une théo- » rie régulière sur le problème de l'association, réputé » insoluble, et sur le mécanisme d'harmonie des pas- » sions, considéré jusqu'ici comme une énigme impé- » nétrable

si cette théorie est praticable, elle nous don- » nera les biens que tous les siècles ontvainement rêvés, » la cessation de la mendicité prévenue par concession » d'un minimum à la classe pauvre, l'abolition convenue » de l'esclavage et de la traite, le règne de la vérité et de » la justice, fondé sur les bénéfices dont elles devien- » draient la voie dans le nouvel ordre ; il est donc pru- » dent d'examiner cette théorie, en indiquer les côtés » défectueux, inviter de plus habiles à la rectifier S'ILS » LE PEUVENT, et à défaut de ce, en faire l'essai bien » exempt de risque, puisqu'elle ne roule que sur des tra- » vaux agricoles et domestiques évidemment lucratifs, » par le régime de combinaison et d'économie qu'elle y » introduit. » Sur ce, les beaux esprits répliquent

« On pourrait

» prêter l'oreille , si l'auteur savait se revêtir des formes » usitées et rendre hommage à l'auguste philosophie » moderne. » Eh ! c'est la ruse de tous les sophistes: un inventeur serait bien suspect s'il adoptait cette manière hypocrite ; on serait fondé à penser qu'il n'est comme tant d'autres, qu'un charlatan de plus, cherchant à se mettre en scène per fas et nefas : tous ces contrebandiers scientifiques savent prendre le ton académique, passeport des erreurs et des jongleries. Ici il s'agit d'éveiller les beaux esprits sur leurs illusions et leur duperie ; de prouver qu'ils sont les premières victimes de leur crédulité pour les faiseurs de systèmes. Depuisvingt ans qu'on parle d'association,s'ils avaient pris des mesures pour atteindre au but, à la vraie asso¬ 186 NOUVEAU MONDE dation, s'ils n'avaient pas donné une folle confiance au sophiste Owen, ils auraient obtenu la vraie théorie; un essai aurait décidé la métamorphose ; le chaos civilisé barbare et sauvage aurait déjà disparu, les savans et artistes vivraient tous dans la haute opulence, et ne seraient pas réduits à déclamer contre la censure et l'obscurantisme ( qu'ils exercent eux-mêmes à l'égard des inventeurs )

ils jouiraient de la pleine liberté, de la fortune et des dignités, sans être sous la férule d'aucun Omar. Pour les désabuser de celte duperie, de cette manie de choisir le rôle servile et la pauvreté, faut-il que je me traine à leurs pieds? ils me croiraient d'autant moins que je les flagornerais plus. On a vu récemment, à l'époque ou les systèmes universels étaient à la mode, un sophiste éloquent prodiguer l'encens aux savans, les louanger tous nominativement, et ne pas réussir à accréditer près d'eux son système universel , (dans lequel il avait oublié seulement analyse de l'homme ou des passions et attractions, celle des 3 mécanismes, civilisé, barbare et sauvage, de leurs caractères permanens, successifs et engrenés; celle des turpitudes civilisées, telles que le commerce mensonger ou concurrence inverse et circulation inverse; il avait oublié aussi la théorie des destinéesfutures et passées , la théorie des causes en mouvement, etc., etc., etc.) Les savans lui ont reproché à juste titre de ne rien dire de neuf, de répéter en d'autres termes ce que cent autres avoient dit avant lui. Je me rangerais dans la catégorie de ces beaux esprits faiseurs de systèmes, si je m'affublais de leurs formes académiques dont souvent l on tire bien peu de fruit. L'auteur cité n'en a recueilli que le compliment assez banal de savoir se faire lire en flattant les puissances académiques. Le ton d'adulation n'est guères familier aux inventeurs; au lieu de la souplesse oratoire, ils ont le caractère de droiture et de fermeté qu'Horace admire dans l'homme juste ; non civium ardor prava jubentium mente quatit solidâ. Mon sujet ne comporte pas le ton adulateur; il s'agit INDUSTRIEL. II.e S. 187 de remontrer les hommes surleur refus de foi en la providence, leur manque d'espérance et d'activité à rechercher le code divin, leur défaut de charité, leur insouciance sur une invention qui doit mettre subitement un terme à l'esclavage, à l'indigence et aux misères de l'humanité. Ici le seul ton convenable est celui de la chaire ; on n'exige pas que les Bossuet, les Bourdaloue encensent un siècle pervers; on les approuve quand ils tonnent contre les fausses doctrines qui nous égarent ; et si je n'ai pas leur éloquence, je n'en dois pas moins adopter leur manière , dédaigner la souplesse banale des charlatans scientifiques, et m'en tenir au ton de franchise et de rondeur qui est le seul convenable à un inventeur étayé de preuves mathématiques et irrécusables. Un écueil où le monde savant ne manquera pas de tomber, c'est la jalousie ; on voit avec dépit, qu'un intrus enlève la plus belle proie ; et le premier mouvement de chacun est de nier, d'étouffer la découverte qu'il ne peut pas s'approprier, de foudroyer le profane inventeur qui, en dépit du monopole de génie, veut s'introduire dans les rangs des privilégiés, méconnaître la loi

« Nul n'aura de l'esprit que nous et nos amis. » Je sais que s'il s'agissait d'invention médiocre, il serait imprudent de violer cette loi

un poète moderne,

Viollet le Duc, a fort bien dit

« S'il vous vient quelque

idée neuve, « Sachez la présenter avec ménagement, « Comme leur propre idée arrangée autrement. » de sorte que pour passe-port de sa découverte , l'auteur doit dire aux monopoleurs de génie : » C'est à vos vastes » lumières que je la dois, c'est dans vos doctes écrits que » j'en ai puisé les élémens; vous aviez créé tous les ma- » tériaux de cette nouvelle science ; je les ai mis en oeu- » vre selon vos sages méthodes ; je ne fais qu'acquitter » ma dette en vous dédiant une invention qui est la vô¬ 188 NOUVEAU MONDE » tre bien plus que la mienne

elle n'est qu'un fleuron » détaché de votre couronne, et que je dois y replacer. » A ces mots le monde philosophique dirait

« voilà un

ouvrage écrit avec sagesse, impartialité, l'auteur sait se faire lire, son ton est décent, son style est fleuri, suave, marchand

AEra melet Sosiis, — dignus intrare in nostro docto corpore. Si je me présentais ainsi l'encensoir à la main, ce se- rait tromper le monde savant ; il vaut mieux, pour son intérêt, lui dire franchement quels seront dans celte affaire ses bénéfices et les miens, assigner à chacun son lot. Le leur sera immense; aux bénéfices pécuniaires indiqués 55, ils pourront joindre une moisson de gloire non moins immense. Je leur livre des mines vierges; ma théorie leur ouvre l'entrée du nouveau monde scientifique, l'accès à vingt sciences que je ne peux pas traiter moi seul, pas même en partie ; je me réserve seu- lement celle de l'attraction passionnée sur laquelle il restera beaucoup à dire après moi

quant aux autres sciences,j'en livre la clé

celle de l'analogie exigera plus de 200,000 articles fort étendus , j'en pourrai à peine donner 200, parce que je ne suis pas versé dans les trois branches de l'histoire naturelle

il m'eût fallu y em- ployer trois ans d'étude exclusive

je ne l'ai pas pu et ne le pourrai pas. Les savans ont donc à se louer, dans cette affaire, de ce que la proie échoit à un homme qui ne peut pas la dévorer, et qui est obligé de leur en laisser la majeure partie, en se réservant seulement l'honneur d'invention. Le sort les a bien servis en me livrant la mine Scientifique : un homme plus instruit que moi, aurait pu tout accaparer pour lui seul. Après cette franche explication , il reste à les prémunir contre leur penchant à la détraction et la jalousie, dont ils seraient dupes dans cette conjoncture : je vais faire parler des hommes plus en crédit que moi, qui leur reprochent d'être aveugles par l'orgueil et la peri¬ INDUSTRIEL. II.e S. 189 tesse. Condillac leur dit

«

des sciences neuves qui se- » raient traitées avec une grande netteté, une grande » précision, ne seraient pas à la portée de toutlemonde ; » ceux qui n'auraient rien lu les entendraientmieux que » ceux qui ont fait de grandes études, et surtout que » ceux qui ont beaucoup écrit. » Voilà pour l'orgueil et la jalousie qui les aveuglent au point de prétendre que le science de l'attraction passionnée traitée, avec une grande netteté, une grande précision, n'est pas intelligible. J'ai vu des demoiselles de 15 ans comprendre à merveille le mécanisme des Séries passionnées, expliqué par les 3 causes et les 3 effets, selon les chap. V et VI ; et des savans exercés prétendront que cela est obscur; c'est qu'ils ne veulent pas comprendre. Si j'étais mort et qu'on put exercer le plagiat sans obstacle, ils sauraient trop bien comprendre et travestir ma théorie, essayer de se l'approprier EN PARTIE, car personne ne pourra tenter de la piller en totalité. Maprise de possession est trop bien constatée par les insultes des contemporains , déclarant qu'il ne peut pas exister de découverte en théorie d'attraction : pourquoi n'ont-ils pas opposé à Newton, cette savante décision ? que nefaisaientils excommunier Newton comme on excommunia Chr. Colomb, que la cour de Rome se hâta d'absoudre quand elle fut mieux avisée ; ainsi feront les antagonistes de la théoriesociétaire, ils ne tarderont guères à démentirleurs actes de vandalisme. Condillac cité plus haut a signalé l'orgueil qui les irrite contre les sciences neuves; un autre va signaler leur petitesse ; je transcris ses expressions, sur l'outrage fait à un homme célèbre par les Zoïles de son temps. « Bacon dont le génie prophétique se fit contempo- » rain du 18.e siècle, Bacon qui avait ouvert dans ses » écrits un trésor inépuisable de vérités, eut le tort de » prendre unvol trop élevé ; et de planera une si grande » hauteur surles hommes et les idées de son temps, qu'il » n'exerça sur eux aucun influence. » Jouy. 190 NOUVEAU MONDE Même chose a lieu aujourd'hui

ma doctrine, comme celle de Bacon, n'est point trop élevée, mais notre siècle

est, comme celui de Bacon, trop petit pour y atteindre, sauf quelques personnages d'exception qu'il s'agira de rencontrer; pauci sed boni. Je ne recherche que ces hommes qui, tels que Bacon et Condillac donnent à leur siècle le sage conseil de refaire l'entendement humaine d'oublier tout ce qu'on a appris des sciences philosophiques plus obscurantes encore qu'au temps où Jésus-Christ leur reprochait leur obscurantisme en disant: « malheur » à vous scribes et pharisiens qui vous êtes saisis de la » clé de la science, et qui n'y étant point entrés vous- » mêmes, l'avez encore fermée à ceux qui voulaient y » entrer.» ( St.-Luc, chap. XI.) Les scribes de nos jours sont encore ce qu'ils étaient au temps de J.- C. Newton leur a donné la clé de la science, en attraction ; ils l'ont saisie, et n'ayant pas su y entrer, s'avancer plus loin que Newton , étudier les branches que ce géomètre n'avait pas traitées, ils veulent aujourd hui en dérober la connaissance, et diffamer l'inventeurqui a apporté au monde la suite du calcul Newtonien , la théorie de l'attraction passionnée et de lunité sociétaire ; science à défaut de laquelle toutes les autres ne sont qu'un opprobre pour la raison

car que nous

servent ces trophées scientifiques tant que la multitude privée du nécessaire est au-dessous du sort des animaux sauvages, qui vivent heureux dans la liberté et l'insouciance. » On convient de cela, disent les critiques, mais il eût » fallu dans votre théorie ménager les sciences révérées, » comme la tendre morale, douce et pure amie du com- » merce. » Eh ! c'est par son alliance avec le commerce et le mensonge qu'elle est devenue méprisable; elle a apostasié à ses derniers niomens ; elle était excusable dans ses erreurs, quand elle prêchait le mépris des richesses, en se fondant sur ce qu'il est presque impossible de les gagner en civilisation par la voie de la justice ; elle a per¬ INDUSTRIEL. II.e S. 191 du ses droits à l'estime en transigeant avec l'esprit mercantile

si elle l'eût attaqué par une recherche du régime véridique, elle se serait ouvert une belle issue de civilisation, une brillante carrière de progrès social; elle a cédé lâchement au vice heureux, elle a embrassé le cul te du veau d'or, comment peut-elle prétendre à la considération ? J'avoue que tant qu'on a ignoré la théorie de l'attracction ou développement harmonique des passions, on a dù s'en tenir à la méthode répressive dite morale ; mais elle devient dès ce moment inutile, et on ne lui doit pas de capitulation honorable, parce qu'elle a repoussé la lumière , la théorie sociétaire qui seule peut garantir une récompense à la vertu, et parce qu'elle a de tout temps manqué à ses devoirs, tels que l'analyse franche de la civilisation et de ses caractères(section 6.e), et la recherche du mode commercial véridique. Elle n a spéculé que sur la vente de systèmes que chaque année voit éclore au nombre d'une quarantaine, pour le bien du commerce de morale. Nous n'avons eu cette année que 17 traités de morale, disait un journal de 1803, qui s'appitoyait sur la modicité de cette récolte. Il ne parlait que de la France : en y ajoutant les autres états qui font le commerce de morale ou la fabrique de morale, très-active en Angleterre, Allemagne, Italie, les traités doivent s'élever au moins à unequarantaine par an, même dans les temps de disette: et comme tous ces traités sont contradictoires, chacun renversant celui de la veille, il faut changer de conduite et de moeurs au moins quarante fois par an pour être docile aux leçons de la morale douce et pure ; il faut avoir en outre beaucoup d'argent pour acheter ses innombrables controverses, beaucoup de temps et de patience pour les lire, et beaucoup d'intelligence pour les comprendre, car leurs auteurs ne se comprennent pas eux-mêmes. Nous expliqueront-ils commenton peut être à la fois amidu commerce et ennemi des richesses perfides! ce sont là 192 NOUVEAU MONDE deux dogmes de morale, aussi judicieux, aussi homogènes que tous les autres. En est-il un qui ne soit regardé en pitié par ses auteurs mêmes? Sénèque tout en nous prêchant de renoncer aux richesses, dès aujourd'hui, sans attendre à demain, et d'embrasser sans délai la philosophie, accumulait une fortune de cent millions de francs. Ainsi la morale n'a jamais été qu'une jonglerie oratoire et un masque d'ambition. Tout hypocrite qui médite quelque fraude s'affuble soigneusement de moralité. On répond qu'ellen'est pas moins bonne en elle-même quoiqu'elle serve de manteau à l'hypocrisie : non ; elle est vicieuse, et par double raison ; l'une est qu'elle conduit à sa perte celui qui essaie de pratiquer exactement ses doctrines, tandisqu'elle conduit à la fortune celui qui la prend pour masque et non pour guide ; l'autre est que ses dogmes sont contradictoires et la plupart impraticables, comme celui qui ordonne d'aimer et soutenir l'auguste vérité : qu'un homme aille dans un salon y dire l'auguste vérité sur le compte des personnes réunies, dévoiler les grivelages de tel financier présent, les galanteries de telle dame présente, enfin la conduite secrète de tous les assistans, il sera honni de toutes voix : qu'il s'avise de publier la vérité, toute la vérité sur le gaspillage des deniers publics, et compromettre de hauts personnages, il verra où conduit la pratique de l'auguste vérité. Tous les dogmes de la morale sont également impraticables. ailleurs n'est-il pas avéré qu'elle a constamment produit des effets opposés à ses promesses, et que plus une nation enfante de traités de morale, plus elle s'engouffre dans la dépravation? voilà donc une science trompeuse par le fait comme par les doctrines toutes contradictoires. Elle a mal fini, elle s'est prostituée sur ses vieux jours, en s'alliant à l'esprit mercantile, source de tous les vices

la religion ne s'est pas souillée de cette infamie. INDUSTRIEL. II.e S. 193 Mais pourquoi cette boutade contre la tendre morale ? C'est que les hypocrites s'étayent de la morale pour dénigrer la théorie de l'attraction. Ils sont jaloux de voir naître une science qui va donner les biens que pro- mettait l'astucieuse morale, établir le règne de la vérité, de la justice et des bonnes moeurs, conduire à la fortune ceux qui les pratiqueront, et conduire à la ruine et au déshonneur ceux qui essaieront de pratiquer la fausseté. Quelques-uns de ces détracteurs veulent aussi s'affubler d'esprit religieux , prétendre que la théorie de l'attraction n'est pas en pleine harmonie avec la religion ; ce n'est pas moi qui répondrai à ces tartufes, c'est l'Evangile ; c'est la parole de Jésus-Christ qui les confondra. Je traiterai ce sujet dans un article spécial. C'est parce que ma théorie marche en tout point dans le sens de la religion, qu'elle doit discorder avec ces scribes et pharisiens modernes, ces moralistes insidieux, ces saltimbanques de vertu que Jésus-Christ démasquait si bien, et qu'il maudissait comme obscurans, comme so- phistes vandales, feignant de chercher la lumière, et ligués pour l'étouffer à son apparition. Ils sont encore aujourd hui ce qu'ils étaient au temps de Jésus-Christ ; manqueraient-ils à diffamerle chef-d'oeuvrede la sagesse divine, le code d'unité sociétaire et d'harmonie des pas- sions appliquées à l'industrie ? Si les moralistes sont de bonne foi, et tiennent à pa- raître tels, que n'acceptent-ils un défi, un essai, afin que l'expérience prononce entre leur science et la mienne ? S'ils augurent bien de leur méthode et mal de la mienne, ils doivent souhaiter qu'une épreuve me confonde au- thentiquement, ce sera pour eux un triomphe éclatant; mon but est le même que celui où ils feignent de tendre, c est d'établir le règne de la vérité, de la justice et des vertus réelles ; on verra bien vite laquelle des deux mé- thodes arrive au but. Si la mienne est juste, elle doit décider le procès en six semaines de plein exercice ; la leur a eu non pas six 13 194 NOUVEAU MONDE semaines, mais trente siècles d'exercice en de nombreux empires; il n'en est résulté que le progrès du mal ; en outre ils ont fait obtenir au moins vingt épreuves à la fausse méthode sociétaire , celle de Rob Owen

à force de la prôner dans les journaux, ils ont procuré à son auteur des souscriptions pour une grande quantité d'établissemens , qui ont avorté comme on le sait, puisqu'aucun propriétaire d'esclaves ne l'a adoptée pour les nègres, aucune horde ne s'y est soumise. Ils se sont donc abusés en systèmes d'association, comme en systèmes de morcellement industriel

leurs moyens sont évidemment illusoires, c'est une présomption favorable pour une théorie opposée aux leurs, et opérant en quelques semaines. S'ils n'acceptent pas le défi ce sera faire preuve d'insigne mauvaise foi, et d'insouciance complète pour le véritable progrès social. Avertissons-les sur la fausse position où ils se placent. Un incident les réduira tous à une palinodie subite

dès qu'un écrivain notable et désireuxde jouer un grand rôle, se prononcera dubitativement pour l'examen et l'essai, les Zoïles compromis, opineront à se rétracter en toute hâte, sans attendre l'épreuve qui les couvrirait de ridicule. Ceux de Colomb furent confondus, lorsque le confesseur d'Isabelle, plus judicieux que les savans, opina à l'examen

aussitôt la débacle des détracteursfut complète. Ici le rôle dubitatif est bien plus sûr pourun écrivain ; car avec Colomb il restait deux risques, naufrage en mers inconnues, et danger de fausse route, de recherche infructueuse

mais en essai de l'attraction industrielle,on aura , au lieu de risque, une garantie de bénéfice énorme danstous les cas. En proposant cette épreuve, un écrivain appuyé du précepte de Descartes, DOUTE et EXPÉRIENCE, obtiendra le plus brillant succès. Il sera en politique ce que fut St.-Augustin en religion ; il renversera les faux dieux scientifiques, le caduc édifice de la philosophie ; il sera l'apôtre de la métamorphose sociale

je reviendrai sur la haute fortune que ce rôle vaudra à l'orateur. 195 SECTION TROISIEME. ÉDUCATION HARMONIENNE. CINQUIEME NOTICE. ÉDUCATION DE LA BASSE ENFANCE. CHAP. XVII. Contrariété de l'éducation civilisée avec la nature et le bon sens. EN passant des principes à l'application, je dois rappe- ler que la difficulté apparenteen théorie sociétaire, c'est d'établir une répartition satisfaisante pour les 3 facultés industrielles de chacun, CAPITAL, TRAVAIL et TALENT. L'ordre civilisé ne sait répartir équitablement que sur le capital, en raison des versemens; c'est un problème d'arithmétique et non de génie ; le noeud gordien du mécanisme sociétaire, est l'art de satisfaire chacun sur le tra- vail et le talent. C'est là l'obstacle qui a épouvanté tous les siècles et empêché les recherches. Pour escobarder ce double problème de répartition , la secte Owen met en jeu la communauté des biens, l'abandon à la masse, de tout profit autre que celui du revenu des actions. C'est avouer qu'elle n'ose pas même envisager le problème d'association. On ne peut atteindre à cette répartition équilibrée qu en étendant aux 3 sexes l'harmonie des passions. Les enfans considérés chez nous comme nuls en mécanique sociale, sont la cheville ouvrière de l'harmonie sociétaire et de l'attraction industrielle ; il faudra donc examiner d'abord les ressorts que l'attraction met enjeu chez le sexe neutre ou impubère , qui étant privé de deux passions , 13. 196 NOUVEAU MONDE amour et paternité, n'a pas autant de ressources que l'âge pubère pour la formation des Séries passionnées. La méthode une fois étudiée sur les enfanssera d'autant plus facile à appliquer aux 2 autres sexes qui présentent plus de moyens, plus de passions. C'est donc par l'éducation qu'il faut commencer, d'autant mieux qu'elle sera la branche de mécanisme qu'on devra organiser la pre- mière, parce que les enfans n'étant que peu faussés par le préjugé et les défiances, seront plus dociles à l'attraction que les pères ; ils s'ylivreront en plein dès la I.re semaine, et manifesteront bien vite l'excellence du régime des Séries passionnées. L'éducation sociétaire a pour but d'opérer le plein développement des facultés matérielles et intellectuelles, les appliquer toutes,même les plaisirs, à l'industrie productive. L'éducation civilisée suit une marche opposée, elle comprime et dénature les facultés de l'enfant; le peu d'essor qu'elle leur laisse ne tend qu'à l'éloigner de l'industrie, la lui rendre odieuse, l'exciter à la destruction. Elle dirige donc le jeune âge à contre-sens de la nature ; carie 1 .er but de la nature ouattraction est le LUXE (57)

il ne peut naître que de l'industrie partout odieuse à l'enfant,quoique les produits industriels, gimblettes, panaches, friandises, aient un vif attrait pour lui. Il est donc en développement faussé, en guerre contre luimême. Nos soi-disant observateurs de l'homme ne s' aperçoivent pas de ces contre-sens de mécanisme

analysons les avec distinction de luxe interne et externe ( 57 ). LUXE INTERNE , vigueurcorporelleetraffinementdessens. L'éducation civilisée est contraire à la santé, elle affaiblit l'enfant en raison des frais d'éducation. Cent enfans de dix ans, pris au hasard dans la classe opulente qui leur donne des gardes et médecins, et de bons comestibles, seront bien moins robustes que cent enfans de village à demi-nus, exposés aux intempéries, nourris de pain noir et dépourvus de médecins

ainsi l'éducation INDUSTRIEL. III.eS. 197 civilisée éloigne l'homme de la santé ou luxe interne, en raison des efforts qu'elle fait pour l'y conduire. Elle l'éloigne aussi du raffinement des sens qui, grossiers naturellement chez l'enfant villageois, sont grossiers spéculativement chez l'enfant opulent. Les pères et précepteurs entravent chez lui les penchans à la parure et surtout au raffinement gastronomique, principalressort de l'éducation naturelle ou harmonienne. D'autre part les civilisés, même au village, sont moins robustes que les sauvages qui n'ont aucun système d'éducation philosophique. ( Je parle des contrées où le voisinage des civilisés n'a pas abatardi les hordes, par les vexations, les liqueurs fortes, les maladies, etc.) Cependant, parmi les civilisés, on voit souvent des exemples de longévité qui attestent que l'homme pourra fournir une très-longue carrière, lorsqu'il sera secondé par l'éducation naturelle et l'industrie attrayante. Il atteindra communément au terme des ultra-centenaires , tels que la famille Rovin, en Hongrie, dont les moins robustes ont vécu 142 ans, et quelques-uns 170 ans, longévité qui s'est étendueaux femmescomme aux hommes. Récemment en France un chirurgien nommé TIMAN, à Vaudemont en Lorraine (octobre 1825), est mort à l'âge de 140 ans, avec des circonstances qui promettaient 180 ans. « La veille de sa mort, disent les rapports, il » avait fait avecbeaucoup d'habiletéet d'une main ferme, » l'opération du cancer à une femme âgée. Jamais il » n'avait été saigné ni purgé, ni médicamenté, n'ayant » jamais été malade, quoiqu'il n'ait jamais passé aucun » jour de sa vie sans s'enivrer à soupé, repas qu'il n'a » jamais manqué de faire. » On voit que sa mort prématurée fut l'effet de quelque impression nuisible que lui causa l'opération de la veille. Tel est le genre de santé qu'on obtiendracommunémentde l'éducation sociétaire. La nôtre, qui nous éloigne de la santé ou luxe interne, opère de même à contre sens quant au luxe externe ou richesse. Je viens de l'observer au sujet de la manie des¬ 198NOUVEAU MONDE tructive des enfans, et de leur aversion pour l'industrie utile. Mais de toutes les preuves, la plus frappante est celle déjà donnée dans la préface, l'absorption des voca- tions. J'ai cité à ce sujet (48) le charretier devenu habile fondeur par effet du hasard, par initiation fortuite. Cet événementest la condamnation de tous les sytèmes d'éducation civilisée

ils ne donnent aucun moyen de discerner et faire éclore dès le bas âge les vocations industrielles , au nombre de vingt et trente, et non pas une seule : aucontraire, ils travestissent tousles caractères. Sénèque et Burrhus ont formé Néron, qui eût été en harmonie un tres-beau caractère ; Condillac, avec ses subtilitésmétaphysiques, ne sut produire qu'un imbécille ; J -.J.Rousseau n osa pas élever ses enfans; Diderot et tant d'autres n ont pas mieux brillé en ce genre. Au reste , la civilisation sent fort bien qu'elle est tout-à-fait hors de nature en éducation ; c'est à peu près le seul point sur lequel elle soit assez modeste pour avouer qu'il lui reste beaucoup à inventer., Je supprime plusieurs pages de détails très-importans sur cette contrariété de l'éducation civilisée avec la NATURE. Il resterait à examiner sa contrariété avec le BON SENS, par confusion de méthodes et duplicité d'action. Indépendamment des variantes de système en institution publique, on entremet encore, soit dans le domestique, soit dans le monde, une douzaine de méthodes hétérogènes,donnant à l'enfant autant d'impulsions con- tradictoires, lesquelles, à l'âge de puberté, sont absorbées par une nouvelle éducation, dite l'esprit du monde ; c'est encore un des chapitres à omettre pour abréger. J'ai décrit quatre de ces méthodes, II, 284 ; il en est un bien plus grand nombre

j'en compte jusqu'à seize, données par les pères, les précepteurs, (les voisins, les parens, les camarades, les valets, etc. Je me borne à en citer une. La MONDAINE, ou absorbante, qui broche sur toutes les autres : elle en élimine ou modifie tout ce qui n'est INDUSTRIEL. III.e S. 199 pas à sa convenance. Lorsque l'enfant, à 16 ans, lait son entrée dans le monde, on lui enseigne a se moquer des dogmes qui intimident et contiennent le bas âge, a se conformeraux moeurs de la classe galante ? se rire comme elle des doctrines morales ennemies du plaisir, se rire bientôt après des principes de probité, lorsqu'il passera des amourettes aux affaires d'ambition. Quelle absurdité à nos sciences de façonner les enfans a un système d'opinions et de préceptes qui seront dédaignés et même conspués dès l'entrée en âge pubère ; car on ne verra pas un jeune homme de vingt ans qui, trouvant une heureuse occasion d'adultère, veuille, comme le chaste Joseph , résister à la belle Zaluca, pour obéir a la morale et aux saines doctrines. Un tel jeune homme, s il s'en trouvait un, serait la fable du public et des moralistes mêmes. Le monde âgé se moquerait mieux encore d'un financier qui, malgré l'assurance d'impunité, ne grivelerait pas une obole. Il serait de toutes voix titré « d'imbécille, de visionnaire, qui ne sait pas que lors- » qu'on est au ratelier, c'est pour manger. » Dans quelle faussepositionse placent nos sciences , avec ces doctrines de civilisation perfectible, qui ne sont parfaites qu'en impraticabilité ou en sottise : telle est parmi les 16 éducations divergentes, l'héréditaire,tendancedu père à inoculer aux enfanstous ses défauts. Un procureur, un marchand , donnent pour modèle à leurs enfans le plusrusé ; un père juifvante le plusrampant; unbuveuradmire celui qui boit bien dès le bas âge ; un joueurl esfaçonne à aimerle jeu; puis la morale nous conte que l'instituteur naturel est le père ! Passons à l'éducation naturelle ou harmonienne,bien exempte de ces contradictions.Je la diviserai en 4 phases et un prélude ou dégrossissement appliqué au bas âge. Prélude, en âge brut, ou prime enfance, 0 à 2 ans. 1.re Phase, éduc. antér. en basse enfance, 2 à 4 1/2. 2.e — Educat. citer, en moyenne enfance, 4 1/2 à 9. 3.e — Educat. ultér. en haute enfance, 9 à 15 1/2. 4.e — Educat. post. en mixte enfance , 15 1/2 a 20. NOUVEAU MONDE CHAP. XVIII. Educationpréparatoire, âge brut ou prime enfance. Rappelons ici le grand problème que doit résoudre l' éducation sociétaire, c'est d'employer les caractères de Néron , Tibère, Louis XI, aussi utilement que ceux de Titus, Marc-Aurèle, Henri IV. Pour atteindre ce but, il faut, dès le berceau, développer franchement le naturel que l'éducation familiale tend à étouffer et travestirmême chez l'enfant au berceau. Le régime civilisé ne donne à cet âge que des soins purement matériels

il n'en est pas ainsi de léducation sociétaire qui, dès l'âge de six mois, opère très-activement sur les facultés intellectuelles, comme sur les ma- térielles, faussées chez nous dès le plus bas âge. La phalange d'essai opérant sur des enfans déjà viciés par léducation civilisée, ne pourra que difficilement essayer les dispositions d'harmonie sur les âges de 9 à 20 ans, mais on pourra opérer avec succès sur les âges de 2 à 9, et encore mieux sur l'âge brut, 0 à 2 ans. (Nota. Je renvoie plus loin divers principes qu'il faudrait poser ici surl' unité et l'intégralité de l'éducation

cette didactique ennuierait le lecteur.) Observons d'abord que l'entretien des âges extrêmes petits , enfans jusqu'à trois ans, et patriarches ou infirmes, étant considéré en association comme oeuvre de charitéobligée pour le corps sociétaire, la phalangedonne gratuitement tous les soins à l'enfant jusqu'à trois ans; c est le canton entier qui supporte les frais des séristères de nourrissons, poupons et lutins. (Je n'y ajoute pas les bambins, âge 3 a 4 1/2, qui gagnent déjà leur entretien.) Quant aux séries de bonnes et bonnins, elles sont rétribuées comme toutes les autres, par un dividende sur le produit général. La boussole a suivre dans les détails de l'éducation so- ciétaire est la même que dans tout le mécanisme

il s'a¬ INDUSTRIEL. III.e S. 201 git toujours de former les séries, soit de fonctionnaires, soit de fonctions; il faudra donc former la série des bonnes, la série des salles et la série des enfans, toutes trois distinguées en genres et espèces. La brute enfance comprend les catégories de nourrissons ou allaités, et poupons ou sevrés. Toutes deux sont subdivisées, sans distinction de sexe, en série trinaire ; savoir

Nourrissons et poupons : Les pacifiques ou bénins, Les rétifs ou malins, Les désolans ou diablotins, Pour loger ces deux collections de marmots, il laut deux séristères, chacun de trois salles au moins, avec des pièces accessoires , comme dortoirs séparés des salles bruyantes, pièces affectées aux fonctions des bonnes et nourrices, et des médecins qui visitent chaque jour les enfans, sans distinction de riches ni de pauvres. Observons à ce sujet que la médecine harmonienne spécule, comme toute autre fonction, à contre-sens de nos calculs d'égoïsme civilisé 1. 1 Médecine harmonique. En civilisation le médecin gagne en proportion du nombre de malades qu'il a traités , il lui convient donc que les maladies soient nombreuses et longues , principalement dans la classe riche. Le contraire a lieu en harmonie , les médecins y sont rétribués par un dividende sur le produit général de la phalange. Ce dividende est conditionnel pour le taux, il s'accroît de I, 2, 3, 4, 5, 6 dix-millièmes, ou décroît d'autant, en raison de la santé collective et comparative de la phalange entière. Moins elle aura eu de malades et morts dans le cours de l'année, plus le dividende alloué aux médecins sera fort. On estime leurs services par les résultats , et comparativement aux statistiques sanitaires des phalanges voisines jouissant de pareils climats. L'intérêt des médecins harmoniens est le même que celui des assureurssurla vie

ils sont intéressés à prévenir et non à traiter le mal ; aussi veillent-ils activement à ce que rien ne compromette la santé d'aucune classe, que la phalange ait de beaux 202 NOUVEAU MONDE Dans une grande phalange, les fonctions des bonnes et sous-bonnes ou adjointes, n'occupent guère que le vingtième ou vingt-quatrième du nombre immense de femmes que la civilisation absorbe à ce service ; et pourtant l'enfant le plus pauvre y est beaucoup mieux soigné que ne peut l'être en civilisation l'enfant d'un monarque ; expliquons ce mécanisme. La série des bonnes et sous-bonnes comprend à peu près un quart des femmes actives, et ne les occupe que le sixième du temps qu'on donne au soin des enfans civilisés, ce qui réduit le service au vingt-quatrième du temps actuel

examinons. On emploie chaque jour, pour les six salles des deux séristères de nourrissons et poupons, 18 bonnes en six séances, relayées de deux en deux heures. 6 officières, pour inspection et direction. Total

bonnes de garde chaque jour, avec pareil nombre de sous-bonnes , qui la plupart sont de petites filles de 7 à 9 ans. On en trouve de très-zélées à cet âge pour le service des petits enfans. Le total du poste qui soigne les marmots est donc d'environ quarante-huit femmes Ou petites filles. Et comme on ne fonctionne à ce service qu'un jour sur trois, la série des bonnes et sous-bonnes doit être de cent quarante-quatre, fournissant chaque jour un vieillards, des enfans bien robustes, et que la mortalité s'y réduise au minimum. Les dentistes spéculent de même sur les rateliers, moins ils opèrent plus ils gagnent; aussi surveillent-ils assidûment les dents des enfans comme des pères. Bref, l'intérêt de ces fonctionnaires est que chacun ait bon appétit, bon estomac, bon râtelier ; s'ils étaient comme les nôtres , dans le cas de spéculer sur les maladies individuelles, il y aurait dans leur industrie duplicité d'action, contrariété de l'intérêt individuel avec le collectif, comme dans le mécainisme civilisé qui (41) est une guerre universelle des individus contre les masses . et nos sciences politiques osent parler d'unité d'action ! INDUSTRIEL. III.e S. 203 tiers. Ajoutons six officières supérieures ; total

cent

cinquante femmes pour la série des bonnes et sousbonnes. C'est le quart de ce qu'en emploie la civilisation

car un bourg de dix-huit cents personnes contient neuf cents femmes, dontsix cents entremisesau soin des enfans. Les bonnes,réduites au quart en harmonie, ne fontque le sixième du service desfemmesactuelles , car on n'est de garde au séristère qu'un jour sur trois, et pendant cette journée on ne fait que huit heures de faction sur vingtquatre ; les bonnes civilisées en font seize heures, et souvent plus à la ville. Le soin des enfans est donc réduit au vingt-quatrième du temps et des bras qu'il emploie en civilisation ; 1/4 de réduction sur le nombre, 1/3 » sur les jours de service, 1/2 »surles heures de faction. Ces trois nombres multipliés donnent 1/24. On peut répliquer que le calcul est exagéré, en ce que les femmes de village ne donnent pas seize heures par jour aux enfans ; elles vont aux champs, il est vrai ; mais souvent elles donnent à l'enfant une partie de la nuit

mère et fille le veillent s'il est indisposé, et ses cris troublent encore le sommeil du père. C'est perte réelle pour un paysan qui a besoin de repos. Au surplus, pour compenser au juste, réduisons l'ensembledes trois économies à un douzième au lieu d'un vingt-quatrième; mon usage étant de réduire toujours à moitié de l'estimation régulière. Je passe au parallèle des deux méthodes. Une bonne n'est pas tenue de stationner vingt-quatre heures au séristère, comme un soldat de garde, ou comme les bonnes de la classe riche

il suffit qu'elle arrive aux heures de faction. Ce service deviendrait fastidieux s'il avait lieu tous les jours : une bonne peut, pendant les deux jours de vacance, ne pas se mêler du soin des enfans; il ne varie pas malgré les changemens de bonnes, car leur série est 204 NOUVEAU MONDE divisée en groupes cabalistiques, exerçant chacun sur tel système, à la pratique duquel on n'admet que les adeptes passionnées pour ladite méthode. Une bonne peut, pour voyage ou autre cause, se faire suppléer par une collègue. Le service de nuit ne la fatigue point, car il y a dans les cabinets du séristère, des lits pour les bonnes qui veulent y passer une portion de nuit, comprise entre deux factions, comme de minuit à quatre heures. Une bonne, en civilisation, est grondée, querellée par ceux qui la paient pour cet esclavage perpétuel

en harmonie, elle est complimentée sans cesse par les mères

qui viennent au séristère allaiter ou voir l'enfant, admirer la bonne tenue des nattes et berceaux. La série des bonnes et sous-bonnes reçoit non-seulement un fort dividende, mais de grands honneurs; elles sont considérées comme mères communes, et tiennent un rang distingué dans les festivités. Leur fonction procure beaucoup d'avancement, car elle exige beaucoup d'officières, au moins un tiers sur le tout. Il faut la réunion de toutes ces amorces et facilités d'exercice, pour qu'on parvienne à former une série bien passionnée et bien intriguée, sur un travail si peu attrayant par luimême. Ces bonnes sont très-précieuses pour les mères harmoniennes qui ne peuvent pas, comme les nôtres, vaquer au soin de leurs enfans. Une mère, dans l'état sociétaire, fréquente une quarantaine de groupes industriels, dont elle épouse chaudement les intrigues; elle est déjà fort ennuyée que la corvée des couches l'ait distraite, pendant un mois, de toutes ces réunions cabalistiques; en conséquence, dès le jour des relevailles, elle sera fort empressée de revoir tous ces groupes; elle ne sera pas inquiète de l'enfant, assurée qu'il est soigné au mieux dans le séristère des nourrissons, où veillent nuit et jour des bonnes expertes, disposées par la nature pour ce service. INDUSTRIEL. III.e S. 205 J'ai dit (201) que les nourrissons et poupons sont distribués en six salles distinctes pour les pacifiques, les rétifs et les diablotins; afin que les hurleurs ou diablotins ne puissent incommoderni les pacifiques, ni même les rétifs déjà traitables. Parmi ces six corvées, les bonnes ayant l'option, choisissent le poste où l'attraction les appelle, et sont stimulées par rivalité avec des phalanges voisines, qui peuvent différer en méthode. Elles ont aussi entr'elles des systèmes différens, qu'on applique à divers groupes d'enfans; c'est un sujet d'intrigue pour les pères et mères, dont chacun se passionne pour la méthode de tel groupe de bonnes. Obligées de soutenir leur renommée, elles éprouvent les enfans dans une salle préparatoire avant de les classer et les admettre aux salles des nattes. La civilisation, toujours simpliste, ou simple dans ses méthodes, ne connaît que le berceau pour asile du nourrisson ; l'harmonie, qui opère partout en ordre composé, donne à l'enfant deux situations; elle le fait alterner du berceau à la natte élastique. Les nattes sont placées à hauteur d'appui, leurs supports forment des cavités où chaque enfant peut se caser sans gêner ses voisins. Des filets de corde ou de soie, placés de distance en distance, contiennent l'enfant sans le priver de se mouvoir, ni de voir autour de lui, et d'approcher l'enfant voisin, dont il est séparé par un filet. La salle est chauffée au degré convenable pour tenir l'enfant en vêtement léger, et éviter l'embarras de langes et de fourrures. Les berceaux sont mus par mécanique

on peut agiter en vibration vingt berceaux à la fois. Un seul enfant fera ce service, qui occuperait chez nous vingt femmes. Les nourrices ( 180 ) forment une série distincte et doivent être classées par tempérament, afin qu'on puisse les assortir aux enfans , surtout dans les cas de changement de lait. Le nourrissage indirect est fort usité en harmonie, parce qu'il est très-lucratif et peu fati¬ 206 NOUVEAU MONDE gant, et parce que les harmoniens plus judicieux que J.-.T. Rousseau, penseront que lorsque la mère est d'une complexion délicate, il est très-prudent de donnera l'enfant une nourrice robuste ; c'est le greffer, le renforcer, la natureveut ces croisemens; si on accole un enfant faible à une mère faible, c'est les exténuertous deux pour l'honneur d'une rêveriemorale. Au reste on s'appliquera beaucoup à perfectionner le régime d'allaitement artificiel, et l'employer concurremment avec le naturel, ou isolément. Dansl'état sociétaire, une mère, quelque opulente qu'elle soit, ne peut jamais songer à élever son enfant chez elle isolément ; il n'y recevrait pas le quart dessoins qu'il trouve au séristère des pouparts ou nourrissons; et avec toutes les dépenses imaginables, on ne pourraitpas y réunir une corporation de Bonnes passionnées, intelligentes, se relayant sans cesse, en trois caractères assortis à ceux des enfants. Une princesse, malgré tous ses frais, n'aurait pas des salles si habilement soignées, des nattes élastiques, avec voisinage d'enfans qui se servent réciproquement de distraction, et sont assortis en caractères.C'est principalement dans cette éducation de prime enfance qu'on reconnaîtra combien le plus riche potentat civilisé est au-dessous des moyens que l'harmonie prodigue aux plus pauvres pères et enfans. Loin de là tout est disposé en civilisation, de manière que le nourrisson fait le tourment d'une maison organisée pour le tourmenter lui-même. L'enfant, sans le savoir, désire les dispositions qu'il trouverait dans un séristère d'harmonie

à défaut de quoi il désole par ses cris, parens, valets et voisins, tout en nuisant à sa propre santé. Ceci nous conduit à parler des germes d'éducation intellectuelle que les potentats mêmes ne pourraient dans aucun cas faire donner à leurs enfans de I et 2 ans. Ils font, pour y parvenir, une dépense énorme, sans autre fruit que de travestir le caractère de leur enfant, fausser ses facultés et nuire à sa santé. INDUSTRIEL. III.e S. 207 Pour expliquer cette duperie, je m'appuie d'un principe qui ne sera pas contesté , c'est que « les deux âges » extrêmes, âges de transition, doivent être préservés de » passions vives et ramenés au calme, parce que leurs » organes, leurs sens n'ont plus ou n'ont pas encore la » force de se prêter aux émotions violentes qui leur se- » raient nuisibles et souvent mortelles; mais ils peuvent » comporter les émotions douces; elles sont donc bonnes » à employer dans l éducation des enfans de 0 à 2 ans. » Indiquons cet emploi par quelque exemple de culture des sens appliquée à la masse des enfans. A l'âge de 6 mois où nous ne songeons pas à donner aux marmots le moindre enseignement, on prendra de nombreuses précautions pour former et raffiner leurs sens, les façonner à la dextérité, prévenir l'emploi exclusif d'une main et d'un bras qui condamne l'autre bras à une maladresse perpétuelle ; habituer dès le berceau l'enfant à la justesse d'oreille en faisant chanter des trios et quatuors dans les salles de nourrissons, et promenant les poupons d'un an au bruit d'une petite fanfare à toutes parties. On aura de même des méthodes pour joindre le raffinement auditifau raffinementmusical,donneraux enfans la finesse d'ouie des rhinocéros et des cosaques, exercer de même les autressens. Il est, sur chacun des 5 sens , quantité de perfectionnemens auxquels on façonnera l'enfant harmonien. Les bonnes auront surla cul ture du matériel divers systèmes en rivalité.Delà vient que l'enfantsociétaire sera, à 3 ans, plus intelligent, plus apte à l'industrie, que ne le sont à 10 ans beaucoup d'enfans civilisés qui n'ont à cet âge que de l'antipathie pour l'industrie et les arts. L'éducation civilisée ne fait éclore chez l'enfant au berceau que des manies anti-sociales

chacun s'exerce à lui fausser les sens, en attendant l'âge où on lui faussera l'esprit. Si c'est en France, les parens et valets lui chantent à l'envi des airs faux et sans mesure : partout on lui ôte l'usage des doigts de pied et on l'habitue à se fausser un bras. 208 NOUVEAU MONDE On croit en civilisation que les doigts de pied sont inutiles : les harmoniens s'en serviront comme des doigts de main

par exemple une orgue harmonienne aura des claviers pour les doigts de pied ; et l'organiste enfourché sur

une selle, travaillera des doigts de pied presqu'autant que de ceux de main. Il fera du talon le service des pédales que nous faisons du pied. Le rôle de bonne exigera donc de nombreux talens, et ne se bornera pas comme en France à chanter faux et faire peur du loup. Les bonnes s'exerceront surtout à prévenirles cris des enfans; le calme leur est nécessaire, et ce sera sur l'art de le maintenir que s'exerceront les prétentions cabalistiques et émulatives. Le vacarme des petits enfans si désolans aujourd'hui, se réduira à peu de chose ; ils seront très-radoucis dans les séristères, et il en est une raison bien connue, c'est que les caractères querelleurs s'humanisent avec leurs semblables

ne voyons-nous pas chaque jour, les férailleurs et pourfendeurs devenir fort doux, et renoncer à

l'humeur massacrante quand ils se trouvent en compagnie de leurs égaux? Il en sera de même des marmots élevés dans un séristère d'harmonie et distribués en plusieurs salles de caractère.J'estime que ceux de 3.egenre, les diablotins ou démoniaques , seront déjà moins méchans, moins hurleurs, que ne sont aujourd'hui les bénins. D'où naîtra ce radoucissement ? Aura-t-on selon le voeu de la morale , changé les passions des petits enfans ? non , sans doute ; on les aura développéessans excès, en leur procurant les délassemens de réunion sympathique, la distribution en séries trinaires, en groupes de caractères bénin, mixte, et malin, dans les 2 âges de prime enfance, comprenant nourrissons et poupons. Quelle distraction donnera-t-on à ces diaboliques rejetons. Ce sera chose à inventer par les bonnes : stimulées par les rivalités de méthodes, elles auront, en moins d'un mois, deviné ce qui peut calmerles enfans, et mettre fin à leur infernal charivari. Je me borne a établir INDUSTRIEL. III.e S. 209 en principe, la nécessité de les réunir en corps, et les distribuer par séries d'âge et de caractère, de même que les bonnes par séries de caractères et de systèmes. La série est toujours la boussole de toute sagesse en harmonie sociétaire ; c'est le fanal que Dieu nous présente dans le rayon de lumière. S'écarter du régime sériaire, c'est s'engager à plaisir dans les ténèbres. Le point où il est le plus à craindre d'échouer, c'est dans la tenue des petits enfans , parce qu'ils ne peuvent expliquer ni leurs besoins ni leurs instincts; il faut tout deviner : quel en est le moyen ? celui qu'indique l'attraction pour les pères mêmes; former en tout sens des séries, en fonctions, en salles, en tempéramens, en carac- tères, en âges, en méthodes et en tout. Vu la nécessité d'éducation unitaire et fusion des classes parmi les enfans, j'ai recommandé et je réitère l'avis de choisir pour la phalange d'essai, des familles polies, surtout dansla classe inférieure, puisqu'il faudra dansles travaux mélanger cette classe avec les riches, et leur faire trouver dans cet amalgame un charme qui dépendra beaucoup de la politesse des subalternes

c'est pourquoi le peuple des environs de Paris , Blois et Tours, sera trèsconvenable pour l'essai,sauf encore à faire un bon choix. Il reste à vérifier la régularité des dispositions indiquées, leur conformité aux voeux des 3 passions mécanisantes qui doivent tout diriger, et dont le jeu combiné est gage d'équilibre et d'harmonie. ( Chap. Y et VI. ) La Cabaliste, dans les salles où l'on élève les nourrissons et poupons, a pour aliment les méthodes rivales que pratiquent les bonnes, dansla phalange et dans les voisines. Ces méthodes sont un sujet de débat et d'esprit de parti chez les parens ; ils ont l option de confier leur enfant à telle classe de bonnes, sauf adhésion de celles-ci; elles ne reçoivent pas un enfant capable de compromettre leur renommée. Si pourvice detempérament ou excès de malignité , il n'étaitadmispar aucun groupe de bonnes , on le placerait a la salle d'ambigu, soignée comme d'autres. 14 210 NOUVEAU MONDE Quant à l'enfant en si bas âge, il n est point encore susceptible d'esprit cabalistique, étant privé de la parole et ne connaissant en intrigue d'autre ressort que les pleursparlesquels ilsaitréduire ses parens à l'obéissance. La Composite est développée chez les bonnes par double charme ; I.° l'exercice parcellaire borné à telle fonction préférée, sans surcharge d'autres emplois, comme chez les bonnes civilisées qui font le travail en entier. Les bonnes et sous-bonnes harmoniennesse subdivisent l'ouvrage,chacune, aux heures de faction, n'exerceque sur la partie dont elle s'est chargée ; il y a toujours au séristère 16 bonnes, sous-bonnes et officières, c est plus qu il n en faut pour se répartir les fonctions selon les goûts. 2.° Le tribut de louanges qu'elles reçoivent des parens qui ont pris parti pour leur méthode, puis des voisins de canton ou des voyageurs passionnés pour cette méthode. Chez les enfans, la Composite naît du double charme que leur procure le régime des nattes élastiques divisées par cases contiguës ; ils y gagnent, pour le corps, liberté et souplesse des mouvemens, pour l'esprit, contact avec leurs semblables qu'ils aiment à voir et approcher, contact qui serait dangereux et causerait des maladresses sans la séparation des cases par un filet de soie ou delin. La Papillonne est satisfaite chez les bonnes par l'intermittence d'exercice borné à un jour sur 3, et à 8 heures en 4 séances dans l'intervalle desquelles on vaque a autre chose, sans tomber dans l'esclavage des mères et bonnes civilisées qui n'ont aucun répit. Elle est satisfaite chez l'enfant par alternat du berceau à la natte, par variété dans les plaisirs de tous les sens, alimens, concerts, spectacles, gimblettes, promenades en etc. Voilà pour l'éducation du I.er âge, des règles fixes et nonpas dessystèmes que chacun peut varier selonsonca price : je suivrai la même base dans l éducation des au très âges d'enfance, et dans toutes les relationsdes pères, toujours le développement combiné des 3 passions me¬ INDUSTRIEL. III.e S. 211 canisantes qui doivent diriger les 9 autres, et par suite diriger l'ensemble du mécanisme sociétaire distribué en Séries passionnées, hors desquelles il est impossible de faire jouer combinément les 3 passions rectrices. Pour compléter les preuves, il faudrait vérifier sur chacune des dispositions, si elle favorise le jeu des 3 passions mécanisantes; tout ce qui peut les entraver est faux et doit être supprimé,remplacé par un procédé qui atteigne au but. Les règles données surl'éducation de la prime enfance, ne sont que l'application des principes établis aux chap. V et VI ; et comme elles s'étendront à tous les âges, à toutes les relations, l'on voit que le Créateur a pourvu à tout par des méthodes fort simples dont l'observance garantit de tout écart. Cessons donc de prêter l'oreille aux alarmistes qui nous effraient de l'impénétrabilitédes mystères

l'Évangile leur disait

cherchez et vous trouverez ; mais en éducation comme en tout, ils ont mieux aimé faire le commerce de systèmes arbitraires et répressifs , que de chercherle système de la nature, qui, une fois connu, donne congé à toutes ces méthodes civilisées tendant à réprimer et changer les passions, soit des en- fans soit des pères. CHAP. XIX. Education des lutins par les bonnins et bonnines. JE viens de décrire la périodematérielle de l'éducation, celle où les fonctions ne s'étendent guères qu'à la culture des sens, à l'art de les dégrossir et les préserver du faussement dont ils sont frappés en civilisation dès le bas âge.Sur 1000 enfans français il en est 999 qui ont l'oreille faussée, et ainsi des autres sens. Nous passons a la période d'initiative en industrie et en attraction industrielle sans laquelle tout est faux en éducation; car le I.er des 3 buts de l'homme étant la ri- chesse ou luxe, on peut dire que son éducation est faus¬ 14. 212 NOUVEAU MONDE sée et qu'il se dirige à contre-sens, si dès les premiers pas, dès l'âge d'environ 2 ans , il ne s'adonne pas spontanément au travail productif, source de la richesse ; et s'il se livre comme l'enfant civilisé à ne faire que le mal, souiller, briser, commettre des dégâts que de sots parens trouvent charmans. Cette duplicité d'action dans le bas âge, cetinstinct, de si bonne heure en divergence avec l'attraction, serait la honte du Créateur, s'il n'avait pas inventé un autre mécanisme propre à faire concerter les passions et l'attraction à tout âge. Examinons ce mécanisme sur le 1.er âge susceptible d'industrie. Dès que l'enfant peut marcher et agir, il passe de la classe des poupons et pouponnes à celle des lutins et lutines. S'il a été élevé dès sa naissance dans les séristères d'une phalange, il sera dès l'âge de 21 mois assez fort pour passer aux lutins. Parmi ces enfans on ne distingue point les 2 sexes ; il importe de les confondre à cette époque pour faciliter l'éclosion des vocations et l'amalgame des sexes à un même travail. On ne commence à distinguer les sexes que dans la tribu des bambins. J'ai dit que la nature donne à chaque enfant un grand nombre d'instincts en industrie, environ une trentaine, dont quelques-unssont primaires ou dirigeans et doivent acheminer aux secondaires. Ils s'agit de découvrir d'abord les instincts primaires : l'enfant mordra à cet hameçon dès qu'on le lui présentera; aussi dès qu'il peut marcher, quitter le séristère des poupons, les bonnins et bonnines a qui il est remis s'empressent-ils de le conduire dans tous les ateliers , et toutes les réunions industrielles peu éloignées; et comme il trouve partout de petits outils, une industrie en miniature, exercée déjà par les lutins de 2 1/2 à 3 ans, avec qui il veut s'entremettre , fureter, manier , on peut discerner au bout d'une quinzaine, quels sont les ateliers qui le séduisent, quels sont ses instincts en industrie. La phalange ayant des travaux excessivement varies, INDUSTRIEL. III.e S. 213 ( voyez chap. XV et XVI), il est impossible que l'enfant qui les parcourt n'y trouve pas l'occasion de satisfaire plusieurs de ses instincts dominans; ils éclateront à l' aspect des petits outils maniés par d'autres enfans plus âgés que lui de quelques mois. Au dire des pères et instituteurs civilisés, les enfans sont de petits paresseux : rien n'est plus faux ; les enfans dès l'âge de 2 à 3 ans sont très-industrieux, mais il faut connaître les ressorts que la natureveut mettre en oeuvre pour les entraîner à l'industrie, dans les Sériéspassionnées et non pas en civilisation. Les goûts dominans chez tous les enfans, sont : 1 Le FURETAGE ou penchant à tout manier, tout visiter, tout parcourir, varier sans cesse de fonction

2 Lefracas industriel, goût pour les travaux bruyans; 3 La singerie ou manie imitative ; 4 La miniature industrielle, goût des petits ateliers; 5 L'ENTRAÎNEMENT PROGRESSIF du faible au fort. Il en est bien d'autres, je me borne à citer d'abord ces 5 très-connus des civilisés; examinons la méthode à suivre pour les appliquer à l'industrie dès le bas âge. Les bonnins et bonnines exploiteront d'abord la manie de furetage si dominante chez l'enfant de deux ans. Il veut entrer partout, manier, retourner tout ce qu'il voit. Aussi est-on obligé de le tenir à l'écart dans une pièce démeublée, car il briserait tout. Ce penchant à tout manier est une amorce naturelle à l'industrie ; pour l'y attirer, on le conduira aux petits ateliers; il y verra des enfans de 2 1/2 et 3 ans opérant déjà avec de petits outils, petits marteaux. Il voudra exercer sa manie imitative dite SINGERIE ; on lui prêtera quelques outils, mais il désirera être admis avec les enfans de 26, 27 mois, qui savent travailler et qui le repousseront. Il s'obstinera si ce travail est au nombre de ses instincts : alors le bonnin ou le patriarche présent lui en- seignera quelque parcelle du travail, et il parviendrabien 214 NOUVEAU MONDE vite à se rendre utile sur quelques riens qui lui serviront d'introduction

examinons cet effet sur un menu travail

a portée des plus petits enfans, un égoussage et triage de pois verts. Ce travail qui occuperait chez nous des bras de 30 ans, sera confié à des enfans de 2, 3, 4 ans : la salle contient des tables inclinées, à diverses concavités; deux bambines sont assises au côté supérieur, elles égrènent des pois en silique ; l'inclinaison de la table fait rouler le grain vers le côté inférieur où se trouvent assis 3 lutins ou lutines de 25, 30, 35 mois, chargés du triage et pourvus d'instrumens spéciaux. Il s'agit de séparer les plus petits pour le ragoût au sucre, les moyens pour le ragoût au lard et les gros pour la soupe. La lutine de 35 mois choisit d'abord les petits qui sont les plus difficiles à trier ; elle renvoie tout le gros et moyen à la cavité suivante, où la lutine de 30 mois pousse à la 3.e cavité ce qui paraît gros, renvoie à la I.re ce qui est petit, et fait glisser le moyen grain dans le panier. Le lutin de 25 mois placé à la 3.e cavité a peu de chose à faire, il renvoie quelques moyens grains à la 2.e et recueille les gros dans sa corbeille. C'est à ce 3.e rang qu'on placera le lutin débutant ; il s'entremettra fièrement à pousser les gros grains dans le panier ; c'est un travail de rien, mais il croira avoir fait autant que ses compagnons; il se passionnera, prendra de l'émulation , et dès la 3.e séance il saura remplacer le bas lutin de 25 mois, rejeter les grains de 2.e grosseur en 2.e case, et recueillirseulement ceux de I .re faciles à distinguer. Dès qu'il saura figurer à ce minime travail, on lui placera solennellementsurson bourreletou bonnet un pompon d'aspirant augroupe d'égoussagedes pois verts. C'est une précaution employée dans tous les ateliers sociétaires que de réserver aux très-petits enfans un travail de nulle valeur comme celui de recevoir quelques gros pois qu'on fait glisser vers l'enfant et qu'il pousse dans une corbeille. On pourraitfaire cela sans lui et sans perte de temps, maison manquerait l'amorce industrielle INDUSTRIEL. III.e S. 215 qu'il faut toujours présenter à un lutin arrivant dans l'atelier et même à un bambin ou chérubin ; car tel qui n'a pas pris parti à 2 ans pourra s'engager a 3 ou a 4. Cette amorce qu'on réserve partout aux divers âges , ne peut être pour le lutin de 24 mois qu'une ombre de travail, flattant son amour-propre , lui persuadant qu'il a fait quelque chose, et qu'il est presque l'égal desbas lutins de 26, 28 mois, déjà engagés à ce groupe, déjà revêtus de panaches et ornemens qui inspirent un profond respect au lutin débutant (218). L'enfant de 2 ans trouve donc aux petits ateliers d'une phalange quantité d'amorces que la civilisation ne saurait lui offrir, elles sont au nombre d'une vingtaine dont je vais donner un tableau. Ressorts d'éclosion des vocations. 1. Le charme de petits outils en dimension graduée pour les divers âges et de petits ateliers. 2. Les gimblettes harmoniques ou application de tout l'attirail des gimblettes actuelles, chariots, poupées, etc. à des emplois d'apprentissage ou de coopération en industrie ( Voyez chap. XVIII ). 3. L'appât des ornemens gradués ; un panache suffit déjà chez nous pour ensorceler un villageois, lui faire signer l'abandon de sa liberté ; quel sera donc l'effet de cent parures honorifiques, pour enrôler un enfant au plaisir et à des réunions amusantes avec ses pareils. 4. Les privilèges de parade et maniement d'outils

on

sait combien ces amorces ont de pouvoir sur l'enfant. 5. La gaîté inséparable des réunions enfantines quand elles travaillent par plaisir ou attraction, 6. L'enthousiasmepour la phalange où l'enfant jouira de tous les plaisirs dont son âge est susceptible. 7. Les compagnies de table, variées chaque jour selon les intrigues du moment, et servies de mets adaptés au goût des enfans qui ont leur cuisine spéciale. 8. L'influence de la gastronomie sériaire qui a la pro¬ 216 NOUVEAU MONDE priété de stimuler les cultures par la gourmandise, et lier tout le mécanisme industriel. ( Voyez 7.e notice ). 9. L'orgueil d'avoir fait quelque rien que l'enfantcroit de haute importance : on l'entretient dans cette illusion. 10. La manie imitative qui, dominante chez les enfans, acquiert une activité décuple, quand l'enfant est stimulé par les prouesses de tribus enfantines plus âgées. 11. La pleine liberté d'option en sortes de travail, et en durée de chaque travail. 12. L'indépendance absolue, ou dispense d'obéissance a tout chef qui ne serait pas choisi passionnément. 13. L'exercice parcellaire ou avantage de choisir; dans chaque industrie, la parcelle sur laquelleon veut exercer. 14. Le charme des séances courtes, variées fréquemment, bien intriguées et désirées par leur rareté. Elles sont rares, même lorsqu'elles sont diurnales, car elles n'emploient à tour de rôle que 1/3 ou 1/4 des sectaires. 15. L'intervention officieuse des patriarches, des bonnins, des mentorins, tous chéris de la basse enfance qui ne reçoit d'enseignement qu'autant qu'elle en sollicite. 16. L'absence de flatterie paternelle, déjouée dans l'ordre sociétaireoù l'enfant est jugé etremontré par ses pairs. 17. L'harmonie matérielle ou manoeuvre unitaire inconnue dans les ateliers civilisés, et pratiquée dans ceux d'harmonie où l'on opère avec l'ensemble des militaires et des chorégraphes,méthode qui fait le charme des enfans. 18. L'influence de la distributionprogressive,qui peut seule exciter chez l'enfant le charme et la dextérité nécessaires en études industrielles. 19. L'entraînement collectif ou charme de suivre les collègues s'exaltant par les hymnes, parures, festins, etc. 20. Les esprits de corps très-puissans chez les enfans, et très-nombreux en régime sociétaire. 21. Les émulations et rivalités entre choeurs et souschoeurs contigus, entre groupes d'un même choeur et d'une même série, entre catégories d'un groupe. 22. La prétentionpériodiqueà s'élever, soit aux choeurs INDUSTRIEL. III.e S. 217 et aux tribus supérieures, soit aux catégories moyenne et haute de chaque tribu. 23. L'enthousiasme pour les prodiges opérés par les choeurs supérieurs en degré, selon la loi de déférence pour l'ascendant ( I, 387

et ici 218 ).

24. Les intrigues vicinales ou luttes émulativesavec les enfans des phalanges voisines et rencontre avec leurs cohortes. Ce ressort manquera à la phalange d essai. Je ne mentionne pas ici d'autres stimulans qui n'agissent guères avant l'âge de 4 ans, tels que La concurrence des sexes et instincts, L'appât du gain et des forts dividendes. Ces deux ressorts n'ont point encore d influence sur les lutins et peu sur les bambins; ce n'est que parmi les chérubins qu'ils commencent à se développer. La réunion de ces amorces opérera en moins d'un mois, au bout duquel on aura fait éclore chez l'enfant 3 ou 4 de ses vocations primordiales qui, avec le temps, en feront éclore d'autres ; celles où le travail est difficile ne pourront naître que vers l'âge de 30 a 32 mois. L'éclosion sera facile,si l'on observe la règle générale, (chap.V etVI,) de mettre en jeu les 3 passions mécanisantes : elles peuvent déjà germer, 209, 210, parmi les poupons, et bien mieux parmi les lutins

la Cabaliste, la Composite, la Papillonne, seront pleinement satisfaites chez les lutins , par leurs visites, furetages et essais aux petits ateliers, où tout est charme et intrigue pour eux. Le bonnin ou la bonnine qui promènent l'enfant d'atelier en atelier, savent discernerles époques opportunes pourle présenter à tel travail

ils tiennent note de ce qui a paru lui plaire, on essaie à 2 ou 3 reprises si le goût naîtra, on juge s'il faut attendre quelques mois, et on n'insiste jamais quand la vocation ne se déclare pas ; on sait qu'il en éclora une trentaine dans le cours de l'année, peu importe lesquelles. Un bonnin promène communément trois lutins à la fois

il aurait peu de chances avec un seul, mais sur 3 il 218 NOUVEAU MONDE s'en trouve un plus adroit, un autre plus ardent, l'un des deux entraîne le 3.e à l'ouvrage. Le bonnin ne les prend pas tous trois de même âge ; d'ailleurs il en change dans les ateliers, il laisse tel lutin à l'égoussage, il emmène les autres qui n'ont pas accepté et un 3.e qui a achevé. La fonction de bonninisme convient aux 2 sexes, et exige un talent spécial qu'on peut trouver chez tous deux; celle de bonne est communément pour les femmes seules, sauf rares exceptions. Le meilleur stimulant pour un lutin débutant, sera la vérité qu'il ne trouve jamais vers les père et mère, tous d'accord à flatter un marmot de 2 ans surtoutes sesmaladresses. Le contraire a lieu dans les ateliers sociétaires; les enfans entre eux ne se font point de quartier, et raillent impitoyablement un maladroit

on le renvoie avec dédain

, il va pleurnicher vers le patriarche ou le bonnin qui lui donnent des leçons, et le présentent de nouveau quand il est de force

et comme on lui ménage toujours

de très-petits, très-faciles travaux, il s'insinue bien vite dans une dizaine de groupes où son éducation se fait par pure attraction et très-rapidement,car on n'apprend vite et bien que ce qu'on apprend par attraction. De tous les ressorts qui peuvent exciter l'enfant à l'industrie, le plus inconnu, le plus travesti en civilisation, est l'entraînement ascendant; le penchant de tout enfant a imiter ceux qui sont un peu supérieurs en âge, déférer à toutes leurs impulsions, tenir à honneur de s'incorporer avec eux dans quelque petite branche de leurs amusemens. (Tous les travaux sont amusemens pour les enfans harmoniens; ils n'agissent que par attraction ). Cette manie d'entraînement ascendant est très-pernicieuse aujourd'hui,parce queles amusemensd'une troupe d'enfanslibressont, ou malfaisans, ou dangereux,outrèsinutiles; mais ces enfans libres ne s'adonneront qu'aux travaux productifs, grâces aux amorces mentionnées plus haut ; on reconnaîtra l'erreur fondamentale où sont tombés tousles auteurs de systèmes sur l'éducation civilisée. INDUSTRIEL. III.e S. 219 Ils ont prétendu que l'instituteur naturel est le père , ou bien un précepteur endoctriné par le père ; la nature opine en sens contraire, elle veut exclure le père d'élever le fils, il en est triple motif. I.° Le père cherche à communiquer ses goûts à l'enfant, étouffer l'essor des vocations naturelles presque toujours différentes de père a enfant. Or tout le mécanisme des Séries passionnéesserait détruit, si le fils héritait des goûts du père. 2.° Le père incline à flatter et louer à l'excesle peu de bien que fera l'enfant, celui-ci au contraire a besoin d'être critiqué très-sévèrement par des groupes de collaborateurs fort exigeans. 3.° Le père excuse toutes les maladresses, il les prend au besoin pour des perfections, comme font les philosophes sur leur infame civilisation qu'ils appellent un perfectionnement de la raison ; le père entrave donc tous les progrès que doit opérer une critique soutenue, si elle est goûtée de l'enfant. La nature pour parer à tous ces vices de l éducation paternelle,donne à l'enfant une répugnance pour les leçons du père et du précepteur : aussi l'enfant veut-il commander et non pas obéir au père. Les chefs qu'il se choisit passionnément sont toujours les enfans dont l'âge est de 1/3 ou de 1/4 supérieur au sien, par exemple : A 18 mois, il révère l'enfant de 2 ans, et le choisit passionnémentpour guide : A 2 ans il choisira l'enfant de 30 mois ; A 3 ans, celui de 4 ans

A 8 ans, celui de 10 ; A 12 ans, celui de 15. Cet entraînement ascendantredoublera de force, si l'enfant voit les enfans supérieurs en lien corporatif, et jouissant d'une considération méritée par des succès dans l'industrie et les éludes. Les instituteurs naturels de chaque âge, sont donc les enfans un peu supérieurs en âge. Mais comme en civili¬ 220 NOUVEAU MONDE sation ils sont tous enclins au mal, et s'entraînent res- pectivement à mal faire, on ne peut pas établir parmi eux une hiérarchie d'impulsions utiles

cet effet n'est

possible que dans les Séries passionnées, hors desquelles l'éducation naturelle est impraticable, même en approximations. Elle sera le plus frappant des prodiges qu'on viendra admirer dans la phalange d'essai où on laissera les 7 or- dres d'enfans s'élever les uns par les autres et se diriger, selon le voeu de la nature, par entraînement ascendant qui ne pourra que conduire au bien la masse entière

car si

les jouvenceaux, ordre le plus élevé, ne tournent qu'au bien en industrie, en étude et en moeurs, ils ne pourront qu'entraîner au bien les gymnasiens à qui ils donneront l'impulsion ; même influence des gymnasiens sur les lycéens, des lycéens sur les séraphins, puis sur les chérubins, les bambins,leslutins

les 7 corporations abandonnées à l'entraînement ascendant, rivaliseront d'excellence et d'activité aux travaux utiles et aux harmonies sociales , quoique abandonnées à leur pleine liberté. En voyant ce prodige on ne pourra plus douterque l'attraction est l'agent de Dieu,sauf à la développer en Séries passionnées, et que dans ce mécanisme elle est vraiment la main de Dieu dirigeant l'homme au plus grand bien possible. Cette harmonie qui sera un coup de foudre pour la civilisation et la philosophie, avorterait si l'on manquait a développer l'attraction dans toutes ses branches admissibles. L'amour ne sera pas admissible dans l'essai, mais cette exception ne gênera pas le mécanisme des 7 ordres d'enfans exerçant en industrie. C'est pourquoi il faudra s attacher dans le début, à l'organisation des enfans,seul des 3 sexes qui puisse arriverd'emblée au plein de l'harmonie. Achevons sur le service des bonnins

loin de flatter ou excuser l'enfant, leur tâche est de lui ménager des refus, des affronts dans divers groupes, et le stimuler à s en venger par des preuves d'habileté. Un père ne pour¬ INDUSTRIEL. III.e S. 221 rait pasremplircette fonction, il donnerait tort au groupe qui auraitrepoussé son enfant, il prétendrait que ce groupe est barbare, ennemi de la tendre nature ; de là vient que pour les fonctions de bonnin et bonnine, et de même pour celles de bonne, il faut des caractères fermes et judicieux, cabalistiques dans leurs fonctions, gens qui par esprit de corps se passionnent pour le progrès des lutins en général et non pour les caprices de tel ou tel. On n'avance en grade chez cette série, comme chez toute autre, que par des succès d'ensemble

chaque bonnin est en concurrence avec des rivaux; chacun peut choisir les enfans adaptés à ses moyens, ceux dont il compte pouvoir faire éclore les vocations sans délai, soit en plein, soit en demi instinct ; et dans ce choix d'enfans, il se guide sur les renseignemens donnés par les pouponnistes, bonnes du. séristère des poupons d'où sortent les lutins. L'importance du ministère de bonnin se fonde sur ce qu'ils opèrent sur l'époque la plus influente en éducation: si l'enfant réussit bien en début industriel, c'est un gage de succès continu pour toute sa carrière enfantine: une fois initié à dix branches d'industrie,il le sera bientôt à cent, et connaîtra à l'âge de 15 ans presque toutes les cultures, fabriques,sciences et arts dont s'occupent sa phalange et les voisines. Examinons cet effet. Tel enfant, quoique fils d'un prince, témoigne dès l'âge de 3 ans du goût pour l'état de savetier, et veut fréquenter l'atelier des savetiers, gens aussi polis que d'autres en association. Si on l'en empêche, si on réprime sa ma- nie savetière, sous prétexte qu'elle n'est pas à la hauteur de la philosophie, il s'irritera contre les autres fonctions, ne prendra aucun goût pour les travaux et études aux- quelles onvoudra l'entraîner

mais si on le laisse débuter

par le point où l'attraction le conduit, par la savaterie , il sera bientôt tenté de prendre connaissance de la cor- donnerie , de la tannerie, puis de la chimie sous le rapport des diverses préparations du cuir, puis de l'agrono¬ 222 NOUVEAU MONDE mie sous le rapport des qualités que les peaux de bestiaux peuvent acquérirpartelsystèmed'éducation et de régime, telle sorte de pâturage. Peu à peu il s'initiera à toutes les industries par suite d'une émulation primitive en savaterie. Peu importera par quel point il ait commencé, pourvu qu'il atteigne dans le cours de sa jeunesse à des connaissancesgénérales sur toutes les industries de sa phalange et qu'il en conçoive de l'affection pour toutes les séries qui l'y auront initié. Cette instruction ne peut pas s'acquérir en civilisation où rien n'est lié. Les savans nous disent que les sciences forment une chaîne dont chaque anneau se rattache au tout et conduit de l'une à l'autre ; mais ils oublient que nos relations morcelées sèment la discorde parmi toutes les classes d'industrieux, ce qui rend chacun indifférent pour les travaux d'autrui

tandis que dans une phalange chacun s'intéresse à toutes les séries, par suite d'intrigues avec quelques-uns de leurs membres,sur la gastronomie, l'opéra, l'agriculture, etc. Le lien des sciences ne suffit donc pas pour entraîner aux études; il faut y joindre le lien des fonctions , des individus , des intrigues rivales, chose impraticable en civilisation. Il reste encore divers détails sur l'éducation des lutins, on peut lesjoindreà celle des bambins dont je vais traiter. CHAP. XX. Education de la tribu des bambinspar les mentorins et mentorines. NOUS abordons une classe fort intéressante parmi les enfans sociétaires, celle qui dès l'âge de 4 ans sait gagner beaucoup d'argent : je dois faire sonner ce mérite, puisque c'est le plus apprécié en civilisation , chez l'enfant comme chez le père. Les enfans dont il s'agit, les bambins et bambines, âge de 3 à 4 1/2 tiennent un rang très notable dansla phalange ; ils forment la 1.re des 16 tribus d'harmonie : mais INDUSTRIEL.III.e S. 223 la I.ere et la 16.e étant 2 âges extrêmes ou âges de transition, d'ambigu, dérogent en divers points aux règles générales; par exemple elles n'ont point de sous-tribu en demi - caractère. .J'en ai expliqué les causes. La distinction du plein et du demi-caractère est l'objet principal de l'éducation des bambins, confiée à une catégorie de fonctionnaires spéciaux : le nom de mentorins et mentorines que je leur donne est assez impropre, carun mentor est un homme qui étouffe le naturel pour y substituer les doctrines ; au contraire les mentorins d'harmonie ne s'attachent qu'à développer très-exactement le caractère, afin qu'on parvienne à en discerner le rang en échelle générale, et que ce rang soit bien connu versl'âge de 4 ans 1/2 où l'enfant devra entrer aux choeurs de chérubins et chérubines. Les mentorins ont une 2.e tâche qui est de discerner le tempérament de l'enfant et lui assigner comme au caractère, son rang dans l'échelle des 810 tempéramens de plein titre, ou des 405 de demi-titre. On ne réussirait point à discerner caractères et tempéramens, si l'enfant pendant l'année passée aux lutins avait été gêné dans ses fantaisiesindustrielles ou gastronomiques; la période lutine est celle du dégrossissement en l'un et l'autre genre ; un lutin s'est déjà prononcé pour diverses branches d'industrie , on voit quelle carrière il veut suivre, à qu'elles fonctions la nature le destine. Il en est de même en gastronomie ; l'enfant au sortir des hauts lutins, âge de 3 ans , a déjà des goûts prononcés en gastronomie ; il est engagé dans les cabales et l'esprit de parti, aux tables, aux cuisines, et par suite dans les jardins, les vergers ; ce genre de passion ne se trouverait pas chez un bas lutin de 26 à 28 mois: ainsi le lutin de 36 mois est pleinement dégrossi en arrivant aux bambins. Parmi leslutins onévite de distinguerles 2 sexes par costumes contrastés, comme le jupon et le panlalon ; ce serait risquer d'empêcher l'éclosiondes vocationset de fausserla 224 NOUVEAU MONDE proportion des sexes en chaque fonction. Quoique chaque branche d'industrie soit spécialement convenable à l'un des sexes, comme la coulure pour les femmes, la charrue pour les hommes, cependant la nature veut des mélanges, quelquefois par moitié et sur quelques emplois par 1/4 ; elle veut au moins 1/8 de l'autre sexe dans chaque fonction. Ainsi quoique la cave soit spécialement le domaine des hommes , il convient que la série des cavistes contienne un huitième de femmes , qui prendront parti au travail des vins blancs, mousseux, bourrus, sucrés, et autres genres agréables aux femmes, dont quelques-unes, comme la femme du savant Pittiscus, aiment les vins mâles et vendent au besoin la bibliothèque du savantas pour solder en secret le marchand de vin. Moyennant ce mélange, en chaque emploi, le sexe féminin formera une rivalité utile au masculin. On se priverait de cette concurrence en excluant un sexe entier de quelque fonction, comme la médecine et l'enseignement ; et ce serait l'en exclure par le fait, que d'empêcher le développement de ces instincts chez les enfans de 2 à 3 ans. La différence de costumes serait un obstacle à cette éclosion ; les filles se sépareraient des garçons; et il convient de les laisser confondus à cet âge, afin que les penchans extra-sexuels, penchans mâles chez une petite fille, penchans féminins chez un petit garçon, éclosent sans obstacle, par la présentation confuse des deux sexes à chaque atelier, à chaque travail. Ces penchanssont déjà éclos à 3 ans, lorsque l'enfant passe à la tribu des bambins et bambines. Là on commence à distinguerles sexes qu'il était sage de confondre parmi les lutins. Il semble que cette confusion s'écarte de la règle générale de rivalité des sexes, voulue par la 10.e passion, la cabaliste

à cela il faut observer que les lutins et lutines, âge de 2 à 3 ans, sont la classe de soustransition en industrie, demi-avènement à l'industrie, car ils ne font que l'effleurer ; les bambins, âge de 3 à 4 1/2 , sont la pleine transition à l'industrie. Or la nature INDUSTRIEL. III.eS. 225 exige que dans les périodes formant transition ou ambigu, l'on déroge aux lois générales du mouvement; aussi à l'extrémité de chaque série de végétaux ou animaux, place-t-elle des produits de transition nommés ambigus, mixtes, bâtards, comme le coing, le brugnon, l'anguille, la chauve-souris, produits qui font exception aux méthodes générales, et qui servent de lien. C'est pour avoir ignoré la théorie des exceptions ou transitions, théorie de l'ambigu, que les modernes ont échoué partout dans l'étude de la nature ; ils commencent à s'apercevoir de cette erreur. Les mentorins ont le même but que les autres instituteurs, c'est de diriger toutes les facultés de l'enfant à l'industrie productive et aux bonnes études, par des amorces judicieuses. En amorce d'industrie, le ressort primordial est toujours la série ou division trinaire : ainsi, qu'on opère sur des bambins,sur des chérubinsou autres, on doit toujours les distinguer en 3 degrés, les hauts, les moyens et les bas, distinction que nous avons vue appliquée même aux poupons et pouparts, soit pour les âges, soit pour les ca- ractères. Plus on forme de séries, plus le mécanisme est facile. Lasérie à4divisionsn'est pas moins parfaite qu'à 3. On applique d'abord cette échelle aux instituteurs; formant pour la basse enfance une série quaternaire, bonnins et bonnines, mentorins et mentorines ; aucun de ces précepteurs n'exerce sur tous les caractères indifféremment

chacun d'eux se fixe aux catégories d'enfans qui lui conviennent, soit par les passions déjà apparentes, soit par les penchans industriels. Chaque instituteur, dans le choix des enfans à régir, consulte ses sympathies

aucun ne se chargerait comme en civilisation d'une cohue d'enfans confusément assortis. L'enfant de son côté consulte aussi ses affinités dans le choix des instituteurs; le régime de l'attraction réciproque devant s'établir en éducation comme partout, il n'y existerait plus du moment où on adopterait la confusion civilisée. 15 226 NOUVEAU MONDE Je ne traiterai pas des procédés qu'emploient les mentorins pour distinguer les caractères et les tempéramens; cette branche d'éducation ne sera pas praticable dansles débuts. D'ailleurs avant d'en parler, il faudrait donner connaissance du clavier général des caractères; voyez 5.e section. La phalange d'essaimanquera d'officiers experts en ce genre, au lieu de gens habiles à discerner le naturel des enfans, donner cours à leurs penchans, elle n'aura que des esprits faussés par la morale, excitant l'enfant à réprimer l'attraction , à mépriser les richesses perfides, à être en guerre avec ses passions etc : de telles visionsnommées aujourd'hui saines doctrines seront inadmissibles dans un ordre où il faudra exciter l'enfant au raffinement des passions, dès l'âge de 2 ans, car on ne peut discerner ni son tempérament ni son caractère, tant qu'il n'a pas des goûts prononcés et cabalistiques sur le choix des travaux et des comestibles. La fonction des bonnins et bonnines, l'art de faire éclore les vocations, s'exerce encore sur les bambins comme sur les lutins, car il est beaucoup d'industries hors de la portée d'un lutin et sur lesquelles on n'a pas pu mettre ses penchans à l'épreuve ; il est des branches de travail qu'il ne pourra aborder qu'à 10 ans, d'autres à 15

jusqu'à ce qu'il soit parvenu aux chérubins ou l'émulation seule suffira à le guider, il faut lui appliquer les méthodes d'éclosion artificielle. Ce sujet nous conduit à parler des gimbletles harmoniques, sorte d'amorce industrielle qu'on emploie avec les lutins et bambins : un exemple en va faire connaître l'usage. Nisus et Euryale touchentà l'âge de 3 ans et sont impatiens d'être admis parmi les bambins qui ont de beaux costumes, beaux panaches, et une place à la parade sans y figurer activement. Pour être admis à cette tribu, il faut donner des preuves de dextérité en divers genres d'industrie , et ils y travaillent ardemment. Ces 2 lutins sont encore trop petits pour s'entremettre INDUSTRIEL. III.eS. 227 au travail des jardins. Cependant un matin , le bonnin Hilarion les conduit au centre des jardins, au milieu d'une troupe nombreuse de bambins et chérubins qui viennent de faire une cueillette de légumes. L'on en charge douze petits chars attelés chacun d'un chien. Dans cette troupe figurent deux amis de Nisus et Euryale, 2 ex-lutins admis depuis peu aux bambins. Nisus et Euryale voudraient s'entremettre avec les bambins; on les dédaigne en leur disant qu'ils ne sauront rien faire, et pour essai on donne à l'un d'eux un chien à atteler, à l'autre des petites raves à lier en botte ; ils n'en peuvent pas venir à bout, et les bambins les con- gédient sans pitié, car les enfans sont très sévères entre eux sur la perfection du travail. Leur manière est l'opposé de celle des pères qui ne savent que flagorner l'enfant maladroit, sous prétexte qu'il est trop petit. Nisus et Euryale congédiés reviennent tout chagrins vers le bonnin Hilarion qui leur promet que sous 3 jours ils seront admis s'ils veulent s'exerceral'attelage.Ensuite on voit défiler ce beau convoi de petits chars élégans; les chérubins et bambins après le travail achevé ont pris leurs ceintures et panaches, ils partent avec tambours et fanfare, chantant l'hymne autour du drapeau. Nisus et Euryale dédaignés par cette brillante compagnie remontent en pleurant dans le cabriolet du bonnin ; à peine sont-ils arrivés, qu'Hilarion les conduit au ma- gasin des gimblettes harmoniques,leur présente un chien de bois,leur enseigne à l'atteler à un petit chariot, ensuite il leur apporte un panier de petites raves et oignons de carton, leur apprend a en former des paquets, et leur propose de prendre pareille leçon le lendemain ; il les stimule à venger l'affront qu'ils ont reçu, et leur fait espérer d'être admis bientôt aux réunions des bambins. Ensuite les 2 lutins sont conduits vers quelque autre compagnie et remis à un autre bonnin par Hilarion qui a terminé avec, eux sa faction de 2 heures. Le lendemain ils seront empressés de revoirle bonnin 15. 228 NOUVEAU MONDE Hilarion, répéter avec lai la leçon de la veille. Après trois jours de pareille étude, il les conduira au groupe de la cueillette des petits légumes, ils sauront s'y rendre utiles, et on les y admettra au rang de novices postulans. Au retour, à 8 h. du matin, on leur fera l'insigne honneur de les inviter à déjeuner avec les bambins. C'est ainsi que la fréquentation d'une masse d'enfans aura entraîné au bien deux enfans plus petits qui, en civilisation, ne suivraient leurs aînés que pour faire le mal avec eux, briser, arracher, ravager. Remarquons ici l'emploi fructueux des gimblettes

on donne aujourd'hui à l'enfant un chariot, un tambour qui seront mis en pièces le jour même, et qui dans tous les cas ne lui seront d'aucune utilité. La phalange lui fournira toutes ces gimbiettes en diverses grandeurs, mais toujours dans des circonstances où elles seront employées à l'instruction. S'il prend un tambour, ce sera pour se faire admettre parmi les bas tambours, enfans qui figurentdéjà en chorégraphie : je prouverai de même que les gimbiettes féminines, poupées et autres, seront utilisées chez les petites filles, comme le chariot et le tambour chez les petits garçons. ( Voyez 7.e notice.) Des critiques diront que le menu service des 12 petits chars à légumes,serait fait plus économiquement par un grand char. Je le sais, mais pour cette petite économie on perdrait l'avantage de familiariser de bonne heure l'enfant à la dextérité dans les travaux agricoles , chargement, attelage et conduite, puis l'avantage bien plus précieux de créer aux enfans des intriguessur les cultures auxquelles ils auront coopéré par ces petits services, qui les passionneront peu à peu pour l ensemble de l'agriculture. Ce serait une bien fausse économie que de négliger ainsi les semailles d'attraction industrielle, et les moyens de faire éclore les vocations; épargne aussi désastreuse que la concurrence réductive du salaire, qui réduit les ouvriers en victimes de naumachie, s'entretuant politiquement pour se disputer le travail¬ INDUSTRIEL. III.e S. 229 Un stimulant qu'on ne peut pas faire valoir en civilisation et qui est décisif en régime sociétaire, c'est la précocité de certains enfans. Dans toutes les catégories il s'en trouve de précoces d'esprit ou de corps. J'en ai vu un qui à 18 mois, valait en l'un et l'autre genre les enfans de 3 ans. Ces précoces montent en grade avant le tems, c'est un sujet de jalousie et d'émulation pour leurs pareils dont ils ont quitté la compagnie. La civilisation ne peut tirer aucun moyen émulatif de cette précocité que l'harmonie utilise en matériel et en intellectuel. L'ascension prématurée d'un enfant fait, une vive impression sur les plus habiles de la tribu qu'il abandonne, ils redoublent d'efforts pourl'égaler, se présenterbientôt aux examens d'ascension ; cette impulsion se communique plus ou moins aux inférieurs, et l'éducation marche d'elle même par tous ces petits ressorts dont la civilisation ne peut faire aucun emploi, parceque ni l industrie ni les études ne sont attrayantes hors des Séries pass. L'état sociétaire peut seul présenter à l'enfant, dans toutes lesbranches d'industrie, un matériel échelonné qui fait le charme du bas âge, comme sera une échelle de chariots, bèches et outils en septgrandeurs différentes, appliquées aux sept corporations de lutins, bambins, chérubins, séraphins, lycéens, gymnasiens et jouvenceaux. Les outils tranchans, haches, rabots, ne sont pas encore livrés aux lutins et bambins. C'est principalementpar emploi de cette échelle qu'on tire parti de la singerie ou manie imitative qui domine chez les enfans ; et pour renforcer cet appât, on subdivise les diverses machines, en sous-échelons. Tel outil a l'usage des lutins est encore de 3 dimensions adaptées aux 3 catégories de hauts lutins , mi-lutins et bas lutins; c'est à quoi devront veiller ceux qui feront les préparatifs de la phalange d'essai. On emploie de même cette échelle dans les grades industriels qui sont de plusieurs degrés , aspirant, néophyte, bachelier, licencié, officiers divers. 230 NOUVEAU MONDE Dans tout travail, ne fut-ce que l'assemblage des allumettes, on établit cette échelle de grades et de signes distinctifs, afin que l'enfant puisse décheoir ou s'élever d'un degré selon son mérite. Les enfans harmoniens ont le même faible que les pères civilisés, le goût des hochets, des titres pompeux, des décorations en tringle, etc : un enfant de 3 ans, haut lutin, a déjà pour le moins une vingtaine de dignités et décorations, comme celles de Licencié au groupe des allumettes, Bachelier au groupe d'égoussage, Néophyte au groupe du réséda , etc, etc : avec ornemens indicatifs de toutes ces fonctions. L'on procède avec beaucoup de pompe dans les distributions de grades qui ont lieu aux parades. L' impatience d'admission à ces dignités, ainsi qu'aux échelons bas, moyen et haut de chaque choeur, est un grand stimulant pour les enfans; cet âge étant peu distrait par l'intérêt, point par l'amour, est tout à l'ambition de gloriole ; chaque enfant brûle de s'élever de tribu en tribu, d'échelon en échelon, toujours empressé de devancer l'âge, s il n'était contenu par la sévérité des examens et des theses

chaque tribu en laisse le choix au récipiendaire, car il est indifférent que l'enfant prenne parti pour tels ou tels groupes industriels. ( chap. 19.) Il doit seulement faire preuve de capacité dans certain nombre de groupes qui, en se l'aggrégeant, attestent par le fait sa dextérité et son instruction.Ces attestationssont expérimentales, et nulle protection ne pourrait les faire obtenir, puisqu il faut opérer et figurer adroitement dans les fonctions d'épreuve. Les groupes d'enfans étant très orgueilleux , aucun d'eux n'admettrait un postulant qui pourrait exposer le groupe aux railleries dans les rivalités avec les phalanges voisines. Je cite pour exemple une bambine de 4 ans et demi, postulant l'admission au choeur des chérubines. Elle su- bira , à peu près, les épreuves suivantes

INDUSTRIEL. III.e S. 231 I. Interventionmusicale et chorégraphiqueà l'Opéra.— 2. Lavage de 120 assiettes en une demi-heure, sans en fêler aucune. — 3. Pelage d'un demi-quintal de pommes en tems donné, sans en retrancher au-delà de tel poids indiqué. — 4. Triage parfait de telle quantité de riz ou autre grain en tems fixé. — 5. Art d'allumer et couvrir le feu avec intelligence et célérité. En outre on exigera d'elle, des brevets de licenciée dans cinq groupes, de bachelière dans sept groupes, de néophyte dans neuf groupes. Ces épreuves dont le choix est libre pour la postulante, sont exigées lorsqu'elle veut monter de choeur en choeur , on en exige d'autres pour monter d'échelon en échelon, comme des bas chérubins aux mi-cherubins, etc. L'éducation harmonienne dédaigne l'usage des prix qu'on donne aux enfans civilisés et par fois aux pères, elle n'emploie que des ressorts nobles, plus justes que les prix si souvent donnés à la faveur, comme on l'a vu lors des prix décennaux sous Bonaparte. Elle met en jeu l'honneur et l'intérêt; l'honneur de s'élever rapidement de grade en grade, et l'intérêt ou récolte de forts dividendes dans plusieurs séries. (Voyez chap. XIX le tableau des ressorts pour la basse enfance :j'en décrirai bien d'autres pour la haute enfance ). Jusqu'à 9 ans les épreuves roulentsur le matériel plus que sur le spirituel

et au delà de 9 ans, plus sur le spirituel que sur le matériel qui est déjà formé.

Dans la basse enfance on s'attache d'abord a obtenir l'exercice intégral des fonctions corporelles, et le développement simultané des organes. Si des bambins ou bambines se présentent aux chérubins, on exigera d eux outre les cinq emplois et les brevets indiqués plus haut, une autre épreuve en dextérté intégrale, appliquée aux diverses parties du corps, par exemple, les sept exercices qui suivent ; I.er, de main et bras gauche ; 2.e de main et bras droit. 3.e, de pied etjambe gauche; 4.e, de pied et jambe droite. 232 NOUVEAU MONDE 5.e , de 2 mains et un bras

6.e, de 2 pieds et une jambe

7.e, un des quatre membres; plus une thèse intellectuelle qui, selon les facultés de leur âge, roulera sur la compétence de Dieu seul en di- rection sociale, et l'incompétence de la raison humaine dont les lois n'engendrent que barbarie et civilisation, que fourberie et oppression. En gradation des chérubins aux séraphins, on sera plus exigeant,soit en matériel sur des exercices plus difficiles que les précédens, soit en intellectuel sur des su- jets à portée de l'âge de 6 ans. Si ! l'on exige de la basse enfance majorité ou totalité d épreuves en matériel, c'est pour se conformer à l'impulsion de l'âge qui est tout au matériel. On ne s'applique en harmonie qu'à seconderl'attraction, favoriser l'essor de la nature avec autant de soin que la civilisation en met à l'étouffer. L'éducation se terminant aux 2 choeurs de jouvenceaux et jouvencelles, ils n'ont plus d'épreuves à subir pour passer aux 2 choeurs d'adolescens et adolescentes; mais ces épreuvesse prolongent par degrés dans tous les choeurs et échelons de l'enfance, elles sont le ressort qui excite l'enfant impatient de s'élever, et honteux de quelques revers, à solliciter passionnément l'instruction. Les choeurs et tribus, même les plus jeunes,sont pétris d'amour propre, et n'admettraient pas un candidat maladroit. Il serait renvoyé mois par mois, d'examen en examen. Les enfans sont des juges très-rigoureux sur ce point. L'auront du refus devient piquant pour ceux qui ont passé l âge d'admission dans une tribu. Après 6 mois de répit et d'épreuves réitérées, ils sont, en cas d'insuffisance, placés dans les choeurs de demi-caractère. Les parens ne peuvent pas se faire illusion sur leur infériorité, ni prôner, comme à présent la gentillesse d'un enfant idiot. L' émulation est étouffée dans sa source, tant que les gâteries du père n'ont aucun contre-poids. Le renvoi au demi-caractère, quoique peu flatteur, INDUSTRIEL. III.e S. 233 n'est pas offensant, parce que cette classe contient beaucoup d'individus disgraciés en facultés sensuelles, quoique remplis d'aptitude intellectuelle. Ladite classe contient aussi certains ambigus précieux, figurant dans 2 caractères et doublant l'un et l'autre. D'ailleurs comme le plein caractère forme un corps très-nombreux où l'avancement est difficile, les enfans faibles en moyens intellectuels se décident aisément pour le demi-caractère, où la faiblesse réelle d'un sujet se trouve déguisée sous un rôle d'ambigu. En outre lorsqu'un enfant passe au demi-caractère de la tribu supérieure, c'est pour lui un avancement réel qui ne l'empêchera pas de passer au plein caractère de cette tribu,lorsqu'il fera preuve de l'aptitude nécessaire. Certainsindividus peuvent passerleur vie entière dans les choeurs de demi caractère, ils n'en sont pas moins heureux pour cela, ni déconsidérés, puisque cette classe, je l'ai dit, contient des individus de très-grand prix. On sait d'ailleurs que souvent un caractère mal prononcé dans les premiers âges, se déploie avec le tems et devient un titre de très-haut degré. Du reste, dans le demi comme dans le plein caractère, les nombreux moyens d'attraction industrielle, (voyez ceux de la basse enfance ) , conservent toute leur influence. La seule envie de passer des aspirans aux néophytes de tel groupe, des néophytes aux bacheliers, suffit pour électriser un jeune enfant dans les ateliers, jardins, étables et manoeuvres : l'on est moins en peine d'exciter son émulation que de modérer son ardeur , et le consoler d'une impéritie dont il s'indigneets'efforce de se corriger. Quel contraste avec les enfans civilisés qu'on dit charmans, et qui à 4 ans n'ont d'autre talent que de tout briser et souiller, et de résister au travail auquel on ne peut les résoudre que par le fouet et la morale. Aussi leur sort est-il si fâcheux qu'ils soupirent tous après la récréation, chose qui sera ridicule aux yeux des enfans harmoniens. Ils ne connaîtront d'autre 234 NOUVEAU MONDE amusememt que de parcourirles ateliers et les réunions bien intriguées sur l'industrie. L'un des prodiges qu'on viendra admirer dans la phalange d'essai, sera le spectacle d'enfans qui ne voudront jamais se récréer, mais toujours passer d'un travail à un autre, et qui n'auront de sollicitude que celle de savoir quels rassemblemens vont être négociés à la bourse pour les travaux du lendemain, par les choeurs de chérubins de qui les bambins prennent l'impulsion, car ils ne sont pas encore en activité à la bourse, et n'ont la direction d'aucun travail. La pleine liberté qu'on accorde aux enfans harmoniens ne s'étend pas aux licences dangereuses; il serait ridicule qu'on permît à un bambin de manier un pistolet chargé. Les harmoniens n'abusent pas du mot liberté comme les civilisés qui, sous prétexte de liberté, autorisent chez un marchand toutes les fourberies imaginables. L'admission à manier l'arme à feu, les chevaux nains, les instrumens tranchans, n'est accordée que par degrés, lorsqu'on s'élève de choeur en choeur, d'échelon en échelon ; et c'est un des moyens d'émulationqu'on met en jeu pourstimuler l'enfant à l'industrie, à l'étude sans jamais l'y obliger. On neverra pas cette émulation en pleineactivité dans la phalange d'essai, parce qu'elle manquera de tous les ressorts que fournissent les relations extérieures pour exciter l'amour propre et les rivalités parmi l'enfance. Un enfant de celte phalange n'aura pas la perspective d'arriver dès l'âge de 12 à 13 ans à de hautes dignités telles que le commandement de dix mille hommes dans une manoeuvre de parade ou d'armée ; mais il suffira des résultats déjà très-brillans qu'on obtiendra au début, pour faire juger de ceux que donnera le nouvel ordre, quand il sera pourvu de toutes les ressources, et élevé au plein mécanisme par l'organisation générale. Il est dans l'éducation des bambins et bambines, une branche sur laquelle je n'ai pas pu disserter, c'est l'art de déterminerle caractère elle tempérament de l'enfant, INDUSTRIEL.III.e S. 235 l'échelon qu'il occupe dans une échelle de 810 pleins et 405 mixtes, plus les transcendans. C'est une discussion qui sortirait du cadre des connaissances actuelles; j'ai dû l'éviter et je n'en fais mention que pour signaler la haute importance du rôle de mentorin et mentorine auquel sont affectées ces fonctions scientifiques. Faut-il s'étonner que la nature qui assigne aux mentorines un emploisi éminent, leur inspire du dégoût pour les rôles subalternes de l'éducation, le soin des marmots au berceau ? Comment pourraient-elles vaquer à l'éclosion des caractères, à celle des penchans industriels, à la classification des tempéramens, et aux épreuves très-délicates qu'exigent ces divers services, si elles étaient obligées de passer tout leur temps à donner la bouillie aux marmots, écumer le pot, resarcir les culottes pour se rendre dignes d'un mari moraliste. Il est donc dans l'ordre que les femmes réservées à ces hautes fonctions dédaignent la broutille du ménage, et que ne trouvant pas dans l'état civilisé des emplois dignes de leur talent, elles se jettent dans les distractions, bals, spectacles, amourettes, pour combler le vide que la mesquinerie civilisée laisse à tous les caractères supérieurs. C'est bien à tort qu'on les accuse de dépravation, quand on ne doit accuser que le régime civilisé qui, en éducation comme en toutes choses, n'ouvre de carrière qu'aux femmes enclines à la petitesse, à la servilité, à l'hypocrisie. L'étalage d'amour maternel n'est souvent qu'hypocrisie, marchepied de vertu pour les femmes qui n'ont aucune vertu réelle, aucuns moyens. Diogène dit que l'amour est l'occupationdes paresseux ; on en peut dire autant des excès maternels. Ce beauzèle de certaines femmes pourle soin du marmot, n'est qu'un pis aller de désoeuvrement. Si elles avaient une vingtaine d'intrigues industrielles à suivre pour leurintérêt et leur renommée , elles seraient fort aises qu'on les délivrât du soin des petits enfans, sauf garantie de leurbonne tenue. L' harmonie ne commettra pas comme nousla sottise 236 NOUVEAU MONDE d'exclure lesfemmesde la médecine et de l'enseignement, les réduire à la couture et au pot. Elle saura que la nature distribue aux 2 sexes par égale portion, l'aptitude aux sciences et aux arts, sauf répartition des genres; le goût des sciences étant plus spécialement affecté aux hommes, et celui des arts plus spécialement aux femmes, en proportion approximative de hommes, 2/3 aux sciences, 1/3 aux arts. femmes , 2/3 aux arts, 1/3 aux sciences. hommes, 73 à la grande culture, 1/3 à la petite. femmes, 2/3 à la petite culture, 1/3 à la grande. hommes, 2/3 aux mentorins, 1/3 aux bonnins. femmes, 2/3 aux bonnines, 1/3 aux mentorines. Ainsi les philosophes qui veulent tyranniquementexclure un sexe de quelqu'emploi, sont comparables à ces méchans colons des Antilles qui, après avoir abruti par les supplices leurs nègres déjà abrutis par l'éducation barbare, prétendent que ces nègres ne sont pas au niveau de l'espèce humaine. L'opinion des philosophes sur les femmes est aussi juste que celle des colons sur les nègres. L'éducation harmonienne en direction des penchans, se trouve achevée à l'époque où la nôtre n'est pas commencée, à l'âge d'environ 4 ans 1/2. cet âge l'enfant passant à la tribu des chérubins, s'élèvera parle seul effet de l'attraction et de l'émulation. Sans doute il aura encore beaucoup à apprendre jusqu à 20 ans, mais ce sera lui qui demandera l'enseignement, et s'instruira de luimême dans les réunions scientifiques ou industrielles. Aucun officier ne le surveillera pour le diriger comme les bambins et lutins; il sera dès l'âge de 5 ans ce qu'est chez nous l'homme de 25 ans qui ne s'instruit qu'à son gré et fait d'autant plus de progrès. Ajoutons une différence à établir entre les deux éducations ; c'est que la notre sépare les sciences et l'industrie qui sont toujours réunies dans l'ordre sociétaire. L'enfant y fait marcher de front l'agriculture, la fabrique, les sciences,les arts ; c'est une propriété de l'exercice INDUSTRIEL. III.e S. 237 parcellaire et des courtes séances, méthodes impraticables hors des Séries passionnées. Conclusions. Avant d'aller plus loin en éducation, remarquons la contrariété de nos méthodes civilisées avec le voeu de la nature. Loin de vouloir que les femmes soient toutes uniformes en penchans maternels, toutes empressées de soigner les petits enfans, elle n'en veut affecter à ce soin qu'environ le huitième, et répartir ce petit nombre à des fonctions très-opposées, celles de bonnes , bonnines et mentorines qui n'ont aucun rapport, et qui encore sont subdivisées chacune en emplois parcellaires, en différens rôles sur lesquels on a l'option. En outre la nature veut mettre en concurrence les sexes et les instincts; ce sont des instincts très-différens, que ceux des 3 corporations précitées, et cependant ils concourent à former une série coopérative des 2 sexes dans l'ensemble de la basse éducation, Ainsi dès son enfance l'homme n'est point compatible avec la simple nature, il faut pour l'élever un vaste attirail de fonctions contrastées et graduées, même dès le plus bas âge où il n'est point fait pour le berceau. J.-J. Rousseau s'est insurgé contre cette prison où l'on garotte les enfans, mais il n'a pas su imaginer le régime de nattes élastiques, des soins combinés et des distractions nécessaires à l'appui de cette méthode. Ainsi les philosophes ne savent opposer au mal que des déclamations stériles, au lieu d'inventer les voies du bien qui, fort éloignées de la simple nature, ne naissent que des méthodes composées. Plus nous avancerons dans l'examen de l'éducation harmonienne, plus nous reconnaîtrons cette contrariété de la morale avec la nature: il convient d'en récapituler ici quelques détailstirés de l'éducation de basse et prime enfance. La morale veut fonder le système d'éducation des petits enfans, sur la plus petite réunion domestique, 238 NOUVEAU MONDE celle du ménage conjugal. La nature veut fonder cette éducation sur la plus grande combinaison domestique , distribuée en 3 degrés, les groupes, les séries de groupes et la phalange de séries. Hors de cette vaste réunion, l'on ne peut ni former les deux échelles de fonctions et de fonctionnaires exerçant émulativement sur chaque parcelle de l'échelle, ni satisfairechez l'enfant le caractère et le tempérament qui ont besoin des salles et des services annexés à cette double échelle, services impraticables hors d'une phalange de Séries industrielles. Aussi dans les ménages de famille, l'enfant s'ennuie-t-il au point de hurler nuit et jour, sans que ni lui ni les parens puissent deviner les distractions dont il a besoin et qu'il trouverait dans un séristère de prime enfance. La morale veut que dans ce ménage de famille, le père se complaise à entendre le vacarme perpétuel de marmots, qui le privent de sommeil et troublent son travail. La nature veut au contraire que l'homme, pauvre comme riche, soit délivré de ce charivari moral, et que rendu à sa dignité, il puisse reléguer en local éloigné cette diabolique engeance, placer les enfans en lieu où ils soient sainement et agréablement tenus, selon la méthode sociétaire qui assure le repos des pères, des mères et des enfans

ils sont tous harcelés par le régime civilisé nommé doux ménage, véritable enfer pour le peuple, quand il n'a ni appartement séparé pour les marmots, ni argent pour subvenir à leurs besoins. La morale veut que la mère allaite son enfant; précepte inutile avec les mères pauvres qui forment les 7/8 ; loin d'avoir de quoi payer une nourrice, elles cherchent des nourrissons payans. Quant aux mères fortunées, en nombre de 1/8, il faudrait leur interdire cette fonction, car elles sont assassines de l'enfant. Par désoeuvrement, elles s'étudient à lui créer mille fantaisies nuisibles, qui sont un poison lent et tuent la plupart des enfans riches. On s'étonne sans cesse que la mort enlève le fils unique d'une opulente maison , tandis qu'elle épargne dans INDUSTRIEL. III.eS. 239 les chaumières de misérables enfans privés de pain ; ces marmots de village ont une garantie de santé dans la pauvreté de leur mère qui , obligée d'aller au travail des champs, n'a pas le temps de s'occuper de leurs fantaisies, et encore moins de leur en créer, comme le fait la dame du château. Ainsi J.-J. Rousseau en croyant rappeler les mères aux tendres sentimens de la tendre morale , a fait naître la mode d'allaitement, chez la classe de femmes qu'il fallait en exclure ; car dans cette classe riche elles manquent pour l'ordinaire ou de la santé nécessaire, ou du caractère froid et prudent qui serait un préservatif de mal pour la mère et l'enfant. La morale défend au père de gâter l'enfant; c'est au contraire la seule fonction réservée au père, son enfant étant suffisamment critiqué et remontré en régime sociétaire, par les groupes qu'il fréquente, II, 158 à 163 , ou s'il est très-petit, par lesbonnes qui le soignent au séristère du bas âge. La morale veut que le père soit instituteur naturel de l'enfant ; c'est un soin dont la nature l'exclut et qu'elle réserve aux bonnins et mentorins, gens formés pour cette fonction par l'instinct et l'esprit corporatif. La morale veut qu'on place autourde l'enfant une demi-douzaine d'aïeules et tantes, soeurs et cousines, voisines et commères pour lui créer des fantaisies qui nuisent a sa santé et lui fausser l'oreille par la musique française. La nature veut qu'on n'emploie pas le vingtième de cet attirail pour tenir l'enfant gaiement et sainement, dans un séristère assorti à tous les instincts du premier âge. La morale veut que l'enfant soit élevé dès le bas âge à mépriser les richesses, et estimer les marchands ; la nature veut au contraire que l'enfant soit élevé de bonne heure à estimer l'argent et s'évertuer à en acquérir par la pratique de la vérité qui, en civilisation ne peut pas conduire aux richesses , et qui est incompatible avec le commerce inverse ou méthode actuelle. La morale veut qu'on ne permette aux enfans aucun 240 NOUVEAU MONDE raffinement, surtout en gourmandise, et qu'ils mangent indifféremment tout ce qu'on leur présente. La nature veut qu'on les élève aux exigences gastronomiques, aux finesses de cet art qui, en harmonie, devient moyen direct de les passionner pour l'agriculture. II, 213, 215. Il est donc certain que la morale, même eu lui supposant de bonnes intentions, joue le rôle d'un médecin ignorant qui ne donne que des avis pernicieux, ne sait que contrarier les vues de la nature, et tuer les malades avec un étalage de belles doctrines. Mais est-il certain que la morale et ses coriphéesaient de bonnes intentions? Avant de prononcer sur ce point, continuons à analyser la contrariété de cette science avec la nature ; après l'avoir pleinement convaincue de contre-sens perpétuel, nous examinerons ses perfidies égales à son ignorance. SIXIÈME NOTICE. Éducation de moyenne, haute et mixte enfance. Concurrence des instincts et des sexes. PRÉAMBULE. Je me suis étendu assez longuement sur l'éducation de 1.re phase ou basse enfance, parce qu'elle sera le côté fort de la phalange d'essai , le point où elle pourra briller d'emblée, n'étant que peu contrariée par le préjugé ; il n'aura pas encore circonvenu les enfans de 3, 4, et même de 5 ans ; ils seront moins imbus de morale, moins faussés que ceux de 10 et 15 ans, on aura plus de facilité à déployer franchement leur naturel et apprécier en eux la justesse de l attraction. Dès l'âge de 5 ans , la civilisation commence à leur meubler l'esprit de saines doctrines qui travestissentleur caractère,surtout celui des filles. De là vient que la phalange d'essai aura beaucoup de peine à classer les caractères, discerner le plein et le demi-titre. Assurément elle n'y réussira pas dès la première année. INDUSTRIEL. III.e S. 241 Nous passons aux phases 2.e, 3.e, 4.e de l'éducation : 2.e phase, la moyenne enfance comprend les 2 tribus de chérubins et séraphins, âge, 4 1/2 à 9 ans. 3.e phase, la haute enfance, comprend les 2 tribus de lycéens et gymnasiens, âge , 9 à 15 1/2 ans. 4.e phase, la mixte enfance, tribu des jouvenceaux et jouvencelles, âge 15 1/2 à 19 1/2 ou 20 ans. Les limites d'âge seront moins élevées au début; d'ailleurs elles ne seront pas les mêmes pour les 2 sexes. Je traiterai cumulativement des phases 2 et 3, parceque le système qui y règne est le même quant au fond, sauf à observer qu'en 2.e phase on doit cultiver plus activement les facultés matérielles, et en 3.e, les spirituelles. Ce n'est que dans la 4.e phase que le système d'éducation doit subir des changemens, parce que l'amour y intervient

il convient donc d'étudier conjointement les 2.e et 3.e phases, et isolément la 4.e. Il faudrait, non pas 4 chapitres, mais vingt au moins pour traiter convenablement le sujet

c'est pourquoi je ne puis pas même en promettre l'abrégé, maisseulement l'exposé, l'argument; je renverrai souvent au traité qui contient des détails circonstanciés sur l'éducation des 2.e, 3.e et 4.e phases d'enfance harmonienne. On va voir que la morale a manqué toutes les bases d'opérations relatives à ces 3 phases, et placé selon son usage au rang des vices, tous les ressorts que la nature veut employer à créer des vertus. Pour établir la lutte des instincts et des sexes qui en- fante des prodiges en industrie et en vertu , on divise toute la haute et la moyenne enfance, les 4 tribus de gymnasiens, lycéens, séraphins et chérubins, en deux corporations d'instinct, ce sont : Les petites hordes affectées au travaux répugnans pour les sens ou l'amour propre. Les petites bandes affectées au luxe collectif. Ces deux corporations, par leur contraste, emploient utilement les instincts que la morale cherche en vain 16 242 NOUVEAU MONDE à comprimer dans chaque sexe, le goût de la saleté chez les petits garçons, et de la parure chez les petites filles. En opposant ces goûts , l'éducation sociétaire conduit l'un et l'autre sexe au même but par diverses voies ; Les petites hordes au beau par la roule du bon, Les petites bandes au bon par la route du beau. Cette méthode laisse aux enfans l'option, la liberté dont ils ne jouissent pas dans l'état actuel où l'on veut toujours les obliger à un même système de moeurs. L'état sociétaire leur ouvre deux voies contrastées favorisant les inclinations opposées, parure et malpropreté. Parmi les enfans, on trouve environ 2/3 de garçons qui inclinent à la saleté ; ils aiment a se vautrer dans la fange , et se font un jeu du maniement des choses malpropres; ils sont hargneux , mutins, orduriers, adoptant le ton rogue et les locutions grossières, aimant le vacarme et bravant les périls, les intempéries, etc., pour le plaisir de commettre du dégât. Ces enfans s'enrôlent aux petites bordes dont l emploi est d'exercer, par point d'honneur et avec intrépidité, tout travail répugnant qui avilirait une classe d'ouvriers. Cette corporation est une espèce de légion à demi sauvage qui contraste avec la politesse raffinée de l'harmonie, seulement pourle ton et non pas pourles sentimens, car elle est la plus ardente en patriotisme. L'autre tiers de garçons a du goût pour les bonnes manières et les fonctions paisibles; il s'enrôle aux petites bandes, et par opposition il est 1/3 de filles qui ont des inclinations mâles et qu'on nomme petites garçonnières, aimant à se faufiler dans les jeux des garçons dont on leur interdit la fréquentation : ce tiers de filles s'enrôle aux petites bordes.Ainsile contenu de 2 corporationsest : Petites hordes , 2/3 de garçons, 1/3 de filles. Petites bandes, 2/3 de filles, 1/3 de garçons. Chacun des 2 corps se subdivisera en 3 genres qu il faudra dénommer : on adoptera pour les petites bordes 3 noms de genre poissard , et pour les petites bandes 3 INDUSTRIEL. III.e S. 243 noms de genre romantique, afin de contraster en tout point ces 2 réunions qui sont des leviers de haute importance en attraction industrielle. CHAP. XXI. Des Petites Hordes. Analysons d'abord leurs attributions et leurs vertus civiques. Plus ces vertus sembleront colossales , plus il sera intéressant d'examinerpar quels ressorts l'attraction peut obtenir ces efforts généreux que la civilisation n'ose pas même rêver, malgré son penchant pour les chimères morales et philanthropiques. Les petites hordes ont rang de milice de Dieu en ser- vice d'unité industrielle

à ce titre, elles doivent être les premières à la brèche1, partout où l'unité serait en danger ; et l'on verra en 5.e section que pour le soutien de l'unité, elles doivent s'emparer de toutes les branches d'industrie qui, par excès de répugnance, obligeraient à rétablir des classes de salariés et de gens dédaignés. Dans l'exercice de ces travaux elles se divisent en 3 corps, le 1.er affecté aux fonctions immondes, curage des égoûts, service des fumiers, triperies, etc. Le 2.e af- fecté aux travaux dangereux, à la poursuite des reptiles aux emplois de dextérité. Le 3.e participant de l'un et de l'autre genre. On doit monter sur chevaux nains toute la classe composée de lycéens et gymnasiens d'un et d'autre sexe. Elles ont parmi leurs attributions, l'entretien journalier des grandes routes en superficie : c'est à l'amour propre des petites hordes, que l'harmonie sera redevable d'avoir partoute la terre des grands chemins plus somptueux que les allées de nos parterres , des routes garnies d'arbustes, et même de fleurs en lointain. Si une route de poste essuye le moindre dommage l'alarme est à l'instant sonnée, les petites hordes vont faire une réparation provisoire et arborer le pavillon d accident, de peur que le dommage étant aperçu par [texte manquant] 244NOUVEAU MONDE quelques voyageurs ne donne lieu d'accuser le canton d'avoir une mauvaise horde, reproche qu'il encourrait de même , si on trouvait un reptile malfaisant, une bourse de chenilles , ou si on entendait un croassement de crapauds à la proximité des grands chemins

celte immondicité ferait dédaigner la phalange et baisser le prix de

ses actions. Quoique le travail des petites hordes soit le plus difticile, par défaut d'attraction directe ( 110), elles sont de loutesles séries, la moinsrétribuée ; elles n'accepteraient rien s'il était décent en association de n'accepter aucun lot ; elles ne prennent que le moindre, ce qui n'empêche pas que chacun de leurs membres ne puisse gagner les premiers lots dans d'autres emplois; mais à titre de congrégation de philanthropie unitaire, elles ont pour statut le dévoûment aussi gratuit que possible. Pour donner de l'éclat à ce dévoûment, on laisse aux petites hordes, la faculté , (quoiqu'elles soient composées d'enfans mineurs ),de sacrifier dès l'âge de 9 ans un 8.e de leur fortune au service de Dieu ou de l'Unité, mots synonymes, puisque l'unité ou harmonie est le but de Dieu. Ainsi l'enfant qui possède 80,000f. dont il ne peut disposer qu'à l'âge de majorité, a le droit d'en distraire 10,000 dès l'âge de 9 ans, pour le verser au trésor des petites hordes,s'il en est membre. Encore ne sera-t-il pas aisé aux enfans riches d'obtenir cette faveur, malgré l'offre de belles sommes qui, en civilisation, seraient un gage de brillant accueil. A la séance de répartition , les petites hordes font apporter leurtrésor en nature ; et si quelque série se plaint d'une lésion proportionnellede 100 ou 200 louis, le Petit Kan porte une corbeille de 200 louis devant les chefs de cette série ; elle doit l'accepter; en la refusant elle outragerait l'opinion qui a décidé d'avance que la milice de Dieu a le droit de sacrifier sa fortune pour le soutien de l'unité, pour la réparation des fautes qu'ont pu commettre les jugemens des hommes. C est pour cette série INDUSTRIEL. III.e S. 245 un affront,un avis de mieux s'organiser une autre année, mieux distribuer son assortiment de caractères et de rivalités , de manière qu'il ne s'élève à la séance de répartition, aucun débat capable de compromettre l'unité. Une phalange qui passerait pour être sujette aux mésintelligences dansl'instant décisif, au jour de la répartition, serait décréditée dansl'opinioncomme faussée en échelle de caractères ; ses actions tomberaient, on s'en déferait promptement, parce qu'on sait en harmonie que le matériel ou industrie périclite si le passionnel est en discorde ; et que le passionnel est de même en danger si le matériel n'est pas satisfait. Les petites bordes étant le foyer de toutes les vertus civiques, elles doivent employerau bonheur de la société l'abnégation de soi-même recommandée par le christianisme, et le mépris desrichesses recommandé par la philosophie : elles doivent réunir et pratiquertoutes les sortes de vertus rêvéeset simulées en civilisation. Conservatrices de l'honneursocial, elles doivent écraserla tête du serpent au physique et au moral

tout en purgeant les campagnes de reptiles, elles purgent la société d'un venin pire

que celui de la vipère ; elles étouffent, par leurs trésors, toute rixe de cupidité qui pourrait troubler la concorde ; et par leurs travaux immondes elles étouffent l'orgueil qui, en déconsidérantune classe d'industrieux, tendrait à ramener l'esprit de caste, altérer l'amitié générale, et empêcher la fusion des classes; elle est l'une des bases du mécanisme sociétaire fondé sur L'attraction industrielle, la répartition équilibrée, La fusion des classes, l'équilibre de population. Il semblera que pourobtenirde l'enfance des prodiges de vertu, il faille recourir à des moyens surnaturels, comme font nos monastères qui, par des noviciats trèsaustères, habituent le néophite à l'abnégation de soi-même ; on suivra une marche tout opposée, on n'emploiera avec les petites hordes que l'amorce du plaisir. Analysons les ressorts de leurs vertus; ils sont au 246 NOUVEAU MONDE nombre de 4, tous réprouvés par la morale ; ce sont les goûts de saleté, d'orgueil, d'impudence et d'insubordination. C'est en s'adonnant à ces prétendus vices, que les petites hordes s'élèvent à la pratique de toutes les vertus; examinons, en nous aidant d'un indice. J'ai dit que la théorie d'attraction doit se borner à utiliser les passions telles que Dieu les donne, et sans y rien changer ; à l'appui de ce principe, j'ai justifié la nature sur plusieurs attractions du bas âge, qui nous semblent vicieuses; telles sont la curiosité et l'inconstance; elles ont pour but d'attirer l'enfant dans une foule de séristères où se développerontses vocations. Le penchant à fréquenterles polissonsplus âgés

c'est d'eux qu'il doit recevoir en harmonie l'impulsion d'entraînement à l'industrie, ( ton corporatif ascendant, II, 169 ). La désobéissance au père et au précepteur ; ce ne sont pas eux qui doivent l'élever ; son éducation doit être faite par les rivalités cabalistiques des groupes. Ainsi toutes les impulsions du jeune âge sont bonnes en basse enfance, et de même en haute enfance pourvu qu'on y applique l'exercice en Séries passionnées. Ce ne sera pas du premier jour qu'on entraînera une borde aux travaux répugnans; il faudra l'y amener par degrés; on excitera d'abord son orgueil par la suprématie de rang ; toute autorité, les monarques mêmes, doivent le 1.er salut aux petites hordes; elles possèdent les chevaux nains etsont premièrecavaleriedu globe ; aucune armée industrielle ne peut ouvrir sa campagne sans les petites bordes; elles ont la prérogative de mettre la première main à tout travail d'unité

elles se rendent à l'armée au jour fixé pour l'ouverture ; les ingénieurs ont fait le tracé du travail, et les petites bordes défilant sur le front de bandière fournissent la 1.re charge aux acclamations de l'armée

elles y passent quelques jours et s'y signalent dans de nombreux travaux. Elles ont le pas sur toutes les autres troupes ; et dans tout exercice matinal, le commandement est dévolu a INDUSTRIEL. III.e S. 247 l'un des Petits Kans. Si des légions ont campé dans une phalange, ( aux camps cellullaires), le lendemain après le repas du délité, on s'assemble pour le départ à la parade, et c'est le Petit Kan qui la commande.Il a son étatmajor comme un général, prérogative qui charme les enfans, de même que l'admission à l'armée ; elle Il est accordée qu'aux petites hordes ou à quelques élus des petites bandes qui n'y sont reçus que par la protection des hordes. Dans les temples, une petite horde prend place au sanctuaire ; et dans les cérémonies elle a toujoursle poste d'honneur.) Ces distinctions ont pour but d'utiliser leur penchant aux fonctions immondes. Il faut par des fumées de gloriole qui ne coûtent rien, les passionner pour ces travaux, leur y créer une carrière de gloire; c'est pour cela qu'on favorise leurs goûts d'orgueil, d'impudence et d'insubordination. Elles ont leur argot ou langage de cabale, et leur petite artillerie

elles ont aussi leurs druides et druidesses qui sont des acolytes choisis parmi les personnes âgées, conservant du goût pour les fonctions immondes, et à qui ce service vaut de nombreux avantages. La méthode à suivre avec les petites hordes est d'utiliser leur fougue de saleté, mais non pas de L'user par des travaux fatigans. Pour ne point user cette fougue on l'emploie gaîment, honorifiquement et en courtes séances; par exemple : S'il s'agit d'un travail très-immonde, on rassemble les hordes de 4 ou 5 phalanges vicinales; elles viennent assister au délité ou repas matinal servi à 4 heures 3/4 ; puis après l'hymne religieux à 5 heures, et la parade des groupes qui vont au travail, on sonne la charge des petites hordes, par un tintamarre de tocsin, carillons, tambours, trompettes,hurlemens de dogues et mugissemens de boeufs

alors les hordes conduites par leurs kans et leurs druides s'élancent à grands cris, passant au-devant 248 NOUVEAU MONDE du sacerdoce qui les asperge ; elles courent frénétiquement au travail qui est exécuté comme oeuvre pie, acte de charité envers la phalange, service de Dieu et de l'unité. L'ouvrage terminé, elles passent, aux ablutions et à la toilette, puis se dispersant jusqu'à 8 heures dans les jardins et ateliers, elles reviennent assister triomphalement au déjeûné. Là, chaque horde reçoit une couronne de chêne qu'on attache à son drapeau, et après le déjeûné, elles remontent à cheval et retournent dans leurs phalanges respectives. Elles doivent être affiliées au sacerdoce à titre de confrérie religieuse, et porter dans l'exercice de leurs fonctions un signe religieux sur leurs habits, croix ou autre emblème. Parmi leurs stimulans industriels, on ne doit pas négliger l'esprit religieux, mobile très-puissant sur les enfans pour exciter le dévoûment. Après les avoir électrisées corporativement dans des fonctions difficiles, il sera bien aisé de les façonner aux emplois habituels de service immonde dans les appartemens , les boucheries, cuisines, étables, buanderies; elles sont toujours sur pied à trois heures du matin, prenant l'initiative du travail dans la phalange comme à l'armée. Elles ont la haute police du règne animal, veillant dans les boucheries à ce qu'on ne fasse souffrir aucune bête et qu'on lui donne la mort la plus douce. Quiconque maltraiferoit quadrupède, oiseau, poisson, insecte, en rudoyant l'animal dans son service ou en le faisant souffrir aux boucheries, seroit justiciable du Divan des petites hordes; quel que fût son âge, il se verrait traduit devant un tribunal d'enfans, comme inférieur en raison aux enfans mêmes; car on a pour règle en harmonie, que les animaux n'étant productifs qu'autant qu'ils sont bien traités, celui qui, selon la coutume française, maltraite ces êtres hors d'état de résister, est lui-même plus animal que les bêtes qu'il persécute. La phalange d'essai n'aura pas, pour enthousiasmer INDUSTRIEL. III.e S. 249 sa petite borde, les moyens de relations générales décrits plus haut, mais elle approchera du but par quelques moyens de circonstance , tels que les contrastes à établir entre la petite horde et la petite bande ; par exemple, en costumes : les petites bandes ont les vêtemens chevaleresques et romantiques, et la manoeuvre moderne ou mode rectiligne nommé escadron ; les petites hordes ont la manoeuvre tartare ou mode curviligne, les parures grotesques, et probablement le costume mi-parti du barbaresque et du Hongrois , dolman et pantalon de couleurs tranchantes et variées sur chaque individu, de manière que la horde semble un carreau de tulipes richement panachées : cent cavaliers devront étaler deux cent couleurs artistementcontrastées; problème bien embarrassant pour la belle France, qui, avec ses perfectibilités mercantiles, n'a jamais su trouver 40 couleurs pour différencier méthodiquement à deux couleurs tranchantes, les marques distinctives des régimens. On peut voir sur ce sujet de plus amples détails (II, 233 à 258.) J'en ai dit assez pour faire entrevoir qu'une corporation d'enfans adonnée à tous les goûts que la morale interdit à leur âge, est le ressort qui réalisera toutes les chimères de vertu dont se repaissent les moralistes: I.° La doucefraternité ; si l'immondicité parvenoit à déconsidérer quelque fonction, la série qui l'exerce deviendrait classe de Parias, d'êtres avilis avec qui les riches ne voudraient plus se rencontrer dansles travaux. Toute fonction qui produirait ce vicieux effet est ennoblie par les petites hordes qui s'en emparent, et maintiennent ainsi le rapprochement, l'unité ou fusion des classes, riche, moyenne et pauvre. 2.° Le mépris des richesses. Les petites hordes ne méprisent pas la richesse, mais l'égoïsme en usage des richesses

elles sacrifient partie de la leur pour augmenter celle de la phalange entière , et maintenir la vraie source de richesse qui est l'attraction industrielle étendue aux 3 classes, et opérant leur réunion affectueuse dans tous 250 NOUVEAU MONDE les travaux, même au genre immonde réservé aux enfans; car ceux des riches seront aussi empressés que les pauvres d'être admis à la horde ; c'est le caractère qui décide ce choix en corporation. 3.° La charité sociale. On verra que les petites hordes, en exerçant cette vertu, entraînenttout le monde à l'exercerindirectement enaffaires d'intérêt.Voyez sect.V. l'équilibre de répartition en mode inverse ou voie de générosité, par laquelle les riches se coalisent pour favoriser le pauvre qu'ils s'accordent tous à spolier en civilisation. On se convaincra dans les sections suivantes que tous les triomphes de la vertu tiennent à la bonne organisation des petites hordes; elles seules peuvent, en mécaniquegénérale , contrebalancer le despotisme de l'argent, maîtriser ce tyran du monde, ce VIL MÉTAL, vil aux yeux des moralistes, et qui deviendra très-noble quand il sera employé au maintien de l'unité industrielle : il en est l'écueil dans nos sociétés civilisées où l'on titre de gens comme ilfaut, ceux qui, à l'appui de la richesse, ne font rien, ne sont bons à rien. Leur surnom de gens comme il faut se trouve malheureusement fort sensé; car la circulation en régime civilisé ne se fondant que sur les fantaisies des oisifs, ils sont vraiment les gens comme il en faut pour soutenir le régime de circulation inverse et consommation inverse ( 40). Pour résumer sur les petites hordes, il nous resterait à analyserla force des ressorts qui les font mouvoir ; on n'en pourra bien juger qu'après que j'aurai décrit leur contraste ou force opposée, qui est la corporation des petites bandes. Je vais les définir abréviativement, après quoi il faudra définir encore les 2 corps de vestalat et damoisellat, avant de pouvoir expliquer le système des équilibresde passionsparmiles diversestribus de l'enfance. Remarquons provisoirement que parmi les petites hordes, aucune passion n'a été comprimée ; au contraire on donne plein essor à leurs goûts dominans, entre autres à celui de saleté. INDUSTRIEL. III.e S. 251 Si nos moralistes avaient étudié la nature de l'homme, ils auraient reconnu ce goût de saleté chez le grand nombre des enfans mâles, et ils auraient opiné à l'employer utilement, comme fait l'ordre sociétaire qui tire parti de ce goût pour former une corporation de Décius industriels, en favorisant ces penchans immondes que la tendre morale réprime à grands coups de fouet, ne voulant pas chercher les moyens d'employerles passions telles que Dieu nous les a données. C'est par son obstination. à ne pas étudier la nature, qu'elle a manqué en éducation le ressort primordial, l' entraînement progressif ascendant ( 218 ), ou impulsion corporative échelonée, manie commune à tous les enfans de se laisser diriger par des groupes d'enfans un peu supérieurs en âge. L'échelle corporative des âges est le seul maître que l enfant veuille reconnaître; il en suit avec transport les impulsions; c'est pourquoi la nature qui le destine a cette discipline, ( Voyez chap. XXIII, opéra, chorégraphie ), le rend rétif aux ordres des pères et des instituteursqu'elle réserve pour l'instruction sollicitée. CHAP. XXII. Des Petites Bandes. L'ACTIVITÉ et l'émulation des petites hordes doubleront d'intensité si on leur oppose le contraste que la nature a dû leur ménager. La majorité des enfans mâles inclinent pour le genre immonde, l'impudence et la rudesse

on voit par opposition, la majorité des petites

filles incliner pour la parure et les belles manières.Voilà un germe de rivalité bien prononcé ; il reste à le développer, en application à l'industrie. Plus les petites hordes sont distinguées par les vertus et le dévoûment civique, plus la corporation rivale doit réunir de titres pour entrer en balance dans l'opinion. Les petites bandes sont conservatrices du charme social, poste moins brillant que celui de soutiens de la concorde sociale affecté aux petites hordes; mais les soins donnés 252 NOUVEAU MONDE aux parures collectives, au luxe d'ensemble, deviennent en régime sociétaire aussi précieuxque d'autres branches d'industrie. Les petites bandes interviennent très-utilement dans ce genre de travail, elles ont pour attribution l'ornement du canton entier en matériel et spirituel. Chacun est fort libre en harmonie quant au choix de ses vêtemens, mais lors des réunions corporatives,il faut des costumes unitaires: chaque groupe, chaque série en discute le choix, et dans les concours qu'exige l'ornement matériel ou choix et renouvellement des costumes, le goût des poupées est utilisé comme celui des gimblettes citées en éducation de basse enfance. Les petites bandes composées en majorité de filles, sont chargées de la présentation des poupées et mannequins sur lesquels on fera choix, après examen critique. Opposées en ton aux petites hordes, elles se passionnent pour l'atticisme

elles sont si polies que les garçons y cèdent le pas aux filles; et c'est une coutume très-utile pour donner aux enfans le change sur les manières galantes des tribus de 20 à 30 ans. L'enfance n'en soupçonne pas la cause, parce qu'elle voit régner cette courtoisie parmi les petites bandes qui sont composées d'enfans impubères; elles brillent principalement aux écoles. En sexe masculin, qui n'y figure que pour un tiers, elles réuniront les jeunes savans, les esprits précoces comme Pascal, ayant pour l'étude une vocation prématurée ; et les petits efféminés qui dès le bas âge inclinent à la mollesse. Moins actives que les petites hordes, elles se lèvent plus tard et n'arrivent aux ateliers qu'à 4 heures du matin. Elles n'yseraient pas nécessaires plus tôt, ne s'adonnant que fort peu au soin des grands animaux, mais à celui des espèces difficiles à élever et priver, comme les pigeons de correspondance , les volières, les castors en travail combiné, et les zèbres. Elles ont la haute police du règne végétal ; celui qui casse une branche d'arbre, qui cueille fleur ou fruit mal INDUSTRIEL. III.e S. 253 à propos, qui foule une plante par négligence, est traduit au sénat des petites bandes qui juge en vertu d'un code pénal, appliqué à ce genre de délits, comme le divan des petites hordes en police du règne animal. Chargées de l'ornement spirituel et matériel du canton, elles exercent les fonctions des académiesfrançaises et della crusca ; elles ont la censure du mauvais langage et de la prononciation vicieuse : chaque chevalière des petites bandes a le droit d'agir comme la revenderesse d'Athènes qui badina Théophraste sur une locution défectueuse. Le sénat des petites bandes a le droit de censure littéraire sur les pères mêmes, il dresse la liste des fautes de grammaire et de prononciation commises par chaque sociétaire, et la chancellerie des petites bandes lui envoie cette liste, avec invitation de s'en abstenir. Auront-elles fait des études suffisantes pour exercer une critique si difficile, sans doute

mais je brise sur ce sujet qui tient au chap. de l'enseignement. Stimulées par les grands exemples de vertu et de dévoûment social que donnent les petites hordes; elles ont à coeur de les égaler en ce qui est de leur compétence; une chevalière fortunée fera dans le cours de sa jeunesse , et lors de son admission à la cavalerie, (âge de 9 ans), un présent d'un ornement quelconque à son escouade, et à l'escadron entier, si ses moyens le lui permettent. Elle serait méprisée si on pouvait la suspecter d'égoïsme , d'esprit civilisé qui entraîne les femmes à dédaignerleur sexe, à se réjouir de ses disgrâces, de ses servitudes et privations, ne faire cas d'un colifichet qu'autant que des voisines pauvres en sont privées. Les petites bandes s'honorent de moeurs tout opposées à celles des femmes civilisées, et ne s'adonnent à la parure que pour en faire un ressort d'amitié générale et d'ornement du canton, un levier d'enthousiasme dans l'industrie et de générosité corporative. On devra former aux petites bandes un trésor corporatif pour l'exercice de cette générosité. Si l'on accorde 254 NOUVEAU MONDE aux petites hordes l'emploi d'un 8.e de leur patrimoine en service philanthropique, on pourra bien accorder aux petites bandes l'emploi d'un 16.e, et au besoin le produit des agios de leurs actions, agios que l'enfance accumule, parce qu'elle gagne toujours au-delà de sa dépense. Les petites bandes s'adjoignentparmi l'âge pubère des coopérateurs titrés de corybants et corybantes,par opposition aux druides et druidesses des petites bordes. Même contraste règne dans leurs alliés voyageurs qui sont les grandes bandes de chevalières errantes et chevaliers errans voués aux beaux arts. D'autre part les petites hordes ont pour alliés voyageurs,les grandes hordes d'aventuriers et aventurières vaquant aux travaux publics. La nature a ménagé, dansla répartitiondes caractères, une division fondamentaleen nuances fortes ou majeures et nuances douces ou mineures, distinction qui règne dans toutes les choses créées ; en couleurs, du foncé au clair; en musique, du grave à l'aigu; etc., etc. Ce contraste forme naturellement chez l'enfance, la distinction des petites hordes et petites bandes, adonnées à des fonctions opposées. Les fonctions des petites hordes opèrent le grand prodige de la fusion des classes; on obtient des petites bandes un servicenon moins éminent,qui est le raffinage des séries dès le plus bas âge, c'est le but de l'éducation. On a vu, chap. V et VI, qu'une Série industrielle serait défectueuse si elle manquait de compacité; pour la rendre compacte, il faut mettre en jeu la distinction minutieuse des goûts en variétés, ténuités, minimités. On habituera de bonne heure les enfans à ces distinctions de nuances en passion. C'est la tâche des petites bandes qui réunissent les enfans enclins aux raffinemens minutieux sur les parures , controverse familière aux petites filles et aux femmes ; elles voient, comme nos littérateurs et nos peintres, des effets choquanslà où un homme vulgaire n'aperçevra aucun défaut. Les petites bandes ont l'aptitude à établir desscissions INDUSTRIEL. III.eS. 255 sur les nuances de goût, classer les finesses de l'art, et opérer ainsi la compacité des séries, par le raffinement des fantaisies et la graduation d'échelle. Cette propriété règne bien moins chez les petites hordes, excepté en gastronomie. Ainsi l'éducation harmonienne puise ses moyens d'équilibre dans les 2 goûts opposés, celui de la saleté et celui de l'élégance raffinée ; penchans condamnés tous deux par nos sophistes en éducation. Les petites hordes opèrent, eu sens négatif autant que les petites bandes en sens positif ; les unes font disparaître l'obstacle qui s'opposerait à l'harmonie, elles détruisent l'esprit de caste qui naîtrait des travaux répugnans ; les autres créent le germe des séries par leur aptitude à organiser les échelles de goûts, les scissions nuancées entre divers groupes; de là il est évident que Les petites hordes vont au beau par la route du bon, par l'immondicité spéculative. Les petites bandes vont au bon par la route du beau ; par les parures et les efforts studieux. Cette action contrastée est loi universelle de la nature ; on trouve, dans tout son système, les contrepoids et balances de forces en jeu direct et inverse, en vibration ascendante et descendante ; en mode réfracté et réflecté, majeur et mineur ; en force centripète et centrifuge, etc.; c'est partout le jeu direct et inverse, principe absolument inconnu dans l'institution civilisée qui, toujours simple et simpliste en méthode, veut façonner toute la masse des enfans à un moule unique : à Sparte elle les veut tous amis du brouet noir ; à Paris , tous amis du commerce , sans contraste ni concurrence des instincts. D'autre part elle emploie le mode confus au lieu du composé ; elle assujétit les enfans à différentes morales selon les castes, à différens principes selon les changemens de ministère ; on les élève aujourd'hui selon Brutus et demain selon César. C'est dire qu'au lieu de l'unité de système, on emploie la monotonie quant aux carac¬ 256 NOUVEAU MONDE tères, la confusion quant aux méthodes : et nulle part on ne trouve dans l'éducation civilisée aucune trace de la méthode naturelle ou contraste des instincts et dessexes, dont nous examinerons plus loin l'emploi sur l'âge qui entre en puberté. Préalablement il faut traiter du système d'enseignement sociétaire dont les ressorts et les méthodes n'ont aucun rapport avec les nôtres. J'ai donné peu de détails sur les petites bandes

(Voyez II 258 à 276.) Quant aux preuves, elles seraient les mêmes que sur toute autre disposition ; il s'agit de vérifier si on a formé la série et donné plein cours aux 3 passions mécanisantes. La série se formera aux petites bandes comme aux petites hordes, par 3 divisions, dont 2 sur fonctions de genre contrasté, et une sur fonction mixte, le tout en contraste avec les emplois des petites hordes. Si cette règle est bien observée les 3 passions auront un développement plus facile que celui décrit 209, 210, au sujet de la fonction la plus ingrate de toute l'éducation. Réservons ces détails pour la fin de la section. CHAP. XXIII. De l'enseignement harmonien. JUSQU'ICI je n'ai envisagé l'éducation sociétaire qu'en détail, choeur par choeur, fonction par fonction : il faut maintenant envisager l'ensemble des tribus au-dessous de la puberté, les ressorts de leur émulation ; en faire un parallèle avec l'éducation civilisée où nous remarquerons cinq désordres : 1. Contre-sens de marche.— 3. Vice de fond. 2. Simplisme d'action. — 4. Vice de forme. 5. Absence d'attraction matérielle. I. ° Contre-sens de marche : elle place la théorie avant la pratique : tous les systèmes civilisés tombent dans cette erreur: ne sachant pas amorcer l'enfant au travail, ils sont obligés de le laisser en vacance jusqu a 6 ou 7 ans, âge qu'il aurait du employer à devenir un habile INDUSTRIEL. III.e S. 257 praticien; puis a 7 ans, ils veulent l'initier à la théorie, aux études, à des connaissances dont rien n'a éveillé en lui le désir. Ce désir ne peut manquer de naître chez l'enfant harmonien qui, à 7 ans, pratique déjà une trentaines de métiers différens, et éprouve le besoin de s'étayer de l'étude des sciences exactes. Voilà l'éducation civilisée en contre-sens démarché, plaçant la théorie avant la pratique, vrai monde à rebours comme tout le système dont elle fait partie. 2.° Simplisme d'action. L'enfant est limité à un seul travail qui est d'étudier, pâlir sur le rudiment et la gram- maire, matin et soir, pendant 10 à 11 mois de l'année, peut-il manquer de prendre les études en aversion ? c'est de quoi rebuter ceux même qui ont l'inclination stu- dieuse. L'enfant a besoin d'aller dans la belle saison tra- vailler aux jardins, aux bois, aux prairies; il ne doit étudier qu'aux jours de pluie et de morte-saison, encore doit-il varier ses études. Il n'y a point d'unité d'action là où il y a simplicité de fonction. Une société qui commet la faute d'emprisonner les pères dans des bureaux, peut bien y ajouter la sottise de renfermer l'enfant toute l'année dans un pensionnat où il est aussi ennuyé de l'étude que des maîtres. Si nos faiseurs de systèmes connaissaient les passions, je leur de- manderais comment cet assujétissernent des enfans à la réclusion, à la solde d'emploi, peut s'accorder avec les deux passions dites Papillonne et Composite (chap. V) ? Nos auteurs politiques et moraux parlent sans cesse de la nature et ne veulent pas la consulter un instant

qu'ils observent les enfans amenés en vacance, lorsqu'au nom- bre d'une demi-douzaine, et revêtus de blouses, ils vont se rouler sur le foin, s'entremettre joyeusement aux ven- danges, aux cueillettes de noix, de fruits, aux chasses d oiseaux, etc.; qu'on essaie en pareil moment d'offrir à ces enfans d'étudier le rudiment, et on pourra juger si la nature de l enfant est d'être enfermé tout le jour pen- dantla bellesaison, avecun entourage de livres etdepédans. 17 258 NOUVEAU MONDE On réplique : ne faut-il pas qu'ils étudient dans le jeune âge, pour se rendre dignes du beau nom d'hommes libres, dignes du commerce et de la charte ? Eh ! quand ils étudieront par attraction et rivalités cabalistiques, ils en apprendront plus en cent leçons d'hiver, bornées à deux heures de séance, qu'en trois cent trente journées qu'on leur fait passer dans la réclusion nommée pensionnat 3.° Vice de fond dans l'emploi de la contrainte. L'enfant civilisé ne peut être façonné à l'étude qu à l'aide des privations, des pensum, des fouets, des palettes de cuir. Depuis un demi-siècle seulement, la science, confuse de cet odieux système, a cherché à le farder par des procédés moins acerbes; elle s'étudie à masquer l'ennui des enfans aux écoles, à créer un simulacre d'émulation chez les élèves, et d'affection pour les maîtres; c'est-à-dire, qu'elle a entrevu ce qui devrait être, mais elle n'a trouvé aucun moyen de l'établir. L'accord affectueux des maîtres et élèves ne peut naître que dans le cas d'instruction sollicitée comme faveur : c'est ce qui n'aura jamais lieu en civilisation où tout l'enseignement est faussé par le contre-sens de placer la théorie avant la pratique, et par l'action simple ou perpétuité d'étude. On trouve quelques enfans, tout au plus un huitième, qui acceptent l'instruction avec docilité, mais qui ne l'ont pas sollicitée. Les professeurs concluent de la que les sept huitièmessont vicieux

c'est argumenter sur des exceptions prises pour règle ; illusion habituelle chez tous les chantres de perfectibilité. Il est dans toutes les classes un huitième d'exception qui déroge aux habitudes générales, et qu'on peut aisément ployer à de nouvelles moeurs; mais le changement n'est réel qu'autant qu'il s'applique à la grande majorité, aux sept huitièmes, et c'est ce que ne font pas nos systèmes; j'ai observé qu'ils n'amènent l'élève qu'à accepter et non pas solliciter l' enseignement. Quant aux sept huitièmes d'enfans formant INDUSTRIEL. III.e S. 259 la majorité, ils sont, ce qu'ils ont été de tout temps, fort ennuyés de l'école et n'aspirant qu'à en être délivrés. J'ai vu et questionné des enfans sortant des écoles célèbres, comme celle de Pestalozzi et autres, je n'ai trouvé en eux qu'une médiocre dose d'instruction, une grande insouciance pour l'étude et les maîtres. 4.° Vice deforme, méthode exclusive, opérantsur les élèves comme si leurs caractères étaient tous uniformes. J'ai décrit, tom. II, 340, une série de 9 méthodes auxquelles on pourrait en ajouter bien d'autres. Toutes sont bonnes pourvu qu'elles sympathisent avec le caractère de l'élève, et ce ne serait pas trop d'une série de 9 ou 12 méthodes sur lesquelles un enfant aurait l'option. J'ai fait observer, tom. II, 341, que d'Alembert fut raillé lorsqu'il osa proposer, en étude de l'histoire, la synthèse inverse qui procède à contre-sens de l'échelle chronologique; elle remonte du présent au passé, par opposition à la synthèse directe qui va du passé au présent. On reprocha à d'Alembert de vouloir détruire le charme de l' histoire et porter la sécheresse mathématique dans les méthodes d'enseignement

étrange sophisme !

aucune des méthodes ne porte la sécheresse ; elles sont toutes fécondes,sauf application aux caractères faits pour les goûter. Si on ne présente pas aux enfans une série de méthodes à choix, beaucoup de caractères ne pourront pas prendre goût à l'étude. Les contrastes seraient fort goûtés : au livre adulateur, intitulé Beautés de l'histoire de France, qu'on oppose en parallèle un écrit sincère sur les duperies de la politique française, même sous Louis XIV et Bonaparte, deux règnes si homogènes, on verra l'étude des duperies séduire dix fois plus que celle des prétendues beautés. J'ai donné sur l'enseignement harmonien, 3 chap., tom. Il, 334 à 356 ; on peut les consulter pour la marche à suivre dans la phalange d'essai, où il faudra tenter l'approximation des méthodesconcurrentes, malgré l'impossibilité de les employer pleinement au début. 260 NOUVEAU MONDE 5.° Absence de ressorts en attraction matérielle. On a vu plus haut que nos méthodes manquent du ressort affectueux ou spirituel

elles manquent de même des ressorts d'attrait matériel, l'opéra et la gourmandise appliquée. L'opéra forme l'enfant à l'unité mesurée qui devient pour lui source de bénéfice et gage de santé ; il est donc la voie des deux luxes interne et externe, qui sont premier but en attraction ; il entraîne les enfans, dès le plus bas âge, à tous les exercices gymnastiques et chorégraphiques. L'attraction les y pousse fortement, c'est là qu'ils acquièrent la dextérité nécessaire dans les travaux des Séries passionnées, où tout doit s'exécuter avec l'aplomb, la mesure et l'unité qu'on voit régner à l'opéra ; il tient donc le premier rang parmi les ressorts d'éducation pratique du bas âge. Sous le nom d'opéra je comprends tous les exercices chorégraphiques, même ceux du fusil et de l'encensoir. Les enfans sociétaires enchériront beaucoup sur nos manoeuvres en ce genre; nous ignorons souvent les plus élémentaires, telle que la série de pas combinés; par exemple, chaque phalange forme pour le service divin, un corps de 144 figurans à pas gradués, savoir

THURIFÉRAIRES. FLEURISTES. PAS. Gymnasiens, Gymnasiennes, 24. Le coupé. Lycéens, 20. Lycéennes, 20. Le mi-plein. Séraphins, 16. Séraphines, 16. Le plein. Chérubins, 12. Chérubines, 12. Le doublé. Ce nombre de douze douzaines convenant merveilleusement à la variété d'évolutions, la procession religieuse sera beaucoup plus pompeuse dans un canton d'harmonie que dans nos grandes capitales où elle est fort mesquine, surtout, à Paris. Les évolutions chorégraphiquesde l'encensoir , du fusil, de l'opéra , plaisent excessivement aux enfans; c'est pour eux une haute faveur que d'y être admis. L'opéra réunit tous ces genres d'exercices, et c'est être ignorant sur la nature de l'homme, que de ne pas placer l'opéra INDUSTRIEL. III.e S. 261 en première ligne parmi les ressorts d'éducation du bas âge, qu'on ne peut attirer qu'aux études matérielles. L'éducation sociétaire envisage dans l'enfant le corps comme accessoire et co-adjuteur de l'âme : elle considère l'âme comme un grand seigneur qui n'arrive au château qu'après que son intendant a préparé les voies ; elle débute par façonner le corps, dans son jeune âge, à tous les services qui conviendront à l'âme harmonienne, c'est-à-dire, à la justesse, à la vérité, aux combinaisons, à l'unité mesurée. Pour habituer le corps à toutes les perfectionsavant d'y façonnerl' âme, on met en jeu deux ressorts bien étrangers à nos méthodes morales, ce sont l'opéra et la cuisine ou gourmandise appliquée. L'enfant doit exercer Deux sens actifs, goût et odorat, par la cuisine. Deux sens passifs, vue et ouie, par l'opéra. et le sens du tact dans les travaux où l'individu excelle. La cuisine et l'opéra sont les deux points où le conduit l'attraction, dans le régime desSéries pass. : la magie de l'opéra et des féeries entraîne fortement le bas âge. Aux cuisines d'une phalange distribuées en mode progressif, l'enfant acquiert la dextérité, l'intelligence en menus travaux sur les produits de deux règnes auxquels il s'est intéressé dans les débats gastronomiques à table, et les débats agronomiques au jardin, aux étables

la cuisine est le lien de ces fonctions. L'opéra est la réunion des accords matériels, on y en trouve une gamme complette. Intervention chorégraphique de tous âges et sexes. 1. Chant ou voix humaine mesurée. 2. Instrumens ou sons artificiels mesurés. 3. Poésie ou pensée et parole mesurées. 4. Pantomime ou harmonie du geste. 5. Danse ou mouvement mesuré. 6. Gymnastique ou exercices harmoniques. 7. Peintures et costumes harmoniques. Mécanisme régulier , exécution géométrique. 262 NOUVEAU MONDE L'opéra est donc l'assemblage de toutes les harmonies matérielles, et l'emblème actif de l'esprit de Dieu ou es- prit d'unité mesurée. Or, si l'éducation de l'enfant doit commencer par la culture du matériel, c'est en l'enrôlant de bonne heure à l'opéra qu'on pourra le familiariser avec toutes les branches d'unité matérielle , d'où il s'élèvera facilement aux unités spirituelles. Je n'ignore pas combien de dépenses et d'inconvéniens causerait l'emploi de l'opéra dans l'éducation civilisée ; ce serait un levier très¬ dangereux : il convient peu de polir le peuple en régime d'industrie répugnante: mais autres temps, autres moeurs; il conviendra en harmonie que le peuple rivalise en politesse la classe opulente avec qui il se trouvera entremêlé dans les travaux. Un peuple grossier en ferait disparaître le charme ; dèslors la 12.e passion dite Composite manquerait d'essor. L'opéra n'étant parmi nous qu'une arène de galanterie, un appât à la dépense, il n'est pas étonnant qu'il soit réprouvé par les classes morale et religieuse ; mais il est, en harmonie, une réunion amicale, il ne peut donner lieu à aucune intrigue dangereuse, entre gens qui se rencontrent à chaque instant dans les divers travaux des Séries industrielles. (II, 940.) L'opéra si dispendieux aujourd'hui, ne coûte presque rien aux harmoniens; chacun d'eux s'y entremet pour la construction, les machines, la peinture,les choeurs, l'orchestre, les danses; ils sont tous dès le bas âge maçons, charpentiers, forgerons, par attraction.Chaque phalange, sans recourir aux cohortes vicinales et aux légions de passage, aura environ 12 à 1300 acteurs à fournir, soit en scène, soit à l'orchestre et aux mécaniques. Le plus pauvre canton sera mieux monté en opéra que nos grandes capitales. C'est à l'habitude générale de la scène que les harmoniens devront, en grande partie, l'unité de langage et de prononciation réglée en congrès universel. Résumant sur les voies et moyens de l'enseignement harmonien, j'observe qu'il emploie la pratique long¬ INDUSTRIEL. III.eS. 263 temps ayant la théorie, et que cette pratique repose sur 2 séries de genre contenant chacune beaucoup de séries d'espèces. (72). L'opéra fournissant d'amples séries en musique, danse, peinture, etc. : (voyez plus haut ses 9 divisions). La Cuisine, également pourvuede séries en tout genre, ustensiles, batterie, mécanique ; tout le matériel est distribué par séries dans l'immense cuisine d'une phalange; par exemple, on peut bien y comptersept degrés de broches, depuis celles où rotissent les plus grandes pièces, jusqu'aux brochettes de petits oiseaux qui occupent déjà quelques bambins exercés. Quant à la préparation, j ai observé, 162, qu'elle peut entretenir une soixantaine de séries bien intriguées et d'exercice permanent. Mais comment l'enfance prendra-t-elle parti à ce travail de cuisine, si elle n'est pas stimulée par des débats gastronomiques sur les préparations culinaires, ces débats ne pourront s'établir qu'autant qu'on exercera l' enfant dès le plus bas âge aux raffinemens de gourmandise, penchant dominant chez tous les enfans. Il suffira donc, après avoir bien formé les séries en tous genres , d'abandonner les enfans à l'attraction ; elles les portera d'abord à la gourmandise, aux partis cabalistiques surles nuances de goûts ; une fois passionnés sur ce point, ils prendront parti aux cuisines, et du moment où les cabales graduées s'exercerontsur la consommation et la préparation, elles s'étendront dès le lendemain aux travaux de production animale et végétale, travaux où l'enfant arrivera fort des connaissances et prétentions éclosestant aux tables qu'aux cuisines. Tel est l'engrenage naturel des fonctions. On peut consulter sur ce sujet les chap. des amorces que trouve l'enfant aux cuisines sériaires (II, 210 à 220), des cultures enfantines de l'harmonie (II, 204), de l'éducation harmonique des animaux (II, 197), et tout le traité d'éducation harmonienne (II, 137 à 362). Je devrais un article sur les instituteurs civilisés, qui ont eu l'art de se placer au dernier rang en civilisation , 264 NOUVEAU MONDE où ils font un métier de forçats mesquinement rétribués et courbés sous toutes les espèces de jougs. Le sacerdoce tombe dans le même écueil

à part quelques évêques et un très-petit nombre de favoris, la masse des curés et vicaires végète dans un état voisin du dénûment, et sans moyens d'avancement.Combien ces deux classes ont besoin de stimuler un homme à l'essai du régime sociétaire où elles vivront dans la grande opulence ! (voy. II, 334). CHAP. XXIV. Education de l'enfance mixte. Nous en sommes à la partie délicate de l'éducation, à l'âge de transition amoureuse, point sur lequel échouent toutes nos méthodes répressives qui ne savent établir en relations d'amour que l'hypocrisie universelle, dès le début comme dans tout le cours de la vie galante. Il est fatigant d'avoir sans cesse des reproches d'impéritie à adresser aux sciences; mais il est force d'en re- doubler la dose en affaires d'amour où elles se montrent plus inhabiles qu'en toute autre partie. Sur les abus de l'administration, de la finance, de la chicane, les philosophes ont du moins essayé quelques antidotes; mais rien en amour ou ils doivent pourtant être confus de leur ouvrage, car ils n'y ont établi que la fausseté générale et la rébellion secrète aux lois ; l'amour n'ayant pour se satisfaire d'autre voie que la fausseté, il devient un conspirateur permanent qui travaille sans re- lâche à désorganiser la société, fouler tous les préceptes. La nécessité d'abréger me réduit ici à donner seulement le sommaire du sujet qui est exposé assez amplement au traité (II, 196). J'y ai prouvé que la civilisation n a sur l'amour que des lois inexécurables(313, 369, 398), assurant partout l impunité à l'hypocrisie, protégeant les infracteurs en raison de leur audace. Au lieu de ces scandales qu'engendre la législation coërcitive des civilisés, il faut que l'harmonie sache, d'une pleine liberté en premier amour, faire naître : INDUSTRIEL. III.e S. 265 1. L'entraînement des divers âges à l'industrie. 2. La concurrence de bonnes moeurs entre les sexes. 3. La récompense aux vertus réelles. 4. L'emploi de ces vertus au bien public dont elles sont isolées en civilisation. Attirer à l'industrie les 2 âges opposés, celui au-dessous et celui au-dessus de la puberté, tel est le plus important des rôles réservés aux premiers amours de l'état sociétaire. On y organise, dans la tribu des jouvenceaux et jouvencelles, deux corporations qui forment, comme les petites bordes et les petites bandes, concurrence d'instincts et de sexes. Je donne à ces deux corps les noms de VESTALAT, contenant 2/3 vestales, I/3 vestels. DAMOISELLAT, 1/3 damoiselles, 2/3 damoiseaux. Le corps du vestalat pratique la chasteté jusqu à un âge convenu, 18 ou 19 ans. Le corps du damoisellat se livre plus tôt à l'amour

l'option est libre a chacun, l on peut s'engager à volonté dansl' un ou l'autre corps, et en sortir à volonté; mais il faut, tant qu'on y figure, en observer les coutumes; virginité au vestalat, fidélité au damoisellat. Les harmoniens ont sur ce point des garanties suffisantes, même sur la fidélité des hommes plus suspecte encore que celle des femmes. Les jeunes gens ont peu d'inclination à imiterle chaste Joseph ; il est dans l'ordre qu'ils soient en minorité au corps du vestalat; encore faudra-t-il que ce corps présente de grands avantages, pour qu'un jeune homme se soumette jusqu'à 18 ou 19 ans à une chasteté bien constatée. Dissertons sur ces avantages que présentera le rôle vestalique, et répétons que les usages que je vais décrire ne pourront pas s'établir au début de l'harmonie ; on ne les introduira partiellement qu'au bout de 10 ans, et pleinement qu'au bout de 40 ou 50 ans, lorsque la génération élevée dans l'ordre civilisé sera éteinte. En général, ce sont les caractères de forte trempe qui optent pour le vestalat et s'y maintiennent jusqu'au terme ; les caractères de nuance douce préfèrent commu¬ 266 NOUVEAU MONDE nément le damoisellat ou précocité en exercice amoureux. Pour la décence, une jeune fille,sortant du choeur des gymnasiennes, commence d'ordinaire par entrer au vestalat et y passer au moins quelques mois. Les damoiselles et damoiseaux qui ont cédé à la ten- tation , sont obligés de déserter les assemblées matinales de l'enfance, car fréquentant l'une des salles de la cour galante qui tient séance de 9 à 10 heures du soir, ils ne pourraient passe lever de bonne heure, comme l'enfance et le corps du vestalat qui se couchent à 9 heures en hiver. Par suite de cette désertion et d'autres incidens, le corps damoisel est déconsidéré parmi l'enfance qui ne révère que le corps vestalique. Toutes les jeunes tribus ont pour les vestales l'affection qu'on a pour un parti resté fidèle après une scission. Les petites hordes envisagent les damoiseaux comme les anges rebelles de Satan, elles escortent le char des hautes vestales. Les tribus supérieures, âgées de 20, 30, 40 ans, ont pour la vestalité et virginité réelle une considération fondée sur d'autres motifs ; ensorte que le corps vestalique réunit au plus haut degré la faveur de l'enfance et de l'âge viril. C'est un ressort très-précieux pour le succès de l'industrie locale et des travaux d'armée. La chasteté des vestales et vestels est d'autant mieux garantie qu'ils sont pleinement libres de quitter le corps en renonçant aux avantages du rôle ; d'ailleurs cette chasteté, qui dure tout au plus jusqu'à 19 ou 20 ans, peut finir légitimement à 18 et 17 ans, si le sujet trouve une alliance convenable dans son séjour aux armées dont je parlerai plus loin. Les logemens vestaliques sont disposés de manière à donner pleine garantie sur les moeurs secrètes

la civilisation n'a de garantie que sur les moeurs visibles. La cor- poration vestalique ne peut occuper que deux quartiers affectés à chacun de ses deux sexes. On ne voudrait pas se fier aux pères et mères sur cette surveillance ; ils sont trop aveugles sur les manoeuvres de qui sait les flatter. INDUSTRIEL. III.e S. 267 Du reste les vestales et vestels ne sont point en réclusion hors l'heure du coucher; la fréquentation journalière du monde est indispensable pour les vestales, obligées de suivre leurs travaux habituels dansvingtet trente groupes d'un et d'autre sexe. Elles ont leurs séances de cour et leurs poursuivans titrés. Les vestels ont aussi leurs poursuivantes. Le titre depoursuivant admis procure l'avantage d'être reçu à la prochaine campagne, dans l'armée où figurera la personne courtisée. Ce titre est concédé par le corps vestalique, assisté de dignitaires féminins et masculins de la cour d'amour. Si c'est un homme qui postule, sa conduite est scrutée; on ne lui fait pas un crime de l'inconstance, car elle a son utilité en harmonie ; mais on examine si dansses liaisons il a fait preuve de déférence et de loyauté avec les femmes. Ceux qu'on appelle en France d'aimables roués, faisant trophée de duper le sexe faible, seraient refusés, et de même ces aigrefins moraux, dont la feinte discrétion n'est qu'une ruse pour engeoler femmes et filles

ces caffards sentimentaux sont

souvent pires que les roués ; ceux-ci ne cherchent que le plaisir, les autres en veulent à la bourse ; leurs vertus ne sont qu'une comédie pour happer une riche héritière. Il est inutile d'ajouter qu'une femme sera soumise au même examen, si elle sollicite le titre de poursuivante d'un vestel

on n'y admettrait pas] celle qui aurait fait de ses

charmes un trafic direct, ou indirect selon la mode civilisée qui alloue le titre dhonnêtes et comme il faut, à des femmes aussi vénales que les courtisanes. Des beaux esprits vont répondre : « On laissera vos réunions vestaliques s'il y règne tant de bégueulerie. Quel homme voudra se faufiler avec un comité de femmes qui se donneraient les airs de censurer en plein conseil ses actions, ses habitudes,son caractère? Le vaudeville feraitjustice de leur prudotte synagogue.» Voilà des objections de civilisé ; mais en harmonie un homme ne trouverait pas son compte à être mal dans l'opinion des 268 NOUVEAU MONDE vestales; il serait le lendemain rayé du testament d'une cinquantainede vieillards de qui il attend des legs et por- tions d'hoirie

(voyez sect. V les hoiries disséminées

) la vieillesse fondera son bien être et ses plaisirs sur l'appui de 4 corporations, vestales, petites hordes, faquiresses et fées sympathistes; et comme elle ne sera pas tentée de retombera la triste condition des vieillards civilisés, elle saura bien protéger les quatre appuis de son bonheur. D'ailleurs, le lustre des vestales sera fondé sur le besoin d'idolàtrie qui est une passion de tous les âges. Les Romains, à part leur atrocité envers les vestales séduites, eurent une idée heureuse en faisant de ces prêtresses un objet d'idolàtrie publique, une classe intermédiaire entre l'homme et la divinité. Les harmoniens leur confient de même la garde du feu sacré, non pas d'un feu matériel, objet de vaine superstition, mais du feu vraiment sacré, celui des moeurs loyales et généreuses et de l'attraction industrielle. Chez de jeunesfilles de 16 à 18 ans, rien ne commande mieux l'estime qu'une virginité non douteuse, un dévoûment ardent aux travaux utiles et aux études. Quant aux travaux, les vestales sont coopératrices des petites hordes, excepté pour le genre immonde; mais lorsqu'on sonne le ban d'urgence, comme pour enlèvement de récolte par imminence d'orage, le corps vestalique et les petites hordes sont les premiers au poste. Chaque phalange s'efforce de produire les plus célèbres vestales, et pour mettre en évidence les divers genres de mérite, on les distingue en vierges : I.° D'apparat ou beauté. 2.° De talent. 3.° De charité ou dévoûment. 4.° faveur. Sur cet assortiment,les moralistes diront qu'on ne doit rien donner à la faveur ; c'est en ne lui accordant rien que nos lois aboutissent à lui tout donner. Il faut, avec la faveur, agir comme avec le feu, à qui on fait sa part dans un incendie, afin qu'il ne dévore pas tout. L'harmonie aura même des trônes, donnés spécialement à la INDUSTRIEL. III.e S. 269 faveur. Ceux qui prétendent l'exclure sont bien ignares en mécanique de passions. Chaque mois les vestales élisent un quadrille de présidence qui occupe le char dans les cérémonies; et fait aux jours de gala les honneurs de la phalange, dans les repas et assemblées d'étiquette. Lorsqu'un monarque y arrive, on se garde bien de l'obséder comme chez nous par un envoi de discoureurs glacials, pérorant sur les beautés du commerce et de la charte, sur leurs transports d'amour pour les pensions et les sinécures. Au lieu de cette escorte insipide , chaque phalange lui députe ses plus aimables vestales qui vont le recevoir aux colonnes du territoire, ou ses vestels si c'est une princesse. Lors du rassemblement d'une armée, ce sont les vestal es qui lui remettent l'oriflamme et qui y tiennent le premier rang dans les fêtes, comme dans les séances d'industrie : la réunion des plus fameuses vestales est une des amorces qui attirent les jeunes gens à ces armées, où le travail exécuté sous tente mobile n'a rien de fatigant. Comme on y donne chaque soir des fêtes magnifiques, on n'a pas besoin d'y amener les jeunes gens la chaîne au cou , à l'instar de nos conscritsfiers du beau nom d'homme libre. L'armée industrielle étant composée par tiers de bacchantes, bayadères, faquiresses, paladines, héroïnes, fées, magiciennes, et autres emplois féminins, on trouve pour ce service beaucoup plus de jeunes gens et de jeunes femmes qu'on n'en veut. C'est pourquoi l'admission est une récompense, et les vestales sont le premier corps qui doit y participer. On y admet toutes celles qui sont à leur 2.e année et même à la 1.re en cas que la phalange y voie matière à spéculation. L'un des services rendus par le corps vestalique, est de faire briguer l'admission à l'armée

là se décident les choix et unions avec les poursuivans, ou avec des monarques de divers degrés, masculins et féminins, qui viennent à l'armée pour y faire choix d'une épouse ou d'un époux à leur goût ; car les monarques ne sont pas 270 NOUVEAU MONDE esclaves en harmonie comme en civilisation ou on les marie oppressivement,selon la mode chinoise, à femme ou homme quils n'ont jamais vu. Recommandé par tous les titres à la faveur de l'enfance et de l'âge mûr, il n'est pas étonnant que le corps vestaliquesoit l'objet d'une idolâtrie sociale, d'un culte semireligieux. Le genre humain aime à se créer des idoles,(il 309,) et par suite de ce besoin général, le corps vestalique devient en masse l'idole de la phalange : il a rang de corporation divine, ombre de Dieu. Les petites hordes qui n'accordent le premier salut à aucune puissance de la terre, inclinent leur drapeau devant le corps vestalique révéré comme ombre de Dieu, et lui servent de garde d'honneur. Les plus belles carrières ouvertes à cette corporation sont les sceptres gradués, et l'hérédité princière ; j'en vais donner une définition succincte. I.° Les sceptres gradués. L'harmonie en a de tous degrés, depuis les couples régnant sur une seule phalange, jusqu'à ceux qui règnent sur le globe entier : cette échelle nécessaire en équilibre de passions, forme 13 degrés de souveraineté. ( 12 et le pivotai

voyez, I

, 286.) Si dans chacun des 13 degrés l'on n'établissait qu'un couple de monarques , ce serait exciter les fureurs de l'ambition, comme dans l'état civilisé ; il faudra pour satisfaire cette passion , au moins seize et peut-être vingtquatre couples de souverains dans chacun des 13 degrés. Encore parmi ces couples, établit-on des régies trèsdistinctes, de manière que le sexe masculin n'empiète pas sur les attributions du féminin, qu'une Reine, une Impératrice, une Césarine , une Omniarque, ne soient pas souveraines de nom, et esclaves de fait, comme en civilisation où elles n'ont ni commandement, ni pouvoir positif ; elles sont réduites au rôle servile de SOLLICITEUSES, rôle que dédaigneraient des femmes harmoniennes élevées au véritable honneur, à la vraie liberté. Chez nous madame la présidente ne préside rien, madame la INDUSTRIEL. III.e S. 271 maréchale ne commande rien ; leur rang n'est qu'une fumée honorifique. Une harmonienne exerce les fonctions quindique son titre ; une présidente préside tel conseil, telle cour ; une maréchale commande telle armée. Les femmes figurant en tiers aux armées industrielles , si la réunion est de 300,000 légionnaires, il s'y trouve cent mille femmes, bacchantes, bayadères, paladines, fées, magiciennes, etc. , qui ne veulent point d'hommes pour les commander; elles ont leurs maréchales et officières de tous degrés. Il en est de même dans les 16 couples de souveraineté échelonée en 13 degrés ; sur ces postes dont 14. sont électifs, l'un appartient au corps vestalique. Ainsi une vestale, pendant la courte durée de sa chasteté, peut-être élue en degré suprême , OMNIARQUE du globe ; ou En 1.er degré AUGUSTE, régnantsur un tiers du globe ; 2.e degré CÉSARINE, sur un 12.e du globe ; 3.e degré IMPÉRATRICE , sur un 48.e environ ; 4.e degré CALIFE, sur un 144.e environ ; 5.e degré SOUDANE,sur un 576.e environ

6.e degré REINE, sur un 1728.e environ; 7.° degré CACIQUE, sur un 6912.e environ. Ces divers sceptres comportent de beaux traitemens et offrent de vastes chances de gloire à une vestale. Les sceptres de 8.e 9.e 10.e 11.e et 12.e degré devenant trop nombreux, n'ont de traitement que celui des frais qui sont presque insensibles, malgré le faste énorme des dignitaires 1. 1 Comment un faste énorme coûtera-t-il fort peu de chose quand on voit la civilisation dépenser énormément pour un faste mesquin ? c'est que le luxe sociétaire est combiné avec l'industrie dont il est isolé aujourd'hui

par exemple, dans toute phalange,

les vestales primates vont en char à 12 chevaux blancs, trijugués, et panachés de rose , avec un cortège brillant de fanfares, cavalerie et chars

elles portent les pierreries du trésor, formé des dons que lui fait en mourant chaque sociétaire opulent

leur cortége, que je ne m'arrête pas à décrire, est plus fastueux que 272 NOUVEAU MONDE 2.° L'hérédité primière, le rôle de génitrice choisie par un prince de l'un des treize degrés. Les princes en titre familial, qui sont les mêmes que nos rois et seigneurs actuels, se rendent à l'armée pour y faire choix d'une génitrice, ou d'un géniteur si c'est une princesse. D'ordinaire c'est aux vestales et vestels qu'ils donnent la préférence, quoique bien libres dans leurs choix. (Voyez 5.e section, aux harmonies de paternité, pourquoi ils sont tenus d'aller faire le choix à l'armée , et comment cette formalité favorise leurs passions, en leur donnant la double faculté de choix d'une épouse et d'un successeur, deux libertés dont nos monarques civilisés sont dépouillés). Le titre de génitrice peut conduire au titre d'épouse de souverain,si la vestale devient mère: nos rois font cette distinction, rompent un mariage stérile. Il faudrait de longues explications sur cet ordre celui d'un roi de France, allant au TE DEUM en voitures de gala. Cependant il en coûtera fort peu : cet attirail, au sortir de là, sera employé au travail

des chevaux blancs travailleront aussibien que des noirs ; celte horde brillante, ces faquirs et paladins, qui forment le cortège , seront une heure après aux jardins, aux ateliers. Le monarque même qu'on est allé recevoir, s'entremettra dans ceux des travaux pour lesquels il est passionné ; il voudra connaître les procédés de celte phalange où il séjourne, les comparer avec ceux de sa phalange. Quant à la dépense d'apparat, chars et costumes, c'est une portion du mobilier de la phalange : un beau char servira consécutivement à toutes les vestales

on n'est pas obligé, comme en

civilisation , d'acheter un mobilier d'apparat pour chaque individu, tenir des chevaux, des gardes et des valets oisifs hors des momens de représentation. Nos coutumes ne créent que des oisifs payés chèrement par le peuple ; en harmonie, les fonctionnaires sont productifs, ce sont tous gens qui, au sortir d'un cérémonial très-court, exercent et soutiennent des travaux utiles pour lesquelsils sont passionnés cabalistiquement

de là vient qu'on créera vingt fois plus de dignitaires qu'en civilisation, au lieu de les supprimer selon l'avis de nos politiques. INDUSTRIEL. III.e S. 273 que la phalange d'essai ni la génération présente n'auront pas besoin de connaître. (II, 311. ) Remarquons que le rôle vestalique doit, comme tout autre, donner cours aux 3 passions dites Cabaliste, Papillonne et Composite. Il doit compenser quelques retards en amour par des chances de lustre immense et de haute fortune

à défaut, il ne serait plus rôle passionné, mais poste moral, fastidieux, accablant, comme celui de nos demoiselles , réduites à être toutes philosophes, à modérer leurs passions, étouffer leurs penchans affectueux, sans aucune indemnité pour cette pénible privation. Au tableau des honneurs accordés en harmonie à la virginité, il conviendrait de joindre un parallèle des mépris qu'elle recueille en civilisation, où la faveur n'est que pour le simulacre de virginité, pour les jongleries de libertines qui, dans le cours de plusieurs liaisons galantes, ont appris l'art de traire les hommes, imposer aux dupes, et se faire des proneurs parmi les aigrefins qui dirigent l'opinion. ( II, 313 ). Quel encouragement trouve parmi nous une fille décente, à conserver sa virginité au-delà de 16 ans ? si elle est pauvre, elle n'engeolera pas les épouseurs tous bons arithméticiens , sachant que les vertus ne sont pas des provisions pour le ménage. Ses parens seront réduits à spéculer surquelquesexagénaire, ou quelque dévergondé qui la prostituera par spéculation; elle ne trouvera pas même un honnête homme de moyen âge ; sa beauté deviendra un sujet d'inquiétude maritale, sa vertu sera suspectée pour l'avenir. Jouit-elle d'une fortune moyenne ? elle sera pendant long-tems l'objet d'un sordide négoce entre les cour- tiers et courtières de mariage, puis enfin livrée à quelque homme pétri de vices, car il y a beaucoup plus de mauvais maris que de bons. Si elle chôme dix ans sans époux, elle est en butte au persifflage public : dès qu'elle atteint 25 ans, on commence à gloser sur sa virginité comme denrée suspecte ; 18 NOUVEAU MONDE et pour prix d'une jeunesse perdue dans les privations , elle recueille, à mesure qu'elle avance en âge, une moisson de quolibets dont toute vieille fille est criblée; injustice bien digne de la civilisation ! elle avilit le sacrifice qu'elle a exigé : ingrate comme les républicains, elle paie le dévouement des jeunes filles par des outrages et des vexations. Faut-il s'étonner après cela qu'on ne trouve chez toute demoiselle peu surveillée, qu'un masque de chasteté ; que le simulacre d'une obéissance dont toute vierge serait punie dans sa vieillesse , par l'opinion même qui exige le sacrifice de sa belle jeunesse au préjugé ! Quoi de plus inutile qu'une virginité perpétuelle ! c'est un fruit qu'on laisse corrompre au lieu de s'en nourrir : monstruosité digne de cet ordre civilisé qui prétend à la sagesse et à l'économie ! Et quand on garantirait à la fille décente un mariage pour prix de sa chasteté , sera-ce une récompense ? elle risque fort de rencontrer un mari brutal, quinteux, joueur, débauché ; une honnête fille a rarement assez de finesse pour discerner les hypocrisies de ses prétendans, leur délicatesse fardée , dont une femme un peu manégée ne serait pas dupe : d'ailleurs s'il y a un bon parti en homme, il sera enlevé par quelque intrigante exercée à l'art d'ensorceler des amans; la fille décente y échouera, elle n'obtiendra qu'un stérile tribut d'estime, et vieillira dans le célibat. Je devrais ici un chap. spécial sur les vestels, un autre sur les damoiselles et damoiseaux ; mais on veut un abrégé qui ne peut se faire qu'en franchissant beaucoup d'articles nécessaires ; ceux qui touchent aux relations d'amour ne peuvent pas être effleurés, ce sont des sujets qui de prime-abord blessent le préjugé ; il faut donc les traiter à fond, pour démontrer que l'indécence, l'hypocrisie et les mauvaises moeurs sont du côté des coutumes civilisées; et que les coutumes d'harmonie, quoique choquantes au premier aperçu , font naître toutes les vertus que rève inutilement la civilisation. INDUSTRIEL. III.e S. 275 J'ai du disserter préférablementsur le régime de l'enfance harmonienne, parce que les dispositions dont il se compose ne contredisent que des systèmes, et rarement des préjugés ; par exemple, si je décris les fonctions de bonnins et bonnines, de mentorins et mentorines, faisant éclore les vocations industrielles de l'enfant, le dirigeant au mieux dans les voies de santé, de fortune , d'émulation, de bonnes moeurs, et sans frais, tout père à cette lecture s'écrie, voilà ce que je voudrais pour mes enfans : mais si j'entreprends de décrire des coutumes amoureuses autres que la vestalité, des moralistes hargneux vont crier que je blesse les convenances : elles seront nécessairement blessées dans tout parallèle ; par exemple dans celui des mariages vestaliques avec les mariages civilisés, où la morale n'établit que des coutumes indécentes et scandaleuses

l'union des conjoints est précédée de cérémonies obscènes appelées noces, où l'on entremet les calembourgeois et les ivrognes du quartier , qui viennent godailler, dégoiserquelquesbordées de mauvaises plaisanteries sur la mariée. Ces coutumes de dévergondage ne sauraient convenir à une société décente comme celle des vestales ; elles ont des méthodes pour consommer les unions avant d'en informer les calembourgeois et les ivrognes qui ne l'apprennent que le lendemain, lorsqu'il ne reste plus de marge ni pour leurs éternels jeux de mots, ni pour leur goinfrerie morale. VESTELS. On ne commettra pas, en harmonie, l'inconséquence de créer des vestales sans créer des vestels ; ce serait imiter la contradiction de nos coutumes, qui prescrivent la chasteté aux filles, et tolèrent la fornication chez les garçons. C'est provoquer d'un coté ce qu'on défend de l'autre

duplicité digne de la civilisation. Quelle sera la classe de jeunes gens qui prendront parti au vestalat ? ce seront ceux qui, comme le fils de Thésée , entraînés par des fonctions actives, inclinent peu à l'amour. Si la chasse à elle seule, suffisait pour 18. 376 NOUVEAU MONDE distraire Hippolyte de l'amour, que sera-ce d'un ordre social où tout jouvenceau sera préoccupé d'une trentaine d'intrigues industrielles et ambitieuses , plus intéressantes que n'est le médiocre plaisir de la chasse ? Il est pour la vestalité masculine bien d'autres chances; d'abord, l'amour pour une vestale dont on est poursuivant, et par suite admissible avec elle aux grandes armées : les armées sont de 12 degrés en harmonie, et une campagne vestalique y est comptée pour double, même aux poursuivantes de vestels. Douze campagnes donnent le rang de paladin et paladine, officiers de l'unité universelle. Les vestels tantsoit peu distingués, ont aux armées une belle chance d'alliance monarcale ; ils peuvent être choisis par quelque haute souveraine, comme géniteurs d'héritiers titulaires, et parvenir au titre d'époux, s'il survient progéniture vivante. Qu'une souveraine perde son héritière, elle vient aux armées choisir un géniteur; et c'est d'ordinaire sur un vestel que porte son choix. La virginité des vestels sera applaudie même des femmes, qui aujourd'hui s'en moqueraient; ellesspéculeront bien différemment des dames civilisées qui, incertaines des jouissances futures, se pressent d'user les jeunes gens. On pourra voir à l'article Faquirat, que les femmes harmoniennes ont des moyens déçens de pourvoir à leurs plaisirs, et que l'essor de passions est assuré dans cet ordre à tous les âges, dans chaque sexe. Rappelons que ces coutumes qui, à la lecture, peuvent sembler romantiques, ont pour but de quadrupler la richesse effective, de vingtupler et quarantupler la richesse relative, en faisant coopérer l'amour, dans toutes ses variétés, au progrès de l'industrie. La richesse s'élèvera en proportion du libre essor de toutes les passions ; c'estpour cela que les vieillards qui, en harmonie, aimeront les richesses et les plaisirs plus qu'on ne les aime à présent, seront les premiers à demanderl'établissement de la liberté amoureuse, à l'époque où l'harmonie sociétaire sera parvenue au degré nécessaire pour fonder INDUSTRIEL. III.e S. 277 régulièrement ce genre de liberté, l'étayer de tous les contrepoids qui peuvent le garantir d'abus dans les divers âges , et le coordonner en tout sens au soutien de l'industrie. Ces contrepoids se composent d'un grand nombre de corporations dont je ne peux pas traiter, et qui établissent la concurrence des instincts et des sexes. D'autrepartles vieillards s'apercevront bien vite qu'ils sont les dupes du régime coërcitif et des astuces de civilisation. Les lois civilisées ayant été de tout tems l'ouvrage de la vieillesse, il est bizarre qu'elle les ait faites entièrement à son désavantage, et que nos vieillards aient organisé les amours et les relations de famille de manière à se faire haïr, persiffler et pousser dans la tombe par la jeunesse ; quelques rares exceptions confirment la règle: on voit, je le sais, desfamilles où les enfans ne souhaitent pas la mort des vieillards, mais combien cette affection est rare, surtout parmi le peuple ! or je ne peux pas dans cet ouvrage , supprimer , en faveur de quelques gens vertueux, la critique des vices généralement régnans. Je reviendrai sur ce sujet; car nous aurons, sur l'amour , un grand problème à résoudre, celui de procurer aux pères et mères les jouissances de paternité dont ils sont presqu'entièrement privés dans l'état civilisé , en dépit des illusions dont ils se repaissent. Les harmonies de paternité étant intimément liées avec celles d'amour, il faudra traiter simultanément les deux sujets, et d'abord expliquer les harmonies de famille convoitées par tous les pères civilisés qui sont loin d'y parvenir

lorsqu'ils auront été convaincus que les accords d'amour et de famille sont inséparables, ils deviendront tolérans sur les innovations en régime amoureux, sans lesquelles il leur est impossible d'atteindre aux jouissances de famille où ilsvoudraient placer leur bonheur. Je renvoie à la 5e section pour dissiper leursillusions et leur duperie, bien expliquées II 369 et 398. Il n'est pas de classe plus froissée, et plus fondée à se plaindre de la civilisation. Fin de la 3.e section. 278 NOUVEAU MONDE RÉSUMÉ DE LA THÉORIE EXPOSÉE. Plus le sujet est neuf et éblouissant, plus il est nécessaire d'aiderle lecteur par de fréquentesrécapitulations, et de l'affermirsur les principes qu'il oublie facilement pour se rallier aux préjugés moraux dont il est imbu. On a vu qu'en fait de principes ma théorie est UNE, et invariable dans tous les cas; quelque problème qui se présente sur l'accord des passions , je donne toujours la même solution ; former des séries des groupes libres, les développer selon les 3 règles d'échelle compacte, exercice parcellaire et courtes séances, (chap. VI ) afin de donner cours aux trois passions, CABALISTE, COMPOSITE et PAPILLONNE qui doivent diriger toute Série passionnée. (chap. V). Voilà la règle bien précise pour la formation et le développement des séries ; quant à leur but, j'ai dit qu'elles doivent établir partout la coucurrence des sexes et des instincts; j'ai appliqué cette méthode aux divers âges de l'enfance , et aux fonctionnaires de l'enfance , depuis le berceau jusqu'à la puberté. Telle est ma réponse aux détracteurs qui accusent ma théorie d'obscurité, en disant

on ne conçoit pas comment marcheront toutes ces séries; la règle est UNE

pour toutes , et quand nous en viendrons au problème le plus important, qui est la répartition satisfaisante aux 3 facultés de chacun , capital, travail, talent, je suivrai constamment le même procédé, l'emploi de séries passionnées conformes aux règles précitées. J'ai dû appliquer ma théorie à l'enfance , parce qu'elle ne connaît pas les deux passions amour et paternité , (affectivesmineures), qui dans le cours des 1re et 2e générations seront moins susceptibles d'harmonie, et ne s'y ployeront que par degrés. Le lecteur est choqué à l'idée de liberté amoureuse d'où résulterait un mélange d'enfans de diverses branches; pour le désabuser sur ses pré¬ INDUSTRIEL. III.e S. 279 ventions à cet égard, il faudrait une théorie très-étendue que je ne veux pas effleurer ; elle prouvera que le régime civilisé engendre tous les vices qu'on redoute de la liberté d'amours, et que cette liberté appliquée a une phalange de Séries pass., sera le préservatif de tous les désordres qu'elle produirait en civilisation. On a vu que les dix autres passions s'harmonisent chez les enfans par la pleine liberté , jointe au développement par séries de groupes libres ; si les 2 passions amour et paternité n'étaient pas applicables a ce régime de libre essor en série, il y aurait duplicité dans le système de Dieu ; il aurait destiné dix passions a jouir de la liberté dont deux seraient exclues, et il commettrait le contre-sens d'appliquer la liberté aux enfans, et l'oppression aux pères, aux âges pubères. J'ai dit que la méthode civilisée conduit a tous les écueils qu'elle veut éviter en relations d'amour et de famille ; appliquons la thèse aux 4 âges , en nous bornant à signaler pour chaque âge un écueil entre cent. I.° Age impubère. Il est privé de la garantie de paternité. La statistique de Paris nous présente un tiers des hommesreniant et abandonnantleurs enfans; sur 27000 naissances, on compte au-delà de 9000 bâtards délaissés; et cependant Paris est le centre des lumières morales et des perfectibilités perfectibilisantes. S'il existait partout autant de perfectibilité qu'à Paris , on verrait partout le tiers des enfans condamné à l'abandon. 2.° Age adolescent. L'ordre civilisé le rend victime des maladies syphilitiques; fléau qui cesserait au bout de 4 à 5 ans de quarantaine générale dont l'ordre sociétaire est seul susceptible. Les coutumes civilisées habituent tellement la jeunesse à la fausseté, qu'elle se fait un jeu de répandre ces maladies dont le danger oblige toute personne prudente à s'isoler du monde galant. 3.° Age viril. Il est trompé à son tour sur la fidélité des femmes qu'il a trompées précédemment; elles usent de représailles: et si dans Paris, foyer de la morale, on 280 NOUVEAU MONDE voit chaque année 9000 pères abandonner leurs enfans, la vengeance des mères doit être en même rapport, et sur 27000 naissances, 9000 femmes adjugeront au mari ou à l amant un enfant qui ne sera pas de lui

c'est réciprocité de lésion pour les enfans, les pères et les mères. Le résultat présente : 9000 enfans frustrés de l'appui paternel, 9000 mères frustrées de l'appui marital, 9000 pères frustrés de la réalité de progéniture et chargés des enfans d'autrui , après abandon des leurs. 4.° Age avancé. Les vieillards après l'âge d'amour con- çoivent le plaisant projet de se concentrer dans les affections familiales, au sein de leurs tendres enfans et neveux élevés selon les saines doctrines; ils ne trouvent en ce genre d'affection que duperie et simulacre de réciprocité. C'est leur fortune qu'on considère et non pas eux. Pour s'en convaincre, il faudrait qu'ils parvinssent a s introduire dans les réunions secrètes où les amans et maîtresses glosent sur les parens; ils s'y verraient traités comme des Harpagons ridicules ou des Argus incommodes

ils entendraient le comité galant accélérer par ses voeux l instant ou on pourra jouir d'une fortune dont ils ne savent pas jouir , si l'on en croit la jeunesse. On va répondre que les familles honorablessont à l'abri de ces orgies secrètes

oui, tant que la contrainte y

règne ; mais des que les pères et les Argus sont morts ou absens, l'orgie s'établit à l'instant , et souvent même du vivant des pères ; car les jeunes gens persuadent au père qu'ils ne viennent point pour séduire les demoiselles, qu'ils sont de vrais amis de la charte et de la morale ; d'autre part ils persuadent à la mère qu'elle est aussi jeune que ses filles, cela est quelquefois vrai ; à l'appui de ces deux argumens, ils organisent dans la maison une orgie masquée. Le père entrevoit la manigance , il essaie de regimber, mais sa femme lui prouve qu'il n'a pas le sens commun, il finit par se taire. Et lors même que les pères savent éviter ce trébuchet, INDUSTRIEL. III.e S. 281 ne tombent-ils pas dans vingt autres disgrâces, dans un cercle vicieux de sottises morales ? ici c'est une fille obéissante, une victime qui tombe malade et meurt par besoin d'un lien que la nature exige : là c'est un enlèvement ou une grossesse qui déjoue tous les calculs des parens; ailleurs c'est une séquelle de filles sans dot, que le père porte sur les épaules; pour s'en débarrasser, il ferme les yeux sur les allures de plus belles, afin qu'elles en finissent de lui demander de l'argent pour fleurs chiffons

il jette les moins belles dans une prison perpétuelle en leur disant qu'elles seront bienheureuses, qu'elles seront avec Dieu. Plus loin c'est un mariage d'attrape qui ramène à la charge du père, une fille et sa jeune famille ruinée; il croyait avoir placé un enfant, c'est tout le contraire, il en a une demi douzaine de plus. On citerait par centaines ces disgraces paternelles et conjugales, (voyez II ,369 et 398,) auxquelles la morale toujours gasconne, oppose quelques exceptions, quelques ménages heureux qui servent à prouver que le bonheur pourrait exister, mais que l'immense majorité des ménages en est privée dans l'état civilisé

les pères comme les enfans y sont en fausse positionne bon ordre n'y repose que sur une contrainte plus ou moins masquée ; or la contrainte étouffe les affections; elle les réduit à un simulacre de lien. Les pères n'obtiendront la réalité que dans un ordre conforme au voeu de la nature dont les moralistes n'ontjamaisvoulu faire aucune étudeen amour;voici un exemple récent de leurs bévues sur cette passion. On vantait beaucoup un pensionnat d'Yverdun en Suisse, dont on promettait des merveilles, parcequ'il était dirigé par le célèbre PESTALOZZI aidé du célèbre KRUSI et du célèbre BUSS, qui élevaient les jeunes gens d'un et d'autre sexe selon la méthode intuitive. Il arriva que cette jeunesse peu satisfaite de la méthode intuitive, y joignit en secret la méthode sensitive ; de là résulta un galimatias épouvantable , quantité de demoiselles enceintes du fait des maîtres d'études où des jeunes élèves, 282 NOUVEAU MONDE au grand désappointement des trois maîtres célèbres qui, dans leurs subtilités intuitives, avaient oublié de porter en compte les intuitions amoureuses. Ainsi les passions que la philosophie croit supprimer, viennent inopinément supprimer les systèmes de la pauvre philosophie. Les demoiselles qui n'étaient pas enceintes n'en furent pas moins suspectées d'avoir essayé la méthode sensitive, plus prudemment que leurs camarades; il fallut congédier toute cette orgie de nouvelles Héloïses amoureuses de leurs précepteurs. Dès qu'on veut se rapprocher de la liberté,soit en amour, soit en autre passion, l'on tombe dans un abîme de sottises, parce que la liberté n'est faite que pourle régime des séries passionnées , dont la morale n'a aucune notion. Assurément la liberté est destin du genre humain, mais avant d'en faire aucun essai, ni en ménage ni en éducation, il faut connaître le mécanisme des contrepoids à opposer aux abus de liberté. Jusque-là l'esprit humain est dans les ténèbres, ses novateurs tombent de Charybde en Scylla ; et cela est assez prouvé par les essais politiques des révolutionnaires, et les essais moraux des Pestalozzi 1, des Owen et autres cassecou en libertés politiquesou amoureuses. Si l'on veut établir une liberté réelle en exercice d'ambition, ou d'amour, ou d'autres passions, la méthode à suivre est bien invariable ; je la résume dans la règle suivante imposant neuf conditions sur le dispositif, je donnerai celles de mécanique générale en 5e section. Je ne connaissais pas ce dénoûment en 1822 , lorsque j'écrivis le Traité que je cite parfois. Je voyais alors les esprits engoués de la méthode intuitive de Pestalozzi qu'on prônait dans les journaux ; et je crus servir les lecteurs à leur goût, en disposant mes deux premiers volumes selon la méthode intuitive. Il s'agissait d'enseignerla distribution des Séries contrastées , je disposai le 1.er tome en Série composée ou mesurée, et le 2.e en Série simple. Les lecteurs ont été effarouchés de cette innovation intuitiveque je ne voulais pas continuer dans les volumes suivans, et que j'essayais croyant satisfaire leur prédilection pour la méthode intuitive. INDUSTRIEL. II.e S. 283 Former des Séries passionnées; y développer A la Cabaliste, CHAP. V. » B la Papillonne, » C la Composite, Trois causes ou resssorts radicaux d'harmonie; y établir la concurrence des instincts et des sexes ; procéder par A Echelle compacte , CHAP. VI. » B Courtes séances, » C Exerciceparcellaire, tendance et effets des 3 passions mécanisantes.. Atteindre à l'unité d'action. Cette unité n'existe qu'autant qu'une disposition satisfait en plein les personnages de tout sexe et de tout âge qu'elle entremet , qu'elle touche directement ou indirectement. Ladite conditionest violée dans toutesleslibertés civilisées, notamment dans le système électoral qui exclut du poste représentatif les 99/100 de la population. Il suit delà que les civilisés n'ont aucune connaissance exacte surleslibertés d'ambition ; commentenauraient-ils sur les libertés d'amour, de famille et autres passions , dont ils n'ont jamaisfait aucune étude ? Les deux philosophes Owen et Pestalozzi qui font des essais de liberté amoureuse, ignorent qu'avant de pouvoir remplirseulement la 1.re des 9 conditions, former des séries d'amour, il faut au moins 50 à 60 ans d'harmonie, il faut une belle vieillesse, des femmes très-robustes, et autres élémens qui n'existent chez nous qu'en exception. Quantaux séries de famille, il faudra de 100 à 120 ans avant de pouvoir les former en plein ; on n'y parviendra que lorsque l'espèce humaine régénérée par degrés , aura repris sa vigueur, sa longévité primitive, et qu'elle verra communénentsa 5.e génération. Je dois ces détails pour démenti aux détracteurs qui prétendentque je propose d'établir des libertés en amour, dès le début de l'harmonie, quand le contraire est exprimé en toutes lettres dans vingt passages de mon traité de 1822. Loin d'opiner ainsi, je suis le seul homme qui puisse expliquer pourquoi ces libertés seront inadmissibles au début de l'harmonie, comme en civilisation. Il 384 NOUVEAU MONDE existe d'abord un obstacle matériel , la syphilis qu'il faudra extirper radicalement du globe entier; puis l'obstacle politique des habitudes ; mais un empêchement plus fort est celui de l'orgie secrète et corporative, qui naît à l'instant, partout où on laisse à l'amour quelque liberté. L'orgie amoureuse est à la Série amoureuse ce qu'est la chenille au papillon, c'est la subversion de toutes les propriétés industrielles et de tous les caractères honorables d'une Série passionnée ; et pourtantla secte Owen hazarde de s'engager dans ce cloaque de vices , par ses tentatives de liberté confuse, sans connaissance des contre-poids naturels; elle n'arriverait qu'à l'orgie corporative, résultat inévitable tant qu'on ne pourra pas former la série des âges et fonctions en amour. On a vu par l'aperçu des amours du 1.er âge d'harmonie, que l'orgie corporative en est exclue non par voie répressive , mais par prédominance de vertu et d'honneur ; il en sera de même de toutes les corporations amoureuses de l'harmonie. Une science inconnue, l'algèbre dessympathies essentielles et occasionnelles, transformera en anges de vertu ces corporations qui, sous les noms profanes deBacchantes et Bayadères, peuvent être suspectées de libertinage. Si j'emploie ces noms , c'est que je ne pourrais pas leur en donner d'autres sanstomber dans la néologie, qui n'est permise en France qu'aux privilégiés du monde académique. Quant aux vues de Dieu relativement à ces modifications futures , j'ai traité ce sujet II, 385 et 397

et j'y

toucherai à l'article Confirmation tirée des SS. Écritures, où sans rien préjuger sur les décrets divins qui pourront intervenir après la régénération sociétaire, je satisferai aux doutes et objections, en m'étayant de faits notoires, et d'autorités irrécusables. Du reste il faut se garder de croire que Dieu ait créé la plus belle des passions pour la réprimer, comprimer, opprimer, au gré des législateurs, des moralistes et des pachas. Qu'arrive-t-il du régime coërcitif des civilisés? INDUSTRIEL. II.e S. 285 que l'essor secret et illégal de l'amour est sept fois plus étendu que l'essor légal, dont je distrais les mariages spéculatifs ou forcés qui ne sont pas liens d'amour.Est-ce un ordre sensé, naturel, que celui où la contravention est septuple de l'essor licite? et lorque les moralistes choisissent un tel régime pour voie de sagesse, comment osentils se vanter d'étudier la nature, d'être amis de la nature? Ils ont organisé l'amour de manière qu'il détourne du travail et des études; il n'excite la jeunesse qu'à l'indolence, à la frivolité, aux folles dépenses. Les premiers amours des harmoniens redoubleront l'émulation à la culture et à l'étude. (Voyez chap. XXVIII.) Quant aux harmonies de famille auxquelles ils veu- lent nous amenersans connaîtrecelles d'amourqui en sont inséparables, je leur répondrai dansla section des équilibres, en décrivant des séries de famillisme ou harmonie familiale, II. 527, qui doits'étendre à la domesticitéII 490 l'une dessources de disgrâce dont se plaignent les familles civilisées: on peutvoir aux articles II, 369 et 398, combien ces familles sont loin du bonheur, défini, II, 600. J'ai rempli dans cet article une tâche importante, en rappelant au lecteur que sur tous les problèmes d'harmonie sociale, il n'est qu'un procédé à suivre, c'est la formation des séries , selon les conditions exposées plus haut. Si je m'écartais de cette méthode, mes dispositions tomberaient dans l'arbitraire et l'esprit de système ; qu'on me prouve que je m'en écarte en quelque point , et l'on sera fondé à critiquer et corriger ma théorie; mais quel détracteur osera tenter pareille réfutation ? On peut déjà faire le parallèle de ma méthode et des leurs; ils ne savent et ne peuvent procéder que par la contrainte, ils n'ont aucune idée de la voie naturelle ou attraction. Veulent-ils former des filles chastes, des vestales ? ils emploient les duègnes, les moralistes, les verroux , les bourreaux dans l'antiquité, les brasiers d'enfer dansl'âge moderne ; quels moyens ai-je employé ? La liberté, l'honneur, le charme,l'appât de la gloire etdes 286 NOUVEAU MONDE grandeurs, les distractions d'une vie active et intriguée. Il en sera de même sur toutes les phases de la vie

ma théorie n'emploiera que des ressorts nobles pour conduire à la vertu et à la vérité. Les philosophes civilisés ne veulent et ne peuvent employer que la contrainte et la fourberiemercantile.Ils parlentsans cesse de liberté, de libéralisme,et nepeuventen faireaucun usage, par exemple : En relations d'amour, la moindre liberté accordée aux jeunes femmes civilisées, conduit à l'orgie secrète qui est la source de tous les vices. En affaires d'ambition , la liberté engendre lesfureurs des partis, les fourberies commerciales; elle ne trouve de remède à ses excès, que dans des oppressionsscandaleuses, comme cette loi du cens électoral, admettant à la représentation un intrigant qui a pillé 300,000 fr., puis excluant un homme d'honneur qui n'a que 250,000 fr. En affaires de famille, on verrait chez les neuf dizièmes des ménages, autant de scandales que dans la famille des Atrides , si les lois coërcitives ne réduisaient les discordes à éclater en procès , en débats litigieux toujours favorables au plus fourbe. En relations d'amitié, on ne voit que le jeu des dupes et des fripons, tant de faux amis, tant de pièges, que les pères interdisent aux enfans les sociétés amicales , et leur prêchent l'égoïsme dont ils ont appris la nécessité. Voilà le fruit des théories philosophiques, des perfectibilités civilisées ; c'est un ordre qui ne peut reposer que sur la contrainte et la défiance, et qui engendre tous les vices dès qu'il s'écarte de la contrainte. Qu'on prononce après cela, entre la théorie sociétaire et les sciences morales qui la diffament, parce qu'elle opère par Attraction et n'emploie d'autres ressorts que la liberté et la vérité, dont l'emploi conduit tout civilisé à une perte inévitable , à moins qu'il ne soit un homme puissant et opulent ; c'est le seul cas où il soit possible à un civilisé de de pratiquer parfois la justice et la vérité. INDUSTRIEL. III.e S. 297 SECTION QUATRIÈME. MÉCANISME ET HARMONIES DE L'ATTRACTION. SEPTIÈME NOTICE. ENGRENAGE DES ATTRACTIONS INDUSTRIELLES. CHAP. XXV. Initiatives d'attraction individuelle et collective en industrie sériaire. DISTINGUONS en deux séries les classes qu'il faudra attirer au travail productif; ce sont : La série de 3 sexes, hommes, femmes et enfans. La série de 3 fortunes, riches, moyens et pauvres. Parmi les sexes, le faible entraîne le fort, I, 386. Il faut donc séduire d'abord les enfans

ils entraîneront les mères à l'industrie , puis les mères et les enfans réunis entraîneront les pères, plus rétifs par effet des défiances qui règnent entre civilisés au-delà du jeune âge. Parmi les classes, la plus fortunée entraîne les inférieures ; il faudra donc se mettre en mesure de séduire les riches, car la bourgeoisie et le peuple travailleront assez, quand ils verront les grands s'entremettre passionnément à l'ouvrage. Examinons si les travaux sociétaires séduiront de prime abord les enfans et les gens riches. La 1.re amorce pour les enfans sera la gourmandise , une cuisine spéciale pour eux, et la libre manifestation de leurs goûts qui seront suivis en toute fantaisie , dès qu'il y aura demande formée par un groupe de 7 enfans , pour tel mets, tel accommodage à déjeûné, dîné, goûté, soupé. Lorsque la phalange sera au complet, on sou¬ 288 NOUVEAU MONDE scrira aux fantaisies d'un groupe de 3 enfans. Dès les I .res jours on les exercera à former des partis sur chaque mets, bien classer leurs goûts sur chaque sorte de préparation , cette nouvelle sagesse leur semblera si délicieuse qu'ils seront autant de Seïdes pour la phalange. On a vu quelles seront les autres amorces, industrie en miniature, petits ateliers, petits outils, courtes séances, manoeuvres chorégraphiques, etc. La classe riche hésitera d'abord , elle s'engagera peu à peu dans quelques minuties , nomméestravaux parcellaires;examinonscet effetsurune culture vulgaire,le chou. La nature a donné à Mondor du goût et de l'aptitude pour la parcelle de travail agricole qu'on nomme GRENETERIE, cueillette et conserve des graines.Mondor aime le chou rouge , il en a vu de beaux carreaux à la phalange , et les a trouvés très-bons à table

il demande à voir les graines de ce chou, il disserte sur leur tenue, et donne de bonnes idées au groupe des grainistes. Ce groupe complimente Mondor dont l'amour propre est très-satisfait de briller sur cette bagatelle. Il prend parti avec les grainistes du chou, mais non pas avec les autres groupes qui vaquent à cette culture ; sa passion en ce genre étant parcellaire et bornée aux graines, il s'enrôlera plutôt dans la série de greneterie générale , que dans les divers groupes qui soignent le chou rouge. Le lendemain de ce premier engagement , Mondor voit , à la parade matinale , s'avancer vers lui la fanfare enfantine, âgée de 8 à 10 ans ; elle bat le ban des promotion ; puis une héraute de la série des choutistes proclameMondor, bachelier du chou rouge ; dispensé de noviciat, vu l'étendue de ses connaissances; ensuite la vestale de parade qui distribue les insignes de promotion, embrasse Mondor en lui présentant un bouquet de fleur de chou artificielle, puis il reçoit les félicitations des chefs, accompagnées d'une salve de la fanfare enfantine. ( Cette réception est le contraire de la coutume civilisée qui ne fait que du barbouillage en cérémonial, INDUSTRIEL. IV.e S. 280 et ferait embrasser une jeune bachelière par un municipal de 80 ans ). Mondor au bout de la I.ere quinzaine aura déjà plu- sieurs trophées de cette espèce ; il ne voudra plus quitter la phalange, il y aura noué des intrigues et pris parti dans les prétentions de divers groupes. Ainsi chaque personnage riche, homme ou femme après avoir parcouru quelques jours les travaux de la phalange, sera fort étonné de voir éclore en lui - même vingt attractionsindustrielles dont il ne se savait doué pas , mais qui seront a ttractionsparcellaires et non pas intégrales, car elles ne s'appliqueront point à l'ensemble du travail, comme l'exigerait le mécanisme civilisé con- traire en tout sens au voeu de la nature. C'est par influence de l'exercice parcellaire qu'on verra les 7/8 des femmes se passionner pourles fonctions de ménage qu'elles répugnent aujourd'hui: telle femme qui n'aime pas le soin des petits enfant, prendra parti dans un groupe affecté à quelque branche de couture . telle autre qui dédaigne le pot au feu, se passionnera pour la préparation des crèmes sucrées, y excellera et de- viendra présidente de ce groupe, quoiqu'étrangère aux autres branches de cuisine.L'écumoire et le pot trouve- ront de même des sectaires passionnées, quand ce travail n astreindra pas à en exercer vingt autres dont on sur- charge les ménagères civilisées, non moins rebutées par le défaut d argent que par la complication de travaux . car les maris et la morale donnent aux ménagères beaucoup de conseils et peu d'argent. Les femmes ne trou- vent dans le ménage que tracasseries et privations , les hommes ne trouvent à la culture que friponnerie et dégoûts , faut-il s étonner que tous prennent en aversion ces travaux qui sont leur destination naturelle. Quoique l'exercice parcellaire soit la principale source d initiative en attraction industrielle, on la verra naître de beaucoup d'autres amorces; telles seront les intrigues de contact, et la domesticité passionnée. 19 290NOUVEAU MONDE L'intrigue de contact enrôle à un travail tel individu qui n'y aurait jamais songé. Chloë, après avoir servi plusieursfois à table les sectaires de la lutherie, dansleurs dînes cabalistiques, finit par s'intéresser à leurs intrigues dont ils confèrent avec chaleur ; elle prend fantaisie de visiter les ateliers de cette compagnie, elle y trouve de menus travaux, ou sur bois ou sur ivoire et nacre, qui lui plaisent ainsi que la société ; elle s'engage dans quelque fonction parcellaire, et n'y aurait pas pris parti si elle eût visité l'atelier sans s'être auparavant mise en contact d'intrigue avec les sectaires. Bientôt la lutherie entraînera Chloë à d'autres fonctions qui lui étaient indifférentes, et qui seront stimulées par ce contact d'intrigues dont on n'a aucune connaissance en civilisation : chaque classe d'ouvriers étant insouciante et railleuse surles intrigues des autres classes. La domesticité indirecte est un des plus brillans effets d'harmonie passionnée et un puissant ressort d'attraction industrielle. Tel qui aujourd'hui est réduit, pour subsister, à servir autrui, essuyer les rebufades et les vexations d'un maître, se trouvera tout-à-coup pourvu d'une cinquantaine de serviteurs passionnés, travaillant pour lui par préférence affectueuse, et sans aucun salaire de sa part. Bastien jeune homme sans fortune a dechiré par un accroc son plus bel habit. Le lendemain, le groupe des caméristes, en faisant la chambre de Bastien, emporte cet habit à l'atelier des repriseuses, présidé par Céliante, dame opulente âgée de 50 ans, et passionnée pour le travail desreprises perdues où elle se prétend incomparable. Céliante affectionne Bastien qu'elle rencontre souvent dans divers groupes où il excelle ; c'est lui qui, au colombier des faisans,soigne l es faisans favoris de Céliante, et ses oeillets à parfum de girofle, au groupe chargé de cette variété; elle est empressée de s'en reconnaître , et voyant un habit étiqueté Bastien, elle s en empare et exécute la reprise avec une haute perfection. INDUSTRIEL. IV.e S. 291 Dans ce travail, Bastien a eu pour ouvrière une dame millionaire qui l'a servi par passion et très-gratuitement car c'est la phalange qui paie chaque service par un di- vidende alloué au groupe. Nul ne reçoit de salaire in- dividuel , ce serait déshonneur. On verra que Bastien,quoique très-pauvre, est partout servi de même. Les fonctions de faire le lit, battre l'habit , cirer les chaussures , seront toutes remplies par des femmes ou enfans qui, dans les groupes de caméristes, batteuses et décroteuses, auront choisi de préférence les vêtemens de Bastien et de tels autres qu'elles affectionnent. Tout travail domestique roulant sur un groupe li- bre, chacun choisit a volonté les personnes qu'il veut servir, et les quitte de même. Celui dont l'habit n'est choisi par personne, sera servi par les complémentaires qui, à tour de rôle, exercent pour la masse non choisie. Sur cet aperçu, il restea prouver que chacun , vieux ou jeune, pauvre ou riche, trouve des serviteurs pas- sionnés en tout genre, et a réellement une cinquantaine de domestiques affectionnés, souvent cent fois plus ri- ches que lui. Le travail de domesticité qui en civilisa- tion désole les valets et par fois les maîtres mêmes devient dans la phalange , une source de liens innom- brables , souvent en amour ; car le jeune Bastien, pour se reconnaître envers Céliante qui l'a obligé dans divers services , ne manquera guères de lui offrir la preuve de gratitude qu'un jeune homme de 20 ans peut offrir à une dame de 50. Il arrive en régime sociétaire que toute la vieillesse d un et d'autre sexe a quantité de ces bonnes fortunes parsuite des nombreux services qu'elle rend dans divers groupes à la jeunesse peu experte, mais passionnée pour des travaux où les vieillards excellent. Ce ralliement amoureux des deux âges extrêmes , doit en faire pressentir un autre plus précieux encore, c'est celui de l'éducation qui est toute passionnée

chaque en- fant pauvre est entraîné à une trentaine de fonctions et 19. 292 NOUVEAU MONDE même une centaine dans le cours de sa jeunesse ; partout il trouve des vieillards qui, zélés pour la continuation de ces travaux, se plaisent à instruire tel enfant pauvre en qui ils entrevoient un héritier de leur travail favori ; de là vient que souvent un petit garçon sans fortune devient l'un des adoptifs d'une femme âgée, qui a reconnu en lui le continuateur de quelqu'un de ses travaux favoris, et lui fait un legs a ce titre. C'est pour ménager ce beau ralliement, que la nature donne aux enfans des penchans différens de ceux des pères qui s'en plaignent amèrement en civilisation. Bientôt ils admireront la sagesse du créateur dans les harmonies sublimes que l'état sociétaire fait naître de cette diversité de goûts en même lignée. (5.e sect.) En opposition à ces brillans accords, l'industrie morcelée n'aboutit en tous sens qu'à brouiller les âges opposés et les classes opposées; le salaire y devient un sujet de querelles interminables, et le commandement individuel un sujet de haines. Tout commandement arbitraire est humiliant pour celui qui obéit. L'individu en harmonie n'est jamais commandé que pour discipline convenue, collective, et consentie passionnément; dans ce cas il n'y a rien d'arbitraire dans l'ordre donné, rien d'offensant dans l'obéissance ; tandis que la méthode civilisée ou régime de domesticité individuelle et salariée crée toujours double et souvent quadruple discorde, là où la méthode sociétaire produit double et quadruple charme, liens et accords de toute espèce. Passant aux initiatives en attraction collective, je comptais en décrire 3 ressorts , L'emploi des passions ambiguës, (I, 439.) Les relations galantes aux armées, L'échelle d'amour maternel

Je me borne au premier. On appelle groupes d'ambigu, Séries d'ambigu, les réunions mues par des goûts bâtards et méprisés parmi nous où l'on n'en a aucun emploi. Démontronsl'utilité de ces prétendus vices, précieux en exercice combiné. INDUSTRIEL. IV.e S. 293 Je suppose qu'il s'agisse d'entreprendre un travail difficile, comme la plantation d'une forêt, pour couronner ou meubler une montagne nue qui dépare le canton : l'on ne trouvera guères à former une série qui veuille se charger passionnément de l'ensemble du travail; il faudra mettre en jeu une série d'ambigu, en rechange successif. D'abord on fera agir la cohorte de salariés, pour les premiers transports de terre et le dégrossissement du travail. ( Je parle de la phalange d'essai, car au bout de 3 ans on n'aura plus besoin de cohorte salariée ). Ensuite on fera intervenir les initiateurs, gens qui commencent tout et ne finissent rien, n'ont qu'un feu de paille limité à quelques séances : n'importe, ils sont précieux pour aider à franchir les premiers pas qui sont les plus épineux ; ces caractères sont faciles à stimuler, l'entreprise la plus inconsidérée ne les effraie pas : ils mettront donc la main à l'oeuvre, fourniront quelques séances de 2 heures, et lâcheront pied au bout d'une quinzaine, ainsi qu'on l'aura prévu. Entretemsl'ouvrage aura déjà pris couleur; les initiateurs aidés d'une co- horte salariée auront bien avancé le dégrossissement, et placé quelques bouquets d'arbres sur divers points. Alors on aura recours aux caractères occasionels ou girouettes, gens versatiles, tournant à tout vent, inclinant pour l'avis du dernier venu ,et ne goûtant une nouveauté que lorsqu'elle commence à prendre crédit : ils jugeront l'entreprise très-plausible quand ils la verront en activité, et s'adjoindront à ce qui restera des initiateurs aidés d'une masse de salariés. On recourra ensuite aux ambians ou fantasques, gens qui veulent s'entremettre dans ce qui est fait à demi, le modifier et remanier, refaire la maison à moitié con- struite , changer inconsidérément de fonctions, quitter même un bon poste pour un mauvais, sans autre motif qu'une inquiétude naturelle dont ils ne peuvent pas pénétrer la cause. Ils s'entremettront ardemment dans la 294. NOUVEAU MONDE plantation quand ils la verront avancée ; on leur accordera quelque changement insignifiant, pour les amadouer, et ils figureront pendant quelque tems dans ce travail avec le restant des coopérateurs précédens. Viendront ensuite les Caméléons ou Protées, sorte d'ambigus très-nombreux en civilisation, gens qui s'engagent dans une affaire quand ils la voient en bon train. Ils ne voudront pas paraître insoucians pour l'entreprise parvenue aux deux tiers, et opineront à y coopérer sans attendre la fin. Leur intervention avancera d'autant le travail qui dès lors approchera de son terme. Ce sera le moment d'engager les Finiteurs, gens qui se passionnent pour un ouvrage quand ils le voient presque achevé. Jamais il n'obtient leur suffrage au début ; ils crient à l'impossible , au ridicule , se répandent en diatribes contre l'autorité qui fait une amélioration, traitent de fou le propriétaire qui construit, dessèche, innove en industrie. Mais lorsque l'ouvrage en est aux trois quarts , on voit ces aristarques changer de ton, se déclarer prôneurs de ce qu'ils ont tant décrié, prétendre, comme la mouche du coche , qu'ils ont aidé l'entreprise ; on les voit souvent prôner cet ouvrage , à ceux même qu'ils ont indécemment raillés pourl'avoir soutenudans le principe, Ils ne s'aperçoivent pas de leur inconséquence, entraînés par la passion qui ne germe chez eux qu'au dénouement de l'affaire. C'est en France que ce caractère est le plus commun, aussi les Françaisrevendiquent-ils, après coup, toutes les nouveautés qu'ils ont raillées à l'apparition. Les Français ne manqueront pas de se montrer en finiteurs sur la fondation de l'harmonie ou attraction industrielle. Ils ont débuté par diffamer l'invention et l'auteur ; plus tard ils railleront les actionnaires fondateurs, puis ils commenceront à se raviser, lorsqu'ils verront s'avancer les dispositions du canton d'épreuve ; enfin, au moment de l'installation, ils rachèteront les actions au triple et au quadruple, ils prouveront que ce INDUSTRIEL. IV.e S. 295 sont eux qui ont protégé l'auteur, qu'ils ont admiré, encouragé sa découverte. Et comme les extrêmes se touchent, les Françaissont grands initiateurs sur les choses connues; aucun peuple n'est plus enclin à tout commencer sans rien finir, changer de plan sur un travail à moitié fait. On ne voit jamais chez eux un fils achever sur le plan du père, ni un architecte continuer sur le plan de son prédécesseur

les Français sont ambians, ne pouvant se tenir fixément à un goût, à une opinion , passant brusquement d'un extrême à l'autre, et amalgamant les contraires; il étaient, il y a un demi siècle, pleins de mépris pour le commerce, ils en sont aujourd'hui plats adulateurs; ils se vantaient de loyauté, etmaintenant ils sont dans le commerce, aussi faux que les Juifs et les Chinois. Bref, on voit affluer chez eux tous les caractères d'ambigu que je viens de décrire ; l'ambigu, en tous genres , est caractère national chez les Français; et quand les harmoniens, écrivant l'histoire de la civilisation, classeront les peuples par échelle de caractères , le Français y figurera comme type de l'ambigu et non de la loyauté. On peut entrevoir ici que nos goûts les plus critiqués par la morale, seront utilisés et deviendront vertus précieuses en régime sociétaire. Les civilisésne cessent de se railler l'un l'autre sur tel goût bizarre

en réponse à cette

critique, je viens de décrire un ouvrage des plus pénibles, des plus rebutans, effectué passionnément par le concours de tous ces caractères ambigus. Plus on avancera dans l'examen du mécanisme des Séries pass., plus on se convaincra qu'il existe surabondance de moyens pour attirer à l'industrie les masses comme les individus; que nos penchants , nos instincts, nos caractères même les plus bizarres, seront bons tels que Dieu les a faits, sauf à les employer en Séries passionnées; que le règne du mal ne provient aucunement des passions, mais du régime civilisé qui les emploie en exercice morcelé ou familial, d'où naissent autant de calamités que le régime divin aurait produit de bienfaits. 296 NOUVEAU MONDE Résumant sur le sujet de ce chap., je pourrais indiquer beaucoup d'autres voies d'initiative en attraction industrielle ; mais il suffit de ces quatre, exercice parcellaire, domesticité indirecte, intrigue de contact, emplois d'ambigu , I, 439. pour prouver que le monde social est hors des voies de la nature quand il distribue l'industrie par familles, méthode où la fourberie des relations,la longueur des séances, la saleté des ateliers, la complication des travaux, l'ingratitude des fonctions subalternes, l'injustice et l'égoïsme des maîtres, la grossièreté des coopérateurs,tout concourt à transformer l'industrie en supplice, et qui pis est à réduire le produit au quart de ce qu'il serait en régime sociétaire. L'état civilisé est donc l'antipode de la destinée, le monde à rebours, L'ENFER SOCIAL : il faut être frappé de la cataracte philosophique pour ne pas reconnaître cet égarement de la raison. CHAP. XXVI. Engrenage des Séries par la gastronomie cabalistique. DANS le cours des sectionsprécédentes et de la préface, on a pu badiner sur une thèse plusieurs fois répétée et risible au premier abord ; c'est (263) qu'en régime sociétaire, la gourmandise est source de sagesse, de lumières et d'accordssociaux; je puis donner sur cette étrange thèse les preuves les plus régulières. Aucune passion n'a été plus mal envisagée que la gourmandise : Peut-on présumer que Dieu considère comme vice, la passion à laquelle il a donné le plus d'empire ? ( car il n'en est point de plus généralement dominante sur le peuple. ) D'autres passions, l'amour, l'ambition, exercentsur les âges adulte et viril beaucoup plus d'influence, mais la gourmandise ne perd jamais son empire sur les divers âges ; elle est la plus permanente, la seule qui règne depuis le berceau jusqu'au INDUSTRIEL. IV.e S. 297 terme de la vie. Déjà très-puissante sur la classe polie, elle règne en souveraine sur le peuple et sur les enfans , qu'on voit partout esclaves de la gueule. On voit le soldat faire des révolutions pour qui veut l'enivrer; et le sauvage si dédaigneux pour les civilisés, s'associer à leur industrie moyennant un flacon d'eau de vie, leur vendre au besoin sa femme et sa fille pour quelques bouteilles de liqueurs fortes. Dieu aurait-il asservi si impérieusement les humains à cette passion, s'il ne lui eût assigné un rôle éminent dans le mécanisme auquel il nous destine? et si ce mécanisme est celui de l'attraction industrielle, ne doit-elle pas se lier intimément avec l'attraction gastronomique dite gourmandise ? en effet c'est la gourmandise qui doit former le lien général des Séries industrielles, être l'ame de leursintrigues émulatives. Dans l'état civilisé la gourmandise ne se lie pas à l'industrie, parceque le producteur manouvrier ne goûte pas des denrées exquises qu'il a cultivées ou manufacturées. Cette passion devient donc parmi nous l'attribut des oisifs, et par cela seul elle serait vicieuse si elle ne l'était déjà par les dépenses et les excès qu'elle occasionne. Dans l'état sociétaire, la gourmandise joue un rôle tout opposé ; elle n'estplusrécompense de l'oisiveté, mais de l'industrie , car le plus pauvre cultivateur y participe à la consommation des denrées précieuses.D'ailleurs elle n'influera que pour préserverdesexcès, à force de variété, et stimuler au travail en alliant les intrigues de consommation avec celles de production, préparation, et distribution. 263. La production étant la plus importante des quatre, posons d'abord le principe qui doit la diriger, c'est la généralisation de la gourmandise, en effet

Si on pouvait élever tout le genre humain aux raffinemens gastronomiques, même sur les mets les plus communs tels que choux et raves, et donner à chacun une aisance qui lui permît de refuser tout comestible médiocre en qualité ou en accommodage ; il arriverait que 298 NOUVEAU MONDE chaque pays cultivé serait, au bout de quelques années couvertde productions exquises ; car, 109, onn'aurait aucun placement des médiocres, telles que melons amers, pêches amères, que donnent certains terroirs où l'on ne cultiverait ni le melon ni la pêche : tout canton se fixerait aux productions que son sol peut élever à la perfection, il rapporterait des terres sur les lieux qui donnent de mauvaises qualités , ou bien il mettraitle local en forêt, en prairie artificielle ou autre emploi qui pût donner un produit de bonne qualité. Ce n'est pas que les Séries passionnées ne consomment du commun en co- mestibles et en étoffes; mais elles veulent,même dansles choses communes telles que les fêves et le gros drap, une qualité aussi parfaite que possible, conformément aux proportions que la nature a établies en attraction ma- nufacturière, ( voyez 179 ). Le principe d'où il faut partir, est qu'on arriverait à une perfection générale de l'industrie, par exigence et raffinement universel des consommateurs , sur les comestibles et vêtemens, sur le mobilier et les plaisirs; ce principe est reconnu par les moralistes mêmes, car on voit les CLASSIQUES tonner contre le mauvais goût du public adonné aux mélodrames, et aux monstruosités que dédaignerait une société d'un goût épuré. Sur ce point comme sur tout autre, la morale est en contradiction avec elle-même, car elle nousveut raffinés sur la littérature et les arts, puis elle nous veut grossiers sur la branche essentielle du système social, celle des subsistances qui sont la partie de relations 163 et 268 où doit germer l'attraction industrielle, pourse répandre de là dans toutes les autres branches. Ainsi les moralistes toujours mal-encontreux en théorie comme en pratique, ont appliqué le principe de perfectionnement, ou nécessité de goût raffiné, au dernier objet auquel on devait l'appliquer, aux beaux arts ; et je les place au dernier échelon en politique sociale, parce que le raffinement qu'on y a introduit tombe dans double vice. INDUSTRIEL. IV.e S. 299 I.° Il pervertit les arts mêmes qui, par spéculation mercantile,s'engagent de plus en plus dans les faux brillans, le romantique outré, les écarts de toute espèce ; dépravation quise communique au génie,adonné plus que jamais à l'esprit de système, et au dédain de la nature ou attraction. 2.° Si le raffinement règne plus ou moins dans les arts , il y est limité, il ne se répand point dans les relations primordiales, celles de consommation et préparation, d'où il se communiquerait à la production, 163 et 263. Ainsi la marche du bon goût ou raffinement est tout-à-fait faussée et neutralisée par cette bévue morale qui veut le limiter aux arts avant de l'introduire en gastronomie d'où il se répandrait partout sauf emploi des Séries passionnées. A l'appui de ce double grief, observons que Paris qui est le foyer des beaux arts, est aussi le foyer du mauvais goût en gastronomie. LesParisiens consomment indifféremment le bon ou le mauvais, 1 c'est une fourmilière de 800,000 philosophes qui ne se nourrissent que pour modérer leurs passions, et favoriser l'astuce des 1 L'assertion peut sembler injurieuse aux Parisiens, je vais l'appuyer de faits décisifs. Depuis 1826, les boulangers et pâtissiers de Paris ne font cuire qu'à demi toutes leurs pâtes. Paris était donc bien ignare en gastronomie, au temps où l'on faisait cuire en plein le pain et la pâtisserie ! Ce temps était pourtant celui des Grimod et des Berchoud qui se trouvent coupables de gastro-ânerie, si la mode actuelle est conforme aux saines doctrines. Faut-il dire le secret de cette monstruosité? c'est que les pâtes à demi cuites conservent plus d'eau, sont plus lourdes et se maintiennent mieux en cas de mévente. Cette demi-cuisson sert l'intérêt des marchands, mais non pas celui des consommateurs. Si les Parisiens n'étaient pas vandales en gastronomie

on aurait vu la grande majorité

d'entr'eux s'élever contre cette impertinencemercantile, et exiger une cuisson suffisante

mais on leur fait croire que c'est le bon genre, le genre anglais gui vient de l'anglais. 300 NOUVEAU MONDE marchands par une servile résignation à toutes les fraudes, à tousles poisons qu'il plaît au commerce d'inventer. Un autre genre de dépravation particulier à la France, et qui est encore d'origine parisienne, c'est le dédain du sexe féminin pour la gastronomie , dédain qui va croissant. Ce sera un très-grand vice au début de l'harmonie, En 1797, on les habitua aussi, par mode anglaise, à manger de la viande à demi-crue, avec fourchettes courbées à rebours, et presqueimpossibles à manier. C'est encore l'anglomanie qui les a habitués à proscrire au déjeûné les bons mets de leur pays, et les remplacer par une vilenie qu'on appelle Thé, drogue dont les anglais s'accommodent forcément, parce qu'ils n'ont ni bon vin, ni bons fruits , à moins d'énorme dépense. Ils sont réduits au thé comme les malades, et au beurre comme les petits enfans à qui une mère pauvre donne une rôtie de beurre. Peut-on nommer gastronomes, des êtres sans goût prononcé, dociles à toutesles sottes idées que leur suggère la mode, l'astuce mercantile?Témoin la vogue de la colle rance nommée Vermichelli, qui est devenu soupe générale à Paris , parce qu'elle fait gagner l'épicier et épargne du temps à la cuisinière. Voilà le savoir des parisiens en gastronomie, la docilité à tout fripon qui veut les duper : aussi ne voit-on nulle part tant de falsification des liquides, vin, vinaigre,liqueurs, biere, lait, huile, sucre, etc. : leurs viandes sont échauffées et infectées par les courses forcées de l'animal à qui le marchand veut faire sauter une étape ; leurs herbages sont imprégnés du parfum de certaine denrée dont on fume les jardins de la banlieue

ils ont quelques bons fruits parce que le commerce ne peut paslesfalsifier, commeleursvins, fabriquésavec bois de teinture, potasse, litharge, lie, esprit 3/6, vin cuit, mélasse, reglisse, miel, alun , iris et autres poisons mercantiles dont le pire est le vin de Languedoc St.-Gilles. Du reste, leurs cultivateurs sontignares au point de gâter la moitié des pommes de terre dès le jour de la récolte ; sur vingt paniers pris au marché , vous en trouverez dix immangeables par amertume, aigreur, viscosité

Est-il de nation plus profane, plus vandale en gastronomie ? Un enfant de 5 ans, élevé en harmonie, trouverait cinquante fautes choquantes au dîné d'un soi-disant gastronome de Paris

que dire de leurs autres anglomanies, leur écriture où on ne voit que des u, uuuuuuuu.

INDUSTRIEL. IV.e S. 301 car on ne peut pas se passionner vivement pour les cultures , épouser avec ardeur les intrigues des séries agricoles, si on ne se passionne pas en gastronomie, voie initiale d'attraction industrielle. Des prédicans de morale et de bon ton persuadent aux dames françaises que la gourmandise est une passion de mauvais genre ; il faudra qu'elles changent de thème en harmonie, qu'elles s'élèvent au raffinement cabalistique, au moins sur les dix passions permises parles coutumes civilisées. Le sexe féminin est moins vicié en Allemagne, il s'y livre plus franchement à la gourmandise, même sur les vins , que le beau sexe français tient à honneur de mépriser. Tous ces goûts de modération ne sont que travestissement de la nature ; elle aménagé, en comestibles solides ou liquides, un assortiment propre à passionner les 3 sexes; et de plus un engrenage de goûts , engageant dans les goûts mâles 1/8 de femmes, et dans les goûts féminins 1/8 d'hommes.Cet engrenageexistequoique déguisé. Je connais une demoiselle de 9 ans qui aime beaucoup l'ail et mange des gousses d'ail avec avidité. Sans doute à quinze ans elle se sevrera de ce régal, mais il prouve qu'en dépit des arrêts de la mode, les femmes sont pourvues en proportion convenable , de tous les goûts nécessaires à l'engrenage des Séries passionnées, selon les règles posées en 1.re section. Il faudra donc développer ces goûts dans la phalange d'essai, faire éclore chez lesfemmes leurs penchans naturels souventfort opposés au bon ton. Ce sera d'abord sur la gastronomie qu'il faudra les rappeler à la nature, si l'on veut atteindre sans délai à l'engrenage des séries industrielles et à l'équilibre des passions. Une jeune fille aime l'ail en dépit des plaisans ; spéculez sur ce goût pour un engrenage double, il peut opérer 1.° L'alliage des sexes dans une série, car la série qui cultivera les légumes bulbeux, oignon, ail, échalotte, porreau, ciboule, sera communément masculine. Il faut par engrenage y introduire au moins 1/8 de femmes et 302 NOUVEAU MONDE c'est dans le bas âge qu'il faut les chercher, car ce n'est guères à seize ans que les filles prennent goût à l'ail. 2.° L'alliage des travaux chez l'individu. Telle jeune fille aime l'ail et n'aime pas étudierla grammaire. Ses parens voudront qu'ellerenonce à l'ail et qu'elle s'adonne à l'étude ; c'est doublement contrarier son naturel ; cherchez plutôt à le développer en double sens. Après l'avoir mise en liaison cabalistique à table et. au jardin avec les amateurs de l'ail, présentez-lui l'ode en l'honneur de l'ail par M. de Marcellus: elle s'empressera de la lire, si elle est vivement piquée contre les détracteurs de l'ail

profitez de cette lecture pour l'initier superficiellement à la poésie lyrique, aux distinctions de strophes et de vers libres. Peut-être se passionnera-t-elle pour la poésie avant la grammaire, et l'une conduira bientôt à l'étude de l'autre. Ainsi l'enseignement sociétaire combine l'esprit cabalistique et les penchans bizarres pour éveiller chez un enfant le goût des études et le conduire indirectement, à celle qu'il aurait repoussée obstinément sans le concours de quelques stimulans d'intrigue. J'insiste sur le principe de rattacher toutes ces intrigues à la gourmandise qui est pour les enfans la voie naturelle d'initiative et d'engrenage en industrie. Sans doute il est d'autresressorts à mettre en jeu, mais celui-là est au I .er rang chez l'enfance. La phalange d'essai en méconnaissant ce principe s'engagerait dans la fausse route. Elle n'avancerait qu'à pas de tortue ; et pour peu qu'elle commît une autre faute grave, elle échouerait. CHAP. XXVII. De la Gastrosophie ou sagesse des Séries gastronomiques. Nos soi-disant gastronomes, tant écrivains que praticiens, ne sont point du tout à la hauteur du sujet; ils le ravalent en le traitant sur le ton plaisant. Il est v ra qu'en civilisation , la gastronomie ne peut jouer qu'un INDUSTRIEL. IV.e S. 303 rôle très-subalterne, et plus voisin de la débauche que de la sagesse ; mais en harmonie elle sera révérée comme ressort principal d'équilibre des passions. Le sens du goût est un char à 4 roues qui sont : 1 la GASTRONOMIE , 3 la CONSERVE , 2 la CUISINE, 4 la CULTURE. La combinaison de ces 4 fonctions exercées en Séries passionnées, engendre la GASTROSOPHIE ou sagesse hygiénique , hygiène graduée, appliquée aux échelles de tempéramens qui ne sont pas connues de la médecine civilisée. ( Voyez la note tom. II, 214 ). Conformément à sa propriété de monde à rebours , la civilisation marche à contre-sens dans cette carrière, elle veut commencer par où il faudrait finir. Tout père approuverait fort que son fils et sa fille excellassentdans les 3.e et 4.e branches, culture et conserve ; on veut même que les jeunes filles s'exercent à la 2.e branche qui est la cuisine : ainsi on admet les 3 branches de science qui ne peuvent pas créer l'attraction industrielle, et on proscrit la I.re branche, la gastronomie d'où naîtrait la passion pour les 3 autres. Cette gaucherie est encore une des prouesses de la morale tendant à nous rendre ennemis de nos sens , et amis du commerce qui ne travaille qu'à provoquer les abus du plaisir sensuel. D'autre part, des écrivains scandaleux donnent des leçons de gourmandise à nos lucullus, qui ont bien assez des lumières de leurs cuisiniers, sans que la poésie et la rhétorique viennent leur prêter appui. Cette prostitution littéraire compromet la gastronomie , comme les billevesées de la secte Owen compromettent l'association. La gastronomie ne deviendra science honorable, que lorsqu'elle saura pourvoir aux besoins de tous ; or il est de fait que la multitude, loin de faire des progrès vers la bonne chère, est de plus en plus mal nourrie. Elle est privée même des comestibles salubres et nécessaires

on voit dansParis 3 à 4000 gastrolatresse goberger au mieux,

mais on voit à côté d'eux 3 à 400,000 plébéiens qui n'ontt 304 NOUVEAU MONDE pas même de la soupe naturelle : on leur fait maintenant un simulacre de bouillon avec des ingrédiens qui sentent le lard rance, la chandelle et l'eau croupie. L'esprit de commerce va croissant et ses fourberies accablent de plus en plus les classes inférieures. La gastronomie ne sera louable qu'à deux conditions; I.° lorsqu'elle sera appliquée directement aux fonctions productives, engrenée, mariée avec le travail de culture et préparation , entraînant le gastronome à cultiver et cuisiner. 2.° Lorsqu'elle coopérera au bien-être de la multitude ouvrière, et qu'elle fera participerle peuple à ces raffinemens de bonne chère que la civilisation réserve aux oisifs. Pour atteindre ce but, il faut engrener les fonctions du goût, les rallier toutes à la plus attrayante des quatre qui est la gourmandise.On est assuré que celle-là ne sera pas abandonnée, qu'elle restera toujours attrayante; il faut donc la choisir pour base de l'édifice, si l'on veut qu'il soit régulier et durable. Nos philosophes posent en principe que tout est lié dans le système de la nature , mais rien n'est lié passionnément dans notre système industriel : l'industrie doit former ses liens par les Séries gastronomiques

elles conduisentpar passion, des débats de la table aux fonctions de cuisine et de conserve, puis aux cultures, enfin à la formation des échelles de tempérament, et des préparations culinaires adaptées au régime sanitaire de chaque échelle. On s'efforcera donc en harmonie d'enrôler de bonne heure chaque individu aux 4 fonctions précitées, afin qu'il ne se borne pas au rôle ignoble de gasirolâtre, déshonneur de nos Apicius dont tout le savoir se réduit à jouer des mâchoires, sans aptitude à agir dans les 3 autres fonctions du goût. Aucunepassion n'a plus d'influence que celle du goût, pour opérer l'engrenage des fonctions.J'ai donné, chap. XXVI, un exemple tiré de l'ail où je suppose la personne entraînée à l'étude de la poésie par cabale pour le sou¬ INDUSTRIEL.IV.e S. 305 tien de son goût, et par enthousiasme pour la branche de littérature qui l' a prôné. ( Essor de la Cabaliste et de la Composite ). Si l'on veut spéculer de la sorte sur les manies gastronomiques de chaque enfant, appliquées à des Séries passionnées, on trouvera dans cette seule branche de fantaisies, des moyens de passionnerl'enfant pour les diverses branches d'étude, et de même les pères et mères; car il faudra au début de l'harmonie faire l'éducation des pères comme celle des enfans.Je ne saurais donc assez rappeler la nécessité de spéculer avant tout sur la gastronomie, comme semaille d'attraction plus efficace que toute autre, et moyen le plus prompt d'aller au but, engrener passionnément les fonctions, entraîner de l'une à l'autre par les stimulans de cabale et d'enthousiasme, enfin établir ces liens généraux que rêve la philosophie sans savoir en former aucun, surtout dans l'enseignement qu'elle ne sait allier ni avec le plaisir , ni avec la pratique de l'agriculture. Une fâcheuse lacune en ce genre est de n'avoir pas su lier la médecine avec le plaisir, et surtout avec celui du goût. Chaque année voit éclore de nombreux systèmes en médecine , dont pas un, excepté celui de la médecine du coeur, n'a cherché à sortir de l'ornière. Une carrière bien neuve, mais peu fructueuse pour la faculté, serait la médecine du goût, la théorie des antidotes agréables à administrer dans chaque maladie. On a vu des cures opérées par des confitures, des raisins , des pommes reinettes, de bons vins ; j'ai vu une fièvre coupée et dissipée par un petit verre de vieille eau-de-vie. Le peuple a contre le rhume un remède agréable, une bouteille de vin vieux, chaud et sucré, et le sommeil à la suite. Cette médecine sera une branche de la science dite gastroso- phie hygiénique, méthode préservative et curative à la fois, car elle préviendra tous les excès de table, par l'affluence, la variété de bons comestibles,par la rapide suc- cession de plaisirs faisant diversion à celui de la table. C'est pour nous amener dès le bas âge à ce régime, 20 306 NOUVEAU MONDE que la nature donne aux enfans la gloutonnerie pour passion dominante. Ils sont, dit-on, de petits gourmands, rien n'est plus faux, ils ne sont pas gourmands, mais seulement gloutons, goinfres, goulus. Ils mangent avec avidité des fruits verds et autres vilenies; s'ils étaient gourmands, connaisseurs, ils renverraient ces alimens grossiers aux pourceaux. Leurgloutonnerie est un germe qu'il faut amener à la gourmandise, à la gastronomie raisonnée et appliquée aux 3 autres fonctions du goût. On observe partout que la classe la plus réservée à table, est celle des cuisiniers; ils sont juges sévères, dissertant bien sur les mets , sans en faire aucun excès

ils sont proportionnément la plus sobre des classes qui ont la bonne chère à discrétion. Le meilleur préservatif des abus de la table,serait donc pourles enfans comme pour les pères, un ordre de choses où ils deviendraient tous cuisiniers et gourmandsraffinés , alliant la gastronomie a vec les 3 fonctions de cuisine, conserve, culture, et avec l'hygiène graduée selon les échelles de tempérament. Et comme cette méthode gastrosopbique est celle qui rencontrera le plus d'opposans parmi une société d'actionnaires, comme on verra les uns, par préjugé de morale, et les autres par économie mal entendue, opiner contre la provocation ou tolérance de gourmandise, je dois les prévenir fortement contre cette erreur qui est l'écueil le plus à craindre en épreuve sociétaire. On s'étonnera que j'attribue une si haute influence à l'emploi de la gastronomie,et que j'en fasse la condition Sine quâ non, de succès d'une phalange d'épreuve, condition qui n'est pas imposée dans le traité de 1822. Cette opinion est le résultat d'une étude approfondie sur la dose d'influence qu'aura chacune des 12 passions pour faire éclore et engrenerles attractionsindustrielles, dans le canton d'épreuve contrarié par de nombreuses lacunes d'attraction

II, 631. Essayons pièce à pièce la revue de ces doses d'influence. Ambition : elle fournira en émulation industrielle des INDUSTRIEL. IV.e S. 307 ressorts nombreux et brillans, mais non pas au début ; par exemple : l'échelle de sceptres citée 271 , sera un stimulant magnifique, mais qui ne s'établira qu'aprèsla pleine fondation par toute la terre. Voilà donc un levier dont l'emploi est différé de 4 à 5 ans, or il faut des ressorts qu'on puissemettre enusage dès la I.re quinzaine ; et pour effectuer ce prompt service, la gastronomie sera le moyen le plus applicable à toutes les classes.L'ambition fournira au début 4 aiguillons très-notables savoir

la perspective desrécompenses de fondation, le bénéficesur les curieux payans , les minuties honorifiques, ( Mondor 288 ) et les cabales émulatives; mais pour créer subitement les attractions industrielles et engrener cabalistiquement ces attractions

aucun moyen n'équivaudra à

la gastronomie appliquée. Amour : il fournira des stimulans d'industrie si puissans, si efficaces, qu'à l'époque déformation des séries amoureuses, organisation des libertés et contre-poids en amour, on verra, en moins de deux ans, le produit accru de moitié. J'ai dit que ce produit sera quadruple du nôtre au début, il serait sextuple en cas de liberté d'amour équilibrée. Mais on a vu 285 que le libre exercice de cette passion sera renvoyé à un demi-siècle ; il restera jusque-là au rang des crimes

ce n'est donc pas

un objet de spéculation pour emploi subit, comme le sera la gastronomie qui n'a rien de criminel, même aux yeux de ses antagonistes ; car on voit tel prédicateur, à la suite d'un beau sermon contre la gourmandise , figurer très-bien à une bonne table. D'ailleurs cette passion cessera d'être vice quand elle sera équilibrée, prévenant tout excès, et de plus hygiénique, faisant coopérer le plaisir au soutien de la santé. Paternité. Ses emplois en attraction industrielle ne commenceront guères qu'au bout d'un siècle,sauf exceptions ; car au bout de dix ans , on en verra germer une branche, celle des adoptions industrielles : d'autres branches, comme les adoptionssympatiques, l'échelled'amour 20. 308 NOUVEAU MONDE paternel , seront différées plus long-temps encore ; tout cela est fort loin de remplir la condition d'emploi subit, applicable à toutes les classes. Amitié: on en tirera un grand secours , mais le moyen de la développer en peu de temps, sera l'emploi des échelles et, cabales gastronomiques. Rien ne forme des liens si prompts que les affinités de goût sur tels mets , telle préparation, surtout s'il s'agit d'un goût bizarre, ambigu et raillé par la majorité. C'est donc favoriserl'amitié, que d'employer la gastronomie en mécanique sociale. Il eût été plus noble d'attribuer à l'amitié ce système des engrenages d'attractionindustrielle que je fais reposer sur le sens du goût ; mais si je donnais ici la priorité à l'amitié, ce serait placer l'effet en 1.re ligne et la cause en 2.e Je me garderai de cette erreur. Jugeons plus régulièrement nos sens ; n'ayons pas honte de leur influence quand elle conduit au bien , à l'industrie,et aux accords sociaux. Dieu ne veut pas déshonorer mais utiliser la matière, en façonnant les sens aux convenances de l'ame, et en leur donnant une initiative, 261, comme nous la donnons aux serviteurs qui préparent les voies pour le maître, avant son arrivée. C'est ainsi qu'on doit envisager l'initiative que je donne à la gastronomie, employée comme voie des premiers liens d'amitié entre les groupes industriels qu'assemble une affinité de goûtssur la consommation,lapréparation et la culture de chaque espèce ou variété. Je n'examine pas quelles ressources fourniront, les 3 passions mécanisantes pour l'engrenage des fonctions industrielles; toutes trois agissant sur les neuf autres, il suffit d'analyser les forces de chacune des 9 au début. J'ai évalué l'influence des 4 affectueuses comparativement à celle du sens du goût, estimons celle des 4 autres sens dans une phalange débutante. Tact, vue, ouie, odorat : traitons-en cumulativement. Aucun des quatre n'aura d'influence notable sur les paysans et ouvriers qui formeront la grande majorité INDUSTRIEL. IV.e S. 309 d'une phalange d'essai, et qui auront reçu la grossière éducation populaire. Il faudra dans les débuts de l'harmonie, se contenter de ces brutes à ligure humaine que forme la civilisation, de ces épais Limousins et Bas-Bretons qui n'auront jamais de commerce avec les muses. Indifférens sur les raffinemens de la vue, de l'ouie, de l'odorat et du tact, ils ne convoitent que les jouissances du goût et le bénéfice pécuniaire : un fumier bien gras, bien fécondant a plus de charme pour eux que les fleurs du printemps qui ne donnent aucun profit. Le plus beau site, à leursyeux ne vaut pas un bon dîné ; ils vous dispenseront des beaux arts pourvuque la table soit bien servie. Laissez donc éteindre cette génération brute qu'a formée la civilisation perfectible ; attendez quinze ans ou dix , avant d'essayer en système général, l'empire des 4 sens nommés tact, vue, ouie, odorat. Jusque-là on en tirera parti autant que possible, chez les individus susceptibles de ce genre de raffinement; mais à coup sûr ils seront en petit nombre,tandisque les gastrolàtres seront en immense majorité dans les 3 classes. Il faut donc, en début, spéculer sur les moyens de circonstance, et non sur des perfectionsfutures. Sous ce rapport, c'est la gastronomie qui méritera toute l'attention des fondateurs; elle sera le germe provisoire des accords sociaux, jusqu'à ce qu'on puisse opérersur une génération moinsfaussée, moins grossière, et applicable à l'exercice cumulatif des 12 passions. Nos lois n'en tolèrent que 10, excluant l'amour et la paternité LIBRES : ( les 2 affectives mineures; car la civilisation est hongrée en essor mineur). A côté de la passion la plus puissante pour former les engrenages industriels, il convient de signaler la passion entachée des propriétés contraires, celle qui tend à rompre les liens, et qui par cette raison est chérie desmoralistes; c'est l'esprit de famille ou paternité, source de tous les désordres sociaux. Un aperçu de ses vices est nécessaire dans la notice des engrenages industriels dont elle est l'obstacle principal. 310 NOUVEAU MONDE CHAP. XXVIII. Du germe de discorde générale ou lien de famille en mode simple. EN traitant des germes d'accords sociétaires, qui occuperont toute la 4.e section , il est nécessaire de définir celui de discorde générale, germe bien inconnu, c'est le lien de famille tant prôné par les moralistes. Le monde civilisé est si fortement prévenu en faveur du lien de famille, que pour le désabuser, il faut placer les preuves avant la théorie, et renvoyer les principes à la fin du chap. Examinons les vices les plus saillans de l'industrie familiale, société la plus petite possible, et par suite, la plus opposée aux vues de Dieu, à l'économie, aux liens. I.° instabilité: rien n'est stable clans notre industrie: la mort accidentelle du chef de famille peut d'un jour à l'autre désorganiser toutes ses entreprises; les partages d'hoirie, les disparates de caractère du père au fils, l'inégalité de connaissances, vingt autres causes bouleverseront tout l'ouvrage du père. Ses plantations seront abandonnées, morcelées, dégradées; ses ateliers tomberont en désordre, sa bibliothèque ira au bouquiniste et ses tableaux au fripier

le contraire a lieu dans une corporation civile ou religieuse; tout y est maintenu et perfectionné , l'inconstance ou la mort d'un individu ne troublent en rien les dispositions industrielles. 2.° La contrariété en progéniture : un homme industrieux voudrait au moins un fils pour le remplacer et suivre ses travaux ; le sort ne lui donne que des filles en mariage, et il n'a de garçons que des illégitimes, proscrits par la loi, son nom s'éteindra. Il trouverait en industrie des continuateurs passionnés, mais dans des classes disparates par la fortune et les conditions. D'autrefois ses enfans refusent de le seconder, ou bien ils en sont incapables. Souvent, c'est la surabondance d'enfans, la dépense d'éducation qui paralyse les entreprises du père ; son travail ingrat ne peut suffire à les élever et les éta¬ INDUSTRIEL. IV.e S. 311 blir. Et pour prix de tant de fatigues, il en voitplusieurs désirer sa mort par impatience de jouir de l'héritage. 3.° Disgraces conjugales et domestiques: c'est un sujet si étendu qu'il convient de le franchir. Voyez II, 376 et 398. L'homme industrieux sera rebuté par l'inconduite d'une épouse ou de quelques enfans, par les grivelages des coopérateurs, les calomnies et les procès des envieux

par la perle d'un enfant sur qui reposaient toutes ses espérances. L'on voit des pères et mères civilisés tomber dans le délire à la perte d'un enfant préféré ; ils n'ont aucun contre-poids à opposer à cette disgrâce ni à tant d'autres.C'est doncun trébuchet que cet état de famille, c'est la boîte de Pandore ; comment présumer que Dieu ait voulu fonder l'industrie sur un état si critique pour ceux qui la dirigent, et plus encore pour les subalternes qui l'exécutent. 4.° Piège industriel. La politique et la morale ne sachant pas créer l'attraction industrielle, ont recours à la ruse ; elles vantent les charmes du mariage sans fortune, et disposent tout le système social de manière à forcer le pauvre au mariage, afin que la surcharge d'enfans le force à travailler pour nourrir de petits affamés. Aussi tous les pères de la classe pauvre, les 7/8 des pères s'écrient-ils: dans quelle galère je me suis fourré ! Ce piége est le but secret des moralistesdans leurs éloges du doux mariage ; ils y poussent le peuple afin d'avoir abondance de conscrits, et d'ouvriers faméliques travaillant à vil prix pour enrichir quelques chefs. 5.° Répugnance cumulative de lindustrie.La répugnance est déjà bien forte chez l'enfant ; il ne travaillerait pas sans la crainte des châtimens : mais ce désordre s'accroit par l'avènement en puberté ; l'amour ( 285 ) vient ajouter au dégoût pour l'industrie, le goût pour la dépense et pour les fréquentations contraires aux vues du père et à l'harmonie de la famille. Ce nouveau ressort qui intervient à l'âge de 15 ans, devrait améliorer le mécanisme industriel, car lorsqu'on ajoute une pièce à une méca¬ 312 NOUVEAU MONDE nique, c est pour en perfectionnerle jeu. L'amour, chez les harmoniens renforcera l'attraction industrielle par double voie, par le charme nouveau que trouvera l'adolescent dans les réunions des deux sexes, aux ateliers, étables, etc., et par l'initiation à la plus gracieuse des sciences, l'ANALOGIE, dont on ne peut pas donner con- naissance aux impubères. Cette science très-séduisante excitera chez les adultes une frénésie studieuse, qui ne s amortira qu'au bout d'une vingtaine d'années, lorsqu'ils connaîtront l'ensemble des règnes et des cent mille emblèmes de passions représentées dans les produits des différens règnes. Au lieu de ces deux stimulans à l'industrie et à l'étude, les amours civilisés n'engendrent que les 2 vices opposés, et deviennent le tourment des pères obligés de surveiller sans cesse, fournir à des frais de parure, de dot, et souvent à des dettes et autresécarts de la jeunesse. Il est donc certain que l'état conjugal est pour les pères un sentier de ronces,saufrares exceptions dans les ménages riches

et que l'amour ne naît chez les

adultes, que pour les dépraver. Passons de ces indices à l'analyse régulière du mal. J observe que l'état conjugal, base de notre système so- cial, est la plus petite combinaison possible ; on ne sau- rait en imaginer de moindre que celle d'un couple con- jugal

si pourtant Dieu, comme nous avons lieu de le présumer, veut former les plus grandes combinaisons sociétaires,et établir la plus grande liberté possible;il en résulte que le germe du mal, l'état le plus opposé aux vues de Dieu, se trouve dans la plus petite et la moins libre des réunions; c'est le régime conjugal exclusif d'où naît le lien de famille SIMPLE , limité à une seule branche, lien homogène avec la civilisation, parce qu'elle est la plus discordante des sociétés. Le germe du mal doit nécessairement résider dans l'une des 12 passions; ce ne peut être que dans celle qui établit les dispositions les plus opposées aux vues de Dieu

il est évident par le mécanisme de l'univers, que INDUSTRIEL. IV.e S. 313 Dieu veut libertéet combinaison de l'ensemble,selon deslois de justice géométrique ; et nous adoptons un ordre familial où tout n'est qu'arbitraire, fausseté, injustice, désunion , oppression, contrariété des intérêts collectifs et individuels de chaque ménage. Autre vice radical dans le groupe de famille

il n'est point libre et les 3 autres le sont ; l'on peut à volonté changer d'amis, de maîtresses, d'associés en intérêt; mais on ne peut rien changer au lien du sang, il est perpétuel, opposé au libre choix. C'est un vice qu'on n'a pas songé à remarquer, et qui est si grave que le régime d'harmonie lui opposera beaucoup de contre-poids absorbans, entre autres les adoptions industrielles et participations d'hoirie. Ces indices vont nous servir à expliquer le règne du mal

de tout temps il a dominé, son empire s'est même accru de nos jours, parle triomphe de l'esprit mercantile qui a rendu les civilisés plus vils et plus faux qu'ils ne l'avaient été dès l'origine. Sur ce, les sophistes mettent en problème si l'homme est vicieux de sa nature, et la plupart opinent affirmativement

c'est raisonner comme les fatalistes mahométans qui décident que la peste est un mal inévitable, parce qu'ils ne veulent pas prendre la peine d'établir des quarantaines sanitaires. Nos philosophes donnent dans le même travers: pour se dispenser de trouver le remède du mal, ils le déclarent destin inévitable, et pourtant ils publient des milliers de systèmes curatifs qui doivent perfectibiliserla civilisation par l'amour du commerce, et autres visions qu'ils donnent pour torrens de lumières et oracles de l'auguste vérité. Le moyen le plus sûr d'embrouiller une questionou une affaire, est d'y entre-mettre les beaux esprits. Jamais les chenilles n'ont tant pullulé dans certains cantons de la France, que depuis qu'elle a créé trois cents académies d'agriculture. Les lois du mouvement universel démontreront que le mal ou ordre faux, intervient pour un huitième dans 314 NOUVEAU MONDE le mécanisme de l'univers, que son règne embrasse le huitième des tems, des lieux et des choses; et comme tout est lié dans le système de la nature,il faut bien que le mal se lie à l'ensemble du système par quelque point où il ait sa racine

ce point en affaires sociales, ne peut

être que le groupe de famille, assemblage le plus restreint et le plus contraint. Pourrait-on voir la source du mal dans l'un des 3 autres groupes ? non, carils tendent tous trois à la liberté et aux vastes combinaisons, aux liens très-étendus et variables à volonté. La morale même nous vante l'extension de ces liens, car elle veut que notre amitié s'étende philantropiquement à tous les humains transformés en une grande famille de frères , que notre ambition nous ligue avec les amis du commerce, partout le globe ; l'amour de son côté, ne connaît pas de bornes, dès qu'on le laisse aller à sa pente naturelle ; un homme libre et opulent aura bientôt comme le sage Salomon, un millier de femmes , et une femme libre vou- drait pareil assortiment d'hommes

cette pluralité d'amours est si naturelle que jamais on ne voit un sultan,

même dans la caducité , se réduire à une seule femme ; tous conservent leur sérail. L'amour tend donc comme les autres groupes, aux plus vastes combinaisons. Telle sera la marche du lien de famille, quand on saura et qu'on pourra l'élever du mode simple au mode composé, du mode forcé au mode libre , et procurer à chacun une famille aussi nombreuse que celle du sophi de Perse Feth-Ali-Schah; dans l'âge futur, après 3 ou 4 siècles d'harmonie, chaquevieillard quoique borné à peu près à deux ou trois enfans directs , aura en collatéraux et adoptifs plus de trois cents enfans, y compris ses petits fils et leurs rameaux.Alors les humains jouiront de tous les charmes de la paternité qu'ils cherchent en vain dans l'état actuel ; notamment le charme d'unité d'intérêts, conciliant la cupidité avec les sentimens honorables, et amenant l'héritier à désirer, pour son propre bénéfice, la longévité du donateur.(Voyez la 10.e notice). IINDUSTRIEL. III.e S. 315 Les civilisés qui ne raisonnent que d'équilibre et contre-poids, auraient dû s'apercevoir que leur système familial est essentiellementdénué d'équilibre, carl'affection est toujours triple des ascendans aux descendans, et à peine tierce des descendans aux ascendans. C'est une vérité dont se plaignent amèrement tous les pères.Comment cette disproportion est-elle restée indifférente à nos équilibristes qui veulent tout balancer et pondérer ; comment satisferont-ils les pères en leur procurant un retour d'amour filial, égal à la dose d'amour paternel ? La solution du problème est que l'amour filial doit provenir de 3 branches. 1.° Des consanguins ou fils et petits fils directs sur qui repose aujourd'hui toutle domaine du père en affection. 2.° Des adoptifsindustriels ou héritiers des divers goûts du père , continuateurs de son industrie dans une trentaine de groupes et séries où ils ont été ses disciples. 3.° Des sympathiques de double échelle ; ceux en identité de caractère,et ceuxen contraste de caractère.Nosrêveurs de sympathies, ignorent celte dualité obligée. Ces classes 2.e et 3.e qui obtiennent en harmonie une adoption et un legs, n'existent pas en civilisation, où l'on n'a point de continuateurs passionnés , et où l'on ne découvre point ses sympathiques d'un et d'autre genre, ( identité et contraste ), les caractères étant tous travestis par l'éducation morale qui les étouffe, ou par la grossièretépopulaire : d'ailleurs les familles sont si égoïstes, si jalouses qu'elles ne souffriraient point de partage dans l'attachement du père. Forcé de s'en tenir à ses enfans,il ne rencontre souvent en eux que ses antipathiques de caractère, que les ennemis, les destructeursde son ouvrage. On peut démontrer, par calcul régulier sur l'échelle des caractères, que lorsqu'un homme a 3 enfans et 3 petits enfans, total six descendans directs, il y a DEUX CENTS à parier contre UN, que sur les 6 il ne trouvera ni un sympathique de caractère ni un sympathique d'industrie ou continuateur passionné,surtout lorsque cette 316 NOUVEAU MONDE industrie est bornée à un seul genre, comme il arrive en civilisation. Quelle triste perspective pour les pères civilisés, quel trébuchet que cet amour paternel ! En conséquence de tous ces vices inhérens au groupe de famille,le régime sociétaire lui enlève toute influence en affaires d'intérêt et de répartition où il n'introduirait que l'injustice et la rapine. Ce groupe doit être ABSORBE pour devenir apte aux accords généraux ; on doit noyer l'égoïsme familial à force de ramifications et d'extension données aux 3 branches décrites plus haut. J'expliquerai cette méthode à la notice des ralliemens. Quelques lecteurs, par un scrupule déraisonnable, repousseront cette doctrine qui place le germe du mal dans le lien conjugal, s'il est l'arbre du mal, ce n'est pas à cause des vices qu'il engendre, II, 376, 382, 398 ; mais parce qu'étant le lien le moins nombreux possible, il est par cette raison, le plus anti-économique,le plus contraire aux vues d'un Dieu suprême économe

à ce titre, il ne peut pas adopterpourpivot de système, l'excès de complication et de morcellement, les 300 cabanes de familles hostiles entr'elles, au lieu d'un édifice de relations combinées. Lorsqu'on voit des sciences qui se disent économiques, préférer obstinément cette réunion la plus vicieuse qu'on puisse imaginer, n'est-ce pas le cas de dire avec Beaumarchais, « que les gens d'espritsont bêles ! » Maisrépliquent-ils,on n'en connaît pointd'autre

ilfallait donc en chercher

quoerite et invenietis; et il faut examiner la théorie du seul homme qui ait cherché et trouvé. HUITIÈME NOTICE. ACCORDS INTENTIONNELS SUR LA REPARTITION. PRÉAMBULE. Nous approchons du problème de répartition, sur la solution duquel repose tout le mécanisme sociétaire. Si les accords faiblissaient sur ce point, on verrait bien vite crouler tout l'édifice. INDUSTRIEL. IV.e S. 317 La phalange d'épreuve serait dissoute au bout de sa I .re campagne. Pour lui garantir l'accord de répartition , nous aurons deux moyens plus que suffisans ; le I .er est la CUPIDITÉ qui ne manquera jamais chez les hommes

or si on trouve moyen de la transformer en gage de répartition équitable, on sera déjà assuré du règne de la justice. Le 2.e moyen d'équilibre en répartition, sera la GÉNÉROSITÉ qui n'est pas praticable en civilisation ; les civilisés ne jugeant que d'après leurs moeurs, pourraient la croire également impossible en harmonie; il est donc indispensable de leur décrire en abrégé ces accords de générosité, d'oùrésultera le concertintentionnel , avant même qu'on ne procède à la répartition. Cet examen sera le sujet de quatre petits tableaux distingués en accords matériels, affectueux, mécanisans et unitaires. CHAP. XXIX. De l'accord intentionnel par les jouissances matérielles. LA I.re voie d'accord en association, est l'enrichissement ; aussi voit-on, dans toute compagnie de commerce, les associés se brouiller, se séparer quand l'entreprise ne donne pas de bénéfice. L'accord intentionnel ne pourra donc régner dans la phalange, qu'autant que chacun y verra, danssa fortune et ses jouissances,un accroissement colossal, un revenu quadruple en effectif, trentuple et quarantuple en relatif. Démontrons cette propriété du régime sociétaire, déjà expliquée, Préfe. Art. II. Je ne l'envisage ici qu'en parallèle de l'effectif au relatif. Une famille vivant dans les bonnes provinces de France, Touraine, Anjou, est, quant à la vie animale, dix fois plus riche que si elle vivait à Londres. Elle aura dans les campagnes voisines de Tours et Saumur des fruits et des vins au 10.e de ce qu'elle les paierait dans Londres; aussi voit-on beaucoup de familles anglaises habiter en Touraine, pour y faire des épargnes tout en vivant splendidement. Il est donc des circonstances qui 318 NOUVEAU MONDE peuvent élever certaines branches de richesse au décuple relatif, sans qu'on ait rien ajouté à la fortune effective ; et si à ces moyens se joint un quadruplement du revenu effectif, il élèvera la richesse au quarantuple relatif, puisqu'on aura quatre fois plus de facultés pécuniaires pour se procurer un bien-être décuple. La richesse relative en régime sociétaire, peut dans diverses branchess'élever à un degré incalculable, même au centuple, en la combinant avec le quadruplement du revenu réel ; en voici deux exemples tirés des plus somptueux et des plus minimes objets de luxe. TRANSPORT. Il en coûte à Paris 6000 f. par an à tout ménage qui veut rouler carrosse, avoir seulement 3 voitures, une de ville, une de campagne et un cabriolet, entretenir les valets, renouveler les chevaux et équipages. Cette famille pourra en harmonie moyennant 600 f. par an, jouirde l'abonnement aux voitures de tous degrés, même de gala , et aux chevaux de selle. Cette richesse décuple quant aux frais du matériel, devient vingtuple si l'on porte en compte les avantages d'option sur un assortiment de voitures nombreuses de toute espèce,la dispense de débattre avecdes marchands et ouvriers trompeurs, la dispense de laquais , de leurs voleries et intrigues, de leur espionnage et autres ennuis de surveillance qui font dire avec raison que la valetaille est le fléau des grands. En fait de transport, les voitures et chevaux ne sont pas la seule voie sur laquelle il y ait des jouissances a désirer ; souvent les voitures ne sont qu un pis-aller ennuyeux, comme dans Paris et Londres ou la voiture n'est guères que plaisir négatif, moyen d'échapper aux boues, aux intempéries et aux longues courses, puis aux embarras de la campagne parisienne où la classe riche est emprisonnée dans ses châteaux, par les mauvaises routes et les pavés fatigans bordés de 2 haies de fange dégoûtante. Les routes des environs de Paris sont le supplice du promeneur et du chasseur; cloaques de boue INDUSTRIEL. III.e S. 319 pendant sept mois d'hiver, océan de poussière pendant 5 mois de belle saison, quelquefois dès le mois de Mars, comme en 1825. Le contraire a lieu en association où l'on ménage au transport des chemins à variantes, ayant trotoirs à chariots, trotoirs àvoilures légères, trotoirs à piétons, trotoirs à chevaux et zèbres , voies ombragées, sentiers arrosés , etc. Sur cette 3.e branche de transport comme sur les deux précédentes, le bien-être sera au moins décuple du nôtre : nous voilà déjà au trentuple de jouissance com- parative sur le transport. Une quatrième branche de charme est celle des com- munications couvertes, dans tout l'intérieur des logemens, étables, magasins et ateliers; le plaisir d'aller aux séances de travail, à l'église, en visite, aux réunions de spectacle, bal, etc., sans s'apercevoirs'il fait chaud ou froid , sans courir aucun risque de rhumes ni fluxions au sortir d'un bal, d'où l'on s'en va chez soi par des couloirs chauffés. Si l'on s'en retourne à une lieue de là, on monte en voiture dans un porche chauffé où les animaux partagent le bien-être des hommes. Je ne dirai pas qu'en ce genre de jouissance le bien-être des harmoniens soit décuple du nôtre, car il n'en existe point pour nous. Les déplacemens sont presque toujours gênans, souvent dangereux, même pour un roi ; car le roi de France n'a pas de porche couvert et chauffé, il faut pour monter en carrosse, qu'il reçoive la neige et la bise

on voit des femmes gagner une fluxion de poitrine au sortir

du bal

un particulier dans une matinée employée aux visites, aux affaires, est obligé de monter en voiture vingt fois, monter et descendre sans cesse des escaliers.

L'on n'appréciera les embarras de ce genre de vie, que lorsqu on pourra faire le parallèle du charme des com- munications couvertes, et se convaincre qu'en édifices comme en toutes choses, la distribution civilisée est le monde à rebours. En ajoutant ce bien-être estimé vingtuple, au tren¬ 320 NOUVEAU MONDE tuple déjà énuméré , nous trouvons la somme de jouissanceportée au cinquantuple dans la partie des transports et déplacemens; et comme on aura, pour jouir de ce bienêtre,un quadruple revenu ; la somme d'amélioration,en multipliant le quadruple effectif par le cinquantuple relatif, s'élèvera au deux centuple : c'est dire que l'accroissement de bien-être en harmonie est incalculable

continuons sur le matériel, je passe aux menus détails.

Les rois avec leur attirail d'officiers de bouche, ne peuvent pas se procurer une chère aussi délicate que sera celle du bas peuple harmonien.Ils ne peuvent pas avoir option surdivers bouillons à parfum naturel ou légumineux ; on masque leurs bouillons par des jus et des coulis, leurs cuisiniers n'auraient ni le talent ni la patience de leur faire un assortiment en bouillons purs de viandes et légumes. Ces cuisiniers de cour sont encore plus inférieurssurbeaucoup de mets qu'ils croient au-dessous de leur dignité.Cependant l'estomac d'un prince comme d'un bourgeois a besoin de variété ; on se blase sur les mets recherchés comme sur les communs: dernièrement une grande princesse en voyage, placée à une table somptueusement garnie par les soins des préfets et des maires, leur disait

« Tout cela est bien beau

, mais je » préférerais des pommes de terre. » Elle n'en trouvera pas aisément dans Paris où ce légume est si maladroitement cultivé et recueilli. D'ailleurs ses cuisiniers connaîtront-ils la méthode qui conserve le parfum du végétal, c'est la cuisson sous la cendre, opération des plus difficiles et dédaignée d'un cuisinierroyal. S'informe-t-il en quelle espèce de terrain et selon quelle méthode un légume a été cultivé ? Ces raffinemens de qualité qu'un roi civilisé ne peut pas se procurer , seront assurés au plus pauvre des harmoniens. Ne mangeât-il qu une omelette, une salade, il pourra se direje suis bien mieux servi que les rois civilisés. En effet on ne connaît pas chez nous les distinctions de saveur sur les oeufs provenant de divers systèmes de nutrition des poules; un roi INDUSTRIEL. III.e S. 321 est obligé de se contenter d'oeufs achetés au hasard, et dont quelques uns sont de mauvais goût, avec une belle apparence. En calculs de mécanique des passions, la régularité exige qu'on établisse les preuves sur les 2 extrêmes de chaque serie. J'ai cité en parallèle de jouissances, l'une des plus fastueuses, celle des équipages et voitures de gala

je vais descendre à l'une des plus vulgaires , n'en déplaise aux beaux esprits qui ne peuvent pas se façonner à cette règle du contact des extrêmes,règle qui, disent-ils, n'est pas à la hauteur de la philosophie: elle va dédaigner un parallèle trivial, un sujet tiré du testamentburlesque de Scarron qui lègue « A Molière le cocuage , « Au gros Saint-Amand, du fromage

 »

Si le fromage est digne de la poésie, et même de la muse lyrique, ( voyez l'ode de Lebrun sur le triomphe de nos paysages,y compris le fromagedeVanvres sorti desmains de Galatée, ) ce mets champêtre pourra d'autant mieux figurer dans ma prose bourgeoise, où l'on va voir une croûte de fromage s'élever à la hauteur de la plus sublime philosophie, en nous dévoilant le néant des grandeurs civilisées. Humainement parlant

la thèse est, qu'un roi, avec tous ses trésors, ne peut pas servir à sa table du fromage satisfaisant pour ses convives; car il faut en service harmonique de fromage, présenter trois séries, I.° des espèces, 2.° des variétés de chaque espèce, 3.° des âges de chaque variété.Cette distinction en 3 échelles, exigera environ cinquante morceaux de fromage fraîchement coupés, lors même qu'on ne tablerait que sur trois espèces, comme Gruyère, Gex et Brie, les plus employées à Paris où l'on voit, sur les meilleures tables, et sans doute chez le roi, servir à peine trois morceaux de fromage, sans aucune échelle ni d'espèce, ni de qualités, ni d'âges.Les plus pauvres harmoniens jouiront de cette variété refusée à nos rois. Le fromage étant ou très-sain 21 322 NOUVEAU MONDE ou très-malsain, selon son affinité avec les facultés digestives de chaque sujet, douze convives auront besoin de douze qualités de fromage qu'ils ne peuvent rencontrer que sur une girandole contenant, sous diverses cloches, un assortiment d'une cinquantaine de variétés, en 3 séries d'espèces, qualités et âges; variété dont jouira chaque jour le moindre des harmoniens , et qui n'est pas possible aujourd'hui, même à un roi. Il importe de remarquer,sur les plus minimes détails, comme cette minutie de fromage, que le bas peuple harmonien sera en tous genres de jouissance bien plus avantagé que nos grands et nos souverains. Un homme oserait-il dire à la table du roi, ces 3 fromages ne sontpas ce qu'il me faut, je veux la sorte très-salée, jeuxmoyens, larmes abondantes, chair compacte sans élasticité et rougeâtre vers la croûte ? Un tel homme serait traité de manant , on doit trouver tout bon à la table du roi, si on veut obtenir une sinécure. C'est ainsi que les civilisés sont à chaque pas harcelés par les convenances, obligés de modérer leurs passions. Le charme des harmoniens sera de ne les modérer en rien, et de pouvoir exiger telle qualité sur la croûte et la mie de fromage. Ils la trouveront sur l'assortiment en triple série et de même sur tout autre mets. Concluons maintenant sur ce qui touche aux accords intentionnels qu'auront fait naître les jouissances matérielles, graduées de manière à procurer à tous des charmes à chaque moment, car le charme de la vie matérielle est de pouvoir à tout instant satisfaire minutieusement ses plus petites fantaisies. Les rois sont fort loin de ce genre de bonheur qu'on n'obtient que des Séries passionnées, et ce sera un des motifs pourlesquels un roi, après avoir vu la phalange d'essai, ne reverra ses palais, sa cour, son étiquette qu'avec un profond dédain. On voit que j'ai estimé au dessous de la réalité, en disant quadruplement de richesse effective et quarantuplement de jouissances, car dans plusieurs branches,comme INDUSTRIEL. III.e S. 323 les communicationset transports, on excèderale centuple. Les mots vingtuple,quarantuple que j'emploie,sont une expressionmodestepour adoucir une vérité éblouissante. On voit aussi que le mécanisme sociétaire observe exactement les règles de contact des extrêmes et lien des parties: les jouissances qu'il procure s'étendent à toutes les classes et aux plus minimes détails. En combinant avec ces plaisirs sensuels, l'absence de soins matériels dont les pères et mères seront délivrés, le contentement des pères dégagés des frais de ménage, éducation et dotation; le contentement des femmes, délivrées de l'ennuyeux ménage sans argent, le contentement des enfans abandonnés à l'attraction, excités aux raffinemens de plaisirs, même en gourmandise; enfin le contentement des riches, tant sur l'accroissement de la fortune que sur la disparition de tous les risques et pièges dont un civilisé opulent est entouré; il est aisé de pressentir que la phalange d'essai n'aura dès le I.ermois d'autre sollicitude que de maintenir un si bel ordre ; et sachant que son maintien va dépendre uniquement de l'accord en répartition, elle s'inquiétera des moyens d'opérer cet accord dont on doutera pendant le cours de la I.re campagne, parce qu'on ne l'aura pas encore vu; la répartition ne pouvant se faire qu'en janvier ou février après la clôture de l'inventaire. On verra donc les séries, les groupes, les individus, se concerter sur cet accord, prendre à l'envi les résolutions les plus généreuses, l'engagement à des sacrifices pécuniaires qui ne seront point nécessaires : chacun luttera de dévoument intentionnel et de résolutions désintéressées Chacun, à l'idée de retomber en civilisation,sera effrayé comme à l'idée de tomber dans les brasiers de l'enfer chacun proclamera qu'il souscrit d'avance à abandonner s'il faut, moitié de son bénéfice. Dès lors le voeu d'unité l'accord intentionnelsur le maintien de l'unité, s'élèvera au plus haut degré. Nous allons remarquer le même ré- sultat dans les relations autres que les matérielles. 21. 324 NOUVEAU MONDE CHAP. XXX. De l'accord affectueux opéré par la fusion des 3 classes. NOUS passons des plaisirs des sens aux plaisirs de l'ame, aux impulsions de générosité qui en naîtront, et qui disposeront à un accord intentionnel en répartition. Le premier acheminement est de faire disparaître les antipathies de classe à classe : les Petites Hordes, 243 atteignent ce but en s'emparant des travaux méprisés

c'est lever le principal obstacle à la fusion des classes, et aux intentions conciliantes en partage des bénéfices. Pour faire entrevoir la facilité de cette fusion, partons de quelque point de fait. Nous voyons que les caractères les plus nobles, comme HENRY IV, sont ceux qui inclinent le plus à se familiariser avec leurs inférieurs, valets ou autres, pourvu qu'ils rencontrent des subalternes dignes de cette bienveillance. LOUIS XVI était aussi trèsfamilier avec ses inférieurs, tels que les serruriers qui l'aidaient à sa forge. Il s'amusait à jeter les coussins du lit à la tête de son valet de chambre Cléry qui lui ripostait de même. Ces exemples dénotent que la classe opulente serait heureuse si elle était entourée de subalternes assez probes, assez désintéressés pour qu'on pût sans inconvénient se rapprocher d'eux en quelques relations. Le contraire a lieu dans l'ordre civilisé, où les domestiques sont un cortège importun et suspect pour les grands, obligés de maintenir une police très-sévère parmi ces dangereux serviteurs. J'ai déjà décrit, 290, le charme que procure la domesticité passionnée ; insistons par quelques détails. Damon est florimane

lorsqu'il habitait Paris, il dépensait beaucoup au soin de son parterre, il était mal secondé, trompé par les vendeurs, et volé par les jardiniers ou valets : aussi avait-il fini par se dégoûter de la culture des fleurs sans cesser de les aimer. INDUSTRIEL. III.e S. 325 Installé à la phalange d'essai, Damon se passionne de plus belle pour les fleurs, parce qu'il est secondé par des ameutes ardens, qui loin d'exciter sa défiance vont au devant de tous ses désirs, et exercent avec intelligence toutes les branches de travail dont il ne veut pas se charger. Il n'a aucun démêlé d'intérêt avec eux, puisque tous les frais sont au compte de la phalange ; il est aimé et considéré d'eux par ses connaissances qui leur sont précieuses ; il est festoyé d'eux comme appui de la corporation ; il affectionne chacun des sous-groupes,surtout les enfans empressés d'aller , aux apparences de grande pluie, placer les tentes sur les lignes de fleurs: cette réunion de florimanes est pour lui une seconde famille, il y élit des adoptifs en industrie. Par exemple : Aminte, jouvencelle pauvre, l'une des plus habiles sectaires, est enthousiasmée de Damon ; elle oublie qu'il a la soixantaine, elle voit en lui le soutien de ses cultures chéries ; elle veut s'en reconnaître ; et comme elle est membre du groupe descaméristes ou pagesses, elle se charge de la chambre de Damon, du soin de sa garde-robe. ( Les fonctions de balayage, etc. sont dévolues aux petites bordes ). Aminte est donc par passion la gouvernante de Damon ; ce n'est pas lui qui la paie, elle serait déshonorée par un salaire

elle a comme d'autres son dividende au groupe des caméristes, carelle ne sert pas le seul Damon, mais il est celui dont elle affectionne particulièrement le service. Sa passion pour la culture des fleurs se réfléchit sur Damon qui est par ses lumières et sa fortune, la colonne de cette industrie. Damon recueille ici double charme, deux services passionnés, l'un au parterre avec Aminte et autres coopérateurs qui secondent si bien ses vues, l'autre à son appartement dont la belle Aminte a adopté la surveillance et lessoins domestiques. Il ne s'ensuit pas qu'Aminte seramaîtresse deDamon : son service est hors du cadre des amours; il est bien probable que Damon convoitera Aminte, mais quelque 326 NOUVEAU MONDE épisode qui survienne à cet égard, il aura le charme de trouver en elle double service passionné, double sujet d'enthousiasme pour elle, au parterre et aux appartemens. Il trouvera donc son bonheur à être familier avec une personne qui fait pour lui fonction de deux domestiques civilisés , d'un garçon jardinier et d'un valet de chambre

et il ne manquera pas de la reconnaître pour adoptive industrielle, titre qui lui assure une part quelconque dans la succession de Damon.

Observons qu'ici je n'ai mis en jeu que des liens d'amitié, de coopération industrielle, qui seraient bien plus forts chez l'enfance, car c'est chez les enfans que l'amitié peut prendre un bel essor ; elle n'y est contrariée ni par la cupidité, ni par l'amour, ni par les intérêts de famille. L'amitié dans le bas âge confondraittous les rangs, si les pères n'intervenaient pour habituer leurs fils à l'orgueil. Dans l'âge d'adolescence, l'amour vient confondre les rangs , et mettre un monarque au niveau d'une bergère qu'il recherche. Nous avons donc, même dans l'ordre actuel, des germes de fusion des classes inégales ; on en trouve jusque dans l'ambition

elle habitue le supérieur à se familiariser avec l'inférieur en affaires de parti, en intrigues électorales; on a vu les Scipion et les Calon aller au devant d'un rustre et lui serrer la main pour obtenir son suffrage ; que de bassesses commettent les lords anglais , pour capter un bourg-pourri ! tout en le payant chèrement. Nous avons donc dans l'état actuel, beaucoup de germes tendant à ébaucher la fusion des classes, mais par des voies d'abjection, de sordide cupidité. On voit déjà ces vils moyens opérer des rapprochemens entre gens de classes antipathiques

ces rapprochemens seront vingt

fois plusfaciles quand on opérera par des moyens nobles, des liens de franche affection, comme ceux que je viens de décrire entre Damon et Aminte. Outre ces liens formés par Damon sur la culture des fleurs, il en aura formé vingt autres sur divers travaux INDUSTRIEL. III.e S. 327 dans chacun desquels il se sera lié avec la plupart des sectaires. Il y aura contracté des affections corporatives, et ce lien est d'autant plus actif en harmonie que chacun recueille de ses compagnons un tribut de flatteries bien sincères, parce que l' exercice parcellaire borné a une seule branche du travail, applique chaque sectaire à la branche où il peut exceller. La flatterie perpétuelle ou récolte journalière d encens est un des principaux charmes du riche harmonien ; elle dérive de deux sources, de son habileté dans les travaux parcellaires, ( chacun excelle dans les parcelles attrayantes pour lui ), et des services qu'il rend à ses séries, à ses groupes, en munificence industrielle. Damon homme riche a pu faire des dépenses pour tirer de pays lointain des espèces de fleurs précieuses dont la régence n'aurait pas fait les frais; à ce titre, il est considéré de tous les sectaires, ils le choisissent pour chef d'apparat, colonel de la grande série des florimanes ; chacun d'eux est conservateur passionné de ces espèces rares que Damon a fait venir, et qui en civilisation seraient volées ou fripées par les valets. Damon est donc payé de son présent,par double lien affectueux, parsa gratitude pour des coopérateurszélés, intelligens, et par leur amitié, leur considération et celle des voisins rivaux : il recueille d'eux tous un tribut de flatteries, et il en recueille autant dans beaucoup d'autres séries où il est sociétaire de premier ordre par son habileté parcellaire : c'est ainsi que ce prétendu vice maudit par la morale « Détestables flatteurs présent le plus funeste « Qu'ait pu faire aux humains la colère céleste, devient comme tous nos soi-disant vices un encouragement à l'industrie, une source d'harmonie sociétaire : les pauvres même sont comblés de flatterie dans les groupes où ils excellent ; mais en civilisation il n'y a d'encens que pour le riche, et on ne lui en donne que pour le duper ou l'exciter au mal. Si tant de motifs affectionnent les riches aux pauvres , 328 NOUVEAU MONDE il en est bien davantage pour affectionner les pauvres aux riches

tels sont les suivans

Esprit de propriété sociétaire, part au bénéfice, Service indirect du riche envers le pauvre, 290, Education de l'enfant pauvre par les riches adoptans, Adoption industrielle et participation d'hoirie, Fruitrecueilli des dépenses du riche pourla phalange, Desserte des tables de 1.er degré, livrée à demi-prix, Festins corporatifs payés par les riches, Flatterie cabalistique distribuée par les riches, Abandon de part aux enfans pauvres ( 5.e Section ). Tant de liens nouveaux établiront bien vite l'unité entre ces deux classes dont les relations n'engendrent aujourd'hui que haines réciproques, spoliations et perfidies. Ce qui charmera un homme riche dans l'état sociétaire, ce sera de pouvoir accorder pleine confiance à tout ce qui l'entoure, oublier toutes les astuces dont on est obligé de se hérisser dans les relations civilisées, sans pouvoir éviter les duperies. Dans la phalange, un riche s'abandonnant en pleine confiance, n'aura jamais aucun piège à redouter, aucune demande importune à essuyer; les petites hordes pourvoient aux secours nécessaires; ce cas est bien rare parce que les barmoniens pourvus d'un minimum suffisant, n'ont rien à demander à personne en affaires d'intérêt, assurés qu'ils sont de recevoir en chaque branche d'industrie attrayante, une rétribution proportionnée à leur travail, à leur talent, et à leur ca- pital s'ils en ont. C'est une jouissancepour eux que l'absence de protection, la certitude que toute protection se- rait inutile à leursrivaux comme à eux-mêmes, que la rétribution et l'avancement seront équitablement répartis en dépit de toute intrigue

l'on verra ce mécanisme dans les notices 9 et 10. Les liaisons entre inégaux seront donc très-faciles en harmonie : les réunions y séduiront l'homme par la gaîté, le bien-être, la politesse et la probité des classes inférieures, par l'appareil fastueux du travail, et le concert INDUSTRIEL. IV.e S. 329 des sociétaires.Lesplus pauvres seront fiers de leur nouvelle condition et des hautes destinées de leur phalange qui va changer la face du monde. Ils tiendront à se distinguer des civilisés par une probité, une équité qui seront l'uniquevoie de bénéfice. (Voyez 5.c S., 9.e notice). Ils auront adopté en peu de temps l'esprit et les manières de ceux qu'un coup de fortune fait passer subitement d'une chaumière dans un hôtel, et ce bon ton s'établira fort aisément chez la classe pauvre de la I.re phalange, si on la choisit dans les régions où le peuple est poli, comme aux environs de Tours et Paris. Ce sera en partie par haine pour le peuple civilisé, que les riches se passionneront d'emblée pour celui de la phalange

ils le considéreront comme une autre espèce d'hommes, et se familiariseront avec lui par redoublement d'horreur pour la fausseté et la grossièreté civilisée. Ils oublieront leur rang auprès du peuple harmonien, aussi facilement qu'ils l'oublient aujourd'hui près des grisettes polies qui sont pourtant femmes du peuple, mais prétendant aux belles manières. J'estime donc que la fusion s'ébauchera dèsle 2.emois, que la classe riche sera la 1.re à s'indigner contre le principe de politique civilisée : Ilfaut qu ily ait beaucoup de pauvres pour qu' ily ait quelques riches, principe qui sera bien vîte remplacé par celui-ci : Ilfaut que les pauvres jouissent d'une aisance graduée pour que les riches soient heureux. Rappelons qu'un des principaux moyens pour opérer cette fusion sera le progrès des enfans sur l'éducation naturelle ou entraînement à l'industrie et aux études par plaisir, sans aucune impulsion de pères ni de maîtres. C'est surtout ce prodige qui enthousiasmera les chefs de familles opulentes, et les disposera à la fusion. L'accord de répartition n'échouerait pas, lors même qu'on ne parviendrait pas à opérer la fusion dès la 1.re année ; onverra en 9.e notice qu'il existe pour cet accord un moyen indépendant de la fusion des 3 classes ; elle 330 NOUVEAU MONDE ne pourrait pas s'opérer promptement, si la phalange d'essai était composée d'une populace grossière. Et en spéculant sur le choix d'un peuple poli, cette fusion manquera encore de 2 ressorts, carie peuple élevé en civilisation sera toujours en arrière de la haute éducation, et d'autre part les familles riches passant à l'état sociétaire, n'auront point contracté avec leur peuple des liaisons d'enfance. Malgré ces deux obstacles la fusion sera déjà possible par suite de l'enthousiasme général, et bientôt les riches ne voudront connaître les distinctions de rang que dans les cérémonies publiques et les réunions d'étiquette. Partout ailleurs, l'amitié collective l'emportera et donnera naissance à la passion inconnue des civilisés, l'uniteïsme dont je donne quelques aperçus au 32.e chap. Si les relations sociales sont chez nous un sujet de discorde générale, c'est qu'elles vexent partout la majorité pour les plaisirs de la minorité. Cent personnes s'amusent dans un bal, mais cent cochers et valets se gèlent en plein air, ainsi que les chevaux stationnant à la neige, à la bise ; même ennui pour les cuisiniers et valetsqui préparent la fête,sans aucun goût pour ce travail

il deviendrait attrayant dans les Séries passionnées, soit par les intrigues de préparation , soit par la distribution des édifices, mais surtout par la domesticité indirecte qui, dans diverses fonctions, transforme le riche en serviteur passionné du pauvre. Et comme ces accordsferont le charme du riche bien autant que celui du pauvre, on verra de part et d'autre égal empressement, concours d'intentions généreuses pour faciliter la répartition d'où dépendra le maintien du bel ordre sociétaire; mais quel sera l'étonnement des coopérateurs, lorsqu'ils apprendront que pour établir concorde et justice dans cette répartition, il n'est d'autre ressort à entremettre que la cupidité ou amour de l'argent, désir d'obtenir les plus grosses parts. On verra en 5. section, l'éclaircissement de cette étrange INDUSTRIEL, IV.e S. 331 énigme, qui sera géométriquement expliquée : n'en déplaise à la morale, on verra que l'amour de l'argent est la voie de justice et de vertu dans les Séries passionnées. CHAP. XXXI. De l'accord intentionnel par le charme de mécanisme. Nous touchons à l'un des côtés merveilleux du lien sociétaire : ce ne sont pas des prodiges qu'on va lire, mais de doubles prodiges. Nos esprits forts contestent à Dieu le pouvoir de faire des miracles; on va voir chez le monde sociétaire une faculté plus surprenante, celle des DOUBLES MIRACLES, pouvoir d'opérer dans chaque branche de relations, deux prodiges cumulativement et non pas un seul. Ce n'est pas sans raison que la nature nous donne du penchant pourles féeries

ces illusions romantiquessont

nature de l'homme sociétaire, mais en sens fort différent de celui qu'ont adopté les romanciers qui ne nous présentent que des prodiges simples. Ils sont à cet égard , moins clairvoyans que le peuple, qui aperçoit et définit fort bien la destinée de l'homme, bonheur ou malheur composé etjamais simple. Ce principe est exprimé dans deux adages vulgaires, appliqués l'un à la richesse, l'autre à la pauvreté. R : La pierre va toujours au tas. P : Aux gueux la besace. « Abyssus Abyssum incocat. En effet

si un homme est riche, on lui jette à la tête les sinécures; Bonaparte donnait aux riches banquiers des sénatoreries de 25000 f. de rente : si un homme est pauvre, on ne veut pas même lui donner de l'emploi

sa probité est suspectée, on ajoute l'outrage à sa misère 

le bien et le mal ne sont jamais simples pour l'homme social,sa destinée est la dualité en bonheur ou en malheur le mode composé et non pas simple. Ignorant ce principe, nos sciences politiques, morales , et métaphysiques, ont toutes donné dans le SIMPLISME, 332 NOUVEAU MONDE dans l'erreur d'envisager le mouvement social et la nature humaine en mode simple, croire que l'homme est fait pour le bonheur simple ou pour le malheur simple : ce faux principe que je nomme SIMPLISME les a conduits d'égarement en égarement, jusqu'au plus honteux de tous, au matérialisme et à l'athéisme, qui sont deux opinions simplistes, réduisant la nature à un seul principe, au matériel; et le siècle tombé dans cette absurdité ose vanter son vol sublime ! Je reviendrai sur ce sujet

dissipons d'abord le préjugé de destinée simple ; démontrons par 3 exemples sur la richesse, la santé et l'économie, que dans nos relations domestiques et industrielles tout sera bonheur composé, charme dualisé, lorsque l homme sera rendu à sa nature, au mécanisme sociétaire. I.° Doubleprodige en richesse : les civilisés s'estiment heureux lorsque, pour fruit de leurs travaux, ils parviennent à l'aisance après quelques années de privations. Les 7/8 d'entr'eux sont réduits à supporter le dénûment pendant la jeunesse, pour n'atteindre en fin de compte, qu'à la pauvreté dansla vieillesse. On peut donc nommer classe avantagée, celle qui, pour prix d'une jeunesse laborieuse , acquiert l'aisance ou petitefortune , dans l'âge moyen, à 40 ans où l'on est encore à temps de jouir. Un tel succès est un demi prodige, vu les difficultés a surmonter; et il y a prodige complet, lorsqu'en débutant sans capitaux, on arrive par industrie à la grande fortune dès l'âge de 40 ans. Maissi on arrivait à la grande fortune de bonne heure, sans versement de capitaux, sans autre effort que de se livrer immodérément aux plaisirs de toute espèce, le charme serait double ; il y aurait prodige de faire grande récolte sans semailles apparentes,et prodige d'obtenir la fortune par l'exercice des plaisirs qui, en civilisation, la font perdre si souvent à qui la possède. Chacun, en harmonie, voit s'opérer en sa faveur ce double miracle ; en effet, les travaux y étant transformes en plaisirs lucratifs et attrayans, chacun arrive a la for¬ INDUSTRIEL. IV.e S. 333 tune par l'exercice des plaisirs, et on y arrive de bonne heure, à 20 ans, à 10 ans, et même à 5, puisqu'un harmonien jouit de tous les biens enviés par nous; voitures, chevaux, meules, bonne chère, spectacles et fêtes continuelles; tous ces agrémens sont en harmonie l'apanage du plus pauvre des êtres; il a les voitures, meutes et chevaux de minimum, valant le train d'un Parisien rente à trente mille francs, et qui ne jouit pas d'un assortiment à option. Et comme les plaisirs sont, payés dans cet ordre social qui les utilise, comme on rétribue d'un dividende les groupes qui s'adonnent à la chasse, à la musique, ainsi que ceux qui exercent à la charue devenue attrayante, il arrive

1.° Que l'harmonien, dès son jeune âge, recueille sans semailles, puisqu'il n'a songé qu'à se divertir. 2.° Qu'il s'enrichit par l'exercice de ces nombreux plaisirs, qui aujourd'hui le ruineraient en peu de temps, C'est donc en sa faveur un double prodige, un charme composé et non pas simple en acquisition de richesse

passons à d'autres miracles composés. 2.° Double prodige en santé. Une règle qui nous paraît fort sage, est d'user modérément des plaisirs, afin de ménager le corps ; et l'on regarde comme prodige, l'avantage bien rare de conserver la santé en se vautrant dans la débauche. L'antiquité s'étonna que Néron conservât une pleine vigueur, après 18 ans d'excès habituels. Si cet usage immodéré des plaisirs devenait voie de santé, si celui qui s'adonnerait le plus aux jouissances quelconques , devenait l'homme le plus robuste, un tel effet serait double prodige, très-inconcevable dans les moeurs civilisées où chaque plaisir entraîne d'ordinaire à des excès qui compromettentla santé, tandis que dans les Séries passionnées où il existe partout des contrepoids fondés sur la variété de jouissances, chacun gagne en vigueur, selon son activité à figurer dans les plaisirs de toute espèce. 334 NOUVEAU MONDE Démontrons : l'homme qui aura parcouru dans le cours de la journée, trente sortes de jouissances, aura donné à chacune environ une demi-heure ; celui qui n'en aura goûté que quinze, y aura donné le double de temps, environ une heure par séance, ou deux heures s'il s'est borné à 8 plaisirs. Il est évident que le premier bornant chaque plaisir à une demi-heure, aura beaucoup moins abusé, moins approché de l'excès, que le 3.e qui aura donné deux heures à chaque séance. Quatre hommes se plaignent d'indigestion le lendemain d'un grand et long repas; on peut assurer que trois d'entr'eux auraient échappé à l'indigestion,si le repas eût duré moitié moins. Les généraux d'Alexandre firent une orgie d'ivrognerie et gloutonnerie, qui se prolongea pendant toute la nuit; quarante deux d'entr'eux en moururent le lendemain

si l'orgie n'eût duré que 2 ou 3 heures, il n'en serait pas mort un seul, car on aurait évité les excès qui d'ordinaire n'ont lieu qu'à la fin du repas et dans les séances trop prolongées. Selon ce principe,plus les plaisirs seront nombreux et fréquemment variés, moins on risquera d'en abuser

car

les plaisirs comme les travaux deviennent gage de santé quand on en use modérément. Un diné d'une heure, varié par des conversations animées, qui préviennent la précipitation, la gloutonnerie, sera nécessairement modéré, servant à réparer les forces qu'userait un long repas sujet aux excès, comme les grands dinés de civilisation, les réunions morales d'électeurs, francs-maçons, corporations, et autres qui passent une demi-journée à table, en l'honneur de la douce fraternité. Ces longues fêtes de civilisation , ces repas et bals interminables, ne sont, que pauvreté, absence de diversion et de moyens. L'harmonie qui présentera, surtout aux gens riches, des options de plaisir d'heure en heure, etmême de quart d'heure en quart d'heure, préviendra tous les excès par multiplicité le jouissances, leur succession fréquente sera un gage de modération et de santé. Dèslors chacunaura INDUSTRIEL. IV.e S. 335 gagné en vigueur, en raison du grand nombre de ses arnusemens : effet opposé au mécanisme civilisé, où la classe la plus voluptueuse est partout la plus faible de corps. On ne doit pas en accuser les plaisirs, mais seulement la rareté de plaisirs d'où naît l'excès, qui semble autoriser les moralistes à condamner la vie épicurienne ; ils prêchent la modération inverse ou résistance à l'appât du plaisir ; ils ignorent le régime de modération directe ou abandon à une grande variété de plaisirs contre-balancés l'un par l'autre, et garantis d'excès par leur multiplicité, leur enchaînement. Ce n'est pas en civilisation que peut s'établir ce mécanisme, il est réservé aux Séries passionnées. Toute notre sagesse est d'ordre inverse, notamment en médecine où nous employons la sobriété, la privation spéculative, au lieu de la gastrosophieou gourmandise équilibrée par la variété qui satisfait à la fois le goût, l'imagination et l'estomac , bien plus fort en facultés digestives quand on le soutient par une échelle de variétés adaptées au tempérament. L'ordre sanitaire naîtra donc de l'affluence même des plaisirs, aujourd'hui si pernicieux par l'excès que provoque leur rareté. Un tel résultat sera double prodige, ou charme composé, relativement à la santé. I.° Il trans- formera en gage de vigueur cette vie épicurienne qui, dans l'état actuel, est voie de perdition, tant de la santé que de la fortune. 2.° En prodiguant aux riches ces alternats continuels de plaisirs, il transformera en voie de santé la richesse, qui aujourd'hui n'est que voie d'affaiblissement , car la classe la plus riche est toujours la plus sujette aux maladies

témoins les gouttes, rhumatismes et autres maux, qui s'acharnent sur le prélat et le ministre, et n' entrent pas dans la cabane du paysan, où d autres maladies, comme les fièvres, ne pénètrent que par les excès de travail et non de plaisir. 3.° Double prodige en économie. Je l'ai déjà énoncé

c est la propriété qu'ont les séries passionnées d'élever 336 NOUVEAU MONDE les économies en raison de la multiplicité des caprices et raffinements. Une phalange peut fabriquer vingt sortes de pain, à moins de frais qu'un seul pain qui, par sa solité d'espèce , aurait le vice de ne point exciter les rivalités cabalistiques, et qui par suite ne répandrait aucun charme sur les travaux , ne mettrait pas en jeu le levier économique d'attraction industrielle. Au premier moment on est choqué d'entendre dire qu'il en coûtera moins de servir cinquante sortes de salades qu'une seule, de fournir des voitures de cinquante espèces que d'une seule ; quelques lignes vont lever les doutes. La phalange cultive plusieurs sortes de salade, et en reçoit chaque jour d'autres sortes de ses voisines, selon la règle exposée 106. Elle peut donc, à un service de 1600 personnés ( petits enfants déduits ), fournir sept sortes de salades qui, assaisonnées chacune de 7 à 8 manières pour satisfaire tous les goûts, forment une cinquantaine de salades différenciées en qualité et prépation. Qu'on veuille par illusion d'économie se réduire à trois au lieu de cinquante, tout le mécanisme d'attraction industrielle est renversé; plus de débats cabalistiquessur les qualités, sur les variantes d'assaisonnement; plus de ligues pour les subdivisions parcellaires, culti vant selon diverses méthodes, et variant les saveurs du légume ; plus de rivalités actives avec les phalanges voisines ; l'émulation tombe, la série des saladistes n'a plus de ressorts, ses produits dégénèrent, ses travaux sont dédaignés, on ne peut les soutenir que par entremise des corvéistes, 161, et il en coûtera plus cher pour avoir une mauvaise salade que pour une option sur 50 sortes raffinées en qualités et en assaisonnement. Même théos'applique aux voitures et à tout autre objet. Nous regarderions déjà comme un prodige économique l'art de mener un train de vie fastueux, sans dépenser plus que si l'on vivait dans la médiocrité ; que sera-ce de l'art de dépenser beaucoup moins dans le INDUSTRIEL. IV.e S. 337 grand faste, que si l'on végétait dans la vie parcimonieuse. Il y aura encore dans ce résultat miracle redoublé ou composé ; vingtupler, centupler les jouissances, en réduisant la dépense au-dessous de celle d'une vie monotone, d'un régime de privations. Les miracles de mécanique sociétaire que je borne ici au genre composé ou redoublé, s'élèveront dans diverses branches au sur-composé ou triple, et au bi-composé ou quadruple prodige(I, 477-). Ces merveilles incompréhensibles , et pourtant certifiées par ceux qui auront vu la phalange, causerontsur le globeune telle stupéfaction, que tous les gens aisés voudront faire le voyage et voir de leurs yeux des effets si inconcevables

c'est ce qui garantira à la phalange d'essai un bénéfice de quarante millions sur les curieux, admis à cent francs par jour, dans le cas où elle prendra ses mesures pour opérer en pleine échelle, et étaler l'harmonie des passions dans toutes les branches qu'elle peut comporter au début. A l'aspect de cette féerie sociétaire, de ces accords, de ces prodiges, de cet océan de délices produit par la seule attraction ou impulsion divine, on verra naître une frénésie d'enthousiasme pourDieu auteur d'un si bel ordre, et l'infâme civilisation perfectible sera couverte de malédictions universelles. Ses bibliothèques politiques et morales seront conspuées, déchirées dans le premier instant de colère, et livrées aux plus vils emplois , jusqu'à ce qu'on les ait réimprimées avec la glose critique, placée en regard du texte, pour en faire la risée perpétuelle du genre humain. (Voyez II, 553 et 617.) Plaçons ici une remarque sur l'erreur fondamentale des sciences philosophiques , le simplisme. Elles envisagent toujours la nature et la destinée humaine en mode simple ; elles s'obstinent à dissimulerle malheur social, à n'y voir qu'une disgrâce ou privation simple, quand elle est communément double, quadruple, décuple; et quant aux perspectives de bonheur moral ou politique dont elles nous leurrent, ce n'est toujours qu'un bonheur 22 338 NOUVEAU MONDE simple et trompeur, comme celui d'aimer la vertu pour elle-même , saus bénéfice, ni gloire, ni grandeurs attachées à l'exercice de cette vertu. Une telle mesquinerie ne saurait convenir à l'homme, sa destinée est le mode composé en bonheur comme en malheur. Il eût convenu d'ajouter à ce tableau un contraste ou parallèle des malheurs composés qui pèsent sur le civilisé : on n'en finirait pas si l'on voulait à chaque chapitre dire seulement le nécessaire. Voyez I, 481, et II, 107, l'ébauche de ce tableau renfermant 24 disgrâces qui accablent les civilisés pauvres ; on pourra aisément porter au double cette série des misères actuelles, effets nécessaires du régime subversif, qui produit en tous sens l'opposé des bienfaits sociétaires. D'après l'admiration qu'excitera le mécanisme des séries passionnées, on peut juger de l'empressement des associés qui en recueilleront le fruit, à consentir tout sacrifice qui serait nécessaire pour assurer l'accord de répartition. J'ajoute un dernier chapitre sur cette harmonie intentionnelle dont, je le répète, on n'aura aucun besoin, car la cupidité, à elle seule, suffit pour établir l'exacte justice, quand les séries industrielles sont régulièrement organisées. CHAP. XXXII. De l'accord intentionnel par les trois unités matérielles, affectueuses, et mécaniques. L'UNITÉ est le mot le plus profané par le monde savant ; convaincu qu'elle devrait être le but en mécanique sociale, mais ne sachant par quelle voie y arriver, il est borné à rêver des unités en accords sociaux, unités plus illusoires les unes que les autres, depuis celle des 3 pouvoirs dont l'un dévore les 2 faibles, jusqu'à celle des ménages où un sexe opprime les 2 faibles. Un des prodiges que les curieux viendront de tous les points du globe, admirer dans la phalange d'essai, sera INDUSTRIEL. IV.e S. 339 l'imité d'action , l'accord des passions abandonnées à la pleine liberté. Ce n'est pas un accord dépassions qu'un état de choses violenté, où les sbires empêchent les disputes

nous

savons par la crainte des prisons et des gibets, amener les 400 familles d'une bourgade à ne point se battre

elles ne sont pas pour cela amicales, affectueuses, unitaires

il en est de même de l'intérieur des familles où le père, au moyen du fouet et de la morale, établit un calme qui n'est point un accord passionné. Il faudra donc, dans une phalange de 1800 personnes, que chaque individu aime passionnément tous les autres, qu'il soit porté à les soutenir de sa bourse au besoin. Aimer tous les autres sociétaires, cela est matériellement impossible, dira-t-on, puisque chaque caractère a ses antipathiques. Répétons à ce sujet que toute assertion générale en mouvement, sous-entend l'exception d'un huitième : aimer tous les autres, parmi 1600 sociétaires au dessus de 4 ans, c'est en aimer 1400 par affection directe, et les 200 autres par affection indirecte, par spéculation sur tels services qu'on tire d'eux. Si l'affection directe s'étend seulement aux 7/8, il y aura accord unitaire

décrivons-le d'abord, nous en examinerons ensuite les propriétés. Tel ménage d'ouvriers est aujourd'hui fort indifférent au millionnaire Dorimon qui habite l'hôtel voisin. C'est une famille de menuisiers; si Dorimon les emploie, il les paie ; tout est fini là, il n'y a point entre eux de relations amicales. Il arrive dans la phalange que tous ces individus ren- dent à Dorimon de précieux services

le père a préside en partie à l'éducation industrielle du fus aîné de Dori ¬ mon, qui âgé de 6 ans voulait monter des chérubins aux séraphins. L'enfant avait à faire sept preuves de talent en divers genres; comme il avait pour la menuiserie un gout tres-prononcé, il a choisi ce travail pour une de ses sept épreuves, et le menuisier Jacques l'a si bien dirigé 22. 340NOUVEAU MONDE qu'il a été admis d'emblée sur cette branche d'industrie. Dans six autres branches, il a été de même enseigné par six individus envers qui Dorimon se trouve reconnaissant, parce que ces services ne sont point payés directement. L'enfant et le maître s'assemblent par convenance mutuelle, par attraction et sympathie. Et comme le fils aîné de Dorimon a dès l'âge de 6 ans plus de 30 passions en exercice de l'industrie et des arts, Dorimon se trouve obligé non pas envers 30 instituteurs, mais envers cent qui ont, par pure affection , coopéré à cette instruction ; car un enfant harmonien trouve communément 3 à 4 instituteurs passionnés dans chaque branche où il exerce. Dorimon a deux autres enfans de4 à 2 ans, etles soins donnés à leur éducation serontpour lui un sujet de gratitude envers 200 autres personnes tenant aux séries des bonnes, des bonnins, des mentorins, etc. Il verra ses enfans profiter dix fois plus vite que ceux de civilisation ; charmé de leur progrès il aimera tous ceux qui y auront coopéré par affection pour les enfans mêmes. Voilà donc sur une seule branche de relations, sur l'éducationde ses enfans, 300 liens amicauxque Dorimon aura formés avec des hommes, femmes et enfans de la phalange qu'il habite : je place dans ce nombre les enfans ; car parmi les instituteurs on compte bon nombre d'enfans qui, par amitié, enseignent à leur inférieur en âge ce qu'ils ont appris un an avant lui. Ajoutons que Dorimon est lui-même instituteur de beaucoup d'enfans en qui il découvre instinct et vocation pour les branches d'industriequ'il préfère. C'est un charme pour tout le monde que de donner l'enseignement à de jeunes élèves intelligens et zelés , en qui l'on voit des successeurs industriels. Les soins qu'il donne a ces enfans lui valent, de la part des parens, une affection égale à celle qu'il porte aux instituteurs de ses enfans. C'est ainsi que l'enseignement, à lui seul, crée pour Dorimon une masse de liaisons amicales qui s'étendent au INDUSTRIEL. IV.e S. 341 quart de la phalange. Et si Dorimon est un homme âgé, qui ait de petits enfans en 2.e et 3.e degré, ses liens de gratitude en service d'éducation seront d'autant plus nombreux. Si nous examinons les autres branches de relations où Dorimon pourra former des liaisons affectueuses, telles que la gastronomie , les sciences et arts, l'agriculture, les amours, etc., on verra qu'il se trouve lié passionnément, par affection corporative, avec les 7/8 des sociétaires de sa phalange ; et que le peu d'entr'eux avec qui il n'a pas de lien direct, sont encore considérés de lui pour service indirect. Il n'aime pas Géronte, il y a entre eux une antipathie prononcée ; mais il arrive que Géronte est le sectairele plusintelligent de la culture des asperges dont Dorimon est grand amateur. Sous ce rapport, il protège les travaux de Géronte, il le considère, il a pour lui une affinité indirecte, une amitié spéculative. Cette multiplicité de liens, cette alliance passionnée avec tous les sociétaires, se fonde sur l'emploi des 3 moyens indiqués au chap. VI, savoir : séances courtes et et variées, exercices parcellaires,séries compactes; moyens qui ne sont en d'autres termes que l'exercice des 3 passions mécanisantes, chap. V, auxquelles le système d'attraction industrielle est coordonné dans tous les détails. Comment pourrait-on, sans les courtes séances et l'exercice parcellaire,mettre chaque individu en relation avec 30 séries, et cent groupes ou sous-groupes, et par suite avec la phalange entière ? C'est sur cette multiplicité de relations, et notamment sur les intrigues de gastronomie combinées avec celles de culture, que repose le lien général des sociétaires. Ils seraient insoucians les uns pour les autres, si chacun d'eux s'occupait isolément, comme en civilisation, d'un travail qu'il exercerait dans toutes ses branches et sans collaborateurs nombreux. Les philosophes nous disentque tout est lié et doit être lié dans le système de la nature : il faut donc établir 342 NOUVEAU MONDE d'abord les liens dans la plus basse des relations qui est celle de régime domestique. Nous ne savons pas même former les liens dans une petite famille de 6 personnes , tout tomberait en discordesans l'intervention de la loi, où du fouet et de la morale

il faut, sans le secours de ces 3 agens , organiser des liens passionnés entre 1800 personnes composant l'état domestique , le plus bas degré des réunions sociétaires. Si on y réussit, il sera évident qu'on peut établir pareille harmonie entre 1800 phalanges formant 3,000,000 d'individus, et entre 18,000 et 1, 800.000 phalanges, puisque le mécanisme est le même, pour une ou pour l'ensemble des phalanges du globe qui s'élèveront au nombre de 3 millions, quand la population sera portée au complet de 5 milliards. Lorsqu'il sera avéré par l'aspect de la I.re phalange qu'elle atteint à l'unité domestique et industrielle, à l'accord passionné en relations de caractères, et en relations d'intérêt ou de dividendes à répartir , on en conclura que l'unitéva s'établir dans toutes les relations du globe; et pour faire juger de l'enthousiasme qu'excitera cette espérance, il suffira d'énumérer ici quelques emplois de l'unité

elle règnera En langage , signes typographiques et voies de communication ; I.° En mesures sanitaires, quarantaines et purgations collectives de l'espèce humaine ; 2.° En extinction des genres hostiles ou nuisibles du règneanimal, etde quelquesvégétaux, des marécages, etc.; 3.° En restauration des espèces animales et végétales, substitution des races précieuses aux mauvaises ; 4.° En restauration composée des climatures

voyez la

note A, tom. I, page 53

5.° En relations matérielles, monnaies, poids, mesures, méridiens, etc. ; jusqu'au diapason ; 6.° En relations industrielles, travaux publics des armées , entreprises relatives aux sciences et arts; 7.° En relations commerciales et fiscales, approvision¬ INDUSTRIEL. IV.e S. 343 nemens combinés du globe, et garanties de minimum proportionnel aux classes; 8.° En accords généraux de passions, art de les lier et développer coopérativement par tout le globe. A ne parler que du 1.er de ces accords , celui de langage, signes typographiques et autres voies de communication, comment le monde civilisé ose-t-il parler d'unité, se vanter de perfectionnement, de vol sublime, quand il n'est pas même arrivé au plus bas ressort d'harmonie, en voies de communication ? Deux civilisés, un Français et un Allemand , qui se disent perfectibilisés, par la métaphysique de Kant ou de Condillac, ne savent pas même s'entendre, se parler; ils sont dans cette branche de relations, fort au-dessous des brutes; car chaque animal sait de prime abord établir entre lui et son semblable toutes les communicationsdont leur espèce est susceptible. Cependant l'unité de langage et d'écriture, qui estvoie d'acheminement à toutes les autres , est matériellement possible en civilisation

car on y en voit de beaux germes. La langue italienne est unitaire pour toutes les

côtes maritimes de la Méditerranée, et même pour le Portugal, Maroc et la Mer-Noire. La langue anglaise est unitaire pour toutes les côtes maritimes du Nord, audessus de la Manche. Les signes musicaux et leurs mots italiens sont unitaires en tous pays civilisés, malgré les diversités typographiques. Si donc la civilisation échoue sur les unités les plus urgentes, celles de communication dont elle possède tous les germes, que sera-ce des unités sur lesquelles elle est réellement entravée, comme les quarantaines sanitaires, l'extirpationgénérale de toutesles maladies acciden telles, virus psorique, variolique, siphilitique,épizootique, etc., qui seront extirpés par toute la terre dès la 5.e année d'harmonie ? On est d'autantplus arriérésur la purgation des fléaux matériels non inhérens à l'espèce humaine, la destruc¬ 344 NOUVEAU MONDE tion des loups, des bêtes féroces, des malfaisantes comme sauterelles, rats, chenilles, des insectes mal-propres, des reptiles de marécages, et autres vices qui disparaîtront tres-promptement dès la I.re génération d'harmonie. On peut voir sur les unités, les articles I, 114, et II, 130 ; notamment la note II, 130 sur le faux système métrique établi ou tente par les Français qui ont choisi le faux pour base, le nombre DIX au lieu du nombre DOUZE ; et qui selon l'usage civilisé, ont fait des travaux gigantesques pourchercher ce qu'ils avaient sous la main, la mesurenaturelle donnée fortuitement parle piedde-roi de Paris. Pour établir la différence des méthodes unitaires aux méthodes civilisées, j'ai démontré II, 135, 136, qu'une élection qui dans l'état actuel coûte à chaque électeur 5 a 6 jours en voyages, intrigues préparatoires, dînés électoraux, scrutins, etc., coûte moins d'une minute en harmonie, lors même qu'il s'agit d'une élection universale, dans laquelle interviendrontles 300,000,000 hommes, ou 300,000,000 femmes, ou 300,000,000 enfans du globe. On peut, sur l'unité des relations scientifiques, voir les détails I, 268 à 276, et juger par-là de la duperie des savans qui préfèrent à cette immense fortune,le rôle abject de flagorner la civilisation qui les tient comme des écoliers sous la férule, et flagorner l'agiotage qui les nomme gredins de savans à qui il ne faut qu'un grenier à 50 francs par mois. Le corps législatifles traite d'écrivains de galetas, salariés à 1200 fr. par mois ; c'est un contre-sens; on n'habite plus au galetas quand on reçoit 1200 fr. par mois. Ce qu'il y a de plus clair dans ces verbiages, c'est que le monde savant est bafoué par les autres classes qui paientses torrens de lumières par des torrens de mépris. Quelle est leur servilité de se passionner pour cette civilisation qui les traîne dans la boue ? Que ne saisissent-ils l'occasion d'en sortir et s'élever subitement à une haute ortune, en provoquant la fondation de l'état sociétaire INDUSTRIEL. IV.e S. 345 qui, par besoin de leurs talens, sera obligé de se les disputer à force de largesses; et qui, à ce pactole inespéré, enjoindra trois autres; l'exploitation des sciences neuves, les récompenses unitaires produisant des millions là où la civilisation ne paie qu'en stériles médailles, et les critiques à publiersur la civilisation et les sciences philosophiques, sujet fécond qui, pendant plus de 20 ans sera pour les écrivains exercés une voie de bénéfices incalculables. Voyez la postface. J'ai démontré dans ces 4 chapitres que l'accord intentionnel régnera dans les 4 branches de relations; Dans celles du matériel ou de l'intérêt; Dans celles du spirituel ou des liens affectueux ; Dans celles du mécanisme interne ou domestique; et par suite dans celles de tendance à l'unité d'action extérieure, source de charmes et de bénéfices gigantesques pour tout le genre humain. Lorque le désir d'un accord collectif sera si général, il sera bien aisé de parvenir à l'accord de répartition pour peu que les méthodes soient régulières et assorties au voeu des passions : l'on va juger dans la section suivante si elles rempliront cette condition. RÉSUMÉ SUR L'APPLICATION. Pour décrire les relations d'harmonie, pour appliquer les principes exposés aux sections 1 et 2, j'ai adopté trois divisions. La section III.e traite des relations de l'âge impubère borné à dix passions, ignorant l'amour et la paternité. La section IV.e traite des relations de l'âge pubère, qui est pourvu des douze passions, dont deux, amour et paternité LIBRES , seront comprimées au début de l'harmonie. La section V.e traitera des relations d'équilibre passionnel communes à ces deux classes, répartition des béfices , et ralliement des antipathies sociales. 346 N OUVEAU MONDE J'ai dû décrire d'abord l'âge impubère, parce qu'il est le plus susceptible de pleine harmonie, étant dégagé des deux passions qui sont criminelles selon nos coutumes, et qu'on sera obligé d'entraverpendant les premières générations. En traitant de l'âge pubère, section IV, j'ai été fort limité , ne pouvant parler ni de l'amour libre, ni de la paternité libre, deux passions qui seront interdites pen- dant un demi-siècle, et dont l'engorgement causera d'énormes lacunes dans le mécanisme d'harmonie. J'ai rallié les relations de l'âge pubère à deux grandes questions de mécanisme, savoir : L'engrenage des attractions industrielles, 7.e notice ; Les accords intentionnels sur la répartition, 8.enotice. Récapitulons brièvement les sujets les plus importans de ces deux sections

les effets les plus éloignés de nos coutumes. En éducation. L'on a vu que nos systèmes pèchent sur tous les points ; on n'a pas même connaissance du but à atteindre, on n'ose pas l'envisager : il s'agit d'éleverl'enfant à sa destinée industrielle. Si l'homme doit vivre du travail agricole et manufacturier, il faut le faire cultivateur et fabricant avant de le faire savant. Telle est la marche de l'éducation harmonienne où un enfant, fûtil héritier du trône du monde, est élevé dans les jardins, colombiers, ateliers et cuisines d'une phalange, dès qu'il peut marcher; il y devient cultivateur et manufacturier avant de s'occuper des études ; il ne les aborde que peu à peu, et comme accessoires des travaux productifs auxquels il s'entremet constamment de 2 à 4 ans. Ensuite il sollicite l'enseignement, pour l'appliquer à ces travaux où il est impatient de se perfectionner, et il obtient l'enseignement intégral donné en toutes méthodes, sur lesquelles il peut opter, sans être assujéti au système de tel sophiste. Dans cette éducation la marche est directe, l'enfant va droit au but, à l'industrie. L'étude est sollicitée parl' en¬ INDUSTRIEL. IV.e S. 347 fant pour emploi industriel, pour favoriser les travaux où il trouve son bonheur. Hors de cette application, l'étude est toujours un ennui pour l'enfant, sous quelque forme qu'on la lui présente ; et nos méthodes ont l'inconvénient de ne savoir pas la présenter. Les élèves de nos meilleures écoles sont fatigués de l'étude, et ne s'y livrent qu'avec dégoût ; les maîtres sont aussi ennuyés de donner l'enseignement que les enfans de le recevoir ; le salaire est l'unique mobile des instituteurs, ils ignorent tout-à-fait l'attraction réciproque ou double affinité du maître et de l'élève, pour eux personnellement, et pour l'objet enseigné. Aujourd'hui chaque maître, chaque pensionnat prétend avoir inventé des méthodes nouvelles , et ce qu'il y a de certain c'est qu'aucune n'approche du but qui est l'application à l'industrie , et l'attraction réciproque, telles que je viens de les expliquer. On n'a guères vu dans l'éducation moderne qu'une idée neuve , c'est l'enseignement mutuel, méthode essentielle de l'harmonie où un professeur exerçant par attraction ne pourrait pas abonder à soigner un cent d'élèves

à peine en admet-il aux leçons particulières 7, 8, 9 , dont quelques uns transmettentla science à pareil nombre, et ainsi de suite. On assure que ce mode est renouvelé des Grecs de qui on reproduit tant d'idées qu'on nous donne pour neuves. (Voyez l'ouvrage de DUTENS sur les découvertes attribuées aux modernes, ouvrage peu répandu, parce qu'il fourmille de vérités fâcheuses pour l'orgueil et le plagiat. Il démontre que le génie moderne est, dans tous ses détails, une réminiscence des ébauchesde l'école grecque à qui les moyens manquaient pour approfondir les sciences dont elle avait su découvrir tous les germes , notamment la théorie de Newton sur l'attraction, entrevue par Pythagore. ) Une école civilisée ayant à peine parmi ses élèves un dixième de passionnés, désireuxde la science, l'enseigne¬ 348 NOUVEAU MONDE ment mutuel n'y est praticable qu'en ébauche , parce qu'on ne peut pas classer la troupe en plusieurs échelles d'étudians, passionnés chacun dansleur degré, tant pour l'étude que pour la transmission. Les antagonistes decette innovationladépeignentcomme plagiat sur l'école de Pythagore ; à supposer que ce soit l'ouvrage des modernes, c'est encore un sujet de honte pour eux ; il leur faut donc 3000 ans pour pénétrer le moindre mystère de la nature, un procédé dont elle sug- gère l'idée à tout maître un peu surchargé d'écoliers; et à peine ce procédé est-il mis en scène qu'il cause qua- druple scandale

Il est dénigré comme inutile et dangereux, Il est ravalé comme réchauffé de l'antiquité, Il devient un levier de l'esprit de parti, Il est l'objet d'un plagiat sur l'école lancastrienne. Que de malfaisance dans les esprits civilisés! que de lenteurs dansleursinventions, que de scandale dansl'emploi qu'ils en font ! quel chaos d'impéritie et de vices dans cette gasconne société qui vante son progrès vers la perfectibilité ! si elle connoissait les lois du mouvement social, elle saurait qu'en éducation comme en tout, il faut d'abord conduire l'homme au premier but de l'attraction, au luxe interne et externe, (santé et richesse;) or la classe quireçoit le plus d'éducationest la plus enne- mie du travail ACTIF en culture et manufacture, c'est aussi la moins robuste

elle manque donc les 2 voies de luxe , richesse interne ou santé, et richesse externe qui ne peut provenir que du travail productif. Dès lors les systèmes d'éducation civilisée sont tous aussi faux les uns que les autres : quelques légères différences n'empêchent pas que tous ne tombent dans les fautes capitales que je viens d'énumérer. La 8.e notice qui traite des 4 genres d'accords intentionnels, présente un contraste surprenant du mécanisme harmonien au mécanisme civilisé. Celui-ci qui aurait grand besoin d'accords intentionnels pour contre¬ INDUSTRIEL. IV.e S. 349 poids aux discordes qu'il engendre , ne produit aucun de ces accords ; tandis que l'harmonie crée ces accords à profusion,quoiqu'elle n'en ait pas besoin, ayant d'autres moyens suffisans pour concilier les prétentions ambitieuses. La nature ici semble inconséquente au premier coup d'oeil ; elle prive de ressorts une société qui en a besoin, elle les prodigue à celle qui peut s'en passer : est-ce une distribution vicieuse? non, elle est fort juste selon la règle du mouvement composé ou dualisé , chap. XXXI ; on y a vu que l'homme est fait pour le double bonheur ou le double malheur, et non pour le simple : c'est en par- tie l'ignorance de cette règle qui a jeté les philosophes dans l'athéisme : on incline à suspecter Dieu, quand on ne connaît pas la cause de cette loi de mouvement composé ; la voici

Dieu ayant créé les passions pour l'état sociétaire qui durera sept fois plus que le chaos social, et ayant donné à l'ordre sociétaire la propriété de bonheur composé, miracles redoublés, chap. XXXI, l'ordre civilisé qui est le jeu subversif des passions doit opérer à contre-sens; les ressorts, les 12 passions étant les mêmes dans l'un et l'autre état, ils ne peuvent manquer de produire un effet double en bien ou en mal. Si le malheur des civilisés n'était que simple, il s'ensuivrait que le bonheur des harmoniens ne serait que simple ; or il serait fâcheux que pour favoriser les temps malheureux, Dieu eût rédimé le bonheur des temps heureux qui dureront sept fois davantage. D'ailleurs plus nos misères sont cumulées dans l'état civilisé, mieux le génie est avisé de son égarementet stimulé à chercher l'issue du labyrinthe. Si le malheur et l'injustice n'y étaient que médiocres et simples, on pour- rait croire que cet ordre civilisé, est réellement perfectible, comme le persuadent les sophistespour se dispenser d en inventer un meilleur. Nous avons à nous préserver de cette erreur, et pour nous la faire aperce¬ 350 NOUVEAU MONDE voir, il est utile que le malheur composé ou double mal soit le fruit constant de toutes nos réformes philosophiques. En lisant le chap. XXIX, on a du revenir des préventions civilisées contre le genre ambigu qui tient place dans les passions et caractères, comme dans les produits de tous règnes. On l'a méprisé de tout temps, on n'a dressé aucun tableau des ambigus; et dernièrement un écrivain passant d'un extrême à l'autre, a voulu faire de l'ambigu un règne à part sous le nom de psychodiaire; c'est une erreur, l'ambigu n'est pas règne spécial, mais lien de tous les règnes; de même que les transitions ne sont pas branche particulière d'un écrit, mais lien des diverses parties. Une autre erreur où tombent les beaux esprits, est de ravaler le genre trivial, 821, comme l'ambigu, 293, et vouloir qu'on exclue des calculs de mouvement la partie triviale qu'ils accusent de n'être pas à la hauteur de la philosophie. Disons plus exactement, que la philosophie n'est point à la hauteur du mouvement; elle ignore la règle du contact des extrêmes, selon laquelle un système de preuves en mécanique de passions, doit passer des effets les plus sublimes aux plus triviaux. En théorie de mouvement il faut, nonpas desfleursacadémiques, mais de la justesse mathématique et de l'intégralité.Or la preuve n'est complette, intégrale, qu'autant qu'elle s'applique aux deux extrêmes et par suite aux degrés intermédiaires. Exclure le trivial, c'est raisonner comme un chirurgien qui ne voudrait pas opérer sur certaines parties du corps parce qu'elles sont triviales, ou comme un chimiste qui refuserait d'analyserles substances triviales. Il faut se garder de cette erreur des critiques parisiens, qui m'ont blâmé de mettre en scène, quand il le faut, l'ambigu et le trivial, selon la loi de contact des extrêmes : si j'avais exclu de mes recherches ces deux genres, je n'aurais déterminé ni la corporation du vestalat, ni celle des petites hordes qui sont les deux INDUSTRIEL. IV.e S. 351 ressorts les plus puissans en éducation naturelle, quoique leurs emplois tiennent à l'ambigu et au trivial. Les littérateurs civilisés tombent en déraison sur tout ce qui touche aux questions de mouvement; ils n'ont sur ce sujet aucun principe fixe, aucune direction raisonnée ; et comme le dit fort bien l'Evangile, ce sont des aveugles qui conduisentdes aveugles. ( ST. MATTH. Chap XV ). Si on en doutait, il suffirait pour s'en convaincre de la versatilité de leurs doctrines qui, après avoir prêché de tout temps le mépris des richesses, nous excitent aujourd'hui à l'amour du trafic. Un journal,( Gazette de France) a dénoncé avec raison la dépravation de la morale dont il dit

«

elle s'est bien » humanisée ; douce, complaisante, elle ne nous enseigne » plus à combattre, mais à céder. » Ce serait bien le voeu de la nature qui veut que nous cédions à l'attraction pourvu que ce bonheur s'étende à tous, dans un régime social où chacun ait la faculté de se livrer à l'attraction et où tout soit lié, selon le principe des philosophes qui enseignent que tout est lié dans le système de la nature et doit être lié de même dans le système social. Pour opérer ce lien, il faut que le peuple participe aux jouissances,qu'elles ne soient pas limitées à la classe riche

or que veut le peuple? il tient avant tout à la nourriture, à la bonne chère

j'ai prouvé, 320, 321, que le monarque même ne peut pas être bien servi si le peuple ne l'est pas ; il fallait donc découvrir un ordre industriel, ( Séries passionnées ), qui assurât ce genre de bien-être à toutes les classes en proportion de leurs moyens pécuniaires; un ordre qui établit le lien mandé recompar la philosophie, et qui l'appliquât d'abord aux subsistancesdu peuple, d'où on l'aurait étendu au ré- gime des subsistances généralesdu globe, (voyez II, 113) en y organisant le système lié et le mode composé qui sont la nature de l'homme. ( Chap. XXXI ). Au lieu de proposer ces grands problèmes, nos mora- listes professent le mépris du peuple et l'insouciance 352 NOUVEAU MONDE pour ses besoins, pour les fourberies commerciales dont il est victime. Ils ne songent qu'à s'introduire dans les salons de la finance ; le veau d'or enchaîne à son char tout le monde savant; nos philosophes dédaignent la gargotte morale, le brouet noir des Spartiates, les raves de Curius Dentatus et les ragoûts à l'eau de la citoyenne Phocion ; habitués maintenant aux volailles truffées des publicains, ils oublient que le peuple souffre, et qu'il faut pour le faire participer au bien-être,un système où tout soit lié, où le bonheur s'étende jusqu'aux dernières classes populaires. J'ai observé cette règle de lien général dans les relations décrites aux sections III et IV ; j'y ai toujours fait marcher de front le beau et le bon, tous deuxy sont liés sans cesse ; je n'y ai pas négligé les fleurs pour les pommes de terre , comme aux beaux jours de 1793, où l'on plantait moralement des pommes de terre au jardin des des Tuileries; je n'y ai pas non plus négligé les pommes de terre pour les fleurs, comme le font aujourd'hui nos perfectibiliseurs qui, sous prétexte de s'élever a la hauteur de la philosophie, veulent proscrire certaines fonctions qu'ils disent triviales, et dont l'absence fait avorter les fonctions nobles; aussi voit-on les Parisiens aussi ignorans sur le beau que sur le bon

leurs parterres tout remplis de pissenlits arborescens, sont aussi mal tenus que leurs potagers; vandales sur la culture des fleurs qu'ils détruisent en automne quand elles pourraient durer encore un mois, ( surtout le souci ), ils sont également vandales sur le soin des pommes de terre que la philosophie juge au-dessous de sa dignité. Ainsi tout est lié ; si on échoue sur le beau, on échouera sur le bon : c'est un écueil inévitable hors des Séries passionnées. En conséquence il faudra refaire l'éducation sur le beau comme sur le bon

la morale veut n'occuper les femmes que du pot au feu ; il faudra les habituer à l' appréciation des fleurs qu'elles ne connaissent point ; elles ne font cas que des roses , et leurs maris n'estiment que INDUSTRIEL. IV.e S. 353 les choux ; de là vient que pour faire l'éducation harmonienne des pères et mères engagés dans la première phalange, il faudra employer les champs de fleurs concurremment avec la gastronomie élevée au mode GASTROSOPHIQUE , 303. Motivonscette préférence. Quelles sont les branches de culture sur lesquelles la phalange d'essai pourra opérer ? Il en est neuf. Grande culture, grains, vignes. Fleurs et serres, Vergers, Jardins , Forêts , Bestiaux, Colombiers, Viviers et chasses, Cuisines et conserve. La plupart de ces branches ne fourniront que peu ou point d'intriguesindustrielles dans le début

orme pourra

pas encore s'occuper des forêts; les vergers seront sans intérêt, à moins de transplantation indiquée au devis; le grand bétail occupe trop de temps pour une phalange peu experte et qui doit créer promptement des intrigues actives; la grande culture, graminées et vignes, aura le même inconvénient

les viviers seront probablement ré- duits à peu de chose

les fleurs et serres fourniront quelques amorces. mais le fort de l'attraction ne pourra porter que sur les jardins et les colombiers, deux objets qui se lient intimement avec le travail de cuisine et conserve : les 3 branches réunies tiennent à la gastronomie; on ne pourra donc les intriguer vivement et promptement que par application des intrigues gastronomiques. Je n avais pas autant approfondi ce sujet, lorsque j'écrivis le traité de 1822

par déférence pour les préjugés de trivialité, j'insistai trop peu sur la nécessité de la gastronomie, ressort le plus efficace

au début

je craignaisque cette branche de théorie ne parût manquer de gravité, et je ne la produisais qu'étayée de calculs très-rigoureux comme ceux de l'article I, 439. Aujourd hui, aprèssix ans d'observationsqui ont mûri ( autant la théorie, j insiste sur la nécessité de spéculer 23 354. NOUVEAU MONDE principalement sur la gastronomie appliquée aux travaux culinaires et agricoles ; c'est le plus sûr moyen de faire éclore en peu de temps les attractions industrielles. Il faudra surtout désabuser les femmes toutes prévenues contre cette passion, les façonner à l'amour de la table par les repas de corps et de fantaisie alternés, par les mélanges de sexes et les serviteurs aimables

une réunion de 10 à 12 hommes entre en gaîté si elle voit le service du dîné fait par 2 ou 3 jolies filles ; le repas sera

beaucoup moins gai si on le fait servir par 2 ou 3 béates. Il faudra, dansla phalange d'essai, ménager de même aux tables de femmes un service de beaux jeunes gens , ce sera un moyen de plus pour ramener le sexe aux raffinemens gastronomiques.Je parlerai des antiennes, qui sont un moyen très-puissant ( 9.e notice )

d'ailleurs la table plaira aux femmes par le choix de compagnies passionnément assorties au moyen des négociations faites jour parjour à la bourse. Les femmes n'auront plus l'ennui d'un comité mâle, qui à table ne les entretient que de la charte, du budget, du trois pour cent, des élections, du commerce et autres pesanteurs assommantes pour elles. Quant aux hommes et aux enfans, on ne sera pas en peine de les passionner promptement pour la gastronomie appliquée. Il est encore de nombreux ressorts d'attraction industrielle, qui influeront puissamment sur les femmes et les enfans ; telsseront, à la culture, les champs de fleurs cultivées sous tente mobile, pour la parfumerie, 168, et pourles graines, 172 ; aux ateliers, une chance très-propre à passionner les femmes, sera celle du travail de faveur, de bienveillance, de courtoisie, tel que celui de Céliante pour Bastien, 291 ; la faculté assurée à chaque femme, de travailler pour tel jeune homme, en passionnera bon nombre pour les fonctions qu'elles dédaigneraient sans cette amorce, et dont l'amourleur donnera le goût, l'initiative, pas le plus difficile à franchir. Une conclusion à tirer des tableaux contenus dans les INDUSTRIEL. IV.e S. 355 sections III et IV, c'est que plus le sexe mâle donne de liberté aux deux autres sexes , femmes et enfans , plus il est riche et heureux. On a vu qu'en harmonie un père est délivré du fardeau dispendieux nommé ménage, entretien de femme et enfans , frais d'éducation , de placement, dotation, etc. ; tout le monde est placé dans sa phalange même, à la culture, aux fabriques, aux sciences, aux arts, dont il tire d'amples bénéfices

le père n'a d'autre tâche que de féliciter ses enfans, sans dépenser une obole pour eux. Le produit, estimé aujourd hui enfant 1, enfant 7. mère 1, devient mère g. Différence de 7 à 28. père 5, père 12. Tel sera le fruit de la vraie liberté fondée sur l'essor de l'attraction. Les résultats en richesse et bonheur seront plus brillans encore, quand on pourra, au bout d'un demi-siècle, organiser l'amour et la paternité libres. Entravé sur ces deux passions , l'état sociétaire ne sera point entravé sur l'ambition, qui nous parait la plus indomptable de toutes ; on verra en 5.e section qu'elle est la plus flexible, et que rien n'est si aisé que de concilier César et Pompée, Bonaparte et Louis XVIII. C'est un problème qui doit répandre de l'intérêt sur la 5.e Section, à laquelle nous allons passer, et qui enseignera l'art d'établir d'autant plus de justice et d'harmonie sociale, que les ambitions seront plus insatiables de grandeurs et de richesses. Le problème peutsembler gigantesque aux yeux des philosophes, il n'est qu'un jeu d'enfant pour qui con- naît la théorie du mécanisme sériaire des passions. J'ai omis un préalable bien utile qu'il eût convenu de placer avant le procédé de répartition ; c'est le calcul des ralliemens passionnels ou accords des seize antipathies sociales. J ai expliqué un de ces ralliemens, en traitant de la domesticité passionnée. J'ai préludé sur quelques autres, on peut donc renvoyer l'ensemble du sujet à la 9.e notice, et passer dès à présent au mécanisme de ré- partition , que le lecteur se lasserait d'attendre. 23. 356 NOUVEAU MONDE SECTION CINQUIEME. DE L'ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DES PASSIONS. NEUVIÈME NOTICE. DE L'ACCORD EN RÉPARTITION. CHAP. XXXIII. De la classification des Séries. RIEN n'est plus aisé que de répartir en proportion du capital, c'est une opération purement arithmétique, bien connue de tout le monde ; mais la rétribution du travail et du talent, l'art de contenter chacun sur ces deux points est tellement ignoré, que tous les civilisés se plaignent d'injustice et passe-droits vexatoiressur l'une et l'autre dette ; il serait impossible de satisfaire ces deux prétentions , s'il fallait donner à chaque individu le produit direct de son travail dans une trentaine de séries et une centaine de groupes dont il est coopérateur; on serait obligé de vendre séparément chaque récolte , partager le montant d'un carreau de choux à plusieurs groupes qui l'ont soigné en exercice parcellaire, tel groupe en labourage, tel autre en plantation ou semis; celui-ci en arrosage, celui-là en soin des grains

ce serait une complication indéchiffrable ; il faut une méthode expéditive, qui abrège

comme l'algèbre en comparaison de l'arithmétique. Pour expliquer ce mécanisme de répartition abréviative , il faut enseigner d'abord à classer les séries selon leur degré d'importanceet de droits à un dividende plus ou moins fort. Chaque série étant associée et non pas fermière de sa phalange, elle perçoit un dividende, non sur le produit de son travail spécial, mais sur celui de INDUSTRIEL. V.e S. 357 toutes les séries; et sa rétribution est en raison du rang quelle occupe dans le tableau des fonctions, divisé en trois classes, nécessité, utilité et agrément. Par exemple : telle série qui produit les graminées ne perçoit ni demi, ni tiers, ni quart du produit de ses grains recueillis

ils entrent dans la masse du revenu à vendre ou à consommer; et si la série qui les a produits est reconnue de haute importance en industrie, elle est rétribuée d'un lot de I.erordre dans la classe où elle figure. La série qui produit les grains est évidemment de la I.ere classe dite nécessité ; mais dans cette classe, on peut distinguer environ cinq ordres de séries; et il est probable que celle qui produit les grains, froment, seigle, orge, avoine, maïs, etc., sera tout au plus de 3.e ordre en échelle de nécessité ; car le travail de labour et celui de manutention du grain ne sont pas répugnans, et doivent être classés après les répugnans qui sont au I.er des cinq ordres de nécessité. Le travail des Petites Hordes est le 1.er de tous; vient ensuite celui de boucherie où elles interviennentpour la partie fétide ou triperie. Les fonctions des nourrices, des pouponistes et des infirmistes étant répugnantes, doivent être classées avant celles du labour; il en est de même des fonctions chirurgicales et médicales , ainsi que du travail des corvéistes

ces emplois comprennent plusieurs

séries qui figurent en I.er ordre dans la classe de nécessité. Répétons que ce n'est pas sur la valeur du produit qu'on règle les rangs, c'est sur l'influence d'un travail en mécanique d'attraction et d'harmonie

voici à cet égard, un problème sur lequel se tromperont tous les civilisés. Laquelle des deux séries de FLORICOLES ou FRUCTICOLES doit-être placée avant l'autre ? Chacun répondra que ce n'est pas un sujet de doute , que les fruits sont infiniment plus précieux que les fleurs; donc la grande série qui cultive les vergers, les espaliers, doit non-seulement être classée avant celle qui cultive les fleurs, mais celle des fructicoles doit-être placée en ca¬ 358 NOUVEAU MONDE tégorie d'utilité, et celle des floricoles en catégorie d'agrément qui est moins rétribuée. Ainsi opineront les civilisés; n'ayant pas besoin d'attraction industrielle, ni d'harmonie, ils n'en estiment pas les ressorts. C'est juger au plus mal, et tomber dans double contre-sens; la série des vergers, desfructicoles, quoique infiniment productive, reste dans la catégorie d'agrément; tandis que la série des floricoles qui produit à peine autant qu'elle coûte, passe en catégorie d'utilité

expliquons les motifs de ce classement , déduits des influences de l'attraction. Les vergers en harmonie sont des séjours délicieux, leur soin est le plus récréatif de tous les travaux. Les rencontres de cohortes vicinales, et les amours dont je n'ai pas parlé, s'y joignent à mille autres amorces. Tout verger est parsemé d'autels de fleurs, entouré de cordons d'arbustes

le travail n'y exige guères de tentes mobiles, parceque les arbres en tiennent lieu. En ajoutant le charme spécial de cette culture, les rivalités émulatives, la réunion des sexes, le repas fort gai servi au castel à la fin de la séance, on pensera que sur 1000 personnes, il doit s'en trouver 990 en attraction pour le soin des vergers, au moins dans quelque branche

ce sera une série

infinitésimale ou d'attraction générale, comme celle du poulailler, II, 446. La secte des fructicoles , abstraction faite de son pro- duit, est donc la dernière en titres au bénéfice, parce qu'elle est la plus forte en dose d'attraction. D'autres sectes recourront aux expédiens pour se renforcer d'attraction ; celle-ci ne cherchera qu à diminuer l'intensité d'appât, et ralentir l'empressement général à s'y enrôler. Quant a la secte des floricoles, elle est fort mal appréciée en civilisation. Si son produit a du charme, son travail n'en a guères; il exige beaucoup d'assiduité, de connaissances, de soins délicats pour un plaisir de courte durée

mais il est precieux pour façonner les enfans et

les femmes aux exigences de la culture, aux études et aux INDUSTRIEL. V. e S. 359 raffinemens agronomiques ; et c'est pour en faire une école d'agriculture, que la nature donne ce goût des fleurs aux femmes et aux enfans. D'ailleursle travail des vergers n'est pas en tout sens à portée des enfans, tandis que celui des fleurettes et même des grandes fleurs convient en tout point au bas âge : a ces titres, la série des floricoles sera placée en 2.e catégorie, au rang d'utilité. On peut juger par ce parallèle des fruits et des fleurs, que les harmoniens, en appréciation de travail, se règlent sur des bases fort différentes de celles admises chez les civilisés; et que la quantité ou valeur réelle du produit, qui serait parmi nous boussole exclusive d'estimation des travaux, ne le sera point dans l'état sociétaire. Il placera au dernier rang, l'industrie fructicole qui est la plus précieuse peut-être, car deux sexes d'harmoniens, les femmes et les enfans, vivront de fruits, soit crus, soit en compote, soit en marmelade, bien plus que de graminées. Nous en avons l'indice dans le bas prix actuel des sucres cultivés par des indigènes, comme en Indoustan. Le fruit allié au sucre est nourriture essentielle des harmoniens, II, 113

le pain, substance commune, est un mets de civilisé, de goujat, quand il est pris pour base comme chez le peuple , et fabriqué en farines communes. D'autre part, des fonctions qui nous semblent de pure superfluité, comme L'OPÉRA , seront en harmonie au 2.e ordre de nécessité, immédiatement après les répugnantes. « Cependant, diront les civilisés, on peut se pas- » ser d 'opéra et non de boulangers ni de meûniers. » L'objection est juste quant à l'ordre civilisé, qui n' est pas susceptible d'attraction industrielle ; mais on a vu, aux chapitres de l'éducation, que l'opéra est un des plus puissans ressorts pour former l'enfant à la dextérité, à l'unité en fonctions industrielles

sous ce rapport l'opéra est de

1.re nécessité, et rétribué comme tel. En définitive, le classement des séries est réglé selon les convenances générales, et non selon les produits. Po¬ 360 NOUVEAU MONDE sons plus régulièrement le principe : on estime leur priorité de rang, en raison composée des bases suivantes. I.°En raison directe de leur concours aux liens d'unité, au jeu de la mécanique sociale

2.° En raison mixte des obstacles répugnans

3.° En raison inverse de la dose d'attraction et d'engrenage que peut fournir chaque industrie. I.° Titre direct : LE CONCOURS A L'UNITÉ. Le but est de soutenir le lien sociétaire dont on obtient tant de richesse et de bonheur; la série la plus précieuse est donc celle qui, productive ou improductive, concourt le plus efficacement à serrer le lien sociétaire. Telle est la série des Petites Hordes, sans laquelle tout le mécanisme de fusion des 3 classes et harmonie intentionnelle, serait impraticable. Cette série est donc la I.re en titre direct, en concours direct aux liens d'unité ; elle est de même la 1.re en titre mixte. 2.°. Titre mixte ; OBSTACLES RÉPUGNANS. Tel est le travail des mineurs, des infirmistes et des bonnes. L'obstacle purement industriel est souvent un sujet d'amusement, divers athlètes s'en font un jeu ; mais on ne peut pas se faire un jeu d'une répugnance qui fatigue les sens, comme serait le curage d'un égoût, la descente dans une mine : on peut surmonter cette répugnance par point d honneur, par esprit religieux, comme le font les Petites Hordes et les infirmistes

elle n'est pas moins lésion sensuelle, tandis que la fatigue simple et sans dégoût, comme celle d'un ouvrier qui monte sur des noyers et cerisiers, peut devenir amusette, plaisir réel. Delà vient que l ordre sociétaire n'estime et n'admet en priorité de rang que les fatigues répugnantes. 3.°.Titre inverse ; DOSE DATTRACTION. Plus un tra- vail excite d'attraction , moins il a de valeur pécuniaire ; dès-lors l opéra et le soin des vergers devraient être deux séries de 3.e classe ou agrément, car il n'est rien de plus attrapant dans les campagnes, que le soin des arbres à fruit, et dans les villes, que le tripot de comédie, les INDUSTRIEL. V .e S. 361 intrigues de coulisse

tous les gens riches aiment à s'y

faufiler, même à titre d'actionnaires, au risque d'y perdre de bonnes sommes. La série des vergers est renvoyée au 3.e rang, à l'agrément , parce qu'elle n'a de mérite qu'en titre inverse, en forte dose d'attraction ;elle ne concourt pas plus à l'unité que les autres fonctions agricoles. Quant à la série de l'opéra , elle concourt à l'unité par des services exclusifs, par sa propriété de former l'enfant a toutes les harmonies matérielles. Cette série est donc précieuse a double litre, en direct et en inverse ; elle doit prendre place au 1.er rang dans la catégorie de nécessité. C'est en combinant bien les trois règles ci-dessus, qu on parvient à classer exactement les rangs de chaque série en prétentions au dividende pécuniaire alloué au travail. Du reste quelques erreurs sur ce point ne seraient pas un préjudice notable pour la phalange d'essai

elle compensera ce défaut de méthode par la force des accords intentionnels(8.e notice), par le noble orgueil de changer la face du monde , et voir accourir les sages de toutesles régions pour admirer le germe de l'unité universelle. Observons que cette affluence de curieux rendra à la phalange d'essai une somme de 40 à 50 millions, à n'estimer le prix d'admission que cent francs par jour, subsistance aux frais de chacun. Je dois redire que les erreurs sur le classement des séries ne préjudicieront point à l'accord collectif, car ces débats subalternes seront absorbés dans la passion générale D'UNITÉISME , chap. XXXII, qui n'est pas connue des civilisés, et qui naîtra chez les harmoniens, dès les premiersjours. Nos philosophes, qui croient connaître toutes les passions, sont comparables à des enfans de dix ans, qui, enchantés de leurs globules de marbre, pensent qu'à l'âge de vingt ans ils n'auront point de plaisirs plus séduisans. Juger des passions d'harmonie par les passions civilisées , c'est imiter un paysan qui n'étant jamais sorti de son nid , croit que le clocher de son village est le plus 362 NOUVEAU MONDE beau clocher du monde, et que son curé est le plus savant homme de la terre ; quand ce paysan aura vu le monde, parcouru les capitales, il trouvera bien à décompter en fait de clochers et de savans. Il en sera de même des passions futures, et surtout du LIBÉRALISME, dont on profane aujourd'hui le nom sans avoir aucune idée de la chose ( Voyez Chapitre XXXV ). Parmi ces passions à naître, la principale sera l'unitéisme ou philanthropieréelle, fondée sur la plénitude, la réplétion de bonheur, le besoin de répandre autour de soi le charme dont on est pénétré. Nous voyons une ombre de cette passion dans les événemens qui remplissent de joie une population entière. Lorsque Troie , après dix ans de siège, est enfin délivrée des assaillans, les Troyenssortent en foule, pandunturportoe, juvatire ; l'ivresse est telle que les rangs se confondent, on se félicite réciproquement, on se redit les détails du siège. Ici étaient Achille et les Thessaliens

ici étaient les Dolopes. C'est vraiment l'instant de la fraternité rêvée par les moralistes , c'est une ombre de la passion unitéisme, fusion des classes , réplétion de bonheur, qui régnera sans cesse chez les harmo niens, et qui applanira tous les obstacles relatifs aux ac- cords de répartition. D'ailleurs on va se convaincre que, pour établirl'harmonie dansles partages, il suffit, comme je l'ai annoncé , de l'amour des richesses. CHAP. XXXIV. De l'accord direct en répartition, ou équilibrepar la cupidité. ENFIN nous arrivons à l'objet principal, à leffrayant problème d'établir une justice éclatante, une pleine harmonie dans le partage des bénéfices et une rétribution satisfaisante pour chacun selon ses trois facultés indus trielles, travail, capital et talent. Ce prodige tient à élever la cupidité du mode simple au mode composé. Voici le triomphe de la cupidité tant diffamée par les moralistes

Dieu ne nous aurait pas donné cette passion, INDUSTRIEL. V.e S. 363 s'il n'en eût pas prévu un emploi utile en équilibre général. Déjà j'ai prouvé que la gourmandise également proscrite par les philosophes devient voie de sagesse et d'accords industriels dans les Séries passionnées. On va voir que la cupidité y produit le même effet, qu'elle y devient voie de justice distributive, et qu'en créant nos passions, Dieufit bien tout ce qu'ilfit. L'homme civilisé ne trouvant son bénéfice que dans la rapine et la rapacité, il doit s'abandonner a ces vices,tant qu'on ne sait lui créer d'autres stimulans de justice que l'honneur d'être philosophe, d'obéir à Sénèque et Diogène : ce ne sont pas là des contre-poids à la cupidité ; il est connu que le monde n'estime que la fortune acquise perfias et nefas, qu'on n'a que raillerie et duperie à recueillir en pratiquant l'équité, dès lors le civilisé s'en garde comme d'un piège ; il faut donc, pour l'y rallier, un régime où l'individu trouve son bénéfice personnel dansla justice distributive ; il ne la pratiquera qu'à cette condition. Les harmoniens seront justes en répartition, parce que l'équité leur vaudra bénéfice, honneur et plaisir, puis elle procurera mêmes avantages à la masse, qui aujourd'hui est froissée en tout sens par les prétentions individuelles; notre cupidité est donc simple, égoïste, étrangère aux intérêts de nos voisins ; elle deviendra COMPOSÉE quand elle servira leur intérêt et le notre à la fois

examinons. Si chacun des harmoniens était, comme les civilisés, adonné à une seule profession,s'il n'était que maçon, que charpentier, que jardinier, chacun arriverait à la séance de répartition avec le projet de faire prévaloirson métier, faire adjugerle lot principal aux maçons, s'il est maçon, aux charpentiers, s'il est charpentier, etc. ; ainsi opinerait tout civilisé ; mais en harmonie où chacun, homme, femme ou enfant, est associé d'une quarantaine de Séries, exerçant sur l'industrie, les arts, les sciences, personne n'a intérêt à faire prévaloir immodérément l'une d'entr' elles

chacun, pour son bénéfice personnel, est obligé 364 NOUVEAU MONDE de spéculer en sens inverse des civilisés, voler sur tous les points pour l'équité : décrivonsd'abord ce mécanisme en action, j'en expliquerai ensuite la théorie. Je distingue en générales et spéciales, les impulsions qui entraînent tout harmonien à l'équité. I.° Impulsions générales appliquées aux 3 facultés, ca- pital, travail et talent. Alcippe est un des riches actionnaires; telle somme dont il tirait en civilisation 3 à 4 0/0 ( revenu des domaines ), lui rendra dans la phalange 12 à 15 0/0, selon les aperçus d'inventaire, si l'on parvient à s'accorder en répartition. Il lui importe donc d'opiner pour la justice distributive, et de repousser toute mesure qui léserait une des trois facultés. Si à titre de fort capitalisteilveutfaire a!louer moitié du produit aux capitaux, par exemple : capital 6/12, travail 4/12, talent 2/12, les 2 classes nombreuses qui n'ont à percevoir que sur les deux autres facultés, travail et talent, seront mécontentes; l'attraction se ralentira , le produit et les accords diminueront , et dès la 3.e année le lien sociétaire se dissoudra. Alcippe voit que pour son intérêt même il faut fixer la répartition comme il suit: capital 4/12, travail 5/12, talent 3/12. Calculée sur ce pied, elle donnera encore à Alcippe un revenu quadruple de celui qu'il avait en civilisation, elle garantira en outre le contentement, des deux classes peu fortunées, et le maintien du lien sociétaire. Alcippe incline d'autant mieux pour cette justice, qu'il a luimême bon nombre de lots à percevoir, dans diverses séries, sur le capital et le talent ; car les plaisirs, tels que chasse, pêche, musique, art dramatique, soin des fleurs, des volières, sont payés comme le travail des champs et des vignes. En outre il a formé beaucoup de liaisons amicales avec la classe des non capitalistes, il la protège, il veut que justice lui soit rendue. Dans ce cas, la cupidité qui l'aurait poussé à voter un lot de moitié pour le capital, se trouve contre balancée par deux impulsions honorables

ce sont 

l'affection qu'il a conçue pour les divers sociétaires des séries qu'il INDUSTRIEL. V.e S. 365 fréquente, et où il a de plus des lots de travail et talent à percevoir, puis la conviction de trouver son intérêt dans l'intérêt collectif, dans le contentement de la phalange entière, dans le progrès de l'attraction industrielle source de richesses à venir. Ainsi l'impulsion véhémente, celle de cupidité qui aujourd'hui pousserait aux prétentions outrées, rencontre ici deux contre-poids qui la maintiennent dans la juste mesure, dans la voie d'équilibre et de justice satisfaisante pour les 3 facultés et les divers individus. Ce bel accord de passions est calqué sur la propriété fondamentale des séries mathéma tiques,égalité de la somme des extrêmes, au double du terme moyen. ( Dans la série 2, 4, 6, deux fois 4 équivalent à 2 et 6 ). Analysons mêmes contre-poids, même équilibre, dans les impulsions de la classe pauvre. Jeannot n'a point de capitaux, point d'actions, opinera-t-il à favoriser la faculté de travail aux dépens du capital ou du talent ? faire adjuger en proportion de travail 7/12, capital 3/12, talent 2/12 ? Ici, l'impulsion dominante est pour favoriser le travail, au préjudice des deux autres facultés, capital et talent. Tel serait l'avis de tout civilisé pauvre; le paysan dit

c'est moi qui produis tout ; il croit de bonne prise tout ce qu'il vole au seigneur, qui de son côté se croit en droit de tout ravir au paysan. Tel est l'équilibre des passions dans l'état civilisé , une lutte de pillage et d'astuce, nommée perfectibilité. En harmonie, le pauvre Jeannot pensera bien différemment. Sa plus forte impulsion est de favoriser le travail, puisqu'il n'a rien à prétendre sur les dividendes alloués au capital

mais deux autresimpulsions viennent contre-balancer cet essor brut de la cupidité : Jeannot a des lots à prétendre sur le talent; il brille dans cer- taines parcelles de divers travaux, il lui convient que le talent conserve ses droits. D'autre part il connaît l'importance des capitalistes dans une phalange, les avantages 366 NOUVEAU MONDE que le pauvre tire de toutes leurs dépenses

la participation aux spectacles gratuits, aux voitures et chevaux, aux repas de corps, aux dessertes de tables riches, aux adoptions industrielles pour ses enfans; lors même qu'il ne saurait pas apprécier le fruit, de toutes ces chances de bénéfice, il l'apprendrait dans la compagnie des 40 groupes qu'il fréquente: les corporations ne se trompent pas sur leurs intérêts. Ces deux impulsions disposent Jeannot à ménager le talent et le capital, et se réduire de 7/12 à 5/12 sur le lot du travail; réduction qui, tout balancé, tourne à son avantage ; car il ne peut être heureux qu'en soutenant la phalange et l'attraction, qui péricliteraient du moment où le capital et le talent seraient mal rétribués. Ici la cupidité brute, la passion dominante qui chez nous absorberait tout, se trouve pondérée par deux contre-poids, deux impulsions favorables au talent et au capital, facultés sur lesquelles Jeannot a le moins de prétentions. C'est comme chez Alcippe, l'influence de deux forces extrêmes balançant la double influence de la force moyenne. Les harmoniens des trois classes, riche, moyenne ou pauvre, sont constamment entraînés à ces vues de justice, par impulsion de deux intérêts collectifs luttant contre la rapacité déraisonnée, qui chez les civilisés ne rencontre aucun contre-poids, aucune chance de bénéfice fondée sur le soutien de l'intérêt général , sur la justice distributive. J' insisterai dans les 2 chap. suivans , sur ce penchant de tout harmonien pauvre à soutenir la classe riche et le lot de capital : je donnerai, sur cette impulsion, des preuves irrécusables. En attendant, observons que le pauvre, en harmonie, a de nombreuses chances de fortune ; il n'est point découragé comme nos salariés qui n'entrevoient aucun moyen de s'élever au rôle de maître

il a l'espoir de voir ses enfans parvenir à de hautes dignités, par la science, le talent, la beauté, les alliances monarcales

il a une petite fortune croissante du fruit de INDUSTRIEL. V.e S. 367 ses économies que la caisse d'épargne reçoit écu par écu ; il ne fait pas de dépense, parce qu'il est bien nourri et bien vêtu aux frais de la phalange qui lui fournit tous les habits de travail, et trois uniformes de parade pour les trois saisons

il ne songe pas comme nos ouvriers à fréquenter la guinguette et le cabaret, parce qu'il trouve à ses cinq repas excellente chère, vins à option, joyeuse compagnie ; dès-lors il économise, et place en coupons d'actions tout le bénéfice qui lui reste après le paiement de son compte de frais ; il est petit propriétaire, il a l'esprit de propriété , le droit de vote en divers conseils , et de suffrage en toutes élections ; il ne peut donc pas res- sentir d'aversion pour les riches qu'il fréquente, dont il a sans cesse à se louer, et dont il espère devenir l'égal. Sans cet espoir d'avènement à la fortune, la vie devient un fardeau pour l'homme. 2.°Impulsions spéciales: Analysons maintenant l'équilibre de cupidité dans les détails. Philinte est membre de 36 séries qu'il distingue en trois catégories, A, B, C

dans les 12 séries de l'échelle A, il est ancien sectaire, ex- périmenté, tenant l'un des premiersrangs en importance et en droits au bénéfice. Dans les 12 séries C, il est nouveau sectaire, peu exercé, ne pouvant espérer que de faibles lots

et dans les 12 de l'échelle B, il est en moyen

terme d'ancienneté, de talent et de prétentions. Ce sont trois classes d'intérêts opposés , stimulant Philinte en triple direction et le forçant, par cupidité et par amourpropre, a opter pour la stricte justice. En effet

s'il y a fausse estimation du mérite réel de chaque série, Philinte sera lésé, d'abord sur les dividendes a recueillir dans les 12 séries où il excelle, et où il a droit aux plus fortes parts; en outre, il sera piqué de voir leur travail et le sien mal appréciés. A la vérité, cette injustice pourra favoriser les 12 séries C ; mais comme il n'y est que subalterne, rétribué de faibles lots, il ne serait pas compensé des réductions à éprouver sur les 12 séries A où il obtient les lots supérieurs; d'autre part il ne veut 368 NOUVEAU MONDE pas qu'on ravale lesséries C, où son penchant l'a enrôlé récemment ; il estime et protège leur industrie, il les soutient par amitié cabalistique et par amour-propre. Quant aux 12 séries B où il estsectaire de moyen rang, obtenant des lots moyens, il convient à ses intérêts qu'elles aient ce qui leur est dû, sans empiéter sur les catégories A et C. Sous tous les rapports, il se trouve entraîné à vouloir l'exacte justice en répartition ; elle est l'unique moyen de satisfaire à la fois son intérêt, son amour-propre , et ses affections. Ajoutons une preuve de détail. S'il parvenait à faire favoriser les 12 séries A où il perçoit de forts dividendes, il serait dupe ; l'injustice, dans l'état sociétaire bien organisé, tourne au détriment de son auteur ; je le démontre. Les 12 séries A sont de 3 ordres ; environ 4 de nécessité, 4 Futilité, 4 d'agrément; (ch, 33.) or si Philinte réussissait à faire dominer la faveur, il ne pourrait pas l'étendre aux trois ordres de nécessité, utilité, agrément, mais seulement à l'un des trois; dès-lors, obtenant du gain sur 4 de ces 12 séries A, il perdrait d'autant sur les 4 de l'ordre opposé, et ne gagnerait rien sur les 4 moyennes. Il n'aurait aucun bénéfice réel sur l'ensemble des 12 ; il ne recueillerait de cette injustice que le déshonneur, la défiance générale et la perte de tous les suffrages pour divers emplois lucratifs qui sont très-nombreux. La défaveur de l'opinion est très-préjudiciable à un harmonien ; elle est indifférente à un civilisé, car les places lucratives ne sont pas électives, et quand elles le seraient, ce ne serait pas l'honnête homme qui les obtiendrait en civilisation, où la masse électorale est toujours le jouet des intrigues. Le besoin de justice distributive existera donc dans les détails comme dans l'ensemble de la répartition. Le régime des séries passionnées est un mécanisme qui sue la justice, et qui transforme en soif de justice le prétendu vice nommé soifde l'or. Nos passions deviennent toutes INDUSTRIEL. V.e S. 369 bonnes, si on les développe dans l'ordre sériaire auquel Dieu les destine ; mais ce développement doit être conforme aux règles d'engrenage : (établies chap. Y et VI, et notice 7.e) si on observe bien ces règles, il arrivera que chaque individu sera attiré dans une masse de séries bien échelonées en tous sens, en nécessité, utilité et agrément ; qu'il y figurera en échelle de rôles, expérimenté dans un tiers, novice dans un 2.e tiers, et mixte dans un 3.e tiers

une fois engrené de cette manière, il ne ressentira que des impulsions de justice, tant sur l'ensemble que

sur les détails de répartition aux 3 facultés, capital, travail et talent. C'est pour atteindre ce but que la sollicitude des fondateurs devra se porter sur les moyens d'engrenage des passions : mes instructions à cet égard seront suffisantes si on les suit exactement, si on consent à ne point lésiner sur les frais de semailles d'attraction, sur les moyens de variété fréquente en fonctions, et d'enrôlement à un grand nombre de séries. Il faut que chacun soit entraîné à les parcourir successivement, à quitter une série pour entrer dans une autre, en restant sociétaire émérite, et adjoint auxiliaire aux séries quittées. La méthode pour répartir aux groupes d'une série et aux membres d'un groupe est la même que pour répartir aux classes et aux ordres de série ; le mouvement étant, selon l'idée de Schelling (p.e 16 ) miroir de lui-même en tout sens, analogie universelle. Le lot de talent borné à 3/12 et peut-être 2/12, est encore très-copieux, parce qu'il y a dans chaque branche d'industrie, une masse de sectaires novices et dépourvus de titres aux lots de talent

leur nombre est au moins d'un tiers en chaque fonction, souvent moitié, ce qui assure une forte part à l'autre moitié seule rétribuée en talent. Les lots de travail ne présentent pas celte chance, car tout sectaire d'un groupe y travaillant du plus au moins, a droit à une part quelconque ; c'est pourquoi le travail mérite au moins 5/12 du bénéfice ; et il est douteux si on ne 24 370 NOUVEAU MONDE l'élèvera pas plus haut, selon le rapport Travail 3/6, Capital 276, Talent 176. On peut déjà entrevoir que nos passionssont les rouages d'une mécanique où règne la justesse mathématique. Je n'ai point eu recours aux systèmes pour surmonterla difficulté en répartition, je me suis borné à appliquer au jeu des passions, les règles élémentaires de mécanique et d'arithmétique, la balance et la serie, ce qui est la même chose ; car la balance est comme la série, un accord de deux forces extrêmes faisant contrepoids à la double force moyenne. Si chacune des balances doit porter un quintal, il faut que le fléau puisse porter deux quintaux. Les détracteurs prétendent que ma théorie repose sur des idées extraordinaires , bizarres, abstruses; qu'y a-t-il de plus ordinaire, que les théorèmes élémentaires de mathématiques ? le calcul de la mécanique des passions sera étayé en tout sens de ce genre de preuves; la nouvelle science de l'attraction passionnée est dans tous ses détails coordonnée aux mathématiques; les passions, lorsqu'on les distribue parséries, sont les mathématiquesen action : par exemple : les propriétés des 4 courbes élémentaires, nomméessections coniques, sont très-exactementles types des propriétés des 4 groupes distingués en mode majeur et mineur

MAJEUR. Amitié, cercle, MINEUR. Amour, ellipse, Ambition, hyperbole. Paternité, parabole. En conséquence, ma théorie loin de tomber dans l'esprit systématique, est au contraire la première et la seule qui ait évité ce vice, et rallié l'étude des passions à des principes puisés dans la nature. Elle ouvre enfin la voie de ces équilibres si vainement rêvés par la philosophie, car on a vu ci-dessus dans le mécanisme de répartition, la propriété D' absorber la cupidité individuelle dans les intérêts collectifs de chaque serie et de la phalange entière, et d'absorber les prétentions collectives de chaque série, parles intérêts individuels de chaque sectaire dans une foule d'autresseries. INDUSTRIEL. V.e S. 371 On peut réduire ce brillant effet de justice à deux impulsions, dont l'une milite en raison directe du nombre de séries que fréquente l'individu , et l'autre en raison inverse de la durée des séances de chaque série. I.° En raison directe du nombre de sériesfréquentées. Plus ce nombre est grand , plus l'individu se trouve intéressé à ne point les sacrifier toutes à une seule , mais à soutenir les droits de 40 compagnies qu'il chérit, contre les prétentions de chacune d'entr'elles. 2.°. En raison inverse de la durée des travaux. Plus les séances sont courtes et rares, plus l'individu a de facilité à s'enrôler dans un grand nombre de séries, dont les influences ne pourraient plus se contrebalancer, si l'une d'entr'elles, par de longs et fréquens rassemblemens, absorbait le temps et la sollicitude de ses sectaires , et les passionnait exclusivement. Dans ces équilibres de mécanisme des séries , observons que la boussole est UNE, c'est toujours la déférence rigoureuse au voeu des trois passions rectrices , développées de manière à se satisfaire l'une par l'autre

la Papillonne, par la plus grande variété possible en fonctions attrayantes ; la Cabaliste, par le classement trinaire des intrigues de séries ( 76 ) , leur contraste méthodique, et l'échelle bien nuancée des espèces et variétés

la Composite, par le double charme , les miraclesredoublés d'où naît le bonheur composé ( 331 ). Voyez le Chapitre d'une journée de bonheur, 10.e notice. Je n'ai décrit dans ce chap. 34 que l'équilibre direct, il sera un peu incomplet la 1.re année ; le défaut d'expérience et les lacunes d'attraction causeront quelques irrégularités

mais la force des accords intentionnels y sup- pléera amplement, et l'on arrivera, au bout de deux ans, à des données expérimentales et certaines, sur tous les détails relatifs à l'accord en répartition. Les moyens qu'on vient de lire sur l'accord direct, ont besoin de deux appuis qu on va trouver dansles deux chap. suivans , où je traite de l équilibre indirect et des ralliemens d'antipathies. 24. 372 NOUVEAU MONDE CHAP. XXXV. De l'accord inverse en répartition, ou équilibrepar générosité. DISTINGUONS les deux accords direct et inverse. L'accord par cupidité est DIRECT, parce qu'il naît de la 1.re passion qui dirige l'homme en partage de bénéfices; il naît de l'impulsion d'égoïsme que lesidéologues nomment le MOI, sur lequel ils asseient leurs systèmes. Ce moi, cet égoïsme, est très-odieux en civilisation, où il ne pousse qu'à la rapine et à l'injustice. Nos sciences métaphysiques ont illustré ce moi égoïste, au lieu de cherchera lui substituer un moi équitable. Tel est leur usage : vanter chaque vice dominant pour sedispenser d'en trouver le remède.Quand on encense l'anarchie commerciale et mensongère, on peut bien faire par système l'apologie de l'égoïsme. Venons à l'accordindirecten répartition. La nature ne se borne jamais à un seul ressort en équilibres; la générosité qui va fournir le 2.e ressort, donnera un accord opposé à l'impulsion naturelle qui nous fait désirer la plus forte part, ou tout au moins la portion due à notre industrie. Je vais traiter d'un sentiment généreux qui, fondé sur ce que les réunions de travail ont été desséances de plaisir, excite le riche sociétaire à refuser ce qui lui est dû pour coopération à ces séances. On verra naître de cette impulsion, des accords magnanimes et géométriquement disposés, ainsi que les précédens. C'est l'application du fameux théorème newtonien sur l'équilibre de l'univers, en raison directe des masses, et inverse du carré des distances. Je vais décrire cet accord dans un petit groupe de 10 individus;A, B, C, D, E, F, G, H, J, L. Je les suppose exerçant en culture de fleurs : leur travail a été rétribué à 216 fr. d'où résultent les lots suivans, provenant du travail seulement et non du capital ni du talent qui forment deux lots à part. INDUSTRIEL. V.e S. 373 A et B quoique opulens obtiennent des lots copieux ; ce n'est point par faveur; les plus riches sont quelquefois ceux qui ont le plus travaillé et le plus mérité

tout se

faisant par passion, ce n'est pas le besoin qui est mesure du travail. A et B gens fortunés,déclarent qu'ils s'en tiennent au revenu de leur capital et qu'ils neveulent pas être payés pour un travail fait par plaisir, avec des amis qui servent leur culture favorite ; ils n'acceptent que le minimum ou 8.e de leur lot, car l'usage défendra de refuser le tout. Ce minimum est 4 fr.

il reste de ces lots deux sommes de 24 et 28 à distribuer, = 52. C et D opinent dans le même sens, mais moins riches ils se bornent à recevoir moitié. Reste deux sommes de 12 et 8 à répartir, = 20 + 52, total 72, qui tourneront au profit des sociétaires pauvres, dans la proportion suivante; E, 24

F, 18
H, 12 :

,J, 9 : L, 9 , d'aprèsscrutin. Il résulte de cette générosité, que les gens pauvres, lorsqu'ils ne se sentent pas fondés à obtenir les lots supérieurs, aiment à les faire allouer aux riches; car ces lots reviendront indirectement aux pauvres et à leurs enfans. On voit qu'ici les enfans H et J que je suppose pauvres, obtiennent deux lots de supplément, 12 et 9 fr., sur la portion abandonnée par les riches. L'aspirant L en reçoit de même une petite part dont il peut avoir besoin. En supposant qu'un enfant pauvre obtienne dans une trentaine de groupes ce supplément d'environ 12 fr. , ce sera 360 fr. en sus de ses bénéfices, et trente motifs pour le père de s'affectionner aux riches. La principale part est donnée à G sectaire qui ne tient qu'un rang médiocre en industrie: c'est un lot de faveur, usage d'harmonie ; on y tient à se livrer à ses passions, 374 NOUVEAU MONDE en dépit de la morale : un groupe, une série, ont toujours, favori ou favorite. Je suppose que G est une fameuse vestale, ornement de la contrée ; les riches A et B se plaisent à l'attirer à leur travail préféré, les pauvres l'aiment également; tous les groupes la recherchent. Peut-être ne lui revenait-il qu'un lot de 24 fr., on lui donne celui de 40

mais les riches A et B satisfaits de cette déférence, abandonnent d'autant mieux leurs lots dont les pauvres tirent 72 fr., en compensation de 16 qu ils ont cédé à la vestale Galatée. La faveur, aujourd hui source d'injustice, devient en harmonie une des plus fécondes sources d'accords

aussi établira-t-on en tous degrés des sceptres defavoritisme, en masculin et féminin, depuis le bas degré qui ne comprend qu'une phalange ou canton, jusqu'au degré supérieurou 13.equi est l'omniarchat du globe. On peut voir au traité II, 569, cette répartition indirecte exposée plus amplement, et appliquée à un groupe de 30 personnes qui fournit des accords plus variés, mieux échelonés; mais il suffit de ce petit nombre de 10 pour analyser le mécanisme indirect en répartition. Examinons maintenant la partie géométrique de cet équilibre. Si les plus riches sociétaires ont voulu recueillir le moindre lot possible, si loin de prétendre à la plus forte part en raison de leur fortune, ils abandonnent ce qui leur échoit en sus du minimum, il en résulte qu'ils tendent au luxe, au bénéfice , en raison inverse des distances de capitaux, car ils possèdent la plus forte part de capitaux actionnaires; s'ils ne veulent accepter en lots de talent que la plus faible part de bénéfice, leur tendance au luxe est, sur ces deux points, talent et travail, en raison inverse des distances de capitaux : c'est l'une des deux conditions d'équilibre indirect en répartition. L'autre condition est de tendre au luxe ( 1 .er foyer d'attraction 57.) en raison directe des masses de capitaux. Sur la somme de 4/12 qui sera répartie aux capitaux, les riches actionnaires percevront d'autant plus qu'ils ont plus INDUSTRIEL. V.e S. 375 d'actions , les moyens et les pauvres ne concourant que pour peu au partage de ce lot ; les riches sur ce point, tendent au luxe en raison directe des masses, plus ils sont opulens, plus ils bénéficient. Cette 2.e condition forme le contrepoidsà la I.re, et toutes deux réunies, constituent l'équilibre INDIRECT de répartition conforme à celui du monde sidéral. Dans tout le système de la nature, les équilibres s'opèrent par le concours de forces opposées qu'on nomme en physique centripètes et centrifuges ; l équilibre de répartition a de même son impulsion centripète, celle de la cupidité , et son impulsion centrifuge, celle de la générosité. (Loi d'analogie , page 16. ) Nous voyons l'effet contraire dans tout le mécanisme civilisé , où règne l'absence d'impulsions contrastées. L'homme riche tend et arrive au bénéfice , en raison DIRECTE des masses et DIRECTE des distances de capitaux ; car dans toute entreprise où le riche intervient à la fois, de ses capitaux et de son travail ; comme dans une maison de commerce , une régie de banque publique, enfin dans toute société d'actionnaires; celui qui coopère des deux manières, par gestion active et versement de fonds, veut non-seulement un dividende proportionnel a sa masse d'actions, ce qui est fort juste ; mais il veut encore une levée ou traitement plus fort que celui des commis sans capitaux, à qui pourtant il laisse les plus pénibles fonctions. Il tend donc au bénéfice en raison DIRECTE de la masse de capitaux, et DIRECTE des distances de capitaux ; ce qui constitue l'absence de contrepoids, la subversion du principe d'équilibre indirect, opéré par générosité. Il résulte de ce vice, que le mécanisme civilisé ne peut produire que des monstruosités, que des fourmilières d'indigens à côté de quelques fortunes colossales

aussi, a la honte de nos verbiages de balance, contrepoids, garantie, équilibre, ne voit-on qu'indigence, fourberie, égoïsme et duplicité d'action. 376 NOUVEAU MONDE L'accord que je viens de décrire, la générosité qui ex- citera les gens riches à renoncer aux 7/8 de leurs dividendes en travail et talent, et les gens moyens à renoncer à 1/2 de leur lot

cet accord, dis-je, sera traité de vision

romantique, si on veut en juger d'après les moeurs ac- tuelles. Je réplique à ces doutes que je n'ai pas encore fait connaître les ressorts de cette générosité. D'avance j'ai réfuté l'objection de romantisme, en disant que l'accord direct, celui de cupidité ( chap. précédent), suffira à la 1.re génération d'harmonie et même à la 2.e

je n'en dois pas moins décrire l'accord de générosité, ou accord indirect , pour expliquer en plein le mécanisme sociétaire. On ne pourra établir ce 2.e accord qu'à l'époque où le genre humain passera aux harmonies d'amour libre et paternité libre, d'où naîtront les séries puissancielles et mesurées

expliquons ces mots. On connaît en mathématiques deux sortes de séries. Les arithmétiques; 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 16. Les géométriques

2, 4, 8, 16, 32, 64, 128, 256.

La 2e est puissancielleparce qu'elle est formée de termes qui sont multiples du I .er: dans l'autre, les termes ne sont qu'addition du 1 .er. La 2.e est donc de nature supérieure, comme serontles séries qui réuniront les accords mineurs d'amour libre et paternité libre, aux accords majeurs d'amitié et d'ambition, auxquels l'âge impubère est limité. Lorsqu'on pourra réunir les accords majeurs aux mineurs, combiner le jeu des uns et des autres, les faire intervenir cumulativement dans la répartition, ils donneront en tout sens les harmoniesindirectes décrites dans ce chapitre, et qui, romantiquesselon les moeurs actuelles, seront bienséance obligée et passionnée chez les générations parvenues à la pleine harmonie. Lesséries mesurées dont je ne traite pas dans cet abrégé, ne s' établiront., comme les puissancielles, que lorsqu'on pourra développer combinément les accords mineurs avec les majeurs. On pourra élever sur cet accord indirect plusieurs ob¬ INDUSTRIEL. V.e S. 377 jections, entr'autres celle de défaut apparent d'analogie mathématique, en disant qu'ici l'équilibre est en raison inverse des distances, et non pas inverse du carré des distances. J'ai prouvé au traité, que cette anomalie apparente est une régularité selon l'échelle des créatures. Voyez II, 582, le chapitre qui répond à cette objection et à d'autres. Il reste à parler du lot distinct qu'on affecte au talent

c'est un avantage considérable pour les vieillards peu fortunés, qui sont toujours expérimentés dans diverses branches et précieux dans la direction des travaux, où les jeunes sectaires ne peuvent pas avoir acquis de connaissances notables. L'industrie du talent qui doit établir la balance entre les bénéfices de capital et de travail, n'est parmi nous qu'un marche-pied pour l'injustice, parce que chaque agent supérieur s'attribue les connaissances qu'il emprunte de SON TEINTURIER, d'un subalterne pauvre. Ce 2.e mode de répartition, l'accord par générosité, ou accord indirect, est le ressort le plus efficace pour établir l'intimité des classes riche et pauvre ; elle est à tel point, qu'un monarque, en harmonie, sourirait de pitié si on lui proposait une garde. Ceux qui l'entourent sont tous ses gardiens de coeur et sans aucune solde, ils l'escortent dans le cérémonial auquel il préside ; il a donc sans frais et par pure affection, ce que les monarques civilisés ne peuvent se procurer à aucun prix, la sûreté personnelle ; nos rois civilisés ne se croient pas en sûreté au milieu de leurs sujets, ils s'entourent d'étrangers stipendiés, et sont encore fréquemment assassinés. C'est par l'extrême inégalité des fortunes, qu'on arrive à ce bel accord de générosité : il suffirait d'une ombre d'égalité, d'un rapprochement de fortunes, pour empêcher ce genre d'accord

aucun homme de moyenne richesse ne donnerait l'impulsion en abandon de ce qui

excède le lot de minimum

il faut, pour cet acte bienveillant, des sociétaires assez satisfaits du revenu considérable qui leur échoira en dividende alloué aux actions. 378 NOUVEAU MONDE Ainsi en dépit des diatribes morales contre les grandes fortunes, la phalange où les inégalités de fortune seront les plus grandes et les mieux graduées, sera celle qui atteindra le mieux à la double harmonie de cupidité et de générosité. Combien la pauvre morale était loin de pénétrer ce secret de la nature sur l'harmonie de répartition, comme sur toutes les autres harmonies dont celle-ci est la base ! A la suite de cette solution sur le problème principal d'harmonie sociétaire , je suis fondé à m'élever contre les détracteurs qui prétendent que ma théorie est bizarre, incompréhensible ; on voit qu'au contraire elle est partout exempte d'arbitraire, et appliquée aux théorèmes géométriques , fort intelligibles pour eux , s'il faut les en croire

on ne doit pas s'étonner que cela paraisse bizarre à des écrivainsqui, dans toutes leurs conceptionssociales, n'ont pour règle que leur fantaisie, pour ressort que la contrainte fardée du nom de loi. Lequel est l'interprète présumable de la nature, lequel est digne de confiance et d'essai, ou de leur science qui procédant par violence légale, n'engendre que pauvreté et fausseté, ou de la mienne qui procède par la liberté et l'attraction, et qui borne à un canton d'une lieue carrée, l'essai que ces sophistes veulent toujours étendre à un empire entier, pour n'aboutirsouvent qu'à le baigner dans le sang, au lieu du bonheur dont on l'a leurré. Ici on ne peut craindre aucun leurre, puisque le pis-aller d'un essai des Séries passionnées, serait de doubler le produit par un concours de moyens vraiment neufs , tels que les courtes séances, l'exercice parcellaire, les échelles cabalistiques, l'attraction industrielle qui naît de ces 3 ressorts combinément employés, l'extension de la mécanique, l'emploi opportun des sexes, les économies incalculables de ce nouvel ordre, et le perfectionnementqu'il garantit en tous genres de produits. Tâchez de vous concilier avec vous-mêmes , philosophes l vous vantez Newton comme le premier des génies INDUSTRIEL. V.e S. 379 modernes , parce qu'il a commencé le calcul de l'attraction, en se bornant à une branche ; pourquoi déprimer l'homme qui continue ce calcul, et qui l'étend du matériel au passionnel, branche bien autrement utile que celle qu'a traitée Newton. Vos encyclopédistes vantent la série et prennent pour devise, tantùm seriesjuncturaque pollet : ils se déclarent donc partisans des séries et de l'application des séries aux relations sociales, ils invoquent la science que j'apporte, le moyen d'établirSÉRIE ET LIEN dans toutes les branches du mécanisme social. Vous vantez l'analogie comme règle de justesse, je suis le seul qui observe cette règle ; ma théorie est la seule qui soit calquée sur les lois immuables de la nature, sur les harmonies mathématiques; il n'est pas un théorème de géométrie qui ne soit applicable à l'attraction passionnée ; pas une branche d'analogie dont ma théorie ne donne la clé. Mais vous craignez que cette nouvelle science ne nuise au trafic de systèmes philosophiques ; rassurez-vous : le but du trafic n'est autre que de gagner, or, pourvu que vous arriviez tous à une fortune subite, que vous importe quelssystèmes on vendra ? Du reste , pour jugersainement sur ce qui touche à vos intérêts pécuniaires, attendez l'explication annoncée deux fois , et renvoyée à la postface ; elle vous convaincra que votre industrie actuelle est un champ de ronces. Vous vantez l'esprit d'association

puisque vous avez l'art d'écrire et non d'inventer, sachez vous associer à quelqu'un qui ait l'art d'inventer et de vous fournir des sujets, vous ouvrir la mine des sciences vierges, plus nombreuses que les sciences connues. CHAP. XXXVI. Des accords trariscendans, ou railiemens des seize antipathies naturelles. EN traitant de l'accord indirect de répartition(accord par générosité), j'ai annoncé des moyens très-puissans et trèsinconnus qui y coopéreront ; je vais en donner un aperçu 380 NOUVEAU MONDE fort insuffisant. (Voir de plus amples détails sect. II, 7.) Le créateur tient tellement à établir l'harmonie des passions, qu'il nous a ménagé des moyens d'accords sur- abondans, afin que les concerts sociaux soient poussés au degré d'enthousiasme véhément. De tous les accords inconnus en civilisation , la branche la plus riche est celle des ralliemens, art de concilier les classes les plus antipathiques, telles que riches et pauvres en relations d'amitié

jeunesse et vieillesse en relations d'amour. On obtient tous ces ralliemens dans l'ordre sociétaire, par la seule influence du nombre et des Séries passionnées appliquées à des masses de 16 à 1800 personnes. Le régime civilisé produit par exception quelques ralliemens

par exemple en amour, on voit les grands s'humaniser avec une réunion de petites bourgeoises. Il s'agit

de créer, dans toutes les relations, ce rapprochement de classes extrêmes et divergentes, les amener à une pleine intimité, malgré les antipathies, les disparates de fortune et de rang. J'ai observé que le moyen est très-facile , puisqu'il ne tient qu à opérersur des massestrès-nombreuses,pourvu qu'elles soient organisées en Séries passionnées. Dans ce cas les passions les plus inconciliables aujourd'hui, s'élèvent au plein accord. J'en vais donner la preuve , tirée de quatre antipathies ralliées

une en amitié, une en am- bition

, une en amour, une en paternité. AMITIÉ. C'est un sujet que j'ai traité aux articles de la Domesticité passionnée, 325, 291. J'y ai prouvé que le service personnel qui est, dans l'état actuel, une source de haines, peut devenir un germe d'amitié, même entre les personnages et les âges les plus disparates. AMOUR. Ce groupe , de même que les 3 autres, est su- jet a quadruple antipathie ; si je les distingue en simple directe , composée directe, simple inverse , composée inverse

il suffira de cet appareil méthodique pour épouvanter le INDUSTRIEL. V.e S. 381 lecteur

je vais me borner à décrire une des quatre sortes de ralliement, sans déterminer auquel des genres elle appartient. Valère est âgé de 20 ans, Urgèle de 80. Si elle aime Valère, elle trouvera chez lui antipathie naturelle en amour. Voyons comment les liens de circonstance vaincront cette répugnance, en y opposant4 liens affectueux

2 liens amicaux A, et 2 liens fédéraux F. A. I.° Valère est sectaire de 40 groupes, dans plusieurs desquels il se trouve en relation très-intime avec Urgèle. Dès l'âge de 5 ans, il s'est enrôlé au groupe des hyacinthes bleues , il y excelle, et il doit son talent à Urgèle, présidente du groupe ; elle a été son institutrice passionnée, elle lui a enseigné tous les raffinemens de l'art. A. 2.° Valère a des prétentions en gravure , il est vanté dans ce genre d'industrie

c'est encore à Urgèle qu'il doit ce trophée. Doyenne de ce groupe, elle a pris plaisir à instruire cet enfant en qui elle a reconnu, dèsle bas âge, d'heureuses dispositions. F. 3.° Valère a du goût pour une science fort inconnue en civilisation, l'algèbre d'amour, ou calcul des sympathies accidentelles en amour : c'est l'art d'assortir passionnément une masse d'hommes et une masse de femmes qui ne se sont jamais vus ; faire en sorte que chacun des cent hommes discerne d'emblée celle des cent femmes pour qui il éprouvera amour composé, convenance parfaite des sens et de l'âme, sympathie de circonstance en rapports de caractère et en fantaisies accidentelles. Cette science exige une longue pratique jointe à la théorie. Urgèle qui est la plus experte des sympathistes du pays, instruit Va- lère; c est sur elle qu'il fonde son espoir de succès dans ce genre de science, voie de célébrité et de fortune en régime sociétaire. F. 4.° Valère désire d'être admis à une armée indus- trielle de 9.e degré, (environ 300,000 âmes dont 100,000 femmes ,) qui va faire campagne sur le Rhin , y cons- truire, dans le courant de la belle saison, des ponts, des 382 NOUVEAU MONDE encaissemens, et y donner chaque soir des fêtes magnifiques. Pour s'y faire admettre, il faudrait que Valère eût fait 8 campagnes, il n'en compte que 2 ; il est inadmissible à une armée de 9.e degré hors les cas d'exception. Urgèle occupe le poste de Haute Matrone , ou Hyperfée de l'armée du Rhin , exerçant le ministère des sympathies accidentelles pour les 300,000 hommes et femmes. Elle déclare que Valère lui sera utile dans telle branche de travail ; c'est cas d'exception pour lui, il sera admis à cette belle armée quoiqu'il manque de titres ; il part, comme attaché aux bureaux de l'Hyper-fée. Voilà entre Valère et Urgèle quatre liens de ralliement, tendant à absorber la répugnance naturelle

deux liens amicaux A pour les services passés, deux liens fédéraux F pour les services futurs

le résultat sera d'exciter chez Valère, non pas une passion d'amour direct pour Urgèle, mais un penchant de gratitude, affinité indirecte, lien neutre qui tiendra lieu d'amour, et conduira au même but. Urgèle obtiendra Valère par pure affection. Les 80 ans ne seront point un obstacle pour Valère habitué avec Urgèle dès le bas-âge ; la jeunesse est intrépide en amour, lorsqu'elle a des stimulanssulfisans; et Valère le premier déclare à Urgèle qu'il s'estimera heureux, s'il peut se reconnaître de tout ce qu'il lui doit. Il ne deviendra pas pour elle un amant habituel, mais elle aura quelque part à sa courtoisie ; ce sera pour Urgèle une conquête dégagée d'intérêt, de motifsordide, et bien différente de celles que peut faire aujourd'hui une femme de 80 ans, qui n'obtient un jeune homme qu'à force d'argent, et ne peut se procurer aucun AMOUR COMPOSÉ, lien satisfaisant pour l'âme et les sens. ( Nota. Observons que dans ce ralliementje spécule sur une belle vieillesse comme celle d'harmonie, où l'on verra des femmes courtisées ainsi que Ninon après 80 ans, et des vieillards aussi verds que le valaisan SUMMERMATTER qui eut des enfans à la suite d'un mariage contracté a 100 ans.) On voit des philosophesanticipersur ces harmonies INDUSTRIEL. V.e S. 383 futures; le moraliste Delille Dessales, auteur de la soi-disant philosophie de la nature, s'est marié à 77 ans avec une jouvencelle de 17 ans. La différence d'âge n'était que de 60 ans, voilà nos vraissages, exempts de passions, oracles de raison, régénérateurs de la perfectibilité perfectibilisante. On a pu remarquer dans ce lien amoureux d'Urgèle et Valère, quatre moyens de ralliement, qui ont absorbé l'antipathie naturelle et l'ont transformée en sympathie très-active. Le ralliement serait déjà suffisant, quand il serait borné à deux absorbans au lieu de quatre ; c'en se- rait assez pour créer le charme composé, chap. XXXI. La génération actuelle ne sera pas suffisamment pourvue en ressorts d'harmonie, pour opposer ainsi quatre absorbans à chacune des antipathies naturelles; mais on pourra approcher plus ou moins du but, mettre en jeu deux absorbans; cela sera déjà très-brillant dans un début; c'en sera assez pour faire entrevoir les prodiges de l'harmonie future, et ébaucher dès cette génération un système de ralliemens réguliers, contrebalancés, opérant l'absorption des rivalités et antipathies collectives de chaque classe, par les accords que forment ses individus disséminés dans divers groupes où ils ont leurs antipathiques pour coopérateurs passionnés et directs, comme Valère et Urgèle, ou indirects, comme Géronte (341). Il reste à décrire deux ralliemens, en ambition et en paternité : je vais les appliquer à des antipathies plus fortes encore que celle d'amour entre âges de 20 et 80 ans. Traitons d'abord de l'ambition et de ses caractères haineux. Il existe en civilisation seize classes, non compris l'esclavage; II, 486. On voit régner parmi toutes ces classes, des haines corporatives; l'ordre civilisé, avec ses ver- biages de douce fraternité du commerce et de la morale, n engendre qu'un labyrinthe de discordes qu'on peut dis- tinguer en échelle ascendante de haines, et échelle descendante de mépris. 384 NOUVEAU MONDE Observons cette échelle dans les cinq classes nommées la cour, la noblesse, la bourgeoisie, le peuple et la populace ; les cinq castes se haïssent, et chacune des cinq est subdivisée en troissous-castes, comme haute, moyenne et basse noblesse ; haute, moyenne et basse bourgeoisie, etc.: la haute méprise la moyenne qui à son tour meprise la basse ; puis la basse hait la moyenne qui réciproquement hait la haute. Examinons plus en détail ce ricochet de haines en échelle ascendante, et de mépris en échelle descendante. La noblesse de cour méprise la noblesse non présentée ; la noblesse d'épée méprise celle de robe

les seigneurs à clocher méprisent les gentillâtres; ceux-ci méprisent les parvenus anoblis, qui méprisent les castes bourgeoises. On retrouve dans la bourgeoisie pareille échelle de mépris ; les banquiers et financiers méprisés des nobles, s'en consolent en méprisant les gros marchands et gros propriétaires; ceux-ci tout fiers de leur rang déligibles, méprisent le petit marchand et le petit propriétaire qui ne sont qu'électeurs, mais qui à ce titre méprisent les savans et autres castes moins pécunieuses; ensuite la basse bourgeoisie méprise les 3 castes de peuple dont elle se pique d'éviter les manières; enfin parmi le peuple et la populace, combien de subdivisions haineuses, telles que les compagnons du devoir et du gavot ! Telle est la douce fraternité du commerce et de la morale ; tel est le savoir faire de nos sciences philantropiques; ricochet de mépris des supérieurs aux inférieurs, et ricochet de haines, des inférieurs aux supérieurs. Lorsqu'on voit en civilisation, quelques lueurs de ralliement entre castes, comme à Naples où. la noblesse protège les lazarons, en Espagne où le clergé riche protége les mendians , cette alliance de castes extrêmes n'est qu'une source de vices, l'état civilisé ne créant que des ralliemens subversifs et malfaisans, soit en amour, où les rapprochemens entre les grands et lesfemmes du peuple, ne sont que des germes de désordre, par la naissance INDUSTRIEL. V.e S. 385 d'enfans bâtards, ou par des mariages disparates qui brouillentles familles

soit en ambition, où la classe opu- lente ne se rapproche du peuple que pour machiner des intrigues funestes au repos public, des affaires de parti, des ligues d'oppression. Il s'agit de rallier, pour le bien , toutes ces castes hétérogènes, surtout en débats d'ambition ; posons sur ce sujet un principe fort neuf, c'est que les hommes civilisés, même les plus insatiables de pouvoir, de conquêtes et de richesses, n'ont pasle quart de l'ambitionnécessaire en harmonie. Après la chute de Bonaparte, on cita de lui, comme acte de démence , une médaille qu'il avait fait frapper à Moscou, et qui portait en exergue : Dieu au ciel et Napoléon surla terre : il voulait donc laisser à Dieu l'empire du ciel, et s'emparer de celui de la terre ; prétention bien ef- frayante pour des Français, qui n'osent pas convoiter uneprovince française placée à sept marches de leur capi- tale; (Liège tesde langage et de circonscription française. L intention de monarchieuniverselle, décelée par cette médaille , est ce qu'il y a eu de plus sensé dans les vues de Bonaparte. Chaque harmonien , femme ou homme, sera élevé dès l'enfanceà ambitionner l'empire du monde : on regardera comme pauvre sujet, eunuque politique ! celui ou celle qui inclinera à se contenter d'une souve- raineté subalterne comme le trône de France. La thèse peut sembler bizarre au premier coup d'oeil

son examen va nousservir à expliquer l'un des beaux ral- hemens d'ambition que j'ai annoncé en disant, 355 : Rien n est plus aisé que de concilier César et Pompée. On y réussira par la variété et la multiplicitédessceptres qui ouvriront à chacun une carrière adaptée à son génie. César et Pompée régneront tous deux peut-être au même neu, mais dans des emplois différens, et en degrés diferens, 271. Voyez sur les emplois ou titres monarcaux ta note 1. Lessceptres , en harmonie , sont de 16 espèces ou titres , for¬ 25 386 NOUVEAU MONDE Ces sceptres, en tous titres et en tous degrés, seront une chance ouverte à tout homme ou femme, sans en excepter le titre héréditaire, comme celui des monarques civilisés, et le titre adoptif, dont nossouverains n'ont pas la faculté d'user, privation qui les rend souvent très-malheureux ; c'est le tourment de leur vieillesse. Le souverain et la souveraine en titre héréditaire devant choisir un géniteur ou une génitrice dans chaque division territoriale de leur domaine, à tour de rôle, mant 16 emplois différenciés par autant de trônes

le titre d'hérédité, le titre d'adoption , le titre de favoritisme , le titre de vestalat, le titre de sibyl ou d'éducation, le titre de roitelet ou d'enfance, etc., etc. Dans chacun de ces emplois ou titres, on distingue ( 271 ) 13 degrés ou échelons, occupés par une échelle de souverains, dont le plus élevé régit le globe entier; le moins élevé ne régit qu'une phalange ; et les 11 degrés intermédiaires ont des régies d'étendue progressive, depuis une phalange seule jusqu'à la totalité du globe (271) ; de sorte que dans le degré l borné à la régie d'une phalange, il y aura 500, 000 couples de titulaires au début de l'harmonie, puisqu'il y aura 500, 000 phalanges ; et chacun des sceptres assignera aux femmes des fonctions distinctes , au lieu de les réduire comme aujourd'hui à une souveraineté nominale , honoraire et sans fonctions. ; Dans cette échelle d'emplois et degrés d'emplois, il sera bien facile de concilier des rivaux tels que César et Pompée, car l'un peut être élu en titre de favori, l'autre en titre d'artiste, etc., etc. ; ils sont d'un génie trop différent pour courir la même carrière. Enfin l'un peut régner en titre électif, l'autre en titre héréditaire. Tous deux (et tous quatre, s'ils sont quatre rivaux) pourront régner dans Rome, soit en mêmes titres et en divers degrésI.er, 2.e, 3.e, etc. ; soit en mêmes degrés et en divers titres. Les éclaircissemens sur ce sujet exigeraient au moins une douzaine de tableaux sur les degrés(271), les titres, les variantes, les croisemens et autres chances qui satisfont tous les caractères et toutes les prétentions : ce n'est pas dans un abrégé qu'il convient de s'engager en pareil détail. Voyez I, 286. INDUSTRIEL. V.e S. 387 chaque harmonien peut espérer que ce choix tombera sur lui

ou s'il est âgé, sur l'un de ses fils ou petits-fils.

D'autre part, tout monarque héréditaire ayant la faculté d'élire un successeur partiel, à son choix, pour succéder à certaines branches de la souveraineté, chaque harmonien peut encore prétendre à cette dignité adoptive, moyennant laquelle ni le prince ni les citoyens ne sont lésés comme en civilisation, où les citoyens ne peuvent pas prétendre au trône par alliance, tandis que le monarque ne peut pastransmettre à qui lui plaît, son sceptre ou partie de ses fonctions monarcales. Mais où puiser les trésors nécessaires à payer tant de têtes couronnées ? J'ai dit à ce sujet, 271, qu'on ne paie pas les degrés 1, 2, 3, 4, 5, de chaque titre , saufles frais de localité

le traitement ne s'étend qu'aux degrés 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, et pivotai, qui sont peu coûteux par leur petit nombre, car le n.° 6 régissant environ 500 phalanges, est 500 fois moins nombreux que le n.° 1. L'économie va croissant sur le n.° 7, qui régit environ 1700 phalanges, le n.°8 environ 7000, le n.° 9 environ 20000, le 10, 83000

le II, 250000. On n'aura au début point de monarques en 12.e degré qui régirait environ 1000000 de phalanges ; il n'en existera que 500000. On établira donc un couple seulement en degré 11, 3 couples en degré 10, puis 12 couples en degré 9, et ainsi de suite en chacun des 16 titres. Cette échelle s'élèvera aux degrés 12 et lorsque la population du globe sera portée avec le tems au complet de 5 milliards. Le traitement monarcal se compose d'une somme prélevée sur toutes les phalanges à l'époque de l'inventaire, avant répartition, et sans déboursé de la part du peuple qui tient fortement à cet impôt

il y trouve une chance de loterie perpétuelle et coups de fortune, presque sans avoir mis au jeu, car cet impôt frappe sur les capitaux dont le peuple ne possède qu'une faible part, et sur le lot de talent, qui est l'apanage de la vieillesse plus riche que la jeunesse. 25. 388 NOUVEAU MONDE Grâce à la perspective de ces souverainetés, presque toutes éligibles, un jeune homme, une jeune fille peuvent se flatter de devenir monarques du globe, élus de I.er degré (omniarques)

un père augure aisément que

ses enfans obtiendront cette dignité en quelque titre et en quelque degré, sinon en omniarcat, au moins en 2.e degré qui règne sur un tiers du globe, ou en 3.e degré qui règne sur un douzième. D'ailleurs il est tant de sortes et degrés de sceptres à obtenir, qu'on peut raisonnablement nourrir des espérances. Telle jeune fille peut avoir des sceptres à titre de roitelette, dès l'âge de douze ans, ensuite des sceptres de vestale, à 16, 17, 18 ans ; puis des sceptres de faquiresse à 20 ou 25 ans, ensuite des sceptres d'armée, de haute paladine, d'hyperfée; puis des sceptres en titres de sciences et d'arts. Il en est même une espèce, le titre de CARACTÈRE , qui est donné par la nature(Voyez chap. 37), et qui échoira nécessairement à ceux qu'elle aura doués du degré spécial de caractère. Chacun peut donc, sans trop d'illusion, se persuader que lui ou ses enfans atteindront à quelqu'une des couronnes supérieures. Tel qui n'a pas le talent de devenir le plus grand poète ou le plus grand peintre, peut espérer que son fils y parviendra, et obtiendra les trônes attachés à ce rôle, sceptres qui ne sont qu'annuels ou biennaux , afin qu'on puisse en gratifier successivement tous ceux qui en sont dignes. Dans un tel ordre, chacun pouvant à tout instant compter sur d'agréables surprises, comme de voir son enfant, son ami, promu à un trône de haute importance, il conviendra de désirer beaucoup, d'ambitionner les sceptres du monde et non pas un trône de moyen ordre comme celui de France. Nousraillerions celui qui ambitionnerait de devenir un poète médiocre, un peintre médiocre ; l'artiste doit et devra aspirer au 1.er rôle et par conséquent au trône du monde, lorsque diverses couronnes en tous degrésseront le prix des arts et des sciences. Il suit de là que ceux qui ont ambitionné l'empire du monde, comme INDUSTRIEL. V.e S. 389 Alexandre, César, Bonaparte, ont été les plusrapprochés de la nature. Ce ne sont pas nos passions qu'il faut critiquer, mais la civilisation qui ne leur ouvre aucune carrière , surtout en ambition ; un homme aujourd'hui ne peut pas s'élever au-dessus du rang de ministre amovible ; encore en voit-on cent y échouer pour un qui y réussit : quelle pauvreté en chances laissées aux ambitieux ! Une autre branche mal à propos critiquée dans l'ambition populaire, est celle des coups de fortune par loterie ou incidensromanesques. Le peuple est destiné à ce genre de jouissance ; chaque jour un plébéien pauvre pourra , soit pour lui, soit pour ses enfans ou amis, obtenir quelque rang éminent, quelque bonne fortune inespérée ; c'est une loterie où on ne peut que gagner sans y perdre, et où il survient périodiquement pour chacun, des aubaines de bonheur ; par exemple : une petite fille de 11 à 12 ans, est nommée maréchale des Petites Hordes en tel empire, comprenant 3 à 4 califats comme la France ; nomination d'autant plus honorable qu'elle provient du suffrage d'environ vingt millions d'enfans dont nulle intrigue ne peut capterla majorité. C'est pour elle un acheminement à la place de haute roitelette du globe, qu'elle pourra obtenir l'année suivante, par quelque action d'éclat. Le traitementquoiquemodique,sera déjà une haute fortune pour l'enfant; si elle obtient à 12 ans un honoraire de 3 francs par vingt mille phalanges dont elle est maréchale pour un an, c'est 60,000 fr. ; si à 13 ans elle est nommée haute roitelette au traitement de 1/2 franc, c'est 250,000 fr. fournis par les 500,000 phalanges du globe, haute fortune pour une enfant pauvre. Le peuple aime à se repaître de ces espérances, de ces loteries de dignités pour lui et les siens. Tous ces coups de fortune étant en harmonie le prix du vrai mérite, stimuleront les pères et mères à exciter chez leurs enfans l'amour des sciences, des arts, de l'industrie honorable, et des hauts faits en tous genres. La classe inférieure se réjouira de voir une petite somme d'impôts 1/50 du bé¬ 390 NOUVEAU MONDE néfice, applique au traitement de ces nombreuses fonctions en souverainetés, ministères, généralats masculins, féminins et enfantins ; dignités dont les enfans comme les pères goûtent le charme à tout âge ; une petite fille enfant est promue aux dignités dès l'âge de 12 ans, elle et son père en concluent qu'elle pourra, douze ans plus tard, devenir favorite du globe. 1 Les choix, en favoritisme, ne se fondant que sur la préférence aveugle, il faut savoir charmer une région, un empire, un césarat, le monde entier représenté dans les grandes armées et congrès d'une cinquantaine d'empires. La jeune femme qui sait mettre cinquante armées à ses pieds est élue favorite du globe. Tous les moyens innocens, talent, beauté, amabilité, lui sont permis; elle peut même, selon la décision de SANCHEZ, 1mettre en jeu lefichu transparent que ce casuiste tolère quand il s'agit de solliciter les juges, et gagner un procès; il le permettra d'autant mieux lors qu'il s'agira de captiver des armées et s'élever au trône du monde. Quelle carrière pour les femmes aimables dont l'empire est si borné en civilisation, et de même pour les hommes distingués par l'esprit ou les talens ! quel moyen puissant de rallier le peuple aux grands et aux grandeurs dont il est aujourd'hui l'ennemi, parce qu'il ne peut pas y participer ! Cette perspective de sceptres et de dignités, (II, 518, note H,) absorbera toutes les haines du peuple contre les castes supérieures; elle opérera un des plus beaux ralliemens en titre d'ambition

je vais en citer un 4.e le plus difficile de tous. 4.° En PATERNITÉ , en affections paternelle et filiale. 1 Est-il probable, dira-t-on, que les souverains consentent à la création de tant de sceptres nouveaux ? Question oiseuse ! Toute disposition d'harmonie est réglée selon le voeu individuel et collectif des souverains et des peuples. Il faut que chacune des souverainetés ou dignités à créer soit aussi agréable au monarque hérédi ¬ taire, que le sont aujourd'hui les fonctions de ministre et de maréchal , dont il n'est pas plus jaloux que le pouce ne l'est des autres doigts qu'il ne veut pas faire couper pour assurer sa supériorité. INDUSTRIEL. V.e S. 391 C'est un sujet qu'il n'est pas possible d'abréger exactement ; je ne puis que l'indiquer, en renvoyant au traité, II, 527 à 540, encore bien succinct sur ce problème. Décrivons des faits avant de poser des principes. Il faut spéculer sur des hommes de 140 à 150 ans : l'harmonie en donnera un sur douze. On en voit des a présent ; dernièrement la revue britannique a cité une cinquantaine d'individus de 140 à 180, tous d'époque assez récente. Ithuriel décédé à 150 ans a vu sa 7.e génération ; en tout 120 descendans à mentionner au testament. N'ayant en 1 .er degré qu'un fils et une fille déjà enrichis, il donne de fortes parts aux 6.e et 7.e descendans. S'il léguait tout à sa I.re génération, il exciterait les six inférieures a désirer la mort de la I.re. Il donne à sa lignée des 7 degrés, une échelle d'environ 120 legs, comprenant moitié de sa fortune ; les deux autres quarts sont répartis entre une centaine d'adoptifs industriels qu'il a titrés dansle cours de sa vie, et une centaine d'amis et collatéraux , y compris ses épouses qui sont riches et n'ont pas besoin de fortes hoiries. L'héritage ainsi distribué se répartira indirectement sur la phalange entière, car il échoit à plus de 300 personnes dont chacune peut avoir dans la phalange, soit en consanguins, soit en adoptifs, 5 à 6 héritiers autres que les 300 d'Ithuriel. Au moyen de ce ricochet, la succession se distribuera avec le temps entre les 1800 sociétaires.Et lors même qu'un huitième d'entr'eux serait excepté de celte participation, l'hoirie serait encore distribuée unitairement, puisqu'elle s'étendrait, par voie indirecte, aux 7/8 qui en mouvement sont comptés pour le tout. D'ailleurs ce 1/8 exclus participera aux héritages de quelques autres gens riches. Si donc la phalange contient 40 riches, tout pauvre les considère en masse, comme ses donateurs, car il peut espérer de 35 d'entr'euxune portion d'hoirie, soit directement soit indirectement ; et il devient partisan des gens riches, quand il peut se croire participant à l'hoirie de 35 riches sur 40. C'est le point où il faut at¬ 392 NOUVEAU MONDE teindre pour établir l'équilibre dans l'affection familiale en faire une voie de ralliement entre inégaux. Il n'y a équilibre dans une passion qu'autant qu'elle est développée de manière à contenter la masse de population, col- lectivement et individuellement. Mais pour amener les relations de famille à ce point, il faudra combiner avec le régime des séries, une longévité qui ne naîtra que par degrés en 7 à 8 générations. Jusque là on se bornera à des approximations de mécanisme. La morale nous engage à nous considérer comme une grande famille de frères : c'est un verbiage vide de sens. Lazare, jeune homme très-pauvre, peut-il considérer comme frère le riche patriarche Ithuriel, s'il n'obtient de la grande fortune de ce patriarche aucune parcelle, ni en héritage, ni en autres prestations. Lazare peut en harmonie espérer ces avantages ; il est peut-être l un des descendans directs

ou des adoptifs continuateurs d'Ithuriel, ou l'un des collatéraux, ou l'un des hé- ritiers indirects
en attendant, Lazare se rencontre avec Ithuriel dans divers groupes ou ilssont collègues, et dans les repas que ce vieux magnat donne à ses groupes, à

titre de doyen, vétéran d'une industrie où il a brillé et dont il aime à s'entretenir. Lazare qui aujourdhui n'obtiendrait pas les miettes e la table de ce riche, deviendra en harmonie, participant à sa fortune ; il aura pour lui des sentimens de frère, et de même pour d'autres magnats de la phalange sur qui il fondera pareille espérance : quant à présent, azare peut-il ressentirquelqueaffection fraternelle pour des égoïstes de qui il n'a rien à attendre , ni au présent ni à l avenir ? les philosophes nous disent que tout doit être lié dans un bon système ; eh ! quel lien peuvent-ils voir entre les riches et les pauvres, dans leur civilisation toute pétrie de haines et d'égoïsme ? Un des effets a obtenir en ralliement de paternité, est a franche affection de l'héritier, le désir sincère de proonger la carrière du donateur. Il n'est guères en civili¬ INDUSTRIEL. V.e S. 393 sation de côté plus dégoûtant que les sentimens secrets des légataires pour leurs bienfaiteurs. L'état actuel met aux prises l'affection et l'intérêt ; il est clair que les 9/10 des héritiers n'écouteront que la voix de l'intérêt, et souhaiteront un prompt départ à celui dont ils attendent l'hoirie. D'autre part la civilisation habitue chaque père à oublier tout sentiment de philanthropie et de charité, pour enrichir sa lignée directe, ne voir le monde social que dans cette réunion d'enfans, et souvent dans un aîné à qui l'on immole les cadets et les filles. En tout pays où les pères ne sont point réprimés par la loi, ils exposent et vendent leurs enfans, ils les jouent aux dés, ils les mutilent par la castration, pour en faire commerce. Le ralliement familial doit remédier à cette double dépravation des pères et des enfans; le problème est : détablir entre les testateurs et les légataires, soit consanguins, soit adoptifs, une affection assez vice pour que l'héritier désire prolonger la vie du testateur qu'il est aujourd'huisi impatient de conduire au monument. Sur ce problème , la solution est la même que celle du ralliement précédent; une loterie de bonnes aubaines, d'héritages périodiques; le plaisird'hériter, si rare en civilisation , devient en harmonie aussi fréquent que le retour des 4 saisons

en effet

quelle que soit la longévité des harmoniens, il en meurt quelques-unschaque année, ne fut-ce qu'un centième, 18 sur 1800 ; il s'en trouvera 3 de haute fortune, 4 de moyenne, 5 de basse , 6 pauvres. Si l'hoirie se répartit, comme je l'ai dit, à 1/8 directement et à 6/8 indirectement, chacun aura dans le cours de l'année, au moins 1 à 2 hoiries directes et 4 indirectes. Il faut cette périodicité d'héritages, dans un ordre de choses qui doit élever à l'infini tous les plaisirs. La soif d'héritages est entièrement calmée par cette dissémination que je viens de décrire; elle habitue le jeune homme à des aubaines périodiques en lots de lignée ou d'adoption. La fréquence de ces récoltes le rend 394 NOUVEAU MONDE d'autant moins avide, qu'il a très-peu de besoins en harmonie où il trouve sans dépense les plaisirs de son âge, la plupart lucratifs pour lui

il s'habitue à considérer les héritages comme fruits successifs dont on attend patiemment les époques. On n'est guères désireux de raisins quand on jouit de la cerise et de la fraise ; mais si on n'avait dans tout le cours de l'année qu'un seul fruit, d'une semaine de durée , on aurait cinquante semaines de vive impatience. Telle est la situation des héritiers civilisés: elle est pire encore pour le grand nombre qui n'a aucune hoirie à espérer. La jeunesse en harmonie n'a rien du caractère ignoble et vorace des légataires civilisés, réduits à souhaiter la mort du détenteur. Un harmonien recueillant chaque année quelque legs ou branche d'héritage, patiente sans peine sur les successions différées; il les envisage comme une réserve assurée, comme les bois dont on diffère la coupe afin d'en augmenter la valeur. Tel un héritier harmonien souhaite, pour son intérêt même, la longévité du testateur qui grossit le trésor; et lorsque l'hoirie lui échoit, il peut dire, avec vérité, j'aurais désiré qu'elle fut différée ; j aurais un ami de plus, et autant en richesse, car il conservait et grossissait ma portion dont je n'ai aucun besoin. Nota. L' afluence de dignités et fonctions publiques produit en harmonie même générosité chez tous les prétendans, aujourd'hui si impatiens de la mort des titulaires. Quand on possède une vingtaine de dignités, on n'est pas avide d'en obtenir une 21e au prix de la mort d'un ami ou d'un supérieur estimé. Résumons sur le ralliement familial, objet des voeux de tous les pères

le thème est, Que l'état sociétaire en donnant à chaque passion le plus vaste développement, ( l'essor en tous degrés I, 394 , ) est assuréden voir naître des gages de concorde générale; et des ralliemens entre les classes les plus antipathiques, riches et pauvres, testateurs et héritiers, etc. INDUSTRIEL. V.e S. 395 Mais pour appliquer ce principe au lien de famille, que de conditions à remplir, et dont la plupart exigeront plus d'un siècle ; telles sont la longévité qui ne sera bien recouvrée qu'à la 8e race harmonienne, et la lignée en majorité, effet à définir. Sur 1800 individus de la phalange, le patriarche Ithuriel est parent de la majorité : ses descendans vivans en ligne directe s'élèvent à 120 ; ses adoptifs au même nombre, total 240, formant au delà du 8e du canton; en y ajoutant les collatéraux de cette lignée directe qui doivent être en nombre quadruple, on a 1200, les 2/3 de la phalange en parens d'Ilhuriel; sa lignée forme la MAJORITÉ ; de sorte que par esprit de famille, il est forcé a désirer le bien public, le bien de toute la phalange dont le tiers, non parent avec lui, se compose d anciens amis et amies, et de leurs enfans. Ici l'intérêt familialse trouve d'accord avec l'intérêt public dont il est sans cesse isolé en régime civilisé. On a vu que ce 4e ralliement, cette fusion de la famille et de l'état, tient à absorber l'esprit de famille , le disséminer, le noyer clans la masse énorme de ses rameaux ; ce qui confirme le principe, que tout ralliement d antipathies s'établit en donnant à la passion de souche, les plus vastes développemens dont elle est susceptible. Cette théorie, je l'avoue, devient très-aride en application au groupe de famille

elle serait excessivement gaie si on l'appliquait au groupe d'amour dont les développemens, lorsqu'ilss'étendent à un grand nombre , au moins un millier d'acteurs, fournissent les combinaisons les plus gracieuses, les plus piquantes qui existent en jeux de passions. Malheureusement cette charmante branche de théorie ne peut pas être exposéeà deslecteurs civilisés

notre politique sociale est trop pygmée, trop

bouffie de préjugés pour pouvoir s'initier à ce nouveau grimoire, j'ai dû, par déférencepour ses opinions, établir un ralliement d'amour sur la plus petite combinaison possible, bornée à deux personnes, quoique les trois 396 NOUVEAU MONDE ralliemens d'amitié, d'ambition et de paternité, s'étendent aux plus nombreuses combinaisons qui sont en amour la voie des hautes harmonies. Mais quoique le ralliement de paternité soit une théorie ardue, il convient de la faire entrevoir, pour garantir au lecteur qu'aucune partie des calculs n'a été négligée ; j'ai dû insister sur cet accord, plus exactement encore que sur les autres accords , parceque le groupe de famille est pivot du mécanisme civilisé où il joue, parmi les 12 passions, le même rôle que JUDAS parmi les 12 apôtres; c'est de ce groupe que nait le vice radical, morcellement etfausseté, c'est donc sur ce groupe qu'il faut porter la coignée, par un régime d'association propre à absorber complettement les influences de la famille dans les intérêts de la masse. En terminant cet aperçu des ralliemens dont je n'ai fait qu'effleurer la théorie, observons que ce genre d'accords est de tous les phénomènes passionnels le plus propre a dissiper les préjugés d'impénétrabilité et de voiles d'airain, car il prouve que pour enlever le voile, il suffisait d'oser sortir de l'ornière philosophique , de ne pas spéculer sur la plus petite réunion domestique, mais sur la plus grande possible ; et y appliquer la distribution recommandée par les philosophesmêmes , tantùm series juncturaquepollet, LA SÉRIE ET LE LIEN ; la série qui est méthode adoptée par Dieu dans toute la distribution des règnes, et d'où naissent les liens les plus sublimes , les ralliemens d'antipathies, les ressorts d'enthousiasmeindustriel et de perfection émulative, lorsqu'elle est appliquée à des masses de 1800 sociétaires. COMPLÉMENT. L'équilibré de population. Parmi les inconséquences et les étourderies de la politique moderne, il n'en est pas de plus choquante que l'oubli de statuer sur l'équilibre de population, sur la pro- portion du nombre de consommateurs, avec les forces INDUSTRIEL. V.e S. 397 productives. En vain découvrirait-on des moyens d'atteindre au quadruple et même au centuple produit, si le genre humain était condamné à pulluler comme aujourd'hui, amonceler toujours une masse de peuple triple et quadruple du nombre auquel on doit se fixer, pour maintenir l'aisance graduée parmi les diverses classes. De tout temps l'équilibre de population a été l'écueil ou l'un des écueils de la politique civilisée. Déjà les anciens qui avaient alentour d'eux tant de régions incultes à coloniser, ne voyaient d'autre remède à l'exubérance de population que de tolérer l'exposition, le meurtre des enfans ; égorger le superflu d'esclaves, comme le faisaient les vertueux Spartiates; ou les faire périr dans les naumachies pour l'amusement des citoyens de Rome fiers du beau nom d'hommes libres, mais fort éloignés du rôle d'hommes justes. Plusrécemment on a vu les politiquesmodernesavouer leur déconvenue sur le problème de l'équilibre de popu- lation. J'ai cité, 46, Stewart, Wallace et Malthus, seuls écrivains dignes d'attention sur ce sujet, parce qu'ils confessent l'impéritie de la science. Leurs sages opinionssur le cercle vicieux de la population, sont étouffées par les jongleurs économistes, qui écartent ce problème comme tant d'autres. Stewart plus loyal l'a fort bien traité dans son hypothèse d'une île qui, bien cultivée, pourrait nour- rir dans l'aisance mille habitansinégauxen fortune ; mais, dit-il, si cette population s'élève à 3 et 4000, à 10 et 20,000, comment la nourrir ? On répond qu'il faudra coloniser, envoyer des essaims

c'est escobarder sur la question ; car si le globe entier était peuplé, porté au complet, où pourrait-on envoyer des essaims coloniaux ? Les sophistes répondent que le globe n'est pas peuplé et ne le sera pas de si tôt

c'est un des subterfuges de la secte Owen, qui promettant le bonheur, élude le pro- blème d'équilibre de population, et dit qu'il faudrait au moins 300 ans avant d'atteindre au PLEIN ; elle se trompe, 398 NOUVEAU MONDE il ne faudrait que 150 ans ; quoi qu'il en soit, c'est lâcher pied sur un problème que d'en renvoyer la solution à 300 ans, et sans garantir qu'elle serait donnée à cette époque. D'ailleurs fallût-il 300 ans, pour porter le globe au complet, ce serait toujours une théorie très-défectueuse que celle d'un bonheur ou prétendu bonheur qui au bout de 300 ans s'évanouirait par une faute de la politique sociale, par l'exubérance de population. Or, comme il est certain que ce fléau ne tarderait pas 300 ans, et qu'il surviendrait au bout de 150 ans, dans le cas de paix universelle et abondance générale que donnera l'état sociétaire, il faut que la théorie de ce nouvel ordre fournisse des moyens très efficaces de prévenir l'excès de population , réduire le nombre des habitans du globe à la juste proportion des moyens et des besoins, à la quantité de cinq milliards environ , sans risque de voir la population s'élever à 6, 7, 8, 10, 12 milliards, exubérance qui serait inévitable dans le cas ou le globe entier organiserait le régime civilisé. En tablant sur cinq milliards d'habitans riches et heureux , je suppose une restauration de température qui dégagerait le pôle arctique de ses glaces ; à défaut le globe ne pourrait pas nourrir dans l'opulence plus de de trois milliards d'habitans. Quels seront les moyens de dégager et féconder ce pôle ? Je me réserve de les faire connaître quand on le voudra sérieusement. (J'y ai préludé 1, 53

note A). Sans nous engager dans ces détails, tenons nous au fond de la question, au problème

de maintenir dans la haute aisance, dans l'état de richesse progressive et de minimum garanti, une masse d'habitans, en la préservant de l'excès de population qui est l'un des écueils du système civilisé. Ce moyen reposant en partie sur les coutumes de libre amour qui ne commenceront à s'établir que dans une soixantaine d'années; après l'extinction totale de la race civilisée, il n'y a pas d'inconvénient à en donner connaissance; d'autant mieux qu'on n'en sentira le besoin INDUSTRIEL. V.e 8. 399 qu'au bout de cent ans, lorsque le globe approchera du complet

provisoirement il faut prouver que la théorie sociétaire n'est en défaut ni sur ce point ni sur aucun autre ; et qu'elle ne doit pas être confondue avec celles qui esquivent de prime abord les problèmes les plus importans, population équilibrée, minimum décent, etc. La nature dans l'état sociétaire oppose quatre digues à l'excès de population ; ce sont : 1. La vigueur des femmes, 3. Les moeurs phanérogames, 2. Le régime gastrosophique, 4. L'exercice intégral. I.° La vigueur : nous en voyons déjà les influences parmi les femmes de la ville ; sur 4 stériles, il en est 3 robustes , tandis que les femmes délicates sont d'une fécondité outrée et fâcheuse. Les stériles sont d'ordinaire celles qu'on aurait crues les plus aptes à procréer. On va répliquer qu'à la campagne les femmes robustes ne sont point stériles; je le sais, c'est une preuve de plus pour la méthode naturelle qui doit opérer par enchaînement des 4 moyens combinément appliqués, et non pas par em- ploi isolé d'aucun des quatre. 2.° Le régime gastrosophique : d'où vient cette différence de fécondité en faveur des paysannes robustes? C'est l'effet de la vie sobre, de la nourriture grossière bornée aux végétaux. Les citadines ont des alimens délicats, c'est un moyen de stérilité qui deviendra bien plus puissant dans l harmonie où chacun est gastronome raffiné. Dès lors en combinant l'extrême vigueur des dames harmoniennes avec la chère délicate dont elles jouiront, l'on aura déjà deux moyens d'acheminement à la stérilité. ( Je passe brièvementsur les objections dont l'examen rempliroit un article plus long que celui-ci

on doit se rappeler que c'est ici un abrégé. )

3.° Les moeurs phanérogames. Le libre amour, la pluralité d'amans, est évidemment un obstacle à la fécondité

on en voit la preuve chez les courtisanes qui sont bien rarement fécondes, il en est à peine un dixième qui

procrée, tandis qu'une fille ou femme fidèle est trop fa¬ 400 NOUVEAU MONDE cile à la conception. Or les harmoniens auront, (au bout d'un siècle seulement ), beaucoup de femmes adonnées à la pluralité d'hommes, par vertu corporative et utile à la société : les Bacchantes, Bayadères,Faquiresses, et autres corporations chargées du service des armées et des cara- venserais, seront nécessairement phanérogames, ce sera de leur part un acte de dévoûment dont l'état recueillera de grands avantages. Ce genre de moeurs par son ex- tension aux deux tiers des femmes, sera un 3.e et trèspuissant moyen de stérilité. 4.° L'exercice intégral distribué sur toutes les facultés corporelles, au moyen de séances courtes et alternats de fonctions. L'on n'a jamais observé les effets que produit sur la puberté et la fécondité une différence d'exercice corporel : les contrastes sur ce point sont frappans

nous voyons les villageois atteindre à la puberté bien plus tard que les citadins ou les enfans de riches campagnards; la fécondité est de même subordonnée à ces influences de gymnastique. Si l'exercice corporel est intégral, étendu à toutes les parties du corps alternativement et proportionnément , les parties génitales sont développées plus tard ; on en voit la preuve chez les enfans des princes qui sont mariés à 14 ans, tandis que les jeunes villageois ne sont souvent pas nubiles à 16 ans. Ce retard provient de la différence en exercices corporels et spirituels, qui s'opèrent à contre-sens chez les deux classes. (On ne peut pas attribuer au genre d'alimens cette précoce nubilité des princes, car ils sont très-sobrement servis). Les enfans de haut parage étant tout aux exercices de l'esprit et peu à ceux du corps, il en résulte que leurs facultés matérielles et vitales très-engorgées, font éruption de bonne heure sur les parties sexuelles, et font éclore la puberté bien avant le temps. On verra en harmonie l'effet contraire ; les harmoniens atteindront à la puberté plus tard que les paysans civilisés , parce que l'exercice continu et alternatif de tous leurs membres absorbera long-temps les sucs vitaux, et retardera l'in¬ INDUSTRIEL. V.e S. 401 stant où parsurabondance et défaut d'absorption, ils font survenir la puberté avant le terme voulu par la nature. Des enfans élevés en harmonie ne seront pas pubères avant 16 ans pour les hommes, et 15 ans pourles femmes; et le délai, au bout de trois siècles , sera porté à 18 et 17 ans, même en zone torride. L'influence de la gymnastique intégrale sera la même sur la fécondité qu'elle entravera fortement, à tel point qu'une femme harmonienne, pour se disposer à la fécondité, devra se préparer par un régime calme et diététique observé pendant 3 mois, afin que les sucs moins absorbés par l'exercice intégral, par le mouvement industriel de toutes les parties du corps, se portent sur la partie sexuelle. Cette partie les attire fortement aujourd'hui , chez la classe des citadins riches , où elle n'est pas contrebalancée par intervention de toutes les autrespartics du corps, alternativement employées au travail actif. Lorsqu'on saura employer combinement les quatre moyens exposés ci-dessus, les chances de fécondité et stérilité tourneront à contre-sens du mode actuel, c'est-àdire qu'au lieu d'excès en population , l'on n'aura à re- douter que le déficit ; et on prendra des mesures pour exciter cette fécondité, que tout homme prudent redoute aujourd'hui. L'homme sensé veut n'avoir qu'un petit nombre d'enfans, afin de leur assurer la fortune, sans laquelle il n'est point de bonheur ; l'homme sans raison et tout charnel procrée des enfans par douzaine, comme FETH-ALI , schah de Perse, en s'excusant sur ce que c'est Dieu qui les envoie, et qu'il n'y a jamais trop d'honnêtes gens. Dieu veut au contraire en limiterle nombre en proportion des moyens de subsistance ; et l'homme social se ravale au niveau des insectes, quand il crée des fourmilières d'enfans, qui seront réduits à se dévorer entre eux par excès de nombre ; ils ne se mangeront pas corporellement comme les insectes, les poissons, les bêtes féroces

mais ils se dévoreront politiquement par les rapines, les guerres et les perfidies de civilisation perfectible. 26 402 NOUVEAU MONDE A quoi bon cet excès dépopulation , quand il est avéré que l'ordre civilisé, quelque populeux qu'il soit, ne parvient jamais à cultiver son territoire? En France plus d'un tiers des terres est en friche ; en Chine on trouve de vastes déserts à 4 lieues de Pékin ; et je gagerais qu'on en trouve beaucoup en Irlande, pays le plus populacier de l'Europe. (Je ne dis pas populeux ; la Flandre est populeuse, l'Irlande est populacière. ) Lorsque des hommes bien pensans, comme le Suédois Hérrenschwand , se sont élevés contre le double fléau de l'exubérance numérique et de l'indigence, lorsqu'ils ont prétendu qu'on avait manqué en politique toutesles voies d'amélioration, l'on a étouffé leurs voix , on les a accusés de démence; leurs philippiques avaient un coté faible, c'était de dénoncer le mal, avant d'en avoir découvert le remède

les obscurans nommés philosophes ont répondu qu'il fallait s'étourdir sur des maux inséparables de la civilisation perfectible ; aussi l'indigence n'a-t-elle cessé de s'accroître, même en Angleterre , malgré l'excès d'industrie, et la taxe annuelle de deux cents millions pour les pauvres. Confuse de ces résultats, la philosophie se retranche dans l'odieux principe qu'ilfaut beaucoup depauvres, pour qu'ily ait quelques riches. On a vu, par l'exposé du mécanisme d'harmonie, quel cas mérite cette opinion, ainsi que tous nos aphorismes politiques dont on rougira bientôt, notamment de ceux qui excitent à amonceler des fourmilières de populace, avant d'avoir pourvu à leur assurer un minimum décent. J'ai dissipé, dans cette 9.e notice, les préjugés qui traitent devision l'idée d'équilibre en passions; j'ai prouvé que cet équilibre doit se fonder sur les vastes développemens et non sur l'engorgement

que les penebans réputés les plus vicieux

, tels que les goûts de domination universelle, bénéfice de loterie ou fortunesubite, convoitise d'hoiries, et tant d'autres penechans qui ne poussent aujourd'hui qu'à tous les vices, deviennent des sources de vertus dans l'état sociétaire. C'en est assez pour confon¬ INDUSTRIEL. V.e S. 403 dre ces esprits forts qui prétendent que le mouvement et les passions sont l'effet du hasard , et que Dieu avait besoin des lumières de Platon et Sénèque pour apprendre à créer les mondes, et diriger les passions à l'harmonie. DIXIÈME NOTICE. ÉTUDE EN MÉCANIQUE DE PASSIONS. CH. XXXVII. Echelles des caractères et tempéramens. POUR répondre succinctement aux objections qu'on ne manquera pas d'élever, il convient de faire entrevoir dans cette dernière notice, combien la théorie a été restreinte et mutilée par les limites d'un abrégé. Le calcul des pas- sions est une science très-vaste, ceux qui la veulent en abrégé doivent s'attendre à des développemens insuffisans sur divers points; ils ne seront pas pour cela fondés a accuser la science d' obscurité ; je m'engage à donner dans d'autres volumes tous les éclaircissemens qu'on pourra désirer, mais non pas sur des futilités, comme de savoirsi tel point de théorie coïncide avec Epicure ou Zénon , avec Mirabeau ou Platon

la philosophie ayant divagué sur des milliers de sujets, peut bien avoir confusément rêvé quelques effets du régime d'attraction, mais rien sur l'ensemble, sur le triomphe des vertus réelles al- liées au libre exercice des 12 passions, par un ressort bien inconnu des philosophes , les séries industrielles. Ici une lacune sensible est la classification des caractères : cette connaissance est très-nécessaire pour faciliter Je jeu des séries passionnées. Je vais donner un aperçu de l échelle ou clavier général des caractères

elle est com- posée en ordre domestique de 810 litres pleins et 405 mixtes (selon le tableau 130). J'indique le nombre et le genre de leurs passions dominantes. Chacun a les 12 pas- sions, mais c'est par la dominance de telles passions qu'on distingue un caractère. 26. 404NOUVEAU MONDE Les 810 caractères d'harmonie domestique. UT Solitones 576, 1 Dominantequelconque. d, b, mixtes 80, 1 animique, 1 sensuelle. RÉ Bitones 96, 2 animiques. d , b, bimixtes 16, 1 animique, 2 sensuelles. MI Tritones 24, 3 animiques. FA Tétratones 8, 4 animiques. d, b, trimixtes 8, 2 animiques, 3 sensuelles. SOL Pentatones 2, 5 animiques. Les lettres d, b signifient dièse et bémol, touches intermédiaires en gamme musicale et passionnelle. Ilfaudrait ajouter à cette table celle des 405 caractères ambigus; définissons seulement les pleins. On voit en première ligne 576 solitones. gens qui n'ont qu'une seule passion dominante ; ils ne sont pas en égal nombre sur les 12 passions, comme seraient 48 pour chacune

la distribution est progressive. On trouvera beaucoup plus de solitones à dominante d'ambition, ou d'amour, ou de gourmandise, qu'à dominante d'ouisme, passion des plaisirs de fouie ; cependant on trouve des ouistes ou mélomanes qui ne vivent que pour la musique, ne font élever leurs enfans qu'à la musique, et ne prendraient pas pour gendre un homme qui ne serait pas musicien. Bref, les solitones ont une passion dominante à laquelle ils rapportent tout : ils varient peu dans leurs goûts et ont de l'aptitude aux ouvrages de longue durée ; ils sont dans l'échelle des caractères ce que sont les simples soldats dans un régiment. Au contraire, les 2 pentatones, homme et femme sont l'équivalent des colonels

ils doivent à eux deux, intervenir activement dans toutes les séries de la phalange : s'il y en a 400, il faut que chacun des pentatones en fréquente environ 200. Il faut donc pour pentatones des esprits actifs, subtils et trèsétendus, comme Voltaire, Leibnitz, Fox, etc. César est d'un degré plus élevé encore, c'est un heptatone à 7 dominantes, Bonaparte et Frédéric sont deux hexatones à 6 dominantes. IINDUSTRIEL. V.e S. 405 Une phalange n'a pas un besoin spécial d'hexatones , 6e; heptatones, 7e; omnitones, 8e degré ; il suffit qu'elle s'élève aux pentatones. Les degrés plus élevés en caractère ont, de droit naturel et par convenance générale, une régie sur 3 à 4 phalanges, sur une douzaine,sur une quarantaine, et ainsi de suite : ils sont agens d'harmonie externe , quoique habitans d'une phalange. En continuant depuis SOL, on a en titres externes d, b, tétramixtes. 2 animiques 4 sensuelles. LA hexatones. 6 animiques. d, b, pentamixtes. 2 animiques 5 sensuelles. SI heptatones. 6 animiques I sensuelles. UT omnitones. 7 animiques. On peut pousser l'échelle beaucoup plus loin : toute cette 2e échelle de caractères est pour les emplois extérieurs , et pourtant elle figure avantageusement dans une phalange. Je n'ai pas parlé des 405 ambigus qui doivent être adjoints à la 1re échelle ( 404 ) , ni des variantes que subit l'assortiment de passions dans les divers degrés. Ce seroit un détail immense : je veux seulement en venir à quelques études superficielles sur ses distributions les plus opposées à nos préjugés. Remarquons d'abord que la morale déclare vicieux tous les caractères les plus distingués , les hauts titres , les officiers principaux ; elle les tolère parmi les monarques ou les gens puissans, mais chez la masse des citoyens elle ne veut que des solitones , limités à une seule passion

or la nature ne place pas les grands caractères parmi les hauts personnages, elle les sème au hasard ; l'omnitone qui est le plus élevé de ces 2

échelles , peut se rencontrer chez un pâtre. Les êtres doués de ces grands caractères sont politiquement étouffés par l'éducation, ils s'irritent contre les coutumes , et sont surnommés mauvais sujets, ennemis de la morale. Dans l'ordre sociétaire chacun d'eux , homme ou femme, trouve son rang et s'y place du consentement de 406 NOUVEAU MONDE tout le monde ; car celui que la nature a fait solitone, n'a aucune envie de la présidence caractérielle d'une phalange , fonction qui l'obligerait à une prodigieuse variété de travaux ; il n'y trouverait pas son bonheur d'ailleurs on a toujours mauvaise grâce à sortir de son caractère ; dès lors personne n'est jaloux en voyant à la présidence caractérielle de la phalange, au poste de Roi de passions et Reine de passions , deux êtres qui sont par leur naissance, les plus pauvres , peut-être , de tout le canton. Malgré leur humble condition , ils s'élèveront sans faute au poste que la nature leur assigne, à la présidence caractérielle de l'un des 13 degrés, depuis celle d'une phalange qui est le plus bas degré, jusqu'à l'omniarchat ou présidence du globe. C'est encore une trèsbelle loterie pour la classe pauvre ; une femme enceinte peut se dire je serai peut être mère de la souveraine ca- ractérielle du globe; elle parviendra sans effort par abandon à son caractère, au trône du monde ou à l'un des principaux sceptres. L'éducation a pour tâche de développer ces caractères et de plus les tempéramens qui sont en même échelle que les caractères, mais non pas en assortiment

un pentatone qui est de 5e degré en caractère, n'est point certain

d'avoir un tempérament de 5e degré, il aura quelquefois le plus opposé à son rôle passionnel. N os sciences réduisent à 4 les tempéramens, et cependant un remède administré à vingt bilieux opérera de vingt manières différentes. Pour classer les tempéramens, il faudra les développer dès le bas âge, principalement par la voie alimentaire; on voit les enfansremplis de goûts dépravés, comme de manger le plâtre des murs; c'est qu'on les a laissé manquer de certains comestibles dont la nature leur fait sentir le besoin, et qu'ils ne peuvent pas définir. L'absence de ces alimens cause une contremarche de l'instinct, et pousse l'enfant à remplacer par des substances nuisibles celles que la nature lui destinait. INDUSTRIEL. V .e S. 407 On présentera donc aux enfans une grande variété de comestibles afin de discerner par leurs instincts alimentaires à quelle division ils appartiennent; on en jugera par la facile digestion des alimens préférés ; a la suite de cette première échelle de genres et despèces, on cherchera à classer les espèces en échelle de variétés et ténui tés , et un des moyens qu'on emploiera sera l'antienne gastrosophique. Je désigne sous ce nom un tres-petit repas, avaut-coureur de repas, et choisi de manière a exciter un violent appétit au bout dune demi-heure. On voit des civilisés essayer ce prélude par un verre d'absynthe ; ce n'est pas là une antienne régulière, qui doit se composer de solide et liquide, avec variantes selon les dispositions où se trouve l'estomac. On exercera chacun, homme et femme , à bien connaître ses antiennes, afin d'arriver à table avec appétit et digérer avec facilité. L'harmonie produira tant de subsistances qu'il faudra habituer le genre humain à consommer quatre fois plus qu'en civilisation. Plus on avancera dans l'art de classer les caractères et les tempéramens, plus il deviendra facile d'intriguer les séries méthodiquement, comme le groupe décrit, chap. suivant. Du reste, il faut observer que si les caractères sont comprimés, ils se faussent etse développent a contresens , l'éducation actuelle, en leur donnant un vernis moral, les rend très-mauvais au lieu de beaux qu'ils auraient été. Sénèque et Burrhus n'ont pas changé, mais faussé le caractère de Néron , tétratone a 4 dominantes bien distinctes, cabaliste, composite, ambition, amour. Henri IV était comme Néron un tétratone , mais qui n'avait pas été faussé par une éducation morale. Les caractères tournent au mal en civilisation, des qu'ils ont en dominante un nombre de passions mécanisantes supérieur aux affectives. Une femme tritone à dominantes d'amour, de cabaliste et de papillonne,sera communémenttrès-vicieuse. Rien n'est plus propre que la théorie des caractères a 408 NOUVEAU MONDE confondre ces esprits forts qui croient que les passions sont créées au hasard, et que Dieu a besoin de recourir aux moralistes pour les harmoniser. Les passions en mé- canisme domestique, sont un orchestre à 1620 instrumens : nos philosophes en voulant les dirigersont compa- rables à une légion d'enfans quis'introduirait à l'orchestre de l'opéra , s'emparerait des instrumens et ferait un charivari épouvantable; faudroit-il en conclure que la mu- sique est ennemie de l'homme, qu'il faut réprimer les violons, arrêter les basses, étouffer les flûtes ? non, il faudrait chasser ces petits oisons, et remettre les instrumens à des musiciens experts; ainsi les passions ne sont pas plus ennemies de l'homme que les instrumens mu- sicaux, l'homme n'a d'ennemis que les philosophes qui veulent diriger les passions sans avoir la moindre con- naissance du mécanisme que leur assigne la nature. Quand il sera éprouvé, on reconnaîtra que les caractères les plus ridiculisés, comme celui dHarpagon, y sont éminemment utiles. CHAP. XXXVIII. Des groupes de haute harmonie, ou d'équilibre compensatif. Les optimistes ont de tout temps mis en scène des compensations chimériques

à les en croire, un pauvre qui n'a ni feu ni lieu, pourrait trouver dans son dénuement , autant de bonheur qu'un riche dans ses palais. Jusqu'ici, les pauvres ne sont guère de cet avis, et les riches encore moins, car on ne voit aucun Crésus faire échange de condition avec le pauvre. Les compensations n existent donc que dans les rêves de la morale qui pré- lend, selon Delilie, que la nature est un échange perpétuel de secours et de bienfaits. On ne voit pas quels bienfaits elle répand sur la populace affamée d'Irlande, ni sur es peupladeslivrées aux bourreaux, comme les Grecssous Ibrahim, ou les nègres de la Martinique sous le fer des colons français. INDUSTRIEL. V.e S. 409 Quelques riches , pour pallier leur égoïsme , aiment à se persuader que le peuple est heureux, que ses misères sont compensées: on entretient les monarques dans cette illusion, elle est plus décente que le principe, ilfaut dix pauvres pour un riche. Tout sophiste est bien venu, lorsqu'il suppose des compensations dont on ne trouve pas l'ombre dans l'état civilisé. La véritable compensation doit être facultative, SENTIE et AVOUÉE, comme elle le serait dans le groupe décrit au traité, II, 563, groupe dont les relations peuvent servir de formulaire général en compensations. Je regrette de ne pouvoir pas insérer ici cet article assez long, qui présente une théorie positive sur les compensations,sujet des plus obscurcis par le sophisme; j'en transcrirai seulement quelques lignes qui donneront une légère idée du sujet. Trois individus, Apicius, Mécène et Virgile, sont réunis dans un repas d'une dizaine de convives. Apicius tout préoccupé de gourmandise, a pris peu de part à la conversation ; Virgile au contraire, peu attentif au matériel du repas, a fait grande dépense de bel esprit; il a brillé, il a fait le charme des convives, son amour-propre est flatté. Mécène s'est partagé entre les 2 plaisirs, conversation et gastronomie : les doses de plaisir ont été en rapport suivant

Chez Apicius, conversation 1, gourmandise 3. = 4. Chez Mécène, id. 2, id. 2. = 4. Chez Virgile, id. 3, id. I.=4. Il y a ici compensation parfaite pour tous trois, quoique chacun ait goûté les deux plaisirs en doses fort inégales

mais chacun a eu l'option sur tous deux, et en a pris la part qu'il a voulue. On peut supposer neuf convives chez qui ces doses seront graduées en échelle régulière, et qui seront tous satisfaits compensativement, l'un plus en gourmandise et moins en conversation, l'autre plus en conversationmoins en gourmandise. Tels doivent être les groupes réguliers; ils doivent réunir au moins deux plaisirsdont chaque personnage puisse 410 NOUVEAU MONDE prendre la dose qui lui convient. Ce principe doit s'appliquer à toutes les situations de la vie ; on n'y trouve le bonheur compensativement équilibré, qu'autant qu'on a l'option sur divers plaisirs réunis ; l'équilibre passionnel n'admet ni égalité et conformité de goûts nisimplicité de ressorts. si l on suppose la réunion précédentebornée à un plaisir, à la conversation seule, au bel esprit

Apicius y tombera dans l'ennui, Mécène sera moyennementsatisfait,

Virgile seul y trouvera grand plaisir. Telle est la situation danslaquelle nous place la morale ; elle ne donne jamais la faculté d'option compensative ; elle nous présente un seul plaisir, tel que l'amour de la modération

une mo- dération réelle a

besoin de contrepoids, comme on l'a vu plus haut dans Mécène qui a goûté les deux plaisirs mo- dérément et en dose égale ; s'il n'en avait goûté qu'un, la modération l'aurait ennuyé. C'est en balançant les 2 plaisirs l'un par l'autre, qu'il a joui autant que ses convives A et V qui ont goûté immodérément l'un des deux plaisirs, et faiblement le second. Mais est-il vrai que Mécène se soit modéré ? Non, car il est arrivé à la dose 4 en somme de plaisir, il a joui autant que les deux autres , quoiqu'en proportions différentes et balancées. Ainsi tous ces hommes qu'on appelle modérés et qui en font trophée, sont, ou des illusionnaires ou des charlatans ; ce sont des caractères qui se plaisent à goûter en dose égale deux plaisirs. Tel vous dit

«

Je suis » un exemple de morale, je modère mes passions, je fuis » les amusemenset je n'aime que le commerce. » Il l'aime parce qu'il y a gagné un million, ou qu'il espère le gagner en trompant ceux qui achèteront ses calicos

avec son

masque de modération, il ne rêve que fourberie, que ruse pour duper les acheteurs. Voilà ce qu'on appelle un homme moral, un vertueux amant du commerce et de la charte

c'est un être qui sue le mensonge et qui, en stricte analyse, ne se modère sur aucune passion, car il absorbe une passion par une autre, comme l'ont fait plus haut INDUSTRIEL. V.e S. 411 Virgile et Apicius; ou bien il équilibre deux passionsqu'il satisfait en dose égale et balancée, comme l'a fait Mécène qui n'est pas plus modéré que ses deux convives A et V, car il arrive comme eux à la somme 4 en jouissance ; qu'elle se compose de 3 et 1, ou de 2 et 2, elle est toujours 4. Il faudrait, au lieu d'un petit article, plusieurs chapitres sur cette matière, afin de dissiperles préjugés qui règnent sur la modération et les compensations, sur la balance et l'équilibre, sur les contrepoids et les garanties en exercice de passions. Obligé de supprimer tous ces détails, je me borne à insister sur le principe, que la modération est une chimère, que les passions admettent des jouissances contrebalancées mais non pas des privations ; que celui qui paraît le plus modéré, est souvent celui qui a le plus raffiné ses jouissances; et que nos théories d'équilibre moral et de compensation morale, ne sont que des balivernes qu'on rougira d'avoir écoutées, quand on connaîtra les méthodes exactes en équilibre passionnel. On les ignore à tel point que la classe des pères, qui fait les lois et désire les faire à son avantage, n'a su trouver aucun moyen d'établir l'équilibre qu'elle recherche le plus, celui des deux affections paternelle et filiale, qui sont dans une disproportion choquante ; celle de l'enfant ne s'élevant communément qu'au tiers ou au quart de celle du père. Il était évident, par ce défaut de balance, que l'équilibre devait provenir de voies indirectes : on a vu quelles sont ces voies; les pères doivent recueillirl'affection de 4 sources; des enfans directs en 4 à 5 générations au moins, des adoptifs en caractère identique ou contrasté, des adoptifs industriels ou continuateurs passionnés , des continuateurs en lignée directe ou collatérale. La passion atteindra à l'équilibre quand le père obtiendra par quart un tribut d'affection de ces 4 classes : jusque-là il n'est rien de plus dépourvu d'équilibre que l'amour paternel, rarement payé d'un quart de retour par les descendans directs. Si les philosophes n'ont pas 412NOUVEAU MONDE vu ce désordre ou n'ont pas su y remédier, que pourra leur science pour atteindre à tant d'autres équilibres qu'elle n'a pas même entrevus, tels que celui des subsistances II 113, à fonder sur les produits combinés de plusieurs zones. Et quant aux compensations qui forment une partie de l'équilibre, comment concevoir des compensations sans option? la morale nous dit : Soyez heureux avec une écuelle de bois pour tout mobilier ; Diogène assure que cela suffit ; eh bien, que Diogène donne l'option sur une écuelle d'argent, nous pourrons croire au bonheur de celui qui en toute liberté aura préféré l'écuelle de bois à celle d'argent. Dans l'exemple que j'ai cité, chacun des 3 personnages A, M, V, a l'option sur deux plaisirs, d'où il est clair que chacun d'eux est compensé, en quelque dose qu'il use des deux plaisirs. Cette option doit s'étendre a touteslessituations de la vie, aux passions des trois sexes; mais quelle option leur donne la morale, où sont les com- pensations pour un enfant reclus et menacé du fouet, pour une vieille femme dépourvue du nécessaire et encore plus des plaisirs, pour une masse de pauvres enfermés et rudoyés dans un dépôt de charité ? Que la philosophie est novice, en théorie compensative comme en toute question de mouvement! Qu'est-ce qu'une compensation qui ne présente pas option facultative? Vous donnez au peuple, pour indemnité de ses souffrances, le bonheur de vivre sous la charte, d'aimer la charte, admirer les beautés de la charte ; mais s'il ne sait pas lire, ou s'il n'a pas deux sous pour acheter la charte, comment en admirera-t-il les beautés, surtouts'il est affamé? Que signifie cette billevesée de compensation qui nous donne en dédommagementde nos maux, un plaisir imaginaire, sans aucune faculté d'option sur les plaisirs réels ? Apprendre à se passer de ce qu'on n'a pas! C'est le talent du renard gascon ; et on fait de ces sornettes une science dite morale ! Que de jongleries imaginées pour vendre des livres ! On en vendra cent fois plus quand on enseignera la vérité. INDUSTRIEL. V.e S. 413 CHAP. XXXIX. Du vrai bonheur. I, 475. Je n'ai vu qu'un écrivain civilisé qui ait un peu ap- proché de la définition du vrai bonheur

c'est M. Bentham, qui exige des réalités et non des illusions

tous les

autres sont si loin du but, qu'il ne sont pas dignes de critique. Il existait à Rome au temps de Varron 278 opinions contradictoires sur le vrai bonheur, on en trouveroit bien davantage à Paris, surtout depuis que nos controversistes suivent deux routes diamétralement opposées; les uns prêchant le mépris des richesses et l'amour des plaisirs qu'on goûte sous le chaume, les autres excitant la convoitise effrénée des richesses; les moralistes plaidant pour l'auguste vérité, les économistes pour le trafic et le mensonge. Débrouillons en peu de mots la vieille controverse de bonheur, l'une des Tours de Babel de la ténébreuse philosophie. Dieu nous a donné douze passions, nous ne pouvons être heureux qu'en les satisfaisant toutes les douze. S'il y en a une seule d'entravée, le corps ou l'âme est en souffrance

mais loin de pouvoir satisfaire chaque

jour les douze passions, notre peuple essuiera plutôt douze disgrâces, car il en est 24 qui le menacent et le poursuivent sans cesse; I 481 , II 107. Les riches mieux partagés sans doute, sont encore bien loin du bonheur, et ne peuvent guères se le procurer une seule journée. J'en ai donné pour preuve, le détail d'une journée de vrai bonheur, II 598 , et 604, où l'on voit qu'il n'est pas même possible de faire lever par plaisir les gens riches

ils commencent leur journée par une lutte entre le plaisir et l'ennui; dans une belle matinée d'été chacun vou- drait être levé dès l'aurore, mais chacun est retenu par l'ennui de s'habiller et de quitter le lit qui est un plaisir simple. Voilà un pauvre début de journée, plaisir simple et perspective d un quart d heure d'ennui

il manque à tous les civilisés une passion véhémente qui les sorte du 414 NOUVEAU MONDE lit par amorce d'un plaisir composé, assez fort pour faire dédaigner le plaisir simple de rester au lit. Le jeu des trois passions mécanissantes exigeant de courtes séances, il faut pour le courant de la journée, au moins quatorze séances, savoir ; une majorité de 8 séances en plaisirs composés, 5 en plaisirs simples pour délassement des composés, plus un ou deux parcours, genre de jouissancetout à fait inconnue des civilisés etqu'il faut définir. Le parcours est l'amalgame d'une quantité de plaisirs goutéssuccessivement dans une courte séance, enchaînés avec art , se rehaussant l'un par l'autre, se succédant à des instans si rapprochés qu'on ne fasse que glisser sur chacun. L'on peut, dans le cours d'une heure, éprouver une foule de plaisirs différens et pourtant alliés , quelquefoisréunis dans un même local, par exemple : Léandre vient de réussir auprès de la femme qu'il courtisait. C'est plaisir composé, pour sens et ame. Elle lui remet l'instant d'après un brevet de fonction lucrative qu'elle lui a procurée ; c'est un 2e plaisir. Un quart d'heure après elle le fait passer au salon où il trouve des surprises heureuses, la rencontre d'un ami qu'il avait cru mort : 3e plaisir. Peu après entre un homme célèbre, Buffon ou Corneille, que Léandre désirait connaître et qui vient au dîné ; 4e plaisir. Ensuite un repas exquis, 5e plaisir. Léandre s'y trouve à côté d'un homme puissant qui peut l'aider de son crédit, et qui s'y engage, 6e plaisir. Dans le cours du repas un message vient lui annoncer le gain d'un procès; 7e plaisir. Toutes ces jouissances cumulées dansl'intervalle d'une heure, composeront un parcours qui doit rouler sur un plaisir de base continué dans tout le cours de la séance. Ici Léandre atteint le but par la compagnie de sa nouvelle conquête et le succès affiché au repas. C'est le plaisir pivotai qui broche sur le tout, et intervient en continuité pendant la durée des sept autres. Cette sorte de plaisir nommé PARCOURS est inconnue en civilisation ; les rois INDUSTRIEL. V.e S. même ne peuvent pas se procurer des parcours , charme très-fréquent en harmonie, où un homme riche est assuré de rencontrer chaque jour au moins deux parcours; indépendammentdesséances de plaisir composé à 2 jouissances, sur-composé à 3, et bi-composé à 4 jouissances cumulées. Qu'on juge après cela du dénument des civilisés en fait de bonheur! Voyez I, 475, la définition méthodique du vrai bonheur. Les parcours à septuple variante sont des jouissances réservées à la haute harmonie. Dans le début on aura à peine des parcours à quadruple variante, ce sera déjà merveille pour des échappés de civilisation , qui ne peuvent pas se procurer une seule journée de vrai bonheur. Pour composer à un civilisé une journée de cette espèce, il m'a fallu supposer, II, 598, une réunion de jouissances beaucoup plus nombreuses et plus rapprochées que ne le comporte l'état civilisé ; encore ai-je dû en recourant à cette hypothèse, commettre 2 fautes; l'une d'y entremettre l'amour qui est crime selon les lois civilisées, l'autre d'admettre dans la distribution de cette journée, neuf vices d'équilibre passionnel, neuflésions que n'éprouverait pas un harmonien ; je les ai admises parce que la civilisation est si bornée en plaisirs que je n'ai trouvé dans les faibles ressources qu'elle présente, aucun moyen de remplir le cadre d'une journée complètement heureuse, telle que l'obtiendra chaque jour le plus pauvre des harmoniens. Les civilisés sont si dénués de jouissances, que lorsqu'ils ont eu quelque sujet de charme, quelque fête passable, ils en rabâchent pendant une semaine entière ; encore ces fêtes ne sont-elles que de mauvaises caricatures des plaisirs vrais, des équilibres de passions que l'harmonie fait régner dans tous ses travaux, ses repas et ses festivités. On peut s'en convaincre par l'exposé des neuf vices, II, 604, que j 'ai été obligé d'introduire dans l'emploi d'une journée heureuse, bornée aux ressources de la mesquine civilisation. Outre l' inconvénient de rareté de plaisirs, elle ignore 416NOUVEAU MONDE complètement l'art de les aménager. Telle jouissance est usée au bout d'une quinzaine, elle se seraitsoutenue plusieurs mois, si on l'eût distribuée avec discernement et variantes nombreuses: mais la civilisation, en fait de plaisirs, mange son blé en herbe, épuise une jouissance en peu de temps faute de variété pour la relayer. Aussi les riches civilisés sont-ils accablés de maladies résultant de ces excès. En harmonie l'aménagement des plaisirs est calcul de haute politique sociale, fonction des autorités principales. On n'y use aucune jouissance, parce que les relais et nouveautéssurabondent

Si tel amusement n'est séduisant que de mois en mois, on en a mille autres à mettre en scène dans l'intervalle, afin de varier artistementles nuances de bonheur, d'une séance à l'autre, d'un repas à l'autre, de jour en jour, de semaine en semaine, de mois en mois, de saison en saison, d'année en année, d'âge en âge, etc. jusqu'au terme d'une pleine carrière estimée 144 ans, âge auquel les riches harmoniens atteindront plus facilement que les pauvres, par l'extrême variété de plaisirs qui est le plus sur garant contre les excès. Quel sujet de réflexion pour cette philosophie qui place le bonheur en civilisation, et qui raisonne sur l'équilibre des passions aussi judicieusement qu'un aveugle-né, raisonnant sur les couleurs ! Pour compléter la leçon, il faudrait disserter sur le triste sort de tant de civilisés qui, pourvus de santé, fortune et moyens de bien-être, n'arrivent qu'à un extrême malheur. Les contretemps de toute espèce, les disgraces fondent parfois sur le riche comme sur le pauvre, le jeu, les pièges, la mort d'un enfant, l'inconduite d'une femme, les maladies, les échecs d'ambition, les revers de parti viennent empoisonner la vie de ceux dont on vante la condition comme suprême bonheur ; qu'est-ce donc de ceux que l'indigence accable, et quel parallèle à faire de tant de misères avec l'immensité de plaisirs quiseront prodigués à tous, dès qu'un fondateur aura fait l épreuve d'où dépend l'issue de civilisation et l'avènement aux destinées heureuses. INDUSTRIEL. V.e S. 417 CHAP. XL. Boussole en étude des passions; le ralliement aux vues de Dieu. L'UN des pièges auxquels on a pris la multitude en tous les temps, a été de lui persuader que les vues de Dieu étaient impénétrables , que l'homme ne devait pas même chercher à connaître Dieu. Le bon sens exige tout le con- traire ; il veut que notre première étude soit celle de Dieu, la plus facile de toutes. Dans l'antiquité , lorsque la fable travestissait le Créateur, en le confondant avec une cohue de 35000 faux dieux, plus ridicules les uns que les autres, il était assu- rément difficile d'étudier les vues de Dieu, de les débrouiller à travers celte mascarade céleste

aussi Socrate et Cicéron se bornèrent-ils à s'isoler des sottises de leur siècle, et adorer le DIEU INCONNU, sans pousser plusloin leurs recherches qui auraient été contrariées par l'esprit du temps: Socrate en fut victime. Aujourd'hui que cessuperstitionssont dissipées, et que le christianisme nous a ramenés à de saines idées, à la croyance en un seul Dieu, nous avons une boussole fixe pour procéder à l'étude de la nature. En partant du principe que toute lumière doit venir de Dieu, et que la raison ne peut entrer dans les voies de lumière qu'en se ralliant à l'esprit du Créateur ; il reste à déterminer les caractères essentiels de Dieu, ses attributions,ses vues et ses méthodessurl'harmoniede l'univers, dont certainesrègles déjà connuespeuvent nous achemineraux inconnues. Il faut dans cette étude procéder par degrés, analyser d abord un très-petit nombre des caractères de Dieu, en s'attachant aux plus évidens , tels que les suivans. 1. Direction INTÉGRALE du mouvement.. 2. Economie de ressorts. 3. Justice distributive. 4. Universalité de Providence. 5. UNITÉ DE SYSTÈME. 27 418 NOUVEAU MONDE 1.° Direction intégrale du mouvement. Si Dieu est le supérieur en direction du mouvement, s'il est seul maître de l'univers, seul créateur et distributeur, c'est à lui de dirigertoutesles parties de l'univers , entre autresla plus noble , celle des relations sociales : en conséquence la législation dessociétésHumaines doit être l'ouvrage de Dieu et non des hommes; et pour diriger au bien nos sociétés, il faut chercher le code social que Dieu a dû composer pour elles. Grand sujet de querelle avec la philosophie ! Il s'ensuivrait que ce n'est pas elle qui doit faire des lois, et qu'on doit chercher un code social composé par Dieu. Dans ce cas Dieu se trouverait au I.er rang, et la raison humaine au 2.e ; ce n'est pas ainsi que la philosophie établit les rangs ; elle veut que Dieu soit, au 2.e, et la raison humaine au I.er ; en conséquence elle exclut Dieu de la prérogative de législation, pour la transmettre aux philosophes, à Diogène et Mirabeau. 2.° Economie de ressorts. Si le mécanisme des sociétés était réglé par Dieu, on y verrait briller l'économie de ressorts que nouslui attribuons, en le nommant SUPRÊME ÉCONOME. Or l'économie exige qu'il opère sur les plus grandes réunions sociétaires, et non pas sur la plus petite que nous nommonsfamille, ménage conjugal. Elle exige surtout que Dieu choisisse pour moteur, l'attraction passionnée, dont l'emploi lui garantit douze économies que l'on ne trouve pas dans le régime de contrainte ; ce sont (I, 184 et 210) : 1. Boussole de révélation permanente, car l'attraction nous stimule en tous tems et en tous lieux, par des impulsions aussi fixes que celles de la raison sont variables. 2. Facultés d'interprétationet d'impulsion combinées, ressort apte à révéler et stimuler à la fois. 3. Concert affectueux du Créateur avec la créature, ou conciliationdu libre arbitre de l'homme obéissant par plaisir, avec l'autorité de Dieu commandant le plaisir. INDUSTRIEL. V.e S. 419 4. Combinaison du bénéfice et du charme, par entremise de l'attraction dans les travaux productifs. 5. Epargne des voies coërcitives, des gibets, sbires , tribunaux et moralistes, qui deviendront inutiles quand l'attraction conduira au travail, source du bon ordre. 6. Elévation de l'homme au bonheur des animaux libres qui vivent dans l'insouciance, ne travaillant que par plaisir, et jouissant parfois d'une grande abondance, où notre peuple malgré ses fatigues ne parvient jamais. 7. Garantie d'un minimum refusé aux animaux libres , et dont on aura le gage dans les immenses produits du régime sociétaire étayé de l'équilibre de population. 8. Bonheur assuré à l'homme, dans le cas où la sagesse de Dieu serait moindre que la nôtre ; car ses lois exécutées par attraction nous assureraient une vie heureuse, au lieu de la contrainte que nous imposent les constitutions des philosophes. 9. Intégralité de providence, par révélation des voies de bonheur social, ajoutée à la révélation des voies de salut des ames, fournie par le Messie et l'Ecriture-Sainte. 10. Garantie de libre arbitre à Dieu, faculté à lui de régir l'univers, y compris le genre humain , par l'attraction, seul ressort digne de sa sagesse et de sa générosité. 11. Récompense des globes dociles par le charme du régime attrayant, et punition des globes rebelles par l'aiguillon de l'attraction toujours persistant. 12. Ralliement de la raison avec la nature, ou garan- tie d'avènement à la richesse, voeu de la nature, par la pratique de la justice et de la vérité, voeu de la raison. Y. Unité interne, fin de la guerre interne qui met dans chacun la passion ou attraction aux prises avec la sagesse et les lois , sans moyen de conciliation , I, 184. A. Unité externe ou avènement au bien sous la direction du ressort d'attraction, le seul employé par Dieu dans les harmonies visibles de l'univers. Tel est le canevas sur lequel on doit établir l'incompétence de la raison humaine en législation. (Voyez les 27. 420 NOUVEAU MONDE détails I, de 185 à 230, et les argumens négatifs I, 197. ) Il suffit de ces belles propriétés de l'attraction, pour prouver qu'un Dieu économede ressortsn'a pas pu opter pour la contrainte, voie adoptée par les législateurs civilisés et barbares ; et que c'est dans l'étude de l'attraction qu'il faut chercher le code social et industriel de Dieu. 3.° Justice distributive. On n'en voit pas l'ombre dans la législation civilisée qui accroît la misère des peuples en raison de leur industrie. Le premier signe de justice devrait être de garantir au peuple un minimum croissant en raison du progrèssocial. Nous voyons l'effet contraire, dans l'influence de l'esprit mercantile qui tend à couvrir la zone torride d'esclaves noirs arrachés à leur pays, et couvrir la zone tempérée d'esclaves blancs, par les bagnes industriels, coutume éclose en Angleterre, et que la cupidité mercantile naturaliserait peu à peu en tous pays. Du reste peut-on voir quelque justice dans un état de choses où le progrès de l'industriene garantitpas même au pauvre la faculté d'obtenir du travail ? 4.° Universalité de Providence. Elle doit s'étendre à toutesles nations, aux sauvages comme aux civilisés. Tout régime industriel refusé par les sauvages, hommes vraiment libres , est opposé aux vues de Dieu ; l'industrie que nousleur proposons, le morcellement agricole et domestique , n'est pas voeu de la Providence, puisque ce régime ne satisfait point les impulsions que la Providence donne aux hommes les plus rapprochés de la nature. Il en est de même de tout ordre qui repose sur la violence; toute classe violentée directement comme les esclaves, ou indirectement comme les salariés, est privée de l'appui de la Providence, qui ne s'est, réservé sur ce globe d'autre agent que l'attraction ; dès lors l'état civilisé et barbare qui ne repose que sur la violence, est opposé aux vues de Dieu, et il doit exister un autre régime applicable a toutes les castes et à tous les peuples, s'il est vrai que la Providence soit universelle. 5.° Unité de système. Elle implique l'emploi de l'at¬ INDUSTRIEL. V.e S. 421 traction, qui est l'agent connu de Dieu, le ressort des harmonies sociales de l'univers, depuis celles des astres jusqu'à celles des insectes ; c'est donc dans l'étude de l'attraction qu'on doit chercher le code social divin. Quelques beaux esprits se vantent défaire cette recherche, comme Voltaire qui dit à Dieu, dans une prière en vers : Si je me suis trompé, c'est en cherchant ta loi. Rien n'est plus faux, Voltaire n'a jamais cherché la loi sociale de Dieu, car il n'a jamais fait aucune étude de l'attraction passionnée, quoiqu'il fût l'un des hommes les plus aptes à ce travail. D'autres savans, comme J.-J. Rousseau, crient à l'impénétrabilité , à l'insuffisance de la raison ; c'est encore une fausseté

la raison sera très-suffisante, quand elle voudra se placer à son rang naturel, au 2.e et non au I .er ; quand elle voudra chercher le code social divin et non pas faire elle-même des codes. Mais au lieu de remplir cette tâche, elle nous paie , soit en gasconnades, comme Voltaire qui se vante de recherches qu'il n'a pas voulu faire, soit en obscurantisme, comme J.-J. Rousseau, qui accuse la raison d'incapacité, quand elle n'est que paresseuse et orgueilleuse, négligeant défaire le calcul de l'attraction passionnée, et la diffamant comme vice pour se disculper de n'en avoir fait ni analyse ni synthèse. Il conviendrait d'ajouter ici un aperçu des absurdités sans nombre où serait tombé Dieu, s'il eût négligé de faire un code social pour les relations industrielles de l'homme. (Voyez I, 197.). J'en ai dit assez pour prouver que la voie des bonnes études était le ralliement à Dieu, la précaution de se guider sur les vues et les caractères que l'opinion universelle attribue à Dieu ; mais comme cette méthode ramène de toutes parts à l'étude de l'attraction, il n'est pas étonnant que la philosophie qui veut maintenir ses propres lois, ait voué au ridicule la branche d'étude qui conduisait à la découverte des lois sociales de Dieu, et qu'elle ait nié le principe : Toute lumière spirituelle doitvenir de Dieu, comme la lumière ma¬ 422NOUVEAU MONDE térielle vient du soleil, emblème de Dieu, image sensible du père de l'univers. Le ralliement à Dieu dans nos études conduisait encore à un acte de justice, auquel les philosophes ne veulent pas entendre, c'est de lui concéderle libre arbitre que nousréclamons pour nous-mêmes. Si nous admettons qu'il en jouisse, il a donc eu le droit d'opter entre la contrainte et l'attraction pour agens de mouvement social. S'il eût opté pour la contrainte, il lui eût été facile de créer des sbires plus puissans que les nôtres, des géans amphibies de cent pieds de haut, écailleux, invulnérables et initiés à notre art militaire. Sortant inopinément du sein des mers, ils auraient détruit, incendié nos ports, nos escadres, nos armées, et forcé en un instant les empires mutins à abjurer la philosophie, pour se rallier aux lois divines de l'attraction sociétaire. Si Dieu a négligé de se pourvoir de ces géans aussi faciles à créer que les grands cétacées, on doit en conclure qu'il n'a spéculé que sur l'attraction, et qu'elle doit être la première étude d'un siècle qui voudra se rallier à Dieu, en exploration de la nature et des destins. Toutefois, c'est une question très-neuve et digne d'un long examen, que celle du libre arbitre contesté à Dieu par la raison humaine

il est fâcheux d'abréger sur ce sujet, l'un des plus brillans que présente l'étude de Dieu. L'on a pu voir, par ce chapitre, que la connaissance de Dieu et de ses opérations, qu'on nous dépeint comme des mystères impénétrables, est au contraire la plus aisée, la plus élémentaire des sciences

et l'on peut dire, la

science des enfans, puisqu'ellen'exige que la dose de bon sens facile à trouver chez les enfans de dix ans, mais introuvable chez des pères tous égarés, désorientés par la philosophie; et qui, pour rentrer dans les voies du sens commun, auraient besoin, dit fort bien Condillac, de refaire leur entendement, et oublier tout ce qu'ils ont appris des sciences philosophiques. FIN DE LA CINQUIÈME SECTION. INDUSTRIEL. 423 CONFIRMATION TIRÉE DES SAINTS ÉVANGILESCe sont des aveugles qui conduisent des aveugles. s. MATTHIEU, ch. xv. Je leur parle en paraboles, parce que selon la prophétie d'Isaïe : Ils entendront de leurs oreilles et ne comprendrontpas, ils regarderont de leurs yeux, et ne verront pas. Ibid. ch. XIII. EH ! quelle est la cause de cet aveuglement dont les peuples civilisés sont frappés? c'est qu'ils n'ont ni foi ni espérance en Dieu. Ceux mêmes qui nous paraissent pieux, n'ont qu'une demi croyance en la sagesse divine ; ils s'imaginent que Dieu n'a pas pourvu à tout; ils consultent des philosophes sur les voies de bonheur social, ils doutent de l'universalité de la providence, ils n'espèrent point en la découverte des lois de Dieu. Que signifie ce début ascétique ? est-ce un pèlerin revenant dessaints lieux ? est-ce quelque anachorètearrivant du désert? non, c'est un homme habitue au milieu de vous, mais qui muni d'une boussole inconnue, d'une science neuve qui manque à vos esprits forts, peut vous indiquer l'issue du labyrinthe politique ou vous êtes égarés depuistant de siècles, vous désabuser sur ce titre pompeux d'esprits forts dont se parent des têtes faibles et superficielles. Bientôt on qualifiera d'intelligencefaussée, tout siècle, tout savant qui n'a pas cru à l'universalité de la Providence, J'ai employé le chap. XL à prouver que deux vertus dédaignées et presque ridiculisées, la foi et l'espérance en Dieu, auraient conduit directement à découvrir la théorie du mécanisme sociétaire ; je continue sur le thême des destinées, et sur le défaut de loi qui nous en a fait manquer si long-temps la découverte. Défians comme Moyse qui.frappa deux fois le rocher, 424 NOUVEAU MONDE les hommes pieux semblent craindre que Dieu tarde à intervenir pour les besoins de l'humanité, quand elle réclamera son appui ; ils sont encore les faibles disciples à qui Jésus-Christ adressait ce reproche : « O hommes de » peu de foi, ne vous inquiétez point en disant

que

» mangerons-nous, que boirons-nous , de quoi nous vê- » tirons-nous ? car votre père sait que vous en avez be- » soin. Cherchez donc premièrement le royaumede Dieu » et sa justice, et toutes ces choses vous seront données » par surcroît. » (S. MATTH. : ch. VI.) « Considérez les » corbeaux, ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n'ont » ni celliers ni greniers, cependant Dieu les nourrit. » Combien êtes-vous plus excellens qu'eux ? » ( S. Luc ch. XII) et par conséquent plus dignes de la sollicitude de Dieu. Moyse en punition d'un doute outrageant à la Providence, fut privé d'entrer dans la terre promise ; tel, le genre humain, en punition de son manque de foi, est banni de la terre promise à lui dans l'Evangile. Le royaume des cieux ou harmonie sociétaire était annoncé aux humains

ils pouvaient y entrer sans délai, s'ils eussent voulu voir de leursyeux et entendre de leurs oreilles ; VOIR l'absurdité du régime philosophique nommé civilisation, toujours favorable à l'injustice et à l'oppression ; ENTENDRE la parole divine qui leur promet le royaume des cieux des ce monde, s'ils veuleut le chercher

quoe- rite et invenietis, cherchez et vous trouverez.

J'essaie de dessiller leurs yeux, dans cette homélie où j expliquerai le sens mystérieux d'une parabole non comprise jusqu'à ce jour, celle du ROYAUME DES CIEUX, que le Messie conçoit en double sens; il annonce le royaume de justice en l' autre monde et en celui-ci, annonce évidente par la promesse des biens terrestres qu'il garan- tit formellement aux hommes, dès l'instant où ils auront trouvé le royaume de Dieu et sajustice, l'harmonie sociétaire, image du royaume céleste, et avant-coureur de la félicité promise aux élus dans une autre vie. INDUSTRIEL. 424 Jésus savaitque dans l'autre monde nous n'aurons besoin ni de vêtements, ni de comestibles

il ne prophétise donc pas pour la vie future, lorsqu'il nous promet ces biensterrestres; et pournous garantir de toute équivoque, il insiste en disant : « Que celui-là entende qui a des » oreilles pour entendre. » C'est assez nous avertir que la parabole est à double entente et qu'il faut la commenter pour en saisir le vrai sens. Diverses causes qui seront expliquées dans ce discours, ont empêché que les hommespussent entendre cette révélation allégorique du destin sociétaire, et que leChrist pût s'expliquer plus amplement sur ce sujet. Jésus annonce évidemment un royaume des cieux qui adviendra dès ce monde, indépendamment du bonheur promis dans l'autre ; il reconnaît que si nous manquions des biens temporels, Dieu serait moins généreux envers l'homme qu'envers les oiseaux du ciel. Je vais exposer le vrai sens de ces paroles du Messie, dans les 2 articles suivans où j'examine I.° les erreurs en interprétation des saintes Ecritures, 2.° l'impéritie en application de leurssages préceptes sur nos études. I.er POINT. Erreurs en interprétation des Saintes Ecritures. « Heureux les pauvres d'esprit, car le royaume des cieux est à eux ; » aucune parabole n'est plus connue, aucune n'est moins comprise. Quels sont ces pauvres d'esprit que préconise J. C. ? ce sont les hommes qui se préservent du faux savoir nommé philosophie incertaine; elle est l'écueil du génie, le chemin de la perdition, en ce qu'elle nous détourne de toutes les études utiles, 45, d'où naîtrait l'harmonie sociétaire, le royaume des cieux et de justice que Jésus ordonne de chercher. Il veut nous prémunir contre l'abus de l'esprit, contre le labyrinthe de cette philosophie condamnée par ses auteurs mêmes qui disent à sa honte

« Mais quelle épaisse nuit voile

» encore la nature! Voltaire. » Ces bibliothèques, préten¬ 426 NOUVEAU MONDE » dus trésors de connaissancessublimes, ne sont qu'un dé- » pôt humiliant de contradictionset d'erreurs. » Anach. Jésus nous apprend que la vraie lumière, la découverte du mécanisme sociétaire est réservée aux esprits droits qui dédaigneront le sophisme et étudieront l'attraction

tel est le sens de ce verset : « Je vous bénis , ô » mon père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que » vous avez caché ces choses aux savans, et que vous les » avez révélées aux simples. » (S. MATTH.

XI.)

Il est donc des connaissances qui sont réservées aux simples, entre autresla découverte de l'harmonie sociale où les esprits philosophiquesne pouvaient pas s'élever. Ainsi en disant

heureux les pauvres d'esprit ! Jésus n'encense point l'ignorance, comme l'insinuent les railleurs; lui-même étonnait les docteurs par sa profonde érudition ; il n'est donc point l'apologiste de l'ignorance; mais il témoigne du mépris pour les obscurans scientifiques obstinés à croupir dans l'ornière civilisée, et refusant de chercher les nouvelles sciences (45) que Dieu révélera aux esprits assez droits pour se défier de la raison humaine, et assez modestes pour se rallier à la raison divine ou attraction collective. Cette subordination doublera leur force et les conduira au but : humilem corde suscipiet gloria. On ne parviendrait jamais à concevoir le langage allégorique des livres saints, tant qu'on ignore qu'il est de nouvelles sciences et de nouveaux mécanismes sociaux à découvrir. L'ignorancedu calcul des destinéesrépand de l'obscurité sur divers passages de l'Ecriture, où elles sont prédites indirectement et allégoriquement, prophéties que les glossateurs les plus subtils ne peuvent pas expliquer d'une manière satisfaisante, faute de connaître la métamorphose future, le royaume de justice et d'harmonie dont ces passages renferment le pronostic, par exemple : Comment expliquer ces versets de l'Evangile où Jésus nous dit

« Croyez-vous que je sois venu pour apporter

» la paix sur la terre ? Non, je vous assure ; mais au con¬ INDUSTRIEL. 427 » traire, la division ; car désormais s'il se trouve cinq » personnes dans une maison, elles seront divisées les » unes contre les autres, le père contre le fils, la mère » contre la fille, la belle-mère contre la belle-fille, etc. » Je suis venu pour mettre le feu sur la terre ; et qu'est- » ce que je désire sinon qu'il s'allume ? » S.Luc, XII. Cependant Dieu est un dieu depeux et non de désordre, dit saint Paul

il est donc étrange d'entendre l'ange de paix, le rédempteur, déclarer qu'il vient apporter au monde les discordes de toute espèce ! Combien d'autres passages de l'Ecriture peuvent causer la même surprise, tant qu'on n'en connaît pas le vrai sens que je vais exposer en système général, car je ne peux pas m'engager ici dans les interprétations de détail. Deux révélations sont nécessaires à l'humanité pour la guider

celle qui touche au salut des ames a été faite par J. C. et les prophètes; elle n'est point objet d'étude, mais de foi pure et simple. Celle qui touche au destin des sociétés, nous estfaite par l'attraction ; elle est objet d'étude, objet de foi spéculative, d'espérance en l'intervention de Dieu, et recherche méthodique de son code sociétaire, Voyez ch. XL. Cette 2.e révélation est conditionnelle;le monde social peut pénétrer le mystère des destinées heureuses s'il veut en faire la recherche; mais il ne s'élève pas à cette connaissance tant qu'il ne la cherche pas; c'est pour cela que Jésus nous dit

« Cherchez et vous trouverez

, demandez et » vous recevrez, frappez à la porte et on vous ouvrira. » Croyez-vous que Dieu ait eu moins de prévoyance pour » vous qu'il n'en a pour les corbeaux, les oiseaux du ciel?» » S. Luc, XII. A quoi servirait de chercher si on ne devait trouver d'autre sort que la civilisation, abîme de misères, et reproduisant toujours les mêmes fléaux sous diverses formes ? Il reste sans doute quelque société plus heureuse à découvrir, puisque le Sauveur nous excite si activement à la recherche

mais pourquoi ne nous a-t-il pas 428 NOUVEAU MONDE éclairés lui-même sur ce point ? Connaissant le passé et l'avenir, le cadre entier des destinées, selon ce verset : « mon Père m'a mis toutes choses entre les mains, » S. MATTH. ch. XI, ne pouvait-il pas nous instruire de notre destin sociétaire , au lieu de nous soumettre à en faire l'invention que notre folle confiance aux philosophes a différée depuis tant de siècles ? Je réponds à cette objection : chargé par son Père de la révélation religieuse, J. C. n'avait point été chargé de la révélation sociale qui au contraire était exceptée formellement de ses attributions, comme il le dit lui-même en ces mots : « Rendez à César ce qui est à César, et à » Dieu ce qui est à Dieu. » Il s'isole bien positivement des fonctions dévolues soit à l'autorité, soit à la politique sociale. Il n'aurait pas pu informer les hommes de leur destinée sociétaire, sans transgresser les décrets de son Père qui avait voulu que cette découverte fût la tâche de la raison et le prix des bonnes études sur l'attraction, (ch. XL.) Jésus connaissant cette destinée heureuse sans pouvoir nous la révéler, gémit souvent sur la limite qui lui est imposée ; car,selon S. JEAN ch. III, « Dieu n'a pas en- » voyé son fils dans le monde pourjuger le monde, mais » afin que le monde soit sauvé par lui. » Sa mission se bornait donc au salut des ames; c'est la plus noble partie de notre destinée, c'est pour cela que Dieu confia cette fonction sublime à son fils bien-aimé, réservant pour la raison humaine, la branche subalterne, le salut politique des sociétés, et par suite la recherche des voies de Dieu en mécanique sociale, voies qu'on découvre par le calcul de l'attraction. J. C. n'ayant pas dû nous éclairer sur ce sujet, ni nous dispenser des études auxquelles son Père nous astreint, il se borne à annoncer paraboliquementla destinée sociétaire sous le nom de royaume des cieux ; elle en fait réellement partie, à titre de règne de la justice et image des harmonies célestes. C'est par allusion à cette destinée heureuse que Jésus nous dit en substance : je vous ouvre INDUSTRIEL. 429 la voie de salut des ames, c'est ce qui vous importe avant tout; quant aux corps, quant aux sociétés mondaines, elles sont encore dans l'abîme d'injustice nommé civilisation ; vous y laisser, c'est vous apporter l'arbre de discorde , « la dissention du père avec lefils, de la belle mère » avec la bellefille » etc., obligé de vous cacherl'issue de cet enfer social, « Je suis venu pour mettre le feu sur la terre et » qu'est-ce queje désire sinon qu'ils'allume? » S. Luc, XII. Ce souhait, loin d'être malveillant, est de la part de J. C. une noble impatience de voir la philosophie com- bler la mesure de ses erreurs, aggraver tous les maux qu'elle prétend guérir, et nous amener enfin, par honte de notre folle confiance en elle, à chercher l'issue du labyrinthe politique où elle nous a plongés. Aussi le divin maître s'élève-t-il avec chaleur contre les sophistes qui nous détournent de cette étude ; il les maudit en disant : « Malheur à vous scribes et pharisiens » hypocrites, qui vous êtes saisis de la clé de la science, » et qui n'y étant point entrés vous-mêmes, l'avez en- » corefermée à ceux qui voulaienty entrer. » S. Luc, XI. Il est bien certain que les philosophes ont saisi la clé de la science, car ils ont commencé le calcul de l'attraction dans la branche inutile, et ils ne veulent pas qu'on l'achève dansla branche utile , dans celle qui nous ou- vrira dès ce monde l'accès au royaume des cieux. Pour nous en fermer l'entrée, ils s'attachent à hérisser de subtilités métaphysiques l'étude de l'homme qui est la plus simple de toutes, et qui n'exige qu'une raison libre de préjugés, confiante à l'attraction, commeles enfans. C'est pour nousramener à cette raison naturelleque J. C. nous dit

« laissez venir à moi les petits enfans, car le royaume » des cieux est pour ceux qui leur ressemblent. Je vous » dis en vérité

Quiconquene recevra point le royaume de

» Dieu commeun enfant, n'y entrera point. » S. MARC,X. En quoi consiste cette aptitude des enfans à recevoir le royaume de Dieu? c'est qu'ils sont tout à l'attractionet point à la morale

ils ont donc le genre d'esprit conve¬ 430 NOUVEAU MONDE nable pour s'initier au calcul de l'attraction qui conduit à la découvertedu royaume deDieuou régime sociétaire. Les pères au contraire, tout imbus de préjugés philosophiques , sont inhabiles aux calculs d'attraction ; et c'est un reproche que leur adressent leurs écrivains judicieux tels que Condillac disant

« Ceux qui n'auront rien

» étudié entendront mieux que ceux qui ont fait de » grandes études, etsurtout que ceux qui ont beaucoup » écrit. » En effet ces hommes imbus de sophisme sont désorientés par la moindre nouveauté qui sort de leur étroite sphère, tandis que les simples et les enfans, moins prévenus contre l'attraction, sont plus disposés à en faire la facile étude. Un grand obstacle à ce que les philosophes aient pu prendre le chemin des bonnes études, c'est l'égoïsme dont ils sont pétris, sous le masque de philanthropie. Jésus le leur reproche avec véhémence en ces termes: « Comment étant méchans comme vous l'êtes, pourriez- » vous dire quelque chose de bon? S. Matth. chap. XII : » sépulcresblanchis,pleins d'ossemens et de pourriture, » au dehors vous paraissez justes aux yeux des hommes, » mais au dedans vous êtes remplis d'hypocrisie et d'i- » niquités. » Ibid chap. XXIII. En effet, leur civilisation dont ils sont infatués, ne repose que sur les principes les plus odieux, tels que ceux-ci

«

Il faut beaucoup » de pauvres pour qu'il y ait quelques riches, il faut » s'étourdir sur les maux inséparables de la civilisation , etc. , etc. » Imbus de ces doctrines d'égoïsme, ils ne peuvent pas s'élever aux idées primordiales de justice, telles que la garantie d'un minimum à concéder au peuple, concession explicitement réclamée par Jésus-Christ

car

lorsque les pharisiens lui reprochent que ses disciples font, le jour du sabbat, ce qui n'est point permis, il répond: « Navez-vous jamais lu ce que fit David dans le » besoin où il se trouva, lorsque lui et ses compagnons » furent pressés de la faim ?, comment il entra dans la » maison de Dieu , mangea les pains de proposition, et INDUSTRIEL. » en donna à ceux qui étaient avec lui, quoiqu'il n'y eut » que les prêtres à qui il fût permis d'en manger? » S.MARC, chap. II. Jésus par ces paroles consacre le droit de prendre son nécessaire où on le trouve, et ce droit implique le devoir d'assurer un minimum au peuple ; tant que ce devoir n'est pas reconnu, il n'existe point de pacte social. C'est le Ier précepte de la charité; la philosophie se refuse obstinément à le confesser, parce qu'elle ignore le moyen de procurer le minimum au peuple, concession vraiment impossible tant qu'on ne sait pas s'élever à quelqu'une des sociétés supérieures à la civilisation ; au moins à la société des garanties solidaires, qui sont l'aurore du bonheur. (Voyez l'avant-propos.) Connaissant les voies de félicité sociale et de régime sociétaire, Jésus en admet franchement les conséquences, telles que la participation du peuple au bien-être, et la pratique des vertus unie à la jouissance des biens de ce monde ; ils nous sont annoncés dans ces paroles d'Isaïe

« L'esprit du Seigneur est sur moi, il m'a envoyé pour » guérir ceux qui ont le coeur brisé, annoncer aux captifs » la liberté, et aux aveugles le recouvrement de la vue ; » et pour délivrer ceux qui sont dans l'oppression. » Or comment pourra-t-on donner aux captifs, aux esclaves, aux nègres, la liberté, sinon par le régime d'attraction industrielle qui déterminera spéculativementtous les maîtres à proposer aux esclaves l'affranchissement ( sauf commandite )

et qui nous délivrera de toutesles oppressions sociales et domestiques ?

En toute circonstancele Messie nous excite à vivre dans l'insouciance, pourvu que nous cherchions le royaume de justice, où sera l'abondance de tous biens. Jésus en donne un avant-goût à ceux qui ont la foi ; aux noces de Cana il change l'eau en un vin exquis. Faut-il nourrir cinq mille hommes, qui de confiance l'ont suivi dans le désert ? Il fait en leur faveur le miracle des pains et des poissons multipliés ; c'est la récompense de leur foi et de leur insouciance.Lui-même se plaint de ne pas posséder 432 NOUVEAU MONDE les biens de ce monde ; il dit: « Les renards ont des ta- » nières, les oiseaux du ciel ont des nids , mais le Fils de » l'homme n'a pas où reposersa tête. » S. MATTH. ch. III. Il réprimande les Juifs sur ce qu'ils lui reprochent d'aimer les bonsrepas ; il leur dit

«

Jean-Baptiste est venu, » ne mangeant point de pain, ne buvant point devin, et » vous avez dit

Il est possédé du démon. Le Fils de l'hom- » me est venu mangeant et buvant, et vous dites : C'est un » homme debonne chère, qui aime à boire. » S. Luc, VII. Jésus leur répond : « La sagesse a été justifiée par tous » ses enfans

 »

il juge la sagesse très-compatible avec la jouissance du bien-être, et, pour joindre l'exemple au précepte, il va s'asseoir à une table délicate, chez un pharisien qui l'invite

une courtisane vient répandre sur

lui des parfums, Jésus blâme le pharisien qui la critique, et il dit à cette femme

Vos péchés vous sont remis, votre

foi vous a sauvée.Compatissant pour le sexe opprimé, il pardonne à la femme adultère et à Madeleinepécheresse ; aussi nous dit-il

« Mon joug est doux

, et mon fardeau » est léger. » S. MATTH. XI. On voit par ces paroles de l'Ecriture, que le divin maître ne se montre jamais ennemi des richesses ni des plaisirs; il exige seulement qu'à la jouissance de ces biens on joigne une foi vive , parce que c'est la foi, chap. XL, qui doit nous conduire à la découverte du régime sociétaire, du royaume dejustice où tous ces biens nous seront donnés parsurcroît. Il ne blâme le désir des richesses que relativement aux vices qui y conduisent en civilisation ; quand il dit: « Il est plus aisé à un chameau de passer par le » trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royau- » me des cieux. » Cette parabole s'entend des injustices, des violences que commettent les civilisés pour atteindre à la fortune. Il se plaint de ces crimes en disant

« Depuis

» Jean-Baptiste jusqu'à présent le royaume des cieux se » prend par violence, et ce sont les violens qui l'empor- » tent. » S. MATTH. ch. XI. Ici le royaume des cieux est emblématique du bien-être envahi par l'iniquité ; mais INDUSTRIEL. 433 pour exciter le génie à la recherche du royaume de justice, pour nous garantir des suggestionsde la philosophie qui crie à limpénétrabilité, Jésus dément ce sinistre augure, en disant : « Il n'y a rien de caché qui ne puisse » être découvert, ni rien de secret qui ne vienne à être » connu. » S. Luc, chap. XI. En effet

tout était facile à découvrir, pourvu que dans

l'investigation, l'on eût apporté les deux qualités recommandées par J. C., la simplicité des enfans en étude de l'attraction, et la foi aux promesses du Messie qui nous garantit l'avènement au royaume de justice, pourvu que nous cherchions avec une pleine confiance, avec cette foi vive qui transporteles montagnes, allusion à la force d'intelligence que fournit la foi, pour résoudre les problèmes gigantesques de l'harmonie universelle, réputés impénétrables. Il sont enfin résolus, mais ils ont dû être inaccessibles à des générations aveuglées, qui, selon S. MARC, ch. VII, « abandonnent la loi de Dieu (le fanal divin de l'attraction), pour s'attacher à la tradition des hommes ( aux fausses lumières de la philosophie). » J'ai prouvé que le sens des SS. Ecritures n'a pas pu être bien saisi, tant qu'on a ignoré la destinée heureuse dont elles contiennent des prédictions voilées. En vain opposerait-on à cette interprétation, certaines phrases où le Messie s'exprime en termes généraux et abréviatifs, comme celle-ci

mon royaume n'est pas de ce monde. S'il

n'en est pas quant à présent, c'est parce que la loi divine sur le mécanisme des passions n'est ni connue ni établie; mais ce bas monde peut s'élever à l'harmonie, ou règne des vertus; dès lors il sera royaume de J. C., de même que le monde civilisé, barbare et sauvage, est royaume de Satan et Moloch. CertesJésus ne veut pas régnersur les mondes qui sont l'image de l'enfer ; mais il nous reconnaîtra pour dignes de son sceptre, lorsque dociles à sa voix nous aurons cherché et trouvé ce royaume de justice dont il nous annonce allégoriquement les délices, dans un parallèle dont Jean¬ 28 434 NOUVEAU MONDE Baptiste est l'objet : « je vous dis en vérité que parmi » ceux qui sont nés des femmes, il n'y en a point eu de » plus grand que Jean-Baptiste; mais celui qui est le plus » petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. » S. Luc, ch. VII ; et de même, le plus pauvre dans le royaume de justice et d'harmonie qui va être fondé, surpassera en bonheur le plus riche d'entre les civilisés. (Voyez les tableaux du chap. XXXIX.) Terminons cette glose en disant avec Jésus-Christ aux nations civilisées : « ne voyez-vous pas que vous êtes dans » l'erreur, parce que vous ne comprenezni les Ecritures, » ni la puissance de Dieu ? » S. MARC, ch. XII. (de Dieu dont les volontés vous sont interprétées par l'attraction ;) aussi Jésus nous dit-il

«

Si quelqu'un parle contre le » Fils de l'homme, son péché lui sera remis; mais si quel- » qu'un blasphème contre le St.-Esprit , il ne lui sera » point remis. S. Luc, ch. XII. ni dans ce siècle, ni dans » le siècle à venir. » S. MATTH. ch. XII. Pourquoi cette indulgence accordée aux blasphèmes contre le Père et leFils, tandis que l'offense faite au SaintEsprit ne trouvera aucune grace ? c'est que le Paraclet, l'Esprit Saint qui procède du Père et du Fils, étant l'organe de l'un et de l'autre ; (d'après l'unité des trois personnes,) c'est les outrager toutes trois que de méconnaître leur organe, le S. Esprit, en résistant à son impulsion collective ; elle nous est communiquée par l'attraction dont il faut déterminer les développemens collectifs, la tendance collective au mécanisme des séries passionnées et de l'unité universelle. (Soit dit pour réponse aux calomniateurs qui prétendent que j'admets pour bonnes, les attractions individuelles déployées en civilisation, et toujours malfaisantes hors des séries passionnées. ) C'est pour nous exciter à cette étude de l'attraction, que J. C. pardonne les outrages dont il est l'objet, mais non pas l'outrage fait au S. Esprit qui par entremise de l'attraction, est révélateur permanent des décrets de la sainte Trinité surl'harmonie sociétaire.Celui qui offense INDUSTRIEL. 435 le Père ou le Fils par des blasphèmes, ne nuit qu'à luimême et ne mériteque le dédain, peut-être l'indulgence; mais un philosophe qui outrage l'Esprit Saint en supposant au calcul de l'attraction, nuit à l'humanité entière, car il lui cache sa destinée, il l'éloigné du bonheur; il ne doit trouver grâce ni en ce monde ni en l'autre. C'est assez prouver que l'Ecriture, dans certains passages mystérieux, avait besoin d'un interprète guide par des connaissances nouvelles. Il reste à parler de notre incapacité à mettre en usage les bons préceptes dont elle est parsemée: ce sera le sujet du 2.e article. 2.e POINT. Impéritie en application des préceptes de l'Ecriture. Je n'en examinerai que deux

un contre la confiance

aveugle aux sophistes, et un contre l'indifférence en ma- tière de religion, l'apathie fardée de piété. I.°LA CONFIANCE AVEUGLE AUX SOPHISTES. « Gardez-vous des faux prophètes qui viennent à vous » couverts de peaux de brebis, et qui au dedans sont des » loups ravissans. VOUS les reconnaîtrez à leursfruits : » peut-on cueillir des raisins sur des épines, ou des figues » sur des ronces? » S. MATTH. ch. VII. Voilà en peu de lignes la boussole des bonnes études; si on l'eût suivie on aurait depuis long-temps échappé à la civilisation. Pour nous abuser, la philosophie s'empare de ce précepte, et l'applique à contre-sens. Le prince des sophistes modernes, DESCARTES, s'affubla de cette peau de brebis; il affecta de prêcher le doute subordonné à l'expérience, il parut se défier des lumièresde la raison humaine ; c'était une ruse pour se mettre en scène, car il ne voulut point soumettre au doute expérimental cet arbre de mensonge qu'on nomme CIVILISATION , qu ne produit au peuple que des épines et des ronces, et au monde social que l'injustice et la fourberie. Malgré ces caractères odieux, il opina à nous engouffrer dans la civilisation au lieu d'en chercher l'issue¬ 28. 436 NOUVEAU MONDE Si l'on eût voulu, selon l'Evangile,juger l'arbre par son fruit, aurait-on pu hésiter un instant à condamner la civilisation, et proposerla recherche du royaume de justice promis dans l'Ecriture ? maison ne comprenait pas le sens de l'Evangile tel que je viens de l'interpréter; de là vient que les hommes pieux sont restés PASSIFS devant le règne du mal. Cela ne suffisait point; il eût fallu prendre le rôle ACTIF, chercher en mécanique sociale ce royaume de justice dont J. C. nous promet si expressément la découverte. C'est peu d'une piété stérile qui se borne à déclamer contre les égaremens de la raison humaine ; il faut recourir franchement, activement à la raison divine, à l'étude des impulsions naturelles ou attractions et répulsions. La classe pieuse devait les étudier, par cela même que la philosophie les condamne. L'Eglise n'avait-elle pas en surabondance des personnages très-cloctes, qui pouvaient remplir la tâche que la philosophiemoderne refusait ou n'osait tenter; tâche éludée astucieusement par les Voltaire et lesRousseau, 421. L'Eglise avait des hommes si capables, tels que les Bossuet, les Fénélon, et tant d'autres; ils n'ont excité aucune recherche sur l'attraction ; ils n'ont proposéni concours ni prix pour cette branche d'études

Jésus les a bien définis en ces mots : « Ils disent ce qu'il faut faire et ils ne le font pas.» S. MATTH. ch. XXIII. Pieux ou impies, tous commettent même profanation f usurpant de concert les droits du Créateur en législation.La seule différence entre eux est celle du rôle actif que prennent les sophistes : Voltaire par ses railleries sur la foi, et Rousseau par ses préventions d'obscurantisme, nous conduisent au même écueil

tous deux, en divers sens, nous

enseignent l'insuffisance de la raison pour connaîtreDieu et pénétrer ses décrets, chose la plus facile ; (on l'à pu voir ch.XL.)J. C. même nous l'assure, en disant

«

Il » n'y a rien de caché qui ne puisse être découvert; cher- » chez et vous trouverez. » Mais les faux prophètes revêtus de la peau de brebis, étouffent toute idée d'investi¬ INDUSTRIEL. 437 gation. L'un, 421, nous persuade qu'il a cherché quand il n'en est rien, l'autre détruit l'espérance et nous détourne des recherches. Déception d'une part, impéritie de l'autre ; tels sont les caractères de ceux qui dirigent la raison humaine. Ce protée qu'on appelle philosophie, vaincu sous une forme en revêt un autre ; aux chimères de liberté et d'égalité bien usées, on voit succéder un nouveau sophisme fardé des noms d'Association, esprit d'association. L'on y découvre deux sectes différentes, qui l'une et l'autre, sont les loups ravissans couverts depeaux de brebis. D'une part est l'esprit d'industrialisme qui, sous le masque d'association , tend à recréer l'esclavage dans des bagnes mercantiles, forme des coalitions de publicains pour brocanter le revenu des empires, pour dévorer l'avenir, etc. Cette secte n'a point d'esprit inventif; elle n'a pas su découvrir le moyen d'envahir le fonds, le territoire ; de réduire la masse des nations en vassalité de quelques chefs mercantiles, et créerle monopole féodal qui constituerait l'entrée en 4.e phase de civilisation. Alors la carrière du crime et de la fourberie serait exploitée bienplus grandement qu'en 3,e phase, où nous sommes. Pourquoi a-t-on tardé à découvrir ce redoublement d'infamiessociales ? c'est que le caractère distinctif des philosophes qui nous dirigent, est la petitesse, même dans le crime. L'autre secte qui prétend fonder l'association, a pour agensdenouveaux philosophesappelés Owenistes, du nom de leur chef

gens qui forment sousle nom d'association,

des réunions anti-sociétaires, car ils repoussent les méthodes d'où naîtraient l'accord des passions etl'attraction industrielle, buts de l'état sociétaire. Ces établissements ne remplissent aucune des conditions à imposer à tout fondateur sociétaire

la première est d'opérer par attraction, entraînera l'imitation les sauvages , et surtout les propriétaires d'esclaves dont aucun n'a adhéré au régime Owéniste. Ce régime est donc un leurre de plus , comme toutes les conceptions philoso¬ 438 NOUVEAU MONDE phiques : d'ailleurs que pouvait-on attendre d'une secte qui débutoit par s'isoler de Dieu, lui refuser le culte pu- blic ? Son chef, avec une grande ostentation de charité et de philantropie, a repousséobstinément la précaution que dictait une charité réelle ; c'était de mettre au concours l'invention du procédé naturel en régime sociétaire, et prendre toutesles mesures qui pouvaient provoquer cette découverte ou les approximations. Rob Owen a évité soigneusement cette démarche qui eût blessé son orgueil; il vouloit être à la foisinventeur,fondateur et orateur de l'association, cumuler les 3 rôles qui exigenttrois personnages différens; il voulait pourlui seul toute la gloriole, 181. Il s'est emparé du mot association, sans s'inquiéter de la chose ; ne songeant qu'à s'arroger l'honneur d'une découverte à faire, qu'à détourner de cette étude, en persuadant qu'il avait rempli la tâche à luiseul. Abîme tout plutôt, c'est l'esprit des sophistes. Cet orgueil démesuré aurait pu long-temps encore éloigner les modernes de recherches sur l'association, si par un heureux hasard l'invention n'étoit survenue à l'époque même ou Rob Owen s'en attribue l'honneur, bien qu'il ne soit qu'un médiocre sophiste, un copiste de G. Penn, fondateur des Quakers; enfin un homme aussi incapable d'invention que dépourvu de philantropie réelle. On en jugera par une analyse succincte de ses méthodes que j'examinerai à la Postface. Il recueillera de sa folle prétention, le même honneur que cet Erostrate qui détruisit le temple d'Ephèse, pour se faire un nom dans l'histoire. Ainsi, Rob Owen pour se donner comme G. Penn le lustre de chef de secte, n'a travaillé qu'à leurrer les sociétés industrielles, qu'à faire manquer les recherches d'où dépend leur avènement au bonheur sociétaire. Heureusement, il aura été déjoué à temps. Le succès momentané de cette jonglerie doit rallier les hommes prudens à la boussole donnée par l'Evangile, au doute expérimental, guide le plus fidèle en étu¬ INDUSTRIEL. 439 des sur l'association, comme sur tout autre sujet. Il faut juger l'arbre à son fruit, et se défier des loups déguisés en brebis : or quels sont les fruits de cette nouvelle secte ? at-elle entraîné les sauvages et les maîtres d'esclaves ? non : si Rob Owen, avec la faculté qu'il a de fonder de grands établissemens, avait quelque notion du mécanisme sociétaire, il l'aurait depuis vingt-ans répandu sur le globe entier par la seule influence du bénéfice et du plaisir ; il n'existerait plus ni sauvages, ni barbares, ni civilisés: il n'a au contraire abouti qu'à profaner le MOT, sans rien faire pour la CHOSE ; qu'à inspirer une telle défiance pour l'idée d'association, qu'il faut aujourd'hui exclure ce mot d'une théorie qui enseigne la chose, le procédé d'association naturelle. Tel est notre 19e siècle, vantant ses progrès en raison, et ne sachant organiser que l'anarchie scientifique d ou il sortirait à l'instant, s'il voulait se rallier au précepte évangélique : suspecter lesfaux savons, et juger l'arbre à son fruit. Au lieu de cette prudence, il s'engage de chimère en chimère; il n'encourageque les inventions malfaisantes , les subtilités fiscales et les pièges d'agiotage. Entraînée par le torrent mercantile, notre philosophie ne s'aperçoit pas que le monde social court à la 4e phase de civilisation, plus scélérate encore que la 3e où nous sommes. Les philosophes modernes, dit fort bien l'Evangile , sont les aveugles qui conduisent des aveugles. Cette secte de prétendus espritsforts, piquée de n'avoir que du bel esprit sans génie inventif, a formé une ligue secrète pour étouffer les découvertes qui sortent de la sphère académique. « Ils ont ( dit J. C. ) saisi la clé de la » science pour enfermer l'entrée. » Ils reprochenta leurs rivaux, le principe compelle intrare ; et ils adoptent le principeencore pire, prohibe intrare : aussi, tout en promettant des torrens de lumières,se refusent-ils a mettre au concours les nombreuses inventions qui restent a faire, et surtout la continuation et l'achèvement du calcul de l'attraction commencé par Newton. Tel est l'état 440 NOUVEAU MONDE de la raison au 19e siècle ; tel est l'abîme où elle s'est plongée, par son obstination à ne pasjuger l'arbre par son fruit

vice dont le résultat inévitable est d'ouvrir la porte à toutes les charlataneries, et fermer l'accès aux vraies lumières. L'examen d'un seul des préceptes évangéliques, celui de juger l arbre par lefruit, suffirait à démontrer que les civilisés ne veulent faire aucune application régulière des doctrines certaines; je pourrais étendre la démonstration à vingt autres préceptes; il suffira d'un second, d'où on conclura, comme de celui-ci, que notre siècle, en affectant de rechercher la vérité, ne cherche qu'à l'étouffer

car de tous ces écrivains qui ont prôné le doute, pas un n'a voulu douter de la nécessité des deux sociétés civilisée et barbare, mettre en problème si elles sont destin ultérieur, ou si elles sont des monstruosités temporaires, des échelons pour s'acheminer plus loin , pour s'élever à des périodes sociales moins malheureuses ? Une remarque à faire sur les préceptes évangéliques, est qu'ils sont la source où vont puiser leurs antagonistes mêmes. Qu'est-ce après tout que cette doctrine de Descartes, restaurateur de la philosophie moderne? C'est un exposé pompeux du précepte bien concis dans l'Evangile, se défier des sophistes et juger l'arbre par le fruit. Descartes a bâti sur ce principe un vaste système qu'il n'a point suivi; il s'est donné le relief de novateur, quand il n a fait que paraphraser une idée empruntée à JésusChrist , la torturer et l'accommoder à ses doctrinessans en faire un usage régulier, tel que l'ordonne son auteur. Toutes nossciences philosophiques ne reposent de même que sur des plagiats, dont on retrouverait les types dans lessaintesEcritures, Genèse, Évangile, etc. ; c'est ainsi que les idéologues, pour se créer une science, ont travesti le mot ame en une périphrase gothique, la perception de sensation, de cognition du moi humain. La philosophie n'étant qu'une spéculation de librairie, il faut bien quelle complique et embrouille chaque sujet, quelle y INDUSTRIEL. 441 mette autant de prolixitéqu'il y a de concision aux sources où elle a puisé. Redisonsque les philosophes ne sont pas les seuls coupables du long délai qu'aura éprouvé l'avènement à l'harmonie

faisons à chacun sa part des torts. Ceci nous conduit à l'examen d'un 2e. précepte, cherchez et vous trouverez ; et des égaremens où sont tombés les hommes pieux, par leur mépris pour cet avis répété en triple sens par le Sauveur qui nous dit : CHERCHEZ, DEMANDEZ, FRAPPEZ A LA PORTE. Si la classe qui se dit pieuse avait eu quelque dose de foi et d'espérance, elle aurait essayé de prendre à la lettre les pronostics de Jésus - Christ qui nous fait augurer sans cesse la découverte du code divin, si nous voulons le chercher ; et qui nous fait sentir combien il serait injurieux à nous , de soupçonner son père d'un manque de prévoyance en quelque point, le soupçonner d'avoir eu pour nous moins de sollicitude qu'il n'en a pour des êtres méprisables tels que les corbeaux. Jésus nous dit au contraire que Dieu entre dans l'examen de nos besoins jusqu'au point de compter tous les cheveux de notre tête ( allusion à l'extrême prévoyance de Dieu ) ; comment donc aurait-il omis de pourvoir au besoin le plus pressant des sociétés humaines, celui d'un code régulateur de nos relations industrielles, garant de la justice? je l'ai dit ailleurs

Dieu fait des lois d'harmonie sociale pourles créaturesles plus immenses comme

les mondes planétaires, et pour les plus petites, les abeilles, les fourmis

aurait-il pu manquer à en faire pour l'homme, ainsi qu'il le dit lui-même ? Tel est le problème principal qui devait occuper les classes pourvues de foi et d'espérance. Que de discussions importantes seraient nées de cette question, que de lumières elle pouvait répandre, que d'ardeur elle aurait inspirée pour procéder enfin aux recherches selon le précepte, cherchez et vous trouverez ! J'extrais du traité I, 192, quelques phrases sur ce sujet. 442 NOUVEAU MONDE Si c'est à l'humanité à se donner des lois, s il n'est pas besoin que Dieu intervienne, il aura donc jugé notre raison supérieure à la sienne en conceptions législatives. De deux choses l'une

ou il n'a pas su, ou il n'a pas voulu nous donner un code social favorable à l'équité

s'iln'a pas su, comment a-t-il pu croire que notre raison réussirait dans une tâche ou il aurait craint d'échouer lui-même ? s'il n'a pas voulu, comment nos législateurs peuvent-ils espérer de construire l'édifice dont Dieu au- rait voulu vous priver? Prétendra-t-on que Dieu a voulu laisser à la raison une portion de régie, une carrière en mouvement social

qu'il nous a départi les fonctions législatives, quoique pouvant mieux les exercer lui-même ; qu'il a voulu laisser cette chance à notre génie politique ? mais nos essais de 3000 ans prouvent assez que le génie civilisé est insuffisant, inférieur à la tâche ; Dieu a dû prévoir que tous nos législateurs, depuis Minos jusqu'à Roberspierre, ne sauraient qu'enraciner les fléaux connus, indigence, fourberie, oppression, carnage. Connaissant, avant même de nous créer, cette impéritie et ces résultats déplorables de la législation humaine , Dieu nous aurait donc donné à plaisir une tâche au-dessus de nos forces, et qui aurait été si légère pour les siennes! quels motifs aurait-il eus pour se refuser à nous donner un code étayé d'attraction ? il y a sur cette lacune, sextuple alternative : I.° Ou il n'a pas su nous donner un code garant de justice, vérité, attraction industrielle; dans ce cas il est injuste à lui de nous créer ce besoin, sans avoirlesmoyens de nous satisfaire, comme les animaux, pour qui il compose des codes sociaux attrayans et régulateurs du système industriel.= 2.° Ou il n'a pas voulu nous donner ce code; dans ce cas il est persécuteur avec préméditation, nous créant à plaisir des besoins qu'il nous est impossible de contenter, puisqu'aucun de nos codes ne peut extirper les fléaux connus.=3.° Ou il a su et n'a pas voulu : dans INDUSTRIEL. 443 ce cas il est l'émule du démon, sachant faire le bien et préférant faire le mal.—4°. Ou il a voulu et n'a pas su : dans ce cas il est incapable de nous régir, connaissant et voulant le bien qu'il ne saura pas faire, et que nous saurons encore moins opérer. — 5.° Ou il na ni su ni voulu : dans ce cas il est au-dessousdu démon qu'on peut bien accuser de scélératesse, mais non pas de bêtise. — 6.° Ou il a su et il a voulu

dans ce cas le code existe, et il a du nous le révéler, car à quoi servirait ce code, s'il devait rester caché aux humains à qui il est destiné ? La conclusion sur les six alternatives est que le code existe ; on devait donc le chercher, puisque J. C. nous dit que nous ne trouverons qu'autant que nous chercherons, quoerite et invenietis, pulsate et aperietur vobis. On n'aurait pas douté un seul instant de ce code, si l'on eût observé combien il est aisé à Dieu de nous accorder cette faveur. En effet

pour nous délivrer du fléau

des fausses lumières, pour nous donner un code propre à harmoniser nos relations domestiques, industrielles et sociales, qu'en coûte-t-ilà Dieu ? RIEN

oui, rien du tout. Il n'a pas même besoin de génie dont sans doute il est bien pourvu; il lui suffit de VOULOIR ; car d'après la faculté que lui seul possède, d'après son pouvoir d'imprimer attraction, le plus mauvais code composé par lui, et étayé d'attraction, se soutiendrait de soi-même, et s'étendrait à tout le genre humain parl'appât du plaisir ; tandis que le meilleur code composé par les hommes, ayant besoin d'être étayé de contrainte et de supplices

devient une source de discordes et de malheurs, par la seule absence d'attraction pour l'exécution des lois. Aussi toutes les constitutions des hommes s'écrouleraient-elles à l'instant, si on cessait de les soutenir de sbires et de gibets. On peut de là tirer une conclusion bizarre mais fort juste; c'est que notre bonheur ne peut naître que des lois divines, lors même que Dieu serait moins habile en législation que les philosophes

que sera-ce donc si Dieu

est leur égal en génie, ce qu'on peut présumer sans leur 444 NOUVEAU MONDE faire injure. Son code ne fût-il que l'égal des leurs en sagesse, aura toujours un litre de supériorité inappréciable, en ce qu'il sera soutenu de l'attraction passionnée, seul gage de bonheur pour ceux qui obéissent. L'homme est plus heureux d'obéir à une maîtresse que de com- mander à un esclave. Ce n'est pas de la liberté seule que naît le contentement, mais aussi de la convenance d'une fonction avec les goûts de celui qui l'exerce. Ainsi Dieu serait assuré de faire notre bonheur par un code attrayant, fût-il inférieur en sagesse à ceux des hommes; et d'autre part, Dieu est assuré de nous voir tomber dans le malheur sous tous les codes venant de la raison humaine, par cela seul qu'ils ne seront pas attrayans; car le législateur homme n'a pas la faculté de nous imprimer attraction pour ses percepteurs, sbires, garnisaires , conscriptions et autres perfectibilités des chartes civilisées , qu'on dit libérales. Ces considérations qui n'ont pas pu échapper à la sagesse divine, ont dû la déterminer à nous donner un code socialquelconque, étayé du ressort d'attraction passionnée. Ces mêmes considérations devaient stimuler les hommes à rechercher si ce code divin qui régirait tout par attraction, n'est pas existant et ignoré par suite des méthodes vicieuses de la science, qui n'aura su ni le découvrir, ni même le chercher. Il fallait donc mettre en question par quelles voies on devait procéder à la recherche et à la détermination de ce code. Tout raisonnement sur ce sujet, eût conduit à mettre au concours l'étude analytique etsynthétique de l'attractionpassionnée, facile étude qui est l'épouvantail des philosophes, et qui est pourtant la seule voie directe et méthodique pour s'élever à l'invention du calcul de l'harmonie sociétaire. Si nous en étions au coup d'essai, aux premiers âges de civilisation, nous serions peut-être excusables de fonder quelque espoir de bien social sur nos propreslumières, sur ces constitutions philosophiques qui ont tant pullulé depuis un demi siècle. Mais nous sommes amplement INDUSTRIEL. désabusés par une longue expérience, nous n'avons évidemment rien de bon à espérer de nos quatre sciences, Morale, Métaphysique, Politique et Economisme. Vingtcinq siècles d'épreuve ont prouvé qu'elles sont autant de cercles vicieux qui, loin de remplir aucune de leurs promesses, ne donnent que des fantômes de garantie et ne savent que faire éclore de nouvelles calamités, aggraver tous les fléaux qu'elles promettaient d'extirper. Il faut le redire

dans cette Angleterre, foyer de l'industrialisme, la capitale, (37) à elle seule, contient deux cent trente mille indigens; les provinces en proportion ; et le secours annuel de deux cents millions aux pauvres, ne sert qu'à y perpétuer une misère et un esclavage dont les tableaux font horreur. Voilà les fruits de la nouvelle chimère d'industrialisme, et le sceau de réprobation pour ce siècle qui, rétif aux instructions de l'Evangile, ne veut point juger l'arbre à sonfruit, se défier desfaux savans, espéreren Dieu seul et chercherson code si on veut le découvrir. ( Voyez 1, 197, le tableau des absurdités sans nom- bre où serait tombé Dieu, s'il eût manqué à la composition et révélation d'un code social attrayant.) D'après cet aperçu des égaremens de l'esprit humain en calcul des destinées, il est bien évident que la saine partie des civilisés, la classe qui se dit et se croit pieuse, est tombée dans la même erreur que les impies, dans la défiance de la providence , et surtout de l'universalitéde cette providence. Le plus grand outrage à lui faire, est de la croire limitée, partielle, insuffisante, selon l'opinion civilisée. Ceux même qui écrivent contre l'indifférence en matière de religion, sont coupables de cette apathie qu'ils dénoncent ; coupables du manque de foi et d'espérance, puisqu'ilsont refusé de chercherle code social divin, et qu'ils ont par lefait, secondé les philosophes tous ligués pour empêcher l'étude des sciences vierges et né- gligées , 45 , conduisant à l' invention de ce code. Jésus-Christ, nous dit de la secte philosophique

ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles : mais quel

446 NOUVEAU MONDE redoublement de déraison ! Ces aveugles qui reconnaissent que la philosophie les a conduits en fausse route, ce siècle qui déclame contre l'irréligion, soutient la prétention sacrilège des philosophes à dépouiller Dieu de la législation; il doute encore de l'intervention de Dieu, quand il est évident que Dieu, par l'attraction, dicte des lois sociales à tout l'univers.La théorie newtonienne dont notre siècle s'enorgueillit, lui a révélé cette vérité, et il persiste à la méconnaître, il repousse le code divin qui lui est apporté : c'est donc pour notre siècle que l'évangéliste a dit

« Et la lumière est venue dans les ténèbres, « et les ténèbres ne l'ont point comprise. » S. JEAN, ch. 1. J'ai pu leur paraîtrebizarre, lorsque j'ai dit, au début de cette homélie

Les nations modernes se sont perdues par défaut de foi et d'espérance en Dieu ; langage ridicule aux yeux d'une génération habituée à railler sur ce qu'elle ne comprend pas de prime abord. Quand Voltaire plaisante sur ce que la nouvelle Jérusalem aura 500 lieues de haut, il ignore que c'est une allusion aux 500,000 phalanges que formera, dans son début, l'harmonie sociétaire ou nouvelle Jérusalem. Combien citerait-on de ces allégories qui, par leur style oriental, semblent risibles à nos esprits forts, et qui seront des tableauxaussi gracieux que fidèles, dès que l'esprit humain aura quitté le sentier des fausses lumières ! par exemple, nous voyons que J. C. n'adopte que les nombres XII et VII ; qu'il choisit 12 apôtres, et leur promet 12 trônes au jour de la régénération ; c'est un emblème de l'harmonie qui reposera sur le règne des 12 passions. Par analogie, J. C. a dû choisir douze colonnes de sa doctrine, et admettre parmi les douze, un traître, un Judas, image de la passion dite lien defamille, qui est source du mal, germe de l'industriemorcelée et de la fausseté en relations sociales. Négligeons ces détails qui sont hors de notre sujet ; bornons-nous à signaler les torts intelligiblesselon les lumières actuelles

il est évident que sous un vernis de sen¬ INDUSTRIEL. 447 timens religieux, nos hommes pieux ne sont que des philosophes mitigés, des sceptiques niant les propriétés primordiales de Dieu, 417. Ce sont des fauteurs de l'incrédulité, doutant de la suffisance de Dieu, sanctionnant la prétention des hommes à faire des lois sociales, comme si Dieu avait pu oublier d'en faire. Les voilà confondus par la découverte du code social divin. S'ils persistent à soutenir cette philosophiequi veut ravir à Dieu la prérogative de législation, il faut se borner à leurrépondre,jugez l'arbre à sonfruit, Voyez quels fruits a produits la législation humaine, INDIGENCE, FOURBERIE, OPPRESSION, CARNAGE, et tant d'autres fléaux inséparables du régime civilisé et barbare ; con- cluez-en qu'il eût fallu depuislong-temps chercherl'issue du labyrinthe où la raison est égarée, quoerite et invenietis. Lorsqu'enfin un homme a cherché et trouvé le code dont vous désespériez, quelle conduite devez-vous tenir à l'égard de cette invention? Êtes-vous sensés si vous la diffamez avant qu'elle n'ait subi un examen régulier ? Vous accordez aux chimèresd'athéisme de la secte OWEN, vingt épreuves dans autant d'établissemens qui trouvent des fondateurs en Europe et en Amérique, et vous ne voulez pas même permettre accès à la véritable théorie sociétaire ! Rougissez de cet acte de vandalisme

c'est, pour vous que levangéliste a dit

La lumière est venue dans le monde, et les hommes ont mieux aimé les ténèbres,

parce que leurs actions étaient mauvaises. S. JEAN, ch. III

parce que leurs sciences trompeuses dites morale et politique, ne pouvaient supporter aucun parallèle avec la science de vérité, avec l'oracle des décrets divins, le calcul mathématique de l'attraction passionnée. HOMMES qui prétendez à la piété, et qui ne croyez pas a l universalité de la Providence, à la transmissionde son code, vous êtes dans l'erreur, voulez-vous y persévérer ? Errare humanum est, perseverare autem diabolicum. Vous pratiquez l'égoïsme et non la piété. Vous ajoutez , 448 NOUVEAU MONDE au défaut de foi et d'espérance, le défaut de charité ; vice dont S. Paul nous dit

«

quand j'aurais toute la foi » possible, jusqu'à transporter les montagnes, si je n'ai » point la charité je ne suis rien » ( Ep. aux Cor.) Vous deviez, pour l'amour du prochain, un tribut d'études, une exploration active des lois sociales deDieu ; vous deviez au moins mettre au concours cette recherche ; et vous avez, par indolence, éludé la tâche, laissé le champ libre aux philosophes, en vous bornant à quelques déclamations contre leur malfaisance, à quelques simulacres d'esprit religieux : vous êtes les pervers dont J. C. a dit : « Ce peuple m'honore des lèvres, mais leur » coeur est loin de moi

et le culte qu'ils me rendent est

» vain et frivole, puisqu'ils enseignent des maximes et » des ordonnances humaines.» S. MATTH

chap. XV. Voila, en termes précis, la condamnation des lois des hommes, et de ceux qui croient à la sagesse de ces lois. Puisqu'enfin le code social de Dieu vous est apporté , n'hésitez point à abjurer vos erreurs : voulez-vous renouveler le scandale donné par les siècles d'obscurantisme qui persécutèrent les Colomb, les Galilée ? Votre capitale du sophisme a hérité de cet esprit salanique, de ce vandalismedu XV.e siècle. C'est pour toi, moderneBabylone, pour toi, ville de Paris, que J. C. a dit

 »

Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes, et » quilapides ceuxqui sont envoyésvers toi.» Tes docteurs sont une légion de Zoïles que Jésus a démasqués, en disant : « Malheur à vous, scribes et pharisiens qui bâtis- » sez des tombeaux aux prophètes, et qui dites : si nous » eussions été du temps de nos pères, nous ne nous fus- » sions pas joints à eux pour répandre le sang des pro- » phètes. S. LUC, XI. S. MATTH. XXIII. Tel est aujourd'hui votre langage, sophistes qui pervertissez l'opinion, vous déclamez contre les générations qui ont persécuté de vrais savans, et vous êtes plus iniques encore contre les inventeurs que la providence vous envoie. Pour les traverser, vous vous affublez d un INDUSTRIEL. manteau de raison qui n'est que manteau de vandalisme, pire qu'au siècle des Colomb, des Galilée. Et vous, hommes pieux, qui croyez servir Dieu en soutenant le parti des philosophes ennemis de toute découverte , faisant commerce de sophismes, vous prétendez bâtir la maison du Seigneur, et vous ne bâtissez que pour Béelzébuth, car vous favorisez la philosophie, en étouffant la théorie d'attraction passionnée, interprète du code divin. Vous avez depuis vingt siècles servi Dieu en vaines pa- roles, en stériles holocaustes; faites enfin quelque chose pour la foi et la charité ; fondez la maison de Dieu, la phalange d'essai en harmonie sociétaire, essai qui ralliera subitement le globe entier sous la bannière divine, et qui comblera de richesse et de gloire tous les fondateurs, même les coopérateurs secondaires. Que sont vos entreprises actuelles? des raffinemens de barbarie pour river les fers des peuples par la réduction du salaire, et par l'emprisonnement de la classe pauvre dans les bagnes industriels nommés grandes manufactures, qui ne lui assurent ni bien-être ni retraite. Ces vexations mercantiles sont réprouvées de J. C. et des Pères de l'Eglise.S. Chrysostôme nous dit qu'unmarchand ne saurait être agréable à Dieu, et Jésus battait de verges les marchands, il les chassait du temple en leur disant

Vous faites de ma maison une caverne de voleurs.

Jusqu'ici, il a pu vous sembler difficile de lutter contre le protée qu'on appelle commerce. Vous ne saviez par quel point l'attaquer, car il maîtrise les gouvernemens mêmes devenus ses vassaux. Enfin la Providence vous envoie un guide qui connaît les côtés faibles de l hydre mercantile, et qui, par inauguration du régime véridique, vous délivrera de ce veau d'or, Idole digne d'une secte d'aveuglesqui conduisent des aveugles, idole digne des philosophes modernes. « Et toi, Capharnaüm ( toi, philosophie, ), t'élèveras- » tu toujours jusqu aux cieux ? Non, tu seras précipitée 29 450NOUVEAU MONDE » jusqu'au fond des enfers. »» ( S. Luc, ch. X. ) Voilà votre arrêt, sophistes ennemis de l'attraction, ennemis des richesses et de l'harmonie.Jésus vous l'a dit: « Vous êtes des » sépulcres blanchis, qui au dedans sont pleins depour- » riture. Serpens,race de vipères, commentpourrez-vous » éviter d'être condamnés au feu éternel ? » S. MATTH., ch. XXIII. « Quelle secte a plus mérité d'être plongée » dans la géhenne, où il n'y a que pleurs et grincemens » de dents ? » Laissons à Dieu le soin de vous juger, et de discerner s'il en est parmi vous quelques-uns dignes de sa clémence

jusque-là couvrez-vous de cendre ; hâtez-vous, comme l'hérésiarque GENTILIS, défaire abjuration publique, et de déchirer vos livres. Votre châtiment, dès ce monde, sera de voir les nationss'élever au bonheur et à l'opulence, en foulant aux pieds vos doctrines perfides. Vous-mêmes livrerez aux flammes ces bibliothèques, dépôt humiliant de contradictions et d'erreurs; tandis que les nations, délivrées de leurs chaînes,s'introniseront dans la nouvelleJérusalem , en disant avec Siméon

« Seigneur, nous avons

» assez vécu , puisque nous avons vu l'oeuvre de votre sa- » gesse, le code sociétaire que vous avez préparé pour le » bonheur dé tous les peuples. » Alors le monde entier retentira des malédictionscontre leslois des hommes, et contre les infâmessociétés civilisée et barbare : alors les peuples, comblés de richesses, de délices, et trouvant les voies de fortune dans la pratique de la vérité, s'écrieront dans une sainte ivresse

« Voici

» venir les jours de miséricorde promis par le Rédemp- » teur disant

Heureux ceux qui ont faim et soif de jus-

» tice, car ils seront rassasiés. (S. MATTH., ch. V.) C'est » vraiment par l'harmonie sociétaireque Dieu nous mani- » feste l'immensité de sa providence, et que le Sauveur, » selon sa prophétie, vient à nous dans toute la gloire de » son père. C'est le règne du Christ

il triomphe, il est » vainqueur: CHRISTUS REGNAT, VINGIT, IMPERAT. INDUSTRIEL. 451 FONDATIONS APPROXIMATIVES. J'AVAIS promis un article très-détaillé sur les approximations de mécanisme sociétaire

des compagnies peu fortunées pourront désirer de fonder en petit ; c'est la manière favorite des Français, ébaucher, tâtonner; la plupart opineront pour un essai réduit à moitié, à 900 personnes, ou au tiers, 600 personnes. Je leur observe qu'en réduisant une mécanique, on en fausse le système, si on ne conserve pas toutes les pièces: nous savons réduire une immense horloge de clocher en un petit coffret ou montre d'un pouce de diamètre

mais

cette montre contient toutes les pièces de la grande mécanique, même la sonnerie ; dès lors le système, quoique réduit, n'est point changé. Il n'en est pas ainsi d'unemécanique de passions

pour

la réduire dansla proportion d'une horloge de cathédrale à une petite montre, il faudrait avoir des hommes en miniature, des Lilliputiens hauts d'un demi-pied, des animaux et des végétaux de même dimension, il serait facile d'en former une petite phalange en miniature, 1800 pygmées logés dans un castel, et bornés à cultiver un terrain carré de cent toises de base. Cette phalange se- rait complette en mécanisme ; elle aurait en petit son as- sortiment de caractères, elle opérerait aussi exactement que des hommes de notre stature. Mais s'il faut retrancher sur le nombre, se réduire de 1800 à 900 ou 600, on se prive des ressorts nommés ca- ractères, et on fausse le mécanisme d'attraction industrielle, d'équilibre des passions. Dès lors le jeu de la ma- chine se complique, se ralentit en raison composée de la diminution des ressorts. Si les 3 phalanges sont de 1800, 900 , 600, la force motrice ou dose d'attraction industrielle, qui alimente les séries passionnées, ne sera pas en rapport de 18, 9, 6 ; mais à peu près de 18, 6, 3, 29. 452 NOUVEAU MONDE par suite la cohorte salariée suppléant aux lacunes d'attraction devra être de 100, 100, 200, et mieux encore de 100, 200, 300

car elle sera chargée de tous les travaux qui n'exciteront pas d'attraction ; or ils seront bien plus nombreux dans une petite phalange que dans une grande ; la petite, bornée à 600, ayant des séries mal engrenées, faibles de ressorts, ch. V, VI, pourra à peine créer attraction sur les deux tiers des travaux ; cette lacune exigera une cohorte d'environ 300 salariés pour l'autre tiers de l'ouvrage. Plus la phalange sera petite, plus on devra s'attachera avoir un grand nombre d'enfans, dût-on les prendre à pension ; car les enfans sont celui des 3 sexes qui se livre le plus franchement à l'attraction, et qui se passionne le plus promptement pour le régime des séries industrielles. Une société qui n'aura pas pu réunir la masse de capitaux nécessaires pour fonder en grand, devra opérer comme si elle étoit certaine de trouver ces capitaux dès l'année suivante, car elle les trouvera réellement, si elle fait ses dispositionspour uncommencement de grande phalange , et non pas pour une phalange réduite. Selonce plan, elle devra construire, au lieu d'un édifice régulier, un tiers du grand édifice tracé page 146, une aile seulement, pour expectative des 2 autres portions, centre et 2e aile. Je suppose qu'elle construirait la portion qui s'étend de O en a, puis les bâtimens X et Z. Il faut à cette occasion relever l'erreurcommise au plan: on y lit ces mots : Longueur dufront entier, 260 toises ; il est évident que c'est 360 et non 260

car la place P est

comptée pour 200 toises; le front des deux ailes est presque égal à cette place. La petite phalange construisant un tiers de grand phalanstère et non pas un petit phalanstère, son terrein devra être disposé dans le même sens; tout en débutantsur une petite surface d'un tiers de lieue carrée, elle devra prendre des arrangemens pour avoir en contiguité une lieue entière, et en jouir dès l'année suivante. Si elle manquait a INDUSTRIEL. 453 ces précautions, elle serait bientôt devancée par d'autres compagnies qui se formeront en concurrence avec elle, et qui prouveraient qu'elle n'a rien prévu, qu'elle n'a pas osé envisager l'opération, qu'elle n'est composée que de chefs pusillanimes , d'avortonsintellectuels. Ces objections seraient valables et feraient perdre à une phalange réduite le prix de fondation

elle perdrait en outre l'immense bénéfice des curieux payans qui se porteraient tous dans une phalange de plein mécanisme, telle qu'on se hâteraitd'en fonder lorsque la petite phalange d'essai aurait donné l'éveil, et prouvé que le mécanisme de séries passionnées et d'attraction industrielle, est de la plus grande facilité. La petite phalange, en formant ce plan d'extension , aura d'autant plus de chances pour trouver de nouveaux actionnaires, qu'on pourra juger des économies que produira la grande phalange ; par exemple sur les engagemens de maîtres ouvriers et instituteurs quelconques, il sera évident que les maîtres engagés pour 600, serviraient demême pour 1800,saufla transmissiongraduéeen mode mutuel, 347. Plus la petite phalange périclitera par défaut de nom- bre, plus elle devra spéculer sur la forte dose d'attraction , et considérerqu'il faut savoir semer pour recueillir; elle devra donc s'attacher à la gastrosophie, 302, principale semaille d'attraction. Ce sera la branche où on pourra former promptement des séries passionnées , et apprécier leur influence dès les premiers mois. On ne trouvera pas cet avantage dans des cultures, troupeaux et colombiers réduits au tiers de la grande phalange ; le jeu des séries y sera gêné, l'exercice parcellaire, ch. VI, y sera bien restreint ; il est aisé dans un groupe de 30 sectaires, de former 5 à 6 sous-groupes, chacun de 5 à 6 sectaires; mais si le groupe n'est que de 10 personnes, il devient très-difficile d'y organiser les sous-groupes et l exercice parcellaire, si précieuxpour donner de l'intensité aux attractions industrielles. 454 NOUVEAU MONDE Pensera-t-on qu'il faudra restreindre le nombre des fonctions, afin de pouvoir y adapter des séries copieuses? c'est raisonner en moraliste qui croit mener l'attraction à volonté ; la nature distribue les attractions en travail domestique, sur 1620 personnes; si on réduit ce nombre au tiers, on ne peut pas tripler les attractions; tel travail comme le soin des pigeons, qui aurait rencontré 60 sectaires passionnés sur une masse de 1620, n'en aura que 20 si vous réduisez au tiers le nombre de sociétaires sur lequel il faut trouver une secte de pigeonistes

et si on

veut la porter à 40, pour favoriser l'exercice parcellaire, il y en aura moitié qui ne seront pas passionnés

la série sera très-défectueuse, mal intriguée, sans ardeur, sans dextérité, sans unité d'action. D'autre part si on a trop peu de séries, si pour les renforcer en nombre de sectaires on se réduit à peu de fonctions, beaucoup de gens ne pourront pas donner cours à leurs attractions et seront faussés. D'ailleurs une phalange d'un petit nombre de séries échouerait sur l'accord de répartition , parce que les séries ne seraient pas suffisamment engrenées, 89. Les impulsions de cupidité ne seraient pas assez graduées pour s'équilibrer, s'entraîner spéculativement à la justice, 364. Il n'est pas besoin d'ajouterque moinsla phalange sera nombreuse, plus elle devra éviter la grande culture et les travaux de long cours, dont les produits ne peuvent se recueillir à des époques rapprochées: les graminées sont de ce nombre, et la vigne encore plus. Il faut à une réunion faible en ressorts, des récoltes promptes, pour soutenir et alimenter l'intrigue. Ainsi des pigeons qui multiplient très-vite, la confiserie dont les produits sont fabriqués en peu de jours, seront les genres les mieux appropriés à la circonstance

tous les petits légumes présentent cet avantage.

Je pourrais étendre fort loin cet examen des entraves à redouter dans une petite phalange : c'est assez faire entrevoir que pour diriger cette machine , il faudra bien se INDUSTRIEL. 455 garder des méthodes morales et économiques; il faut un mécanicien qui ait étudié à fond la théorie, et qui ne prétende pas régenter et maîtriser l'attraction

c'est le vice où tomberait tout philosophe. On devra s'étudier à discerner qu'elleslacunes on peut admettre selon l'assortiment de caractères et dégoûts des sociétaires ; c'est une opération des plus délicates et qui décidera du succès d'une petite phalange ; tant que je ne sais pas en quel lieu elle serait fondée, quelle serait la juste dose de ses moyens en chaque genre , je perdrais trop de temps à examiner et peser les nombreuses chances d'erreur qui pourront s'y rencontrer. Je me borne à indiquer deux grands moyens, les plus sûrs pour une petite phalange : le renfort d'enfans et la gastrosophie. Que les enfans impubères soient assez nombreux pour exécuter les manoeuvres chorégraphiques à 72 figurans, que le peuple soit enthousiasmé dès les premiersjours, par la gastrosophiesériaire qui est le moyen le plus prompt pour le séduire ; qu'il se croie transporté dans la maison de Dieu, c'est le nom que donne le peuple à une maison où l'on vit dansl'abondance et l'insouciance; enfin que les chefs se pénètrent bien du but à atteindre, je l'ai dit plusieurs fois

il ne s'agira pas de produire plus ou moins de choux, peu importera la quantité de récoltes, d'autant mieux que les séries, pour peu qu'elles soient bien formées, en donneront toujours une masse infiniment supérieure à celle de civilisation. Mais les prodigesqu'il faut créer dès la première campagne, sont léquilibre des passions et l'attraction industrielle, buts où l'on n'atteint que par un bon engrenage des séries, et un lien actif entre les travaux de production, consommation, préparation. Si l'on peut étaler de bonne heure les accordssublimes que présente une masse de séries bien engrenées, la cause sera gagnée, même avant d'arriver au dénoûment ou accord de répartition. Dès qu'on pourra admirer dans ce germe d'harmonie les accords contrastés de passions échelonées , 76 , les ac¬ 456 NOUVEAU MONDE cords indirects d'antipathiques, l'emploi avantageux des discords, l emploi utile des passions réputées vicieuses, l'entraînement des enfans à l'industrie dès le plus bas âge, la vérité et la justice devenues voies de fortune, enfin le vrai bonheur social, le contentement de chaque sectaire confirmé par son enthousiasme, les curieux arriveront en foule pour voir le prodige des prodiges, la mécanique des passions, et pour s'humilier d'avoir eu la sottise d'a- jouter foi à des sciences qui enseignent que Dieu a créé les passions au hasard, sans leur avoir assigné un méca- nisme digne de sa sagesse. PLAN DES SECTIONS VI et VII,formant la CONTRE-PREUVE. PRÉAMBULE. Sur un sujet aussi neuf que la théorie de l attraction passionnée et du mécanisme sociétaire, le lecteur est en droit d'exiger des preuves surabondantes: je voulais, selon la méthode mathématique, ajouter à la théorie une contre-preuve, tirée de l'ignorance où sont les modernessur les caractères, les propriétés, la marche et les fins de la civilisation, dont ils ont la bonhomie d'espérer quelque perfectionnement ; et sur les voies qu'ils auraient du suivre, pour s'élever par degrés en échelle sociale, a la période 6.e, celle des garanties. (Voyez l'AVANT-PROPOS.) Les prétentions des modernes au perfectionnement, sont une tendance à sortir de la civilisation, et à s'élever aux garanties dont ils rêvent quelques parcelles, sanssa- voir les réaliser, car ils n'ont de garanties que celles que le hasard a introduites, comme le régime monétaire et les assurances qui sont dues à l'instinct et non à la science. D'autre part les fausses méthodes adoptées par notre siècle, notamment ses systèmes d'industrie anarchique, de concurrence individuelle et mensongère, et surtout sa bévue de prendre la régie actionnaire pour association, allaient nous précipiter en 4.e phase de civilisation, état diamétralement opposé aux garantiessociales. INDUSTRIEL. 457 Pour débrouiller ce chaos politique, il faudrait, je l'ai dit, une analyse détaillée de la civilisation, et un parallèle des caractères de cette 5.e période, avec ceux des deux périodescontiguës, savoir: la 6.e, dite Garantiessolidaires, et la 4.e , dite Barbarie. Ce serait un travail fort étendu et auquel suffirait à peine un volume de la dimension de celui-ci. Je comptais donner sur cette matière deux sections, mais elles seraient encore insuffisantes: c'est un sujet à traiter séparément, et je me borne à en donner le plan sur lequel on pourrajuger de l'importancede cette branche d'études, et de l'étourderie de notre siècle, qui oublie de faire l'analyse de la civilisation, et qui croit la perfectionner, quand il la conduit à un déclin rapide. Nous distinguerons les caractères de cette société en huit ordres; chacun sera exposé dans huit petits articles, dont je comptais former d'amples chapitres qu'il faut remplacer par des aperçus. PLAN DE LA SECTION SIXIÈME. ANALYSE DE LA CIVILISATION, ONZIÈME NOTICE. CARACTÈRESDE BASE ET DE LIEN. CH. XLI. Caractères successifs des quatrephases. LES sociétés ont, comme le corps humain, leurs quatre âges différenciés par des caractères qui se succèdent : on ne peut pas juger des progrès ou décadences, tant qu'on n'a pas assigné très-distinctement les caractères qui doivent signaler une société. Nos naturalistes sont si scrupuleux sur cette distinction quand il s'agit de classer d'inutiles végétaux; pourquoi les politiques ne suivent-ils pas celte méthode, en assignant à leur civilisation chérie des caractères adaptés à chacune des quatre phases ? C'est le seul moyen de reconnaître si elle avance ou rétrograde. 458 NOUVEAU MONDE Caractères successifs de la civilisation. ( Nota. ) On ne mentionne pas ici les caractères permanens qui règnent dans tout le cours des 4 phases, mais seulement ceux qui constituent telle ou telle phase, et ses mixtes avec telle autre. Par exemple la civilisation d'Athènes était une 2.e phase incomplette, altérée, en ce INDUSTRIEL. VI.è S. 459 qu'elle manquait du caractère pivotai, liberté des industrieux. C'était une 2.e phase bâtarde et faussée, ayant en pivot un caractère de barbarie. Quandon connaîtra ce grimoire des caractères sociaux, dont je vais décrirehuit ordres,il sera aisé de dissiper les illusions en progrèssocial. La civilisation actuelle de France et d'Angleterre, est une 3.e phase déclinante. Il y a long-temps qu'elle a fait éclore les caractères de 3.e phase ; elle tend fortement à la 4.edont ellea les deux germes,mais elle ignore l'opération à faire sur ces germes pour entrer en 4.e phase qui serait un progrès tres-petit, le moindre possible , tandis que l'état actuel est une stagnation pénible où le génie est comme emprisonné,fatigué de sa stérilité,s'agitant vainement pour produire quelque idée neuve. C'estun état qui use le corpssocial par une station trop longue en3.e phase. (Voyez ch. 48,les caractèresquisignalent cette lassitude.) A défaut de génie inventif, l'instinct fiscal ne tarderait guères à découvrir les moyens d'organiser la 4.e phase qui est un progrès, mais non pas en bien. On n entrerait dans la voie du bien qu'en organisant l'ambigu de civilisation et garantisme. Voyez chap. 47 et 48. C' est la manoeuvre qu'on devait opposer au libéralisme, esprit stationnaire,qui ne sait point avancer,et qui se passionne pour un caractère de la 2.e phase , pour le système représentatif; gimblette bonne dans une petite république, telle que Sparte ou Athènes, mais tout a fait illusoire dans un empire vaste et opulent, comme la France. J'ai observé ( 44 et 52, ) que anti-libéraux, classe non moins abusée que les libéraux, commettent une maladresse choquante en essayant de lutter contre les chimères libérales, par une rétrogradation en I.e phase. C'est un moyen d'autant plus vicieux que l'accroissement des dettes publiques nous entraîne irrésistiblement vers la 4.e phase ou caducité. Un examen détaillé du tableau des caractères permanens, désignés dans ce chapitre, suffirait déjà a dissiper nos illusions de vol sublime, et prouver que notre vol, 460 NOUVEAU MONDE en échelle sociale, est celui de l'écrevisse. Car, tendre à la 4.e phase de civilisation, à la caducité d'une pé- riode essentiellement vicieuse , c'est un progrès si l'on veut, mais un progrès en déclin, un progrès comparable à celui d une femme dont les cheveux blanchiraient à 60 ans; si elle disait que sa chevelure se perfectionne quelle va égaler la blancheur de l'albâtre,si elle s'écriait

« quel vol sublime de ma chevelure vers la perfectibi- » lité perfectibilisante. » chacun sourirait de pitié , le corps ne se perfectionne pas quand il vieillit. Telle est l'illusion de progrès dont s'enorgueillit notre vieille civilisation, courant a la caducité. Les sociétés comme les individus, courent à leur perte, quand elles s endettent et se livrent à l'usurier. C'est le fait de notre siècle ; il ne va que d'emprunts en emprunts. Le vase est imbibé, l'étoffe à pris son pli : » c'est un pli bien pris que celui des emprunts fiscaux ; chaque mi- nistère nouveau fera un nouvel emprunt, car il faut, dit le proverbe, manger quand on est au râtelier. Quelque parti qui vienne à dominer, la finance qui tient les rênes du char ne rétrogradera pas vers la route de l'économie. Quel sera donc le dénoument de cet ulcère fiscal, de ce chancre de dettes et d'emprunts qui ne font que croître et embellir dans tous les empires ? Ce dénoument sera ex- pliqué au chap. qui traite de la phase de civilisation, phase ou la force des choses nous entraîne, sans que nos guides, les économistes, voient l'abîme où court le monde social. On peut les comparer au mauvais cavalier de qui les rieurs disent : Ce nest pas lui qui mène son cheval, c'est son cheval qui le mène. Tels sont nos génies politiques : ce n est pas eux qui mènent le mouvement civilisé , c'est lui qui les mène ; eux a qui il eût été si facile de nous diriger vers les routes du progrès réel, s'ils eussent voulu sortir de l'ornière, sortir des préjugés de morcellement agricole, et d'anarchie commerciale ou concurrence individuelle de fourberie. INDUSTRIEL. VI.e S. 461 CHAP. XLII. Caractères permanens de la période. C'EST un sujet bien étendu et qui exigerait au moins douze grands chapitres, car j'ai recueilli une liste de 144, douze douzaines, de ces caractères permanens qui règnent dans le cours des 4 phases

si je les classe en une douzaine de genres, par 10, 12, 15 de chaque genre, ce ne sera pas trop de douze chapitres bien amples pour les décrire

qu'on juge par là de l'étendue qu'il faudrait donner à une analyse complette de la civilisation. Il est des caractères dont la définition emploierait un grand chap., tels sont ceux définis pag. 41 , la contrariété des deux intérêts collectifet individuel, et l'échelle simple en répartition de lafortune. Le sens commun a suffi de tout temps pour faire en- trevoir quelques-uns de ces caractères permanens, tels que celui-ci : Ligue des gros voleurs pourfaire pendre les petits. On aurait dû s'occuper à réunir en tableau de genres et d'ordres, une centaine de ces caractères, c'eût été un commencement d'analyse de la civilisation ( branche des caractères permanens)

au lieu de se

livrer à cette analyse, on a plaisanté sur leurs résultats vraiment ridicules ; mais la plaisanterie empêchait-elle de pro- céder à un recueil classé ? D'autresfois on s'estlivré à de gravesdéclamations contre les caractères les plus vicieux, tel que celui-ci, vertu ridiculisée, honnie, persécutée. Sans doute ce résultat mérite d'exciter l'indignation , mais puisque la civilisation présente une affluence de ces résultats déplorables ou ridicules, classez-les en bon ordre, afin qu'on puisse voird'un coup d'oeil l'essence et les fruits de cette abominable société. Divers écrivains ont cru ces caractères peu dignes d'attention, parce qu'ils sont inséparables de l'état civilisé

c'était un motif de plus pour en former un tableau intitulé classe desPERMANENS, qui forment un ordre différent des SUCCESSIFS exposés au chap. 41. Par exemple lenchaînement de l'opinion est un caractère bien permanent, 462 NOUVEAU MONDE même sous le règne des philosophes qui ne veulent pas que le peuple connaisse et réclame ses droits primordiaux, entre autres celui de minimum proportionnel

cette garantie n'étant pas admissible hors du régime d'attraction industrielle. Quoiqu'onait sans cesse déclamécontre nos vices, il en est beaucoup qui ne sont pas aperçus , et qui sont privilégiés, consacrés sous prétexte de liberté ; telle est la tyrannie de la propriété individuelle contre la masse. Un propriétaire se permet cent dispositions vexatoires pour la masse, même des constructions malsaines, resserrées, qui font périr les enfans ; tout cela est sanctionné comme liberté, parce que la civilisation n'ayant pas connaissance des garanties sociales, admet pour justes, quantité de licences individuelles des plus abusives : ces sortes de caractères ne sont pas aperçus. D'autres sont négligés et non signalés parce qu'ils se lient et forment une chaîne

tel est celui de déni indirect dejustice au pauvre. On ne lui refuse pas DIRECTEMENT justice; il est bien libre de plaider, mais il n'a pas de quoi subvenir aux frais de procédure ; ou s'il entame les réclamations les plus justes, il est bientôt exténué par le riche spoliateur qui le traîne en appel et réappel ; il ne peut pas suffire à de tels frais, il est forcé de céder. On donne un défenseur gratuit à un parricide, on en devrait aussi au pauvre qui veut réclamer ; maisil y aurait, dit-on, trop de procès; la civilisation n'est meublée que de pauvres dépouillés injustement, puis de chicaneursqui, sous prétexte d'indigence, voudraient plaider aux frais de l'état

ce serait tomber d'un mal dans un pire, tomber du déni indirect de justice dans le cercle vicieux

il est vrai, tout le mécanisme civilisé n'est que cercle vicieux, et par suite le CERCLE VICIEUX est un des caractères essentiels de cette société , de même que le déni indirect dejustice : on ne les a pas signalés comme tels, parce qu'ils sont liés et naissent l'un de l'autre ; c'était un motif de plus pour les placer au rang de Caractères permanens. INDUSTRIEL. VI.e S. 463 C'est ainsi que sur des raisons plus ou moins frivoles, on a négligé en plein l'étude des caractères permanens; omission d'autant plus préjudiciable que ce travail étant le plus facile de toute l'analyse, aurait été bien vite mené à terme, et aurait conduit à aborder l'étude des autres ordres de caractères indiqués plus loin. Peu à peu on en serait venu à se désabuser sur la civilisation, dont les analyses auraient excité l'horreur générale. Je supprime le tableau des 144 caractères permanens, parce que tous ou presque tous auraient besoin d'un ar- ticle explicatif; par exemple : 1. Minorité d'esclaves armés contenant une majorité d'esclaves désarmés. 2. Egoïsme obligé par insolidarité des masses. 3. Duplicité d'action et d'élémens sociaux. 4. Guerre interne de l'homme avec lui-même. 5. Déraison posée en principe. 6. Exception prise pour règle en politique. 7. Génie noueux, faussé, pusillanime. 8. Entraînement forcé à la pratique du mal. 9. Péjoration en correctifs. 10. Malheur composé chez l'immense majorité. 11. Absence d'opposition scientifique. 12. Détérioration postérieure des climats. Chacun de ces caractères exigera de longs détails. A défaut, l'idée peut sembler fausse, comme la 12.e, détérioration postérieure des climatures. Il est certain qu'une civilisation naissante améliore le climat

mais au bout de quelques siècles, l'industrie désordonnée détruit les forêts, tarit les sources, excite les ouragans et tous les excès atmosphériques. Aussi le climat de France est-il sensiblement dégradé : l'olivier bat en retraite ; il était à Montélimar il y a un demi-siècle, on ne le trouve aujourd'hui qu'au-dessousde la Durance. L'oranger a presque disparu d'Hières; toutes les cultures périclitent parce qu'on a déchaussé les Alpes, les Cévennes et autres chaînes. L'espace me manque pour expliquer ces 12 caractères; il est 464 NOUVEAU MONDE donc inutile de donner une liste des 144. Il suffit, que l'on voie, parce peu de définitions, que l'analyse exacte de la civilisation est une science trop neuve pour être susceptible d'abrégé dans sa première apparition. L'on s'en convaincra sur la branche du commerce, dont on a tant raisonné sans en avoir fait aucune analyse. CH.XLIII. Caractèresdu commerce, ENGENRES. QUELLE est la cause de cette vénération des modernes pour le commerce qui est détesté en secret par toutes les autres classes du corps social ? D'où vient ce stupide engouement pour les marchands que Jésus-Christ battait de verges? La cause en est qu'ils ont gagné beaucoup d'argent, et qu'une puissance insulaire exerce sur le monde industriel une tyrannie de monopole mercantileCes extorsions, cette tyrannie, ne proviendraient-elles pas de quelque erreur commise par la politique moderne? Cette science rampante n'a pas osé faire l'analyse du commerce, de ses caractères qu'il faut distinguer en genres et espèces ; de sorte que le monde social ne sait pas ce qu'est le commerce. Quelques flagorneurs de l'agiotage dépeignent les marchands comme une légion de demi-dieux ; chacun reconnaît au contraire qu'ils sont une légion de fourbes; mais à tort ou raison ils ont envahi l'influence ; tous les philosophes sont pour eux, le ministère même et la cour fléchissent devant les vautours mercantiles, tout suit l'impulsion donnée par la science dite économisme, et par suite le corps social tout entier se soumet aux rapines mercantiles, de même que l'oiseau fasciné par le serpent, va se rendre dansla gueule du reptile qui l'a charmé. Une politique honorable aurait dû mettre au concours les moyens de résistance, et s'enquérir des bévues qui donnent le sceptre du monde industriel à une classe improductive, mensongère et malfaisante. On est si neufsur l'analyse du commerce, que chacun le confond avec les manufactures qu'il s'occupe à entra¬ INDUSTRIEL. VI.e S. 465 ver et rançonner. Les principaux négocians, nommés marchands de matières premières, ne sont occupés qu'à machiner la spoliation des manufacturiers et des consommateurs, s'informer des raretés qui surviennent sur chaque denrée, pour l'accaparer, l'enchérir, la raréfier, et par suite pressurerle fabricant et le citoyen. La science dite économisme suppose un profond génie à ces accapareurs et agioteurs qui ne sont que des barbouillons, des joueurs aventureux, des malfaiteurs tolérés. On en a vu, en 1826, une preuve des plus frappantes, lorsqu'en pleine paix, après dix ans de calme, il survint tout a coup une stagnation et un engorgement d autant plus imprévus, que tous les journaux triomphaient des nouvelles chances ouvertes au commerce par l'émancipation des deux Amériques. Quelle était la cause de cette crise qui fut si mal jugee ? elle provenait du jeu compliqué de deux caractères commerciaux, Le refoulementpléthorique, le contre-coup d'avortement. Le refoulement est un effet périodique de l'aveugle cu- pidité des marchands qui, lorsqu'un débouché leur est ouvert, y envoient d'abord quatre fois plus de denrées que n en comporte la consommation. Les 2 Amériques renferment a peine 40 millions d'habitans; en déduisant les sauvages, les nègres et la populace espagnole du pays chaud qui est presque nue, il ne reste pas vingt millions d individus a vêtir ; si on y porte des étoffes pour cent millions, il y aura engorgement et refoulement. C est ce qu'ont fait en 1825 nos marchands de culottes et ceux d'Angleterre ; ils ont encombré l'Amérique de leurs drogues, a tel point quelle en avait pour une consommation de 3 a 4 ans : il en est résulté mévente, stagna- tion, avilissement des étoffes, et banqueroute des ven- deurs

effet nécessaire de cette pléthore toujours causée par les imprudences du commerce, qui se fait illusion sur les doses de consommation possible. Comment une cohue de vendeursjaloux, aveuglés par l'avidité, pour- rait-elle juger des bornes à établir en exportation ? 30 466 NOUVEAU MONDE Il suffisait déjà de cette maladresse pour causer les banqueroutes et le bouleversementdes marchés et des fabriques; lorsqu'un autre caractère est intervenu au même instant pour aggraver le mal. Des accapareurs de New-Yorck, Philadelphie, Baltimore, Charleston, etc., avaient prétendu s'emparer de tous les cotons , d'accord avec leurs affidés de Liverpool, Londres, Amsterdam, le Hâvre et Paris; mais l'Egypte et autres marchés ayant fourni une récolte copieuse, l'accaparement a échoué, la hausse n'a été qu'un feu de paille, les vautours d'Amérique ont été engorgés ainsi que leurs coopérateurs d'Europe ; la mévente causée par la crise de refoulemens pléthorique, a dû arrêter les fabriques, et faire sauter les accapareurs de coton qui, ayant compté sur la hausse, ne pouvaient pas même vendre à la baisse. La machination avortée enAmérique a causépar contre-coup mêmes banqueroutes en Europe. Au résumé : cette crise sur laquelle on a fait tant de bel esprit était l'effet des deux caractères coïncidens, Refoulementpléthorique et contre-coup d'avortement. Les journaux et ouvrages qui en parlaient, tombaient tous dans la même erreur; ils rapportaient à une seule cause, (quelquefois très-mal définie,) le désordre qui provenait de deux causes opérant combinément. Aucune des deux n'était avouée avecfranchise par les écrivains; ils ne s'étudiaient qu'à innocenter les deux classes qui avaient causé le mal par deux menées contradictoires, l'une en obstruant les marchés d'un superflugigantesque, l'autre en dépouillant ces marchés d'un approvisionnement nécessaire

c'était d'un côté profusion folle, et de l'autre soustraction vexatoire

excès en tous genres et confusion en mécanisme, voilà le commerce, l'idole dessots. Souvent on trouve 3 et 4 caractères influant combinément dans une machination mercantile : comment par- venir à la cure du mal, quand nos économistes loin de vouloir analyser cette complication de ressorts, s'étudient à les déguiser, les farder de sagesse ! INDUSTRIEL. VI.e S. 467 Je viens de définir deux caractèresdu commerce anar- chique nommé libre concurrence, en m'étayant d'événemens récens, car il faut, en pareille analyse, démontrer par application à des faits connus. Combien d'autres caractères malfaisans pourrait-on énumérer dans une stricte analyse du système commercial actuel ! J'en ai une liste de 72, dont 36 énoncés au traité , I. 168. Chacun de ces caractères emploierait, même en définition succincte, un fort chap., total 72 chap., pour donner des exemples variés et tirés de faits notoires, comme celui qui vient d'être cité. En outre, certains caractères tels que l'agiotage, la banqueroute, pourraient employer chacun une dizaine de chap., si on en définissait les espèces et variétés. Et pourtant le commerce n'est qu'une branche du mécanisme civilisé

deux volumes tels que celui-ci ne suffiraient pas à l'analyse des caractères du commerce, même en négligeant les détails de pratique, tels que les fourberies de chaque métier, dont Bacon voulait qu'on dressât des tableaux circonstanciés

on aurait bien à

faire aujourd'hui de composer ce tableau ; il formerait un ouvrage plus énorme que l'Encyclopédie, tant le perfectionnement du commerce a raffiné et multiplié les fourberies. Je ne propose ici que le tableau des caractères, que l'analyse des ressorts principaux. J'essaie d'en citer seulement une douzaine des plus saillans, pour signaler la perfidie de la science qui garde le silence, et sanctionne un régime d'où naissent de telles infamies. Agiotage. Salaire décroissant. Accaparement. Disettes factices. Banqueroute. Lésion sanitaire. Usure. Estimation arbitraire. Parasitisme. Fausseté légalisée. Insolidarité. Monnaie individuelle. Sur ces douze, quelques-uns peuvent paraître peu intelligibles jusqu'à l'explication ; mais il en est au moins 30. 468 NOUVEAU MONDE six qui seront tres-bien compris et dont chacun pourra dire

commentse fait-il que la science dite ÉCONOMISME

qui traite du commerce, n'ait pas donné des chapitres d'analyse sur ces caractères, et sur tant d'autres ? Ici , comme au chap. 42, remarquons les caractères engrenés qui naissent l'un de l'autre

tels sont La distraction de capitaux, l'abondance dépressive. On voit les capitaux affluer chez la classe improductive ; les banquiers et marchands se plaignent fréquemment de ne savoir que faire de leurs fonds; ils en ont à 3 0/0 quand le cultivateur ne peut pas en avoir à 6 0/0, il est réduit à traiter avec des gens d'affaires, qui, prêtant à 5 0/0 nominalement, perçoivent réellement 16 et 17 0/0 par les charges accessoires et indirectes. Tout l'argent est concentré dans le commerce, vampire qui pompe le sang du corps industriel, et réduit la classe productive à se livrer à l'usurier. Par suite les années d'abondance deviennent un fléau pour l'agriculture. Une disette commence à obérer le laboureur, comme on l'a vu en 1816 ; l'abondance de 1817 vient consommer sa ruine, en le forçant à vendre les grains subitement et au-dessous de la valeur réelle, pour satisfaire ses créanciers. Ainsi le mécanisme qui distrait tous les capitaux pour les concentrer dans le commerce, réduit par contre-coup l'agriculture à gémir de l'abondance de denrées dont elle n'a ni vente ni consommation, parce que la consommation étant inverse, 40, la classe qui produit ne participe pas à cette consommation. Aussi les propriétaires et cultivateurs sont-ils réduits à désirer les fléaux , grêles et gelées; on a vu en 1828 l'épouvante dans tous les pays vignobles, en juin où ils craignaient une bonne récolte, et une abondance dépressive. Ne suffirait-il pas de ces monstruosités politiques, pour prouver que le système actuel du commerce est un MONDE A REBOURS comme tout le mécanisme civilisé? Mais tant qu'on ne voudra pas analyser les caractères, comment parviendra-t-onà se diriger dans ce labyrinthe? INDUSTRIEL. VI.e S. 469 Nous ayons à profusion des faiseurs de systèmes com- merciaux, dont le talent est d'encenser tous les vices de l'hydre mercantile

on sera fort étonné, quand on verra

la franche analyse du système commercial mensonger, d'avoir été si long-temps dupes d'un désordre que l'instinct nous dénonce en secret, car le commerce est haï de toutes les autres classes. Il suffirait de l'extrême fausseté où il est parvenu, pour dessillerles yeux ; la fourberie, l'altération de toutes les matières est à tel point, qu'on doit désirer le monopole général comme PRÉSERVATIF contre le commerce. Une régie, serait bien moins fausse, elle donnerait au moins des denrées naturelles à qui y mettrait le prix , tandis qu'il est impossible aujourd'hui d'obtenir du commerce rien de naturel

on ne trouverait pas dans

Paris un pain de sucre qui ne fût mélangé de betterave, pas une tasse de lait pur, pas un verre d'eau-de-vie pure, chez tous les crêmiers et cafetiers de Paris. Le désordre, la vexation sont au comble, et le commerce ne pouvait pas tarder long-temps à subir une punition éclatante, qu'auraient amenée la pénurie fiscale et la vindicte pu- blique. Bientôt l'anarchie de fourberie aurait été remplacée par le MONOPOLE PRÉSERVATIF ; c'est un pis-aller auquel tendait secrètement Bonaparte, et auquel on eût été forcé d'en venir à défaut d'invention du vrai correctif. Du reste tous les peuples fatigués des extorsions commerciales, auraient applaudi avec transport au châtiment des sangsues qu'on appelle marchands, dont la chute aurait constitué l'entrée en 4.e phase de civilisation, en féodalité industrielle, 458. CH. XLIV. Caractèresdu commerce, ENESPÈCES. Chacun des caractères de genre, comme agiotage, banqueroute, etc., peut présenter une grande échelle d'espèces et de variétés qu'il eût fallu analyser et classer

au

lieu de le faire, on s'est amusé de quelques-unes de ces 470 NOUVEAU MONDE variétés assez risibles, comme la banqueroute du savetier qui ne rend qu'une botte sur deux qu'on lui a données à raccommoder. C'est une faillite de 50 0/0 qui sur les théâtres devient une banqueroute pour rire, mais n'est-il point de banqueroutespour pleurer ? quand un banquier enlève les dépôts confiés par vingt pauvres domestiques dont chacun a supporté des privations pendant vingt ans pour se ménager quelques épargnes, est-ce une chose risible, ou un crime à punir ? Que de dépravation dans le monde philosophique! la littérature est une prostituée qui ne s'étudié qu'à nous familiariser avec le vice, le peindre sous des couleurs plaisantes, pour attirer des recettes aux salles de comédie. La morale est une radoteuse décréditée, qui n'ose pas déclamer contre les vices impunis, tels que la banqueroute ; elle flagorne toutes les classes de larrons, pour s'en faire des proneurs, et faciliter la vente de ses livres. Quant à l'économisme qui ne sait rien inventer, il ne cherche qu'à innocenter les vices de ses favoris les mar- chands. C'est ainsi qu'aucune des sciences ne songe à remplir sa tâche, l'analyse des vices de civilisation et la recherche du remède. Contre la banqueroute, l'agiotage, les menées mercan- tiles, il n'est qu'un remède, (hors de l'harmonie sociétaire,) c'est la SOLIDARITÉ

mais c'est une opération de

longue haleine, elle emploierait 6 ans, et de plus il fallait en inventer le procédé qui n'est point l'engagement direct; personne ne voudrait y souscrire, se rendre garant pour les autres marchands; tout riche négociant quitterait : il faut au contraire opérer de manière à éliminer tous les pauvres qui ne présentent pas de garan- tie, les renvoyer au travail productif, aux cultures, aux fabriques. Ensuite il y aurait encore des procédés neufs à employer pour amener les riches à la solidarité. Mais ce nouveau mode commercial, garant de vérité et de solvabilité, exigeait desinventions

et dès qu'ilfaut

inventer, nos sciences philosophiquessontd'accord pour INDUSTRIEL. VI.e S. lâcher pied sans combat. Il est bien plus commode et plus lucratif d'encenser les vices dominans, tels que la banqueroute, afin de se dispenser d'en chercher l'antidote politique. « Nous ne l'encensons pas, repliquent-ils, nous la flétrissons dans tous nos écrits. » eh ! qu'importent ces verbiages impuissans! c'est prêter appui au vice que de se borner à le flétrir; il se rit des critiques littéraires quand il tient la richesse et qu'il voit les moralistes mêmes empressés de figurer dans ses salons. Il faut au lieu de critiques du mal, une invention de l'antidote. Et pour remédier aux vices, il faut avant tout les définir et les classer. J'ai donné, II, 419, sur la hiérarchie de la banqueroute, un tableau en trois ordres, 9 genres et 36 espèces. On pourrait aisément étendre cette liste au triple et au quadruple, car il en paraît chaque jour de nouvelles espèces, tant cette industrie se perfectionne, surtout en banqueroutes fiscales où la France vient d'innover, par le genre double dupe, amphidupe, aidant elle-même à se faire spolier de diverses manières. Puisque notre siècle exige que dans l'attaque du vice, on prenne le ton facétieux, castigal ridendo ; qu'on évite la teinte rébarbative des moralistes du siècle passé, il eut été bien aisé de le satisfaire, tout en flétrissant le vice ; car dans le tableau de la banqueroute cité plus haut, j'ai présenté en sens plaisant, chacun des 9 genres et chacune des 36 espèces; par exemple, le 5.e genre, celui des TACTICIENS, comprenant 5 espèces de banqueroute, 17.e, en échelons

18, en feu de file ; 19, en colonnesserrées; 20, en ordre profond ; 21, en tirailleurs. Ces cinq espèces formant l'un des genres du centre de série, II, 419, sont en analogie très-exacte, avec les manoeuvres militaires; aussi ai-je donné à ce genre et au précédent, les noms de tacticiens et manoeuvriers. Il est donc fort aisé de satisfaire au précepte oratoire de remontrance amusante, castigat ridendo, tout en se ralliant à la vérité et en donnant de franches analyses du 472 NOUVEAU MONDE vice. Je pourrais, selon la méthode des journalistes, donner ici une liste des espèces de banqueroutes, pour faire désirer les chapitres

chacun serait curieux de lire une définition des banqueroutes dont suit le nom : Sentimentale, enfantine, cossue, cosmopolite

Galante, béate, sans principes, à

l'amiable ; De bon ton, de faveur, au grand filet, en miniature

En casse-cou, en tapinois, en attila,

en invalide ; En filou, en pendard, en oison, en visionnaire; En posthume, en famille, en repicqué, en poussette. Le détail de ces sortes de banqueroutes fournirait des chapitres amusans, d'autant mieux que je suis enfant de la balle, né et élevé dans les ateliers mercantiles

j'ai vu de mes yeux les infamies du commerce , et je ne les écrirai pas sur des ouï-dire, comme le font nos mora- listes qui ne voient le commerce que dans les salons des agioteurs, et n'envisagent dans une banqueroute que le coté admissible en bonne compagnie. Sous leur plume, toute banqueroute, ( surtout celles d'agens de change et banquiers ) devient un incident sentimental

où les

créanciers mêmes sont redevables au failli qui leur fait onneur en les colloquant dans ses nobles spéculations. Lenotaire leur annonce l'affaire comme une fatalité, une catastrophe imprévue, causée parles malheurs destemps, les circonstances critiques, les revers déplorables, etc. : (début ordinaire des lettres qui notifient une faillite. ) u dire du notaire et des compères qui ont en secret une provision sur le tout, ces faillis sont si honorables, si dignes d'estime !!! une mère tendre qui s'immole au soin e ses enfans. un vertueux père qui ne les élève qu'à l amour de la charte ! une famille éplorée, digne d'un meilleur soit, animée de l'amour le plus sincère pour chacun de ses créanciers! vraiment ce serait un meurtre que de ne pas aider cette famille à se relever, c'est un devoir pour toute ame honnête. Là dessus interviennent quelques aigrefins moraux à qui on a graissé la patte, et qui font valoir les beaux sen¬ INDUSTRIEL. VIe. S. 473 timens; la commisération due au malheur; ils sont appuyés par de jolies solliciteuses, fort utiles pour calmer les plus récalcitrans. Ebranlés par ces menées, les trois quarts des créanciers arrivent, à la séance tout émus et désorientés. Le notaire, en leur proposant une perte de 70 p. 0/0 , leur dépeint ce rabais comme effort d'une famille vertueuse qui se dépouille , se saigne pour satisfaire aux devoirs sacrés de l'honneur. On représente aux créanciers, qu'en conscience ils devraient, au lieu de 70 0/0 en accorder 80, pour rendre hommage aux nobles qualités d'une famille si digne d'estime,, si zélée pour les intérêts de ses créanciers. Là dessus quelques barbares veulent résister; mais les affidés répandus dans la salle, prouvent en a parte, que ces opposans sont des gens IMMORAUX, que tel ne fréquente pas les offices de paroisse, que tel autre a une maîtresse entretenue, que celui-ci est connu pour un harpagon, un usurier ; que celui-là a déjà fait une faillite; c'est un coeur de roche , sans indulgence pour ses compagnons d'infortune. Enfin la majorité des titulaires abonne et signe le contrat ; après quoi le notaire déclare que c'est une affaire très-avantageuse pour les créanciers, en ce qu'elle prévient l'intervention de la justice qui aurait tout consumé, et qu'elle fournit l'occasion de faire une bonne oeuvre, en aidant une famille vertueuse. Chacun (ou du moins chacun des sots qui forment la majorité, ) s'en va rempli d'admiration pour la vertu et les beaux sentimens dont cette digne famille est le modèle. Ainsi se conduit et se termine une banqueroute sentimentale , où on raffle au moins les deux tiers de la créance ; car la banqueroute ne serait qu'honnête, et non pas sentimentale, si elle se limitait à un escompte de 50 0/0, tarif si habituel , qu'un failli en se bornant à ce taux modéré, n'a pas besoin de mettre en jeu les ressorts de l'art

à moins d'imbécillité du banqueroutier une affaire est sûre quand on ne veut gruger que 50 0/0. Si l'on eût publié un ouvrage décrivant une centaine 474 NOUVEAU MONDE d'espèces de banqueroute, avec plus de détails que je n'en donne ici sur la sentimentale, ce livre auraitfait connaître l'une des gentillesses du commerce, l'un de ses caractères. Quelques écrits sur d'autres caractères, comme l'agiotage, l'accaparement, auraient fait ouvrir les yeux, et provoqué les soupçons sur le mécanisme commercial nommé libre concurrence, mode le plus anarchique et le plus pervers qui puisse exister. Un scandale bien honteux pour notre siècle, est que le monde savant, surtout les moralistes, n'aient pas mis au concours la recherche du correctif naturel de la banqueroute. C'est à leur silence officieux sur les dépravations les plus révoltantes, qu'on peut juger des vues secrètes de la science. Elle ne veut que vendre des livres, les composer en l'honneur du vice, parce que c'est un ton plus marchand que celui d'attaque du vice. Un seul homme a bien jugé le tripot commercial , c'est Bonaparte qui en a dit : On ne connaît rien au commerce. Il brûlait de s'en emparer, et ne savait comment s'y prendre ; déjà il avait envahi indirectement une belle branche, celle des denrées coloniales qu'il tenait en mo- nopole, au moyen des licences d'entrée ; il méditait d'autres empiétemens, celui du roulage, etc. ; ainsi l'esprit fiscal tend fortement à s'emparer du commerce; il ne lui reste qu'à connaître la méthode à suivre pour saisir la proie sans secousse et au grand contentement des peuples. En France le gouvernement gagnerait deux cents millionsà la métamorphose du système commercial, et l'agriculture un milliard. L'un des caractères commerciaux qui intimidaient Bonaparte, était la répercussion ou faculté qu'a le commerce de reporter sur la masse industrieuse toute lésion qu'il éprouve de la part du gouvernement. Dès que le commerce est menacé, il resserre les capitaux, il sème la défiance, entrave la circulation ; il est l'image du hérisson que le chien ne peut saisir par aucun point ; c'est ce qui désole en secret tous les gouvernemens, et les réduit INDUSTRIEL. VI.e S. 475 à fléchir devant le veau d'or. Un jour le ministre Wallis voulut à Vienne regimber contre les menées de la bourse, y introduire une police contre l'agiotage ; il fut déconfit et obligé de céder honteusement. Il faut des inventions pour lutter contre l'hydre commercial, c'est le sphinx qui dévore ceux qui ne devinent pas son énigme, du reste, il n'est rien de plus facile à attaquer que ce colosse de mensonge ; quand on connaîtra les batteries à employer, il ne pourra pas même essayer de résistance. Les manufactures qu'il faut se garder de confondre avec le commerce, y touchent en divers points, surtout par la faculté de tromperie, accaparement, banqueroute , etc. ; elles doivent subir une réorganisation, être assujéties à double solidarité, contre les fraudes et banqueroutes, et contre l'abandon des ouvriers. Tel fabricant possède une fortune de vingt millions, quoiqu'ayant débuté sans le sou ; si les solidarités existaient, il n'aurait gagné que cinq millions

cinq autres auraient été affectés aux garanties solidaires, et dix auraient passé au fisc. Tel est le régime distributif d'où naîtrait le bon ordre

maistant que les sciences aduleront cet état monstrueux qui fait passer vingt millions dans les mains d'un seul fabricant, et tant que les gouvernemens ne suspecteront pas cette anarchie, ne provoqueront pas quelqu'invention de correctifs, peuples et gouvernemensseront les jouets de ce colosse mercantile qui grandit chaque jour, et dont l'influence croissante est un sujet d'alarme secrète pour les castessupérieures. On a créé en France 300 académies d agriculture : quelle devait être leur première fonction ? s'occuper des moyens de ramener les capitaux dans la campagne, ouvrir des concours sur ce sujet: aucuned'elles n' y a songé. Cependant quel essor peut prendre l'agriculture, tant qu'elle ne trouve pas le moyen d'obtenir des capitaux au même cours que le commerce ? les sociétés agricoles qui ne donnent aucune attention à ce problème, ne seraient¬ 476 NOUVEAU MONDE elles pas, selon l'Evangile, trois cents cohortes d'aveugles, conduisant trente millions d'aveugles ? Il règne sur ces questions de réforme commerciale tant de cécité et de prévention , qu'on n'a pas même le pou- voir de dénoncer le vice. Un jour le fameux critique Geoffroy voulut hasarder dans son feuilleton quelques plaisanteriesfortjustes sur les vices du commerce ;il fut assailli, criblé par les autres journaux ; il se radoucit et se tint pour battu ; c'était lui qui avait raison et qui ca- pitula ; tant il est vrai, comme l'a dit un trop fameux défunt, qu'on ne connaît rien au commerce. La philosophie n'a pas voulu qu'on acquît sur ce point des notions exactes; elle connaissait fort bien la route a suivre ; elle nous dit sans cesse qu' il faut procéder par analyse et synthèse pour atteindre aux lumières; elle devait donc en études commerciales, commencer par l'analyse des ordres, genres et espèces de caractères, selon le plan que je viens de tracer, et que chacun eût pu tracer avant moi. Ce travail une fois fait, aurait fourni les moyens de passer à la synthèse du mode véridique ou régime des garanties. Mais sur le commerce, comme surles autres branches du système civilisé, la philosophie, tout en posant de bons principes d'études, n'en a jamais voulu pratiquer aucun ; faut-il s'étonner après cela que le génie moderne soit noueux et stérile, que le mouvement soit stationnaire et souvent rétrograde, en dépit des jactancesde vol sublime ; et qu'on ne sache atteindre à aucune amélioration du sort des peuples, quand il reste à faire tant de découvertes faciles qui conduiraient au but ? ( Voyez l'article des issues de civilisation.) Le monde social est trahi par ses beaux esprits

telle sera ma conclusion quand j'aurai achevé cette analyse , qui les convainc de refus d'étude, et collusion d'obscurantisme. Toutefois si le monde est leur dupe, ils sont doublement dupes d'eux-mêmes, en cherchantla fortune par des spéculations abjectes, par l'apologie de cette civi¬ INDUSTRIEL. VI.e S. 477 lisation qui est l'objet de leurs mépris secrets, et qui les accable de toutes les servitudes sans les enrichir. Quel rôle honteux que d'opter pour encenser une vieille furie qui les baillonne, tandis qu'en la démasquant, en la livrant à la risée , ils deviendraient les libérateurs de l'humanité ; ils s'élèveraient tout à coup au faîte de la fortune et de la gloire, et au libre essor de la pensée qu'ils n'obtiendront jamais en civilisation ! J'ai défini, en caractères civilisés, 2 ordres de base, les successifs et les permanens, et 2 de lien ou négoce. Passons à 4 autres ordres qui complettent l'analyse DOUZIÈME NOTICE. CARACTÈRES DE FANAL ET D'ÉCART. CH. XLV. Caractères de répercussion harmonique. IL est aisé de comprimer les passions par violence ; la philosophie lessupprime d'un trait de plume ; les verroux et le sabre viennentà l'appui de la doucemorale

mais la nature appelle de ces jugemens, elle reprend en secret ses droits; la passion étouffée sur un point se fait jour sur un autre, comme les eaux barrées par une digue ; elle se répercute comme l'humeur de l'ulcère fermé trop tôt. Naturam expellasfurcâ tamen usque recurrel. Cette récurrence ou retour des passions vers leurs buts, 57 , vers le luxe, les groupes, le mécanisme, et l'unitéisme, produit des effets comparables à celui qu'on appelle en physique DIFFRACTION, ou réflexion des couleurs à la surface des corps noirs et opaques, la civilisation est, aufiguré, un corps opaque; tout noir de fourberie et de crime ; cependant elle présente quelquesreflets d'harmonie. Une description va expliquer cet effet, apprendre à discerner un ordre de caractères bien précieux et bien inconnus. Je choisis 2 exemples tirés dujeu et du bon ton ; ce sont deux effets de passions répercutées, deux récurrences de la cabaliste et de l'unitéisme. 478 NOUVEAU MONDE Le JEU est un aliment factice qu'on donne à la manie d'intrigue dont l'homme est possédé par aiguillon de la 10.e passion dite cabaliste, 83 ; les esprits vides, comme les paysans, aiment beaucoup le jeu ; il développe en eux la passion dite cabaliste, qui n'a guère d'aliment sous le chaume; il plaît de même aux têtes ardentes, faute d'activité suffisante en intrigue : il convient à une compagnie d'étiquette, parce que la vérité en est bannie par les convenances; la passion ne peut pas s'ymontrer, tout y est glacial, il faut créer à cette assemblée une intrigue artificielle par le moyen des cartes : mais on ne proposera pas les cartes à gens qui ont une véritable intrigue en action : un conciliabule d'agioteurs qui machinent un coup de filet , une raffle pourla bourse du lendemain

des amans qui se réunissent en orgie galante pendant les instans où les pères sont absents; des conspirateurs qui se concertentau moment de frapperle grand coup, regarderaient en pitié la proposition de jouer aux cartes. Là où est l'intrigue réelle, il n'est pas besoin d'intrigue factice, comme celle du jeu, des romans , de la comédie, etc. Aussi les barmoniens n'auront-ils emploi des cartes que pour les malades et infirmes , hors d'état de prendre une part active aux intriguesindustrielles, qui préoccuperont tellement qu'aucun être en santé ne voudra jouer. Il n'aura déjà pas assez de la journée pour subvenir aux intrigues réelles qui seront au nombre d'une trentaine chaque jour, à n'en supposer que deux par chaque séance industrielle ou autre. Le BON TON est un effet de da passion unitéisme , 61, qui se répercute faute d'essor. Le bon ton, en civilisation, n'entraîne qu'à l'oisiveté, au train de vie des gens dits comme ilfaut, qui sont oisifs, oppresseursde la multitude laborieuse. Il y a pourtant dans le bon ton un très-beau côté qui est l'unité passionnée en moeurs et usages. C'est un brillant effet du bon ton, que de déterminer toute la belle compagnie d'Europe à adopter des langages unitaires, comme le Français pourla conversation, et l'Italien INDUSTRIEL. VI.e S. 479 pour la musique. Sous ce rapport, le bon ton est image renversée de l'harmonie sociétaire, où les moeurs ne régneront que par le consentement unanime, sans interventionde morale ni de lois, encore moins de châtimens. Mais le bon ton chez les harmoniens entraînera au travail productif, il dirigera à ce but toutes les classes et toutes les passions. Chez nous au contraire il n'excite qu'à l'indolence et aux moeurs dangereuses ; il est donc image renversée et non pasimage directe de l'unitéisme, qui conduirait à l'industrie. Il en est de même de la 10.e passion la cabaliste, citée plus haut ; ses intrigues ne tourneront en harmonie qu'à l'avantage de l'industrie ; chez nous, elles ne produisent que le mal en tout sens, par le jeu et autres désordres qui sont image des cabales industrielles de l'harmonie, mais imagesrenversées, produisant le mal. Il existe une grande différence de propriétés entre les deux répercussions que je viens de citer. Le bon ton produit des effet brillans et souvent très-utiles, dont le seul tort est de ne pas entraîner à l'industrie ; le jeu produit des effets odieux, la ruine des familles, le crime, le suicide. Il faut doncdistinguer dans les passions répercutées ou récurrentes, deux genrestrès-opposés; l'harmonique et le subversif. Celles qui conduisent aux accords comme le bon ton, sont du genre précieux que je nomme harmonique , ou récurrence directe vers le but. Celles qui conduisent aux discordes et aux crimes , sont du genre malfaisantque je nomme subversif ou récurrence inverse vers le but. Les deux genres ont une propriété commune, et très-brillante, c'est de donner en mode renversé des images de l'harmonie , d'en peindre tous les détails dans le jeu des passionsrépercutées. (Leur nom régulierserait DIFFRACTÉES, mais on neveut point de motsscientifiques.) Précisons bien le sens de cette expression, image en mode renversé ; les passionsrepercutées, au lieu de conduire le monde social 1, au luxe, 2, aux séries dégroupés, 3, au mécanisme, 4) à l'unité ; le conduisent à l'appau¬ 480 NOUVEAU MONDE vrissement, à la désunion , à la confusion, à la duplicité d'action. Elles opèrent comme un miroir qui renverse l'objet tout en le retraçant fidèlement

en effet

les violentes émotions des joueurs de tripot, élèvent la passion au même degré de véhémence ou s'élèveront les intrigues industrielles de l'harmonie, qui stimuleront plus vivement que nos fêtes civilisées ; et de même la docilité, l'unité passionnée d'une réunion de cour pour les ma- nières dites bon ton, malgré la gêne qui y est attachée, cette déférencemutuelle, est l'image de l'accord unitaire des harmoniens pour la distribution judicieuse des relations industrielles, aussi utiles que les momeries d'étiquette sont superflues. Un détail très-intéressant dans l'analyse de ces caractères que je nomme répercutés ou récurrens ( nom que leur donne Horace ), est de distinguer leur engrenage, discerner à quelle période sociale ils sont empruntés. S il est vrai, selon les philosophes, que tout est lié dans le système de l'univers, p. 16, chacune des neuf périodes sociales mentionnées à l'avant-propos, doit se lier aux autres, par certains caractères empruntés des périodes supérieures ou inférieures, et formant engrenage de son système dans ces périodes. Athènes quoique société civilisée, engrenait dans la société barbare, par l'esclavage des industrieux, et par les cruautés exercées envers eux. Nous engrenons en barbarie par le code militaire , coutume pleinement barbare, quoique nécessaire.Le besoin et l instinct forcent chaque période à emprunter sur ses voisines ; ainsi le système monétaire, tout opposé aux régles de la libre concurrence, est un emprunt sur la période 6 GARANTISME , où l'on saurait organiser les vraies garanties sociales, dont la civilisation n'a aucune connaissance , dans ses bavardages de liberté. Les barbares mêmes opèrent cet engrenage de caractères, et franchissentla période civilisée pour aller emprunter sur la période 6e garantisme, le caractère nommé parmi nous système monétaire, qui n'est qu'un rameau INDUSTRIEL. VI.e S. 481 de la concurrence véridique ou RÉGIE EXCLUSIVE CONTRE-BALANCÉE. La civilisation, 5e période, franchit de même le garantisme 6.e période , pour emprunter sur la période 7.e SOCIANTISME,séries industr. simples, une coutume très-ingénieuse ; celle des postes en relais, qui est une véritable série industrielle simple, opérant 1.° en courtesséances, 2.° en exercice parcellaire, 3.° en échelle compacte. Ce sont les trois conditions requises pour une série industrielle: ch. Y et VI. Répliquera-t-on que les postes en relais sont un usage de civilisation perfectible ; qu'elles sont donc partie intégrante et caractère de civilisation ? non vraiment, la poste en relais est un caractère d'emprunt, d'engrenage pris sur une période supérieure. Le besoin des gouvernemensleur a suggéré celte méthode : l'instinct en a fait aisément l'invention ; elle n'est pas moins un caractère ultra-civilisé, et qui prouve, ainsi que le régime des monnaies,que tout ce que nous avons de bon en civilisation est étranger à cette société, et provient, d'engrenages ou caractères empruntés sur des sociétés plus élevées. La méthode civilisée consisterait, à se voiturer avec les mêmes chevaux, qui, pour vous conduire de Paris à Lyon, emploieraient deux cents heures au moins, tandis que la poste vous y mène en 43 heures. C'est quadruple bénéfice de temps. Si la poste est plus coûteuse, cela tient aux lacunes industrielles du régime civilisé

la poste en harmonie coûtera bien moins que le voyage à mêmes chevaux ; mais dès à présent, la poste en relais nous donne déjà sur le temps, une économie du quadruple. C'est la propriété générale des séries industrielles, de donner quadruple bénéfice, en tout parallèle avec l'industrie civilisée. A quelle branche de passion se rattache cette invention de la poste en relaisqui n'était pas connue des anciens? elle tient à l ambition et au tact; à lambition par impatience de célérité dans les entreprises et les relations ; au tact, par impatience du dégoût causé par la voiture au pas. 31 482 NOUVEAU MONDE C'est donc, je l'ai dit plus haut, un effort dépassions entravées sur quelque point, et qui se font jour sur un autre point

c'est une répercussion ou récurrence de genre harmonique, puisqu'elle produit le bien; elle est subversive en quelques points, comme dans la coutume française de surcharger, forcer et crever les chevaux de poste , qui seront ménagés en harmonie, plus que ne le sont aujourd'hui les petites maîtresses. Le seul caractère de répercussion, nommé postes en relais, fournirait un ample chapitre, si je voulais l'analyser en plein ; que serait-ce d'une analyse de 100 caractères de répercussion dont j'ai le recueil ? qu'on juge par là de l'énorme travail qu'exigerait une analyse de civilisation ! voilà un seul ordre de caractères qui emploierait cent chapitres. Sans ce triage des caractères, sans ce classement qui rapporte à chaque période ce qui lui appartient; on ne ne peut pas juger des progrès ou déclins sociaux. C'est faute de ce triage que les philosophes s'embrouillent à qui mieux mieux dans leurs opinions sur cette société ; elle est 5.e en échelle

avance-t-elle quand elle conserve des caractères d'échelon, n.° 2.e sauvage, 3.e patriarcal, 4.e barbare, dont elle devrait chercher à se dégager? Loin de là, notre civilisation dite perféctible, s'obstine à engrener en sauvagerie par déni de minimum, abandon des vieillards et des pauvres; vice pardonnable aux sauvages, parce que dans les disettes, la horde n'a réellement pas de quoi alimenter celui qui ne chasse ni ne pêche : mais la civilisation est-elle recevable à dire quelle manque d'approvisionnemens ? aux caractères de période sauvage, elle en joint d'autres empruntés de périodes patriarcale et barbare

tant qu'on ne distinguera

pas ce mélanges, il sera impossible de voir clair dans le dédale nommé CIVILISATION. Sur une liste d'environ cinquante caractères de répercussion harmonique, il en est très-peu qui ne soient d'un vif intérêt par la surprise et la confusion qu'ils INDUSTRIEL. VI.e S. 483 exciteraient, en prouvant que la civilisation n'a de bon que ce qu'elle vole aux périodes supérieures, comme les caractères suivans qui sont autant de larcins, ou si l'on veut, des emprunts, des engrenages sur le mécanisme des garanties, 6.e période. 1. L'unité scientifique on accord des sociétés savantes malgré les guerres et rivalités nationales. 2. La guerre mixte ou relations amicales, hors de combat, entre les troupes belligérantes. 3. Les ouvriers artistes, figurant au théatre en acteurs et choristes. ( Usage d'Italie , de Toulouse.) 4. Les quarantaines sanitaires. 5. Les lettres de change avec solidarité d'endosseurs. 6. Les assurances tant individuelles que mutuelles. 7. Les défenseurs d'office. 8. Les caisses d'épargne, de coopération parcellaire. 9. Les retenues de vétérance. 10. Les caisses d'amortissement. 11. Les prud'hommes et arbitres. 12. Les cautionnemens en garantie industrielle. X L'ébauche du système d'unité métrique. La philosophie revendiquera ces caractères ultra-civilisés, comme perfectionnemens de son cru, et tenant au domaine de la civilisation perfectible ; il n'en est rien, ce sont des enjambemens , des engrenages en périodes su- périeures

leur invention, comme celle des relais de poste, est due à l'instinct, au besoin et non à la science qui n'a pas même pu faire adopter le caractère d'unité métrique dont elle a essayé l'introduction , et manqué en plein le système naturel. Elle répondra : si selon la table qui précédé, nous avons adopté soit par instinct, soit par génie scientifique, douze caractères précieux d'une période supérieure, ca- ractères qui appartiennent au garantisme, nous sommes donc identifiés avec cette période, et il est irrégulier de vouloir la distinguer de la civilisation ! non, vous n'êtes point parvenus à cette période et vous n'y tendez même 31. 484 NOUVEAU MONDE pas. Vous êtes embourbés dans l'ornière civilisée. On ne sort d'une période qu'autant qu'on en quitte les caractères pivotaux ; or vous ne tentez, aucunement de sortir des pivots de civilisation , tels que le morcellement agricole et domestique, et autres pivots généraux (dont je n'ai pas donné la table au chap. 42.) Vous ne songez pas même à abandonner les pivots partiels ou pivots de phases, exposés au chap. 41, car vous vous obstinez à maintenir les caractères de 3.e phase, tels que le mono- pole maritime insulaire, que vous avez renforcé par une lutte maladroite ; et vous vous cramponnez sur certains caractères de 2.e phase, tels que les illusions du gouvernement représentatif qui, dans divers cas , conduit à la rétrogradation. Vous êtes donc en marche rétrograde plutôt qu'en marche ultrograde. La preuve en est qu'on ne sait pas tirer parti de deux germes déjà anciens, 458, monts-de-piété et maîtrises, dont une modification judicieuse élèverait la civilisation de sa 3.e à sa 4.e phase. Au résumé : loin d'avancer vers les garanties, vers la la période 6, nous n'avançons pas même dans la car- rière civilisée dont nous ne savons pas organiser la 4.e phase. Au reste ce qui prouve l' ignorance générale sur ce sujet, c' est que l'Europe a chanté le progrès rapide de l'Egypte vers la civilisation, quand l'Egypte ne faisait que ce que fait aujourd hui la Turquie, passer de 3.e en 4.e phase de barbarie, progrès qui ne tend pas plus a la civilisation que la civilisation dans son état actuel ne tend au garantisme dont elle s éloigne très-maladroitement, parl'esprit mercantile. Brisons sur ce sujet puisqu'on ne peut en traiter qu'avec des lecteurs qui connaîtraient en plein les phases et caractères des diverses périodes. Achevons de leur faire connaître les caractères de civilisation , avant de leur ex- pliquer comment cette société,vraie torpille en politique, ne fait qu entraver les progrès du génie social, tout en se flattant, a chaque instant, de lui imprimer un vol rapide vers la perfectibilité. INDUSTRIEL. VI.e S. 485 CHAP. XLVI. Caractères de répercussion subversive. Je les ai définis au chap. 45 ; il reste à en donner quelques exemples, comme celui du JEU déjà décrit. C'est un caractère opérant sur des individus; il faut citer un de ceux qui opèrent sur des masses. Je choisisle janissariatpolitique. Je comprends sous ce nom toute corporation affiliée qui envahit le pouvoir, maîtrise le gouvernement, et s'empare des fonctions principales ou les fait donnera ses agens dans foute l'étendue d'un empire, comme faisaient les janissaires dans l'empire ottoman, où ilsjouaient aux boules avec les têtes des ministres, et obligeaient le sultan à leur présenter dans un bassin d'argent ces têtes des grands qu'ils avaient proscrits. La secte des jacobins a joué un grand rôle en janissariat ; elle a bien des successeurs : sa tactique a passé chez ses adversaires

le jacobinisme comme Elie, a légué son manteau , et l'on ne voit sous diverses couleurs que des jacobinières ou janissariats politiques, des ligues affiliées qui veulent tout maîtriser, tout envahir, comme les jacobins: Uno avulso non déficit alter. C'est un caractère inhérent à la civilisation ; il était moins sensible en 1788, parce que les janissaires, sous le nom de NOBLESSE, étaient plus nombreux, mais tendant comme les janissaires ottomans à tout envahir; car sous Louis XVI, ils avaient fait exclure le tiers-état du service militaire et de la majeure partie des emplois. Ce fléau de janissariat est l'effet d'une passion répercutée ; l'ambition tend à former des séries graduées hiérarchiquement ; elles se formeraient dans l'état sociétaire pour s'appliquer à l'industrie productive ; mais comme l'industrie n'est point attrayante chez nous, l'ambition se répercute sur l'autorité qu'elle envahit, et qu'on ne songerait pas à envahir fédéralement dans l'harmonie où cela ne serait pas possible. 486 NOUVEAU MONDE On voit aussi des janissariatssubalternes dans l'industrie commerciale, où la classe opulente organise des en- vahissemens fédéraux

elle marche à ce but sous le masque d'esprit d'association. Sitôt qu'elle connaîtrait, le moyen d'étendre ses empiètemens industriels, (moyen dont elle a manqué la découverte ) elle envahirait les fonctions administratives à la suite des commerciales. C'est toujours au gouvernement que tendent ces sectes de janissaires politiques

leur malignité va croissant, et c'est un fâcheux avenir pour la civilisation actuelle, qui ne sait qu'engendrer de nouveaux caractères vicieux ou renforcer les anciens. Lejeu, quant aux passions individuelles, Et lejanissariat quant aux passions collectives, fournissent des définitionstrès-exactes de passions répercutées qui ne produisent que le mal : ce sont deuxrécurrences de genre subversif. Les philosophes croient que ce sont des vices accidentels; non, ils sont essentiels et inhérens à toute période sociale qui manque d'intrigues utiles ; aussi les sauvages sont-ils très-passionnés pour le jeu, et encore plus pour les ligues fédérales d'envahissement. Dans tout effet de passion récurrente ou répercutée , il faut toujours observer l'image renversée des usages de l harmonie

remarquons-la dans un 3.e caractère de répercussion subversive, c'est le monopole effleuré ou tâtonne : on en voit poindre des rameaux dans chaque em- pire civilisé. En France, monopole des tabacs; en Russie , de l'eau-de-vie

en Espagne, de la morue ; en Perse,

de l'eau à boire

c est partout qu'on retrouve la tendance

au monopole, coutume vexatoire sans doute

c'est une image renversée de l'harmonie où le gouvernement régit tout le commerce, et où les phalanges ne souffriraient pas qu' aucun individu commerçât pour son compte. Mais le monopole général qu'exerce un gouvernement harmonien, présente aux administrés des garanties plus complettes encore que celles du système monétaire ac¬ INDUSTRIEL. VI.e S. 487 mel, qui est voeu des peuples quoique monopole; car personne, excepté les fraudeurs, ne voudrait que la monnaie fut livrée à la libre concurrence, et qu'on eût dans un empire mille monnaies de faux titres, pour l'honneur des libertés du commerce, qui sont autant de chaînes imposées au producteur et au consommateur. Les monopolesseraient donc tous utiles, s'ils pouvaient être organisés comme celui de la monnaie, en régie fiscale contre-balancée.Dès lors la tendance au monopole général est un bien , saufinvention du régime des contre-poids; la nature doit donner ce penchant à tous les gouvernemens, puisqu'il est leur destin

il est la fonction principale qui leur est réservée en harmonie. Ce penchant se manifeste par des lueurs de monopole, comme celui des tabacs; ces monopoles partiels et dénués de contre-poids sont assurément vexatoires, et par cette raison images renversées du régime d'harmonie, qui emploierait au bien général un procédé employé aujourd'hui à des vexations partielles. Ainsi que je l'ai fait pour les divers ordres de caractères, j'ajoute ici, sur les récurrens subversifs, une liste de douze non définis. Il serait inutile de donner des listes plus étendues, puisque chacun des caractères a besoin d'un paragraphe ou d'un chapitre de définition. 1. Bacchanales joyeuses. 2. Excès périodiques du peuple. 3. Récréations, fêtes et vacances. 4. Mendicité spéculative, 5. Polygamie secrète. 6. Prostitution publique et secrète. 7. Sérails où ils sont tolères. 8. Exposition des enfans, si on la tolère. 9. Loteries et monopoles de vice. 10. Luttes sans cause, gavots et dévorans. 11. Joug des préjugéssecoué par la classe haute. 12. Anoblissementdu service domestique royal. X Inertie nobiliaire. 488 NOUVEAU MONDE On ne comprendra point, sans commentaire, en quel sens chacun de ces caractères tient au genre dit récurrent subversif ; j'en vais donner, sur trois seulement, une lé- gère idée. I.° Bacchanalesjoyeuses. D'où vient ce penchant du peuple à causer du dégât, se livrer au désordre dans ses divertissemens ? Les enfans surtout sont sujets à cette manie de ravage, quand ils se mettent en gaîté. L'âge adolescent, dans la classe opulente, se livre aux mêmes folies

on ne verra guères un repas de Provençaux ou de Languedociens

se terminer sans qu'on brise les vaisselles (si cest en local libre, chez un traiteur). Cet effet de passion est un essor d'amitié qui conduit à l'opposé du but, car le premier but des passions est le LUXE ; or ce dégât inutile ne produit que l'appauvrissement

c'est un effort de passion comprimée qui fait éruption violente, et va à son but, à l'enthousiasme, par les voies du mal , faute de pouvoir assouvir sa fougue cabalistique sur une industrie attrayante, qu'on trouverait à chaque pas dans le mécanisme des Séries passionnées. 2.° Excès périodiques du peuple, tels que les orgies du dimanche et du carnaval, où il consume le fruit de ses travaux : il est donc bien malheureux les autres jours ! oit-on la classe opulente se livrer à ces excès ? Non, parce qu'elle a chaque jour l'abondance dont le peuple cherche une ombre dans ses folies ruineuses du diman- che et du lundi. 3.° Récréations,fêtes et vacances. On est donc bien en- nuyé aux jours et heures de travail, si l'on a besoin de ne rien faire pour être heureux ! Les harmoniens ne sau- ront pas ce que c'est que récréation ; et pourtant ils tra- vailleront beaucoup plus que nous, mais par attraction. esséances de travail seront pour eux ce qu'est l'affluence de fêtes pour les sybarites parisiens, qui ne sont en peine que du choix des spectacles, des festins, des bals, des maîtresses, etc. Ce sont là trois effets vicieux où la fougue amicale, INDUSTRIEL. VI. S. 489 manie d'insouciance et de joie collective, marche à son but par des voies improductives ou nuisibles. Il eût fallu classer tous les jeux de passions qui tiennent à cet ordre ; plus le tableau en serait nombreux, plus on sentirait la nécessité d'inventer un ordre de choses propre à ramener la passion dans les voies d'utilité, lui donner un plein développement, un essor fougueux dans l'exercice de l'industrie productive. Cet effet n'a lieu que dans les Séries passionnées. D'après l'examen de cet ordre de caractères nommés récurrens ou répercutés, on peut apprécierl'impéritie des moralistes qui veulent réprimer les passions. Qu en arrive-t-il ? entravées sur un point, elles font éruption sur une autre ; elles vont à leur but par les voies désastreuses, au lieu d'y aller par les voies bienfaisantes. C'est pour le corps social double dommage, perte du produit qu'aurait donné la passion appliquée à l'industrie, et perte des frais de répression et de châtiment qu'il faut opposer a la passion égarée dans les voies du mal. Si la belle France ne commettait pas chaque année 120,000 crimes à procès, elle aurait le double bénéfice d'employer utilement les tribunaux, les gendarmes qui poursuivent les criminels , et d'utiliser de même des hommes que la compression a poussés au crime. Les moralistesrépondent

il faut aimer la vertu et l'industrie. On peut leur dire : sachez les rendre aimables : elles ne peuvent plaireà l'homme que par entremise des séries passionnées ; sachez donc organiser cet ordre, maintenant qu'on vous évite la peine de l'inventer. Mais tant que durera le régime d'industrie morcelée et répugnante, c'est en vain qu'on opposera aux passions les oracles de Diogène et Mirabeau ; elle marchent à leur but per fas e nefas. Dieu a placé dans nos ames 12 aiguillons de mouvement , qui nous pousseront au but, en dépit des leçons de Mirabeau et Diogène. Il serait bientôt temps que la philosophie s'occupât à étudier lesressorts du mouvement, leurs propriétés, leur tendance, leur voeu , au lieu de 490NOUVEAU MONDE perdre sottement des siècles à la tentative chimérique de réprimer les passions. Mais pour découvrir l'art de les développer en harmonie, il eût fallu se résoudre à des travaux d'analyse et de synthèse que la philosophierecommandeet neveut paspra- tiquer. Elle badine les prédicateurs en leur appliquant cette devise : Faites ce que je vous dis, et non pas ce que je fais ; devise bien plus applicable aux philosophes, car on n'a jamais pu obtenir d'eux aucune observance de leurs principes, ni en théorie où ils s'opiniâtrent à repousser toute ana- lyse et synthèse des passions et de leurs caractères, ni en pratique où ils nous prêchent l'amour de la modération et de la médiocrité. Eh ! s ils avaient quelque penchant pour la modération et la médiocrité, ils n'auraient pas amoncelé cette immense quantité de systèmes, cet océan de controverse qui est si fort au-dessus du médiocre par l'infinité des volumes, et si fort au-dessous du médiocre par l'infinité des contradictions. CH. XLVII. Caractères de rétrogradation greffée. UN parti effrayé des abus de la fausse liberté, croit prudent de revenir aux us et coutumes du 10.e siècle, à la féodalité nobiliaire, aux superstitions obscurantes, etc. ; mais retrouvera-t-il un peuple et une bourgeoisie tels qu'au 10.e siècle ? Non assurément, et ce ne sera ni en une génération ni en deux qu'il changera les moeurs ac- tuelles. Il veut donc greffer les usages du 10.e siècle sur ceux du 19.e, greffer la Ie. phase de civilisation sur la 3.e qui conservera bien ses moeurs et propriétés, car certains ressorts tout-puissans tels que le commerce et la finance ne céderont pas et. entraîneront tel parti qui croira les maîtriser. D'autre part les champions de vol sublime, les libéraux, sont encore une classe de rétrogradateurs, fouillant danslesoripeaux d'Athènes et de Rome pour remettre en scènes de vieilles charlataneries, de faux droits de l'homme ( Avant propos) et greffer sur le 19.e siècle des illusions. INDUSTRIEL. 491 qui ramènent la civilisation de 3.e en 2.e phase, en mixte des deux phases. Ainsi chacun des deux partis rétrograde à sa manière, l'un pour le bien des ténèbres, l'autre pour le bien des lumières. Quel sera le plussage des deux ? Celui qui s'emparera du rôle que ses rivaux ne savent pas prendre , avancer et non pas rétrograder. Or pour avancer, il faut au moint s'élever en 4.e phase de civilisation, (chap. 49.) Si la caste nobiliaire adoptait ce parti très-avantageux pour elle, dans quel discrédit tomberaient les libéraux , quand ils seraient convaincus de cette marche rétrograde qu'ils dénoncent. On convertirait à la fois les deux partis , on les réconcilierait, en organisant cette 4.e phase de civilisation qui sans être heureuse présente déjà des cotés avantageux, comme d'extirper et prévenir la mendicité, assurer constamment du travail au peuple,fournirun fonds suffisant pour la prompte extinction des dettespubliques,restaurer les forêts et les routes, etc. Ces perspectivesdoivent être flatteuses pour des hommes qui ne veulent pas entendre à l'idée de sortir de la civilisation. Cependant elles ne sont encore qu'un abîme social en comparaison des biens qu'on obtiendrait en s'élevant un peu plus haut, à l'ambigu de garantisme. Celte 4.e phase civilisée confondrait les 2 partis, dont l un ne pourrait plus titrer de sagesse la sotte politiquede rétrogradation , quand on verrait le bien naître d'un progrèsréel, l'autre ne pourrait plus vanter son vol sublime , quand il serait évident que sesméthodesramèneraientla civilisation au mixte de 3.e et 2e. phase, au lieu de la pousser en 4. phase d'où elle s'élèverait assez facilement au garantisme. Quant à la 3.e phase où nous sommes, elle est une impasse ou cul de sac social, d'où l'esprit humain ne sait plus sortir ; il s'y escrime en systèmes qui n'aboutissent qu'à empirer tous les fléaux ; c'est l'emblème de Sisyphe gravissant avec son rocher, et retombant sans jamais atteindrelebut. Nous sommesau contraire,surdiverspoints, 492 NOUVEAU MONDE dans une rétrogradation évidentecausée par la chimère de gouvernement représentatif qui introduit une foule de caractères vicieux ; par exemple : I° Fairepayer à une na- tion le prix de la corruption de ses représentons. Abus iné vitable dans un grand empire où le gouvernement dispose d'un budget énormequ'il n'avait pas dans la petite ré- publique d'Athènes.Ce régimeengendre tant d'abusqu'on a vu des chefs mêmes du libéralisme déclarer que le gouvernement représentatif n'est pas convenable pour les Français. (Benj. Constant). En le réprouvant je suis loin de me déclarer partisan de l absolutisme

il ne peut convenir qu'à ceux qui l exercent; je veux seulement dire que les bienfaits qu'on espère follement du système représentatif, ne peuvent naître que du progrès réel ou passage en 4.e phase de civilisation, en ambigu de garantisme, et aux phases de garantisme. Ce progrès réel aurait la belle propriété de satisfaire toutes les classes qui aujourd'hui, alarmées du faux progrès, effrayées du système d'où on a vu éclore les Marat et les Baboeuf, s'engageront dans les mesures les plus folles, plutôt que de se concilieravec le libéralisme; de là naissent divers caractères des plus désastreux à ac- coler au précédent. 2. L'effarouchementdes cours devenues déraisonnables par la frayeur que leur inspire le faux libéralisme. 3. Le pis-aller de ces mêmes cours qui cherchent un appui chez les ennemis de leur indépendance. 4. supplice des dupes, des Espagnols, Portugais, apolitains et Piemontais, envoyés à l'échafaud. 5. La discorde entre les diverses classes de citoyens par suite des brigues électorales. 6. L'accroissement de dépenses fiscales causées par cette lutte des gouvernemens contre les peuples. On compterait quantité de ces caractères malfaisans, origine toute récente, bien soutenus depuis plusieurs années, et produits par le faux libéralisme. Je le nomme faux, parce qu'il est une rétrogradation politique tendant INDUSTRIEL. 493 à l'oligarchie sous un masque de popularité , et produisant toujours des effets contraires aux promesses. Par exemple , en 1728, la France à force de bel esprit parlementaire a obtenu une économie de 300,000 f., faisant un centime par contribuable ; dans la même année elle dépense deux cents millions d'extraordinaire, savoir : 80 millions d'emprunt fiscal, 84 millions de créance abandonnée à l'Espagne, 20 millions environ prêtés sur ses bons illusoires. Plus des bagatelles comme le million envoyé chaque mois à la cour d'Espagne pour son entretien; c'est environ 200 millionsde perte,sans autre compensation que le tiers d'un million obtenu à force de verbiages oratoires et par des voies mesquines, comme de liarder, rogner quelques écus sur les fonctionnaires, tandis qu'il y aurait cinquante millions à recouvrer sur les seuls cautionnemens des courtiers. La classe nommée courtiers de fonds publics ou agens de change, redoit à elle seule 24 millions pour différence du prix fiscal de ses cautionnemens avec le prix réel de vente des charges. Le libéralisme n' aperçoit rien de cela dans ses éternels débats sur les affaires fiscales ; on lui citerait quantité d'autres lésions du fisc s' élevant jusqu'à cent et deux cents millions qu'il pourrait percevoir annuellement sans nouvel impôt. Si ce parti est si aveugle sur la finance, objet dont il s'occupe constamment , il l'est bien plus sur les autres vices politiques auxquels il ne donne aucune attention

et comme il

ajoute a ces torts, celui de conduire le char social en sens rétrograde, greffer la 3.e phase sur des caractères de 2.e, c'est une chimère dont on n'a aucun bien à espérer. (1) Les libéraux croient se justifier en disant

« Ne voyez-vous

» pas que sans le système représentatif et les efforts de l'opposi- » tion, l'on tomberait sous le plus pesant despotisme ? » Je le sais; mais il n'est pas moins certain que leur tactique de heurter de front les rétrogradateurs , ne sert qu'à les exaspérer, les pousser de plus en plus à l'obscurantisme. Dès lors le parti même qui veut la liberté, travaille indirectement contre elle: c'est opérer comme 494 NOUVEAU MONDE On serait depuis long-temps revenu de cette illusion, si on eût procédé à l'analyse des caractères de civilisation l'ours qui, d'un coup de pavé , casse la tête à son ami pour le dégager d'une mouche. Il est certain que ce régime, dit libéral, n'opère aucun bien positif, et que l'esprit libéral est stérile sur tous les grands problèmes d'améliorationsociale, comme l'affranchissement des nègres et l'abolition consentie de la traite. Il n'enfante que des discours, et jamais une idée neuve. Ne dissertez pas tant sur le progrès social, mais sachez l'effectuer ; sachez inventer des moyens faciles

le bel esprit court les rues, il surabonde; c'est de génie inventif qu'on a besoin et non de faconde oratoire Si vous aviez quelques vues franchement libérales, vous auriez pris des mesures pour exciter aux inventions vraiment libérales, et leur assurer accès à leur opparition ; mais comme l'a dit l'un de vous ( M. de Pradt )

La

Chartefait perdre la tête à ses amans; ils croient avoir tout fait, quand ils ont péroré sur la Charte , vraie pomme de discorde, édifice chancelant qui ne pourra jamais se soutenir. Inventez un ordre de choses qui plaise à toutes les castes , et qui les rallie toutes aux voies de progrès réel. Quant aux chartes, la fortune leur a décidément tourné le dos

elles conduisent à l'échafaud tous les partis qui en veulent établir. (Voyez l'Espagne, le Portugal, le Piémont et Naples. ) C'est partout qu'on voit échouer le parti libéral, même dans la politique de détail. S'il obtient, après de longues clameurs, un changement de ministère, c'est pour être mystifié sous d'autres formes. Il semble que la fortune, lasse de l'impéritie des libéraux, lasse de leur stérilité de génie , se plaise à les molester pour les amener à résipiscence. Les peuples qui prennent parti pour le libéralisme, n'aboutissent qu'à se faire décimer; les ministres, Canning et autres, sont frappés de mort, s'ils embrassent cette cause. Les souverains mêmes sont malheureux, quand ils suivent cette bannière. La Russie , qui après six ans d'hésitation se décidait bien tard à soutenir les chrétiens d'Orient, est venue échouer pitoyablement et empirer le sort des Grecs , dont la France aussi veut abandonner la cause. Partout la fortune se déclare contre le libéralisme

avis à lui de quitter sa position , qui n'est plus tenable, et de recourir aux inventions de progrèsréel qui luisont apportées. INDUSTRIEL. VI.e S. 495 et donné un article spécial à ceux de rétrogradation greffée. Je ne les mentionne ici qu'au nombre de 6, pour ne pas approfondir ce sujet délicat, sur lequel il convient de glisser. Observons seulement que sur ce point, les deux partis peuvent aller de pair en sagacité politique tous deux logés au 4.e signe du zodiaque, à l'enseigne de l'écrevisse

l'un des deux devrait se piquer d'honneur, se décider à aller en avant, pour couvrirl'autre de confusion. CH. XLVIII. Caractèresde dégénération de la 3ephase. LES immobilistes sont une secte aussi ridicule que les rétrogradateurs. Le mouvement social répugne à l'état stationnaire, il tend au progrès; il a , comme l'eau et l'air, besoin de circuler ; il se corrompt par la stagnation ; aussi ne connaît-on rien de plus vicieux que les Chinois, nation la plus immobiliste du globe. Chez eux; l'intérêt légal est 53 0/0 ; l'usure et la fourberie mercantile y sont honorées, ils jouent aux des leurs enfans, traînent leurs dieux dans la boue

ce sont des héros de morale, selon Raynal.

Notre destin est d'avancer

chaque période sociale doit s'avancer vers la supérieure : le voeu de la nature est que la barbarie tende à la civilisation , et y arrive par degrés ; que la civilisation tende au garantisme, que le garantisme tende à l'association simple, et ainsi des autres périodes. Il en est de même des phases; il faut que la 1.re tende à la 2.e, celle-ci à la 3.e, celle-ci à la 4.e , celle-ci à l'ambigu, et consécutivement. Si une société languit trop long-temps dans une période ou dans une phase, la corruption s'y engendre, comme dans une eau qui croupit. (Cette règle est sujette à certaines exceptions pour les périodes inférieures à la civilisation. ) Nous ne sommes que depuis un siècle en 3.e phase de civilisation, mais dans ce court espace de temps, la phase a marché très-rapidement, à raison du progrès colossal de l'industrie

de sorte qu'aujourd'hui la 3.e phase excède sa limite naturelle. Nous avons trop de matériaux 496 NOUVEAU MONDE pour un échelon si peu avancé, et ces matériaux n'ayant pas leur emploi naturel, il y a surcharge et mal-aise dans le mécanisme social ; de là résulte une fermentation qui le corrompt, elle y développe un grand nombre de caractères malfaisans, symptômes de lassitude, effets de la disproportion qui règne entre nos moyens industriels et l'échelon subalterne auquel ils sont appliqués. Nous avons trop d'industrie pour une civilisation si peu avancée, retenue en 3.e phase ; elle est pressée du besoin de s'élever au moins en 4.e; de là naissent les caractères d'exubérance et de détérioration dont je vais énumérer les plus saillans

en réplique aux jactances de perfectionnement,

je vais signaler des effets de dégénération évidente, et pourtant très-récens. I.° Centralisation politique. Les capitales transformées en gouffres qui absorbent toutes les ressources, attirent tous les riches à l'agiotage, et font dédaigner de plus en plus l'agriculture. — 2.° Progrès de la fiscalité, des systèmes d'extorsion, banqueroute indirecte, anticipations, art de dévorer l'avenir. Necker en 1788 ne savait ou prendre 50 millions de déficit annuel ; aujourd hui on sait ajouter non pas 50, mais 500 millions au budget de 1788. — 3.° Consolidation du monopole maritime. Il était rivalisé et contenuen 1788, il est maintenant dominateur exclusif, sans qu'il reste aux Européens aucune chance de rétablissement des marines rivales. — 4.°Atteintes à la propriété. Elles dégénèrent en habitude, par les prétextes de révolution, qui deviennent règle pour les partis suivans. La France a confisqué, l'Espagne et le Portugal imitent, et cette méthode prévaudra, parce qu il n'y a aujourd'hui de progrès assuré qu'au désordre. Celui-ci est un caractère d'engrenage en barbarie. 5.° Chute des corps intermédiaires: états provinciaux, parlemens et corporations qui opposaient des barrières au pouvoir. C'est grâce à leur chute qu'on a su trouver un renfort annuel de 500 millions, là où Necker n en pouvait pas puiser 50. — 6.° Spoliation des communes, INDUSTRIEL. VI e S. 497 vilainement compensée par les octrois qui fatiguent l'industrie, désaffectionnent le peuple des villes, et provoquent toutes les fraudes mercantiles, tout le commerce d'empoisonnement légal.—7 : Dépravationjudiciaire,deni indirect de justice au pauvre, accroissement des procès par la subdivision des propriétés et la complication des lois de plus en plus impuissantes. Elles sont muettes devant un fournisseur pillant de son aveu 76 millions elles sont inflexibles pour le pauvre Elissando qui a volé un chou ; il est condamné à mort. — 8

Instabilité des institutions frappéespar cette raison, d'impuissance, même dans le cas de sagesse, et contrariées par le manque absolu de méthodesjustes, en toutes branches d'administration : L'on ne sait pas même faire une division territoriale régulière, basée sur les convenances générales, on n'a aucune règle sur cette opération. — 9 : Imminence de schisme. Les gallicans étayés des opinions de saint Louis et de Bossuet, ne tarderaient guères à en venir au schisme contre des prétentions ou- trées, de là les guerres civiles. — 10 : Guerre intestine discordes fomentées par l'ignorance de la politique so- ciale qui ne sait inventer aucune voie de conciliation par progrèsréel en échelle. 491. — 11

Hérédité du mal, coutume d'adopter les vices introduits par le parti vaincu tels , que lesloteries, lesjeux publics et autre moyens odieux de la fiscalité. — 12 : Dévergondage de la politique, bassesse des puissances chrétiennes avec les musulmanset les pirates ; concert passif pour le paiement de tribut aux pirates, et le soutien de la traite des nègres. — 13

Progrès de l'esprit mercantile:. Agiotage érigé en puissance qui se rit des lois, envahit tout le fruit de l'in- dustrie, entre en partage d'autorité avec les gouvernemens, etrépand partout la frénésie de jeu. —

14

Faveur au commerce en raison de sa péjoration. Marseille

construit des vaisseaux pour capturer les chrétiens et en peupler les bagnes d'Afrique

Nantes a

des fabriques d'instrumens de supplice pour la torture des nègres dont 32 498 NOUVEAU MONDE il fait la traite en dépitdes lois; d'autres villes naturalisent la coutume anglaise des bagnes où le peuple travaille seize heures, au rabais d'une minute de chômage : plus le commerce grandit en malfaisance, plus il est favorisé. — 15

Scandalesindustriels : Progrès de la falsification tolérée, fréquencedes crises d'abondance dépressive,469, abandon des récoltes sur pied pour le bénéfice de vente des futailles, entraves à la charité par l'exigence des percepteurs de droits réunis qui grèvent les donateurs. — : 16 : Traite des blancs favorisée : On en laisse contracter l'habitude, même aux puissances qui ne l'avaient pas, comme le pacha d'Egypte, et on n'y oppose que des fadaises diplomatiques. — 17 : Moeurs du siècle de Tibère : Espionages gradués jusqu'au soldat, délations secrètes, progrès visibles de l'hypocrisie, de la bassesse, et des vices inhérens à l'esprit de parti. — 18 : Jacobinisme communiqué : Les partis qui l'ont combattu en ont adopté toute la tactique, l'art de fabriquer des conspirations, de raffiner en calomnie, est devenu général, et a enlevé au caractère des mo- dernes le peu de noblesse qui lui restait. — 19 : Noblesse vandale : Elle inclinait en 1788 aux idées d'amélioration judicieuse ; aujourd'hui elle retombe dans la barbarie, ne songeant qu'a détruire l'industrie qui lui porte ombrage dans les élections. — 20 : Naumachies littéraires. Les savans et lettrés arborent cette bannière de vandalisme , se déchirant entr eux pour l'amusement du public à qui ils ont inoculé le goût de la détraction calomnieuse, et. ne s'unissant que pour étouffer les lumières, les découvertes utiles. Nos libertés électorales ont produit un trio de vertus neuves, une noblesse vandale, une bourgeoisie calomnieuse, et des savans pétris de zoïlisme. 21 : Tactiquedestructive ou accélératrice, qui double les ravages de guerre, fait renaître les coutumes barbares, Vendées, Guérillas,Landsturm, armemens des femmes et des enfans. — 22 : Tendance au Tartarisme , par les con- scriptions et mobilisations déjà établies en Prusse, tentées INDUSTRIEL. VIe. S. 499 plus grandement en Russie sous Aracktchejew; méthode qui une fois introduite en quelques empires, obligera tous les autres à adopter par mesure de sûreté cette organisation tartare. — 23

Initiation des barbares à la lactique. C'est un moyen sûr de renforcer la piraterie des barbaresques, et d'établir bientôt celle desTurcs, qui feront payer aux Dardanelles un tribut à toutes les puissances faibles. — 24. Quadruple peste : nous ne connaissions que l'ancienne d'orient, il faut y joindre la fievre jaune pire encore , le typhus qui fait de grands ravages , et le cholera morbus déjà parvenu du Bengale à Alep : C'est un nouveau quadrille de perfectibilités croissantes. A ces vices récens, tous vices de circonstance, ajoutons le plus honteux, l'admission des Juifs au droit de cité. Il ne suffisait donc pas des civilisés pour assurer le règne de la fourberie, il faut appeler au secoursles nations d'usuriers, les patriarcaux improductifs. La nation juive n'est pas civilisée, elle est patriarcale, n'ayant point de souverain , n'en reconnaissantaucun en secret, et croyant, toute fourberie louable quand il s'agit, de tromper ceux qui ne pratiquent pas sa religion. Elle n'affiche pas ces principes, mais on les connaît assez. Un tort plus grave chez cette nation, est de s'adonner exclusivement au trafic, à l'usure, et aux dépravations mercantiles, selon le tableau de Londres(37), tableau qui ne nous apprend que ce que chacun sait. Tout gouvernement, qui tient aux bonnes moeurs devrait y astreindre les Juifs, les obliger au travail productif, ne les admettre qu'en proportion d'un centième pour le vice ; une famille marchande pour cent familles agricoles et manufacturières; mais notre siècle philosophe admet inconsidérément des légions de Juifs, tous parasites, marchands, usuriers , etc : Lorsqu'on aura reconnu, (et cela ne tarderait guères,) que la saine politique doit s'attacher à réduire le nombre des marchands, pour les amener à la concurrence véridique et solidaire, on aura peine à concevoir l'impé¬ 32. 500NOUVEAU" MONDE ritie de celle philosophie qui appelle à son secours une race toute improductive, mercantile et patriarcale, pour raffiner les fraudes commerciales déjà intolérables. Récapitulonssur ces symptômes et caractères de dégénération causée par le retard de progrès en échelle, et par l'inconvenance d'une industrie si vaste, avec un système social si retardé, si traînant. Nous pouvons rattacher les désordres à 4 causes radicales qui sont : DÉPRAVATION MORALE DES SCIENCES ; refus obstiné d'explorerles branches d'étude négligées (45), jonglerie de persuader que tout est découvert, que tout est perfectibilisé, qu'il faut bafouer les inventeurs. DÉPRAVATION MATÉRIELLE DES SCIENCES, par l'emploi vicieux de la chimie qui ne travaille qu'à vexer le pauvre, en fournissant au commerce des moyens de dénaturer et falsifier toutes les denrées communes dont se nourrit le peuple ; et à limiter aux seuls riches, la faculté de trouver des comestibles et liquides naturels. RÉTROGRADATION INTELLECTUELLE, par abus d'esprit ; cataracte politique, dominance des faux principes qui, sous un masque de philanthropie repoussent toute garantie pour le pauvre, et nient les droits naturels de l'homme , droits qu'un code équitable doit compenser, I, Chasse; 2, Pêche; 3, Cueillette ; 4, Pâture ; 5, Vol extérieur; 6, Insouciance; 7, Ligue intérieure; X,Liberté satisfaisante; K, minimum proportionnel; et qui nous détournent de toute étude sur les vues de Dieu et la théorie des destinées. RÉTROGRADATION POLITIQUE, esprit d'immobilisme qui a gagné les cours et les grands; ils suspectent l'idée de progrès social, au lieu de suspecter la méthode rétrograde, l'esprit philosophique. De là naît double égarement , celui des gouvernemens qui se défient des nou- veautés utiles qu'ils confondent avec la philosophie, et celui du vulgaire, obstiné à espérer le bien des philosophes, gens opposés a toute étude des sciences neuves qui peuvent conduire au progrèsréel. 45. INDUSTRIEL. VI.e S. 501 Remarquons que les 24 caractères de dégénération précités, et dont on pourrait doubler le nombre, sont accidentels et non pas essentiels à la période civilisée. Elle aurait échappé à cette irruption de vices, pourpeu qu'elle eût accéléré sa marche, qu'elle eût su s'élever à temps de la 3.e phase à la 4.e, se rehausser en échelle sociale autant qu'elle s'exhaussait en industrie; elle en a trop pour la 3.e phase, elle en aurait trop peu pour la 4.e

cette

pléthore n'est donc pas vice essentiel mais accidentel, vice enrichi de variantes en pléthores d'excentricité et con- centricité : Ainsi Mulhouse accumule excentriquement, au point le plus éloigné des 4 mers, telles fabriques dont les matières partent de ces mers pour revenir sur leurs côtes ; et le Hâvre, par concentration des manufactures au nord, accumule un entrepôt colossal qui appauvrit les régions de Loire, Garonne et Rhône. Si l'on manque à établir une proportion entre l'échelon social et le degré d'industrie, si le mécanisme social reste en panne, en 3.e phase de civilisation, tandis que le mécanisme industriel fait des pas gigantesques, c'est fausser tout le jeu du mouvement; et il en doit résulter des monstruosités, comme notre état actuel, présentant une industrie colossale, qui se trouve appliquée à un échelon subalterne et incapable d'en porter le faix. A l'aspect de cette disparate dont nos économistes devraient rougir, à l'aspect des légions de pauvres qui sont le fruit du SARCOCÈLE INDUSTRIEL , nos philosophes s'écrient : quelle marche rapide vers la perfectibilité croissante! on peut les rappeler à leur principe sur la nécessité des proportionset des liens, tantum sériésjuncturaque pollet : Si vous voulez avancer immodérément en industrie, sachez avancer en même rapport dans l'échelle sociale, et vous élever au moins à la 4.e phase de civilisation qui pourracomporteret régulariser ce colosse industriel, devenu un sarcocèle politique, tant que nous croupissons dans la 3.e phase de civilisation. Voyez sur la 4.e le chap. XLIX. 502 NOUVEAU MONDE RÉSUMÉ SUR LA VI.e SECTION NÉCESSITÉ D'UNE OPPOSITION SCIENTIFIQUE. Là se termine l'analyse des branches connues de la civilisation : il reste encore à parler de la 4.e phase non avenue ; mais comme elle est à créer, c'est un sujet qui tient à la Synthèse du mécanisme civilisé, et non à l'analyse de ses phases connues , déjà écloses, dont j'ai décrit ici les caractères. Je crois à propos d'en récapituler les 8 ordres, et d'indiquer deux lacunes que j'ai dû laisser dans ce tableau, pour abréger. Distribution des caractères civilisés.... X, Les PIVOTAUX, division à extraire des permanens ; tels sont les trois suivans

Effet composé , jamais simple , en bonheur ni en malheur. (I, 476 ; II 598 et 604 ; et ici 414.) Alliage de politique astucieuse et violente. Contrariété des intérêts collectifs et individuels. K, Les AMBIGUS, empruntes franchement ou fortuitement sur des périodes inférieures , tels sont : Le code militaire, emprunt sur la barbarie, per.e 4. Le droit d aînesse , sur le patriarcat, per.e 3. L abandon du faible, surla sauvagerie, per.e 2. Et quelques empruntsfaits sur la primitive, per.e I., qui n existe plus; on en voit des caractères greffés sur les périodes civilisée et barbare, telles sont les coutumes INDUSTRIEL. VI.e S. 503 phanérogames de NÉPAUL, JAVA, LANCEROTE, HAMIL. LAPONIE et autres lieux présentant des lueurs de la phanérogamie qu'on trouva bien établie à OTAHITI. Tous les caractères civilisés qu'on pourra indiquer se rattacheront à l'un de ces dix ordres, l'analyse du plus copieux, celui des permanens, n'a été qu'effleurée, j'y ai confondu les PIVOTAUX qu'il eût fallu en distraire ; je n'ai voulu dans cette section, que faire entrevoir le travail très-étendu qu'exigerait une analyse intégrale de la civilisation, et signaler l'étourderie de tant de philosophes qui, se battant les flancs pour découvrir un sujet neuf, n'ont pas entrevu celui-là, le plus facile de ceux indiqués page 41, et le plus homogène avec leurs connaissances ; car il n'exigerait qu'un aveu de la vérité, un aveu des vices dominans pris pourvoies de perfectionnement. D'où vient cette stérilité des esprits modernes ? De ce que lemonde savant manque d'un ressortnécessaire , UNE OPPOSITION, un corps exerçant l'opposition en affaires scientifiques, et intervenant pour signaler les torts de la science, les lacunes qu'elle laisse de propos délibéré, dans les divers genres d'études. Les philosophe nous disent que l'opposition est le palladium des libertés; pourquoi l'excluent-ils du monde savant qui manque de ce ressort, et qui y a si peu songé, que nul savant ne saurait dire comment doit être organisé un corps d'opposition scientifique, régulièrement contrebalancé. Les gouvernemens qui ont à redouter les abus de la presse, auraient dû aviser à cette création d'un corps d'opposition scientifique, employer contre leur ennemi naturel, contre la philosophie, les armes quelle emploie contre eux, l'opposition et les lumières. Si les corps savans inclinaient à l'équité, aux garanties de liberté, ils reconnaîtraient que la détraction est pire de nos jours qu'au siècle de Colomb, et qu'on ne veut prêter l'oreille à aucune nouvauté utile. Ce n'est point le gouvernement, ce sont les faux savans qui exerçent cet obscurantisme

il faudrait donc pour contrebalancerleur 504 NOUVEAU MONDE influence, un corps d'opposition qui, rappelant au siècle les études a faire, assurerait protection et accès à quiconque apporterait des découvertes demandées. Mais le monde savant ne désire que la confusion en études; il ne veut pas même qu'on s'oriente, que l'esprit humain reconnaisse le terrain qu'il parcourt, et fasse une analyse de la civilisation. C'est par-là qu'aurait débuté un corps d'opposition ; il aurait provoqué cette analyse, et celle des périodes parcourues avant l'état civilisé, afin de reconnaître par un parallèle si on avait avancé dans la carrière du mal ou dans celle du bien

on aurait con- staté par ce travail que la civilisation perfectionne l'in- dustrie seulement, mais qu'elle déprave les moeurs en raison du progrès de l'industrie. On doit donc pour ar- river au bien, découvrir un autre mécanisme social qui

opère sur les moeurs et fasse naître la justice, la vérité, du progrès de l'industrie. Au lieu de tendre franchement à ce but, la science persiste à donner le change et prétend que « le sens na » turel du mot CIVILISATION est l'idée de progrès de de- » veloppement; il suppose un peuple qui marche ; c'est le » perfectionnement de la vie civile et des relations so- » ciales , c'est la répartition la plus équitablede la force » et du bonheur entre tous les membres. En » réponse au professeur qui s'exprime ainsi dans une chaire de Paris où le sophisme est sûr de tout accueil, on peut l'inviter à aller voir à la manufacture de glaces et autres ateliers, de quelle répartition équitable, de quel bonheur jouissent les ouvriers qui servent les fantaisies des oisifs dont se compose l'auditoire du professeur. S'il est vrai selon lui que l'ordre civilisé embrasse toute per- ection, tout progrès, tout développement, les barbares sont donc des civilisés, car ils ont beaucoup perfectionné industrie dans la Chine, le Japon, l'Indostan et la Perse ; mais si on analyse les caractères de barbarie et ceux de civilisation, l'on reconnoitra une prodigieuse différence entre les 2 périodes sociales, (ch. LII.) INDUSTRIEL. S : VI.e 505 Ce n'est pas seulement à l'industrie que la perfection doit s'appliquer, elle doit embrasser aussi les moeurs et le mécanisme social, deux relations que l'ordre civilisé ne sait que dépraver. Son emploi bien restreint est seulement de poursuivre dans les 3 carrières, sciences, arts, industrie, les études que les barbares ont commencées et poussées très-loin. Cette tâche une fois remplie, la civilisation n'a autre chose à faire qu'à disparaître et faire place à d'autres sociétés qui perfectionneront le tout, les moeurs et la mécanique sociale , tout en raffinant l'industrie et les sciences que l'état civilisé ne peut pas élever à moitié du développement dont elles sont susceptibles. On a pu en juger par les tableaux du travail des séries passionnées. Du reste si le mot civilisation suppose un peuple qui marche, d'où vient que notre siècle s'arrête si gauchement dans la carrière même de la civilisation, sans pouvoir arriver à la 4.° phase ? Cependant ce siècle se trémousse ; il fabrique à foison des constitutions et des systèmes ; c'est l'écureuil qui galope dans sa roue sans bouger de place. Pauvre siècle! il vante l'esprit d'association, que ne cherche-t-il à associer son bel esprit, sa faconde mutile, avec le bon esprit de quelque génie inventif qui lui enseignerait l'issue du labyrinthe civilisé, et le chemin de sciences neuvesoù il trouverait la fortune et la gloire! ARGUMENT DE LA SECTION VII. SYNTHÈSE GÉNÉRALE DU MOUVEMENT. ARGUMENT DE LA TREIZIÈME NOTICE. PREMIER AGE DU MONDE SOCIAL. CH. XLIX. Construction de la 4.e phase civilisée et de son ambigu en garantisme. C'est ici la section des délassemensscientifiques : on y traitera, entr'autres sujets amusans, celui de la chute prochaine du colosse nommé COMMERCE. Quiconque NOUVEAU MONDE n'est pas banquier où marchand, se réjouit à cette idée

comment s'y prendrait-on pour écraser cet hydre qui épouvanté les rois et les oblige à fléchir ? Il est plaisant e penser qu une petite opération qui ne coûtera qu'un décret, peut mettre les gouvernemens en possession du commerce, de la banque et de bénéfices plus énormes que n en savent faire ces deux vampires qui se consument en frais parasites. Cette réforme aurait lieu , lors même qu'on farderait a organiser l'harmonie. L'occupation pourrait s'effectuer de deux manières, une par méthode brusque et coërcitive d'où naîtrait la 4. phase de civilisation ; l'autre par méthode concur- rente et séduisante, d'où naîtraient l'ambigu et la pre- mière phase de garantisme. On va dire qu'il n'y a pas à hésiter sur l'alternative, et que la 2.e méthode est bien préférable

cela n'importe ? on préférera ce qu'on voudra ; mais je suis obligé de décrire toutes les chances d'option, vicieuses ou non, et de commencerpar le moindre progrès, celui de mode violenté, qui ne conduirait qu'en 4.e phase de civilisation

ensuite j indiquerai le mode concurrent, qui est ingénieux, facile et lucratif, et qui conduirait bien plus haut quela civilisation. Toutefois je dois faire connaître échelle des progrès possibles, des périodes et phasesin- termédiaires entre la civilisation et l'harmonie ; c'est le sujet de cette XIII notice. Venez, subtils athlètes des bourses de Paris, Londres et Amsterdam ; ce ne sont pas des éloges mais des huées que vous allez recueillir

Venez, Lilliputiens en pillage,

inanciers, gens d affaires et grapilleurs de minuties, qui vous arrêtez à des millions là où il y a des milliards a griveler. Votre talent se borne à dévorer le présent et avenir DU REVENU ; si vous étiez moins pygmées en bri- gandage, vous auriez su attaquer LE FONDS et non le revenu. Voila, petitesgens, ce que vous n'avez pas su faire: vous êtes dignes de votre siècle, vous êtes médiocres dans e crime, comme il l'est en génie politique; vous n'avez INDUSTRIEL. VII.eS. 507 su qu'escarmoucher en rapine fiscale, sans oser concevoir le plan de bataille décisive, d'enlèvement du fonds. Les empires modernes succombent sous le poids des dettes publiques toujours croissantes, ils marchent tous à la banqueroute dont l'Espagne donne le signal

il ne sera que trop fidèlement compris : il faut donc, lors même qu'on ignorerait le moyen de s'élever à l'harmonie sociétaire, découvrir des ressources nouvelles pour subvenir aux dépenses croissantes de la civilisation. Quelques sophistes disent

il faut monétiser le territoire; mais il faut que le gouvernement le possède, au moins en partie, avant de le monétiser. On va voir que lorsqu'il en possédera seulement un tiers, il n'aura pas besoin de monétiser les 2 autres. Au fait

Je suppose un roi qui serait ennuyé de la stérilité des philosophes, et qui se dirait

Voyons si avec

le secours du sens commun je saurai atteindre aux divers biens d'où nous éloignent les controverses philosophiques, prévenir l'indigence, éteindre les dettes publiques, réprimer la banqueroute et l'agiotage, établir la vérité dans le commerce à la place du mensonge ! Supposons que ce roi, sans être doué de génie inventif, eût seulement une volonté forte comme le tigre Mahmoud , et qu'il se résolût à tenter des essais ; d'abord celui des méthodes coërcitives à défaut de vraie science : on va voir que ce parti désespéré conduirait déjà au but. Selon ce plan ; il opinerait à forcer les réunions économiques, rassembler toute la classe pauvre, toutes les familles sans moyens, dans desfermes fiscales ou on leur procurerait à peu de frais des occupations gaies et tresproductives, aux jardins, aux étables , et à des fabriques variées à choix. On pourrait créer ces fermes en proportion de un dizième de la population rurale; car dans les campagnes, sur mille familles il y en a cent et plus qui n'ont pas de quoi subsister. On fonderait lesdites fermes en nombre de une par 400 familles, afin de pouvoir réunir dans chacune, au moins 40 familles, formant 508NOUVEAU MONDE 200 personnes. C'est le nombre nécessaire pour attein- dre 3 buts ; subsistance bonne et économique, travaux variés et lucratifs, gestion peu coûteuse.. On forceraitla classe indigente à s'incorporer à ces fermes fiscales. Il faut, comme on l'a vu lors jantes larges, forcer le peuple civilisé à faire le bien, après quoi il remercie ceux qui l'ont contraint. D'ailleursles fermes portées à 40 familles seraient des séjours agréables, sauf la variété de travaux et l'option pour les variantes en divers genres, aux jardins, aux étables , à la grande culture, aux fabriques. On rendrait ces fermes lucratives, en s'emparant de la fonction la plus profitable, celle du commerce dont chaque ferme réunirait les divers détails, banque, prêt sur gage, commission, entrepôt, vente , achat

le gouvernement exerce au Mont-de-piété la plus ignoble de ces fonctions, pourquoi hésiterait-il à exercer les autres, qu'on croit plus distinguées? J'ai dit 458 que les 2 germes à développer pour élever a civilisation en 4.e phase, sont les Monts-de-piété et les maîtrises. J ai indiqué l'emploi de l'un des deux, il reste a parler des maîtrises. Il est ridicule et vexatoire de décider qu'il n'y aura que tant de gens exerçant telle profession, tel nombre de cordonniers, tel nombre de courtiers, tel nombre e bouchers, etc. : ce nombre doit varier selon les temps et les chances de travail. La maîtrise ne doit jamais être imitée en nombre, ni exclusive; il faut seulement par une patente croissante, en éliminer tout mérique, le superflu nuet tous ceux qui ne présenteraient pas des ressources pour coopérer à la solidarité qui doit être le but u gouvernement. Elle doit s'appliquer aux classes pas- sibles de banqueroute , aux marchands et fabriquans : si telle patente est de 100 f. en 1829, il faut l'élever progressivement a 200 f. en 1830, 300 en 1831 , 400 en 1832, etc. et ainsi du cautionnement Mais ce sera expulser tous les plus pauvres que celle INDUSTRIEL. VII.e S. 509 patente écraserait ! tel en est le Lut

qu'ils retournent à la culture où il y aura place dans les fermes fiscales dont ils deviendront actionnaires, et peut-être employés. S'ils n'ont point de capitaux, ils doivent quitter le commerce où ils tomberaient en banqueroute au moindre choc , à la moindrestagnation.S'ils ont des capitaux, ils continueront leur trafic, parce que la patente croissante en élaguant le grand nombre, augmentera les ventes du petit nombre à qui cette amorce sera nécessaire pour l'amener à souscrire aux solidarités. Tant que le corps social confie à des marchands son revenu annuel, son capital même, il doit exiger d'eux une garantie solidaire. Les Parisiens voulurent appliquer cette règle aux agens de change lors de la banqueroute SANDRIÉ où ils furent étrillés ; mais le commerce est trop puissant pour se soumettre à des lois répressives; c'est un valet qui tient le maître enchaîné. Qu'on demande à présent les détails d'organisation de ces établissemens de maîtrise solidaire et fermes fiscales, le mode d'admission et participation des actionnaires coïntéressés avec le fisc, et toutes les minuties relatives à cette régie; je ne peux pas dans une section d'argument, descendre à ces particularités; je me borne à poser les bases de l'opération. Elle roule comme on le voit sur deux germes qui ne sont pas d'imaginative

ce ne

sont pas des ressorts de faiseurs de système, car il y a bien long-temps que nous les voyons en usage sans en- trevoir les développemens dont ils sont susceptibles. Observons à ce sujet que les gouvernemens étant sous la griffe du commerce, ils devraient tenter quelque moyen de résistance; le plus naturel est de s'en emparer par concurrence. Archimède disait qu'on me donne un point d'appui et je soulèverai l'univers

Il en est de même dans cette affaire; ayez un point d'appui et vous opérerez contre le commerce qui ne pourra pas tenir un instant, parce qu'il n a ni unité d'action, ni concours de l'opinion qui 510 NOUVEAU MONDE déteste ses fourberies. Le point, d'appui pour le gouvernement se composera des fermes fiscales ou fermes d'asile dans les campagnes, et des maîtrises réduites dans les villes où on les subordonnera par la solidarité et les cautionnemens croissans. J'indiquerai plus loin le mode d'envahissement du commerce : observons ici qu'il y va de l'honneur des gouvernemens; ils sont sous la férule, sous le couteau des agioteurs; une manoeuvre d'agiotage, une famine factice renversa Bonaparte, en faisant avorter la campagne de Russie, par un délai qui donna des soupçons aux Turcs, et les détermina à signer la paix. Les agioteurs auraient contrecarré de même tout autre souverain. D'autre part les monarques pressés par les dettes et parl'imminence de banqueroute,doivent aviser à grossir leur revenu. On ne peut prendre que sur le commerce qui accumule tant de millions, tout en plaignant sa misère. La partie lucrative du commerceest l'usure

on remarquait en 1800, que les Juifs, dans les 4 départemens

Cis-Rhénans, ( Mayence, Trèves, Cologne, Coblence,) avaient envahi en dix ans, par l'usure, un quart des propriétés. Il faut que le gouvernement s'empare de cette branche et des autres , par entremise des fermes fiscales. Il acquerra bientôt un tiers des propriétés, tout en ménageant les emprunteurs. Il aura donc en France, un domaine de deux milliards de rente, dont un pour les actionnaires et agens, et un pour lui, indépendamment des impôts courants; il aura de plus une influence par 80,000 fonctionnaires à sa nomination dans les fermes fiscales; il perdra à la vérité quelques produits en patentes et autres genres; mais cette réduction sera plus que compensée par l'accroissement de l'agriculture, et par le retour de 500,000 agens mercantiles au travail productif (Je ne parle ici que de la France.) Voilà des opérations grandioses, à substituer aux pauvretés qu'on nomme plans definance, dont on peut dire beatipauperes spiritu, puisque les pauvres d'esprit, les gens dénués d'esprit in¬ INDUSTRIEL. VII.e S. 511 ventif, gagnent des renommées et des sinécures à ces pitoyables conceptions nommées plans de finance, livrant l'état aux usuriers, au lieu de livrer l'usure à l'état. CH. L. Construction partielle de 6.e période, Garantisme. Obligé de franchir les détails, je transporterai le lecteur à l'époque où lesfermesfiscales, fermes d'asile, auraient pris consistance , et commenceraient à opérer grandement sous la direction du ministre de l'intermédiaire; à l'époque où elles approcheraient de leur but. qui est de rendre le peuple heureux, fier d'être admis à la ferme, aussi fier de cette nouvelle condition, qu'il est confus aujourd'hui de son sort philosophique, de sa chaumière sans pain , de ses légions d'enfans à qui il est obligé de donner le fouet quand ils demandent du pain. Qu'en coûterait-il à la ferme d'asile pour opérer cette métamorphose? presque rien

quelques améliorationsfaciles, comme les salles d'éducation des petits enfans, sect. III, les tentes, ou dais mobiles fournis aux groupes de jardiniers, les avances en uniformes de travail bien rem- boursées sur le produit. Ces bagatelles, jointes à l'avantage de nourriture saine et copieuse, et de vie insouciante, suffiraient pour amener toute la classe gênée à détester ses petits ménages moraux, demander l'admission à la ferme, en lui vendant leurs lambeaux de champs. Dès leur début, ces fermes extirperaient l'indigence dans les campagnes; aucun mendiant n'obtiendrait d'aumônes ; chacun lui répondrait « allez à la ferme d'asile » où tout indigent trouve bonne nourriture et travail » varié à option. » Quant aux infirmes, la ferme s'en chargerait moyennant quelques centimes additionnels fournis par le canton d'environ 2 à 3000 habitans. Il ne resterait aucun risque de disette

la ferme aurait des approvisionnemens en silos, en greniers: aucun gouvernement ne redouterait les famines, la restauration des climatures et des forêts serait assurée, en ce que la 512 NOUVEAU MONDE consommation de boisserait très-diminuée et le vol de bois en même proportion ; quelques poèles remplaceraient les feux de 50 et de 100 pauvres familles prodigues du bois qu'elles volent dans les communaux. Le vol étant l'occupation des paysans pauvres, des petits ménages si chers à la morale. On aurait dans tout canton une grande affluence de volailles et bestiaux, de bons légumes et bons fruits, par le jardin de la ferme d'asile

pour l'agrément de ses ouvriers, elle s'adonnerait au soin des jardins et étables,

de préférence aux travaux de grande culture. Enfin on verrait naître en petit la plupart des biens que j'ai décrits dans l'abrégé de l'association. Le plus remarquable des avantages serait la chute du commerce. Toutes les fermes d'asile se concerteraient, par entremise du ministre et des préfets, pour se passer des négociants, faire leurs achats, et ventes directement les unes chez les autres: elles auraient abondance de denrées en vente, car elles tiendraient entrepôt pour les petits cultivateurs ou propriétaires, qui n'ayant ni bons greniers ni bonnes caves, ni valets nombreux, déposeraient volontiers à la ferme, sauf modique rétribution pour les frais de manutention et vente. D'ailleurs le propriétaire en versant à l'entrepôt, recevrait des avances à un prix modique, et serait dispensé par là des ventes prématurées qui avilissent les denrées. Dès lors tous les amis du commerce, les légions de marchands se trouveraient dénués, comme des files d'araignées qui périssent dans leur toile, faute de moucherons, quand une fermeture exacte en interdit l'entrée. Cette chute de marchandsserait effet de libre concurrence, car on ne les empêcheraitpas de trafiquer; mais personne n'aurait confiance en eux, parce que les fermes d'asile et leurs agences provinciales dontje ne peux pas décrire ici l'organisation, présenteraient des garanties suffisantes de vérité. Les vertueux amans du commerce n'auraient d'autre ressource que de sonner la retraite, en déplorant INDUSTRIEL. 513 le bon temps du mensonge, les beaux jours de l'anarchie philosophique ou liberté mercantile sans concurrence ; (car la licence mercantile n'a aucune concurrence, il n'existe de lutte qu'en fourberie. Ce sont toujours les plus fourbes qui réussissent le mieux. ) La retraite des marchands amènerait la formation de l'entrepôt trinaire ou triple agence opérant sous la direction du ministre. La concurrence est pleinement établie à 3 compétiteurs

chacun des 3 entrepôts aurait ses agences dans les diverses villes et dans les grands marchés, d'où elles correspondraient avec les fermes fiscales, dont chacune serait libre de consignersoit à tel des 3 entrepôts, soit à chacun des 3 selon son choix. Les capitaux disponibles se trouveraient tous entre les mains des fermes fiscales, car on n'en aurait plus le placement chez les accapareurs, banquiers et marchands qui n'existeraient plus. Les capitalistes n'auraient d'emploi qu'en terres, fabriques, entreprises judicieuses. Les 3 entrepôts n'auraient besoin d'autre capital que de la petite somme nécessaire aux frais de manutention. Toutesles fabriques, ou du moinsla très-majeure par- tie, abandonneraient les villes pour se disséminer dans les fermes fiscales où l'ouvrierpouvant varier ses travaux, alterner entre les jardins, les étables, les fabriques, etc. , jouirait d'une existence aussi douce qu'elle est pénible dans les greniers des villes, où il fait du matin au soir pendant 365 jours, le même ouvrage, au grand préjudice de sa santé. Je ne parle pas de sa nourriture et du bien être du peuple dans les fermes d'asile

on a vu dans le cours de

cet abrégé, combien les grands établissemenssont favorables a la bonne tenue du peuple, pourvu qu'on ne les organise pas à la manière philosophique, sous la direction de prétendus économes dont personne ne peut inspecter les comptesni les tours de bâton.La comptabilité des fermes fiscales serait visible à tout porteur d'un cer- tain nombre d'actions, à tout représentant des porteurs 33. 514 NOUVEAU MONDE Redisons que la classe pauvre se hâterait de se défaire de ses lambeaux de terres, pour acheter des coupons d'actionsà la ferme, s'y enrôler,y menerune vie joyeuse, et abandonner son ménage moral et sans pain. Il ne resterait d'exploitations séparées que celles des propriétaires ou fermiers aisés, qui paieraient cher les domestiques mieux disposés pour la ferme que pour eux. Elle joindrait à ces parcelles de terrain, beaucoup de domaines acquis des emprunteurs obérés. Elle posséderait bien vite le tiers du territoire et des établissernens industriels, dontle produit estimé six milliards en France, donnerait un revenu de 2 milliards, élevé à 3

un au fisc, et deux

aux actionnaires et coopérateurs. Observons que la ferme serait lucrative en raison du charme qu'elle procurerait aux classes inférieures. A l'instar des phalanges d'harmonie , on donnerait au peuple une jéte reelle aux jours de festivité, repas plus délicats, danses, jeux, etc. : au lieu des tortures et pénitences auxquelles on l'assujétit dans nos dépôts de men- dicité

un pauvre y

coûte 25 sous par jour à l'Etat, ( Voyez les comptes détaillés sur le dépôt de mendicité de Clermont en Auvergne, établi sous le règne de Bonaparte; ) il en rendrait au contraire 25 dans les fermes d'asile

on le stimulerait par les chances d'avancement

en grade, esprit de propriété inhérent aux coupons d'action, insouciance de l'éducation dont se chargerait la ferme ; elle se rapprocherait du régime sériaire et de l'attraction industrielle, dès que les enfans seraient assez nombreux pour former les tribus et les choeurs, au moins trois tribus au lieu de cinq. Je n'aborderai pas ici les détails relatifs à la garantie de vérité qui régnerait dans les fermes d'asile, et d'où résulterait l'envahissement du commerce en gros et en détail. Ce tyran des rois et des peuples n'est qu'un colosse aux pieds d argile, qui tombera sans coup-férir quand on saura l'attaquer par voie indirecte. Si l'on heurte le serpent de front, l'on sera atteint de sa morsure ; il faut le INDUSTRIEL. VII.e S. 515 saisir par la queue, lui ôter son point d'appui

c'est ce qu'ont ignoré le ministère autrichien, 475, et tous ceux qui comme lui ont essayé la répression des menées mercantiles; tous ont commis double faute, laisser au commerce son point d'appui, et n'en donner aucun au gouvernement. Quand un siècle opère si gauchement, faut-il s'étonner qu'il en vienne à dire avec Bonaparte, on ne connaît rien au commerce ! dites plutôt que vous ne connaissez rien à la politique sociale. Au moins devait-on apercevoir dans ce colosse nommé commerce qui menace de tout envahir, les propriétés odieuses de fourberie et d'obscurantisme ! Si nos moralistes cherchaient sincèrement la vérité, ils auraient bien vu qu'elle n'est pas dans le commerce, vraie patrie de l'obscurantisme ; car tout jeune homme qui laisse entrevoir du goût pour les sciences et les arts, est réprouvé dans les comptoirs des négocians et n'y obtiendra pas d'avancement. Le bon sens ne conseillait-il pas de suspecter ce vampire d'obscurantismeet de fourberie, qui peu à peu s'empare de toutes les richesses

n'était-il pas évident qu'à défaut de connaître un procédé pour rivaliser le commerce, on aurait déjà essuyé moins de lésions sous un monopole général et préservatif? Comment l'administration et la philosophie qui ont reconnu les dangers de la fourberie dans diverses professions, telles que médecine et pharmacie, jugent-elles bon de la favoriser dans le commerce, et d'y encourager une pullulation d'agens élevée au vingtuple du nécessaire? D'où vient tant d' impéritie chez les modernes, sinon de leur obstination à se confier aux sciences politiques et morales dont la tactique est d'encenser tous les vices dominans, pour se dispenser d'en chercher le remède ? On a vu, dans ces 2 chap., la marche que suivrait l'industrie dans le cas de progrès réel et antérieur à la découverte des Séries passionnées: j'aurais pu distinguer dans cette marche bien desdegrés dont le plus bas forme la 4.e phase de civilisation, et le plus élevé est la 2.e 33. 516 NOUVEAU MONDE phase de garantisme, 6.e période sociale et initiative de bonheur dont nous allons parler. Tirons de ce chapitre une conclusion sur le savoirfaire de nos écrivains politiques : ils veulent, disent-ils, pondérer les pouvoirs, équilibrer le mécanisme social, et ils confient la direction du mouvement industriel à une caste mercantile qui, par le libre exercice de la fourberie, envahit toutes les richesses , maîtrise tous les ressorts de la circulation, et paralyse les gouvernemensmêmes. Nos économistes n'opposent à ces cosaques industriels, aucun contrepoids,aucune corporation opérant par la vérité. Dès lors le mensonge doit triompher sans obstacle; aussi l'arbre de fausseté grandit-il à vue d'oeil

la banque, l'agiotage et le commerce accumulent de plus en plus les trésors, tandis que la pauvre agriculture végète sans moyens de fortune. Voila loeuvre de ces philosophes modernes dont les écrits ne retentissent que de balance, contrepoids, garantie, équilibré, et amour de l'auguste vérité. N'est-ce pas le cas de dire, avec Beaumarchais, que les gens d'esprit sont bêtes : ou bien que les badaudssont bêtes de se confier aux beaux esprits, et que les gouvernemens sont aveugles de ne pas voir qu'ils manquent d'un point d'appui pour résister au commerce\ CH. CH. Construction intégrale de la 6.e période. J'envisage ici l'ensemble du régime des garanties: le sens commun nous en indique d'abord deux, savoir

celle de travail, subsistance et bien-être pour la classe pauvre, et celle de vérité en relations sociales pour les classes moyenne et riche. La philosophie ne veut entendre à aucune de ces ga- ranties , elle consacre la pleine licence des marchands, qui font régner la fourberie universelle en relations d'a- chats et ventes, puis elle organise une législation qui expose tout propriétaire sans défense où sans astuce, à être spolié par les gens d'affaires , gens de justice , etc. INDUSTRIEL. 517 Voilà pour la classe aisée ; quant aux pauvres, la philosophie leur donne pour toute ressource, les dépôts de mendicité ; séjours de supplice, et les bagnes industriels nommés grandesfabriques; deux sortes de prisons où le pauvre fait son enfer dès ce monde. J'ai démontré qu'il n'eut pas été difficile d'imaginer les deux méthodes qui créeront une garantie de sûreté et vérité pour le riche, en affaires d'intérêt, une de bienêtre pour le pauvre qui n'a en civilisation d'autre garantie que celle d'être fusillé, décimé, s'il vient en masse demander du travail et du pain qu'on refuse aux individus; ou s'il ose demander un adoucissement aux corvées et tortures qu'on lui inflige pour prix d'une chétive subsistance ; puis d'être décoré du beau nom d'homme libre, lorsqu'on l'envoie, la chaîne au cou, mourir pour une charte octroyée. Telles sont les garanties que la philosophie a su imaginer pour le peuple dont elle se dit l'amie : quel génie en amitié ! Les garanties, encadre général, doivent s'appliquer aux douze passions, assurer du plus au moins le libre exercice de chacune. Il suffit que la garantie s'étende aux neuf dites sensuelles et affectueuses; elle s'étendra par suite aux 3 autres nommées mécanisantes. En relations industrielleson avait dans le système monétaire, un beau fanal de garantie qu'il eût fallu étendre au commerce entier. Tel serait l'effet de l'entrepôt trinaire concurrent. Ce serait une régie à double contrepoids formé par la liberté de ventes particulières, et parl' entremise d'actionnairessurveillans. Les fermes fiscales ou fermes d'asile rentrent dans ce mécanisme. Les garanties doivent s'étendre aux plaisirs des sens comme aux autres passions; or la philosophie, sous prétexte de liberté individuelle, frustre de bien-êtresensuel tout le corps social. Examinons les lésions des sens. I.° LE TACT : une de ses branches les plus précieuses est le contact de l'air ; un air insalubre donne la mort, et pourtant les philosophes consacrent la liberté, de con¬ 518 NOUVEAU MONDE structions insalubres qui, dans certains quartiers de Paris, font périr les sept huitièmes des petits enfans dès leur première année. Un système de garanties en tact défendrait ces constructions meurtrières, il mettrait en vigueur un code architectural pourvoyant à la salubrité et à l'embellissement, et astreignant à ces deux fins l'intérieur comme l'extérieur des édifices, Voyez I. 565, un aperçu de ce code auquel on n'a jamais songé. 2.° LA VUE : elle est de toute part blessée par cette licence de constructions. L'on voit quantité de vandales travailler à plaisir pour l'enlaidissement, construire tel mur qui ne leur donne d'autre profit que de masquer une demi douzaine de voisins

c'est le bonheursuprême pour les petits esprits; ils aiment à enlaidir le quartier, les alentours, et molester les voisins pour jouir du beau nom d'homme libre. La philosophie applaudit à ce van- dalisme qu'elle nomme liberté, et qui n'est que désordre comme toutes les libertésindividuelles sans contrepoids, sans subordination aux douze garanties. On croit faire preuve de sagesse en méprisant les garanties de l'agréable, comme celle des constructions harmoniques I, 565 ; l esprit humain a commis dans cette affaire un fâcheux mécompte, car en négligeant les constructions harmoniques, branche de garantie visuelle, il a manqué l'invention des approximations sociétaires où l'aurait con- duit ce genre de constructions. 3.° LOUIE: la nation française remplie de prétentions,a l'oreille faussée comme l'esprit

une seule ville fait ex- ception 

le peuple ou du moins partie du peuple de Toulouse, a l' oreille juste et va sur le théâtre chanter dans les choeurs. Ce qui a été possible à Toulouse ne l'était —il pas danstoute la France ? pourquoi donc laisse-t-on passer des siècles sans songer à régénérer les oreilles? La morale répond que cela est inutile, qu'un vrai républicain ne doit, s'occuper qu'a planter des, raves : c'est avec ce sot principe qu'elle a faussé le jugement des nations civilisées. Dans l'ordre garantiste, il faut que l'utile et l'agréa¬ INDUSTRIEL. VII.e S. 519 ble marchent de front. Si on manque les garanties de l'agréable, on manque par contre-coup celles de l'utile, et de la vient que les civilisés sont privés des unes et des autres. Ils ont si peu d'idées justes sur ce point, qu'ils autorisent dans Paris, sous prétexte de liberté, 3 à 4000 empoisonneurs publics nommés marchands devin, vrais marchands de poisons déguisés qui minent la santé du peuple; c'est absence de garantie sur le sens du goût. Tout absorbés dans les visions de charte et de système représentatif, les modernes sont frappés de cataracte sur tout ce qui touche aux vraies libertés, aux garanties solidaires. Je n'ai examiné ici que les matérielles, parce qu'on les croit indignes d'attention ; si je passais aux spirituelles, à celles d'ambition, d'amour, d'amitié, de paternité, je pourrais analyser dans notre politique plus d'aveuglement encore qu'elle n'en a sur le matériel: son travers en toutes branches de garantie est de vouloir opérer sur l'utile sans y joindre l'agréable , croire qu'on peut scinder le système de la nature, en admettre telles branches et repousser telles autres; établir des garanties pour les droits des farouchesrépublicains, sans en établir pour les classes moins farouches. Si je donnais une théorie détaillée du mécanisme des garanties sociales, on y verrait toutesles passionsmarcher de front, et l'agréable toujours allié à l'utile 1. Comment des hommes qui ne veulent pas reconnaître ces régles primordiales du mouvement, osent-ils nous dire qu ils étudient la nature, qu'ils sont amis de la nature ? voyez la belle nature sociale qu'ils ont établie sur ce globe! Quatre sociétés, civilisée, barbare , patriarcale et sauvage, qu'on croirait l'ouvrage des esprits infernaux ? Si on 1 Ici devrait se trouver un chapitre sur la construction de la 7.epériode, SOCIANTISME ou ASSOCIATION simple.J'ai cru devoir le détacher et le placer 451,sous le nom de FONDATIONS APPROXIMATIVES , parce qu'il tient à la théorie directe, plus qu à la CONTRE-PREUVE formée des sections VI et VII. 520 NOUVEAU MONDE connut aux démonsnotre globe à gouverner, pourraientils y organiser un ordreplus odieux que ces 4 sociétés, ré- ceptacles de toutes les infamies ? CH. LII. Construction des périodes infra-civilisées. L' ANALYSE de ces périodes nommées BARBARIE, PATRIARCAT, SAUVAGERIE, et PRIMITIVE, est un des nombreux sujets dont la science n'a jamais daigné s'occuper

elle est très-active à chercher de vieilles pierres et vieilles inscriptions remontant au déluge, ardente à tout travail inutile, sans vouloir toucher aux branches Utiles de l'Archéologie, aux recherches sur le mécanisme de la société primitive. Il en reste par tout le globe des traditions confuses, sous le nom de paradis terrestre ou Eden, qui était un mécanisme de Séries passionnéesin- formes, ébauchées

elle ne purent pas se soutenir au de- là ce 300 ans. Il serait assez curieux d'apprendrepar quels

moyens l instinct, aidé de quelques circonstances, put enseigner aux premiers hommes ce beau mécanisme dont nos sciences, avec toutes leurs subtilités , ne peuvent retrouver aucune trace. Les tableaux de cette société pri- mitive et antérieure au petit déluge , (LIV. ) pourraient fournir quelques chapitres fort intéressans. Il existait alors abondance de fruits, de gibier et de Poissons, de troupeaux d'une grande beauté, et de plus linerte d amours et rareté de population : il fallut une combinaison de ces moyens, dans des climats fort tem- pérés et exempts de bêtes féroces, pour que l'instinct pût s élever au mécanisme des séries passionnées, qui dut echoir au bout de deux siècles, par l'accroissement de population, et l'approche des bêtes féroces qui avaient été créées sous l'equateur, loin des peuplades blanches de la zone tempérée bien plus fertile alors qu'elle ne l'est aujourd'hui. On « commis l'erreur de croire que la nature primitive était l ordre sauvage, il n'en est rien

les végétaux et et animaux qui entouraient les premiers hommes étaient INDUSTRIEL. VI.e S. 521 d'espèce plus parfaite que ne sont aujourd'hui ceux de nos plus riches métairies. L'aurochs et le moufflon sont des dégénérations, et non pas des espèces primitives: il en est de même de l'homme sauvage ; il est fort au dessous de l'homme primitif dont la taille commune était de 73 1/2 pouces de Paris ; elle remontera au delà de ce degré, et quoique tombée aujourd'hui à 63 pouces, elle s'élèvera en harmonie, d'un septième en sus de la stature primitive ; elle haussera de 73 1/2 à 84 pouces ou sept pieds de Paris. Ce sera, au bout de douze générations, la taille moyenne des hommes d'harmonie. Quant à la race actuelle,sa taille est au dessous de l'extrême dégénération; l'on en peut juger par un parallèle avec quelques races mieux conservées, comme les Albanais et Monténégrins qui, en voyant la troupe française , ne pouvaient pas concevoir que des hommes si petits eussent fait de si grandes conquêtes. Il faudrait, non pas un chapitre, mais une notice de 4 chap : pour faire connaître en abrégé les 4 sociétés antérieures à la nôtre : qu'on en juge par un aperçu de la barbarie, très-digne d'analyse par sa contiguité en échelle avec nous. En régime barbare, le caractère de pivot général, celui qui forme contraste avec la civilisation , c'est le simplisme d'action ; l'action est toujours composée en mouvement civilisé. On peut établir le parallèle sur un petit nombre de caractères barbares, huit seulement: 1. Immobilisme 2. Fatalisme. 3. Prompte justice. 4. Monopole simple. X Action simple. 5. Dignité réelle de l'homme. 6. Essor franc des passions. 7. Théocratie amalgamée. 8. Foi à l'immortalité. K Direction par instinct. Cette petite échelle est bien insuffisante puisqu'elle nes distinguepas même les caractères de phases, les successif ch. XLI, et qu'elle ne donne qu'un petit nombre de permanens ch. XLII. Pour disserter régulièrement sur 522 NOUVEAU MONDE ces dix caractères barbares, il me faudrait plus de pages que je n'en vais donner à tout le restant de l'ouvrage. Cette lacune fera sentirla nécessité d'une secondeédition plus étendue. Le parallèle des deux périodes civilisée et barbare serait très-curieux ; par exemple sur le caractère pivotai, X sur l'action simple : Un pacha demande l'impôt parce qu'il lui plaît de piller et dimer

il ne va pas chercher dans les chartes de la Grèce et de Rome des théories de droits et de devoirs ; il se borne à vous avertir que si vous ne payez pas on vous coupera la tête pour vous ap- prendre à vivre. Ce pacha emploie donc un seul ressort, la violence . l'action simple. Un monarquecivilisé emploie double ressort, d'abord les sbires et garnisaires qui sont les vrais appuis de la constitution ; l'on y ajoute un attirail philosophique de subtilités morales, sur le bonheur de payer l'impôt pour l équilibre du commerce et de la charte, pour la jouissante de nos droits imprescriptibles des financiers vertueux surveilleront l'emploi de cet impôt; le prince qui l'exige est un tendre père qui ne veut qu'enrichir ses su- jets , il ne perçoit l'impôt que pour obéir aux immortels représentansqui l'ont consenti, c est donc le peuple même qui a voté le paiement et qui désire payer. Là dessus le paysan dit qu'il n'avait pas envoyé des députés pour faire augmenterles impôts; on lui répondqu'il doit étudier les beautés de la charte où il apprendraque la dignité des hommes libres consiste à bien payer, ou aller en prison. Dans cette méthode l'action est double, elle repose sur deux ressorts hétérogènes, la violence et la morale. Chez les barbares l'action est simple, reposant sur la seule violence. On retrouve cette différence fondamentale dans tout parallèle du régime civilisé avec le barbare ; tous deux vont au même but, mais la civilisation ajoute l astuce a la violence qui suffit aux barbares

quoique fardée de justice elle n'est pas plus juste qu'eux. Ce serait une thèse très-curieuse, si je l'appliquaisseu¬ INDUSTRIEL. VII.e S. 523 lement aux dix caractères que je viens d'énumérer; mais il faut abréger, supprimer l'examen de ces 3 périodes, barbare, patriarcale et sauvage, dont l'analyse mettrait en évidence les turpitudes, les hypocrisies de la civilisation, sa profonde perversité qui, pour être mieux masquée que dans ces 3 périodes, n'en est pas moins réelle. Du reste comment se fait-il que nos observateurs de l'homme n'aient jamais donné la moindre analyse de ces trois sociétés, qui comprennent une ample majorité de l'espèce humaine, au moins les trois quarts? il est clair que nos philosophes ont voulu esquiver l'analyse de l'homme, tableau qui eût été un fâcheux affront pour leurs sciences politiques et morales, en prouvant que la civilisation perfectible ne sait que cumuler sous de beaux masques, toutes les infamies réunies dans les trois autres sociétés. INTERMÈDE.Issues du chaos social. S'il a été préjudiciable pour nous de ne pas savoir disséquer et analyser les 4 périodes où nous sommes engagés, il est bien plus funeste encore de n'avoir su ni en trouver ni en chercher les issues qui sont au nombre de 32. 4 Voies de transition. I. Les utopies sociétaires ou tatonnemens: 2. la thèse de monde à rebours : 3. le code d'architecture combinée

4. l'analyse de la civilisation, conformément à la VI section. 6 Voies de genie directes. 5. Les recherches en garantie intégrale: 6. les calculs sur l'association agricole : 7 . la concurrence commerciale véridique : 8. la théorie d'affranchissement gradué des femmes

g. le calcul des propriétés de Dieu: 10. l'étude des passions récurrentes, 477.

6 Voies de genie indirectes. II. le calcul de restauration climatérique intégrale : I, 53: 12. le problème de civilisation universelle

13. l'étude de l'analogie: 14. le doute méthodique

15. le calcul d'assurance universelle : 16. l'application du régime des monnaies. 524 524 NOUVEAU MONDE 6 Voies d'originalité. 17. l'esprit de contradiction, ou génie en cassecou : 18. l'archéologie prédiluvielle

19. l analyse critique du commerce : 20. le calcul des cour- tes séances en industrie: 21. le problème du libre arbitre pour Dieu et l'homme
22. l'écart absolu.

6 Voies de contrainte. 23. la perquisition forcée: 24. le monopole préservatif ou de pis-aller

25. l'usure in- tégrale

26. la conquête simple intégrale

27. la conquête

composée : 28. le monopolecomposé unitaire : 4. Voies de pivot. 29. la synthèse de l'attraction pas- sionnée: 30. l'exploration intégrale du domaine des sciences : 31. la foi intégrale, en Dieu

32. l'algèbre so- ciétaire ou calcul de la vérité supposée. Pour l'explication de ces 32 issues, 32 pages ne suffiraient pas. Quelle est l'impéritie de ce mondesavantqui, sur 32 voies de salut, n'en sait pas trouver une seule; et quelle est l'étourderie du monde badaud, qui ne sait exiger des savans aucune garantie de service effectif ? On ne raisonne que de garanties , et l'on ne peut en établir aucune : elles sont nombreuses en paroles et nulles en réalité, nulles sur l'objet primordial, sur les subsistances dont la disette se fait périodiquement sentir; ( 1808, 1812, 1817; ) nulles sur le travail qu'on ne peut pas assurer au peuple ; (crise de 1826 ;) nulles sur le progrès social, car nous ne savons pas même élever la civilisation en 4. phase

nulles sur les libertés politiques tou- jours sacrifiées aux

intrigues; nulles sur l'emploi des deniers publics, dévorés plus audacieusement que jamais par les sangsues; nulles sur le progrès des lumières, nos sciences étudant leur tâche au moyen de contes sur les voiles d'airain ; nulles sur la vérité dont on s'éloigne de plus en plus, par la licence accordée aux astuces com- merciales, aux falsifications de toute espèce ; nulles pour es saavns qui sont la classe la plus mal rétribuée, la plus asservie, la plus bâillonnée de toutes les classes à éducation, enfin nulles pour les inventeurs, sur qui les so- phistes se vengent de leur stérilité. INDUSTRIEL. VIL S. 525 On remplirait des pages du tableau des garanties dont manque la civilisation

et dont ons'éloigné de plus en

plus: par exemple, sur le service des armées ; les munitionnaires qui autrefois pillaient par cent mille écus, pillent aujourd'hui par cent millions; et ceux de Russie, les Puschkin, les Abacoumoff, viennent de rivaliser les exploits de ceux de France ; ils ont fait mourir de faim et de misère la pauvre armée russe , ils en ont plus tué que n'en ont tué les Turcs. Ainsi le mal seul fait des progrès; on en voit la preuve dans les subsistances du peuple, qui deviennent de plus en plus mauvaises et dénaturées, grâces à la libre concurrence des amis du commerce. Il n'y a maintenant de bien-être que pour la classe cousue d'or; 500

quant au pauvre il ne lui

reste qu'une garantie, c'est d'être pendu pour la moindre peccadille, comme le misérable Elissando de Pau condamné à mort , pour avoir volé UN CHOU, 497, nu même instant et dans le même lieu ou un fournisseur vo- lait IMPUNÉMENT 76 millions à l'Etat. Voilà à quoi se bornent les garanties que la philosophie a su imaginer pour le bonheur du peuple, et pour le sage emploi des contributions qu'on lui arrache; voilà le fruit de nos belles théories d'économie politique,sur la responsabilité et autres chimères de balance, contrepoids, garantie, équilibre; ces théories éloquentes n'assurent au peuple qu un patrimoine de haillons, de bagnes industriels de galères et de gibets. L'économie politique et le libéralisme ne sont libéraux que de haillons, c'est tout ce que le peuple recueille de leur intervention. Si vous en doutez interrogez les 230,000 pauvres de Londres, les cinq millions de pauvres d'Irlande où il n'y a que 1/2 million d'habitans. Que de billevesées académiques, quelle stérilité chez le génie moderne, quand il existe 32 voies et plus, pour nous ouvrir une issue du labyrinthe. C'est donc à bon droit que madame de Stael a dit de nos torrens de lumières : « Les sciences incertaines ont détruit beaucoup 526 NOUVEAU MONDE » d'illusions sans établir aucune vérité ; on est retombé » dans l'incertitude par le raisonnement, dans l'enfance » par la vieillesse. » En effet la pauvre civilisation est bien vieille, bien radoteuse en perfectibilité ; et le génie social, pour se donner carrière, a bon besoin d'un théâtre moins étroit que les antiquailles philosophiques. ARGUMENT DE LA 14.e NOTICE. PARTIE TRANSCENDANTEDU MOUVEMENT. CH. LIII. Métaphysique générale : détermination du plan de Dieu sur l'ensemble des destinées. IL est heureux pour les partisans du voile d'airain que je sois obligé, faute d espace, de laisser en suspens cette section ou j aurais prouvé que le voile n'est que de gaze. Comment ont-ils envisagé la nature ? ils n'ont étudié en mouvement que les EFFETS, sans tenir compte des CAUSES. Sur toute question relative aux causes, ils restent muets. (Voyez I, XXXII.) qu'on demande pourquoi Dieu a donné a Saturne sept satellites et quatre à Jupiter bien plus gros; ils se retrancheront derrière le prétendu voile d airain

cependant quest-ce qu'une théorie du mouvement

, sans la connaissance des causes ? Pour les pénétrer il faut déterminer le plan, les ressorts, le mécanisme et le but du mouvement.Sur quelles bases Dieu a-t-il assis son plan, quelles règles a-t-il suivies, quel but s'est-il proposé ? ils ont par hasard entrevu le but qui est l'unité d'action ; qu'ils nous expliquent donc pourquoi l homme est hors de cette unité, et si évidemment discordant avec le système de l'univers, que tous les savans l'entrevoient, p. 34. Aussi lord Byron a-t-il fort bien dit

« Notre vie est une fausse nature, elle n'est

» pas dans l'harmonie universelle. » Le plan de Dieu a été de mettre le mouvement en ac- cord avec son auteur. Il faut pour cette unité que le mou¬ INDUSTRIEL. VII.e S. 527 vement représente Dieu, qu'il soit en analogie avec Dieu, avec les douze passions primordiales dont se compose l'essence divine ; et quand les livres saints nous disent

Pieu fit l'homme à son image et ressemblance, ils nous enseignent le plan de Dieu sans l'expliquer en détail. L'univers étant fait à l'image de Dieu et l'homme étant miroir de l'univers, il en résulte que l'homme, l'univers et Dieu sont identiques, et que le type de cette trinité est Pieu : si le Créateur ne s'était pas peint lui-même dans le système de l'univers, quoi donc aurait-il pu y peindre? Les philosophes entrevoient ces analogies, mais ils évitent d'en expliquer aucune parcelle. Si on leur demande en quel sens une rave ou un chou représente l'homme , l'univers et Dieu, ils répondent que ces trivialités sont au-dessous de la philosophie. Si on leur adresse des questions d'analogie transcendante, sur la distribution des astres, ils répondent

cela est hors de la sphère de esprit humain ; habiles escobars, bien pourvus de voiles d'airain, pour éluder tout problème qui les embarrasse. Les ressorts du mouvement ont été expliqués dans la I.re notice, ils sont les mêmes en matériel ou en social : la matière tend comme les passions à 3 foyers, au luxe ou soleil, aux groupes, au mécanisme. Le mécanisme de l'univers et de toutes ses parties est dualisé,sujet à des âges d'harmonie et de subversion : nous voyons ce double effet dans les planètes et comètes. Les comètes qui sont aujourd'hui en mécanisme subversif et incohérent, passerontun jour à l'état d'harmonie comme les planètes. Il en est de même des sociétés humaines qui aujourd'huisont dans l'âge de subversion, fausseté et discorde, âge d'extrême jeunesse ; elle passeront bientôt à l'age d'harmonie et d'unité. L' harmonie et la subversion sont sujettes à des degrés, le simple, le mixte , le composé et autres degrés secon- daires

Dans les planètes d'ordre simple qu'on nomme satellites, les habitans peuvent se contenter d'un bonheur simple et modéré ; mais dans les planètes lunigères, 528 NOUVEAU MONDE comme Saturne, Herschel, Jupiter et la Terre, l'humanité est faite pour le bonheur ou le malheur composé , double jouissance ou double disgrâce. Le but du mouvement est de donner au bien, aux âges d'harmonie, une durée septuple au moins de celle du mal qui a sou rang assigné dans l'ordre général. On ne peut pas éviter qu'il ne règne plus ou moins de temps , aux deux extrémités de carrière, d'un homme, d'une nation, d'un globe, d'un univers. Voyez le chap. suivant. Le mouvement est lié, et son lien se forme par le mode ambigu que les philosophes n'ont pas voulu distinguer , quoiqu'il règne dans tout le système, entre les âges harmonique et subversif, entre les modes simple et composé, on rencontre toujours l'ambigu ; c'est par obstination à le méconnaître, que la philosophie tombe sans cesse dansles écarts systématiques, prenant l'ambigu, les transitions ou exceptions, pour des bases de système. Manquerait-elle d'être ignorante sur l'ambigu, quand elle l'est sur tout l'ensemble et tous les détails du mouvement ! Je ne pousserai pas plus loin cette dissertation peu à portée des lecteurs, même de la classe savante. CH. LIV. Analogies générales du mouvement. UN des travers de l'esprit civilisé , est de ne savoir pas envisagerl'unité, l'étudier dans l'infinimentgrand comme dans l'infiniment petit. Si on leur dit qu'une planète comme Jupiter, Saturne, la Terre, est une créature ayant une ame et des passions , une carrière à parcourir, des phases de jeunesse et de vieillesse, des époques de naissance et de mort, ils crient au visionnaire ; cela est trop vaste pour leurs petits esprits, et pourtant ils posent en principe l'unité et l'analogie dansle système de l 'univers. Si on leur dit que notre tourbillon d'environ 200 comètes et planètes, est l'image d'une abeille occupant une alvéole dansla ruche

que les autres étoiles fixes entourées

chacune d'un tourbillon, figurent d'autres abeilles ; et INDUSTRIEL. VII.e S. 529 que l'ensemble de ce vaste univers n'est compté à son tour que pour une abeille, dans une ruche formée d'environ cent mille universsidéraux dont l'ensemble est un BINIVERS ; qu'ensuite viennent les TRINIVERS formés de plusieursmilliers de binivers, et ainsi de suite ; enfin que chacun de ces univers, binivers, trinivers, est une créature ayant comme nous son âme, ses phases de jeunesse et vieillesse, mort et naissance, et que nos âmes après la mort de notre planèteparcourrontcette infinitédemondes; ils ne laisseront pas achever sur ce sujet, ils crieront à la démence, aux rêveries gigantesques; et pourtant ils posent en principe l'analogie universelle, p.e 16. A quoi bon, disent-ils, ces excursions dans l'immensité? bornez-vous au sujet : d'accord, mais je veux le traiter exactement, et non pas à la manière gasconne de nos auteurs, qui, fabriquant des systèmes de la nature, promettent des preuves et n'en donnent aucune ; je dois donc faire savoir que je possède les preuves et surtout la principale, celle de l'analogie universelle tant proclamée par les faiseurs de systèmes; tels que Schelling cité p. 16, et tant d'autres qui, posant en principe l'analogie et la recommandant pour boussole d'études, n'en disent jamais un seul mot, et ne savent établir aucune échelle d'analogies entre l'homme, l'univers et Dieu, entre les passions et les substances créées dans les divers règnes. Je puis renvoyer sur ce sujet, à un article de cosmogonie appliquée ; I, 519 à 539 ; et aux articles MOSAÏQUE, en divers règnes; I, 497, 505. Je me bornerai ici à quelques lignes sur la carrière générale du genre humain. On a vu , à l'Avant-Propos, une table de neuf périodes sociales, formant la 1 .re phase ou enfance du monde, et meublées jusqu'à présent de 3 créations, dont la 1.re a été détruite par le cataclysme général ou grand déluge, différent du petit déluge. Elle était création d'essai, faite sur un échantillon bien plus ample que celui des suivantes; car les fossiles qu'on en trouve sont de dimension colossale; des crocodiles de 34 530 NOUVEAU MONDE 60 pieds, et autres formes gigantesques , dont la proportion aurait exigé des hommes de neuf pieds de haut. Cet échantillon fut reconnu trop fort

on adopta le degré

inférieur, ( différence de 16 à 17.) L'espèce humaine qui n'existait pas lors de cette création d'échantillon, ne fut formée qu'à l'époque des deux créations, n.° 2 et3, qui furent faites, la 2.e sur l'ancien continent, la 3.e en Amérique. Elles sont distribuées pourservir de mobilier aux périodes 1, 2, 3, 4, 5, 6. Le globe ne pourra avoir un nouveau mobilier que pour les périodes 7 et 8 qui recevront les créations n.° 4 et 5. Si le monde social s'élevait par degrés à la période 7 nommée Sociantisme, il recevrait aussitôt la création n.° 4, bonne, mais peu brillante : et lorsqu'on parviendrait à la période n.° 8, Harmonisrne, on recevrait la création n.° 5, déjà très-magnifique, mais moins encore que celles qui suivront, et qui formeront le mobilier des périodes n.° 9 et au-dessus. Comme nous allons franchir les périodes 6 et 7, et nous élever immédiatement a la 8.e, nous recevrons cu- mulativement les deux créations n.° 4 et 5. Elles commenceront des la pleine fondation de l'harmonie

cette plénitude aura lieu 3 à 4 ans après l'installation de la

phalange d'essai. Il suit de là que si on eût fait les préparatifs de l essai en 1823 et l installation en 1824, l'année 1828 aurait vu s'achever l'organisation générale, et l année 1829 verrait la création en pleine activité, nous donnant tousles CONTRE-MOULESdes créations 2 et 3 ; tels que l'anti-rat, l'anti-punaise, etc. : le beau Paris, si richement meublé de punaises, de rats et autres beautés, trou- verait bien son compte a cette création qui nous délivrerait de toute l'engeancedémoniaque dont notre globe est souillé; 130 espèces de serpens, espèces de punaises, autant de crapauds; en voyant ce mobilier d'ordures, on peut bien se demander, comme en voyant les 4 sociétés existantes, qu'est-ce que l'esprit infernal ferait de pis, si on lui donnait a meubler et régir le globe? INDUSTRIEL. VIIe. S. 53r Cependant ces horribles créations sont l'ouvrage d'un Dieu infiniment sage et prévoyant; quels motifs l'ont déterminé à des oeuvres si malfaisantes pour l'homme ? vous l'avez-dit vous-mêmes; ce motif, c'est l'unité de système que proclament vos philosophes (Schelling cité p. 16. ) Il faut pour cette unité , pour ce miroir analogique, donner à chaque période sociale un mobilier emblématique des jeux de passions qu'elle produira. En conséquence Dieu a dû vous meubler de deux créations épouvantables, où sont représentés tous les jeux de passions civilisées, barbares, patriarcales et sauvages; les 130 serpens représentent 130 effets de la calomnie et de la perfidie, qui sont l'essence des sociétés mensongères distribuées par familles. Vos âmes étant pour le moment l'image des démons, Dieu a dû, par analogie, peindre sous les traits du tigre, du grand singe et du serpent sonnette, les passions de Moloch, Bélial et Satan, dont vos âmes civilisées sont les miroirs fidèles. Mais dès que vous serez parvenusaux sociétés 7 et 8, où vos âmes renaîtraient par degrés à la vertu, vous recevrez des créations qui seront miroir des vertus affectées à ces périodes sociétaires. Et comme tout le système du mouvement doit être lié, il faut que les créations infernales, n.° 2 et 3, contiennent un rameau de transition, formé de quelques bons animaux, cheval, boeuf, mouton, abeille, qui nous peignent le système des créations futures où tout se ralliera à l'homme, et qui fournissent à nos sociétés les moyens de créer la grande industrie, et de s'élever aux périodes 6, 7 et 8, où d'autres créations contre-mouléss purgeront le globe, ses terres et ses eaux, de l'horrible mobilier que Dieu a dû lui donner pour les périodes 1, 2, 3, 4, 5, 6, selon le principe d'analogie et d'unité. C'est parmi les civilisés un plaisant préjugé que de croire qu'une planète qui a fait des créations n'en pourra pas faire d'autres. Autant vaudrait prétendre que celui qui a planté un verger, n'en pourra pas planter un au- tre, ou qu'une femme qui a fait un enfant n'en pourra 34. 532 NOUVEAU MONDE pas faire un second. Les créations mobilières, bien différentes des reproductives, sont pour chaque planète une opération périodique ; les satellites ou étoiles inférieures en font quinze ; les lunigères , Saturne, la Terre, en font vingt-huit ; parce que sur nos 36 périodes sociales, il en est 8 qui ne reçoivent pas de mobilier; elles sont 4 en phase d'enfance, et 4 en phase de caducité de la planète. ( Nota. ) Au traité j'ai compté seulement 32 périodes, omettant à dessein les deux d'apogée, entre la 16.e et la 17 ; et les 2 transitoires, avant la 1.re et après la 32.eCette différence de compte n'est pas erreur, mais abréviation. Expliquonsle phénomène d'un double déluge : le I.erfut énorme, il détruisit la création d'essai; le 2.e faible, n'a pas anéanti les races produites en 2.e et 3.e créations. Redisons que ce chap. qui effarouchera les pygmées, est obligé dans une synthèse générale du mouvement. Je passe de l'analogie générale aux spéciales, où le monde savant va trouver un côté bien charmant, même pour les moralistes, beaucoup moins ennemis des richesses qu'ils n'affectent de l'être. CH. LV. Analogies spéciales du mouvement. Les beaux esprits qui nous disent : l'univers estfait sur le modèle de lame humaine, la même idée se refléchitconstamment du tout dans chaque partie, ( Schelling, p. 16) nous diront-ils comment, un cèdre ou une rave qui font partie de l'univers nous réfléchissent une idée du tout ? quelle portion de l'univers est dépeinte dans un chou, un oignon, dans un chêne, un oranger ? Interrogeons d'abord les raves qui vont répandre des torrens de lumière et se montrer dignes du haut rang que leur assigne la morale. C'est une pépinière de belles analogies que la bourgeoise famille des raves et betteraves, carottes et panais, salsifix, céléris et toutes racines qui nourrissent l'homme. Leur collection représente les coopérateurs du travail agricole. Chacun de ces légumes INDUSTRIEL. VII.e S. 533 s'allie avec la classe dont il est le portrait : la grosse rave morale reste à la table des gros paysans dont elle est l'image ; le navet, moins rustique, est l'emblème du fermier huppé, traitant avec les grands; aussi le navet peutil, moyennant de bons apprêts, figurer aux bonnes tables; la petite rave ronde peint l'homme opulent, qui, à la campagne, effleure l'agriculture, en prend une légère idée; la petite rave pivotante ou allongée, peint, cet homme riche approfondissant le sujet, faisant son délassement de l'agronomie; toutes deux, par analogie, figurent sans aucun apprêt aux tables de la classe riche dont elles dépeignent l'intervention superficielle en agriculture. Ainsi chaque sorte de raves s'accolle avec ses pareils

il en est de même des autres racines ; la carotte représente l'agronome raffiné, expérimenté, utile par-tout ; aussi est-elle un légume précieux employé par la confiserie et la médecine, légume utile en tout sens, fournissant par sa feuille un fourrage salutaire, par la torréfaction un parfum de potage, etc. : le céléri, dans son acerbe saveur, dépeint les amours champêtres, les tendres paysans et paysannes se courtisant à grands coups de poing. L'étude de l'analogie est à double fin, elle conduit à l'agréable et à l'utile. C'est pour nous une triste énigme que l'histoire naturelle, tant que nous ignorons les effets de passions dépeints hiéroglyphiquement dans chaque substance, comme je viens de les expliquer trop brièvement sur quelques légumes. Des fleurs peuvent nous plaire, mais elles ont plus de charme quand on connaît le sens de ces tableaux, quand on apprend par vingt détails explicatifs sur chaque fleur, que la rose peint la fille vierge et pudique ; l'oeillet peint la fille pressée par le besoin d'amour ; l'hortensia peint la coquette; la scabieuse peint la prude ; etc. Ceci ne touche qu'à l'agréable : il est un but bien autrement important dans la science de l'analogie , c'est de découvrir les propriétés cachées de toutes les substances des divers règnes ; il faut toujours que le hasard vienne 534 NOUVEAU MONDE à notre secours pour nousindiquerleurs vertus occultes; pendant 3000 mille ans, le café fut dédaigné dans les champs de Moka, jusqu'à ce que les chèvres, par leur ivresse, en eussent décélé la propriété. Il en serait de même encore du quina, du mercure et autres antidotes, si le hasard ne nous eût enseigné leurs emplois curatifs. Il s'agit donc de déterminer, par calcul général sur l'ensembledes règnes, toutesles propriétés des substances; nous connaîtrons alors le remède aux maladies les plus rebelles à l'art, telles que goutte, rhumatisme, épilepsie, hydrophobie,etc. La théorie de l'analogie peut seule nous conduire à ce but. On demandera pourquoi je me suis borné sur ce sujet à des parcelles d'étude ? c'est qu'il m'eût fallu, pour aborder la théorie générale, au moins trois années d'étude sur l'histoire naturelle, et je n'ai pas pu y donner ce temps. Je lègue au monde savant cette nouvelle science et tant d'autres dont je ne puis que livrer la clé, me bornant à la branche de l'attraction industrielle et du mécanisme sociétaire. Pour aperçu d'analogie en ce qui touche à l'utile, mettons en scène la betterave, illustrée dans le monde mer- cantile a qui elle a fait cadeau du faux sucre, qui fait couler et gâter les confitures au bout de six mois. Cette plante va nous expliquer une des méthodes à suivre en recherches d'analogie, la règle du contact des extrêmes. Tout est lié en système de la nature ; les analogies se lient entr'elles, et la connaissance de l'une conduit à d'autres; si l'on avait su que la canne à sucre et sa liqueur sont emblèmes de l'unité sociétaire en industrie, ( unité composée alliant l'accord matériel et l'accord pas- sionnel,) on aurait cherché le contre-sucre, ou sucre simple et faux, dans un emblème de l'unité industrielle simple, de l'action combinée sans passion, telle qu'on la voit dansnos bagnes à nègres et à fabricans, où le peuple à force de tortures ou de privations, se soumet à une discipline d industrie combinée. C'est arriver par excès de malheur à l' unité d'action, où l'on arrivera en har¬ INDUSTRIEL. VII.e S. 535 monie par excès de bonheur. On trouve, dans ce contrasté, un contact d'extrêmes. Les réunions d'unité simple en culture, doivent être dépeintes dans quelqu'un des végétaux heroglyphiques de la classe agricole ; elles sont figurées par la betterave, fruit de sang, d'où on voit ruisseler le sang ; il est l'image de ces esclaves forcés à l'unité simple d'action, par les tortures. Ladite racine doit contenir la liqueur d'unité simple et fausse , le CONTRE-SUCRE, fade, sans mordant, et qui, à dose double, sucre moins que celui de canne. C'est une caricature du vrai sucre, comme l'unité d'action matérielle dans nos bagnes d'esclaves coloniaux, est une caricature de l'unité passionnée des travaux harmoniens, dont la force productive sera double et quadruple de celle des travaux civilisés. Il faudrait appuyer ces analogies d'amples détails, d'abord sur les feuilles des végétaux cités. La feuille crispée de la betterave dépeint le travail violenté des esclaves et ouvriers ; la feuille grotesque de la rave étale un massif supérieur dominant plusieurs follicules inférieures, c'est l'image du chef de famille villageoise qui s'adjuge tout le bénéfice, pour le bien de la morale; il prend tout, et ne laisse rien aux enfans et valets. Dans la pomme de terre qui peint le travail facile des groupes et séries passionnées, une feuille bien graduée et entrecoupée de follicules minimes peint l'assemblage desinégaux , et des enfans associés en travail avec les pères. On vient de voir, au sujet du contre-sucre, que l'étude de l'analogie procède comme l'algèbre par des raisonnemens et des comparaisons ; et qu'appliquée à chaque substance, elle en déterminera les propriétés cachées, les antidotes naturels des maladies qui sont l'écueil de l'art ; et les emplois utiles en divers genres. Entr'autres fruits à recueillir du calcul de l'analogie , on y trouvera la preuve théorie que de l'immortalité de l'âme, ch. LVI, preuve dont on ne soupçonnait pas l'existence et qu'on ne songeait pas à chercher. 536 NOUVEAU MONDE Pour encourager cette nouvelle science à laquelle on devra tant de lumières et de charme, on accordera une récompense d'un sou par feuille publiant des analogies découvertes, pourvu qu'elles aient été contrôlées en jury provincial, et réduites à leur plus simple expression. Ce prix d'un sou parfeuille de 16 pages in 8.°, rendra aux auteurs une somme d'environ DOUZE MILLE FRANCS PAR LIGNE, tout au moins. Celui qui aura pu fournir une page de 40 lignes, aura environ 5000,000 francs de bénéfice; et celui qui aura fourni une feuille entière, huit millions de francs. L'ouvrage, en totalité, pourra contenir quatre mille tomes égaux à celui-ci, et quatre cents tomes en abrégé restreint. Dansl' impatiencede connaître les analogies , le globe les fera publier en abrégé, feuille par feuille, à mesure d'invention. Ce sera un moyen de favoriser les études ; car tout étant lié dans cette science, dès qu'une feuillede 16 pages dévoilera une trentained'analogies nou- velles , chaque lecteur, homme ou femme, pourra en tirer parti dans l'exploration, et découvrir à son tour quelque analogie qui, admise pour 10 ou 20 lignes , lui vaudra 125 OU 250,000 francs. Je vous le demande, moralistes, cette nouvelle science , vraie, utile et belle, ne vaudra-telle pas mieux que vos tristes doctrinessur le mépris des richesses et l'amour du trafic, doctrines où tout est faux et impraticable ? Il existe plus d'un milliond'analogies à déterminer. Dès qu'on en aura trouvé et publié seulement une collection de 500, tout sera entraîné

les naturalistes mêmes con- damneront leurs systèmes, et proclamerontl'insuffisanse, la stérilité des classifications actuelles, toutes entachées du défaut de SIMPLISME, toutes classant des caractères ma- tériels sans faire mention des passionnels. Chacun se ralliera à l'analogie qui marie les deux classifications: j en puis donner pourinitiative une collection de 200 articles tres-variés ; j'en aurais donné plus de 2000 si j'avais pu INDUSTRIEL. VII.e S. 537 employertrois années exclusivement à l'étude de l'histoire naturelle, surtout des branches négligées, ambigu, etc. Dire qu'unesciencenouvelle du contenu d environ 400 tomes, rendra aux auteurs douze millefrancs par ligne, c'est de quoi faire palpiterle coeur de tout barbouilleurde papier; il se contenterait bien de gagnerseulement douze souspar ligne. Observonsque je parle ici des lignes de 1re, apparition,lignescontrôlées etréduites parjury.Ilfaudra, sur ce profit gigantesque , une preuve bien exacte, bien arithmétique : elle se trouve plus loin, à l'Épilogue où je dois revenir sur l'analogie. Ceux qui en désirent des aperçus moins succincts, peuvent consulterles articles Mosaïque en règnes animal etvégétal, 1497 à 519, Cosmogonie appliquée, 1519 à 539. CHAP. LVI. De l'immortalité de l'âme. C'EST la question qui doit terminer une étude intégrale de la nature : c'est le sujet sur lequel les modernes ont le plus échoué. L'immortalité doit être démontréeen preuve composée et non pas simple. Nous avons la preuve simple, tirée des doctrines religieuses qui nous garantissent l'immortalité ; c'est une très-bonne preuve sans doute, mais elle est simple ; pour l'élever au mode composé, il faut y ajouter la preuve scientifique : l'esprit humain ne peut pas l'obtenir, tant qu'il n'est pas initié à l analogie d ou on tire les sept branches de preuves nécessaires en théorie de l'immortalité. C'est une étude fort étendue que je me borne à indiquer ; elle comprend 1, 2, 3, 4, les 4 traités d'analogie, appliquant les 4 règnes animal, végétal, minéral et aromal, au règne passionel ou pivotal, règne hominal. 5 le traité de l'ambigu, destransitions; 6 le traité du contact des extrêmes ou diffraction ; 7 le traité du ralliement des extrêmes en hauts degrés. Enfin l'analogie mathématique. Voyez sur ce sujet 538 NOUVEAU MONDE I. 231, où j ai préludé à la théorie del'immortalitéen y appliquant les théorèmes des aires proportionnelles aux temps et des carrés de temps périodiques proportionnels aux cubes des distances. Tel est le cortège de preuves nécessaires

Faut-il s'étonnerque les philosophesn'aient su en donner aucune ?

elles sont toutes puisées dans l'analogie dont ils n'ont jamais voulu faire aucune étude. Un débat récemment élevé dans le monde savant, sur le magnétisme, peut nous servir ici pour aperçu d une preuve qui se rapporte à la 6.e branche du tableau ci-dessus, au contact des extrêmes. Dieu nous devant sur ce point une preuve composée, une preuve matérielle et rationnelle, il faut que certaines démonstrations soient de nature à affecter nos sens, les initier momentanément aux facultés dont l'âme jouit dans une autre vie. Ce serait peu de connaître ces facultés par le raisonnement, il faut des preuves palpables. Pour les chercherrecourons à la boussole de justesse, a la série progressive : spéculons sur une série de 3 situations de l'âme, savoir

une situation moyenne, et deux extrêmes, qui doivent être en contact. La situation moyenne sera l'état de VEILLE, l'existence pleine ou le corps opère combinément avec l'âme

c'est le mode composé. La situation extrême inférieure sera l'état de SOMMEIL, vie faussée,mode simple, état ou le corps ne s'associe pas aux volontés de l'âme. L'extrême supérieur sera la vie ULTRA-MONDAINE, et surcomposée, dont il s'agit de déterminerles facultés. Précisons la différence entre ces 3 situations de l'âme ; Etat simple et infra-mondain, le sommeil. Etat composé ou mondain, la veille. Etat sur composé ou supra-mondain, la vie future, dans laquelle nos ames prendront des corps plus parfaits. Nos corps actuels sont TERRE-AQUEUX, formés des deux élémens grossiers qu'on nomme terre et eau : les corps INDUSTRIEL. VII.e S. 539 de nos ames dans l'autre vie, seront ETHER-AROMAUX, formés des deux élémens subtils nommés air et arôme. Selon la règle du contact des extrêmes, les deux existences extrêmes dites infra-mondaine et supra-mondaine doivent être en rapport. La plus basse doit donner des images de la plus élevée ; en effet le sommeil peut, chez certains sujets et dans certains cas, initier l'homme aux facultéssensuelles dessupra-mondains. On en voit la preuve par les somnambules artificiels ou magnétisés, et par les somnambules naturels ; l'un et l'autre état donnent à l'homme des sens ultra-humains, comme la faculté de lire un écrit malgré l'interposition d'un corps opaque , de voir ce qui se passe à de grandes distances, en lieu fermé où l'oeil ne pourrait pas atteindre. Ces somnambules ont donc les facultésvisuelles des ultra-mondains; ils sont en contract avec le terme supérieur de la série d'existence dont ils forment le terme inférieur. Ainsi l'exige la loi de diffraction, étendue à toute la nature. Pour donner du poids à cette explication, il faudrait que le lecteur connûtles contactsd'extrêmes, qu on trouve par centaines, et dont on n'a jamais fait aucun tableau. J'en ai décrit deux au chap. LV, en traitant du faux sucre et de l'esclavage. Une collection imprimée, d'un millier de ces contacts d'extrêmes, convaincrait que ce contact nommé diffraction est loi fondamentaledans l'ordre de la nature, et qu'elle doit s'appliquer à la théorie de l'immortalité, en former une des branches. En théorie de l'immortalité, il faut bien parler de la mort qui est le point de passage, et parler des emblèmes de la mort qui sont les plus répugnans de toute l'analogie. Les lecteurs français seraient déraisonnables sur ce point; ils ne veulent que des tableaux agréables : cela m'oblige à supprimer la plus palpable des preuves de l'immortalité, qu'on puisse tirer du corps humain et de son mécanisme. Quant à la preuve citée, celle du magnétisme, on peut 540 NOUVEAU MONDE trancher sur le débat qui existe à cet égard. Les médecins allemands ont pleinement raison d'y croire, malgré le scepticisme de la faculté de Paris, dont la résistance est dictée par un calcul d'intérêt; qu'elle se rassure

le magnétisme, quoique moyen très-certain et qui sera généralement employé en harmonie, ne peut pas faire de progrès en civilisation ; il est trop entravé par des vices matériels inhérens à cette société : j'en cite quatre. I.° On n'a aucune méthode pour discerner les sujets magnétisables; on ne sait pas cultiver en eux cette faculté dès l'enfance,on l'émousse, on la fausse par une éducation compressive de la nature; et au lieu d'avoir option sur les bons, l'on ne rencontre d'ordinaire que les plus imparfaits, stimulés par appât du gain. 2.° On ignore et on ne pourrait pas former l'appareil sympathique du magnétisé ; il doit se composer de ses deux sympathiques de tempérament, en identité et contraste, et de ses 2 symp : de caractère, en identité et contraste. Comment rassembler cet appareil quand on ne connaît ni l'échelle des tempéramens, ni celle des caractères ? 3.° On gâte, on use les magnétisés, on les déprave par des amorces d'intérêt qui, même dans le sommeil de consulte, influent sur leur faculté ultra-humaine, en faussent la vertu, la perspicacité. 4. On les vicie encore par des emplois confus, en les obsédant de consultations hétérogènes avec leur genre d'aptitude qu'on ne sait pas discerner. D'autres fautes concourent à faire avorter ces opérations , et neutraliser presque tous les fruits qu'on pour- rait tirer de ce puissant ressort : il n'est pas fait pour la civilisation. Sur ce point comme sur tant d'autres , elle dépasse la limite de ses attributions. Toujours mal-encontreuse en génie, elle est adroite à pénétrer sur les points que la nature lui interdit, elle est incapable d'entrer dans les voies de progrès réel où la nature l'appelle. Les contre-temps que j'ai cités, empêcheront que le INDUSTRIEL. VII.e S. 541 magnétisme puisse jamais prendre quelque essor en civilisation ; il prête le flanc aux malins par les vices précités et autres, maisil sera en grande vogue, en pleine utilité dans l'harmonie. A cette époque les médecins seront trop riches pour s'alarmer comme à présent de la découverte des remèdes; leur bénéfice alors s'établira en raison de la santé générale ; ils n'auront plus à redouter mais à désirer l'invention d'antidotes efficaces dont s'effraie la cupidité civilisée. Je n'ai donné ici sur l'immortalité qu'une preuve du 6.eordre ; on en accumulera de chacun des sept ordres, et rien ne paraîtra plus certain que cette vie future dont nos soi-disant espritsforts nous ravissent l'espoir. En reniant l'âmeetDieu, ilsne renientque leur propre science: ils ont supposé, dans leurs systèmes anciens, un Dieu stupide et méchant; STUPIDE en ce qu'il aurait créé le monde sans plan , sans moyens d'établir le bonheur de tous; MÉCHANT, en ce qu'il voudrait nous cacher ses plans s'il en a fait sur les destinées; et nous condamner à perpétuité aux tortures de l'état civilisé et barbare. Tout est faux dans ces opinions:Dieuveut nous donner beaucoup plus de lumières et de bien être que nous n'en désirons, mais sous la condition de chercher ces biens dans l'étude de l'homme, ou de l'attraction, quoerite et invenietis. Ayant repoussé cette étude et par suite manqué toutes les voies de lumière , nos philosophes ont été secrètement confus de leur doctrine qui, en nous assignant l'état civilisé et barbare pour destinée, transforme Dieu en Créateur sot et méchant , et nos âmes en créatures démoniaques. Pour échapper à ce labyrinthe scientifique, ils ont renié ce Dieu ignare et malfaisant qu'ils avaient imaginé, et l'âme de boue, l'âme civilisée qu'ils avaient formée; c'est renier leur propre science et leur pauvre génie ; dénoûment digne d'aveugles qui conduisent des aveugles, signe évident de la cataracte intellectuelle dont la philosophie enveloppe l'esprit humain. FIN. 542 ÉPILOGUE. EPILOGUE SUR L'ANALOGIE , 532. Preuve de l'énormeprix de douze millefrancs PAR LIGNE. J'ai prévenu que dans ces estimations qui semblent monstrueuses au I.er coup-d'oeil, je cave toujours bien au-dessous de la réalité

on va s'en convaincre.

Il faut préluder à cette démonstration par quelques détails d'analogie. Nos beaux esprits, en faisant du pathossur le grand livre de la nature, sa voix éloquente et ses beautés , ne savent pas nous expliquer une seule ligne de ce GRAND LIVRE ; il n'est pour nous qu'une désolante énigme, sans le calcul de l'analogie qui débrouille tous les mystères impénétrables, et fort plaisamment, car il dévoile toutes les hypocrisies, il arrache tous les masques civilisés , et prouve que nos prétendues vertus sont vices dans l'ordre de la nature: c'est donc à bon droit que Bern. de S. Pierre les a nommées , frivoles et comédiennes vertus. Venons au grand livre : Quelques auteurs ont voulu disserter sur le langage emblématique des fleurs ou des plantes

comment

pourraient-ils interpréter les tableaux de l'harmonie sociétaire qui ne leur est pas connue ? la fleurette qu'on nomme PENSÉE peint les relations des cinq tribus de l'enfance, chérubins, séraphins, lycéens, gymnasiens, jouvenceaux, p. 130

les 3 choeurs les plus âgés , exercent fonction de pères, et réprimande sur les 2 plus jeunes; par analogie, la pensée place deux pétales violets sous trois pétales supérieurs joignant le jaune, couleur de paternité, au violet couleur d'amitié, selon la gamme suivante. X Noir, 1 violet, 2 azur, 3 jaune, 4 rouge. Egoïsme, amitié, amour, paternité, ambition. 5 indigo , 6 vert, 7 orangé, X blanc. Cabaliste, papillonne, composite, unitéisme. Si nos beaux esprits ne veulent pas admettre les gammes, qu'il est pourtant force d'admettre en musique, de quelle boussole feront-ils usage pour connaître le langage des couleurs , l'emblême de chacune ? Tant qu'on ne veut pas reconnaître de gammes élémentaires en couleurs et en étude des passions, l'on ne peut pas s'initier à l'analogie

mais à l'aide des gammes de couleurs dont le soleil nous donne seulement la première , on a de prime-abord des données sûres pour discerner à quelle passion se rattache un hiéroglyphe animal, végétal, ou minéral: en voyant un serin, oi¬ EPILOGUE. 543 seau tout vêtu de jaune, on peut dire à coup sûr, cet oiseau représente quelqu'une des relations de paternité

en effet

, le serin est le petit enfant gâté, il veut vivre de friandises, de sucreries ; les enfants gâtés ont un babil agréable dépeint par le gazouillement du serin

il est impérieux, furibond comme eux ; il se fait bien servir et obéir

aussi la nature lui a-t-elle placé la couronne sur la tête , par emblème de l'enfant gâté qui est roi dans le ménage, commandant à père et mère, à soeurs et bonnes

tout fléchit sous sa loi.

Etudions de plus grands mystères à l'aide de la couleur jaune raillée par les plaisans. Observons sur la tête du perroquet kakatoës , une bannière jaune en aigrette. Molière dirait que c'est la bannière du mariage , cela est vrai, mais expliquons dans quelsens. Les perroquets sont l'emblème des sophistes, du monde philosophique ; par analogie, cet oiseau manie très-bien la parole, mais il n'a que du verbiage sans raison. Tels sont les brillans sys tèmes de la philosophie, représentés par des variantes contrastées dans la distribution des couleurs dont le perroquet est chamarré. L'un a du jaune en sommet d'aile et du rouge en pointe, l'autre a le rouge en sommité, le jaune en pointe ; ainsi les sophistes comme Epicure et Zénon, sont dans leurs dogmes la contre-partie l'un de l'autre

sur quoi reposent tous leurs échaffaudages de systèmes? sur le régime de famille, sur le morcellement par petits

ménages conjugaux : toute la philosophie roule sur ce vicieux pivot qui est l'antipode, du régime sociétaire

il faut par analogie, que le perroquet pivotai qui est le blanc, déploie la bannière jaune emblème du groupe de paternité : ce groupe est la base de tous les systèmes sociaux conçus par la philosophie

aussi le perroquet BANNERET, le kakatoës est-il baignant dansle jaune qui co- lore toutes les plumes inférieures de son corps. Ce seroit un sujet fécond en analogies que l'étude du perroquet : négligeons-la puisqu'elle nous dévoilerait tous les côtés faibles des philosophes, qui prêchant la tolérance , et les charmesde la vérité, sont aussi peu enclins à pratiquer la tolérance qu'à entendre la vérité sur leur savoir-faire. C'est une étrange contradiction chez les sophistes que de poser en principe l'unité et l'analogie du système de la nature, (Scheling p. 16,) et vouloir que les fanaux de direction fournis par la nature, comme la gamme septénaire des couleurs primitives, ne soient analogues A RIEN ! si l'unité et l'analogie existent réelle¬ 544EPILOGUE. ment, il faut bien que ce fanal primitif soit emblème de quelque chose, de quoi donc, sinon des passions ? prétendra-t-on que celle gamme de couleurs primitives ne représente que des harmonies matérielles comme les sept côtes combinées etla clavicule, les sept os du crâne et le frontal, les sept notes musicales prononcées et la 8.e d'écho ? C'est accumuler contre la philosophie quatre griefs d'ignorance ; car si la nature cumule ainsi les analogies en matériel, il faut, selon le principe d'unité, qu'elles se reproduisent en passionnel, et qu'on sache déterminer parmi les passions, une gamme de 7 ressorts primordiaux, non compris les gammes secondaires par 12 en semi-tons, par 24 en majeur et mineur, par 32 en transitions, etc., etc. Abrégeons sur ces fastidieux principes , revenons à la pratique ; reprenons les détails d'analogie des couleurs ; et passant du jaune au rouge , mettons en scène un charmant, emblème , le chardonneret dont la tète coiffée de rouge, baigne dans le rouge couleur de l'ambition, selon la gamme précédente. Cet oiseau est l'opposé du serin

son plumage gris-boueux, mais propre et lustré, indique

une pauvreté industrieuse

il dépeint l'enfant issu de parens pauvres, tenu sévèrement, élevé par eux aux idées ambitieuses, à la prétentionde s'avancer. Il est préoccupé de cette idée, et par analogie, son cerveaubaignedans le rouge, couleur de l'ambition. Son ramage, emblème de l'esprit cultivé, égale celui du serin qui est le portrait de l'enfant riche et pourvu de bons maîtres. Ainsi l'enfant pauvre etstimulé,s'élèvera aumême degré d'éducation et d'instruction que l'enfant opulent ; il saura dérober la science qu'on prodigue au riche

et comme il ne parviendra à cette instruction que

par les secours de sa famille, la nature a empreint de jaune les pennes de son aile, pour indiquer que son élévation est due au soutien de sa famille, au groupe de paternité figuré par le jaune. Cet enfant pauvre ne s'épouvante pas des ronces de la science ; il surmonte les obstacles de l'étude, il deviendra habile jurisconsulte, fameux médecin. Par analogie le chardonneretse plaît sur le chardon, plante épineuse et sympathique avec la classe rustique habituée aux épines de l'industrie. C'est pour figurer ces rapports, que la nature met en sympathie sur le chardon deux personnages contrastés, le chardonneret emblème de l'enfant studieux issu du paysan , et l'âne emblème du paysan, de son patois ou braiement risible, de sa nourriture chétive, de sa résignation aux mauvais traitemens, et de sa sotte obstination dans les vicieuses méthodes. EPILOGUE. 545 Ici le chardon présente double analogie

une sensuelle, une

spirituelle. Le paysan aime les liqueurs fortes, les mets piquans, et les émotions violentes, comme l'aspect des supplices; delà vient que l'âne, emblême du paysan, aime à se nourrir des piquans du chardon, et envisager un précipice effrayant. C'est ainsi que, par entremise de l'analogie, les êtres les plus dédaignés, l'âne et le chardon inspirent de l'intérêt; ce que Boileau a dit de la mythologie s'applique mieux encore à l'analogie

« Là pour nous enchanter, tout est mis en usage «Tout prend un corps , une âme, un esprit, un visage. » Sansl'analogie,la naturen'est qu'unvaste champ de ronces, les 73 systèmes de la botanique, ne sont que 73 tiges de chardon. Rousseau les a bien qualifiés de science rebutante, qui vient cracher du grec et du latin au nez des dames. Dites aux dames, pour les intéresser, que tel effet de passions est dépeint dans tel végétal ; montrez-leur les variétés de l'amour dans l'iris, la tubéreuse, l'oeillet, la hyacinthe, la pêche , l'abricot, le pigeon et le coq, vous les amorcerez mieux à l'étude qu'en leur débitant vos légendes barbares, vos ronces académiques, TRAGOPOGON, MESEMRRYANTHEMUM , TETRANDRIA , RHODODENDRUM.Joli concert pour attirer le beau sexe à l'étude ! Sans recourir aux végétaux brillans, aux bosquets de Cythère, on peut dans les plantes les plus bourgeoises,dans le chou et l'oignon, expliquer des analogies très-gracieuses; essayons. Le chou est emblème de l'amour mystérieux, de ses intrigues secrètes masquées par centuple ruse, pour échapper aux argus et aux obstacles. De même, le chou cache sa fleur sous les voiles de cent feuilles emboîtées. Ces feuilles bouillonnées et ondoyantes figurent les efforts astucieux d'amans obligés de cacher leur lien ; elles sont plutôt bleues que vertes, parce que l'azur est la couleur de l'amour

l'azur domine dans la feuille de l'oeillet qui peint la jeune fille fatiguée par réplétion d'amour, privation d'amant. Le chou-fleur qui est contrepartie du chou, dépeint la situalion opposée, l'amour sans obstacle ni mystère, les ébats de la jeunesse libre qui voltige de plaisir en plaisir

aussi le chou-fleur est il un océan de fleurs, image des charmes du bel âge : sa feuille n'est ni azurée ni bouillonnée, parce que la jeunesse libre, formant des orgies, est peu amoureuse, n'a pas besoin de recourir aux astuces, comme la jeunesse entravée dont le chou estsymbolique. Le chou-fleur a comme certains végétaux un vice de fétidité ; il 35 546 EPILOGUE. infecte l'eau et le local où il cuit ; l'artichau infecte la main qui le cueille, et l'asperge infecte les urines. Dans ce vice commun aux 3 plantes, la nature dépeint différens désordres de l'amour libre : observons ce tableau dans le chou-fleur emblême du jeune homme à bonnes fortunes, du séducteur en vogue, de l'homme pour qui les amours sont un océan de fleurs. Un tel homme sème le trouble dans les familles, il n'est bruit que de femmes et filles séduites par lui : de là les caquets, les querelles domestiques , les incidentsfâcheux

et par emblème le chou-fleur

infecte l'élément symbolique de la famille, selon ce tableau : On explique de même par analogie aux désordres d'amour, les deux infections que produisent l'asperge et l'artichau

mais ces sujets seraient trop obscènes

la tendre et simple nature est par foistrop simple, trop amie de l'augustevérité

parmises tableaux, il en est beaucoup qui ne sont pas admissibles en bonne compagnie ; et je ne pourrais guères expliquer par écrit, les emblèmes que fournissent l'asperge et l'artichau , tous deux hiéroglyphes de scandales amoureux qui sont très-bien dépeints dans leurs feuilles, leurs fruits et toutes leurs habitudes. On ne peut les expliquer qu'en comité d'hommes , tant le tableau est fidèle, surtout en y joignant les contre-parties, comme le cardon qui est l'opposé de l'artichau; l'un représente la fille d'honneur , et l'autre la libertine. Toutefois les vérités crues de l'analogie sont bien admissibles sur ce qui touche aux classes et caractères subalternes. Qu'on explique dans la chèvre et le bouc, un tableau des moeurs vénales du peuple, en amour, cela n'offensera que des gens qui ne savent pas lire : quant aux avares sordides, on ne craindra pas de leur présenter un miroir dans le pourceau et le chêne, deux portraits d'avarice qui doivent se convenir et s'assembler, car ils sont le même tableau en diverses nuances ; aussi le fruit du chêne, le gland, n'est-il en affinité qu'avec le cochon. L'analogie dissipera nos préjugés en politique, ainsi qu'en morale. Deux analyses de la ruche et du guêpier réduiront à leur juste valeur, nos préjugés sur les litertés administratives et les garanties

l'unité d'action est moulée dans la ruche, la duplicité dans le guêpier, ce sont deux analogies magnifiques. Un vice des beaux esprits civilisés, vice qui les a égarés dans l'étude de la nature, est de ne pas rapportertout aux convenances EPILOGUE. 547 de l'homme. Selon ce principe, quels que soient les tableaux fournis par l'abeille et la guêpe, l'une dépeint le bien puisqu'elle nous donne richesse composée, par le miel et la cire ; l'autre dépeint lemal, puisqu'elle donne pauvreté composée, par son carton inutile et ses ravages. Telle est aussi l'araignée, image du commerce mensonger, du piége de libre concurrence. Les analogies sont déjà très-séduisantes isolément,par la fidélité du pinceau de la nature ; on vante le tableau du tartufe peint par Molière ; la fleur dite Amarante et le reptile nommé Caméléon sont des tableaux de l'hypocrisie plus parfaits encore. Pour en juger il faudrait une longue description de toutes les parties de ces deux moules. Les analogies redoublent de charme quand elles sont présentées en contraste et en graduation. L'aigle et le vautour nous peignent deux autorités qui s'élèvent de fait au rang suprême , qui savent régner ; mais il est des princes qui se traînent, et sont incapables de régner ; ils ont pour emblêmes l'autruche ou pauvre d'esprit, grand corps sans tête ; et le dronte, image du sot orgueilleux, tête ignoble dont le cerveau ne produit qu'une crête ridicule et inutile à l'homme, ainsi que tout le corps de l'oiseau. Pour faciliter l'étude de l'analogie, il faut assembler des galeries de portraits sur un même sujet

s'agit-il de l'auguste vérité, il faut étudier combinément les emblèmes de vérité

tels sont le cygne, la giraffe, le cerf, le sapin, le cèdre, le lys, tous hiéroglyphes des différens emplois de cette vérité si ingrate pour ceux qui la pratiquent. En voyant son triste sort dépeint dans ces divers animaux et végétaux, aucun civilisé ne sera tenté de pratiquer la vérité, quoiqu'en disent nos philosophes qui, cherchant à nous duper, ne veulent pas qu'on connaisse le sort fâcheux réservé aux amans de la vérité. Les tableaux de nos passions deviennent très-gracieux lorsqu'on les étudie en détails comparatifs, comme serait une échelle des degrés de sottise , de bel esprit et de bon esprit, représentés parles coiffures d'oiseaux

leurs huppes , crêtes , appendices , aigrettes, colliers, excroissances et ornemens de tête ; l'oiseau étant l'être qui s'élève au-dessus des autres , c'est sur sa tête que la nature a placé les portraits des sortes d'esprit dont les têtes humaines sont meublées; aigle, vautour, paon, dronte, perroquet, faisan, coq, pigeon, cygne, canard, oie, dinde, pintade, serin, chardonneret, etc. , sont, quant à l'extérieur des têtes, le portrait de 35. 548 EPILOGUE. l'intérieur des nôtres. L'analyse comparative de leurs coiffures fournit une galerie amusante , un tableau des divers genres d'esprit ou de sottise, dévolus à chacun des personnages dont ces oiseaux sont l'emblême. L'aigle, image des rois, n'a qu'une huppe chétive et fuyante en signe de la crainte qui agite l'esprit des monarques, obligés de s'entourer de gardes, et entourerleurs sujets d'espionspour échapper aux complots. Le faisan peint le mari jaloux tout préoccupé des risques d'infidélité, et pour s'en garantir épuisant les ressorts de son esprit. Aussi voit-on, du cerveau d'un faisan, jaillir en tout sens des plumes fuyantes. ( Le genre fuyant est symbole de crainte. ) On voit, une direction contraire dans la huppe du pigeon , relevée audacieusement, peignant l'amant sûr d'être aimé, et dont l'esprit est libre d'inquiétude, fier du succès. Parmi les coiffures d'oiseau , la plus digne d'étude est celle du coq , emblême de l'homme du grand monde, l'homme à bonnes fortunes

mais comme les analogies ne sont intéressantes que par opposition des contrastes, il faut, à côté du coq, décrire son moule opposé , le canard , emblême du mari ensorcelé qui ne voit que par les yeux de sa femme. La nature en affligeant le canard mâle d'une extinction de voix, représente ces maris dociles qui n'ont pas le droit de répliquer quand leur femme a parlé : aussi le canard , lorsqu'il veut courtiser sa criarde femelle, se présente-t-il humblement, faisant des inflexions de tête et de genoux, comme un mari soumis, mais heureux, bercé d'illusions

en signe de quoi

la tête du canard baigne dansle vert chatoyant, couleur de l'illusion. Le coq dépeint le caractère opposé, l'homme courtois qui sans maîtriser les femmes, sait tenir son rang avec elles

c'est l'homme de bon esprit ; aussi la nature fait-elle jaillir de son cerveau la plus belle et la plus précieuse des coiffures, une SÉRIE de chair belle et bonne ; autant que celle du dronte est déplaisante et inutile, comme le sot orgueilleux qu'elle représente. Mais laissons ce joli sujet qui nous conduirait trop loin. J'en ai dit assez pour démontrer que le grimoire de l'analogie est enfin surpris , que la théorie de l'analogie et des causes en création va être pleinement dévoilée, sauf études : quoerite et invenietis. Quant aux naturalistes actuels bornés à observer des effets, lorsqu'ils chantent les beautés du grand livre de la nature, ne ressemblent-ils pas au sénateur aveugle qui fit l'amusement de la cour de Domitien ? Dans le conseil sur l'apprêt du fameux turbot, EPILOGUE. 549 ce sénateur avait le clos tourné au poisson, et ne le voyant pas, il s'extasiait sur sa beauté. Tels sont nos écrivains prônant les beautés du grand livre dont ils ne comprennent pas une ligne, pas même les hiéroglyphes les plus intelligibles , comme la chenille, emblême dégoûtant des 4 sociétés odieuses qui acheminent au mécanisme sociétaire

elles sont représentées par les 4 sommeils de la chenille , à laquelle succèdent la chrysalide, emblême de l'état mixte ou garantisme, et le papillon emblème de l'harmonie sociétaire. Si l'on échoue sur des tableaux si frappans, comment en expliquerait-on de plus difficiles , tels que le haricot et le pois représentant les Petites Hordes et les Petites Bandes ( Chap. XXI et XXII,) corporations bien inconnues de nos naturalistes! s'ils veulent enfin s'initier au grimoire de la nature, il faut faire trêve d'orgueil académique , et se résoudre à l'étude facile des passions et de l'analogie

le premier qui suivra cette marche entraînera tout. Quel affront pour ces savans d'être réduits à prêcher l'obscurantisme , comme Cicéron , latent ista omnia crassis occultata et circumfusa tenebris, etc., et de ne rien comprendre aux tableaux de choses dont ils s'occupent chaque jour, pas même aux portraits de leur cheval de bataille, de, leur auguste vérité, peinte dans le cygne et la giraffe qui figurent la vérité inutile, dont on n'emploie que l'enveloppe ; et dans le cerf figurant la vérité poursuivie par les grands et l'administration. ( par l'homme et le chien. ) Pour essayer de rallier un noyau de savans à l'étude de la nature et des CAUSES en création, je publierai prochainement un volume d'initiative, intitulé PREMIÈRE CENTAINE D'ANALOGIES , que je choisirai parmi les plus amusantes , les plus propres à faire goûter celle nouvelle science, qui seule peut répandre du charme sur l'étude de la nature , donner à chaque animal ou végétal ou minéral, un corps, une âme, un esprit, un visage. Venons au but de cet article, au débit qu'obtiendrontles feuilles abréviatives des analogies découvertes

lorsque la science aura été exposée dans un bon traité , appuyée d'un millier de tableaux intéressans par des descriptions complettes, et non par des croquis parcellaires , comme j'en ai donné sur la rave et le perroquet. La vente des feuilles , à 3 sous y compris le sou de bénéfice alloué , sera au moins de MILLE par phalange , enfans non comptés, car on ne les initiera pas à l'analogie : le produit de celle vente Sof., multipliépar 500,000phalanges,donne 25 millions de f. ; or je 550 EPILOGUE. n'ai tablé que sur 8 millions de bénéfice , et non pas sur 25 millions. J'ai donc supposé la vente réduite à 320, feuilles par phalange , au lieu de 1000. C'est caver beaucoup trop bas

vu l'avidité qui existera pour cette lecture.

Le principal motif d'empressement pour la feuille apportant 30 ou analogies nouvelles, c'est que chacun espérera y participer en continuation: je m'explique. Un hiéroglyphe, tel que chien ou chat, peut présenter jusqu'à cent tableaux de passions, surtout dans sa conformation intérieure qui n'est pas visible

ajoutons que dans les parties visibles, on est long-temps à deviner les nombreuses énigmes; je connaissais depuis dix ans les analogies principales de l'éléphant, avant d'avoir pu expliquer les deux allégories de ses yeux ridicules par petitesse et disproportion , et de ses oreilles choquantes par énormité et applatissement. Ainsi l'un des étudians expliquera ce que l'autre aura manqué. Chacun se hâtera de consigner, dans la feuille du jury abréviatif, le peu qu'il aura découvert sur un hiéroglyphe

chacun craindra d'être dévancé par un autre interprète qui obtiendrait priorité ou partage, selon les dates et les circonstances; on se hâtera donc de livrer au jury chaque solution partielle de problèmes

X présente sur la perdrix une traduction qui n'est admise que pour cinq lignes ; c'est toujours soixante mille francs de gagnés sans préjudice du surplus

cela n'empêchera pas qu'il n'obtienne peut être 120, 000fr. la semaine suivante, s'il peut présenter sur le même sujet une traduction d'autres détails, admise pour dix lignes. Après lui divers colloborateurs pourront obtenir le prix de douze mille francs par ligne, s'ils ajoutent des détails reconnus exacts quant à l'analogie. On verra souvent une douzaine d'interprètes, fournir successivement des articles sur un même hiéroglyphe

dès-lors le premier qui aura ouvert la voie, en indiquant le caractère principal de la perdrix (ou autre moule), servira utilement tous les explorateurs

ils trouveront après lui, beaucoup à moissonner, ils ne seront pas glaneurs, car ils recueilleront peut-être plus que celui qui aura pris l'initiative ; c'est par cette raison que les feuilles d'abrégé sur l'analogie, seront accueillies comme une mine d'or, par toute la classe des continuateurs; classe bien nombreuse , car sur cent personnesil en est 99 qui sont comme les français , habiles à perfectionner, et inhabiles à inventer. Les femmes auront une grande aptitude à ce genre de travail. POSTFACE. 551 Ainsi la feuille d'analogie sera dévorée chaque fois qu'elle paraîtra. Tout homme ou femme riche , en prendra une demi-douzaine, pour en placer une à sa collection, une ou deux à sa poche pour le travail, et en donner 2 ou 3 à ses amis pauvres, à ses collègues industriels: on peut donc estimer la vente à mille par phalange; or je n'ai tablé que sur 320, nombre qui réduit la récompense à 12,000 fr. par ligne; je pratique partout cette réduction estimative . quiconque voudra prendre la plume et vérifier arithmétiquement, verra que je suis toujours bien en dessous de la somme réelle

beau sujet de réflexions pour les savans, sur l'immense fortune dont ma découverte leur ouvre la voie ! l'article suivant va leur prouver qu'ils pourront, dans l'état sociétaire, gagner des millions, bien plus aisément que ne le font aujourd'hui ces agioteurs aux pieds de qui la philosophiemoderne est sottement prosternée. POSTFACE. SUR LA CATARACTE INTELLECTUELLE. Duperie du monde savant et des partis politiques. C'en est fait des voiles d'airain

adieu l'excuse de l'indolence académique

plus de mystères de la nature, elle a capitulé, nous tenonsla clé de son grimoire, en dépit de certains anges de ténèbres. Le plus âne des trois n'est pas celui qu'on pense ; a dit notre fabuliste; et de même, le plus obscurant des trois, (noblesse, clergé, philosophes,) n'est pas celui qu'on pense : écoutons les vrais obscurans se dénonçant eux-mêmes. « Souvenez - vous , ô mon fils, que la nature est couverte d'un voile d'airain que tous les efforts des siècles ne sauraient percer. BARTHELEMY VOYAGE D'ANACHARSIS.» C'était un prestige bien commode que ce voile d'airain , pour les monopoleurs de génie, qui ne voulant pas se donner la peine d'inventer, aimant mieux fabriquer des systèmes à la toise, prétendent que l'esprit humain doit s'arrêter à tel point ; qu'il ne faut ni étudier les sciences intactes , ni continuer l'exploration des sciences ébauchées, comme l'attraction dont Newton a fait le calcul en matériel seulement, et non en passionnel. Ce travail est achevé : je me suis attaché à l'étayer de preuves redoublées sur les points principaux, tels sont : 552 POSTFACE. Les ressorts des Séries passionnées

Chap. V et VI.

Les ressorts d'attraction indirecte

Chap. XXI et XXII

Les ressorts de répartition équilibrée : Ch. XXXIV. etXXXV J'ai fourni partout les preuves en mode composé et non pas simple ; toujours la preuve et la contrepreuve, comme en mathématiques

on ne prétextera pas d'insuffisance en démonstration.

Il manque ici un aperçu sur les Séries Mesurées, 129, 130

mais c'est un genre d'accords trop vastes et trop magnifiques pour des commençans; il leur suffit de connaître les Séries Libres, 46. Grâces à cette découverte, le monde va être délivré des com- motions anarchiques et des querelles de partis. Je vaislui présenter un tableau des degrés de restauration , les spéculateurs pourront aviser aux choix

opter sur 15 phases de progrès réel, dont

placées entre la 3e de civilisation ou nous languissons, et la 1re phase d'harmonisme où nous pouvons passer immédiatement

Echelle des 15 phases de progrès réel, à option. Plus le choix se rapprochera du n.° 1 , plus l'opération sera lente : il en serait de même des bénéfices et du bien être,faibles au n.°2 qu'on organiserait lentement, immenses au n.° 16 qu'on peut organiser avec la rapidité de l'éclair.Il est, dans la recherche des fondateurs et actionnaires, beaucoup de précautions à prendre: je vais les indiquer en 5 petits articles qui serviront d'instruction aux négociateurs, et qui définiront exactement la cataracte intellectuelle et les causes qui l'ont produite. I.° CANDIDATURE SPÉCULATIVE. Il faut se garder de compter pour cette fondation sur aucun des partis politiques; libéraux, absolutistes, et mixtes seraient de mauvais juges; tout absorbés dans la polémique et les intrigues électorales, si on les sort de cette controverse banale, ils sont ébaubis comme un chat dépaysé, changé de logis. Les libéraux qui ne tiennent qu'aux mots et non aux choses, POSTFACE. 553 suspecteraient la théorie pour l'honneur D'UN MOT. Ils exigeraient que les 15 phases de progrès réel fussent nommées civilisation perfectible, nom qui ne convient qu'aux phases où règnent la fourberie commerciale et le morcellement agricole. Les absolutistes ont pour caractère l'effarouchement, ils poussent la crainte de révolution jusqu'à la déraison, semblables à Pourceaugnac effarouché par les apothicaires, et croyant voir partout des lavemens , ainsi les absolutistes qui ne rêvent que répression, s'effarouchent à l'idée de métamorphose universelle et subite, quelque heureuse qu'elle puisse être. Il faut donc se garder de spéculer sur des partis. On doit s'adresser à un de ces hommes qui ont de grands moyens en fortune ou en influence , et qui ayant manqué un ministère , seront flattés de s'élever subitement à un poste bien supérieur, tout en faisant d'énormes bénéfices. Quant aux partis , ils peuvent voir aux chap. L et LI, que même en se bornant à organiser la 4e. phase du tableau précédent, en créant dans les campagnes la fermefiscale garante, et dans les villes l'entrepôt trinaire concurrent, on obtiendrait déjà dix fois plus d'améliorations que le libéralisme et la philosophie n'osent en rêver ; on verrait cesser en moins de 3 ans la mendicité, l'indigence, les fourberies, les brigandages, les extorsions fiscales, etc. ; les gouvernemens y gagneraient, grandes propriétés, grandsrevenus, moyens d'extinction des dettes, et stabilité sans inquiétude. Une classe vivement intéressée à celte heureuse innovation, est celle des journalistes de Paris, tous assis sur un volcan. Si l'absolutisme triomphe comme tout l'annonce, il leur donnera à tous un congé de réforme, sans distinction de partis, et ne conservera qu'une seule gazette assoupissante, comme à Vienne ou Madrid. D'autre part si on procède à sortir de la civilisation , les journaux obtiennent le lendemain triple nombre d'abonnés , cours en tous pays, et main-levée du bâillon, parce que les querelles politiques seront oubliées à l'instant. Ce changement importesur tout au parti libéral,très-chancelant

s'il regagnait du terrain, une ordonnance ou un coup d'état, en ferait raison. Il oublie que l'opinion est peu de chose , qu'en civilisation le 8.e oppresseur l'emporte sur les 7/8 résistans, et qu'en lutte politique, il faut des moyens neufs et non des discours. Il faut que les deux partis soient bien aveuglés pour ne pas reconnaître que l'unique voie de salut est de s'élever plus haut 554 POSTFACE. que la civilisation, et non pas de rétrograder comme ils le font tous deux. Quoi qu'en disent les libéraux, c'est rétrograder que d organiser la discorde permanente entre les princes et les peu- ples, tandis que les opérations de garantisme, telles que la ferme fiscale et l'entrepôt concurrent, établiraient la concorde, l'unité de vues, d'intérêts et d'action entre toutes les classes. Alors les absolutistes comprendraientqu'il leur convientde tendre au progrès réel, et non pas de retourner au 10.e siècle; mais ils s'obstineront nécessairement dans les voies obscurantes , si on persiste à leur tendre le piége du faux libéralisme, vraie cataracte intellectuelle, puisqu'il repose sur quadruple cécité du monde savant. I.° Cecité des économistes qui pour nous enrichir emploient la plus petite et la plus coûteuse réunion , celle de famille; et la plus grande fourberie possible ou concurrence anarchique des marchands. 2.° Cécité des moralistes qui veulentdonner à l'homme des vertus avant de lui donner du pain, veulent armer l'homme contreses passions, vantent la vérité et l'amour du trafic ou mensonge. 3.° Cécité des politiques, organisant la ruine du peuple par la baisse du salaire , par l'exubérance de population et cent autres monstruosités. 4.° Cécité des métaphysiciens qui prétendent que Dieu a créé les passions au hasard, ou sans révéler à l homme les lois de leur harmonie; et qui croient étudier l'homme, sans étudier l'attraction moteur de l'homme. On remplirait des pages sur les absurdités de chacune de ces 4 sciences, dont le quadrille forme la cataracte intellectuelle, servant de guide à l'esprit libéral. Faut-il s'étonner qu'il ne sache que perpétuer le mal, et que ses antagonistes le repoussent comme une coupe empoisonnée ! Lequel des deux partis est le plus obscurant, ou de celui qui rétrogade franchement, ou de celui qui promettant le progrès social, est de fait immobiliste, ne voulant pas que l'esprit humain avance au-delà du bourbier civilisé , s'efforçant de nous ramener à la 2.e phase de civilisation, aux commotions démocratiques, et poussant l'autre parti à la rétrogradation par les craintes qu'il lui inspire. Lorsqu'enfin le remède à celte anarchie est découvert, chacun sentira combien il est fâcheux de manquer d'un ressort d'opposition aux vandales , d'un jury examinateur des inventions, obligé de poser, en séance publique et en présence de l'inventeur, des questions dont la première serait celle-ci : est-il certain que l'auteur ait continué la théorie commencée par Newton , l'étude POSTFACE. 555 de l'attraction , qu'il l'ait étendue du matériel au passionnel ? Ensuite de la décision affirmative, d'autres questions succéderaient et le débat réduirait au silence la détraction qui a tout pouvoir tant qu'on ne lui oppose pas un contrepoids, tant qu'il n'existe dans le monde savant comme dans le monde commercial, qu'une concurrence de fraude, sous le masque de vérité et de liberté. Prenons en flagrant délit cet obscurantisme scientifique. Dernièrement un physicien de France , M. ARRAGO, démontrait (Annuaire du bureau des longitudes, 1829 ), que l'invention du mécanisme à vapeur est due à PAPIN, français natif de Blois: molesté d'abord par l'Académie des sciences de Paris, Papin fut accueilli en 1681 par la société royale de Londres

et 80 ans

plus tard, en 1764, Watt se fit passer pour inventeur de ce mécanisme qu'il avait un peu travesti, selon l'usage des plagiaires. Ainsi la France revendique après coup toutes les découvertes, même les minuties comme la soupe Rumford. Pourquoi donc estelle si vandale envers les inventeurs, qu'aucun d'eux ne peut, DE SON VIVANT, trouver accès et examen méthodique en France ? elle prétend aujourd'hui : Que la vaccine attribuée à Jenner, est du français RABAUD ; Que l'enseignement mutuel, attribué à l'école de Lancastre, est du français SAINT-PAULET; Que l'arbre encyclopédique attribué à Bacon, est du sieur SAVIGNY de Rethel; Que le bateau à vapeur n'est point de Fulton , mais du comte de Jouffroy, (Version de 1822); Que ledit bateau n'est ni de Jouffroy ni de Watt, mais de Papin mort il y a un siècle, (Version de 1829) ; Il faut donc qu'un inventeur soit trépassé depuis long-temps pour trouver grâce aux yeux des académiciensfrançais ! Là-dessus M. Arrago nous dit : L'homme de génie est toujours méconnu quand il devance son siècle dans quelque genre que ce soit. C'est la faute de ces corps savans que Thomas a dénoncés avant M. Arrago, en disant : « Le dernier des crimes qu'on pardonne est celui d'annoncer des vérités nouvelles. » Consentiront-ils à être justes dans cette circonstance, à faire examiner le calcul de l'attraction; ou bien suivront-ils leur méthode usitée, diffamer un inventeur dans les journaux et faire refuser l'insertion de sa réplique ? On ne voit autre chose en France que détraction dans le 556 POSTFACE. monde savant, fourberie dans le monde mercantile, et calomnie dans le monde électoral. Tels sont les trophées de la belle France régénérée par le commerce et la philosophie. Aucune classe n'est plus dupe de ces travers que les philosophes et les savans. Chacun d'entre eux pourra en harmonie se former un revenu (112) bien supérieur au médiocre budget de 400000 fr., qu'ils se partagent dans Paris. J'ai indiqué dans l'épilogue un de ces moyens de fortune colossale , j'en ajoute quatre. 2.° Lesrécompensesunitaires 112. Qu'unouvrage couronné obtienne l franc, par vote moyen des phalanges, c'est 500,000 fr. 3.° La vente directe. Si l'ouvrage est bon, la consommation de 7 à 8 exemplaires par phalange , fait 4 millions d'exempl. avec profit estimé cinq sous , c'est pour l'auteur deux millions de fr. Quel coup de fortune pour ces écrivains qui aujourd'hui se plaignent que tout le bénéfice est pour les libraires ! Quel motif pour ceux de Paris de prendre leurs mesures pour que la langue française soit adoptée comme langue unitaire provisoire , pendant le premier siècle d'harmonie ! Celte affaire importe, surtout aux journalistes de Paris, qui dans ce cas auraient subitement cours partout le globe

et qui verraient tripler le nombre de

leurs abonnés, du moment où la fondation d'une phalange d'essai près Paris, exciterait une curiosité ardente , et ferait oublier les vieilles disputes politiques, pour ne s'occuper que des approches du bonheur général. 4.° Autre amorce pour les écrivains : ils se plaignenttous de manquer de sujet; ils en sont réellement dépourvus. Ils auront, outre l'analogie 542 , beaucoup de sujets excessivement féconds , neufs et faciles , entre autres la glose critique des 4 sciences philosophiques. On en réimprimera tous les ouvrages notables, avec la glose en regard : (voyez-en deux exemples sur le Télémaque II, 553, et sur l'homme des champs, 617). Ce seul sujet pourra , pendant plus de vingt ans, entretenir de nombreux écrivains, avec débit à 20 par phalange, dix millions d'exemplaires. Enfin l enseignement sera une autre mine d'or pour les savans artistes et lettrés. Les sciences et les arts devenant productifs dans l'harmonie, il faudra que tout le peuple reçoive la haute instruction ; mais on n'aura pas le vingt-millième des instituteurs nécessaires : on se les disputera pour former des écoles normales de canton , pour inspecter des provinces , des districts

les moindres savans de nos cités obtiendront de forts dividendes sur plu¬ POSTFACE. 557 sieurs cantons , et par cette seule branche de travail, ils jouiront des bénéfices et du lustre dont jouit en France un grand maître de l'université. C'est donc à eux un acte de démence que de contrecarrer l'examen et l'essai de la théorie d'attraction industrielle. Duperie d'autant plus grande , que depuis vingt ans ils protègent une secte d'association fausse, dirigée par M. Owen

secte qui n'a

aucun moyen neuf. Il faut, à ce sujet conclure sur ce qui a été dit aux pages 5, 181 , 438 , et dessiller les yeux sur le compte de ces loups couverts de peaux de brebis. La crédulité qu'ils ont obtenue est un des indices les plus frappans de la cataracte intellectuelle qui offusque notre siècle. 2.e RÉFUTATION DES OWENISTES Depuis vingt ans environ, l'opinion est circonvenue par ces sycophantes de la secte OWEN , gens très-dangereux , non par le mal qu'ils font, mais par le bien qu'ils empêchent

car en persuadant que leur chef est un homme intelligent en mécanisme sociétaire

, ils ont tellement fasciné l'opinion, que chacun croit le problème entièrement résolu par la sagacité de M. Owen qui, loin d'avoir en association la moindre connoissance , est précisément à l'opposé des méthodesnaturelles , dans sa bizarre doctrine , réduite à trois thèses des plus saugrenues que j'examinerai à quelques lignes d'ici. On assure que la société qui le soutient à dépensé depuis vingt ans des sommes énormes, pour faire retentir les journaux des vertus de ce régénérateurprésomptif, et le faire présenter au congrès de Vienne et à divers souverains. D'autres disent que c'est luimême qui a fourni à tous ces frais , à l'aide de sa grande fortune

en ce cas, il est bien maladroit, car avec le quart des dépenses qu'il a faites pour être CANONISÉ TOUT VIVANT , il aurait pu fonder la véritable association , et s'élever au plus haut degré de fortune , à une gloire durable, méritée. Le public débonnaire, habitué depuis longues années à un chorus d'apologies sur ce nouveau thaumaturge, pense qu'on est un blasphémateur, si on ne considère pas M. Owen comme un saint

et qu'on est sacrilège, si on prétend donner sur l'association

, des lumières plus certaines , que ses diatribes contre la propriété, la religion et le mariage. Son plan de communauté a eu d'abordquelque vogue, parce que c'était un masque d'esprit départi, un voile du plan secret 558 postface. qui tend à détruire les prêtres et le culte. Cette perspective rallia au prédicant Owen toute la coterie de l'athéisme

quant à ses deux autres dogmes, celui de communauté des biens est si pitoyable qu'il ne mérite pas de réfutation

celui de suppression subite du mariage est encore une monstruosité.Voyez 182. La vraie association suivra les 3 routes opposées , I.° elle sera religieuse par passion, par conviction de la haute sagesse de Dieu dont elle recueillera à chaque instant les bienfaits. Le culte public sera pour elle un besoin

le moindre vicaire y jouira du sort actuel des évêques, et on sera obligé en France de créer par ordination accélérée, au moins trente mille prêtres, afin que chaque phalange en ait un nombre suffisantpour exercer en relais, sans assujétissement journalier à leurs fonctions. 2° En opposition à l'esprit de communauté, on excitera l'esprit de propriété par des coupons d'action , et des votes économiques , accordés aux prolétaires qui, par des économies assidues, auront accumulé le 12. du capital donnant vote en aréopage : on l'accordera aussi à beaucoup d'autres titres , afin de ne pas imiter les civilisés qui, dans leur système représentatif, n'estiment le mérite qu'au marc d'argent. 3°. Quant au mariage, ou a vu, 182 , qu'il sera avec le temps modifié, gradué et non pas supprimé; et l'on n'y touchera que par degrés dans la génération prochaine, lorsque les modifications auront été votées par 4. classes réunies, gouvernement sacerdoce, pères et maris, Toutefois c'est bien une preuve de la cataracte intellectuelle du siècle, que de s'être laissé abuser sur l'objet le plus important aumonde social, sur le mécanisme sociétaire, par un prédicant qui n'a ni doctrines neuves ni dogmes précis. Son plan de destruction des prêtres est un résidu de révolution : si on supprimait toutes les classes qui abusent de leurs fonctions, je ne sais quelle classe de civilisés pourrait être conservée. Son dogme de communauté est un réchauffé de Sparte et Rome ; celui de libre amour est de même un plagiat sur divers peuples 183, entr'autres les Népauliens, les Otahïtiens , etc. Le coté remarquable dans ces dogmes c'estl'ambiguité, les réserves d'escobarderie, les moyens de remanier le système selon les événemens. Ainsi en affaires de religion, Rob Owen ne renie pas positivementDieu, il le condamne seulement à garderl'incognito sans prêtres ni culte, jusqu'à ce qu'on ait statué sur le rôle qui lui sera assigné

rôle variable selon les progrès de POSTFACE. 559 la secte qui, dans le cas d'échec, lui accorderait une ombre de culte ; et dans le cas de succès , pourrait bien donner congé absolu à Dieu comme au sacerdoce ; car qui congédie l'un est suspect de vouloir congédier l'autre. Les dispositions de M. Owen sur l'amour tombent également dans le vague, l'ambigu et l'anarchie

on voit que ce novateur a

voulu, sur chaque dogme, se ménager des faux-fuyans , afin de de pouvoir modifier ses méthodes selon les circonstances. On le voit surtout dans sa doctrine de communauté des biens ; elle ne s'étend pas à toutes les classes de sociétaires

il en dispense les actionnaires, prévoyant bien qu'ils n'auront pas assez de philantropie pour renoncer à l'agio de leurs capitaux. Dans ses lubies morales, il veut persuader aux cénobites de New Lanark (pauvres tisserands allant nu-pieds en pays trèsfroid ), qu'ils vont entraîner le monde entier à l'imitation qu'ils vont convertir tous les voisins. Ces pauvres gens dépendant de lui pour la subsistance, n'ont garde de contredire ses sermons . mais on n'a pas vu depuis vingt ans, que leurs voisins, le duc d'Hamilton et les riches négocians de Glasgow aient renoncé à tenir bonne cuisine et bonne cave, qu'ils aient opiné à boire de l'eau claire et aller nu-pieds , pour s'élever à la hauteur de la philantropie owéniste. Il faut toute la bonhommie de notre siècle pour avoir admis comme voie d'association, ce réchauffé de lieux communs phi — lantropiques, ce ramas de paradoxes baroques , tel que celui qui prétend que les trois sources de mal en politique, sont la religion, la propriété et le mariage, et que leur suppression va nous élever au superlatif de la sagesse : risum teneatis! mais le prédicant qui débite ces fadaises , promet d'anéantir tous les prêtres

dès-lors c'est un colosse de vertu , au dire de quelques biographies

c'est un thaumaturge en régénération, c'est un astre moral devant qui pâlissent tous les flambeaux de vertu présens et passés. Je m'abstiendrais de réfuter celle chimère si elle n'eût mis en scène que des bizarreries sans conséquence, comme celles de son modèle W. PENN , qui défend de mettre des boutons aux habits, et ne veut d'autre couleur que du gris. Ces niaiseries morales ne causeront aucun préjudice au genre humain

mais la secte Owen a jeté les modernes dans un égarement funeste, en leur donnant le change sur l'importantproblème de l'association , en persuadant 560 POSTFACE. que tout est fait en ce genre d'étude, et que toute recherche serait inutile après M. Owen , génie sans pareil, foudre de philantropie, à qui on doit croire aveuglément sans aucun examen de ses moyens, sans tenir compte de l'expérience qui le confond depuis vingt ans , par le refus d'adhésion des sauvages et des civilisés voisins, en Ecosse et en Amérique. L'influence de ce sophiste, la confiance qu'il a usurpée, étant le principal obstacle à l'essai du régime sociétaire naturel, il importe de le réfuter exactement. Je résume par deux argumens sur la déraison et les escobarderies de sa doctrine. Il veut retrancher 3 parties d'un tout collectivement vicieux, retrancher du régime civilisé, le sacerdoce, la propriété et le mariage. Le restant vaudra-t-il mieux après cette suppression ? jugèons-en par un parallèle : qu'un homme soit atteint d'une contagion , peste ou fièvre jaune, sera-ce un moyen curatif que de lui couper un pied, une main et une oreille, parce que ces parties sont infectées du virus ? Chacun répond qu'il faut traiter le corps entier au lieu de faire une amputation de trois parties qui n'aboutirait qu'à tuer le malade. Il en est ainsi de la civilisation

c'est dans son entier qu'elle est gangrenée, et non pas dans telles parties exclusivement

les autres portions , le commerce, la finance, la judicature, la police, la diplomatie, et même la Cour, ne sont-elles pas encroûtées de vices comme les 3 que proscrit M. Owen ? Il faut donc purger l'ensemble au lieu d'en amputer trois portions. Si vous coupez quelques branches de l'euphorbe ou du mancenillier, l'arbre n'en sera pas moins vénéneux ; il faut le remplacerpar un autre d'espèce salubre. Voilà ce que ne peut promettre M. Owen

il ne connaît pas les sociétés supérieures à la civilisation XI. Il voit que le siècle raisonne confusément d'association , et il bâtit sur ce mot une chimère sociétaire, un régime tout monastique, étayé de quelques diatribes morales. Un siècle judicieux lui aurait dit, vous voulez comme les agitateurs de 89, débuter par détruire nos coutumes , quelle garantie donnez-vous de les remplacer utilement? vous parlez d'association, en avez-vous résolu les problèmes; et d'abord les deux principaux, ceux d'attraction insdustrielle et de répartition proportionnelle aux 3 facultés , capital, travail et talent ? C'est ici qu'on reconnaît son plan d'escobarderie

quant à l'attraction

, il répond ON TACHERA de rendre les fonctions attrayantes autant que possible ; mais tâcher n'est pas effectuer ; POSTFACE. 561 il y a 3000 ans qu'on TACHE de rendre les hommes vertueux, et l'on est moins avancé qu'au premier jour ; il faut des moyens absolument neufs et plus sûrs qu'une promesse de TACHER. Voyez ces ressorts aux chap. V et VI. (Les 3 passions mécanisantes , appliquées à des séries échelonées en double sens 76). En se bornant à tâcher, sans aucun moyen fixe, M. Owen a-t-il réussi à préserverses disciples des vices généraux, tels que le grivelage ? non, car ses élablissemens sont spoliés à tel point, qu'on ne dit mot du bénéfice, et que beaucoup d'actionnaires en retirent leurs fonds. Cependant le profil et les économies devraient être copieux dans des réunions excédant mille personnes ; mais il paraît que dans ces communautés morales, il se trouve parmi les gérans quelques philantropes un peu trop amis du bien commun, et mettant le bénéfice du coté de l'épée. Faut-il s'en étonner ? toute grande réunion industrielle qui n'est pas distribuée en Séries passionnées, est sujette à deux vices radicaux. Médiocrité de produit,faute d'attraction industrielle ; Gaspillage,faute de garantie sur la gestion. De là vient que les Owénistes ne font pas mention des bénéfices, ni des dividendes annuels , première chose dont ils devraient parler. Ils s'en tiennent à vanter les charmes de la philantropie, le bonheur d'être utile à la communauté dont quelques aigrefins soutirent les profits. Reconnaissons enfin que pour associer, il fallait découvrir une théorie régulière, mathématiquementexacte, et qu'on devait imposer des conditions; à défaut on verra vingt sophistesse flatter, comme M. Owen, qu'ils ont résolu le problème, et qu'on doit se fier aveuglément à leurs illusions philantropiques. Il n'en est rien

jai prouvé que la vraie science, en mécanique sociétaire, est partout d'une exactitude mathématique

notammentsur le problème

principal, celui de la répartition, chap. 34.° et 35.°, dont les Owénistes esquivent savamment la solution, au moyen de leurs dogmes de COMMUNAUTÉ. Je pourrais ajouter beaucoup de preuves de leur impéritie et de leurs intentions suspectes ; mais je crois avoir suffisamment désabusé cette multitude crédule qui, lorsqu'on parle d'association, répond : Eh! c'est M. Owen quifait l'association, il faut lui parler de cela. On peut voir maintenant quel rôle il joue en ce genre, 5 , 181 , 438 , le même rôle qu'ont joué les alchimistes avant la naissance de la chimie expérimentale, ou les magiciens 36 562 POSTFACE. avant la naissance de la médecine. Toute science, dans son origine , est la proie des intrigans , jusqu'à ce qu'on ait substitué une théorie exacte aux charlataneries. Faut-il s'étonner que la théorie sociétaire dont on ne s'occupe que depuis très-peu d'années , ait été, comme toutes les sciences , profanée dans sa naissance par les charlataneries! 3. DU SIMPLISME ou CAUSE DE LA CATARACTE. Ce reproche de cataracte intellectuelle, adressé à un siècle savant sur divers points, pourrait sembler indécent si je ne l'étayais de preuves très-palpables. Je serai bref sur ce sujet peu flatteur; il va débrouiller une vieille querelle qui s'élève entre chaque siècle et ses inventeurs. Tout siècle se hâte de dire que les inventeurs ont perdu la raison, parce qu'ils ne sont pas d'accord avec le préjugé d'impossibilité

mais d'ordinaire, c'est le siècle entier qui, comme au temps de Colomb , manque de raison. La cause de ces bévues générales, de ces faux jugements de la multitude , naît d'un vice que j'ai nommé SIMPLISME ou manie d'envisager en mode simple tout le système de la nature. Ce travers suffit à fausser les plus beaux génies ; c'est le péché originel de l'esprit humain. Par exemple, nos philosophes prétendent étudier l'homme, l'univers et Dieu , et ils font de Dieu une âme sans corps ; de l'homme, un corps sans âme ; et de l'univers, un vaisseau sans pilote, sans moteur, sans chef. Ainsi, l'homme, l'univers et Dieu seraient trois corps simples. Aujourd'hui les philosophes, par crainte de l'autorité, ont modifié ces doctrines; ils les désavouent au besoin, mais on sait quelles ont été leurs opinions dans les temps où régnaitsur ce point une pleine liberté, à l'époque du matérialisme et des dictionnaires d'athées ; on n'admettait pas même un Dieu simple, esprit sans corps ; encore moins un Dieu de naturecomposée, ayant âmeet corps. (Son corps est le feu). Même simplismedans les détails

ceux qui admettent l'âme

, ne lui attribuent qu'une destinée simple en ce monde, ils la condamnent à végéter sans retour dans l'état subversif, chaos civilisé et barbare. En étude de l'univers, ils admettentl'analogie nominalement, et ne l'admettent pas réellement, car ils contestent que le monde social ait, comme le monde sidéral, deux destinées figurées par les planètes et comètes. (Harmonie et subversion). Ils nient aussi PAR LE FAIT, que l'analogie s'étende aux substances dont notre globe est meublé, et qu'elles soient miroir des pas¬ POSTFACE. 563 sions, parce qu'ils ne savent pas expliquer ce miroir dans chaque animal, végétal et minéral. Leur intelligence est donc tout-à-fait faussée par la manie des jugemens simples qui ne savent pas assembler une conséquence avec un principe , et qui prônent tel ressort, commerce ou autre, sans tenir compte de ses résultats vicieux, comme fausseté universelle , etc., etc. C'est sur ce travers de jugemens simples que reposent les 4 sciences philosophiques

elles tomberaient du moment où on les soumettrait au jugement composé, exigeant le sceau de l'expérience, conformément à l'avis de Jésus-Christ et de Descartes, 436 ; elle frapperait de nullité toute science, morale, économisme, donnant des résultats contraires à ses promesses. On remplirait cent pages si l'on voulait donner un tableau de nos jugemens et méthodes SIMPLISTES , comme d'établir des garanties pour la classe riche , sans en établir pour la classe pauvre qui n'a pas même celle de travail et subsistance ; des garanties pour le sexe masculin, et non pour le féminin

accueillir des théories d'industrie qui repoussent toute étude sur l'attraction industrielle ; des perspectives de bonheur applicable aux civilisés et non aux barbares et sauvages ; des systèmes de moeurs qui veulent faire aimer la vertu simple, sans l'étayer du bénéfice et du plaisir, associer l'industrie sans associer les passions, établir le libéralisme et n'admettre pour base d'éligibilité que le marc d'argent

chercher des lumières , et n'estimer les écrits que selon le style. C'est par cette habitude de faux jugemens, que l'esprit humain s'est engouffré dans tous les ridicules , et dans un abîme intellectuel qui est la DUPLICITÉ D'ACTION. Il serait trop long de la définir ; j'en signale seulement les effets principaux, tels que contrariété de l'intérêt collectif avec l'individuel, 41

haine réciproque, 384, des trois classes qui composent le corps social ; dissidence entre les gouvernemens et les peuples

dissidence entre les sexes , dont l'un ne cherche qu'à opprimer le faible, et l'autre qu'à tromper l'oppresseur

dissidence de l'homme avec luimême, par opposition de la raison au voeu des passions ; dissidence de la science avec elle-même, par recherche de la vérité, et apologie du trafic ou mensonge; études pour le bonheur du peuple, et apologie de la civilisation qui ne donne pas même du pain au peuple. On n'en finirait pas du tableau de ces duplicités d'action ; c'est à tel point que dans une famille réunie on trou¬ 36. 564 POSTFACE. vera au moins douze duplicités, comme discord de la belle-mère avec la belle-fille, et discords de goûts en toutes choses, en éducation , comestibles , degré de chaleur des appartemens, occupations, délassemens, animaux, etc. La création a bien dépeint ce destin des sociétés actuelles

elle a soumis par analogie tout le mobilier du globe à la duplicité de système, et d'abord le matériel de l'homme qui tombe en duplicité parla double couleur des races blanche, noire et mixte ; par sa discordance avec les eaux de mer dont il ne peut pas s'abreuver, et avec les eaux douces qu'il ne peut parcourir faute d'amphibéité : ( elle ne tient qu'à l'ouverture de la cloison du coeur : c'est une des facultés dont jouira la race régénérée après douze générations passées en harmonie). Il sera curieux de rechercher la source de ces jugemens simples qui nous abusent sur le faussement évident du mécanisme des passions et des sociétés, sur le MONDE A REBOURS que le peuple entrevoit confusément, selon l'adage, un mal ne va pas sans un autre, Abyssus abyssum invocat. La philosophie, au contraire, loin de s'apercevoir que l'homme est fait pour un sort composé, bonheur ou malheur composé, et jamais simple, 413, persiste à nous vanter la simple nature qui est l'antipode de notre destinée. J'en ai dit assez pour convaincre que le reproche de cataracte intellectuelle n'est pas une facétie critique ; l'infirmité est bien régulière dans ses causes , ses développemens et ses résultats

car la civilisation et la philosophie seraient confondues dès le moment où on voudrait passer des jugemens simples aux composés, consulter l'expérience, mettre en parallèle, théories et résultats de nos sciences, dont l'une prêche la vérité et rend les nations de plus en plus fourbes, l'autre promet aux nations des richesses, et ne fait qu'augmenter le nombre de leurs indigens. Il y a certainement croûte de ténèbres sur les esprits d'un siècle qui ne s'aperçoit pas de cette subversion sociale

et l'honneur de dégager l'entendement humain de ce crétinisme scientifique, de lui

lever la cataracte du SIMPLISME, est une des palmes à faire briller aux yeux d'un fondateur. 4. DÉMONSTRATIONSFAMILIÈRES DE LA CATARACTE. J'ai abrégé sur la partie aride, sur l'analyse de la cause, dite SIMPLISME ; on sera mieux convaincu par quelques tableaux des effets

je vais les observer dans diverses branches de nos connaissances, en choisissantles ridicules à portéede tout le monde. POSTFACE. 565 Dénûmentmatériel. On nous vaille la richesse des nations, le lustre des sciences , et pourtant les grandes capitales, Paris et Londres , n'ont pas même de livres élementaires pour l'étude de la nature. Il faudrait un ouvrage contenant cent mille planches enluminées, comme celles du cerveau, par Vicq d'Azyr, et représentanttousles animaux, végétaux etminéraux, dans les diverses phases de leur carrière; plus, les explications annexées aux 100,000 planches. L'ouvrage contiendrait au moins mille volumes in-4.°

il en faudrait 2 ou 3 exempl. dans chacune des 500, 000 phalanges du globe ; ce sera un des premiers travaux de l'harmonie, travail bien impossibleen civilisation

elle ne pourrait pas , avec toutesses perfectibilités , subvenir au quart des frais qu'exige un tel ouvrage Ces frais seront une bagatelle pour l'harmonie sociétaire, qui aura sur la seule branche des colonisations attrayantes, un bénéfice de quatre mille milliards, somme inconcevable

mais on a vu , 550 , que dans les estimations , je cave toujours à demi, ou tiers, ou quart en dessous de la réalité. Dénûment intellectuel. On voit de bons écrivains se tourmenter toute leur vie à chercher un sujet, sans le trouver ; être réduits à des commentaires, des travaux de compilation , etc. On badinait les défunts Auger, Aignan et autres, sur ce que leur génie ne s'élevait pas plus haut que la notice

forcés de se rabattre sur les carrières épuisées , et voulant y paraître neufs, ils tombent dans les paradoxes les plus choquans

dernièrement un journal de Paris vantait un auteur dont je n'ai pas lu l'ouvrage, mais sur une citation d'une demi-page que donnait ce journal, je recueillis douze monstruosités très-applaudies des Parisiens, dont la première était celle-ci. ily a en effet unité dans la civilisation des divers états de l'Europe. Unité vraimentplaisante ! Chacun de ces états diffère en langage, en codes , en monnaies et mesures , en coutumes et en tout. Dans la seule France, on compte seize langues différentes

l'antipathie européenne pour l'unité est telle , que les Allemands qui occupent le centre, et qui sont réputés gens de bons sens, ne veulent pas adopter l'écriture romaine , généralement répandue dans l'Ouest et l'Amérique

et pourtant, ils se disent continuateurs de l'empire

romain. Ainsi, l'unité sur le seul point où elle ait fait par hasard quelque progrès , est repoussée par la nation qu'on croirait la plus sensée

qu'est-ce donc des autres qui ne veulent pas même adopter certaines unités justes comme celle du méridien de l'île de Fer ? 566 POSTFACE. Je ne cite là qu'une des douze absurdités recueillies dans une page de citations, combien en trouverais-je dans l'ouvrage que je n'ai pas lu

cette page était pourtant des meilleures

, car un journal apologétique choisit ce qu'il y a de mieux. Il est plaisant de voir l'avidité des Parisiens pour ces discussions parasites qui ne roulent que sur des faussetés ou des riens fastueusement présentés comme thèses transcendantes , quand il ne faut qu'une légère dose de sens commun pour y répondre ; jugeons-en par quelques assertions faisant suite à celle-ci. La civilisation est un fait général, complexe, difficile à décrire. Non , rien n'est moins difficile , on vient d'en voir une description très-exacte aux neuf chap. XLI à XLIX. Supposez celte matière étendue dans I , 2 , 3 volumes , ce qui serait très-facile, vous aurez une description précise de cette civilisation que je n'ai pu, faute d'espace, définir ici qu'en sommaire des sujets à traiter. La civilisation est-elle un bien, est-elle un mal, est-elle universelle, s'étend-elle au genre humain ? Questions oiseuses, vrai sujet de facéties et non de discussions. Il est clair qu'elle est limitée au 6.e du genre humain. Les paysans russes et polonais travaillant à coups de fouet, ne sont pas civilisés. Est-elle un bien ? oui pour quelques riches : estelle un mal ? oui pour l'immense majorité qui voit le bien-être dont elle est privée. La civilisation n'est un bien sur chaque globe, qu'autant qu'elle y dure peu , et qu'on atteint vite au 6.e échelon , Garantisme XI, à l'aide des sciences et arts qu'elle crée, 505 ; mais si elle se prolonge 25 siècles de trop, elle devient un fléau terrible, par les misères croissantes du peuple (36); par l'industrialisme qui opère la baisse du salaire, le retour à l'esclavage en bagnes mercantiles et agricoles; par la destruction des forêts, pentes, sources et climatures. Qu'on ose, après cela, mettre en problème si elle est un bien ou un mal! Tel est l'usage des philosophes, élever des controverses académiques sur de graves riens , et négliger toutes les éludes utiles; aussi n'a-t-on pas même déterminé l'ALPHABET NATUREL , encore pleinementinconnu. (Voyez note (1) ci-contre.)Nous avons pourtant des virtuoses en GRAMMAIRE GÉNÉRALE. Cette omission est un des indices les plus plaisans de le cataracte intellectuelle dont le monde savant est affligé. Que n'oubliera-t-il pas s'il oublie l'alphabet en grammaire , et l'attraction en étude de l'homme ? Veut-il donc en toute science prendre le roman par la queue, terminer par où il faudrait commencer ? POSTFACE. 567 Cette cataracte, cet instinct du faux qui dominedansle monde savant, me justifie assez du reproche d'irrévérence pour lui : (1) En harmonie l'une des premières opérations, sera de rassembler un congrès de grammairiens et naturalistes,pour composer une langue unitaire, dont le système sera réglé sur l'analogie avec les cris des animaux, et autres documens naturels. Ce travail sera à peine fini au bout d'un siècle; et pour l'achever, on aura une boussole certaine qu'il n'estpas encore temps de faire connaître. Bornonsnous ici à dissertersur le cadre de l'alphabet, base des études qui doivent concourir à la formationd'une langue générale. CADRE FIGURATIF DES LETTRES pour l'alphabetgénéral à 48 signes. Ambiguës majeures, ACH, HHA, mineures OOE, AN Chacune des 4 ambiguës comprend tous les sons qu on peut former en son genre; ainsi AN comprend les nasales, an, en, in, on, un. Il en est de même des sons oue, eue, ie, ée, ue, aie, etc., variétés de OOE, et des sons tels quea ohe, hohen, qui sont variétés des ambiguës HHA et ACH. Les huit FORCÉES en majeur et mineurcomprendront lessons bizarres, gloussemens et autres que forment les sauvages, les Arabes, etc. Les diphthongues ou voyelles combinées, n'ont pas place dansl'alphabet.Chacune des 12 voyelles peut former 22 diphtongues avec les 11 autres, et beaucoup encore par amalgame avec les ambiguës. Nous n'avons pas de signe indiquant le son blesse, I.re consonne ; je l'ai figuré par une lettre redoublée, zze, sse. Les consonnes et voyelles doivent être dualisées, assemblées par paires identi ques, en son fort et faible comme b, p. Je désigne par II, le 1 mouillé des mots paille, treille. 568 POSTFACE. dois-je féliciter un aveugle sur ce qu'il marche vers un précipice, et qu'il veut y entraîner avec lui d'autres aveugles ? mais il faudrait, dit-on, prendre des formes académiques; eh! si j'avais le Quieu et guieu ne sont pas lessons de Montesquieuet Périgueux qui emploient a voyelle u ; ceux-ci emploient l'eu bref, comme leur gueule. Ye est l'oye des russes, dansl'interjection aie, le mot rayon. Je n'ai pas admis en paire de consonnes les tch et dg des Italiens; ce sont es consonnesredoublées, et non pas des sons purs. D'autres pourront opiner dif- féremment; c'est là-dessus que s'établira la controverse. Je déclare moi-même que je ne soutiens pas cet alphabet, mais seulement le cadre auquel je l'applique, et auquel devra se conformer tout grammairien qui voudra modifier mon aperçu d'alphabet. Les sons de la parole sont une série mesurée de 3.° degré, et distri- buée en deux gammes et 4 sous-gammes, comme les 32 choeurs de phalange, p. 130, et comme les 32 planètes sur leur pivot ou soleil. Je dis 32 planètes, par- ce qu'il en reste 4 à découvrir, 1, 522, et que la lune Phoebé, astre mort, n'est plus à compter, son remplaçant VESTA étant déjà entré en plan, pour venir avec Mercure, Ceres,Junon et Pallas, se conjuguer sur notre globe, dès qu'il sera parvenu armonie , I, 532. Le s4 planètesinconnuessont, deux satellites d'Herschel,et tes deux ambigues de Saturne et Herschel. utre l'alphabet des lettres, il faudra créer celui de la ponctuation qui doit conne nombre de signes

il est inconnu à tel point que les Françaisn'ontque jept signes ponctuons, savoir, ; : . !?). Le crochet n'est plus en usage ; c'était e 8.e quant aux accens é è ê ë, ils sont signes de voyelles différentes, et non de ponctuation. Il en est de même de l'apostrophe qui exigerait un signe spécial et on une virgule exhaussée. Notre langue est si pauvre en ce genre, qu'on est igé d'employer ou le point ou les deux points

ce qui cause

une confusion. J' avais commence un travail surla gamme de ponctuation, je l'avais poussé à 25 signes, appuyés d'exemples dénotant le ridicule et l'ambiguïté de nos signes actuels

J'ai perdu ce travail avant qu'il fut achevé et je ne l'ai pas recommencé depuis. Observons à ce sujet que le premier de nos signes, le plus bas nommé vir- gule, doit être différencié au moins en quadruple forme, pour faire apprécier les différentes portées de la virgule, ses acceptions qui variant à l'infini, sont exprimées confusément par un seul signe

c'est le comble du désordre. Il en est de meme des autres signes, ils cumulent 3 ou 4 sens : la ponctuationcivilisée est un vrai chaos, comme l'orthographe, qui varie dans chacune des imprimeriesde Paris. L'Académieavec son principe obscurantde ne permettreaucunecorrection des vicesles plus saillans , a révolté les esprits à tel point qu'il en est résulté une rébel- lion générale, une anarchie universelleen grammaire. L'antipathie académique pour toute nouveauté utile, est au pointde maintenir tous les usages ennemis des arts, comme l'emploi de huit clés en musique,méthode si complicative qu'elle rebute les 9110 des élèves. Cette confusion ne tient qu'à la vicieuse coutume de noter sur onze lignes au ieu de douze dont deux seraient intermédiaires et espacées, entre les basses et les dessus. On n'aurait alors qu'une clé, en plaçant celle de SOL en Ier ligne e sera beaucoup mieux qu'en 2e, car aujourd'huiles modulations sont bien POSTFACE. 569 bel esprit des académiciens, je ne saurais fournir comme eux qu'un tribut de belles paroles et non de bonnes découvertes. Obligé de blâmer toutes les classes de savans , même les géomètres sur leur tolérance pour les 4 sciences trompeuses, je seplus élevées qu'autrefois, surtout depuis l'usage des pianos à six octaves. Voici un exemple de cette annotationou les deux portées de basse et dessus sont les mêmes pour l'oeil etla note. 1, 2, 3, 4, 5... 6, 7. .. 8, 9, 10, 11, 12. Clé de FA en 5e, clé de SOL en 8eligne. Lespartiesmixtes, ALTO, etc., notées ou sur 3, 4. 5. .. 6, 7 ; ou sur 6, 7. . . 8, 9, 10. Ici la méthode arrive à l'unité, parce qu'on emploie la gamme douzainale, selon le voeu de la nature.Je m'étonne que nos savans si ennemis des gammes et séries, n'aient pas envoyé au Soleil un huissier, pour lui signifier qu'il ait à devenir philosophe, et qu'il cesse de nousdéployer dans ses rayons une gamme élémentaire de 7 couleurs, les gammes étantréprouvées par les vrais philosophes. L'instinct du faux éclate dans toutes les habitudes civilisées comme dans la numération DIZAINALE. ( Je ne dis pas DÉCIMALE parce qu'on attache à ce mot un sens puissanciel.) La division dizainale est contraire à la nature et à l'économie , puisque douze est le nombrequi, en basse catégorie, contient la plus grande somme de diviseurs communs dans la moindre somme d'unités. Leur instinct pour le faux s'étend aux minuties de nul intérêt; ils ont choisi pour côté d'honneur la droite, quoique le viscère d'honneur, le coeur soit à gauche, et que la planète présente la gauche au soleil. Le génie civilisé toujours malencontreux en tous genres d'étude, même en mathématiques où une étourderie l'empêche de résoudre au delà du 4e degré, devient hésitant et pusillanime lorsqu'un coup de hasard l'entraîne dans la bonne route, dans l'attaque du préjugé : en voici un exemple récent. Janvier 1829. L'un des journaux de Paris, la Quotidienne, a osé soutenir une thèse des plus vraies, ( qu'elle a pu lire dans mon traité de 1822, ) c'est que toute concurrence illimitée en commerce, n'est autre chose qu'un piège. C'était choisir un thème brillant qui suffirait à confondre notre mécanisme commercial et industriel, notre MONDE A REBOURS : le journal qui abordait un si beau sujet, a semblé douter de sa force, et craindre le reproche d'hérésiephilosophique ; il a gâté sa thèse en y insérant des diatribes contre les machines fort innocentes des travers de nos sciences économiques ; il a fait comme feu Geoffroy, qui émit un jour une opinion fort juste, savoir

que le commerceest l'art de vendre six francs ce qui

en coûte trois. (Art de tous les accapareurs qui sont les seuls admirés, et titrés d'habile garçon , bonnetête ; art de tous les marchandsde liquides, qui fabriquant du vin avec quelques drogues et de l'eau exempte d'octroi, disenttrès-véridiquement, j'ai dansma cour une pompe qui me rend dix millefrancspar an. ) Leoffroy ne sut pas soutenir son opinion ; il se laissa battre par ses adversaires qui donnaient pas une raison valable. Ainsi la Quotidienne se laisserabattre sur la thèse la plusrégulière, la plus évidente. POSTFACE. rais réduit à torturer chacune de mes phrases, si je voulais user de ménagemens outrés ; j'en ai gardé beaucoup, en négligeant quantité de parallèles que j'aurais pu donner sur des philosophes existans qui, en écrits invoquent les lumières, les découvertes, et qui, en actions sont des obscurans éhontés; j'aime à présumer qu'il se trouvera parmi eux quelque juge ; équitable ; j'en ai déjà rencontré un seul dans Paris. Cette faible exception confirme la règle , et j'invite les savans , pour leur intérêt, à revenir de cette manie d'obscurantisme, dénoncée récemment par l'un d'entre eux, en ces mots : 555. L'homme de génie est toujours méconnu quand il devance son siècle dans quelque genre que ce soit; mais les autres hommes de génie n'ouvraient pas à tous les savans et littérateurs les chances de fortune colossale, 556, et les carrières de gloire que leur ouvre ma découverte : avis à eux de faire, pour leur propre intérêt, une exception à la coutume de zoïlisme qui, dans cette conjoncture, serait pour eux l'excès de duperie. 5. CANDIDATURE INDIVIDUELLE. C'est ici un appel à ceux qui veulent, SANS DÉLAI, obtenir la fortune et la gloire. J'ai dit que pour fonder l'association sur le globe entier, par une phalange d'essai, il faut le concours de quatre individus

I.° le fondateur ou chef de compagnie, 2.° le négociateur, 3.° l'orateur, (un homme peut cumuler deux de ces rôles ), 4.° l'inventeur,pour garantirl'établissement, des fautes de mécanisme, et de l'esprit philosophique ou action simple et fausse. Le négociateur est le premier qui doit opérer ; il faut pour ce rôle un homme en rapport avec les grands et les capitalistes, ou bien un homme investi de la confiance générale, comme le docteur Eynard , philantrope en actions et non en paroles On a vu, 137,que le capital doit être de quinze millions, maisil suffira bien du tiers pour commencer à fonder; car dès qu'on aura mis la main à l'oeuvre, les actions doubleront de prix ; la fougue s y mettra, et la compagnie vendra aisément au prix de VINGT MILLIONS sa réserve des deux tiers : ce sera dix millions de bénéfice , indépendamment des autres profits: jusque-là elle trouvera des fonds à 5 070 , si elle opère de manière à ne laisser aucun doute sur le succès , aucun soupçon d'esprit philosophique ou action simple, dans le mécanisme de la phalange d'essai. Le négociateur devra former d'abord une petite société d'adeptes , comme on en voit tant à Paris. Dans toutes les sociétés existantes , on pourra trouver facilement des prosélytes

car elles

POSTFACE. 571 sont toutes en fausse position , par la découverte du mécanisme d'attraction industrielle : citons-enseulement trois. I.° La société de MORALE CHRÉTIENNE ou ABOLITION DE LA TRAITE, est convaincue par expérience, que son plan est illusoire, que son entremise n'aboutit qu'à redoubler les horreurs de la traite, ajouter celle des blancs à celle des noirs. On vend a la Martinique des femmes de couleur, quoique libres. Il est donc évident que cette société est SIMPLISTE en méthode , qu elle prend les intentions pour des moyens ; et qu'il n'y a plus d autre voie pour aller au but, que la théorie d'attraction industrielle et de quadruple produit, entraînant les maîtres mêmes a proposer l'affranchissement. , 2.° La société D'ENCOURAGEMENTDE L'INDUSTRIE, est de même SIMPLISTE en méthode, n'encourageant que le matériel, que machines dont les progrès redoublent la misère desprolétaires. (Voyez l'Angleterre 35, 37 ). Il faut un moyen d'établir EN TOUS PAYS la hausse du salaire ; et l'on a vu que cet effet ne peut naîtr que de l'attraction industrielle. 3.° La société de GÉOGRAPHIE : Elle voit périr miserablemen tous les voyageurs,les MUNGO PARCK, les CLAPPERTON , etc., Il faut, pour garantir leur sûreté et les progrès de la science , policer subitement les barbares et sauvages de l'interie continents africain et autres ; le moyen ne peut être que le mécanisme d'attractionindustrielle : en repoussant cette methode , la société géographique tomberait, comme celle de morale tienne, dans le simplisme, ou illusion de tendre au bien p stériles discours, sans méthode efficace. Les autres sociétés seront également convaincues de simplisme, et la société d'essai, se peuplera de leurs scissionnaires( car les masses ne se convertissent pas) Celle d'agriculture en four sans doute bon nombre. D'après la théorie publiée , il est e que le mode actuel, en agriculture, est l'absence de toute ec mie et de toute raison , absence de moyens et de connaissanc la banlieue de Paris ne sait pas cultiver les pommes de terre. La réunion à former devra prendre le titre de socie RÉFORME INDUSTRIELLE, tendant à corrigerle systèmemorcele e mensonger qui règne dans toutes les branches d'industrie. Ell devra se pourvoir d'un journal qui sera bientôt le plus recherché par la facilité qu'offre la doctrine sociétaire, de frapper de ridic toutes les opérations et opinions tenant au système philosophique, 572 POSTFACE. au morcellement domestique et agricole, au trafic mensonger et à la manie d'irriter les partis politiques , sans jamais les concilier. Le négociateur, dansses propositions aux personnages compétens, devra faire valoir d'abord l'importance d'une innovation qui seule, pouvant concilier les intérêts des gouvernemens et des peuples, s'établira par tout le globe avec la rapidité de l'éclair

et le PIS-ALLERqui, dans le cas de fausseté du calcul de l'attraction serait de doubler, dès la première année, capital et revenu ; CAPITAL , par le tribut des curieux payans qu'amènerait le spectacle du concert des passions avec l'industrie

et REVENU

par les bénéfices matériels du régime des Séries, tout-à-fait inconnu en civilisation. En supposant donc le calcul faux , sous le rapport des effets d'attraction, il resterait juste, quant au mécanisme sériaire, et il élèverait le produit de la France, de six mil- liards à douze. BEAU PIS-ALLER. Quels que soient les hommes et les classes à qui s'adressera le négociateur, il pourra toucher au côté faible de chacun. Parlant a un prince, il lui représente l'éclat de la récompense, devenir empereur des empereurs, César ou Auguste , 271 et 38

à un ministre, il présente la perspective d'obtenir sous 2 ans un em- pire ou un césarat héréditaire

à un financier, l'honneur d'éteindre subitement toutes les dettes des nations , et de gagner une fortune proportionnée au service

à un banquier, tant de béné- fices, que j'emploierais une page à en donner la liste ; à un phi- lantrope voulant extirper l'indigence, on dépeint l'honneur de bannir a jamais ce fléau du globe entier, de l'anéantir dès la première année, ainsi que l'esclavage et tant d'autres écueils du pauvre génie philosophique ; à un prélat, l'honheur d'anéantir sans retourl'athéisme etlematérialisme

à un ambitieux qui con- voite un ministère, le charme de voir sous quelques mois tous les monarques et les ministres, l'accabler de décorations et de récompenses; à un philosophe, l'honneur de former école en un mois, entraîner tout, et prouver que cette philosophie moderne qui se dit ÉCLECTIQUE, n'est que SIMPLISTE, n'observant que les effets, que la superficie en mouvementsocial, sans étudier les causes, analysant les idées , au lieu d'analyser l'attraction moteur de l homme

étudiant l'attraction en mode simple , en matériel , au heu de l'étudier en matériel et en passionnel. Le négociateur aura quelques sophismes à réfuter; tels sent les trois suivans, très-familiers aux Français. POSTFACE. 573 1.° L'exception prise pour règle, c'est l'usage de tout ergoteur : l'exception confirme la règle, et n'établit pas une règle. 2.°L'insuffisance des ressources connues : On doit spéculer ici sur les ressources que fournit la Série Passionnée, moyen très-inconnu, et non sur les faibles ressorts de civilisation. 3.° Le défaut de fonds : Ils abondent quand on propose un placement sans hypothèque , tel que l'emprunt d'Espagne. Plus la chance est dangereuse, mieux les Parisiens y topent, même à des folies de 100 millions comme la rue Impériale du Louvre à la Bastille, même à des folies de 3 et 400 millions, pour la gloriole d'amener les grands vaisseaux à Paris , quand il suffirait de les amener à Rouen, de canaliser la barre de Quilleboeuf, et couper quelques isthmes. En affaires particulières, ils sont de même aventureux pour des entreprises sans gloire ou sans bénéfice majeur. ( Voyez p. 14 les brasseries et la société commanditaire). En duperies individuelles, on a vu récemment un pair colloqué pour 3 millions dans une affaire d'agiotage d'où il ne retirera peut-être pas le dixième. Ce ne sont donc pas les fonds qui manquent, mais le discernement en emplois

on n'incline que pour

ce qui est dangereux. Par indication du genre de candidats à rechercher, je vais citer quelques défunts. En Angleterre, lord Byron eut convenu pour orateur; il méprisait la civilisation. Quant au fondateur, le feu duc de Bedford, par sa fortune et ses inclinations vraiment libérales, eût été le mieux disposé. En France, le feu duc de la Rochefoucault pour fondateur, et le général Foy pour orateur, auraient entraîné la confiance, et décidé d'emblée la souscription. Il faut de ces hommes qui ont l'estime de tous les partis : j'en pourrais citer bon nombre parmi les vivans. Comme orateur, M. de Chateaubriand , par ses précédens, est l'apôtre naturel de la théorie sociétaire qui foudroie l'athéisme , et qui, en mécanique sociale, établit la suprématie de Dieu et l'incompétence de la raison humaine. S'il épousait cette noble thèse, il serait assuré du même succès, qu'obtint saint Augustin contre les faux dieux. Elle conviendrait de même à ceux qui se disent philosophes ECLECTIQUES

s'ils veulent choisir et assembler les bons ressorts, ils doivent, en attraction, assembler le passionnel avec le matériel ; et en industrie, combiner l'économie sociétaire avec la mécaniquematérielle , seule branche cultivée par nos industrialistes. On voit des Anglais DÉPENSER en frais d'élection 600,000 fr. 574 POSTFACE. en faisant l'AVANCE de 600,000 sur hypothèque , un d'eux formerait la compagnie , fonderait la phalange d'essai, et obtiendrait le sceptre omniarchal et héréditaire du globe; poste un peu supérieur à celui de député. Je désigne entre autres sir F. Burdett. Un moyen décisif serait de persuader un prince de haute influence ; pour peu qu'il prît la première action, les autres seraient placées le lendemain. ( On n'en devra livrer que le tiers). Parmiles monarques, l'opinion désigne le roi de Bavière. Je nommerais aussi les princes français, si quelqu'un pouvait leur faire savoir que la théorie du mécanisme sociétaire garantit la chute des systèmes philosophiques et des esprits de parti. Tous les monarques ont le même intérêt à celte métamorphose, depuis le plus grand, celui de Russie, pour peupler et tempérer ses vastes états , jusqu'au plus petit, celui de Saxe , pour recouvrer plus qu'il n'a perdu, obtenir le sceptre omniarchal. Les plus opulens, comme celui de France, manquent du nécessaire en impôt : la belle France, avec 1300 millions d'impôt, dont 1000 intra et 300 extra-budget, n'a pas de quoi payer les militaires; car on demande à ceux en activité, un abandon partiel de solde pour soutenir les retraités bien diminués par les décès : quant aux soldats , ils n'ont pas de feu dans leurs casernes pendant les plus grands froids

on ne leur donne qu'un

peu de charbon pour cuire la soupe , et passé ce tems, la chambrée est sans feu, ce qui cause beaucoup de maladies et de morts: s'ils se plaignent, on les met en prison, ou bien en Angleterre, on les accable de coups. Sir R. Fergusson a présenté en vain au parlement un tableau effrayant des tortures qu'on fait éprouver au soldat. Voilà le fruit des garanties du système représentatif ; il fait le bien du peuple en paroles, et le mal en réalité. En dépit de nos illusions de garantie, le mal fait dix pas en avant quand le bien en fait un. Combien les souverains si gênés auraient-ils besoin du régime sociétaire qui leur garantît le doublement de l'impôt effectif! Les partis politiques sont encore plus intéressés à un changement. Les libéraux sont sur un baril de poudre ; menacés comme les petits enfans , d'un ogre qui arrivera de Londres ou de Capharnaüm pour les dévorer. Tout régime contre lequel on peut machiner impunément, sera tôt ou tard anéanti : un ordre si précaire est indigne de confiance , il faut un régime fondé sur l'intérêt et l'adhésion passionnée des Cours : tout autre finira comme la charte POSTFACE. 575 Portugal, ou commeles stupides Cortès qui, au lieu d'armées, n'opposaient à leur ennemis que les discours d'Arguellès. Le libéralisme travaille , dit-il, pour le peuple , et il aboutit à maintenir l'impôt des droits réunis qui fait peser sur la classe pauvre tout le fardeau fiscal et tout le préjudice d'altération des comestibles et liquides. Plus on perfectionne le libéralisme, plus on voit s'accroître le gaspillage. La France dépense à l'entretien de 200,000 soldats le double de ce que coûte à la Prusse l'entretien de 500,000. Si les libéraux ignorent ce désordre, à quoi sert leur surveillance ; et s'ils ne peuvent pas y remédier, à quoi sert leurfaconde, leurpléthore de bel esprit dénué de génie inventif, ne sachant pas même inventerla 4.e phase de civ.? Chap. XLIX. Aux jours de leur influence, ils n'ont su pourvoir à aucun des besoins de la France, tels que division régulière et équitable du territoire, en remplacement des circonscriptions ridicules et gênantes qu'ont établies les constituans

reboisement des pentes et landes, par engagement solidaire des communes environnantes; code d'architecture pourvoyant à la salubrité , à l'embellissement et aux garanties réciproques, I , 563. Ils ne savent qu'irriter les maîtres, et faire peser leur colère sur quelques villes non protégées, dont le précédent ministère a détruit les fabriques et les établissemens. Bref, c'est un parti perdu par sa manie d'employer des philippiqueslà où il faudrait des inventions. En outre ils sont en mauvaise veine, échouant partout malgré quelques lueurs de retour ; ils conduisentla France au sort de la péninsule, faute de savoir inventer les moyens de rallier l'intérêt du peuple à celui de la cour. (Chap. 49 et 50). D'ailleursla tactique a passé du côté de leurs rivaux qui sont bien plus intelligens en fabrique de conspirations, en tocsin d'alarme, en diffamations, etc. Ce n'est pas avec de la justice ni de la raison, qu'on triomphe en civilisation

Canning le disait au parlement anglais. Cette situation critique des libéraux devrait en convertir quelques-uns , les convaincre de la nécessité de sortir de l'abîme civilisé, de fonder une des phases du tableau 552. Quant au parti opposé, il est comme ses rivaux assis sur un volcan. J'ai prouvé que son système d'obscurantisme et de rétrogradation ne le conduirait pas où il pense; diverses causes et surtout la complication financière, tendent à replonger l'Europe dans les révolutions, si on ne se hâte pas d'avancer en échelle. La vile politique anglaise attiserait tous ces fermens de trouble, pour 576 POSTFACE. favoriser la vente de ses calicos, en replongeant le continent dans la demi-barbarie de la péninsule. Elle aurait pu, par emploi du monopole composé, 524, ou système des libertés fédérales et de la réductiond'impôt, faire la conquête du globe presque sans combat. Les modernes ont manqué celle invention , en choisissant pourguides l'athéisme et le trafic, au lieu de choisir Dieu et l'honneur, de spéculersur la recherche du code divin et la répression de la fourberie mercantile. Combien l'un et l'autre parti, libéraux et absolutistes, avaient besoin qu'une découverte leur offrît le moyen d'échapper à eux-mêmes , à leur propre impéritie

qu'ils sont bien dignes tous deux du titre que leur donne l'Evangile , aveugles quiconduisent des aveugles! Ramenons-les en peu de mots dans la droite voie : que cherchent-ils l'un et l'autre ? des richesses, du pouvoir, des dignités. J'ai démontré qu'ils seront pleinement satisfaits dans le régime d'attraction industrielle. Mais on redoute les illusions , parce que le siècle a été mystifié depuis 20 ans par Rob Owen, sur l'association

c'est la faute du siècle. Il a mérité sa duperie en n'imposant aucune condition , en se déclarant pour l'homme , et non pour la chose, comme l'a fait la société coopérative de Londres

la voilà plaisamment désappointée maintenant que son patron est convaincu d'ignorance en association, et que ses vingt établissemens n'ont pu séduire aucune horde sauvage , aucune province de civilisés ! En terminant, rappelons aux savans, artistes, littérateurs, instituteurs, que c'est ici un coup de haute fortune pour chacun d'entre eux. Le ressort nommé Séries Passionnées créera DU PREMIER JET, EN 2 MOIS D'EXERCICE , le mécanisme sociétaire que les Owénistes n'ont pas su créer en vingt années de tâtonnemens

ils nous ont payés en fausse monnaie philantropique. LE NOUVEAU MONDE INDUSTRIEL, ou INVENTION DU PROCÉDÉ D'INDUSTRIE ATTRAYANTE ET COMBINÉE, DISTRIBUÉE EN SÉRIES PASSIONNÉES. Far Ch. FOURIER. Ce ne sont pas là des hommes ; il y a quelque bouleversement dont nous ne savons pas pénétrer la cause. J.-J. ROUSSEAU. Ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles. EVANGILE. LIVRET D'ANNONCE. PARIS. BOSSANGE PÈRE , RUE DE RICHELIEU , N°. 60. ET LES MARCHANDS DE NOUVEAUTÉS. 1830. IMPRIMERIE DE LACHEVARDIERE , RUE DU COLOMBIER, N° 3O , A PARIS. LA CIVILISATION CONDAMNÉE PAR SES PHILOSOPHES. 1. RACINE. Je ne sais, de tout temps, quelle injuste puissance Laisse , le crime en paix et poursuit l'innocence. De toute part, sur moi, si je jette les yeux , Je ne vois que malheurs qui condamnent les dieux. 2. J.-B. ROUSSEAU. Et l'aride vertu limitée en soi-même , Que sert-elle ? Qu'à rendre un malheureux qui l'aime, Encor plus malheureux. 3. MONTESQUIEU. Les sociétés humaines sont atteintes d'une maladie de langueur, d'un vice intérieur, d'un venin secret et caché. 4- J.-J. ROUSSEAU. Ce ne sont pas là des hommes , il y a quelque bouleversement dont nous ne savons pas pénétrer la cause. ÉVANGILE. Ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles. 5. BARTHÉLÉMY. Ces bibliothèques, prétendu trésor de lumières, ne sont qu'un dépôt humiliant de contradictions et d'erreurs. 6. VOLTAIRE. Montrez l'homme à mesyeux : honteux de m'ignorer, Dans mon être, dans moi, je cherche à pénétrer. Mais quelle épaisse nuit voile encore la nature ! 7. STAEL. Les sciences incertainesont détruit beaucoup d'illusions sans établir aucune vérité ; on est retombé dans l'incertitude par le raisonnement, dans l'enfance par la vieillesse. 8 . SOCRATE. Ce que je sais, c'est que je ne sais rien : j'espère qu'un jour la lumière descendra. EVANGILE. La lumière est venue dansle monde, et les hommes ont mieux aimé les ténèbres, parceque leurs actions étaient mauvaises. ST. JEAN, III. ( Ceci s'adresse à vous, philosophes obscurans, qui, ayant refusé de continuer le calcul de l'attraction, insultez celui qui l'apporte , et qui vous a suppléé dans cette étude méchamment retardée.) 9. BYRON. La vie humaine ( vie civilisée et barbare) est une fausse nature, elle est hors de l'harmonie universelle. 10. BIN. ST.-PIERRE. Quelques uns, fondés sur des traditions sacrées, pensent que l'état actuel est un état de punition et de ruine, et que ce monde a existé avec d'autres harmonies ( Primitive 588 : elles peuvent donc renaître). 11. NOM OUBLIÉ. Un jour viendra où les lumières les plus inespérées, les harmonies les plus sublimes , ne seront qu'un jeu pour l'esprit humain dirigé par des méthodes plus exactes. LE NOUVEAU MONDE INDUSTRIEL, OU L'AGRICULTURE COMBINÉE : Moyen d'appliquer aux travaux utiles toutes les passions et tous les instincts ; de créer l'industrie attrayante ou naturelle, et quadrupler le produit général par le mécanisme des SÉRIES PASSIONNÉES. LIVRET D'ANNONCE. « Le dernier des crimes qu'on pardonne , est celui d'annoncer des vérités nouvelles. » THOMAS. « L'hommede génie est toujoursméconnu quand il devance son siècle en quelque genre que ce soit. » ARAGO. Les chiffres isolés indiquent les renvois au Traité. Ici est la réplique aux détractions de la Revue Française. PRÉAMBULE. — Ce traité enseigne un art dont on désespérait, celui de réunir en gestion combinée des masses de trois à quatre cents familles agricoles et manufacturières, inégales en fortune ; et de quadrupler par cette réunion le produit de l'industrie générale qui, estimé en France à six milliards de revenu , s'éleverait à vingt-quatre milliards eu régime d'exploitation combinée. Cela est amplement démontré dans l'ouvrage auquel ce livret l 578 LE NOUVEAU MONDE 2 sert d'annonce. (On verra au dernier article pourquoi l'annonce ne peut pas être faite dans les formes ordinaires.) Il faut y dévoiler une intrigue de détracteurs qu'on ne pourrait pas démasquer par voie des journaux. J'en donnerai connaissance aux parties intéressées , dans un des derniers articles ; mais avant de nous occuper du vandalisme , parlons de la découverte qu'il veut étouffer. Envisageons d'abord les deux résultats principaux : attraction industrielle et quadruple produit ; l'art de faire adopter subitement l'industrie par tous les peuples indolens ou inertes , par les nations sauvages, nègres et tartares ,par les fainéans Espagnols et autres. Le quadruple produit qu'on obtiendra de ce nouveau régime industriel, mettra fin à tousles embarras fiscaux et plaintes sur l'impôt ; en effet : le fisc, en France, percevant avec peine un milliard sur six , prélèverait fort aisément deux milliards sur vingt-quatre : ce serait un dégrèvement de moitié, une réduction du 6e au 12e. Dans ce cas, en supprimant tous les impôts onéreux , droits réunis, sels, douanes, etc. , que j'évalue à deux cents millions, le fisc aurait encore dix-huit cents millions de revenu , et ainsi des autres empires. Il serait aisé d'éteindre en peu de temps les dettes publiques, d'indemniserles classes lésées , rentiers consolidéset autres , et de recouvrerles mauvaises créances, Espagne, Haïti , etc. ; car ces régions très fertiles deviendraient tout-à-coup opulentes parl'attraction industrielleet le quadruple produit. D'après ces aperçus on peut juger si la théorie est digne d'examen. Le côté brillant de celte découverte est que. le régime d'agriculture combinée ou travail attrayant s'établira avec la rapidité de l'éclair. Quand on aura vu , par un petit essai sur cent vingt à cent cinquante familles, le quadruplement effectifdu produit, et l'industrie devenue plus attrayante que nos jeux, bals et spectacles, il ne sera pas besoin de décrets pour répandre partout ce bel ordre. L'invention en est due à une continuation de la théorie de Newton, qui , en attraction , n'a expliqué que la branche du matériel ; il restait celle des passions et instincts ; en l'étudiant par analyse et synthèse, on y découvre les règles du mécanisme d'industrie combinée , distribué en séries de groupes contrastés : 3 INDUSTRIEL. 579 c'est la destination du genre humain , l'ordre assigné par Dieu à nos relations : hors de cet ordre , l'industrie est répugnante e repoussée par les sauvages et les classes libres

elle est le supplice des peuples. Grâces à l'industrie attrayante , l'esclavage va être supprimé par toute la terre ; les maîtres , empressés de jouir du quadruple produit que donne le mode combiné, offriront la liberté aux esclaves , saufrançon payable par annuités; les maîtres seront assurés que l'affranchi n'abandonnera pas le travail exercé en séries passionnées , car il est plus séduisant , plus intrigué que nos divertissemens des villes et des campagnes. Un inconnu , annonçant une découverte qui doit quadrupler le produit, est d'abord suspecté d'exagération , d'illusion gigantesque ; mais d'où vient que cette même annonce de quadruple produit trouve pleine croyance quand elle est faite par quelque privilégié académique ? En voici un exemple récent : Les journaux d'août 1829 ont retenti d'un écrit de M. Moreau de Jonnès , démontrant que les prairies artificielles bien cultivées élèvent au quadruple la récolte de fourrage et le produit des troupeaux. Est-ce donc sur les troupeaux seuls qu'on peut quadruplerle revenu ? N'est-il pas vingt autres branches d'industrie, et d'abord celle des travaux de ménage, où l'on pourrait, par le régime combiné , décupler le produit et les économies ? Au lieu de trois cents paysannes allumant trois cents feux et employant trois cents marmites pour cuire trois cents mauvaises soupes, il suffirait de sept femmes , sept feux et sept bassines pour préparer un bon assortiment de potages et bouillons de divers prix , à option. Les frais de main-d'oeuvre , d'ustensiles et de combustible se réduiraient au vingtième tout compensé. On peut lire ( Préf. 18 à 32 ) un ample tableau de ces bénéfices possibles sans travail, comme sur la pêche des petites rivières dont on décuplerait le produit , en se bornant à ne rien faire , à ne pêcher qu'en temps opportun ; qu'en dose convenue ; à ne pas prendre le fretin ; à donner à la chasse aux loutres le quart du temps qu'on perd à détruire le gibier. Combien d'autres améliorations peuvent être faites sans travail ! Trois cents murs de clôture dans une bourgade seraient mutiles si le vol était impossible, comme il le sera dans le régime I. 580 LE NOUVEAU MONDE 4 combiné ; il suffira de placer autour des bâtimens et jardins de la réunion une haie vive , au lieu de trois cents murs d'où résulte triple dommage ; frais de construction , frais d'entretien, vices d'ombrage et d'humidité. En construisant ces murs, on a donc fait mouis que rien, puisqu'on en recueille trois dommages, sans aucun produit positif donné par le mur qui n'est que préservatif contre la dent et le vol, mais non pas productif. Le commerce est encore une fonction qui fait moins que rien : s'il y régnait une pleine garantie de vérité , telle que la valeur des objets mis en vente fût connue de l'acheteur aussi bien que du vendeur, les fourmilières de marchands seraient inutiles , il suffirait d'un entrepôt sans capitaux ; et dans la seule France, on verrait cinq cent mille individus retourner à l'agriculture; les capitaux seraient offerts aux campagnes , qui aujourd'hui ne peuvent pas s'en procurer à 6 p. % , quand le commerce en regorge à3 p. °/0. Et dans les branches de commerce qui semblent utiles, tout n'est que service parasite. Mille paysans et paysannes viennent au marché apporter légumes, fruits et laitages ; vendre le grain sac par sac : cette cohue seraitremplacéepar une dizaine d'hommes et de chars à soupente , qui distribueraient en peu d'instans , à des ménages de deux mille personnes , et vendraient des parties de grain sur échantillon. Mais que servent toutes ces utopies, si on ne découvre pas le moyen d'exécution ? Le tort des académies est de se repaître ainsi de belles perspectives sans chercher le ressort qui les réalise toutes, le régime combiné. Elles l'auraient trouvé si elles eussent observé leur précepte d'explorer en entier le domaine de la science: QUAERITE ET INVENIETIS. Au lieu de suivre ce précepte d'exploration complète , chacune des quatre sciences philosophiques a négligé et repoussé la principale branche d'études qui lui était assignée selon ce parallèle : SCIENCES FAUSSES. SCIENCES EXACTES. Moralisme. Analyse de la civilisation , section VI. Politique. Théorie des garanties positives. Économisme. Id. des approximations sociétaires. Métaphysique. Id. de l'attraction passionnée. 5 INDUSTRIEL. 581 Je définirai ailleurs ces quatre sciences (1). Je passe aux vices de l'industrie civilisée

elle est devenue si abusive, que ses partisans mêmes en sont confus. L'Angleterre emploie deux cents millions par an à secourir ses indigens, sans pouvoir y suffire : ses légions d'ouvriers manquent périodiquement de travail et de pain ; renfermés dans des ateliers malsains, où on les fait travailler à coups de fouet pendant 16 et même 19 heures par joué ( Préf. , p. 35), ils courent encore le risque d'être frustrés périodiquementde ce travail qui fait leur supplice. Tel est le régime odieux que la France et l'Europe s'efforcent d'imiterpar concurrence( Préf. 37), par servilité et moutonnerie : fâcheux effet de l'esprit mercantile ! Le premier qui fait le mal entraîne tout à l'imitation , comme on le voit au sujet du (1) Préludons par quelques indices. On verra dans le traité annoncé, I° Que la civilisation , sur laquelle on a écrit tant de milliers de volumes , est tout-à-fait inconnue

on peut en juger par la section VI, où

je définis les genres et espèces de caractères qui constatentson progrès ou son déclin, et l'erreur des philosophes qui la font rétrograder en croyant lui donner un vol rapide ; 2° Que les garanties sociales dont on raisonne à tout propos( car il n'est bruit que de garantie, contre-poids, balance, équilibre) sont si nulles, que le député Dupin aîné a dit à la tribune

« Toutes les garan- » ties que nous avons cru établir ne sont que des illusions. » Il est donc évident qu'on a manqué la science des garanties positives. 3° Il est de même évident qu'on a été pendant quinze années dupe de M. Owen , qui voulait faire des tentatives de ménage combiné ou sociétaire , des approximations; il n'avait point de théorie certaine , il a échoué: c'est donc une troisième science qui nous restait à découvrir. 4° Il est également certain que nous avons laissé à moitié chemin le calcul de l'attraction commencé par Newton ; et que pour l'achever, il faut explorer la branche des passions et instincts, déterminer le mécanisme auquel ils tendent: c'est une quatrième science neuve, et j'en citerais bien d'autres dont la plus brillante est celle de l'analogie, pronostiquée par Schelling 16 et Delaplace. Des lecteurs orgueilleux sont choqués de cette annonce de tant de sciences nouvelles. Si je n'apportais pas des sciences neuves, des méthodes neuves , mou titre de Nouveau Monde serait une jactance. Le Nouveau Monde continental nous donna des nouveautés précieuses , pomme de terre , vanille , cacao, tabac , quina , cochenille , vigogne , platine, etc. : le nouveau monde scientifique et industriel doit nous donner de même cent nouveautés inespérées. 582LE NOUVEAU MONDE. 6 pain empoisonné : c'est une découverte que le génie mercantile a faite récemment à Bruxelles , d'où elle va se répandre en tout pays. Déjà dans la petite ville de Calais la police a reconnu que sur quinze boulangers arrêtés pour ce crime , il y en avait treize d'empoisonneurs. Bientôt l'empoisonnement sera aussi général sur le pain qu'il l'est sur le vin. Cette manie de fraude est un résultat inévitable de la concurrence outrée et du vice de population excessive , dénoncé avec raison par M. Malthus. On a étouffé sa voix comme on étouffe toute vérité : la philosophie n'en supporte aucune ; mais pourquoi M. Malthus se borne-t-il à dénoncer un des écueils de l'industrialisme, au lieu de les signaler tous ? L'industrialisme est le ramas de tous les vices , falsification , monopole , banqueroute , agiotage, accaparement, usure ; il est devenu depuis peu un levier d'agitation politique , un brandon de guerre civile et religieuse. Déjà on a vu un économiste , SAINT-SIMON, demander que le Roi congédie toute sa cour, noblesse , clergé , magistrature , etc. ; qu'il livre les finances , et , par suite, le gouvernement aux boutiquiers des rues Saint-Denis, de la Verrerie et des Bourdonnais; qu'il forme de ces boutiquiers un conseil superposé aux ministres ; qu'on déclare hérétiques le pape, les cardinaux , tous les catholiques et tous les protestans, et qu'on adopte une nouvelle religion de la fabrique de M. SaintSimon , à qui succéderont vingt autres fabricans de religions: beau germe de guerre civile si on veut les écouter tous. La nouvelle chimère d'industrialisme est déjà méprisée dans l'Angleterre même qui l'a produite; ses économistessont stupéfaits de leur impéritie , et tâchent de s'excuser en disant avec Dugald Stewart, « que leurscience est bornée au rôle passif; que sa tâche est limitée à l'analyse du ma! existant. » C'est parlercomme un médecin qui dirait

«

Mon ministère se borne à faire l'analyse de votre fièvre , et non pas à vous en indiquer le remède. » ( V. préf. 59.) D'autres économistes ont fort bien entrevu ce remède qu'on ne veut plus avouer aujourd'hui, parcequ'il exige quelques recherches. Il y a environ trente ans qu'un journal français, la Décade philosophique , effleura le problème ; elle démontrait qu'on obtiendrait quadruple revenu sur l'ensemble de l'industrie, si l'on savait associer en travaux agricoles et domestiques des INDUSTRIEL. 385 7 masses nombreuses d'environ deux mille personnes , et que leurs bénéfices, leurs économies,s'élèveraient,dans diverses branches, au décuple, au vingtuple. Maisla Décade s'effraya des obstacles; elle en vint au refrain chéri des Français , à l'excuse d'impossibilité, mystères impénétrables, désolante énigme des passions. C'était avouer que pour associer et combinerles travaux de trois à quatre cents familles, il y a une découverte à faire sur l'emploi des passions et instincts, sur l'art de les appliquer à l'industrie et les concilier avec les inégalités de fortune. Ce que rêvait alors la Décade peut aujourd'huis'effectuer subitement, au moyen d'une théorie manquée par Newton et ses continuateurs : c'est le mécanisme des passions et instincts appliqués à l'industrie ; l'art de rendre les travaux agricoles , domestiques et manufacturiers plus attrayans que ne sont nos fêtes, bals et spectacles. Tel sera le fruit d'une disposition nommée sériespassionnées , décrite au Traité : c'est la boussole économique et sociétaire ; elle ne comporte aucune égalité, aucune des dispositions monotones et oppressives qu'entraîne la distribution par famille. Sa propriété la plus surprenante sera d'entraîner les enfans au travail dès le plus bas âge, dès qu'ils marcheront (Sect.III) ; on les verra dédaigner tous les jeux de l'enfance actuelle, et se passionner pour les travaux utiles , à tel point qu'un enfantsera, dès l'âge de cinq ans, très adroit dans une vingtaine de métiers dont chacun lui suffirait aujourd'hui pour moyen d'entretien. On reconnaîtra alors qu'il n'existe point de paresseux, ni parmi les pères , ni parmi les enfans; mais pour développer leurs instincts , et les appliquer à l'industrie, il faut leur présenter le mécanisme voulu par la nature, les séries passionnées. Jamais les hordes sauvages n'adhéreraient à l'industrie morcelée , qu'on nomme civilisation ; et si les États-Unis veulent se délivrer promptement du fâcheux voisinage des Cannibales de l'ouest, ainsi que des Creeks, Chérokées , Osages, etc. , il faut leur présenter l'industrie naturelle et attrayante, distribuée en séries passionnées, ils l'adopteront à l'instant. Je reviendrai, à la fin du livret (article Candidature), sur les intérêts des empireset desindividusà effectuerpromptementcette fondation d'essai. Signalons d'abord les fautes commises dansles études relatives à l'industrie. 584 LE NOUVEAU MONDE 8 ARTICLE Ier. — Distinction du modeJuste et du mode faux en industrie. Rang subalterne de la civilisation en échelle du mouvement. Ce n'est guère que depuis un siècle qu'on s'occupe d'industrie. Eh ! qu'a fait sur ce point la science dite Économisme? Elle a sanctionné tous les vices qu'elle a trouvés dominans ; cherchant à se dispenser d'inventions, elle a admis pour base de système l'industrie brute et ignare ; le morcellementdes cultures et ménages; l'anarchie commerciale ou lutte de fourberie ; la concurrence outrée , qui réduit les salaires au plus vil prix ; la population illimitée , qui amène bientôt le peuple à la misère ; car, s'il est vrai, selon M. de Sismondi, « qu'il suffit du quart des hommes existans pour entretenir en nombre la population, sans contrevenir aux lois du mariage, » il faut en conclure que la population doit quadrupler en trente-deux ans là où il y aura dose suffisante de subsistances, et action des quatre quarts dn sexe masculin. C'est un argument si foudroyant pour les économistes , qu'ils ont excommuniéMalthus lorsqu'il a osé dire la vérité sur cette importante question. Dès le commencement du 19° siècle on s'aperçut que la masse des prolétaires allait augmenter considérablement, par double cause, par influence de la vaccine, qui préserve les enfans du peuple, et par extension des manufactures dépréciatives, qui réduisent le salaire de l'ouvrier et l'envoient mourir de faim quand il plaît au fabricant de ne plus l'employer. Il en résulte de graves embarras pour l'administration , qui souvent a surles bras des milliers d'ouvriers sans travail, poussés au crime par la famine. On avaitreconnu dès l'an 1801 qu'il faudrait trouver un moyen de faire vivre économiquement ces masses d'ouvriers, en formant des ménages combinés ou sociétaires de quinze cents à deux mille personnes, dont les frais ne s'élèveraient qu'au dixième , et qui garantiraientsubsistance et emploi dans les crises de stagnation. Il eut fallu mettre au concours celte recherche , les économistes auraient dû s'en occuper, toute affaire cessanté ; mais ils trouvent plus commode de faire des systèmessur 9 INDUSTRIEL. 585 le morcellementindustriel, que desrecherchessur la combinaison industrielle. Pour concilier ces grandes réunions, il faudraitsavoir prévenir le vol qu'exercent les chefs , et concilier les prétentions de chacun. La problème effraya la Décade philosophique

elle lâcha pied sans combat ; elle sema le découragement. Peu de temps après , un sophiste audacieux, M. Rob Owen , spécula sur ce besoin du siècle ; il prétendit avoir trouvé le procédé sociétaire . le mécanisme convenable à de grandesréunions : c'était une charlatanerie évidente. Quels moyens donnait-il pour associer? trois monstruosités politiques: I° l'abolition des cultes et des prêtres ; 2° la communauté des biens; 3° la suppression du mariage. Avec ces trois idées saugrenues,il se flattait de régénérer le monde social, et de conduire tous les peuples au vrai bonheur de l'association, C'était le pendant de Crispin qui promet de guérir toutes les maladies avec trois mots : Microc, Salam, Hippocrata. Jamais prédicant n'obtint une vogue si subite , si colossale que M. Owen. Il fut présenté au congrès de Vienne et à divers Souverains ; trente journaux d'Europe embouchèrent la trompette pour célébrer ses vertus ; c'était un nouveau thaumaturge , un messie social, un foudre de philanthropie, un astre philosophique devant qui pâlissaient les renommées présentes et passées. Le prestige a duré quinze ans, jusqu'à ce que l'expérience ait confondu cette charlatanerie. Les établissemens de la secte oweniste sont en dissolution complète. Leur doctrine régénératrice n'a abouti qu'à engraisser quelques chefs qui se sont emparés des bénéfices , tout en prêchant la communauté des biens et la douce philanthropie. Comment se fait-il qu'une telle jonglerie ait usurpé la faveur, au point d'exciter de fortes émigrations, des légions de dupes qui allaient sur les bords de l'Ohio chercher le vrai bonheur dans la communauté des biens ? C'est que M. Owen avait l'appui du parti philosophique ; il promettait de supprimer les cultes et les prêtres; on espérait qu'il fonderait une nation d'athées et matérialistes , car la doctrine Owen est un athéisme déguisé, qui aurait levé le masque plus tard , et engendré une guerre civile et religieuse , lorsque la secte aurait été en force. Il est pro¬ 586 LE NOUVEAU MONDE 10 bable que cette secte était soutenue en secret par un comité d'athéisme qui subvenait aux frais. S'il existait une société d'opposition aux doctrines philosophiques , elle aurait facilement confondu M. Owen , et prouvé que ses jongleries philanthropiques n'avaient aucun rapport avec le problème d'associer, de combiner en gestion agricole et domestique des masses de trois à quatre cents familles inégales en fortune ; cette combinaison repose sur l'accomplissement des conditions suivantes : I° Garantie contre le larcin et contre l'intention de larcin , par impossibilité d'emploi des objets volés; 2° Répartition satisfaisante aux trois facultés industrielles de chacun , au capital , au travail et au talent ; 3° Concours de l'intérêt collectif et de l'intérêt individuel

ils sont toujours en opposition dans l'ordre civilisé ; 4° Mécanisme d'attraction industrielle , garantissant la persistance du peuple au travail, malgré l'avance d'un minimum d'entretien décent; 5° Concurrence appréciative , au lieu de la dépréciative ( celle des économistes ) , qui conduit par degré? le peuple à la misère , en opérant la baisse de salaire et l'avilissement du travail ; 6° Voie de fortune par la pratique de la vérité , et de ruine certaine par la pratique du mensonge; 7° Eclosion précoce des instincts ( Préf. 48) , leur application à l'industrie dès le plus bas âge : Section III ; 8° Emploi opportun des sexes et des âges toujours déplacés en civilisation , où le sexe masculin envahit tout, même les menus travaux de femme et d'enfant ; 9° Équilibre et limite de la population , dont l'accroissement indéfini rendrait illusoires toutes les voies de richesse, et désunirait les réunions sociétaires. Telles étaient les premièresconditions (il en est bien d'autres) à imposer à tout fondateur sociétaire. On examine rigoureusement un aspirant à l'état de médecin , avocat, ingénieur ; il fallait d'autant mieux scruter et peser les moyens d'un homme qui annonçait une découverte aussi précieuse que celle du mécanisme sociétaire. Mais cette Europe qui se vante de raison, IIINDUSTRIEL. 587 et qui conteste au pape l'infaillibilité, a proclamé l'infaillibilité de M. Owen ; sans aucun examen , on l'a déclaré inventeur en association , quoiqu'il n'apportât , au lieu de théorie , que des lieux communs de morale et de philanthropie, éludant tous les problèmes, entre autres celui de l'attraction industrielle dont il disait: « On tâchera de rendre les travaux attrayans. » Tâcher, n'est pas un moyen , c'est l'effet d'une absence de moyens. Son système est l'habit d'Arlequin , une rapsodie de toutes pièces; pas une idée de son crû. Il emprunte à Lycurgue et Pythagore la communauté des biens; aux soi-disant espritsforts l'abolition des cultes; à M. de Senancour et aux Otahitiens l'idée de libre amour ; il établit cette liberté sans connaître aucun contre-poids à l'orgie amoureuse corporative ( elle ne manquerait pas de naître parmi les owenistes , comme à Otahiti, et d'envahir l'influence). Il a fallu chez notre siècle une forte dose de crédulité pour voir dans ce galimatias de doctrines empruntées une méthode sociétaire. Quel rapport ont ces dogmes avec les neuf conditions imposées ci-dessus ? Au résumé, M. Owen était un sophiste aventureux, tourmenté , comme W. Penn, de la manie de fonder une secte, la mettre en crédit par quelques bizarreries adaptées aux diverses classes dont il avait besoin , savoir : Abolition des cultes et des prêtres, pour gagner les philosophes; Communauté des biens , pour amorcer le peuple ; Suppression du mariage, pour séduire la jeunesse. Il a donné à ce ramas de monstruosités le nom d'association, nom profané aujourd'hui, tant par la secte Owen que par les ligues politiques au sujet de l'impôt. C'est maintenant un mot vide de sens ; je regrette de l'avoir employé dans mon traité, et j'y substitue dès à présent celui de Combinaison industrielle. Rien ne sera plus aisé que de l'étendre au monde entier , par un petit essai sur cent cinquante familles pauvres qui , dans leurs travaux de culture et ménage, établiront le mécanisme des séries passionnées dont je vais traiter au deuxième article. Il faut préalablement donner connaissance du rang que cet ordre combiné occupe dans l'échelle du mouvement social 588 LE NOUVEAU MONDE 12 fort inconnue de nos sciences , qui ont cru que la barbarie et la civilisation étaient la destinée ultérieure du genre humain. Echelle du 1er âge du mouvement social, divisée en neuféchelons ou périodes , chacune de quatre phases. Nota. La lettre S. indique les périodes organisées en séries passionnées ; la lettre C. indique les rangs des créations passées et futures; la lettre P. et ses chiffres indiquent le produit que donnerait la France dans chacune des périodes, à estimer six milliards son revenu actuel. Chacune des périodes a quatre phases correspondantes aux quatre âges de l'homme. La civilisation est en troisième phase, ne sachant pas s'élever en quatrième. Chaque phase d'une période sociale est distinguée par des ca- ractères très différens (voir 458 ceux de chacune des phases de la civilisation ). Les trois périodes 6, 7, 8, ne sont pas encore écloses, nos sciences immobilistes n'ayantsu nous conduire qu'à l'échelon5 , nommé civilisation , dont la naissance fut effet du hasard et non de la science. L'échelon O indique l'époque où le globe fut meublé d'une création d'essai en grand échantillon , dont on trouve des monumens, des fossiles gigantesques, des crocodiles de cinquante pieds de long ( voir 529 ). Les créations 2e et 3e faites , la 2e, 3 INDUSTRIEL. 589 sur l'ancien continent, la 3e sur le nouveau , forment notre mobilier actuel, et nous n'en recevrions point d'autre avant d'arriver à la période 7e ; elle amènera la création n° 4 , qui attaquera et détruira les méchantes créatures actuelles , ramas d'horreurs et d'immondices , quarante-cinqespèces de crapauds, quarante-deux espèces de punaises, cent trente espèces de serpens, etc. La création n° 5 sera magnifique et donnera d'immenses richesses : nous pourrons la voir commencer au bout de quatre ans, lorsqu'on organisera la période 8e. Eh d'où tenez-vous ces étranges documens ? dira la critique. Pour savoir d'où je les tiens, il faut lire le traité annoncé par ce livret. Continuons. Les périodes 3 , Civilisation , 4, Barbarie , 5 , Patriarcat, qui composent l'industrie mensongère ou état faux , ne reçoivent point de création , parcequ'ellessont un état de scission avec la nature ; scission bien prouvée par la répugnance qu'elles inspirent aux hommes sauvages, hommes vraimentlibres : elles reposent sur la plus petite réunion possible dite famille, couple conjugal, morcellement infini des travaux ; et sur la plus grande fourberie possible, ou état de commerce arbitraire , concurrence de fraude , et avilissement du travail. La philosophie trouvant ce désordre établi, l'a adopté comme bon , et a bâti là-dessus des systèmes pour se dispenser d'inventer mieux. En outre , n'ayant pas voulu analyser la civilisation (Section VI), elle n'a pas su l'élever en 4e phase ; puis elle chante son vol sublime vers la perfectibilité , vol qui n'est que l'immobilisme et parfois la rétrogradation , le vol de l'écrevisse. La société n° 6 ne serait pas encore acceptée du sauvage , quoique exempte des misères et des injustices qui déshonorent l'état civilisé ; mais elle manque du ressort d'entraînement qui est la série passionnée, Elle réaliserait toutes les garanties rêvées par les philosophes qui n'en savent pas établir une seule , quoiqu'ils aient sous les yeux le type général des garanties positives dans le régime des monnaies. C'est une action unitaire à double contre-poids(parle change et l'orfèvrerie)

cette méthode,

vraiment économique et juste, est le mode qu'on substituerait en période au commerce mensonger que protègentles économistes. 590 LE NOUVEAU MONDE Les sociétés 3 , 4, 5, mettent l'homme en guerre avec luimême , avec ses passions , car il ne peut pas s'y livrer sans être entraîné au mal : ces trois sociétés ne sont pas compatibles avec l'équilibre des passions; il ne commence à naître par degrés que dans les sociétés 6 et 7 ; il est à son plein dans la 8e société , où toutes les passions conduisent à l'industrie, à la justice, aux accords sociaux. Les sophistes ont longuement discuté si l'homme est né bon ou mauvais, vicieux ou vertueux ; la question est jugée par l'échelle des périodes sociales. Dans chacune , l'homme veut arriver aux richesses , aux plaisirs, aux grandeurs, qui sont but de l'attraction ; il ne peut y arriver que par le vice dans les périodes 3 , 4, 5 ; il doit donc être vicieux pendant la durée de ces trois périodes , et il est nécessairement vertueux dans le cours des périodes 6, 7, 8, où on ne peut parvenir à la fortune que par la pratique de la vérité. Ainsi ceux qui tiennent pour la vérité doivent opiner à sortir au plus vite des trois sociétés mensongères. Ce serait mal spéculer que de vouloir essayer la 6e société avant les deux suivantes, car elle ne peut s'organiser que lentement, ses opérations préparatoires absorberaientsept à huit ans , tandis que les sociétés à séries passionnées, n° 7 et 8 , peuvent être organisées en six semaines d'exercice, et sont bien plus heureuses, plus productives que la 6e, qu'on franchira par celte raison. Une civilisationtrop long-temps prolongéeconduit à l'athéisme: on ne peut voir dans cette société que la prédominance du mauvais principe nommé esprit infernal; et si l'on a, comme les philosophes , la petitesse de croire que Dieu n'ait pas composé d'autres mécanismessociaux compatibles avec la justice et la vérité , on en vient à douter de Dieu, nier son existence

car 443

il serait l'équivalent du diable s'il eût voulu la permanence de la civilisation, qui n'est qu'un abîme d'injustice et d'oppression , qu'un échelon pour nous acheminer plus haut, par le moyen des sciences et des arts qu'elle crée. Des écrivains plus judicieux qu'on ne l'est de nos jours , ont fort bien entrevu que l'état actuel des sociétés est une subversion de la nature. MONTESQUIEU dit: « Les sociétés civilisées sont atteintes d'une maladie de langueur, d'un vice intérieur, d'un 5 INDUSTRIEL. 591 » venin secret et caché.» J.-J. ROUSSEAU

«

Ce ne sont pas Là des » hommes, il y a quelque bouleversement dont nous ne savons pas » pénétrer la cause.» BYRON : « La vie humaine est une fausse » nature , elle est hors de l'harmonie universelle. » En effet, les trois sociétés civilisée, barbare , patriarcale, sont des contre sens en mécanique de passions; ellessont à la vraie destinée ce qu'est la chenille au papillon , ce qu'est la comète à la planète. Mais pour sortir de ce dédale , il eût fallu procéder aux quatre branches d'études , page 580 , et surtout à celle de l'attraction passionnée. Au lieu de s'en occuper , les métaphysiciens nous ont engouffrés dans une controverse frivole , nommée idéologie, qui ne peut donner aucune lumière sur la destinée sociale , sur le but des passions et de l'industrie , sur le mécanisme que Dieu a dû assigner à nos relations avant de nous créer. Il compose des lois d'harmonie pour les créatures grandes et petites, depuis les astres jusqu'aux insectes : aurait-il pu oublier d'en composer pour l'espèce humaine ? Il eût été fâcheux pour l'humanité de connaître , dès les premiers siècles , ce code industriel divin , qui ne peut s'établir qu'à l'appui d'un grand luxe. Une telle connaissance aurait causé le désespoir des races primitives qui n'avaient pas les moyens d'organiser le mécanisme des séries passionnées. Dieu a dû subordonner cette découverte aux lumières et au luxe que donnent les sciences et les beaux-arts, fruits de la civilisation. De là vient que des barbares seraient incapables de s'élever au calcul des séries passionnées. Les civilisés l'auraient pu dès le siècle de Périclès ; mais ils ont été dupes de la science d'immobilisme, nommée philosophie, qui veut emprisonnerle monde social dans la 5e période , nommée civilisation. Les philosophes, qui sevantent de la perfectionner,la font cheminer à rebours( ils veulent la ramener à sa 2e phase , à la démocratie ( Voir p. 458 )

d'autre part, les absolutistes , craignant les excès de la démocratie , veulent, pour y échapper, rétrograder en Ire phase, en féodalité nobiliaire. Ainsi, les philosophes causent double rétrogradation dans le mécanisme civilisé ; en outre, leurs fausses théories sur la liberté empêchent la découverte des garanties positives ou libertés réciproques , dont l'ensemble forme une société mixte (n°6) entre 592 LE NOUVEAU MONDE 16 l'état civilisé ou morcelé et l'ordre combiné, ils ont bonne grâce après cela de nous chanter leur vol sublime et leur marche ra- pide vers la perfectibilité ! Ils seront fort confus de leurs fausses doctrines quand on connaîtra le mécanisme d'industrie combinée ou concert des inégalités: aussi s'efforcent-ils d'étouffer celte découverte par la raillerie et la calomnie. Il paraît qu'un bel es- prit , nommé Guizot, est directeur de cette intrigue

je ferai connaître ses méchancetés dans le 3e article, et, sans être professeur d'histoire à six mille francs de traitement, je saurai lui enseigner quel langage devait tenir , dans cette occasion , un professeur d'histoire qui aurait voulu servir les intérêts de l'État et de la science. On fait grand bruit à Paris d'un comité directeur des intrigues électorales et politiques; mais la résistance à ce comité ne coûte au gouvernementque dix millions annuellement, en frais de lutte contre le libéralisme ; le comité philosophique lui coûte un milliard , en retardant l'opération qui élèverait le revenu fiscal au double effectif, à deux milliards , tout en réduisantde moitié les impôts , et supprimant toutes les branches onéreuses, droits réunis , sels , douanes, etc. Ce retard expose les gouvernemens à un autre péril, qui serait l'avènement à la féodalité commerciale,ou usure féodale, opération dont les banquiers et, capitalistes n'ont pas su découvrir le procédé : elle lesrendrait, en moins d'une génération, propriétaires de moitié du territoire , et aussi maîtres du gouvernementqu'ils le sont en Bengale , où une compagnie de marchands gouverne quatre-vingts millions d'habitans. Nos hommes à portefeuille ne sont encore que des pygmées en rapine; ces athlètes de bourse ne savent que dévorer LE REVENU présent et à venir, ils n'ont pas su dévorer LE FONDS ( 507 ). Notre siècle , dans toutes ses turpitudes politiques, n'est toujours qu'un siècle de médiocrité. Cependant l'instinct pousse le commerce à l'envahissement ; c'est un lionceau qui grandit et essaie ses forces. La philosophie, qui le déteste en secret, s'allie avec lui contre les gouvernemens; elle flagornele commerce pour s'en former un appui. L'autorité, pressée par cette ligue , ne sait quelle résistance opposer. Il fauts'emparer des armes des deux ennemis. La philosophie prétend répandre des lumières, et le commerce créer des ri¬ INDUSTRIEL. 393 chesses ; il faut prouver au monde qu'ils font tout le contraire

que la philosophie , avec ses faux droits de l'homme et ses faux équilibres de pouvoirs, ne répand que ténèbres et anarchie; que le commerce, avec sa concurrence mensongère , ses menées d'accaparement et de falsification , appauvrit les producteurs et les consommateurs, qu'il n'est qu'une sangsue de l'industrie. Le gouvernement, qui crée des chaires si coûteuses pour le bel esprit philosophique , devrait en créer une moins dispendieuse pour les nouvelles sciences antiphilosophiques, favorisant le progrès réel que les sophistes promettent. Le parallèle ferait tomber à plat les doctrines de faux libéralisme, parlant sans cesse de garantie, et ne sachant pas garantir au peuple du travail et du pain; prêchant la vérité, et prônant les trafiquans dont chaque parole est un mensonge ; dissertantsur l'économie, et protégeant le morcellement des ménages et des cultures. Ce n'est point par les poursuites et la censure qu'on peut combattre la philosophie ; tout acte répressiflui donne des forces : elle crie à la persécution des amis du peuple et des distributeurs de lumières. Créez-lui une opposition , comme elle en crée ellemême au gouvernement ; et, pour la convaincre d'obscurantisme, mettez en scène les sciences neuves dont elle redoute l'apparition , les garanties positives et l'attraction industrielle , vous verrez alors la philosophie recueillir autant de huées qu elle obtient de faveur. Elle dit, en parlant des rois : A quels monstres , grands dieux, livrez-vous l'univers ! Dès à présent ils peuvent la convaincre d'ineptie, de perfidie , et faire dire de ses coryphées ; A quels OISONS, grands dieux, livrez-vous l'univers! Les philosophessententleur faiblesse etmanoeuvrentpourempêcherque l'autoritén'ait connaissance de la découverte qui va dissiper leurs torrens de lumières mercantiles. Heureusement pour le succès de celle théorie, il n'est pas besoin de nombreux prosélytes

il suffit (573) qu'un homme remarquable ou par son rang , ou par ses talens, ou par sa fortune, opine DUBITATIVEMENT pour l'examen et l'essai du mécanisme d'industrie combinée et attrayante, dont le pis-aller (572) est de doubler, dès 2 594 LE NOUVEAU MONDE 18 la première année , capital et revenu ; on verra aussitôt la philosophie capituler, comme elle le fit quand le confesseur de la reine Isabelle opina à douter et consulter l'expérience , à faire un petit essai de la théorie de Colomb. Alors tous les beaux esprits de l'Europe entonnèrent une palinodie aussi humble que les outrages avaient été grossiers. Tel sera le dénouement de l'intrigue philosophique signalée aux articles 3 et 4. J'emploie le 2e à un aperçu de la nouvelle science. ART. II. — Mécanisme de l'attraction industrielle. Un de nos préjugés est de croire , d'après les moralistes, qu'un calcul sur les plaisirs est une frivolité indigne d'attention. Cependant , s'il s'agit de transformerl'industrie en plaisir , la rendre plus attrayante que nos jeux de cartes et de quilles , il faudra , en agriculture, un train de vie fort différent de l'ennuyeuse civilisation , dont les méthodes industrielles répugnent si fort à la nature , que le sauvage dit par imprécation à son ennemi : Puisses-tu être réduit à labourer un champ. Distinguons les ressorts d'attraction industrielle en sept branches , quatre de plaisir et trois de mécanisme. Les quatre ressorts de plaisir sont, 1°bien-être en subsistances ou luxe corporel interne; 2° bien-être en vêtemens , logement, transport, ou luxe corporel externe ; 3° train de vie joyeux , ou charme en relations domestiques ; 4° charme de participation , faisant coïnciderles jouissances de chaque classe,riche, moyenne ou pauvre, avec celles de chacune des deux autres classes. On obtient tous ces biens par le ménage combiné, qui peuple fort peu, et qui donne tant de produit qu'on est forcé d'en faire consommer une grande partie aux plébéiens , car on ne pourrait pas vendre à des cantons voisins, qui ont de même un superflu copieux par toute la terre. On leur vend à peu près autant qu'on achète d'eux ; mais cet échange ne peut s'étendre au point de réduire le peuple au dénûment où il tombe aujourd'hui. Passons aux détails. Le premier ressort de plaisir est la bonne chère. Si le peuple est mal nourri, il ne saurait prendre goût au travail. Il doit avoir en abondance , bon pain , bonne viande, bons légumes , bons 19 INDUSTRIEL. 595 fruits, bons laitageset bons vins; plus, des variantes en volaille , poisson, etc. Nos riches bourgeois peuvent à peine jouir de pareille chère. On va voir que le ménage combiné la garantit aux plus pauvres gens. Reprenons à ce sujet l'utopie de M. Moreau de Jonnès, 579 ; étendons-la à l'ensemble des cultures et non aux seules prairies. Si le ménage combiné , pratiquant les bonnes méthodes et l'unité d'action, obtient quadruple ou seulement triple produit sur les fourrages et troupeaux , il aura grande abondance de viande , laitage et engrais ; ses champs, bien fumés et sans jachères , lui rendront un tiers de grain en sus ; et, pourtant, il consommera moins de pain, puisqu'il aura beaucoup de viande et de laitage ; il pourra donc transformer en jardin un quart de ses champs, et en recueillirforce légumes qui réduiront d'autant la consommation de pain. Les trois quarts de champs conservés, étant bien fumés, mieux cultivés , bien arrosés , donneront encore l'équivalent de l'ancien produit

on aura un grand superflu

de grain qu'on emploiera à élever des volailles et des poissons en viviers , nourris de pâtes. Les nombreux débris de cuisine ser- viront à élever beaucoup de porcs. D'autre part, le ménage combiné, qui n'occupe que six femmes et six feux la où nous employonstrois cents femmes et trois cents feux, réduira prodigieusement la consommation de bois et le travail parasite des ménagères. ( On peut voir, 203 que l'éducation combinée des petits enfans n'occupe qu'un douzième des femmes qu'absorbe la complication des petits ménages. ) On pourra donc, d'après la grande épargne de bois , transformer un quart des forêts en vergers, dont le produit diminuera d'autant la consommation de pain. On affectera au soin des vergers , des fruitiers, des viviers, des colombiers et du menu bétail, les sept huitièmes des femmes devenues désoeuvrées par la simplification des travaux du ménage. La méthode combinée épargnera de même aux hommes et aux enfans beaucoup de temps qu'ils donneront au soin des forêts et jardins. La forêt, quoique diminuée d'un quart, fournira , par le travail de culture, plus de bois que n'en donnent aujourd'hui les quatre quarts négligés, et ra- vagés par les bestiaux et les maraudeurs. Il suffit de ces détails pour constater le vice radical des cul¬ 9 . LE NOUVEAU MONDE 20 tures actuelles qui ne font vivre que de pain , de châtaignes, de maïs , l'immense majorité de la population. Ce système alimentaire, cette monomanie de pain est la suprême absurdité ; on ne peut y échapper que par le ménage combiné. Ce nouvel ordre , en créant l'attraction industrielle, produira les vins substantiels d'Espagne , Portugal, Calabre , Barbarie et Grèce , à un prix si modéré (il ne coûte qu'un sou aux environs de Malaga), qu'on en pourra fournir en tous lieux au peuple devenu riche par le quadruplementde revenu. Ce peuple , aujourd'hui, neboit, grâces au commerce ,que du poison au lieu de vin ; il aura des vins liquoreux pour couper les vins plats de France. Le sucre abondera de même par suite de l'attraction industrielle et de la suppression des douanes; on le mélangera partout aux laitages t fruits en compote ; on en formera une branche d'alimens très précieux pour les femmes et les enfans, qui ne désirent que crèmes sucrées , confitures , compotes , marmelades , friandises et pâtisseries sucrées. Tout cela sera au plus bas prix quand l'attraction industrielleaura passionnépour la culture toutesles peuplades sauvages ou barbares de l'Afrique et de la Zone Torride. Au résumé, le système alimentaire voulu par la nature se compose de sept branches et deux pivots , savoir : Les autres genres de comestibles et boissons , comme gibier, pâtisserie bière, limonade, sont des accessoires , des alimens secondaires qui se rattachent à l'une des neuf branches. Au lieu de tendre à cette combinaison des neuf sources d'alimens , les économistes, avec leur concurrence dépréciative du travail, réduisent le peuple au pain ; il n'a ni vin , ni viande de boucherie ; les ouvriers de la ville ont un peu de viande sans vin , mais l'ouvrier des campagnes ne mange de la viande qu'une fois par an , le mardi gras. Et ce dénuement existe dans les plus fertiles cantons de la France. La belle France est si pauvre que les soldais n'ont pas de feu dans les casernes quand il gèle à dix degrés. La dose de charbon pour la soupe ne dure que 3 heures. Notre méthode alimentaire est donc l'exclusion des moyens 21 INDUSTRIEL. 597 que fournit la nature, c'est l'abus du pain. En condamnant le peuple à ne vivre que de pain ou de céréales communes,la maudite civilisation tarit encore la source du pain , car elle réduit les troupeaux au tiers, au quart, et, par suite, les engrais à moitié de ce qu'ils pourraient être. D'où vient que les faiseurs d'utopie, comme M. Moreau de Jonnès, ne veulent pas envisager , ainsi que je viens de le faire, l'ensemble des vices de notre industrie morcelée et subdivisée par familles, la connexité, le ricochet des abus ? C'est que s'ils présentaient dans son plein le tableau du mal ; s'ils montraient le désordre étendu , non pas aux prairies seules , mais aux forêts , aux champs, aux bois, aux eaux, on reconnaîtrait bien vite que le régime civilisé ou morcellement agricole est vicieux dans toutes ses parties , excepté le système des monnaies , et qu'il faut recourir à l'industrie sociétaire ou ménage combiné; on sommerait les savans de chercher un moyen d'organiser ces réunions aptes à l'unité d'action ; il faudrait une invention , et c'est ce qu'ils veulent éviter en ne dénonçant que certains rameaux du mal, un seul à la fois, comme le fait M. Moreau : c'est un moyen de mettre en scène quelquenouveau systèmequi promet le perfectionnement de la civilisation, et nous engouffre dans celte société, au lieu de stimuler à en chercher les issues(525). Il résulte des détails précédens que l'ordre civilisé est en pleine opposition avec le premier ressort d'attraction industrielle qui, chez le peuple , est la bonne chère. Il en est de même des ressorts 2e, 3e et 4e. Examinons : 2e bien être en vêtemens ; le peuple n'est pas vêtu, il manque partout du nécessaire, qui suppose trois costumes des trois saisons, chaude, moyenne et froide; plus , les costumes de travail , le chauffage et l'éclairage. 3e Son train de vie n'est qu'un ennui perpétuel, en comparaison du ménage combiné où il ne travailleraitqu'en séances courtes et variées dans des groupes libres , joyeux et bien assortis , avec garantie de trois bons repas et d'un ample dividende pécuniaire au bout de l'année, dividende pris sur le quadruple produit. 4e ressort, la participation: le peuple civilisé ne participe en rien au bien-être des riches ; l'accroissement du luxe est pour lui une pauvreté de plus, en multipliant ses privations. Dans l'ordre combiné, il participerait à tout progrès : on peut LE NOUVEAU MONDE 22 voir, 290 , article de la domesticité indirecte, que le plus pauvre des hommes aura au moins trente domestiques par qui il sera servi passionnément,de préférence et sans salaire. Les participations gastronomiques, chap. 26e, 27e sont une autre source de merveilles pour le peuple ; on voit, 321 , que le plus pauvre des hommes, en ménage sociétaire , est mieux servi sur les objets qu'il consomme , qu'on ne peut l'être à la table d'un monarque civilisé

68. Assertionincroyable et pourtant bien démontrée

, 322. Au reste, dans les services des trois classes , riche, moyenne et pauvre , l'assortiment gradué garantit à chacun l'avantage de rencontrer précisémentson goût sur chaque mets, 320 : c'est un raffinement dont nos compagnies de gastronomes sont tout-à-fait privées, car on les sert comme si le goût des divers convives était uniforme sur chaque mets. Une salade, une ome- lette est servie à douze personnes qui ont peut-être douze goûts différens sur ce mets , et qui auraient besoin de douze variétés en salade ou omelette. Ce raffinement ne peut s'établir que par emploi des séries en culture et en préparation. Les civilisés, en voyant cette méthode, reconnaîtront que leurs Apicius , leurs Grimod , ne sont que des obscurans gastronomiques , ignorant les premiers élémens de l'art. Il est démontré, 108, que la méthode décrite sous le nom d'éclipse f élimine de chaque canton tout produit inférieur, et donne les bons en quantité énorme; de sorte que par les échanges de canton à canton , le peuple, même aux tables de 3e ordre , jouira de comestibles précieux que les riches aujourd'hui ne peuvent pas se procurer, parcequ'on ne sait pas élever chaque produit a la perfection , pas même au degré passable, car à Paris, moitié des pommes de terre sont gâtées. Le peuple obtient, en mécanisme de participation , quantité de menus avantages, comme des repas en chère de Ier ordre, au moins chaque semaine , lors de la fête des groupes dont il est membre; il aura chaque jour, à moitié prix, la desserte des tables de 1er ordre , et ce produit de revente sera déduit sur les frais des riches ; de sorte que les uns et les autres gagneront à la participation , et s'aimeront par utilité réciproque ( voir les ac- cords intentionnels , section IV). Une participation des plus précieuses est celle des communi¬ 23 INDUSTRIEL. 599 cations couvertes , chauffées, et ventilées , 82. Celle innovation fera regarder en pitié les palais des civilisés , qui n'ont pas même un porche couvert et chauffé pour monter en voiture. La plupart des objets de luxe , voitures , chevaux, spectacles, seront fournis au peuple sans frais, 317 ; le soin, l'entretien et l'éducation de ses petits enfans seront gratuits,sect. III ; il n'aura aucune dépense de femme ni d'enfant gagnant suffisamment par eux-mêmes, par l'attraction industrielle; il jouira de la pleine insouciance ( voir la section IV ). Quant au paysan actuel , importuné la nuit par les enfans criards et la vermine ; le jour, par les garnisaires, les rats de cave et la morale, qui lui ordonne d'aimer à s'ennuyer méthodiquement , et de payer les impôts avec joie ( morale de SaintLambert, affichée par ordre du ministre François de Neufchâteau ), il ne peut exercer son travail ingrat qu'avec un extrême dégoût, AIMEZ LE TRAVAIL, nous dit la morale : c'est un conseil ironique et ridicule. Qu'elle donne du travail à ceux qui en demandent, et qu'elle sache le rendre aimable; car il est odieux en civilisation par l'insuffisance du salaire , l'inquiétude d'en manquer, l'injustice des maîtres , la tristesse des ateliers, la longue durée et l'uniformité des fonctions. Aujourd'hui , que l'art de rendre le travail aimable et fructueux est découvert, il est évident que la morale nous trahit en nous conseillant d'aimer une industrie vexatoire et contraire à la nature ; d'aimer le mal-être pour justifier la paresse des philosophes, qui ne veulent pas prendre la peine de chercherle mode naturel et attrayant que Dieu a dû assigner à notre industrie avant de nous créer. Aurait-il eu moins de sollicitude pour nous que pour les abeilles , guêpes » castors , fourmis , à qui il assigne et révèle un mécanisme d'industrie attrayante ? Il en a de même composé un pour nous ; mais, pour le découvrir, il fallait le chercher. QUAERITE ET INVENIETIS , aide-toi, le ciel t'aidera. Ce mécanisme est amplement défini dans leTraité annoncé ; et je ne peux pas en donner ici une description abrégée , parce que c'est une méthode si différente de nos coutumes, que les demi-aperçus qu'on en donnerait exciteraient la défiance. J'engage à la lire dans le Traité , elle y est bien abréviativement décrite, car la grammaire du mécanisme d'attraction y est 600 LE NOUVEAU MONDE 24 réduite à moins de soixante pages (section Ire) , dont à peine vingt demandent une attention soutenue. La théorie en est si intelligible qu'elle est à la portée des enfans de dix ans. L'étude de celte facile méthode qui va quadrupler le produit, n'exige pas le centième du temps qu'on donne à l'étude de l'économisme ou fausse économie politique ; on en lit cent traités pour s'engouffrer dans un labyrinthe de systèmes plus ou moins malfaisans , car , en pratique , ils produisent le contraire des biens qu'ils ont promis; ils enveniment tous les maux existans , indigence, fourberie , etc. ; ils ne savent pas même indiquer à la France une ressource de deux cents millions de revenu dont elle a besoin pour remplacer les impôts onéreux; et pourtant, rien n'est plus aisé à créer que ce nouveau revenu de deux cents millions ( voir ici le 4e article). Cependant on consent, par espoir de lumières , à se meubler la tête de ces innombrables théories que dément l'expérience, et on consent, en pratique , à des corvées effrayantes pour doubler son revenu , des voyages aux antipodes , etc. : voici un moyen de quadrupler le revenu effectif et quarantuplerle revenu relatif, ou participation , en se livrant sans cesse au plaisir. Ces brillantes perspectives indisposent contre ma théorie : c'est bien à tort , car j'ai dit et redit qu'on pourra essayer le ménage combiné en degré simple et peu brillant; mais, que pour juger des réductions dont ce mécanisme est susceptible, il faut le connaître en plein cadre , en haut degré. On voudrait que celte théorie enseignât, comme la morale, à s'ennuyer méthodiquement, à se réprimer, haïr ses passions, haïr la nature, la franchise; n'aimer que l'hypocrisie et la pauvreté. Ces prédications gasconnes sont utiles dans l'ordre civilisé, où il est force d'abuser le peuple sur son malheureux sort et sur les disgrâces auxquelles expose la pratique exacte de la vertu. Mais dans l'ordre combiné ces astuces morales ne seront plus bonnes à rien ; les grands ne pourront jouir du revenu quadruple en effectif, et quarantuple en relatif, ou participation , qu'autant que le peuple sera élevé au rôle d'attraction industrielle , c'est-à-dire , fort heureux , éclairé et vivant dans l'abondance, dans les raffinemens; il faudra l'habituer à aimer la bonne chère pour parvenir à consommer l'énorme produit que donnera ce 5 INDUSTRIEL. 601 nouvel ordre ; dès lors toutes les astuces de la morale qui veut nous habituer au mal-être deviendront inutiles et nuisibles ; il faudra y substituer une théorie de raffinement des plaisirs combinés avec l'attraction industrielle. Le lecteur se défie lorsqu'il voit en 1re section qu'il s'agit d'un calcul sur les plaisirs ; il parcourt superficiellement cette section, qui est la grammaire du mécanisme sociétaire , la partie qu'il faut connaître avant de passer outre. Dans cette petite grammaire sont expliqués, chap. 5 et 6, les trois ressorts qui dirigent le mécanisme d'un ménage combiné. Jusqu'ici je n'ai envisagé cette réunion qu'en hypothèse. On a pu reconnaître qu'elle produirait un bien-être colossal ,et que Dieu a dû aviser à quelque moyen d'établir ce quadruplement de revenu dont il nous inspire le désir. Ce moyen est la série passionnée, méthode qui établit danstoutes nos relations agricoles , domestiqueset manufacturières , la justice distributive et l'unité d'action. Sans vouloir décrire ici une série passionnée , je me borne à dire que c'est une corporation de divers groupes réunis par identité de goût pour une fonction, comme la culture d'une fleur ou d'un fruit ; et, affectant à chaque variété de ce fruit un groupe spécial qui en prend soin , et qui se compose de sectaires engagés par passion , sans aucun stimulant de besoin, devoir , morale , raison, contrainte. Les séries passionnées ont toutes les propriétés des séries géométriques ; par exemple : l'influence des groupes extrêmes formant les deux ailes , y est en balance 365 avec la double influence des groupes moyens, formant le centre qui est toujours plus nombreux en groupes, et qui opère sur les espèces les plus précieuses. On peut consulter sur ce sujet les chap. 1, 2, 3, 4, tous très courts et décrivant les distributions du personnel d'une série, et d'une phalange ou réunion de séries passionnées: il en faut au moins une cinquantaine pour organiser la manoeuvred'attraction industrielle dans son plus bas degré 451. Leur distribution est, quant au matériel,semblable à celle des compagnies , bataillons et divisions d'une armée ; et quant aux relations, semblable a celle des parties de l'opéra , nommées dessus, médium et basse. Le jeu des passions, dans ce mécanisme, est tout l'opposé 602 LE NOUVEAU MONDE 26. des vues de la morale : au lieu de douce fraternité, il faut que chaque groupe de la série soit discordant avec les deux groupes ont iest voisin en échelle

la première chose qu'on organise dans une serie , ce sont les discordes, les jalousies , les intrigues es cabales de toute espèce ; il faut dans ce régime être passionné , avide, vouloir les plus grosses parts du bénéfice, 364 ; aimer par-dessus tout les richesses et les plaisirs; aimer ses pas- sions , croire qu'elles sont toutes louables, et qu'il n'y a de vicieuxque les goûts d'autrui. La morale veut changer les hommes, a série passionnée les emploie tels qu'ils sont ; elle utilise tous eurs prétendus vices; elle prouve qu'en créant nos passions, nos instincts, nos caractères, nos goûts , Dieu fit bien tout ce qu'il fit, 237, 238. S'il possédé la qualité de suprême économe que nous lui attribuons, 417, 418 , il a dû reconnaître que le ménage combiné était l'unique voie d'économie, unité d'action et garantie de bienêtre pour la multitude : aussi nous a-t-il ménagé tous les moyens d'organiser cet ordre. Il faut, sur ce sujet, lire aux chap. 5 , 6, 7, 8, le détail des trois ressorts de mécanisme 594 qui font mouvoir une série passionnée. Ils sont décrits aux chap. 5 et 6 en double sens, en jeu direct et jeu inverse. Quiconque aura lu attentivement ces deux cha- pitres , comprendra aisément toute la théorie : le mécanisme sociétaire des passions est toujours une balance, en quelque sens qu on l envisage (1). (1) L'ensemble des douze passions est divisé en trois classes. S. Sensuelle: I, goût, 2, tact, 3, vue, 4, ouïe , 5 , odorat ; A.Affectueuses

6,amitié, 7, amour , 8 , ambition , 9, parenté : M. Mécanisantes

10 Cabaliste, 11, Papillonne, 12, composite. Elles sont peu connues, je tes décris plus loin. M , formée des trois passions qui dirigentlesséries,opère sur les deux autres classe A, S, comme le fléau sur les deux balances qu'il soutient en équilibré. Si les neuf passions A, S, ne sont pas dirigées par les trois de la classe M, toutes les douze s'entre-choquent et viennent autant de furies que la morale appelle ennemiesde l'homme ; il n'a de véritable ennemi que la morale, qui n'a pas voulu qu'on recher- chât le mécanisme des passions, si facile à découvrir par une étude ré- gulière de l attraction. 27 INDUSTRIEL. 603 Le premier problème à résoudre en industrie sociétaire est de créer les deux fougues, l'aveugle et la réfléchie, 87 , 89, 93 , qui, élevant l'ardeur et la dextérité au quadruple, 113 , élèvent le produit en même rapport. On voit au chap. 7 , qu'il existe des moyens très réguliers pour créer ces deux enthousiasmes( voir ces moyens, 94 , dont les trois principaux sont : les courtes séances, l'échelle compactedes groupes, et l'exerciceparcellaire des fonctions ). Le concours de ces ressorts élève dans tout travail l'enthousiasme au même degré que celui des soldats français, qui ne purent pas de sang-froid gravir les rochers du fort Mahon qu'il avaient escaladés la veille sous le feu de l'ennemi ; tel fut aussi l'enthousiasme des mineurs liégeois , qui firent en quatre jours ce que des salariés n'auraient pas fait en quinze jours (113) , parce qu'il s'agissait de délivrer quatre-vingts camarades enfouis dans la mine , prêts à périr de faim (113). Passant du tout à la partie, on retrouve encore une balance dans le jeu des trois passions mécanisantes M, qui sont : 10. La Cabaliste, besoin de fougue réfléchie , d'intrigue , de rivalités stimulantes, d'où naît la perfection en industrie. 11. La Composite , besoin de fougue aveugle , charme des sens et de l'âme , plaisir composé et non pas simple. 12. La Papillonne, besoin de voltigerde plaisirs en plaisirs, les varier par séances courtes et alternats contrastés. Toute série passionnée employant les deux, fougues 87 pour électriser ses travailleurs et opérer des prodiges en peu d'instans, 113 , ces deux fouguesréunies conduiraient aux excèssans la variété ou papillonnage. qui ménage des diversions très fréquentes; elle prévientl'abus des deux enthousiasmes , et les maintient en juste proportion, comme le fléau tient les balances. On retrouve ce mécanisme de balance dans tous les détails de l'ordre combiné, depuis les menues relations de l'enfance, éclosions des instincts, 215, rivalité des corporations enfantines , chap. 21 , 22 , 23 , 2.4, jusqu'aux vastes débats de la répartition des dividendes , chap. 34 et 35. Partout où l'on emploie les séries de groupes contrastés , on obtient un équilibré de passions aussi méthodiquement pondéré qu'une balance. Un philosophe moderne , Schelling, a pressenti cette analogie en disant : « L'univers est fait sur le modèle de l'âme humaine , et l'analogie de chaque partie de l'univers avec l'ensemble est telle que la même idée se réfléchit constamment du tout dans chaque partie et de chaque partie dans le tout. » Or, l'idée de balance étant synonymede justice ,nous devons présumer que le Créateur, en qui nous supposons l'amour de la 604 DE NOUVEAU MONDE 28 Une fatalité bien remarquable est que les Parisiens, qui se vantent de raffinement , et qui ont la prétention de savoir vivre si bien et si vite , n'aient jamais songé à spéculer sur l'exercice des plaisirs en séances courtes et contrastées; cette facile utopie aurait conduit à la découverte des séries passionnées ( le calcul des séances courtes est la 20e des trente-deux issues de civilisation , page 524). Loin de connaître cette boussole de plaisir , les Français, surtout a Paris, donnent tête baissée dans le régime des longues séances ; ils vont passer au bal six heures de nuit, compromettre la santé pour voir sauter des automates ( car les femmes dites comme il faut sont des automates à la danse ; elles y affectent le genre glacial, moral et sans passion ; en outre elles ne savent pas danser). Dans ces séances de six heures de bal, il n'y a d autre diversion que le jeu , plaisir faux, puisque moitié des justice , nous a ménagé un moyen d'établir l'équilibre et la balance ou justice, dans le mécanisme des passions et de l'industrie. Il est fâcheux que ces auteurs,qui proclament si hautementl'analogie, ne veuillent pas en tenir compte en étude despassions et du mouvement social, ni admettre la première analogie que présentel'univers, celle de dualité, ou double jeu du mouvement. S'il est double au ciel par les co- mètes ou astres incohérens, et les planètes ou astres combinés , il doit être sujet à cette dualité en mécanique sociale. J'ai expliqué cet effet à la table, 588 , où l'on voit trois périodes affectées à l'industrie incohérente , mensongère, et trois périodes affectées à l'industrie combinée , vé- ridique; une analogie bien remarquable est que cette industrie s'équilibre, chap. 35, selon les mêmes lois de gravitation qui maintiennent au ciel l'équilibre parmi les planètes. Nos philosophes , en manquant le vaste calcul de l'analogie , ont manqué leur fortune, 542, et celle du genre humain. Cependant, tous pro- clament l'analogie et l'unité de système de l'univers. Un seul d'entre eux a bien raisonné là-dessus, c'est Delaplace , qui a dit en substance : » L'unitéet l'analogie existent bien , mais nous n'en connaissons pas la théorie; » voici ses paroles

«

S'il existe des vérités qui nous paraissent détachéesles unes des autres, c'est que nous ignoronsle lien qui les réunit dans un tout. » Cette ignorance est enfin dissipée par la découverte de la théorie des passions et de leur double mécanisme , incohérence et combinaison. Elles sont le type sur lequel Dieu a calqué toutes les créations , et cette connaissance est la clef de tout le grimoire des mystères qu on croyait impénétrables, comme ceux d'unité et analogie du système de l'univers, 542. INDUSTRIEL. 605 joueurs s'en vont mécontens d'avoir perdu. Les moralistes mêmes donnent dans cet excès de longues séances. J'ai entendu un franc-maçon, un champion de morale, dire

«

C'était bien joli hier à notre loge , nous avons resté six heures à table ! » C'est au moins quatre heures de trop. Ces excès de francs - maçons rappellent celui des généraux d'Alexandre qui passèrent toute la nuit à une orgie de table ; ils y commirent de telles folies , que le lendemain quarante-deuxd'entre eux en moururent. S'ils n'étaient restés à table que deux ou trois heures, aucun d'eux n'aurait été malade. Concluons que la sagesse en plaisirs consiste à spéculer sur les courtes séances : à plusforte raison doit-on les employer dans les travaux si on veut les rendre attrayans , car le plaisir même ennuie s'il est trop prolongé ; le meilleur opéra nous fatiguera s'il dure six heures ; et de même le travail, la maudite charrue dont il faut réduire les séances à deux heures au plus, en forçant de nombre : encore doit-on les soutenir d'amorces nombreuses, comme emprunt de cohortes aux cantons voisins qui viennent rivaliser d'adresse et de bonnes méthodes , réunion d'un groupe de femmes pour cultiver une bordure de fleurs , mauves ou dalias placés à la limite du champ, puis un déjeuner brillant servi dans le hangar voisin , avant la séparation des groupes et cohortes. Dans ce cas la charrue n'aura rien de répugnant , ce sera une séance animée , intriguée, gracieuse par sa brièveté ; elle fera diversion à la séance des étables qui a précédé , et à d'autres séances joyeuses auxquelles chacun se rendra au sortir du déjeuner. Mais si l'on passe, comme nos ouvriers, une journée entière à un même travail, labourage ou tissage , c'est un moyen sûr d'ennuyer tous les coopérateurs: tel est le vice radical du mécanisme civilisé. N'est-ce pas une vie de galérien que de râper tout le jour du tabac ou de la moutarde ? Divers travaux, tels que produits chimiques , soieries façonnées , sont un meurtre de l'ouvrier, et le conduisent rapidement au tombeau ; ils seraient sans danger si on les exerçait par courtes séances de deux heures, tenues de deux en deux jours et en relais, La santé et la salubrité exigent donc les courtes séances , qui ne peuvent avoir lieu que parmi de grandes réunions très nombreuses. Ceux qui ont entrevu les avantages énormes du 606 LE NOUVEAU MONDE 3 ménage combiné ou sociétaire devaient penser que pour l'or- ganiser il fallait des méthodes opposées aux nôtres

on devait

donc spéculer sur les courtes séances appliquées à des masses nombreuses, 80, 81. Mais la civilisation rend les esprits routiniers ; aucun ne peut sortir de l'ornière. En outre, ceux qui abordent un grand pro- blème comme celui de l'agriculture combinée, ne cherchent pas à le résoudre , ils ne veulent que mettre en scène quelque système, comme l'a fait Rob Owen. Il semble que notre génération, après tant d'expériences en comédies philanthropiques , devrait con- naître un peu cette fausse monnaie et s'en défier. M. Owen, s'il faut l'en croire, voulait établir le régime sociétaire. S'il eût été vrai philanthrope, il aurait pris les mesures nécessaires au succès; il aurait proposé un concours sur ce sujet ; il aurait dit

Faisons

des tentatives en plusieurs méthodes contrastées , car le hasard peut nous conduire au but à force d'essais

mais sondons par diverses voies, et, pour éclairer la pratique

, ouvrons un concours sur la théorie sociétaire qui n'est point inventée , stimulons le génie par quelque prix. Ainsi aurait agi un philanthrope loyal, mais M. Owen était tout à l'orgueil de fonder une secte bonne ou mauvaise ; il ne voulait pas devoir quelque chose au génie d autrui. Il est, de tous les sophistes, le plus nuisible qui ait jamais paru , parceque ses maladresses ont répandu des préjuges d'impossibilité du mécanisme sociétaire, et découragé de toute étude sur ce problème le plus important qui puisse occuper l esprit humain. Si je n'eusse pas inventé le procédé , la re- cherche en eut été négligée pendant des siècles encore. La théorie que j'en publie est très régulière. A la suite des sections I et II , qui contiennent les principes, vient l'application : elle doit commencer par le bas âge, car si elle est vraiment le procédé voulu par la nature , elle doit plaire aux enfans, favoriser tous leurs développemens corporels et intellectuels , et surtout les entraîner de très bonne heure à l'industrie utile(voir l'éclosion des instincts (215). A quoi servirait lemécanisme d'attraction passionnée sans ce résultat qu'on peut voir pleinement atteint dans la IIIe section ? C'est la première merveille qu'on viendra admirer dans le canton d'essai. Des enfans qui , dès l âge de trois ans , s'adonneront passionnément au travail ; qui, 31 INDUSTRIEL. 607 à quatre ans , gagneront déjà leur entretien , et à cinq ans , plus que les frais d'entretien ! Les éludes n'arriveront qu'ensuite, la nature veut que l'homme soit industrieux ayant d'être savant , qu'il pourvoie d'abord à la santé et aux besoins du corps. Quant aux études, celles de l'ordre combiné sont toujours sollicitées par l'élève. C'est un effet qu'on ne pourra jamais obtenir en civilisation , où l'on voit, dans les pensionnats les plus renommés » l'élève ennuyé, harassé par les études, et ne désirant que vacances. On peut remarquer aux chap. 21 , 22 , 23 , 24 , que l'éducation combinée met en jeu des ressorts tout-à-fait ignorés de la civilisation , entre autres la rivalité des sexes et instincts. Celte méthode , pour faire naître l'émulation des deux sexes enfantins, tire parti de tous les ressorts qui la détruisent aujourd'hui, entre autres de l'avènement en puberté, qui, chez nous, est l'écueil des études. La gastronomie, tant ravalée par les philosophes, est le plus puissant des ressorts émulalifs dans l'éducation de l'ordre combiné ; une méthode qui peut employer de tels moyens est bien assurée du succès, puisque sur cent enfans il y a au moins quatre-vingt-dix-neuf gourmands. La section IV décrit les prodiges du mécanisme combiné. Quelques uns , comme ceux du chap. 31 , semblent des féeries , des illusions. Pour s'y familiariser, il suffit du raisonnement suivant. L'ordre combiné, ÉTAT JUSTE ET VRAI , doit donner des résultats pleinement opposés à ceux de l'ÉTAT INJUSTE ET FAUX, nommé la civilisation. Elle engendre en tout sens double mal, selon l'adage abyssus abyssum invocat. Qu'un homme soit pauvre par suite de sa probité , il sera encore suspecté, privé de confiance et d'emploi, raillé parcequ'il est pauvre. Qu'un homme soit opulent par suite de rapines et hypocrisies , on lui décerne le titre d'honnête homme , gent comme ilfaut, et on lui jette à la tête les emplois, Infortuné, dont il n'a pas besoin. Qu'un homme refuse dans une administration de coopérer au gaspillage , il est bientôt congédié , et on le fait passer pour cou- pable

il recueille de sa probité double disgrâce , l'argent en moins et la diffamation en plus. Il aurait eu double bénéfice , argent et renommée de probité , s'il eût consenti à coopérer au délit. C'est donc le monde à rebours , 564. 608 LE NOUVEAU MONDE 32 La civilisation produit donc l'injustice, le mal en redoublement, en mode composé, et non pas simple : par analogie, l'ordre combiné doit engendrer le bien en mode composé, donner les doubles prodiges 331 , comme de renforcer la santé parl'affluence des plaisirs qui la ruinent aujourd'hui, accroître l'économie et la richesse par les raffinemens de jouissances , rendre la vérité lucrative et le mensonge ruineux , etc. Le but principal étant l'accord en répartition des bénéfices par dividendes proportionnels au capital, au travail et au talent de chacun, j'ai dû réserver ce sujet pour la section Y dernière de l'application. J'y ai joint, 396, la solution du problème d'équilibre de population , écueil de nos économistes; du problème du vrai bonheur , écueil de nos beaux esprits philosophiques; puis la méthode à suivre en étudiant Dieu et les passions, 417, que ces savans nous donnent pour mystères impénétrables. On peut voir, 418, que l'étude de Dieu est la plus facile de toutes et la plus fructueuse ; et que les vrais obscurans sont ces philosophes qui nous chantent l'impénétrabilité

tartufes littéraires qui , pour justifier leur impéritie , veulent étouffer la découverte qu'ils ont manquée , sacrifier le genre humain à leur orgueil. Mais qu'un seul personnage notable se prononce dubitativement pour l'examen, et on verra battre en retraite le Sanhédrin philosophique. ART. III. — Intrigue des philosophes contre la découverte. Gentillesse de la Revue française. Il n'est pas de classe plus déraisonnable que celle de nos soidisant oracles de raison ; ils ne savent pas faire le calcul de balance et excédant que fait tout marchand sur une affaire proposée ; si elle présente d'un cote 1 ,000 écus de perte , et de l'autre 20,000 écus de bénéfice , il est évident qu'il y a 19,000 écus a gagner, et qu'on doit conclure le marché. Telle est leur situation au sujet du changement qui se prépare ; ils perdront à la vérité le produit de leurs quatre sciences fausses, qui tomberont , mais ils auront en compensation : 1° Le produit des sciences exactes à substituer à la philoso¬ 25 INDUSTRIEL. 609 phie , sciences dont l'exploitation est très facile, et vaudra, outre le grand bénéfice , une haute renommée aux premiers exploit-ans. 2° Le produit des gloses critiques à ajouter en regard des ouvrages de philosophie , qui , réimprimés avec ces gloses , se vendront à plusieurs millions d'exemplaires , au moins six à chacun des cinq cent mille cantons du globe. 3° Le produit d'inspection des études : on n'aura pas, au début de l'ordre combiné, le millième des savans, des littérateurs et des artistes nécessaires; il faudra en former par écoles normales , et on fera pont d'or à quiconque pourra inspecter dans un arrondissement quelque branche d'études; il aura un dividende sur le produit de tous les cantons , et mènera le train de vie d'un grand-maître de l'université. 4° Le produit des prix unitaires qui enrichiront à millions et subitement les auteurs à couronner, quelque nombreux qu'ils puissent être (voir p. 112). Une récompense d'un franc produit 500,000 fr. à l'auteur. Si, pour une chansonnette ou un quatrain, la majorité des cantons vote un sou ,c'est 25,000 fr. 5°Le produit des explications d'ANALOGIE 544, branche qui pourra donner à chacun des concurrens un revenu au moins égal au mesquin budget de 400 ,000 fr. alloué aux savans de Paris , et absorbé par un petit nombre de favoris cumulateurs. Ces bénéfices ont été expliqués en détail aux pages 112, 188 , 556, 542, 555, 556. Mais les philosophes ne veulent tenir compte que de la chute de leurs systèmes ou compilations ( car il n'existe pas aujourd'hui un seul chefd'école )

leur calcul est celui d'un homme qui croirait se perdre en quittant une place de mille écus de rente pour en prendre une de vingt mille écus , plus fixe, plus honorable et plus facile à exercer. L'amour-propre offensé les aveugle, ils ne voientqu'un affront momentané qu'ils pourront tourner en leur faveur; en effet, si on leur dit

«

Nous avons été bien dupes de votre science

l'hu- » manité n'avait besoin que du calcul des destinées , trente-deux » voies y conduisaient, 523, et vous n'avez pas su , en trois mille » ans , en trouver une seule ! » Ils répliqueront en raillent eux- mêmes le public civilisé ; il lui diront : « Nous étions de vrais » savans, puisque nous avons su pendant trois mille ans vivre à 3 610 LE NOUVEAU MONDE 34 » vos dépens, vous vendre nos sornettes philosophiques sur le » mépris des richesses perfides. Pas si sots que de nous fatiguer à » la recherche des découvertes ; celle-ci a coûté à l'auteur trente » ans , et nous qui vivions de systèmes à la toise, quelle eût été notre duperie de donner trente ans à une étude où encore on » risquait d'échouer ! C'est à nous à vous badiner de ne l'avoir » pas faite , car vous le pouviez aussi bien que l auteur qui n'est » point un savant. Nous sommes encore les rieurs , car nous en recueillerons le plus grand bénéfice, outre l'avantage de nous » débarrasser de la vieille philosophie qui devenait bien pesante » à soutenir , et de nous trouver enfin d'accord avec l'autorité » dans la nouvelle carrière antiphilosophique. » A l'appui de ces perspectives , je puis prouver que la vente de chaque glose critique sur un ouvrage connu, comme le Tétémaque ou l'Homme des champs , rendra à l'auteur au moins cinq millions de francs , à ne compter qu'un franc de bénéfice par chaque exemplaire ; car on en vendrait au moins cinq millions aux cinq cent mille cantons du globe, à dix par canton , vu la haute renommée de l'ouvrage. Cette industrie ne commencera qu'à la fondation de l'ordre combiné ; et ces gloses seront un travail des plus faciles ; en trois mois un écrivain exercé aura fait la glose du Télémaque , à nombre égal de pages. Ontils aujourd'hui quelque branche d'industrie qui puisse leur rendre des millions en peu de mois , avec garantie contre tout grivelage ? S'ils voulaient prendre la peine de réfléchirsur toutes ces chances de fortune, ils me remercieraient de la mine d'or que je leur ouvre. Mais l'orgueil en a décidé autrement, et il a été résolu en comité philosophique d'écraser cette découverte qui, en quadruplant le produit, terminerait subitement tous les embarras fiscaux. Les vandales ont dit

«

Ne laissons point paraître cette nouvelle science , le public et le ministère s'apercevraient que nous négligeons tout travail d'invention, que nous rabâchons éternellement sur de vieilles controverses usées et stériles, et que nous laissons dans l'oubli toutes les sciences vierges. Il faut prévenir le coup : qu'un de nous se charge de railler et diffamer l'invention. Vous , Guizot, qui avez une Revue en crédit, traînez ce livre dans la boue, et faites soutenir les railleries par un INDUSTRIEL 611 chorus de petits journaux. Servez-nous bien, et on vous présentera pour la première sinécure qui vaquera dans notre budget. Ainsi convenu, M. Guizot a mis la main à l'oeuvre, et nous allons voir la pièce curieuse dont il est accouché: Revue française , mai 1829. Après un préambule ampoulé où il débite autant de faussetés que de lignes , pour m'attribuer ses erreurs , ses opinions romanesques , et persuader que je veux figurer dans les rangs des philosophes ; il en vient à dire de ma théorie : « Telle est à peu » près l'idée générale. Si nous passions aux détails , nous apprêterions à rire à plus d'un lecteur ; nous choisissons les exemples » au hasard. » Avec ce ton de bonhomie, il commence par faire un faux, imaginer une phrase ridicule: qu'il m'attribue, la voici : Les passions sont diverses , le secret est de les grouper. Je défie qu'on trouve dans mon livre cette ligne vide de sens ; elle sort du cerveau de M. Guizot, et s'il la donne pour apprêter à rire, c'est donc de lui qu'on doit rire. Faux pour faux, il pouvait imaginer mieux. Mais s'il y a tant d'idées plaisantes dans ce livre , pourquoi ne pas les transcrire franchement ? Pourquoi fabriquer des lignes fausses, des phrases ridiculesque je n'ai point écrites? M. Guizot débute par cette ruse de faussaire : continuons sur sa tactique de calomnie, sur le savoir-faire de ce candidat libéral, présenté aux collèges de la Côte-d'Or et du Doubs. Il a, dit-il , choisi au hasard ; mais c'est déjà une tartuferie , lors même que la citation serait exacte. On peut, en ayant l'air de choisir au hasard, faire passer Corneille pour un poète des halles; il suffira de citer au hasard les deux premiers vers de l'Attila. On peut faire passer pour une ordure la plus sublime des sciences, l'algèbre , en choisissant au hasard la ligne suivante : X égale Q carré moins racine de deux Q. Là-dessus ceux qui ne connaissent pas l'algèbre diront: « C'est une ordure scienti- » fique, on n'y parle que de culs carrés et racine de culs. » C'est ainsi qu'il est aisé de déverser le ridicule sur une scienceneuve par des citations artificieuses , méthode que dénonce le comte DE LA BOUDE en ces mots : « Scinder et tronquer les phrases d'un » discours, de manière à en faire des propositions isolées, de 5. 612LE NOUVEAU MONDE 36 » vrais paradoxes, sans appui de ce qui les précède ou de ce » qui les suit. » Telle est la tactique de M. Guizot ; en voici un exemple où il resserre platement et insidieusement en quatre lignes ce que j'ai expliqué en quatre chapitres. « Or les enfans en bas âge, les nourrissons et poupons se di- » visent en bénins, matins et diablotins; à l'âge de trois ans ils » passeront dans la tribu des bambins, où ils seront élevés par les » mentorins. » Quelle niaiserie étudiée dans cet exposé ! Oncroit entendre Jocrisse ou Cadet Roussel. C'est une des ruses de Zoïle qui ajoute: « Ces échantillons des classifications et du lan- » gage de M. Fourier (dites langage de M. Guizot) ne sont cer- « tainement pas choisis parmi les plus singuliers

on pourrait

» faire cent citations plus divertissantes. » Si vous l'aviez pu , vous l'auriez fait , méchant scribe que vous êtes , faiseur d'opinion, comme l'a fort bien dit le ministre Villèle. Voici le sens de ces mots que vous avez astucieusement cousus et travestis. Les petits enfans, dans l'ordre combiné, étant élevés dans des salles où on classe les âges , les caractères , les tempéramens , afin de pouvoir discerner et développer les instincts(48 et 215) , il est forcé de donner des noms à ces catégories de petits enfans, et aux fonctionnairesspéciaux qui sont chargés de développer, soit les instincts , soit les tempéramens, soit les caractères , ce qui exige plusieurs genres d'instituteurs distincts. J'ai choisi pour ces catégories les noms usités dans toute la France , nourrissons , poupons , lutins , bambins; si M. Guizot veut d'autres noms, il faudra qu'il les imagine comme ses calomnies et ses citations fausses. J'ai employé les diminutifs de noms admis ; ainsi de MENTOR j'ai fait Mentorin et Mentorine soignant le développement des caractères et instincts à quatre ans; de BONNE j'ait fait bonnin et bonnine ; soignant À trois ans la classification et l'essai des tempéramens , M. Guizottrouve cela très divertissant : il est vrai que cela devient pitoyablesous sa plume ; mais cela ne semblera point étrange à qui saura que le ménage combiné fait l'éducation industrielle et sanitaire dans l'âge de deux à quatre ans, âge où la civilisation ne sait tirer aucun parti de l'enfant, livré pendant ces deux années à des filles ignorantesnomméesBONNES. Quandon devra dans le cours de ce bas âge lui enseigner une vingtaine de fonctions utiles, en diverses INDUSTRIEL. 613 branches d'industrie, il faudra bien, pour l'initier à tant de travaux , qu'il soit confié à divers instituteurs, lesquels devront, selon leurs emplois , avoir des noms différens, n'en déplaise à M. Guizot. Quelques mots sur son préambule amphigourique. La société a subi de nosjours les plus grands changemens : c'est faux , elle s'est tourmentée quarante ans comme un cheval au manège, pour revenir au point de départ. Ce n'est toujours qu'une civilisation en 3e phase , 458 , ne sachant pas s'élever en 4e. Elle a essayé la rétrogradation en barbarie sous Robespierre ; l'anarchie démocratique ou 2e phase sous le directoire; puisle despotisme militaire sous Bonaparte ; elle tend aujourd'hui à la théocratie ; ce sont-là des antiquailles, des rétrogradations et non pas des nouveautés ni des progrès. Les philosophes donnent pour progrès la guerre politique organisée par le système électoral et représentatif: c'est un progrès dans les voies du désordre ; ils vantent aussi leur chimère d'industrialisme confondue par les résultats , par le monopole maritime et autres servitudes honteuses ( voir les chap. 43 et 44). Cette vicieuse industrie n'est autre chose qu'une SARCOCÈLE POLITIQUE , 501 , et non pas un perfectionnement, puisqu'il a fait éclore depuis peu vingtquatre fléaux énumérés p. 496, et dont le cortège s'accroît chaque jour. Continuons sur le préambule emphatique de M. Guizot ; il dit : » Le mouvement de progression qui entraîne la société s'est » manifesté aux yeux les moins clairvoyans. » Gasconnade que tout cela. MONTESQUIEU est plus franc, plus sensé, en disant : « Les sociétés humaines sont atteintes d'une maladie de lan- » gueur, d'un vice intérieur, d'un venin secret et caché. » L'autorité de Montesquieu ne vaut-elle pas celle de M. Guizot ? Il nous dit : « Le spectacle de ces grandes nouveautés( grandes » antiquailles démocratiques) , en détournant les esprits sensés » des systèmes chimériques , a encouragé les esprits hasardeux » à enchérirpar la spéculation sur la réalitédéjà si merveilleuse. » Quel cliquetis de verbiages ! quel style alambiqué ! Que trouve t-il de merveilleux dans les réalités actuelles ? sont-ce les DROITS RÉUNIS? sont-ce les fabriques anglaises dirigées à coups de fouet ? La belle merveille que ces fourmilières de pauvres , nées des LE NOUVEAU MONDE 38 chimères d'industrialisme qu'il nous donne pour de grandes nouveautés détournant les esprits des systèmes chimériques! On peut répondre à MM. Guizot et consorts : Si vous ne voulez pas de systèmes chimériques, pourquoi étouffez-vousla voix de ceux qui essaient, comme Malthus , de signaler vos bévues politiques, exubérance de population, concurrence dépréciative du salaire, lutte commerciale de fourberie , morcellement des cultures , consommation indirecte dont le peuple est exclu ? La philosophie, qui prend pour boussole ces méthodes malfaisantes, n'est-elle pas plus que jamais engagée dans les systèmes chimériques ? « Deux choses surtout, dit M. Guizot, paraissent avoir frappé » l'imagination des réformateurs, savoir : d'une part la puissance » de l'association, » ils ne la connaissent pas, ils en prostituent le nom aux intrigues électorales , et ils ont échoué faute de théorie , dans tous les essais d'association agricole tentés en Angleterre et en Amérique. Ils sont donc frappés de la puissance d'une méthode impuissante dans leurs mains ( phrase fort sen- sée). « Et, d'autre part, ajoute M. Guizot , ils sont frappés des » misères de l'inégalité. » Les voilà encore frappés à faux , car ce n'est point l'inégalité qui est cause des misères sociales; elles proviennent de l'insuffisance du produit, de la vicieuse répartition et autres causes : je l'ai prouvé fort exactement ( préf. 41 ) par un parallèle des deux échelles de répartition, l'une simple et fausse A, qui est la seule admise en civilisation ; l'autre juste et vraie B , qui sera celle de l'ordre combiné , et qui satisfera toutes les classes; échelle très inégale , mais proportionnelle, et allouant une part décente à la classe inférieure. « L'idée leur est venue (aux réformateurs) de recourir à l'as- » sociation pour remédier à l'inégalité, et de là les doctrines et » les essais de Rob Owen , de miss Wright et de la secte du Pro- » ducteur. Le livre de M. Fourier appartient au même ordre » d'idées et de recherches. » C'est très faux. Je ne coïncide en aucun point avec leurs méthodes et leurs principes

je soutiens l'excellence de l'inégalité qu'ils réprouvent; je n'opère point comme eux par des statuts, mais par la seule attraction ; ils fouillent dans les vétustés philosophiques , moi je cultive les s ciences neuves et intactes; ils ne tendent qu'à harceler le trône et l'autel, moi je ne m'occupe que de la réforme agricole et INDUSTRIEL. commerciale: je suis donc à l'antipode de ces beaux esprits, et non pas de même ordre queux. « Sans doute , ajoute-t-il, la différence est grande pour esprit, le sens et les talens, de moi à ces trois personnage. » Qu'importo ? J'admets avec M. Guizot que tout le inonde ait de t excepté moi ; que sert l'esprit là où il faut du génie in l'esprit qu'on ne trouve ni chez M. Rob Owen, ni chez miss Wright, ni chez la secte du Producteur ? Le bel esprit est une es maladies politiques de notre siècle affligé d'une double pléthore, celle de bel esprit et celle d'industrie. On le voit échouer ès honteusement sur les problèmes de garanties positives et d'association agricole. Ce n'est ni avec de l'esprit ni avec du talent qu'on vaincra ces difficultés, c'est avec des inventions. Quant au sens dont M. Guizot me dit dépourvu , nous verrons plus loin par l'examen d'une de ses pages quelle est chez lui la dose de sens. Voulant me confondre avec les sophistes précités , il dit de moi : « Lui aussi il imagine qu'on peut réformer la société à la » manière des couvens. » Je reproche au contraire aux sophistes de vouloir former des couvens industriels qui entravent l'essor de la nature ou attraction, et la tendance aux inégalités graduées et contrastées. , Sur le même sujet M. Guizot se contredit en avouant plus loin « que je propose une variété de fonctions qui répond à celle , des esprits , des organisations et des goûts. » Je ne propose do pas la méthode des couvens qui comprime les goûts, les penchans, et ramène tout à l'uniformité. Il ajoute que « je combats » l'uniformité tyrannique que la secte Owen impose aux travaux » de ses adeptes. » Je n'opine donc pas comme elle a introduir dans l'industrie la méthode des couvens : voilà chez un oracle en bon sens, d'étranges contradictions d'une phrase à l'autre . Il me reproche « que la civilisation et la morale sont des mots toujourspris en mauvaise part dans mon ouvrage. » Sans doute, parce que l'une est le règne du mensonge , l'autre en est l organe. Mais de quelle morale parle-t-il, car il y en a des milliers, et par cela seul, c'est une science contradictoire fausse , méprisable , masque de tous les hypocrites , science de caméléon qui a fini par devenir l'amie du commerce et du mensonge. 616LE NOUVEAU MONDE Il n'y a pas mille géométries , il n'y en a qu'une

c'est là le caractère des sciences vraies et dignes d'estime. Quant aux milliers de morales

, depuis celle de Lycurgue encourageant le meurtre des Hilotes , le vol et la pédérastie, jusqu'à celle de Saint - Lambert exigeant qu'on paie avec joie les droits réunis, ce sont autant de cercles vicieux et souvent des piéges dangereux pour les gens sans expérience. Aussi les moralistes , qui sont tous des aigrefins , se gardent-ils bien de pratiquer leurs doctrines. Voyez le cas qu'en faisait Sénèque , prêchant le mépris des richesses , et amassant une fortune de cent millions de francs, valeur actuelle. Achevons sur la bienveillante annonce faite par M. Guizot. Pour se donner à mon égard un air d'indulgence et de protection , il termine par la tartuferie suivante : « Nous pourrionsfaire cent citations plus divertissantes , nous » y renonçons par égard pour le sérieux et la bonne foi qu'il » montre dans tout son livre, et nous laissons le lecteur décider » s'il doit faire plus ample connaissance avec une théorie que » l auteur assimile aux plus grandes découvertes, telles que celles » du Nouveau Monde et du café...» Il fallait bien que M. Guizot finît comme il a commencé , par un faux en citations. Quelle adresse judaïque à jeter du ridicule sur les opinions les plus sensées ! Je n'ai pas discuté si le café était une découverte grande ou petite, j'ai établi entre le café et l'attraction un parallèle de retard ; j ai dit : « Elle a eu le sort du café, qui , destiné à faire les délices de l'humanité , fut pendant plusieurs mille ans dédaigné et foulé aux pieds dans les campagnes de Moka. Ainsi l'attraction, si long-temps ravalée par les philosophes, va devenir pour le genre humain une corne d'abondance, un océan de plaisirs. Tel est en substance le parallèle de retards que j'ai établi entre le café et l'attraction. Comparez celte idée avec la niaiserie que M. Guizot me prête au sujet du café, et vous aurez la mesure de son hypocrisie. Avec ce ton de naïveté simulée , ces déplacemens de mots , ces changemens de sens , rien n'est plus aisé que de traîner dans la boue les inventions,et persuader, comme le fait M. Guizot, « qu'il est impossible d'accumuler plus » de choses bizarres dans un style plus grotesque. » Eh ! c'est vous qui créez ce style grotesque en fabriquant des lignes fausses , 41 INDUSTRIEL. 617 et travestissant le sens de quelques mots malicieusement assemblés , comme je l'ai prouvé sur le café. Du reste , mon style est celui d'un homme qui n'a pas de prétention au fauteuil, et qui va droit au but sans patelinage académique ; il a de la concision , de la rondeur ; il sera très bien compris de tout lecteur , mieux que les pensées creuses du Zoïle Guizot, dont je donnerai un échantillon à la fin de l'article suivant, pour mettre le lecteur dans le cas de juger lequel de nous deux accumule plus de choses bizarres dans un style plus grotesque. C'en est assez sur sa tactique : elle sera appréciée par les colléges de la Côte-d'Or et du Doubs, à qui il se présente pour candidat libéral (libéral de détraction , de méchancetés et de calomnies). Quant aux abonnés de son recueil, s'il leur donne sur toutes les découvertes des informationsaussi fidèles que sur la mienne, ils peuvent bien substituer au nom de Revue Française, le litre de REVUE VANDALE. ART. XV. — Du monopole de génie et d'esprit. — Duperie du gouvernement qui le maintient. « Nul n'aura de l'esprit que nous et nos amis. » Cependant, en considérant que si la théorie d'attraction industrielle, qui n'est pas d'un des amis, est réellement découverte, toutes les tracasseries de budget, de libéralisme , d'élections , toute la guerre cabalistique faite au nom de la charte va finir subitement ; que ces luttes de gladiateurs politiques seront oubliées à l'instant comme un mauvais rêve , on peut juger du préjudice que portent au gouvernement ceux qui lui cachent la découverte d'où il tirerait tant de fruit. Ces détracteurs parisiens ont leur index , leur éleignoir; lorsqu'ils veulent étouffer un ouvrage, ils font l'auteur si prodigieusement bête , que tout lecteur prudent devrait entrevoir la ruse, et dire, vérifions sur cette prétendue bêtise ; on en a autant dit de Colomb pendant sept ans ; ne serait-ce pas ici le second tome de l'affaire de Colomb ? Pour constater la duperie , abordons le fond du procès entre les gouvernemens et la philosophie.Il faut de nouveauximpôts, c'est l'arrière-secret de tous les débats. La philosophie répond 618 LE NOUVEAU MONDE 42 qu'il faut faire des économies : ce n'est pas fournir des moyens neufs. A ne parler que de la France, il lui faut, en remplacement des impôts onéreux , droits réunis, sels , tarifs de douanes, une ressource neuve de deux cents millions de revenu fiscal. Sur ce problème, le gouvernement s'adresse à deux compagnies intéressées à l'abuser; ce sont les députés et les économistes. Les députés sont généralement des collections de beaux esprits, beaux discoureurs; quaranteans d'expérience ont prouvé qu'ils savent pérorer sur le mal sans en découvrirle remède ; car si on élève le parti de l'opposition au ministère, il soutient dès le lendemain les abus , les impôts qu'il dénonçait la veille. Un monarque les embarrasserait fort en leur disant : « Vous visez au ministère , eh bien ! je vais vous y placer à condition que vous trouverez une voie neuve en produit fiscal, deux cents millions de revenu assis de manière à favoriser l'agriculture , la dégrever des impôts dont elle souffre, et lui fournir à bas intérêt les ca- pitaux dont elle manque. » Sur ce défi , l'opposition resterait muette ; elle ne sait pas inventer , elle ne connaît pas les voies d'innovation et de progrès réel en mécanique sociale ; si vous lui demandez deux cents millions de ressources neuves, elle vous donnera deux cents discours stériles , à peine quelques menus glanages de petites sommes rognées sur les classes non protégées du parti (tel est le projet d'impôt sur les hôtels de luxe, à taxer en raison de la valeur réelle, et non en raison du loyer. Cet impôt fort juste serait un glanage, une conséquence des règles établies , mais non pas une voie neuve en finance). Il faudrait, pour sortir d'embarras, une invention ; et le gouvernement, en ne consultant que les beaux esprits, la manquerait long-temps; il devrait provoquer l'invention par un concours, un prix ou autre moyen. S'il est mal servi par la classe des orateurs de tribune, il est trahi par d'autres beaux esprits plus dangereux encore ; ce sont les philosophes des quatre facultés trompeuses; moralisme, politique, économisme et métaphysique. Il se confie débonnairement à eux sur l'accueil et l'examen des inventeurs ; il croit au zèle affecté pour le progrès des lumières

il ignore que les chefs du Sanhédrin philosophique ne veulent point d'inventions. Ceux mêmes de la classe physique en sont fort jaloux , 43 INDUSTRIEL 619 toute découverte leur porte ombragé. N'ont-ils pas éconduit de paris Papin, Fulton, Lebon et tant d'autres ? Voilà donc les deux classes du vrai et du faux liguées contre les inventeurs ; elles ont pour thème : « Nous avons un commerceétablisur telles sciences , telles chimères , un budget de 400,000 fr. ; nous ne voulons d'aucune nouveauté qui pourrait troubler notre commerce et compromettre nos renommées. » A l'appui de ce plan d'obscurantisme, des instructions sont données à certains journaux par la coterie dirigeante ; et sous prétexte de vol sublime vers la perfectibilité , on écrase toute découverte qui porte ombrage aux monopoleurs de génie. Il existe bien un comité des découvertes, mais avec consigne de n'admettre que les pommades philocômes , perruques philogènes et inventions de même force. Tout coiffeur, tout tailleur est criblé de brevets pour une boutonnière de culotte ou une boucle de cheveux. On brevètera encore quelques inventeurs de machines pour les fabriques , parceque l'industrialisme est devenu un levier d'esprit de parti. Mais qu'on porte au comité la théorie de telle opération qui donnerait au gouvernement deux cents millions de rente dont il a besoin , et qui contredit les systèmes philosophiques, le comité le fera diffamer le lendemain dans une demi-douzaine de journaux à sa dévotion , et les autres n'ose. ront en dire mot. C'est ainsi que le gouvernement donne des verges pour se faire battre, en laissant le monde philosophique JUGE ET PARTIE sur ses propres intérêts; manquera-t-il à proscrire toute nouveauté qui sapera ses faux systèmes, son commerce de torrens de lumières ? Par exemple, à ne spéculer que sur les opérations de cadre civilisé, sur les réformes étrangères au mécanisme d'attraction ; il est deux nouveautés qui serviraient le gouvernement par-delà ses désirs , ce sont la réforme agricole et la réforme commerciale, ou substitution du mode véridique à la concurrence mensongère. Le revenu annuel de cette méthode serait de deux cents millions pour le fisc ; la réforme agricole, ou régime des fermes disciplinées, serait une affaire plus brillante encore; elle produirait au fisc de France un revenu de quatre cents millions , si l'on élevait ces fermes au degré (511) d'intrigue émulative (elles ne seraient que des BAGNES si elles étaient bornées à la discipline, 620LE NOUVEAU MONDE 44 comme nos dépôts de mendicité si répugnans au peuple). Mais ces opérations très rapprochées de nos coutumes et de nos préjugés ne peuvent pas, comme l'ordre combiné, s'effectuer en six semaines d'exercice ; la réforme commerciale em- ploierait un laps de six ou sept ans ; la réforme agricole,trois ou quatre ans. La première ne peut être faite que par le gouvernement seul : or , peut-on proposer des opérations de six ans dans un pays comme la France , où le ministère , sans cesse attaqué, ne peut guère compter sur six mois d'existence ? Tel qui entreprendraitla réforme commerciale , craindrait avec raison de travailler pourl'illustration de rivaux inconnus qui le déplaceront. J'ai dû présenter aux Français l'opération qui s'exécute rapidement, et qui, au mérite d'être la plus lucrative, la plus facile, joint celui d'un pis aller magnifique, le triplement du capital et du revenu , si le calcul de l'attraction est faux , selon l'insinuationdes détracteurs;car il restera toujours deux branches de théorie matériellement justes: ce sont les économies du régime combiné, produisant et consommant par séries, puis les éclosions précoces et emplois utiles desinstincts(215). Les Zoïles reprochent à ma théorie trop de perspectives merveilleuses

mais

je puis la soumettre à toutes les réductions qu'on voudra. Celui qui a su gravir jusqu'au sommet du Mont-Blanc, saura bien s'élever jusqu'à moitié ou quart de la montagne. Pour décrire toutes les réductions possibles , il m'aurait fallu cinq à six vo- lumes ; je me suis borné à traiter du plus haut degré de mécanisme combiné. Qui peut le plus , peut le moins. Sur ce sujet, l'autorité s'est placée dans une position bien fausse , en donnant aux philosophes le double rôle de juge et partie. On peut en France écrire librement contre toutes les autorités, diffamer chaque ministre en vers et en prose, attaquer le clergé, les fonctionnaires, les institutions

tout cela est ac- cueilli

, parceque cela sert le parti philosophique ; il a par le fait la direction de l'opinion, le véritable index ; il soutient tout ce qui est écrit dans son sens, il élimine ce qui servirait l'autorité. Ce monopole d'esprit et de génie durera tant que le gouvernement ne saura pas créer une opposition à la philosophie. On en a senti le besoin , mais non pas trouvé le moven. Il y a six ans qu'on forma une société des bonnes lettres pour contre¬ 45 INDUSTRIEL. 621 poids à la littérature philosophique : c'était une arme impuissante, on avait mal envisagé la lutte. Pourquoi la philosophie règnet-elle sur l'opinion ? c'est qu'elle promet tous les biens, liberté des peuples , richesses des nations , bonheur , lumières, perfectibilité, vol sublime, etc. ; c'est le carabinde foire, dont l'orviétan guérit toutes les maladies; c'est la roue de fortune qui vous promet un quaterne de cent mille écus. Tant que la multitude sera malheureuse, elle donnera dans ces illusions. Voulez-vous l'en désabuser , présentez-lui une doctrine qui, dès le plus faible essai sur cent cinquante familles, donne tous ces biens dont nous leurrent les sophistes. Dès qu une petite expérience aura prononcé, la fraude sera manifeste ; on verra que pour arriver au bien , au règne de la justice , de la vérité , à la vraie liberté , à la richesse graduée, il faut faire tout l'opposé de ce que conseille la philosophie. Elle opine pour le morcellement , la libre fourberie et la morale ; il faut employer la combinaison , la garantie de vérité et l'attraction. Ce principe une fois démontré , les quatre sciences fausses tombent à plat , on les verra reniées par leurs coryphées mêmes. Quant à présent, quelles doctrines sait-on opposer aux quatre sirènes ? des devoirs accablans , des privations et souffrances légitimes , des préceptes de résignation , de servilité ; des injonctions d'obéir aveuglément, d'aimer des maîtres avides , et de payer avec joie aux publicains. Tant qu'on emploie contre les philosophes de si faibles armes, ils n'ont pas de peine à triompher et s'emparer de l'opinion. Qu'on forme une société pour exposer la doctrine contraire et en provoquer l'essai, bientôt les écoles philosophiques seront désertées. Mais le gouvernement semble d'accord avec ses ennemis : il voit les sophistes maîtres absolus de l'opinion , et il les laisse juges des théories qu'il faut leur opposer, libres de fermer l'accès aux inventions restauratrices. L'autorité commet sur ce point une étrange bévue , elle craint la nouveauté!!! C'est au contraire ce qu'elle doit désirer ; on ne lui a jamais donné de nouveautés, tous les systèmes philosophiques sont des antiquailles replâtrées , roulant toujours sur les mêmes pivots , sur l'incohérence des ménages cl cultures, et la concurrence de fourberie en commerce. C'est donc la nouveauté qui sera la plauche de salutpourles gouvernemens, maisj'entends 62 2 LE NOUVEAU MONDE 46 la vraie nouveauté, et non pas le badigeon académique repro- duisant sous de nouvelles couleurs les vieilles chimèresd'Athènes et de Rome , grossies des illusions mercantiles des modernes. L'attaque de ces idoles anciennes et modernes ébahit les journalistes : ils n'osent pas annoncer franchement cette théorie, ils craignent les réprimandes et la disgrâce du comité vandale qui répand la terreur. On dira qu'il reste la ressource des ar- ticles payés à la ligne, cela est trop coûteux : il faudrait, pour l'annonce dansles grands quotidiensseulement,acheter au moins pour 6,000 fr. de lignes dans six journaux, deuxarticles de trois colonnes dans chaque gazette ; car on ne peut pas , sur un sujet si extraordinaire, abréger comme sur les sciences connues et familières. Une annonce réduite n'excite que la défiance : j'en ai fait un essai (Débats , 2 mai). Quelques uns disent

Il faudrait organiser une société où l'on discuterait la nouvelle doctrine ; les premiers adeptes en formeraient d'autres. Sans doute le moyen serait bon ; mais autant il est aisé de former dans Paris des sociétés sur toute théorie qui attaque les autorités et la religion , autant il est difficile d'en rassembler pour une doctrine qui attaque la philosophie. D'une part l'opinion est circonvenue par cette sirène, d'autre part les écrivains sont frappés de terreur ; ils craignent d'être éliminés des places par la proscription du comité vandale. Du reste le gouvernement trouverait bien son compte à encourager cette réunion ; il serait assuré que la prochaine session des chambres serait aussi calme qu'elle s'annonce orageuse. Dès qu'on verrait la nouvelle doctrine se répandre , on serait certain que toutes les chicanes politiques vont tomber dans l'oubli ; que le ministère, ayant l'option sur une douzaine d'améliorations dont il recueillera par degrés deux cents, trois cents, quatre cents raillions de nouveaux revenus, et un milliard s'il le veut, il devient inutile de le harceler sur des impôts qui vont finir. On saurait que le libéralisme est une duperie ( voir l'art, suivant) , un piége pourle peuple et le gouvernement ; que l'industrialisme est une vraie conspiration contre les industriels

que le philosophisme est l'éteignoir des lumières

cela serait bien vite prouvé par la société de réforme industrielle appuyée d'un journal

en peu de temps, les yeux seraient dessillés , l'opinion méta¬ INDUSTRIEL. 623 morphosée , et les querelles politiques regardées en pitié. C'est une belle carrière pour un ministre qui voudra se signala sortir de la tutelle philosophique, restaurer subitement les finances, et conquérir l'opinion. Il accorde aux sophistes un budget de 200,000 fr., au moins la moitié du budget scientifique, pour se faire trahir et déconsidérer par eux. Qu'il en accorde seulement la centième partie , 2,000 fr. , pour les anéantir par la formation d'une société des sciences neuves, qui confondrait la friperiephilosophique , en signalantjour par jourses erreurs. Semblables au filou qui crie au voleur, ces hypocrites jettent les hauts cris contre les éleignoirs ; ils déclament contre l'obscurantisme , l'enchaînement de la pensée ; ce sont eux-mêmes qui l'enchaînent par leur index calomnieux : les voilà pris en flagrant délit, c'est un des colliers de l'ordre qui arbore la bannière de l'obscurantisme , c'est un professeur de bel esprit philosophique sur l'histoire, doté d'une sinécure de 30,000 fr. de rente ; car si le fixe de sa chaire est de 6,000 fr. , le casuel en est quadruple par la vente du cours imprimé, sur lequel trente journaux se pâment d'admiration , et stimulent à lire , quoi, des tissus de paradoxes bizarres , de faussetés choquantes. Les pages où M. Guizot veut s'écarter du rôle historique, et s'engager dans la politique sociale , sont des amphigouris où l'on trouve autant de balourdises que de lignes : qu'on en juge par la note ci-bas (1) , où j'analyse seulement douze absurdités d'une (1) Unepage de M. Guizot. — On ne me reprochera pas de la choisir malignement, car je ne lis pas ses ouvrages : un autre a fait le choix , c'est le Journal du Commerce, 19 avril 1828 ; il transcrivait cette page comme un modèle de profondeur et de sublimité politique. J'en notai, currente calamo, douze absurdités; j'aurais bien pu y en trouver le double ; mais il suffit de ces douze pour examiner s'il est possible d'accumulerplus de choses bizarres dans un style plus grotesque, talent que M. Guizot m'attribue, et qui est bien à lui, on en va juger. 1° Il condamne implicitement la philosophie en disant d'un ton vaticinai: Oui ily a une destinée GÉNÉRALE de l'humanité. Cette destinée n'est donc aucune des quatre sociétés civilisée, barbare , patriarcale et sauvage qui sont hétérogènes, se détestent, forment un quadrille d'antipathies et d'incohérence , tout opposé a une destinée générale. Ainsi l'augure de M. Guizot implique la condamnation de l'ordre civilisé qui ne peut pas être généralisé, et l'obligation de chercher dans l'étude de 624 LE NOUVEAU MONDE 48 des pages de M. Guizot. Les badauds admirenttoutes ces sottises, en disant: C'est philosophique DE FIDE EST. Moins ils comprennent, plusils s'extasient devant le ténébreux professeur. Ce philosophisme dégénère en superstition dans la classe des chercheurs d'esprit, si nombreuse en France. l'attraction un mécanismesocial applicable à l'humanitéentière, subitement, et non pas dans la suite des siècles, délai que la philosophie se ménage, afin de pallier son impéritie en progrès réel et généralisé. 2° Il examine les divers progrès , et dit que tout cela n'estpas encore la civilisation : eh ! qu'est-ce donc ? Autant vaudrait dire que les divers âges de l'homme ne sont pas encore l'homme. A la vérité, il reste à la civilisation deux échelons à parcourir, sa quatrième phase (458), et l'ambigu de garantie (552), progrès dont ne se doute pas M. Guizot

mais est-il sensé de dire que l'état actuel de France, Angleterre, Allemagne

, Italie , n'est pas encore la civilisation ? Cette société, ainsi que toutes les autres périodes( tableau 588 ), est une carrière échelonnée , telle qu une maison a plusieurs étages; noussommes arrivés au troisième étage ou troisième phase, et, si c'est le plus haut étage qui constitue seul la maison , pourquoi M. Guizot ne nous enseigne-t-il pas à orga- niserla quatrièmephase de civilisation ? Ici, comme plus haut, il dénonce lui-même sa science , invoquant des progrès sociaux dont elle ne sait pas nous ouvrir les routes( voir aussi 504). 3° Voulantdéduire le sens natureldu mot CIVILISATION , il trouve que le premierfait comprissous ce mot est l'idée de PROGRÈS, de DÉVELOPPEMENT ; ilsuppose unpeuplequi MARCHE. Eh l quelle société ne marche pas ? Les Maures de Grenade avaient bien marché , lorsque , d'une barbarie très brutale , et qui n'était pas même quatrième phase ou perfection de barbarie, ils passèrent en peude temps à une civilisation la plus raffinée qu'on ait vue en première phase ou caractère chevaleresque (458). Ils avaient même le génie studieux, l'un des caractères de deuxième phase civilisée; ils inventèrent l'algèbre, ils cultivèrentavec succès les sciences et les arts ; leur civilisation était en phase un et demi, engrenée en 2e

on n'a guère vu de marche plus rapide en échelle sociale. La barbarie MARCHE donc, et la sauvagerie aussi, carles Otahitiens, devenustout-à-coup civilisés , ont fait un progrès colossal, en franchissant les périodes patriarcale et barbare. Les Sandwickois ont mieux MARCHE que nous depuis un demi-siècle, car ils ont passé tout-àcoup de la sauvagerie à un ambigu trinaire , participant du barbare et du civilisé. Au lieu de ces pas de géant, nous n'avons pas même su avancer à pas de tortue ; nous restons engravés dans la civilisation de troisième phase , plus embrouillée, plus dépravée , plus malencontreuse et plus ignare que jamais sur les voies de progrès. Nous avons acquisà 49 INDUSTRIEL. 625 Quel langage devait tenir un professeur d'histoire sur une invention d'où dépend la restauration des finances, la cessation de l'esclavage et de l'indigence ? Est-ce pour égarer l'opinion que l'état le pensionne si largement ? Que doit-il recommander dans profusion les fausses lumières , les caractères de dégénération (495), qui font rétrograder et n'engendrent que des orages sociaux. A côté de nous , tes Égyptiens ont marché en progrès réel, passant de la troisième à la quatrième phase de barbarie ; il ont fait plus de progrès dans leur échelle que nous dans la nôtre. C'est ainsi qu'on marche dans toutes les sociétés, en dépit de M. Guizot , qui veut que la facultéde marcher soit un attribut exclusifde la civilisation. Elle est, dit-il, le perfectionnement de la vie civile et des relations sociales; c'est la répartition la plus équitable de la force et du bonheur entre tous les membres ! Que de faussetés accumulées en trois lignes ! Dites plutôt qu'elle est un raffinementde l'oppression civile et des fourberies sociales et mercantiles

voyez les tableaux donnés

, préface, 35 , 36, 37, sur les bagnes mercantiles où des enfans, aussi malheureux que ceux du sauvage sont heureux, travaillentdix-neuf heurespar jour à coups de fouet pour gagner à peine de quoi ne pas mourir de faim. Et c'est là une répartition équitable , selon M. Guizot ! Tel est le sort où tout le peuple doit arriver par l'industrialisme ou excès de fausse concurrence. ( Préf. 40, 46.) Si les riches ont gagné en raffinement de luxe, en colifichets, il ne leur reste pas moins un ennui , un vide dont se plaignent les monarques mêmes ; la diplomatie, la jurisprudence, le commerce, n'ont fait de progrès qu'en astuce et non en perfectionnement ou vérité. Le progrès du mal l'emporte évidemmentsur celui du bien , 495 ; et quant à la répartition , elle est plus injuste , plus vexatoire que jamais pour l'ouvrier; elle ne peut être approuvée que par des gens qui ont, comme M. Guizot, 30, 000 fr. de rente en sinécure pour débiter un torrent de faussetés et trahir le gouvernement qui les paie si bien. Voir sur la répartition équitable l'échelle B , préf. 41 , 42. Opposons à M. Guizot l'opinion de M. le comte Destutt-Tracy.(Traité d'économie politique. ) Il dit

Les salariés ne reçoivent que le tropplein de tous les autres

, de sorte que si les autres n'ont pas de trop-plein, ce qui arrive périodiquement,par mauvaise récolte ou stagnation des fabriques , il faut que les salariés meurent de faim. Répartition bien équitable ! M. de Tracy peint la civilisationsans fard ; M. Guizot, pour gagner ses 30.000 fr. , gasconne son crédule auditoire, et prête à la civilisation des caractères qui sont ceux de la période sixième (garanties positives , tableau 588 ). 5° Il est deuxfaits compris dans le grand fait de civilisation, le développement de la vie sociale et celui de la vie individuelle. Ces deux 4 626 LE NOUVEAU MONDE 50 l'étude de l'histoire ? La partie utile : disposer le siècle à éviter les travers des siècles précédens : l'histoire n'a-t-elle pas flétri les détracteurs de Colomb et de Galilée ? Et c'est le professeur d'histoire qui excite les Parisiens à imiter ces zoïles des siècles effets sont au contraire bannis de la civilisation ; les neufdixièmes des individus,privés des dèveloppemens de la vie sociale, sont réduits au sort de Tantale, tourmentés par l'aspect des biens dont ils ressentent le besoin. Quant à la vie individuelle, n'est-il pas évident que la classe la plus civilisée, celle des riches citadins , est celle dont l'existence est le plus abrégée, le plus accablée d'infirmités ? Les enfans mêmessont sujets à cette disgrâce , car dans certains quartiers de Paris , bien plus civilisés que les campagnes , la mortalité sur les enfans est huit fois plus forte que dans la campagne. Ainsi le moyen de savoirquelque véritésurla civilisation , c'est d'enpenser tout le contraire de ce qu'en dit M. Guizot. 6° Il y a en effet unité dans la civilisation des divers états de l'Europe. Il faut bien de l'effronterie pour contredire ainsi l'évidence. Il a dit plus haut que tout cela n'est pas encore la civilisation : maintenant il veut donner à tout cela le plus précieux des caractères , l'unité, essentiellement incompatible avec l'ordre civilisé qui engendre les duplicités de toute espèce, de systèmes administratifs, de religions, de codes sociaux, de castes, de coutumes, de morales contradictoires, de langages et dialectes , de typographie , de monnaies et mesures, de tout enfin, même de méridien. TOUT CELA est bien la civilisation, mais tout cela n'est pas l'unité. J'ai, sur les duplicités de la civilisation, plus de cinquante sujets de chapitres , tels que celui de contrariété des deux intérêts collectif et individuel

un médecin souhaitant de bonnes fièvres

à ses concitoyens; un avocat souhaitant de bons procès à ses cliens; un tailleur, un cordonnier, souhaitant à chacun de mauvaises étoffes et mauvais cuirs, afin qu'on en use le triple du nécessaire ; un architecte souhaitant de bons incendies ; un vitrier souhaitant une bonne grêle qui casse toutes les vitres, pour le bien du commerce. Bref, la civilisation est un galimatias de duplicités souvent très risibles, comme celle des sciences philosophiques , dont l'une prêche le mépris des richesses et l'amour de la vérité, tandis que l'autre prêche l'amour du trafic, la soif de l'or et la pleine licence de mensonge, le dogme laissez faire les marchands. Tout n'est que duplicité dans l'état civilisé, à commencer par les cours de M. Guizot, qui à coup sûr ne croit pas un mot des faussetés qu'il débite en chaire, mais, pour les 30,000 fr. de sinécure, il faut bien faire des contes au débonnaire auditoire

M. Guizot use largement du droit que donne Horace

... Pictoribus atque poetis (atque sophistis) , Quidlibet audendi , semper fuit aequa potestas. 51 INDUSTRIEL. 627 d'obscurité ! Son thème obligé dans cette conjoncture était de recommander le doute, la circonspection , l'examen , d'aprèsles considérations suivantes. Une théorie présentée par tel, aborde des problèmes qui ont 7° Elle dérive ( la civilisation ) des mêmes principes, et tend à amener partout les mêmes résultats. Comment saurait-on de quels principes elle dérive ? On n'en a jamais fait aucune analyse (sectionVI )

on est si ignorant sur ce sujet, que pendant dix ans lesjournaux ont chanté la civilisation renaissante en Égypte, où l'on n'est pas encore sorti de la barbarie.

Elle s'y est perfectionnée par ascension de troisième en quatrièmephase

mais les innovations de Méhémet Pacha ne sortent pas du cadre de barbarie , bastonnade , sérails , monopole , etc. Il est bien vrai que la civilisation tend à amener partout les mêmes résultats par son engouement général pour le système mercantile ; mais ces résultats , tels que l'extrême raffinement de fausseté, l'appauvrissement croissant des classes ouvrières, sont opposés à ceux dont nous berce M. Guizot. Ainsi la seule vérité qu'il ait dite par hasard est un démenti qu'il donne lui - même à ses paradoxes sur le perfectionnement,sur l'équitable répartition du bonheur. Cit. 4. 8° La France, dit-il, est centre et foyer de la civilisation. Flatterie bien gauche en paiement des 30,000 fr. de rente! Ignore-t-on que la civilisation a pour foyersl'Angleterre quant aux sciences et à l'industrie, l'Italie quant aux beaux arts , où toute l'Europe va les étudier ? Peuton nier la supériorité de l'Angleterre en agriculture, en fabriques, eu mécanique , en marine ? Il faut avoir du front pour donner la palme à la France , quand nos agronomes et statisticiens démontrent que l'agriculture anglaise , toutes chances égales, donne un produit presque double du nôtre. Il est bien un point sur lequel la France est centre et foyer, c'est en ABUS DE PROGRÈS , en fourberie , en frivolité , en calomnie. La France est au premier rang dans ces divers genres; elle est le foyer d'où se répand la dépravation dans le inonde police. Les Juifs et les Chinois, autrefois renommés dans la fourberie , ne sont plus qu a la suite des marchands français ; la littérature et le système électoralsont devenus deux volcans de calomnie ; les sciences, un masque de vandalisme. Le pays qui repoussa les Papin , les Lebon , donne des brevets d'illustrationa tout inventeur de MANCHES A L' IMBÉCILE et autres fadaises , tandis que les m ventionsutilesy sont étouffées comme au siècle de Galilée, plus mécham ment encore , car les vandales actuelssont fardes du titre de libéraux , déclamant contre les obscurans et les éteignoirs. La France est affligée d'un génie malfaisant qui abuse de tout ; qu'on en juge par les clubs: ils existaient en Angleterre sans y causer de 4. 628 LE NOUVEAU MONDE 52 épouvanté notre siècle, surtout celui de réunir en ménage et culture combinée, des masses nombreuses de familles agricoles. Il donne pour moyen un procédé nommé séries passionnées, qui n'opère jamais par les voies coercitives ni le besoin , mais toutrouble ; à peine sont-ils introduits en France , qu'ils y exercentles plus affreux ravages. La France est un grand enfant, un imberbe politique à traiter comme les enfans à qui on interdit l'usage des armes et instrumenstranchans, quiseraientsans danger dans des mains prudentes.Aussi l'un de ses publicistes ,M. Benjamin-Constant,a-t-il dit avec raison que le gouvernement représentatif n'est pas fait pour les Français (nation dénuée d'esprit public et courant aux spectacles le jour où elle apprend la perte de son armée : elle n'est foyer que des abus de civilisation. ) Brisons sur ce sujet ; revenons au ténébreux professeur. 9° La civilisation est un fait général, complexe, difficile à décrire. Trois faussetés à la file ! Quelques sophistes commettent une erreur à chaque phrase , M. Guizot en débite ici à chaque mot. Rien n'était plus aisé à décrire que la civilisation; j'ai donné le plan de cette analyse en VIe section , dans huit petits chapitres qui fourniraientmatière à huit volumes. Ils comprennent les huit sortes de caractères à décrire et leur mécanisme. Il est encore faux que la civilisationsoit un ordre complexe, car les élémens primordiaux qui la composent, le morcellement agricole, l'anarchie commerciale, etc. , sont en pleine discorde ; le commerce est le vautour de l'industrie , qui déteste ses rapines, Tous les ressorts en civilisation sont divergens, hétérogènes, tout y est duplicité d'action et non pas COMPLEXITÉ ; je viens de le prouver au n° 6. D'autre part , le titre de fait général n'est pas applicable à la civilisation , elle est un fait local, limité à un sixième du genre humain, car les paysans russes , polonais, et beaucoup d'autres, ne sont pas civilisés. J'ai lu dans un journal que M. Guizot dénature le sens du mol général, et en fait des applicationsinsolites ; il tombe dans le travers qu'il m'attribue, il accumule des choses bizarres en stylegrotesque. Maissa faconde ne donnera pas aux mots les plus connus une acception nouvelle

il ne fera pas admettre les spécialités pour des généralités

or la civilisation

est un fait spécial, une période spéciale parmi les trois qui composent le genre dénommé ÉTAT FAUX, culture morcelée et répugnante. Voir le tableau 588. 10° On ne peut se borner à la chercher dans un seul pays, les élémens en sont dispersés. C'est très faux : ces élémens sont les mêmes partout: morcellement agricole , fourberie commerciale, contrariétédes deux intérêts collectif et individuel , duplicité d'action , oppression composée ou double mal. (607.)Ces désordres élémentaires existent dans toutes les civilisations; il n'y a de dispersé que les caractères succès¬ 53 INDUSTRIEL. 629 jours par l'attraction ou plaisir. C'est un ressort neuf et non pas imaginaire, car il est continuation et application de la théorie de Newton. A quels caractères pourra-t-on reconnaître si l'auteur résout sifs (458), qui varient beaucoup dans les quatre phases pleines et les mixtes. Vingt contrées peuvent présenter vingt civilisations différentes en caractères , en développemens et amalgames des caractères ; mais le fond, la partie élémentaire est toujours la même dans toute civilisation, et dans toutes les phases d'une période sociale. S'il y a oppressionbrute sans fausseté, c'est mécanisme barbare ; s'il y a astuce sans violence, c'est mécanisme patriarcal ; s'il y a violence et astuce combinées,c'est mécanisme civilisé , qui est une collusion d'élémens vicieux produisant la duplicité d'action , et non pas un effet complexe tendant à l'unité , comme le prétend M. Guizot qui, dans ses élucubrationssur le mouvement social, ne saurait dire quatre mots sans s'enferrer et-se confondre lui-même. Il ferait mieux de s'en tenir à l'histoire que de s'engager en pays inconnu pour lui , et où il ne peut pas manquer de se fourvoyer. Cette page bizarre que j'analyse contient, sous la forme conjecturale, des questions parasites qui dénotent jusqu'à quel point ces beaux esprits brevetés abusent de la bonhomie d'un auditoire : telle est celleci sur la civilisation. 11° Est-elle un mal, est-elle un bien ? Est-elle universelle, s'étendelle au genre humain ? Que de GRAVES RIENS ! C'est parler pour ne rien dire, c'est élever des doutes sur ce qui est certain aux yeux de tout écolier. Que M. Guizot essaie seulement de passer de Cadix à Tanger, ville marocaine, le trajet n'est que d'une demi-journée, et il verra si la civilisation est universelle, si elle s'étend au genre humain. « Est-elle un mal, est-elle un bien ? » C'est mettre en problème ce qui est évident aux yeux de tout le monde. Elle est un bien pour ceux qui ont, comme M. Guizot, une sinécure de 30,000 fr. de rente; elle est un mal pour ceux qui sacrifient leur vie entière à enrichir un maître, pour ces en- fans qui travaillent à coups de fouet dix-neuf heures par jour (manufactures anglaises) , en gagnant moins de six sous ; elle est un mal pour la moitié de la population qui est dans l'indigence , et pour la grande ma- jorité de l'autre moitié, privée de tout ce qui tient à l'agrément. Sous le rapport politique, elle serait un bien si elle ne durait que peu de temps , que cinq cents ans ; car elle est nécessaire pour créer différens ressorts de progrès social, les sciences fixes, les arts, le grandluxe et autres moyens d'acheminement aux périodes supérieures , 588 ; mais si elle se prolonge après la création de ces moyens , elle devient un très grand mal, car elle en abuse , surtout en France ; elle les emploie a produire, en sens politique , les orages sociaux, les commotions et 630 LE NOUVEAU MONDE 54 ce problème sur lequel a échoué la secte Owen , s'il satisfait aux conditions exigibles, comme garantie contre le vol , répartition satisfaisante ; et s'il a déterminé le mode d'industrie naturelle applicable aux classes libres, sauvages, enfans, riches oisifs ? révolutions qui empirent la misère du peuple ; en sens matériel, la détérioration des climatures, qu'une civilisation trop prolongée dénature bien vite par destruction des forêts , effritement des pentes, tarissement des sources et travestissement des saisons. Citons pour preuve des intempéries croissantes, l'année 1829 sans été ni automne en France ; les régions d'Assyrie, Chaldée , Mauritanie, autrefois si fertiles, et aujourd'huitransformées en déserts de sable

funestes résultats de leurs anciennes cultures qui, en modebarbare ou civilisé , arrivent au même but, au ravage des forêts , au déchaussement des montagnes. Voyez les chaînes pelées du midi de la France , la Provence et le Languedoc, pays bien pourvus de civilisation ; ils étaient autrefois bien boisés, plus tempérés, comportant l'olivier dans des lieux d'où il est banni. La civilisation est donc un mal quand elle se prolonge au-delà de son terme naturel. 12° Lequelest le but, lequelest le moyen ? La société est-ellefaite pour servir l'individu, ou l'individu pour servir la société ? Autant vaudrait demander si la main droite est faite pour servir la gauche, ou la gauche pour servir la droite. Question oiseuse ! Toutes deux doivent se servir réciproquement. Les philosophes nous disent que tout doit être lié dans le système social

mais où sera le lien si la société est dispensée de servir

l'individu qu'elle dépouille de ses droits naturels , chasse, pêche , cueillette , pâture et autres ( Avant-Propos XII) : elle lui doit donc en indemnité une garantie de travail fructueux et un minimumd'entretien décent, dette impayable en civilisation. Pour l'acquitter , il faut inventer un ordre social plus productif, plus équitable en répartition , et surtout limité en population. Mais dès qu'il s'agit d'inventer, les philosophes tirent de l'aile , et trouvent insolubles les problèmes les plus faciles. Aussi sur la question précitée, décident-ils tyranniquement que l'individu doit tout à la société , même son sang ( conscription ) , et que la société ne doit à l'individu que des gasconnades, comme le droit de souveraineté, le bonheur de vivre sous la Charte

plaisant dédommagement pour un misérable qui demande du travail et du pain ! Pour en finir , M. Guizot , par une transition bien alambiquée , en vient à un tribut de circonstance , il déclare qu'il a l'espoir d'une autre vie, d'un monde invisible où il se rejoindra à Dieu. Reste à savoir si Dieu voudra se joindre aux calomniateurs tels que M. Guizot

et s'il

n'enverra pas au fond de l'enfer toutes ces vipères littéraires. Les philosophes sont bien empressés aujourd'hui de nous dire qu'ils croient en 55 INDUSTRIEL. 631 L'auteur indique dans la disposition en séries passionnées ( régime qui fait produire, distribuer, manutentionner et consommer par séries de groupes ) les moyens de satisfaire, sans aucune contrainte , aux conditions imposées ou à imposer (586). Dieu ; ils ne parlaient pas de cela il y a vingt ans , lorsqu'ils ne craignaient pasla Congrégation ; mais depuis que les dictionnaires d'athées ne sont plus de mode , et qu'il faut avoir l'air chrétien pour conserver des sinécures, ces messieurs sont devenus tout-à-coup brûlans de piété et de ferveur ; ils fourrent partout leur profession de foi qu'on ne leur demande pas , car on sait de reste qu'ils sont athées et matérialistes; leurs belles phrases ne dissuaderont personne ; il est trop tard pour chanter cette palinodie. , Concluant sur ces douze absurdités d'une page de M. Guizot, ou j en aurais trouvé bien davantage en la relisant, j'ai peine à concevoir que dans un auditoire de mille individus à qui l'on débite ces balivernes, personne ne se lève pour lui faire une réplique sévère, lui signaler ses contradictions choquantes , comme celle-ci: « Le mot civilisation com- » prend l'idée de progrès, de développement; il suppose un peuple qui » marche. » Les barbares sont donc des civilisés, carils ont beaucoup marché politiquement, dans leurs progrès industriels en Chine, Indostan et Japon ; ils étaient donc civilisés à l'époque de ces progrès

cependant ces trois régions ne sont jamais sorties de l'état barbare. Personne ne sait relever ces contradictions du professeur, parcequ'onne sait pas distinguer les caractères de civilisationet de barbarie, qui n'ont jamais été classés, section VI et 521 ,et dont la philosophie étouffe toute analyse. Il résulte de celte omission, que les disciples du cours d'histoire n en sachant pas plus que le professeur sur le mécanisme civilisé, celui-ci peut aventurer impunément tout sophisme , tout paradoxe sur les questions de progrès social , et placer le progrès dans telles méthodes qui sont une rétrogradation réelle , comme l'est tout système libéral qui ramène la vieille civilisation actuelle aux folies de jeunesse, aux illusions démocratiques : c'est un retour de troisième en deuxième phase ; c'est le vol sublime de l'écrevisse ; et cette illusion est applaudie d un auditoire qui ne recherche que les enfilades de mots vides de sens , persuadé que tout ce qui est philosophique doit être cru sans examen. Après avoir entendu cet amphigouri de M. Guizot sur le progrès social, chacun s'en va disant: « C'est bien philosophique ! Y avez-vous compris quelque » chose ? Non : ah! c'est que c'est de la philosophie transcendante ; » quels torrens de lumières, on n'y voit goutte! Oh! que les profon- » deurs de la philosophiesont profondes! » Je ne blâme pas ici le débonnaire auditoire ; il faut de ces comédies intellectuelles dans une grande capitale meublée de riches oisifs , et 632 LE NOUVEAU MONDE 56 Il s'appuie de la chance d'un pis-aller très lucratif, en faisant observer que dans sa théorie composée de trois branches, 1°bénéfices en matériel, ou action unitaire des masses, 2° bénéfices en instinctif, ou éclosion précoce et application fructueuse dans un siècle qui, dévoré de curiosité sur les mystères de la nature veut entendre quelque oracle vrai , ou faux, de même que les femmes veulent des sorcières ou tireuses de cartes et de bonne fortune. Le gou- vernement voit fort bien qu'à travers ces amphigouris philosophiques se glissent des doctrines pernicieuses dont on fait usage pour exciter des troubles, attaquer l'autorité ; mais il n'avait aucune théorie séduisante à opposer, aucun moyen de résistance que la voie de répression qui donne des forces a la cabale philosophique. Maintenant il peut la démasquer, la confondre sans attaque , la tuer par le ridicule , par un parallèle des sciences neuves et exactes(580) avec les vieillesjongleries nommées philosophie. Voir art. Y. Un public nourri de balivernes politiques telles qu'en débite M. Guizot,repousse toute science neuve et exacte ; il craint de perdre en moyens d'ergotisme autant qu'il gagnerait en lumières. Condillac le ditfort bien en ces mots: « Ceux qui n'auront rien étudié entendront mieux une » science neuve que ceux qui aurontfait de grandes études et qui auront » beaucoup écrit. » Notre littérature dépravée habitue le public à croire comme oracle philosophique tout ce qu'il ne comprend pas, et à ac- cueillir toute calomnie sans examen , pourvu qu'elle soit en style amu- sant. Aussi la calomnie est-elle devenue depuis peu une branche de commerce très active dans la littérature française. On pourrait y remé- dier aisément par quelques mesures déjà connues , comme une justice de paix littéraire et des règlemens de police littéraire. Faute de ces mesures tutélaires, les calomniateurs ont beau jeu ; ils peuvent même s'affubler d'un manteau de justice : ainsi fait M. Guizot, qui, dans un n° de sa Revue Vandale , tonne contre la calomnie, et prend la défense du prince Talleyrand , au sujet d'un libelle intitulé : ALBUM PERDU. Lorsqu'il s'agit d'un personnage puissant, les caméléons littéraires font étalage d'équité : c'est une ruse pour mieux écraser les hommes sans défense ; fort de la protection des grands, le Zoïle diffame impunément ses adversaires non protégés. Je l'ai dit

il faudrait dans Paris , où la classe des écrivains est si nombreuse , créer au moins une justice de paix pour établir contre la diffamation et la calomnie un moyen de résistance exempt de frais et de lenteurs. On crée des juges de paix militaires , pourquoi non des juges de paix littéraires dans Paris , où un tel magistrat aurait tant d'occunation ? Il faudrait en outre une société d'opposition aux charlataneries politiques , un point d accès pour les inventions d'autre genre que les INDUSTRIEL. 633 des instincts, 3° bénéfices d'attraction , tenant au double enthousiasme qu'excite cette distribution industrielle ; les deux premières branches de bénéfices ne peuvent pas être révoquées en doute ; et que si la troisième qui sera suspectée, avortait , manches à l'imbécile.Le gouvernement est circonvenu par les sophistes qui lui chantent la perfectibilité. Chaque jour on débite dans les chaires et dansles écrits, des torrens de ces hérésies sociales telles que les douze relevées ici d'une page de M. Guizot, page la plus prônée dans les journaux. La réfutation de ces jongleries serait un sujet de leçons très intéressant dans les séances d'une société qui professerait les sciences neuvesindiquées(580). La crainte de cette surveillance paralyserait toutà-coup les beaux esprits qui s'engagent, comme M. Guizot, dans la politique sociale sans y rien connaître;ils seraient obligés d'apprendre cette science nouvelle qui les confondrait à chaque pas ; et dès qu ils la connaîtraient( au bout de trois jours d'études), ils s'y rallieraient ardemment pour profiter des chances de fortune indiquées (609). Les trois quarts des philosophes accourraientsous la nouvelle bannière, et l'autre quart chancellerait. Le gouvernement manifesta le désir de créer un foyer d'opposition à ces sophistes , lorsqu'il favorisa la société des BONNES LETTRES, qui n'était nullement en mesure de lutter avec eux; elle venait au combat sans doctrinesséduisantes et neuves; elle n'avait pour toute arme que des talens oratoires qui foisonnent chez le parti agitateur ; elle devait succomber sous le nombre. La doctrine à opposer aux philosophes n est autre que celle des garanties positives (635), et de l'attraction industrielle que diffame M. Guizot. Pour prouver que la science est coupable comme lui, que la philosophie sous tous les maîtres n'est qu'un cercle vicieux, qu'un piège a la crédulité , j'examinerai à l'art. V deux phrases d'un de ses collègues , M. Cousin ; je le justifierai des reproches que lui ont adressés les journaux , et j'en conclurai que la philosophie, déjà trompeuse entre les mains d'un savant bien intentionné, l'est à plus forte raison sous la plume de ceuxqui en font un levier de vandalisme, comme le fait(art.III) M. le candidat libéral de la Côte-d'Or et du Doubs. Ses amis mêmes lui diront qu'il a outre-passé les bornes de la méchancetélittéraire , et que je devais une leçon à celui qui en donne de si dangereuses a ses disciples. Des journaux disent que le gouvernement a nommé une commission pour élaguer ce qu'il y a de vicieux dans ce cours d'histoire ; elle aura bien à faire si elle veut en éliminer toutes les doctrines insidieuses , toutes les monstruositéstendant à fausser les esprits. On a pu en juger par les douze citations de cette page que les apologistes donnent pour 634 LE NOUVEAU MONDE 58 les deux autres suffiraient déjà à éleverle produit au triple de ce que donne la méthode morcelée qui règne dans nos cultures et ménages de famille. Les motifs de suspicion sont, 1° que l'auteur contredit des sciences dominantes, à quoi il répond que tous les inventeurs fameux , Copernie , Newton , Linnée , Colomb , Galilée, Harvey, ont contredit leur siècle , et que celui qui est d'accord avec les systèmes régnans ne peut pas être inventeur en mécanique sociale , où tout est défectueux. 2° Que la réunion domestique , la gestion combinée , échoue sur de petites masses de trois à quatre ménages ; que la discorde y éclate bien vite, surtoutparmi les femmes ; qu'on échouera encoremieux sur trente, à plus forte raison sur trois cents : il répond que l'échec des petites masses est une présomption en faveur des grandes ; car Dieu sachant que l'économie ne se trouve que dans de grandes réunions , a dû adapter son plan à des masses très nombreuses; aussi le régime des séries passionnées n'est-il pas applicable au petit nombre. 3° Que si Dieu nous eût destinés à ce mécanisme, il aurait pris des mesures pour nous le faire connaître dès les premiers âges : l'auteur explique la nécessité du délai (voir 591 ). Quel parti doit prendre la France au sujet de cette étrange nou- veauté ? Éviter la faute où elle tombe constamment : elle éconduit tousles inventeurs autres que ceux de colifichets, perruques philogènes et pommades philocomes , puis elle revendique tout après coup (détail 556 ) , même les bagatelles comme la soupe Rumford. Voici une occasion de réparer cette antique faute par un chef-d'oeuvre : que sont donc les autres pages, si elles sont inférieures a celles-ci ? N 'est-il pas évident qu'un enseignement qui habitue le public à se repaître ainsi d'un déluge de paradoxes et enfilades de mots vides de sens, ne peut que pervertir le jugement, préparer les voies aux agitateurs ; et qu'il faut enfin opposer à cette science trompeuse une rivalité puissante, une doctrine exacte, utile, séduisante, au lieu de lui opposer des entraves illusoires, des bâillonsqui ne servent qu'à augmenter son crédit? Quoi de plus dangereux qu'une science, ou plutôt une superstition qui est parvenue à fasciner les esprits au point de faire croire aveuglément toutes les sottises qu'elle débite en s'appuyant d'une parole sacramentelle

C'est philosophique

, DE FIDE EST. 59 INDUSTRIEL. 635 un examen méthodique. La France a accordé une confiance prématurée à M. Owen qui n'apportait point de théorie; ne doiton pas au moins assurer l'accès à celui qui donne sur le même sujet une théorie entièrement neuve ? Ne fût-elle qu'ungerme incomplet, informe, d'autres le développeront; ce serait une tache que de repousser sans examen ce mécanisme d'attraction industrielle qui, si on parvient à l'organiser , opérerait l'abolition de l'esclavage par toute la terre, et préviendrait tous les vices qu'engendrent l'oisiveté et la répugnance du travail. Tel est en substance le langage que devait tenir un professeur d'histoire. C'est à lui, je le répète , à prémunirses contemporains contre les fautes que flétrit l'histoire, et c'est lui qui donne le signal aux zoïles ! S'il existait une police littéraire , ne fut-ce qu'un juge de paix littéraire , magistrat qui manque dans Paris, on lui porterait l'écrit diffamatoire de M. Guizot, faussaire des sa première citation ; il serait mandé pour justifier de conformité à l'original, et, sur ce faux ainsi que sur les autres intentions et formes diffamatoires , il serait condamné, en réparation, à l'insertion d'une réplique et analyse triple de l'asticle improuvé. Mais sous prétexte de liberté de la presse , on favorise en tout point le vandalisme et la calomnie. Si le gouvernement doutait de sa fausse position à l'égard du monde savant , il suffira de lui citer pour preuve son index illusoire. Qu'il interdise un ouvrage, c'est le moyen d'en décupler le débit , tandis que l index du comité vandale, quoique secret et renié, est efficace parceque le comité tient l'opinion , les journaux, les chaires, etc. ; il a un pouvoir sans bornes pour le soutien de son monopole ; il est obscurant sous le voile de libéralisme , despote et bâillonneur sous le nom d'ami de la liberté ; il impute à ses rivaux tous les vices dont il est pétri, et il est cru aveuglément, parcequ il a su capter l'opinion par des promesses de liberté , vol sublime et perfectibilité , quand il est évident qu'il veut maintenu l'esclavage et paralyser tout progrès réel, puisqu'il étouffé la découverte, la théorie d'attraction industrielle, qui peut seule opérer l'abolition convenue de l'esclavage. Il n'est pas pour les gouvernemens d'autre parti que d'enlever l'appui de l'opinion à ces sycophantes de vertus patriotiques, 636 LE NOUVEAU MONDE 60 Maintenant qu'on possède le moyen de faire subitement tout le bien que prometl'hypocritephilosophie, il faut que l'autorité dés- orientée, effarouchée par la révolution, renonce à sa politique de rétrogradation; au lieu d'appeler à son secours le dixième siècle, il faut qu'elle anticipe surle trentième , et qu'elle prouve , par une petite opération sur cent cinquante pauvres familles et moitié d'une lieue carrée, que les quatre sciences philosophiques engendrent tous les fléaux opposés aux biens dont elles nous leurrent

et qu'on ne peut trouver ces biens que dans l'in- dustrie combinée, dont l'index philosophique veut dérober la connaissance, pour sauver son commerce de systèmes et son monopole de génie.

Une chiquenaude suffira pour abattre ce fantôme de science faites pour démasquer la philosophie, le centième de ce que vous faites pour l'enrichir

sur un budget de 400,000 fr. .dont

200,000 au moins sont absorbés par les sophistes , prélevez un centième, 4,000 , pour fonder une société et un journal de la réforme industrielle ; il aura bientôt plus d'abonnés que les plus courus ; au bout de trois mois vous aurez la souscription nécessaire pour fonder le petit canton d'essai, et, avant même que le coup ne soit porté , dès qu'on fera mine de vouloir fonder , vous verrez tous les saltimbanques de philanthropie faire abjuration et changer de bannière, parcequ'ils se verront abandonnés par les classes honorables , qui reconnaîtront l'erreur, la fausseté du système agricole et commercial fondé sur le morcellement et la ibre fourberie. Examinons dans un dernier article combien cette octrine est incapable de soutenir la moindre attaque. ART. V. — La philosophie et les philosophes du 19e siècle. « Notre crédulité fait toute leur science. » Aucun de leurs dogmes ne peut soutenir l'examen, on en va juger. Je commence par les deux sciences industrielles dites Politique , et Économisme

elles sont intimement liées. Je passerai de la aux deux sciences intellectuelles , dites Moralisme et Métaphysique. Traitons d'abord des constitutions libérales ou représenta¬ 61 INDUSTRIEL. 637 lives, qui sont le cheval de bataille du monde philosophique , le pivot de tous les systèmes de perfectibilité ; elles sont aussi absurdes les unes que les autres, depuisla fameuse de TARGET, en 1789, qui devait régénérer toutes les nations , jusqu'aux dernières écloses, du fait de don Pedro et de Bolivar, qui ont innové par des constitutions à quatre jambes ou quatre pouvoirs ; elles n'en ont pas mieux marché pour cela. Analysons le vice de toutes ces chartes. L'instinct avait suggéré aux philosophes qu'il faut établir en mécanisme social trois pouvoirs , et les équilibrer comme les balances que soutient le fléau

il eût fallu créer ces trois pouvoirs; la philosophien'en a su imaginer aucun ; le gouvernement, qui est l'un des trois , se crée assez de lui-même , sans le secours des beaux esprits. Tout occupés de se faufiler dans l'administration, les philosophes n'ont envisagé que ce seul ressort, et ils ont érigé en pouvoirs primordiaux deux branches du gouvernement, la fonction législative et la fonction judiciaire ; de sorte que leurs prétendus équilibres ne sont qu'une guerre intestine entre les fraclions du gouvernement, une lutte des pouvoirs législatif et exécutif. Nos chambres de députés ne sont occupées que de la petite guerre contre le ministère et ses agens dont on convoite les places ; le problème est de créer deux pouvoirs qui soient alliés et coopérateurs de l'administration , mais non pas guerroyans contre elle : je les désigne sous les nos 2, et 3 du tableau suivant. 1. Pouvoir central existant, le gouvernement. 2. Pouvoir majeur à créer, les curateurs populaires. 3. Pouvoir mineur à créer, les distributeurs directs. Les curateurs populaires doivent remplir le rôle dont chacun prend le masque, celui de pères du peuple. Or quel est le devoir d'un père ? C'est de procurer à ses enfans l'entretien , l'éducation , la dotation, jusqu'à ce qu'ils puissent d'eux-mêmes se soutenir. Par analogie , les pères collectifs ou curateurs popu- laires doivent procurer à la classe pauvre, qui ne peut ni tenir ménage ni se soutenir par elle-même , une ferme d'asile dans les campagnes, un ménage d'asile dans les villes. Cette classe dénuée comprend au moins le tiers de la population , même les 638 LE NOUVEAU MONDE 62 deux cinquièmes, environ huit cents sur deux mille. Il faut donc par chaque division de deux mille un asile, soit ferme rurale , soit ménage urbain , où le peuple et les infirmes soient pourvus du nécessaire DÉCENT et non pas de pain noir; un séjour agréable où ils trouvent des travaux variés et lucratifs , et où l'on soit assez heureux par l'attraction industrielle jointe à l'aisance, pour que les moins riches de la classe moyenne , restée en ménage familial, désirent l'admission au ménage combiné, et se croient dupes de vivre en ménage incohérent. Ces asiles doivent être régis par les plus riches du canton, et constitués par actions dont la classe pauvre peut prendre des coupons , selon la méthode exposée au Traité. On réplique : La classe pauvre serait donc plus heureuse que la moyenne ? Qu'importe ! La classe moyenne est toujourslibre de sortir de l'état philosophique ou ménage incohérent, et d'organiser des ménages combinés. Pourquoi ceux-ci seront-ils si heureux? Il en est diverses causes: 1° le produit triple ; 2° la répartition équitable , sans risque de vol ; 3° le genre de vie et de travail conforme au voeu de la nature, adapté aux instincts de chacun (voir sur ce sujet les aperçus donnés au début de l'art. II). Je ne peux pas expliquer ici l'organisation de ces réunions , je me borne à envisager leur produit. La classe pauvre, formant le tiers de la population, est celle sur qui pèse tout le travail

elle en fait la bonne moitié , car les riches ne s'emploient guère qu'il présider et surveiller , ce n'est pas produire. Ainsi ce tiers de population réunie en ménages combinés, cultiverait la bonne moitié des terres en fermage ou en propriété actionnaire ; il exercerait plus de moitié des travaux de fabrique , en les alliant à la culture ( comme dans les montagnes de Saint-Étienne et autres). Exerçant plus de moitié du travail productif qui rend six milliards en France , son produit élevé au triple donnerait neuf milliards au lieu de trois , non pas la première année, mais au bout de quatre à cinq ans , lorsqu'on aurait eu le temps de faire les travaux combinés de région , tels que bassins de réserve au sommet des vallées , rigoles d'arrosage , restauration des races de bestiaux , accroissement des vergers qui ne peuvent fructifier ni la 1re ni la 2° année. Les six milliards de surcroît que donneraient ces établissemens 63 INDUSTRIEL. 639 seraient répartis , un au gouvernement, deux aux actionnaires , trois au travail

chaque classe gagnerait prodigieusement ; examinons : le fisc perdrait trois cent millions d'impôt perçus directement ou indirectement sur le menu peuple ; mais regagnant un milliard , il aurait sept cent millions de bénéfice, en tout dix-sept cent millions , plus cent millions d'économie sur la perception ; celle des ménages combinés ne coûterait rien au fisc, il éviterait de plus les frais de recouvrementsur les ménages incohérens ; chaque ferme d'asile s'en chargerait pour une légère provision. Le fisc aurait donc en France dix-huit cent millions de rente ; il ne serait plus réduit à refuser deux cent millions pour le travail le plus urgent , celui des grands chemins ; il les ferait à très bas prix , parce que les fermes d'asile traiteraient pour la confection ainsi que pour l'entretien. Les classes riche et moyenne gagneraient deux milliards de plus en produit de leurs actions sur les fermes d'asile, et le peuple, obtenant trois milliards en sus de ses salaires actuels , vivrait dans l'abondance et la gaieté. Un autre bénéfice très considérable pour les riches, serait la cessation des vols, des mauvaises moeurs du peuple, et de la plupart des crimes ; car les trois quarts n'ont d'autre source que la misère. Tel serait le rôle de l'un des pouvoirs non existans , que j'ai nommé corps des CURATEURS POPULAIRES. C'était là le premier appui que devaient ménager au peuple ses prétendus amis, ses représentans surnommés pères de la patrie , pères bien libéraux en paroles et bien stériles en génie. Pour leur intérêt même , il leur eût convenu de songer à cette amélioration de sort du peuple ; ils y auraient trouvé leur compte: l'état devenu très riche et moins lésineux , aurait pu aisément leur allouer à tous, les 1,000 fr. par mois qu'obtiennent quelques favoris ; leurs places , dans ce cas , seraient de beaux canonicats oratoires à 12,000 fr. de rente, où chacun pourrait faire étalage de rhétorique sans craindre la terrible CLÔTURE qui prive les amateurs de tant de belles philippiques. Lorsque l'administration serait facile par l'aisance du peuple, il y aurait peu de lois, peu d'affaires à discuter dans le double sénat, et on y ferait à loisir assaut de faconde. Je passe à l'autre pouvoir que nos équilibristes n'ont pas su 640 LE NOUVEAU MONDE 64 inventer , c'est le corps des distributeurs directs et subordonnés; corps opposé à celui des distributeurs despotiques nommés marchands, qui deviennent propriétaires d'une denrée dont ils ne sont ni producteurs ni consommateurs. Cet arbitraire commercial aujourd'hui prôné par les philosophes , sous le prétexte de liberté , semblera bientôt plus coupable que l'attentat des voleurs de grand chemin et des faux monnayeurs. En commerce, comme en toute relation, la philosophie ne sait prôner que les abus de liberté , que l'anarchie , sans savoir inventer aucune méthode favorableà la vraie liberté, qui repose sur le contentement respectif des parties ; or comment l'acheteur dupé par le marchand peut-il être satisfait ? comment le public affamé par un accapareur de grains, comment cent fabriques entravées par un spéculateur qui lait enchérirles matières, peuventils aimer cette fausse liberté qui sacrifie les masses à la cupidité d'un individu ? Le commerceétant vingt fois plus étendu dans l'ordre combiné que dans l'ordre civilisé, où les villages n'ont aucun commerce journalier entre eux, s'il fallait, sur cette masse énorme d'échanges , passer par la griffe des intermédiaires commerciaux, toutes les relations seraient paralysées par les extorsions mercantiles dont on ne veut pas aujourd'hui tenir compte. Le seul commerce de vin vole au public de France annuellement cinquante millions de francs , sur la vente de l'eau, en mixtion d'eau pure avec variantes, eau de bois d'inde pour les vins rouges , eau de réglisse pour les vins blancs. On entend des marchands de vin dire plaisamment : « J'ai dans ma cour une pompe qui me rend 10,000 fr. par an. » Rien n'est plus vrai. Combien d'autres sortes de vols dans ce genre de commerce, par les vins fabriqués , drogués , quoique sans eau ! Je n'exagère pas en disant qu'il vole aux Français cent millions en sus du bénéfice admissible ; en outre, il empêche une consommation de cent millions par l'entrave de fraude , par la défiance et le dégoût que causent tant de supercheries. Voilà , dans une seule branche de commerce , deux cent millions de lésion pour la France , en vols ou stagnation : ajoutez les lésions qu'elle éprouve dans toutes les autres branches de commerce , notamment par suite d'accaparement et agiotage, quand les sangsues enlèvent 65 INDUSTRIEL. 641 comme en 1812 , toutes les farines à 60 fr. le sac, et les revendent à 120 fr. à la suite de fausses alarmes. Ce brigandage est prôné par les économistes qui le décorent du nom de liberté. Les députés, embarrassés de trouver deux cents millions en compensation des droits réunis , sels, tarifs de douanes , auraient dû entrevoir que c'est sur le commerce qu'il faut prendre; et que l'invention du mode de commerce véridique donnerait à l'Etat les deux cents millions, tout en délivrant le peupledesrapines mercantiles; car la seule branche des friponneries commerciales, telles que vente de cinquante millions d'eau en guise de vin,sable mêlé dansles farines , et autres falsifications sur toutes denrées, s'élève déjà à deux cent millions au moins; si on y ajoute le prix du travail parasite de cinq cent mille agens à supprimer, c'est encore trois cent millions , à n'estimer leur journée que 2 fr. par jour; comptons ensuite les bénéfices en dehors du système de fraude, comme le profit d'accaparement, qui n'est pas fraude, mais extorsion franche ; puis les bénéfices de banqueroute , qui sont pris sur les classes productives , cultivateurs et manufacturiers, et sur les capitalistes; puis les bénéfices d'usure, qui, bien que cachés, n'en sont pas moins énormes; et beaucoup d'autres dommages, tels que les avaries, qui n'auraient pas lieu en gestion combinée ; vous verrez que ce commerce , dont la philosophie déplore les souffrances et les plaies, fait luimême une plaie de huit cents millions à la France, en saignée annuelle qui se réduirait à trois cents millions sous une régie de mode véridique ; elle verserait au fisc deux cent millions pris sur les provisions d'entrepôt, vente et achat; elle allouerait cent millions pour ses agens peu nombreux et ses frais de matériel, total trois cents millions. Ce serait quadruple avantage pour le public: 1° transactions nombreuses que faciliterait la garantie de vérité ; 2° retour de cinq cent mille individus à la culture ; 3° retour de cinq cents millions de capitaux absorbés par le commercemensonger; 4° cinq cents millionsd'économie obtenus par suppression du service mensonger ou concurrence anarchique. Le mécanisme véridique opérerait tout à contre sens de la doctrine Saint-Simon (582) accréditée dans Paris, et selon laquelle il faudrait élever au rang suprême ces fourmilières de marchands que la fausse liberté fait pulluler. 5 642 LE NOUVEAU MONDE 66 La régie de commerce véridique est le troisième pouvoir qu'il eût fallu inventer. Elle se compose de commis amovibles qui n'opèrent que par entrepôt , ne peuvent ni retarder les ventes, ni acquérir aucune denrée , aucun objet en propriété , sans justifier de consommation ; et qui sont responsables de toute fraude qu'essuierait l'acheteur. Dès que les fermes d'asile seraient en activité , elles rompraient toute communication avec les marchands, et organiseraient, sous la direction du ministre , leurs agences qui, correspondant entre elles , éviteraient toute rapine intermédiaire. Le bénéfice resterait aux seuls producteurs , sauf la provision fiscale; les ménages de famille abandonneraient de même les marchands, et traiteraient par l'entrepôt concurrenttrinaire (il doit être trinaire pour la concurrence, pour ménager l'option aux consignataires et aux acheteurs). Je ne peux entrer dans aucun détail sur ce vaste mécanisme; j'y ai touché légèrement au Traité, sect. VII

je me borne à dire que les chefs de l'entrepôt, ou distributeurs directs , sont, comme les curateurs populaires , un corps qui, loin d'être en lutte avec le gouvernement , lui rend des services de toute espèce, fait toutes ses fournitures au plus bas prix, en qualité fixe, sans risque de fraude , et verse encore au fisc la provision perçue en entrepôt, frais déduits. Ainsi doitfinir ce sarcocèle mercantile qui dévore l'industrie , celte pétaudière de marchandsque la philosophie porte aux nues, érige en colonne de l'auguste vérité. L'action des deux pouvoirs précitéspeut seule assurer au peuple un bien-être que la philosophie lui donne en fumées de souveraineté , en pain noir , en haillons , tandis que ses constitutions libérales jettent des sénatoreries de 50,000 fr. de rente à la tête de banquiers déjà rentés à 100,000 écus. Lorsqu'on connaîtra le mécanisme des garanties positives (période 6 , tableau 588) , régime qui n'estpas encore l'ordre combiné,mais qui emploie déjà les deux pouvoirs décrits ci - dessus

nos illustres fabricans de

constitutions , depuis Solon jusqu'à Target, sembleront des démagogues pitoyables , et leur science deviendra la risée des enfans. Ces égoïstes n'ont pas pu ignorer qu'il faudrait avant tout assurer le nécessaire au peuple, et qu'on ne peut y parvenir par les grandes réunions économiques et productives dont il fallait déterminer le mécanisme naturel. INDUSTRIEL. 643 L'égoïsme des législateurs s'est transmis aux assemblées re- présentatives; elles ne veulent prendre que sur le faible et le pauvre. On en citerait vingt preuves ; par exemple, dans Paris, il est une corporation qui devrait verser soixante millions au cautionnement, et qui n'en verse pas le dixième ; c'est le corps des agens de change, qui, gagnant annuellementdouze millions, devrait en déposer trois chaque année, afin que les soixante charges fussent grevées d'un million chacune au bout de vingt ans, époque où s'arrêteraitle versement. Dans d'autres branches de cautionnement, on trouverait des millions à recouvrer de tous côtés, sur des charges qui se vendent au décuple du prix d'origine; mais tous les corps qui ont des bénéfices faciles sont sacrés , inviolables , aux yeux des représentais. On est péniblement affecté en voyant que dans cette assemblée nombreuse, il s'en trouve une grande majorité occupée à épiloguer les détails du mobilier d'un ministre, et pas un seul homme qui ose signaler tant de rapines commises par le commerce, engros et, en détail : VOLS EN GROS par les friponneries de genre , comme celle de cinquante millions d'eau vendue pour vin ; VOLS EN DÉTAIL ou friponneries d'espèce, comme celle qui a lieu sur les cautionnemens de la part des agens de change, et de tant d'autres compagnies formées ou à former; on en pourrait indiquer plusieurs qui ver- seraient des millions si on voulait les admettre, même sans monopole. C'est d'Angleterre que nous est venue la chimère politique de représenter le peuple par des hommes qui se rient de ses misères, et dont les intentions secrètes sont bien exprimées dans ces deux phrases

l'une du ministre Walpole , disant : « J'ai dans mon » portefeuille le tarif de toutes les probités du parlement; » l'autre d'un député anglais, disant à ses commettans: « Je vous » ai achetés cher , il faut que je vous vende cher. » Sans doute il y a des exceptions à celte perversité ; on voit des représentans très intègres ; mais qu'importe ? puisque la majorité fait loi, et qu'on sait, dit Molière , l'art de traire les hommes, de manier la pâte électorale et parlementaire. Un ministère tant soit peu exercé arrive bientôt à son but par le moyen très connu : « faire » payer à une nation le prix de la corruption de ses représentans. » Du reste , c'est un excellent ressort que le système représentatif 5. 644 LE NOUVEAU MONDE 68 pour avoir de bons impôts, et l'on peut dire aux souverains qui le repoussent : Vous ne savez pas ce que vous refusez. Au résumé , il est la plus palpable des illusions , pernicieuse surtout, en ce qu'elle fausse les esprits sur ce qui touche aux garanties positives. Aussi a-t-elle été avidement accueillie par la France, qui ne sait qu'imiter toutes les sottises d'outre-mer. Les Anglais ont laissé le calcul de l'attraction à moitié chemin , la France n'a pas osé le continuer , de peur d'empiéter sur les droits de l'Angleterre. On citerait vingt de ces écueils politiques où la France tombe par manie d'imitation ; puis elle veut, avec cet esprit servile, se dire le foyer de la civilisation ! Elle n'en est que le paillasse et le bardot, payant partout de ses soldats et de ses trésors , sans obtenir aucune restitution de territoire, livrant débonnairement à autrui ce qu'elle a péniblement conquis. vache à lait des autres cours , caricature politique. Voilà, disent les libéraux, l'abîme d'où nous voulons sortir la France. Eh ! vous l'y engouffrez plus profondément ; les cours, connaissant votre savoir-faire, depuis 1793, sont effarouchées; elles se jettent dans les bras du 10e siècle pour échapper au libéralisme dont elles ne veulent à aucune condition. Avisez donc à satisfaire votre ambition par une autre voie qui puisse convenir à la cour, comme l'attraction industrielle et le doublement d'impôts , fruit du quadruplement de produit. Abjurez une science qui n'a su établir que le chaos en politique ainsi qu'en industrie ; car au lieu de trois pouvoirs homogènes, elle en crée une douzaine qui s'arrachent la proie : j'en cite seulement sept, dont quatre coïncidens avec la cour , et trois dissidens. A. Conseil d'État, pouvoir judiciaire et législatif. B. Clergé et congrégation, pouvoir de fait. C. Corps enseignant qui, par intervention des jésuites , va former un pouvoir bien supérieur aux constitués. D. Police, pouvoir de fait, en dehors des lois, pouvant amnistier et employer un criminel, corrompre valets , enfans , fonctionnaires, pour exercice de la délation et de vices spéculatifs utiles au plus fort. X. Philosophisme, pouvoir qui maîtrise l'opinion , la dirige à contre-sens des vues de l'autorité. Y. Commerce, pouvoir très despotique depuis qu'il est étayé 69 INDUSTRIEL. 649 d'une secte nommée industrialisme, et qu'il peut, sous le masque de liberté , commettre des vols par cent millions. Z. Factions étrangères, entraînant l'autorité terrifiée par la peur du libéralisme. Voilà donc, en dehors destrois pouvoirs constitués,sept autres, dont quatre homogènes avec la cour , A , B , C , D ; et trois hétérogènes , X , Y , Z. Combien voit-on dans l'ordre civilisé de ces pouvoirs qui, comme les jacobins, sont plus puissans que les trois constitués ! Il en existe aussi de masqués, soit en sectes politiques ou religieuses, soit en corporations , comme les agens de change de Paris. Louis XVI et Necker ne savaient pas où puiser cinquante millions de revenu pour les employer utilement en France

les agens de change trouvent aujourd'hui cent millions par an, pour les livrer à l'étranger , contre assignats, malgré l'imminence de banqueroute. Le roi et son conseil ne trouveraient pas dix millions pour ce fol emploi s'ils les demandaientsimplement, sans recourir aux menées des agens de change ; ils sont donc un pouvoir plus influent dans divers cas que l'autorité suprême ; eh ! quel équilibre peut-on voir dans cette cohue d'une douzaine de pouvoirs qui s'arrachent les lambeaux du cadavre civilisé? Les philosophes sentent si bien les ridicules de ce mécanisme, qu'ils refusent obstinément d'en faire l'analyse telle que je l'ai tracée en VIe section : pour esquiver la tâche, ils disent covnme M. Guizot, que la civilisation est un fait difficile à décrire, ce qui signifie que les véritésfâcheusessont difficiles à avouer pour des charlatans littéraires , vivant sur les illusions de vol sublime dont ils bercent le monde social. Ce monde au contraire eststationnaire et rétrogradant sous la direction des politiques et économistes, sect. VI et VII. Que penserait-il de leur science en apprenant qu'elle le fait cheminer à reculons ? C'est de quoi l'on se convaincra en lisant ces deux sections. Il reste à parler des secours qu'on tire de la morale et de la métaphysique. Le défaut d'espace m'oblige à supprimer presqu'en entier ces deux articles. En parlant de la morale, il faut d'abord demander de laquelle, car il en est de toutes couleurs ; on en fabrique, bon an mal an , une cinquantaine de systèmes . selon les statistiques littéraires (191)

de sorte que celui qui veut 646 LE NOUVEAU MONDE se conduire moralement, doit chaque semaine changer de principes et de moeurs , pour rendre hommage à chacun de ces nouveaux systèmes, tous excellens

car si on prétendait qu'un

d'entre eux est préférable, il y aurait des milliers de systèmes à mettre au rebut, ce qui serait une grande calamité pour le commerce de morale, qui a besoin de débiter chaque année cinquante nouveaux systèmes contradictoires , non compris les anciens. Ils ne s'accordent que sur une sottise, qui est de choisir pour hase de leur édifice la vie de famille ; ils ignorent que le groupe de famille est essentiellement faux (310) ; il l'est à tel point que si la loi n'intervenait pas contre les pères, on verrait en tous pays ceux de classe pauvre exposer leurs enfans , les vendre aux marchands de femmes ou d'esclaves , les mutiler pour la musique d'église et le service des sérails. La classe riche les sacrifie d'une autre manière , par le droit d'aînesse et la réclusion claustrale s par la contrainte d'imitation en travaux et habitudes, quoiqu'il y ait deux cents à parier contre un, qu'un père de six enfans ne trouvera point parmi eux son identique de caractère (315). Le père ne lient aucun compte de cette différence de penchans; s'il est ami du commerce et ami des raves, il forcera son fils à manger des raves et débiter des mensonges à la boutique. Les pères se plaignent tous d'inégalité et d'insuffisance dans la dose d'affection que leur portent les enfans; il faut lire (315) la méthode naturelle d'équilibre sur ce point, et on se convaincraque la vie de famille est essentiellement contraire au bonheur des pères ainsi que des enfans. C'est principalement sur l'éducation que la morale s'exerce : pour juger de son impéritie en ce genre, il suffit d'énumérer neuf écueils où tombent tous nos systèmes d'éducation. 1. Pluralité de méthodes, seize appliquées à un même su- jet, toutes contradictoires(198). 2. Lacune d'éducation dans l'âge de trois à cinq ans, époque assignée à l'éclosion des instincts et à l'essor des tempéramens. 3. Absorption des instincts , préf. 48 , et par suite, médiocrité perpétuelle du sujet, sauf rares exceptions. 4. Faussement des facultés corporelles et intellectuelles. 5. Impulsion à la paresse et au ravage. 71INDUSTRIEL. 647 6. Étude répugnée par l'immense majorité. 7. Théorie placée avant la pratique attrayante. 8. Solité d'enseignement , méthode uniforme à l'école, 9. Éducation mondaine qui vient à seize ans renverser tout l'édifice des pédagogues. Un seul instituteur a su remédier en partie au deuxième vice, et approcher du but, c'est M. Amoros , qui enseigne à développer dans l'âge de trois à cinq ans les facultés corporellesseulement. Sa méthode gymnastique est un progrès réel , par emploi d'un âge inculte et ingrat dansl'ordre actuel. En récompense, les députés lui ont retranché le traitement qu'il recevait à juste litre. C'est toujours sur les plus faibles que frappent ces prétendues économies qui ont donné en 1828 une épargne de 300,000 fr. et un surcroît de dépense de trois cent millions. (Voir 493, et substituer le chiffre 120 au chiffre 20. ) On vante chaque jour de nouvelles méthodes d'enseignement comme Lancaster, Jacotot, Clerc, Carstairs ; mais on ne donne aucun moyen de les présenter cumulativement à l'élève, dans une même école , afin qu'il ait l'option sur le mode adapte à son instinct. Ce cumul de méthodes ne peut avoir lieu que dans les écoles combinées et échelonnées, d'une phalange de séries passionnées, réunissant près de quatre cents familles, et développant tous les instincts. Si l'on veut lire sur ce sujet les détails de la section IIIe et les moyens neufs que fournit en éducation une phalange de séries passionnées , on reconnaîtra que rien n'est plus opposé à la nature de l'hommeque la vie de famille et la morale, art de retarder, morari, et entraverl'essor des passions, instincts et goûts, faute de savoirles utiliser. C'est une science toute négative, qui, spéculant seulement sur la répression du mal, ne possède aucun moyen efficace ni contre le mal, ni pour la création du bien. Elle a terminé honteusement sa carrière en capitulant avec l'esprit mercantile et le mensonge ; étrange dénouement pour une science qui prétend chercher l'auguste vérité ! La religion ne s'est pas souillée de cette tache ; elle n'a point cédé au torrent , point fléchi devant le commerce ; plutôt que d'adhérer à ce régime do tromperie , elle a préféré n'en rien dire. L'analyse de ses turpitudes , chap. 51 , 52 , était une des fonctions imposées à la 648 LE NOUVEAU MONDE morale (580), qui , sur ce point comme sur toute autre analyse a perfidement étendu le voile sur tous les vices de la civilisation , sect. VI. Passons à la métaphysique dont la défection a été le plus désastreuse, car c'était elle qui devait aller droit au but, au calcul de l'attraction passionnée. Elle-même s'en impose le devoir IMPLICITEMENT ; on va en juger par une phrase de M. Cousin , sur laquelle ont beaucoup glosé les Parisiens; ils ont prétendu qu'il fallait la traduire en français , ainsi que tout son cours de philosophie; ils peuventbien mieux adresser ce reproche à la politique ténébreuse de M. Guizot (voir la note, 621). La phrase de M. Cousin, tant critiquée , est rigoureusement juste, et n'a que le défaut repro- ché par Boileau à Perse, un style trop serré, enfermant moins de mots que de sens. La voici : « Dans tout et partout, Dieu revient en quelque sorte à lui « même dans la conscience de l'homme , dont il constitue indirectement le mécanisme et la triplicitéphénoménale , parle reflet » de son propre mouvement, et de la triplicité essentielle dont il » est l'identité absolue. » Je passe au commentaire. Dieu serait bien déshonoré s'il était, de son plein gré , partie constituante des consciences de civilisés, qui ne sont qu'hypocrisie et cloaques de vice. L'orateur a bien fait d'ajouter le mot indirectement; ce mot suppose que Dieu n'est point coopérateur spontané de nos consciences , dans les sociétés sauvage , patriarcale, barbare et civilisée, qui sont un travestissementdes passions. Dieu , dans ces quatre périodes, ne s'allie aux consciences méprisables des civilisés et barbares ,que par UN REFLET DE MOUVEMENT GÉNÉRAL , par une adhésion spéculative aux âges de vice qui , sont nécessaires à préparer les âges d'harmonie sociétaire, ou industrie combinée ( 588, 589 , 590). Et comme les deux âges de vice , placés en début et en fin de carrière sur chaque globe, sont de courte durée, ne comprenant à eux deux qu'un huitième de la carrière, Dieu spécule sur ces âges malheureux, comme le chirurgien qui, par bienveillance pour le malade, le soumet à des pansemens douloureux pen- dant quelques semaines , afin de lui rendre pour long-temps la santé. Voilà en quel sens Dieu adhère INDIRECTEMENT aux persécutions aux fourberies du régime civilisé et barbare : c'est à ses 73INDUSTRIEL. 649 yeux une abomination sociale, une transition pénible qu'il admet comme voie d'acheminement au bonheur , au régime des séries passionnées ; régime qu'on ne peut pas organiser avant d'avoir poussé très loin la perfection des sciences, des arts et du grand luxe que crée l'infâme civilisation

elle est l'image de la vipère dont on extrait, malgré son venin , des bouillons salutaires. Pour achever l'analyse de la fameuse phrase , je passe aux deux triplicités de Dieu, l'essentielle et la phénoménale. Elles ne peuvent être que l'accord des trois principes essentiels de la nature , mis en action et conciliés dans un phénomène social ; ces principes sont : 1° Dieu et les âmes , principe actifet moteur ; 2e La matière, principe passif et mû ; 3° Les mathématiques, principe neutre et régulateur Dieu ne peut être identique ou unitaire avec les deux autres principes , MATIÈRE ET GÉOMÉTRIE,qu'autantqu'il dirigera mathématiquement la partie spirituelle des mondes , les âmes , passions et sociétés. Mais où trouver en civilisation cette justice mathématique ? Ni M. Cousin ni d'autres ne pourront analyser dans nos sociétés perverses une marche juste , un mécanisme géométrique des passions. A défaut de cette justice qui certes n'existe pas en civilisation, Dieu semble hors d'unité avec le troisième principe nommé mathématiques ou justice exacte ; si donc la civilisation était notre destinée, il y aurait duplicité d'action dans le mécanisme de l'univers , car Dieu emploierait, La distribution mathématique pour le mouvement matériel, La distribution injuste pour l'essor des âmes et passions. Autre contradiction où tomberait Dieu. Il serait hors d'unité avec la matière, s'il n'avait pas préparé les moyens de diriger les âmes et les sociétés humaines par attraction, comme les réunions d'astres et d'animaux. Dieu serait donc en dissidence avec les deux autres principes de la nature , si l'ordre civilisé et barbare était destinée de l'humanité ; car cet ordre s'isole en tout sens des deux méthodes mathématique et attrayante qui régissent l'ensemble de l'univers matériel et les sociétés d'animaux industrieux. Ainsi M. Cousin, dans sesleçons, s'impose double tâche, celle de rallier à la géométrie et à l'attraction tout le mécanisme 650LE NOUVEAU MONDE 74 social et industriel. Tant qu'il ne satisfait pas sur ces deux pro- blèmes, son assertion sur les triplicités dont Dieu est l'identité absolue, reste au rang des paradoxes

elle est juste pourtant; mais l'auteur ne la motive pas, et ne peut la motiver qu'avec le secours d'une science qu'il ne possède pas encore, c'est la théorie ma- thématique de l'attractionpassionnée et de l'industrie attrayante, étude que les métaphysiciens ont refusée, au mépris de leur précepte , explorer en entier le domaine de la science. Concluons de l'analyse de cette phrase dont je démontre la rectitude , que lorsqu'il arrive à la philosophie de dire quelque vérité, on peut être sûr d'y trouver la condamnation de cette science, bien nommée incertaine. En justifiant la phrase de M. Cousin , la plus critiquée par les Parisiens,je n'admets pas pour cela celles qu'ils ont applaudies, comme la suivante : « Il existe cinq élémensde l'humanité, l'utile, » le juste, le beau , le saint et le vrai; en d'autres termes , l'in- » dustrie, leslois, les arts, la religion et la philosophie, qui est le » point culminantde la nature humaine,l'expressionla plus élevée, » le dernier mot de la société. » Oui, des sociétés mensongères nu- mérotées 3, 4, 5, au tableau 588. Elle n'est quele point culminant des astuces et des pièges, manoeuvrant sourdement pour em- pêcher toutes les éludes (580) qui pourraient conduire au vrai progrès social. Au reste , chaque professeur élève sa science au point culminant ; Molière a joué ce ridicule

on voit dans sa comédie du Bourgeoisgentilhomme les professeursde danse, de

morale, disputer à coups de poing sur la priorité de leurscience. Mais si l'utile et le juste sont élémens de l'humanité, l'ordre civilise est donc hors des élémens sociaux, car il est INJUSTE envers les malheureux et les faibles qu'il frappe de double disgrâce (605) , et envers le peuple qu'il prive du nécessaire ; il est ennemi de l'UTILE en repoussant la théorie d'industriecombinée, d'où naîtraient le quadruple produit et le règne de la justice. Quant au VRAI , M. Cousin le trouvera-t-il chez les marchands , les gens de loi et les paysans ? Pas plus que chez les philosophes et les grands. Le BEAU , qui régnerait dans les campagnes et les vastes édifices de l'industrie combinée , section II, est banni de nos amas de chaumières, nommés villages, et encore mieux des sales et hideuses villes de la belle France, telles que Rouen, 75 INDUSTRIEL. 651 Troyes, Angers, Poitiers, et tant d'autres meublées de rues étroites où on ne voit pas clair en plein midi. Quant au cinquième élément, LE SAINT , ou esprit religieux , il est banni de nos éludes par la philosophie qui ne veut pas concéder à Dieu le premier rang en législation ; elle le dépouille du droit de faire des codes sociaux, elle le place au-dessous de Solon et Target ; elle refuse de reconnaître les cinq propriétés élémentaires de Dieu (417) , et les douze garanties que l'attraction présente à Dieu et à l'homme (419). Il faut lire cet aperçu de la partie religieuse , dévolue aux métaphysiciens (417, 442) , pour apprécier la perfidie de leur science qui nous a détournés de toute recherche sur l'attraction passionnée moteur de l'homme, et qui pourtant se vante d'explorer en entier le domaine de la nature. Au reste, en observant que cette philosophie , parée d'un beau zèle pourla liberté, étouffe la théorie d'industrieattrayante, seul moyen d'effectuer l'abolition subite de l'esclavage par toute la terre , on reconnaît aisément qu'elle est le point culminant de la perfidie et de l'obscurantisme. Elle n'est dans ses quatre branches qu'un moulin à systèmes , servant de commerce lucratif aux beaux-esprits. Lorsqu'on leur parle de sciences neuves et exactes à substituer aux fausses , ils répondent comme Vertot, historien de Malte, Mon siège est fait , je n'y peux rien changer. Conclusions. — Candidature de fondation. En considérant que sur trente-deux millions de Français, il en est vingt-deux millions qui, pour se nourrir et se vêtir, ont moins de sept sous parjour, il est évident que la civilisation perfectible est un enfer anticipé; que l'industrialisme est une duperie ; et qu'il faut recourir à l'industrie attrayante et combinée. Son quadrupleproduit (595), avec équilibre dépopulation (396), doit réunir les suffrages pour une prompte épreuve. La cour veut-elle en finir à l'instant des tracasseries libérales , veut-elle voir, à la prochaine session, une chambre douce comme un agneau, congédiant son cortège d'associations provinciales , et volant d'emblée le budget, non pas à la majorité , mais à l'unanimité ? Il faut, avant la convocation, que le minis¬ 652LE NOUVEAU MONDE 76. tère mette en débat la nouvelle doctrine , par une société dubitative , à leçons et conférences libres, comme les réunions enseignant le sophisme. Celle-ci, protégée et ne redoutant pas le comité vandale , démontrera en peu de jours que tout libéralisme est FAUX et ILLUSIONNAIRE s'il ne va pas droit aux deux buts, à la création des deux pouvoirs tutélaires (635), l'un d'industrie combinée et attrayante , l'autre de commerce véridique par entrepôt sans propriété. Alors les intrigans ne pourront plus faire l'opinion ; elle saura que le libéralisme actuel n'est, chez les hommes loyaux, qu'égarement philanthropique , prenant les intentions pour des moyens; et chez les philosophes, que ruse pour nous faire changer de maîtres et envahir les bonnes places ; elle saura que le vrai libéralisme doit servir le gouvernement et le peuple (641), au lieu de harceler l'un sous prétexte de servir l'autre. Une fois la nouvelle doctrine ébruitée, la chambre verrait qu'il devient inutile de guerroyer, puisque l'état va obtenir par l'industrie combinée de nouveaux impôts , au-delà du nécessaire ; qu'on pourra supprimer les impôts onéreux , sans délai, en replaçant les agens; et donner à tous les députés le traitement de 12,000 fr. , octroyé au petit nombre. Examinons, au sujet de cette nouveauté, les intérêts des monarques et des opposans qui se disent libéraux. LES MONARQUES:Ils sont en fausse position depuis l'existence du libéralisme, qui harcèle et alarme les trônes. Ils songent ( au dire de quelques journaux ) à lui opposer des coups d'état ; mauvaise ressource que la violence quand on peut facilement s'étayer de l'opinion , enlever ce puissant appui à la philosophie, prouver par un petit essai agricole sur un coin de terre , que le bonheur social ( conditions énoncées 586 ) naîtra d'un ordre tout opposé aux visions de cette science , et qu'en politique elle commet la faute grossière de PRENDRE LES EFFETS POUR LES CAUSES ; car ses écrivains attribuent au gouvernement et au sacerdoce les misères sociales qui ne proviennent que de deux vices philosophiques, du morcellement agricole et de la fourberie commerciale. Une société de réforme industrielle , aidée d'un journal, confondrait en peu de semaines leurs faux systèmes, leurfaux libéralisme; et le ministère obtiendraitaussitôt la souscription nécessaire à fonder le canton d'essai, cinq , INDUSTRIEL. 653 77 dix, quinze millions, selon le degré auquel il voudrait élever l'épreuve sur 150, 260, 350 familles. Ce serait un beau trophée pour des princes et des ministres : anéantir à jamais la philosophie sans aucune violence , mais par la seule manifestation de son charlatanisme ; prouver qu'elle est l'ennemie du peuple à qui elle retranche son premier droit , travail et minimum d'entretien , en le leurrant d'un droit de souveraineté d'où il ne peut naître que des désordres favorables aux seuls agitateurs qui, une fois élevés au pinacle, se moquent des misères du peuple. En faisant ce facile essai, les gouvernemens seront dispensés de fatiguer les bourreaux, comme en Espagne et en Portugal. Quant à présent, dépourvus des moyens de persuasion , ils ne savent comment résister au torrent révolutionnaire qui les presse et les déborde ; ils s'accrochent au moyen honteux de rétrogradation ; ils prétendent qu'il y a trop d'industrie, quand la France est à moitié inculte dans ses bonnes provinces du centre. Ce qu'il y a de trop, c'est la secte des industrialistes ou économistes qui excitent les industriels contre le gouvernement. Pour la confondre, il faut opérer le progrès réel qu'elle ne sait pas opérer; il faut élever le produit au quadruple et l'impôt au double seulement, en le bornant à deux milliards, double du taux actuel. Alors le peuple, enrichi au quadruple, dégrevé de moitié et rétribué équilablement selon l'échelle BC , préface 41 , verra clairement que les industrialistes étaient des ignorans qui dupaient le corps social

l'opinion fera justice de ces faux savans. Passons à l'examen des autres candidats de fondation. Partout on voit les ambitieux se battre les flancs pour jouer un rôle en politique ; les Anglais dépensent des sommes de six à sept cent mille francs , même de deux millions, comme M. Beaumont , pour postuler et manquer le médiocre poste de député, qui ne donne pas même la certitude d'arriver au rôle précaire de ministre. Voici bien une autre chance pour l'ambition

Le

fondateur de l'épreuve en industrie combinée sera , par le fait, ministre des finances de tous les empires; sur son entreprise reposera l'espoir de doublementsubit des impôts et prompte extinction des dettes fiscales. Dès que la démonstration sera faite, au bout de six semaines d'exercice , il sera chamarré de toutes 654 LE NOUVEAU MONDE les grand's-croix du globe, criblé de dignités princières, en attendant la récompense que lui décernera la hiérarchie sphérique (1). Quant aux menus actionnaires, ils auront, outre le triple de revenu (quadruple si l'essai se fait en grande échelle ) , deux ga- ranties de quadruplement de leur capital ; 1° sur la revente des actions; car si le produit est démontré quadruple au premier inventaire ( sauf le progrès indiqué au bas de 636 ) , l'action s'élèvera en même rapport; 2° quadruple capital sur le tribut des curieux payans: on en admettra près de moitiédu contenu de la phalange d'essai; si elle est de dix-huit cents, on pourra admettre huit cents curieux, ou quatre cents sur un contenu de neuf cents. La recette , dans ces deux hypothèses , serait de quatrevingt mille ou quarante mille francs par jour, en fixant à cent francs par personne le prix d'admission ; et l'on n'en recevra pas autant qu'il s'en présentera , car ce sera un spectacle cent fois plus intéressant que celui de quelques fredons d'Opéra, pour lesquels on paie cent francs une loge , et un plaisir de trois heures qui n'a rien de neuf, ceux qui font cette dépense ayant vu cent fois l'Opéra. (1) Le fondateur, soit capitaliste chef d'entreprise, soit orateur ou négociateur dirigeant la compagnie d'actionnaires , aura pour récompense de la part du globe une dotation , un empire héréditaire égal à la France; et de plus, une présidence dans la hiérarchie sphérique , réunion des mandataires de tous les états du globe , pour statuersur la direction des travaux publics et la répartition des versemens d'excédant de population, qui auront lieu pendant une centaine d'années, jusqu'à la réduction annoncée (396). Pour les versemens , on traitera avec les états qui ont des terrains incultes. Ainsi on pourra dire au monarque de Brésil

Vous possédez un sol dix fois plus étendu que la France, et votre population ne dépasse

guère le dixième de celle de France ; concédez telle surface où nous verserons vingt millions d'habitans, et nous vous en verserons pareil nombre pour meubler votre empire qui n'est peuplé que de caymans, de singes, de serpens et de moustiques. Le monarque trouvera bien son compte a cette cession d'un territoire où l'on organisera l'empire assi- gné en récompense au fondateur de l'industrie combinée Celui-ci pourra résider , empereur titulaire , dans une ville d'Europe , en attendant le moment d'aller prendre possession de son trône , ou d'y envoyer un héritier , lorsque l'empire sera complètement fondé ou très avancé au-delà de moitié en population. INDUSTRIEL. 655 79 Dans la phalange d'essai , on viendra admirer une harmonie bien autrement brillante , le mécanisme spontané des passions , démontrant que toutes les impulsions naturelles sont utiles et bien calculées par Dieu , sauf emploi en séries passionnées ; et que la morale a tort en tout et partout où elle s'oppose à la nature (237). On y admirera la gastronomie devenue voie de haute sagesse (296) ; les disparates de caractère , les antipathies mêmes utilisées en échelle de série , et conciliées par affinité indirecte et spéculative (341 et 379); on y verra chaque individu entouré de flatteurs (327) dont l'encens ne produira que le bien , que l'émulation ; chaque enfant gâté, flagorné par ses père et mère (239), et pourtant ferme dans les voies de l'industrie et de l'étude , sans vouloir de récréation (233) autre que le changement de travail ; on y verra les mères que la morale réprouve et déclare mauvaisesrépublicaines, parcequ'ellesfuientle vacarme des marmots , devenir les plus utiles des institutrices dans le rôle de Mentorines (235). Enfin on y admirera chaque enfant s'élevant par attraction , sollicitant l'enseignement à titre de faveur , tandis que nos enfans moralisés , fouettés et pénitenciés , ne tournent qu'au mal, qu'au goût du ravage , qu'à la répugnance du travail et de l'étude. Le spectacle de cet équilibre naturel des passions , des accords intentionnels (317) et accords en répartition (362), paraîtra cent fois plus précieux que la loge à l'Opéra payée cent et cent cinquante francs par séance; et si l'épreuve se fait en grande échelle , donnant plus de lustre aux accords et au jeu de l'attraction industrielle, on pourra hardimentfixer le prix d'admission à cent cinquante fr. par jour sur huit cents admis ; ce sera dès la première année une recette de quarante millions pour les actionnaires; elle durera de deux et demi à trois ans. Elle sera plus copieuse aux environs de Paris que partout ailleurs, car le voyage de Paris est celui que tous les Européens font le plus volontiers. Il convient donc de fonder l'essai aux environs de Paris. Combien une telle fondation , réunissant bénéfice et gloire , sera-t-elle préférable à ces entreprises mercantiles et sans gloire, pour lesquelles on réunit si aisément des capitaux de dix, vingt, trente millions, et même de trois cent millions , comme pour le très inutile canal à vaisseaux de Paris au Havre, 656 LE NOUVEAU MONDE en place duquel il suffirait d'une passe latérale à vingt pieds de tirant, pour éviter la barre de Quilleboeuf, et de quelques saignées ou mines , pour la coupe des isthmes, comme à SaintMaur ; car il n'est pas besoin que les vaisseaux dépassentRouen. Un riche banquier de Paris avait formé il y a quelques an- nées une compagnie de cent millions pour l'industrie comman- ditaire , puis une de trente millions pour combinaison des trentesept brasseries; c'était se mettre en discorde, d'une part avec le gouvernement qui ne veut pas céder son domaine , et d'autre part avec les industriels qui ont une répugnance invincible pour les bagnes de manufacture,les grands ateliers disciplinéscomme la fabrique de glaces (faubourg Saint-Antoine), et autres où les ouvriers très faiblement payés sont morigénés comme des nègres. Aussi les employés des trente-sept brasseries furent-ils épouvantés en apprenant ce projet. Il est fâcheux que les capitalistes à qui il serait si aisé de faire des entreprises grandioses et lucratives, soient circonvenus par des cerveaux étroits qui ne savent rien imaginerde grand ni de noble et qui n'épousent que les idées de faux libéralisme,tendantes aux entreprises contrariantes pour le gouvernement et oppres- sives pour la classe ouvrière. La plupart de ces entreprises vont devenir parasites, comme la plantation des landes de Bretagne (capital 13,000,000); compagnie qui sera dissoute par le fait, dès qu'un essai d'agriculture combinée aura garanti le défrichement et reboisement du globe entier par les arméesindustrielles. Cette société ferait mieux pour ses intérêts de spéculer sur l'essai de l'attraction industrielle. Quelques bons simples disent

«

Il faudrait proposer cette in- » vention aux Anglais, ce sont des gens qui voient en grand. » Rien n est plus faux

on n'est pas grand parcequ'on est un peu moins petit que les Français. L'Angleterre s'engage grandement

dans les folies de civilisation

mais si on sort les Anglais du cercle

de leurs préjugés , ils sont très rétifs à la nouveauté, et tout imbus de superstitions philosophiques. Ils sont grands en excès matériels, accordant des prix de 600,000 fr. pour des tours de force inutiles, comme le voyage à Tombuctoo , qui ne leur donnera pas la possession des mines d'Afrique, objet de leur con¬ INDUSTRIEL 657 voitise. Ils offrent encore 600,000 fr. pour la découverte de la passe de Nord-Amérique; elle serait commercialement inutile , car les frais d'assurance pour celle roule excéderaient le bénéfice présumable du voyage. L'Angleterre s'obstine sur ces deux opérations folles, au lieu d'envisager les deux problèmes dans le droit sens, qui est de policer et peupler le globe entier par le régime d'industrie attrayante qu'un petit essai répandra par toute la terre. Dans eu cas, Tumbuctoo serait aussi abordable que Paris : quant à la passe du Nord , elle ne peut devenir utile et praticable que par la culture générale du globe, culture qui produira un radoucissement de vingt degrés dans cette contrée aujourd'hui plus glaciale que la Sibérie même. L'Angleterre est fortemententachée du vice de simplisme ou manie d'envisager en mode simple tout le système de la nature. C'est un travers qui fausse les plus beaux génies , c'est le péché ori ginel de l'esprit humain (détails 562 ). Elle donne dans les deux excès vicieux en agriculture ; morcellement excessif en Irlande, bagnes ou grandes fermes en Angleterre. Ces bagnes enrichissent un fermier, un gérant, un contre-maître, et tiennent dans la misère cent familles de prolétaires. L'Angleterre n'a rien su inventer en commerce , pas même le mal opéré en grand, l'usure fédérale ou envahissement de moitié du territoire, des trois quarts des finances , et par suite, asservissement de la cour et de la noblesse au commerce et aux hommes à portefeuille. C'eût été la plus vaste gueuserie de civilisation perfectible ; mais l'es prit philosophique ne saurait sortir de la petitesse. L'Angleterre n'a pas su intenter le monopole composé ou conquête attrayante qui lui eût donné en peu de temps le sceptre du monde (576)

elle est restée dans le plat système du monopole simple et vexatoire ; elle n'a rien inventé en garanties Commerciales, en mode solidaire et véridique ; elle n'a su envisager l'attraction qu'en mode simple , qu'en matériel; enfin , sur la question la plus décisive de la politique , sur le mécanisme sociétaire , elle veut associer le matériel sans associer les passions ; elle a lancé en Europe le sophiste Owen, qui a faussé tous les esprits sur ce su jet, et qui, à force de maladresse en essais, a dégoûté de toute recherche, et fait croire à l'impossibilité. 6 658 DE NOUVEAU MONDE 82 Elle-même pose le problème qu'elle ne sait pas résoudre , car le duc de Devonshire a dit au parlement, 19 juin 1822 : Si le peuple goûtait quelquesjouissances de la vie , on ne verrait ni insubordination , ni actes de violence. L'orateur envisage bien le côté vicieux de la civilisation , le tort de ne rien laisser au peuple (échelle simple , préf. 41 et 42): spoliation inévitable en ce que la civilisation peuple trop ci produit trop peu. Il faut une société qui peuple peu , produise beaucoup, et sache répartir en échelle composée. Tel est le voeu exprimé implicitement par M. le Duc ;le voilà servi à souhait: une belle carrière s'ouvre pour lui ; il suffit de son nom et de son crédit pour former à l'instant une souscription de deux à trois cent mille liv. sterl. , et organiser l'épreuve de l'industrie attrayante. Combien d'autres Anglais(574) peuvent effectuer celle entreprise, en y affectant, sur hypothèque , la somme qu'ils sacrifient à l'achat d'un bourg pourri et d'un poste de député , aussi médiocre que celui de fondateur de l'attraction industrielle serait brillant et profitable. En France, il est quantité de personnages à qui convient celte entreprise , soit parmi les riches banquiers dont le nom et le crédit suffisent pour déterminer les souscriptions , soit parmi les hommes qui jouissent de la confiance publique. Il est même des sociétés qui semblent formées tout exprès, entre autres celle dont M. de Belleyme est fondateur: elle s'occupe de l'extinction de la mendicité DANS PARIS , mais Paris n'est pas le monde entier

il faut attaquer le mai en système général, prévenir la mendicité , l'indigence , et non pas en tenter l'extirpation locale , violentée par des enlèvemens , des réclusions dans un bagne. Qu'on fonde pour essai une ferme exerçant culture et fabrique en mode attrayant, faisant le bonheur de l'ouvrier, amenant le peuple à briguer l'admission , et l'on verra la fin de la mendicité et de l'indigence en tous pays ; car cette ferme sera imitée en tous lieux par l'appât de produit double et triple de celui du mode actuel , bénéfice copieux aux actionnaires , et bien-être aux travailleurs. On ne peut pas organiser ce mécanisme avec des mendians enlevés , qui ne forment pas une échelle régulière de sexes et d'âges. M. de Belleyme se plaint de n'avoir pu réunir que 500,000 fr. , il en aura bien vite le décuple 5,000,000 ; il en re¬ INDUSTRIEL. 569 recueillera de toute la France dont il possède t'estime et la confiance, dès qu'on saura qu'il change de plan, qu'il veut opérer pour le monde entier , et non pas pour la seule ville de Paris. Les libéraux sont une classe vivement intéressée à accélérer la métamorphose sociale, et sortir au plus tôt du mauvais pas où ils sont engagés. La tactique a passé du côté de leurs ennemis ; le libéralisme est disgracié de la fortune , tout lui réussit mal; il est devenu le grand chemin de l'échafaud en Espagne et en Italie ; les mesures de rigueur atteindraient bientôt la France; les partis s'aigrissent , on parle de coups d'état. Le parti libéral s'est perdu en laissant prendre l'Espagne sa citadelle, en ne la défendant que par les discours d'Arguellès, au lieu de lever des armées. Depuis cette faute, il se traîne , se débat et court à sa ruine (493). Il conviendrait à quelques chefs de ce parti de s'entendre pour changer de tactique : ils forment des associations contre les opinions du gouvernement, qu'ils en forment une pour ses intérêts, une où il demandera lui-même à devenir leur coassocié ; c'est ce qui arriverait si une compagnie libérale entreprenait la fondation d'une ferme d'industrie attrayante , opération qui serait secondée par le gouvernement comme vrai moyen de restaurer les finances , prévenir l'indigence , les famines et la dépravation du bas peuple. Du reste , s'ils n'en finissent pas de leur lutte politique avec l'autorité , on peut leur augurer un fâcheux dénouement. D'ailleurs, le libéralisme devient bien oligarchique par les candidats qu'impose Paris , bien vénal par ses dîners électoraux, bien obscurant par son index calomnieux. Une découverte est proscrite parcequ'elle n'est pas philosophique , il faut que l'inventeur fasse usage d'un livret pour en donner connaissance aux personnes compétentes. Voilà le régime établi par les soi-disant amis de la liberté et de l'égalité ! En France , un auteur ou inventeur qui n'a pas payé le tribut aux écrivains périodiques, est en butte à leurs attaques , parcequ'ils ont habitué le public à un déjuener de diffamations, à des naumachies littéraires où on immole tout auteur qui n'a pas des monceaux d'or à répandre. Si à ce crime il ajoute celui de ne pas fléchir le genou devant la philosophie, aucune pro¬ 660LE NOUVEAU MONDE 84 tection ne peut le sauver; son ouvrage est livré à quelque moraliste ou économiste qui le déchire à belles dents , et fait une annonce à la Guizot (611) , un ramas de citations fausses ou travesties. Il faut que l'écrivain pauvre serve de victime pour le délassement du public, habitué depuis l'anarchie de la presse à se repaître de diffamation et de calomnie. Quel libéralisme ! Et le gouvernement qui s'en plaint chaque jour , ne prend , pour y remédier , aucune des mesures nécessaires, comme justice de paix littéraire , société des sciences neuves et de la réforme industrielle , journal d'annonces vraiment libérales, et non pas à trente sous par ligne. ( Reste à donner le plan de ce journal équitable qui rendrait plus d'un demi-million au fisc. ) Terminons en signalant l'erreur des gouvernemens à l'égard de la philosophie et du faux libéralisme , leur intérêt à en faire une prompte fin, non par un coup d'état, mais par un coup de vérité, en opposant à ces faux libéraux, les sciences neuves et exactes qu'ils s'accordent à étouffer. Les monarques veulent, disent ils , en finir des révolutions. Pour en finir sans retour, il faut user du moyen qui les aurait prévenues en 1788 : on va voir que ce moyen eût été la connaissance des 4 sciences neuves indiquées (380), au moins des deux , 1. Analyse de la civilisation , section VI. 2. Théorie des garanties positives( 511 , 516). De quoi s'agissait-il en 1788 et 89 ? de couvrir un déficit annuel de cinquante deux millions

la question se réduisait donc à savoir où il fallait puiser. Si on eût connu la théorie des garanties positives , dont les deux principales sont (637) l'agriculture combinée par les curateurs populaires, et le commerce en mode véridique par les distributeurs directs, les conseils du Roi auraient reconnu qu'on ne pourrait prendre que sur l'agriculture combinée qui donne des produits énormes (595) , et qui crée le commerce véridique (641 ), autre source de revenus fiscaux. Cela posé, on aurait conclu qu'il était inutile d'appeler douze cents beaux esprits régénérateurs, et qu'il suffisait d'ouvrir un concours, assigner de beaux prix pour les meilleurs mémoires sur la méthode à suivre en organisant l'agriculture combinée , d'où naît le, commerce de mode véridique ( 641 ). A défaut de connaître ces deux voies primordiales de garantie 85 INDUSTRIEL. 661 et de nouvel impôt, le gouvernement (de 1789 appela des intrigans qui persuadèrent que les garanties socialesrésidaient dans une lutte politique entre la cour et le peuple , dans un corps de représentans guerroyant contre l'autorité pour s'emparer des bonnes places. Elle fut prise à ce piége où elle ne serait pas tombée si elle eût connu la théorie des garanties vraies. Une autre science qui aurait prévenu les révolutions, c'eût été l'analyse de la civilisation , divisée, comme toute société doit l'être, en quatre phases (458) que distinguent des caractères successivement adaptés à chacune. Cette connaissance aurait démontré que l'esprit démocratique étant deuxième phase de civilisation , ceux qui voulaient le ressusciter poussaient le char social à reculons, de troisième en deuxième phase : leur pathos de régénération et de vol sublime aurait été couvert de mépris ; chacun leur aurait dit

«

Si vous ne savez pas nous conduire à la société supérieure en échelle , celle des garanties , tableau 588 , sachez au moins nous élever de troisième en quatrième phase de civilisationi et non pas nous ramener en deuxième. » Le règne de la philosophie et du faux libéralisme n'est fondé que sur cette profonde ignorance du mécanisme civilisé, et de ses caractères, section VI, dont les philosophes interdisent l'étude , sous prétexte que ce sont des vérités désespérantes, qu'il faut s'étourdir sur des maux inséparables de la civilisation (comme l'aveu de Malthus sur l'exubérance dépopulation). Moyennant cet éteignoir philosophique , les hâbleurs, les fabricans de systèmes se ménagent la prérogative d'aventurertoutes les faussetés imaginables, telles que les douze absurdités recueillies (625) d'une seule page de M. Guizot. On n'oserait hasarder aucune de ces menteriess'il existait un traité régulier sur l'analyse de la civilisation, et par conséquent des autres périodes, tableau 588 ; car chacune engrenant dans les autres, et s'appropriant divers caractères de la supérieure et de l'inférieure, il faut discerner ce qui est d'emprunt et ce qui est d'essence. Par exemple le système des monnaies est évidemment un caractère EXTRA-civilisé , puisqu'il est l'opposé du commerce anarchique et mensonger qui est bien un caractère civilisé. Le régime des monnaies , qui a les propriétés d'économie en manutention , garantie de vérité , équilibre à double contrepoids, et unité 662 LE NOUVEAU MONDE 86 d'action , est visiblement un caractère emprunté sur la période sixième, celle des garanties positives. Au résumé, les quatre sciences philosophiques sont profondément ignorantes sur le mécanisme civilisé (page Guizot 623) et sur le progrès réel de ses diverses branches , commerce ou aures (1) . Le gouvernement s'indigne en secret de son impuissauce contre ces quatre sirènes ; il croit les combattre en favorisant les sciences fixes qui n'ont aucune influence. On voit en France le Roi, le Dauphin et le duc d'Orléans membres d'une société de propagation des sciences fixes et de l'industrie; mais les sciences fixes ne vont pas au but ; elles ne confondent pas les (I) PROGRÈS RÉEL. On voit vingt auteurs en crédit, tels que Raynal, vanter la Chine comme un prodige de civilisation

ce n'est qu'une barbarie engrenée à l'inverse

, rentrant dans le patriarcat(588 ), dont elle prend les caractères saillans. Un Chinois peut tuer et mutiler son fils, le vendre, le jouer aux dés, faire manger aux pourceaux son enfant nouveau-né. La législation chinoise accorde liberté de faux poids et d'usure, légalisant l'intérêt à 35 p. % l'an. Les Chinois allientla cruauté des bar bares à l'hypocrisie des patriarcaux. Tels sont les dévergondés que la morale nous donne pour modèles. Habituée à nier l'évidence, elle vante le commerce, réceptaclede tous les vices ( chap. 43 et 44), et dont BONAPARTE disait avec dépit

On ne

connaît rien au commerce. Il s'irritait contre ce protée insaisissable, ce hérisson politique ( voir l'effet de répercussion474 )

il méditait de le réduire en vassalité, il s'essayait par des monopoles et licences

pétri de despotisme, il n'aurait jamais inventé l'opération qui envahit le commerce, par concurrence. Les académies ne pouvaient pas plus que lui la découvrir, car les philosophes n'inventent rien. Ils ne veulent que briller en controverse,envahir les bonnes places pourle salut du peuple ; quand ils seraient installés aux ministères et aux directions, avec leurs créatures , ils établiraient l'oligarchie des sénats de Berne et deVenise , qui, dans l'origine , étaient des libéraux. Par opposition à ces menées , la cour devrait faire enseigner la doctrine d'industrie combinée, qui,remplissantles deux conditions (637),apprend à dissuader le peuple des illusions philosophiques. Mais tant qu'il existera cent chaires payéespour encenser la philosophie, et pas une société pour propager la science d'opposition , la cour ne dirigera pasl'opinion ; car tous les jeunes postulans du monde savant craignent la synagogue philosophique , et n'oseraient pas se prononcer pour la doctrine d'opposition. Le gouvernement sera battu par son inertie, tant qu'il ne donnera aucun appui à la science neuve qui sert toutes ses vues. 87 INDUSTRIEL. 663 fausses doctrines; elles ne donneront pas au fisc un nouveau revenu de cinq cent millions dont il a besoin pour éteindre la dette publique, remplacer des impôts odieux, subvenir aux travaux publics, etc. Que sert de propager l'industrie actuelle dégradée par tous les vices décrits, préf. 18, 40, 41, 48 ? Quant aux sciences exactes, elles sont paralysées, faute de connaître la voie de progrès réguliers , l'analogie ( 542 ). Les monarques n'ont donc rien à espérer des sciences fixes , encore moins de la philosophie qui les attaque ; ils n'ont aucun allié naturel dans la hiérarchie savante : c'est peu de s'étayer de journaux, il faut une théorie séduisante. Que servent leurs saines doctrines, de payer avec joie les impôts , d'obéir aveuglément , se résigner à souffrir et mourir pour le bien des oisifs ? Tant qu'on n'aura que des dogmes si rebutans à opposer à la philosophie qui sait flatter et exciter le peuple , elle captera aisément l'opinion , car elle est juge et partie (619), éliminant à volonté toute invention qui lui porte ombrage. En donnant à celle ci quelques instans d'examen, on verra dès la préface que notre système industriel est faux en tout sens, par dispositions complicatives , p. 18 à 32 ; concurrence et circulation inverses, p, 40 ; faux en répartition , p. 41 ; faux en éclosion des instincts, p. 48. Il suffirait de ces indices pour motiver l'essai de la méthode attrayante qui cultive , produit , prépare et consomme par séries de groupes et par séances courtes et variées ! bien intriguées (106) et stimulées par double fougue ( 87 , 89 , 93 ). Il faudra remarquer surtout les trois ressorts moteurs d'une série passionnée , décrits en double sens , chap. V et VI, et suivis d'une cacographie, ch. VII ; la méthode d'éclosion et emploi des instincts (215) , tous étouffés ou faussés par l'éducation civilisée; puis la concurrence des instincts et des sexes , ch. 21e et 22e, très inconnue parmi nous. En lisant les détails d'application, sect. IV et V , tels que la domesticité indirecte et passionnée (290) , et tant d'autres également surprenans , depuis ceux de gastronomie émulative jusqu'à ceux de répartition équilibrée , chacun dira : voilà l'ordre social où les passions seraient dignes du créateur et de l'homme. Dieu nous le doit selon l'argument 418 sur les garanties de pro¬ 664 LE NOUVEAU MONDE INDUSTRIEL. 88 vidence, et 442 à 445 sur la nécessité d'un code industriel divin. Une demi - douzaine de leçons sur ces thèses renverserait tout l'échafaudage philosophique. Je le répète, il suffira qu'un homme notable par son rang ou sa fortune, ou ses talens oratoires, ambitionne l'honneur de changer le sort du monde, et recueillirles récompensesattachées à ce rôle , qu'il opine DUBITATIVEMENT , comme la reine Isabelle, pour une épreuve ; elle aura lieu trois mois après, sauf la précaution de former une petite société préparatoire pour répandre la doctrine , et s'aider d'un journal qui , pourvu d'un sujet si neuf et si fécond, aura bien vile plus d'abonnés qu'aucun des périodiques , pourvu que l'autorité lui prêle un appui dubitatif et neutre contre l'influence du comité vandale qui terrifie toute la classe COURTISANE du monde savant. Dans celte annonce comme dans le Traité, en critiquant les corporations, marchands , philosophes , etc., je ne blâme pas les individus qui profitent d'un abus , mais la loi qui crée les abus. Quelques personnes auraient voulu ici un ton doucereux qui y est impraticable. En lisant les articles 417 et 442, on reconnaîtra que c'est une doctrine semi¬ religieuse qui ne peut comporter d'autre ton que celui de la chaire (187) et de la philippique.








See also

{{GFDL}}

Personal tools