Le genre satirique fantastique et licencieux dans la sculpture flamande et wallonne  

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Le genre satirique: fantastique et licencieux dans la sculpture flamande et wallonne; les miséricordes de stalles (1910) by Louis Maeterlinck. The book is concerned with Belgian bawdy misericords and choir stalls.

Full text[1]

Full text of "Le genre satirique, fantastique et licencieux dans la sculpture flamande et wallonne; les miséricordes de stalles (art et folklore)"


L. MAETERLINCK

Conservateur du Musée de Gantl


LE GENRE SATIRIQUE

FANTASTIQUE ET LICENCIEUX


DANS LA


SCULPTURE FLAMANDE


ET


WALLONNE


LES MISÉRICORDES DE STALLES ART ET FOLKLORE



PARIS JEAN SCHEMIT, LIBRAIRE

52, RUE LAFFITTE, 52

1910


LA

SCULPTURE SATIRIQUE

FLAMANDE ET WALLONNE


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LA

SCULPTURE SATIRIQUE

FLAMANDE ET WALLONNE


PL. I



Fig. 70. - L'ADMINISTRATION D'UN CLYSTERE (Musée Archéologique de Bruges, XV e siècle)


L. MAETERLINCK

Conservateur du Musée de Gand


LE GENRE SATIRIQUE

FANTASTIQUE ET LICENCIEUX


DANS LA


SCULPTURE FLAMANDE


ET


WALLONNE


LES MISÉRICORDES DE STALLES (ART ET FOLKLORE)



PARIS JEAN SCHEMIT, LIBRAIRE

52, RUE LAFFITTE, 52

1910


AVANT-PROPOS


L'étude raisonnée du genre satirique et burlesque, tel qu'il se présente dans les miséricordes des stalles médiévales conservées en Belgique, constitue un sujet de nature à intéresser vivement, non seulement les savants et les folklo- ristes de tous les pays, mais même la généralité du public, pour qui la vue des plus divertissantes manifestations de la sculpture flamande ne pourra manquer de présenter un vif attrait.

Nous en avons trouvé la preuve dans le succès, sans pré- cédent en Belgique, qu'obtint un ouvrage similaire, le Genre satirique dans la peinture flamande, dont une première édition fut enlevée au bout de quelques semaines, et dont une seconde, parue en 1907, est près d'être épuisée 1 .

L'ouvrage que nous avons l'honneur de présenter aujour- d'hui au public, est destiné à faire connaître, cette fois, toute une série de sculptures profanes, satiriques, burlesques, parfois même licencieuses, ignorées jusqu'ici, non seulement des savants français et étrangers, mais même par les esthètes belges.

Et pourtant l'intérêt que présentent les miséricordes fla- mandes et wallonnes est considérable, car c'est dans ce genre de reliefs que Ton peut suivre le mieux l'évolution et le déve- loppement d'un art intime, tout dobservation et de finesse, qui

1. Le Genre satirique dans la peinture flamande. 2 e édition. Librairie Nationale, G. Van Oestet O, Bruxelles, 1907. (386 p. et 240 illustrations; prix 10 lr.)


II


AYANT-PROPOS


fit le charme des productions picturales des peintres « drôles » comme celui des œuvres précieuses des petits Maîtres néer- landais.

La grande diversité des sujets traités nous permettra de reconstituer ainsi, par l'image, l'histoire anecdotique et popu- laire de toutes les classes de la société médiévale, grâce à ces sculptures contemporaines, inconnues jusqu'ici de tous ceux qui se sont occupés de révolution et du développement de la pensée humaine.

Nous nous sommes appliqué, dans cette étude, à ne recourir qu'à des renseignements inédits, puisés dans les archives belges, ou bien dans des ouvrages et chroniques du temps non encore traduits du flamand. Grâce à ces éléments neufs, nous avons essayé de faire revivre bien des côtés ignorés des mœurs et des coutumes des habitants de la Belgique actuelle : leurs réjouissances populaires, leurs pèlerinages si pleins d'entrain, mais où l'on attentait, d'une façon si naïve, à ce que l'on appelle aujourd'hui la pudeur publique. Nous y verrons le souvenir de ces cortèges somptueux, de ces fastueuses processions, ou « Ommeganc », où se trémoussent encore aujourd'hui monstres et géants. Nous assisterons aux anciennes fêtes liturgiques, où prêtres et clercs se montraient dans nos églises, transformées en théâtres, lors de l'élection d'un évêque des fous ou du couronnement grotesque de la « Reine des con- cubines ». Nous verrons aussi percer dans ces miséricordes, la satire des trouvères français, dont les romans chevaleresques eurent tant de succès à Bruges ; celle des tournois, que les bourgeois et les artisans de Gand aimèrent à parodier sur leurs places publiques; celle des Flagellants; celle des fdles et des ribauds, dont le roi était fonctionnaire de la commune. Même certains châtiments et supplices burlesques fourniront l'occa- sion à nos imagiers satiriques de donner libre cours à leur verve


AVANT-PROPOS m


railleuse. Ces caricatures sculptées, nous les verrons prendre à partie les défauts féminins et les faiblesses des maris; elles dauberont impartialement l'artisan comme le seigneur, les moines, les prêtres et même jusqu'aux prélats. Les pro- verbes, cette sagesse des nations, que Pierre Breughel le Vieux mit en scène dans ses inimitables compositions populaires, la jalousie des corporations et des métiers, le souvenir de maintes farces ou plaisanteries, parfois licencieuses ou même scatologi- ques ; les tares de la Société ; le paupérisme, le brigandage et la prostitution ; les cruautés inouies des répressions judiciaires, les cbâtiments affreux dont furent victimes les malheureuses névro- sées accusées de sorcellerie, tout cela passera tour à tour devant nos yeux, tantôt en images, tantôt commenté par des souve- nirs explicatifs précis, rappelant des cas identiques, transcrits d'après des pièces d'archives ou des documents contemporains.

Les modestes illustrations dessinées par l'auteur, — et pour lesquelles nous demandons toute l'indulgence de nos lecteurs, — n'ont d'autre but que de donner une idée approximative des formes générales et de l'esprit qui règne dans ce genre de sculp- tures. Celles-ci sont surtout étudiées au point de vue folklorique, en attendant qu'un ouvrage plus complet en donne des repro- ductions photographiques et documentaires plus complètes.

Il nous reste à remercier quelques savants confrères gantois, tels que MM. Victor van der Haeghen, archiviste de la ville; Paul Bergmans, de la Bibliothèque de l'Université, et Van Werveke, archiviste et conservateur des musées d'archéologie de la ville de Gand, qui ont bien voulu faciliter nos recherches pour tâcher d'expliquer nos miséricordes belges, qui consti- tuent une des faces les plus curieuses et les plus intéressantes de l'art sculptural flamand.

L. M.


LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


CHAPITRE PREMIER


LE GENRE SATIRIQUE DANS LA SCULPTURE BELGE


Les œuvres des sculpteurs fantastiques et grotesques précédèrent celles des peintres de l'école des drôles. — Ces sculptures ont été jusqu'ici méprisées par les artistes et les savants belges. Elles présentent cependant le plus grand intérêt pour l'étude des mœurs de nos ancêtres médiévaux. — C'est dans le genre satirique et réaliste que l'art populaire flamand trouva son expression la plus puissante et la plus complète. — Caractère démocratique de l'art flamand. On y voit se refléter toute la vie réelle des corporations. — Les artistes belges aux époques médiévales sont considérés comme des artisans. Comme eux ils payent patente et suivent les artisans aux marchés où ils étalent côte à côte leurs productions. — L'art si spécial de Jérôme Bosch et de Breughel le Vieux se trouve en germe dans les sculptures des miséricordes. — Les sculptures extérieures et intérieures de la cathédrale de Bois-le-Duc, dont Jérôme Bosch est originaire, eurent une graiide influence sur l'œuvre du maître. Elles expliquent certaines scènes de ses sujets religieux et de ses cauchemars infernaux. — Pourquoi les miséricordes belges sont précieuses. — La cathédrale choisie par les imagiers médiévaux pour y exercer leur verve dro- latique. — L'église pour les illettrés était un abrégé du monde, elle leur tenait lieu de livres et d'archives. On y trouve le génie des sociétés primitives et les premières traductions de la pensée humaine. C'est la « Bible du Pauvre ». — Quelques vers de Villon. — Les obscénités dans les églises s'expliquent.

En recherchant les origines du genre satirique dans la peinture flamande 1 , nous avons été amené à citer, parmi les précurseurs de nos peintres drôles, aux xv c et xvi e siècles, les auteurs, géné- ralement inconnus, de mille sculptures grotesques ou fantastiques, dont nous voyons dans les ornementations des églises et des ab- bayes des Pays-Bas, des manifestations esthétiques si étranges, si peu en rapport avec les édifices qu'elles décorent.

1. Voir notre étude : Le genre satirique dans la peinture flamande. 1" édition en 1903. Seconde édition revue et augmentée en 1906. Bruxelles, Van Oest et C".


LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


Ces sculptures, généralement assez frustes, conservant même parfois un aspect barbare indéniable, ont été jusqu'ici négligées par la plupart des historiens et des esthètes, qui semblent les avoir



Fig. 1. — La Confession. Entrée de stalle de la cathédrale de Bois-le-Duc (xv* siècle).


méprisées, ne trouvant, en elles, qu'un rapport lointain avec l'art proprement dit.

« Nous avons, comme le disait fort bien M. César Daly, en France, en Allemagne, en Angleterre (l'auteur aurait pu ajouter en Belgique), des savants, des académies entières, qui travaillent et qui veillent dans l'espoir de découvrir le sens d'anciens carac- tères cunéiformes, runiques, etc. ; mais aucun de ceux-ci, que je sache, ne s'occupe de déchiffrer la pensée déposée par nos pères dans ces milliers de figures qui étonnent les artistes modernes par leur aspect étrange et leur nature complexe. »

Ce qui était vrai au temps de M. César Daly, est encore vrai en Belgique et il me serait aisé d'en donner des preuves convain- cantes. Et cependant, si la valeur artistique, plus ou moins grande, de ces sculptures est discutable, elles n'en constituent pas moins, au point de vue archéologique, des documents de la plus haute importance.

N'oublions pas, comme le disait si bien un autre Français,


LE GENRE SATIRIQUE DANS LA SCCLPTl'RÉ &ELGE


M. Champfleury \ que « l'art tel que l'étudient les archéologues n'a rien à voir avec le contrôle des esthéticiens. Les manifestations du Beau sont étudiées, mais avec la même balance qui pèse le Laid. L'archéologue n'enseigne pas, il constate. La sérénité, la pureté des lignes, dans les œuvres d'art, lui semblent sans doute préférables à



Fig. 2. - L'Office. Entrée de stalle de la cathédrale de Bois-le-Duc (xv e siècle).


l'expression du baroque et du grotesque ; il n'en recueille pas moins précieusement ces formes grimaçantes, qui lui donnent peut-être une idée plus exacte et plus vive des mœurs, des coutumes et des usages dupasse, qu'un pur et noble contour ».

L'art flamand, qui fut toujours démocratique et populaire, a trouvé dans le genre satirique ou grotesque son expression la plus intime et la plus puissante. Au point de vue folklorique, c'est là que nous surprenons la vie intime et réelle de ces turbulents artisans médié- vaux comme celle des artistes, qui, sortis du peuple, partageaient leurs plaisirs et leurs peines. Car la maîtrise, dans les gildes artis- tiques, ne distinguait pas les peintres et les sculpteurs des autres maîtres appartenant à des corporations industrielles. Gomme eux,

1. Ghampfleuhy. Histoire de la caricature au moyen âge (Paris, Dentu).


Les miséricordes en Belgique


ils tenaient boutique et payaient patente, les suivant aux foires et marchés, où ils étalaient côte à côte, les uns leurs marchandises et les autres leurs objets d'art.

N'oublions pas que Tart humoristique et grotesque flamand pré- sente un intérêt tout particulier, car si le genre satirique apparaît dans la plupart des pays, ce furent les artistes belges qui en firent toute une école ; et une école qui se manifesta, non seulement dans les œuvres de Jérôme Bosch et de Pierre Breughel le Vieux, mais aussi chez les nombreux peintres flamands et wallons qui s'inspi- rèrent de leur genre. Nous avons tout lieu de croire, — l'examen des miséricordes de stalles reproduites plus loin en fournira la preuve, — que l'art satirique, tel que le comprirent les peintres drôles des Flandres, fleurit et se développa avant et à côté de Jé- rôme Bosch et de Breughel, chez les joyeux imagiers qui décorèrent de leurs inventions drolatiques les parcloses et les sièges des stalles d'églises.

Il y a plus, l'examen des sculptures qui ornent, intérieurement et extérieurement, la « Sint-Janskerk » ou cathédrale de Bois-le-Duc ', démontre que ces reliefs eurent une influence considérable sur le créateur du genre satirique dans la peinture flamande. On y re- trouve, non seulement ce mélange de mysticisme et de réalisme, ce goût du fantastique et de la drôlerie qui caractérise les peintures de Jérôme Bosch, mais on y relève même des réminiscences déter- minées qui ne peuvent laisser aucun doute à cet égard. Le curieux épisode des bergers, qui, dans son chef-d'œuvre du Prado, Y Adora- tion des rois mages, épient par les fentes du toit et des fenêtres l'étable où naquit le Sauveur, rappelle incontestablement les per- sonnages profanes et payens qui chevauchent les rampants des con- treforts du chœur de l'église hollandaise. On y voit, réunis, tous les amusants comparses profanes que reprirent avec tant de succès Jérôme Bosch et Breughel le Vieux : baladins, ménétriers, joueurs de cornemuse, marchands, soudards, paysans, et même les rois mages, qui y alternent avec les monstres affreux et les caricatures humaines qui peuplent les cauchemars de leurs Enfers et de leur Jugement dernier.


\. Ces sculptures ont été malheureusement presque complètement restaurées ou refaites.


,E GENRE SATIRIQUE DANS LA SCULPTURE BELGE


Quoique exclus de la religion, ces personnages hétéroclites sem- blent attirés par le lieu saint. Gomme les bergers de V Adoration du



Fig. 3. — Les trois jeunes gens et la bête. Entrée de stalle de l'église de Bois-le-Duc {x\ r siècle).


Prado, ils semblent, du haut des toits, prendre part aux miracles qui se passent dans le sanctuaire et les admirer. Les grandes figures des tympans racontent, d'autre part, d'une façon bizarre, l'histoire sacrée depuis ses origines, tandis qu'à l'intérieur les sculptures des stalles nous fournissent de nombreuses petites scènes intimes et variées, tantôt réalistes, tantôt effrayantes, représentant la vie réelle du jour comme les rêves effrayants de la nuit.

La Confession, placée sur une des entrées de stalles (fig. 1), est représentée par un moine ascétique donnant l'absolution à une grosse commère agenouillée, tandis que son mari, méfiant et un peu ridicule, s'approche en rampant pour surveiller la scène. — Les Scribes religieux assis à une table, et recevant la dîme, devant la chapelle de leur couvent. — Les Apôtres lourdement endormis,


LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


pendant que le Christ pleure et prie sur le mont des Oliviers. — V Office (fîg. 2), représenté d'une façon caricaturale par un prêtre nain, accompagné d'un grand acolyte qui lit, par-dessus sa tête, dans l'énorme missel auquel le petit officiant ne peut atteindre, tandis qu'une espèce de Méphistophélès géant semble se moquer de ce spectacle ; — toutes ces scènes rappellent bien le genre et l'esprit des œuvres satiriques, profanes et religieuses, de nos maîtres drôles, tandis que d'autres groupes présagent leurs enfers et leurs sujets



Fig. 4. — Figures fantastiques. Entrée de stalle de la cathédrale de Bois-le-Duc (xv° siècle).

fantastiques les plus affreux. A ce genre appartiennent Trois jeunes gens (fig. 3), surpris par un énorme dragon ailé qui ouvre une large gueule pour les dévorer, comme les nombreux monstres infernaux décorant les autres entrées de stalles, qui font également songer aux scènes d'épouvante fourmillant dans Les tentations de saint Antoine, de Bosch, et dans les représentations effrayantes qu'il fît du séjour des maudits (fig. 4 et 5).

Pour toutes ces raisons, l'étude des curieuses sculptures profanes qui décorent les églises et les édifices civils de la Belgique, nous est précieuse 1 . Les personnes peu versées dans l'étude des décorations

\. Rappelons ici que les hôtels de ville et les autres édifices civils et militaires de la Belgique et du nord de la France sont également riches en sculptures satiriques et folkloriques. Malheureusement, nous ne pouvons nous en occuper ici sans sortir du cadre nettement défini que nous nous sommes tracé. Dans une prochaine étude, nous nous occuperons de ces dernières sculptures qui présentent un intérêt bien plus considérable encore que les simples miséricordes de stalles que nous allons passer en revue.


LE GENRE SATIRIQUE DANS LA SCULPTURE BELGE


profanes qui ornent les cathédrales françaises et belges se deman- deront pourquoi les imagiers primitifs choisirent les lieux saints pour y représenter leurs fantaisies drolatiques et leurs sujets souvent peu édifiants?

Peut-être est-il bon de rappeler ici, d'autres l'ont dit avant nous, que (( la cathédrale au moyen âge était un abrégé du monde, toutes les créatures de Dieu pouvant y entrer » ; et que telle doit avoir été la pensée dominante des artistes qui peuplèrent la maison céleste en



Yig. 5. — Bêtes diaboliques. Entrée de stalle de la cathédrale de Bois-le-Duc (xv e siècle).

v réunissant toutes les plantes et tous les êtres animés de la créa- tion C'est ainsi que, grâce à ces admirables ouvriers, la cathédrale est devenue « un être vivant, un arbre gigantesque, plein d oiseaux et de fleurs, ressemblant moins à une œuvre des hommes qu à une œuvre de la nature.... » . .

Comme le dit fort bien M. Maie- : « l'Eglise est la ma.son de tous; où l'art traduit la pensée de tous.... La cathédrale peut tenir lieu de tous les livres.... Seule la Franee (?) a su fmre de la cathé- drale une image du monde, un abrégé de l'histoire, un m.ro,r de la vie morale ». Cette faune hyperbolique, « ces gargouilles fantas- tiques, toutes les scènes, d'un réalisme outrancier qu. nous .frap- pent de stupéfaction, si nous ne nous remettons dans le cadre de

1. E, Mâle, L'art religieux du XIlï fièrfe.


LES MISÉRICORDES EN RELGIQUE


l'époque qui les vit naître, deviennent d'une explication relative- ment aisée quand on les replace dans leur milieu natif 1 ».

Viollet-le-Duc, un autre Français, n'ajoute-t-il pas « que de tous les arts, l'art de l'architecture est certainement celui qui a le plus d'affinités avec les instincts, les idées, les intérêts, les progrès et les besoins des peuples 2 », y trouvant le génie des sociétés pri- mitives et « les premières traductions de la pensée humaine? »

Avant la découverte de l'imprimerie, c'est dans la cathédrale que le peuple vint s'instruire, en tâchant de déchiffrer le sens des mille sculptures qui la décorent. C'étaient les « archives des illettrés » ou la « Bible du pauvre ». Comme le dit fort bien un auteur ancien : « les ymages sont faites, fors seulement, pour montrer aux simples gens, qui ne savent pas l'escripture, ce qu'ils doivent croire ».

Villon en parlant de sa mère, dans ces vers si connus, lui prête le même sentiment :

Femme je suis, pauvrette et ancienne, Qui riens ne scay, onques lettres ne leuz, Au Moustiers voy, dont je suis paroisienne, Paradis painct où sont harpes et luz Et un enfer, où dampnés sont boulluz, Lung me faict pour, l'autre joye et liesse 3 .

Quant à la présence dans les églises de figures erotiques (ou d'Obscœna), qui attireraient aujourd'hui sur leurs auteurs les ri- gueurs des lois, elles s'expliquent par les mœurs peu raffinées de nos ancêtres, dont nous aurons à citer bientôt de nombreux et curieux exemples.

1. D r Rondelet. La médecine dans le passé. La Tératologie dans l'art médiéval. — La faune monstrueuse dans les cathédrales (La Médecine internationale, Paris, 13, rue de Poissy. Mai, 1908, p. 869.).

2. Violi.et-i.e-Duc. Dictionnaire de l'architecture, et Lenient, La Satire en France au moyen âge. Nouvelle édition.

3. Le D r G.-J. Witkowski, dans son volume : L'Art profane à l'Église, etc., qui vient de paraître, nous rappelle qu'Utasse Mercadé, officier de Corbie, exprime une idée analogue : « Exemples, histoires, pointures (sont) faictes es Moustiers, es palais (pour) gui point n'entendent Vescripture ».


CHAPITRE II

LES STALLES ET LES « FAISEURS » DE STALLES EN BELGIQUE


L'origine des stalles en Belgique remonte à une époque reculée. — La réputation des « beeldesnyders » et des huchiers s'établit de bonne heure. — Leurs ouvrages sont appréciés au loin et exportés en grand nombre. — Les musées possèdent de vrais chefs-d'œuvre de menuiserie artistique. — Leur rareté relative en Belgique.

— Les stalles belges. — Descriptions de leurs diverses parties constitutives. — Leurs miséricordes, ou patiences. — Pourquoi ces sièges furent choisis pour l'exécution d œuvres drôles ou licencieuses. — Les stalles belges antérieures au xn e siècle. — Les stalles de Gendron-Celles et d'Hastières (xin 8 siècle). — Les stalles de Gand (xm e siècle). — Les stalles de Saint-Jacques et de Sainte-Croix à Liège (xiv e siècle). — Les stalles de Louvain, de Bruges, d'Aerschot, de Diest (xv« siècle). — Les stalles de Walcourt et d'Hoogstraeten (xvi e siècle). — Le métier ou gilde des sculpteurs. — Saint Claude et les quatre couronnés. — Les règle- ments et privilèges. — Obligations des membres. — Les gildes artistiques belges organisées dès la première moitié du xiv e siècle. — Leur caractère presque aris- tocratique. — Affiliation des membres à d'autres sociétés ou confréries d'armes ou d'agrément. — Les chambres de rhétorique. Caractère parfois satirique et licencieux de leurs représentations et tableaux vivants. — La parodie du Juge- ment de Paris exécutée à Lille lors de la joyeuse entrée de Charles le Téméraire,

— La chambre rhétoricienne du « panier dans fond », à Gand. Ses tableaux vivants. — L'Adoration de l'agneau, des frères Van Eyck, mimée en public en 1458. — Costumes et armoiries des gildes. Leur orgueil : les savetiers de Gand ont sauvé la bannière de Guillaume de Normandie en 1103! — Beaucoup d'an- ciennes gildes existent encore : sept cents de ces sociétés répondent à l'appel du comité organisateur du cortège de Bruxelles, en 1905. — Les vénérables confré- ries de Saint-Sébastien, à Ypres, de « Zeegbaere Herten », l'Union et Constance, et la confrérie de Saint-Sébastien, à Bruxelles. — Les arquebusiers de Visé. — Saint-Georges de Poperinghe. — Les boulangers de Bruges et les cent trente couples dansants de Haeren. — Les chambres de rhétorique : les « Fontainistes » de Gand, ceux de Ghistelles, etc. — Les fêtes et les anniversaires des gildes et confréries. — Leurs amuseurs, leurs fous et leurs démons. — Leurs plaisanteries et jeux. — Les danses et les jeux de l'épée. — Jalousies entre les métiers artis- tiques. — Les huchiers belges. — Ceux de Gand moins connus : Cornelis Boone, Mark, Jan et Gysbrecht van Gestele, Jan et Pierre Bulteel, Jacob Belte, la famille Klyncke, Ghesselbrecht van Mierlo, Willem Huicke, etc. — Leurs œuvres citées mais disparues.

Il y a tout lieu de croire que l'usage de stalles de bois dans les églises belges remonte à une époque reculée. La rigueur du climat


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LES MISÉRICORDES EN RELGIQUE


ne permettait pas l'établissement de bancs ou de stalles de pierre ou de marbre, ainsi que cela s'était pratiqué dans les église latines

primitives de l'Italie ou de la Sicile.

L'abondance du bois en Belgique, l'habitude, prise de bonne heure, de le façonner et de l'em- ployer aux usages les plus divers, expliquent l'habi- leté grande qu'acquirent les sculpteurs à des épo- ques relativement primi- tives. La réputation des « beeldesnyders » ou « beeldehouwcrs » fla- mands ; celle des ima- giers et huchiers wallons s'établirent rapidement au loin, et leurs ouvrages, demandés en grand nom- bre, s'exportèrent dans presque tous les pays de l'Europe. Les musées belges, et plus encore les églises et les galeries étran- gères, conservent de nombreux groupes, statues, semelles de pou- tres, culs-de-lampe et retables en bois sculpté datant des belles époques médiévales, qui prouvent que les artistes flamands, tant voyageurs que sédentaires, surent produire de véritables chefs- d'œuvre dans tous les genres de menuiserie artistique.

Dans l'ornementation et la décoration des stalles, les sculpteurs montrèrent une originalité et une maîtrise non moins grandes. Mal- heureusement les édifices religieux les plus importants de la Belgi- que furent, pendant les derniers siècles, presque tous dépouillés de leur ancien mobilier sculpté, et les quelques stalles qui nous sont restées, sont des débris sauvés par hasard ou appartenant à des églises relativement pauvres, situées dans des localités écartées. On sait que les stalles ou formes, en latin formœ ou formulée,



Fig. 6. — Les diverses parties d'une stalle.


LES STALLES ET LES « FAISEURS M DE STALLES


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se composent généralement de diverses parties qui toutes portent un nom 1 . Il y a d'abord (voir fig. 6) : les parcloses (À), qui sont les panneaux qui séparent les stalles voisines; c'est, dit M. Reusens, à qui nous empruntons cette description, de la courbe élégante et de l'ornementation sculpturale de la partie supérieure des parcloses que dépend, en grande partie, la grâce et la beauté des stalles. Les accoudoirs ou accotoirs, sont des tablettes horizontales (B) qui



Fi „.. 7. _ Stalles de Rat bourg (xn e siècle).

couronnent les pareloses ; ordinairement ces tablettes sont élargies en forme de spatnle à leur partie antérieure et permettent ainsi aux personnes debout dans les stalles de s'accouder facilement. Quelques auteurs donnent abusivement le nom d accoudoir au rampant courbe de la parclose, sur lequel on appuie le coude lors- qu'on est assis dans la stalle. Dans les chœurs des églises cathé- drales, collégiales ou abbatiales, les stalles sont habituellement

à 247. Louvain,Peeters,188b -Von Ml*» ^ Londres et Bruxelles.

appliqués à Vindustrie du V- kU fin d « e ^fc" ans date . Hr.Mtv Hatabd. Dic- Librairie centrale des Beau*-Àrts, E. Levy ■* £ l | ^ nQS

«onntireée l'ameublement e* de ta ^wra^ebC connu de vJLZrt». jours. Paris, anc. maison Quentin et 1 om K Dictionnaire du mobilier français, etc.


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE



Fig-. 8. — Les stalles d'Hastières, près de Dinant (xm e siècle).


disposées, à droite et à gauche du chœur, en double rang étage. Des stalles hautes pour les chanoines ou les religieux, et des stalles

basses pour les membres in- férieurs du clergé ou de la communauté. Le parquet des stalles supérieures est élevé de deux ou de plusieurs marches au-dessus du pave- ment, tandis que les stalles inférieures portent sur le sol ou sur une seule marche. Les personnes assises dans les stalles hautes dépassent donc de beaucoup celles qui se trouvent clans les stalles basses, et peuvent aisément voir l'autel. Le dossier (G) des stalles du premier rang est très bas, et sert de prie-Dieu à ceux qui sont placés dans les stalles hautes ; ce dossier, tantôt entièrement semblable à celui des stalles basses, tantôt surmonté d'une boiserie assez élevée, est ter- miné, à sa partie supérieure, par un couronnement en saillie en forme de dais. Cette boiserie s'appelle le haut dossier. De distance en distance, la ligne des stalles est interrompue par la suppression d'une stalle pour livrer passage à ceux qui montent dans les hautes formes. Ces ouvertures se nomment entrées. Chacune des doubles rangées de stalles est terminée par une cloison richement sculptée appelée « jouée », où le sculpteur dispose ses sculptures les plus belles et ses ornementations les plus compliquées.

Le siège est formé par une tablette mobile qui tourne sur des charnières ou pivots, sous laquelle est placée une console (D) géné- ralement sculptée, appelée miséricorde. On lui donnait aussi le nom de patience, probablement parce qu'il en fallait beaucoup pour s'y maintenir à moitié debout, à moitié assis, lorsque le siège était relevé.

On comprendra aisément que les sculptures qui servirent ainsi de sièges, se trouvant en contact avec une partie du corps humain considérée comme peu noble, ne pouvaient guère faire l'objet d'une


Les stalles et les « faiseurs » de stalles


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décoration religieuse ou symbolique, et que nos imagiers humoris- tiques choisirent de pré- férence ces consoles pour y représenter des sujets profanes empruntés, soit à la vie usuelle et popu- laire, ou bien illustrant des dictons ou des pro- verbes que nos ancêtres aimaient à rappeler dans toutes les circonstances de leur vie. Parfois même, sans causer le moindre scandale, l'artiste s'en prenait aux moines, aux prélats et aux femmes, qu'il représentait d'une façon ironique et en des poses parfois licencieuses. C'est peut-être au choix peu édifiant des sculptures qui décorent les miséri- cordes (et aussi les ram- pants) des stalles d'é- glises, que nous devons attribuer leur enlèvement et leur destruction, pour ainsi dire systématique. La portée des sujets repré- sentés ne cadrait plus avec le sentiment religieux des périodes de dévotion ou- trée qui suivirent.

Il ne reste malheureu- sèment plus rien des stalles antérieures au xn* siècle. Il y a lieu de croire, cependant, qu'elles furent analogues à celles qui existent encore à Ratzbourg (%. 7), et qu'elles constituaient, comme celles- ci, une imitation servile, en bois, des lourds sièges primitifs en



g. y. — Stalles conservées au Musée archéologique de Gand (xm c siècle).


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


pierre, qui se retrouvent encore dans les églises de l'Italie et de la

Sicile.

Les quelques stalles du xm e siècle que nous pos- sédons, sont remarquables par leur élégance, unie à une grande simplicité. On y constate déjà de pre- miers essais pour orner de sculptures les amortisse- ments et les miséricordes. Les stalles de Léglise de Gendron-Celles, près de Dinant, ainsi que d'autres sièges sculptés qui se trouvent à l'ancien prieuré d'Hastières (fig. 8), près de la petite ville de ce nom, sont de cette époque et présentent un véritable intérêt au point de vue de l'art.

Quelques stalles, dé- pourvues de sièges, con- servées au Musée d'ar- chéologie de Gand, appar- tiennent à un style hybri- de; désignées dans l'an- cien catalogue de cette galerie comme apparte- nant au « style roman », elles paraissent devoir être reportées au xm e ou même au xiv c siècle. A en juger par l'entrée de stalle dont nous donnons un croquis (fîg. 9), et où nous relevons des feuillages barbares et un oiseau fan- tastique des plus drôles, les miséricordes disparues devaient présen- ter un aspect certainement grotesque et peut-être même satirique ou licencieux.

Les stalles du xiv e siècle, comme celles du xiu e , sont très rares en



Fig. 10. — Stalles de l'église Sainte-Croix, à Liège (xiv c siècle).


LÉS STALLES ET LES « FAISEURS )) DE STALLES


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Belgique. De belles stalles appartenant à cette dernière époque existent cependant dans les églises de Saint-Jacques et de Sainte- Croix, à Liège. Nous donnons un croquis de ces dernières (fîg. 10), qui rappellent celles de Poitiers, de la même époque. Elles sont très sobrement ornées, et n'ont de sculptures que sur les miséricordes



Fur. 11. — Stalles de l'église de Saint-Pierre, à Louvain (.\V siècle).


et les chapiteaux des colonnettes des parcloses. Les rampants des stalles de l'église Saint- Jacques, dans la même ville, comportent en outre une foule de figures fantastiques et grotesques posées sur les parcloses.

Les stalles des xv c et xvi^ siècles se distinguent ordinairement par une profusion extraordinaire dans leur décoration sculpturale. Elles sont, comme le fait remarquer l'auteur cité plus haut, cou- vertes d'ornements nombreux et traitées avec beaucoup plus de recherche et de délicatesse qu'aux siècles précédents. Leurs hauts dossiers consistent régulièrement en bas-reliefs encadrés dans des


16 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

arcatures finement redentées ; chaque stalle est abritée par un dais, surmonté d'un pinacle ajouré et élancé. « Le couronnement des stalles se dispose, dit Viollet-le-Duc, en autant de petites voûtes qu'il y a de sièges. Ces dais sont alors enrichis d'armoiries, de clefs et de nervures. Des arcatures suspendues se projettent au droit de la plus forte saillie des sièges; les jouées ou parties terminales se couvrent de sculptures ajourées 1 . » Malheureusement, en Belgique, il n'existe plus guère de stalles des xv e et xvi e siècles munies de leur couronnement.

C'est aussi à ces époques que l'ornementation sculpturale des miséricordes, ainsi que celle des rampants et des entrées de stalles, présentent le plus grand intérêt au point de vue satirique et folklo- rique. Il est très rare, nous avons vu pourquoi, que les sujets repré- sentés sur les sièges reproduisent des personnages ou des sujets religieux; seuls, ceux qui ornent les stalles de l'église de Sainte- Gertrude, àLouvain, font exception à cette règle. « Les miséricordes des stalles hautes représentent des faits empruntés à l'ancien Testa- ment, tels que le sacrifice d'Abraham, le serpent d'airain, David tenant la tête de Goliath, Salomon, Jonas jeté à la mer, etc., ainsi que quelques épisodes des vies de sainte Gertrude et de saint Au- gustin. Sur les miséricordes des stalles basses on reconnaît la Sainte Trinité, les évangélistes, des figures de saints et de saintes. Les jouées terminales sont d'une richesse extraordinaire ; elles sont décorées dans leur partie inférieure de bas-reliefs figurant la créa- tion du monde, celle des animaux et de l'homme. On voit en outre, Adam et Eve avant le péché, puis expulsés du Paradis et cultivant la terre en punition de leur faute-. » Le couronnement, qui est moderne, manque de proportion, et il dénature malheureusement l'ensemble. Il eut certainement gagné à être traité avec plus d'am- pleur.

Les stalles belges appartenant aux xv e et xvi e siècles qui offrent le plus d'intérêt au point de vue qui nous occupe sont, en les citant par rang d'ancienneté : les stalles de l'église de Saint-Pierre, à Lou- vain, malheureusement mutilées (fig. 11); celles de Saint-Sauveur à Bruges ; celles d'Aerschot, de Diest, de Walcourt et d'Hoogstraeten, en Campine.

". Viollet-le-Duc. Dictionnaire de l'architecture, t. VIII, p. 461. 2. Ch. Heusens. Op. cit., t. II, p. 247.


LES STALLES ET LES « FÀlSELfcS » DE STALLES 1?

On sait que les auteurs, généralement inconnus, de ces curieuses sculptures profanes, faisaient autrefois partie du grand métier des « Quatre couronnés », dont le patronage s'étendait en Belgique aux principales professions qui faisaient usage du marteau. La commé- moration des Quatre couronnés ayant lieu le même jour que la Saint-Claude, dont les quatre compagnons : Castor, Nicostrate, Symphorien et Simplice, étaient sculpteurs de profession, il y a lieu de croire avec M. J. Destrée 1 , qu'il y eut confusion, et que le patronage visait les anciens sculpteurs qui, d'après la Légende dorée, refusèrent de faire une idole que Dioclétien leur avait commandée et ne voulurent pas, même pour sauver leurs vies, sacrifier aux faux dieux. Condamnés à mort, ils périrent avec constance dans les tour- ments. D'après M. Neefs 2 , les sculpteurs formaient une des sous-divi- sions de lagilde des maçons. Cette dernière association comprenait : 1° les maçons proprement dits, qui avaient pour patron saint Claude ; 2° les tailleurs de pierre, placés sous l'invocation de Nicos- trate ; 3° les verriers et les vitriers, honorant saint Castor, et 4° les sculpteurs, dont saint Symphorien était le protecteur. Ce ne fut que plus tard que les sculpteurs se réunirent aux peintres et formèrent la gilde de saint Luc. On sait aussi que les travaux des sculp- teurs, ou « tailleurs d'images » (beeldesnyders), étaient, dès le xv e siècle, soumis, avant leur livraison, à l'examen des jurés et doyens de la gilde, qui garantissaient l'ouvrage de leurs confrères, comme cela se faisait déjà pour les orfèvres. A Bruxelles, l'ordonnance date du 10 mai 1455. Il était prélevé, de ce chef, un soixantième de la valeur des œuvres présentées : cet examen avait pour but de con- stater la qualité des bois employés, qui ne pouvait être, tant pour les retables que pour les stalles d'église, que du « bois de chêne ou de noyer bien secs, sans défauts », et ayant des épaisseurs déter- minées.

Les gildes de peintres et de sculpteurs astreignaient leurs mem- bres à des obligations nombreuses, et leur liberté était souvent entravée par des réglementations nombreuses, parfois même dra- coniennes. On les trouve déjà organisées en Belgique dès la seconde moitié du xiv e siècle. La mention officielle d'un doyen de la corpo-

1. Joseph Destrée. Étude sur la, sculpture brabançonne au moyen âge. Annales de la Société d'archéologie de Bruxelles, t. XIII, 1899, p. 380.

2. Neefs. Histoire de la peinture et de la sculpture a Malines, t. I, p. «•


18 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

ration artistique de Gand est relevée dans les comptes de la ville de Gand dès l'année 1350 t . D'après M. F. de Potter 2 , cette gilde existait déjà en 1338, alors que la fondation de la corporation de Saint- Luc, à Florence, ne date que de 1349 et celle de Sienne de 1355. On sait que les artistes de Paris qui étaient encore alors sous l'influence du clergé, ne s'émancipèrent qu'en 1391, tandis que Bruges avait suivi l'exemple de Gand en 1359, Anvers en 1382. La fondation de la gilde des peintres à Courtrai date de 1404.

La corporation des peintres et sculpteurs gantois constituait une espèce d'aristocratie. On n'y recevait comme membres que les ar- tistes nés dans la ville et y possédant le droit de bourgeoisie. Ils devaient verser, comme don de joyeuse entrée, une somme de « six livres de gros », plus un plat en argent aux bords dorés et portant les armoiries de la gilde. Ils devaient y ajouter de plus « 8 schel- lingen groote » pour défrayer un banquet offert au doyen et jurés. Ils devaient promettre en outre de n'employer, les peintres, que des couleurs fines et des ors de première qualité ; les sculpteurs, du bois pur et sans défauts, sous peine d'amendes considérables. La somme, élevée pour l'époque, des frais occasionnés par l'entrée dans le métier artistique, nous explique que le chiffre des maîtres fut peu nombreux. Nos artistes étaient généralement membres d'autres gildes ou confréries, où ils s'exerçaient au métier des armes : telles la confrérie des escrimeurs, placée ordinairement sous le patronage de saint Michel, celle des tireurs à l'arc ou a l'arbalète, qui avait pour patron, à Gand, saint Georges 3 . Ils appartenaient en outre à Tune ou l'autre Chambre de rhétorique, où l'on composait non seulement des mystères religieux et des « bourdes » joyeuses profanes, mais où l'on organisait aussi la mise en scène des brillants cortèges et « Ommegangen », où nos ancêtres, avec un luxe de décors


1. V. Van DEn Haeghen. Mémoire sur les documents faux, etc. (tiré à part des Mé- moires couronnés et autres mémoires de l'Académie royale de Belgique). Bruxelles, Hayez, 1899, p. 39.

2. F. de Potteh. Gent van den oudsten tyd tôt hcden, etc., t. V, p. 271. Gent, 1888. Voir aussi Jules Huyttens. Recherches sur les corporations gantoises. Gand, Hebbc- linck,1861.

3. On sait que lors des guerres et séditions, si nombreuses en Flandre, chaque métier devait fournir un certain nombre de combattants tout équipés, de sorte que l'artisan ou l'artiste, à côté de ses outils et de son costume de travail, avait aussi son « goedendag », ou bien son arbalète, ainsi que son équipement militaire complet.


LES STALLES ET LES « FAISEURS » DU STALLES 19


et de costumes inouï, surent introduire mille épisodes satiriques, grotesques, fantastiques, et, parfois même, disons le mot, licencieux. M. de Barante nous rappelle 1 que, lors de la joyeuse entrée de Charles le Téméraire à Lille, une des scènes figurées par les artistes de la région représentait une parodie burlesque du Jugement de Paris, où un lourd paysan ridicule remplaçait le jeune fils de Priam, tandis que les déesses, dans le costume que l'on sait, étaient repré- sentées par trois commères bouffies et difformes. Inutile d'ajouter que ce spectacle risible, si bien dans la note du temps, eut le plus grand succès.

Une des plus anciennes et des plus célèbres Chambres de rhéto- rique à Gand, — on sait combien elles furent nombreuses dans l'an- cienne capitale de la Flandre, — portait le nom satirique et grotesque de « Panier sans fond » (Boomloze mande); elle était placée sous l'invocation de sainte Agnès. Nous avons rappelé naguère que les « Mandistes », c'est-à-dire les gens de cette chambre, comptaient certainement parmi eux des artistes de valeur, et qu'ils figurèrent ou mimèrent, à côté de tableaux vivants profanes, d'importants sujets religieux, notamment la reproduction complète de Y Adoration de l'Agneau, le chef-d'œuvre des frères Van Eyck. Cette dernière repré- sentation eut lieu en 1458, lors de la joyeuse entrée à Gand de Philippe le Bon, vainqueur de la bataille de Gavere 2 . Nous voyons bien souvent figurer les « Mandistes », ou gens du panier sans fond, dans les comptes de la ville, qui leur prodigua prix et subsides pour la beauté de leurs mises en scène et les succès qu'obtenaient leurs joyeux « esbatements ».

Les rhétoriciens flamands et même les membres des corporations industrielles portaient fièrement, dans les circonstances officielles, des costumes généralement blasonnés à leurs meubles et couleurs. Et ces armoiries n'étaient pas toujours des armes parlantes; c'est ainsi que la corporation des savetiers de Gand portait, sur son écu, un lion d'argent lampassé d'or, sur fond de gueules, le tout barré

1. De Barante. Les ducs de Bourgogne. ,

2. Voir nos études : L'art et les Rhétoriciens flamands {Bulletin du Bibliophile et du Bibliothécaire. Paris, avril 1900). Voir aussi : Nos peintres rhétoriciens aux XV* et XVI* siècles (Bruxelles, Art moderne, 5 et 26 août 1900), et P. Bergmans. Note sur la représentation du retable de V Agneau mystique des Van Eyck en tableau vivant, à Gand, en 1458, dans les Annales du Congrès historique et archéo- logique de Gand, 1907, t. II, page 530 et suiv.


20 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

d'un épieu vert. Car, d'après la légende, ce furent les « resemel- leurs » de Gand qui, au nombre de 1500 ! (?), sauvèrent en 1103 la bannière du duc Guillaume de Normandie, alors qu'ils combattaient avec les Gantois contre le roi de France 1 . Ceux du « Panier sans fond » avaient leurs armoiries brodées en argent sur la manche. Ils portaient, de plus, un insigne de même métal où se trouvait repoussé et gravé un panier percé, avec cette orgueilleuse devise : Chacun nous désire, « Elx begherte ».

Beaucoup de ces anciennes gildes existent encore. Lors du cor- tège des gildes et confréries qui sortit à Bruxelles en 1905, on fit un relevé des anciennes sociétés et gildes encore existantes dans le pays. On comptait qu'il en restait trois cents, or il y en eut sept cents qui répondirent à l'appel du comité. Parmi les plus vénérables de ces gildes, on a compté celle de Saint-Sébastien, à Ypres, qui eut douze cents archers a la bataille des Eperons d'or, et qui figura dans le cortège avec son merveilleux collier du xv e siècle, souvenir de la fastueuse époque de Philippe le Bon. La gilde de Saint-Sébas- tien, de Bruxelles, montra également alors son collier, des reliques du saint et des plaques d'argent anciennes; Y Union et Constance, de la même ville, produisit de son côté ses trésors. La vieille Chambre rhétoricienne « Zeegbare Herten », qui prit part au « Land Ju- weel » (Joyau du pays) de 1-4-98, figura à Bruxelles avec ses anciens instruments de musique, ses masses et ses piques; la gilde des arquebusiers de Visé avec ses médailles du xvi e siècle ; la gilde de Saint-Georges de Poperinghe avec sa charte datant de 1460. On y vit le métier des boulangers de Bruges, « Het Ambacht der Bakkers », la Chambre de rhétorique de Dixmude, « Aujour- d'hui quelque chose, demain rien » (Heden ijet, morgen niet), dont le blason montre une fleur sur une tête de mort, ainsi que les « Fonteinistes », de Gand, qui florissaient déjà au xv e siècle. On y admira les cannes de cérémonie de la Chambre de Hasselt. Puis, défilèrent des tambours armoriés, « trommels », des plaques et des colliers parfois offerts par des rois régnants à nos rois de


1. F. de Pottek. Op. cit., t. V, p, 271.— Dans une communication faite à la Société d'histoire et cTarchéologie de Gand, M. P. Clacys a rappelé que, dans le règlement de la corporation des « Pynders »,ou portefaix de Gand, il est défendu, sous peine d'amende, de « faire des vents répandant une odeur de nature à incommoder les confrères! »


LES STALLES ET LES « FAISEURS » DE STALLES 21


tir 1 . On y remarqua même des colliers de reines, car les femmes faisaient partie de beaucoup de ces gildes. Aujourd'hui encore, dans la plupart des gildes du Brabant on n'admet pas les célibataires Et c'est ainsi que la gilde de Haeren amena à Bruxelles cent trente couples, qui dansèrent sur la Grand'Place leurs danses anciennes.

Des anniversaires nombreux, celui du saint Patron, les fêtes des doyens et des rois de la confrérie, étaient les prétextes de réunions joyeuses, accompagnées de fastueux banquets, où les confrères pou- vaient satisfaire leurs goûts ataviques pour la bonne chère et les ripailles. Le culte de l'allégresse et les plaisanteries grasses, dont nous trouverons tant d'échos dans nos miséricordes de stalles, s'y épanouissaient librement, car la religion même tolérait et encou- rageait la joie des humbles, ne voyant aucun mal à la naïveté fron- deuse de leurs satires sculptées qu'on trouvait alors partout dans les églises. Des amuseurs attitrés et payés, des fous en costumes chatoyants, parfois des diables au masque hideux, étaient chargés de réveiller la joie des fêtes corporatives par leurs plaisanteries, plutôt grosses et l'étalage de difformations, de dislocations ou de grimaces, le tout finissant généralement par des coups et des mê- lées « pour rire », d'où les spectateurs eux-mêmes ne sortaient pas toujours indemnes. Leurs satires, parfois mordantes, prenaient indifféremment à partie les puissants et les humbles, ainsi que les gens appartenant à d'autres métiers, qu'on jalousait. Ils daubaient surtout les femmes médisantes, les maris trop faibles et les moines qui, issus du peuple, vivaient de leur vie, partageant sans vergogne leurs peines comme leurs turbulents plaisirs.

La tradition de ces fêtes burlesques est restée longtemps vivace en Belgique. C'est ainsi que le diable de Saint-Michel, à Gand, dont le masque grotesque en fer est conservé au musée d'archéo- logie de cette ville, — figurait encore en 1847 dans les cortèges et fêtes où assistaient les membres de la confrérie. M. F. de Potter a


1. Rappelons ici, d'après M. Ferd. Van der Haeghen (voir p. 410 du tome V delà Bibliographie gantoise, 1863) qu'Antoine De Rouck, roi de la confrérie de St-Georges, était traité par Charles de Lorraine sur un pied d'égalité, et que lorsque le prince recevait De Rouck à son palais de Rruxelles, il aimait à le nommer sire. Plus tard, en 1808, le roi Gustave, assistant à Gand aux exercices des confrères de St-Georges, De Rouck, prit sans façon la main du souverain et lui dit : « Sire, vous êtes roi de Suède et moi je suis roi de St-Georges ». Cette franchise plût, parait-il, au souverain, qui continua plus tard à le traiter comme un égal.


LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


vu, à cette époque, le diable de la société, secondé par un groupe de diablotins agiles, se défendre contre les fléaux des séïdes de saint Michel, « de vlegelmannen », dont les horions s'égaraient même parfois sur les épaules des spectateurs 1 .

Les jeux et les danses de l'épée, « zwardspelen, en zwarden dansen », souvenirs probables des anciens Germains, furent long- temps populaires dans la Hollande, dans la Flandre et le Brabant. Dans ces danses, des jeunes gens, primitivement nus, s'élançaient et bondissaient entre des épées et des fers de lances, fixés au sol, tandis que, dans leurs jeux, ils lançaient leurs armes à une grande hauteur ou jonglaient avec plusieurs épées et poignards.

La jalousie des métiers, d'une ville à l'autre, était grande, et les droits et privilèges des maîtres étaient conservés et défendus avec âpreté. Les comptes de ces gildes nous renseignent abon- damment à cet égard. On y voit traces de nombreux procès soute- nus contre ceux qui employaient des sculptures faites par des gens n'appartenant pas à la gilde gantoise. En 1503, le conseil des doyens des métiers, à la requête du corps des charpentiers et huchiers, défend à Jan van Dikele, sculpteur en bois, de continuer un travail d'ornementation extérieure d'un orgue placé à Saint- Jean (actuellement cathédrale de Saint-Bavon). Une somme de 1 livre et 13 escalins de gros, plus une autre de 1 livre et 8 esca- lins sert à rafraîchir les délégués ou suppôts des sculpteurs et hu- chiers gantois, « de supposten van de beeldesnijders », qui se trouvaient aux aguets chez Anthone Facyen, tavernier près de la porte aux Vaches, en la même ville, pour saisir ou tout au moins empêcher l'entrée d'un autel sculpté venant d'Anvers. Un second item est barré, le conseil ayant probablement trouvé le second chiffre concernant les boissons complémentaires consommées, par trop exagéré 2 .

MM. J. Destrée pour le Brabant, de la Grange et Gloquet pour le Tournaisis, Neefs pour Malines, James Weale pour Bruges et ses environs, Helbig pour la Wallonie nous ont donné des renseigne- ments nombreux sur les sculpteurs nés dans ces diverses parties

1. F. de Potter. Geni van den oudsten tyd tôt heden, etc., t. V, Gent., p. 271.

2. Voir à ce sujet : Victor Van der Haeghen. La corporation des peintres et des sculpteurs de Gand (Tiré des Annales de la Société d'histoire et d'archéologie de Gand. Bruxelles, van Oest, 1906, p. 80.).


LES STALLES ET LES « FAISEURS » DE STALLES 23


de la Belgique. Les « faiseurs >> de stalles et de retables de Gand sont moins bien partagés. On connaît cependant Gornelis Boone, né à Gand vers 1415, et y décédé en 1492. Il fut maître en 1445 et exécuta des sculptures importantes pour les églises de sa ville natale. Il fit, notamment en 1455, les stalles sculptées qui, jusqu'à l'époque des troubles religieux du xvi e siècle, décorèrent le chœur de l'église Saint-Nicolas, à Gand. Il exécuta encore des œuvres analogues pour Féglise Saint-Michel et pour l'oratoire des Domini- cains. Il est aussi l'auteur d'un retable qui fut placé à Nazareth (village de la Flandre orientale) en 1447. Il y avait groupé les Cinq mystères joyeux de la Vierge, a de vijf blijde Mysterien van Maria ». Il exécuta en outre, pour la même église, une statue de la Vierge, ainsi qu'une chaire de Vérité en bois de chêne ornée de bas-reliefs et des statues des évangélistes. Malheureusement il n'existe plus rien de ces divers ouvrages *.

Marck van Gestele, déjà maître en 1404, appartenait à une famille d'artistes. Son fils, qui était sculpteur et peintre, travailla pour l'église de Saint-Martin, à Courtrai, où il plaça un retable repré- sentant la Passion de Notre-Seigneur. Jan et Gysbrecht van Gestele travaillèrent également pour cette ville et y exécutèrent les princi- pales œuvres d'art qui furent faites au cours du xv e siècle. M. V. Van der Haeghen, de son côté, nous fait connaître d'autres imagiers et huchiers gantois, notamment Jan Bulteel 2 , connu sous le nom du u Maître sculpteur de Bosuijt dans la châtellenie de Courtrai 3 », qui fournit, en 1409, des stalles sculptées célèbres, décorées d'une foule de statuettes d'hommes et d'animaux fantastiques composant des symboles tantôt religieux, tantôt satiriques ou grotesques. Ces sièges furent malheureusement brisés et livrés aux flammes pen- dant les troubles religieux, en 1578-1580. D'autres stalles, sculptées dans le même genre, furent exécutées pour le collège des Chefs - Tuteurs, et 32 sièges, également ornés de figurines et d'ornements en bois de chêne, pour le chœur de l'oratoire des Carmes chaussés,

1. F. de Potter. Op. cit., pp. 211 à 222, t. V.

2. Voir pour ce nom, ainsi que les suivants, les ouvrages de M. Victor Van der Haeghex, déjà cités plus haut, ainsi que ses notices parues dans la Biographie natio- nale.

3. D'Alfred von Wurzbagh. Niederlandisches Kùnstler-Lexikon,auf Grund archi- valischer Forschungen bearbeitet, t. I, p. 222 (Verlag von Helm und Goldman, Wien und Leipzig, 1906.).


24 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


à Gand, en 1433. Pieter Bulteel, son fils, fut également sculpteur; il remplit les fonctions de juré de la corporation gantoise dans les années 1455-1456, Jacob Bette, en collaboration avec Jan van Vin- derhoute, tous deux huchiers et sculpteurs, avaient exécuté déjà, en 1378, pour la chapelle des Tisserands (celle-ci était dédiée à saint Léonard), des stalles sculptées qui leur furent commandées sem- blables à celles qui se trouvaient dans l'oratoire de la maison des Templiers, ou « Tempel hof ». La famille Glincke ; Ghiselbrecht van Meerlo, juré en 1471-1472 et en 1481-1482; Willem Huicke, maître en 1472-73, à qui Ton doit une Mise au tombeau du Christ, conservée dans une chapelle extérieure de la cathédrale de Saint- Bavon, à Gand, « Het Keilig Graf 1 », furent également des imagiers de valeur, dont leur ville natale a le droit d'être fière.

Bien d'autres sculpteurs gantois seraient encore à citer, depuis Justus et Torquin de Gand, ou van Gent, qui travaillèrent au xv e siè- cle à la Chartreuse de Champmol, près de Dijon, jusqu'à Jan de Heere, ou Mynsheere, le père du peintre, poète et sculpteur Lucas d'Heere, et Marc van Vaernewyck, le père du peintre et le grand-père de l'historien du même nom. Mais il faut se borner et nous occuper plus spécialement de notre sujet : l'examen des stalles qui se trouvent encore en Belgique et de leurs miséricordes.

4. Ce groupe est actuellement affreusement polychrome et tous les personnages affublés de costumes burlesques en étoffes voyantes à la mode espagnole.


CHAPITRE III

LES MISÉRICORDES D'HASTIÈRES (xill e SIÈCLE)


Les miséricordes du prieuré d'Hastières sont les plus anciennes de la Belgique. Leur facture est plutôt barbare. On y retrouve cependant un écho du monde pri- mitif à cette époque, c'est à dire l'influence des croisades et l'appréhension du sei- gneur féodal, parfois méchant. — La crainte du musulman, confondu avec la race nègre. — La terreur du démon. — Les masques des miséricordes d'Hastières sont analogues à ceux que nous montrent les géants encore populaires en Belgique : An- tigon et Pallas, d'Anvers, avec leur cortège de baleines et de dauphins ; « Gouyasse », ou le Goliath à turban, d'Ath ; le cheval Bayard et les quatre fils Aymon, d'Alost et de Tcrmonde; les quatre géants de Vilvorde; le grand géant à turban, de Nieu- port, et le petit « Reus », de Grammont; le Doudou ou la grande tarasque, de Mons. — La fin tragique des géants de Wetteren, qui mirent en colère Napoléon I". — Les grimaciers et les visages composés de feuillages. — Premières satires. — La femme médisante. — Satires de la gourmandise et de la luxure, symbolisées par le porc. — Le moine, à l'abri des vicissitudes du monde, présente seul un visage heureux et souriant.— La satire symbolique du vin et du mariage. — Les sculptures supprimées. — Leur caractère licencieux probable. — Une miséricorde remplacée dans les premières années du xv e siècle. — Son millésime.

Les miséricordes qui ornent les sièges mobiles des stalles du chœur de l'ancien prieuré d'Hastières (province de Namur) doivent être rangées, comme nous le disions plus haut, parmi les plus anciennes de la Belgique. Elles n'existent plus qu'au nombre de vingt, dix à droite, dix à gauche. Les stalles sont disposées sur un seul rang et n'ont pas de hauts-dossiers.

Les sculptures de ces miséricordes sont d'une facture plutôt bar- bare et les sujets représentés assez peu variés. On y retrouve cepen- dant un écho curieux du monde primitif d'alors. C'était l'époque des croisades. Le peuple vivait dans la crainte des seigneurs châtelains établis dans les nids d'aigles, dont on voit encore les restes pitto- resques sur les rochers qui bordent la Meuse et ses affluents. Et le château féodal tenait, courbés sous le joug, les manants d'alentour. La crainte de l'homme puissant, parfois méchant, est évoquée sur ces stalles par une tête bien caractéristique. Nous y reconnaissons


26


LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


(fig. 12) le type du seigneur guerroyeur et brutal, à la forte mous- tache de soudard. Les yeux écarquillés et la bouche ouverte, il semble proférer des menaces. Tel qu'on le voit, il devait terroriser le peuple qui se pressait dans les églises, où les espérances et les promesses de l'au-delà consolaient des peines présentes. A côté de la crainte du seigneur féodal, nous voyons celle du barbare, du musulman, que l'on combattait au loin pour la défense de l'Europe


^â.



Fig. 12. — Satire du seigneur féodal (xm e siècle) (Prieuré d'IIastières).


et la conquête dés lieux saints. Le nègre (fîg. 13) symbolisait alors Fennemi de la chrétienté. C'était une espèce de croquemitaine dont la peau sombre évoquait le démon. L'artiste primitif a fort bien observé les caractères distinctifs de la race noire, dont il avait pu voir des spécimens dans les foires et les marchés qui se tenaient dans le pays : les marchands exotiques se faisaient volontiers accom- pagner de nègres chargés de déballer et de montrer leurs étoffes brodées d'or, ainsi que les autres objets précieux qu'ils exposaient en vente. On reconnaît la grande bouche lippue, le nez court et épaté, les pommettes saillantes. Un turban plissé, posé sur un front


LKS MISÉRICORDES D IIASTIÈRES


froncé et menaçant, complète, pour l'édification de tous, l'idée que l'on se faisait alors des cruels descendants de ceux qui firent périr le Christ dans d'affreux tourments.

L'habitude de condamner les gens à aller combattre les Turcs et les Sarrasins, « het gaen bevcchten (1er Turken onde Sarnsyncn », pour elfacer certains crimes, subsista en Belgique jusque bien après les croisades. Elle fut appliquée non seulement par l'autorité ecclé-



Fig. 13. — Satire du turc infidèle (xur siècle) (Prieuré d'Hastières).

siastique, mais dans les tribunaux civils du xv« et même du

xvi e siècle.

Ces condamnations furent surtout fréquentes entre les années 1350

et H00. Les anciens registres, conservés dans les archives de la ville de Gand, présentent des exemples nombreux de personnes condamnées pour meurtres ou assassinats, à traverser la mer : « Aise ghemeene zeevaert commen sal... ». La promesse devait être faite entre les mains (in de handen) d'un prêtre, sur la tombe de l'assassiné 1 .

1. . So «t hi ncmen l'eruce uut graf van Zegher von.it «,«^*«^ £££

deziele van Zegher vornomt (1370, 4 septembre). - Item zal Iner boven Hemne


28


LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


En 1487, le 9 mai, nous voyons encore les échevins de la Keure condamner une personne, accusée de voies de fait sur un employé

du tribunal, à combattre les Turcs pendant une année, et la sommer de rapporter un certificat prouvant que la sentence avait été exécutée : « Op de Turken te vcchtene een jaer lanc ghedurende, ten hende van icelcken hy ghehouden es te bringhene certificatie van dyen 1 ». D'après la chronique d'An- vers, on employa ce moyen de répression contre les Cal- vinistes pour les éloigner de la ville.

Un tronc spécial, placé dans toutes les églises, était destiné à recevoir les of- frandes affectées à l'entretien de l'armée destinée à combattre les infidèles, donl la crainte hantait tous les peuples chrétiens. Ces dons n'étaient pas toujours volon- taires : les hérétiques, et notamment les Vaudois, étaient souvent condamnés à verser des sommes importantes. Dans le célèbre procès d'Artois, en 1460, les seigneurs de Beaufort et Jan Staquet furent condamnés à « mectre au troncq des pardons dans la ville de Malines en Brabant, lequel troncque estoit ordonné pour y mectre aulcune pecune pour aller sur les Turcs, ennemis de la foy chrétienne,



Fig. 14.


— Satire du démon (xm c siècle) (Prieuré d'Hastières).


Gillis Moens... ghaen ter grave van den voirseiden dooiden, metgaders eenen priester dies hys verbidden mach ende ontfaen dair up sine knien in teeckene een Cruce, dat vorseide Hendric beloven zal in de handen van den priestre te treckene t zee- vaert, so wanneer dat onse gherechten heere van den lande met sinen live, tghe- meene zeevaert trekken zal, up dat hy dair levende man es. Ende hair hi van dese werelt verscheiden ware, so waren sine borghen hier onder genoemt van deser beloften, etc. »» (1397).

Dans le dernier texte nous voyons que le condamné doit se tenir prêt à partir avec la première croisade, et, s'il vient à mourir, l'un de ceux qui ont signé avec lui s'oblige à partir à sa place.

1. J.-B. Cannaert. Op. cit., p. 169.


LES .MISÉRICORDES DHAST1ÈRES


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la somme de six m.lle hvres monnaye d'Arthois qui vaUoient S.000 ecus d or ,,. _ De plus ils furent exposés sur un échafaud ayant sur la tête une mitre en papier où se trouvait peint lé démon et la manière dont les Vaudois l'adoraient. « Et par la dicte sentence (le seigneur Beaufort) fut condamné a estre illecq baslu



Fig. 15. — Satire d'un grimacier ou bouffon (sur siècle) (Prieuré d'Hastières).


publiquement de verghues.... » Quant aux autres accusés ils furent, comme on le sait, presque tous brûlés vifs.

Le démon, cette grande terreur du moyen âge, n'est pas oublié. Nous le voyons (fig. 14) horrible et terrifiant, ouvrant une large bouche tordue et laissant voir, entre des dents acérées, une langue démesurée ayant la forme dun phylactère. Cette tête infernale, plus encore que le turc mécréant, constituait une image destinée à inspirer l'effroi aux fidèles, car elle évoquait le châtiment éternel, inéluctable, dont le prêtre à l'église faisait un si effroyable tableau.

Ces têtes monstrueuses nous rappellent aussi les gargouilles, les bêtes et les géants, qui, dès le xn c siècle, figuraient dans les procès-


30 LES MISERICORDES EN BELGIQUE

sions et dans les pèlerinages de la Belgique. Encore aujourd'hui, la plupart des villes belges possèdent leurs géants ou monstres, qui apparaissent annuellement lors des kermesses et des fêtes, ou bien qui servent de girouettes aux beffrois. On connaît le gigantesque dragon de cuivre de la tour communale de Gand (xiv° siècle), qui, d'après les auteurs anciens, aurait été rapporté du sac de Con-


Fig. 16. — Satire de la femme médisante (xiu c siècle) (Prieuré d'Hastières).

stantinople 1 . On peut voir encore le démon en même métal qui, avec saint Michel, surmonte la jolie tourelle ajourée de la maison communale de Bruxelles. Les Géants d'Anvers, Antigon et Pallas 2 ,

1. D'après Marc Van Vaernewyck, l'auteur le plus ancien parmi ceux qui s'oc- cupent du dragon de Gand, le monstre de cuivre, qui ne mesure pas moins de trois mètres de long-, fut conquis à Gonstantinople par Baudouin de Flandre. Celui-ci le donna aux gens de Biervliet (Biervlietenaers) qui se distinguèrent à cette occasion par leur valeur. Plus tard le dragon aurait été pris par les Brugeois, reconquis par les Gantois, et enfin placé sur le beffroi de Gand.

D'après Sanderus : Flandria illustrata (t. I, p. 97), le dragon n'alla pas à Biervliet mais bien à Bruges, où les Gantois le prirent comme butin de guerre. Tous les auteurs anciens sont unanimes à donner à la girouette gantoise une origine orien- tale, tandis qu'un savant danois, Frédéric Schriern, dans une communication faite à la Société danoise des sciences, en 1859, lui attribue une origine septentrionale.... En réalité nous trouvons, dans les comptes communaux de Gand, un poste qui nous prouve que cette pièce fut exécutée par un chaudronnier de cette ville : « Item van den drake, van den appelé ende van den huese II m. m c. xn liv. » (année éche- vinale 1377-1378).

2. Le masque du géant Antigon fut refait, en 1535, par le peintre architecte et sculpteur Pieter Coecke d'Alost, et celui de Pallas par le peintre anversois Willem Ilerreyns, en 1763.


LES MISÉRICORDES D HAST1ÈRES 31

suivis de leur colossale progéniture et de leur cortège obligé de baleines et de dauphins crachant de leau; le grand « Gouyasse » (Goliath) d'Ath ; les quatre géants de Vilvorde; le « Ros Beyart » dAlost, monté par les fils Aymon, accompagnés des géants Poly- dorus, Polydora et Polydoorken ; le cheval Bayard de Termonde avec ses cavaliers; le colossal géant en turban de Nieuport* ; les quatre petits géants de Vilvorde et le petit Reus de Grammont ; le Doudou, ou la grande tarasque de Mons, et bien d'autres encore, tous existent dans les magasins communaux de ces villes, toujours prêts à paraître en public aux sons d'anciennes chansons tradition- nelles, dès qu'une fête populaire se prépare.

Nous ne résistons pas au désir de donner une idée d'une de ces étranges complaintes d'un style très archaïque. Voici la traduction de celle qui se chante encore de nos jours lors de la sortie du géant de Nieuport :

Ils mentent ceux qui disent : (bis)' 1 Le Géant vient ! le Géant vient ! Retournez-vous, Géant î Géant ! Retournez-vous, le Géant vient !

Mère, mets la bouillie au feu (bis) Le Géant vient ! le Géant vient ! Retournez-vous, etc.

Mère, donne de notre bonne bière (bis) Le Géant est là ! le Géant est là ! Retournez-vous, le Géant ! le Géant î Retournez-vous, le Géant est là !

Mère, tire le robinet du tonneau (bis) Le Géant est ivre ! le Géant est ivre ! Retournez-vous, le Géant ! le Géant ! Retournez-vous, le Géant est ivre !...

1. Nous verrons plus loiu que la préoccupation et la crainte de """^J*** figurant le guerrier musulman persistèrent longtemps parmi nos »****£ ™£ retrouveront son image non seulement parmi nos stalles ^Z7vèl^^^- mcme parmi les miséricordes exécutées par nos huchiers belge ,i ^»««J ™W«  ment à Rouen en 1457, date de la commande des stalles au sculpteur Philippo Viart.

2. Voici le texte du premier couplet en flamand :

Al wie zegt dat Reuze korat ! dat Reuze komt ! Liegen daer om. Keer u eens om, Reuze ! Reuze ! Keer u weer om, Reuze komt : etc.


32 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

Mère, donne-nous du pain et de la bière (bis) Du pain et de la bière, le Géant est mort! Retournez- vous, le Géant! le Géant! Retournez-vous, le Géant est mort!

Les Géants de Welteren n'existent malheureusement plus. Qu'il



Fig. 17. — Satire de la gourmandise et de la luxure (xm e siècle) (Prieuré d'Hastières).

nous soit permis de rappeler ici leur fin tragique, car elle est pour ainsi dire ignorée de la génération actuelle.

Lorsque Napoléon I er , accompagné de Marie-Louise, visita, en 1810, les Pays-Bas, qu'il parcourait comme d'habitude à bride abattue, accompagné d'un détachement de sa fidèle 22 me demi-bri- gade de cavalerie légère, il eut, sur la route de Bruxelles à Gand, une rencontre vraiment surprenante. A Oordeghem, où la voiture s'était arrêtée pour changer les chevaux épuisés, on vit s'avancer tout à coup, au son d'une musique barbare, une troupe de géants qui se trémoussaient lourdement en cadence. C'étaient les géants de Wetteren, accompagnés des autorités de cette ville, qui venaient en cortège au-devant de l'empereur pour lui faire honneur. Cette brusque apparition jeta l'épouvante dans l'âme du vainqueur de


LES MtSÉRtCORbÉS D'hÀStIÊRËS


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Pig. 18. — Satire de la vigne et du vin [(xm e siècle) (Prieuré d'Hastières).


l'Europe, non pas pour lui, mais pour sa compagne qui était alors

enceinte du futur roi de

Rome. Le premier moment

de surprise passée, Napoléon,

outré de colère, s'écria d'une

voix terrible : « Arrière

manants, pas de monstres

devant l'impératrice! »

Et faisant avancer l'offi- cier de son escorte, il lui

donna l'ordre de refouler de

force les malencontreux et

gigantesques représentants

d'une race disparue.

Nos braves cavaliers par- tirent sans hésiter au galop.

Quelques secondes leur suf- firent : la députation, les notables et les spectateurs prirent pres- tement la fuite, tandis que les pauvres géants, moins agiles, qui seuls reçurent le choc, furent renversés, éventrés et fou- lés aux pieds des chevaux. Quelques hussards se four- voyèrent si bien dans leurs ventres d'osier qu'ils s'y trouvèrent pris et ne pu- rent s'en tirer sans égra- tignures. L'empereur entre temps était remonté en voiture et, rassurant l'im- pératrice sur la nature de l'incident qui faillit com- promettre la dynastie im- périale, il repartit au galop. Des visages plus amusants suivent. On y reconnaît déjà ce goût



Fig. 19. (xut


- La satire de la nef du mariage siècle) (Prieuré d'Hastières).


54 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

si général de nos ancêtres pour les plaisanteries grossières et les grimaces qui amusaient alors toutes les classes de la société. Parmi ces grimaciers, notons (fig. 15) une tête faisant une bouche en « cul de poule », qui apparaît parmi des feuillages; un visage de femme en cornette (fig. 16), bouffie à faire disparaître ses yeux, qui ricane



Fig. 20. — Un moine (xm e siècle) (Prieuré d'Hastières).

et pousse la langue aux passants ; satire probable de la médisance féminine ou (déjà!) de la belle-mère. D'autres miséricordes, symbo- liques ou satiriques, se rapportent à la gourmandise ou à la luxure, vices favoris des habitants primitifs de la Belgique, faisant dire à M. E. Baie 1 que « leurs excès gastronomiques valurent à la Flandre une notoriété que les autres nations n'acquirent que par leurs vertus ». Ces vices sont représentés par une grande tête de porc (fîg. 17), tandis que, d'autre part, le visage heureux et souriant d'un moine, à l'abri des tentations du monde, leur fait contraste (fîg. 20). Une bizarre composition (fig. 18) semble consacrée à la personni- fication du vin. C'est un visage étrange, constitué par des feuilles et des sarments de vigne, de la bouche duquel pend une grappe de raisin. Une satire plus compliquée, formant groupe (fig. 19), semble se rapporter au mariage. Nous y voyons, dans une espèce de nef symbolique, l'homme (barbu) et la femme accrochés à un mât et

1. Eugène Baie. L'Epopée flamande. Bruxelles.


LES MISÉRICORDES d'hASTIÈRES


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fort a l'étroit dans leur habitation temporaire. Les têtes des époux, représentés nus et à mi-corps, présentent un aspect caricatural probablement voulu, et font présager déjà les scènes d'infortunes conjugales que Ton trouve si nombreuses dans l'œuvre de Pierre Breughel le Vieux et des peintres de son école, comme parmi les miséricordes plus récentes que nous passerons bientôt en revue.

Quelques sculptures, présentant probablement un caractère licen- cieux trop hardi, ont été enlevées. Une de ces miséricordes fut rem- placée dans les premières années du xv e siècle ; elle montre un art



Fig. 21. — Oiseau tenant un phylactère avec date (Prieuré d'Hastières).

plus avancé et porte, chose rare, un millésime inscrit sur le phy* lactère tenu par le bec de l'oiseau. On peut y lire :

M. CGGC. P. + III.

Cette inscription précieuse n'avait pas été relevée, croyons-nous, jusqu'ici.


36 LES MISERICORDES Ei\ BELGIQUE

La disposition exacte des miséricordes pouvant avoir pour leur étude une certaine importance, nous les citerons ici dans l'ordre dans lequel elles se présentent.

A droite (nous supposons le spectateur placé face à l'autel) : 1° Masque barbu de reitre, satire probable du seigneur féodal (fig. 12); 2° Masque d'un turc ou d'un nègre (fig. 13) ; 3° Deux figures réunies dans une espèce de nef (fig. 19); 4° Miséricorde enlevée ; 5° Visage drolatique dans des feuillages (fig. 15) ; 6° Miséricorde enlevée; 7° Masque d'un grimacier; 8° Groin d'un porc (fig. 17); 9° Sujet disparu; 10° Une écaille de saint Jacques, comme en portaient les pèlerins.

A gauche : 1 1° Un oiseau tenant un phylactère avec un millésime (fig. 21); 12° Une miséricorde composée de feuillages ; 13° Masque grimaçant (fig. 14) ; 14° Un visage de moine (fig. 20) ; lo° Une plante avec fleurs; 16° Un parchemin plié en entonnoir; 17° Des grappes de raisin; 18° Un masque grotesque constitué par des raisins et des feuilles de vigne (fig. 18); 19° Miséricorde enlevée; 20° Un lion tenant un écu héraldique.


CHAPITRE IV

LES MISÉRICORDES DE LIÈGE (XIV e SIÈCLE)


Les miséricordes de Saint-Jacques et de Sainte-Croix à Liège constituent un grand progrès sur celles du siècle précédent. — Leur caractère fantastique. — Les dra- gons, salamandres et oiseaux de l'église Saint-Jacques. — Les feuillages disposés en visages grotesques. — Sculptures analogues à Gand. — Scènes scatologiques semblables à celles de Saint-Seurin, de Montreuil-sur-Mer, d'Évreux, etc. — Le <« mannekenpis » de l'église Saint-Martin, à Ghampeaux. — Les scènes scatolo- giques en Hollande. — Le ver solitaire (Amsterdam). — Les plaisanteries peu raffinées de nos ancêtres. — La perte des culottes, exhibitions des parties char- nues, exploits des pétomanes. — Odeurs infectes qu'ils répandaient. — La minia- ture de Jean Fouquet, à Chantilly. Le bonhomme, ou la femme accroupie, servant de monogramme à des peintres de l'école de Jérôme Bosch et de Breughel le Vieux.

— Leur signification. — Proverbes scatologiques. — Les figures décorant les rampants des parcloses de Saint-Jacques. — Satires du moine, du clerc, de lévé- que, des femmes et des courtisanes. — Dès le xm e siècle, les poètes flamands stigmatisent la corruption des mœurs de leur temps. — Satires de van Maerlant dirigées contre les évoques et les prélats. — Leur orgueil et leur luxure. — Van der Lore, dans ses poèmes satiriques, prend à partie les chevaliers, les nobles dames, les clercs, les religieuses, les moines, les béguines et les curés. — Jan Deckers, greffier de la ville d'Anvers, s'élève, dans son Nieuwen Doctrinael, ou Miroir des péchés, contre tous ceux, prêtres ou laïques, qui, âpres au gain, vivent dans le luxe et la dépravation. — Il stigmatise les trafiquants d'indulgences, les juges prévaricateurs et le culte idolâtre des images, ainsi que les excès qui accom- pagnent certains pèlerinages. — Les huit formes de la luxure. — Liège connu pour ses mœurs relâchées. Dès 1136 on y établit, dans des églises, la fête de la Reine des concubines. Cérémonial de cette fête. — Les fêtes des Innocents, de YEvéque de fous et de l'âne. — La prostitution dans les grandes villes flamandes : à Gand, à Bruges et â Damme. — Peines sévères édictées en 1297 contre ceux qui abusent d'une demoiselle patricienne, avec ou sans son consentement. — Les bordels et les bains relégués par les échevins de Gand dans le quartier « Outre-Escaut » (Overschelde). — Les noms de quelques-uns de ces lieux de plaisirs : La « Vulve de Vache », « Sodoma », le « Bordel des bourgeois ». — La rue de « Kontentast ».

— Le suicide d'une prostituée, à Gand. — D'autres figures satiriques prennent à partie les savants, les gens difformes et contrefaits. — Satire d'Adam. — Les stalles de l'église Sainte-Croix. — Un damné. — Dieu le Père (?), dragons et monstres infernaux, faisant présager les cauchemars peints de Jérôme Bosch. — Liste des miséricordes et des accoudoirs de Saint-Jacques. — Liste des miséri- cordes de Sainte-Croix, à Liège.

Les églises Saint-Jacques et Sainte-Croix, à Liège, possèdent de belles stalles du xiv e siècle. Leurs miséricordes constituent un


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


o-rand progrès, au point de vue artistique et pittoresque, sur celles du siècle précédent. A Saint- Jacques, elles sont au nombre de vingt-neul et disposées sur deux rangées, quinze à droite et quatorze à gauche. Les plus belles appartiennent au genre fantastique ; elles se composent de salamandres ou de dragons élégants, groupés de diverses façons, tantôt se fuyant, tantôt se poursuivant, ou bien se



Fig. 22. — Deux dragons se combattent (xiv* siècle) (Église Saint-Jacques, Liège).


combattant et se mordant la queue, comme c'est le cas pour la fîg. 22. Cette mode de grouper des dragons ou des salamandres n'est pas propre à la seule province de Liège. Nous en voyons aussi des exemplaires très intéressants exécutés en Flandre dès le xm e siècle, comme on peut le voir sur la fîg. 23, dessinée d'après une clef de voûte conservée au musée d'archéologie de Bruges. Cette pièce très intéressante provient, croit-on, d'une abbaye des environs de cette ville.

D'autres reptiles, isolés ou enlacés, supportent le siège de façons variées, mais toujours gracieuses. Des oiseaux étranges, des griffons les ailes ouvertes s'y remarquent également, ainsi que des dispo-


LES MISÉRICORDES DE LIÈGE


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«lions heureuses de feuillages, d'un genre purement décoratif Quelques-uns de ces feuillages sont présentés dune façon grotesque, formant par leur assemblage des têtes caricaturales, comme on peut le vo.r fig. 24. Ici encore, une clef de voûte en bois sculpté, prove-



Fig. 23. — Clef de voûte où des dragons s'cntre-dévorent. Sculpture du xm e siècle conservée au musée d'archéologie de Bruges.


nant de l'église des Dominicains, à Gand (\ 250-1260), vient nous prouver» que ce genre de caricature végétale était déjà en vigueur chez les huchiers flamands dès le xm e siècle (fig. 25).

Les plaisanteries grasses, chères à nos ancêtres médiévaux, sont représentées par des scènes scatologiques exécutées par des per- sonnages aux types divers, mais tous également nus. Parfois c'est


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


un homme bien peigné, d'aspect cossu (fig. 26), tantôt un per- sonnage au type bestial (fig. 27), ou bien encore c'est le démon lui- même, qui offrent à la vue du spectateur les phases douloureuses, ou heureuses, de cette ultime partie de la digestion. Tous, sauf le démon, qui a les pieds nus, sont chaussés d'escarpins bas du temps. Les sujets de ce genre, qui durent être nombreux à l'origine, sont devenus très rares en Belgique.

En France nous les trouvons en plus grand nombre, notamment



Fig. 24. — Tête grotesque constituée par des feuillages (xiv e siècle). (Église de Liège).


sur les miséricordes et les statuettes décorant les parcloses des stalles, très probablement exécutées par des artistes flamands voyageurs. On connaît les figures scatologiques de Saint-Seurin, en Gironde, où un petit personnage, coiffé d'une capuce, déverse, d'étrange façon, son mépris sur le monde, figuré par un globe sur- monté de la croix. On le retrouve fientant sur la tête d'un autre personnage, à Montreuil-sur-Mer, comme nous le voyons besogner de même sur une miséricorde de stalle de la cathédrale d'Evreux. Dans cette dernière sculpture c'est une jolie femme, les cheveux


LES MISÉRICORDES DE LIÈGE


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dénoués, qui porte à la bouche les « excréta » de son élu, démon- trant peut-être que :

Dans l'objet aimé, tout vous devient aimable 1 ,

à moins que ce ne soit la figure d une damnée subissant Je châti- ment diabolique que l'on retrouve peint au camposanto de Pise. Des figures, dans des poses analogues, se trouvent encore sur les ram-



Fig. 25. — Clef de voûte en bois. Tête grotesque en feuillages. (Ane. église des Dominicains, à Gand) (1250-1260).

pants des parcloses des mêmes stalles d'Evreux, tandis qu'un petit bonhomme qui pisse sans vergogne sur un van est sculpté sur une miséricorde de l'église Saint-Martin, à Ghampeaux, en Seine-et- Marne. Quelques miséricordes de ce genre, que l'on peut relever en Hollande, sont plus suggestives. A l'ancienne église Saint-Nicolas, à Amsterdam, par exemple, nous voyons un bonhomme accroupi


1. D r G.-J. Witkowski. L'art profane à l'église, etc. Cette sculpture, ainsi que les précédentes, sont reproduites dans cet ouvrage.


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


produisant des ducats (fîg. 28), tandis qu'une jeune femme nue, dans la même pose, iile un long cordon (peut-être bien un ver solitaire) qu'une vieille commère enroule gravement en écheveau sur un cadre (fig. 29).

Nous avons dit déjà 1 que l'examen de nos manuscrits enluminés



Fig. 26. — Satire d'un chieur (xiv e siècle) (Église Saint-Jacques, à Liège).


les plus anciens nous prouve que, dans les parades de nos amu- seurs primitifs, les coups de pieds au derrière, la perte ou la déchi- rure des culottes laissant voir aux spectateurs les parties voisines du bas rein, les exploits des pétomanes et des artistes en scata- logie, avaient le plus grand succès. Les odeurs infectes qu'ils répandaient augmentaient immanquablement l'hilarité de tous. Même dans les mystères religieux, les bourreaux ajoutaient aux


4. Voir notre Genre satirique dans là peinture flamande, pages 30 et suiv. Bruxelles, G. Van Oest et Cie, 4907.


LES MISÉRICORDES DE LIÈGE 43

souffrances des saints et des saintes martyrisés en se déculottant devant eux, comme nous le prouve la ravissante miniature de Jean Fouquet conservée à Chantilly, où nous voyons un pareil épisode dans le martyre de sainte Apolline 1 . Les plaisanteries grossières, dont nous avons reproduit des échantillons typiques d'après des manuscrits des xi e et xn° siècles, se continuèrent bien après Rabe- lais, excitant le rire brutal et convulsif de l'homme primitif. Le



Fig. 27. - Un chieur diabolique (?) (Église Saint-Nicolas, à Amsterdam).

monde politique changeait, mais les mœurs restaient les mêmes et pendant des siècles on verra manants et gentilshommes se tordre sur leurs escabeaux, à la vue d'histrions abaissant leurs chausses. Dans maintes de leurs compositions, Jérôme Bosch, Pierre Breughel le Vieux ainsi que nombre de leurs imitateurs, repré- sentèrent des figures accroupies, satisfaisant un besoin. Des petits personnages, hommes et femmes, dans cette posture, constituèrent même parfois la signature de nos peintres tant flamands que wal-


1. Id., id.,p. 9i et suiv.


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


Ions. Van Mander nous dit notamment que Joachim Patenier fut surnommé le « Chieur » (de Schijter), à cause de ce singulier monogramme 1 . Dans la langue néerlandaise et spécialement en



Fig. 28. — Le chieur d'Amsterdam (ÉgliseSaint-Nicolas).

Flandre, « Uijt schijten », c'est-à-dire Faction de fienter, veut aussi dire railler. Dans le tableau de Breughel représentant les proverbes flamands, dont une réplique du fils se trouve à Haarlem, nous trouvons le vieux dicton thiois :

Waar de Waal schijt, groeit geen gras. (Là où chie le Wallon, ne croît aucune herbe.)


A ce proverbe les Wallons répondaient en attribuant cette vertu

I. D'après M. James Weale, ce renseignement s'appliquerait à un homonyme reçu franc-maître de la confrérie de Saint-Luc, à Anvers, en 1535, tandis que le peintre de Dinant le fut en 1515.


LES MlSÉttlCORDES DE LIEGE


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stérilisante aux Flamands. Peut-être l'imagier des miséricordes scatologiques de Saint-Jacques avait-il songé à ces derniers dictons en exécutant ces sculptures.

Les figures fantastiques et grotesques qui ornent les rampants des parcloses des stalles de cette église, présentent un intérêt non moins grand. Elles sont très variées, et la verve moqueuse de lar-



Fig. 29. — La femme au ver solitaire (?) (Église Saint-Nicolas, à Amsterdam).

tiste -wallon s'y est donnée libre carrière. Nous y voyons des satires dirigées contre des prêtres et des moines (fig. 30 et 31) ; un évêque, reconnaissante à sa mitre, nous offre un type bestial des plus risibles (fig. 32). Ces sculptures satiriques, prenant à parti des moines, des curés, et même des évêques, durent être assez nom- breuses. Au musée lapidaire de la ville de Gand, nous voyons une clef de voûte du xm e siècle représenter, d'une façon satirique et irrévérencieuse, un évêque ou un abbé mitre, bien rasé, qui semble un portrait (fig. 33). Le corps de taureau qui accompagne cette tête semble prouver en faveur des exploits amoureux attribués à ce


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LES MISERICORDES EN BELGIQUE


haut dignitaire de l'Eglise gantoise. Ces satires s'expliquent fort bien par les mœurs licencieuses qu'avaient alors un peu partout les ecclésiastiques de tous rangs.

Les écrits du temps nous prouvent que, dès le xm e siècle, la cor-



Fig. 30. — Satire d'un curé de paroisse (xiv« siècle) (Saint-Jacques, à Liège).


Fig. 31. — Satire d'un moine (xiv e siècle) (Saint-Jacques, à Liège).


ruption des mœurs était générale en Belgique. Van Maerlant, le grand poète et moraliste flamand, s'élève avec violence contre les princes de l'église, qui, foulant aux pieds les préceptes du Christ, ne songent qu'au luxe et à la luxure. Il reproche aux évêques leurs palais trop grands, leurs salles de festins trop somptueuses, leurs vêtements trop riches, leurs bijoux, ainsi que leurs chevaux frin- gants :

So es hi vro, so wert hi fier

Hy loept ende ryt hare ende hier l .


1. Te Winkel (Jan). Maerlant's werken, beschouwd als spiegel van de dertiende eeuw. 2 e druk. Gand, Vuylsteke, 1892, in-8°.


LES MISÉRICORDES DE LIÈGE 47


Il leur faut, comme aux seigneurs, des tables luxueusement ser- vies, couvertes de mets rares et de vins recherchés :

Willen volgen den heeren naer Sitten an die tafel voren.

Ils demandent à grands cris où Ion se procure les plats les plus délicats et les vins les meilleurs :

Om dieren spise van goede smake Ende waer men copt den besten wyn.

De ce vin, ils boivent plus que de raison. Ils vivent dans la luxure et dans l'orgueil :

Vleselik leven, luxurie, ende fier gelaet.

Gomme les chevaliers et les princes, ils tirent l'épée et vont aux tournois :

Was des bisscops attente,

Dat hene roepe soude te campen.

Témoin les exploits de Jean I, évêque de Liège, qui défia en champs clos Henri II de Brabant, et le combattit ainsi en 1236, malgré les bulles du Saint-Père et les ordonnances sévères de Louis IX. Cet exemple fut d'ailleurs suivi par le clergé. Nous en avons une preuve dans l'ouvrage d'Henri Goethals, de Gand. Ce professeur à la Sorbonne au xm e siècle, consacra un article capital de sa Summa theologica à la participation des ecclésiastiques aux duels : « De clericis pugnantibus in duello » .

A cette époque, le concubinage des prêtres était encore assez général pour que nous voyions enregistrer officiellement de nom- breuses donations faites à leurs bâtards et à leurs concubines. Chose curieuse, la plupart de ces enfants naturels devinrent orfèvres, pro- fitant ainsi de leur parenté naturelle avec les membres du clergé qui pouvaient les favoriser de commandes d'orfèvreries pour la célé- bration du culte.

Nous voyons, parmi les documents anciens conservés a Gand et datant du commencement du xv e siècle, diverses donations de ce genre. Le 18 novembre 1423, Jan Heestyl, prêtre, donne à ses


48 LÈS MISÉRICORDES EN BELGIQUE

enfants naturels : Hanneken (Jeanne), Grietken (Marguerite), Gal- leken (Catherine) et Elenken (Hélène), et à leur mère, sa concubine, Kateline de Vos, sa maison située rue de la Vigne 1

Une autre donation, faite par le curé de la paroisse de Saint- Jacques : Michel van der Ecken, favorise les enfants naturels qu'il a eus de Mlle Mergrieten (Marguerite) Bloums, à savoir : Cornelis, Symoen, Meere (Marie), Genevyve, leur donnant entre autre sa maison d habitation 2 .

Les dispositions testamentaires de Mgr de Bourgogne, évêque de Cambrai, comte du Gambrésis, etc., datées du 30 octobre 1463, nous montrent que ce prélat, très supérieur à de simples prêtres, ne se contentait pas d'une seule concubine.

Voici quelques extraits (traduits) du texte original flamand : « A tous ceux, etc., que haut et puissant honorable seigneur, père en Dieu, Mgr de Bourgogne, évêque de Cambrai, etc., a comparu, etc., que par pure libéralité et amour paternel il a donné à Arnould de Bourgogne, son fils naturel, qu'il eut de demoiselle Jheanne Despontyn, sa maison et terrain, etc., ajoutant que s'il advenait que le prédit Arnould trépassât de ce monde, son héri- tier légal serait Jan de Bourgogne, qu'il eut de demoiselle Margrite Absolon. Si le même Jan venait à mourir, le bien reviendrait à Elisabeth de Bourgogne, qu'il eut de demoiselle Elisabeth van Ymmersecle, et si cette dernière n'existait plus, ce serait Philippe de Bourgogne, qu'il avait eu avec dame de Clare, qui deviendrait alors son héritier.

A ces nombreuses concubines et à ces bâtards, qui tous portaient le nom de Bourgogne, nous voyons ajoutés, dans une modification apportée plus tard à son testament, les noms de Jan et de Marguerite de Bourgogne, qu'il eut de demoiselle Lucie Brans. Cette dernière pièce, conservée aux archives de Gand, est datée du 10 mars 1467, c'est-à-dire trois ans et cinq mois après le premier testament.

Un jugement des bourgmestres, échevins et conseillers de Bruges, rendu à la « Vierschaere », ou tribunal de cette ville, le 10 juil- let 1572, nous prouve qu'à cette date les membres du Chapitre et

1. Voir A. nu Bois et L. i>e Hondt. Recueil des anciennes coutumes de la Bel- gique, publié par ordre du Roi, sous les auspices du Ministère de la Justice. Bruxelles, 1887, Imprimerie du Roi, t. II, p. 5.

2. In., id., t. II, p. 43.


Les foisÉfticoRbi-s bi; Liège


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les chanoines de Saint-Donat, pouvaient encore disposer de leurs biens au profit de leurs bâtards 1 .

Il s'agit du testament d'un prêtre, Charles de Wulf, que ses héri- tiers naturels attaquaient, « remontrant qu'il était notoire en droit que les enfants bâtards issus d'un commerce abominable ne pouvaient absolument rien re- cevoir ni prétendre de leur père; qu'ils devaient être ex- clus de sa succession et de toute donation; cette rigueur du droit civil étant du reste conforme avec le droit cano- nique ; n'admettant tout au plus au profit des bâtards, qu'une simple pension alimentaire. . . » .

Les défendeurs répondirent que la majeure partie du raison- nement des demandeurs était subjecta maieria impertinente en droit — D'abord parce qu'il est notoire en droit que l'enfant né d'une femme libre et d'un père marié, n'est pas considéré comme né ex damnato coitu, et par conséquent n'encourt pas les peines comminées par la loi ;

la preuve de cela étant que V enfant procréé de prêtre et de femme non mariée, de tout temps et tant à Bruges que dans aV autres villes, a toujours succédé aux biens de sa mère; ce qui certes n'aurait pu se faire si cet enfant avait dû être tenu comme né ex damnato coitu



Fig. 32. — Satire d'un évêque (xiv e siècle) (Saint- Jacques, à Liège).


1. L. GiLLionTS van Severen. Coutumes des pays et comté de Flandre. Quartier de Bruges, t. II, p. 405 à 413. Gobbaerts, imprimeur du Roi, Bruxelles, rue de Lou- vain, 1875.

Le texte conservé dans les archives de Bruges est intitule : « Sentencie van burch- meesters, scepene, ende raedt der stede van Brugghe ter Vierschaere ghewesen, daerby gheseyt es, dat die vanden capitele van Sint-Donaes mueghen van hueren goede disponeren tôt proffyte van huerlieder natuerlycke kinderen ».


50 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

Le tribunal, après délibération, rendit la sentence suivante : « Que les donations de maisons, fiefs et rentes en question, pour autant que ces biens aient été acquis par feu « heer Charles de Wulf », devront sortir effet, pour en jouir et en profiter les bâtards du prêtre ou les pupilles, donataires des défendeurs 1 ... ».

La vie intime des hautes classes de la société belge au xiv e siècle, nous est encore connue par les œuvres satiriques du Gantois Van der Lore 2 . Le poète nous fait assister à un banquet satirique où nous voyons réunis : un chevalier accompagnant une demoiselle de haut lignage, — un clerc savant avec une « fraîche » nonne, — un moine avec sa béguine, ainsi qu'un curé dont la maîtresse est une femme mariée. Après avoir bien banqueté, plaisanté et chanté des « bour- des », chacun émet des vœux, car, dit Van der Lore, personne n'est content de son état de fortune !

Le chevalier désire des faucons et des chiens de chasse, des armes et un cheval de prix. Il veut des aventures, des tournois dont il sortira à son honneur, puis un ménage luxueux avec de nom- breuses femmes et des laquais valeureux :

le wenschene ter stonde,

Cm voghelen ende om honde,

Om wapene ende om peert....

Met vrouwen ende met vrome knechten,

Vlieghen, jaghen met winde,

Tornieren, joesten, vechten

Puis, après une vie si bien remplie, il souhaite encore d'occuper une bonne place dans le royaume céleste :

Ende na die leste stonde Te varen in hemelryc.

La jeune fille, de son côté, désire être toujours admirée et cour- tisée par son chevalier. Elle veut des musiciens, elle veut danser tous


1. Archives de Bruges. Sextencie bouc, reg. 1566-1567, fol. 101. V. Sent. Civ., in-4, 1570-72, fol. 172, v° n. 1.

2. Ce manuscrit a été imprimé en flamand par le chevalier Ph. Blommaert dans ses Oudvlaemsche Gedichlen der xn e , xm* en xn e eeuwen.... Gand, Hebbelynck, 1838. Il n'a jamais été traduit en français.


LES MISÉRICORDES DE LIÈGE


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les jours et chevaucher la première à la chasse, puis enfin mourir en même temps que son amant :

Dansen ende reyen Vlieghen ende jagheu Pipen ende scalmeyen....

Le clerc, regardant la religieuse, souhaite de pouvoir abandonner



Fi* 33. - Satire d'un abbé mitre (xW siècle). Musée lapidaire de Gand (Auc. abbaye de Saint-Bavon).

pour elle ses études et tout son savoir. Il veut jouir avec elle de ses belles années, en dépensant tout son bien :

Ende met u verteren Myn goet al mine jaren, Ghelt, panden ende boeken....


52 les Miséricordes en Belgique

De son côté la nonnette s'écrie qu'elle veut, par le Dieu tout- puissant, tout ce que veut son amant. Elle souhaite que son cos- tume de religieuse et son couvent soient brûlés. Abandonnant son abbesse, elle ne désire suivre d'autres leçons que celles du « cher amant », car c'est pitié d'être toujours renfermée, privée de libres promenades, et du reste :

le wille den wiele raijn Ende mijn nonne-ghewant, Ende cloester altemale In gloede ware verbrant....

Le moine en riant regarde sa béguine et souhaite d'avoir tou- jours, en quantité, mets succulents et vins généreux. Il aime les femmes ; il veut de l'argent pour s'amuser, jouer, banqueter et fré- quenter les étuves ainsi que d'autres mauvais lieux :

Baden ende stoven Altoes ende banquetteren, Springhen, dansen, hoven, Dobbelen, goet verteren.

La béguine, de son côté, veut échanger son costume de reli- gieuse pour un banquet comme celui-ci. Elle souhaite de jouir d'une vie joyeuse. Pour être une « sainte enfant », elle voudrait être appréciée par tous les religieux : leur dire ses péchés et faire tout ce que lui commandera son confesseur :

Ende met aile cloesterieren Wel te sine ghemint... Aise een heilich kint... Mijn sonden hem verclaeren Ende doen al haer bevel.

Le curé de paroisse « de parochipape » désire augmenter son casuel, en trafiquant plus souvent des sacrements : baptêmes, enter- rements et mariages. Il voudrait gagner davantage sur la cire et le suif, et avoir de nombreux chapelains pour le remplacer lorsqu'il désire faire la grasse matinée. Il conserverait pourtant pour lui la confession des femmes :


LES MISÉRICORDES DE LIÈGE 53


Ende vêle cappelane

Te hebben onder mi,

Als me niet en luste op te stane

Dat si mi hielden vri.

In't dopen, graven ende trouwen....

Tandis que la femme adultère voue son mari « aux vers ». Elle préfère aux laïques brutaux la société et les paroles onctueuses des gras curés, « aux mœurs si douces, aux habits si chauds » :

Met goeden papen vet Te hebben compaengie... Si hebben warme cledere Ende sachte seden. Dese vrouwen teder Eest grote salicheden....

Jan Deckers, greffier de la ville d'Anvers, écrivit en 1345 un (( Niewen Doctrinael » ou « Spieghel dersonden »(Miroirdespéchés), qui constitue une histoire très complète des mœurs du moyen âge. L'écrivain, clerc ou laïque, se mettant au-dessus de toute considéra- tion personnelle, stigmatise impartialement prêtres et laïques, qui tous, dit-il, ont soif d'honneurs et d'argent, de bénéfices et de riches prébendes. Extorquant, grâce à leur positionnes cadeaux importants, ils trafiquent de leur influence ou vendent des indulgences. Deckers dénonce les prélats coupables, les magistrats et les juges prévarica- teurs. Il critique aussi certains pèlerinages qui dégénèrent en satur- nales, se moquant du culte idolâtre des images que « Ton adore comme si c'était le Dieu tout-puissant » :

Daer ic begrippe die sotte riesen Die een stom beld also verkiesen . Ende aenbidden voor onsen Heer Gods.

Il met surtout ses lecteurs en garde contre les huit formes du péché de luxure :

Tweemin, den iersten noem ich soe, lnt latin Fornicacio. Adulterium die ander sie ; Jncestus die derde, soe comter bi


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


Peccatum contra naturam ; Gheen sonde maect God so gram Die vijfte hierna hcel stuprum, En die sesdeheet/?a/)£um, etc. 1 ...


D'autres sculptures prennent à partie les femmes dont les charmes trompeurs entraînent l'homme à sa perte, dans ce monde comme dans l'autre. La courtisane, au visage artisti- quement encadré de boucles (fîg. 34), nous montre que, si elle sait séduire par sa beauté, son copps de bête immonde et ses griffes sont prêts à déchirer ceux qui recherchent sa société. Une autre représentante du beau sexe, la tête couverte d'une espèce de bonnet de bour- geoise, sourit doucement en essayant de cacher ses pattes de griffon (fig. 35). Rappelons que Liège, dès le haut moyen âge, était connu pour ses mœurs relâchées. Gilles d'Orval nous apprend que, depuis 1136, pour égayer les fêtes liturgiques trop graves de Pâques et de la Pentecôte, on s'avisa d'y fêter tous les ans une reine, choisie parmi les concubines des curés de la ville : « aliquam ex sacer- dotum concubinis ». La Heine des concubines, c'était le nom qu'on lui conserva, était revêtue pour la circonstance de somptueux habits de pourpre, le visage couvert d'un voile et la tête ceinte d'un dia- dème. On la conduisait à l'église, où elle s'asseyait sur une espèce de trône qui était édifié pour elle. Et tout le monde, les prêtres comme le peuple, chantait autour de la courtisane reine, en faisant accompagner leurs chants de tambours et d'autres instru-



Fi£. 34. — Satire de courtisane (xiv e siècle) (Saint-Jacques, àXiége).


I. Bibliothèque royale de Bruxelles, ms. 48642 (vers 1013 à 1020), du fonds van Hul- them. Voir aussi : Ph. Blommaekt. Oudvlaemsche Gedichten der xn e , xiii* en xvi* eeuwen. Gent, 1851, p. 86.


LES MISÉRICORDES DE LIÈGE


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ments de musique. Cette fête idolâtre remplaçait à Liège la cou- tume, plus générale, de la fête de Tévêque des fous ou de l'âne, qui se pratiquait alors dans diverses autres villes de France et de Bel- gique. On ignore combien de temps se continua cette profanation



sac


Pfig 35. — Satire de la bourgeoise (xiv e siècle) (Accoudoir des stalles de Saint-Jacques, à Liège).

acrïîège du lieu saint, qui se renouvelait chaque année à la même

"Tesfêtes de l'âne et de l'évêque des fous, si populaires en France, n'étaient pas moins joyeusement fêtées en Belgique 2 .

arts en Belgique. Gand, 1834, p. 106). 2. Voir à ce sujet notre Genre satirique, etc., page H et sun


56 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

C'est au cabaret que vicaires, chantres et enfants de chœur, éli- saient, dans le Hainaut, dès le xn e siècle, leur évêque des fous. Les cérémonies burlesques qui eurent lieu à Tournai, au xiu e siècle, firent scandale 1 . On baptisait à l'aide de seaux d'eau glacée le nouveau prélat, qui, à moitié nu, était entraîné dans un cortège grotesque où l'on tournait en dérision les bons chanoines. Suppri- mées pendant quelque temps, nous voyons ces fêtes choquantes reprendre de plus belle au xiv e siècle. Dans une de ces saturnales, qui eut lieu en 1498, un chapelain fut saisi à l'improviste dans sa demeure, et, par un temps de neige, baptisé nu, de la façon accou- tumée. Sur son refus énergique d'accompagner le cortège, un autre fonctionnaire religieux fut arraché de son lit et copieusement dou- ché, puis fut entraîné en chemise et contre son gré, par la bande en délire.

A cette époque, les gens masqués et déguisés couraient les rues des villes flamandes, depuis le jour des Innocents, c'est-à-dire le 28 décembre, jusqu'au dimanche après le mercredi des cendres. L'autorité communale essaya vainement de mettre obstacle à ce besoin de travestissement dont était atteint le peuple belge. Une ordonnance, édictée à Gand le 3 janvier 1337, défend de se masquer, de danser et de se divertir dans les rues, sous peine de dix livres d'amende, avant le temps prescrit.

Une ordonnance du 28 décembre 1349 2 est encore plus sévère, elle défend de courir les rues masqué, soit à pied, soit à cheval, soit en voiture (ces dernières aménagées pour la circonstance), et cela sous peine d'amende et de saisie des chevaux et des chariots, lors- qu'ils se montraient avant la fin de décembre.

Le Memorie boek, ou journal de la ville de Gand, nous apprend comment le clergé fêtait le carnaval en Tan de grâce 1482. Dans un cortège grotesque figura comme personnage principal un pape, auquel on donna le nom peu respectueux de pape des ânes. « Esel-


i. J. Lecouvet. V instruction publique au moyen âge (La fête des Innocents à Tournai). Messager des sciences, etc. Gand, 1856.

2. Dans l'ordonnance du o janvier 1337 il est dit : « Voert dat niemen omme en ga met verkierde aensichten, no dansen, no ryen... up de boete van X pond ».

Celle du 28 décembre est ainsi conçue : « ... Dat niemen en ga no ne ride te paerde, te waghene, no te voet, met bedecten aensichten up IIJ pond, de paerde, waghene ende al verbuert ».

Voir aussi : N. de Pauw. De Voorgeboden der stad Gent in de XIV 9 euw.


LES MISERICORDES DE LIEGE


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paus » ; prêtres et enfants de chœur parcouraient ainsi les différents quartiers de la ville, qu'ils traitèrent en pays conquis, entrant de force dans les maisons où ils se faisaient servir à boire et à manger. Si des maisons leur étaient inhospitalières, ils en faisaient le siège et les prenaient d'assaut, ou bien ils y pénétraient par escalade. « Zy moesten 't huis beclemmen met grooten aerbeit. » (Ils durent escalader la maison avec grande peine). Ces assauts étaient parfois repoussés avec succès, et les tonsurés durent plus d'une fois reculer devant la défense des assiégés, qui vi- daient sur leurs têtes des vases nocturnes et d'autres ordures : « Groote vulicheden 1 ».

Les magistrats communaux, sans prendre une part active dans ces fêtes turbulentes, les patronnaient et les encoura- geaient par leur présence. Les comptes de la ville de Gand mentionnent qu'à l'occasion du carnaval de 1483, un banquet somptueux fut donné à la mai- p .^ ^ _ Satire d , un chantpe d . égligc ou son communale. Il COÛta plus d'un savant (xiv e siècle) (Saint-Jacques, à Liéçe).

de 90 livres de gros, ce qui est

un joli denier pour l'époque. Le jeune fils de Maximilien, le futur souverain des Pays-Bas, Philippe le Beau, y assista avec nombre de personnages de la plus haute distinction 2 .

Dans la West-Flandre, les chantres et les écoliers de la maîtrise célébraient également les fêtes tumultueuses de YÉvêquc des fous, celles des Innocents, ainsi que celles de Y Ane. Le collège entier de l'église participait à ces réjouissances, qui ne brillaient pas toujours par une parfaite décence. Dans la comptabilité de la commune



2. Voir à ce sujet les comptes communaux (Stads rekeningen). Archives de cette ville.


de la ville de Gand, année 1483-1484


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


Fi;


d'Oudenbourg, près de Ghistelles (Flandre occidentale), années 1465- 1468, le pape des Anes y est appelé dune façon satirique « Onze le- dich vader esel paeus », tranformant ainsi, par un jeu de mots flamand, le nom du Très Saint-Père, en Père très paresseux. Au cortège grotesque qui l'accompagna, prirent part tous les collèges d'églises de la région 1 . Les frais des boissons servies aux ecclésias- tiques s'élevèrent à la somme co- quette de 25 livres et 18 sous pa- risis.

Le succès de ces fêtes se con- tinua au xvi e siècle. A Ostende, en 1540 (le 28 décembre), dans une fête analogue en l'honneur de YEvêquc des Innocents*, l'église accompagna officiellement le cor- tège grotesque en voiture, en bu- vant six grandes cruches de vin, qui furent portées en compte pour une somme de 3 livres et 26 sous parisis.

Ces fêtes turbulentes servaient de prétexte à des farces et à des plaisanteries qui ne brillaient pas par la délicatesse et le bon goût. Leséchevins durent, à différentes reprises, édicter des ordonnances pour mettre un terme à l'audace croissante des individus déguisés. Car ils ne se contentaient pas d'in- vectiver et de bousculer les pas- sants, mais ils se permettaient de plus de lancer toutes sortes de projectiles répugnants.

Le registre ce fol. 17 (année 1545 1 ), défend notamment aux gens



37. — Animal fantastique (xiv e siècle) (Saint-Jacques, à Liège).


1. Nous y voyons figurer les églises de Zantvoorde, de Westbecke, de Beghem, de Bekeghem, d'Ettelghem, etc., etc.

2. Voir le livre des comptes de la ville d'Ostende (année 1540). Archives com- munales de cette ville.

3. Archives communales de la ville de Gand.


LES MISÉRICORDES DE LIÈGE


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masqués de se munir de gourdins, de couteaux et d'autres armes, et leur enjoint de se conduire paisiblement sans commettre aucune « vilonye » et en s'abstenant de jeter comme de coutume des chats morts, des charognes, des torchons souillés, de la boue, des excré- ments et d'autres immondices 1 .

Il était aussi d'usage, a Gand, de courir les rues, les nuits de



Fig. 38. — Satire d'un damné (xiv e siècle) (Église Sainte-Croix, Liège).


fêtes, avec des torches allumées, de la résine brûlante, de la paille enflammée fixée au bout dune perche, des « vierpannen », etc. Ces jeux, très dangereux à cette époque où la plupart des maisons étaient en bois et couvertes de chaume, furent sévèrement défendus à plusieurs reprises.

Les grandes villes flamandes, telles que Gand et Bruges, les ports de mer, comme Damme, n'eurent rien à envier, sous le rapport des mœurs, à la capitale des princes évêques de Liège. Et cela malgré

1. Archives communales de la ville de Gand. « Zonder stocken, messen ofte an- dere wapenen te draghene, maer paysivilic zonder ceneghe vilonye te doene, tsy met werpen van doode catten ofte andere pryen, vuyle dwyle, moere ofte andere vuyligheden. »


60 LES MISÉRICORDES EN RELGIQUE

les peines sévères édictées contre les galants trop entreprenants, surtout s'ils se rendaient coupables de violences. Dans la grande charte des Gantois, datant de 1297% nous voyons que les satyres de cette époque n'encouraient rien moins que la peine capitale s'ils osaient s'attaquer à une jeune fille patricienne. Si la demoiselle, pendant le viol, avait résisté et crié : « au secours ! », cette peine était partagée par tous ceux qui, ayant entendu l'appel, n'étaient pas venus à la rescousse. Les suborneurs qui n'usaient pas de violences, étaient simplement punis par la perte du nez, ou des oreilles, si on les surprenait, ou bien par le bannissement s'ils avaient pu prendre la fuite.

La prostitution, d'autre part, avait pris un tel développement, que les échevins, impuissants a enrayer le mal, durent se contenter de reléguer ribauds et ribaudes dans certains quartiers des villes. A Gand, ce fut le quartier malsain et marécageux d'outre-Escaut « Overschelde » qui fut choisi. C'est là que cette population spé- ciale, surveillée par un « roi des ribauds », fonctionnaire de la ville, vivait. C'est là aussi que s'étaient établis les tavernes mal famées, les bains et les étuves, où, d'après les registres communaux, la morale éprouvait les plus scandaleux et les plus terribles échecs 2 .

Ces établissements de plaisir sont désignés dans les pièces et archives par les noms des enseignes. Parmi celles-ci nous en trou- vons de très suggestives, qui méritent d'être rappelées au point de vue de l'étude des mœurs du temps. Dans une plainte adressée par un curé gantois à l'official, de Saint-Bavon, nous apprenons que dans une taverne appelée de « Koekonte » (la vulve de vache), on entendait tous les soirs des bruits de querelles et de rixes. Un autre

1. Archives de la ville de Gand.

2. Gustave van Hoorebeke. Études su?* l'origine des noms patronymiques fla- mands. Bruxelles, Paris et Berlin, 1876. Voir aussi les documents administratifs conservés aux archives communales de Gand. Dans une ordonnance de Tannée 1486, il est rappelé que les taverniers tenant bordels devront quitter la ville et se rendre aux endroits qui leur ont été assignés aux temps passés : « dat de bordeelouders up Sainte Nicolais parochie moesten vertreken ter sulker plaetsen alst'anderen tyde gheordonneert ». (Registre B. B., p. 9). Toutes les filles ou femmes de mœurs légères et de conversation déshonnête quitteront les voisinages honorables pour aller dans leur quartier qui est outre-Escaut : « Item dat aile vrauwen van lichten ende oneersamen leveAe ende conversatien, ruimen ende vertrecken utenheerlycken ende goeden gheburten deser stede daer zy hemlieden houden, ende gaan logeeren ende woenen in de plaetsen ende quartieren daer toe gheordonneert, te weten over Schelden en dit bennen de 14 dagen up boete van 10 jaeren » (Registre B. B., p. 152 v°).


tES JlISEhlCOhDÉS DE LlÉGE


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lupanar, intitulé « de Goud bloeme » (la fleur d'or), était mieux connu sous le nom significatif de Sodoma ; là aussi les rixes et les injures adressées aux passants étaient intolérables.

D'après l'enquête spirituelle, le Chien vert, le Chapeau blanc et



Fig. 39. — Satire d'un moine avec feuillages (xiv e siècle) (Eglise de Sainte-Croix, à Liège).

bien d'autres établissements mal famés étaient dans le même cas '. Une rue, probablement à cause de la qualité des dames qui l'ha- bitaient, s'appelait du nom ébouriffant de « Kontentast », c'est- à-dire Tàte- vulve. Et notons que le nom de cette rue ne fut changé qu'au commencement du siècle dernier. La taverne appelée « Poorters bordeel » (Bordel des bourgeois) est citée dans les mé-


1. Requête faitepour le sous-bailli de la paroisse de Saint-Jacques, à Gand, en 1G28. Archives communales de Gand (farde 218).


62 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

moires de Marc van Vaernewyk du xvi e siècle : « Die beroerlyke tyden 1 »,à cause du suicide de la tenancière « Bette Steels » (Elisabeth Steels), qui était, paraît-il, une courtisane d'une rare beauté. D'après le chroniqueur, cette mort fit sensation, et tous les habitants de la ville de Gand vinrent admirer la femme sur son lit de mort, car il était extrêmement rare devoir une suicidée au xvi e siècle. D'après les usages gantois, au moyen âge, les cadavres de ceux qui se don- naient volontairement la mort ne pouvaient passer le seuil de leur porte. On les expulsait par une espèce de tunnel pratiqué sous le seuil ; puis ils étaient traînés par le cou jusqu'à une potence où ils étaient pendus par le bourreau. De plus leurs biens étaient confis- qués 2 . En 1414, le vendredi saint, un nommé Jan van der Stichelen s'étant pendu, les sept échevins de la juridiction de l'abbaye de Saint- Pierre, à Gand, se rendirent à sa maison. Le bailli fit couper la corde de façon que le cadavre tombât du grenier sur le sol, puis Ton fit un trou sous le seuil de la porte : « de voornoemde croenge 5 afsnyden, ende lietse vallen deur de soldere daer boven dat hi hinc toet op den vloer. En onder de zulle van den liuuse dede hy maken een ghadt, daer door de voors. Croenge, met het hooft eerst, ghes- leept was... », le tout selon les usages accoutumés en Flandre : « Naer de costume van den landen van Vlaendre ».

Le 30 avril 1610, nous voyons le cadavre d'un jeune homme, Jan Vermeulen, qui s'était blessé mortellement dans une scène de dépit amoureux, condamné à être pendu à la place patibulaire : « Om ter plaetse patibulaire en den spriet gehangen te worden ». La jeune fille, Jeannette van den Drieschen, qui assista au suicide, échappa à toute punition en disant qu'elle ne put empêcher la mort de son amoureux, étant assise dans la cuisine et cousant assidûment. Jeannette était servante au cabaret du Saumon, « In den Zalm », quai de la Grue, à Gand.

La satire des savants et des hérétiques, qui lisent les livres défendus, est symbolisée par un singe plongé dans une lecture si attrayante que, la gueule béante, il semble vouloir dévorer les pages ouvertes devant lui (fig. 36).

1. Marc van Vaernewyck. Die Beroerlycke tyden, t. II, p. 210. Une excellente traduction française, fort bien illustrée, a été faite de cette intéressante chronique, datant du xvi e siècle, par H. van Duyse.

2. Kronie. karonie. Charogne (?) (Bouc van Memoricn, etc.).

o. Bouc vun den crisme (années 1609-1611). Archives communales de la ville de Gand.


LES MISÉRICORDES DE LIEGE


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La moquerie qui s'adressait alors aux êtres contrefaits et dif- formes nous est rappelée par un bossu tout nu, dont la gibbosité énorme est soulignée dune façon caricaturale, tandis que le succès du roman du Renard, alors en grande vogue, apparaît sous la forme du « Goupil » ravissant une poulette qui s'est laissée prendre à ses discours fallacieux. D'autres bêtes, un singe croquant une pomme, satire probable d'Adam, plusieurs chiens (il y en a quatre;, un



Fig. 40. — Tète grotesque constituée par des feuillages (xiv e siècle) (Église de Sainte-Croix, à Liège).

chat, un lion, un batracien immonde (fig. 37), montrent que le sculpteur liégeois était aussi habile à reproduire les types des bêtes que les expressions, pétillantes de vie, de ses monstres à tète humaine. Ceux-ci font présager déjà les chimères et les créa- tions fantastiques que nos imagiers flamands sculptèrent en grand nombre sur les miséricordes des stalles de Rouen, et que l'on retrouve aussi parmi des sculptures antérieures, décorant le portail de la célèbre cathédrale.

Les stalles conservées à l'église Sainte-Croix sont moins nom-


64 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

breuses; elles ne s'élèvent qu'au nombre de dix. cinq à droite, cinq à gauche, disposées sur une seule rangée. Elles sont dépourvues de figurines sur les parcloses.

Les sculptures des miséricordes, quoique moins heureuses que celles de l'église Saint-Jacques, présentent cependant un caractère original des plus impressionnant. Ainsi nous voyons d'abord, en partant de la gauche, une figure effrayante de damné (fig. 38), dont seule, la tête chenue, qui grince horriblement des dents, présente



Fig. 41. — Bète diabolique (xiv e siècle) (Église Sainte-Croix, Liège).

une apparence humaine, tandis que les bras sont formés par des corps de serpents, terminés par des têtes affreuses qui lui dévorent les oreilles, et le brûlent de leur souffle empesté ; deux mains, en forme de griffes, constituent les membres inférieurs, et le corps se termine vers le bas par une queue énorme (?), dont les vertèbres se dessinent à partir de la gorge. Peut-être l'artiste a-t-il voulu représenter l'exagération du membre viril, partie du corps dont le damné aurait abusé de son vivant. Plus loin, entre deux miséri- cordes constituées par des bouquets de feuillages, apparaît, sortant d'une draperie, une grande tête barbue de vieillard, probablement celle de Dieu le Père. A droite (fig. 39), nous voyons un monstre dont la tête, rappelant celle du singe, est couverte de la capuce du moine ; le corps sans bras est terminé par deux membres infé- rieurs garnis de griffes, tandis que la queue se transforme vers l'ex- trémité en feuillages. Puis, après deux consoles dont les éléments


Les Miséricordes de liège


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sont exclusivement empruntés au règne végétal, nous remarquons une tête bizarre (fig. 40) analogue à celles signalées à Saint- Jacques, formée par des feuilles curieusement disposées'. Enfin,


sur



Fig. 42. — Tête grotesque avec feuillages. Cul-de-lampe de la Biloque, à Gaud (xiv e siècle).


une dernière console, apparaît un monstre à tête rappelant le chien (fig. 41), n'ayant que deux membres antérieurs, terminés par des griffes et une queue nerveuse évoquant les salamandres ou dragons, déjà vus à Saint- Jacques.


Les miséricordes de l'église Saint-Jacques se présentent dans Tordre suivant :

A droite, en commençant par la rangée du bas : 1° deux dragons ou salamandres se tournant le dos ; 2° un oiseau les ailes ouvertes ;


1. Des tètes grotesques, beaucoup plus belles, appartenant au même genre (fig. 42), se trouvent à la Biloque, à Gaud; elles datent également du xiv e siècle.


&& les Miséricordes en Belgique

3° feuillages ; 4° deux dragons se tournant le dos ; 5° un chieur (fîg. 26) ; 6° feuillages ; 7° un griffon ; 8° deux dragons qui se mor- dent la queue (fig. 22).

Sur la série haute : 9° deux griffons se retournant ; 10° feuillage ; 11° un chieur (fig. 27); 12° feuillages ; 13° feuillages ; 14° griffon la tête en bas; 15° feuillage.

Sur le même côté Ton observe les accoudoirs suivants (rangée du bas) : 1° un monstre fantastique ; 2° un monstre coiffé d'une mitre (fig. 32) ; 3° un monstre ; 4° un lion ; b° un monstre ; 6° un monstre fantastique; 7° un chien.

Rangée du haut : 8° un renard qui tient une poule (analogue à celui de Louvain) ; 9° feuillage ; 10° tête de femme bourgeoise à bonnet, sur corps de bête et pattes de griffon sans bras (fig. 35) ; 11° feuillage ; 12° feuillage ; 13° bête fantastique ; 14° feuillage.

Miséricordes se trouvant à gauche, série basse : ]° griffon ailé ; 2° deux griffons se tournant le dos ; 3° feuillage; 4° deux griffons ailés dos à dos ; 5° feuillage ; 6° deux griffons enroulés dos à dos ; 7° un griffon la tête en bas.

Série haute : 8° feuillage; 9° feuillage; 10° chieur (diable); 11° feuillage; 12° feuillage ; 13° feuillage ; 14° feuillage.

Accoudoirs, même côté, série basse : 1° un moine sur deux pattes de bête fantastique (fig. 31) ; 2° dragon ; 3° singe complet tenant une pomme; 4° monstre fantastique à tête de curé ou de clerc, por- tant la barrette sans bras (fig. 30); 5° chien (complet); 6° singe (complet) qui lit dans un livre (fig. 36); 7° un bossu (ayant les quatre membres).

Série haute : 8° monstre ou chimère à tête de courtisane (sans bras), pattes de griffon; 9° un chien; 10° un monstre fantastique (fig. 33); 11° bête ou monstre; 12° une bête rappelant les formes du chat; 13° monstre ; 14° chien.

Miséricordes de l'église Sainte-Croix :

A droite : 1° un démon ; 2° feuillage ; 3° tête d'homme barbu (Dieu le père ?) ; 4° feuillage ; 5° monstre à queue de feuillage (%• 37).

A gauche : 6° monstre à tête de moine (singe ?) (fig. 39); 7° feuil- lage; 8° visage constitué par des feuillages (fig. 40) ; 9° feuillage ; 10° monstre a tête humaine ayant deux tètes de serpents à Textré- mités de ses pattes de devant (fig. 38).


CHAPITRE V

LES MISÉRICORDES DE LOUVAIN (XV C SIÈCLE)


Nicolas de Bruyn et Gérard Goris, de Bruxelles, sont les auteurs des stalles et des miséricordes de l'église Saint-Pierre, à Louvain. — Le travail, commandé en 1438, fut terminé en 1442. — Les miséricordes, à côté de sujets primitifs déjà vus, nous offrent quelques éléments nouveaux empruntés aux Bestiaires. — La sirène, d'après les Bestiaires. — La légende de Mélusine et le Boman de Jean d'Arras. — Invocation antique des femmes en couche à « Merlusine ». — Le guerrier marin. — Persis- tance des images de grimaciers et d'histrions. — Le fou classique. — Paep Thoen. — Les bêtes réelles et fantastiques. — Goût des Louvanistes pour les géants et les bêtes colossales, qui figurèrent de bonne heure dans leurs processions et leurs cortèges. — Le grand Ommeganck de Louvain décrit par un chroniqueur du temps, Willem Boonen. — Les vierges conduisant des monstres. Les rois, les chars, Adam et Eve représentés au naturel, c'est-à-dire nus; les Machabées et le démon. — Les dragons. Souvenir de l'épopée animale du Renard: celle-ci prit son origine en Belgique. — Le singe et d'autres sujets mettant en scène des hommes ou det femmes dans un certain décor. — Le fabricant de flèches de Louvain et les prisons en Belgique. — Le démon. — La tour de l'église de Meir renversée par le diable et placée « sens dessus dessous ». — Le diable du grand Ommeganck, de Louvain, ligure plusieurs fois dans les comptes communaux de cette ville, au xv e siècle. — Les stalles de l'église de Saint-Pierre, à Louvain. furent jadis très belles. Malheureusement, les hauts dossiers qui s'appuyaient contre les murailles, et présentaient, dans leur partie supérieure, de superbes couronnements en saillie en forme de dais, furent enlevés en 1803. C'est à la même époque que l'on supprima la première rangée des stalles, c'est-à-dire les stalles basses. — On connaît les auteurs et la date de l'exécution de ces belles menuiseries artistiques. Les frais en furent supportés, pour moitié, par la ville de Louvain, et par le chapitre. Le travail dura trois ans et les dernières stalles furent placées en 1442, le jour du « Lundi perdu ».

À côté de réminiscences nombreuses de sujets primitifs déjà vus, — tels que grimaciers, bêtes réelles ou fantastiques, — les miséri- cordes et les accoudoirs des stalles de Louvain présentent quelques éléments nouveaux, dignes d'être signalés. Nous y voyons apparaître notamment l'image de la sirène (fig. 43) représentant, en iconogra- phie, la séduction féminine qui occasionne la perte de l'homme dans ce monde comme dans l'autre. Quoique reproduite déjà dans nos


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


documents graphiques et décoratifs plus anciens, c'est à Louvain que nous la voyons apparaître pour la première fois dans la décora- tion des stalles d'églises. Le gracieux monstre marin s'y trouve reproduit tel que le dépeint déjà, au commencement du xn c siècle,



Fier. 4;


Une sirène


(Miséricorde de l'église Saint-Pierre, à Louvain) (xv e siècle).


Philippe de Thaon (ou Thaum) dans le Bestiaire qu'il écrivit en Angleterre, mais en langue française, pour Aëlis de Louvain, qui avait épousé Henri I er , en 1125 : « La seraine a la faiture dune femme et la queue d'un poisson ». L'auteur ancien croit y recon- naître le symbole de la richesse qui entraîne l'homme dans le péché, comme les chants de la sirène occasionnent le naufrage du nautonier par le « mâle temps ».

On sait que les romans de chevalerie, alors si populaires en Bel- gique, comptent parmi leurs poèmes les plus connus le conte ou Roman de Mélusine, écrit en 1387, par le trouvère Jean d'Arras, sur Tordre du dauphin de France, Jean, duc de Berry; la pre-


LES MISÉRICORDES DE LOLVAIN


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rn.ereed.hon parut à Genève en 1478. D'après la légende, Mélusine était 1 aînée des trois filles que le roi filénas eut de la fée Fressine Sa mère l'avait douée d'une merveilleuse beauté. Le beau Haimon- d.s, le fils du roi des Bretons, l'ayant rencontrée dans une forêt s epr.t délie, alors qu'il était proscrit, ayant tué par mégarde son oncle dans une chasse au sanglier. Elle lui promit de l'accepter comme époux et de faire de lui le plus grand gentilhomme du royaume, s. 1 s engageait, une fois marié, à ne jamais chercher à la voir le samed. de chaque semaine. Le pacte fut conclu et des noces splendides succédèrent aux épousailles. Usant du stratagème



Fig\ 44. — Le guerrier marin (Église Saint-Pierre, à Louvain) (xv e siècle).


employé lors de la fondation de Carthage, Mélusine fit donner à son époux, en échange d'un roc stérile, la terre qu'il put enclore dans une peau de cerf, découpée en très fines lanières. Le ménage aurait continué à être heureux, si Raimondis, écoutant les sugges- tions de son frère, qui accusait Mélusine, n'avait regardé un samedi par un trou du mur de la chambre de sa femme et ne l'avait vue au bain, moitié femme, moitié serpent. Jean d'Arras trouve des accents


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LES MISERICORDES EN BELGIQUE


vrais et touchants pour décrire la douleur des époux lorsqu'ils se séparèrent. Mélusine s'enfuit en pleurant, sous la forme d'un serpent. « On l'oyait, dit l'auteur, aller par l'air, plus loin d'une lieue, menant telle douleur et si grand effroi que c'estoit grande douleur à voir. » D'après certains savants, les cris de Mélusine, ou de « Merlusine », comme prononce encore le peuple, seraient un



Fig. 45. — Une grimacière (Église Saint-Pierre, à Louvain) (xv* siècle).


souvenir, non pas de la malheureuse épouse de Raimondis, qui fonda la maison deLusignan, mais une continuation de l'invocation antique à la Mater Lucina, qui était appelée au secours des femmes en couche au moment de leur délivrance, et ce souvenir se sérail perpétué, sous cette forme légèrement altérée, après l'abolition du paganisme.

Le guerrier marin (fig. 44) qui, avec le Bytirone aux pinces de homard et d'autres monstres, figure dans tous les Bestiaires, lui fait suite. Il porte le casque et le bouclier comme armes défensives, tandis que sa main droite brandit un glaive. Nous verrons souvenl ce monstre sur des miséricordes plus récentes. Le grimacier, qui apparaît d'abord sous les traits d'une femme hideuse (fig. 45) élar- gissant une énorme bouche et l'étirant avec les doigts, se reconnaît aussi plus loin, portant déjà le costume traditionnel du fou. La tête serrée dans une capuce est agrémentée de larges oreilles et d'antennes ornées de grelots (fig. 46).

On sait que cet ancêtre du clown était au moyen âge,, avec


LES MISÉRICORDES DE LOUVAIN 71


L'histrion, l'enfant gâté des humbles comme des grands. Bien avant Breughel le Vieux, les Flamands l'avaient mis en scène dans leurs proverbes, notamment dans celui-ci qui mérite d'être médité par les hommes politiques de toute nation :

Veel beloven, weinig geven, Doet den zot in vreugde leven.

(Promettre beaucoup, donner peu, fait vivre heureux le fou.) Le visage reproduit par l'imagier de Louvain rappelle probablement les traits d'un fou favori de l'époque, que nous voyons, même à



Fig. 40. — Le fou louvaniste : Paep Thoen (Église Saint-Pierre, à Louvain) (xv e siècle).

l'église, égayer les fidèles par sa bouche tordue et son expression drolatique. On sait d'ailleurs que Louvain posséda au xv c siècle un fou célèbre : Antoine Van der Phaliesen. Fils naturel d'un curé de Saint-Pierre, il devint organiste de cette même église. Mais le musi- cien était folâtre et il s'acquit une grande popularité comme bouffon, sous le nom de Paep Thoen (le curé Antoine). Erasme, le grand humaniste, rapporte plusieurs de ses traits, assez difficiles à conter


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LES MISÉRICORDES EN RELGIQUE


autrement qu'en latin. A sa mort, — coïncidence bizarre, Uylens- pieghel fera de même, — il choisit sa sépulture sous une gouttière, « pour ne point avoir soif » après son décès, et il ordonna de placer son cadavre debout dans la fosse, afin qu'à la demande : « Où gît maître Antoine ? » on fût obligé de répondre : « Nulle part ! * » A remarquer aussi le faiseur de tours qui, la tête en bas, se



Fig. 47. — Un équilibriste (Église Saint-Pierre, à Louvain) (xv e siècle).

tient en équilibre sur les bras et montre le bas du dos au public (fig. 47). '

Les bêtes fantastiques, qui figurent si nombreuses sur les misé- ricordes et les accoudoirs des stalles de Louvain, nous rappellent le goût atavique des Louvanistes pour les monstres gigantesques qu'ils aimaient à voir figurer dans leurs cortèges et leurs proces- sions. Un historien de cette ville, qui écrivit dans les années


1. Voir sa notice, par P. Bergmains, dans la Biographie nationale de Belgique, t. XVII, col. 157-158.


LES MISÉRICORDES DE LOUVAIN


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«93-1594 nous donne une description très complète du grand Ommcganck de Louvain, accompagnée de dessins suggestifs, où Ion voit représentes une série de géants et de bêtes colossales en osier justement décorées, transportées dune façon invisible par de nom- breux porteurs dissimulés sous des draperies. On v vovait des vierges



Wig. 48. — Une bête fantastique (Église Saint-Pierre, à Louvain) (xv e siècle).

charmantes, assises sur des « tygres », des aigles, des griffons, des licornes, des léopards, et d'autres bêtes rares ou fantastiques. Des rois exotiques et des nègres chevauchaient des dromadaires, des chameaux et des éléphants. Un char figurant le Paradis Terrestre nous offrait un des tableaux favoris au moyen âge où figuraient nus, selon l'usage, des personnages représentant Adam et Eve, chassés par un ange de leur séjour céleste. Les corporations et métiers, les


1. Willem Boonen. Geschiedenis van Leuven geschreven in de jaren 1593-1594 Histoire de la ville de Louvain, éditée par les soins de E. Van Even. Louvain, imp. V. Biesen et Fonteyse, 1880.


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,ES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


sociétés d'armes ou d'agrément, y participaient naturellement au grand complet, avec leurs armoiries, leurs insignes et leurs tor- chères ; tandis que des bourreaux amateurs fustigeaient de verges ou frappaient de leurs glaives de bois des pénitents presque nus, représentant les sept Macchabées (Il y en a huit sur l'estampe). Lé diable enchaîné, conduit par saint Michel, n'était pas oublié



Fig. 49. — Le renard volant une poule (Église Saint-Pierre, à Louvain) (xv e siècle).


dans ce somptueux cortège dont le souvenir s'est conservé jusqu'à nos jours. La fig. 48 nous montre une de ces bêtes fantastiques que les Louvanistes aimèrent de tout temps voir représenter dans leurs fêtes et leurs processions. Celle que l'imagier a imaginée ici nous offre l'assemblage monstrueux d'une tête de chien et d'ailes de chauve-souris, complété par une queue de serpent et des pattes garnies de griffes rappelant les serres du griffon, le gardien légen- daire des trésors. — Un goupil, ou Renard, tenant dans sa gueule le cou d'une volaille (fig. 49) nous prouve que la vogue persistante de l'épopée animale n'est pas près de disparaître. On sait que le Roman du Renard, populaire dans tous les pays de l'Europe, prit selon toutes les apparences sa naissance dans les contrées flamandes. Comme le remarque fort bien l'historien belge H. Pirenne 1 , il


1. H. Pirennr. Histoire de Belgique, t. I, p. 4o. Bruxelles, 1900-1904.


LES MISÉRICORDES DE LOUVAIN


faut chercher ses origines en Belgique, où, dès l'époque où se fon- dèrent les agglomérations marchandes, c'est-à-dire au xi e siècle, les récits qui circulaient épars dans la foule subirent les transforma- tions qui devaient leur assurer une vogue si extraordinaire. C'est dans nos provinces que les héros de cette épopée animale furent individualisés et baptisés de noms d'hommes; c'est ici qu'autour de Renard et à'Iscngrin furent créés une foule d'acteurs secondaires : Noble, le lion; Grimbert, Je blai- reau; Belin,\e bélier; Chanteclair, le coq ; Couard, le lièvre ; Tibert, le chat; Bernard, l'âne ; Brun, Tours, dont les noms, tantôt romans, tantôt germaniques, semblent tra- hir, par leur diversité même, l'ac- tive collaboration des deux races qui peuplent la Belgique.

Ces animaux divers, auxquels il faut ajouter le singe (fîg. 50) et le porc, ornent en grand nombre les miséricordes et les accoudoirs des stalles de Louvain, comme ils figurent déjà sur les sièges sculptés de Liège et d'Hastières. Une sculp- ture plus intéressante, quoique moins counue (fig. 51), nous mon- tre le Renard déguisé en moine prêchant en chaire et saisissant dans ses griffes, et sans en avoir R l'air, quelques gélines grasses ou quelques oies confiantes, tandis qu'une autre volaille, mise en ré- serve derrière lui, dans son capuchon, laisse passer sa tête innocente 1 . Parmi les autres sculptures animales de l'église Saint-Pierre, à Louvain, citons encore une tête de lion, puis un corps entier du même animal; plusieurs chiens (ils sont toujours fréquents sur les

1. On ne connaît pas l'origine de cette sculpture qui doit être courtraisienne Elle se trouve conservée au musée archéologique du Broel, a Gourtrai. et date du xv» siècle (D'après un dessin de M. A. Heins).



50. — Un singe dévorant un rampant de parclose de l'église Saint-Pierre. à Louvain (xv e siècle).


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LES MISERICORDES EN BELGIQUE


miséricordes), un aigle, une chauve-souris et deux chats, dont l'un tient dans sa gueule un objet détérioré qui semble être un phallus! D'autres sujets mettent en scène l'homme ou sa compagne dans quelque décor. C'est ainsi que nous voyons ici une vieille femme édentée à sa fenêtre. Plus loin (fîg. 52), un visage d'homme attristé se montre au guichet d'une tour ou d'une prison, rappelant l'un ou l'autre prisonnier de marque ou peut-être même le souvenir de ce



Fig, 51. — Le renard-moine prêchant (Musée d'archéologie de Broel) (xv e siècle).


fabricant de flèches, qui passa dans l'histoire de Louvain pour avoir osé se moquer des nombreuses processions qui eurent lieu dans les mois de juin et de juillet de 1436 (les stalles furent commandées en 1438), pour donner la victoire et un heureux retour à « ceux de Flandre » qui accompagnèrent « notre duc » Philippe le Bon au siège de Calais. On sait que le railleur fut emprisonné et eut la langue transpercée en punition de ce forfait. « Ende een pylmaker, om dat hy daer mede spottede, wert te Leuven in Junio doer zyne tonghe gestekene 1 . »

La perforation de la langue par un fer rouge était généralement


Wiuem Boonen. Op. cit., p. 43.


LES MISÉRICORULS DE LOUVA1N


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le châtiment des blasphémateurs. Les principaux blasphèmes étaient rangés dans un certain ordre. Les pi


graves


r — »-«— étaient ceux qui attaquaient la majesté du « Dieu tout-puissant qui nous a créés » (Blasphemie teghen den almoghenden Godt die ons ghes- chaepen heeft), ou celle de la Mère de Dieu. Puis venaient les saints



Fig. 52.


Satire d'un fabricant de flèches de Louvain (Église Saint-Pierre) (xVsiècle).


et saintes. A Gand nous voyons dans le livre des Grimes (Bouc van de Crisme) de nombreuses personnes condamnées pour les très horribles blasphèmes qu'ils osaient proférer. Rarement ces blas- phèmes sont rappelés dans la sentence ; on les trouvait trop abomi- nables pour être reproduits : « te abominabele zyn ommete noemen ». Peut-être sera-t-ii intéressant d'en rappeler quelques-uns figurant dans une enquête relatant les dépositions des témoins à charge de l'accusé Pieter Aerens, le 28 septembre 1515, qui aurait juré parles « mandibules de notre seigneur » (by ons Heerens kinnebackene)


LES MISERICORDES EN BELGIOL'E


par ses cinq plaies, par ses cuisses et par sa force et sa vigueur : « by zyne macht ende cracht ». Un témoin ajoute à ces blasphèmes l'invocation à ses boyaux sacrés, à son sang ou autres parties des- honnêtes de son corps. Lucas van Loo, un autre blasphémateur, fut mis au pilori et banni pour douze années, en 1523 (19 septembre). Robert (Roberecht) Mergelaere fut de plus fustigé d'importance aux quatre piliers du marché au poisson. Joos Megank, un récidiviste, ayant déjà eu huit condamnations analogues, fut dépouillé de ses vêtements et battu de verges jusqu'au sang « totten bloede », puis reflagellé tout le long du chemin conduisant à la porte de Bruxelles, où il fut expulsé de la ville (6 novembre 1361). Il avait subi comme d'habitude le supplice du fer rouge transperçant sa langue, « met eender gloey enden yzere ghesteken te werdene deur zyne tonghe » . Ce fut aussi la punition des premiers réformés : un chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, un des patriciens les plus distin- gués de la ville de Gand, Joos de Backere, fut ainsi condamné à avoir la langue percée d'un fer rouge, et dut figurer dans les processions tenant une torche enflammée durant une année, une croix rouge brodée sur sa manche. Ce qui ne l'empêcha pas de périr sur le bûcher deux ans après sa première condamnation, qui eut lieu en 1528.

Les prisons belges, au moyen âge, sans être précisément des lieux de délices, n'étaient pas cependant sans offrir quelques consolations aux prisonniers qui possédaient des ressources suffisantes. D'après un article du règlement de la prison, ou « Steen », de Bruges, con- servé aux archives de cette ville, nous voyons que l'on y menait parfois assez joyeuse vie 1 .

L'article 18 (il y en a 26 en tout) est ainsi conçu : « De plus ni le bailli de l'étage, ni le bailli de la chambre noire (de donkere camere) ne pourront dorénavant consentir ou tolérer par dons ou par promesses, que les prisonniers en haut ou en bas fassent des parties de danses ou organisent des bals (dansinghe) avec accompa- gnement de flûtes, de trompes, de cornemuses, de tambourins, ou de tous autres instruments, soit de jour, soit de nuit; ou qu'ils se


1. Ordonancien ende statuten ghemackt hy der wet van Brngghe nopende den vangheniscosten van den steene te Brugghe (fin du xv e siècle). Archives de l'État, à Bruges. Roodenbouc, t. III, fol. 122.


LES MISERICORDES DE LOUVAIS


livrent au jeu de dés, de palets ou autres amusements défendus- sauf celui de table, moyennant le prix de leur boisson.... Et cela a condition de ne proférer aucun blasphème.

Les contrevenants seront mis au cachot, soit en haut, soit en bas pour tout un jour, à chaque contravention, sans aucun atermoiement.'



Fig. 53. — Image satirique du démon (Eglise Saint-Pierre, à Louvain) (xv e sièele).

et le geôlier, les gardes et le bailli qui toléreraient pareille chose seraient corrigés ainsi qu'il appartient. »

A Gand, dans la prison communale, ou « Sausselet » (Chàtelet), les cachots sous les combles avaient la forme dune cage 2 . On les


1. « Of te andere odieuse spelen. »

2. Chacune des cages était désignée par un nom satirique. Il y avait la « roovers muite », ou cage des brigands; la « Israëls muite », la cage d'Israël; de « kleine spleet » (intraduisible); de « tooveres muit », ou la cage des sorcières; « het kat- tegat », le trou du chat ; « de vromve kamer », le salon des dames, et « het suikcr-


80 LES MISERICORDES EN BELGIQUE

appelait de « muten onder de cappen »,les cages sous le toit; tandis que les cachots du bas ou « donkere camere », les chambres noires, étaient des espèces d'oubliettes situées sous les caves.

Sur une autre miséricorde apparaît un démon monstrueux, avec

laadje », ou le petit tiroir au sucre. Une de ces cages, conservées sous le belTroi, était nommée « het ribbe kot », ou le cachot côtelé, parce que les parois et le plan- cher étaient composés de poutrelles posées en arêtes saillantes. Dans la prison pro- prement dite, on pouvait, grâce à de l'argent, l'aire bombance et se divertir, lors- qu'on avait soin d'inviter à sa table le « cipier », ou geôlier. Celui-ci poussait parfois la complaisance jusqu'à laisser sortir les prisonniers qui pouvaient, à certaines heures, se promener en ville ou faire des visites. Parfois même leurs maîtresses venaient les voir.

Marc van Vaernewyck, dans ses Beroerlycke lyden, raconte à ce propos une aventure amusante qui se passa au Ghâtelet de Gand, en mars 1567. Le poète d'une Chambre rhétoricienne de cette ville, placée sous l'invocation de la vierge « Maria tereere », un certain Liefke van der Venne avait été, pour prix de certains méfaits, emprisonné dans une des « cages » de la prison. C'était un farceur de premier ordre, et bientôt sa maîtresse, la jolie cabaretière de la taverne située sous la maison des Epiciers, désolée de son absence, conçut le désir d'aller le consoler. Pour cela elle imagina, un certain soir, de s'enfermer dans un sac et de se faire porter dans le cachot de son amant, par un portefaix qui avait l'habitude d'y apporter de la tourbe pour le chauffage des prisonniers. Son projet réussit et la joyeuse commère put ainsi passer une nuit avec l'élu de son cœur. Car, dit Vaernewyck, personne ne se doutât que « ce ne fut un vrai sac de tourbe ». Nous ne connaissons pas la fin de l'aventure, mais il y a tout lieu de croire qu'elle finit mal, car notre princesse d'auberge était mariée et l'on ne badinait pas en ce temps avec les gens accusés d'adultère.

Une personne convaincue d'adultère, â Gand, fut condamnée au xv c siècle â la prison, où elle resta quinze jours « au pain et â l'eau ». Ayant récidivé, elle subit 30 jours de la même peine, et on lui promit de la retenir six semaines sans autre nourriture, si elle récidivait une troisième fois. Ajoutons que l'on pouvait racheter un jour de cette peine moyennant un don fait à la ville, de mille briques à employer pour les travaux de la commune.

On sait que les juges criminels avaient une grande latitude dans la façon de punir les coupables, et le choix du châtiment était laissé à l'esprit, plus ou moins inventif, des magistrats. Une des plus terribles exécutions capitales qu'on puisse rêver eut lieu à Gand, le 26 janvier 1563, alors que le nommé Jan Dumont était bourreau de cette ville. Le Memorie boec, ou journal gantois de l'époque, nous apprend que deux des trois voleurs à punir furent attachés dos à dos sur un gril, avec des chaînes, le tout maintenu par une barre en fer. Puis un feu violent fut allumé sous le gril. Au-dessus de la tête des condamnés se trouvait placé un tonneau percé de trous contenant de la paille, de la poix et du goudron. On mit le feu à ce tonneau, de façon que la poix et le goudron fondus se déversassent en une pluie brûlante sur le corps nu des suppliciés.

Ce n'était pas assez. Tout cet appareil de torture, gril, barre et tonneau, était fixé à une espèce de grue que l'on faisait mouvoir, et les deux misérables étaient hissés à quelques pieds de hauteur, d'où on les laissait choir dans le feu jusqu'à ce qu'ils fussent complètement brûlés.

Le supplice du troisième voleur, pour être moins raffiné, ne fut pas moins ter- rible. On l'attacha à un poteau entouré de bottes de paille, auxquelles on mit le feu. Afin de faire durer les souffrances du malheureux, la paille fut placée à quelques pieds du poteau, on comprend facilement qu'il fallut un temps assez long avant que la mort vint terminer cette épouvantable torture.


1ËS MISÉRICORDES DE tOUVAÎN %{


une tête cornue et le corps garni d'ailerons palmés, qui le com- plètent de façon étrange (fig. 53). La croyance au diable, intervenant au moyen âge dans toutes les circonstances de la vie, était alors gé- nérale et perdura pendant longtemps. Même de sérieux chroniqueurs, tels Marc Van Vaernewyck, de Gand, au xvi c siècle, citent encore dans leur journal ses méfaits, qui se commettaient à la vue de tous. « Le 3 juillet 1567, dit cet auteur, on vit pendant l'orage le diable enfonçant ses griffes dans la flèche de la tour de Meire près d'Alost. Il retourna complètement le clocher, de sorte que la pointe se trouva mise à la place où se trouvaient les cheneaux. En outre le malin arracha quatre corbeaux de pierre supportant la charpente, quoique ces pierres fussent si lourdes qu'il fallait six hommes pour les soulever. Il lança en même temps sur le parvis de l'église une poutre qu; tomba en échardes, et cela malgré l'image miraculeuse de Notre-Dame qui se trouvait conservée dans le lieu saint? » Ce qui occasionna des plaisanteries déplacées de la part des hérétiques, ajoute le consciencieux mais naïf chroniqueur.

Le démon était un personnage très populaire à Louvain ; il figura toujours dans les cortèges religieux, satiriques et burlesques qui furent organisés dans cette ville. Sur un char, machiné de la façon la plus ingénieuse, nous le voyons avec de nombreux satel- listes égayer un Jugement dernier, lors de la kermesse de 1413. On sait que ces cortèges de chars portaient le nom de « wagen- spelen », ou jeux des chariots.

En 1466, le diable prend une position officielle. Il figure dans les comptes de la ville, qui lui donne un salaire pour faire ranger la foule lors du passage du grand « Ommeganck » qui eut lieu cette année : « omme plaetse te makene ». Il était assisté d'un dragon, crachant du feu. — Les mêmes comptes nous apprennent qu'en 1470 un nouveau dragon, de proportions plus colossales, d'un aspect monstrueux, fut fait; habilement machiné, il crachait égale- ment du feu et des flammes : « vuer ende vlammen 1 ».

Un dernier perfectionnement fut inventé en 1485, date à laquelle la ville de Louvain appela un artificier de Malines pour faire des fusées qui s'allumaient dans le corps du dragon.

i. E. Van Even. VOmmegang de Louvain, dissertation^historique et archéolo- gique sur ce célèbre cortège communal. Louvain, 1863, p. 2/.

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82 Les miséricordes eN Belgique

Les miséricordes sont disposées comme suit :

A droite: 1° un équilibriste dressé les jambes en l'air (fig. 47); 2° une tête de femme (coiffure) ; 3° une tête d'homme ; 4° démon cornu à ailes quadruples (fig. 53); 6° dragon volant; 7° sirène tenant une glace et un peigne (fig. 43) ; 8° une tête pleurant ; 9° chauve-souris ; 10° tête de fou à longues oreilles d'âne; 11° tête de jeune femme à coiffe; 12° renard tenant une poule dans sa gueule (fig. 49) ; 13° tête d'homme dans une prison, expression triste (fig. 52); 14° tête de jeune femme.

A gauche : 1° un dragon volant; 2° grande tête de lion; 3° grif- fon; 4° griffon ; 5° paon ; 6° tête d'un fou avec grelots ; il tire la langue (fig. 46) ; 7° un lion ; 8° tête de grimacier portant des oreilles d'âne ; 9° chat tenant dans sa gueule un objet détérioré (phallus?) ; 10° un guerrier marin; 11° tête de vieille femme édentée à sa fenêtre; 12° porc; 13° tête de grimacier élargissant la bouche à l'aide de ses mains (fig. 45); 14° griffon.

Accoudoirs :

A droite : 1° singe; 2° ours; 3° bête ailée avec un gros museau (fig. 48); 4° chien; 5° griffon; 6° chien; 7° griffon ou dragon; 8° aigle; 9° dragon; 10° chien; 11° chien; 12° dragon; 13° bête à tête humaine; 14° dragon; 15° chat.

A gauche : 1° un monstre; 2° un chien; 3° dragon; 4° petite sirène à tête de singe; 5° bête fantastique qui se mord la queue ; 6° dragon ; 7° chimère la gueule ouverte ; 8° bête qui se retourne; 9° griffon; 10° chien; 11° dragon; 12° dragon ou griffon; 13° chien; 14° bête.


CHAPITRE VI

LES MISÉRICORDES DE BRUGES (XV e SIÈCLE)


Les stalles de l'église Saint-Sauveur, à Bruges — malheureusement remaniées entre le xv et le xym« siècle — sont fort belles. Elles datent de la première moitié du xv' siècle. Les miséricordes de ces stalles présentent un caractère très particulier, car on y retrouve une influence visible de la lecture des fabliaux français, qui, de bonne heure, furent traduits et imités en langue flamande. — Bon accueil réservé à la cour comtale de Flandre aux trouvères méridionaux. Philippe d'Alsace et Chrétien de Troyes. Celui-ci lui dédie un de ses romans. — Baudouin de Constan- tinople, entouré de ménestrels, de trouvères et de jongleurs, cultive lui-même la pocsre et compose des lais et fabliaux en langue provençale. — Influence exercée de bonne heure, à Bruges, par l'art et la littérature française. — Le luxe flamand s'approvisionne à Paris. — L'élégance de la noblesse flamande rivalise avec celle de l'aristocratie française, dont elle s'inspire. — Le mot « fliimich » devenu syno- nyme de grâce et de bon goût. — Emploi presque général, à Bruges, de la langue française. — Les mœurs à l'époque bourguignonne; objurgations indignées des moralistes. — Le libertinage et les excès des grands. — Examen des diverses miséricordes où se reflètent, d'une façon curieuse, la vie raflinéc et les mœurs galantes de cette époque. — Les sculptures décoratives de l'hôtel de ville de Bruges, qui datent du xiv e siècle (1376-1399), représentent déjà des sujets empruntés à des légendes ou des fabliaux d'origine française. — Sculptures grivoises décorant l'âtrc familial. — La sorcellerie en Belgique. — La croyance générale au pouvoir mal- faisant des sorciers et des sorcières. — La bulle du pape Innocent VIII en 1484. — La sorcière de l'église Notre-Dame, de liai. — Procès de sorcellerie aux xvi« et xvn e siècles. — Les exécutions de sorcières aux xvm e et xix" siècles.

L/église Saint-Sauveur, a Bruges, possède également des stalles qui furent très belles autrefois. Elles sont presque aussi anciennes que celles de Louvain, car elles furent certainement exécutées dans la première moitié du xv e siècle. Mais elles ont malheureusement été modifiées à plusieurs reprises et à des époques différentes. M. J. Weale nous apprend qu'à l'occasion de la réunion du trei- zième chapitre de Tordre de la Toison d'or, qui se tint à Bruges le 30 avril 1478, sous la présidence de Maximilien d'Autriche, les anciens dais ajourés furent enlevés et remplacés par de simples


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


moulures ou frises à quatre feuilles. En 1608, seize stalles furent




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Fig. 54. — Une stalle de l'église Saint-Sauveur, à Bruges; sur la miséricorde : Une scène de fabliau (xv e siècle).


refaites ; les menuiseries par Pasquier Wouters, les sculptures par Jérôme Stalpaert.

Vers le milieu du xvn e siècle, on enleva les statuettes et les


LES MISÉRICORDES DE lîRL'GES


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groupes surmontant les accoudoirs et les entrées des stalles. Ces sculptures furent remplacées par les lions couchés actuels. En 1679, les stalles en retour d'équerre, à l'entrée du chœur, furent démolies. En 1727, la moulure, qui depuis 1478 terminait les dossiers, fut enlevée et remplacée par les armoiries des chevaliers de la Toison d'or, qui jadis étaient suspendues au-dessus des dossiers des stalles.



Fi". 5o. — Une scène de sorcellerie (Miséricorde de l'église Saint-Sauveur, à Bruges) (xv e siècle).


Les miséricordes de ces stalles présentent un caractère très par- ticulier. Elles semblent presque toutes se rapporter à des fabliaux français ou provençaux, dont la vogue fut si grande en Flandre depuis le xii« et le xm c siècle. Sachons le reconnaître, la vie litté- raire dans les grandes villes flamandes, telles que Bruges et Gand,


86 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

était d'importation presque uniquement romane l . Nos sagen, Z>oe/'- den, loghene, écrits en langue thioise, ne sont, la plupart du temps, que des transcriptions des romans français tirés des cycles d'Arthus, de la Table Ronde, de Charlemagne, des hauts faits de Perceval ou de Tristan, de Lancelot, de Galehot, de Roland à Roncevaux, etc. De bonne heure les trouvères méridionaux reçurent bon accueil à la cour comtale de la Flandre. Philippe d'Alsace s'était attaché Chrétien de Troyes, qui lui dédia son Roman du Saint Graal et écrivit d'ail- leurs, à Bruges, tous ses poèmes en langue française. Baudouin de Gonstantinople, une des plus nobles figures de la Flandre médié- vale, favorisa avec passion le développement intellectuel de ses sujets. Entouré de ménestrels, de trouvères et de jongleurs, aux « gestes » desquels il prenait grand plaisir, il cultivait lui-même la poésie, et, preuve nouvelle de la puissante attraction exercée dès cette époque par Part français, composait ses fabliaux, ou lais, en langue provençale. Pendant la plus grande partie du xiv e siècle, l'art flamand reste tributaire de rinfluence française. M. de Laborde trouve dans les comptes des preuves certaines que les artistes habi- tant Bruges viennent souvent de France, que les joyaux sont deman- dés aux orfèvres français, et que le luxe flamand s'approvisionne à Paris. La haute société brugeoise continue à régler ses goûts sur la grande nation suzeraine. L'élégance de la noblesse flamande rivalise avec celle de l'aristocratie française, dont elle s'inspire. L'amour « courtois » des chevaliers français et de leurs dames fait rêver les blondes châtelaines de la West-Flandre.... Gomme l'ajoute fort bien M. Fierens Gevaert, « le mot ftâmich était devenu à cette époque le synonyme de bon goût, de grâce, dans tout le pays germanique, et, sans aucun doute, les nobles de Bruges et des autres villes du comté devaient cette réputation de « belles manières » à leurs rela- tions avec la cour parisienne » .

Durant l'époque bourguignonne, qui jeta un si vif éclat au xv e siècle, l'emploi de la langue française était devenu pour ainsi dire général. Les mœurs se ressentaient de cette poussée vers la vie romanesque, chantée par les romanciers méridionaux, et elle vint se greffer sur notre amour ancestral et indestructible des ripailles et

4. Lire à ce sujet : Fierens-Gevaert. Psychologie d'une ville. Essai sur Bruges. Paris, F. Alcan, 1901, et De Van Eyck a Van Dyck, publié par le même auteur dans la Revue des Deux-Mondes (15 juin 1900), à qui nous faisons ici quelques emprunts-


LES MISÉRICORDES DE BRUGES 87


des kermesses. Les moralistes s'élèvent avec indignation contre « les mascarades organisées par les filles, les godailles monstres qui duraient des semaines entières, et où les femmes tenaient tête aux buveurs les plus intrépides, contre le libertinage qu'engendrait

naturellement ce besoin de luxe et de festins héroïques ». Un

chroniqueur du temps, du Glercq, s'écrie : « Lors c'estoit grande pitié que le péchié de luxure regnoit moult fort et par espécial es princes et gens mariés; et estoit le plus gentil compagnon qui plus de femmes scavoit tromper et avoir au moment, qui plus luxurieult estoit ». Les passions, débridées, entraînaient les hommes dans un tourbillon de meurtres, de prodigalités et d'amours insensés. — Les riches avaient un luxe si offensant, lisons-nous dans M. de Barante, la noblesse était si fort livrée à ses passions, le clergé menait une vie si dissolue, les femmes, surtout celles de haute lignée, avaient si peu de retenue et portaient des ajustements si indécents et si ridicules, qu'on ne savait qui était le plus fort du scandale ou de la

calamité

Examinons successivement les miséricordes de Bruges, où se reflètent d'une façon si curieuse la vie raffinée et les mœurs galantes de cette époque. En commençant par celles du côté nord, remar- quons que les deux premières des stalles hautes ont été enlevées ; peut-être trouva- t-on à un certain moment que leur caractère satirique ou licencieux ne cadrait plus avec la sainteté du lieu. La troisième représente une figure fantastique de bête dont le haut du corps constitue un moine, la tête couverte de la capuce, tenant d'une main une courte épée, de l'autre un bouclier 1 . La quatrième montre une femme qui apprend à marcher à son enfant dans une machine triangulaire à trois roues. La cinquième miséricorde représente un magister, tirant l'oreille à un jeune garçon à genoux ; à côté de lui se trouve un autre écolier qui paraît ne pas savoir sa leçon. La sculpture suivante conserve l'image d'un jeune homme à cheval, portant de longs éperons et tenant sur le poing un objet mutilé (un faucon ?) ; dans le fond on voit des arbres. Au n° 7 le- même jeune seigneur, le chapeau à la main, se tient debout devant un ermite assis qui s'appuie de la main gauche sur un bâton. La même

1. De nombreuses figures analogues se trouvent sur des miséricordes françaises, notamment sur celles de Rouen.


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LES MISERICORDES EN BELGIQUE


histoire continuant, nous voyons un personnage à genoux devant deux ecclésiastiques assis ; Termite de tantôt semble implorer sa grâce. — Puis, au groupe suivant (fig. 54 j, le même seigneur, riche- ment vêtu, se trouve aux pieds dune jeune demoiselle qui accepte



Fig. 56. — Une scène de fabliau (Miséricorde de l'église Saint-Sauveur, à Bruges) (xv e siècle).


son anneau malgré le mécontentement d'un autre personnage, pro- bablement le père 1 (?). Après ces péripéties, arrive le banquet de noces, où, devant une table établie sur des tréteaux, sont assis les jeunes gens avec le bon ermite entre eux deux. Une miséricorde


1. D'après un dessin de M. A. Heins. Ce dessin a été aussi reproduit dans l'étude de l'auteur citée plus haut: Coups d'œil et coups de plume (Bulletin de l'Académie royale d'Archéologie de Belgique, 1908).


LES MISERICORDES DE BRUGES


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ornée de feuilles de vigne et de grappes de raisin suit. Puis nous vovons un cerf dans un bois, et, enfin, terminant la série des stalles hautes, voici encore Termite à table, donnant quelque chose au jeune homme. La quatorzième sculpture manque.

Sur les stalles basses, défilent successivement : 1° une demoi- selle assise de face, la main gauche levée; 2° un personnage avec un gerfaut sur le poing droit (le bras gauche est mutilé); 3° un



Fig. 57. - Satire d'une religieuse conduite en enfer sur une >>™eUe (Une %urc manque) (Misérieorde de Saint-Sauveur, a Bruges) (XI s.ecle).

pèlerin portant la tonsnre, un chapean rond rabattu sur le dos se dirige vers une ville fortifiée bâtie sur un rocher escarpe. I tient un bâton, et la gourde traditionnelle est attachée par une courroie sur son dos ; 4» un prêtre debout, tenant un hvre ou un parchemin, se


90 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

tient devant un coffre ouvert, à double serrure, où un affreux démon verse un sac rempli d'argent 1 (fîg\ 55) ; 5° et 6° des feuillages ; 7° un homme, couvert de son manteau, écrit sur une banderole ; il est assis devant une bibliothèque; 8° un personnage dans un bateau rame de la main droite, tandis qu'un homme, debout sur le rivage, lui offre quelque chose (?) ; 9° sur une échelle un personnage enlève une tuile du toit, semblant vouloir cacher un objet, tandis qu'un spectateur (mutilé) l'observe; 10° deux hommes assis par terre tirent à deux mains sur un court bâton, s'exerçant au jeu de la pan- noy « Steygerspel 2 » ; 11° un sculpteur achève une statue couchée sur un établi. La 12 e et dernière miséricorde est composée d'un feuillage.

Au côté sud, les deux premières sculptures manquent; la troi- sième est constituée par un feuillage (remplaçant probablement les sculptures anciennes d'une partie trop satirique ou trop licencieuse) ; puis nous assistons à des vendanges, deux hommes cueillent le raisin ; 5° apparaît un groupe composé d'un pèlerin à longue barbe et d'un autre personnage mutilé ; 6° une religieuse lève la main droite devant une autre personne (arrachée) ; après les 7 et 8, composés de feuillages, nous voyons une scène plus compliquée. Une jeune fille aveuglée, tenant à la main une dague (?), semble vouloir en user contre elle, ou bien s'apprête à frapper l'un des gentilshommes qui l'entourent 3 (fig. 56). Sur la miséricorde sui- vante, la dixième, une dame est assise à table avec un jeune seigneur; la fin de l'histoire, peut-être scabreuse, a été remplacée par des feuillages aux numéros 11 et 12.

Au même côté, les stalles basses nous présentent d'autres rébus. Sur la première miséricorde : un garçon ayant une boîte ouverte à ses pieds, où un homme, portant une aumônière, laisse tomber une pièce d'argent. La deuxième représente un vieillard à longue barbe entrant dans une chapelle ; il tient d'une main un long bâton et de l'autre un chapelet, tandis que, derrière lui, un affreux

1. On sait que le désir de se procurer de l'argent en tâchant de duper le diable était général à cette époque. Beaucoup de fabliaux racontent comment des églises furent bâties de cette façon peu orthodoxe avec la complicité de la Vierge, toujours prête à seconder ceux qui voulaient extorquer de l'or au démon.

2. Ce sujet se retrouve souvent sur les miséricordes et les entrées de stalles en Belgique et en France comme en Hollande.

3. On remarquera que l'un des jeunes gens porte le fourreau de la dague vide.


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démon lui saisit la manche. Après la troisième, représentant un feuillage (?), nous voyons défiler quelques sujets bibliques tels que le sacrifice d'Abraham, et la conversion de saint Paul (?). La sixième miséricorde, plus amusante, nous montre une porte de l'enfer sous forme d'entrée de four, d'où sortent des flammes. Un damné, qui vient respirer le frais à une lucarne, voit s'approcher une reli- gieuse assise sur une brouette conduite par une personne mutilée (un démon?) dont on ne voit que les escarpins (fig. 57). Les der- nières miséricordes constituent des scènes disparates : 7° un ange s'agenouille devant une femme qui lit (l'Annonciation?); 8° un homme et une femme se rencontrent ; cette dernière cache quelque chose sous son manteau (mutilés) ; 9° tête grotesque dont deux- feuilles sortent de la bouche; 10° des feuillages.

Particularité digne d'être notée, l'influence française, qui est si visible dans les sujets sculptés qui constituent les miséricordes de Saint-Sauveur, se retrouve déjà dans les ornementations du xiv c siècle décorant la jolie façade, malheureusement refaite, de l'hôtel de ville de Bruges (1376-1399). La fig. 58, dessinée d'après un de ces culs-de-lampe enlevés et conservés au musée d'archéo- logie de Bruges, nous montre une scène digne de Boccace ou de Molière 1 . Pendant qu'une soubrette, de connivence avec le mari, lave les cheveux de sa maîtresse, penchée sur un bassin, l'époux volage conte fleurette à une jeune femme assise près de lui dans une pose pleine d'abandon. On remarquera que ce groupe, représen- tant une femme trompée et aveuglée par ses cheveux, rappelle assez bien la scène amusante créée par Beaumarchais, où le célèbre bar- bier de Séville rase Bartholo pour l'empêcher de voir les déclara- tions d'amour qu'Almaviva fait à Rosine, c'est le cas de le dire, « à sa barbe ».

Les sculptures ornant les anciennes cheminées des maisons par- ticulières de Bruges présentent souvent des scènes de séduction d'un réalisme plus osé. La fig. 59, dessinée d'après une de ces sculptures brugeoises, conservée au musée lapidaire de Gand, peut très bien donner une idée de ce genre de reliefs appartenant au xv e siècle 2 .

1. A. Heins. Op. cit., p. 133.

2. Il y a lieu de croire que cette œuvre suggestive provient d'un de ces anciens bains mixtes, considérés au moyen âge comme de mauvais lieux.


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


Nous avons vu plus haut que, parmi les miséricordes de l'église Saint-Sauveur, à Bruges, figurent des scènes de sorcellerie où paraît le démon. On sait combien était alors générale et populaire la croyance aux démons, toujours prêts à enrichir ceux qui se don- naient à lui. Et, notons-le, ce n'étaient pas seulement de crédules paysans ou artisans qui ajoutaient foi à ces contes; cette croyance, nous la voyons partagée par des artistes et des hommes d'éducation supérieure dans tous les pays. Ne savons-nous pas que Benvenuto



Fig. 58. — Une scène de fabliau (Sculpture de l'hôtel de ville de Bruges) (Fin du xiv e siècle).


Gellini, dans ses mémoires, rapporte les conjurations auxquelles il se livra avec son ami le prêtre Nécroman? Il avoue ses terreurs, ainsi que celles de ses camarades, pendant les incantations qui devaient leur livrer le secret de la pierre philosophale : « Pendant qu'à la lueur du foyer, dont la flamme s'alimentait de drogues fétides, le Golysée se remplissait de légions d'esprits infernaux et que l'enfant, qui était sous le talisman, poussait des cris d'épouvante, assurant qu'il voyait un million d'hommes terribles et menaçants, et quatre géants armés de pied en cap, prêts à pénétrer dans le cercle magique ».


LES MISÉRICORDES DE BRUGES


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On est d accord pour admettre que c'est surtout après la pro- mulgation de la bulle du pape Innocent VIII, datée du S dé- cembre 1484, que la croyance à la sorcellerie s'accrut dune façon absolument insensée en Belgique et dans divers autres pays de 1 Europe. r J

Les poursuites judiciaires exercées contre les fauteurs de ce crime,



cheminée de Brm


Une scène de séduction (Motif sculptural d'une (xv° siècle). Conservé au musée d'archéologie de Gand.


jusqu'alors inconnu dans le droit civil, appelèrent plus que jamais l'attention sur les pactes conclus ou à conclure avec le diable.

On trouve bien dans d'anciennes coutumes, notamment dans celles du Hainaut, des défenses de rechercher ou de découvrir, par le moyen de la magie, les trésors cachés qui, en cas de trouvaille à la suite se trouvaient confisqués au profit du seigneur; mais ce fut


94 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

surtout par les descriptions papales des méfaits commis par les sor- ciers et les sorcières, que la suggestion devint de plus en plus forte. On vit des centaines de névrosés et de détraqués se croire ensor- celés. La bulle parlait, avec un luxe de détails inouïs, des personnes qui, sorciers ou sorcières, se vouaient aux esprits infernaux, tantôt incubes, tantôt succubes (incubi ac succubi) ; des femmes et des filles qui entretenaient avec ceux-ci un commerce charnel ou repous- sant, et qui recevaient en échange de leurs faveurs un pouvoir ter- rible, capable de détruire les récoltes et les animaux. Le démon infligeait aux hommes des maux occultes exorbitants : empêchant les femmes de concevoir, les maris d'engendrer ou même simple- ment d'accomplir leur devoir conjugal 1 .

Dans un livre très intéressant 2 concernant l'ancien droit pénal en Belgique aux xiv e , XV e et xvi e siècles, nous voyons qu'un nombre incroyable de personnes accusées de sorcellerie périrent dans les Flandres, dans le Brabant et dans le pays de Liège. Des localités entières furent dépeuplées ; sur de simples dénon- ciations les personnes les mieux famées étaient jetées dans les pri- sons et exposées à des périls extrêmes. Les sorcières qui se rendaient périodiquement aux sabbats, où elles se livraient nues au démon, durent figurer parmi les sujets choisis par nos sculpteurs de misé- ricordes 3 . Malheureusement un grand nombre de ces scènes sug- gestives ont péri, et il y a lieu de croire quelles furent, comme nous lavons vu plus haut, remplacées par des planchettes muettes ou des feuillages sur les miséricordes de nos stalles. Les sculptures pro- fanes que l'on voit taillées en pierre dans les tympans et les écoin- çons de nos églises, moins faciles à maltraiter, nous en offrent encore quelques exemples, notamment à Notre-Dame, à Courtrai, et à la collégiale de Hal, également dédiée à la Vierge.

1. « Ac eosdem hommes ne gignere et mulieres ne concipere, virosque uxoribus, et mulieres ne viris actus conjugales reddere valeant, impedire. »

2. J.-B. Can.naekt. Bydragen lot de hennis van hel Oude Strafrecht in Vlaenderen en voornamelyk te Gent, gedurende de xiv e xv e en xvi" eeuwen. DerdeDruk. — Gent, Van der Haeghen, in-8°.

3. Rappelons à ce sujet ce que disait des sabbats le grand écrivain français E. Renan, dans ses Feuilles détachées, à propos de la Tentation de saint Antoine, de Gustave Flaubert :

« Les Grecs se plaisaient à l'antre de Trophonius, puisqu'ils y allaient. Si le sab- bat était vrai, je ne dis pas que je voudrais y aller, cela est contraire aux règles de conduite que je me suis imposées ; mais je tiendrais à ce qu'il y eût des gens pour y aller, et je lirais avec plaisir les tableaux vivement colorés qu'ils en feraient. »


Les miséricordes de brugës 95


La fig. 60 nous prouve que les sorcières se rendant au sabbat netaient pas toujours de vieilles femmes laides. Celle que nous voyons, échevelée, sur un des écoinçons de l'église de Hal, est même fort gracieuse. Elle chevauche sa monture cornue avec une désin- volture que ne désavouerait pas l'écuyère de cirque la plus accom- plie. La lig. ul qui lui fait contraste, constitue une image grotesque et chargée d'un sorcier qui s'accroche à la longue crinière d'une espèce de grand caniche diabolique, dressé sur ses pattes de derrière, pour être conduit au sabbat. Ces sculptures sont d'autant plus inté- ressantes qu'elle appartiennent au xiv e siècle, c'est-à-dire à une époque où les sorciers et sorcières étaient plus rares. Cet état de choses empira beaucoup en Flandre aux xvi e et xvn c siècles. Un auteur du xvn c siècle 1 nous assure qu' « un bon juge » de son époque conseillait aux dames suspectées d'être sorcières, malgré leur atta- chement à la foi catholique, de gagner au plus vite la frontière hollan- daise. « On y cuit du pain tout comme ici, et tant de dénonciations me sont parvenues à votre charge que je serai forcé de vous faire arrêter et mettre à la torture, et alors vous seriez perdues. » Ajou- tons que les juges avaient cependant intérêt à convaincre de sorcel- lerie les personnes riches. On demandait à Isaac de la Peyrère pour- quoi il y avait tant de sorciers dans le Nord. « C'est, disait-il, que les biens des prétendus sorciers et sorcières sont en partie confisqués au profit des juges lorsqu'on les condamne au dernier supplice. »

Le pays de Liège ne se montrait pas moins acharné à la pour- suite de ceux qui s'adonnaient à la sorcellerie. Un chanoine de l'église de Sainte-Gudule, à Bruxelles (Etienne Stevens, auteur de Y Histoire des miracles du Saint Sacrement), nous assure que, curé à Tongres en 1590, il fut ensorcelé dans son confessionnal, par une des nombreuses sorcières qui infestaient alors le pays-.

Dans une ordonnance qui précéda le mandement du roi Philippe II (8 novembre 1590), adressée au conseil du Hainaut et probable- ment aux autres cours des Pays-Bas, on voit le triste tableau des nombreuses exécutions de sorcières, qui eurent lieu alors dans nos

1. A. Palingh. Het afgerukt momaengezicht der tooverye, etc. Édition d'Amster- dam, 1659, in-8, p. 404.

2. J.-B. Cannaert. Olim. Procès des sorcières en Belgique sous Philippe II et le gouvernement des Archiducs, d'après des actes judiciaires et documents inédits. Gand, Annoot-Braeckman, 1847. Voir aussi Palingh, édition flamande imprimée à Bruxelles en 1640.


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


provinces. Pour faciliter la tâche des juges, on y conseille, lors qu'on s'est assuré d'une personne suspecte, de la « jetter en Veaw piedz et mains lyez » : si elle surnage, elle doit être reconnue comme sorcière. Ajoutons que, grâce à ce subterfuge, on put exécute:



Fig. GO. — Une sorcière allant au sabbat (Écoinçon de l'église Notre-Dame, de liai) (xiv e siècle).


« voire en quelques villaiges jusqu'à quatorze ou quinze femme, comme sorcières ».

Le rescrit du 10 avril 1606, adressé par les archiducs Albert e Isabelle aux cours de justice des Pays-Bas, porte que « le détestabU crisme de sorcellerie^ magie et semblables inventions diaboliques s'en vat accroissant ». On y préconise l'encouragement aux déla- teurs, et la promesse de grâce à l'égard des complices. Ce qui occa sionna la dépopulation de districts entiers.

Un des abus les plus graves à cette époque, était la faculté donné* aux bourreaux et à leurs aides de rechercher l'empreinte diabolique


LES MISERICORDES DE URlGES


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stigma diabolicum, que les sorcières portaient parfois cachée jusque sur leurs parties sexuelles. Dans ces recherches, les bour- reaux étaient souvent en désacord avec les hommes de l'art qu'ils avaient mission d'assister. C'est pour faire cesser ce conflit que le conseil de Flandre autorisa, le 31 juillet 1660, les seuls médecins à décider de la présence ou de l'absence du signe chez l'accusée. Il y avait aussi l'épreuve de ia piqûre de l'épingle : si le sang ne venait pas, c'était un signe qu'on avait affaire à une sorcière.

Alors qu'en France,, sous Louis XIV, nous voyons la foi dans



Fig. 61. _ Un sorcier allant au sabbat (Église Notre-Dame, à Hal) (xiV siècle).


le pouvoir des sorciers fortement ébranlée, alors que Golbert en 1670 empêchait à Rouen l'exécution de quatre personnes condamnées comme sorciers par le Parlement, et faisait surseoir aux procès pen- dants de quarante autres accusées de sortilèges, — en Belgique, malgré les ordres des archiducs, se continuent les recherches du

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98 LES M1SÉ1UC0RDES EN BELGIQUE

stigma par les bourreaux. Une quittance conservée à Mons, portant la date de 1681, nous en fournit la preuve pour le Hainaut :

« Le soubsigné Jacqz Galopin, maistre des haultes œuvres de Mons, at receu du sieur Charlez, bailly de Meslin, la some (sic) de soixante deux livres huit sols, pour avoyr esté employez à la Visita- tion de la marque de Jacqueline Berman, réputée sorcière, et luy avoyr donné la question tout d'un tan. Le 23 aoust 1681. Marcq -j- du dict Galopin. »

Adrienne Schepens, visitée le 16 décembre 1601, au châtelet de Gand, Elisabeth Vlamyncx, Nele aux Pieds nus, Glaire Goessens, Digma Robert (surnommée « Pain et Eau »), Martha van Wetteren, Elisabeth de Grutere, Josine Labyns et tant d'autres malheu- reuses, dont nous avons le triste procès devant les yeux, furent toutes, grâce à des tortures affreuses, forcées d'avouer leur commerce charnel avec le diable et brûlées vives comme sor- cières, malgré leurs dénégations énergiques au moment du sup- plice. La torture leur fit donner des détails repoussants sur les scènes diaboliques où elles auraient joué un rôle. Elles avouèrent s'être transportées au sabbat, selon l'usage, en enfourchant des manches à balais enduits d'onguent magique : « by middel van een stock die met salve was bestreeken », ou bien, comme c'est le cas pour la sorcière de Hal, sur le dos d'un bouc ou de tout autre ani- mal infernal.

Chose incroyable, cette répression barbare continua en Belgique jusqu'à l'époque de l'annexion du pays à la France, après les événe- ments de 1793. C'est à Nieuport, peu avant cette date, que la der- nière des sorcières flamandes fut publiquement exécutée par le bourreau, et cela après avoir avoué, comme d'habitude, qu'elle avait eu des relations amoureuses avec le diable : « met den duivel gebou- leert te hebben », quoiqu'il répandît une affreuse odeur de bouc : <( alouwel hy stonck gelyck een bock » .

Ajoutons que, pendant tout le xix e siècle, et encore de nos jours à la campagne, on continue en Flandre et dans le pays wallon à molester et à injurier de pauvres vieilles femmes accusées d'être sorcières. Des procès retentissants en sont la preuve. On se sou- vient encore des assises de Gand qui condamnèrent à mort un cer- tain Bruyland. Aidé de sa femme et de sa fille, il avait brûlé chez lui la nommée d'Haene, qu'il accusait de leur avoir jeté un sort,


LES MISÉRICORDES DÉ BRUGE8 99


après lui avoir fait subir un long martyre pendant que l'épouse Bruyland étouffait les cris de la victime *.

Voici quelques détails sur cette cause extraordinaire, empruntés à l'acte d'accusation reposant au greffe du Palais de Justice de Gand :

Berlinde Bruyland était affectée depuis plusieurs mois d'un acci- dent à la cuisse, dont elle et ses parents ignoraient la cause, mais qui depuis a été reconnu par les médecins comme étant une tumeur causée par une affection rhumatismale.

Pierre Bruyland l'attribuait à un sort jeté sur sa fille et, frappé de cette idée, en avait parlé à diverses reprises au curé de son village.... Il paraît en outre résulter de la procédure que, vers la fin d'octobre, un ci-devant moine, signalé comme un escroc et un fourbe, se rendit à sa demande chez lui, au village d'Onkerzeele, et qu'il lui remit un remède, puis procéda à l'exorcisme de Berlinde pour la délivrer du prétendu maléfice.

11 est en outre établi au procès que Bruyland croyait à la puis- sance des sorcières, ajoutant à l'appui de sa croyance qu'une sor- cière avait été brûlée vive, par autorité de justice, en la commune d'Onkerzeele, il y a un siècle. — Sa femme et sa fille prouvèrent également, par leurs réponses, qu'elles partageaient le même préjugé.

Le 14 novembre 1815, entre sept et huit heures du matin, Bruyland se rendit à la maison de Jan d'Haene son voisin, et là, en présence de témoins, pria amicalement l'épouse d'Haene de venir voir sa femme, qu'il disait atteinte d'un flux de ventre. Quoique l'épouse d'Haene ne fût jamais venue chez les Bruyland, qu'elle ne connaissait que comme voisins, elle consentit, pour lui rendre service, à le suivre près de sa femme. Il la fit entrer la première, et ce fut avec la plus grande surprise que la femme d'Haene vit l'homme fermer la porte à clef, puis passer dans la cuisine, et, sans mot dire, y fermer les fenêtres. Dans cette place se trouvaient, outre sa femme et sa fille Berlinde, une servante et une autre de ses filles Anne.

Ces deux dernières reçurent l'ordre de se retirer dans une chambre voisine, où elles furent bientôt effrayées par les jurements et les imprécations que Bruyland adressait à la femme d'Haene, qui lui

1. Voir à ce sujet les alï'reux détails donnés dans l'acte d'accusation du procès criminel, qui eut lieu aux assises de Gand en 1816. Cette pièce est reproduite en entier dans le curieux livre de M. J.-B. Cannaert, ancien conseiller à la cour de Bruxelles (Olini. Procès des sorcières, p. 127 et suiv.).


100 LES MISERICORDES EN BELGIQUE

répondait : « Jésus Maria, vous savez bien que je ne sais rien dé- faire ». C'est là tout ce qu'elles prétendirent avoir compris. Puis, épouvantées des cris et du bruit qui augmentaient encore dans la cuisine, elles s'enfuirent au grenier et passèrent par une lucarne, d'où elles se laissèrent glisser, le long d'un petit toit de chaume, jusqu'à la rue.

D'après les déclarations de la femme d'Haene, confirmées par de nombreux témoins, il résulte qu'après avoir fermé les fenêtres de la cuisine, Bruyland annonça à la femme d'Haene, en jurant et en blasphémant, qu'il la regardait comme étant la sorcière qui avait jeté un sort sur sa fille Berlinde, et qu'elle devait le lui ôter à l'in- stant, sinon qu'elle allait être brûlée vive. Les supplications de la malheureuse, ses observations sur l'absurdité d'une pareille accusa- tion, ses vives instances pour être rendue à la liberté, ne purent rien contre la fureur de Bruyland, qui continuait à la menacer de mort si elle ne défaisait pas à V instant ce qu'elle avait fait! Enfin il se saisit d'un sabre avec lequel il lui porta quelques coups sur les bras, puis, l'ayant renversée, il lui lia les bras et lesjambes, aidé de Jeanne Spitaels, sa femme. Après avoir soulevé ses jupons, les époux Bruyland la saisirent et exposèrent à diverses reprises ses pieds et ses jambes à un feu qu'ils avaient allumé à cet effet. Pour 1 "empê- cher de crier, l'homme fermait sa bouche avec la main et lui appuyait les genoux sur la gorge.

Après ces premières tortures, la malheureuse victime les con- jura itérativement de se détromper et de lui faire grâce, mais ces barbares, persistant à exiger qu'elle défît tout ce quelle avait fait, allumèrent, aidés de leur fille Berlinde, un second feu, et lui tinrent de nouveau les pieds et les jambes exposés à la flamme jusqu'à ce qu'elle fût éteinte. Irrités par ses protestations d'innocence, ils recommencèrent une troisième fois à la torturer. Le feu fut encore rallumé par la femme Bruyland; puis cette furie, aidée de son mari, approcha la femme d'Haene des flammes avec un nouvel achar- nement, car cette fois une partie de ses cuisses fut grillée. A demi- morte de souffrance et de saisissement, elle reçut de nouveaux coups de sabre, qui lui furent portés cette fois par Berlinde, sur Tordre de son père, qui répétait sans cesse : La voilà, cette sorcière qui a causé tous vos maux!

Déjà la malheureuse avait passé près de deux heures au milieu


LES MISÉRICORDES DE BRUGES 1Q1


des tourments, sans défense comme sans espoir de secours, lorsqu'il lui vint à l'idée d'engager un de ses bourreaux à aller chercher chez elle son livre de prières, promettant qu'alors elle aurait supplié le Tout-Puissant pour qu'il lui accordât la guérison de leur fille Ber- linde. La malheureuse espérait que, si Ion se présentait chez son mari en faisant cette demande, celui-ci ou l'une de ses filles, se doutant de quelque chose, aurait accompagné la personne venue avec le message. Elle fut trompée dans son attente : la femme Bruyland eut l'audace d'aller demander le livre de prières, mais la mégère rentra seule. L'épouse d'Haene, se voyant trompée dans ses prévisions, imagina alors de demander le curé, soutenant que si elle était sorcière, cet ecclésiastique le reconnaîtrait infailliblement. Cette proposition fut acceptée et Bruyland se rendit chez le curé. Malheureusement celui-ci avait du monde et, sur l'invitation à visiter la femme de Bruyland indisposée, il demanda si elle l'était au point d'avoir besoin des sacrements ; ayant reçu une réponse né- gative, le curé le congédia en lui disant que sa présence n'était nulle- ment nécessaire.

Après le retour de Bruyland, et après de nouvelles tortures, la femme d'Haene fut enfin débarrassée de ses liens et mise à la porte accablée d'imprécations. La femme Bruyland jeta après elle dans la rue, ses sabots, ses chaussons et ses bas. L'infortunée martyre se traîna péniblement chez elle où elle mourut peu après.

Lorsque les coupables comparurent aux assises de Gand, le 13 mai 1816, ils n'étaient plus que deux, Berlinde étant morte pen- dant l'instruction. Bruyland fut condamné à la peine capitale et sa femme à une longue réclusion.

Le pourvoi en grâce fut rejeté, un fait de même nature s'étant produit, presque en même temps, dans une commune de l'arrondis- sement de Gourtrai.

Des attentats analogues, mais d'une nature moins grave, se sont encore passés en Belgique jusque dans ces dernières années.

Une image populaire rarissime (fig. 62), éditée à Turnhout au commencement du xix° siècle, nous montre combien à cette époque peu distante le peuple belge était encore superstitieux. Le « Duyvels Dans », la Danse du Démon, que nous reproduisons d'après un exem- plaire qui nous a été gracieusement communiqué par M. E. van Heurck, représente au centre Belzébuth, tenant d'une main le


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LES MISERICORDES EN BELGIQUE


serpent qui perdit Eve, et de l'autre le crochet destiné à agripper les âmes. Trente- cinq diablotins ont pris dans leur cercle infernal

DUYVELSDANS.


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Fig. 62 — La Danse du Démon (Fragment réduit d'une image populaire éditée à Turnhout vers 1810, d'après une estampe française plus ancienne).


ceux qui osent se livrer aux plaisirs condamnables de la danse, tandis qu'au dehors circule sagement la jeunesse pieuse 1 .

1. Une inscription flamande placée en tête de l'image, dont nous ne donnons que l'illustration, nous apprend que cette composition bizarre a été imaginée par Gonradus Clingius, de l'ordre de saint François, en 1530, et qu'elle fut approuvée par saint Charles Borromée. Nous y relèverons comme référence : Tournely, Les dix commandements, t. VI, fol. 318, édition de Paris. Il existe donc une estampe française inconnue qui servit de modèle à cette image.


CHAPITRE VII

LES SCULPTURES SATIRIQUES DE DAMAI E (XV° SIÈCLE)


Dans les sculptures de Damme, il faut voir une réaction contre la mode du roma- nesque et du chevaleresque, inspirée par les poésies venues de France. — Les négociants de Bruges et de Damme se moquent des fables méridionales. — Ils préfèrent la satire du Renard et les exploits de Thyl Uylcnspieghcl, le héros populaire flamand. — Caractère des sculptures de Damme. — Leur auteur et la date de leur exécution. — Wautier van Inghen. — Quelques mots sur le port de Damme pour comprendre le caractère satirique de ces sculptures. — L'ensable- ment du Zwyn. — Description des sculptures. — Sujets religieux et licencieux juxtaposés. — La satire des médecins et des mœurs des habitants de Damme caractérise la première semelle de poutre. — La deuxième représente le grand poète flamand van Maerlant, pris par le peuple pour l'image de Thyl Uylenspieghel, avec, dans la partie supérieure, la satire des débauchés qui fréquentent les étuves à femmes. — La troisième nous montre, au-dessus d'une image delà Madone, un per- sonnage à genoux inspectant l'orifice d'une truie (en flamand Zwyn). Signification de ce sujet burlesque. — Un mot sur la polychromie des sculptures en bois. Les semelles de poutres satiriques d'Audenarde. — Le lai de Virgile le magicien. — La femme incandescente allumant des cierges d'une façon extraordinaire. — Les sculptures satiriques de l'hôtel de ville de Courtrai. — Satires dirigées contre les femmes. — La sculpture du Musée de Bruges. — L'apothicaire appliquant, dès le xv e siècle, en pleine rue, le « remède » illustré par Molière. Sujets analogues en France. — La prise du clystère à l'époque de Louis XIV et de Louis XV.— Les gravures galantes françaises de la fin du xvm" siècle représentant le même sujet.— Quelques semelles de poutres curieuses de la région. — L'homme et la femme de West-Vleteren. — Les sculptures grotesques de l'Ecluse. — Le couple amoureux de Gand.

Dans les sculptures satiriques qui décorent les semelles de poutres de l'hôtel de ville de Damme, nous devons voir, peut-être, une réaction contre l'idéalisme romanesque et chevaleresque inspiré par les poésies courtoises venues de France, et dont nous avons trouvé des exemples jusque sur les miséricordes brugeoises des stalles du chœur de l'église Saint-Sauveur. Les négociants enrichis, mais un peu terre-à-terre, de Gand, de Bruges et de Damme, se moquaient volontiers « des jolies fables méridionales, de ces truffen


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


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van minne en van stride 1 ». La satire du Renard, mettant en scène le manant souple, hardi, gai, narguant sans pitié le loup, c'est-à-

4. Fierens Gevaert. Op. cit., p. 19.


LES SCULPTURES SATIRIQUES DE DAMME


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dire le seigneur puissant et brutal; les exploits d'Uylenspieghel. étalant sans vergogne ses appétits vulgaires et ses farces humoris-



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tiques, d'un caractère si véritablement flamand, étaient mieux faits pour leur plaire. C'est pourquoi, sortant un peu du cadre que nous


106 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

nous étions tracé, nous ne pouvons passer sous silence les sculp- tures des poutres de Damme, où nous voyons vivre et palpiter, d'une façon si intense, le caractère satirique et licencieux de nos ancêtres flamands, se juxtaposant à une religiosité indéniable 1 .

Les quelques bois sculptés que nous passerons ainsi en revue sont d'ailleurs l'œuvre de nos « faiseurs de miséricordes » ; chose précieuse, nous connaissons leur auteur, ainsi que la date de leur exécution. C'est Wautier van Inghen qui les sculpta en 146o, et les archives brugeoises, qui nous donnent ce renseignement, ajoutent que l'artiste reçut en payement de son travail sept escalins et six deniers de gros pour chacune des trois semelles de poutres.

Pour comprendre la portée satirique et politique des petites scènes représentées, il nous faut rappeler que le village de Damme. actuellement si désert et si mort, connut des années de splendeur. Il y a quatre siècles, c'était une ville prospère et un port de mei très important. Etabli sur le Zivyn, ou Jincfalla, bras de mer qui s'avançait dans les terres jusqu'à une demi-lieue de Bruges, son havre en eau profonde était connu déjà du temps des Vikings du Nord. Sa décadence, qui coïncida avec celle de Bruges, fut causée par l'éloignement progressif de la mer et l'ensablement du Zwyn, Commencé au xm e siècle, ce phénomène naturel s'accentua surtoul au xv e siècle, et cela malgré tous les efforts faits pour enrayer le mal. On creusa un nouveau et large canal de navigation nomme le Nouveau Zwyn. Ce travail considérable ne put suffire : le cana] s'ensablait de tous les côtés. On fit venir des ingénieurs illustres : Michel de Calo, en 1331, Jan Vlueghel de Delft, en 1351. Or employa des dragues gigantesques, on construisit de nouvelles digues. Les magistrats ne reculèrent devant aucun sacrifice, car h grandeur de Ja cité dépendait toute entière du bon entretien du canal du Zwyn. Or ce mot « Zwyn » signifiant en flamand porc ou truie, il y avait là un prétexte tout indiqué à des jeux de mots ou à des satires plus ou moins grivoises.

N'oublions pas d'ajouter que, d'après la légende, c'est à Damme que le héros populaire, Thyl Uylenspieghel, l'incarnation si com- plète de la drôlerie flamande, vint s'installer, après avoir voyagé,

1. Nous avons sous le titre de : Les sculptures satiriques de Damme, publié dan! la revue d'art de Saint-Pétersbourg : Starye Gody, une étude sur ces curieuse; sculptures dont nous reproduisons ici divers passages (Starye Gody,n° de juin 4908)


LES SCULPTURES SATIRIQUES DE BAUME KK


comme l'esprit même de la Flandre, dans les différentes provinces de la Germanie et de la France, où les disciples de Villon durent s'en souvenir dans leurs Franches Repues. On le dépeint : « Hâbleur et menteur, buvant rustrement et sans eau, mangeant à plaisir de gorge pour emplir son estomac creux, comme la botte de saint Benoît. Il est le vrai père de Panurge; mais il ne craint pas les coups, il les distribue avec la vaillance d'un frère Jean des Entom- meures. Il pille et larronne sans crainte des horions, et n'est content que quand il a mystifié un grand seigneur ou un moine à panse pleine 1 . » C'est le souvenir populaire de ce légendaire enfant de Damme que nous voyons revivre dans nombre de compositions de nos artistes drôles. C'est à son souvenir que l'on doit ces œuvres curieuses, où perce une observation facétieuse unie à un dédain complet de la morale et des lois.

Les trois compositions sculpturales exécutées par l'imagier Wau- tier van Inghen (PL II, fîg. 63, 64, 65) sont à peu près semblables dans leurs grandes lignes 2 . Dans le bas, une grande figure ou groupe dans le style sérieux; plus haut, un motif architectural consistant en une rangée de baies gothiques aveugles, qui s'entre- croisent et servent de base à deux niches où s'inscrivent des arca- tures en ogives trilobées, dont les redents se terminent par des fleurons. Chacune de ces niches contient un personnage debout tenant un phylactère, et enfin, couronnant le tout, un groupe profane d'un aspect ultra grivois.

Dans la première de ces semelles de poutres, le personnage le plus important représente évidemment le roi David. Il est assis, couronne en tête et jouant de la harpe, sur un banc de justice en maçon- nerie, entre deux montants ou pinacles ornés de fleurons. Les figures, debout dans leur niche, semblent appartenir à la classe des bourgeois ou des riches marchands, alors si nombreux dans ce port de mer 3 . Le petit sujet grotesque, ou plutôt satirique, qui les sur-

1. Fieretss-Gevaert. Psychologie d'une ville. Essai snr Bruges, p. 75. Paris, F. Alcan, 1901.

2. Les photographies nous ont été gracieusement fournies par M. Rousseau, sur la demande de M. van Overloop, conservateur en chef des musées royaux des arts décoratifs de Bruxelles.

3. C'est à tort, croyons-nous, qu'on a voulu reconnaître dans ces figures des per- sonnages sacrés. Aucun accessoire caractérisant les saints, les apôtres ou les pro- phètes, ne peut y être observé.


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


monte, n'a pu être déterminé jusqu'ici (fig-. 66). Nous croyons y voi


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une allusion aux tristes conséquences de la richesse, qui engendr la luxure et le vice. L'artiste semble avoir voulu nous montre


LES SCULPTURES SATIRIQUES DE DAMME


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quelques habitants de Damme qui, victimes de leurs passions, viennent, pleins d'appréhension, soumettre leurs « avaries » à un jovial docteur- spécialiste, peut-être Thyl Uylenspieghel lui-même, qui, déguisé en médecin pour la circonstance, agite en riant une



Fig. 09.— Un épisode du lai de « Virgile le magicien », cul-de-lampe détruit

se trouvant encore, au commencement du xix e siècle, sur une maison d'Audenardc

(Reconstitué d'après des documents du temps) (xvi e siècle).

énorme bourse qu'il compte remplir au détriment de ces peu sympa- thiques clients.

11 ne peut s'agir ici de la syphilis, mais bien d'une autre maladie vénérienne, peut-être l'orchite ? Car d'après Johan van Beverwyk (1594-1647), le mal de la syphilis n'aurait été introduit dans les Pays-Bas que tout à la lin du xv c siècle, alors que les Espagnols, avec une partie de leur flotte, se trouvaient devant Flessingue en 1496, et y restèrent assez longtemps pour propager cette maladie parmi


110 LES SCULPTURES EN BELGIQUE

les Frisons '. Gela paraît exact car Remacle Fuchs, mort en 1581 dans son ouvrage sur le mal espagnol, paru à Paris en Tanné 1541, confirme ce renseignement 2 . D'après G. Ogier (mort en \(\H9 l'auteur des Sept péchés capitaux « de Seven hooft-sonden », 1 mal aurait pris une grande extension au xvn c siècle.

Ce n'est que vers 1759 que nous voyons, dans les comptes de 1 ville de Gand, que des soins spéciaux furent donnés aux prisonnier atteints de la syphilis dans la prison ou maison de correction d Gand : « Gorrectiehuis der stad Gent ».

Au commencement du xix c siècle, l'étendue du mal dut être cou sidérable, car à cette date apparaissent les premiers règlement concernant la prostitution publique, sur lesquels sont encore cal quées les ordonnances actuelles.

Cette pièce, qui date du règne de Napoléon I er , est ainsi conçue

« Le Maire de la ville de Gand,

« Vu les rapports des commissaires de Police, d'où il résulte que l nombre de femmes publiques augmente considérablement dans cette vill et dans ses faubourgs, et que le débordement des mœurs devient nuisibl à la santé des habitants par les progrès de la maladie vénérienne;

Considérant qu'il convient d'opposer à la propagation de ce fléau le mesures les plus énergiques, etc.

« Arrête :

Article premier.

Toutes les femmes publiques et prostituées demeurant à Gand, seron tenues de se faire inscrire chez le commissaire de Police de leur quartie sur un registre tenu ad hoc et auquel il sera fait mention des nom, pré noms, âge, demeure et signalement de la femme inscrite

Article 5.

Toutes les femmes publiques ou prostituées domiciliées en cette ville e ses faubourgs, sont tenues de se faire visiter à leurs frais une fois tous lei dix jours, et tout individu tenant maison de débauche ne pourra recevoii chez lui aucune femme qui ne soit munie d'un certificat de santé.

1. Voir A. van Wekvere. De onlucht in het Onde Gent, tiré à part de Volkskunde p. 19, et Banga. Geschiedenis van de Geneeskunde en van hare beoefenaren, etc Leeuwarden, 1868, t. I, p. 119.

2. Broecrs. Essai sur l'histoire de la médecine belge avant le XIX' siècle. Gand Leroux, 1837. p. 33 et 277.


LES SCULPTURES SATIRIQUES LE DAMME Hl


Article 15.

Une femme publique attaquée d'une afiection vénérienne ou de toute autre maladie contagieuse... sera admise sur-le-champ à l'hôpital civil où elle sera traitée jusqu'à parfaite guérison....

Fait à la Mairie, le 20 juin 1809 *. »

La semelle suivante (fig. 64), la plus importante des trois, nous montre, comme figure principale, le plus ancien portrait connu du grand poète flamand du xm e siècle, Jacques van Maerlant, le plus célèbre des enfants de Damme. Déjà Sanderus, dans son livre : De scriptoribus Flandrise(\62b), dit, à propos de cette ancienne effigie : (( Scriba fuit Dammensis ubi ejus effigies artificiose sculpta, habitu philosophico, dextra calamum tenentis, ac librum apertum in pul- pito, in domo civica visitur ». C'est-à-dire : « il fut scribe (ou greffier) de Damme, où se voit à l'hôtel de ville son image sculptée avec art, en habit de philosophe (ou de rhétoricien), tenant de la main droite une plume, un livre ouvert sur son pupitre 2 ». Nous avons vu plus haut que cet homme de génie — qui le premier transporta en langue vulgaire (thioise) les poésies jusque-là écrites en latin, — osa stigmatiser avec autant de verve que de chaleur les turpi- tudes et les crimes des grands, tant laïques que religieux.

Chose curieuse, le souvenir persistant du légendaire Thyl Uylenspieghel causa le plus grand tort à la mémoire du grand poète flamand. On confondit d'abord les deux grands hommes, puis peu à peu, le nom seul de Thyl survécut. L'image de van Maerlant devint, pour le peuple, le portrait de celui dont les farces et les plai- santeries grivoises étaient encore dans toutes les bouches. Le mon- tant, orné de fleurons, de la cathèdre, fut pris de loin pour un hibou, et le bonnet rond du savant pour un miroir, reconstituant ainsi les armes parlantes d'Uylenspieghel, dont le nom doit être littéralement traduit par « Miroir du hibou ». Même la tombe de van Maerlant, dont la pierre tumulaire se trouvait « sous les cloches » de l'église de Damme (onder de klokken), eut à souffrir de cette confusion. Car l'autorité religieuse fit retourner la dalle, prise pour le tombeau de


1. Archives de Gand. Archives modernes, c. 5, f. 95.

2. C.-A. Serhuue. Letterkundige geschiedenis vun Vlaenderen, t. I. Gand, 1872, p. 424 et suiv. Voir aussi : Maquet! Histoire de la ville de Damme. Bruges, 1856, et Willems. Belgisch Muséum, t. II, p. 24.


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LES SCULPTURES E* BELGIQUE


Thyl, dont l'ombre narquoise continuait à distraire les fidèles jusqu et pendant les services divins 1 .

Les personnages qui se trouvent sculptés dans les deux niche



Fig. 70 bis. — L'administration d'un clystère en pleine rue (Musée archéologique de Bruges) (xv a siècle).

surmontant ce portrait, semblent représenter des hommes appar

4. Lors de recherches faites récemment, on n'a pu retrouver la tombe de Maer lant qui disparut si malheureusement.


LES SCULPTURES SATIRIQUES DE DA3IME


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tenant aux plus hautes classes de la société. L'un porte une cou- ronne comtale, l'autre semble être un patricien ou un magis- trat. Le petit sujet qui achève la poutre est plus reconnais- sais . Le sculpteur y a certai- nement représenté des amou- reux qui s'ébattent nus, dans une grande cuve en bois cer- clée, servant de baignoire. Une femme les assiste et s'apprête à les doucher à l'aide d'un seau, tandis qu'un indiscret, — peut-être Uylenspieghel, — portant la cape des fous, épie en riant cette scène curieuse, à moitié caché par une courtine.


Fi^. 71. — Une belle-mère? Tète satirique

(Semelle de poutre de West-Vlclcren,

Flandre occidentale) (xiv* siècle).

A remarquer le type du bourgeois libidineux, individualisé à sou- hait, qui semble un portrait et rappelle peut-être un personnage connu de Damme (fîg. 67).

On sait qu'au moyen âge, les bains ou étuves (« stove ») étaient considérés comme des lieux de plaisir mal famés, auxquels étaient assimilés les jeux de paume (« ca- etspelen ») et les tavernes ou bor- dels •(« tavernen ende bordelen ofte andere loketten »).



ig. 72. — Un gendre? (Tète satirique

sur une semelle de poutre de West-Vleteren (Eglise) (xiv e siècle).


Van Maerlant et les rhétoriciens de son école, en s'élevant contre

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114 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

les mœurs dépravées des prélats, des moines et des princes, parlent avec mépris de ceux d'entre eux qui s'amusent dans « les étuves e\ autres lieux de plaisir, où ils dansent, festoyent, jouent et font l'amour î » Nous avons vu que Van der Lore, un poète gantois de la fin du xiv e siècle, fait souhaiter ironiquement à son moine accom- pagné de sa béguine, de banqueter, de jouer et de courtiser dans les bains et les étuves :

Baden in de stoven,

Springhen, dansen, hoven,

Dobelen, goet verteren l .

La fréquentation de ces bains n'était pas sans danger. Dans se Chronique de Flandre-, Despars raconte qu'en 1379, en l'espace de dix mois, quatorze cents personnes furent cruellement blessées ou tuées dans des établissements analogues, à Gand et dans les environs.

La troisième poutre réunit de la façon la plus étrange un mélange, à première vue déconcertant, de sujets religieux et profanes. Dans k bas apparaît, en un joli groupe d'une naïveté charmante, la Madone entourée d'archanges musiciens. La Vierge se penche pleine de sollicitude vers l'Enfant divin qui sourit sur ses genoux. Elle esl assise sur un trône et porte sur ses cheveux dénoués la couronne céleste. Des anges volent autour d'eux, en chantant et en s'accom- pagnant, lun d'un luth, l'autre d'une viole.

Au-dessus de cette scène mystique, les deux personnages dans la niche semblent représenter, l'un un moine, l'autre un théolo- gien ou rhétoricien, dont le bonnet étrange rappelle singulièrement celui de van Maerlant, que nous avons vu sculpté sur la poutre pré- cédente. Le tout est terminé par un sujet grotesque, où nous voyons deux personnages, l'un à genoux, l'autre debout, inspecter avec sollicitude le canal d'une truie, qui, le groin levé, semble rire de leurs peines (fig. 68). La signification de cette satire a été ignorée jusqu'ici. Nous avons été le premier, croyons-nous, à en donner une explication, qui nous semble irréfutable.

Nous avons vu plus haut que la richesse, la vie même du port

1. B. Van der Lore. Achie persone ivenschen (Bourde du xiv e siècle).

2. Despars. Chronycke van Vlaendren, t. II, p. 497. Voir aussi : A. van Werveke. De Ontucht in het oude Ghent, et notre Genre satirique dans la peinture flamande, p. 180 et suivantes.


LES SCULPTURES SATIRIQUES DE DAM1E H5


de Damme, était attachée à la conservation et au bon état de lapasse ou « canal » du Zwyn, qui mettait Bruges en communication avec la mer. Cette inspection grotesque de l'orifice ou canal du porc, en flamand « zwyn », constituerait donc un avertissement, mettant en garde le magistrat et les échevins de Damme, leur rappelant dune façon satirique que le premier et le plus important de leurs devoirs était la surveillance constante et la bonne conservation du canal du porc ou du « Zwvn ».

D'après les rares savants qui se sont occupés de ces sculptures, l'ensemble des divers sujets représentés devrait constituer une glorification de van Maerlant, qui s'illustra en s'inspirant de la poésie et de la religion. Nous croyons, de plus, que l'on doit y voir une apothéose ironique et grotesque du porc, symbolisant à la fois le canal maritime qui faisait la richesse de Damme, et les péchés favoris des habitants de ce port de mer, dont les goûts fastueux et les mœurs galantes étaient généralement connus. L'artiste satirique semble avoir voulu donner, à côté d'exemples à suivre, d'autres destinés à faire réfléchir. D une part, la Religion personnifiée par la Madone et van Maerlant, dont les objurgations rimées retentissaient encore aux oreilles de tous; d'un autre coté, les aventures fâcheuses du roi David et les sujets grotesques ou grivois, démontrant clairement qu'au lieu d'imiter les mœurs du porc, les habitants de Damme feraient mieux de surveiller de près le canal du « Zwyn », son ensablement devant occasionner la perte du port de mer ainsi que la ruine de tous ses habitants. Ce qui arriva en effet peu après.

Si l'importance documentaire et satirique des curieuses semelles de poutres que nous venons de décrire nous les rend précieuses, leur valeur technique et artistique n'est pas moins grande. Consta- tons cependant que la taille largement indiquée des draperies, le travail trop apparent du ciseau et de la gouge, l'absence d'inscrip- tion sur les phylactères 1 , démontrent clairement que ces sculptures furent destinées, — comme c'était généralement le cas au moyen âge, — à être achevées par des dorures et de la polychromie. Les sculptures monochromes répugnaient à nos ancêtres, qui leur pré-

1. Le phylactère, ou banderole, était destiné à faire parler le personnage accom- pagné de cet accessoire. L'inscription aurait été très intéressante en cette circon- stance.


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LES MISERICORDES EN BELGIQUE


férèrent toujours celles dont un enluminage brillant complétait l'aspect décoratif et pittoresque. Or ce travail de polychromie et de dorures, dont on était alors prodigue, nécessitait l'application d'un apprêt à base de craie et de colle. Celui-ci permettait à l'artiste de



Fig. 73. — Un singe (Sujet grotesque provenant dune maison de l'Ecluse,

conservé au musée de cette ville) (xv e siècle).


perfectionner les sculptures ainsi traitées, de telle façon que même des bois à peine ébauchés, prenaient, grâce à cet apprêt, un modèle qui les rendait très supérieurs à ceux qui en étaient dépourvus. C'est ce qui fait que des ligures sculptées, privées de leurs anciennes enluminures, ressemblent parfois à d'informes magots, alors qu'avant leur nettoyage systématique elles constituaient de véritables œuvres d'art 1 .

Quoique dépourvues de leur apprêt, les sculptures de Damme, qui furent d'ailleurs faites pour être vues à une distance de sept à huit mètres, nous montrent une vie ainsi qu'une diversité de poses et d'allures qui leur méritent une place à part dans l'histoire de la


1. Joseph Destrée. Éludes sur la sculpture brabançonne au moyen âge, p. 407 (Annales de la Société d'archéologie de Bruxelles, octobre 1895).


LES SCULPTURES SATIRIQUES DE DAMME


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sculpture flamande. Dans les nombreux visages, individualisés comme des portraits, on reconnaît les divers caractères des person- nages représentés. Par leurs expressions si bien observées, ils font songer déjà à Pierre Breughel le Vieux, et cela près de cent ans avant l'époque de l'activité artistique de ce dernier.

A noter le réalisme saisissant de la figure de van Maerlant dans le bas, et, plus haut, les physionomies des personnages debout tenant des phylactères : le visage pétillant de malice de l'ergoteur imberbe, qui semble duper son compagnon placide et barbu sur la première poutre ; le gros homme à double menton, à la panse pleine de bière,



Fi- 74 - Sujet grotesque (Sculpture provenant d'une maison de l'Ecluse. Musée archéologique de cette ville) (xv e siècle).


qui grincheux, se carre sur la seconde, et le visage impressionnant du moine illuminé qui, les yeux levés vers le ciel, se trouve sur la

troisième.

Bien d'autres semelles de poutres sculptées présentant le même caractère symbolique, satirique ou licencieux, ont disparu. Dans le Messager des sciences, de Gand', nous pouvons lire la description détaillée de très curieuses sculptures dans ce genre, qui se trouvaient encore, au commencement du xix° siècle, à Audenarde, rue Basse. Elles étaient disposées sur la façade dune demeure patnc.enne

1. A ™, Lo.br™. La cheminée de l'hôtel de ville de Courtrai (Messager des sciences, etc., 1848, p. 511).


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


construite au xvi° siècle, qui fut successivement habitée par les familles Latour et Taxis, van den Broucke de Diestveld et van der Meere. Sur l'un des corbeaux ou culs-de-lampe sur lesquels retom- baient les arcades d'une galerie en style gothique, on voyait : 1° une scène d'amour : un jeune homme courtisant une demoiselle à sa



Fig. 75. — Un centaure réaliste.

Sujet grotesque provenant d'une maison de l'Ecluse

(Musée archéologique de cette ville) (xiv e siècle).


fenêtre ; 2° un homme suspendu dans un panier et servant de risée aux passants 1 ; 3° un gentilhomme dans un bois consultant un sorcier 2 et enfin une femme à quatre pattes, montrant sans vergogne ses charmes secrets aux passants qui, tour à tour, venaient allumer leur flambeau à ce centre incandescent (Fig. 69). Pour montrer que le feu n'était pas transmissible de cierge à cierge, on voyait les pèlerins disposés sur un rang comme à « l'offrande », et Ton remarque que les flambeaux éteints avant d'être arrivés près de la brûlante demoiselle brillent et se consument après l'étrange attou- chement. Cette scène burlesque et les précédentes constituaient des illustrations du roman de Virgile le Magicien, alors très à la


4. On sait que Virgile, le fameux sorcier, après avoir trompé la fille de l'empereur de Rome, est à son tour trompé par elle et suspendu dans un panier à sa fenêtre pour servir de risée au peuple romain.

2. Encore un épisode de la même légende.


LES SCULPTURES SATIRIQUES DE DAM ME


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mode en Flandre. Houwaert, de Bruxelles, décrit dans son poème ces divers épisodes, notamment celui du panier :

Merct Virgilium, hoe hy met groote schande Door te bedroch van vrouwen hinck in de mande 1 .

(Voyez comme Virgile, grandement humilié, Par tromperie de femme, pend dans un panier.)

Dans la salle où se trouve la superbe cheminée de Gourtrai, datant également du XVI e siècle, nous voyons encore des semelles de poutres sculptées se rapportant au même roman. On y voit aussi d'autres traits de la duplicité féminine, notamment la folle



Fig. 76. — Un nageur. Sujet grotesque provenant d'une maison de l'Ecluse (Musée archéologique de cette ville) (xv e siècle).


maîtresse d'Alexandre chevauchant le précepteur de son amant, ainsi qu'une Eve aidant le démon à entraîner Adam à sa perte. Des culs-de-lampe en pierre, qui supportent les poutres du même hôtel de ville, présentent également un caractère satirique et prennent à partie les défauts féminins. Une femme avec un chat symbolise la fausseté, tandis qu'une autre, la bouche cadenassée,


1. Houwaert. Handel der Amoureusheyt, livre II, scène I. On connaît des édi- tions flamandes fort anciennes de cette légende très populaire dans les Pays-Bas.


120


LES MISERICORDES EN BELGIQUE


montre la seule façon dont les hommes puissent s'y prendre pour réduire au silence leurs compagnes.

Une très curieuse sculpture polychromée du xv e siècle, conservée au musée archéologique de Bruges, nous offre également un curieux exemple du travail de nos huchiers à cette époque, et appartenant au



i y


Fig\ 77. — Un couple amoureux. Semelle de poutre du xm e siècle (Musée d'archéologie de Gand).


genre profane, que l'on qualifierait peut-être actuellement de licen- cieux. On n'en connaît pas l'origine ; est-ce une semelle de poutre ou bien, comme on Fa cataloguée, une enseigne de pharmacien?


LES SCULPTURES SATIRIQUES DE DAMME


21


Quoi qu'il en soit, l'œuvre est des plus intéressante. Comme on peut le voir, nous assistons, dès le xv* siècle, à la prise du fameux « remède » que Molière introduisit le premier comme élément comique au théâtre. La scène se passe k la fois dans la rue, où se tient le médecin et son assistant, et à l'intérieur d'une maison d'où par une fenêtre ouverte, la malade présente la partie intéressée à l'apothicaire porteur du clystère (voir pi. I, fig. 70, et fig. 70 bis). La sculpture brugeoise nous prouve, tout d'abord, que c'est k tort que l'on assigne l'époque de l'invention du clystère, k l'aide



Fig.


78. — Une tête énigmatique (Cul-de-lampe conservé au musée d'archéologie de Courtrai).


d'une seringue, au xvn c siècle 1 . La façon presque publique dont il est administré ne doit pas trop nous étonner, lorsque Ton songe que,


1. Le D r Lucien Nas, dans son amusante étude : Clystériana, dit à tort que « l'instrument de Molière date du dix-septième siècle ». Sous la Renaissance, on employait déjà un procédé singulier dont la recette nous a été transmise par un recueil de la Bibliothèque nationale, Ms. français 640 (Le Correspondant médical, Paris, 31 mars 1908) :

« On vouloit donner les clistères avec manche ou poche de cuir qui pour le mieux doit estre de peau de chat, qui est plus mouffle que nulle autre. Et lors on commençoit à replier le manche par un bout, et on continuoit de le replier et entortiller en soy-mesme, et, en ceste sorte, le clistère couloit doucement. Mais cette façon est plus longue et moins commode, avec laquelle un homme seul donne aisément le clistère. Il est vrai qu'elle foist toujours du vent à la fin. »


122 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

même en France, à la cour de Louis XIY, et pendant tout le xvm p siècle, « le remède » était pris sans la moindre pudeur. Les mémoires et les lettres du temps fourmillent d'exemples de ce genre. Nous y voyons notamment que les rois et les grands seigneurs ne se gênaient nullement pour recevoir des visites ou donner des audiences officielles alors qu'ils se trouvaient sur leur « chaise percée », et que les grandes dames, de leur côté, n'éprou- vaient aucun scrupule à se faire donner, en plein salon ou dans les antichambres de Versailles, en se masquant simplement derrière un paravent ou un fauteuil, les clystères que leur administraient leurs femmes de chambre ou bien leurs apothicaires.

La « prise du remède », découvrant des nudités affriolantes, devait tenter les maîtres de l'école de Fragonard et de Watteau. On connaît, au moins par la gravure : la Chambrière instruite, de Saint- Aubin ; la Servante officieuse, de Schall; le Curieux, de Beaudouin ; le Remède 1 , de Jeaurat, et même le Contretemps, de Lawrence, tous sujets où l'on voit fonctionner, avec ou sans spectateurs, le fameux instrument de Molière.

D'après une note extraite du Bulletin des Musées-, il existe dans une maison du xv° siècle, à Montferrand, faubourg de Clermont- Ferrand, aux deux extrémités supérieures de cette construction, connue sous le nom de « maison de l'apothicaire », une scène à peu près analogue à celle décrite plus haut et conservée à Bruges. « A gauche une femme, les jupes retroussées, dans la position d'attente; à l'extrémité de droite l'apothicaire, son arme à la main. » Ces sculptures sont également en bois sculpté et peint 3 .

Nous verrons plus loin que, parmi les miséricordes sculptées du chœur de l'église Saints-Gervais et Protais, à Paris, se trouve un sujet analogue. La femme est disposée, presque nue, sur un lit,

1. Sur la gravure représentant le Remède, de Jeaurat, on peut lire les vers sui- vants :

Tous les anodins de la terre Ne calmeront jamais vos feux ; Foin des leçons de votre mère : Mariez-vous, cela vaut mieux.

2. Une Enseigne d'Apothicaire (Musée archéologique de Bruges) (Bulletin des Musées, t. II, 2 e année, n° 17; 25 juin 1891). Paris, librairie Léopold Cerf, 13, rue de Médicis.

3. D'après l'auteur de l'article ci-dessus, dont j'ignore le nom, « cette sculpture est reproduite dans un dessin inédit qui appartient à la Bibliothèque des monu ments historiques, à la direction des Beaux-Arts. »


UM B0M.MORES SATIRIQUES DE DAMME


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tandis que l'apothicaire à genoux tient son instrument braqué prêt à fonctionner. Cette sculpture est reproduite (%. 78) dans l'ouvrage du D r G.-J. Witkowski 1 .

Citons encore, parmi les semelles de poutres les plus curieuses de la régmn flamande, les têtes drolatiques du xiv» siècle qui se trouvent à l'église de West-Vleteren (Flandre occidentale) et dont nous donnons ici un échantillon (fig. 71 et 72). Comme on le voit le



Fig. 79. — Un fou attachant un grelot à son chat (Cul-de-lampe au Musée du Broel, à Courtrai) (xv e siècle).


visage de femme grotesque portant un bonnet, ou serre-tête, semble faire le simulacre d'un baiser, tandis que l'homme fait une moue dégoûtée des plus amusantes.

A l'Ecluse, non loin de Damme, dans une maison du xv e siècle (Wyk Z n° 126) habitée par M. de Rvcke, se trouvaient des clefs de poutres drolatiques où des figures entières étaient sculptées. Elles sont actuellement au musée archéologique de l'Ecluse et repré- sentent: un singe dont nous connaissons la signification symbolique, accroché à deux anneaux (fig. 73) ; un homme (un malfaiteur?)

1. D r G.-J. Witkowski. L'art profane h l'Eglise, etc. Paris, Jean Schemit, libraire, 52, rue Lafiitte, 1908, p. 74.


124 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

accroupi, à bec de lièvre (fig. 74) ; un centaure réaliste (fîg. 75), et, plus amusante, l'image d'un nageur nu(fig. 76), que nous voyons s'ébattre dans l'eau, d'où seules émergent la tête (tonsurée?), les mains, les pieds et... les rotondités les plus charnues du bas de ses reins 1 .

Une semelle de poutre, conservée au Musée lapidaire de Gand (fîg. 77), où nous voyons un couple amoureux dans les vignes, dont les têtes seules émergent, et provenant de la demeure patricienne de l'« Achter Sikkel» (Arrière Faucille), à Gand, datant du xm e siècle, mérite également d'être signalée à cause de son ancienneté et la beauté de son exécution. Une seconde semelle de poutre, de la même époque et du même genre (même provenance), est également conservée au Musée lapidaire.

Citons encore dans la West-Flandre, au Musée du Broel, à Gour- trai ? une sculpture énigmatique représentant une tête de jeune femme à longues cornes (fîg. 78) et un groupe composé d'un fou et d'un chat y auquel il attache un grelot (lig. 79). Dans cette dernière œuvre on doit reconnaître l'illustration d'un proverbe populaire fla- mand : « Hy hangt de kat de bel aan » (11 attache un grelot à sor chat), sujet que nous retrouvons sur le tableau des proverbes fla- mands peint par P. Breughel, ainsi que sur de nombreuses miséri- cordes sculptées par des Flamands à l'étranger.

1. Actuellement au Musée de l'Ecluse. Les quatre dessins nous ont été gracieu- sement fournis par M. A. Heins, conservateur du Musée d'art décoratif, à Gand.


CHAPITRE VIII

LES MISÉRICORDES DE DIEST (xv c SIÈCLE)


Les stalles de Diest (Saint-Sulpice) appartiennent à la lin du xv siècle. — Leurs miséricordes sont les plus belles de la Belgique. — Elles portent le millésime de 1491 et sont très probablement sculptées par Jean Borremans, de Bruxelles. — Ces sculptures profanes présentent le plus grand intérêt.— Le voleur de pommes.— Souvenir d'Uylenspieghel. — Le fou avec son chat. — Sujet similaire à Courtrai.

— Les animaux maltraités étaient un objet d'amusement chez le peuple. — Exemples tirés des archives. — Le « Kattcn Smijten », à Ypres. — L'orgue com- posé de matous. Danses d'animaux maintenus sur une plaque chauffée lors de la joyeuse entrée de Philippe II à Bruxelles. — Le hrouetteur de chiens. — Satire des Juifs qui ne mangent pas de porc, mais se nourrissent de chiens. — Le dragon, le mendiant infirme et loqueteux, que nous voyons si souvent dans l'œuvre peinte de Jérôme Bosch et P. Breughel, très rare en sculpture. — Le Pélican, la Sirène, le guerrier marin. — Le danseur tombé. — Les « lochte Gentenaers », à Gand. — Le singe et le fou. — La courtisane et la prostitution [au xv* siècle, en Belgique. — Les fêtes religieuses prétextes à des saturnales indescriptibles. — Le pèlerinage d'Hauthem-Saint-Liévin défendu. — L'homme devant le four, la bouche ouverte.

— Fréquence de ce sujet parmi les miséricordes belges et étrangères. — Autres sujets : le Démon, la satire burlesque des horlogers et de leur « soufflet ». — ïéte de vieille, le Juif-Errant, la satire des Usuriers juifs. — Satires de la soif de l'or et de l'argent. — Van Maerlant et les trouvères français. — Similitude entre les sculptures extérieures de l'église Saint-Sulpice, à Diest, et celles qui décorent la cathédrale Saint-Jean, à Bois-le-Duc. L'art de Jérôme Bosch se retrouve en Belgique en sculpture, avant de se développer en Hollande.

Les miséricordes de l'église Saint-Sulpice, à Diest, appartiennent comme l'édifice lui-même à la fin du xv° siècle. Elles sont absolument remarquables, et les plus belles de la Belgique. Elles dépassent même en beauté les miséricordes bien plus célèbres de Rouen et d'autres églises françaises.

Il y a tout lieu de croire qu'elles furent l'œuvre de Jean Borremans, sculpteur bruxellois, à qui l'on doit l'exécution d'un Christ mis en croix, placé au-dessus du jubé à l'entrée du chœur, vers 1489. Les stalles, qui remplacèrent celles qui s'y trouvaient antérieurement, furent commandées après que deux personnes choisies parle chapitre,


126 I-ES .MISÉRICORDES EN BELGIQUE

savoir le chantre et le chanoine Swablarts, eurent été examiner les œuvres similaires déjà faites à Louvain, à Malines et à Hérenthals. Elles furent terminées et placées en 1493, mais portent le millésime de 1491, époque de leur exécution.

Il ne reste malheureusement plus de cette œuvre, éminemment artistique, qu'une seule rangée de sièges disposés des deux côtés du chœur. La partie supérieure, c'est-à-dire les hauts dossiers, qui a disparu, était ornée de scènes tirées de la Bible et d'épisodes emprun- tés à la vie des saints.

Les stalles qui ont été conservées sont au nombre de vingt-quatre, douze à droite, douze à gauche.

Ces miséricordes, qui présentent le plus grand intérêt folklorique, méritent d'être décrites toutes en détail. Car on y rencontre, à une époque où l'œuvre peint de Jérôme Bosch n'existait pas encore, toutes les qualités de réalisme, d'esprit et d'observation amusante qui distinguent l'art du fondateur reconnu du genre satirique dans la peinture flamande.

Nous voyons successivement, en commençant par la droite : un voleur de pommes (fig. 80) qui, tout en fuyant à grandes enjambées, déguste en riant les fruits de son larcin. On sait que chez nos ancêtres, tout comme chez les Spartiates, le vol ingénieux était applaudi. Le héros flamand, Thyl Uylenspieghel, dont les farces et les plaisan- teries légendaires sont restées populaires en Belgique, pratiquait le vol et n'en était pas moins aimé pour cela. On sait que, venu à Damme, près de Bruges, où l'on trouve encore vivant le souvenir de ses exploits, il y resta par amour de la liberté, des beuveries et des fastueuses ripailles. Il était, comme nous le décrit si bien M. Fierens-Gevaert 1 , hâbleur, menteur, il buvait rustrement et sans eau, mangeant à plaisir, pillant et larronnant sans crainte des horions, et n'étant content que quand il avait mystifié un grand seigneur ou quelque moine à panse pleine.

C'est bien l'âme du héros légendaire flamand, qui continue à vivre dans les sujets amusants de cette époque. On sent que l'imagier de Diest pense aux tours pendables d'Uylenspieghel, lorsqu'il le représente ainsi croquant gaîment des pommes volées, dont il porta un panier plein à « Nelle », sa plantureuse compagne.

1. Fierens Gkvaeht. Psychologie d'une ville. Essai sur Bruges. Paris, 11)01, p. 74-7o. Voir aussi notre Genre satirique, etc., p. 131.


LES MISÉRICORDES DE D1EST JO?


Rappelons ici que la plupart des espiègleries du joyeux enfant de Damme, que nos ancêtres admiraient et applaudissaient, le condui- raient aujourd'hui devant le tribunal correctionnel et lui vaudraient de longs mois de prison. Les façons dont il s'y prit pour donner du pain à sa mère : « Hoe Ulenspieghel brood creech voor syn moeder 1 », ou extorquer du vin à un cabaretier de Lubeck : « Hoe Ulenspieghel te Lubeke de wyntapper bedroech », constituent bel et bien des vols à l'américaine. Les festins pris à l'hôtellerie sans payer son écot; ses aventures chez ses maîtres lorsqu'il voulut apprendre les métiers de boulanger, de tailleur, de maréchal-ferrant, de cuisinier ou de cordonnier, seraient considérées maintenant, non pas comme d'aimables plaisanteries, mais bien comme des abus de confiance et des larcins domestiques parfaitement caractérisés, dont il aurait à répondre devant la justice de son pays.

La miséricorde suivante (fig. 81) représente un joyeux fou ou bouffon tenant par la queue un matou. Ce sujet nous rappelle que nos ancêtres ne traitaient pas avec douceur les animaux, dont les souffrances ainsi que les cris désespérés étaient souvent considérés par eux comme un élément de plaisir pour la multitude. Nous avons vu que, pendant le carnaval, qui durait plusieurs mois au moyen âge, un des amusements favoris consistait à jeter des chats, morts ou vivants, sur les passants ou dans les demeures des habitants de la ville. Les archives de Gand ont conservé les textes de maintes ordonnances réglementant la nature des objets que l'on pouvait employer comme projectiles. En 1526 notamment, une réso- lution des échevins gantois défend de jeter, comme on le faisait avant cette date : des chats et autres animaux vivants ou crevés, des charognes, des torchons souillés, de la boue, et en général aucune ordure : « ... het werpen van doode catten of andere prijen, vuyle dweyle, ofte eenighe andere vuylighheden ».

A Ypres, tous les ans, on jetait du haut de la tour des Halles, des chats enrubannés ; et les gens des environs venaient en grand nombre assister à cette cérémonie cruelle, qu'on considérait alors comme très comique. Les chats ainsi sacrifiés étaient choisis parmi les félins devenus trop nombreux dans les halles, où ils protégeaient les marchandises contre les entreprises des rats et des souris. La fête

i. Comment Uylenspieghel se procura du pain pour sa mère.


128


LES MISERICORDES EN BELGIQUE


du « catten smyten », ou du jet des chats, se conserva jusqu'au commencement du xix c siècle. On sait aussi, d'après le chroniqueur Jean Ghristobal Galvete d'Estrella, que, lors de la joyeuse entrée de Philippe II à Bruxelles, en 1547, le plus applaudi des chars renfer- mait un orgue comprenant une vingtaine de tuyaux, dans chacun desquels on avait enfermé un matou vivant. Les queues, qui sortaient



80. — Une pomme pour la soif, proverbe flamand (Miséricorde de Diest) (xv e siècle, fin).

par la partie inférieure, étaient reliées aux touches de l'orgue et se trouvaient violemment tirées quand on frappait la note corres- pondante, produisant ainsi chaque fois un miaulement lamentable. L'auteur ajoute que les chats étaient rangés de façon à produire la succession de la gamme chromatique, et qu'au son de cette musique infernale, dansaient des singes, des loups, des cerfs et d'autres animaux déguisés, dont on obtenait les trémoussements et les cabrioles les plus drôles en les maintenant sur une plaque de fer bien chauffée.

C'est encore une facétie, empruntée à quelque « bourde » alors à


les Miséricordes dé diest


i29


la mode, que l'on retrouve dans la troisième sculpture. On y voit un imbécile, peut-être un fou (il porte la capuce), brouetter gravement un chien (fig. 82). L'homme est couvert d'un très court manteau complète par un capuchon rejeté en arrière. Le bas du vêtement est termine par de grosses perles ou bien par des grelots. L'action de



Un fou avec son chat (Miséricorde de Diest) (xv e siècle).


l'homme brouettant un quadrupède beaucoup plus rapide à la course que lui (nous en avons vu d'autres exemples), constituait une anti- thèse de nature à faire rire les spectateurs. Elle nous est précieuse, car elle nous fait connaître un costume de bouffon que nous n'avions pas rencontré jusqu'ici.

A rapprocher du proverbe flamand : « Een kruiwagen hebben » (avoir une brouette), c'est à dire avoir un protecteur. En anglais on


i30 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

dit avoir a coach, lorsqu'un répétiteur aide un étudiant lors de ses examens.

Le sujet représenté sur la quatrième miséricorde nous semble moins explicable. On y voit un homme, au long nez, mettre unchien dans une marmite dont il tient le couvercle (fîg. 83). Peut-être faut-il voir ici une satire dirigée contre les Juifs, qui refusent de manger du porc, considéré comme impur par eux mais dont les Flamands faisaient une si grande consommation, et se trouvent heureux de cuire une charogne de chien, lorsqu'ils en ont l'occasion. Au moyen âge, et surtout depuis les croisades, le peuple « déicide » était consi- déré comme le souffre- douleur de toute la chrétienté. C'était le Juif qui était la cause de tous les malheurs. On lui attribuait les guerres, les maladies, la lèpre et la peste. C'était lui qui empoisonnait les fontaines et immolait les petits enfants. Et ces délits imaginaires, comme l'usure qu'il pratiquait réellement, étaient punis sévère- ment. Car cela fournissait l'occasion de le dépouiller de ses richesses, tout en faisant œuvre pie en se vengeant sur les pires ennemis de Dieu. Nous verrons encore bien souvent les tailleurs de miséricordes exercer leur verve satirique sur les Juifs avares dont .ils jalousaient la fortune * .

Le dragon volant, qui soutient la planchette de la miséricorde suivante, constitue un rappel de nos sujets fantastiques les plus primitifs. Il nous montre que la crainte de la bête, où l'on voyait le symbole de l'enfer, était toujours présente à l'esprit de tous et que le joyeux imagier de Diest en était lui-même hanté.

Le personnage sculpté sur le siège suivant est plus intéressant, car il nous offre la reproduction rare d'un mendiant loqueteux et infirme sur une miséricorde de stalle (fig. 84). Le misérable amputé se traîne difficilement sur deux béquilles, ayant sur son dos une boîte contenant quelque onguent mystérieux ou bien de la mort aux rats. Malgré ses infirmités, l'expression de son visage est souriante, et il semble riposter d'une façon ironique aux mauvais plaisants d'alors, qui trouvaient tout naturel de rire des misères humaines. A cette époque où le moyen âge finissait, le paupérisme était une plaie vive, qui hanta toutes les classes de la société, y compris les ima-

1. Peut-être est-ce l'illustration d'un proverbe flamand : « den hond in de pot vinden » (trouver le chien dans le pot), c'est-à-dire arriver trop tard au repas, alors que le chien a léché la marmite et qu'il ne reste plus rien.


Î.ËS MISÉRICORDES Dti DlESt J3l


giers. Elle devait cependant apparaître bien plus poignante dans les œuvres de Jérôme Bosch et surtout dans celles de Breughel le Vieux. Les chroniqueurs du temps font une peinture afFreuse du triste état où se trouvaient alors certaines de nos provinces. « La misère était générale; elle engendrait de hideuses maladies qui frap- pèrent les riches après avoir frappé les pauvres. Le besoin poussait les hommes au vol et au crime, les femmes à la prostitution, tandis que l'enfance croupissait dans le vice, menaçant ainsi la société des plus effroyables révolutions 1 . » L'édit de Charles-Quint, du 7 octobre 1531, essaya de réglementer la mendicité. Il visait non seulement les vagabonds, mais aussi les ordres mendiants, les pri- sonniers, ainsi que les lépreux, qui portaient par ordre un costume spécial et des cliquettes : « aient les dict ladres en la manière accoutumée, leurs chapeaux, gants, manteaux et inseignes ». — On remarquera que le béquillard de Diest porte déjà un insigne sur son bonnet. — La lèpre, qui avait fait tant de ravages en Europe, n'avait pas encore complètement disparu, et les lépreux, reconnais- sablés à leur costume, recevaient une autorisation de mendier. Malgré la répulsion qu'ils inspiraient, la misère était si grande que beaucoup de malheureux, pour jouir des immunités qui leur étaient attribuées, usurpaient leurs habits. Il fallut en 1547, une ordon- nance pour défendre le port non autorisé de leur costume. Mais le besoin de rire était si intense dans notre population, que les nom- breux mendiants qui importunaient les passants par leurs plaintes et l'étalage de plaies et d'ulcères souvent simulés, étaient considérés comme un élément de joie lors des pèlerinages et des kermesses où ils se réunissaient en grand nombre. Leurs batailles burlesques, lorsqu'ils se disputaient les aumônes jetées à la volée, faisaient rire les plus moroses 2 . Nous avons démontré ailleurs, d'après des documents graphiques anciens, que les infirmités humaines furent considérées comme comiques, depuis les époques les plus reculées jusqu'à la fin du moyen âge 3 .

1. A. Henné. Histoire du règne de Charles-Quint en Belgique, t. V, p. 1 ( J7.

2. Voir notamment les batailles burlesques de béquillards, de culs-de-jatte et d'éclopés de toutes sortes, qui se gouraient à coups de béquilles, dans la compo- sition de Jérôme Bosch : sailli Martin, patron des mendiants, partageant son man- teau (fig. 191, p. 230 de notre volume : le Genre satirique dans la peinture flamande. 2 e édition).

3. Op. cit., p. 33 et suivantes.


132 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

A côté de cette personnification du paupérisme, la stalle suivante nous offre le symbole bien connu de la Charité. Peut-être, en plaçant ici l'image du Pélican, l'imagier, comme le fit après lui BreugheL le Vieux dans sa série des Vertus théologales, a-t-il voulu montrer qu'il faut secourir les malheureux.

Après le Pélican, vient la Sirène dont nous avons vu plus haut



(Miséricorde de Diest) (xv e siècle).

la signification légendaire. Elle est représentée comme d'habitude le peigne et le miroir à la main, rappelant aux fidèles qu'ils ne peuvent se laisser séduire par les charmes perfides de la femme.

Le guerrier marin suit la sirène comme c'était généralement le cas. Cette figure symbolique montrait que l'homme vivant dans le péché se dégrade au rang de la brute. Le monstre marin est repré- senté tel que nous l'avons vu sur les stalles de Louvain, mais avec plus de fini dans les détails.

Le genre satirique ou grotesque reparaît sur la miséricorde suivante, constituée par un homme dans une pose étrange. Il est


LES MISÉRICORDES DE DIEST


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sur le dos, tenant levé dans ses mains un de ses pieds. Nous croyons que cette sculpture se rattache à quelque petit fait local, proba- blement à quelque danseur amateur qui est tombé, de cette façon devant le public invité à admirer son talent chorégraphique Le visage de l'homme, qui est chauve et fort bien individualisé, semble d ailleurs être un portrait.

Rappelons à cette occasion, que les danses d'amateurs se donnant en spectacle, à l'occasion des fêles et des kermesses, sont encore



Fig. 83. — Trouver le chien au pot, proverbe flamand (Miséricorde de Diest) (xv e siècle).


en honneur, notamment à Gand. Les « Gantois légers » (de Lochte Gentenaers) constituent une société d'artisans, dans le genre de celles fondées par nos anciens métiers ou confréries. Le labeur du jour terminé, ils se réunissent pour se perfectionner dans l'art de Terpsichore, et s'évertuent à inventer quelque nouveau ballet, sérieux ou grotesque. Ces danses, exécutées entre hommes bizar- rement accoutrés, constituent une des curiosités les plus amusantes des kermesses gantoises. On voit tous les ans ces danseurs se pro-


134 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

duire en public, sur des tréteaux, avec le plus grand sérieux. De père en fils, ils continuent les traditions, considérant leur art comme un sacerdoce, qui n'est d'ailleurs pas sans danger, car, la fête com- munale de Gand ayant lieu pendant les chaleurs de juillet, ils se démènent et s'échauffent de si grand cœur, que beaucoup payent leur triomphe par une pleurésie ou une phtisie 1 .

Plus loin, un singe échappé, ayant encore la corde au cou, semble se rire de la vaine poursuite dont il est l'objet. Cette sculpture se rapporte également, croyons-nous, à un de ces faits-divers locaux que l'artiste trouvait digne d'être commémoré sur les miséricordes de la ville natale. Peut-être aussi a-t-il voulu, par la même occa- sion, rappeler le démon ou le péché, car le singe en iconographie représente l'homme complètement dégénéré et mûr pour l'enfer, où il pourra exercer sa malice en tourmentant les autres damnés.

Rappelons, en outre, que les proverbes flamands qui mettent en action des singes, sont nombreux. « Hy heeft den aap binnen » (Il a rentré le singe), le singe signifiant ici un trésor : « Hy heeft den aap al weg », ce qui équivaut à dire, d'après le D r A. -F. Stoett : il a le butin sous son bras. Le mot singe devient ainsi le synonyme de tire-lire ou d'argent épargné 2 . En français, le mot magot, qui désigne une espèce de singe, signifie également économies ou argent caché.

La série de droite est terminée par un Fou à genoux devant sa marotte (fig. 85).

Au moyen âge, et même après la Renaissance, on croyait que la folie provenait d'une pierre apparente ou occulte, qui se trouvait sur la tête ou dans le cerveau du malade. Déjà Jérôme Bosch, dans un petit tableau conservé au musée de Prado, à Madrid, a figuré l'opération du caillou de folie. Le petit opérateur travaille en plein air et en public, assisté par deux comparses : un gros moine et une femme qui assistent le patient, non sans recourir au contenu réconfortant d'une bouteille qu'ils tiennent à la main. Sur le cadre de la peinture se trouve une ancienne inscription flamande enga- geant l'opérateur à ne pas faire languir le patient dans le « snyden van den key » ou dans l'ablation simulée du caillou (déjà cach

1. Des jaloux, profitant de la saison des cerises, jonchent parfois le plancher de leur théâtre improvisé de noyaux, riant de leurs grimaces quand, dans leurs entre- chats les plus gracieux, ils retombent sur un malencontreux noyau qui cause de grandes douleurs à leurs pieds légèrement chaussés.

2. D r A.-F. Stoett. Op cit., p. 10.


LES MISÉRICORDES DE DIEST I35


dans la main du chirurgien et dont la vue soulagera le malade ima- ginaire) l .

Sur une des plus curieuses et des plus importantes compositions de Pierre Breughei le Vieux, intitulée la sorcière de Malleghem, nous voyons pratiquer la même extraction, mais sur une plus grande échelle. Car c'est en foule qu'arrivent de loin les malades crédules, qui, se croyant affligés de la pierre de folie, viennent se faire opérer auprès de la sorcière dont on voit l'associé, c est-à-dire le démon, caché sous une table. Les clients de tous rangs, hommes et femmes, se pressent et assistent aux opérations qui marchent rondement, à en juger par les nombreux cailloux déjà recueillis. Nous en voyons une nouvelle provision bien cachée, prête à servir dans un coin 2 . Ce fou nous rappelle aussi, qu'à l'époque où les miséricordes de Diest furent exécutées, les sociétés joyeuses honorant la folie se multiplièrent rapidement, tant en France qu'en Belgique, où elles inaugurèrent une espèce de cuite satirique avant même que Sébas- tien Brand eût composé sa première Nef des Fous qui immortalisa son nom. On sait que la première édition de cette satire parut en l'an 1494 3 . La sculpture de Diest nous montre aussi, bien avant l'époque de production artistique de Pierre Breughel le Vieux, qui reproduisit si souvent des fous de tous genres dans ses œuvres, le costume de ces bouffons en Belgique, à la fin du xv e siècle. Il diffère notablement de ceux que portent les bouffons de sa suite de fous de Carnaval, dont on connaît deux scènes différentes : l'une représen- tant deux fous gambadant aux sons d'une guitare; l'autre trois fous avec leur marotte, dont l'un s'accroupit et... souffle sur l'insigne de sa folie. Le costume du fou représenté sur la miséricorde (ûg. 85) est composé d'un serre-tête garni de grandes oreilles de bête, sur- monté d'une espèce de crête, le tout posé sur une blouse à larges

1. H. Hymans. Les Musées de Madrid (Gazette des Beaux-Arts, 35 e année, 3 e pér., t. X, p. 234). Voir aussi : Smidt-Degener. Le Jongleur de J. Bosch au Musée municipal de Saint-Germain-en-Laye (Gazette des Beaux-Arts, 1906, t. I, p. 154), et notre Genre satirique, etc., p. 223 et 233.

2. Cette estampe est reproduite dans notre Genre satirique, etc,, p. 274, fig. 205 (hors texte).

3. Le Gantois Judocus Badius Ascensius (van Assche) fit une première traduction latine d'après le texte allemand; d'autres, en français, en anglais, en hollandais, suivirent. Ce Badius fut un érudit très distingué, surtout célèbre pour avoir fondé à Paris une imprimerie universellement connue. On sait qu'en 1498, il donna une suite à la fameuse Nef des Fous de Brand, en composant la non moins renommée : Stultifera navicula seu Scaphœ fatuarum mulierum, c'est-à-dire la Nef des Folles.


136 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

manches, découpée en pointe par le bas et garnie de grelots ; la blouse est serrée à la taille par une large ceinture, tandis que les jambes sont emprisonnées dans un maillot. L'expression du bouffon, qui semble adorer la marotte qu'il tient dune main, tenant de l'autre la fameuse pierre de la folie, est très amusante. Il figure presque exactement sur la vaste composition de Breughel, d'une époque plus ancienne, intitulée : la Fête des fous.

Cette estampe, provenant de la boutique des « Quatre vents »,



Fig. 84. — Satire d'un mendiant béquillard (Miséricorde de Diest) (xv e siècle).

porte le monogramme de Pierre van der Heyden. On y lit une longue suite de vers flamands dédiés aux fous, tandis que la mêm< composition, en contre-partie, portant l'adresse : Joan. Galle excu dit, est expliquée par les titres de : Testes des fols et de Sottebollen L'inscription est bilingue :

Cerchées (sic) aleurs (sic), cerchées icy Le nombre des fols est infiny

d'une part, et d'autre part :

Gaet hier, gaet overal Sotten vindy, sonder getal.


LES MISÉRICORDES DK DlKSï


137


Les miséricordes qui se suivent sur la rangée de gauche ne sont pas moins intéressantes. Nous y voyons tout d'abord une jolie tête de femme (fig. 86). Elle porte la coiffure caractéristique/en forme



Fig. 85. — Satire d'un fou tenant la pierre de folie (Miséricorde de Diest) (xv e siècle).


de turban, que nous trouvons sur les œuvres peintes et les retables sculptés de la fin du xv e siècle. Nous la voyons même déjà sur la Déposition de la Croix du musée de Bruxelles, qui figura à l'exposi- tion des primitifs de Bruges, où cette œuvre, jusqu'alors cataloguée comme étant d'un maître inconnu, fut restituée à Pierre Christus, né à Baerle en 1444 et mort en 1473. Cette coiffure suffirait à faire


138 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

dater de la fin du xv e siècle les sculptures des stalles de Diest que quelques auteurs croient du xvi e . L'image de cette jolie femme artistement arrangée, probablement une courtisane ou vierge folle, devait rappeler aux fidèles que la corruption et la prostitution étaient grandes à cette époque. Chose curieuse, les courtisanes, comme les histrions, étaient attirées vers les églises, où se portait alors la foule. L'autorité ecclésiastique, se rappelant probablement Madeleine et sainte Marie l'Egyptienne, avait, pour les femmes de mœurs légères, des trésors d'indulgence. Elle tolérait même parfois leur installation dans des dépendances des édifices religieux. On sait qu'à Strasbourg, notamment, il y avait un certain nombre de ces femmes qui logeaient dans la tour de l'église célèbre. On les avait surnommées les hirondelles de Strasbourg, Une ordonnance de 1521 ne laisse aucun doute à cet égard :

« Pour ce qui est des hirondelles ou filles de la cathédrale, le magistrat arrête qu'on leur laissera encore quinze jours, après quoi on leur fera prêter serment d'abandonner la cathédrale et les autres lieux saints 1 . »

En Belgique la corruption des mœurs n'était pas moins grande. Impuissantes à enrayer le mal, les villes se contentaient, comme Paris et diverses autres cités françaises, de reléguer les tavernes mal famées, les étuves et les maisons de prostitution, dans des quartiers qui leur étaient spécialement réservés. Des peines afïlictives ou infamantes, l'exil pour les étrangers, furent promulguées pour punir les contrevenants. Dans un espace de soixante ans, de 1528 à 1588, onze ordonnances différentes ayant trait à la prostitution furent édictées à Gand.

Certaines fêtes religieuses, pèlerinages ou processions, étaient souvent, au moyen âge, les prétextes de véritables saturnales tolérées par le clergé.

M. P. Claeys, dans ses Pages d'histoire locale 2 , a réuni les docu- ments anciens que nous possédons sur un des plus singuliers de ces pèlerinages. Nous ne résistons pas au désir de reproduire ici en partie, cette étude folklorique des plus intéressante :

Tout le monde connaît l'histoire miraculeuse de saint Lié vin, le

1. Voir Rabuteaux. De la Prostitution. Paris, 1854, in-4.

2. Prosper Claeys. Pages d'histoire locale gantoise. Gand, J. Vuylsteke, 1885, p. 114 et suivantes. Voir aussi : Flandre libérale du 16 mai 1881.


LES MISÉRICORDES DE DIEST 139

patron de la ville de Gand, qui, après avoir été décapité par les païens, prit sa tête dans les mains, — les mauvais plaisants disent entre les dents — et, s'il faut en croire la légende, traversa l'Escaut à l'endroit où se trouvait autrefois la porte appelée, d'après lui, porte Saint-Liévin.

Cet événement extraordinaire, qui se retrouve un peu partout, notamment dans l'histoire de saint Denis à Paris, donna lieu a une dévotion particulière en l'honneur du grand saint, « den weerden ende helighen vriendt Gods » (le digne et saint ami de Dieu), dont la dépouille mortelle fut déposée à la chapelle de Hauthem. Au xi° ou au xn e siècle, ces reliques furent transportées à Gand et déposées à l'abbaye Saint-Bavon. Les moines de l'abbaye, — avec cette entente des affaires et cet esprit de lucre qui caractérise les gens d'église — virent immédiatement quelle source inépuisable de profits la possession de ces ossements allait procurer à leur cou- vent.

Us commencèrent par fonder une double confrérie, l'une a Gand, l'autre à Hauthem, dont les membres devaient faire une donation au profit de l'abbaye. Puis ils instituèrent un pèlerinage annuel en l'honneur du martyr décapité. A la fin de juin, les reliques du saint, enfermées dans une châsse magnifique, étaient pendant la nuit portées de l'abbaye Saint-Bavon au village de Hauthem, d'où on les ramenait le lendemain à Gand. A en croire les chroniqueurs du temps, ce pèlerinage attirait un concours si extraordinaire de monde, qu'on rencontrait sur la route plus de douze cents chariots, et qu'on estimait au tiers de la population gantoise les habitants de Gand qui y prenaient part.

Un chroniqueur anonyme du xvi e siècle, dont M. Gachard nous a conservé le texte, ne craint pas de dire :

« C'estoit ung pèlerinage et voiaige plus de malédiction que de dévotion, et où chascun an, dix mille péchiez mortels s'y faisoient et commestoient tant par yvronneries, débatz, paillardies, blas- phèmes, jurements exsécrables et aultres grans et énormes péchiés et meschantés, car la plus grande partie y alloient pluz par passe- temps, follies et jonnesse, et pour y mal faire, tant hommes que femmes et aussy jonnes gens, que par dévotion et piétié. »

Le chroniqueur relate ensuite les conséquences de toute nature que ces pèlerinages nocturnes, avec tous les excès qui les accom-


140 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

pagnaient, entraînaient pour les femmes « filles, vesves ou mariées qui alloient audict voiaige sainct ». La crudité des expressions e le choix des détails ne nous permettent pas de reproduire la des cription complète de ces deux nuits de débauche et d'obscénités pendant lesquelles, sous prétexte de dévotion, toute pudeur étai abolie, pour faire place à la prostitution la plus éhontée.

Les chroniqueurs sont unanimes pour stigmatiser ces saturnales et ils entrent dans une foule de détails sur les actes d'immoralité e de bestialité qui se commettaient par cette foule d'hommes et d«  femmes avinés qui accompagnaient la châsse sainte.

Ces ignobles orgies se passaient au vu et au su des religieux di couvent de Saint-Bavon. Les offrandes que les pèlerins venaien déposer aux pieds des saintes reliques, étaient trop abondantes pou que les moines allassent ainsi, de gaîté de cœur et par une fauss pruderie, renoncer à une source de revenus aussi productive. Il es vrai que, chaque année, on menaçait de toutes sortes de peines tem porelles et spirituelles, jusques et y compris l'excommunication et 1 damnation éternelle, les pèlerins qui se livreraient à des actes répré hensibles. Mais ces avertissements étaient donnés pour la forme, e tous les ans les mêmes excès et les mêmes faits d'immoralité s reproduisaient invariablement.

Voici comment les choses se passaient. Entre onze heures e minuit, une foule nombreuse, composée d'hommes, de femmes e d'enfants de tous rangs et de toutes conditions, se rassemblai devant l'église de l'abbaye Saint-Bavon. Après la messe, qui s célébrait à minuit, la porte était ouverte et une partie de cette foui — celle qui se trouvait au premier rang — se précipitait dan l'église en criant, en hurlant et en vociférant, pour s'emparer d haute lutte des reliques de saint Liévin et les porter à Hauthem. L châsse d'or était heureusement protégée par un grillage en fer e placée sur deux longues traverses de bois que portaient une quinzain de fidèles qui se relayaient à tous moments.

Ce cortège, continuellement grossi sur son parcours, faisait ] voyage : « en courant, criant et huant jusques audit villaige de Haï them, en traversant les champs, hayes et bois, fossés, bons etmav vais chemins, feussent remplis d'eauve ou non, comme gens san entendement et hors de leur mémoire, en menant ung tel bru: comme si tous les diables y eussent estes. Et s'y estoient habillie


LES MISÉRICORDES DE D1EST 141


à l'advenant, deschierez et desloquetes, ayant chapeaults faicts de branches de vignes et aultres verdures sur leurs testes et s'y por- toient la plus part torses ou fallotz en leurs mains et ainsi couroient toujours ».

Tout sur le passage de cette trombe humaine était détruit, gâté et dévasté. Les échevins de la ville de Gand, le clergé, les hommes d'armes qui accompagnaient ou escortaient la procession étaient impuissants à faire respecter l'ordre et la décence parmi les pèlerins. Récoltes, plantes, vergers, arbres, rien n'échappait à la fureur et à



Fi-. 86. — Une courtisane (Miséricorde de Diest) (xv e siècle).

la rage de destruction de cette foule qui ressemblait plus, dit un chroniqueur flamand, à une bande de voleurs, de brigands et de vagabonds, « dieven, landtloopers, straatschenders ende dierge- lycke », qu'à une réunion pieuse, rassemblée pour prier et faire œuvre de pénitence.

Vers le matin, le pèlerinage arrivait à Hauthem, où à cette occa- sion il y avait kermesse, foire et marché, accompagnés de réjouis- sances de toutes sortes. « Il y avait une franche teste audict villaige de Haulthem et y trouvait-on toute manière de marchandises à ven- dre ce dit jour; on y vendait aussi à boire et à mangier à tous costez dudit villaige, et principalement à la plache d'iceluy qui estoit fort ample, où les dictes marchandises et mercheries estoient mises en


142 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

avant, de sorte que ce sembloit une armée et camp de bataille, tan y avoit de gens de toutes conditions par bendes, eschaches et con- frairies, les ungs ayant avec eux tambours et flûttes d'allemans, les aultres trompettes et aussi forche muses et aultres instrumens jouans à tous costez audict villaige, les ungs dansans, les aultrei faisans aultres esbas et passetemps. »

Les dévotions de jour et de nuit accomplies — nous avons vi en quoi elles consistaient, — cette foule insensée retournait à Gand mais en suivant un autre chemin que celui qu'elle avait pris poui venir à Hauthem. Les mêmes désordres et les mêmes excès, qu avaient signalé le départ des pèlerins, avaient lieu à leur retour i Gand où ils arrivaient vers trois et quatre heures de l'après-midi « Ils estoient au mesme estât que lors de leur despart, chascun er rapportant de mercheries petis bibelotz et jollitez qu'ils donnoien et ruoient aulx femmes et filles qui estoient tant es fénestres qu< devant l'huys des maisons et par les rues, regardans ainsi rapporte: le dict sainct Liévin. »

Le cortège se ruait, en arrivant à Gand, vers le marché au Ven dredij dont il faisait trois fois le tour, « criant, huant et couranl avec le dict cors ». Les honnêtes gens fermaient leur porte et pas- saient ces jours dans la terreur.

Comme il y avait certaines indulgences à gagner, pour ceux qu portaient ou qui touchaient les reliques, des luttes et des contesta tions continuelles s'élevaient, tant à l'aller qu'au retour, entre les assistants qui s'efforçaient d'approcher de la châsse afin de la touchei ou d'aider à la porter. Ces rixes dégénéraient la plupart du temps en batailles acharnées qui entraînèrent bien souvent mort d'hommes. C'est pour éviter le retour de ces scènes de carnage que l'autorité ordonna, en 1466, que dorénavant la châsse serait transportée sur un chariot.

Les excès et les actes de bestialité et d'immoralité, qui accompa- gnaient tous les ans la fameuse procession, prirent enfin un tel carac- tère de gravité que Charles-Quint, malgré les réclamations d'une partie de la population gantoise, soutenue par les moines de l'ab- baye Saint-Bavon, se vit obligé de prendre une mesure énergique et radicale. Par l'article 74 de son Ordonnance du 30 avril 1540, connue sous le nom de Concession Caroline, il supprima le voyage ou por- tage des reliques de saint Liévin, et défendit formellement de jamais


LES MISÉRICORDES DE DIEST I43


le rétablir : « Que nous avons aboli et abolissons à perpétuité le guet de la myquaresme qui se nomme lawet, le voyage et le portage de saint Liévin à Hauthem ni ailleurs, ensemble les deux confréries d'iceluy saint Liévin de dehors et dedans... ».

C'est ainsi que prirent fin ces scandaleuses orgies, ces saturnales éhontéesqui, sous prétexte de dévotion, jetèrent pendant de longues années le trouble et l'épouvante dans toute une partie de la Flandre.

Sur la miséricorde suivante se trouve un homme la bouche ouverte, assis devant un four. C'est l'illustration d'un proverbe flamand et, chose curieuse, malgré le peu d'intérêt que présente pareil sujet, c'est un de ceux que Ton rencontre le plus souvent sur les sièges sculptés belges et étrangers. Nous le retrouverons à Aerschot comme à Walcourt ; on peut le voir aussi parmi les miséricordes de l'église Saint-Spire, à Corbeil, et sur celles provenant de l'église des Mathurins de Paris, comme sur les miséricordes de l'ancienne église Saint-Nicolas, à Amsterdam. La comparaison entre l'entrée d'un four et une bouche ouverte dut être un sujet de gaieté popu- laire qui se continua longtemps. L'individualisation du personnage de Diest fait songer à un portrait : peut-être cette satire anodine s'adressa-t-elle à une personnalité connue de la ville dont la bouche ne se fermait guère 1 .

Une belle tête d'homme vieux et édenté suit. Elle est traitée avec une finesse d'exécution et une acuité d'observation qui fait songer aux œuvres du grand peintre contemporain Quentin Metzys, qui créa, comme on le sait, en peinture, le genre profane des ligures à mi-corps d'avares et d'usuriers comptant leur or ou en butte aux séductions dune courtisane 2 .

Puis vient une figure entière de vieillard qui dort, le coude appuyé sur une table (peut-être Ja veillée de saint Pierre). Une tête de démon, qui clôture la série, nous montre la crainte persistante de l'ennemi de l'humanité, dont le masque terrible constituait un avertissement si salutaire pour le pécheur.

La miséricorde suivante (fig. 87) nous ramène aux plaisanteries

1. N'oublions pas d'ajouter que le proverbe flamand :

Hy gaapt tegen den oven

(Il veut ouvrir une bouche plus grande qu'un four), équivaut au titre de la fable bien connue : La grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf.

2. Ce dernier tableau, appartenant à Mme de Pourtalès, fut exposé aux primitifs flamands, à Bruges.


144 LES MISÉRICORDES EN RELG1QUE

chères à nos ancêtres. Un spécialiste, porteur d'une horloge du temps, tient dans une de ses mains le soufïlet destiné à enlever la poussière qui a arrêté les rouages ; ses mains pleines l'empêchent de retenir ses culottes qui découvrent les parties les plus charnues de son individu. En mettant à côté de ce qu'on appelle quelquefois le « trou du souffleur », un soufflet, l'artiste a reconstitué un de ces



Fig. 87. — Satire d'un horloger (Miséricorde de Diest) (xv e siècle).

jeux de mots burlesques dont nos mystères et nos bourdes profanes étaient farcis.

Les sujets qui suivent,, une belle tête de vieille, un homme mon- tant sur un arbre et une tête de bouc, quoique constituant d'excel- lents morceaux de sculpture, ne doivent pas nous arrêter longtemps.

Un homme, à mi-corps, qui soutient de ses deux bras levés la planchette de la miséricorde suivante, semble encore une image d'un juif barbu, peut-être le Juif-Errant, dont il porte la sacoche inépuisable contenant les deniers légendaires. Tandis que la jolie figure de femme ailée, terminée par un corps de serpent (fig. 88),


Les miséricordes de diest


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nous fait songera une de ces nombreuses chimères — lune d'entre elles, ayant des ailes et une queue d'oiseau, offre son cœur de la main droite — qui furent, en grande partie, faites par nos hûchiers, et décorent les stalles célèbres de la cathédrale de Rouen 1 .

Une dernière miséricorde, représentant un usurier (fig. 89), con- stitue un véritable petit chef-d'œuvre par son exécution et son obser-


' " "- ^ V **



Fig. 88. — Satire de la femme (Moitié ange moitié serpent) (Miséricorde de Diest) (xv e siècle).

vation vraiment remarquables. Riant d'un air goguenard, le prêteur d'argent tient bien fermée, de sa main droite, une sacoche pleine, tandis que de la main gauche il frappe sur sa cuisse. Le geste est encore familier aux gens du peuple, lorsqu'ils se moquent de quel- qu'un et que leur hilarité est grande. On comprendra que des sculptures de ce genre, malgré leur drôlerie, étaient de nature à

1. Une chimère ailée représentant une jolie femme au corps terminé par une queue de serpent, que l'on remarque parmi les miséricordes de Rouen, ressemble beaucoup à celle de Diest, pour la première fois reproduite ici.

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146 LES M1SÉR1C0BDES EN BELGIQUE

faire haïr davantage les Juifs qui, avec les « Lombards » avaient 1 spécialité du commerce de l'argent, qu'ils prêtaient aux chrétien à des taux usuraires.

La soif de l'or préoccupa de bonne heure nos poètes et nos mora listes. Il est donc assez naturel que nos imagiers satiriques son gèrent à en tirer parti pour leurs miséricordes. Nous avons vu plu haut, sur une sculpture de stalle de Saint-Nicolas, à Amsterdam un bonhomme produisant des écus d'une façon singulière; un autre miséricorde de cette même église est constituée par une bours déliée dont s'échappent de nombreuses pièces d'argent. A Rouen une console de ce genre représente un argentier qui fait un payemen en espèces....

Déjà au xm e siècle, le grand poète flamand van Maerlant avai fait la satire du pouvoir malsain de l'argent, « qui apporte de 1 considération aux fous, aux coquins et aux imbéciles ». Car, ajoute t-il : « qu'est la noblesse sans argent? »

Men mag den peninghe gherne sien Want hy is den Weerelt God Diene seuwet hy es sod 1 .

(On peut aimer l'argent, car c'est le vrai Dieu sur la terre, cek

qui le dédaigne est fou.)

Et plus loin :

Armen heet men eemmer sod 2

(Les pauvres on les appelle des imbéciles).

Un trouvère français, contemporain de van Maerlant, dédia l'argent une chanson satirique dans le même genre intitulée « Dominus Denarius » (Maître Denier), et dont voici quelques vers

Dons deniers est mult redoutés, Deniers est mult en chambres amez, Deniers se couche es lis parez, Deniers a bien ses volontez, Deniers parole fuerement, Deniers va orgueilleusement, Ce est la somme.

1. D r J. Te WirvKEL. Maerlant's werken beschouivd als spieghel van de dertiend eeuw (Les œuvres de Maerlant considérées comme un miroir du xm e siècle), 2* éd: tion. Gand, J. Vuylsteke, 1862, p. 247.

2. D r J. Te Winkel. Spieghel Historiael, p. 247.


LES MISÉRICORDES DE DIEST I47


Deniers fet sa besoigne à Rome, Deniers fet homme forcenez, Deniers fet pontonniers montez, Deniers fet putains atrotez, Deniers fet prestres desreer, Et trois messes le jour chantez... Mult a honors 1 .

Pierre Breughel le Vieux, dans sa série des Vices, stigmatise l'avarice dont il fait un tableau effrayant, tandis que La lutte des tirelires et des coffres- forts, une de ses compositions les plus typiques, représente d'une façon saisissante la ruée brutale à la conquête de lor. Une légende flamande qui accompagne l'estampe, exécutée d'après une de ses peintures disparues, commence par ces mots :

Wel aen ghy, spaerpotten, tonnen en kisten

Tis al om gelt en goed, die stryden en twisten....

Elle rappelle que les crimes et les guerres les plus sanglantes se commettent pour la possession de l'or, qu'on s'arrache les armes à la main 2 .

Un deuxième état de cette gravure, exécutée par J. Galle, porte des inscriptions en langue latine, flamande et française; cette der- nière version est ainsi conçue :

Les richesses font les larrons.

L'or et l'argent en a détruit plusieurs.

Une gravure attribuée à P. Breughel, intitulée V Homme au sac d'écus et ses flatteurs, rappelle davantage la miséricorde exécutée par l'imagier de Diest.

On y lit, en exergue, le quatrain flamand commençant par ces mots : « Die gheldt te gheven heeft... » et finissant par : « Wanl elck en iveet niet hoe hem sal bit gat cruypen », tandis que, sur le dos du personnage, se trouve le distique français :

On ne sait comment entrer on veut Au trou de cil qui donner peut.

1. A. de Jubinal. Jongleurs et Trouvères, p. 94.

2. Voir la reproduction de cette estampe dans notre Genre satirique, pi. XLIX. et lig\ 227, pages 317-318.


148 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

Il y a lieu de rappeler ici que l'église de Diest, sous le rapport d( la beauté de sa décoration sculpturale extérieure, n'a pas d'égale et Belgique, et que celle-ci ressemble d'une façon étrange à l'orne- mentation de la célèbre cathédrale Saint-Jean, à Bois-le-Duc. Dans les deux églises nous voyons les tympans qui couronnent les fenêtres du chœur, ornés de grandes figures profanes en relief, Quoique fort mutilées, on reconnaît, dans celles de Diest, deux génies ou anges, Tun portant une guirlande et effeuillant des fleurs, l'autre tenant une couronne ; sur la fenêtre suivante, des guerriers qui combattent, protégés par leurs boucliers, tandis que, sur d'autres tympans, nous voyons des hommes, probablement des paysans, ancêtres de ceux que Breughel illustra, travaillant le sol.

Les sommets des contreforts, où s'appuient les arcs-boutants du chœur de Saint-Sulpice, portent des statues non moins intéressantes pour l'histoire de Fart. Gomme celles qui grimpent à califourchon sur les rampants des contreforts de l'église de Bois-le-Duc, les figures, plus grandes, mais isolées, de Diest, chevauchent d'une façon absolument semblable les pinacles.

Il est intéressant de noter les similitudes de l'art sculptural pro- fane qui existent entre les deux églises, situées dans deux différents pays mais dans une même région. D'autant plus que nous trouvons la même ressemblance dans les sculptures des stalles conservées dans les deux édifices et datant d'une époque plus tardive : les pre- mières exécutées là-bas comme ici en pierre vers le milieu du xv e siècle, les secondes tout à la fin du même siècle. Nous retrou- verons ces mêmes similitudes dans les miséricordes satiriques d'Aerschot et d'Oirschot, localités situées, la première en deçà, la seconde au-delà de la frontière hollandaise, ce qui nous prouve que l'art satirique du néerlandais Jérôme Bosch se remarque déjà, bien avant son époque, dans les sculptures profanes conservées en Belgique.


Les miséricordes des stalles de la collégiale de Diest sont dis- posées dans Tordre suivant :

A droite. 1° un voleur de pommes (fig. 80) ; 2° un farceur avec un chat (fig. 81) ; 3° un fou (?) brouette un chien (fig. 82); 4° un Juif


LES MISÉRICORDES DE DIEST


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met un chien à la marmite (fig. 83); 5° dragon volant; 6° men- diant déguenillé sur béquilles avançant son pied bandé (fig. 84) ; 7° le pélican et ses petits (la charité); 8° une sirène; 9° guerrier marin ; 10° un homme tombé (un danseur?) tenant encore un pied dans une des mains; Ho U n singe se sauve ayant encore une corde



Fig. 89.


Satire d'un usurier et de la puissance de l'or (Miséricorde de Diest) (xv e siècle).


au cou ; 12° un fou à genoux tient d'une main sa marotte et de l'autre une petite boule (la pierre de folie) (fig. 85).

A gauche nous voyons : 1° une tête de jolie femme (une cour- tisane ?) (fig. 86) ; 2° un homme devant un four ; 3° belle tête de vieillard édenté ; 4° un vieillard dort la tête appuyée sur sa main. Le coude est posé sur une table (la veillée de saint Pierre ?) ; 5° une grande tête ou masque de démon ; 6° un homme court, tenant dune main une horloge, de l'autre un soufflet; sa culotte tombe et découvre ses fesses (satire d'un horloger ?) (fig. 87) ; 7° tête (masque)


150 LES MISÉRICORDES EN RELGIQUE

de vieille femme ; 8° un homme grimpe sur un arbre ; 9° une tête de bouc ; 10° un homme, vu à mi-corps et portant une sacoche, lève les bras pour soutenir la tablette de la miséricorde ; 11° femme nue à mi-corps, sur une extrémité de serpent (fig. 88) ; 12° un usurier ou Juif rit en frappant sur une besace ou grande bourse bien garnie (fig. 89).

Parmi les acrotères des entrées de salles, remarquons des monstres affrontés ou se tournant le dos, constitués par des parties d'oiseaux et d'autres animaux ; un homme singe, un pied en l'air, montrant ses parties génitales, et un moine à capuce ayant des extrémités de bête.




CHAPITRE IX

LES MISÉRICORDES D AERSCHOT (FIN DU XV e SIÈCLE)


Les stalles cTAerschot sont presque de la môme époque que celles de Diest. Elles

présentent un art et un esprit presque semblables. — Satire des Juifs, qui mépri- sent la viande du porc et qui, témoin l'enfant prodigue, sont heureux de partager la nourriture de cet animal.— Le singe tenant une bourse, satire de la richesse. — Le démon; satire des ivrognes et des moines.— Une femme nue chevauche un être diabolique. — Satire des sorcières se livrant à Satan dans les sabbats. — Satire des voleurs de poules. Le vol bien combiné applaudi au moyen âge. — Thyl Uylenspieghel. — Coutumes cruelles en Campine. — Le proverbe flamand : des roses pour les pourceaux. — Autre satire des Juifs. — Satire des flagellants, indé- cences publiques. — La flagellation est un des châtiments les plus populaires au moyen âge. — Quelques exemples de fustigations jusqu'au sang, en chambre fermée et ouverte, ou bien sur un char promené en ville. — Aventurières fustigées publiquement et marquées au fer rouge : Anna Souhieres, « dame de haut lignage », et Gabrielle, dite la fille du comte. — Nouvelle satire d'un Juif, promené sur un animal dont il tient la queue. — Les persécutions dont les Juifs étaient l'objet. — Autres satires. — L'homme qui abaisse ses chausses — Satire des histrions. — L'homme près d'un four. — Satire des femmes. — Elle lierait le diable sur un coussin avec des rubans (proverbe flamand). — La fable du Renard et de la Cigogne. — Satire des moines ; un pourceau qui porte la capuce. — Satire du Turc Musulman.— Le Juif-Errant. — La légende du Juif-Errant d'Ypres, qui visita réellement cette ville en 1623, et fut pendu à Gand peu après. — Le guerrier marin. — Un fou avec un calice. — Un meurtre. — Les danses de paysans avant Breughel. — Parodie des Vierges sages et des Vierges folles. — Le moine nu. — Liste complète des miséricordes d'Aerschot.

Les miséricordes de l'église Notre-Dame, à Aerschot, semblent appartenir à la même époque que celles de Diest. Les sculptures en sont très fines, mais un rabot stupide en a dénaturé un certain nombre, s'attaquant surtout à celles qui représentent des nudités féminines ou des moines dans des poses irrévérencieuses. Les stalles, qui existent encore au complet, sont au nombre de cin- quante. Elles sont dépourvues de hauts dossiers. Les satires dirigées contre les femmes, les moines et les Juifs sont les plus curieuses.


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


La première miséricorde, en commençant par la rangée basse droite, constitue une satire des Juifs. Elle nous montre un de ceux-c à côté d'une auge, mangeant avec deux porcs voraces (fîg. 90) Peut-être a-t-on voulu représenter les infortunes de l'enfant pro



Fig. 90. — L'Enfant prodigue. Satire des Juifs (Miséricorde d'Aerschot) (xv c siècle).


digue, démontrant ainsi à tous qu'un Juif authentique fut heureu de vivre et de partager la nourriture d'animaux considérés comm immondes par Moïse, alors que les Flamands les appréciaient beau coup sous forme de jambons, de saucisses, d'andouilles et autre charcuteries. Le même sujet se trouve sur une miséricorde d l'époque renaissance de Dordrecht.

Le singe et le démon sont représentés sur les sièges suivants. L singe tient une bourse pleine ; satire des usuriers ou de la fortun


LES MISÉRICORDES DAERSCHOT


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mal placée 1 . Le démon se trouve à côté; près de son logis infernal une gueule de monstre largement ouverte. Puis nous vovons un buveur près d'un tonneau, faisant présager déjà les cabarets de Teniers ou de Brouwer. Cette miséricorde constitue une satire de



Fig. 91. — Satire des moines (Miséricorde d'Aerschot) (xv e siècle).


l'ivrognerie et en montre les tristes suites. A côté, un joueur de luth. Deux moines-singes conversent, assis sur des sièges; l'un d'eux tient un phylactère (fig. 91). Les têtes ont été malheureusement rabotées et défigurées comme à plaisir.

La miséricorde suivante a été également abîmée. On y devine cependant le groupe amusant d une femme nue faisant de 1 equi- tation sur un singe de taille colossale (fig. 92). Cette sculpture

1. Nous avons vu plus haut sa signification de magot dans les proverbe-; flamands.


154 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

démontrait peut-être aux fidèles que la femme préfère une brute pleine de force, qui l'amuse, à un homme d'esprit qui voudrait la guider vers le bien.

Une autre hypothèse, et ce n'est pas, croyons-nous, la moins bien fondée, nous y ferait voir une scène de sabbat, où une sorcière nue s'ébat amoureusement avec un démon, dans une des incarnations favorites de ce dernier.

Une scène de bénédiction, une autre représentant Moïse avec les tables de la loi, suivent. Puis, rappelant le voleur de pommes de Diest, nous voyons un jeune gars s'enfuyant avec un coq (fig. 93). En Gampine, c'est-à-dire non loin d'Aerschot, aux jours de fêtes, les jeunes garçons, il n'y a pas longtemps de cela, avaient l'habi- tude de faire battre des coqs, et le maître d'école, qui présidait à ces jeux cruels, donnait des feuilles de papier aux élèves dont le coq était vainqueur. Quant aux fillettes, elles poursuivaient les poules en les maltraitant affreusement; puis, après les avoir suspendues à une corde, elles tâchaient de les décapiter 1 . Peut-être sommes- nous, cependant, en présence d'une interprétation du dicton fla- mand : Roste Kieken dief, qui avait fait, des hommes roux, des voleurs de poules.

Sur la rangée supérieure, voici un pélican, sujet déjà vu à Diest, puis un guerrier endormi qu'un démon vient surprendre, allusion à quelque conte ou fait-divers alors d'actualité. Puis une apparition de la Vierge et un roi à genoux, un lion tenant un écu, suivi de l'illustration du proverbe flamand : des roses pour les pourceaux (« Roozen voor de verkens »), correspondant au célèbre Margarita ante porcos, que l'on trouve représenté sur les stalles de Rouen, et que nous verrons figurer souvent, dès cette époque, parmi les miséricordes flamandes conservées en Belgique et à l'étranger.

La sculpture suivante se rapporte à un Juif, accompagné d'un chien qui lui lèche la bouche (fig. 94). Ici encore, l'imagier a voulu montrer que les Israélites, qui ont en horreur le porc, manifestent par contre une affection dégoûtante pour des chiens, dont ils faisaient, d'après une miséricorde de Diest, leur nourriture 2 .

Un groupe curieux représente deux personnages émaciés, hommes

4. Voir le Mutin, d'Anvers, n° du 42 février 1907, article signé Brabo. 2. A moins que ce ne soit un souvenir de l'Iliade, la reconnaissance d'Ulysse par son vieux chien (?).


LES MISÉRICORDES d'aERSCHOT 155


ou femmes, qui se battent à coups de verges (fig. 95). Faut-il voir ici un souvenir des « flagellants », qui, en France comme en Belgique, accompagnaient les processions, nus, se fustigeant, ou frappant de verges leurs voisins? On sait qu'au xvi e siècle les « Adamites », ainsi nommés parce qu'ils avaient adopté le costume de nos premiers parents avant le péché, circulaient encore sans grand scandale dans les rues des grandes villes des Pays-Bas. Les indécences publiques des Anabaptistes peuvent aussi avoir inspiré l'artiste qui a typé, d'une façon réaliste et drôle, les combattants étranges qui se tirent les cheveux et se démènent sur la miséri- corde d'Aerschot. Rappelons encore que la flagellation, ou le châtiment à l'aide de verges, était très usité en Belgique. Si la faute était légère, si l'on n'avait pas affaire a un récidiviste, la flagellation avait lieu à huis-clos, en présence des échevins (« in beslotene camere van schepenen »). Dans des cas plus graves, le coupable était flagellé en chambre ouverte (« opene camere »), et recevait son châtiment en public. Souvent le patient, après la flagellation, était attaché à un pieu dressé sur un chariot et ainsi promené dans les principales rues de la ville ; à chaque arrêt, il était battu de nouveau à l'aide de verges. Dans le livre des crimes de Gand, nous voyons des coupables recevoir ce châtiment deux jours de suite, et avec une cruauté dont on ne peut se faire une idée de nos jours. Une grande fantaisie régnait alors dans l'exécution des peines infligées, et parfois les complices du délinquant étaient chargés de faire l'office de bourreau, comme cela semble être le cas sur notre miséricorde.

Quoique la fustigation fût surtout appliquée aux vagabonds, trompeurs et voleurs, aux aventuriers et aventurières de toutes sortes, bien des personnages de qualité subirent la même peine.

En 1537, un échevin de la Keure, Jean Sutterman, fut publi- quement flagellé pour avoir déshonoré une béguine : « hy had eene begyn onteerd », et, d'après le manuscrit conservé aux archives provinciales de Gand 1 , la peine fut forte, parce qu'il était habitué à faire pareille chose : « Dat hi noch bi costumen zulc ghewoone was te doene » . Ses collègues lui firent dépouiller son costume qui

1. Bouc van Memorien der Stede van Ghendt enz, aussi connu sous le nom de « Chronique de Saint-Pierre » (Gronyke van Sinte-Pieters). Archives provinciales de Gand, f" 285.


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


fut déposé sur le fauteuil échevinal : « ende deden legghen synen keerle in syne plaetse » ; puis il fut fustigé en public, promené sur un chariot, et battu de verges à chaque carrefour selon l'usage.



Fis, 92.


- Une sorcière avec le démon (scène de sabbat) (Miséricorde d'Aerschot) (xv e siècle).


Un receveur de la ville de Gand, accusé de dilapidation des fonds publics, reçut le même châtiment en 1539 et fut de plus, après la fustigation, cloué par l'oreille à la potence : <c eindelyk met het ooi aen de galg genageld ». Un autre fonctionnaire de la même admi- nistration communale, Jan van de Wevere, subit semblable peine en 1587, mais, plus heureux que son prédécesseur, il put conserver son oreille.


LES MISÉRICORDES d'aERSCIIOT


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Les échevins de Gand se donnaient assez souvent la petite repré- sentation de la fustigation de délinquants. Au commencement du xv.e siècle, Maurice Van der Vynct, qui s'était permis d'insulter



Fig. 93. — Un voleur de poulet (Dicton flamand) (Miséricorde d'Aerschot) (xv e siècle).


grossièrement des magistrats, fut promené tout autour de la chambre échevinale et cruellement battu de verges : « wegens het schelden van magistraets personen, rontomme de siège n in Schepen- kamer met roeden gestrafs geworden ». D'après la chronique de Sersanders, les échevins insultés furent Jan Glaes, Henri (Heinric)


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LES MISERICORDES EN BELGIQUE


Dessele et Jan de Suttere^Ce dernier fut appelé « fils de putain » et débauché (hoerenjager), et déclaré indigne comme les deux autres de siéger où il était assis : « ende behoirde daer niet te sittene ». Des fraudeurs d'accises, des brasseurs, des taverniers et mar-



Fig. 94. — Une satire des Juifs (?) (Miséricorde d'Aerschot) (xv« siècle).


chands de vin (« wyntaverniers »), des entrepreneurs de travaux publics, qui n'avaient pas satisfait la ville ou avaient abandonné les travaux 2 ; un Gornelis Steenman, « parce que, pendant la révolte

1. Chronyke Sersunders. Manuscrit alors entre les mains de J. Delbecq, à Gand. Cité par J.-B. Cannaert. Op. cit., p. 37.

2. Après avoir été battu de verges en chambre ouverte des échevins, le 20 juil- let 1578, un entrepreneur fut encore fustigé jusqu'au sang « tôt den bloede geghees- seld » sur la place où il avait abandonné les travaux (Bouc van den Crisme de cette année).


LES MISÉRICORDES D AERSCHOT


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contre Charles-Quint (novembre 1539), il avait répandu de mau- vaises nouvelles (« quaede maeren had uitgestrooid »), disant « qu'avant la Saint-Martin, dix à douze mille hommes seraient venus à Gand, et que les Gantois verraient bientôt l'empereur dans



Fig. 95. — Satire d'une scène de flagellation judiciaire (Miséricorde d'Aerschot) (xv e siècle).


leur cité » (ce qui fut d'ailleurs vrai, car Charles-Quint vint à Gand le 16 février 1540), — subirent tous la même peine avec quelque variante.

Le bourreau lui-même, Hanske Jonchevt, qui avait fustigé tant de gens, fut à son tour battu de verges le 15 février 1549 en chambre échevinale, pour sa vie dévergondée et ses excès : « voor baelschap ende baldadegheid » {Bouc van den civisme, f. 174).


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


Les représentantes du beau sexe n'étaient pas épargnées. Une aventurière, Anna Souhieres, qui se faisait passer pour une dame de haut lignage, « had sich gheadscribeert den titel van grooten huuse, fleur ende extractie » (fleur de haute extraction), et qui, en cette qualité, s'était fait héberger dans les demeures de gens de l'aris- tocratie gantoise, où elle se fit remettre, en commettant toutes



Fig. 96. — Satire d'un Juif (Miséricorde d'Aerschot) (xv e siècle).


sortes de mensonges, de l'argent, des effets et d'autres objets, fui battue jusqu'au sang dans la chambre échevinale, marquée au fei rouge et fustigée aux quatre principaux carrefours de la ville, le 31 juillet 1561 1 .

Pétronilla van de Velde, qui avait usurpé divers noms de l'aris- tocratie, se faisant appeler notamment la comtesse Gabrielle,

1. Bouc van den Crisme, p. 130. Archives de la ville de Gand.


LES MISÉRICORDES d'aERSCHOÏ


iei


« Gabrielle's Gravens dochter », subit le même sort en juin 15G4- Il nous serait facile de citer d'autres faits de ee genre, mais nous devons, laute de place, les passer sous silence.

Un Juif, reconnaissable à son type et à ses longs cheveux tirebou-



Fig. 97. — Animal fantastique (Miséricorde d'Aerschot) (xv e siècle).

chonnants (fig. 96), est assis à rebours sur un animal fantastique dont il tient la queue. Ce sujet nous rappelle les avanies dont souf-


1. D'après l'acte d'accusation, cette femme est désignée comme originaire de Gueldrc. Elle avait réussi, sous son faux nom, à se faire épouser par un gentil- homme de Maëstricht. Le mariage fut déclaré nul par l'autorité ecclésiastique de Liège, pour cause de tromperie. Elle avait été condamnée à Bruxelles comme appartenant à la religion réformée, et pour avoir trompé les gens grâce à ses costumes fastueux. Elle fut relâchée après avoir ahjuré la foi nouvelle, puis avait continué ses aventures à Courtrai, où elle fut pendant tout un temps considérée comme une descendante d'une grande maison de la Gueldre : « van grooter af- compste van eenen huuse van Ghelder ». Voir à ce sujet J.-B. Cannaert. Op. cit., p. 35 et suivantes.

11


162 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

fraient, au moyen âge, les Israélites qui ne furent complètement émancipés qu'à l'époque de la Révolution française. Même en Bel- gique, où ils furent relativement mieux traités que dans d'autres pays, ils étaient abreuvés d'humiliations. Au xvm e siècle, nous les voyons encore forcés, à Gand, de prêter serment « pieds nus et en chemise ». Dans les pièces d'archives de Gand, on les voit figurer sous la rubrique : « Mendiants, vagabonds, lépreux et usuriers 1 ». Ce n'est qu'à l'époque de l'annexion de la Belgique à la France, c'est-à-dire en 1800 (an V11I), qu'ils osèrent demander protection à l'autorité supérieure pour qu'à l'avenir « ils ne fussent plus injuriés et maltraités dans les rues, malgré la loi française qui proclamait l'absolue liberté de conscience ». Leur adresse fut bien accueillie par le préfet du département de l'Escaut, Faipoult, qui mit enfin un terme aux abus graves qui se commettaient encore alors 2 .

En 1798 les Juifs de la ville de Gand avaient demandé de pou- voir établir un mur autour de leur cimetière, pour le mettre à l'abri des profanations 3 .

D'autres sujets moins intéressants, un homme (un Juif) dans un panier (la seconde figure a été enlevée) ; un roi à genoux, deux bêtes se chevauchant, un griiFon à tête de lion, un sacrifice d'Abraham, démontrant la cruauté des Juifs sacrifiant les petits enfants, et un griffon fantastique dont la queue se termine par une

1. V. van deu Haeghen. Inventaire des archives de la ville de Gand, 1896, p. 9. Voir aussi : Registre des Résolutions des Echevins de la Keure, 3 février 1718-1720 et décembre 1726, p. 94 bis.

2. Le conseil municipal de Gand, saisi de la question, prit dans la séance du 9 prairial an VIII (29 mai 1800) la décision suivante :

« L'administration municipale du canton de Gand.

« Informée que plusieurs personnes sont assez mal intentionnées pour insulter et maltraiter journellement dans les rues, sur les places publiques, et ailleurs, des citoyens professant la religion judaïque.

« Rappelle à ses concitoyens que, sous le gouvernement républicain, les principes de liberté et d'égalité, qui en sont les bases, garantissent à chaque citoyen, quel que soit le culte qu'il embrasse, sûreté et protection pour sa personne et ses propriétés.

« Qu'en conséquence, les auteurs des atteintes à ces droits ne pourront que pro- voquer sur eux toute la sévérité des lois établies pour la répression de ces atteintes, et dont l'administration municipale est déterminée à maintenir l'exécution de la manière la plus scrupuleuse.

« Le présent avis sera inséré dans la Gazette de Gand.

« Fait en séance du 9 prairial an VIII.

« Présents les citoyens Jean-Louis van Melle, président, Quetelet, Simoens, admi- nistrateurs municipaux, et Perier, secrétaire en chef. »

3. Voir à ce sujet: Prosper Glaeys. L'Antisémitisme à Gand en 1800 (Messager des sciences historiques, Gand, 1894, p. 369-372).


Les miséricordes d'aerschot


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tète d'aigle (fig. 97) qui se retourne menaçante contre lui 1 , pré- cèdent un moine professeur installé dans sa chaire et instruisant (?) des enfants nus rangés autour de lui. Ces derniers reliefs ont été



Fig. 98. — Satire d'un baladin (Miséricorde d'Aerschot).

enlevés à coups de ciseaux, le sujet paraissant sans doute trop risqué pour une église.

La série de gauche n'est pas moins intéressante et variée. Notons-y tout d'abord un amusant bonhomme, émule d'Uylenspieghel, qui, souffrant de colique, se trouve pressé de déposer son offrande hors du temple. L'ancienne plaisanterie montrant un homme abaissant ses chausses, et découvrant la partie postérieure de son individu, y revit bien complète, comme elle se perpétua jusqu'à l'époque de

i. Une miséricorde absolument semblable se trouve à Vendôme (Loir-et-Cher) à féglise de la Trinité (Une reproduction s'en trouve dans l'ouvrage du D r Witkowski, p. 278 .


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


Louis XIV parmi les comparses égayant les kermesses de D. Te niers le jeune. Encore un Dragon rappelant la peur de l'au-delà puis un disloqué se renversant comme au Moulin Rouge 1 (fig. 98 ] Après ces sculptures profanes, un Saint-Georges nous fournit un



Fig. 99. — Elle lierait le diable sur un coussin avec des rubans (Proverbe flamand) (Miséricorde d'Aerschot) (xv e siècle).

note nouvelle, tandis qu'à côté un homme ouvrant une large bouchi devant un four, déjà vu plus haut, se montre ici avec une variante


1. Les personnages hommes et femmes faisant des tours de dislocation, satire de histrions, sont nombreux dans nos églises depuis l'époque romaine. L'ouvrage di D r Witkowski : l'Art profane h l'Eglise, en reproduit un grand nombre relevé dans les églises de France.


LES .MISÉRICORDES d'aERSCHOT


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cest-à-dire absolument nu. Deux singes s ébattant forment un groupe grotesque, à côté d'une miséricorde qui représente un proverbe bien flamand : « Elle lierait le diable avec des rubans sur un coussin »» (Ze zou den duivel op een kussen binden met bntjens). D 1C ton qui souligne la duplicité de la femme à qui Ton



Fig. 100. — Le Renard et la Gigogne (Miséricorde d'Aerschot) (xv e siècle.)


ne peut se fier et qui est capable de duper Belzébuth (fig. 99). Le contraste de la jolie ensorceleuse avec l'affreux démon, malheureu- sement fort abîmé, est des plus amusant.

La bête de l'Apocalypse échappée de l'enfer suit ; puis nous voyons la fable ancienne du Renard et de la Cigogne (fig. 100), et, terminant la série basse, un Porc sur un tonneau, qui nous montre d'une façon satirique que l'abus du vin ravale l'homme au niveau de cet animal immonde.

La rangée des stalles hautes, à gauche, offre successivement aux


166 LES MISÉRICORDES EN RELGIQUE

regards : un ange tenant un écu ; Jésus tenté par le démon (ou bien un exorcisme, sujet bien impressionnant au moyen âge); un homme nu, les bras en l'air et accroupi, dont on a enlevé la partie inférieure pour cause d'obscénité ; un groupe amusant, représentant un moine assis, tenant la patte d'un porc dont il caresse le museau, sujet également abîmé par le zèle dévot d'un imbécile (fîg. 101). Il faut avouer cependant que la vue de ce porc portant la capuce et donnant la patte à un moine constitue une satire assez dure de la vie religieuse, indiquant clairement que les deux amis se valent sous les rapports de la saleté, de la gourmandise et du vice, et qu'ils sont faits « pour se donner la main ».

La crainte du Turc, l'ennemi des Croisés, qui fit souvent trembler la chrétienté, est rappelée par un terrible géant nu, coiffé d'un turban et brandissant des verges. Espèce de croquemitaine dont s'effrayaient sans doute les grands comme les petits enfants. Le costume turc était aussi celui du Juif-Errant, dont nous avons déjà vu l'image sur une miséricorde de Diest. La croyance en ce personnage biblique était générale au moyen âge, et bien des mendiants et vagabonds profitèrent de la crédulité de nos populations flamandes pour les exploiter à leur profit. Une curieuse anecdote, trouvée dans un manuscrit conservé à la Bibliothèque de l'Université de Gand, prouve qu'au xvn e siècle cette exploitation amusante faisait encore des dupes, même parmi les autorités civiles et religieuses de nos grandes villes.

« En 1623, le 26 mai, spécifie le chroniqueur, un étranger, vêtu plus ou moins à la Turque, sans haut-de-chausse, sans bas, la tête entièrement chauve et le menton orné d'une énorme barbe, tenant en main un bâton de pèlerin auquel pendait la traditionnelle cale- basse, se présenta à la porte de Messines, à Ypres. La sentinelle, un bon bourgeois du nom de Daniel de Breyne, interpella le singulier personnage et lui demanda en flamand d'où il venait et ce qu'il voulait. L'inconnu ne répondit pas. La sentinelle répéta sa question en espagnol, et alors l'étranger lui dit : Je suis le Juif- Errant. De Breyne, quoique étonné, appréhenda l'illustre person- nage et, sans respect pour son âge, le conduisit au bailli, qui était alors Pierre van de Gasteele. Ce magistrat fît subir au Juif-Errant un interrogatoire en espagnol, dans lequel l'archicentenaire enfant de Moïse répéta ce qu'il avait dit à la sentinelle bourgeoise, ajou-


LES MISÉRICORDES d'aERSCHOT


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tant : « J'étais sur le seuil de ma porte, lorsque Jésus passa mar- chant vers le Calvaire, chargé de sa croix ; lorsqu'il fut arrivé devant ma demeure, il s'arrêta pour se reposer un instant; je considérais comme une honte pour moi qu'un criminel se reposât sur mon seuil. Alors je lui dis grossièrement : Pourquoi vous arrêtez-vous ici,



Fie- 101 — Qui se ressemble s'assemble (Satire des moines) (Miséricorde d'Aerschot) (xV siècle).

honte du peuple d'Israël, passez votre chemin et allez où vous le méritez. Le Christ me répondit: Moi, je m arrêtera., mais vous, vous marcherez jusqu'au jour du Jugement; et au même instant une force invisible me poussa hors de chez mm à travers le monde, que je parcours dans tous les sens depuis bieuW **** cents ans, et que je suis condamné à parcouru- jusqu au dern er jour. Maintenant, seigneur magistrat, je ne demande qu une grâce,


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LES MISERICORDES EN RELGIQUE


c'est de pouvoir mendier mon pain ici comme je l'ai fait ailleurs, car l'homme aussi longtemps qu'il vit a besoin de se nourrir. » Le bailli lui accorda sa demande et voilà notre centenaire s'en allant de porte en porte mendier pour le Juif-Errant, suivi d'un grand concours de gens, tous fort étonnés de voir un homme âgé de seize



Fig. 102. — Le guerrier marin (Miséricorde d'Aerschot) (xv e siècle).


cents ans encore fort ingambe. Petits et grands lui donnaient à l'envi, et le soir il alla rjrendre son gîte dans une auberge située près du rempart, à l'enseigne du Brésil. Le lendemain il recom- mença sa ronde ; on ne parlait plus dans tout Ypres que du Juif- Errant, à tel point que l'évêque le fit venir et lui donna même à dîner; là, on put observer qu'il parlait fort bien plusieurs langues:


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LES MISÉRICORDES d'aeRSCIIOT


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le latin, l'italien, l'espagnol, le français, l'anglais, etc. 11 ignorait le flamand, disait-il, n'étant jamais venu en Flandre. Il raconta un grand nombre de choses merveilleuses vues pendant sa longue carrière, et Tévêque, ainsi que les autres personnes présentes, lui firent de larges aumônes....

Entre temps le Juif-Errant n'avait pas perdu son temps. Voulant bon gîte et le reste, il séduisit la fille de ses hôtes, Christine Vers-



Fig. 103. — Satire d'une vierge sage (Miséricordes d'Aerschot) (xv e siècle).

chuere, en lui donnant force cadeaux, notamment une belle faille en soie et en lui promettant mariage. Il lui raconta qu'en ce moment il était veuf, qu'elle serait sa cent- vingt troisième femme, et que, comme ses autres épouses elle raccompagnerait partout, soit en chariot, soit en bateau, d'autres fois en carrosse; qu'elle mènerait bonne vie et n'aurait nullement à craindre de se trouver veuve, attendu qu'il devait vivre jusqu'au jour du Jugement dernier. Malheureusement pour lui, pendant qu'il mendiait dans les envi-


170 LES MISÉRICORDES EN RELGIQUE

rons d'Ypres, une jeune femme vint de France et demanda si l'on n'avait pas vu le Juif-Errant. On lui indiqua l'auberge du Brésil, et là elle expliqua qu'elle était sa femme, qu'il l'avait épousée à Arras et que le soi-disant Juif centenaire était un Français du nom de Léo- pold Delporte, né à Paris, qui se moquait d'eux. L'explication entre les deux épouses fut orageuse. Plus encore celle qui suivit lorsque le vagabond, rentrant, mit son ancienne compagne à la porte avec force injures et coups, soutenant qu'il ne l'avait jamais vue.

La femme se plaignit au bailli qui fit une enquête. Pour comble de malheur, un capitaine italien qui avait cru le reconnaître pour un de ses anciens soldats, avait écrit à Gand à son colonel, de qui il apprit que c'était un déserteur d'une compagnie wallonne ayant servi en Espagne.

Aussitôt arrêté par les soldats espagnols, il fut mis sur une char- rette, pieds et poings liés, et conduit à Gand, où, peu après, il ter- mina son aventureuse carrière, une forte cravate de chanvre au cou.

Neuf mois plus tard, dit en terminant le chroniqueur flamand, la fille de l'auberge du « Brésil » mit au monde un garçon frais et joufflu que l'on appela, en souvenir de son père, Léopold le Juif, « Pol Joods » ; lui-même fit souche à Ypres, perpétuant le souvenir de cette curieuse aventure. »

Les miséricordes suivantes : un guerrier marin (fig. 102), dont nous avons vu déjà d'autres exemplaires ; un fou tenant un vidrecome ou un calice ; un valet qui s'apprête à frapper de son épée son maître qui dort (peut-être un souvenir d'un crime contemporain commis dans la localité) ; Jonas sortant du ventre de la baleine, et saint Roch étalant ses plaies, — constituent des sujets de genres diffé- rents, également d'intérêt pour l'étude folklorique de la population belge au moyen âge.

Deux sculptures, appartenant au genre des scènes champêtres créées par P. Breughel le Vieux, suivent. L'une représente deux paysans dansant joyeusement, l'autre un joueur de chalumeau ou de cornemuse. Ces deux miséricordes constituent de vrais petits chefs-d'œuvre d'observation et de finesse d'exécution. La portée anodine de ces sculptures leur a valu sans doute d'être respectées par le zélé dévot qui châtra la plupart des miséricordes d'Aerschot. Pour clore la série, citons un dernier sujet destiné, dans l'idée du


LES MISÉRICORDES d'aERSCHOT 17]


sculpteur, à humilier les Juifs en leur rappelant les turpitudes de leurs ancêtres du temps de la Bible, c'est l'épisode des iils de Noé trouvant leur père ivre et découvrant sa nudité.

Les entrées des stalles présentent également des reliefs profanes qui méritent d'être signalés. Entre autres une parodie des vierges sages et des vierges folles, montrant d'un coté une vieille dévote qui, la faille rabattue sur les yeux, égrène un gros chapelet (fig. 103), tandis que la vierge folle est représentée par une jolie courtisane ayant son bonnet pour tout costume (fig. 104). On sait que Pierre Breughel le Vieux devait faire plus tard, sous le titre de la parabole des Vierges sages et des vierges folles, une de ses compo- sitions les plus curieuses et les plus intéressantes. Suivant l'exemple des primitifs, il l'a partagée en deux zones : celle du bas nous montre d'un côté les cinq vierges sages travaillant à la lueur de leur lampe, l'une à la lessive, l'autre à son rouet, une troisième à sa couture tandis que les deux dernières filent et enroulent le fil en écheveaux ; de l'autre côté nous voyons les vierges folles dansant au son du chalumeau. Toutes les classes de la société sont repré- sentées parmi ces dernières : on y distingue la patricienne, une bourse bien garnie au côté, une bourgeoise, une paysanne et même une ribaude d'armée, portant le pourpoint avec manches à crevés, la tête couverte de la coiffure du lansquenet. Ces deux scènes, d'une donnée neuve, sont d'un réalisme piquant et des plus instruc- tives au point de vue folklorique à cette époque.

La partie supérieure, représentant le ciel, nous montre, comme contraste, une composition en tous points semblables aux données en usage chez les peintres religieux primitifs. Le ciel est représenté par une cathédrale gothique aux grêles colonnettes. Une porte ouverte laisse entrer les vierges sages tenant leurs lampes encore allumées, tandis que les vierges folles, honteuses et leurs lampes éteintes, frappent vainement à la porte qui leur restera fermée. Selon l'habitude médiévale, les âmes bienheureuses, comme les âmes en peine, sont représentées par des corps complètement nus. Les anges qui sonnent de la trompette recourbée, ainsi que l'archange qui tient une banderole avec ces mots : Ecce sponsus venit exile obviam ei, rappellent également les traditions de l'école de van der Weyden. A côté de nos deux vierges, nous voyons un solide moine ayant sa capuce pour tout costume (fig. 105). Cette dernière


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


nudité, comme d'ailleurs la précédente, a souffert du rabot et du ciseau du dévot imbécile qui a châtré le religieux et considérable- ment réduit les appâts de la femme.

Les miséricordes de la collégiale sont disposées dans l'ordre sui-



Fig. 104. — Satire d'une vierge folle ou courtisane (Entrée de stalle d'Aerschot) (xv e siècle).


vant (stalles basses à droite) : 1° un homme déculotté se sauve; 2° un dragon ou bête fantastique, ses deux têtes se menacent (fîg. 97); 3° saltimbanque disloqué qui se renverse (fig. 98); 4° saint Georges combattant le dragon; 5° l'homme devant un four (mal aux dents?); 6° deux singes luttent; 7° une femme lie un démon sur un coussin (fig. 99); 8° monstre; 9° le Renard et la Gigogne (fig. 100); 10° porc sur un tonneau.


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Stalles hautes : i° un ange tenant un écusson; 2° le Christ avec un démon (scène de tentation) ; 3° hommes nus, les bras levés partie inférieure enlevée; 4° un moine assis fait danser un porc



Fig. 105. — Satire d'un moine (Entrée de stalle à Aerschot) (xv p siècle).

portant la capuce de moine (fig*. 101); 5° un guerrier armé et nu porte le turban des Infidèles; il est armé d'un bouclier; 6° un guer- rier marin (fig. 102); 7° un homme endormi, un autre le menace (?) ; 8° le Purgatoire, le Christ sauve une âme ; 9° un fou tient dune main un calice (ou vidrecome) et de Fautre sa marotte; 10° un manant gaule un arbre; 11° Noé ivre, Cham s'en moque; 12° bergers et


174 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

ménestrel; 13° un homme nu (assis) se chauffe; 14° groupe de deux hommes, sujet indéchiffrable; 15° saint Roch avec son chien.

A gauche série basse : 1° un Juif au bonnet pointu mange dans l'auge de deux porcs (Enfant prodigue ?) (fig. 90); 2° un singe, qui tient une bourse, rit; 3° un démon porte une âme en enfer; 4° un ivrogne assis sur un tonneau ; 5° un ménestrel ; 6° deux singes por- tant des habits de moines, assis sur des pliants, conversent (phylac- tère) (fig. 91); 7° un singe ou un démon à quatre pattes sert de monture à une femme nue (sujet détérioré) (fig. 92) ; 8° un homme (Jacob?) en bénit un autre; 9° Moïse portant les tables de la loi; 10° un voleur de poule s'enfuit (fig. 93).

Série haute : 1° un pélican nourrit ses petits ; 2° sujet diabo- lique (?) ; 3° un roi se met à genoux devant la Vierge (apparition?) ; 4° lion avec armoirie ; 5° roses pour des pourceaux (proverbe) ; 6° un Juif avec un chien qui lui lèche la bouche — satire des Juifs — ou bien peut-être réminiscence d'Ulysse reconnu par son chien (fig. 94); 7° deux personnages nus se battent; l'un bat l'autre avec des verges (fîg. 95) : 8° un Juif chevauche un animal fantas- tique, la face tournée vers la queue, qu'il tient d'une main (fig. 96); 9° un paysan portant un panier sur un bâton, une seconde figure manque : 10° figure nue sur animal diabolique ; 1 1° homme à genoux, une seconde figure du groupe manque; 12° dragon; 13° sacrifice d'Abraham (?); 14° griffon sans ailes; 15° un moine prêche, ou in- struit en chaire des enfants nus qui l'entourent (ces dernières figures complètement détruites) ; 16° fragment d'un autre moine.




CHAPITRE X

LES MISÉRICORDES DE WALCOURT (xvi c SIÈCLE)


Les stalles et les miséricordes de L'église Saint-Mate me, à Walcourt, datent de 1531,— Elles y furent placées sur l'ordre de Charles-Quint. — Plus que toutes les autres miséricordes de la Belgique, elles reflètent les traditions populaires et la grosse bonne humeur de nos pères, que n'effarouchait pas une plaisanterie un peu crue.— Le Renard, en costume de moine, prêchant devant des gallinacés crédules.

— Satire d'un maréchal-ferrant qui pose un fer à cheval à une grue. — Le Monde à l'envers. — Satire des galants, montrant aux dames comment il faut se défendre de leurs entreprises. — Satire du vicieux, proie naturelle de l'enfer. — Encore l'homme au four. — Satires d'un moine et d'un baladin ou histrion. — Une grue parée d'un collier, satire des orgueilleux. — Un sagittaire. — L'homme qui sort dégoûté du monde. — Un tableau analogue de Joachim Patenter, chez le prime de Salm-Salm. — Une famille de chieurs. — Les water-closets en Belgique dans la première moitié du xix e siècle. — Comment, et où, un ministre et un grand historien conversaient à Ypres, en 1884. — Les plaisanteries scatolo^iques de Thyl Uylenspieghel. — Comment le héros flamand surpassa en folies le fou du roi de Pologne. — Les excréments déposés ou manipulés par Uylenspieghel dans ses farces. — La plus ancienne édition de son histoire. — Comparaison de nos miséricordes les plus licencieuses avec les gravures du même genre à la même époque. — Le Mary fessé. — Le Bordeau. — La Ceinture de chasteté. — La Lutte pour la culotte. — La Braguette. — Le Priape, etc. — La femme nue de Wie- ricx. — Les peintures et les gravures licencieuses françaises au xvm* siècle. — Les grimaciers. — Satire des histrions. — Autre sujet scatologique. — La femme conduisant l'homme. — Sujet licencieux rappelant le supplice du chevalier de saint Louis au siège d'Acre, d'après Joinville. — Satire des tournois et des femmes.

— Deux dames nues rompent une lance, à cheval sur des montures humaines. — La femme savante.— Satire d'un moine et d'une religieuse (groupe). — Le moine mouton. — La sirène et le guerrier marin. — Satire de l'entêtement. — Satire des Juifs et des disloqués. — Saint Antoine patron des malades. — Le mal des ardents. —Les symptômes de ce mal effrayant. —Les remèdes. — L'ermitage au bois d'Havre, près de Mons. — La fête populaire de saint Antoine, à Mons. — Les crosseurs de saint Antoine. — La fête des enfants. — Liste complète des miséricordes de Walcourt.

La belle église Saint-Materne, à Walcourt, qui date du xm c siècle (elle a été récemment restaurée), contient, à côté dun superbe jubé, que Charles-Quint y fit placer en 1531, des stalles sculptées


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


qui constituent, par leurs décorations sculpturales, des documents du plus haut intérêt pour l'histoire de la tradition populaire en Belgique. Elles sont à peu près de la même époque que le jubé dont nous parlions plus haut 1 .

Plus que dans toutes les autres miséricordes de la Belgique, nous y voyons régner la bonne grosse humeur de nos pères, aimant



Fig. 106. — Le Renard prêchant (Satire des moines et proverbe flamand) (Miséricorde de Walcourt) (xvi e siècle).

les plaisanteries un peu crues et s'amusant de ces farces de cou- vent, où l'élément scatologique n'est pas le plus répréhensible.

Presque toutes méritent d'être rapidement passées en revue. Souvenir persistant de notre grande épopée animale 2 , nous voyons


1. Les hauts dossiers de ces belles stalles ont malheureusement disparu.

2. Faisons remarquer ici que, d'après M. L. Willems, qui s'est spécialisé dans l'étude des éditions anciennes du Roman du Renard flamand, les nombreuses miséricordes déjà vues et à voir, représentant le Goupil, ne commentent pas le texte écrit flamand, mais des récits traditionnels peut-être antérieurs.


LES MISÉKICORDES DE WALCOliRT


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d abord, sur le premier siège à droite (rangée du bas) : Un renard vêtu de la coule, prêchant du haut de sa chaire. Son auditoire comprend une poule, un coq et une oie qui l'écoutent sans défiance et dont il va faire sa proie (fig. 106). Cette miséricorde nous rappelle



Fig. 107. — Satire d'un maréchal ferrant (Miséricorde de Walcourt) (xvi e siècle).

le proverbe flamand : « Als de vos de passie preekt, boer pas op u ganzen » (Lorsque le renard prêche la passion, le paysan doit mieux garder ses oies). Plus drôle, à côté, un maréchal-ferrant a attaché une oie gigantesque dans une machine à ferrer les chevaux et s'ap- prête à poser sur sa patte palmée un fer à cheval (fig. 107).

La miséricorde suivante est plus extraordinaire : elle nous montre une femme versant une aiguière remplie d'eau dans les culottes ouvertes d'un homme qui la poursuit... les armes à la main

12


178 LES MISÉRICORDES EN RELGIQUE

(fig. 108). Nos ancêtres, on doit le rappeler, ne voyaient aucun mal à représenter dans les églises pareils sujets. Ne trouvant probable- ment pas inutile de montrer aux épouses fidèles de quelle façon on pouvait repousser les entreprises de galants par trop entreprenants. Peut-être sommes-nous simplement en présence d'un de ces nom- breux épisodes de la lutte pour la suprématie dans la vie conjugale. Sujet si fréquent dans l'œuvre peint et gravé de Breughel le Vieux et parmi les estampes antérieures de van Mekene, mais que l'on retrouve surtout nombreuses dans les miséricordes sculptées par les huchiers belges.

Le monde infernal, qui hanta le peintre de Bois-le-Duc, trouve- un écho dans la sculpture suivante où nous voyons un monstre manger un homme nu en commençant par son arrière-train. Notons encore deux hommes tournant un treuil et faisant apparaître, a l'orifice d'un puits, un de leurs compagnons ; une grue, symbole de l'orgueil, se pavanant et portant au cou un collier : tandis qu'à côté une vieille mendiante ramasse du bois. Puis reparaît l'homme assis devant un four, la joue gonflée par une fluxion (fîg. 109), tandis qu'un forgeron fait manœuvrer une lourde machine ressemblant à un marteau-pilon. Une bête fantastique à tête humaine, individua- lisée et couverte de lacapuce, fait songer à une satire dirigée contre quelque moine connu de l'imagier.

La rangée du haut, même côté, offre à notre vue un homme dis- loqué tenant une épée, image des baladins; un griffon, qui à cette époque figurait dans tous les traités de zoologie comme un animal existant; un sagittaire ou centaure, l'homme bestial, armé d'un arc; et une chauve-souris, suivent. Une composition plus compliquée : un homme qui sort dégoûté du monde (fig. 110), nous offre un sym- bole souvent représenté, notamment en peinture, dans un tableau de Joachim Patenir, exposé aux Primitifs Allemands à Dusseldorf en 1904. Cette œuvre très curieuse appartient au prince de Salm- Salm, et se trouve reproduite dans la seconde édition du genre satirique 1 .

Deux personnages accroupis, dos à dos, probablement l'homme et la femme (fig. 111), satisfont en famille à un besoin. Le premier abaissant ses chausses, la seconde relevant ses jupes, constituent

1. Le Genre satirique dans la peinture flamande. Planche XXVII, fig. 196, p. 244.




LES MISÉRICORDES DE WALCOLRT 179




un sujet de mœurs usuelles en Belgique et le souvenir d'un usage qui s'est conservé jusqu'à ces dernières années. Plusieurs maisons anciennes belges possèdent encore des « buen retiros » accouplés pour les grands, accompagnés de sièges plus petits pour les enfants, permettant à tout un ménage de se soulager ensemble et sans retard 1 .

Les publications de l'Académie royale de Belgique nous four- nissent une preuve certaine que ces mœurs étaient encore en usage à Ypres, il y a une trentaine d'années, même chez les personnages les plus haut placés.

L'amusant récit que fit en 1888 le grand historien Alexandre Henné d'une scène analogue, où il joua lui-même un rôle important lorsqu'il logeait chez Alphonse van den Peereboom, bourgmestre d' Ypres et futur ministre belge, mérite d'être rappelé :

« Quelqu'un que je connais, mais que je ne veux pas nommer, comme disait Hérodote, était alors à Ypres, cordialement installé dans le luxueux appartement où le premier magistrat de la ville avait récemment logé le comte de Flandre. Alphonse van den Peereboom jugeait que ses amis ne pouvaient être trop bien traités.

Un dimanche matin que ce quelqu'un, homme régulier, se diri- geait vers les lieux où l'on va,

... dans une humble posture. Débarrasser ses flancs d'un importun fardeau

(Alfred de Musset)

il les trouva occupés par son hôte. Il allait se retirer discrètement, mais celui-ci l'arrêta : « Prenez place, dit-il, ce sont des jumelles ». Quoique inhabitué à ce genre de confort, en usage dans beaucoup de villes de nos Flandres, l'invité boucha l'autre urne et alors s'en- gagea le dialogue suivant :

Alphonse. — Mon cher ami, il m'arriveune bien singulière chose.

Lui. — Bonne je l'espère?

Alphonse. — Mais non, on veut me faire ministre.

Lui. —Eh bien! tant mieux! le gouvernement comptera un

1. Nous verrons plus loin, dans un recueil de proverbes populaires flamands illustrés, qui se vendait encore en Flandre vers le milieu du xix e siècle, deux personnages accouplés dans une même posture, avec cette devise : « Dese scheyten door een ^at » (Ces deux chient par un trou).


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LES MISERICORDES EN RELGIQUE


honnête homme de plus et un excellent administrateur. Les dis- cussions auxquelles vous avez pris une large part justifient pleine- ment ce choix.

Quel ministère vous offre-t-on?



Fig. 108. — Satire des luxurieux (Miséricorde de Walcourt) (xvi e siècle).


Alphonse. — Les Travaux publics. Lui. — Oh n'acceptez pas celui-là.

La conversation se continua dans le jardinet... 1 ». Notre confrère, M. Léonard Willems 2 nous rappelle que certains pots en faïence

1. Alexandre Henné. Annuaire de l'Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. Année 1883, p. 419-420. Bruxelles, F. Hayez, rue de Louvain, etc.

2. Auteur d'une excellente Etude sur VIsengrinus. Gand, 1895 (Travaux de la Faculté de Philosophie et Lettres).


LES MISÉRICORDES DE WALCOURT


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et en terre cuite, d une forme spéciale, que l'on conserve sans en connaître 1 usage dans les collections et musées, servaient jadis dans les maisons bourgeoises à contenir de fines herbes fraîches ou bien du foin, qui remplissait l'usage actuel du papier, alors hors' de prix.

Les plaisanteries scatologiques, comme on a pu le constater déjà,



Fig. 109. — Faire une bouche plus grande qu'un four (Proverbe flamand) (Miséricorde de Walcourt) (xvi e siècle).


jouirent de bonne heure, en Belgique, d'une grande faveur, et le succès des farces, où les excréments jouaient un rôle important, ne fut pas moins grand et se continua pendant longtemps.

Dans le plus ancien exemplaire imprimé connu de l'histoire de Thyl Uylenspieghel, — datant de 1512 \ — nous voyons que les exhibi-

1. Cet exemplaire, plus ancien que tous ceux qui existent en d'autres langues, se trouve conservé à la Bibliothèque royale de Copenhague.


182 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

tions indécentes et les plaisanteries scatologiques étaient également en grande faveur dans les autres pays de l'Europe. Sur une estampe du temps, illustrant le chapitre intitulé « Hoe Ulespieghel den sot des conincx van Polen verwon met grooter sotternien » [Comment Uylenspiegel vainquit le fou du roi de Pologne par plus grandes folies), nous voyons le héros populaire flamand et le fou de la cour polonaise se déculotter dans la salle, devant le roi assis sur son trône, la couronne en tête et le sceptre à la main, et déposer chacun un échantillon des produits de leur digestion (Voir fig. 112). Voici comment, dans une édition française très expurgée, on raconte l'épisode : « Le Roi considérant, et pour en avoir le plaisir, les fit venir tous les deux en la salle, disant : Celui de vous deux qui fera quelque folie que l'autre ne puisse faire, je lui donnerai des habillements et vingt ducats. Alors ces fous firent plusieurs sin- geries et moqueries.

« Le Roi et les nobles rioient, ayant désir de voir lequel des deux gagneroit les habillements. Ulespiègle s'en alla au milieu de la salle devant le roi... prit une cuiller et divisa certaine chose sale en deux, disant : mangez la moitié de ce que je fais, et je mangeroi la moitié de ce que vous avez fait ; le fou répondit ainsi : Quand je devroi aller nud tout le temps de ma vie, je ne voudrai manger, ni de l'un, ni de l'autre. Ainsi Ulespiègle gagna le prix ; le Roi lui fit donner les habillements et les ducats, et ensuite Ulespiègle se retira 1 . »

Nous voyons des excréments déposés, ou manipulés par Uylens- pieghel, sur d'autres estampes du même livre : « Hoe Ulenspieghel medecinen gaf eenen docteur » [Comment Uylenspieghel donna des médicaments à un docteur) ; « Hoe Ulenspieghel een cranck kind schy tende maekte also hy seyde, daer hy veel dancx ende eer afcreech (Comment Uylenspieghel fit chier un enfant malade, à ce qu'il disoit, et de la reconnaissance et de Vhonneur que cela lui rap- porta-); « Hoe Ulenspieghel, te Francfort, drie Joden bedrooch


1. La Vie joyeuse et récréative de Thiel Ulespiègle, de ses faits merveilleux et fortunes qu'il a eu; lequel par aucune ruse ne se laissa pas tromper. A Troyes, chez A.-P.-F. André, impr. libr. et fabricant de papier, Grand' Rue, vis-à-vis la Belle-Croix, avec permission (sans date).

2. Ce chapitre manque dans l'exemplaire de Copenhague; ce sont les pages C 2 et C 3 . Elles se trouvent dans le texte de l'édition flamande imprimée à Anvers, en 1575, par Jan van Ghelen. Il n'en existe également qu'un seul exemplaire, celui-ci se


LES MISÉRICORDES DE WALCOURT 183


dien hi stront vercochte » [Comment Uylenspieghel à Francfort trompa trois juifs en leur vendant du bran 1 ). De plus, il est repré- senté montrant ses fesses sur la page du frontispice, et faisant le même geste sur l'estampe suivante, lorsqu'assis en croupe sur le cheval de son père, il scandalise les passants par cette exhibition naturaliste. Au chapitre : « Hoe Ulenspieghel antwoorde eenen man die na den wech vroeghde » (Comment Uylespicghel (enfant) répondit à un homme qui lui demandait son chemin) ; c'est nu et assis sur un pot de chambre, que nous le voyons donner des con- seils fantaisistes de nature à égarer le voyageur qui le questionne, et plus loin c'est par une plaisanterie des plus dégoûtantes qu'il se sauve du gibet qu'il mérita si souvent. Bien d'autres chapitres, non illustrés, dans le genre de celui-ci : « Hoe Ulenspieghel stront voor smeer oft vet vercocht 2 », montrent encore le grand succès qu'a- vaient les facéties les plus grossières.

Le caractère licencieux des miséricordes et des figures qui décorent les rampants des parcloses des stalles de Walcourt, ne doit pas trop nous étonner, si l'on songe que les estampes contemporaines, et même celles du xvn e et du xvm e siècle, présentent un caractère bien plus grivois.

11 nous suffira de citer quelques titres : le Mary fessé, par Savery de Courtrai, 157b'-1639; le Bordcau, par Corneille Van Dalen, qui florissait vers 1590 ; puis une quantité de gravures anonymes, éga- lement conservées au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale de Paris, dans le Recueil de pièces facétieuses et bouffonnes de l'abbé de Marolles 3 , portant des titres tels que : la Ceinture de chasteté, la Lutte pour la culotte, la Braguette, le Priape, etc.

Une mention spéciale doit être faite pour ce qui concerne l'es- tampe d'HiéronimusWiericks ou Wiericx, d'Amsterdam (1550-1617), où nous voyons assemblés un alchimiste, un pêcheur, un chasseur

trouve à la Bibliothèque royale de Berlin. L'édition conservée à Copenhague, avec les pages manquantes remplacées par celles de Berlin, a été rééditée en 1898 par Martinus Nyhofï, à La Haye, en fac-similé.

1. Ce chapitre a été supprimé dans l'édition française, publiée avec permission, que nous avons citée plus haut.

2. Dans l'édition française expurgée, citée plus haut, ce chapitre est intitule : « Comme Ulespiègle vendit à son maître cordonnier de la merde pour de la graisse », p. 25. . .

3. H. Bouchot. Catalogue du Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale de Paris. Littérature et fictions diverses, p. 301. Dans le même recueil se trouve une estampe satirique unique, représentant le Monde coiffé du bonnet des fous.


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LES MISÉRICORDES EN RELGIQUE


et un laboureur entourant une femme nue montrant gracieusement son sexe, tandis qu'une naïve inscription bilingue nous dit :

En vain cherchés, en terre, eau, ou flamme, Car c'est à faire, au seul trou de Madame *


et en flamand :

Graest uist'(sic) voghelt, en soeckt in 't vier T'es niet om vinden dan recht al hier.

Nous avons vu plus haut, lorsque nous avons décrit la scène de



Fig. 110. — L'homme qui sort dégoûté du monde (Miséricorde de Walcourt)

(xvi e siècle).


Y Application du remède par V apothicaire, sculpture conservée au Musée lapidaire de Bruges, que de nombreuses estampes exécutées par des graveurs et peintres français du xvm e siècle attentaient d'une façon charmante à la moralité publique. On connaît les œuvres

1. Cette gravure se trouve conservée au Cabinet des estampes de la Bibliothèque royale de Bruxelles. Farde contenant l'œuvre gravé de Iliéronimus Wiericks.


LES MISÉRICORDES DE VVALCOLRT


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d'une grâce si libertine de François Boucher ; ses soupers du Régent, ses abbés galants et ses filles, ses fauteuils renversés et ses baisers impudiques ; celles de Jeao-Honoré Fragonard, l'auteur charmant du Sacrifice à la rose et du Serment d'amour, mais qui peignit aussi le célèbre Verrou tiré, la Chemise qui brûle et maintes scènes



Fig. 111. — Us sont sur la lunette (W. C.) (Dicton flamand) (Miséricorde de Walcourt) (xvi e siècle).

erotiques du même genre 1 . Pierre-Antoine Baudouin, leur élève, peignit des sujets tels que : 1* Fille surprise, le Carquois épuisé, le Coucher de la mariée, la Sentinelle en défaut, les Amants éveillés et Y Épouse indiscrète ; Etienne Jeaurat eut du succès à la même époque avec ses nudités mythologiques et ses sujets plus réalistes, tels les Citrons de Javottc, ou son Transport des filles de joie. Citons encore les œuvres du même genre, exécutées par Jean-Baptiste

1. Rappelons que toutes ces peintures furent vulgarisées par la gravure.


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


Pater : son Mari battu et content, ses Fêtes champêtres et galantes, son Arrivée des comédiens, sa Tente des Vivandiers, ainsi que ses nombreuses « bambochades », comme l'on disait alors; sans oublier Antoine Watteau qui, à côté de son Embarquement pour Vile de Cythère, peignit de nombreuses Réunions galantes de baigneuses



Fig. 112. — Uylenspieghel à la Cour du roi de Pologne (d'après une estampe de 1512).


et d'autres scènes licencieuses, telles Y Indiscret, le Baiser ou Vile enchantée, — et son élève Saint- Aubin, à qui Ton doit le Triomphe de Vamour et nombre de scènes rustiques et populaires qui se passent dans les guinguettes et dans les autres endroits où Ton s'amuse.

Les grimaciers, ces grands amuseurs primitifs, sont rappelés par une grande tête effrayante dont la bouche est élargie par la traction des doigts, comme nous l'avons vu faire sur une des miséricordes de Saint-Pierre, de Louvain. Un saltimbanque, le corps terminé par une forme de bête, et un fou tenant sa marotte montrent une fois


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LES MISERICORDES DE WALCOURT


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de plus combien leurs personnalités intéressaient encore les gens au commencement du xvi e siècle.

Enfin, pour clore cette série, citons encore un sujet scatologique où un émule d'Uylenspieghel se soulage sans façon dans un plat, tandis qu'une grue, attirée par l'odeur, se régale voracement à ce festin improvisé (fig. 113).

A gauche, sur la miséricorde de la rangée basse, un homme



Fig-. 113. — Un émule d'Uylenspieghel (Miséricorde de Walcourt) (xvi e siècle).

hirsute, les bras levés, tient la planchette du siège tandis qu'un autre tire à une corde, essayant de renverser un arbre 1 . Puis, autre sujet obscène, nous voyons une femme entraînant derrière elle un

1. C'est l'illustration d'un proverbe flamand :

Maekt u niet moe

c'est-à-dire : ne vous donnez pas une peine inutile.


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


homme en chemise, les bras levés au ciel. Toute résistance est inutile car le point d'attache est sensible et bien choisi (fïg. 114).

Cette composition, qui peut être considérée soit comme une scène de débauche, soit comme une satire de la vie conjugale, n'est pas sans précédents dans l'histoire. Le sire de Join ville nous ap- prend, dans ses mémoires, qu'au siège de Saint- Jean-d' Acre, en


âfe»



(Miséricorde de Walcourt) (xvi e siècle).


Syrie, Louis IX ayant défendu à ses capitaines d'avoir des relations avec les vierges folles de leur corps, qui s'étaient établies près du camp des croisés, un chevalier fut surpris avec l'une d'elles dans un mauvais lieu et que justice sévère en fut faite. On lui laissa le choix : « Ou que la ribaude avec laquelle il avoit esté trouvée, le meneroit parmi l'ost (armée) en chemise et avec une corde liée au membre qui avoit pesché, ou, s'il ne vouloit telle chose souffrir, qu'il perdroit son cheval, son armure et harnois, et qu'il seroit


-


LES MISERICORDES DE WALCOURT


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chassé et fourbany de l'ost du roy ». Le chevalier, d'après Joinville, préféra perdre son armure plutôt que se soumettre à la peine humi- liante, qui ne fut pas épargnée au personnage de Walcourt, re- présenté sur la miséricorde de l'église Saint-Materne en cette ville. La sculpture suivante constitue a la fois une amusante satire des



Fig. 115. — Satire des femmes et des tournois (Miséricorde de Walcourt) (xvi e siècle).

tournois et un exemple du pouvoir de la femme faible sur les repré- sentants du sexe fort. Nous y voyons deux jouteuses nues, leur lance en arrêt, montées chacune sur un homme à quatre pattes qui, non sans une grimace ennuyée, fait office de monture (fig. 115).

L'une des femmes porte la coiffure compliquée d'une dame noble, tandis que l'autre est coiffée comme une simple bourgeoise ou villa-


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LES MISERICORDES EN RELGIQUE


geoise. Peut-être doit-on reconnaître dans ce groupe charmant un rappel de la lutte ou plutôt de la jalousie entre jolies femmes de castes différentes. Les sujets suivants : une femme qui lit un livre, satire des « bas-bleus » de cette époque, un moine qui lève les bras en voyant devant lui une religieuse, ou béguine, couchée à plat ventre; un coq et une poule, saint Paul renversé de cheval, trois hommes dans une barque (l'un se penche comme s'il avait le mal



Fig. 116.


Satire des baladins (Miséricorde de Walcourt) (xvi e siècle).


de mer) et un sacrifice d'Abraham destiné à souligner la cruauté des Juifs qui sacrifient jusqu'à leurs propres enfants, terminent la série basse.

La rangée des stalles hautes nous offre d'autres miséricordes. Un moine à tête d'agneau, rappelant l'épopée animale; le guerrier marin et la sirène, si souvent représentés dans nos églises. Puis nous assistons à la lutte d'un géant et d'un pygmée ; à une dispute entre deux chats pour une souris ; tandis que plus loin, deux chèvres affrontées sur un pont constituent un exemple d'entêtement légen-


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un


daire. Un homme tirant un animal par la queue nous semble u souvenir des humiliations dont on abreuvait les juifs et un dis loque faisant le grand écart (fig. 116) constitue une allusion aux



Fig. 117. — Un chieur (Statuette sur un rampant de parclose à Walcourt) (xvi e siècle).

saltimbanques dévergondés que l'Eglise stigmatisa de tous temps et essaya vainement de chasser des environs des temples.

Une dernière miséricorde, représentant saint Antoine accom- pagné de son cochon, nous rappelle combien la dévotion à ce saint fut générale en Belgique. Il figure dans toutes les églises, ainsi que sur les hauts dossiers et jouées de leurs stalles, mais occupe rare- ment la place presque irrévérencieuse d'un revers de siège ou de mi-


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LES MISERICORDES EN BELGIQUE


séricorde. C'est dans la ville de Mons, située comme Walcourt dans la province du Hainaut, que prit d'abord naissance ce culte pour le saint anachorète, dont Jérôme Bosch et les peintres de son école se complurent à commenter les tribulations diaboliques dans leurs

peintures. C'est vers la fin du qua- torzième siècle qu'apparut une conta- gion désastreuse connue sous le nom de feu sacré ou mal des ardents. Le malade présentait les symptômes d'une inflammation aiguë, qui atta- quait d'abord la peau ; puis un senti- ment pénible de tension et de séche- resse se propageait dans tout le corps, accompagné bientôt de douleurs cruelles. Une gangrène sèche succé- dait, consumant peu à peu le membre atteint, qui présentait par sa couleur noire et sa sécheresse l'aspect d'un sarment de vigne à moitié carbo- nisé. Quelquefois aussi le mal se ré- solvait en une putréfaction qui faisait tomber la partie offensée, entraînant souvent la mort de celui qui en était atteint. Cette espèce d'érysipèle brû- lant se propageait par le contact et les médecins de l'époque étaient im- puissants à combattre le mal. La menace de ce fléau suffisait à effrayer les voleurs, alors que l'anathème ec- clésiastique les laissait indifférents ■ . Les remèdes humains étant im- puissants, le peuple recourut aux moyens spirituels et l'on remar- qua bientôt que l'invocation à saint Antoine était d'un secours efficace. Les habitants de la ville de Mons, qui se souvenaient



Fig. 118. — La marmite est renversée

(Statuette d'une parclose à Walcourt)

(xvi 8 siècle).


I. Le baron de Reiffenberg, dans ses Mémoires de J. du Clercq, t. I, page 122, rapporte qu'un Roman du saint Graal, ayant appartenu à Engelbert de Nassau, porte au premier feuillet l'avis suivant: « Ce livre appartient au gentil chevalier Englebert le Vert, quoi qui le trouvera, il le rendra, ou le feu de saint Anthoinc l'ardra ».


LES MISÉRICORDES DE WÀLCOURT


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encore de la fameuse peste de 1349, en subirent les terribles ravages en 1382 et les hommages à saint Antoine, dont l'image se vovait partout, s'en accrut.

A une lieue de Mons, dans le bois d'Havre, vivait alors un pieux



Fi£. 119. — Satire d'une ribaude (Statuette d'une parclose à Walcourt) (xvi e siècle).


ermite qui s'appelait Antoine. Son ermitage, bientôt visité par la foule, devint un lieu de pèlerinage célèbre où s'opérèrent des gué- risons fameuses. Les villageois propagèrent la croyance que les environs de l'ermitage étaient fréquentés par des êtres surnaturels. Gérard d'Enghien, seigneur d'Havre, fit construire à cet endroit miraculeux une chapelle; Albert de Bavière, comte de Hainaut,


13


194 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

voulant perpétuer le souvenir de la cessation du feu sacré, institua en 1382 Tordre des Chevaliers de Saint-Antoine, qui ne fut conféré qu'aux membres de la plus haute noblesse, ou aux docteurs ennoblis par leur science. Des seigneurs étrangers briguèrent l'honneur d'en faire partie « pour estre préservés de maladies ardantes et pestilen- tieuses, » et ils suspendirent dans la chapelle leurs armoiries et leurs portraits.

A la fin du xiv e siècle, les seigneurs du Hainaut, ayant à leur tête le comte d'Ostrevant et accompagnés des Chevaliers de Saint-An- toine, firent des prouesses de valeur en Afrique 1 . Les chevaliers français qui se trouvèrent avec eux à l'île de Rhodes, en 1392, ayant entendu parler des merveilles opérées dans le bois d'Havre, firent connaître l'institution hospitalière de saint Antoine de Mons dans le Dauphiné, où se trouvaient depuis le xi c siècle les reliques du saint anachorète qui guérissait, là aussi, les malheureux atteints du mal sacré. En 1415, une convention fut conclue entre le sire d'Havre et l'abbé de saint Antoine de Vienne, en Dauphiné, et des donations faites pour loger et nourrir les pèlerins et malades pauvres dans unamands. — Version inédite, à trois personnages, du combat pour la culotte. — On ne peut briser les murs avec la tête. — Celui qui voit clair n'a pas besoin de lunettes. — Uylenspieghel lunetier. — La cavalerie d'Hoogstraeten. — Satire de la belle-mère. — Le lai de Virgile. — La parodie du lai d'Aristote. — Le pilier d'église. — Une arrestation. — L'homme devant son four. — Samson portant les portes de Gaza. — Satire des savants. — Samson et Dalila ou la duplicité de la femme. — Dalila porte le costume des ribaudes de l'armée espagnole. — La poule mouillée. — Satire des Juifs, des moines et des rhétoriciens. — Ces derniers accusés d'hérésie et persécutés sous le régime espagnol. — Les moines chassés du monde. — Les œuvres satiriques où figure la sphère terrestre. — Le tableau satirique du Prince de Salm-Salm par Patenier. — Plaisir pour la femme, peine pour le mari.— Parodie d'Hercule et d'Omphale; le Renard.— Le lièvre qui vient se faire rôtir. — Quelques stalles et miséricordes plus anciennes qui se trouvent dans le transept gauche de l'église d'Hoogstraeten. — Liste résumée des miséri- cordes.

Quoique peu connues, les belles stalles du chœur de la collégiale d'Hoogstraeten, en Gampine, méritent de nous arrêter quelque temps; car leurs miséricordes, ainsi que les figurines qui ornent les


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LES MISÉRICORDES EN RELG-IQUE


rampants de leurs parcloses, présentent un caractère profane et folklorique des plus intéressants. La plupart des sujets représentés constituent, ou bien la mise en scène d'un vice ou d'un défaut, ou bien l'illustration de l'un ou de l'autre de ces vieux proverbes thiois,



Fig. 122. — Des roses (et non pas des perles) pour les pourceaux (Proverbe flamand) (Miséricorde d'Hoogstraeten (xvi e siècle).


qui jouèrent un rôle si considérable dans l'histoire des mœurs de nos contrées flamandes.

Les archives d'Hoogstraeten nous apprennent qu'elles furent exécutées par Albrecht Gelmers, un imagier de la localité. Il figure à plusieurs reprises dans les livres de comptes des seigneurs d'Hoog- straeten, qui étaient aussi comtes de Lalaing. Les premiers payements faits à l'occasion de la confection de ces stalles remontent à 1531-1532 Le placement définitif des derniers sièges sculptés ne se fit cependant que dans les années 1546-1548. Elles sont encore au nombre de cinquante-quatre, et, chose rare, elles ont conservé leurs entrées, ainsi que leurs hauts dossiers.

La taille des miséricordes n'est pas à la hauteur de celle des


LES .MISERICORDES D IlOOGSTRAETEN


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figures religieuses sculptées sur les jouées et les entrées des stalles. On voit que l'imagier les a tracées d'un ciseau plus rapide, les traitant un peu en ébauches, ce qui n'enlève, d'ailleurs, rien à leur intérêt satirique ou folklorique.

En commençant par le bas, à gauche, nous voyons successivement :



Fig. 123. — Une bonne femme doit être battue (Proverbe allemand) (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi p siècle).

1° la satire des buveurs, symbolisée par un porc à cheval sur un tonneau, tenant un verre plein; 2° une satire des mauvais ménages : une femme s apprêtant à lancer un escabeau à la tête d'un homme (galant ou mari) qui porte le classique costume des fous; 3° le

proverbe flamand :

Rosen voor de verkens

traduction du dicton latin : Margaritas antc porcos, qui se trouve représenté d'une façon originale, nous montre une très curieuse por- cherie du temps (fig. 122) . On sait que ce sujet se trouve fréquemment


202 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

sculpté sur les miséricordes belges et étrangères, notamment à Aerschot, à Rouen et à Dordrecht. Les belles statues de cette dernière ville ont été exécutées par Jean Twerven Aertsz, dans la seconde moitié du xvi c siècle ; 4° un buveur devant son tonneau nous rappelle encore un des vices favoris des Flamands. L'ivrogne semble échappé d'une de ces kermesses si souvent peintes par les petits maîtres néerlandais des xvi e et xvn c siècles ; 5° un mari qui bat sa femme à l'aide d'un bâton (fîg. 123), nous fait songer au proverbe tudesque : « Ein gùtes Weib musst geprùghelt werden », une bonne femme doit être battue. Le souvenir des satires, ou plutôt des parodies des tournois, nous est rappelé par la miséricorde 6, où nous voyons deux bourgeois, vêtus de longues robes, enfourcher des bâtons terminés par une tête de cheval, et s'élancer l'un sur l'autre, la lance émoussée en arrêt (fîg. 124). On sait que ce genre de satire des joutes féodales, que l'on trouve si souvent représentées au moyen âge dans les manuscrits flamands et français, trouva même un écho dans les ar- chives belges. Les comptes communaux de la ville de Gand, no- tamment ceux des années 1447-1448, mentionnent des parodies populaires des tournois qui furent subsidiées par les échevins et qui eurent lieu au marché au Vendredi. Jean Germain et Jean Jouffroy, dans leur Liber de virtutibus Philippi, décrivent une de ces joutes « où les manants flamands se provoquent tantôt avec des gaules, tantôt avec des pieux, parfois avec des lignes à pêche. Ils s'essayent aux nobles tournois, inconnus à leurs ancêtres, et s'imaginent faire les chevaliers en montant des rosses louées... et souvent les éclats de rire, mieux encore que la force de leurs coups, démontent les com- pagnons qu'on leur oppose... ».

La septième miséricorde représente une femme, ou plutôt une religieuse qui, accoudée au-dessus du mur de son couvent, cause avec un galant qui se trouve dans la rue. Gomme nous le verrons plus loin, la morale était fort relâchée dans les couvents, et pareille scène de séduction ne doit aucunement nous étonner. Détail amu- sant, l'homme qui s'adresse ainsi à la recluse, reçoit sur la tête une espèce de plat ou d'écuelle. Le naïf imagier a trouvé moyen de représenter sur cette miséricorde le couvent avec ses grosses portes de chêne, ses murs percés de meurtrières, ses tours et ses petites fenêtres placées à une grande hauteur, pour empêcher les escalades et les évasions. Au 8 nous voyons un groupe formé par un fou qui,


PL. II



Fig. 63, 64 et 65. — LES SEMELLES DE POUTRES SATIRIQUES

DE L'HOTEL DE VILLE DE DAMME

Sculptées par Wautier van Inghen (XV e siècle)


LES MISÉRICORDES d'iIOOGSTRAEÏ EN 203


brandissant une gigantesque marotte ornée d'une énorme tête hu- maine, semble vouloir battre un joueur de cornemuse qui se pros- terne à ses pieds. On sait que les musiciens ambulants, descendants déchus des anciens jongleurs, avaient mauvaise réputation au xvi e siècle, tandis que les fous tenaient encore le haut du pavé. C'est ainsi que, d'après un manuscrit du xvi e siècle, dont il est fait mention dans le Messager des sciences, etc., de Gand (année 1838), nous savons qu'à Bruxelles, le 22 juillet 1551, eut lieu une fête ou congrès de fous, auquel furent invités les fous les plus célèbres de tous les pays. Ce « triomphe », comme l'appelle le chroniqueur ano- nyme, fut inventé et préparé par le peintre flamand Jan Colyns, qui fut nommé à cette occasion le prince des fous. Parmi les festivités qui eurent lieu, et qui durent être joyeuses, si l'on en croit le

proverbe :

Plus on est de fous, plus on rit!

il faut citer une superbe procession religieuse qui se forma à la « Putte Borre », et où figurèrent les amusants « triomphateurs ». Ce cortège, mi-religieux, mi-burlesque, défila devant la reine douai- rière de France et sa sœur Marie, qui vinrent les applaudir au Marché au Bois. « Oomke » (le petit oncle), surnom bien connu de leur prince Jean Colyns, se vit voiturer en grande pompe sur un petit chariot vers l'église Sainte-Gudule, où une messe solennelle, avec chant et orgues, fut célébrée. Après l'office, les fous descen- dirent la rue d'Assaut, en passant, non sans huées, devant le couvent des Frères Prêcheurs, et le refuge des Filles du Repentir, où se trouvaient reléguées les prostituées revenues, de gré ou de force, à récipiscence.

Les miséricordes 9 et 10 nous montrent des tondeurs de laine, leurs grands ciseaux à la main, qui exercent leur talent, l'un sur un mouton pourvu d'une ample toison, l'autre sur un porc qui se débat et crie. Ces deux sujets nous rappellent des proverbes flamands encore populaires :

Weinig geschreeuw en veel wol,

c'est-à-dire : « peu de cris mais beaucoup de laine », et l'autre :

Veel geschreeuw en weinig wol, ou, beaucoup de cris mais peu de laine.


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LES MISERICORDES EN BELGIQUE


Le n° 1 1 nous offre une de ces scènes de voleurs si fréquentes à cette époque. Un chevalier endormi près de l'âtre est dépouillé de



Fig. 124. — La satire des tournois bourgeois (Miséricorde d'Hoogstraeten)

(xvi e siècle).


son manteau dans une hôtellerie. Peut-être doit-on y voir l'illustra- tion du proverbe bilingue :

De gelegenheid maakt den dief

c'est-à-dire « l'occasion fait le larron » .

Le 12 représente une parodie du Christ aux Outrages, ce qui donne à l'imagier une occasion de sculpter d'affreux grimaciers, rivalisant à qui se déformera le plus le visage. La 13 e et dernière miséricorde constitue une scène assez anodine : un valet accom- pagné de ses deux chiens de chasse, illustration probable du pro- verbe :

Twee kwade honden byten elkander niet.

(Deux méchants chiens ne se mordent pas), rappelant le dicton français :


LES MISÉRICORDES d'hoOGSTRAEÎEN


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« Corbeau à corbeau ne crevé iamais les je***. » du latin : « Cornix cornici oculos non effodit »

Sur les stalles hautes (même côté) nous voyons successivement : 14 deux hommes transportant un jeune homme suspendu à un bâton - un tour probable d'Uylenspioghel ; _ 15, un homme assis



Fig. 125. — Satire dune brimade de métier (Miséricorde d'Hoogstracten)

(xvi e siècle).


tire les cheveux et frappe un jeune garçon à genoux devant lui. Un fou de son balcon contemple la scène (fïg\ 125) ; peut-être sommes- nous ici en présence du proverbe flamand analogue au double dic- ton français :

Oignez vilain il vous poindra !

Poignez vilain il vous oindra !

Le 16 nous offre une scène bizarre : un boulanger retranché dans son four, repousse, à l'aide de sa pelle à enfourner, l'assaut d'un

1. Sartorius. T. II, 4-37. Cité par D r F. -A. Stoett, op. cit., p. 237.


206 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

autre mitron qui l'attaque avec les mêmes armes (fîg. 126). Cette sculpture nous prouve que la jalousie entre métiers, qui existait parmi les artistes, n'était pas moins grande dans les autres corpo- rations, et que le « Struggle for life », ou plutôt :

De strijd voor het bestaan

existait bien avant Darvin. Rappelons en outre qu'un ancien pro- verbe néerlandais, dont on ignore la signification exacte, se rapporte aux boulangers ou « bakkers » :

Hy is bakker an.

Peut-être trouvera-t-on son explication, grâce à la miséricorde campinoise (d'après le D r Stoett, ce dicton aurait plusieurs significa- tions, entre autres : « hy is er bij » (il défend ses droits), ce qui semble ici le cas).

Un autre dicton plus connu :

Iemand iets bakken.

Lui cuire, ou comme on dit en Westflandre, lui frire (fruiten) quelque chose, est pris dans le sens satirique, voulant dire : jouer un mauvais tour.

Le 17 met en scène la lutte emblématique de la suprématie con- jugale, symbolisée par un homme et une femme se battant pour... une culotte (fîg. 127). Ce combat grotesque fut très populaire au moyen âge ; nous le voyons figurer dans le fabliau de d'Estormi, comme dans celui de sire Hains et de dame Anieuse (ancienne forme française du mot ennuyeuse), d'Hugues Piaucelles, comme sur les miséricordes et sculptures de Rouen, de Saint-Denis, de Saint-Seurin (en Gironde), de Presles (en Seine-et-Oise), d'Auxerre, de Villefranche, de Rouergue, etc., etc. Le 18 représente un sujet énigmatique où figure un moine agitant une pièce d'étoffe du haut de la terrasse de son couvent (fîg. 128). Nous croyons y reconnaître une allusion aux failles, portées alors par les femmes belges, et qui servaient à cacher, paraît-il, bien des turpitudes. Dans une or- donnance de police, conservée aux archives de Gand, nous voyons que le jeudi après-midi, 5 août 1606, il fut annoncé par ordre du magistrat de la loi , sur les places publiques de cette ville,


LES MISÉRICORDES d'hOOGSTRAETEN 207


avec accompagnement de trompettes, que le port des failles était désormais défendu « à cause des nombreuses tromperies et saletés qui se commettoient sous ce vêtement, comme il a été prouvé par l'expérience journalière et de nombreux exemples, tels que vols, scandales et choses déshonnêtes qui se commettent même dans les églises et cela jusque et pendant les services divins 1 ».

Les moines, bien connus des filles à mœurs légères, étaient sou- vent assaillis et molestés par elles. C'est ainsi que le chroniqueur contemporain, Jean Van de Vivere, nous apprend qu'en 4531, un des quartiers qui leur étaient assignés a Gand : le « Groene Briele », fut vidé à cause des désagréments que les débauchés et les femmes de mauvaise vie causaient aux religieux du couvent des Augustins, qu'on poursuivait de toutes façons, allant jusqu'à briser leurs vitres lorsqu'ils chantaient matines ou messe :

« Dat de putiers ende lichte meyssens by nachte de Augustynen die haer mattene ende dienste songhen, molesteerden ende ghe- lassen in stikken wierpen 2 . »

Le 19 (fig. 129) constitue encore une satire de la vie conjugale. Une femme à sa fenêtre refuse l'entrée de la maison à son mari qui rentre au lever du jour. La portée satirique de cette scène est sou- lignée par un coq chantant qui se trouve placé près de l'épouse victorieuse, tandis qu'une poule, la tête basse (et mouillée?), accom- pagne le noctambule; le 20 représente une scène drolatique où un moine mendiant vient importuner une femme revenant du marché et chargée d'un panier de vivres; mais la ménagère est tenace et le religieux en sera pour ses peines, car, d'après le dicton flamand, c'est de l'ouvrage inutile; le 21 nous montre un homme enfermé dans un tonneau renversé ; sa femme profite de sa position difficile pour s'asseoir près de lui et le sermonner sans danger (fig. 130).


1. Archives de la ville de Gand (Livre de la Police) Policie hoeck, X-83. Voici le texte original : « Donderdach naer middach, den o Augustus 160G, Zoo wierden op de ghemeene publijcke plaetsen, met trompette van weghe heer ende Wet dcser stede van Ghendt, by voorgeboot afgeroepen, het draeghen van de faillien, door het menigvuldigh beiroch en de vuijlicheden, die onder de selve werden ge- commiteert, soo by experiencie, ende exempelen is bevonden, dat men met de selve veel oneerlichhedens dieverijen ende schandaelen heeft bcgaen, ghclyk men dagelicx in de kerken, ende godtdiensten maer al te >vel was siende, Soo dat dit een seer goet, stichtelick ende loflelick werk is gheweest ».

2. Jak van de Vivere. Chronycke vun Gendt. Voir van Werveke. De ontucht in het oude Gent (tiré à part du Volkskunde). Gand, Hoste, pp. 17 et 18.


208


Les miséricordes En Belgique


Au moyen âge, en Belgique, on infligeait la peine du tonneau (ou heicke) aux perturbateurs de la tranquillité publique. Le tonneau, découpé pour livrer passage à la tête, reposait sur les épaules du coupable qui était ainsi lâché sans défense dans les rues de la ville sous la conduite d'un aide du bourreau. Dans les comptes de la ville de Gand, de 1490 à 1491, nous voyons figurer une indemnité au



Fig. 126. — Jalousie de métier (Satire des boulangers) (Miséricorde d'Hoogstraeten)

(xvi e siècle).

bourreau pour avoir promené ainsi, avec le « heick » sur les épaules, une femme coupable d'avoir arraché la couronne d'une mariée, probablement sa rivale : « Om dat hy de heycke heeft ghedaen draghen, te wetene eene vrauwe persoon die eene bruut de croone van het hoofd trac. Drie reysen 1 ». Liévin van de Putte, en 1538-1539, c'est-à-dire à l'époque où Albrecht Gelmers sculptait les stalles d'Hoogstraeten, est également promené à Gand, dans le même équipage, autour des quatre piliers du marché au poisson et par la rue « Hoogpoort », à cause de sa vie coupable et des hor-


1. Archives de la ville de Gand (Hôtel de Ville). Bouc van den crisme (livre des crimes), année 1490-1491.


LES MISÉRICORDES D HOOGSTRAETEN


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ribles et crapuleux blasphèmes qu'il proférait : « Voor sine crapu- leus en horribelen eeden 1 ».

Le 22 représente une scène à trois personnages. Un homme semble embrasser les genoux d'un autre homme assis, tandis qu'un troisième donne des coups de pied au derrière de celui qui est à



Fig. 127. — Le combat pour la culotte (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi c siècle).

genoux. Sommes-nous en présence d'une réception burlesque ou d'une brimade d'un apprenti qui sert de jouet aux maîtres et aux compagnons de son métier? Il se peut aussi que ce soit l'illustra- tion du dicton :

Iemand onder den duim (of de knie) hebben

c'est-à-dire : avoir quelqu'un sous le pouce (ou sous le genoux) ; en français : « avoir quelqu'un à sa discrétion ».

Le 23 nous offre une composition plus curieuse. Deux person-

1. Archives de la ville de Gand (Hôtel de Ville). Bouc van den crisme (livre des crimes), année 1538-1539, p. 145.

14


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


nages de qualité se rencontrent sur le chemin de ronde d'un château fort, dont on distingue les murs crénelés et percés de meur- trières. L'un semble montrer à l'autre un objet peu reconnaissante,



Fig. 128. — Satire des moines débauchés (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi e siècle).


dont le second paraît redouter la vue. Ici encore, nous sommes en présence d'un proverbe flamand :

Nieuwe heeren, nieuwe wetten !

(De nouveaux seigneurs donnent de nouvelles lois). Ou bien celui qui parle en maître signifie-t-il à l'autre que :

Strenge heeren regeren niet lang,

c'est-à-dire : que des hommes puissants, trop sévères, ne régnent pas longtemps (fig. 131).

Le 24, qui représente un homme enfermé dans un panier, con- stitue un sujet que l'on voit fréquemment reproduit sur les sculp-


LES MISÉRICORDES d'iIOOGSTRAETEN


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tures belges. Jusqu'ici on en ignorait la signification ou bien on confondait ce sujet avec l'illustration du proverbe flamand :

Door de mand vallen

(Tomber à travers du fond d'un panier). Expression populaire qui s'applique à ceux qui sont pris dans leurs propres filets, ou plutôt



Fig. 129. — Satire des maris noctambules (Miséricorde d'IIoogstraeten)

(xvi e siècle).


qui échouent dans leurs intrigues. D'après les archives gantoises, il y aurait lieu de croire que nous sommes en présence d'une peine infamante bizarre infligée au moyen âge aux débauchés et aux per- turbateurs et perturbatrices de l'ordre public (fig. 132). Dans le livre ou registre des bannis de la ville de Gand, qui comprend les années 1472 à 1537 1 , nous voyons qu'avant d'être bannis les mau- vais sujets étaient souvent enfermés dans un panier et suspendus à quelques mètres du sol. Dans cette position les passants pou-


1. Archives de la ville de Gand (Hôtel de Ville). TBouc en de register van den ballinghen der stede van Gendt, 1472-1537.


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Les miséricordes en Belgique


vaient leur jeter de la terre et de la boue : « In eene mande ende met eerde g-hesleghen te werdene, ter plaetsen daert scepene als dan gelieven sal 1 ». Steven de Coninc et Jean de Wulf, en 1585, furent encore mis ainsi au panier « en chemise » (in hun linnen) pour



Fi


5 . 130. — Satire des mauvais maris (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi e siècle).


leur mauvaise vie et les mauvais blasphèmes qu'ils proféraient : « Zuverende quade ende uutghezochte eeden ».

Bien avant le xvi° siècle, on rencontre déjà en sculpture des figurations satiriques déjeunes délinquants enfermés dans un panier. Une des plus intéressantes (fîg. 133), datant duxiv siècle, se trouve sculptée sur un écoinçon de la chapelle des comtes de Flandre de l'église Notre-Dame, à Gourtrai. Nous y voyons un émule d'Uylens- pieghel qui, débarrassé de sa chemise, — peut-être l'a-t-il entor- tillée autour de sa tête, — semble fort se divertir de son supplice


1. Souvent, pour varier ce châtiment burlesque, on le terminait en renversant le panier au-dessus d'un cours d'eau, de façon à ajouter une immersion inattendue aux tribulations que le coupable avait déjà subies.


LES MISÉRICORDES d'hOOGSTRAETEN


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(Nous croyons avoir vu le même sujet parmi les curieux écoinçons de 1 église d Assches, en Brabant).

Le 25 représente une scène du jeu de la pannoy, « Stevgerspel » dont nous avons vu déjà des images nombreuses; au 26, Samson renverse une colonne soutenant la voûte d un palais qui s'écroule en écrasant les Philistins ; la 27 e miséricorde constitue une satire dirigée



Fig. 131. — Nouveau seigneur, nouvelles lois (Proverbe flamand) (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi e siècle).


contre la vie débauchée des moines. Nous y voyons un religieux attelé à un traîneau où une femme (ou religieuse?) est assise et qui l'entraîne dans son couvent. De la main gauche levée, la femme fait un signe considéré comme obscène (surtout en Italie); le geste fait par la main gauche du moine n'est pas moins risqué (fig. 134). Pour ceux qui s'étonneront de voir caricaturiser des moines dans une église au xvi e siècle, à une époque où fonctionnait la sainte Inquisition, nous rappellerons que certains religieux étaient alors assez mal vus par le Saint-Olïïce, comme par Pautorité ecclésiastique. Marc


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


van Varnewyck, un chroniqueur catholique gantois, dont la biblio- thèque de Gand conserve le journal (années 1566 à 1568), nous dit combien les moines, et spécialement lès Frères Mineurs et les Domi- nicains, étaient exécrés par la population gantoise. C'était au point que l'inimitié populaire éclatait souvent en manifestations pu- bliques.

Le 14 mars 1567, notamment, une femme prend le frère van der Haeghen à la gorge au sortir de l'église, et l'accuse de fausseté et de mensonge. Le moine, sans s'émouvoir, lui dit : « Femme,




Fig. 132. — Satire du supplice du panier (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi e siècle).


retourne chez toi, tu as bu un coup de trop, ou bien viens au cou- vent, nous te convertirons bien! » Et la femme, sachant pourquoi, de répondre : « Je me garderai d'y mettre les pieds, etc. 1 ».

Un moine hérésiarque ayant prêché, à l'Avent, que « seuls les


1. Marc van Vaebnewyck. De Beroerlyke tyden, 1566-1568. Voir aussi la traduction française de II. van Duyse. Les troubles en Flandre et da7is les Pays-Bas au X VI" siècle, de Marc van Vaernewyck. Gand, N. Heins, 1906, in-4°, 2 vol., t. I, p. 408.


LES MISÉRICORDES d'hOOGSTRAETEN


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sacrements du Baptême et de la Sainte Gène avaient de la valeur, et que les autres n'avaient aucune importance; le jacobin Jean



Fi-. 133. — Satire du supplice du panier (Écoinçon du xiv e siècle à Notre-Dame, à Courtrai).

Decroocq s'écrie, le jour de la Saint-Nicolas, en allant prêcher à l'église Saint-Michel, à Gand : « Fi, chaire, tu pues l'hérésie 1 ».

1. Marc van Vaernewyck, op. cit.


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LES MISERICORDES EN BELGIQUE


Et de jeunes prêtres, des moines en grand nombre, jetaient le froc aux orties « emmenant avec eux quelque caillette ou religieuse débridée, qui partaient joyeusement sous la sauvegarde de leurs jeunes compagnons ». Même « les vieux quittaient la vie infernale des couvents sans en profiter, pour faire œuvre de la chair 1 ».

A droite, en commençant par le bas, nous voyons successive-



Fig. 134. — Satire des moines débauchés (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi e siècle).


ment : 28, un singe assis sur un tonneau vide renversé; il est ac- compagné de deux hommes qui semblent l'admirer. L/un, celui qui lève les bras comme pour l'implorer, porte la longue houppelande et le bonnet avec turban du marchand ou du juif, tandis que l'autre, la tête couverte du capuchon des bouffons, le régale d'une sérénade, en soufflant joyeusement dans sa cornemuse. Satire probable de l'ivrognerie, qui rapproche et met au niveau de la brute l'homme


4. Marc van Vaernewyck, op. cit.


LES MISERICORDES D HOOGSTRAETEN


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riche comme le joueur de cornemuse (fig. 135); 29° deux hommes constituent une scène indéchiffrable. L'un est assis sur un balcon, les jambes pendant dans le vide, tenant d'une main une écuelle, tandis que l'autre marche en titubant dans la rue le long des mai- sons qu'il frôle. Peut-être est-ce encore une scène burlesque repré-



mËËÊÊÊÊ Fig. 135. — Satire de l'ivrognerie (Miséricorde d'Hocgstraeten) (xvi e siècle).

sentant des ivrognes rentrant ivres dans leurs logis; 30° nous montre (fig. 136) l'illustration d'un proverbe flamand :

Stank voor dank

(De la puanteur en guise de reconnaissance), dicton populaire qui semble se rapprocher de celui bien connu :

Obligez un vilain, il vous chie dans la main.

Dans cette scène, c'est un fou qui joue le rôle principal. On le voit du haut de son balcon faire un geste de dérision à un homme qui s'éloigne à grands pas en se bouchant le nez; 31° constitue une version curieuse et inédite du combat pour la culotte, dont on trouve


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


tant d'exemples dans l'art flamand. Remarquons que cette fois au lieu de mettre un homme et une femme aux prises, la bataille est livrée par deux représentantes du beau sexe, deux rivales, qui, échevelées, se gourmandent d'importance; l'une, celle qui est terrassée, tient un gros bâton, tandis que l'autre, nouvelle Gervaise, la maintenant par les cheveux, la frappe à tour de bras avec un battoir. L'homme profite du combat pour reprendre sa culotte, objet



Fig. 136. — Satire de l'ingratitude (Proverbe flamand) (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi e siècle).


du litige, et la brandit joyeusement au-dessus de leur tête (fig. 137). Le 32 représente encore un proverbe flamand :

Men kan met het hoofd geen muuren breken

(On ne peut de la tête briser les murs). Ce dicton (fig. 138), qui se trouve fréquemment reproduit dans les peintures de Breughel, père et fils, ainsi que dans celles d'autres peintres de l'école des drôles, met ici en scène deux hommes dont l'un se précipite tête baissée contre un mur, tandis qu'un autre, qui a tenté la même épreuve, crie


LES MISÉRICORDES d'hOOGSTRAETEN


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de douleur en se tenant le front des deux mains. Entreprendre une chose impossible, qui ne peut réussir, se dit aussi :

Met het hoofd tegen den muur loopen

(Donner de la tête contre un mur).



Fig. 137. — La lutte pour la culotte (Variante inédite) (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi e siècle).

Le 33 constitue un autre proverbe thiois :

Wie klaar ziet, hoeft geen bril

(Celui qui voit clair n'a pas besoin de lunettes). Cette scène est repré- sentée par un seigneur ou patricien, dans son « steen » ou maison féodale, qui refuse d'acheter les besicles qu'un ambulant juif, un pré- curseur de nos marchands de jumelles actuels, lui offre en vente. Ce pourrait être aussi une allusion à ceux qui, d'après la Bible, ont des yeux et n'en usent pas, à moins que nous soyons en présence d'un épisode bien connu de la vie de Thyl Uylenspieghel. Le texte


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LES MISERICORDES EN BELGIQUE


primitif flamand consacre tout un chapitre à une scène analogue. Il est intitulé : « Hoe Uylenspieghel een brilmaker wert » ; dans la version française : « Comme Ulespiègle se disoit faiseur de lunettes ». On sait que notre héros, étant venu à Francfort, où un grand nombre de gens étaient réunis pour assister à l'élection d'un roi des Romains ;



Fig. 138. — On ne peut de la tête briser les murs (Proverbe flamand) (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi e siècle).


le duc de Trêves, d'après la version française; un (prince évêque, selon le texte flamand), lui demanda qui il était : « Je viens de Brabant, dit-il, et je suis faiseur de lunettes, mais notre métier ne vaut plus rien ». Pourquoi, lui demanda-t-on : « si vous ne vous cou- roucez pas, redouté seigneur, je vous le dirai ». Ici il faut suivre le texte flamand qui seul est compréhensible, l'autre ayant été par trop expurgé 1 : « L'évêque ayant encouragé Uylenspieghel à parler sans


1. Voici la version française. « Monseigneur, ce qui est cause, que désormais notre métier ne vaudra plus rien, c,est que vous autres Grands Seigneurs s'occupoient à étudier des loix, afin qu'ils sussent à qui donner et faire droit, en ce temps là on


LES iMISÉÎIICORDES D'HOOGSTRAETEN


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détours, celui-ci osa lui dire : « Dans le temps on lisait les livres saints et l'on étudiait les lois. Alors notre commerce allait bien. Mais maintenant, plus personne n'ose voir clair. Depuis le pape et les rois, jusqu'aux simples artisans et les paysans, tout le monde refuse mes lunettes craignant de voir la vérité. On préfère fermer les



Fig. 139. — Celui qui voit clair n'a pas besoin de lunettes (Proverbe flamand) (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi e siècle).

yeux ou bien regarder entre les doigts ». C'est ce que fait exactement le seigneur qui refuse des besicles, sur la miséricorde décrite plus haut et reproduite : fig. 139.

Le 34 représente un cavalier armé qui, à la tête de ses hommes également montés, sort d'un bois pour s'engager dans une avenue ombragée. Souvenir probable de la fameuse cavalerie d'Hoogstraeten, dont parle Marc van Vaernewyck, qui put voir les gentishommes de ce beau régiment, courir à Gand la bague à la place d'Armes,

vendait des lunettes, alors notre métier était bon et les lunettes étoient en vogue. Le duc entendit le texte et dit à Uylespiègle : suivez-moi à Francfort et je vous donneroi mes armes. Ulespiègle fit ce que le duc lui avoit dit, et demeura là jusqu'à ce que l'Empereur fut sacré, puis retourna en Saxe ».


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


le 14 janvier 1567. « Ils avaient des costumes magnifiques et leurs armures ainsi que leurs casques étaient, dit-il, de toute beauté. » Il retrace plus loin d'autres joutes dont ils donnèrent la représentation dans la capitale de la Flandre. Le 35 constitue encore une illustration



Fig. 140.


Satire des belles-mères (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi c siècle).


de la lutte pour la suprématie conjugale et une satire probable des belles-mères (fig-. 140). Un homme, portant un « casque à mèche », est accoudé a la fenêtre de sa maison dont il a expulsé sa femme. Celle-ci, armée d'un balai, revient, escortée par sa mère qui porte un gourdin pour lui prêter main-forte. Hors de leurs atteintes, le mari écoute en riant le dialogue des deux femmes qui semblent comploter une revanche éclatante. L'épouse tenant un balai rappelle aussi le dicton flamand :

Zy staat waar den bessem staat

(Elle est reléguée parmi les balais).


LES MISÉRICORDES D'HOOGSTRAETEN


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Le 36 représente (fig. 141) le fameux lai de Virgile, dont nous avons constaté la fréquence parmi les sculptures exécutées par les imagiers belges. A droite, suspendu à une lucarne, Virgile dans son panier a la mine déconfite, tandis que la lille de l'empereur de Rome, qui l'a dupé, se rit de lui et appelle les habitants de la ville éter- nelle, pour qu'ils constatent sa victoire et la déconfiture du fameux



Fig. 141. — Virgile le magicien pendu clans le panier (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi e siècle).

magicien. Appelons ici l'attention du lecteur sur une particularité curieuse, qu'offrent certaines miséricordes de l'église d'Hoogstraeten. L'imagier Albrecht Gelmers a osé s'essayer parfois à composer des vues de villes importantes, comportant même, comme c'est le cas ici, des places publiques telles que celles de Rome, ou bien des inté- rieurs, et même de véritables paysages. La 37 ft miséricorde (fig. 142) constitue une parodie de la scène charmante, où Phillis chevauche le grand philosophe grec Aristote. Ici la gracieuse maîtresse d'A- lexandre est figurée par une grosse maritone qui, brandissant un


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


gourdin, se fait péniblement transporter par une espèce de maître d'école pliant sous le faix.

Le 38 nous offre encore un dicton flamand :

De pylaer byter. Littéralement : celui qui mord dans les colonnes des églises, ou le



Fig. 142. — Parodie d'Aristote et de la belle Phillis (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi e siècle).


pilier d'église. Un moine à genoux, un grand rosaire suspendu à la ceinture, embrasse une colonne d'église qu'il renverse dans sa ferveur. Un autre moine, dont on ne voit que la tête, épie en riant cette scène de foi religieuse dont il semble se moquer (fig. 143).

Le 39 montre une scène alors assez fréquente : un homme, proba- blement suspect d'hérésie, se trouve arrêté par deux soldats. On sait combien, dans ces temps troublés, les arrestations arbitraires étaient nombreuses. Les chroniqueurs du temps font une peinture affreuse des persécutions que nos ancêtres eurent à subir de la part


Les miséricordes d'hoogsïraetên


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de la soldatesque étrangère, qui pressurait et tyrannisait à plaisir la population de la Belgique.

Le 40, terminant la série des stalles basses, représente le bon- homme la bouche ouverte devant un four, que l'on voit si souvent figurer sur les miséricordes belges et hollandaises.

Les stalles de la partie haute, du même côté à droite, offrent



Fig. 143. — Un pilier d'église (Satire d'un moine) (Miséricorde d'Hoogstracten)

(xvi e siècle).


d'autre part à notre vue : 41. Une vieille femme, assise à son foyer, surveille sa marmite pendue à la crémaillère. Un singe placé en face d'elle semble s'en moquer (fig. 144). Ce sujet a été illustré par P. Breughel le Vieux.

42. Samson portant les portes de la ville de Gaza, image symbolique de la force de l'homme lorsqu'il n'est pas sous le joug pernicieux de la femme.

Le 43 constitue une satire, ou un symbole, dont il est difficile de déchiffrer la signification. Deux personnages sont en marche; le premier (un savant?) porte le globe terrestre qu'il tient à deux mains,

15


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LES MISERICORDES EN BELGIQUE


tandis que le second, aveuglé par un masque informe, le suit, en s'appuyant sur un énorme tronc d'arbre. Peut-être font-ils voir ici l'emblème :

De Wetenschap leidt de ruwe kracht

c'est-à-dire : la Science conduit la force brutale 1 (fig. 145).

Le numéro 44 (fig. 146) représente un sujet biblique souvent repré-



Fig. 144. — Satire de la vie conjugale (Miséricorde d'Hoogstraeten)

(xvi c siècle).

sente pour montrer à l'homme que la femme, pleine de duplicité, proûte trop souvent de ses charmes pour enlever toute force physique et morale à celui qui se confie en elle. L'imagier a illustré cette pensée, par un groupe où nous voyons Samson, richement vêtu et cuirassé, dormant paisiblement la tête posée sur les genoux de Dalila ;


1. Nous avons vu plus haut que la plupart des artistes flamands faisaient partie de l'une ou de l'autre Chambre de rhétorique, dont les membres s'exerçaient à représenter des emblèmes, qu'ils mettaient en scène en tableaux vivants, les figurants récitant les poésies nécessaires à l'explication des sujets symboliques, parfois très alambiqués, qu'ils représentaient.


LES M1SÉR1C0KDES d'mOOGSTIIAEÏ 'EN


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tandis que celle-ci, vêtue comme une ribaude de l'armée, lui coupe ses cheveux. On sait combien dans les armées du xvi" siècle étaient nombreuses les courtisanes qui suivaient les troupes en marche. Les chroniqueurs du temps décrivent leur nombre et la richesse voyante de leurs accoutrements. Lors de rentrée des troupes espagnoles à



Fig. 145. — La science conduit la force brutale (Proverbe flamand) (Miséricorde d'IIoogstraeten) (xvi e siècle).


Gand,le 30 août 1567 ; composées de dix-neuf compagnies, Marc van Vaernewyck vit à la suite de l'armée, chose honteuse à voir, dit-il, « nombre de courtisanes montées sur de petits chevaux, qui étaient étrangement accoutrées à l'espagnole et à l'italienne, la figure cou- verte de voiles brodés de rouge, ainsi que d'autres couleurs. Leurs jupes étaient également bariolées, brochées ou rayées. D'après cer- tains, il y aurait eu cinq cents de ces filles; mais, ajoute le chroni- queur, ceci me semble exagéré ». Aussitôt après, « emboîtant le pas à ces donzelles, suivait une cohue de vagabonds et de ribauds, la plupart à cheval ou sur des charrettes, convoyant les bagages. Ils


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


suivaient l'armée depuis le Piémont, la Savoie et la Bourgogne 1 . Cet usage était pour ainsi dire général au moyen âge, et il se conserva jusqu'après le xvn c siècle.

Les lois militaires de la fin du xvi c siècle réglementent notamment le nombre de femmes galantes qui sont autorisées à suivre l'armée.




Fig. 140. — Dalila et Samson (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi e siècle).

Le cardinal Albert, « par la grâce de Dieu archiducq, lieutenant gouverneur et capitaine général des Pays de par de ça et de Bourgogne, » promulgua un règlement intitulé :

« Edict et Ordonnance sur le faict de la conduicte des gens de guerre et de discipline ; donné à Saint-Omer le xxvn de mai mdxcvi » où il est dit :

« Estant la gendarmerie en quelque logement, ne s'y souffriront « que trois femmes publyques pour chacune compagnie, lesquelles


4. Marc van Vabrne-sveyck. Op. cit. Traduction d'IIerman van Duyse, t. I, pp. 6 et 7.


LES MISÉRICORDES D'iIOOGSTRAETEN


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« seront visitées, tant sur le moyen qu'elles ont de vivre, et si elles « ne sont pas schandaleuses, ou querelleuses, comme sur ce que « touche leur sancté et disposition corporelle. Et conforme à ce que « l'on aura trouvé en sera faict rapport à la Justice pour y estre « pourveu de remède : et estant la dicte armée en campaigne, ne se



Fig. 147. — Le pourceau dans sa bauge (Proverbe flamand) (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi e siècle).

« permectra que chascune compaignie ait plus de deux femmes « publyques 1 .... »

Dans cette même ordonnance de l'armée très catholique, nous apprenons que, lors de la prise d'une ville et de son pillage, les soldats ne pouvaient tuer ni violer, sous peine de mort, aucune fille ayant moins de douze ans. Ce qui revenait à dire, que toutes les femmes ayant plus de douze ans pouvaient être impunément désho- norées et massacrées 2 . On se demande, pareilles choses étant per-

1. Voir à ce sujet : « Tweede Placael-Bouck, elc. » de la Flandre, paru à Gand chez Anna van den Steene, en 4629, pages 685 et 692. Cité par A. va> Werveke dans son ouvrage de « Ontucht in het Oude Gent », p. 21.

2. Tweeden Placaet-Bouck... van Vlaendren. Ghend, by Anna van den Steene, 1629, p. 690.


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


mises dans l'armée de l'archiduc cardinal Albert, en 1596, ce qui devait se passer au moyen âge, lors du sac d'une ville.

Un règlement militaire du 20 mars 1706, qui se trouve dans le « Derde deel van den Vierden Placaet-Bouck van Vlaenderen » (la troisième partie du quatrième livre des Edits de la Flandre, datant



148. — Satire des rhétoriciens et des moines (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi e siècle).


de 1740), nous apprend qu'à cette date la présence de femmes légères ne fut plus tolérée parmi les troupes en campagne :

« Nous condamnons toutes les putaines publiques de nôtre Armée « à être fouettées.

« Toutes les concubines scandaleuses sont aussi défenduëes, et si « un Officier, estant averti la première fois de son Supérieur, ne la « fait pas sortir de son logis, il sera châtié par un arrest, et la « seconde fois comme un désobéissant 1 . »

Le 44 nous montre deux hommes transportant l'énorme grappe de Canaan; le 45 constitue encore une satire de la vie conjugale où

1. Derde deel van den Vierden Placnet Boekvan Vlaendren. Brussel, by Georgius Friex, 1740, page 1571.


LES MISÉRICORDES d'hOOGSTRAETEN


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nous vov


>yons un mari débonnaire accroupi aux pieds de sa femme, qui le tance. L'homme tient une poule :

Het is een kieken ce qui équivaut à la qualification d oie ou de « poule mouillée ».




Fig. 149. — Satire dirigée contre les moines (Miséricorde d'Hoogstraeten)

(xvi e siècle).

Le 46 est l'illustration du proverbe flamand :

T varken moet in' l kot

(Le cochon dans sa bauge). Ce dicton populaire a été illustré par Pierre Breughel le Vieux dans sa suite de Proverbes. Mais, au lieu de mettre en scène un seul personnage, comme nous le voyons (fig. 147) sur la miséricorde d'Hoogstraeten, sa composition com- porte une foule de paysans, hommes et femmes, qui poussent sans douceur le disciple de Bacchus, entravé comme un porc, dans un réduit en paille où se trouvent enfermés déjà deux pourceaux qui mangent des pelures de fruits. Les paysans et leurs compagnes, la bouche ouverte, semblent poursuivre l'ivrogne de leurs huées. Ici


232


LES MISERICORDES EN BELGIQUE


notre buveur est représenté à califourchon sur un tonneau, sortant d'une maison, tandis que les deux pourceaux, quittant leur bauge, viennent joyeusement à sa rencontre. L'homme qui caresse un de



Fig. 150. — Satire de la vie conjugale (Plaisir pour la femme, peine pour le mari) (Proverbe flamand) (Miséricorde d'Hoogstraeten) (xvi° siècle).


ces animaux, semble montrer qu'il se plaît en leur société, faisant songer au proverbe :

De zwijnen komen hem te gemoet

(Les pourceaux forment sa compagnie), ou :

Qui se ressemble s'assemble l .

La miséricorde qui suit, la 47 e , constitue un sujet plus compliqué et d'une explication plus difficile. Nous croyons y voir (fig. 148)

1. On voit fort bien que nous ne sommes pas ici en présence d'une de ces nom- breuses figurations de l'enfant prodigue, dont nous avons vu plus haut la significa- tion satirique à l'égard des juifs.


LES MISÉRICORDES d'hOOGSTRAETEN


233


une satire dirigée contre les moines et les rhétoriciens qui, les uns par leurs prédications hérésiarques, les autres par leurs écrits poé- tiques hardis, contribuèrent à propager la religion réformée en Belgique. Ils sont représentés à côté du monde qu'ils ont boule- versé (le sculpteur, pour faire comprendre cette idée, a eu soin de figurer le globe terrestre sens dessus dessous, c'est-à-dire avec la



Fig. 151. — Parodie d'Hercule et d'Omphale (Miséricorde d'Hoogstraeten)

(xvi e siècle).


croix (mutilée) placée vers le bas). De plus, pour montrer que, malgré leurs beaux discours, ils restent attachés aux biens tem- porels, il a représenté les deux personnages posant une main sur le globe, tandis que l'autre est tendue, chez le moine, pour rece- voir l'aumône; le rhétoricien tient d'autre part sa main libre sur une maison, probablement une de ses propriétés. Nous avons vu plus haut combien, au xvi e siècle, les moines — Luther avait été un des leurs, — furent exécrés par le peuple belge, resté généra- lement catholique Les chroniqueurs du temps, notamment Marc


234 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

van Vaernewyck, citent de nombreux cas de moines hérésiarques qui furent pendus ou exécutés sous ses yeux et de toutes les façons. Les rhétoriciens flamands ne furent pas moins persécutés à cause de l'indépendance de leurs croyances. Nous avons rappelé naguère que 1 , dès 1533, neuf rhétoriciens avaient été condamnés à un pèle- rinage à Rome, pour leurs satires dirigées contre des ministres du culte ; Wilhem Paelgiers, en 1536, devait faire amende honorable « in sijn linnen » (en chemise), pour sa chanson dont le refrain était :

De sotten en synder noch niet al, Die caperoenen draghen...

(Les fous ne sont pas seuls à porter la cape; il y en a de tonsurés, avides, courant de porte en porte, dupant les niais par leurs airs d'innocence, etc.).

En 1547, Pierre Schattemate est condamné à mort, à Anvers, pour une ballade ayant pour sujet les Frères Mineurs. Le sculpteur Gelmers vit se fermer, tour à tour, nos Chambres de rhétorique et maint rhétoricien payer de sa tête des satires souvent anodines. Les artistes intellectuels flamands couraient eux-mêmes les plus grands dangers; ne voyons-nous pas Hieronimus van der Voort, de Lierre, échapper avec peine aux gibets espagnols ; le peintre poète et sculp- teur gantois, Lucas d'Heere, risquer sa vie en devenant calviniste, et son élève Gheeraerts s'exiler en Angleterre. Van Mander, le célèbre auteur du « Schilder boek », ne sentit-il pas, lui-même, la sensation pénible d'une cravate de chanvre, maniée sans douceur par les suppôts de l'Espagne 2 ?

La miséricorde suivante, le 48 (fîg. 149), nous montre une autre composition satirique, où nous voyons un moine, qui s'était logé dans une sphère terrestre, brutalement bousculé et expulsé par un homme d'armes qui, en riant, fait rouler la boule. Le moine crie vainement à l'aide, effrayé à la vue de Fépée que le soldat tire de son fourreau. Cet antagonisme entre les religieux et les laïques s'était montré de vieille date. Maerlant ne dit-il pas :

1. Voir notre Genre satirique dans la peinture flamande. 2 e édition, Bruxelles, 1907, p. 265-266.

2. On sait que c'est aux environs de Bruges que van Mander fut saisi par une bande espagnole, qui se mettait en devoir de le pendre, lorsqu'un officier, qui avait connu l'artiste à Rome, le reconnut au moment où il montait l'échelle du gibet et lui sauva la vie.


LES MISÉRICORDES d'hOOGSTRAETEN 235

Ooc sach ic lachen den leien Daer die papen moesten schrien 1

(Aussi je vis toujours rire les laïques, quand les curés pleuraient).

Les premières mappemondes, imprimées par Albert Durer, étaient à l'époque où vivait Gelmers une nouveauté, et leur vulgarisation par la gravure devait amener nos huchiers belges et français à se servir du globe terrestre pour la composition de leurs sculptures profanes. Nous avons vu plus haut une figuration du monde placée en mauvaise posture sur une stalle de l'église Saint-Seurin, en Gironde, ainsi que l'homme dégoûté qui en sort, à Aerschot. Plus proche, comme idée, est la miséricorde de l'église Saint-Spire, à Gorbeil (Seine-et-Oise), où nous voyons le monde, surmonté de la croix, dévoré par une quantité de rats (d'église?), qui ont creusé la boule comme si c'était un fromage de Hollande, satire certaine de la gent monacale qui vit largement aux dépens du pauvre monde. Une autre miséricorde de la même église rappelle également l'homme dégoûté qui sort d'un globe terrestre, déjà décrit.

Dans la peinture flamande, des scènes semblables sont plus rares. Citons cependant un ravissant tableau appartenant au prince de Salm, exposé aux Primitifs allemands, à Dusseldorf-, où l'on peut voir le monde, figuré par un globe transparent, sur lequel est peint un ravissant paysage.

Dans le lointain, faisant contraste à la beauté sereine de la nature, nous assistons au spectacle affligeant de la laideur humaine, rendu tangible par des châtiments judiciaires appliqués à de nombreux criminels, à la vue du peuple accouru en foule pour se repaître de leurs souffrances. A gauche, à l'avant-plan, un jeune homme, portant une longue perche droite, cherche à traverser le monde; tandis que de l'autre côté il en sort vieilli, tenant son bâton plié et tordu.

Deux devises en langue flamande accompagnent et expliquent cette peinture. Au-dessus du jeune homme à la perche droite, on

lit:

Met recht soudic gerne doer de werelt commen

(Avec droiture, je voudrais traverser le monde).

1. Jacob van Maerlant's Werken. De nature bloeme.

2. Firmemch-Richart. L'Exposition de l'histoire de l'art à Dusseldorf, article paru


236 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

Tandis que nous voyons au-dessus de l'homme au bâton plié et

tordu :

le ben der doer maer ic moet crommen

(Je l'ai traversé mais j'ai dû plier).

Dans une communication faite à la Société d'histoire et d'archéo- logie de Gand 1 , nous avons cru pouvoir attribuer cette très intéres- sante peinture à la collaboration de deux grands artistes : Joachim Patenier, pour le paysage, et Albert Durer, pour les dessins des figures, dessins que le célèbre créateur du paysage flamand copia d'après les esquisses fournies par Durer. On sait que Patenier et Durer furent intimes à Anvers, lorsque le grand peintre graveur allemand séjourna en cette ville, dans les années 1520 à 1521. Et il est probable que Gelmers, qui habitait la Gampine anversoise, put voir à Anvers ce tableau, qui dut lui donner l'idée de faire des com- positions analogues.

Le 49 constitue encore une satire de la vie conjugale et du triomphe de la femme sur le mari. Ici l'épouse utilise la force de son époux pour se faire charrier, commodément assise dans une brouette (fig. 150). La main levée, elle semble admonester son con- ducteur. Peut-être sommes-nous en présence de Fun ou l'autre de nos proverbes flamands :

Hy voert zyn last

(Il transporte son fardeau), ou bien :

Vreugde voor de vrouw Leed voor den man

(Plaisir pour la femme, peine pour le mari).

Rappelons de plus qu'« avoir une brouette » signifie en flamand : Avoir un protecteur, ce qui est encore applicable ici.

Le 50 est conçu dans le même ordre d'idées. L'homme fort, tenant un écheveau de fil, fuit devant une affreuse mégère qui le frappe de

dans la revue: Les Arts anciens en Flandre, 1906, p. 151, avec reproduction du tableau. Ce même tableau se trouve reproduit aussi dans la 2 e édit. de notre livre : Le Genre satirique, etc.

1. Bulletin de la Société d'histoire et d'archéologie de Gand. Année 1907. — Les Collaborateurs de Patenier (A propos d'un tableau satirique appartenant à S. A. S. le prince Salm Salm).


Les foisÉtucottDEs d^hoogstraeten


237


sa quenouille (fig. 151). Peut-être est-ce une parodie d'Hercule et



Fig. 152. — Quelques statuettes décorant les parcloses des stalles d'Hoogstraeten (Le buveur, le fou, la sirène, etc.) (xvi« siècle).

d'Omphale. Ce sujet rappelle aussi des dictons flamands que nous trouvons sur des gravures faites d'après des peintures de Breughel le Vieux; l'une de celle-ci porte une inscription bilingue :




238 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

Waer de vrouw d'overhand heefl en draecht de brouck, Daer is dat Jan de man leeft : naer advys van din douek.

Où la feme gouverne portant la bannière Et les brayes avec, le tout y va derrière.

Un souvenir de l'épopée animale nous est fourni par le 51, où nous voyons un homme terrassant un renard ; le 52 représente un ouvrier avec une brouette et enfin le 53 : un paysan riche assis à son foyer, où un lièvre se précipite alors qu'une broche est toute disposée pour le faire cuire. Souvenir du « Luie Lekkerland » ou pays de cocagne, illustré par Breughel. Peut-être doit-on y voir aussi l'image du bonheur qui vient lorsqu'on ne l'appelle pas :

Het geluck loopt hem in den schoot.

Les statuettes qui ornent les rampants des parcloses présentent également un grand intérêt. Citons, parmi celles-ci : la satire habi- tuelle d'Adam, sous la forme d'un singe s'apprêtant à manger une pomme. Puis (lig. 152) un buveur, tenant un grand broc à la main, qui se prépare à humer le liquide avec componction. Remarquons que l'artiste l'a gratifié d'une bosse, pour le ridiculiser davantage. Le fou grimacier suit, jouant du tambourin et montrant une face presque bestiale. La sirène, ou la mélusine ; la satire des musiciens ambulants et des moines (fig. 152) accompagnent des figurines emblé- matiques à prétentions plus sérieuses, telle l'image d'une femme dans le costume du temps, qui est représentée tenant une tête de mort et un sablier.

L'église d'Hoogstraeten possède encore, dans le transept de gauche, quelques sièges provenant des anciennes stalles qui se trouvaient dans le chœur, avant qu'elles fussent renouvelées par Albrecht Gelmers. Elles sont ornées de miséricordes en assez mau- vais état, où nous relevons les sujets suivants :

1° Une grappe de raisin monstre (la grappe' de Canaan?) ;

2° Samson transportant les portes de Gaza ;

3° Un groupe mutilé, où Ton reconnaît encore, devant une mar- mite, une femme s'appuyant sur des béquilles (l'autre figure manque) ;

4° Un disloqué se renversant en arrière et touchant le sol de ses mains. Le même personnage se trouve à Aerschot (fig. 98) ;


LES MISÉRICORDES DHOOGSTRAETE> 239


5° Un combat grotesque entre un lion et un dragon ; 6° Sujet licencieux presque complètement effacé; 7° Une sirène aux cheveux dénoués, dans sa pose habituelle, tenant d'une main son miroir et de l'autre un peigne.




Voici, pour la facilité des recherches, la liste résumée des misé- ricordes de stalles du chœur de la collégiale d'Hoogstraeten, dans l'ordre dans lequel elles se trouvent :

A gauche, série basse :

1° Un cochon buvant, à cheval sur un tonneau; 2° une femme lance un escabeau à la tête d'un fou à genoux ; 3° le proverbe : Des roses pour les pourceaux ; 4° un buveur devant son tonneau ; 5° un homme battant une femme (proverbe) ; 6° satire des tournois ; 7° un homme et une religieuse conversent ; 8° satire des fous et des ménes- trels; 9° proverbe : Beaucoup de laine, peu de bruit ; 10° proverbe : Beaucoup de cris et peu de laine; 11° un chevalier endormi, un voleur lui dérobe son manteau ; 12° parodie du Christ aux outrages (grimaciers) ; 13° un valet avec des chiens.

Série haute, même côté :

14° Deux hommes portent un compagnon supendu à un bâton; 15° un homme à genoux devant un vieillard assis, un fou lui donne un coup de pied (brimade de réception à un métier?); 16° bataille de boulangers (jalousie de métier) ; 17° le combat pour la culotte, l'homme tirant d'un côté la femme de l'autre; 18° un moine agite une pièce d'étoffe (une faille) sur une terrasse de son couvent; 19° un homme, une femme et un coq (satire de la vie conjugale) ; 20° un moine mendiant, la besace pleine, demande l'aumône à une femme; 21° un homme renfermé dans un tonneau renversé, sa femme le réprimande ; 22° groupe de trois hommes, brimade d'un compagnon à sa réception dans un métier; 23° deux hommes de qualité se rencontrent sur le chemin de ronde d'un château fort ; l'un montre un livre, l'autre lève le bras avec surprise ; 24° le supplice du panier. Ou bien le proverbe flamand : « Hy valt door de mande » ; 25° deux hommes tirent, chacun d'un côté, à un court bâton (le jeu de la pannoy, ou steygerspel) ; 26° Samson renverse le palais


240


LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


des Philistins ; 27° un moine tire une femme assise dans un traîneau vers son couvent.

A droite série des stalles basses :

28° Un singe est assis sur un tonneau, des buveurs l'entourent



Fiir. 153.


Moine-porc (Satire des fumeurs) (?) (Statuette ornant une parclose des stalles d'Hoogstraeten) (xvi e siècle).


(satire des ivrognes) ; 29° deux hommes (ivres?) dans une scène indé- chiffrable ; 30° satire de l'ingratitude, proverbe flamand : « Stanck voor danck » ; 31° pendant que deux femmes se battent pour la culotte, l'homme reprend et l'agite joyeusement; 32° deux hommes se cognent la tête contre un mur : « Men kan met het hoofd geen muuren breken », proverbe flamand ; 33° un marchand de lunettes offre vainement sa marchandise à un seigneur qui se cache les yeux. Proverbe flamand : « Wie goed ziet hoeft geen brillen te


LÉ3 MISÉRICORDES d'hOOGSTRAÈTÈN


Ul


dragen » (souvenir probable d'Uylenspieghel) ; 34° un groupe de soldats à cheval (les cavaliers dHoogstraeten) ; 35° un fou à sa fenêtre se moque de sa femme et de sa belle-mère expulsée* de sa maison (satire des belles-mères); 36° une scène sur une place publique. Une femme appelle les passants pour leur montrer un



Fig. 453 bis. — Un singe. Satire d'Adam mangeant la pomme; statuette d'une parclose des stalles d'Hoogstraeten (xvi e siècle).


personnage suspendu à une lucarne, dans un panier (lai de Virgile, le magicien) ; 37° une maritorne est assise sur le dos d'un homme à quatre pattes (parodie du lai d'Aristote); 38° un moine à genoux renverse une colonne d'église, un autre moine caché s'en moque (dicton flamand) : « de pilaer byter » ou le pilier d'église ; 39° un homme est arrêté par deux soldats; 40° l'homme, ayant mal aux dents, est assis la bouche ouverte devant un four.

Série haute (même côté) :

41° Une femme est assise à son âtre, surveillant une marmite, un

16


ut


LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


sing-e prend place k son foyer (proverbe flamand,); 42° Samson ayant enlevé les portes de Gaza, les transporte ; 43° un savant tenant un globe terrestre est suivi par un homme muselé, appuyé sur un bâton; 44° Dalila coupe les cheveux de Samson endormi;



Fil


153 ter. — Vanitas. Allégorie ou emblème de rhétoricien. Hoogstraeten (xvi* siècle).


45° deux hommes transportent la grappe de raisins de Canaan ; 46° une femme assise, devant elle un homme accroupi avec une poule (la poule mouillée) ; 47° un ivrogne à cheval sur un tonneau caressedeux cochons (proverbe flamand) : « 't verken moet in 't kot » ; 48° au milieu le globe terrestre, d'un côté un moine, de l'autre un rhétoricien ; 49° un moine à moitié enfermé dans le g-lobe terrestre est renversé par un homme armé ; 50° un homme transporte une femme dans sa brouette (satire des ménages); 51° une vieille fileuse frappe de sa quenouille un homme qui fuit. Parodie d'Hercule et d'Omphale ; 52° un homme avec une brouette ; 53° un paysan à son foyer, un lièvre vient s'y faire prendre.


CHAPITRE XII

LES MISÉRICORDES HELGES EN FRANCE


A partir de la seconde moitié du xiv siècle, l'esthétique flamande prédomina dans la plupart des pays de l'Europe et cette influence se continua jusqu'aux débuts du xvie siècle. — Nombre d'imagiers du Nord enivrèrent surtout vers la France.

— Les huchiers et les « beeldesnyders »> belges en France et à l'étranger. — La modicité des prix de ces « faiseurs de stalles ». — Les registres des fabriciens de la cathédrale de Rouen. — Les nombreux noms flamands qu'on y trouve. — Champfleury a raison de dire que les compagnons flamands apportèrent avec eux en France un répertoire de sujets profanes, qui leur sont propres. « généralement fantasques, cyniques ou boulions ». — Leur raison d'être dans l'ornementation des stalles. — Importance non encore reconnue de la connaissance des proverbes flamands pour identifier les auteurs de certains sujets profanes à l'étranger. - Des roses (et non pas des perles) pour les pourceaux; l'Indécis, assis entre deux chaises; la femme qui veut prendre trop de choses à la fois, sont bien des proverbes flamands, sculptés sur les miséricordes de la cathédrale de Rouen. — Les Proverbes flamands, peints par Pierre Breughel le Vieux au xvr siècle. — Les miséricordes de Saint-Seurin, à Bordeaux, auraient une origine belge; la sculpture où l'on conchie le monde: le fuyard happé par le derrière ; un homme et une femme nus, cette dernière coifl'ée du bonnet anversois ; le personnage pondant des œufs sans écailles, sont également des dictons ou sujets drolatiques populaires en Belgique. — Les miséricordes de l'église des Saints-Gervais et Protais sont dans le même cas: une sirène ; un buveur sur son tonneau ; un galant qui lutine une femme ; un homme et une femme nus, dans une baignoire en bois (rappelant un des sujets satiriques de Damme) ; le chieur devant une porte; le cupidon gras, dormant appuyé sur une tête de mort, ce dernier sujet inspiré des « Emblèmes » représentés par les rhétoriciens flamands. — Les miséricordes disparues de l'église des Mathurins, à Paris : une brimade de métier; une femme galante poursuivant un jeune homme nu ; les têtes de vivants et de morts groupées ; font également songer à des sujets d'origine belge. — Il en est de même des miséri- cordes de Saint-Martin-aux-Bois (Oise). Description de diverses de ces sculptures.

— Les proverbes flamands : « Elle lierait le diable sur un coussin » ; celui des deux chiens et de l'os, se trouvent sculptés sur une des miséricordes d'Isle-Adam (Scinc- et-Oise). — La sorcière chevauchant un démon à Boos (Seine-Inférieure). — Le « mannekenpis » inondant un van et la femme enroulant le ver solitaire expulsé par un homme nu, à Saint-Martin, à Champeaux. — Les miséricordes de Saint-Spire, à Gorbeil ; celles de Cluny (place de la Sorbonne à Paris); de Saint-Léonard (Haute-Vienne); de Vendôme ; les sculptures de la collégiale de Brou; les miséri- cordes d'Evreux, d'Auch, de Presle, de Saint-Sulpice-de-Favières, de Gassicourt et d'Auxerre. constituent encore des œuvres flamandes ou rappelant l'art et les sujets favoris importés en France par les huchiers et les sculpteurs belges.


$44


LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


Tous les historiens d'art sont d'accord pour reconnaître qu'à par- tir de la seconde moitié du xiv e siècle, l'esthétique flamande prédo- mina dans la plupart des pays de l'Europe, et que cette influence se continua jusqu'aux débuts duxvi siècle. Dans ses leçons célèbres, L. Gourajod compara d'une façon pittoresque la force d'expansion de l'art de la Flandre à cette époque, à une vague immense qui sub-



Fig. 154. — Des roses pour les pourceaux (Proverbe flamand) (Miséricorde de Rouen) (xv e siècle).


mergea au loin toutes les contrées civilisées, pour nous revenir avec une force égale, au xvi e siècle, imprégnée cette fois des formules italiennes.

Si le nombre d'imagiers illustres qui émigrèrent du Nord vers la France fut considérable, bien plus nombreux furent les huchiers et « beeldesnyders » flamands qui, seuls ou par groupes, allèrent à l'étranger offrir leurs services aux constructeurs de cathédrales. Grâce à leur habileté grande, ils entreprenaient les travaux de menuiserie artistique les plus compliqués, et cela à des prix très modiques. Ils se spécialisèrent surtout dans l'ornementation des stalles, qu'ils couvrirent de milliers de statuettes religieuses ou pro-


LES MISÉRICORDES RELGES EN FRANCE


245


fanes, réservant surtout leur verve satirique pour les miséricordes sculptées de leurs sièges.

On sait que l'on a trouvé à Rouen des registres de comptes tenus par les fabriciens des églises de cette ville. Ceux-ci détaillent avec le plus grand soin, « sol par sol », ce que coûtait l'œuvre de huche-



Fig. 154jb/s. — Satire de l'indécis qui s'assied entre deux chaises (Proverbe flamand) (Miséricorde de Rouen) (xv e siècle).


rie d'une cathédrale, quels étaient les noms des maîtres huchiers employés, leur pays, et même le salaire des ouvriers chargés de les aider. Flamands pour la plupart, nous voyons que ces modestes prolétaires de l'art ne recevaient guère plus de 25 sols par figure, n'étant considérés que comme des sculpteurs de poupées 1 : tel était le nom que les architectes donnaient alors aux auteurs de ces caprices ornementaux.

Comme le remarque très bien M. Champfleury : « Les compa- gnons flamands apportaient avec eux un répertoire de sujets pro- fanes, sans se préoccuper du lieu sacré pour lequel ils travaillaient.

1. Champfleury. Histoire de la caricature au moyen âge et sous la renaissance. 2 e édition. Pans, Dentu, 1871, p. 232.


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LES MISÉRICORDES EN RELGIQUE


Sur cinquante sujets empruntés plus habituellement à la vie réelle, on peut en détacher une douzaine de fantasques, de cyniques et de bouffons. Le clergé ne croyait pas que quelques facéties pussent faire tort à la religion : ce qu'on cherchait surtout dans l'ornemen- tation de ces stalles, c'était la rupture d'angles trop austères ».

C'est ainsi que les inventions les plus étranges se déroulèrent le long des ram- pants des parcloses, chevauchant les acrotères des entrées de stalles et for- mant des ensembles surtout faits pour amuser et pour plaire à l'œil. Quant à ce que sculptait le huchier sur les misé- ricordes, le chapitre n'y regardait guère. Dans l'ensemble de ces manifesta- tions, d'un art si étrange, si proche de celui de nos peintres « drôles », il faut voir, comme le dit l'auteur cité plus haut, « des sortes de clichés, que les Flamands reproduisaient sans s'inquié- ter si telle province (ou telle contrée) était plus pieuse que telle autre ; leur répertoire n'offrant pas une extrême

Fie-. 155. — Il concilie le monde • ,, , -i i , • • 1 •

(Dicton flamand) (Stalles de variété, ils le portaient aussi bien au Saint-Seurin) (Gironde). Nord qu'au Midi, à l'Est qu'à l'Ouest ».

Il y a lieu d'ajouter que, s'il n'existait pas de pièces d'archives authentiques, prouvant d'une façon certaine l'origine belge de nombreuses sculptures de stalles faites par les huchiers de ce pays à l'étranger, celles-ci seraient encore recon- naissables, non seulement par leur style et la nature de leur exé- cution, mais par le genre des sujets représentés.

Nous avons vu plus haut que, parmi les miséricordes conservées en Belgique, figurent les illustrations de quantité de proverbes flamands, dont nos ancêtres furent toujours prodigues dans toutes les circonstances de leur vie. Or, lorsque nous retrouvons ces mêmes proverbes, exécutés dans des contrées où l'on ignore leur significa- tion, on peut, croyons-nous, les revendiquer comme étant l'œuvre d'huchiers flamands. Seuls ceux-ci étant capables de les composer et d'en comprendre le sens.



LES MISÉRICORDES BELGES EN FRANCE 247


C est ainsi que la vue seule de la miséricorde de Rouen repré- sentant le proverbe flamand des « roses pour des pourceaux „ (%. 154) et non pas des perles, nous prouve que nous sommes en présence dune œuvre d'un hnchier belge se souvenant du dicton populaire de son pays natal :


Kozen voor de verkens 1


Nous avons vu plus haut que ce même proverbe est représenté à diverses reprises en Belgique et en Hollande; notamment à Aers-



Fig. 156. — L'homme et le dragon (Miséricorde de Saint-Seurin) (Gironde).

chot, à Hoogstraeten, à Dordrecht ainsi qu'à Oirschot, près de Bois-le-Duc. En Allemagne, nous le trouverons également parmi les très belles et très intéressantes miséricordes de Kempen, qui furent certainement exécutées par des huchiers flamands au xv e siècle.

D'autres sculptures des stalles de Rouen sont dans le même

1. Histoire de la caricature et du grotesque, 2 e édition, p. 86. Le traducteur de l'ou- vrage de M. Th. Wright, M. Octave Sachot, s'étonne aussi de trouver sur cette miséricorde les perles traditionnelles changées en roses. Il propose à tort de recon- naître en ces fleurs des marguerites, se basant sur un jeu de mot emprunté au pro- verbe en latin : Margaritas ante porcos.


248 LES MISÉRICORDES EN RELGIQUE

cas. Un « homme faisant le grand écart », d'après la version fran- çaise (fig. i^i bis), constitue l'illustration d'un proverbe satirique applicable à l'indécis, qui, ne sachant quelle chaise choisir, tombe entre les deux, dans les cendres du foyer :

Tusschen twee stoelen in de asch vallen. Une miséricorde décrite en français : « Une femme veut prendre



Fig. 157. — Satire des débauchés (Miséricorde de Saint-Seurin) (Gironde).

à la fois deux objets éloignés sur une table », constitue une version flamande du proverbe français :

Il ne faut pas courir deux lièvres à la fois

dicton qui, comme les précédents, figure sur le tableau : les Pro- verbes flamands, peints par Pierre Breughel le Jeune, dit d'Enfer, d'après une composition perdue de son père, datant du xvi e siècle 1 . (Cette œuvre se trouve au Musée de Harlem.)

Les sculptures profanes, moins connues, qui ornent les stalles de de l'église Saint-Seurin, à Bordeaux, prouvent également, parles proverbes représentés, une origine flamande.


i. Nous les verrons figurer également sur une image populaire dont le bois existe au musée de Gand, mais dont on ne connaît aucun tirage ancien. Voir pi. III, IV, V, VI et VII.


LES MISÉRICORDES RELGES EN FRANCE


249


Sur un rampant de parclose, un bonhomme sans façon conchie le monde surmonté de la croix :

Hy beschyt de wereld (%. 155).

Ce sujet se retrouve également sur la peinture de Harlem comme aussi sur les répliques des siècles suivants, et même sur l'image popu- laire que nous décrirons plus loin 1 .

D'autres miséricordes de la même église Saint-Seurin, portent égale- ment les marques de l'art satirique flamand. Le monstre, qui happe par le derrière un fuyard, rappelle le même sujet déjà vu à Aerschot (fïg. J56). A remarquer que le dragon ressemble « comme un frère » à l'ani- mal gigantesque qui sert de girouette au beffroi de Gand.

Le bonnet des femmes de la Cam- pine anversoise est très reconnais- sable sur une autre console sculptée (fig. 157), où nous voyons un homme et une femme, tous les deux nus, se livrer à des ébats fort peu édifiants.

Puis, d'autre part (fîg. 158), un personnage déculotté pond des œufs dans un nid, tandis qu'une poule considère l'étrange spectacle qui vient illustrer le dicton flamand :

Hy schyt eieren zonder schaalen 2

(Il chie des œufs sans écailles), sujet très populaire en Flandre, que nous verrons figurer notamment sur l'image presque moderne citée plus haut.

C'est encore aux huchiers belges qu'il faut attribuer les misé- ricordes, fort abîmées malheureusement, de l'église des Saints-



Fii


. 158. — Il chie des ceui's sans

écailles (Dicton flamand)

(Miséricorde de Saint-Seunn)

(Gironde).


1. Ferd. van der Haeghen, Bibliographie Gantoise. Recherches sur la vie et les travaux des imprimeurs de Gand, t. V. Editions de Gand sans noms d'imprimeurs (xix c siècle).

2. La plupart des miséricordes françaises citées dans ce chapitre, sont reproduites dans l'ouvrage du D r Witkowski, L'Art profane à l'Eglise (France).


250


LES MISERICORDES EN BELGIQUE


Gervais et Protais, à Paris. Nous y voyons, entre autres sujets déjà vus sur les stalles belges : une sirène ou Mélusine, qui se peigne; un chien qui se lèche le derrière 1 ; un buveur sur son ton- neau; un galant qui lutine une femme; un bain de femme (fig. 159) rappelant un des sujets vus sur les semelles de poutre à Damme; un chieur (fig. 160) qui se soulage sans façon sur le seuil dune



Fig. 159. — Un bain mixte (Miséricorde de l'église des Saints-Gervais et Protais) (Seine).


porte 2 et un apothicaire qui donne le fameux remède de Molière (fig. 161), comme nous l'avons vu donner en pleine rue sur la sculp- ture (fig. 70 bis) du Musée archéologique de Bruges. Un Gupidon flamand, bien gras et joufflu, dormant, le bras appuyé sur une tête de mort (fig. 162), nous rappelle d'autre part que les huchiers belges appartenaient à des chambres de rhétorique, où la mode des <( Emblèmes » plus ou moins alambiqués était encore générale 3 .

1. Cette image constitue encore un proverbe flamand stigmatisant les flatteurs :

Het is een gat lekker.

(Textuellement : c'est un lécheur de derrière.) Expression encore journellement employée en pays flamand et hollandais.

2. D'après un ancien préjugé flamand, les amoureux croyaient se rendre leur belle favorable en déposant la nuit devant sa porte un hommage de cette façon.

3. Les miséricordes de l'église des Saints-Gervais et Protais, reproduites ici, ont été dessinées d'après les illustrations (restaurées) du D r Witrowskù


LES MISÉRICORDES BELGES EN FRANCE


251


D'autres miséricordes parisiennes, malheureusement disparues celles de 1 église des Mathurins, que Ton ne connaît plus que par les dessins par trop sommaires de Mellin, nous montrent égale- ment des sujets qui nous sont familiers et qui font songer a une origine flamande. Ainsi nous voyons une brimade de métier, à l'oc-



Fig. 160. — Satire d'un chieur (Miséricorde des Saints-Gervais et Protais)

(Seine).


casion de la réception d'un apprenti; un enfant nu sur un âne; une femme galante (Mme Putiphar) poursuivant un jeune homme nu qui la fuit ; un rôtisseur accompagné d'un enfant montrant son der- rière, et des têtes de fous et de morts groupées deux par deux, faisant songer à ces Vanitas, dont la vogue, surtout grande au xvi e siècle, se continua au xvn° parmi les plus grands peintres et sculpteurs belges de cette époque.

L'église de Saint-Martin-aux-Bois (Oise) possède également des miséricordes profanes, où nous croyons reconnaître l'esprit et le faire de nos huchiers. Nous y voyons notamment un monstre marin « qui passe son long cou entre ses jambes et s'apprête à saisir sa queue par la gueule » ; la satire des moines y est symbolisée par un autre animal infernal coiffé de la capuce. Plus loin une truie


252


LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


joue de la cornemuse, tandis que ses petits sont suspendus à ses té- tines, comme c'est le cas pour la truie qui file qui se trouve à Rouen (fîg. 163); puis vient un groupe représentant un sculpteur, aidé d'un démon, qui achève une statue de femme ; puis encore un con-



Fig. 161. — Le clystère (Satire d'un apothicaire) (Miséricorde de l'église des Saints-Gervais et Protais) (Seine).

damné recevant la peine du fouet, tout comme Villon, qui fut fus- tigé pour s'être gaussé de la Sorbonne :

J'en fus battu, comme à ru telles,


Tout


J a


le


elei


Nous y voyons encore un diable entraînant une femme qui essaie vainement à se dégager de ses liens; une sirène, emblème de la volupté; et, d'après l'abbé Barraud, « une villageoise au maintien modeste qui s'occupe à filer sa quenouille, tandis qu'un singe dressé devant elle la contemple avec attention 2 » ; enfin « une fille en habits de religieuse, qui, armée d'une scie, coupe le diable par le milieu du corps, malgré ses horribles contorsions et sa rage ». Ce dernier sujet

1. D r Witkowski, op. cit., p. 317.

2. Nous avons vu plus haut un sujet analogue sur une des miséricordes d'Hoog- straeten. Pierre Breughel a illustré le même proverbe dans une de ses compositions


LES MISERICORDES BELGES EN FRANCE


253


nous rappelle la femme décolletée d'une stalle flamande à Corbeil, reproduite par Th. Wright 1 . La lutte de la femme pour la supré- matie dans les ménages, fut de tout temps un des sujets favoris des peintres et graveurs satiriques des Flandres. Dans leurs com- positions ils lui donnèrent généralement l'avantage, lorsqu'ils la mettaient aux prises avec l'homme ou qu'ils la représentaient dans ses démêlés avec le démon.

Dans ce dernier ordre d'idées, c'est la connaissance d'un ancien



Fig. 162. — Une allégorie ou « emblème » (Miséricorde de l'église des Saints-Gervais et Protais) (Seine).


proverbe flamand qui rend compréhensible une curieuse miséri- corde de stalle de l'église d'Isle-Adam (Seine-et-Oise), où nous voyons une représentante du beau sexe passer un nœud coulant au cou de Belzébuth, couché sur un beau coussin orné de floches (fig. 164). On s'était demandé vainement, jusqu'ici, quelle était

reproduite par la gravure. Une légende flamande accompagne cette estampe. Elle peut se traduire ainsi (voir notre Genre satirique, p. 2/2) :

Un toit ouvert, une cheminée qui fume;

Oui, là où le singe est assis et regarde ;

Une poule qui chante (comme le coq), une femme querelleuse,

C'est le malheur de la maison, oui le malheur et le chagrin.

1. Th. Wright, op. cit., p. 119, fig. 84. (Se trouve aussi dans l'ouvrage du D r Witkowski.)


254


LES MISERICORDES EN BELGIQUE


la signification de cette scène burlesque, qui constitue pour des Flamands la simple mise en action du dicton bien connu :

Zy zou den duyvel op een kussen binden met lindjes,

c'est-à-dire que la "femme, par son astuce, est capable de lier le diable sur un coussin à laide de rubans. Nous avons vu cette scène



Fig\ 163. — La truie quijiile (Sculpture sur une maison, à Rouen) (xv e siècle).

représentée sur une des miséricordes d'Aerschot; on la trouve aussi sur nombre de répliques des Proverbes flamands de Breughel, exécutées au xvn° et môme au xvin c siècle; notamment sur la reproduction que nous en avons donnée naguère dans notre Genre satirique dans la peinture flamande 1 .

Au genre des sorcelleries appartient encore une console sculptée de l'église de Boos (Seine-Inférieure), où nous voyons une femme


1. Un autre proverbe flamand nous montre aussi la femme plus astucieuse que le démon :

Zy is den duivel te erg.

Voir P.-J. Harredomée. Spreekwoordenboek der nederlandsche taal of verznme- ling van nederlandsche spreekwoorden en spreekwoordelyke uitdrukkingen van vroegeren en lateren tyd. Utrecht, Kemink en Zoon, 1858 (3 vol.), t. I, p. 166.


LES MISÉRICORDES BELGES EN FRANCE 255

demi- nue chevaucher un démon a pieds de bouc, célébrant sa vic- toire aux sons d'une trompette thébaine. Sujet qui rappelle une scène de sabbat analogue déjà vue (lig. 165) sur une des miséri- cordes d'Aerschot.

Les consoles sculptées de l'église Saint-Martin, à Ghampeaux, ne sont pas moins certainement flamandes. Dans un « manneken-



Fig. 164. — Elle lierait le diable sur un coussin (Proverbe flamand) (Miséricorde à l'Isle-Adam) (Seine-et-Oise).

pis » arrosant un van de meunier, où spirituellement le D p Wit- kowski a cru voir l'illustration du dicton français :

Petite pluie abat grand vent,

il faut reconnaître un émule d'Uylenspiegel qui, voyant un grand van rond, blanc de farine (qu'il prend pour la lune), l'arrose con- formément à l'ancien dicton flamand :

Hy pist op de maene

(Il pisse sur la lune 1 ) (fig. 166).

4. Ce sujet ligure non seulement sur le tableau d « ?^'^" ^^ répliques plus modernes, ainsi que sur limage populaire reproduite plus loin.


256


LES MISERICORDES EN BELGIQUE


Un autre proverbe flamand représenté sur les mêmes stalles :

Twee honden aan een been Komen zelden over een '

(Deux chiens rongeant le même os s'entendent rarement), se retrouve non seulement sur la peinture de Harlem, mais aussi

sur les répliques peintes et gra-


vées qui en furent faites aux xvn e et xvm c siècles. Un autre sujet représentant deux figures nues, dont l'une (la femme) enroule un long ruban mince, semble également inexplicable pour tous ceux qui ne connais- sent pas la dévideuse du ver solitaire de l'église Saint-Nico- las, à Amsterdam, dont nous avons donné une reproduction (fig". 29). En comparant les deux miséricordes, on consta- tera que sur la sculpture de Ghampeaux (fîg. 167) c'est une



Fig. 105. — Le triomphe de la femme sur

le démon (Proverbe flamand)

(Miséricorde à Boos) (Seine-Inférieure).


opération identique que l'imagier du Nord, voyageant en France, a voulu représenter ; car il est facile de reconstituer par la pensée le ruban brisé dont la source se devine.

A la cathédrale d'Auch(Gers), parmi « les angelots et les marmou- sets sculptés sur les remarquables boiseries du chœur, chef-d'œuvre de délicatesse et d'érudition », nous voyons quantité de sculptures empruntées, non seulement aux deux Testaments, mais aussi à la mythologie, aux récits légendaires historiques et au symbolisme.

(Voir notre Genre satirique, etc., p. 284, pi. 38 et p. 362, pi. 59, et nos Xederland- sche spreekwoorden handelend voorgesteld door Peeter Breughel de Oxiden (Konin- klijke Vlaamsche Académie) Gent, Sifl'er, 1903).

Le même sujet se trouve sur une autre image populaire de la même époque im- primée à Turnhout, reproduite dans l'ouvrage de MM. Emile van Heurck et D r Boe- kenoogen : Histoire de l'imagerie populaire de Turnhout et de ses rapports avec les imageries étrangères (Anvers, Buschmann, 1909), p. 166.

1. Cette miséricorde figure dans l'ouvrage de MM. Paul Vitry et G. Brière. Documents de sculpture français du moyen âge. Paris. D.-A. Longuet (sans date), planche CXXXIII.




LES MISÉRICORDES BELGES EN FRANCE $5?


On y voit, d'après M. G. Durand \ sur une des miséricordes de stalles, « plusieurs femmes nues dans un bain », rappelant les bains mixtes de Damme. Sur le rampant d'une des parcloses, nous voyons, non pas une ribaude qui montre son sein nu, comme le croit l'au- teur, mais un souvenir dune légende touchante jadis très populaire en Belgique. On sait qu'elle fut choisie comme sujet d une colossale


Fig. 166. — Il pisse sur la lune (Dicton ilamand) (Miséricorde à Ghampeaux) (France).

sculpture, en ronde bosse, qui décore la façade de l'ancienne pri- son communale de Gand. Ce relief, très connu en Flandre, est dési- gné, comme la prison même, sous le nom grotesque de « Marame- lokker » ou de téteur de seins. Cette légende, généralement désignée sous le nom de : ha Charité romaine, a été contée déjà par des auteurs anciens tels que Valère Maxime, Pline l'Ancien, Hygin et d'autres encore. En France, son succès ne fut pas moins grand : elle figure notamment parmi les anciennes Moralités dra- matisées, sous ce titre : « Histoire romaine d'une femme qui avait voulu trahir la cité de Romme (sic) et comment sa fille la nourrist six septmaines de son lait en prison- ».


1. Cité par le D r Witkowski. Op. cit., p. 234, fig. 302.

2. Ed. Viollet-le-Duc. Ancien théâtre frunçois, t. III, p. 171 et suiv.


17


258 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

La légende gantoise est autre : elle met en scène un père, que sa fille, qui est vierge, nourrit miraculeusement. L'histoire est trop jolie, et trop peu connue, pour que nous ne la reproduisions ici d'après le texte flamand *.

« Un jour un bourgeois de Gand commit un grand crime et il fut condamné par la « Vierschaere », ou tribunal criminel, à mourir de faim. On l'enferma sans vivres, dans une masure isolée, dont il ne put sortir. Alors sa fille, qui était une douce vierge aimante, « een teeder minnende maagd », demanda à pouvoir visiter son père tous les jours, chose qui lui fut accordée, à condition quelle ne lui apportât aucune nourriture. Elle le promit, et jamais, malgré une visite corporelle minutieuse, on ne la trouva portant le moindre comestible. Or, au bout d'une semaine, l'homme que l'on croyait voir mourir dans l'espace de quelques jours, vivait encore.

« Le fait ayant été rapporté au comte de Flandre, celui-ci donna l'ordre d'épier ce qui se passait pendant les entrevues du père et de la fille. Alors on vit que la fillette tendait au vieillard son sein blanc... Le comte, apprenant la chose, dit : « C'est incroyable, je veux voir ce spectacle! ». Et le lendemain, il put se convaincre à son aise de la vérité du rapport qui lui avait été fait. Puis il fit mander la jeune fille et lui demanda : « Avez-vous connu un homme et où est votre petit enfant? — Je n'ai connu aucun homme et je n'ai pas de petit enfant, répondit la fillette, je suis une vierge pure » (Ik ben een reine maagd). « Alors, comment est-il possible que vous puissiez nourrir votre père en lui donnant le sein? ».

« Voyant que le comte savait tout, la belle jeune fille se jeta à ses pieds, et embrassant ses genoux, demanda la grâce de son père. Puis elle ajouta : « Je lui ai donné le sein en toute confiance, après « avoir invoqué pieusement le bon Dieu et la sainte Mère Marie, et « ainsi mon père a pu têter avec profusion » (en hy heeft er over- vloedig aan gezogen). Le comte, frappé par ce prodige, accorda la grâce du vieillard, et, en souvenir d'un si grand amour filial, il ordonna que cette scène fut représentée en sculpture devant la demeure où le fait mémorable s'était passé. »

Gomme le remarque très bien M. A. de Gock, dans son intéres-


1. A. de Cock. De Mammelokker te Gent (Volkskunde. Tijdschrift, etc., 1906, p. 47 et suiv.). Voir aussi J.-W. Wolf. Niederlandische sagen, Leipzig, 1843, n° 529.


LES MISERICORDES HELGES EN FRANCE 259

santé étude du « Mammelokker »,a Gand 1 , dont nous nous sommes inspiré, la tradition gantoise diffère assez notablement de la légende originale qui, depuis l'antiquité, se retrouve non seulement dans tous les pays de l'Europe, mais même dans les autres parties du monde, notamment en Chine, d'où, d'après Kretschmer, le conte serait originaire 2 .

Dans une ancienne traduction française des Facétieuses nuits de


Fig. 167. — La cure du ver solitaire (Dicton flamand) (Miséricorde de Champeaux) (Saint-Martin).

Straparole, de J. Louveau et P. de Larivey (édition lyonnaise de 1560), figure un rébus ou énigme ayant certainement un rapport avec le « Mammelokker» de Gand. En voici quelques passages :

Je suis encore jeune en la fleur de mes ans, Toutefois je suis mère à qui m'a donné vie... Et du laict nourricier qui de mes tetins blancs Enfle mollettement la voulture arondie

1. A. de Cock. De Mammelokker te Gent (Volkskundc. Tydschrift voor nederland- sche folklore, 48 e année, 1906, p. 47 et suiv.). .

2. On est tenté de songer à la Chine, parce que Ton sait que 1 amour qui existe entre les parents et les enfants y est plus estimé que l'amour sexuel.


260 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

Je nourris un enfant qui jeune m'a nourrie... Puisqu'il fallait qu'ainsi je fusse fille et mère, Et que de ma mammelle, ô grand honte des dieux ! J'allaictasse l'enfant, qui vieillard est mon père 1 .

Bien d'autres miséricordes, rappelant le faire et les sujets favo- ris des huchiers belges, seraient à citer. Notamment celles de Saint-Spire, à Gorbeil, qui sont justement célèbres par leur ironie



Fig. 168. — Satire des mendiants (Miséricorde à Vendôme) (Loir-et-Cher).

anti-cléricale. On sait qu'entre chacune d'elles, sur les rampants des parcloses, grimace un personnage grotesque ou un monstre; des singes avec des plumes ou d'autres attributs; des serpents et bêtes fantastiques à face humaine. Les miséricordes proprement dites paraissent plus extraordinaires encore. Nous en énumérons quelques-unes des plus curieuses, d'après M. deMartonne 2 : « Un homme avec un habit de novice et des oreilles d'ânes, tenant une marotte de la main gauche, rit et foule aux pieds d'autres fatui; un homme, au bonnet de docteur, joue avec un autre un jeu nommé pet-en-gueule (ce qui explique suffisamment le jeu et l'at- titude des personnages) ; un homme nu, et montrant nettement ses parties honteuses, est dévoré par un griffon; des rats mangent la

1. Reproduit dans l'étude déjà citée de M. A. de Cock. p. 57 (Volkskunde, 1600).

2. A. de Martoisne, La piété au moyen âge. Paris, Dumoulin, 1855, p. 130 et suiv.


LES MISÉRICORDES KELGES EN FRANCE 261




boule du monde surmontée de la croix, ce qui veut dire : le monde est dévoré par les gens d'église; un jardinier, dont le pantalon très indécent montre la forme des estallcs, arrache un arbre ; une femme coupe avec une scie la tête d'un singe qui fait une terrible grimace; un prêtre ivrogne, etc. »

Remarquons, une fois de plus, combien il est difficile à un auteur français, non au courant des proverbes flamands, de reconnaître les


Fig. 169. — Satire d'un guerrier musulman (Miséricorde de Vendôme) (Loir-et-Cher).

sujets représentés sur les miséricordes des stalles exécutées par des huchiers belges à l'étranger.

Là où M. de Martonne croit reconnaître un homme en habit de moine pourvu d'oreilles d'âne, etc., nous voyons une mère folle couvant des jeunes fous, sujet représenté par Pierre Breughel le Vieux et vulgarisé par la gravure 1 .

L'homme au bonnet de docteur, jouant au jeu « pet-en-gueule », nous semble une illustration du dicton :

Het is een gat lekker

(c'est un lèche-cul, c'est-à-dire un flatteur).

1. Cette estampe ancienne est reproduite p. 272, fig. 204, dans notre livre : Le Genre satirique, etc., déjà cité. Elle est accompagnée de vers flamands commençant par ces mots :

Tis al sot, soo men wel mach anschouwen hier

Ouer sots bestier, broeyt jonghe sotkens dees oude sottine...

(La folie est générale, comme on le voit bien ici : une vieille folle couve de jeunes fous, etc.).


262


LES MISÉRICORDES EN RELGIOUE


(( Le jardinier au pantalon très indécent, qui se met en devoir d'arracher un arbre, » constitue la mise en scène du proverbe bien connu :

Maakt u niet moie

(Ne vous fatiguez pas)

caricaturisant ceux qui se donnent des peines inutiles. Ce sujet, représenté d'une façon identique, se trouve non seulement parmi



Fig. 170. — Visage grotesque constitué par des feuillages (Miséricorde de Vendôme).


les miséricordes belges citées plus haut, mais aussi parmi les images populaires éditées à Turnhout, dont la vogue fut encore grande dans les Pays-Bas dans la première moitié du xix e siècle 1 . Une de ces images, devenues rarissimes, est reproduite par MM. E. van Heurck et D 1 ' Boekenoogen. Elle porte un titre bilingue, dont le texte français commence par ces mots :

Le proverbe bien dit Réveille souvent l'esprit, etc.

Quant à la vieille femme qui coupe avec une scie la tête d'un singe, etc., il faut y voir une variante de l'illustration d'un des


1. Emile van Heurck et D r Boekenoogen. Op. cil., Dictons et provwbes, Brehols, n os 41 et 54; Beersmans, n° 62, etc.


LES MISÉRICORDES BELGES EN FRANCE 263


nombreux proverbes flamands, cités plus haut, où Ton proclame la femme plus astucieuse que le démon :

Zy is den duivel te erg.

(Le diable trouve en elle son maître).

Citons encore les stalles dans le même goût qui se trouvent au Musée de Cluny. Dans le Midi, à Saint-Léonard (Haute- Vienne), près de Limoges, des miséricordes constituées par des masques effroyables ou des monstres avalant des hommes; des prêtres en postures bizarres ou faisant pénitence plus loin; un pèlerin, dans la même attitude (à genoux), est placé derrière un homme dont les braies tombent et qui lui offre des fruits (illustration probable du dicton de Yappel mannekcn ou du « petit marchand de pommes qui vient chercheffée du hennin en forme de clocher, tient d'une main un instrument de musique à cordes et pose l'autre sur son ventre creux. D'autres images semblent se rapporter à des proverbes ou à des dictons moins connus :

Un pêcheur prend du poisson avec une nasse en osier :

Ieder vischt op zyn $>etij

(chacun pêche à sa manière). Goethals 1 traduit cette expression en français par : « Ghascun tire à son profit ».

1. Cité par D r Stoett. Op. cit., p. 176, n° 560.


LES MISÉRICORDES RELGES A L'ÉTRANGER 277


Puis un âne bâté s'agenouille en tenant dans sa gueule un cha- pelet (?)(%. 483); un renard se jette sottement à l'eau pour pour- suivre à la nage des oiseaux aquatiques qui, étant dans leur élément, se rient de ses efforts; tandis que plus loin un autre Goupil, revêtu de la capuce du moine, lit gravement dans un gros



Fig. 180. — Deux chiens se disputent un os (Proverbe flamand) (Miséricorde à Kempen) (xv e siècle).

livre, constituant une satire des savants religieux. A moins que nous ne soyons en présence du proverbe :

Men moet vossen met vossen vangen

(On doit attraper ou duper des renards avec des renards), qui équivaut au proverbe français : « A renard, renard et demi ».

Notons encore le souvenir toujours populaire des grimaciers; un bouffon élargit sa bouche en retirant avec violence des deux mains, rappelant une des miséricordes déjà vues à Louvain. Une miséri- corde plus curieuse nous montre (fig. 184) un paysan qui, armé d'un fléau, s'escrime avec rage sur des œufs, dont les écailles bri- sées volent en fragments autour de lui. Remarquons ici que la représentation satirique de petits personnages accompagnés d'œufs, se voit fréquemment sur les marges des manuscrits flamands. Nous


278 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

croyons y reconnaître un souvenir des dîmes, notamment de celle des œufs que les moines enlevaient dans les fermes pendant le carême, époque où l'on ne pouvait les manger. Ici, le paysan avare préfère les briser plutôt que de s'en dessaisir.

Les sujets scatologiques ne sont pas oubliés. Sur une des con-



Fig. 181. — Une vierge sage (Miséricorde à Kempen) (xv e siècle).

soles sculptées de Kempen, on voit un petit imitateur d'Uylens- pieghel qui, nu et sans vergogne, se soulage en élargissant d une main ses fesses, tandis que de l'autre il porte en riant à la bouche « ce que le fou du roi de Pologne ne voulut point manger ».

Ce geste inélégant ne doit pas trop nous étonner, car nous voyons dans de vieux fabliaux français faire mention de pareille chose. Dans le fabliau d'Audigier (Manuscrit n° 1830 de Saint- Germain), le trouvère nous assure que le pays de Cocuce, dont son héros, le comte d'Audigier, est originaire :

est un païs mou

Où les gens sont en merde jusques au cou.

Et que pour en sortir c'est :


LES MISÉRICORDES BELGES A L'ÉTRANGER


279


Par un ruissel de foire qu'il ving a nou, Onque n'en poi issir par autre trou.

Son vassal, dont l'imagier flamand semble s'être souvenu (car



Fig. 182. — Une vierge folle (Miséricorde à Kempen) (xv e siècle).

la plupart de ces contes français furent traduits en langue thioise), affectionne la pose accroupie « à estupon », ajoutant :

Et quand il a chié, plaine s'aumuse,

Ses doiz boute en la merde, puis si les suce 1 .

1. Voir Barbazan. Fabliaux et contes des poètes françois des XI, XII, XIII, XIV, et XV e siècles tirés des meilleurs auteurs, t. IV, p. 217. (Paris, Warée, MDCCV1II.) Dans ce même fabliau « de Audigier », nous voyons la description d'une scène en tous points semblable à celle représentée sur une des sculptures de l'église de Walcourt (lîg. 112). Le huchier flamand semble s'être souvenu de l'idylle décrite par le trouvère, lorsque pour la première fois la baronne de Rainberge et le vassal Quens Turgibus se rencontrèrent. La dame est pressée, et l'impression faite par le vassal fut foudroyante car :

... Si li a tôt montré et cul et con.

Venez avant, fait-elle, filz à Baron,

Acroupez-vos lez moi et si chions.

Gé mangai ersoir prunes à foison,

Si me saillent du cul li noeillon,....


280 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

Les petites figurines qui ornent les rampants des parcloses, ne sont pas moins intéressantes. Nous y voyons (fig. 183) un moine dans un tonneau, qui couve de gros œufs. Sujet que nous avons également rencontré souvent dans les marges des manuscrits flamands. Autre souvenir probable des dîmes en œufs, car on croyait que leur consommation étant défendue par la religion catho-



Fig. 183. — Un âne à genoux (Sujet satirique) (Miséricorde à Kempen)

(xv e siècle).

lique, les moines qui les récoltaient, ne pouvant les manger, les couvaient. Peut-être aussi est-ce simplement l'illustration du dicton si populaire en Flandre :

Hy kackt eyeren zonder schalen 1

(Il chie des œufs sans écailles).

Sur d'autres rampants, défilent des satires animales : une truie enfile des culottes (fig. 186) rappelant la lutte des femmes pour ce vêtement masculin. Les nudités sont assez nombreuses; un homme barbu, en costume d'Adam, croque une pomme, tandis que, dans l'autre main, il tient un second fruit en réserve; un autre bon- homme, nu, semble avoir mal au cœur.... Un paysan, rappelant le

1. Ce dicton, accompagné de cette légende, figure parmi les proverbes flamands dont nous donnons plus loin le similé (cette image se vendait encore au milieu du xix e siècle).


LES MISÉRICORDES BELGES A L'ÉTRANGER


281


voleur de fruits de Diest, renverse entre ses jambes un panier de



Fig. 184. — Le briseur d'œufs (Satire d'un paysan) (Miséricorde à Kempen) (xv e siècle).



Fig. 485. — Le moine couveur (Statuette Fig\ J86. — Un porc met des culottes (Satire d'une parclose des stalles de Kempen) de la vie conjugale) (Statuette d'une parclose

(xv e siècle). des stalles de Kempen) (xV siècle).


282


LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


pommes. Puis apparaît encore un proverbe flamand très populaire : Veel geschreeuw voor weinig wol

(Beaucoup de bruit pour peu de laine) (fig. 187), accompagné du dicton complémentaire :

Veel wol en weinig geschreeuw (Beaucoup de laine pour peu de bruit). Ces dictons sont représentés



Fig. 487. — Celui qui tond le porc (Beaucoup de bruit et peu de laine) (Proverbe flamand) (Statuette de stalle à Kempen) (xv e siècle).

par deux hommes qui tondent, l'un un porc qui hurle, l'autre une brebis qui se laisse faire.

Parmi les miséricordes de stalles de l'église Saint-Nicolas à Ams- terdam, citons, outre celles déjà signalées plus haut : deux hommes jouant au jeu de la pannoy (steygerspel ) ; deux buveurs qui se battent à coups de brocs; le proverbe flamand déjà vu à Hoog- straeten (fig. 188) :

Men can met het hoofd geen muren breeken ;

l'homme devant le four (fig. 189); l'indécis entre deux sièges (fig. 190), et une truie, ou un porc, qui file sa quenouille (fig. 191), rappelant le sujet analogue connu qui se trouve à Rouen (fig. 163).


LES MISÉRICORDES BELGES A L'ÉTRANGER


283


Les miséricordes des stalles de la cathédralede Bâle, qui datent, commes celles d'Amsterdam, du xvi° siècle, doivent être également considérées, selon nous, comme étant l'œuvre de nos huchiers belges. Là encore, on reconnaît non seulement tous les caractères de l'art flamand, mais aussi le genre affectionné par les artistes originaires de la Belgique. On y retrouve leurs sujets grotesques, satiriques et licencieux. Sur la fig. 192 nous voyons un homme et une femme nus



Fi* 188 - On ne peut de la tête briser un mur (Proverbe flamand) (Miséricorde de l'église Saint-Nicolas, à Amsterdam) (M siècle.

prenant ensemble un bain dans une cuve en bois, pareille à celle que nous avons trouvée à Damme, ainsi qu'à l'église des Saints- Germain et Protais en France. Ce sujet est aussi à rapprocher d une des miséricordes primitives d'Hastières (fig. 91).

Nous v rencontrons en outre les dragons infernaux (fig. 193) dont nous avons vu, dès le xi V e siècle, des spécimens analogues à Liège.


284


LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


Puis nombre de sujets grotesques : des personnages nus, tétant les mamelles d'une truie; un diable nain ou grimacier à grosse tête, qui élargit sa bouche à l'aide de ses mains ; deux hommes mangeant du même plat; un homme avec un chameau; un autre bonhomme

gambadant Puis des sujets semblables aux compositions du

Breughel dit « des paysans », mettant en scène des villageois occupés aux divers travaux des champs; des masques de monstres grima- çants, ou bien des têtes humaines tirant la langue, rappelant le type nègre (fig. 194), genre que nous avons vu apparaître dès le xm e siècle



Fig. 189. — L'homme qui veut faire une bouche plus grande qu'un four (Proverbe flamand) (Miséricorde d'Amsterdam) (xvi e siècle).

parmi les miséricordes d'Hastières. Enfin (fig. 195) un monstre marin avalant un homme nu, qui disparaît à moitié dans sa gueule. Bien d'autres miséricordes de stalles seraient à citer si nous ne craignions les redites : notamment celles de Xanten 1 , celles de Boppard, celles de la cathédrale d'Ulm et de Lund, en Norvège; les stalles de l'église de Sainte-Barbe, à Ruttenberg, etc., etc.


4. Ces stalles de Xanten, ainsi que celles citées plus loin, se trouvent reproduites en partie dans l'ouvrage de M r Hjalmar Ohman, Medeltidens korstolar i Tyskland Skandinavien och Finland. Helsingfors, 1900.


LES MISÉRICORDES BELGES A l'ÉTRANUER


285


Quant aux superbes miséricordes et autres sculptures qui décorent les stalles des églises espagnoles, elles présentent une si grande importance au point de vue de l'art et des traditions popu-



Fig. 190. — L'homme qui s'assied entre deux sièges (Satire de l'indécis) (Amsterdam) (xvi e siècle).

laires de la Flandre, que nous préférons leur consacrer, non pas une simple revue hâtive, mais une étude spéciale plus complète.

Car, malgré leur remarquable beauté, les stalles gothiques conser- vées en Espagne n'ont pas été, pour ainsi dire, étudiées jusqu'ici 1 . Effectivement, Davillier, dans son ouvrage Les Arts décoratifs en Espagne, ne traite que des sculptures sur bois de l'époque de la Renaissance, et il ne nous fournit presque aucun renseignement sur


1. Emile Molimer, Histoire générale des arts appliqués à l'Industrie, du XV à la fin du XVIII e siècle, t. II, p. 48-49. Paris, Londres, Bruxelles, E. Lévy et Gie, édi- teurs.


286


LES MISERICORDES EN BELGIQUE


les remarquables stalles du xv c siècle et du commencement du xvf siècle, dont le style fut certainement importé par les sculp- teurs et les huchiers flamands 1 .

Citons, parmi les plus belles de ces stalles, celles des cathédrales de Léon, de Zamora, de Tarragone, de Se ville et de Barcelone 2 .

Les stalles de Se ville, exécutées, ou entreprises, par un sculpteur



Ffg. 191. — La truie qui file (Satire d'une fileus'e) (Miséricorde de l'église Saint-Nicolas, à Amsterdam) (xvi* siècle).


du Nord, portant le nom flamand de Dancaert (ou Danckaert), datent de 1478. Les stalles du couvent de St-Thomas-dAvila, constituent le type le plus parfait de ce style flamando-espagnol si remarquable par la richesse inouïe de ses sculptures, ajourées comme des den- telles, qui se placent, comme le dit M. E. Molinier, bien au-dessus


1. Emile Molinier, Op. cil. p. 50. Voir aussi Gkstoso y Perez. Les artistes fla- mands qui ont vécu h Séville pendant les XV e et XVIII e siècles. (Les arts anciens en Flandre, année 1909, 2 e fasc.) et Pelayo Quintero, Sillas de coro. Nolicia de las mas notables que se conservait en Espuna. Madrid 1908.

2. De grandes et superbes photographies de ces stalles furent exposées à l'Expo- sition de la Toison d'Or, à Bruges, en 1907.


LES .MISÉRICORDES HELGES A [/ÉTRANGER


287


de tout ce que l'on peut admirer dans ce genre de menuiseries artis- tiques en Belgique et même en France.

Les sièges sculptés de la cathédrale de Tolède appartiennent pour une moitié (la rangée basse) à la fin du style gothique, ayant été faites en 1505; tandis que les stalles hautes, exécutées par "des Fla- mands romanisants, en 1543, présentent l'aspect d'une renaissance



Fig. 192. — Un bain mixte (Satire des débauchés) (Miséricorde à Bâle) (xvi e siècle).


bien plus avancée que les sculptures de ce genre faites à cette date en Belgique.

Ajoutons que si les noms dhuchiers flamands et français se ren- contrent fréquemment dans les archives espagnoles, tout aussi nom- breux sont les noms des sculpteurs espagnols qui collaborèrent avec nos artistes. Ce qui nous prouve que l'école indigène, qui se forma sous la direction des sculpteurs du nord, se distingua bientôt, elle aussi, par une habileté manuelle remarquable.

Nous avons signalé plus haut l'importance considérable que pré- sente, pour l'identification des miséricordes de stalles conservées à l'étranger, la connaissance des proverbes populaires flamands. Peut- être sera-t-il utile d'en citer ici quelques-uns , choisis parmi les plus usuels. L'estampe ancienne dont nous parlions plus haut, et dont le


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


bois gravé seul nous est parvenu, est des plus intéressantes à cet égard. D'autant plus que les trente proverbes illustrés que nous



193. — Une bête diabolique (Miséricorde à Bàle) (xvi e siècle).


Fig. 194. — Satire d'un grimacier

(Miséricorde de la cathédrale de Bâle)

(xvi e siècle).


reproduisons ci-après, sont absolument groupés et composés comme dans les miséricordes belges déjà vues, ne mettant en scène qu'un,


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Fig. 195. — Une bête infernale (Miséricorde de la cathédrale de Bàle) (xvi e siècle).

deux et très rarement plus de trois personnages. Peut-être n'est-il pas téméraire de croire que ces gravures anciennes, dont la vogue se


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PI III - Fi*. 196, 197, 198, 199, 200, 201. - Proverbes flamands

(Fac-similé d'une image populaire gravée à Garni au xvnf siècle)

(D'après des documents plus anciens).


19


290 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

conserva jusque vers le milieu du xix° siècle, reproduisent ou rap- pellent le souvenir traditionnel de quelques-unes de ces miséricordes gantoises détruites pendant les troubles religieux de la fin du xvi e siècle.

Vu les dimensions assez considérables de l'estampe, nous avons dû la diviser en cinq parties. Les six sujets représentés sur la planche III nous montrent successivement :

Hy hanget de cat de bel aen (fig. 196)

(Il attache le grelot au chat), sujet que nous avons relevé déjà sur une sculpture conservée à Gourtrai, ainsi que sur une des misé- ricordes des stalles de Kempen. Elle se trouve aussi sur la peinture de Harlem, où nous voyons cette fois un chevalier en armure, pré- sageant les bruyants carabiniers des Brigands d'Olfenbach, traiter son chat de la même façon.

Dese roert den duym (fîg. 197)

(Celui-ci tourne son pouce). Sur la composition de Breughel, et sur les répliques peintes au siècle suivant, cette scène est représentée d'une façon plus explicite. Un prince, vêtu d'un costume somptueux et coiffé d'une couronne, fait tourner sur son pouce le globe terrestre, satire de l'orgueilleux qui croit pouvoir diriger à son gré le monde entier.

Dese bescheyt den werelt (fig. 198)

(Celui-ci conchie le monde). On remarquera que le monde, si cava- lièrement traité, porte la croix sens dessus dessous, et que deux spectateurs lèvent étonnés les bras au ciel à la vue de l'incongruité de ce fou (Nous avons remarqué déjà plusieurs sculptures de stalles dans ce genre, notamment à Saint-Seurin, en Gironde).

Benyt dat de son in het water schynt (fig. 199)

(Il jalouse le soleil qui luit dans l'eau). Ce proverbe, qui stigmatise l'envieux, se trouve aussi reproduit parmi les sculptures du xv c siècle qui se trouvent à l'hôtel de ville de Bruxelles '.

i. Cette sculpture en accompagne une autre, représentant encore un proverbe flamand :

Als een vremdc endc in de bijt N

(Comme un canard étranger dans une mare). Ces deux reliefs ont été reproduits dans l'ouvrage de M. Joseph Destine : Histoire de la sculpture brabançonne.


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HIERVECCTENSEV^W^OMEEN BITEBÏENVOGELINDEHANTALS



KYSIETOPHETEVENLAETHET STROVTROSEKtfOOR DVEftCKENS ■» HOEN LOOP.



TWEESCHÏTENDOOREEN GAT BESEWAVrTMÏT ALIEWIHDïN


PI. IV. — Fig. 202, 203, 204, 205, 206, 207. — Proverbes flamands

(Fac-similé d'une image populaire gravée à Gand au xvnr siècle)

(D'après des documents plus anciens).


292 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

Draecht vier in de een hant, en't water in de ander hant (fig. 200)

(Il porte du feu dans une main et de l'eau dans l'autre). Ce pro- verbe est représenté par un homme qui porte un tison allumé sur une pelle à feu, tandis de l'autre main il tient le sceau d'eau qui pourra l'éteindre. Dans la peinture de Harlem, Breughel, moins galant, a mis en scène une femme (C'est une femme aussi que l'on voit illustrer le même proverbe sur les répliques peintes aux siècles suivants).

Dit sluyt gelyck een tanghe op een verken (fig. 201)

(Cela lui va comme des pincettes sur un porc). Dicton encore très populaire que nous retrouvons également sur la peinture citée ci- dessus.

D'autres dictons se succèdent sur la planche suivante (planche IV) :

Hier vechten seven vrouwen om een mans broeck (fig. 202)

(Ici sept femmes se battent pour un pantalon d'homme).

Cette variante de la lutte pour la culotte nous montre, en une mêlée grotesque, des femmes brandissant, l'une une chaise, l'autre une pelle à feu, une autre un fouet à nombreuse lanières, chacune tirant de son côté le vêtement masculin, qu'un malheureux tombé à terre et vêtu d'un jupon tient désespérément à deux mains. On constatera le succès persistant du combat pour la culotte, car on a donné ce titre à la planche gravée tout entière.

Beter een vogel in de hand als thien in de locht (fig. 203)

(Mieux vaut un oiseau dans la main que dix dans l'air). Ce pro- verbe ne demande pas d'explication, ayant son équivalent dans la langue française.

Hy siet op een ey en laet het hoen loopen (fig. 204)

(Il économise un œuf mais laisse fuir la poule).

Stroyen rosen voor de verkens (fig. 205)

(Semer des roses devant des pourceaux). Sujet satirique que nous avons vu si souvent reproduit sur les miséricordes flamandes con- servées en Belgique et à l'étranger.


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PI. V. Fig. 208, 209, 210, 211, 212, 213. — Proverbes flamands

(Fac-similé d'après une image populaire gravée à Gand au xvnr siècle) (D'après des documents plus anciens).


294 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


Twee schyten door een gat (fig. 206)

(Ces deux chient par un même trou). Groupe presque en tous points semblable aux « chieurs » accouplés de Walcourt (fîg*. 109).

Deze wayt naer aile winden (fîg. 207)

(Celui-ci tourne à tous les vents). Allusion satirique aux gens ver- satiles qui changent et tournent selon l'impression qu'ils reçoivent. Puis nous voyons, planche V,

Hy pist tegen de maen. (fig. 208)

(Il pisse contre (sur) la lune). Proverbe ridiculisant l'orgueilleux. Nous l'avons vu en action avec variante sur une des miséricordes de Ghampaux (fîg. 166). On remarquera le sans-gêne du person- nage qui ne se détourne pas à la vue d'une jeune fille qui le regarde.

Hy steekt den duyvel een kers aen (fig. 209)

(Il allume une chandelle (ou cierge) devant le démon). Allusion satirique aux hypocrites ou aux opportunistes qui tiennent à être bien avec les méchants lorsqu'ils les croient puissants.

Kwaeye Griet heeft de broek aen, haer man heeft de rock aen (fig. 210)

(La méchante Marguerite porte le pantalon, son mari le jupon). Satire des ménages où la femme est maîtresse. On sait que « Mar- guerite l'Enragée », de Dulle Griet, est le nom qui fut donné à la colossale bombarde ancienne qui se trouve braquée à Gand, marché du Vendredi, et que Margot V Enragée ou la « Dulle Griet » constitue ainsi le titre d'une des compositions les plus intéressantes de Pierre Breughel le Vieux *.

Hy scheert den geck (fig. 241)

(Il rase le fou). Celui-ci est représenté tenantà la main sa marotte. La signification de ce proverbe nous est inconnue.

Cette composition en accompagne une autre représentant encore un proverbe flamand :

1. H. H yuans, Margot l'Enragée, peinture de Pierre Breughel le Vieux, Gazette des Beaux-Arts, 39 e année, 3 e période, t. XVIII, pp. 510 à 513.


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PI. VI. — Fi»-. 214, 215, 216, 217, 218, 219. — Proverbes flamands

(Fac-similé d'une image populaire gravée à Gand au xvm e siècle)

(D'après des documents plus anciens).


296 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


Dit is een geleert man (fig. 212)

(Voilà un homme instruit). Jeu de mots flamands : leer signifiant échelle, celui qui la porte est : geleert, ce qui veut aussi dire instruit. Cet à-peu-près, d'un goût douteux, nous montre que les moqueries adressées aux savants, que l'on trouve si nombreuses parmi les marges des manuscrits enluminés médiévaux comme parmi les sculptures satiriques de la même époque, se continuèrent jusqu'à la fin du xviii siècle et avaient du succès en Belgique jus- qu'au milieu du xix p . L'homme à l'échelle se trouve sur la plupart des répliques, avec variantes, des proverbes flamands exécutées aux xvn e et xviu e siècles. On remarquera que l'intérieur du savant, ou du maître d'école, est misérable et qu'un jeune gamin se moque de l'un et de l'autre.

Ik moet krommen, souick door de werelt commen (fig. 213)

(Je dois plier pour traverser le monde). C'est, comme on le voit, le sujet représenté sur le curieux tableau du prince de Salm Salm dont nous avons parlé plus haut, et dont nous avons vu des figura- tions analogues sur diverses miséricordes conservées en France et en Belgique.

Sur la planche VI nous voyons d'autre part :

Dese kackt eyeren sonder schaelen (fîg. 214)

(Celui-ci chie des œufs sans écailles). Ce dicton scatologique, dont nous voyons le succès se continuer jusqu'au xix p siècle, nous explique les nombreux chieurs que nous avons remarqué sur les miséricordes exécutées par les huchiers flamands, tant en Belgique qu'à l'étranger.

De man hout 't huis, de vrouw gaet loopen (fig. 215)

(L'homme tient (garde) la maison, la femme s'enfuit). Nouvelle satire des mauvais ménages. Ici encore l'homme en tenant sa mai- son à l'aide de ses mains constitue un jeu de mots.

Hy sit tuschen twee stoelen in ass (fîg. 216) (Il s'assied entre deux chaises dans les cendres (du foyer). Proverbe



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PI. Vif. — Fig. 220, 221, 222, 223, 224, 225. — Proverbes flamands.

(Fac-similé d'une image populaire gravée à Gand au xvnr siècle)

(D'après des documents plus anciens).


298 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

que nous rencontrons souvent dans les peintures et les sculptures représentant les dictons populaires flamands, notamment (fîg. 190 et J54) à Amsterdam et à Rouen.

Zy malkt den hond boos (fig. 217)

(Elle excite la colère du chien). Satire dirigée contre les femmes qui parviennent à irriter les maris les plus débonnaires.

Man hy (den hond) eet onzen hutsepot uyt (fig. 218)

(La femme appelle son mari à son secours quand le chien mange Yhutsepot). Cette sorte de soupe aux choux et au lard constitue un des mets favoris des Gantois. C'est une variante du proverbe fla- mand : « Il trouve le chien dans le pot », que nous avons vu repré- senté sur une des miséricordes de Diest.

Hy gaept tegen den hoven (fig. 219)

(Il veut ouvrir une bouche plus grande qu'un four). Ce proverbe nous rappelle la fable de La Fontaine : La Grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf. Satire des ambitieux.

Enfin pour finir la dernière série, nous remarquons planche VII.

Hy klimt van de os op den ezel (fig. 220)

(Il grimpe ou escalade tantôt le bœuf, tantôt l'âne). Moquerie diri- gée contre les discoureurs sans suite, qui parlent dans un même récit de sujets nombreux, n'ayant aucun rapport entre eux.

Hy fluit op den besem (fig. 221)

(Il joue de la flûte sur un manche à balai). Satire de l'imbécile qui prend ses désirs pour des réalités.

De suygh loopt met den tap weg (fig. 222)

(La truie se sauve avec le robinet). Satire des ivrognes qui, en buvant, ne surveillent pas leur intérieur et ne peuvent empêcher le gaspillage. (La truie, ou le porc, qui faisait pour ainsi dire partie des ménages campagnards, arrachait parfois le robinet du tonneau, croyant peut-être avoir à faire à un os à moelle.)


LES MISÉRICORDES RELGES A L* ÉTRANGER 299


Ik scheer het schaep, en de andere het verken (fig. 223)

(Je rase le mouton, l'autre le porc). L'homme intelligent préfère, sans bruit, raser la toison du mouton, tandis que le vantard s'at- taque au porc qui hurle et ne donne que quelques soies.

Hy spreekt uit tvvee mondeii (fig, 224)

(Il parle par deux bouches). Satire du trompeur qui souflle à volonté le froid et le chaud.

Hy hangt de huyck na de \vint(fig. 225)

(Il dispose sa cape d'après le vent). Encore une satire de l'opportu- niste, qui sait profiter du moment favorable dans toutes les circon- stances.

Quand on examine plus attentivement ces proverbes, qui se retrouvent presque tous sur l'ancienne peinture de P. Breughel, conservée à Harlem,, on s'aperçoit que beaucoup de dictons primi- tifs, encore populaires de nos jours, furent écartés par la censure ecclésiastique sur les répliques peintes et les estampes des xvn c et xvm c siècles.

Nous ne voyons plus, notamment, sur notre planche gravée, le moine fallacieux qui, à genoux, par maintes cajoleries, parvient à dénaturer l'image de Dieu en l'aimblant d'une barbe d'étoupe :

Hy doet Onzen Heere een vlasschen baart aan

(Il met une barbe de lin à Notre-Seigneur).

Un autre dicton, qui ressemble à l'expression française « jeter son froc aux orties » :

Hy smyt zyn kap over den haag

(Il jette sa capuche de moine par-dessus la haie), manque égale- ment. Le :

Pilaer byter

ou le « pilier d'église », que nous avons vu à Hoogstraeten, dans un de ferveur religieuse, renverser une colonne, est dans le


accès même i




300 LES -MISÉRICORDES EN BELGIQUE

Hy gaat by den duivel te biecht

(Il va se confesser au diable). Cette satire amusante du gaffeur qui s'adresse à son pire ennemi pour lui faire des confidences et lui demander conseil, et bien d'autres encore, non moins typiques, ont été également oubliées, ou plutôt ont été écartées par ordre.

Une estampe fort rare, éditée à Gand en 1608 ' (PI. VIII), nous offre également un grand nombre de curieux dictons, où l'auteur, Jacques Horenbaut, compare à du foin la satisfaction de nos vices. Cette curieuse planche porte pour titre :

« D'abuijsen sijn groot in aile staeten, zoo men bevint tôt aile stonden; daer om, doeghet goet en willet quaet, want anders flacs eijft al hoij bevonden. » (Les abus (les vices) sont grands dans tous les états; on s'en rend compte à chaque instant, aimez le bien, fuyez le mal; sinon tout vous sera foin.)

Trente sujets différents, accompagnés chacun de sa légende, viennent illustrer cette sentence, que domine dans le haut dé la composition un chariot de foin, conduit par des démons qui distri- buent à une foule d'hommes et de femmes, appartenant à toutes les classes de la société, la peu savoureuse provende.

La devise qui explique cette scène est ainsi conçue :

Comt al oui hooij met jjrooten hoopen,

lck sais u ghenoech gheven, ghy en hoeft gheen te koopen.

(Venez tous en grand nombre chercher de ce foin, je vous en don- nerai à foison, il ne faudra pas l'acheter.)

On sait que ce même chariot de foin fut peint par Jérôme Bosch et se trouve conservé à l'Escurial. A noter surtout (fig. 248) une scène amusante, ayant pour théâtre un bordel, où de jolies entô- leuses, habillées à la dernière mode de Gand, jettent à la porte un jeune fêtard en chemise, volé, battu et pas content.

Les divers sujets traités par Jacques Horenbault rappellent curieusement les idées encore en vogue alors chez les artistes rhétoriciens de la Flandre. Leur étude sera précieuse car elle per- mettra peut-être d'identifier certaines scènes incompréhensibles

1. Donnée à la Bibliothèque de Gand par son conservateur, M. F. van der Ilaoghen.


LES MISÉRICORDES BELGES A L'ÉTRANGER 301


sculptées par les imagiers flamands, tant en Belgique qu'à l'étranger 1 .

1. Nous relevons ainsi, en commençant par le haut de la composition, et en allant de gauche à droite :

Fig. 226. L'orgueil d'Icare puni :

Ghemeenlick die te hooghe vlieghen Haer self opt leste zeere bedrieghen.

Fig. 227. Une satire des gens qui veulent servir deux maîtres à la fois :

'T is hooij, twee heeren groot dienen diversch van staten D'een werdt u liefghenoot, den anderen zult ghy haten.

Fig. 228. La satire de ceux qui achètent des offices et des bénéfices :

Die beneficien, en offîcien coopen

Die, als den wolf compt, zyn d'eerste die loopen.

Fig. 229. Le chariot de foin déjà décrit.

Fig. 230. La satire des pécheurs, qui brûleront comme du foin dans un incendie :

Wat maeckt ghy, o sondaer, onbevreest quant?

Ghij draeght u ter hellen als hooy een bran t.

Fig. 231. La satire de ceux qui cherchent la guerre :

Wee hem die oorloch soeckt, want Godt zal hem vervloecken. Met recht weerdt hij vervloeckt diet soeckt uijt allen hoecken.

Fig. 232. La satire des soldats mercenaires qui se vendent et défendent des causes injustes :

Wee hem die den krijgh dient, alleen om loon en gagie Weer viandt ofte vriendt, sijn siel stelt hy t'ostagie.

Fig. 233. La satire des pécheurs et des vicieux que le diable rôtira :

Hoe trecktij soo het hooij ut watren kueren Ick sais u doch ghenouch t'huijs vuercn.

Fig. 234. La satire des débauchés et des adultères :

Als mans met andere vrouwen boeleren Dan sietmen den fluer der steden verneren.

Fig. 235. La satire des puissants, qui mettent de lourds impôts sur les autres :

Som legghen op dandere svvaere lasten

Die sy metten vijngher nicter willen aentasten.

Fig. 236. La satire des voleurs et des coupeurs de bourse.

Fig. 237. La satire des jolies flirteuses qui encouragent deux amants :

Een minnende dochter jent ende moij Diet even schoon toeseght aen twee, is hoij.

19*



a;p(fn tyti cpooCm aflf flacftn^penKn Ktèbmt tôt aie Ronbcn î)act om tw

PI. VIII. — Fig. de 226 k 235. — Estampe satiriqi

(Imprimée a I



S HoRENBAULT, PRENANT A PARTIE LES ABUS DE SON EPOQUE

8.)


304 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


Fig. 238. La satire des joueurs de dés qui perdent leur argent et leur esprit:

'T is hooij te meijnen met tuysschen winnen, Ghy verliest u gheldt ende oock u sinnen.

Fig. 239. La satire de ceux qui sèment le bon grain avec l'ivraie :

Die tusschen de doornen hun saede saeien Moeten het goedt met t'quaet af maeien.

Fig. 240. La satire de ceux qui veulent se venger en tuant leur ennemi :

Met vechten, willen sij selven vreeken 'T is min dan hooij altijdts ghebleken.

Fig. 241. La satire de celui qni voit une paille dans l'œil d'un autre et qui ne s'aperçoit pas de la poutre qu'il a dans le sien :

In eens anders ooghe een splinter siet Ende in sijn eyghen den balcke niet.

Fig. 242. La satire des accapareurs de grains, qui ruinent les pauvres gens.

Fig. 243. La satire des femmes négligentes ou sottes, qui pendent leur robe pour la sécher sur une haie du chemin, où on la vole. — Fig. 244. La satire des hérétiques, qui adorent Mars le dieu de la guerre, protecteur de Luther, de Calvin et de Menno :

Wat ghy versiert; 't is u verboden Aldus t'aenbidden vremde goden.

Fig. 245. La satire des femmes querelleuses et méchantes, si souvent repré- sentées battant leur mari, sur les miséricordes belges. — Fig. 246. La satire des avares. — Fig. 247. La satire de ceux qui bouchent leurs oreilles lorsqu'on leur parle de leur salut. — Fig. 248. La satire des débauchés, souvenir ou variante de la lutte pour la culotte. — Fig. 249. La satire des ivrognes qui perdent, par suite de leur vice, leur fortune et leur santé. — Fig. 250. La satire de ceux qui dorment, lorsque le démon est aux aguets pour les perdre.

— Fig. 251. La satire des sentinelles et des veilleurs qui se reposent, quand l'ennemi sème l'ivraie dans le blé. — Fig. 252. La représentation satirique du démon, qui profite du sommeil général pour semer le mal dans le monde. — Fig. 253. La satire des mondains, qui perdent leur temps avec la vie éternelle.

— Fig. 254. La satire des femmes orgueilleuses, qui ne songent pas que le feu de l'enfer les attend, et enfin, fig. 255, la satire de l'aveugle qui pré- tend conduire d'autres aveugles, causant ainsi leur perte. On sait que ce sujet, copié d'après une composition de Jérôme Bosch, reproduite par la gravure, fut aussi interprété à diverses reprises par Pierre Breughel le Vieux; il forme notamment le sujet d'un de ses chefs-d'œuvre, conservé au Musée de Naples, et dont le Louvre possède une excellente réplique.


CHAPITRE XIV

LES SCULPTURES PROFANES DANS LA PÉNINSULE IBÉRIQUE


L'étude des sculptures profanes qui décorent les stalles médiévales de l'Espagne, présente un puissant intérêt. Ces curieux reliefs sont pour ainsi dire inconnus. — Influence considérable qu'exercèrent les artistes flamands sur l'art de la Péninsule. Les ouvriers d'art venus des Pays-Bas s'établirent en grand nombre en Espagne depuis l'époque médiévale. Ils y établissent des « Nations flamandes » pourvues de riches fondations. Les « nations » ou colonies flamandes à Séville, à Cadix, à Madrid et à Lisbonne. Celles de Barcelone, de Bilbao et de Burgos. — La Nation de Séville possédait des membres appartenant à toutes les classes de la société. Elle comprenait non seulement des peintres et des sculpteurs, mais des ouvriers d'art de tous genres. Fréquence des noms flamands dans les archives espagnoles et les comptes des églises de ce pays. — Jean de Gand, Danckaert, du Brabant, etc. — Les richesses de la « Nation de Séville », son apogée sous Philippe II et sa destruction en 1793. — La Calle de los flamencos horrachos à Cadix. — Les Flamands en Portugal. C'est par les voies commerciales que se fit l'importation de l'art flamand au Portugal. Le mariage de Philippe le Bon avec Isabelle de Portugal. — Les stalles d'Evora et de Thomar, exécutées par Olivier de Gand. Les sculptures flamandes d'Oporto. — Les stalles primitives espagnoles ne présentent guère de sculptures de figures que sur leurs miséri- cordes. C'est le cas pour les stalles de Miraflores, de Siguenza, de Ségovie, de Palencia, de Taragona et de San Juan del Iieyes, à Tolède. Les miséricordes fan- tastiques d'Oviédo. — Celles de Saint-Sauveur, ou de « la Seo », à Saragosse. — Les stalles de Barcelone ont un caractère bien flamand; on y reconnaît les pro- verbes familiers de la Flandre : Elle lierait le diable sur un coussin, etc. — Les stalles plus tardives fourmillent de sujets sculptés, pieux et satiriques. Les sièges sculptés de Plasence, montrent des sujets chers aux Flamands, la Satire des bains, la Lutte pour la suprématie des sexes, la Satire des chevaliers, etc. — Les stalles de Ciutad-Bodrigo : la fable du Renard et de la Cigogne, les Satires des moines et des religieux; les Satires des chantres d'église, la satire des joueurs de cornemuse, etc. — Les sièges sculptés de Santa-Mariala Real-de-Najera (Logrono) ; les merveilleuses stalles de la cathédrale de Léon ; ses proverbes flamands sculptés : « By den duyvel te biecht gaan » (aller à confesse chez le démon); La dame qui se présente à sa fenêtre pour recevoir un clystère (sujet déjà vu à Bruges). — Les sculptures des stalles d'Astorga, un Episode de la vie d'Uylenspieghel; autres sujets déjà vus sur les miséricordes flamandes. — Les stalles de Léon, de Zamora. où l'on voit Renard prêchant devant un auditoire de gallinacés, et « In de bus blazen », représenté d'une façon grotesque par des enfants qui se soufflent dans le derrière, à Vaide d'un soufflet. — Les sculptures des stalles de la cathédrale de Séville ; leur importance au point de vue folklorique à l'époque médiévale :


306 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

Satire de l'avarice ; Satire des sorcières et des sorciers ; Groupes d'amoureux ; Satires des moines, des tournois, des femmes et des chevaliers ; nombreuses scènes infer- nales et de sorcellerie. Proverbes flamands, etc. — Les stalles basses de la cathé- drale de Tolède présentent également tous les caractères de l'art flamand. Scènes de meurtre et de carnage sur les dossiers; La prise d^Alhama; sur les parcloseset les miséricordes, figures fantastiques et grotesques; Le jeu de la pannoy « stey- gerspel ». — Les sculptures de la Chartreuse, de Xérès, de San Francisco, à Madrid, de la cathédrale de Murcie, de Burgos, etc.

Les sculptures profanes qui décorent les superbes stalles d'églises de la Péninsule ibérique, présentent une importance trop grande pour que nous n'essayions d'en donner une idée, en attendant l'étude plus complète que nous nous proposons de leur consacrer. Une revue sommaire de ce genre nous paraît d'autant plus nécessaire que ces reliefs furent généralement exécutés, ou tout au moins inspirés, par des sculpteurs et huchiers de la Flandre et qu'ils présentent les carac- tères distinctifs de l'art flamand. Ajoutons que ces sculptures sont pour ainsi dire inconnues, car les rares spécialistes qui s'en sont occupés, ont publié leurs ouvrages en langue espagnole et ces études n'ont pas encore été traduites jusqu'ici 1 .

M. Pelayo Quintero, dans un volume richement illustré qui vient de paraître 2 , évalue à deux cents le nombre de stalles espagnoles vraiment artistiques, conservées dans les cathédrales, les paroisses et les monastères de son pays. Toutes ne peuvent nous intéresser; il nous faut écarter de ce nombre celles en style « mudéjare » (his- pano-mauresque), ainsi que certains sièges sculptés de l'époque go- thique, dont la décoration est simplement architecturale ou végétale.

Les stalles les plus riches en décorations figurées, sont celles qui appartiennent à la fin de l'époque gothique, lorsqu'apparaissent déjà, dans ce style, les premières tendances vers la transition à la Renais- sance italienne.

On est unanime à reconnaître que si les huchiers et imagiers es- pagnols acquirent une habileté grande dans l'art delà taille du bois, ce furent les sculpteurs flamands et néerlandais qui furent leurs pre- miers initiateurs. Le nombre d'ouvriers d'art, d'origine belge ou

1. Voir à ce sujet les travaux de M. José Marti y Moxo, Directeur de l'Ecole d'arts décoratifs à Valladolid, et une suite d'articles intéressants, publiés par M. Serrano Fatigati, membre de l'Académie espagnole, dans Ylllustracion espa- nola y americana.

2. Pelayo Quintero. Sillas de Coro-Noticia de las mas notables qui se conservan en Espana. (Madrid, Hauser y Menet, 1908.)


LES SCULPTURES PROFANES DANS LA PÉNINSULE IBÉRIQUE 307


néerlandaise, qui dès la fin du xv« siècle s'établirent en Espagne, est si considérable qu'ils s'y constituèrent en véritables colonies. La plu- part des grandes villes de l'Espagne et du Portugal virent ainsi naître et se développer des associations flamandes, généralement placées sous l'invocation de saint André. Nous voyons des Fla- mands fonder de riches maisons de réunion et de secours à Séville, a Cadix, à Madrid et à Lisbonne, puis, plus au nord, à Barcelone, à Bilbao et à Burgos 1 .

Dans une excellente et toute récente étude, M. Gestoso y Perez* jette une vive lueur sur la première de ces colonies qui s'établit à Séville dès la fin du xm e siècle. Au xv e siècle, et surtout au xvi c , la « nacion flamenca », ou nation flamande 5 , possédait déjà plusieurs immeubles importants et notamment une maison de bienfaisance, ainsi qu'un hôpital dédié à saint André, patron des Flamands en Espagne.

La nation de Séville réunissait des membres appartenant à toutes les classes de la société, mais exclusivement originaires de la Flandre ou des Pays-Bas. A côté de personnes nobles, de riches marchands, ou patriciens, on y rencontrait non seulement des peintres et des sculpteurs, mais de nombreux artisans s'occupant d'autres indus- tries artistiques : verriers, enlumineurs, orfèvres, dinandiers, escri- niers ou huchiers, brodeurs, luthiers. Ses membres s'occupaient de céramique et de majoliques, forgeaient l'acier des armures; d'autres fabriquaient des équipements militaires ou des harnais de luxe, des orgues et des clavecins; des artisans façonnaient l'étain, etc., toutes professions qui demandaient une grande habileté manuelle et exigeaient de véritables phalanges d'artistes en tous les genres.

L'énumération complète des noms de tous les Flamands qui se fixèrent à Séville, pendant les xv e , xvi c , xvn c et xviu c siècles, serait trop longue pour ce simple chapitre. Nous préférons renvoyer, à ce sujet, ceux que la chose intéresse à l'étude de M. Gestoso y Perez, dont nous avons parlé plus haut. Constatons cependant que, parmi

1. Hye-Hoys. Fondations pieuses et charitables des tnarchands {et artistes fla- mands en Espagne. Souvenirs de voyage dans la péninsule ibérique. (Bruxelles, A. Vromant, 1882.)

2. Gestoso y Pehez. Notice historique et biographique des principaux artistes flamands qui travaillèrent à Séville depuis le XVI e siècle jusqu'à la fin du XVIII e [Les arts anciens en Flandre, Bruges, 1909).

3. Il y a lieu de remarquer qu'à Anvers existent encore aujourd'hui des associa- tions corporatives portant le nom de « Nations ».


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Les miséricordes en Belgique


les noms cités, il en est plusieurs qui sont simplement désignés



Fig, 256. — Entrée de stalle basse de la cathédrale de Plasencia (Fin du xv e siècle).


par la ville dont ils sont originaires. Nous voyons ainsi figurer parmi les principaux huchiers flamands Juan de Gant (Jean de


LES SCULPTURES PROFANES DANS LA PÉNINSULE IBÉRIQUE


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Gand), qui habitait àSéville, dans la paroisse du Sauveur, en 1541 Il est cité à plusieurs reprises dans les comptes de la cathédrale : on lu. versa une somme de 6.750 « maravedis >, pour sculpter une poutre, ou une semelle de poutre, qui fut placée avec un couronne- ment pour cacher les soufflets des orgues. Douze ans après, il prend un apprenti « flamand naturel de Gant », âgé de dix ans, lequel ne



Fig. 257. — « Een gatiekker » (Satire des moines flatteurs) (Frisejdun dossier de stalle à la cathédrale de Séville) (vers 1461)


connaissant pas la langue castillane, fut légalement autorisé, à cet effet, par l'alcade Francisco Martinez, le 26 novembre 1554.

Des artistes dune valeur plus considérable figurent dans les mêmes comptes, notamment Dancart, ou Danckaert, qui ajoutait à son nom « Pyeter sayn, » ou fils de Pierre, et à qui revient de plein droit la première place parmi les sculpteurs flamands établis en Es- pagne. Le nom de Dancart apparaît pour la première fois dans un dé- cret capitulaire du 11 mars 1478, relatif aux stalles de la cathédrale de Séville, dont nous aurons à nous occuper bientôt. On le croit originaire de Bruxelles, ou tout au moins du Brabant. Parmi les huchiers et artistes flamands en Espagne, nous voyons encore figurer Lucas de Bruges, Guillaume d'Anvers, Jean d'Amsterdam, Roque de Bolduc (ou Bois-le-Duc). D'autres désignations sont moins précises, c'est le cas pour Pedro de Flandre, et maître Juan le Fla- mand. Les noms plus ou moins défigurés de Frans Conique (Koninck), de Craeve (De Grave), van Horen, Serbaes, de Haeze, Meulinar (Mo- lenaer), Sebrandt, de Vocht, Sansier, van Mol et bien d'autres encore,


310 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

ne laissent aucun doute sur l'origine flamande ou belge de ceux qui les portent.

Sous Philippe II, la « nacion flamenca » connut son apogée de ri- chesse et de gloire. Ce souverain accorda une nouvelle maison, située en face du palais de «l'insigne archevêque de Séville », aux Flamands. Ceux-ci y adjoignirent une importante chapelle, ce qui leur permit de célébrer entre eux leurs fêtes religieuses et corporatives. Un cime- tière, assuré de nombreuses fondations, y était attenant.

La chapelle fut somptueusement ornée. Sur l'autel principal fut placé un superbe retable en bois sculpté, peint et doré. Parmi les tableaux décorant les murs, figurait un chef-d'œuvre de l'excellent peintre sévillan, « le licencié » Juan de las Roelas, représentant le martyre de saint André, leur patron. Leur mobilier, des plus riches, comprenait des ornements sacerdotaux précieux et des orfèvreries ou joailleries de la plus grande valeur 1 .

La « nacion » s'occupait surtout de bienfaisance ; elle assurait des dots pour faciliter le mariage des jeunes filles; des habits pour les orphelins des deux sexes; des secours pour les malades, les veuves et les nécessiteux. Malheureusement, de tout cela il ne reste plus que le souvenir. L'invasion française de 1810 mit une fin tragique à l'histoire déjà longue de cette splendide fondation belge.

Les fondations flamandes de Cadix sont moins anciennes ; on sait cependant qu'il y existait déjàun hôpital des Flamands au xvi e siècle. Il fut dessiné en 1565 par G. Hoefnagel. L'ancienne résidence des « majordomos » de la nation flamande de Cadix, existe encore à l'angle des rues Neveria et del Rosario. Selon les traditions en usage dans la patrie flamande, les confrères se réunissaient périodiquement en des banquets généreusement arrosés qui se prolongeaient bien avant dans la soirée. La rue où eurent lieu ces agapes de la Her- mandad de San Andres, fut surnommée par des loustics andalous : calle de los « Flamencos borrachos, » c'est-à-dire rue des Flamands ivrognes! pour la distinguer, sans doute, de celle où habitaient les notabilités de la même nation, qui est encore connue aujourd'hui sous le nom de calle de los Flamencos, tout court.


4. Un superbe tableau de P. -P. Rubens, représentant également le Martyre de saint André, se trouvait jadis dans la chapelle de l'ancien hospice des Flamands, calle San Marcos, à Madrid. Il fut plus tard transféré à l'hospice récemment recon- struit, calle Claudio Goello, en la même ville.


,ES SCULPTURES PROFANES DANS LA PÉNINSULE IRÉRÏQLE 31 1


Les marchands portugais, qui depuis le xm e siècle fréquentaient assidûment les foires de la Flandre, et en particulier celles de Bruges, d'Ypres et de Lille, apprécièrent de bonne heure toutes les manifestations de l'esthétique flamande. On peut même dire que jusqu'au commencement du xvi e siècle, le Portugal n'eut presque pas d'autres relations que celles qu'il entretenait depuis si longtemps avec la Flandre. Gomme le dit M. de Vasconcellos, c'est surtout par les voies commerciales que s'affectua l'importation de l'esthé- tique flamande en général, et celle des productions de nos huchiers en particulier. Le mariage de Philippe le Bon avec l'Infante Isabelle de Portugal, célébré en 1480, donna une nouvelle impulsion à ces relations commerciales et artistiques, ce qui a fait dire, non sans rai- son, qu'il n'existe pas d'art portugais, et que les œuvres exécutées dans cette partie de la péninsule présentent toutes les caractères de l'art flamand.

Les Allemands avaient à Lisbonne une Deutsche Natie dont les Flamands faisaient partie. Ils possédaient en commun un hôpital. De plus, les Flamands avaient une chapelle nationale dans l'église du couvent des Dominicains, à Lisbonne.

C'était à des artistes de la Flandre que l'on s'adressait pour tous les travaux d'art à exécuter dans le Portugal. C'est ainsi que Fran- cisco Henriquez fit venir sept ouvriers d'art flamands pour l'aider à exécuter les travaux dont Don Manuel l'avait chargé, pour construire la cour de Justice ou « Casa de Relacao », à Lisbonne. On sait que tous ces artistes moururent en cette ville lors de la peste. On sait en outre qu'Olivier de Gand exécuta en 1T)08, « dans le goût de la Renaissance », les célèbres stalles sculptées d'Evora, trop vantées à notre avis, ainsi que celles de Thomar, que les Français détruisirent lors de l'invasion 1 . On connaît la richesse de l'église de San Fran- cisco, à Oporto, dont toutes les faces sont couvertes de sculptures d'oiseaux, d'anges et de bêtes, encadrées de colonnes où s'enrou- lent, finement sculptées, des ramures et des ceps de vignes, donnant à l'ensemble, complètement doré, l'aspect d'une châsse richement orfévrée.

On ne trouve guère de miséricordes sculptées sur les stalles pri- mitives conservées en Espagne. Les plus anciennes datent du

1. Voir à ce sujet Adoi.f de Ceileneer. Notes archéologiques sur le Portugal. {Bulletin de l'Académie d'archéologie de Belgique, Anvers, 1879.)


312


LES MISÉRICORDES EN RELGIQUE


xni e siècle; elles n'existent qu'à l'état de fragments, réunis et expo- sés au Museo arqueologico national de Madrid. Ces sièges pro- viennent du couvent des religieuses de Gradafes, dans la province de Léon. Elles appartiennent au style mudejar, ou hispano-mau- resque. Les chapiteaux des colonnettes, qui séparent les stalles, sont composés de feuillages. Elles n'ont pas de miséricordes, quoique primitivement elles semblent en avoir été pourvues. Peut-être celles-



Fig. 258. — Satire d'un grimacier (Miséricorde de San Maria de Najera (Fin du xv e siècle).


ci ont-elles été enlevées, les sujets ne présentant pas des scènes assez édifiantes.

Les miséricordes des stalles qui sont conservées dans le couvent de Santa Clara de Moguer, appartiennent également à la même époque et au même style.

Tout un groupe de stalles gothiques, telles que celles de Mira- flores, Siguenza, Ségovie, Palencia, San Juan de los Reyes, Santa Maria delCampo, Taragona, etc., etc., ne présentent guère de sculp- tures figurées. Leurs miséricordes sont généralement constituées par des assemblages de feuillages disposés de façons diverses. Apparais- sent cependant, çà et là, des soutiens en formes d'oiseaux de proie, de grappes de raisins, de pommes de pins ou de fruits, notamment des grenades, ce qui démontre que ces sculptures sont postérieures à la conquête de la ville de Grenade. Les sièges sculptés de San Juan de los Reyes, à Tolède, nous offrent déjà des monstres et des ani-


LES SCULPTURES PROFANES DANS LA PÉNINSULE IBÉRIQUE 313


maux tantôt fantastiques, tantôt grotesques. On y voit que les sculptures appartenant au genre « drôle » disparaissent là où se trouvent taillées des images de saints ou bien des sujets pieux Notons, comme motif décoratif neuf, le parti que l'artiste a su tirer du cordon de saint François, que l'on trouve enroulé de toutes les façons et de la manière la plus originale.

Les miséricordes fantaisistes de la cathédrale d'Oviédo sont de la même époque et présentent également, à côté de miséricordes con-



Fig. 259. — Tête de négresse (Miséricorde satirique de San Maria de Najera) (Fin du xv e siècle).


stituées de feuillages, des monstres et des animaux grotesques variés.

Plus intéressantes sont les miséricordes qui décorent les stalles du chœur de l'église métropolitaine de Saint-Sauveur, ou de « la Seo », à Saragosse. Ces stalles, comme celles de Barcelone et de Tarragone, appartiennent au dernier groupe des menuiseries artis- tiques, où les sculptures animées n'apparaissent guère que sur les parcloses et les miséricordes. Elles sont exécutées en « roble de Flandes, » c'est-à-dire en cœur de chêne provenant de la Flandre.

Les parcloses qui séparent les sièges sculptés de Barcelone, sont terminées par des volutes, en forme de médaillons, où se trouvent sculptées en bas-relief des figures variées. Parmi les autres sculptures profanes, nous reconnaissons divers sujets rappelant des scènes familières aux huchiers flamands, notamment le proverbe


314 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

thiois de la femme qui lierait le diable sur un coussin à ï aide d'une corde t

Zy zou den duyvel op een kussen binden met lintjens,

ou bien

Zy is den duyvel te erg

(Elle surpasse le démon par son astuce).

Les grimaciers, les groupes d'animaux, les bêtes fantastiques, le porc avec des roses (?) et bien d'autres sujets déjà vus sur les misé- ricordes flamandes, conservées en Belgique et à l'étranger, y sont rappelés. M. Pelayo Quintero cite encore des couples d'amoureux (rappelant les drôleries de Walcourt), deux personnages nus tirant les moustaches d'un grand masque barbu qui fait une horrible gri- mace, des bustes de femmes (analogues à ceux que Ton voit sur les miséricordes de Diest) et des personnages (des bourreaux?) soufflant à laide de soufflets sur un bûcher, auquel ils viennent de mettre le feu. Ce dernier sujet semble inspiré par les célèbres auto-dafés espagnols.

Ces sculptures sont bien flamandes : l'auteur de Las Sillas de Coro reconnaît que les stalles de Barcelone ne présentent guère le caractère de l'art espagnol 2 . Elles furent commencées en 1457 et Ton y travailla jusqu'en 1460. Les dais ajourés et les pinacles furent ajoutés entre 1483 et 1485.

Les stalles g-othiques plus tardives, appartenant à l'époque de la transition vers le style de la Renaissance, fourmillent de figures, de reliefs et de statuettes de tous genres. Parmi les plus intéres- santes, il faut citer celles de la cathédrale de Plasence. Elles furent exécutées en 1497 au prix de 35.000 maravédis chacune, sous la direction de Rodrigo Aleman (c'est-à-dire Flamand). Les dossiers des stalles hautes sont ornés d'incrustations en style mudéjar et représentent des images de saints encadrés d'enroulements de feuillages fantaisistes et variés rappelant les encadrements de pages des manuscrits enluminés médiévaux.

1. Nous avons vu ce proverbe, encore populaire, figurer parmi les miséricordes d'Aerschot, ainsi que parmi celles conservées en France. On sait aussi que ce groupe apparaît souvent dans les répliques peintes d'après les proverbes flamands de Pierre Breughel le Vieux.

2. « Es une buena silleria de coro, pero la menos espagnola. «(Nous nous sommes en grande partie inspiré de l'excellent travail de M. Pelayo Quintero pour le présent chapitre.)


LES SCULPTURES PROFANES DANS LA PÉNINSULE IBÉRIQUE 315


Les parcloses des stalles supérieures sont ornées, presqu 'exclusi- vement, de feuillages, tandis que sur celles de la rangée basse on voit des séries de monstres fantastiques ou grotesques et des per- sonnages chevauchant divers quadrupèdes. Les miséricordes sont très variées. On y retrouve comme a Rouen la représentation de divers métiers, notamment celui du huchier, qui est présenté tra- vaillant de la varlope sur son établi.

Parmi les sculptures les plus curieuses, M. Pelayo Quintero cite encore des sujets familiers à nos artistes flamands; notamment une femme, les jupons relevés, posant (ou se lavant) les pieds dans une cuve en bois cerclée ; un moine faisant l'amour avec une fileuse, assise à son rouet 1 ; une dame flagellant de main de maître un guer- rier en armure (souvenir de la lutte des sexes pour la suprématie dans les ménages), une femme, représentée d une façon satirique, avec un porc dont elle semble apprécier la société (qui se ressemble s'assemble); des enfants jouant k divers jeux, notamment en fai- sant voler une grosse mouche (ou un hanneton?), et d'autres scènes familières dont nous avons vu l'équivalent sur les miséricordes flamandes conservées en Belgique et à l'étranger.

Un combat de taureaux, où Fon voit un homme présentant la « capote » de la main gauche et Fépée de la main droite, vient seul nous montrer que les huchiers flamands et leurs élèves espagnols surent sacrifier parfois aux goûts des habitants de la contrée.

Les stalles de la cathédrale de Giutad- Rodrigo semblent exécu- tées par les mêmes huchiers qui taillèrent les frises des sièges sculp- tés de Plasence et les stalles basses de Tolède. Selon Ponz, elles furent payées 10.000 maravédis chacune. Ces stalles rappellent beaucoup les menuiseries artistiques de Léon, d'Astorga, de Za- mora et d'autres villes espagnoles.

Les hauts-dossiers sont couverts d'une infinité de sculptures. Les statuettes qui décorent les parcloses ainsi que les miséricordes pré- sentent également le plus grand intérêt. Elles sont en général du genre fantastique et fantaisiste. Quelques sujets profanes sont des plus curieux. Nous y voyons, comme sur les sculptures analogues de la Belgique, la fable du Renard et de la Cigogne, sujet que nous avons également noté sur les proverbes flamands, peints par P.

1. « Fraile haciendo el amor à una mujer que hila corc una rueca. »


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LES MISERICORDES EN BELGIQUE


Breughel le Vieux. Un ourson avec sa mère qui se partagent un rayon de miel; des moines et des religieux ayant des ailes de chauves'souris ; des moines et des démons mitres, rappelant les satires religieuses que l'on remarque si souvent parmi les sculptures des stalles belges; une truie jouant de la cornemuse ; un combat



Fig. 260. — Entrée de stalle basse à l'église Santo Domingo de la Galzada (xvi e siècle, premier quart).

entre un tigre et un taureau; des chantres dont les corps sont des outres à vin; un boucher tuant du bétail; un moine jouant du tam- bour, etc., etc.

Les stalles, en fort mauvais état, de Santa Maria la Real de Najei'a (Logrono), qui appartiennent à des moines de l'ordre de


LES SCULPTURES PROFANES DANS LA PÉNINSULE IBÉRIQUE 317


Saint-Benoît, devraient être rangées parmi les plus belles de l'Es- pagne. Malheureusement elles sont en un état de ruine si grand que c'est par l'imagination qu'il faut en reconstituer la beauté pri- mitive. La plupart des statuettes qui les ornèrent ont disparu. Il n'en reste plus qu'un petit nombre, plus ou moins intactes; beau- coup de sièges et de miséricordes n'existent plus. Leur facture rap- pelle celle des stalles plus célèbres d'Avila et de Miraflorès. La décoration des bas-reliefs qui couvrent presque toute la surface des



Fig. 261. — Figure grotesque (Miséricorde de la Chartreuse de Fever) (vers 1547).

stalles est composée d'armoiries et d'autres sujets héraldiques, de figures humaines, d'animaux réels et fantastiques, ainsi que de scènes grotesques que les huchiers flamands plaçaient si volontiers dans leurs décors. Les sculptures des parcloses, ainsi que les misé- ricordes, sont, d'après M. Pelayo Quintero, des plus intéressantes et d'un caractère ogival bien marqué et, selon nous, bien flamand.

Les merveilleuses stalles sculptées de la cathédrale de Léon doivent être rangées parmi les plus curieuses du xvi c siècle. La profusion des figures humaines, animales ou fantastiques qui s'y enchevêtrent, surtout surles jouées, aux entrées des stalles, est vrai- ment prodigieux. Même les figures de saints, par suite de certains défauts de proportions, peut-être voulus, semblent des caricatures. A noter sous ce rapport un saint Martin cavalcadant sur un cheval lilliputien, si drôle qu'il ne peut qu'exciter le rire le moins révé- rencieux!.


318 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

Les sculptures des parcloses et des miséricordes sont certaine- ment flamandes. Un sujet incompréhensible pour tous ceux qui ne connaissent pas les proverbes en usage dans la Flandre, nous le prouve d'une façon certaine.

On y voit, comme sur le tableau des proverbes d'Harlem, un démon cornu assis dans un confessionnal, et donnant des conseils à un pénitent qui ne s'aperçoit pas de la gaffe qu'il commet en s' adres- sant ainsi à l'ennemi de l'humanité. M. Pelayo Quintero y voit une satire de certains prêtres de mauvaise conduite, ou l'illustration du proverbe espagnol :

El diablo harto de carne se metio a fraile ! ,

c'est-à-dire : Le diable devenu gras se fait moine, tandis qu'il faut y voir le proverbe flamand, encore en usage aujourd'hui :

By den duyvel te biecht gaan

(Aller à confesse chez le diable), ce qui est bien le sujet représenté. Des métiers, notamment des personnages filant; des figures en troncs d'arbres, une femme donnant à têter à un âne ; un porc jouant de la cornemuse, un musicien pinçant du luth; des campa- gnards et des paysans, constituent des sujets profanes dignes de tenter les Flamands. La scène de la prise du « remède » cher a Molière, que nous avons vu représentée à Bruges et en France par des imagiers belges, s'y trouve rappelée 2 . Malgré certaines dispro- portions dans les figures, toutes les sculptures de ces stalles sont fort belles et pleines d'intentions amusantes. Leur originalité, ainsi que la variété des expressions des visages, si bien observées, en font de vrais chefs-d'œuvre de l'art satirique flamand. Ces stalles furent commandées en 1481.


1. Ce proverbe se rapproche beaucoup de celui usité en France '.Lorsque le diable devient vieux, il se fait ermite.

2. Le curieux rappel d'une scène, que nous avons vu indiquée dans le catalogue du Musée archéologique de Bruges, comme une enseigne d'apothicaire flamand, mérite d'être souligné. Elle nous ferait croire que c'est l'illustration de quelque scène alors bien connue se rapportant à une légende, ou à un dicton que nous ignorons, mais qui eut son heure de grande popularité. (Gomme l'épisode de la femme incandescente jadis représentée sur une maison d'Audenarde) (fig. 09 et pi. I.)


J


LES SCULPTURES PROFANES DANS LA PÉNINSULE IBÉRIQUE 319


Dans le même genre, doivent être rangées les sculptures des stalles de la cathédrale d'Astorga. Pour la majeure partie, les décors sont empruntés à la faune et à la flore, mais ils ne présentent pas le caractère ogival, tandis que les stalles de Léon appartiennent au style ogival fleuri. Les miséricordes, parcloses et entrées de stalles d'Astorga nous offrent des sculptures d une disposition analogue, mais d'une exécution plus fine, étant d'une époque plus tardive. '

Parmi les sujets profanes que Ton y remarque, il faut citer un épisode de la vie d'Uylenspieghel, où nous voyons le joyeux enfant de Damme volant des pains à un boulanger, qui marche devant lui un panier sur le dos; des joueurs de cartes rappelant des sujets de tabagies et de tavernes, qu'interprétèrent avec tant de finesse les maîtres flamands et néerlandais au xvn c siècle; un combat entre un oiseau de proie et un crocodile; une lutte entre un homme et un monstre diabolique; une bataille grotesque entre des enfants; une guenon peignant les cheveux d'une congénère, etc.

Les stalles de chœur de la cathédrale d'Oviédo, déplacées depuis peu, ressemblent également à celles de Léon. Elles présentera aussi des motifs ornementaux des plus curieux, notamment sur leurs arca- tures ou tympans, qui surmontent les grandes figures des saints, alternant avec des personnages bibliques. Les personnages déco- rant les stalles basses sont en grande partie symboliques, ou bien rappellent certaines légendes. Les miséricordes dans le genre de celles de Léon représentent des animaux fantastiques ainsi que des sujets profanes, alors à la mode.

Les stalles de la cathédrale de Zamora sont de deux espèces diffé- rentes. Celles des dossiers de la rangée haute sont ornées de figures de saints en bas-relief, avec autour de chacune une inscription allégo- rique; au-dessus, se trouve une frise d'un travail très fin, décorée de feuillages et de fantaisies (« caprichos ») divers. Sur les stalles basses se voient des patriarches et des prophètes, comme à Léon et à Astorga, entremêlés de sujets extravagants ou de scènes curieuses, telles : un Renard vêtu d'un costume de moine qui prêche un groupe de gallinacés qui Vécoutent avec attention (et parmi lesquels se montrent , plus défiants, des poulets) ; des hommes et des ani- maux luttant, des porcs et des truies, etc.

Un sujet licencieux : « muchachos soplandose en cl trasero con unos fuelles, » c'est-a-dire des enfants se soufflant au derrière à


320 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

laide d'un soufflet, constitue, comme nous l'avons vu déjà 1 , l'illus- tration grotesque d'un proverbe flamand :

In de bus (of in de beurs) blazen

c'est-à-dire souffler dans la tire-lire ou dans la bourse, proverbe qui ridiculise ceux qui font des dépenses exagérées, peu en rapport avec Tétat de leur fortune.

L'étude des sculptures profanes qui ornent les stalles de la ca- thédrale de Séville, datant pour la majeure partie du xv e siècle, présente le plus grand intérêt, non seulement pour les artistes, mais aussi pour les savants qui pourront y puiser les observa- tions les plus curieuses sur les mœurs sociales ou le folklore à l'é- poque médiévale. La variété des scènes sculptées est très grande; comme sur d'autres stalles espagnoles, on remarque que les sculp- tures satiriques, fantastiques ou licencieuses ne se trouvent pas exclusivement sur les parcloses et les miséricordes des sièges. Les sujets les plus drôles se rencontrent surtout sur les frises infé- rieures des hauts-dossiers des stalles hautes, et sur certains dos- siers des stalles basses.

Ici encore la nature des sujets représentés, la présence d'illustra- tions de proverbes exclusivement flamands, suffiraient, à défaut des pièces d'archives existantes, à prouver la coopération des artistes belges à ces stalles ultra-réalistes et humoristiques, parfois même licencieuses.

Parmi les principaux sujets représentés, M. Pelayo Quintero cite : un groupe qui semble représenter la satire de V avarice, où nous voyons une femme comptant son argent ; le démon accompagné d'une autre figure plus petite, montés sur un animal diabolique ; une sorcière en costume de religieuse chevauchant également un animal monstrueux (souvenirs des scènes de sabbat qui hantaient alors les imaginations) ; un enterrement représenté au moment où Von met le cercueil dans la sépulture; un homme luttant contre un monstre infernal, rappelant les épisodes fantastiques des Enfers et du Juge- ment dernier peints par Jérôme Bosch et Pierre Breughel le

1. Ce sujet est représenté par deux fous, soufflant dans une boîte ou tire-lire, sur une miséricorde de Presle, figure 171. Un singe soufflant dans le derrière d'un congénère se trouve à Villefranche-de-Rouergue.




LES SCULM'UHES «©MUES DANS LA PÉNINSULE IBÉHIWB 32 |


Vieux ; un groupe formé par un chevalier et une dame, causant en se tenant lamam, tandis qu'un visage d'homme caché derrière les créneaux d un château fort (le mari) semble les épier; un enfant nu dans un ht, que deux monstres viennent saisir (scène de cauche- mar ou souvenir d'un épisode de la vie d'Hercule); une course de taureaux du genre dit « Gallumbos >,, où le taureau est lié a laide d une corde, à la mode andalouse; un combat singulier entre deux



Fig. 202. — Masques et figure grotesques Chartreuse de Fever) (vers 1547).

chevaliers à pied ; un curieux tournoi entre un chevalier et une dame, qui donne à l'adversaire masculin un beau coup de lance (très curieux tableau au point de vue des mœurs et du costume) ; un festin fantastique (?) en lequel apparaissent des têtes récemment coupées, se rapportant peut-être au dicton flamand qui conseille aux gens doués d un physique défectueux de se faire recuire la tête à Eecloo 1 (Flandre orientale) ; des groupes d'enfants nus qui chantent et qui font de la musique; un enfant (Hercule?) étranglant deux

l- Doc u erbakken in Kecloo

(Faites vous recuire à Eecloo). Ce sujet a été souvent représenté en peinture par des anciens artistes flamands. Nous en possédons un exemplaire, réplique probable d'une peinture de Pierre Breughel le Vieux, disparue, datant de la fin du xvi" siècle. On y voit réunis dans une boulangerie fantastique, assis sur des fauteuils, de nom- breux clients à qui l'on a enlevé la tête, provisoirement remplacée par un chou blanc. A d'autres on fait la terrible opération à l'aide d'un grand coutelas. Au second plan, des mitrons enfournent les chefs défectueux. Par une porte ouverte, sur la Grand'place, on voit arriver une théorie de personnes toutes désireuses de « se faire recuire » chez le boulanger nécromant d'Eecloo.

21


322


LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


monstres; des danses champêtres au son du tambourin (présageant nos tableaux de kermesses de l'école de Teniers) ; un dragon infernal poursuivant un curé et ses ouailles ; un chevalier donnant la mort de son épée, et un autre tournoi des plus curieux au point de vue du folklore. Citons encore des porcs en costume de moines qui poussent la langue ou se lèchent le derrière, illustrant le dicton flamand qui dé- signe les flatteurs sous le nom de

Gallekkers

ou de « lèche cul ».

Sur les dossiers des stalles se trouvent éga- lement sculptées des scènes variées, mais se rapportant à la vie et à la passion du Christ, ou à des épisodes tirés de l'Ancien Testament. Trai- tés dans un sentiment très réaliste, ces reliefs présentent, comme les précédents, tous les ca- ractères de l'art flamand.

Les parcloses et les miséricordes des stalles sont également décorées de scènes grotesques et d'animaux réels et fantastiques, qu'il serait trop long de passer ici en revue.

Les stalles du chœur de la cathédrale de Sé- ville sont au nombre de 117, séparées par quatre entrées ; entreprises par Nufio Sanchez, elles furent continuées et achevées par le maître hu- chier flamand Dancart ou Danckaert. Une pièce d'archives, datant de 1478, nous apprend que Ton continua à lui paver, au prix de 16.000 mara- védis, comme précédemment, chacune des stalles qu'il exécuterait et qu'on lui donnerait, pour trois autres plus grandes, la somme de 18.000 maravédis. Bien d'autres sculptures profanes exécutées par les Flamands seraient à citer, notamment celles qui décorent les stalles basses du chœur de la cathédrale de Tolède, dont l'ensemble constitue un exemple unique dans son genre, montrant des échantil- lons remarquables de la menuiserie d'art en Espagne à des époques diverses.

La partie haute appartient seule à l'époque et au style de laRenais-



Fig. 263. — Cariatide

grotesque (Stalles basses de la cathédrale de Murcie (1561-1571).


LES SCULPTURES PROFANES DANS LA PÉNINSULE IBÉRIQUE 323


sance; les stalles basses, exécutées sous la direction de Rodrigo le Flamand pour le compte du cardinal Mendoza, furent terminées


et coûtèrent 43.315 réaux et 30 maravédis, à raison de


en 149

866" réaux et 20 maravédis par stalle.

Toutes ces stalles ont leurs dossiers décorés de véritables tableaux sculptés, encadrés d'arcatures et surmontés d'une frise de sujets chimériques ou grotesques.

Les scènes représentées sur les dossiers con- stituent des épisodes de la plus grande valeur pour l'étude de Fart militaire au moyen âge. Nous y voyons, décrite en images, l'histoire de la guerre de Grenade, avec ses légendes, ses assauts, ses entrées triomphales, etc. Quoique manquant de perspective, ces compositions sont si animées et si typiques, elles présentent tant de détails précieux au point de vue archéolo- gique et historique, que leur étude seule récom- penserait l'auteur qui en donnerait une descrip- tion complète accompagnée de reproductions.

M. Pelayo Quintero y reconnaît une influence allemande caractérisée. N'y aurait-il pas lieu d'attribuer plutôt cette influence aux artistes flamands qui étaient si nombreux en Espagne dès cette époque? On y retrouve leur naïveté et leur désir d'expliquer les sujets avec un luxe Fi K- - 6 *- — Cariatide

-, j , ., , ,. . , . , grotesque (Stalles

de détails et un réalisme qui sont bien la carac- b asscs de la cathédrale téristique de l'art flamand. Pour plus de clarté, deSfurcie (15G1-1571). lorsqu'il s'agit dune ville, par exemple, l'artiste a soin de la représenter en y ajoutant son nom en lettres gothiques de belles dimensions. Le titre du sujet y est également inscrit, dans le plus grand nombre de cas. M. Pelayo nous donne un exemple très intéressant pour ce qui regarde le tableau sculpté représentant la prise de la ville d'Alhama, dont on voit une poterne, des murs et quelques tours. Dans ce décor se meuvent et se combattent défen- seurs et assaillants, munis d'échelles; on y voit tirera l'arbalète, et même du canon. Parmi les scènes de carnage, citons un soldat as- siégé, qui se couvre d'un cadavre en guise d'écu, tandis que plus



pm


324 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

loin cavalcadent des cavaliers brandissant l'étendard croisé et qu'une infinité de lances figure le reste de l'armée espagnole 1 .

Les parcloses, miséricordes et culs-de -lampe de ces stalles, four- millent, selon le goût de l'époque, de figures fantastiques et gro- tesques trop nombreuses pour être énumérées 2 .

Bien d'autres sculptures profanes ou grotesques seraient encore a examiner; celles de la Chartreuse de Xerez, de l'église de San Francisco à Madrid; celles de la cathédrale d'Oviedo, ainsi que d'autres en style renaissance, notamment les stalles de la cathé- drale de Murcie, celles de Zaragoza, de Burgos, de San Domingo de la Calzada 3 , de la Gartuja de Fever, etc.

1. « Asi, por ejemplo, en el tablero correspondiente à la toma de Alhama, vemos una puerta de muralla y algunos torreones; en aguélla un nombre descorre cl ras- trillo en lo alto del muro, quatre guerreros de luengas barbas se deliendan cure penascos y armas blancas del ejército asaltante, en el que figurait : dos soldados que con escalas de modéra llcgan à las almenas; un ballestro que dispara su arma, un trompetero, un artillero, que da fuego à su canon (con une mano, munbras que con la otra sostiene la espada); hay también un sirviente con dos cargas arrodil- lado a su lado. Uno de los asaltados pone corne escado el cadàver de otro soldado ; en el fondo se ven caballeros que y a han asaltado la i'ortaleza y tremolan el estandarte con la cruz. En un torréon se lee Alhama, y completan el cuadro una séria de cascos, dos siluetas de caballos, y lanzas y ballestas que simulan un ejér- cito sitiador. »

2. On voit notamment, sur une miséricorde, deux personnages tirant à un bâton, rappelant le « steygerspel » ou jeu de la pannoy, si souvent représenté sur les con- soles analogues conservées en Belgique.

3. Les stalles de l'église de San Domingo de la Calzada furent exécutées en 1522- 1525 sous la direction d'Andres de Najera. Parmi les sculpteurs et ouvriers d'arts qui travaillèrent sous sa direction, nous citerons un Guillem (Willem) de Ollanda (Hollande) et Francisco de San Gil (probablement de Saint-Gilles, près de Bruxelles?)



CHAPITRE XV

STALLES ET MISÉRICORDES RELGES A l'ÉPOQUE DE LA RENAISSANCE (XVI P ET XVII SIÈCLES)


Les stalles et les miséricordes belges appartenant à l'époque de la renaissance, c'est-à-dire exécutées aux xvi e et xvii* siècles, se ressentent de l'engouement général de nos artistes pour l'art de la Péninsule italienne. — D'un style italien d'abord assez pur, les stalles se transforment peu à peu, pour aboutir à des pro- ductions nouvelles appartenant à un art nouveau plus exubérant, portant le nom de renaissance flamande. — Les stalles de l'église de Nieuport. — Les grotesques italiens. — Les stalles et les miséricordes de l'église de Fumes. — Les stalles de l'église Saint-Martin, à Ypres. — Quelques stalles de la collégiale de Nivelles, datant de la fin du xvi* siècle, constituent de vrais chefs-d'œuvre de la menuiserie artistique de cette époque. — Leurs miséricordes. — Les stalles de Dixmude. — Les stalles de Binche, de Saint-Julien, à Ath. — Parmi les plus belles stalles du xvui 8 siècle, il faut citer tout d'abord celles de l'église Saint-Jacques, à Anvers, qui sont d'une grande richesse et rappellent le style de Rubens. — Inscrip- tion satirique sur une peinture du paradis : « Ici l'on entre par la prière ou par la force de l'argent. » — Les stalles et miséricordes de l'église Saint-Paul, dans la même ville. — Intentions satiriques probables dans les sculptures de ces deux églises. — Les stalles de la collégiale de Soignies et leurs miséricordes. — Les stalles de Notre-Dame-du-Lac, à Tirlemont. — Celles du petit séminaire de Floreffe et de Saint-Nicolas, à Bruxelles. — Les importantes stalles et miséricordes sculptées de l'oratoire des Prémontrés, à Grimberghe, près de Bruxelles. — Les sculptures fantastiques inconnues du Couvent des BR. PP. Augustins, à Gand. — Les stalles du xvm e siècle sont également fort belles. — Celles de la cathédrale de Saint-Bavon, à Gand, de la collégiale de Nivelles,. de l'église Saint-Aubin, à Na- mur, etc., ne présentent guère d'intérêt au point de vue qui nous occupe.

Après avoir passé en revue les principales stalles et miséricordes satiriques flamandes, appartenant au style dit « gothique », il nous reste à jeter un coup d œil sur les sièges sculptés exécutés en Belgique, aux xvi° et xvin siècles, par les huchiers et les sculpteurs « romanisants » de ce pays.

C'est à cette époque que les artistes voyageurs de la Flandre, enthousiasmés par la vue des chefs-d'œuvre de l'antiquité et les productions géniales des plus grands maîtres de Florence et de Rome, revinrent de la péninsule complètement convertis aux for-


326 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

mules artistiques et décoratives nouvelles qu'ils avaient vu appli- quer avec tant de talent dans les grands foyers d'art de l'Italie.

En Belgique les stalles et les menuiseries artistiques de tous genres se ressentirent bientôt de cette influence étrangère, et cela au grand dommage de l'originalité flamande en général, et du genre satirique en particulier. Dans les stalles belges, appartenant à cette catégorie, nous constatons tout d'abord l'emploi d'un style italien assez pur; puis, sous l'influence du génie national, nous le voyons se transformer peu à peu, pour aboutir, à l'époque de Rubens, à un art nouveau, exubérant et surchargé, connu dans l'histoire sous le nom de Renaissance flamande.

Les stalles de l'église de Nieuport appartiennent à la première de ces catégories. Nous y trouvons des formules italiennes assez pures et bien choisies, unies à. une grande simplicité. Les quelques sculptures fantaisistes qui les décorent étant réservées à la frise qui se trouve sous la corniche des hauts-dossiers et aux soubasse- ments des colonnes qui séparent chacune des stalles hautes. Ces ornementations appartiennent au genre dit « grotesque »i Le sens du mot grotesque devant être interprété comme on le comprend en Italie, dérivant de « grotta », c'est-à-dire d'excavation. On sait que c'est d'après les motifs décoratifs exhumés dans les fouilles des vieux monuments de Rome, que l'on s'inspira pour remettre à la mode ce genre de décoration que Raphaël utilisa pour la première fois avec tant de talent, dans ses fresques si admirées des loges du Vatican. Les stalles de Nieuport ne possèdent pas de miséricordes sculptées ; ce sont de simples consoles à moulures sans valeur artis- tique. Par contre on remarque de jolies têtes d'amours sur les par- closes et sur les acrotères qui séparent les stalles.

Les stalles de l'église de Furnes appartiennent à la fin du xvi e siècle. Elles sont d'un style plus riche, mais déjà un peu plus chargé. Les hauts-dossiers sont couverts de belles sculptures et les miséricordes fort soignées nous offrent des visages et des mascarons remarquables par leur exécution. Notons surtout de belles têtes de femmes souriantes, parées de perles et de bijoux, qui, dans l'idée de l'imagier, devaient peut-être avertir les fidèles que leur fréquen- tation est dangereuse pour les pauvres humains. Des têtes ou des masques de satyres qui, en iconographie, représentent l'homme ravalé au rang de la brute, types conservés dans les figurations du


WM.LE8 ET M.SÉR.CORDES R ELfiKS ., L > ÉP0Ql;R DR u ^^ .,„


démon au moyen âge suivent. Puis nous voyons des visages de vieil ards pensifs semblant songer à leur fin prochaine, tandis que d autres têtes, constituées par un assemblage grotesque de feuillages et de motifs ornementaux variés, complètent ce cvcle restreint des fantaisies alors permises. Limagier avait à cette époque à compter avec la censure ecclésiastique : celle-ci ne badinait pas, - nous 1 avons vu plus haut, - avec les satires un peu libres qui avaient






  • Wfêmm&


Fig. 265. — Tête grotesque composée d'éléments disparates (Miséricorde de la collégiale de Nivelles) (Fin du xvi e siècle).

donné tant de saveur et tant de charme aux miséricordes des stalles au moyen âge.

Les stalles de l'église Saint-Martin, à Ypres, sont contemporaines. Elles appartiennent également à la fin du xvi e siècle. Elles sont d'un style plus riche et commencent à se surcharger d'ornemen- tations qui les alourdissent. Les entrées de stalles sont ornées de beaux lions rampants. On y remarque aussi, sur les parcloses, ainsi que sur les culs-de-lampe qui soutiennent les colonnes séparant les sièges, des têtes humaines et fantaisistes constituées par des élé- ments divers.

Nivelles ne possède plus ses anciennes stalles qui dataient du commencement du xvi e siècle. Elles durent être très belles, si l'on peut en juger par les hauts-dossiers seuls conservés qui ont été


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LES MISERICORDES EN BELGIQUE


disposés en lambris sur les murs de la chapelle où sont placés les fonts baptismaux. Rappelons ici que les stalles anciennes de cette église ont été remplacées par des sièges sculptés dune grande beauté, mais appartenant au style Louis XV. Elles sont chargées de motifs rocaille et d'autres ornements qui n'offrent aucun intérêt au point de vue qui nous occupe.

D'autres stalles, également conservées dans la même collégiale



Fig. 266. — Masque drapé à l'antique (Miséricorde de la collégiale de Nivelles) (Fin du xvi e siècle).


de Nivelles, constituent de vrais chefs-d'œuvre du genre qui pré- domina à la fin du xvi e siècle. Chose rare pour l'époque, l'orne- mentation, quoique riche, ne présente pas un aspect trop lourd. La corniche en forme de dais, qui surmonte les hauts-dossiers, est soutenue par des cariatides, satyres à pieds de boucs, vieillards ou femmes dont les torses sortent de gaines élégantes. Les parcloses sont ornées de jolies têtes drôles, tandis que les miséricordes nous offrent une collection de masques de toute beauté, inspirés tantôt de l'art antique ou bien constitués d'une façon bizarre mais heu- reuse d'éléments hétéroclites. A cette dernière catégorie appartient la miséricorde reproduite fig. 265. Des têtes de vieillards, de femmes ou de satyres, des masques drapés couronnés de rubans et de fleurs dits à l'antique (fig. 266), un visage impressionnant et tragique


STALLES ET MLSÉRICORDES BELGES. A L'ÉPOQUE DE LA RENAISSANCE 329


dune femme aux cheveux ébouriffés, une Méduse peut-être (voir fig. 2()7), mentent surtout d'être signalés.

Dixmude possède également des stalles de la même époque mais plus simples, et qui se rapprochent davantage de celles de Nieuport et de Furnes. Les stalles de Binche, qui n'ont pas de sièges mobiles mais de simples bancs adaptés à des hauts-dossiers ornés de parche- mins enroulés, ainsi que les sièges sculptés de l'église Saint-Julien à Ath, possédant des miséricordes, mais d'un genre purement déco-



Fig. 267. — Tête de Méduse (Miséricorde de la collégiale de Nivelles) (Fin du xvi e siècle).

ratif, complètent la série de nos stalles sculptées exécutées au xvi e siècle.

Parmi les belles stalles appartenant au xvu° siècle, il faut citer en première ligne celles qui se trouvent dans le chœur de l'église Saint-Jacques, à Anvers. Elles se ressentent fortement de l'in- fluence que Rubens exerça alors sur toutes les branches de l'art. Les parcloses sont ornées de têtes d'anges souriantes ou tristes, parmi lesquelles on remarque des types divers, appartenant parfois même à la race nègre . Les entrées de stalles sont décorées de beaux lions rampants ou issants, tenant des cartouches. Les misé- ricordes se composent de sculptures variées, telles que têtes ailées d'angelots , oiseaux , masques variés , visages constitués par des feuillages, ou bien des attributs ou des emblèmes.

Les détails de ces diverses sculptures sont absolument remar-


330 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

quables. On découvre de véritables petits chefs-d'œuvre parmi les guirlandes qui suivent les sinuosités des colonnes torses séparant les hauts-dossiers. La faune et la flore, qui jadis ornaient les enca- drements de pages des manuscrits médiévaux, reparaissent ici, mais dans un style nouveau. Chacune des colonnes est entourée de guirlandes variées composées de fruits divers. Parmi les pommes jouent des guenons et des singes mordant à belles dents dans le fruit qui perdit nos premiers parents. Le gland et les feuillages du chêne sont un prétexte aux gambades des écureuils et à une chasse au sanglier; des amours se jouent dans les épis et les fleurs des champs ou bien pillent les raisins mûrs. Parmi ces derniers, on voit de jeunes satyres ivres titubant et se faisant des niches. Les groupes d'oiseaux et de poissons suivent; puis des loups et des chiens se combattent, constituant autant de petites scènes char- mantes, où peut-être l'imagier a semé des intentions humoristiques difficiles à discerner, témoin ces deux curieuses têtes d'amours dont il a voulu représenter le souffle embaumé par des roses sor- tant de leurs bouches.

La figure 268, où nous voyons, entre des rinceaux, des amours lutinant une faunesse, donne une faible idée de ces caprices en somme fort peu religieux.

On sait que c'est dans la même église que Ton remarque cette inscription, si naïvement intéressée, qui termine l'épitaphe du richissime van Landschodt :

Men wint den hemel met het gebet Of met het ^evvelt Van het gelt 1 .

C'est-à-dire : « que Ion gagne le ciel par la prière, ou qu'on l'achète parla puissance de l'argent ».

L'église Saint-Paul, dans la même ville, nous montre également des stalles de la même époque, mais un peu moins riches. Leurs

1. Le D r G.-J. Witkowski, qui reproduit avec une variante cette épitaphe, nous rappelle que dans la chapelle Saint- Antoine, dans la même église, Martin de Vos le Vieux s'est donné le malin plaisir de figurer l'esprit des ténèbres sous les traits gracieux de sa jeune épouse, Jeanne Leboucq, avec un décolleté de circonstance. En arrière de saint Antoine, un démon porte un collier composé de quatre œufs d'autruche, dont la forme et la couleur simulent deux paires de mamelles et lui donnent l'aspect d'une caricature de Diane d'Ephèse, aux multiples appas (L'Art profane à l'église [Etranger), p. 69).


STALLES ET MISÉRICORDES RELGES A l/ÉPOQUE DE LA RENAISSANCE 331


miséricordes, constituées de motifs architecturaux, ne présentent aucun intérêt au point de vue satirique ou licencieux. L'imagier semble avoir voulu cacher ses figurines d'amours — dont les deux sexes sont nettement indiqués — dans les guirlandes de fleurs et de fruits qui ornent les colonnes torses des hauts-dossiers et les por- tiques qui terminent à droite et à gauche les doubles rangées de stalles. Peut-être doit-on voir une allusion satirique dans un de ces groupes, où le sculpteur anversois a représenté un porc galopant et renversant entre les roses un amour qui gigotte, le cul et les jambes en l'air. Le genre fantastique est rappelé par des têtes amu- santes d'animaux diaboliques, qui grimacent drôlement entre les feuillages décorant les parcloses.

Dans cette église, comme dans celle de Saint-Jacques, des armoi- ries peintes sur les hauts-dossiers rappellent les familles des protec- teurs et des bienfaiteurs de l'édifice.

La collégiale Saint-Vincent, à Soignies, offre également à notre vue des stalles très belles, qui rappellent assez bien celles de l'église Saint-Jacques, à Anvers. Les miséricordes sont ornées de masca- rons décoratifs, parmi lesquels nous remarquons des visages très bien sculptés de démons et de grimaciers, hommes et femmes. Les stalles de Vilvorde (église paroissiale) sont ornées de superbes hauts - dossiers, sur lesquels sont appliquées de belles figures symboliques grandeur naturelle. Comme la plupart des consoles de ce genre, les miséricordes sont décorées de masques grotesques ou fantastiques, constitués en partie par des feuillages ou par d'autres motifs déco- ratifs. Dans les rinceaux décorant la corniche, ainsi que dans les entablements des colonnes et parmi les motifs composant les encadrements des cartouches, on remarque de nombreux sujets gracieux, composés d'oiseaux, d'insectes et de fleurs, où se jouent des amours qui se poursuivent ou s'embrassent. Tous sujets répon- dant à la mode du jour qui consistait à rendre la religion attrayante, en attendant l'époque des bergeries et des abbés galants.

Les stalles de Notre-Dame-du-Lac, à Tirlemont, sont également ornées de jolis rinceaux avec des amours et des encadrements de cartouches où l'on aperçoit des dauphins, des griffons et d'autres bêtes fantastiques ; celles de la collégiale de Soignies, ont leurs misé- ricordes décoratives entremêlées de têtes de démons et d'angelots; les sièges sculptés plus riches, mais d'un goût moins pur, du petit


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LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


séminaire de Floreffe, aux miséricordes formant des mascarons déco- ratifs; les grands amours musiciens en ronde bosse placés sur les entrées de stalles, ainsi que les stalles de l'église Saint-Nicolas, à Bruxelles, toutes du xvn° siècle, mériteraient une description moins sommaire.

Les importantes stalles sculptées de l'oratoire des Prémontrés à Grimberghe. près de Bruxelles, où Ton remarque la belle statue



Fig. 268. — Frise renaissance flamande à l'église Saint-Jacques, à Anvers (xvir siècle).


funéraire du premier prince de Grimberghe (un de Mérode), exécutée par Langerman, sont justement renommées pour la iînesse de leur exécution. Les feuillages, les fleurs, les insectes, comme les autres animaux qui les décorent, sont reproduits avec un luxe de détails vraiment incroyable, mais qui dénotent, selon nous, plus de patience que de talent. L'ensemble rappelle, en plus lourd, les stalles de Saint- Jacques, à Anvers, décrites plus haut. Les hauts-dossiers très chargés sont ornés de médaillons représentant les Prémontrés célè- bres, depuis leur fondateur Humbert, qui créa l'ordre en 1148, jus- qu'aux religieux contemporains des sculptures, et qui subirent le martyre en allant évangéliser les peuplades barbares et lointaines. Gomme la plupart des miséricordes de cette époque, celles qui décorent les stalles de cette église sont constituées par des masca- rons ou des têtes grotesques, souvenirs persistants des grimaciers


STALLES ET MSÉB.CoHDES BELGES A L^COLE DE U Ml.NA.SSANCE 333

d'autrefois. On y remarque aussi des images du démon, dont la crainte n eta.t pas encore près de s éteindre. Les ligures 209-270 con- stituent des spécimens choisis parmi les masques appartenant à ces deux genres a la fois fantastiques et grotesques. Les parcioses et les entrées de ces stalles sont également décorées de tètes grima- çantes d hommes, de bétes, de dauphins, de lions, etc., ainsi que de v,sages d angelots ailés, alors à la mode. D'après la tradition, ces



Fig. 269. — Tète grimaçante (Miséricorde de l'oratoire des Prémontrés à Grimberghe, près Bruxelles) (xvn e siècle).

sculptures auraient été exécutées par des frères lais de l'Ordre, sous la direction des Révérends Pères. Elles sont très inférieures aux confessionnaux dus au ciseau magistral de Frans Verbrughen, dont on admire les belles statues, grandeur naturelle. Toutes représen- tent des allégories, parfois même assez alambiquées, telles : le Secret de la confession, la Justice divine et l'Innocence. Cette der- nière montrant avec prodigalité des charmes féminins opulents et fort peu cachés. Puis nous voyons des coupables repentants, tels : Y Enfant prodigue, reconnaissable au pourceau qui l'accompagne, Madeleine, presque nue et les mains jointes, le Roi David, couronne en tête, et d'autres pécheurs célèbres, qui rachetèrent noblement leurs erreurs de jeunesse par la pénitence et la prière.

Quoique généralement ignorées 1 , les sculptures des hauts-dossiers

1. Ces stalles, ou plutôt ces bancs, surmontés de hauts-dossiers, ne se trouvent


33 4 LES .MISÉRICORDES EN BELGIQUE

du chœur des RR. PP. Augustins, à Gand, qui se trouvent à l'étage de leur couvent, méritent une mention spéciale. Ces boiseries pro- viennent de l'ancienne église, actuellement supprimée, des frères de Notre-Dame-du-Mont-Carmel, « Vrouwen Broeders », en la même ville, et elles constituent des spécimens tout à fait remarquables de ce genre de menuiseries artistiques au commencement du xvn c siècle. Chose curieuse, on y retrouve encore l'esprit et le genre qui carac- térisent les œuvres des artistes flamands et wallons aux époques médiévales. Entre des rinceaux finement sculptés, appartenant à une renaissance tardive, nous voyons revivre et fleurir toute la faune et la flore, réelle et fantastique, dont tirèrent un si heureux parti les miniaturistes et les sculpteurs belges primitifs. Dans les guirlandes de fleurs et de fruits servant de division aux sièges, nous remarquons, ici un singe et une guenon croquant l'inévitable pomme (souvenir satirique de la faute de nos premiers parents), là-bas des écureuils, des oiseaux ou d'autres animaux, choisissant des noix, des figues ou des glands. Dans la frise qui surmonte les hauts-dos- siers, se déroulent, d'autre part, entre des volutes gracieusement composées de feuillages ou de monstres amusants, des épisodes inattendus, tirés de l'Evangile ou de la vie des saints. A des scènes édifiantes, auxquelles s'intéressent monstres et sirènes, aux mains pieusement jointes, succèdent des diableries, des sorcelleries ou des visions infernales, se rattachant visiblement au genre dans le- quel excellèrent Jérôme Bosch et Breughel le Vieux. La figure 271 nous montre, entre des enroulements décoratifs fantastiques, une sainte en prière (sainte Thérèse?) chassant les démons par son intercession miraculeuse. On remarquera que les suppôts de Satan ont encore les formes médiévales primitives, tenant à la fois des performances du satyre antique et de celles du bouc. L'un tient à la main l'indispensable crochet en fer, ou tisonnier infernal, qui jouait un si grand rôle dans les représentations de l'enfer, dans les


renseignés dans aucun guide de Gand. Dans l'ouvrage très complet de Kervyn de Volkaehsueke : Les églises de Gand (t. II, Gand, 1858, p. 503), l'auteur mentionne les confessionnaux des Augustins (église de Saint-Etienne). Il dit qu' « ils sont admirablement sculptés dans le style renaissance » et qu' « ils sont considérés à juste titre comme des chefs-d'œuvre delà sculpture ». Or ces confessionnaux ont la même provenance que les boiseries du chœur et ont certainement été exécutés par un même artiste à une même époque. Leurs frises présentent également, parmi leurs rinceaux, des sujets tirés de l'Evangile ou de la vie des saints.


STALLES ET M.SÉR.COROES „ELGES A ,/É,,„, Lli M LA ,„, NAISSANC1 .. 335


mystères religieux primitif»'. L'autre démon, plus insolite, a été gratifié non seulement de cornes et d'une barbe de satvre mais encore d appas féminins bien caractérisés. Tous deux «'"envolent grâce à des ailes de chauves-souris, vers une gueule de monstre ter- minant un enroulement. Cette dernière tête représente la tradition-



Fig. 270. — Tète grimaçante (Miséricorde de l'oratoire des Prémuni ré. s à Grimberghe) (xvn e siècle).

nelle bouche de l'enfer, qui apparaissait dans les mystères chaque fois qu'il fallait figurer le séjour des maudits.

On remarquera que la sainte a genoux, à coté de ses prières et de ses exorcismes, empruntés à l'arsenal spirituel ou religieux, dis- posait encore d'armes terrestres plus frappantes, pour se défendre contre les tentations des démons. Devant elle se trouvent rangés : un fouet à multiples lanières et des verges, sans compter un impo- sant trousseau de lourdes clefs, suspendues à des chaînettes, qu'elle brandit de la main droite et dont elle venait sans doute de se servir non seulement pour ses châtiments corporels personnels, mais surtout pour caresser rudement les épaules des diables mis en fuite.

La figure 272 nous montre une autre scène de tentation. Ici les

1. Gustave Cohen. Histoire de la mise en scène dans le théâtre religieux français du moyen âge. Paris, II. Champion, 1906, in-8. (Extr. des Mémoires couronnés de l'Académie royale de Belgique, classe des lettres, in-8, t. I.) Voir aussi notre Genre satirique.


336


LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE


démons, plus hardis, ne craignent pas de s'attaquer k un prêtre, au moment même où il se prépare k célébrer le saint sacrifice de la messe. Faut-il voir ici quelque épisode de la Légende dorée de Jacques de Voragine 1 , ou bien la fin tragique d'un mystère mettant en scène un prêtre criminel? On sait que le démon apparaissait fréquemment dans les églises, où se faisaient les exorcismes. Nous



ig. 271. — Une sainte chasse des démons par la force de ses prières (Sculpture des stalles du couvent des Augustins, à Gand) (xvn e siècle).


l'avons vu plus haut, d'après Vaernewyck, mettre sens dessus dessous, devant témoins, le clocher de l'église deMeire, près d'Alost, et ensorceler, d'autre part, dans son confessionnal, le curé de Tongres.... Quant aux miracles représentés dans les mystères, ils nous font connaître nombre de ministres du culte qui, par leurs péchés, devinrent une proie toute désignée pour Satan et ses aco- lytes. Le manuscrit des Miracles de Notre-Dame, n° 72084. A. 4 B. de la Bibliothèque nationale, nous en fournit des exemples nom- breux, dont il suffira de citer quelques titres suggestifs : « De l'évesque que l'arcediacre meurtrit (tua) pour estre évesque k sa place » (Miracle troisième). Puis, huitième miracle : « D'un pape qui


1. Le pieux auteur nous conte qu'un jour, pendant que saint Martin célébrait la messe, le diable se mit en tête de le faire éclater de rire, afin de troubler le service divin. Cette scène diabolique se trouvait encore représentée, d'après M. Eloi Johan- neau, à l'église de Notre-Dame-de-Recouvrance, à Brest, en 1678, avec une légende en bas-breton et en français. Le même sujet, dessiné d'après une ancienne tapis- serie, se trouve également parmi les illustrations de YHistoire de la caricature, de M. Champfleury.


STALLES ET MISÉRICORDES BELGE. A .EPOQUE DE LA HENA,SSAN,:E 337


par convoitise vend, le basme (baume) dont on servoit deux lampes en la chapelle de Saint-Pierre, dont saint Pierre s'apparut à lui, en lu. disant qu il seroit dapmné... », ou bien : « Dune femme nommée 1 beodore qui, pour son péchié, se mist en habit d'homme et pour sa


Fig. 272. — Un prêtre tenté par les démons pendant le sacrifice de la messe

(Sculpture des stalles du couvent des Augustins, à Gand)

(xvii e siècle).

penance (pénitence) devint moine... ». Remarquons qu'ici encore l'encadrement concorde avec le caractère diabolique du sujet et que la bête infernale voisine est représentée avec des seins flétris de femme. Gela conformément à la tradition monacale, qui voit, encore de nos jours, dans les représentantes du beau sexe, les alliées les plus efficaces de Satan.

C'est, croit-on, aux approches de la Renaissance, que le diable, jusqu'alors regardé comme un ennemi simplement brutal et méchant, prit peu à peu un caractère plus perfide et plus malicieux, le rap- prochant davantage du singe et du renard, ou, pour mieux dire, de la femme si pleine de duplicité. Gomme le dit très bien M. Champ- fleury : « Pères de l'Eglise et trouvères étaient d'accord pour croire que sous chaque jupe se cachait un diable aux tentations duquel il était difficile de résister 1 ».

1. ChaMPKLEURY. Op. Cit., p. 98.

22


338 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

Les moines partageaient cet avis; les rhétoriciens humanistes citaient des exemples nombreux du pouvoir pernicieux de la femme : ne connaissait-on pas la fable de Gircé changeant les hommes en animaux immondes? Hercule, la force physique, Aris- tote la force morale, Virgile, un magicien, ne succombèrent-ils pas aux embûches d'Omphale, de Phylis et de la fille du roi de Rome? Le souvenir biblique de Samson, trahi par Dalila, n'était-il pas présent



Fig. 273. — Console à visage grotesque (Fin du xvm e siècle) se trouvant rue d'Angleterre, à Gand.

au souvenir de tous, comme le crime le plus affreux commis par Eve, dans le Paradis terrestre, lorsqu'elle perdit Adam et avec lui l'hu- manité tout entière, grâce à son alliance diabolique avec le serpent' ? L'église Saint-Michel, à Gand, possédait jadis des stalles très belles clôturant le chœur. Elles n'existent qu'en souvenir, grâce à une quittance qui nous apprend que Jean van Gleef en peignit le modèle en 1686. Ges stalles furent « changées et remplacées par d'autres d'un travail plus élégant et couronnées des statues des

1. Nous avons vu plus haut, que cette croyance au démon, se liguant avec la femme pour perdre les humains, s'est continuée pendant longtemps en Belgique. Témoin l'image populaire de la danse du démon reproduite d'après l'ouvrage de MM. E. van Heurck et D r Boekenoogen, dans notre chap. vi, p. 102, qui date du commencement du xix e siècle, mais qui continua à se vendre bien après cette époque. Ayant eu l'occasion de voir les bonnes feuilles d'une partie de cette histoire de l'imagerie populaire en Belgique, qui doit paraître bientôt, nous y avons noté


STALLES ET MISÉRICORDES BELGES A l'éPOQUE DE LA RENAISSANCE 339


Huit Béatitudes, confiées aux ciseaux de Pierre De Sutter, deGand et de Michel van der Voort d'Anvers 1 ».

Les stalles et miséricordes du xvui» siècle n'offrent plus guère d'intérêt au point de vue satirique ou fantastique. Les plus drôles se rapprochent plus ou moins des types reproduits fig. 273 et 274.

La ligure 273 a été dessinée d'après une console Louis XV, qui



Fi#. 27 ï. — Console Louis XV (Ancien Poids public à Gand) (xvm c siècle .

termine le mauclair d'une maison patricienne située rue d'Angleterre « Englandgat », à Gand. L'autre constitue une sculpture en bois de chêne analogue, provenant de l'ancien « Pakhuis » de la même ville et actuellement conservée au Musée d'archéologie. Ce beau

divers autres sujets rappelant les miséricordes que nous venons de passer en revue.

Le pays de Cocagne. Brepols, n° 15; Glenisson, n os 49 et 190; Beersmans, n" 19.

Le monde à l'envers. Brepols, n° 4; Delhuvenne, n" 10; Glenisson, n° 36 et Beers- mans, n° 20.

La lutte pour la culotte (Jan de Wasscher). Brepols, n" s 123 et 124; Glenisson, n os 32 et 147; Beersmans, n° 15.

La lutte pour la culotte (Lammen Goedzak). Brepols, n" 19; Glenisson, n u 21; Beersmans, n° 50.

Le Juif Errant. Brepols (sans n° d'ordre), p. 99.

Le Doudou ou la grande taràsque (de Mons); Brepols, n° 37.

Manneken Pis. Brepols, n° 193.

L'Epopée animale de Renard. Glenisson, n° 118.

La femme fessant un écolier (Jeu de l'oie en flamand). Brepols (sans n°, etc.).

1. KervyiN de Volkaërsueke. Les églises de Gand, t. II, p. 105 et 106.


340 LES MISÉRICORDES EN RELGIQUE

masque de faune, au rictus grimaçant (fig. 274), a été sculpté par J.-B. van Helderberg, ainsi qu'en témoignent un extrait des comptes communaux et la quittance de l'artiste, conservée aux archives gantoises.

L'église Saint-Jacques, à Gand, possédait autrefois des stalles remarquables du commencement du xvm c siècle. Elles étaient l'œuvre de deux sculpteurs gantois, Jacques Goppens et Jean Heb- belynck, qui terminèrent leur travail en 1719. Elles avaient rem- placé les anciennes stalles gothiques sculptées par Guillaume (Willem) Doens, qui eurent tant à souffrir des excès des icono- clastes, que le sculpteur Baudouin Devos dut les restaurer en 1568.

Parmi les stalles appartenant à l'époque Louis XV, qui existent encore en Belgique, il faut citer en première ligne celles qui ornent le chœur de la cathédrale Saint-Bavon, à Gand. Elles sont l'œuvre de Philippe Begvn, ébéniste, et de Dominique Cruyt, sculpteur; elles furent terminées en 1707. Taillées en bois de mahoni massif, elles coûtèrent 46.000 florins des Pays-Bas. Schaeyes, dans son Histoire de l'architecture en Belgique, leur assigne une valeur artistique au moins égale aux stalles sculptées de Saint-Jacques et des Domini- cains, à Anvers, ou à celles de l'église Saint-Jacques, à Bruges. Gitons encore les stalles de Saint- Aubin, à Namur, dont le siège réservé à l'évêque est surtout remarquable, et les beaux fauteuils sculptés Louis XV de la collégiale de Nivelles, dont nous avons parlé plus haut.



CHAPITRE XVI

CONCLUSION


Cest Charles Baudelaire qui eut le premier l'idée d'étudier le genre satirique ou l'his- toire de la caricature, dans ses rapports avec les mœurs et les coutumes populaires du temps. - Cette opinion n'est pas partagée par les auteurs pieux partisans du symbole. - Manière de comprendre l'histoire de la caricature chez ces auteurs. - D'après Baudelaire ce serait une immense galerie anccdo- tique, une histoire de faits. - Un pareil ouvrage est à faire. - Notre essai dans cette voie, pour ce qui regarde le genre satirique dans la sculpture des miséri- cordes de stalles en Belgique. — Ressources que présentent, pour cette étude, les nombreux documents flamands inédits, ou non encore traduits en français,' conservés en Belgique.— Opinion de quelques folkloristes belges tels que MM. A.' de Cock, Pol de Mont, O. Colson, etc. — La caricature est-elle un genre? Béponse de Baudelaire. — Quelques mots sur le rire. — Le sage ne rit qu'en tremblant. — Les œuvres qui nous sont utiles au point de vue d'une future histoire de la caricature. — La religion chrétienne réprouve le rire. — Le rire satanique, con- séquence de notre orgueil. — La satire est la défense du faible. — L'étude de la race, son importance pour expliquer l'éclosion du genre satirique dans les pro- vinces flamandes et wallonnes. — Opinion de M. Max Booses. — Les caractères distinctifs des Flamands.— L'art de van der Weyden conduit à l'école des peintres drôles. — L'esthétique de Jérôme Bosch ne peut se renfermer dans des frontières déterminées. — Similitudes entre les sculptures et miséricordes de la Hollande, de l'Allemagne, de la France, de l'Espagne, de la Suède, de la Norvège et du Danemark. — Utilité de réunir leurs reproductions dans un ouvrage comparatif qui serait précieux pour l'étude du développement de la civilisation et des mœurs dans ces divers pays.

On ignore généralement que ce fut Charles Baudelaire qui eut le premier lïdée d'étudier le genre satirique à travers les âges en comparant les productions drolatiques des imagiers primitifs avec les mœurs et les coutumes des époques contemporaines. Dans ses Curiosités esthétiques, au chapitre : De l essence du rire et généra- lement du comique dans les arts plastiques \ Baudelaire nous as- sure : « Qu'une histoire générale de la caricature dans ses rapports avec les faits politiques et religieux, graves ou frivoles, relatifs à

1. Charles Baudelaire. Curiosités esthétiques (Œuvres complètes. Paris, Calmann- Lévy, 1885).


342 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

l'esprit national ou à la mode, qui ont agité l'humanité, est une œuvre glorieuse et importante, digne de tenter les historiens ».

Un pareil travail, ajoute léminent auteur français, « est encore à faire, car les essais faits jusqu'à présent ne sont guère que des maté- riaux. »... Ainsi comprise, l'étude du genre satirique « constituerait une histoire de faits, une immense galerie anecdotique », qui pré- senterait le plus grand intérêt pour tous ceux qui s'occupent de l'évolution et du développement de la pensée humaine.

Chose digne d'être notée, cette manière de voir, pourtant si rationnelle, ne fut pas partagée par les auteurs pieux de l'école de Bastard et du P. Cahier, qui préférèrent expliquer les sujets les plus bizarres par des symboles religieux, plus ou moins alambiqués, sur lesquels on broda à l'infini. Plus tard, la même thèse symbolique servit aux adversaires de l'Eglise, qui saisirent avec empressement cette occasion de lutter sur un nouveau terrain. Et ainsi, des sculp- tures naïves, parfois même grotesques, devinrent éloquentes, tantôt attribuées à des artistes théologiens ou scholastiques, tantôt à d'af- freux sceptiques, ou libres penseurs.

Champfleury avait pourtant porté déjà un coup terrible aux sym- bolistes de tous genres, en démontrant clairement l'absurdité de leurs divagations 1 . M. de Bastard n'en était-il pas arrivé à voir, par exemple, dans un groupe où un homme d'armes décoche un trait d'arbalète à un limaçon, « une figure certainement relative à la ré- surrection ».

Comme devait le faire bientôt Baudelaire, l'auteur de l'Histoire de la caricature conseille déjà, lui aussi, dans sa préface, une étude comparative nouvelle, basée sur « les mœurs et les coutumes », ajoutant que ce travail « payerait de ses efforts celui qui aurait la patience de l'entreprendre »... car, ajoute-t-il plus loin, toute « la vie du passé se déroule, vive, claire et animée, grâce à la sculpture et à la peinture médiévales 2 ».

Pareil travail difficile à l'époque de Champfleury et de Baudelaire, est devenu relativement facile, aujourd'hui que les études des mœurs et des traditions populaires, dans tous les pays, ont fait de si grands progrès .

1. Champfleury (Jules). Histoire de la caricature au moyen âge (Paris, Dentu, 1871), p. 40.

2. Id., id., p. 14.


CONCLUSION 343


Cependant, avant de nous engager dans cette voie nouvelle, nous avons cru devoir consulter des folkloristes éminents de notre pavs tant Flamands que Wallons, à qui nous avons soumis le plan dû présent travail. Et, nous avons été heureux de le constater, tous nous ont encouragé et engagé à tenter cet essai. Nous remercions ici M. 0. Golson, le vaillant directeur de Wallonia; MM. Auguste Gittée, A. de Cock, Pol de Mont, les savants fondateurs et direc- teurs de la très intéressante revue folklorique flamande : Volks- kunde, qui voulurent bien nous écrire les lettres les plus réconfor- tantes. Ne pouvant les reproduire toutes, nous nous bornerons à en donner deux, à titre documentaire, en nous excusant de ce qu'elles peuvent contenir d'élogieux pour notre travail.


Liège, 7 janvier 1909. « Monsieur et honoré confrère,

« J'ai lu avec le plus grand intérêt le résumé du livre que vous allez con- sacrer aux miséricordes satiriques de la Belgique.

(( La nouveauté et la richesse de documentation si laborieusement réu- nie faisaient désirer depuis longtemps sa mise en valeur, et nul mieux que vous n'était préparé à l'éditer.

« Vous en doublez le prix en rattachant ingénieusement l'étude de ces sculptures burlesques à celle des traditions populaires et à l'élude des mœurs.

« Vous montrez les vieux imagiers traitant leurs sujets avec une liberté absolue, une précision redoutable, une audace sans mesure; peut- être, à voir cette licence profane dans notre mobilier religieux, certains vont-ils être bonnement offusqués!

« J'imagine pourtant que les bons Pères de ce temps-là, en reposant leur personne sur ces satiriques figures, devaient se convaincre que la miséricorde infinie fait toujours d'un mal venir un bien, ainsi que nous dit l'Écriture, et qu'enfin l'art des hommes a toujours au fond une action salutaire, bien que parfois mystérieuse.

« Tous les archéologues seront de cet avis, mon cher confrère, en rece- vant les leçons que vous appuyez vous-même avec tant de sûreté sur ces vieux supports vénérables.

« Veuillez croire, je vous prie, à l'assurance, etc.

0. Colson.


344 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

Notre savant collègue du musée des Beaux-Arts d'Anvers nous écrit d'autre part :

« Geachte Collega,

a Nietalleen als hartstochtelijk bewonderaar van onze middeleuwsche kunst in't algemeen en van onze nog steeds zoo weinig bestudeerde, zoo slecht bekende, en vaak zoo verkeerd begrepene en beoordeelde middel- eeuwsche beeldhouwkunsl, maar al even zeer als een van de vroegste beoe- fenaars van onze folklore, wensch ik u van ganscher harte geluk met uw nieuwe en stoute onderneming. lk zeg" stoule onderneming-, omdat ik mij niet ontveins, lot welke wijdloopig-e en inoeilijke opzoekingen, dikwijls in ver van elkaar gelegen sleden, kerken, muzea, de studie van dat onder- werp u zal noodzaken. Dit nog- zoo veel te meer, daar op het arbeidsveld, dat gij nu g-aat betreden, in onze g-ewesten haast zoo g-oed als niemand voor u is werkzaam geweesl.

<( En ik ben blij, dat gij dit werk ondernomen hebt, omdat gij, door het schrijven van uw boek over de satire in onze nationale schilderkunst bewezen hebt, dat gij zijt opgewassen voor deze nieuwe taak als weinigen !

« Ik verheug er mij dan ook bij voorbaat over, in uw nieuw werk einde- lijk te zullen kunnen bezitten een met sinaak en kennis van zaken samen- gesteld, methodisch en kritisch overzicht van den ongemeen rijken schat van komische en satirische « sniderien » van allen aard, welke, ondanks al wat vernietig-d werd of verloren ging, op het grondg-ebied van de vroeg-ere Nederlanden en van Burgondië — want dat bedoelt gij toch wel, niet waar? — g-elukkig nog- voorhanden is, en ik ben zeker dat, eens den weg^ gewezen, — namelijk door u in uw aangekondig-d boekwerk, — meer dan een zich zal voelen aangetrokkeu om... deze of g r ene min of meer af- gezonderde groep van werkers of werken, door u behandeldjin't bizonder te bestudeeren en van aile zijden te bekijken...

Uw colleg-a,

Pol de Mont.

Voici une traduction littérale de cette lettre :

Honoré Collègue,

C'est non seulement en admirateur passionné de notre art médiéval en général, et de notre sculpture ancienne, encore si peu étudiée, si mal connue et — souvent — si mal comprise et jugée; mais aussi comme étant un de ceux qui se sont les premiers occupés de notre folklore, que je vous


CONCLUSION 345


souhaite de tout cœur une bonne réussite dans votre entreprise hardie. Je dis « hardie », car je conçois très bien que rétendue de ce sujet vous entraînera à des recherches très complexes et très difficiles, dans des villes, dans des églises, dans des musées souvent fort éloignée les uns des autres. Et cela d'autant plus que vous allez entrer dans un champ d'ac- tion où personne, pour ainsi dire, ne s'est hasardé en Belgique.

Et je suis heureux que ce soit vous qui entrepreniez ce travail, car votre livre sur l'art satirique dans la peinture flamande a prouvé que vous êtes désigné pour cette nouvelle tache, de préférence à tout autre.

Je me réjouis aussi à l'avance de posséder enfin, dans votre nouvel ouvrage, un aperçu écrit avec goût et compétence, méthodique et critique, du trésor extraordinairement riche de sculptures comiques et satiriques de tous genres, qui, quoique beaucoup aient été détruites et perdues, se trouvent encore dans les contrées qui formaient autrefois l'ancienne Néerlande et la Bourgogne. Car c'est bien là le but que vous vous pro- posez, n'est-ce pas?

Et je suis bien certain que, la voie étant tracée, — par vous, notam- ment, dans votre volume annoncé — on se sentira désireux d'étudier en détail, d'examiner à fond l'un ou l'autre groupe un peu spécial d'artistes ou de travaux dont vous aurez parlé.

Votre collègue, Pol de Mont.


Comme le dit fort bien notre savant collègue du musée des Beaux- Arts d'Anvers, nous espérons que des historiens d'art plus autorisés que nous, s'engageront dans la voie que nous n'avons fait qu'indi- quer. Dans tous les pays il doit exister des réserves locales igno- rées et inédites, où il y aura à puiser et qu'il y aura lieu de faire

connaître.

Pour la Belgique, on aura pu le constater déjà, il existe nombre de pièces d'archives, d'anciennes chroniques, d'ouvrages et de pé- riodiques flamands 1 du plus grand intérêt, documents malheureu- sement ignorés de la généralité des savants qui ne connaissent pas la langue populaire de la Flandre. Ces précieuses sources de ren-

\ La revue folklorique Volkskunde, dont nous parlions plus haut, devrait être publia dans les deux langues en usage en Reloue. On y trouve dénude, mé- dites des plus intéressantes, rappelant des légendes, des usages de ■*"£ des proverbes, c'est-à-dire tout ce qui nous est parvenu grâce à la tradition populaire


I


346 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

seignements devraient être traduites pour le grand bien de l'étude folklorique d'un peuple, dont l'influence fut si grande, non seu- lement au point de vue de l'art mondial, mais encore dans bien d'autres domaines

« La caricature est-elle un genre? » Baudelaire s'étonne qu'à un dîner d'académiciens ceux-ci aient pu poser une pareille question. 11 se demande « si, contemporains de Rabelais, ils l'eussent traité de vil et de grossier bouffon ». Car, comme l'auteur le dit fort bien, « rien de ce qui sort de l'homme n'est frivole aux yeux du philo- sophe ». Et si le sage ne rit qiïen tremblant 1 , le rire pour le restant des hommes est un besoin et un signe certain de santé physique et morale. « Dans le genre satirique bien plus que dans les autres branches de l'art, ajoute-t-il, il existe deux sortes d'oeuvres précieuses, qui sont recommandables à des titres différents quoique presque contraires. Celles-ci ne valent que par le fait qu'elles représentent. Elles ont droit à l'attention de l'historien, de l'archéologue et même du philosophe; elles doivent prendre rang dans les archives nationales, sous les registres biographiques de la pensée humaine. Gomme les feuilles volantes du journalisme, elles disparaissent par le souffle incessant qui en amène de nouvelles. Les autres (celles dont nous avons surtout à nous occuper) constituent un élément mystérieux, durable, éternel qui les recommande à l'attention des artistes. C'est une chose curieuse et vraiment digne d'intérêt que cet élément insaisissable du beau que l'on observe jusque dans des œuvres destinées à représenter l'homme dans sa propre laideur physique et morale. Et, chose non moins mystérieuse, pourquoi ce spectacle lamentable excite-t-il en lui une hilarité immortelle et incorrigible? »

La religion chrétienne réprouve le rire : Jésus, le Verbe incarné, n'a jamais ri. Aux yeux de celui qui sait tout, le comique n'existe pas. Pourquoi Dieu connut-il alors la colère? De plus, Baudelaire con- sidère le rire comme le signe le plus certain de la mainmise par Satan sur l'homme. « C'est, dit-il, un des nombreux pépins contenus dans la pomme symbolique! » Le rire est satanique; il est de plus profondément humain, car il est une conséquence de notre orgueil,


1. Il y a lieu de croire que cette très orthodoxe et très saisissante maxime doit être attribuée à Joseph de Maistre.


CONCLUSION 34.


de 1 idée de la supériorité que nous croyons avoir sur ceux dont nous rions. N est-ce pas aussi une défense du faible? Car si l'homme n a pas les dents puissantes du lion, il mord cruellement par la satire et par le rire, comme les yeux de la femme fascinent et séduisent tous ceux qu'elle veut subjuger, non pas par la fixité et l'éclat du regard du serpent, mais par les larmes.

Ajoutons à ces considérations générales, qui intéressent l'histoire de la caricature dans toutes les contrées, quelques mots au sujet du caractère particulier de l'art satirique chez les habitants de la Bel- gique. L'étude de la race ayant une importance grande pour expli- quer Téclosion du genre « drôle » dans les provinces flamandes et wallonnes.

Gomme le remarquait naguère M. Max Rooses 1 , à l'occasion de la publication de notre premier mémoire sur le Genre satirique dans la peinture flamande, « le Belge est à la fois positif, utilitaire et obser- vateur. Il se laisse difficilement entraîner par le sentiment, il a peu de goût pour les idées abstraites, pour les synthèses. Ce qui le frappe immédiatement, quand il lit un livre de langue romane, c'est la tendance à généraliser, à quintessencier, à tirer des conclusions de longue portée, à bâtir des systèmes de grande envergure. Ce qui le préoccupe, lui, c'est de constater le fait matériel, de déterminer sa nature réelle, de l'étudier dans ses détails, d'en rechercher l'appli- cation pratique. Joignez-y son habileté manuelle, sa prédilection pour le travail soigné, et vous aurez l'explication d'une bonne partie des caractères distinctifs de l'art flamand en général et de sa face satirique en particulier. En observant ainsi minutieusement les hommes et les choses, on apprend à attacher (comme nous l'avons vu dans l'examen de nos miséricordes) une grande importance aux détails ; en examinant, de sens rassis, la valeur réelle de nos contem- porains, nous apprenons à distinguer leurs côtés faibles, leurs travers, leurs ridicules ; en réfléchissant à l'action favorable ou nui- sible qu'ils peuvent exercer sur notre destinée, nous nous habituons à nous méfier de leurs défauts et à nous mettre en garde contre leurs intentions méchantes. Tout cela n'est pas fort chevaleresque, mais le peuple flamand est d'un caractère éminemment bourgeois,


1. Max Rooses. Son rapport sur notre mémoire couronné {Bulletin de l'Académie royale de Belgique, classe des Beaux-Arts, 1901, n° 11, p. 1193-1194).


348 LES MISÉRICORDES EN BELGIQUE

et cette qualification, qui peut renfermer un blâme, nous pouvons la revendiquer avec tout autant de raison comme un titre de gloire. » Ajoutons que c'est a cet art observateur et réaliste, parlant si direc- tement à l'âme, que nous devons l'école de van der Weyden, dont la vogue persistante se répandit bientôt au loin, dans toute l'Europe civilisée.

Moins sensible aux beautés grandioses des figures presque sur- humaines des van Eyck, le peuple préférait voir dans l'école nouvelle le spectacle touchant de personnages sacrés vivant, pleurant et se réjouissant comme lui. Déjà apparaissent, dans les sujets religieux, ces comparses bizarres : bergers déguenillés et hirsutes, bourreaux grimaçants ou tyrans grotesques ; dans les Enfers et le Jugement dernier , on reconnaît ces démons tortionnaires au rictus sardonique, ces monstres et toute cette fantasmagorie chimérique dont Jérôme Bosch et les peintres de son école devaient tirer le parti que l'on sait. Drôleries satiriques, fantastiques, licencieuses qui, avant d'ap- paraître dans la peinture flamande, florissaient déjà, nous l'avons vu plus haut, dans les sculptures profanes de nos églises, et tout spécialement dans les miséricordes de stalles que nous venons de passer en revue.




FIN


INDEX ALPHABÉTIQUE

des noms de personnes et des noms de lieux qui sont mentionnés dans cet ouvrage.


Abraham, 16, 91, 162, 174, 190, 196.

Absolon (Marguerite), 48.

Adam et Eve, 16, 73, 119, 338.

Adamiles, 155.

Aëlis de Louvain, 68.

Aerens (Pierre), 77.

Aerschot, 16, 143, 148, 151, 154, 155, 170, 195, 202, 235, 238, 947, 249, 254, 255.

Agnès (sainte), 19.

Albert, cardinal et gouverneur, 228, 230.

Albert de Bavière, 193.

Albert et Isabelle (archiducs), 96.

Aleman (Rodrigo), 314, 323.

Alexandre le Grand, 119, 223.

Alhama, 323.

Alost, 31,81.

Amiens, 267.

Amsterdam, 41, 143, 146, 183, 256, 282,

283, 298. Anabaptistes, 155. André (saint), 307, 310. Antigon, 30.

Antoine (saint), 191, 192, 193, 194, 196. Anvers, 18, 22, 28, 30, 53, 234, 236, 329,

329, 331, 332. 339, 340, 344, 345. Apolline (sainte), 43. Aristote, 223, 241, 267, 338. Arthus, 86. Assche, 213. Astorga, 315, 319. Ath, 31, 329. Aubin (saint), 340.


Auch, 256, 267. Audenarde, 117. Audigiei , 378. Augustin (saint), 16. Augustins, 334. Auxerre, 206, 267. Avila, 317. Aymon (quatre fils), 31.


B


Bacchus, 231.

Backere (Joos de), 78.

Baerle, 137.

Baie (Eugène), 34.

Bâle, 282.

Barante (A. de), 19, 87.

Barbazan, 279.

Barbe (sainte), 284.

Barcelone, 286, 307, 313, 314.

Barraud (abbé), 252.

Bastard (de), 342.

Baudelaire (Charles), 341, 342, 346.

Baudouin, ou Beaudouin (F. -A.), 185.

Baudouin de Constantinople, 86.

Bavon (saint), 22, 24, 60, 139, 140, 142,

340. Bayard (le cheval), 31. Beaudouin, 122. Beaufort (seigneurs de), 28, 29. Beaumarchais, 91 Begyn (Philippe), 340. Belzébuth, 101,165,253. Benoît (saint), 107, 317.


350


LNDEX ALPHABÉTIQUE


Bergmans (P.), 19, 72.

Berman (Jacqueline), 98.

Bette (courtisane), 267.

Bette (Jacques), 24.

Beverley, 271, 272.

Beverwyk (J. van), 109.

Bilbao, 307.

Binche, 329.

Blommaert (Pli.), 50, 54.

Bloums (Marguerite), 48.

Boccace, 91.

Boekenoogen (J.), 256, 262.

Bois-le-Duc, 4, 148, 278, 247.

Boone (Cornélis), 23.

Boos (Seine-Inférieure), 254.

Boppard, 284.

Bordeaux, 248.

Borremans (Jean), 125.

Bosch (Jérôme), 4, 6, 43, 126, 131. 134, 148, 192, 264, 300, 304, 320, 334, 348.

Boston (Angleterre), 271.

Boucher (François), 185,

Bouchot (Henri), 183.

Bourgogne (Arnould de), 48.

Bourgogne (Elisabeth de), 48.

Bourgogne (Jan de), 48.

Bourgogne (Monseigneur de), 48.

Bourgogne (Philippe de), 48.

Brand (Sébastien), 135.

Brans (Lucie), 48.

Breughel le Jeune (Pierre), 248.

Breughel le Vieux (Pierre), 4, 35, 43, 44.71, 117, 124, 131 132. 135, 136, 147, 148, 170, 171, 178, 218, 225, 231, 237, 238,254, 261, 284, 292, 294, 299, 304, 316, 320, 334.

Breyne (Daniel de), 166.

Brière(G.), 256,263. 266.

Brou, 267.

Broeckx, 110.

Broucke de Diestveld (van den), 118.

Brouwer (A.), 153.

Bruges, 16, 18, 20. 22, 38, 48, 59, 78, 83, 85, 86, 87, 91, 92, 103, 106, 120, 122, 126, 137, 184, 250, 311, 318, 340.

Bruxelles, 17,20, 21,30,32, 95, 119, 128, 137, 203, 290, 309, 332.

Bruyland (Berline), 99, 100, 101.

Bruyland(P.), 98, 99, 100, 101.

Bulteel (J.), 23.


Bulteel (Pierre), 24. Burgos, 307, 324.


Cadix, 307, 310.

Cahier (P.), 342.

Calais, 76.

Calo (Michel de), 106.

Calvete d'Estrella(Jean Cristobal), 128.

Calvinistes, 28.

Cambrai, 48.

Cannaert (J.-B.), 28. 94, 95, 99, 158.

Cartaya de Fever, 324.

Carthage, 69.

Casteele (Pierre van de), 166.

Castor (saint), 17.

Cellini (Benvenuto), 92.

Ceuleneer (A. De). 311.

Champeaux, 41, 256, 294.

Champfleury (J.), 3, 245, 337, 342

Champmol-lez-Dijon, 24.

Chanaan. 230, 238, 242.

Chantilly, 43.

Charcot (J. M.), 266.

Charlemagne, 86.

Charles le Téméraire, 19.

Charles-Quint, 131, 142, 159, 175.

Charlez, bailli de Meslin, 98.

Chrétien de Troyes, 86.

Christus (Pierre), 137.

Christ-Church.271.

Circé, 338.

Ciutad-Rodrigo, 315.

Claes (Jan), 157.

Claeys (Prosper), 57, 138, 162.

Clare (dame de), 48.

Claude (saint), 17.

Cleef (Jean van), 338.

Clincke. 24.

Cluny (Musée de), 263.

Cloquet (L.), 22.

Cock (A. de), 258, 259, 260, 266, 343.

Cocuce, 278.

Cohen (Gustave), 335.

Colbert, 97.

Colson(0.), 343.

Colyns (Jan), 203.


DES NOMS DE PERSONNES ET DES RQM8 DE LIEUX


351


Coninc (Steven de), 212.

Coppens (Jacques), 340.

Corbeil, 143, 235, 253, 200.

Courajod (L ), 244.

Courtrai, 18, 23, 94, 101, 119, 124, 212.

274, 290. Croix (Sainte), 37, 63, 0(5. Cruyt (Dominique), 340.


Dalen (Corneille van), 183.

Daly (César), 2.

Damme, 103, 106, 107, 109,111, 113, 115, 116, 123, 126, 127, 250, 257,283.

Dancaert, ou Danckaert, 280, 309 322

David, 16, 107, 333.

Davillier, 285.

Deckers (Jan), 53.

Decroocq (Jean), 214.

Delewarde, 194.

Delporte (Léopold), 170.

Denis (saint), 139.

Despars, 114.

Despontyn (Jeanne), 48.

Dessele (Henri), 158.

Destrée (J.), 17, 22, 116, 290

Devos (Baudouin), 340.

Dewez, 55.

Diest. 16, 125, 126, 131, 135, 138, 141, 143, 148, 151, 154, 166, 281, 298, 314.

Dikele (Jan van), 22.

Dixmude, 20, 329.

Doens (Guillaume), 340.

Dominicains, 39, 214, 340.

Donat (saint), 49.

Dordrecht. 152, 202, 247.

Doudou (le), 31.

Dragon, 164.

Drieschen (Jeannette van den), 62

Du Bois (A.), 48.

Du lie Griet, 294.

Durand (G.), 257.

Durer (Albert), 235, 236.

Dusseldorf. 178, 235.

Duyse (H. van), 214.


Ecken (Michel van der), 48.


1 Edouard III, 270. Eecloo, 321. Elénas, 69. Ely, 270, 272.

Entommeures (Jean des), 107. Erasme (1).), 71. Estormi (d'), 206. Etienne (saint), 207. Even (E. van). 81. Evora,311. Evreux, 40, 41, 207. Eyck (frères van), 19, 348.


Facyen (Anthone), 22.

Faipoult, 102.

Favières, 260.

Fierens-Gevaert, 86, 104, 107, 126.

Firmenich-Richart, 235.

Flamands, 45, 130, 152, 202, 240, 307

310,311,318,322, 343. Flessingue, 109. Floreffe, 332. Florence, 18. 325. Fouquet (Jean), 43. Fragonard, 122, 185. Français, 311. Francfort, 182, 220. Francisco (San), 311 . François (saint), 313. Frères mineurs, 214, 234. Fuchs (Reinacle), 110. Furnes, 326, 329.


Gachard, 139.

Gachet (Emile), 194.

Galehot, 80.

Galle (J ), 147.

Galopin (Jacques), 98.

Gand, 14, 18, 19, 20, 21, 23, 24, 27, 30, 32. 39, 45, 47, 48, 56, 57, 59, 60, 62, 77, 78, 79, 81, 85, 91, 98, 99, 101, 103, 110, 114, 117, 124, 127, 133, 134, 138, 139, 141, 142, 155, 156, 157, 159, 162, 166, 170, 202, 203, 206, 207, 208. 211, 214, 215, 221, 227, 236, 249, 257, 258,


352


INDEX ALPHABETIQUE


259, 265, 267, 274, 294, 300, 302, 309,

334, 338, 339, 340. Gassicourt, 266 Gavere, 19. Gaza, 225, 238, 242. Gendron-Celles (église), 14. Genève, 69.

Georges (saint), 18, 20, 164, 172. Gérard d'Enghéen, 193. Germain (Jean), 202. Germain (saint), 250. Gertrude (sainte), 16. Gervais et Protais (saints), 122, 283. Gestele (Gysbrecht van), 23. Gestele (Jan van), 23. Gestele (Marck van), 23. Gestoso y Perez, 286, 307. Gheeraerts, 234. Gilles d'Orval, 54. Giiliodts van Severen (L.), 49. Gittée (Auguste), 343. Goessens (Claire), 98. Goethals (Henri), 47. Goliath, 16, 31. Gradafés, 314. Grammont, 31. Grange (de la), 22. Grave (de). 309. Grenade, 312, 323. Grimberghe, 332. Grutere (Elisabeth de), 98. Gudule (sainte), 95, 203. Guillaume d'Anvers, 309. Guillaume de Normandie, 20.


Haarlem,44,248, 249, 256,274, 276, 290,

292, 318. Hachez (Félix), 194. Haeghen (van der), frère mineur, 214. Haeghen (Ferd. van der), 21, 249. Haeghen (V. van der), 18, 22, 23, 162. Haene(d'), 98, 99,100, 101. Haene (Jan d'), 99. Haeren, 21. Haeze (De), 309.


Hal, 94, 95, 98.

Harrebomée (P.-J.), 254.

Hasselt, 20.

Hastières, 14, 25, 75, 265, 283, 284.

Hauthem, 139, 140, 141, 142, 143.

Havard(H.), 11.

Havre, 193, 194.

Hebbelynck (Jean), 340.

Heere, ou Mynsheere (J. van 1 », 24.

Heere (Lucas d'), 24, 234.

Heestyl (J.), 47.

Heine (A.), 88, 91.

Helbig (J.), 22.

Helderberg (J.-B. van), 340.

Henné (A.), 131, 179, 180.

Henri I, 68.

Henri II de Brabant, 47.

Henriquez (Francisco), 34.

Hercule, 321.

Hercule et Omphale, 237, 242, 268, 338.

Hereford, 272.

Hérenthals, 126.

Hérodote, 179.

Heurck (E. van), 101, 256, 262, 266.

Heyden (Pierre van der), 136.

Hoefnagel (G.), 310.

Ilondt (L. de), 48.

Hoogstraeten, 16, 199, 200, 208, 221,

231, 238, 239, 241, 247, 267, 268, 282,

299. Hoorebeke (G. van), 60. Horen (Van), 309.

Horenbaut (Jacques), 300, 301, 303. Houwaert, 119. Huicke (W.), 24. Humbert, 332. Huyttens (J.), 18. Hye-Hoys, 307. Hygin, 257. Hymans (H.), 135, 294.


Icare, 301.

Inghen (Wautie van), 106, 107

Innocent VIII, 93.

Isabelle de Portugal, 311.

Isle-Adam, 253.


DES NOMS DE PERSONNES ET DES NOMS DE LIEUX


353


Jacques (saint), 15, 36, 37, 38, 45, 48

64,65, 329,331,332, 340. Jean (saint), 22, 148. Jean I, 47.

Jean d'Amsterdam, 309. Jean d'Arras, 68, 69. Jean de Berry, 68. Jean de Gand, 308. Jeaurat, 122, 185. Jésus, 346. Joinville, 188, 189. Jonas, 16, 170. Joncheyt (Hanske). 159. JoufTroy (Jean), 202. Juan le Flamand. 309. Juan de los Reyes (san), 312. Jubinal (A. de), 147. Juif-Errant, 144, 166, 168, 169, 170. Juifs, 130, 146, loi, 152, 162, 171, 174,

182,190, 191. Julien (saint), 329. Justus de Gand, 24.


Kempen, 273, 275, 278, 290. Kervyn de Volkaersbekc, 339. Koninck (Fr.), 309. Kretschmer, 259.


Laborde (M. de), 86. Labyns (Josine), 98. La Fontaine, 298. Lancelot, 86. Langerman, 332. Larivey (P. de), 259. Latour et Taxis (famille), 118. Lawrence, 122. L'Ecluse, 123. Lecouvet (J.), 56. Lenient (C.), 8. Léon, 286, 315, 317, 219. Léonard (saint), 24.

Liège, 15, 37, 38, 47, 54, 55, 75, 265, 283.


Lierre, 234.

Liévin (saint), 138, 139. 140, 142, 143

Lille, 19,311.

Lisbonne. 307, 311.

Lokeren (A. van), 117.

Lombards, 146.

Loo (Lucas Van), 78.

Lore(B. van der), 50, 114.

Louis IX, 47, 188.

Louis XIV, 97, 122, 164.

Louvain, 16, 67, 68, 71, 73, 75, 76, 81,

83, 126, 132, 188, 277. Louveau (J.), 259. Lubeck, 127. Luc (saint), 17. Lucas de Bruges, 309. Ludlow, 272. Lund, 284. Lusignan, 70. Luther, 233.


Macchabées (sept), 74. Madeleine, 138, 333. Madrid, 4, 134, 307, 312, 324. Maerlant (J. van), 46, 111, 113, 114,

115,117, 146,235. Maie (E.), 7. Malines, 22, 28, 81,126. Mammelokker, 257, 259. Mander (K. van), 44, 234. Manuel de Portugal, 311. Maquet, 111.

Marie l'Egyptienne (sainte), 138. Marie-Louise, 32. Marolles (abbé de), 83. Marti y Moxo (José), 306. Martin (saint), 23, 41, 159, 264,317, 327. Martinez (Francisco), 309. Martonne(A. de), 260, 261. Materne (saint), 175, 189. Mathurins, 143, 251. Maxime (Valère), 257. Maximilien d'Autriche, 83. Meere (Van der), 118. Meerloo (Gh. van), 24. Megank (J.), 78. Meire-lez-Alost, 336. Mekene (van), 178.


n


354


INDEX ALPHABETIQUE


Mellin, 251.

Mélusine, 68, 69, 70, 250.

Mendoza (cardinal), 323.

Mercadé (A.). 8.

Mergelaere (Robert), 78.

Messines, 166.

Metsys (Quentin), 143.

Michel (saint), 18, 22, 23, 30, 74, 215,

338. Miraflores, 312, 317. Moïse, 152, 154, 166, 174. Mol (van), 309. Molenaer, 309. Molière, 91, 121. Molinier (Em.), 11, 285, 286. Mons, 31,98. 192, 193, 194, 195. Mont (Pol de), 343, 344, 345. Montferrand, 122. Montreuil-sur-Mer, 40. Mortain, 263. Murcie, 324. Musset (Alfred de), 179.


N


Namur, 340.

Naples, 304.

Napoléon I« r , 32, 33, 110.

Nas (Lucien), 421.

Nazareth, 23.

Nécroman, 92.

Neefs (E), 17, 22.

Nicolas (saint), 23, 41, 143, 146, 256,

282, 332. Nicostrate (saint), 17. Nieuport. 31,98, 326, 329. Nivelles, 327, 328, 340. Noé, 171.

Nordhampton Wellinborough, 272. Nordwich,271. Notre-Dame-du-Lac, 331. Notre-Dame-du-Mont-Carniel, 334. Nufio Sanchez, 322.


Offenbach, 290. Ogier(G.), 110. Ohman (Hjalmar), 284. Oirschot, 148, 247.


Olivier de Gand, 311. Onkerzeele, 99. Oordeghem, 32. Oporto. 311. Ostende, 58.

Ostrevant (comte d"), 194. Oudenbourg, 58. Oviédo, 313, 319.


Paelgiers (Wilhem), 234.

Palingh (A.), 95.

Pallas, 30.

Panurge, 107.

Paris, 18, 110, 122, 138, 139, 143, 170,

183, 250. Paris, 19.

Patenier (Joachim), 44, 178, 236. Pater (J.-B ), 186. Paul (saint), 91, 190, 196, 330. Pauw (N. de), 56. Pedro de Flandre, 309. Peereboom (Alphonse Van den), 179. Pelayo Quintero, 286, 288, 306, 314,

315.317, 318,320, 323. Perceval, 86. Peyrère (Isaac de la), 95. Phaliesen (Antoine Van der), 71. Philippe II, 95, 128, 310. Philippe d'Alsace, 86. Philippe le Beau, 57. Philippe le Bon, 19, 20, 76, 311. Philistins, 213, 240. Phillis, 223, 267, 338. Piaucelles (Hugues), 206, Pierre (saint), 16, 62, 71, 75, 143, 149,

337. Pirenne (IL), 74. Pise, 41.

Plasence, 312, 314, 315. Pline l'Ancien, 257. Poitiers (église), 15. Polydorus, 31 Ponz, 315. Poperinghe, 20. Potter(F. de), 18, 21,22, 23. Prémontrés, 332. Presles, 206, 265.


DES NOMS DE PERSONNES ET DES NOMS DE EIEL'X


355


Pressine, 69.

Priam, 19.

Protais (saint), 250, 283.

Putiphar (Mme), 251.

Putte (Liévin van de), 208.


Rabelais, 43, 316.

Rabuteaux, 138.

Raimondis, 69.

Raphaël, 326.

Ratzbourg (église), 13.

ReifTenberg (J. de), 55, 192.

Renan (E.), 94.

Reusens (Ch.), 11, 16.

Rhodes (île de), 194.

Richer(Paul), 266.

Robert (Digma), 98.

Roch (saint), 170, 174.

Rodrigo, 323.

Roelas (Juan de las), 310.

Roland, 86.

Rome, 33, 234, 325, 326, 338.

Rondelet (D r ), 8.

Rooses (Max), 347.

Roque de Rolduc, 309.

Rouen, 63, 97, 125, 145, 146, 154, 202,

206, 245, 247, 282, 298, 315. Rouergue, 206. Rubens, 326, 329. Ruttenberg, 284. Rycke (de), 123.


S


Sachot (Octave), 247.

Saint- Antoine-de-Vienne (abbé de), 194.

Saint-Aubin, 122, 186.

Saint-Denis, 206.

Saint-Jean-d'Acre, 188.

Saint-Léonard-lez-Limoges, 263.

Saint-Martin-aux-Bois, 251.

Sainte-Trinité, 263.

Salm-Salm (prince de), 178, 235, 296.

Salomon, 16.

Samson, 215, 225, 239.

Samson et Dalila, 226, 242, 267, 338.


San Domingo de la Calzada, 321.

Sanderus (A.), 30, 111.

Sansier, 309.

Santa Clara de Moguer, 312.

Santa Maria del Campo, 312, 324.

Santa Maria la Real de Najera, 312,

313, 316. Saragosse, 313, 324. Sarrasins, 27. Sartorius, 205. Satan, 337, 346.

Sauveur (saint), 16, 83, 91, 92, 103, 313. Savery de Courtrai, 183. Schall, 122.

Schattemate (Pierre), 234. Schepens (Adrienne), 98. Sébastien (saint), 20. Sebrandt, 309. Ségovie, 312.

Serbaes, 309.

Serrano Fatigati, 306.

Serrure (C.-A.), 111.

Sersanders, 157.

Seurin (saint), 40, 206, 235, 2 18, 249, 290.

Séville, 91, 286, 307. 309, 310, 320, 322.

Sherbone, en Dorset, 271.

Sicotière (N. de la), 263.

Sienne, 18.

Simplice (saint), 17.

Smidt-Degener, 135.

Sodomites, 267.

Soignies, 331.

Sorbonne (la), 47.

Souhières (Anna), 160.

Spire (saint), 143, 235, 260.

Spitaels (Jeanne). 101.

Stalpaert (Jérôme), 84.

Staquet (J.), 28.

Steels (Elisabeth), 62.

Steenman (Cornelis), 158.

Stevens (Etienne), 95.

Stichelen (Jan van der), 62.

Stoett (A.-F.). 134, 205, 206, 276.

Straparole, 259.

Strasbourg, 138.

Stratford-en-Avon, 273.

Sulpice (saint), 125, 148, 266.

Sutter (Pierre de), 339.


356


INDEX ALPHABÉTIQUE


Suttere (Jan de), 158. Sutlerman (Jean), 155. Swablarts (chanoine), 126. Symphorien (saint), 17.


Table Ronde (chevaliers de la), 86.

Tarragone, 286, 312, 313.

Teniers, 153, 322.

Ten Winkel (J.), 46, 146.

Termonde, 31.

Thaon (Philippe de), 68.

Théodore (la femme), 337.

Thérèse (sainte), 334.

Thomar, 311.

Thomas d'Avila (saint), 286.

Tirlemont, 331.

Tolède, 287, 312, 315, 324.

Tongres, 95, 336.

Torquin de Gand, 24.

Tournai, 56.

Tournély, 102.

Trêves (duc de), 220.

Tristan, 86.

Turcs, 27, 28.

Turnhout, 101, 262.

Twerven Aertz (Jean), 202.


Ulm, 284.

Ulysse, 174.

Uylenspiegel, 105,106, 109, 111,113, 126, 163, 181, 182, 183, 187, 205, 212, 219, 220, 241, 255, 278, 319.


Vaernewyck (Marc van), 24, 30, 62,

81, 214, 221, 227, 228, 233, 336. Vasconcellos (de), 311. Vatican, 326. Vaudois (les), 28. Velde (Petronilla van de), 160. Vendôme, 263. 275. Verbrughen (Frans), 333. Verschuere (Christine), 169. Vermeulen (J.), 62.


Villefranche, 206, 266.

Villon (Fr.), 107, 252.

Vilvorde, 31, 331.

Vinchant, 194.

Vincent (saint), 331.

Vinderhoute (J. van), 24.

Viollet-le-Duc, 8, 16, 257.

Virgile, 223, 241, 338.

Virgile le Magicien, 118.

Visé 20.

Vitry (Paul), 256, 263, 266.

Vivcre (Jan van de), 207.

Vlamyncx (Elisabeth), 98.

Vlueghel de Delft (J.), 106.

Vocht(de), 309.

Voort (Hieronymus van der), 234.

Voort (Michel van der), 339.

Voragine (Jacques de), 336.

Vos (Kateline de), 48.

Vynct (Maurice van der), 157.


W

Walcourt, 16, 143, 175, 183, 189, 192,

195, 267, 272, 294, 314. Wallons, 44, 343. Watteau, 122, 186. Weale (James\ 22, 83. Werveke (A. Van), 110, 114, 207, 229. Westminster, 273. West-Vleteren, 123. Wetteren, 32. Wetteren (Martha van), 98. Wevere (Jan van de), 156. Weyden (R. van der), 171. 348. Wiericx (Hieronymus), 183. Willems (J.-F.), 111. Willems (Léonard), 180. Winchester, 273. Witkowski (G.-J.), 8, 41, 123, 164, 249,

252, 253, 255, 257, 267, 271, 330. Wolf (J.-W.), 258. Wouters (Pasquier), 84. Wright (Th.), 247, 253, 273. Wulf (Charles de), 49, 50. Wulf (Jean de), 212. Wurzbach (Alfred von), 23.


DES NOMS DE PERSONNES ET DES NOMS DE LIEUX


357


Xanten, 284. Xérès, 324.


Ymmerseele (Elisabeth van), 48.


Ypres, 20, 127, 160, 168, 170, 179, 311, 327.


Z


Zamora, 286, 315, 319.


TABLE DES ILLUSTRATIONS


PLANCHES

Pages Pl. I. L'Administration d'un clystère en pleine rue. Sculpture ou bois polychrome (xv e siècle). Musée archéologique de Bruges (Frontispice).

— II. Trois semelles de poutres de l'hôtel de ville de Damme. Œuvre

de Vauthier van Inghen (xv e siècle) (Fig. 62, 03 et 64). 202, 203

— lll. Six proverbes flamands (Estampe du xvm e siècle) .' 289

— IV. Six proverbes flamands, idem 291

— V. Six proverbes flamands, idem 293

— VI. Six proverbes flamands, idem 295

— VII. Six proverbes flamands, idem 297

— VIII. Les abus du siècle (Estampe de Jacques Horenbault, éditée a

Gand en 1608) 302, 303


ILLUSTRATIONS DANS LE TEXTE


Fig. 1. La Confession. Entrée de stalle satirique de la cathédrale de

Bois-le-Duc (xv e siècle) 2

— 2. L'Office. Entrée de stalle satirique de la cathédrale de Bois-le-

Duc (xv e siècle) 3

— 3. Les trois jeunes gens et la bêle. Entrée de stalle de la cathédrale

de Bois-le-Duc (xv fi siècle) 5

— 4. Figures fantastiques. Entrée de stalle de la cathédrale de Bois-

le-Duc (xv fi siècle) 6

— 5. Bêtes diaboliques. Entrée do stalle de la cathédrale de Bois-le-

Duc (xv e siècle) 7

— 6. Les diverses parties d'une stalle 10

— 7. Stalles de Ratzbourg (xn e siècle) 11

- — 8. Les stalles d'Hastières, près de Dinant (xm e siècle) 12

— 9. Stalles conservées au Musée archéologique de Gand (xm e siècle). 13

— 10. Stalles de l'église de Sainte-Croix, à Liège (xiv e siècle) 11

— 11. Stalles de l'église de Saint-Pierre, à Louvain (xv e siècle). ... 15

— 12. Satire du seigneur féodal (xm e siècle). Miséricorde au prieuré

d'Hastières 26




360 TABLE DES ILLUSTRATIONS


Pages

Fig. 13. Satire du turc infidèle (xm e siècle). Prieuré d'IIastières .... 27

— 14. Satire du démon (xm e siècle). Prieuré d'IIastières 28

— 15. Satire d'un grimacier (xm e siècle). Prieuré d'IIastières. ... 29

— 16. Satire de la femme médisante (xm e siècle). Prieuré d'IIastières. 30

— 17. Satire de la gourmandise et de la luxure (xin e siècle). Prieuré

d'IIastières 32

— 18. Satire de la vigne et du vin (xm e siècle). Prieuré d'IIastières. . 33

— 19. Satire de la nef du mariage (xm e siècle). Prieuré Ilastières. . 33

— 20. Un moine (xin* siècle). Prieuré d'IIastières 34

— 21. Oiseau tenant un philactère, avec date (xv fi siècle). Prieuré

d'IIastières 35

— 22. Deux dragons se combattent (xiv* siècle). Miséricorde de Saint-

Jacques, à Liège 38

— 23. Clef de voûte où des dragons s'entre-dévorent (xin° siècle).

Musée d'archéologie de Bruges . 39

— 24. Tête grotesque constituée par des feuillages. Miséricorde de

Saint-Jacques, à Liège (xrv e siècle) 40

— 25. Clef de voûte en bois. Tête grotesque en feuillages. Ancienne

église des Dominicains, à Gand (1250-1260) 41

— 26. Satire d'un chieur (xiv e siècle). Miséricorde de Saint-Jacques,

à Liège 42

— 27. Satire d'un chieur diabolique (xiv e siècle). Miséricorde de

l'église Saint-Jacques, à Liège. (C'est par erreur que cette sculpture a été désignée comme se trouvant à Amsterdam.). 43

— 28. Le chieur de ducats d'Amsterdam. Eglise de Saint-Nicolas (Mi-

séricorde) 44

— 29. La femme au ver solitaire (?). Miséricorde satirique de l'église

de Saint-Nicolas, à Amsterdam 45

— 30. Satire d'un curé de paroisse. Sculpture des stalles de Saint-

Jacques, à Liège (xiv e siècle) 46

— 31. Satire d'un moine. Sculpture des stalles de Saint-Jacques, à

Liège (xiv c siècle) 46

— 32. Satire d'un évêque. Sculpture des stalles de Saint-Jacques, à

Liège (xiv e siècle) 49

— 33. Satire d'un abbé mitre. Musée lapidaire de Gand (xin e siècle). 51

— 34. Satire d'une courtisane. Sculpture des stalles de Saint-Jacques,

à Liège (xiv® siècle) 54

— 35. Satire d'une bourgeoise. Sculpture des stalles de Saint-Jacques,

à Liège (xiv e siècle) 55

— 36. Satire d'un chantre d'église. Sculpture des stalles de Saint-

Jacques, à Liège (xiv e siècle) 57

— 37. Un animal fantastique. Sculpture des stalles de Saint-Jacques,

à Liège (xiv e siècle) 58

— 38. Satire d'un damné. Miséricorde de l'église de Saint-Croix, à

Liège (xiv e siècle) 59

— 39. Satire d'un moine avec feuillage. Eglise de Sainte-Croix, à

Liège (xiv e siècle) 61

— 40. Tête grotesque, constituée par des feuillages. Eglise de Sainte-

Croix, à Liège (xiv e siècle) 63


TABLE DES ILLUSTRATIONS 361


Pages

Fig. 41. Bête diabolique (xiv e siècle). Eglise de Sainte-Croix, à Liège. 64

— 42. Tête grotesque avec feuillages. Cul-de-lampe de la Biloquc, à

Gand (xiv e siècle) (J5

— 43. Une Sirène ou Mélusine. Miséricorde de l'église de Saint-

Pierre, à Louvain (xv e siècle) 68

— 44. Le guerrier marin. Eglise de St-Pierre, à Louvain (xv e siècle). 60

— 45. Une grimacière. Eglise de Saint-Pierre, à Louvain (xv e siècle). 70

— 46. Un fou louvaniste : « Paep Thoen ». Saint-Pierre, à Louvain

(xv e siècle) 71

— 47. Un êquilibriste . Saint-Pierre, à Louvain (xv e siècle) 72

— 48. Une bêle fantastique. Saint-Pierre, à Louvain (xv e siècle). . . 73

— 49. Renard volant une poule. Saint-Pierre, à Louvain (xv e siècle). 74

— 50. Un singe décorant un rampant de parclose de l'église de Saint-

Pierre, à Louvain (xv c siècle) 75

— 51. Un renard-moine prêchant. Satire religieuse. Musée du Broel,

à Courtrai (xv ft siècle) 76

— 52. Satire d'un fabricant de /lèches prisonnier, à Louvain, église

de Saint-Pierre (xv e siècle) 77

— 53. Satire d'un démon. Saint-Pierre, à Louvain (xv e siècle). . . 79

— 54. Stalle de V église de Saint-Sauveur, à Bruges. Miséricorde

représentant une scène de fab liau (xv e siècle). ...... 84

— 55. Une scène de sorcellerie Miséricorde de l'église de Saint-

Sauveur, à Bruges (xv e siècle) 85

— 56. Une scène de fabliau. Miséricorde de Si-Sauveur (xv e siècle). 88

— 57. Satire d'une religieuse conduite en enfer sur une brouette.

Saint-Sauveur (xv e siècle) 89

— 58. Une scène de fabliau. Hôtel de ville de Bruges (fin du

xiv e siècle) 02

— 59. Satire d'une scène de séduction. Motif d'une cheminée de

Bruges. Musée archéologique de Gand (xv e siècle). ... 93

— 60. Une sorcière allant au Sabbat. Ecoinçon de l'église Notre-Dame

de Hal (xiv e siècle) 96

— 61. Un sorcier allant au Sabbat. Ecoinçon de l'église Notre-Dame

de Hal (xiv e siècle) 97

— 62. La Danse du Démon (Fragment réduit d'une image populaire

éditée à Turnhout vers 1810, d'après une estampe française plus ancienne) *"^

— 63. Première des semelles de poutres de l'hôtel de ville de Damme

(Ensemble) (xv e siècle) (Voir pi. II).

— 64. Seconde semelle de poutre de l'hôtel de ville de Damme

(xv e siècle) (Voir pi. II).

— 65. Troisième semelle de poutre de l'hôtel de ville de Damme

(xv e siècle) (Voir pi. II).

— 66. Habitants de Damme allant montrer leur cas à un spécialiste

(Satire des luxurieux). Détail de la première semelle (xv e siècle) 1(M

— 67. Homme et femme au bain (Satire des luxurieux). Détail de la

deuxième semelle (xv e siècle) 105


362 TAULE DES ILLUSTRATIONS


Pages

Fig. 68. Inspection grotesque du canal du porc ou du « zwyn »

(Satire d'un magistrat de D anime) (xv e siècle) 108

— 69. Un épisode du lai de Virgile (La femme qui allume des

cierges). Jadis à Oudenaerde (xvi e siècle). Sculpture perdue,

mais reconstituée d'après des documents du temps. . . 109

— 70 bis. L'administration d'un cly stère en pleine rue. Musée archéo-

logique de Bruges (xv e siècle) 1 12

— 70. Même sujet en phototypie (PI. I).

— 71. Une belle-mère (?). Tète grotesque à West-Vleteren, Flandre

occidentale (xiv e siècle) 113

— 72. Un gendre (?). Tête grotesque à West-Vleteren, Flandre occi-

dentale (xiv e siècle) 113

— 73. Un singe. Sujet grotesque. Musée archéologique de l'Ecluse

(xv e siècle) 116

— 74. Sujet grotesque. Musée archéologique de l'Ecluse (xv e siècle) 117

— 75. Un centaure réaliste. Musée archéologique de l'Ecluse (xv e s.) 118

— 76. Un nageur grotesque. Musée archéologique de l'Ecluse (xv e s.) 119

— 77. Une couple d'amoureux. Semelle de poutre du xin e siècle.

Musée archéologique de Gand 120

— 78. Têteénigmatique. Musée archéologique de Gourtrai (xv e siècle) 121

— 79. Un fou attachant un grelot a son chat. Musée archéologique

de Courtrai (xv e siècle) 123

— 80. Une pomme pour la soif (Proverbe flamand). Miséricorde de

Diest (fin du xv e siècle^ 128

— 81. Un fou avec son chat. Miséricorde de Diest (xv e siècle). . . . 129 82. Un fou brouette son chien. Diest (xv e siècle) 132

— 83. Trouver le chien au pot (Proverbe flamand). Diest (xv e siècle). 133

— 84. Satire d'un mendiant. Diest (xv e siècle) 136

— 85. Satire d'un fou tenant la pierre de folie. Diest (xv e siècle). . 137

— 86. Satire d'une courtisane. Diest (xv e siècle) 141

— 87. Satire d'un horloger avec son soufflet. Diest (xv e siècle). . . . 144

— 88. Satire de la femme. Diest (xv e siècle) 145

— 89. Satire d'un usurier. Diest (xv e siècle) 149

— 90. Satire des Juifs (L'enfant prodigue). Miséricorde d'Aerschot

(xv e siècle, fin) 152

— 91. Satire de deux moines singes. Aerschot (xv e siècle) 153

— 92. Satire d'une sorcière au Sabbat. Aerschot (xv e siècle) 156

— 93. Satire d'un voleur de poule. Aerschot (xv° siècle) 157

— 94. Satire des Juifs. Aerschot (xv e siècle) 158

— 95. Satire d'une scène de flagellation judiciaire. Aerschot (xv e siècle). 159

— 96. Satire d'un Juif. Aerschot (xv e siècle) 160

— 97. Animal fantastique à deux têtes. Aerschot (xv e siècle). . . . 161

— 98. Satire d'un baladin. Aerschot (xv e siècle) 163

— 99. Elle lierait le diable sur un coussin avec des rubans (Proverbe

flamand). Miséricorde d'Aerschot (xv e siècle) 164

— 100. Le renard et la cigogne. Aerschot (xv e siècle) 165

— 101. Qui se ressemble s'assemble. Satire d'un moine. Aerschot

(xv e siècle) 167

— 102. Le guerrier marin. Aerschot (xv e siècle) 168


TABLE DES ILLUSTRATIONS 3 C3


Pages 103 Satire d'une vierge sage. Entrée de stalle à Aerschot (xv e siècle), H» 104. Sa ire dune vierge folle. Entrée de stalle à Aersehot xV siècle 172 10d. Satire d un moine. Entrée de stalle à Aerschot (xv e siècle). 173

106. Le Renard prêchant. Satire des moines et proverbe flamand'

Miséricorde de Walconrt (xvi e siècle) 176

107. Satire d'un marée fiai- ferrant. Miséricorde de Walconrt

(xvi e siècle)

108. Satire des luxurieux. Miséricorde de Walcourt (xvi e siècle) 180

109. Faire une bouche plus grande qu'un four (Proverbe flamand)'

Miséricorde de Walcourt (xvi e siècle) .181

110. L'homme qui sort dégoûté du monde (Proverbe flamand)

Miséricorde de Walcourt (xvi e siècle) ' 184

111. Ils sont sur la lunette ou bien ils chient par un trou (Dictons fla-

mands). Miséricorde de Walcourt (xvi e siècle) 185

112. Uijlenspieghel a la cour du roi de Pologne, D'après une estampe

de 1512 '. . . 186

113. Un/émule d'Uylenspieghel. Miséricorde de Walcourt (xvi e s.). 187

114. Satire ou supplice d'un luxurieux. Miséricorde de Walcourt

(xvi e siècle) Igg

115. Satire des femmes et des tournois. Miséricorde de Walcourt

(xvi e siècle) Igg

116. Satire d'un baladin. Miséricorde de Walcourt (xvi e siècle). . 190

117. Un chieur. Statuette d'un rampant de parclose à Walcourt

(xvi e siècle) 191

118. La marmite est renversée. Statuette d'une parclose à Wal-

court (xvi e siècle) 192

119. Satire d'une ribaude. Statuette d'une parclose à Walcourt

(xvi e siècle) 193

120. Satire d'une nourrice. Statuette d'une parclose à Walcourt

(xvi e siècle) 195

121. Satire du jeu de la pannoy. Entrée de stalle à Walcourt

(xvi e siècle) 197

122. Des roses (et non pas des perles) pour les pourceaux (Proverbe

flamand). Miséricorde d'Hoogstraeten (xvi e siècle) .... 200

123. Une bonne femme doit être battue (Proverbe tudesque). Mi-

séricorde d'Hoogstraeten (xvi p siècle) 201

124. Satire des tournois bourgeois. Miséricorde d'Iloogstraeten

(xvi e siècle) 204

125. Satire d'une brimade de métier. Miséricorde d'Iloogstraeten

(xvi e siècle) 205

126. Jalousie de métier. Satire des boulangers. Miséricorde

d'Iloogstraeten (xvi e siècle) 208

127. Le combat pour la culotte. Miséricorde d'Hoogstraeten

(xvi e siècle) 209

128. Satire des moines débauchés et des failles de femmes. Misé-

ricorde d'Hoogstraeten (xvi e siècle) 210

129. Satire des maris noctambules. Miséricorde d'Hoogstraeten

(xvi p siècle) 211


364 TABLE DES ILLUSTRATIONS


Pages

Fig. 130. Satire des mauvais maris (Supplice du tonneau). Miséri- corde d'IIoogstraeten (xvi e siècle). 212

— 131. Nouveaux seigneurs, nouvelles lois (Proverbe flamand). Mi-

séricorde d'IIoogstraeten (xvi e siècle) 213

— 132. Satire du supplice du panier. Miséricorde d'IIoogstraeten

(xvi c siècle) 214

— 133. Satire du supplice du panier. Ecoinçon à Notre-Dame, à

Courtrai (xvi e siècle) 215

— 134. Satire des moines débauchés. Miséricorde d'IIoogstraeten

(xvi c siècle) 216

— 135. Satire de l'ivrognerie. Miséricorde d'IIoogstraeten (xvi e siècle). 217

— 136. Satire des ingrats (Proverbe flamand). Miséricorde d'IIoog-

straeten (xvi e siècle) 218

— 137. La lutte pour la culotte (Variante inédite). Miséricorde d'IIoog-

straeten (xvi e siècle) 219

— 138. On ne peut de la tête briser les murs (Proverbe flamand).

Miséricorde d'IIoogstraeten (xvi e siècle) 220

— 139. Celui qui voit clair n'a pas besoin de lunettes (Proverbe flamand).

Miséricorde d'IIoogstraeten (xvi e siècle) 221

— 140. Satire des belles-mères. Miséricorde d'IIoogstraeten (xvi e s.). 222

— 141. Virgile le magicien pendu dans le panier (Episode du lai de

Virgile). Miséricorde d'IIoogstraeten (xvi e siècle) 223

— 142. Parodie du lai d'Aristote. Miséricorde d'Hoogstraeten (xvi e s.). 224

— 143. Le pilier d'église. Satire d'un moine dévot (Proverbe flamand).

Miséricorde d'Hoogstraeten (xvi e siècle) 225

— 144. Satire de la vie conjugale. Miséricorde d'IIoogstraeten (xvi e s.). 226

— 145. La science conduit la force brutale (Proverbe flamand). Misé-

ricorde d'Hoogstraeten (xvi e siècle) 227

— 146. Dalila et Samson (Satire des ribaudes d'armée). Miséricorde

d'Hoogstraeten (xvi e siècle) 228

— 147. Le pourceau dans sa bauge (Proverbe flamand). Miséricorde

d'Hoogstraeten (xvi e siècle) 229

— 148. Le monde à l'envers (Satire des rhétoriciens et des moines).

Miséricorde d'Hoogstraeten (xvi e siècle) 230

— 149. Le monde à l'envers (Satire dirigée contre les moines). Misé-

ricorde d'Hoogstraeten (xvi e siècle) 231

— 150. Satire de la vie conjugale (Proverbe flamand). Miséricorde

d'Hoogstraeten (xvi e siècle) 232

— 151. Parodie d'Hercule et d'Omphale. Miséricorde d'IIoogstraeten

(xvi e siècle) 233

— 152. Quelques statuettes décorant les parcloses des stalles d'Hoog-

straeten (vue d'ensemble) (xvi e siècle) 237

— 153. Un moine-porc (Satire d'un moine fumeur?). Statuette ornant

une parclose des stalles d'Hoogstraeten (xvi e siècle). . . 240

— 153 bis. Un singe mange une pomme. Satire d'Adam. Statuette or-

nan une parclose des stalles d'Hoogstraeten 241

— 153 1er. Une Vanitas (Un emblème de rhétoricien). Statuette de

parclose à lloogstraeten (xvi e siècle) 242


TABLE DES ILLUSTRATIONS 3 g 5


Pages

154. Des roses pour des pourceaux (et non pas des perles) (Pro- "

verbe flamand). Miséricorde de Rouen (xv- siècle) / 244

154 Zhs. S aire( / e /Wécis qui s'assied entre deux chaises P^l 1» n VCrb 7 efla ™ and )- Miséricorde de Rouen (xv* siècle). . 245

155. Il conclue le monde (Dicton flamand). Stalles de Saint-Seu-

rm,a Bordeaux. . . . 9

156. l'homme elle dragon. Miséricorde 'de Sa'int-Seurin ^Gironde) 247

157. Satire des débauchés. Miséricorde de Saint-Seurin à Bor-

deaux (xvi« siècle) „ 48

158. Il chie des œufs sans écailles (Dicton 'flamand). Miséricorde

de Saint-Seurin, à Bordeaux 249

159. Un bain mixte. Miséricorde de Saint-Seurin,' à 'Bordeaux'. '. ' 250

160. Satire d un chieur. Miséricorde de l'église des Saints-Gervais

et Protais (Seine) 051

161. Le clyetère (Satire d'un apothicaire). Miséricorde de ïégl'ise

des Saints-Gervais et Protais (Seine) 252

162. Une allégorie ou emblème. Miséricorde de l'église dés Saints-

Gervais et Protais (Seine) 253

163. La truie qui file. Sculpture à Rouen (xv e siècle). '. '. .' .' .' ' 254

164. Elle lierait le diable sur un coussin (Proverbe flamand).

Miséricorde d'Isle-d'Adam (Seine-et-Oise) 255

165. Plus puissante que le démon (Proverbe flamand). Miséri-

corde à Boos (Seine-Inférieure) 256

166. Il pisse sur la lune (Proverbe flamand). Miséricorde à Chain-

peaux (France) 257

167. La cure du ver solitaire (Dicton flamand). Miséricorde de

l'église de Saint-Martin, à Champeaux (France) 259

168. Satire des mendiants. Miséricorde à Vendôme (Loir-et-Cher), 260

169. Satire d'un guerrier musulman (Mahomet?). Miséricorde à

Vendôme (Loir-et-Cher). 261

170. Visage grotesque constitué par des feuillages. Miséricorde à

Vendôme (Loir-et-Cher) 262

171. Souffler dans la bourse (Proverbe flamand). Miséricorde à

Presle (France) 264

172. Un mendiant aveugle. Statuette d'une parclose de stalle

à Saint-Sulpice de Favières (France) • . . . . 265

173. La lutte pour la suprématie conjugale. Miséricorde à Sher-

bone (Comté de Dorset) (Angleterre) (xv e siècle) 270

174. Renard déguisé en moine. Satire de la vie religieuse. (Nord-

wich-Chelshire) (Angleterre) (xv e siècle) 271

175. L'oie ferrée. Satire d'un rnaréchal-ferrant. Sculpture de

stalle à Beverley (Angleterre) 272

176. Le quart d'heure de Rabelais. Miséricorde à Wellinborough

(Comté de Northampton) (Angleterre) (xvi e siècle) 273

177. Scène galante. Miséricorde à Hère ford (Angleterre) v xvi e s.) 274

178. Des roses pour des pourceaux (Proverbe flamand). Miséri-

corde à Kempen (Allemagne) (xv e siècle) 275

179. Le chat et le grelot (Proverbe flamand). Miséricorde à Kem-

pen (xv e siècle) 276


366 TABLE DES ILLUSTRATIONS


Pages

Fig. 180. Deux chiens se disputant un os (Proverbe flamand). Miséri- corde à Kempen (xv e siècle). 277

— 181. Une vierge sage. Miséricorde à Kempen (xv e siècle) 278

— 182. Une vierge folle, idem 271)

— 183. Un âne avec un chapelet, idem 280

— 184. Le briseur d'œufs, idem 281

— 185. Le moine couveur. Statuette de parclose à Kempen (XV e siècle) 281

— 186. Un porc met des culottes, idem 281

— 187. Celui qui tond le porc (Proverbe flamand), idem 282

— 188. On ne peut de la tête briser un inur (Proverbe flamand). Mi-

séricorde à Amsterdam (xvi e siècle) 283

— 189. L'homme qui veut faire une bouche plus grande qu'un four

(Proverbe flamand). Miséricorde à Amsterdam (xvi e siècle) 284

— 190. L'homme qui s'assied entre deux chaises (Proverbe flamand)

Miséricorde à Amsterdam (xvi e siècle) 285

— 191. La truie qui file. Miséricorde satirique à Amsterdam (xvi e s.) 286

— 192. Un bain mixte. Miséricorde satirique à Bàle (xvi e siècle). . . 287

— 193. Une bête diabolique, idem 288

— 194. Satire d'un grimacier, idem 288

— 195. Une bête infernale, idem 288

— 196. Le chat et le grelot (Proverbe flamand) (Estampe gantoise

du xvme siècle) 289

— 197. L'homme qui fait tourner le monde sur son pouce, idem. . . 289

— 198. Celui qui concilie le monde (Proverbe flamand), idem. . . . 289

— 199. Celui qui veut empêcher le soleil de luire dans l'eau, idem. . . 2 9

— 200. Celui qui porte d'une main le feu et dans l'autre l'eau, idem. . 289

— 201' Cela lui va, comme pincettes sur un porc, idem 289

— 202. Les sept femmes qui se battent pour la culotte, idem 291

— 203. Mieux vaut un oiseau dans la main que dix qui volent, idem. . 291

— 204. Celui qui économise un œuf et laisse fuir la poule, idem. . . . 291

— 205. Celui qui jette des roses aux porcs, idem 291

— 206. Deux qui chienl par un seul trou, idem 291

— 207. Celui qui tourne h tous les vents, idem 291

— 208. Celui qui pisse sur la lune, idem 293

— 209. Celui qui brûle une chandelle devant le démon, idem 293

— 210. Marguerite l'enragée met les culottes, son mari un jupon, idem. 293

— 211. Celui qui rase le fou, idem 293

— 212. Un homme instruit, idem 293

— 213. Celui qui se plie pour traverser le monde, idem 293

— 214. Celui qui chie des œufs sans écailles, idem 295

— 215. L'homme qui tient la maison, idem 295

— 216. L'homme assis entre deux chaises, idem 295

— 217. La femme qui fâche le chien, idem 295

— 218. Le chien dans la marmite, idem 295

— 219. L'homme qui baille devant un four, idem 295

— 220. Celui qui saute de l'âne sur le bœuf, idem 297

— 221. Celui qui joue de la flûte sur un balai, idem 297

— 222. La truie qui emporte le robinet, idem 297

— 223. L'un tond le mouton, l'autre le porc, idem 297


TABLE DKS ILLUSTRATIONS 367


224. Celui qui parle par deux bouches (Proverbe flamand) (Estampe

gantoise du xvm e siècle) 207

225. Celui qui met son manteau au vent, idem 2117

226. Icare (Satire des ambitieux) (Estampe de Jacques Horenbault

datée de 1608) 302 et 303

227. Satire de ceux qui servent deux maîtres, idem 302

228. Satire des bénéficiaires, idem 302

229. Le chariot de foin (Allégorie), idem 302

230. Satire des vicieux, idem 302

231. Satire de ceux qui cherchent la guerre, idem 302

232. Satire des soldats mercenaires, idem 302

233. Satire des damnés, idem 302

234. Satire des débauchés et des adultères, idem 302

235. Satire des impôts trop lourds, idem 302

236. Satire des voleurs et des coupeurs de bourse, idem 302

237. Satire des jolies flirteuses, idem 302

238. Satire des joueurs de dés, idem ' 302

239. Satire de ceux qui sèment l'ivraie avec le bon grain, idem. . . 302

240. Satire des colériques assassins, idem 302

241. Celui qui voit une paille dans Vœil d'un autre, idem 302

242. Satire des accapareurs de grain, idem 304

243. Satire dirigée contre les femmes, idem 302

244. Satire des hérétiques, idem 302

245. Satire des femmes querelleuses, idem 302

246. Satire des avares, idem 302

247. Satire de ceux qui refusent de bons conseils, idem 302

248. Satire des plaisirs d'un bordel, idem 302

249. Satire des ivrognes, idem ' 302

250. Satire des dormeurs, idem 302

251. Satire des soldats et des veilleurs, idem 302

252. Satire du démon et du péché, idem 302

253. Satire des mondains, idem 302

254. Satire des femmes orgueilleuses, idem 302

255. Satire de Vaveugle qui prétend conduire un autre aveugle, idem. 302

256. Entrée de stalle de la cathédrale de Plasence (xv ,; siècle)

(Espagne) " 308

257. Satire des moines flatteurs (Een gatlekker.) Frise d'un dossier

de stalle. Cathédrale de Séville (1461) 309

258. Satire d'un grimacier. Miséricorde à Najera (Espagne) (xv e s.) 312

259. Satire d'une négresse, idem 313

260. Entrée de stalle h Santo Domingo de la Calzada (Espagne)

(xvi e siècle) 316

261. Figure grotesque. Miséricorde à Fever (Espagne) (vers 1547). 3 h

262. Figure grotesque avec masques, idem 321

263. Cariatide grotesque. Stalles de Murcie (Espagne) (xvi e siècle). 322

264. Cariatide grotesque, idem , • • 3 ^ 3

264 bis. Sorcière nue débattant avec Satan. Scène de sabbat

d'après une miséricorde d'Aerschot (Restaurée) (Cul-de- lampe) 324


368 TABLE DES ILLUSTRATIONS


Pages

Fig. 265. Tête grotesque ornementale. Miséricorde à Nivelles (Belgique)

(xvi e siècle) s 327

— 266. Masque drapé a l'antique, idem 328

— 267. Tète de Méduse, idem 320

— 268. Frise renaissance flamande à Anvers (xvn e siècle) 332

— 269. Tête grimaçante. Miséricorde à Grimberghe (Belgique;

(xvn e siècle) 333

— 270. Tête grimaçante diabolique, idem 335

— 271. Une sainte chassant des démons. Frise des stalles du couvent

des RR. PP. Augustins, à Gand (xvn e siècle) 336

— 272. Un prêtre tenté par des démons pendant le saint Sacrifice de la

messe. Sculpture des stalles du couvent des Augustins, à

Gand 337

— 273. Visage grotesque . Mauclair, à Gand (xvn e siècle) 338

— 274. Tête de satyre riant, idem 339

— 275. Sorcière nue s'éhattant avec Satan. Scène de sabbat d'après

une miséricorde d'Aerschot (Restaurée) (Cul-de-lampe) . . 340


TABLE DES MATIÈRES


Pages Avant-propos


a m


CHAPITRE PREMIER

LE GENRE SATIRIQUE DANS LA SCULPTURE BELGE


Les œuvres des sculpteurs fantastiques et grotesques précédèrent celles des peintres de l'école des drôles. — Ces sculptures ont été jusqu'ici méprisées par les artistes et les savants belges. Elles présentent cependant le plus grand intérêt pour l'étude des mœurs de nos ancêtres médiévaux. — C'est dans le genre satirique et réaliste que l'art populaire llamand trouva son expression la plus puissante et la plus complète. — Caractère démocratique de l'art flamand. On y voit se refléter toute la vie réelle des corporations. — Les artistes belges aux époques médiévales sont considérés comme des artisans. Comme eux ils payent patente et suivent les artisans aux marchés où ils étalent côte à côte leurs productions. — L'art si spécial de Jérôme Bosch et de Breughel le Vieux se trouve en germe dans les sculptures des miséricordes. — Les sculptures extérieures et intérieures de la cathédrale de Bois-le-Duc. dont Jérôme Bosch est originaire, eurent une grande influence sur l'œuvre du maître. Elles expliquent certaines scènes de ses sujets religieux et de ses cauchemars infernaux. — Pourquoi les miséricordes belges sont précieuses. — La cathédrale choisie par les imagiers médiévaux pour y exercer leur verve drolatique. — L'église pour les illettrés était un abrégé du monde, elle leur tenait lieu de livres et d'archives. On y trouve le génie des sociétés primi- tives et les premières traductions de la pensée hnmaine. C'est la « Bible du Pauvre ». — Quelques vers de Villon. — Les obscénités dans les églises s'expliquent * *


CHAPITRE II

LES STALLES ET LES « FAISEURS » DE STALLES EN BELGIQUE

L'origine des stalles en Belgique remonte à une époque reculée. — La réputa- tion des « beeldesnyders » et des huchiers s'établit de bonne heure. — Leurs ouvrages sont appréciés au loin et exportés en grand nombre. — Les musées

24


370 TABLE DES MATIÈRES


Pages

possèdent de vrais chefs-d'œuvre de menuiserie artistique. — Leur rareté relative en Belgique. — Les stalles belges. — Descriptions de leurs diverses parties constitutives. — Leurs miséricordes, ou patiences. — Pourquoi ces sièges furent choisis pour l'exécution d'œuvres drôles ou licencieuses. — Les stalles belges antérieures au xn e siècle. — Les stalles de Gendron-Celles et d'Hastières (xm siècle). — Les stalles de Gand (xm e siècle). — Les stalles de Saint-Jacques et de Sainte-Croix à Liège (xiv e siècle). — Les stalles de Lou- vain, de Bruges, d'Aerschot, de Diest (xv c siècle). — Les stalles de Walcourt et d'Hoogstraeten(xvi e siècle). — Le métier ou gilde des sculpteurs. — Saint Claude et les quatre couronnés. — Les règlements et privilèges. — Obliga- tions des membres. — Les gildes artistiques belges organisées dès la pre- mière moitié du xiv e siècle. — Leur caractère presque aristocratique. — Affiliation des membres à d'autres sociétés ou confréries d'armes ou d'agré- ment. — Les chambres de rhétorique. Caractère parfois satirique et licen- cieux de leurs représentations et tableaux vivants. — La parodie du Juge- ment de Paris exécutée à Lille lors de la joyeuse entrée de Charles le Témé- raire. — La chambre rhétoricienne du « panier dans fond », à Gand. Ses tableaux vivants. — L'Adoration de l'agneau, des frères Van Eyck, mimée en public en 1458. — Costumes et armoiries des gildes. Leur orgueil : les savetiers de Gand ont sauvé la bannière de Guillaume de Normandie en 1103!

— Beaucoup d'anciennes gildes existent encore : sept cents de ces sociétés répondent à l'appel du comité organisateur du cortège de Bruxelles, en 490o.

— Les vénérables confréries de Saint-Sébastien, à Ypres, de « Zeegbaere Ilerten », l'Union et Constance, et la confrérie de Saint-Sébastien, à Bruxelles.

— Les arquebusiers de Visé. — Saint-Georges de Poperinghe. — Les boulan- gers de Bruges et les cent trente couples dansants de Haeren. — Les chambres de rhétorique : les « Fontainistes » de Gand, ceux de Ghistelles, etc.

— Les fêtes et les anniversaires des gildes et confréries. — Leurs amuseurs, leurs fous et leurs démons. — Leurs plaisanteries et jeux. — Les danses et les jeux de l'épée. — Jalousies entre les métiers artistiques. — Les huchiers belges. — Ceux de Gand moins connus : Cornelis Boone, Mark, Jan et Gys- brecht van Gestele, Jan et Pierre Bulteel, Jacob Belte, la famille Klyncke, Ghesselbrecht van Mierlo, Willem Iluicke, etc. — Leurs œuvres citées mais disparues 9 à 24


CHAPITRE III

LES MISÉRICORDES D'HASTIÈRES (xill c SIÈCLE^


Les miséricordes du prieuré d'Hastières sont les plus anciennes de la Belgique. Leur facture est plutôt barbare. On y retrouve cependant un écho du monde primitif à cette époque, c'est-à-dire l'influence des croisades et l'appréhension du seigneur féodal, parfois méchant. — La crainte du musulman, confondu avec la race nègre. — La terreur du démon. — Les masques des miséri- cordes d'Hastières sont analogues à ceux que nous montrent les géants encore populaires en Belgique : Antigon et Pallas, d'Anvers, avec leur cortège de baleines et de dauphins; « Gquyasse », ou le Goliath à turban, d'Ath; le che- val Bayard et les quatre fils Aymon, d'Alost et de Termonde ; les quatre géants de Vilvorde; le grand géant à turban, de Nieuport, et le petit « Reus », de Grammont; le Doudou ou la grande tarasque, deMons. — La fin tragique des géants de Wetteren, qui mirent en colère Napoléon I er . — Les grimaciers et


TABLE DES KATIÊRE8 371


Page»

les visages composés de feuillages. - Premières satires. - La femme nu- " disante. - Satires de la gourmandise et de la luxure, symbolisées par le porc. - Le moine, a l'abri des vicissitudes, du monde, présente seul un visairc beureux et souriant. La satire symbolique du vin et du mariage. - Les sculp- tures supprimées. — Leur caractère licencieux probable. — Une miséricorde remplacée dans les premières années du xv* siècle. — Son millésime. 25 à 36


CHAPITRE IV

LES MISÉRICORDES DE LIEGE (xiV c SIÈCLE]


Les miséricordes de Saint-Jacques et de Sainte-Croix, à Liège, constituent un grand progrès sur celles du siècle précédent. — Leur caractère fantastique. — Les dragons, salamandres et oiseaux de l'église Saint-Jacques. — Les feuil- lages disposés en visages grotesques. — Sculptures analogues à (iand. — Scènes scatologiques semblables à celles de Saint-Seurin, de Montreuil-sur- Mer, d'Évreux, etc. — Le « mannekenpis » de l'église Saint-Martin, à Cliam- peaux. — Les scènes scatologiques en Hollande. — Le ver solitaire (Amster- dam). — Les plaisanteries peu raffinées de nos ancêtres. — La perte des culottes, exhibitions des parties charnues, exploits des pétomanes. — Odeurs infectes qu'ils répandaient. — La miniature de Jean Fouquct, à Chantilly. Le bonhomme, ou la femme accroupie, servant de monogramme à des peintres de l'école de Jérôme Bosch et de Breughel le Vieux. — Leur signification. — Proverbes scatologiques. — - Les figures décorant les rampants des par- closes de Saint-Jacques. — Satires du moine, du clerc, de lévêque, des femmes et des courtisanes. — Dès le xm e siècle, les poètes flamands stigma- tisent la corruption des mœurs de leur temps. — Satires de van Maerlant dirigées contre les évèques et les prélats. — Leur orgueil et leur luxure. — Van der Lore, dans ses poèmes satiriques, prend à partie les chevaliers, les nobles dames, les clercs, les religieuses, les moines, les béguines et les curés.

— Jan Deckers, greffier de la ville d'Anvers, s'élève, dans son Xieuwen Doc- trinael, ou Miroir des péchés, contre tous ceux, prêtres ou laïques, qui. âpres au gain, vivent dans le iuxe et la dépravation. — Il stigmatise les tra- fiquants d'indulgences, les juges prévaricateurs et le culte idolâtre des images, ainsi que les excès qui accompagnent certains pèlerinages. — Los huit formes de la luxure. — Liège connu pour ses mœurs relâchées. Dès 1436 on y établit, dans des églises, la fête de la Reine des concubines. Cérémo- nial de cette fête. — Les fêtes des Innocents, de YÉvèque de fous et de Yûne.

— La prostitution dans les grandes villes flamandes : à Gand, à Bruges et â Damme. — Peines sévères édictées en 1297 contre ceux qui abusent d'une demoiselle patricienne, avec ou sans son consentement. — Les bordels et les bains relégués par les échevins de Gand dans le quartier « Outre- Escaut » (Overschelde). — Les noms de quelques-uns de ces lieux de plai- sirs : La « Vulve de Vache », « Sodoma », le « Bordel des bourgeois ». — La rue de « Kontentast ».— Le suicide d'une prostituée, à Gand. —D'autres figures satiriques prennent à parti les savants, les gens difformes et contre- faits. — Satire d'Adam. — Les stalles de l'église Sainte-Croix. — Un damné.

— Dieu le Père (?), dragons et monstres infernaux, faisant présager les cau- chemars peints de Jérôme Bosch. — Liste des miséricordes et des accoudoirs

de Saint-Jacques. — Liste des miséricordes de Sainte-Croix, à Liège. 37 à 66


372 TABLE DES MATIÈRES


Pages

CHAPITRE V

LES MISÉRICORDES DE LOUVAIN (XV e SIÈCLE)


Nicolas de Bruyn et Gérard Goris, de Bruxelles, sont les auteurs des stalles et des miséricordes de l'église Saint-Pierre, à Louvain. — Le travail, commandé en 1438, fut terminé en 1442. — Les miséricordes, à côté de sujets primitifs déjà vus, nous offrent quelques éléments nouveaux empruntés aux Bestiaires. — La sirène, d'après les Bestiaires. — La légende de Mélusine et le Roman de Jean d'Arras. — Invocation antique des femmes en couche à « Merlu- sine ». — Le guerrier marin. — Persistance des images de grimaciers et d'histrions. — Le fou classique. — Paep Thoen. — Les bétes réelles et fan- tastiques. — Goût des Louvanistes pour les géants et les bêtes colossales, qui figurèrent de bonne heure dans leurs processions et leurs cortèges. — Le grand Ommeganck de Louvain décrit par un chroniqueur du temps, Willem Boonen. — Les vierges conduisant des monstres. Les rois, les chars, Adam et Eve représentés au naturel, c'est-à-dire nus; les Machabées et le démon. — Les dragons. Souvenir de l'épopée animale du Renard; celle-ci prit son ori- gine en Belgique. — Le singe et d'autres sujets mettant en scène des hommes ou des femmes dans un certain décor. — Le fabricant de flèches de Louvain et les prisons en Belgique. — Le démon. — La tour de l'église de Meir renversée par le diable et placée « sens dessus dessous ». — Le diable du grand Ommeganck, de Louvain, figure plusieurs fois dans les comptes communaux de cette ville, au xv e siècle. — Les stalles de l'église de Saint- Pierre, à Louvain, furent jadis très belles. Malheureusement, les hauts dos- siers qui s'appuyaient contre les murailles, et présentaient, dans leur partie supérieure, de superbes couronnements en saillie en forme de dais, furent enlevés en 1803. C'est à la même époque que l'on supprima la première ran- gée des stalles, c'est-à-dire les stalles basses. — On connaît les auteurs et la date de l'exécution de ces belles menuiseries artistiques. Les frais en furent supportés, pour moitié, par la ville de Louvain et par le chapitre. Le tra- vail dura trois ans et les dernières stalles furent placées en 1442, le jour du « Lundi perdu » 67 à 82


CHAPITRE VI

LES MISÉRICORDES DE BRUGES (XV e SIÈCLE^


Les stalles de l'église Saint-Sauveur, à Bruges — malheureusement remaniées entre le xv" et le xvm e siècle — sont fort belles. Elles datent de la première moitié du xv e siècle. Les miséricordes de ces stalles présentent un caractère très particulier, car on y retrouve une influence visible de la lecture des fa- bliaux français, qui, de bonne heure, furent traduits et imités en langue flamande. — Bon accueil réservé à la cour comtale de Flandre aux trouvères méridionaux. Philippe d'Alsace et Chrétien de Troyes. Celui-ci lui dédie un de ses romans. — Baudouin de Constantinople, entouré de ménestrels, de treuvères et de jongleurs, cuitive lui-même la poésie et compose des lais et fabliaux en langue provençale. — Influence exercée de bonne heure, à Bruges, par l'art et la littérature française. — Le luxe flamand s'approvisionne à Paris. — L'élégance de la noblesse flamande rivalise avec celle de l'aristocratie


TABLE DES MATIÈRES 373


Page française, dont elle s'inspire. - Le mot « flamich . devenu synonyme de uftee " et de bon goût - Emploi presque général, à Bruge., de 2T2ÏÏES?

listef Te U ^: r tir q e Ue M OUrS " 8ra r nne; •»*£■ "*£& cl~S.o«:

listes. - Le libertinage et les excès des grands. - Examen des diverses misé- ricordes ou se reflètent, d'une façon curieuse, la vie raffinée et \2 mœurs galantes de cette époque. - Les sculptures décoratives de l'hôtel de ville de Bruges qui datent du xiV siècle (1376-1399), représentent déjà des sujets empruntes a des egendes ou des fabliaux d'origine française. L Sculptures grivoises décorant l'atre familial. - La sorcellerie en Belgique. - La croyance générale au pouvoir malfaisant des sorciers et des sorcières. - La bulle du pape Innocent VIII en 1484. - La sorcière de l'église Notre-Dame, de Hal

— Procès de sorcellerie aux xvi« et xvii- siècles. - Les exécutions de sor- cières aux xvm e et xix' siècles 83 à 10*

CHAPITRE VII

LES SCULPTURES SATIRIQUES DE DAMME (XV e SIÈCLE)

Dans les sculptures de Damme, il faut voir une réaction contre la mode du romanesque et du chevaleresque, inspirée par les poésies venues de France.

— Les négociants de Bruges et de Damme se moquent des fables méridio- nales.— Ils préfèrent la satire^du Benard et les exploits de Thyl Uylenspic- ghel, le héros populaire flamand. — Caractère des sculptures de Damme. — Leur auteur et la date de leur exécution. — Wautier van Inghen. — Quelques mots sur le port de Damme pour comprendre le caractère satirique de ces sculptures. — L'ensablement du Zwyn. — Description des sculptures. — Sujets religieux et licencieux juxtaposés. — La satire des médecins et des mœurs des habitants de Damme caractérise la première semelle de poutre.

— La deuxième représente le grand poète flamand van Maerlant, pris par le peuple pour l'image de Thyl Uylenspieghel, avec, dans la partie supérieure, la satire des débauchés qui fréquentent les étuves à femmes. — La troisième nous montre, au-dessus d'une image de la Madone, un personnage à genoux inspectant l'orifice d'une truie (en flamand Zwyn). Signification de ce sujet burlesque. — Un mot sur la polychromie des sculptures en bois. Les semelles de poutres satiriques d'Audenarde. — Le lai de Virgile le magicien. — La femme incandescente allumant des cierges d'une façon extraordinaire. — Les sculptures satiriques de l'hùtel de ville de Courtrai. — Satires dirigées contre les femmes. — La sculpture du Musée de Bruges. — L'apothicaire appliquant, dès le xv e siècle, en pleine rue, le « remède » illustré par Molière. Sujets analogues en France. — La prise du clystère à l'époque de Louis XIV et de Louis XV. — Les gravures galantes françaises de la fin du xvm e siècle repré- sentant le même sujet. — Quelques semelles de poutres curieuses de la région.

— L'homme et la femme de West-Vleteren. — Les sculptures grotesques de l'Écluse. — Le couple amoureux de Gand 403 à 124

CHAPITRE VIII

LES MISÉRICORDES DE DIEST (XV e SIÈCLE)

Les stalles de Diest (Saint-Sulpice) appartiennent à la fin du xV siècle. — Leurs miséricordes sont les plus belles de la Belgique.— Elles portent le millé- sime de 1491 et sont très probablement sculptées par Jean Borremans, de


374 TABLE DES MATIÈRES


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Bruxelles. — Ces sculptures profanes présentent le plus grand intérêt. — Le voleur de pommes. — Souvenir ô^Uylenspieghel. — Le fou avec son chat. — Sujet similaire à Gourtrai. — Les animaux maltraités étaient un objet d'amu- sement chez le peuple. — Exemples tirés des archives. — Le « Katten Smij- ten », à Ypres. — L'orgue composé de matous. Danses d'animaux maintenus sur une plaque chauiTée lors de la joyeuse entrée de Philippe II à Bruxelles.

— Le brouetteur de chiens. — Satire des Juifs qui ne mangent pas de porc, mais se nourrissent de chiens. — Le dragon, le mendiant infirme et loque- teux, que nous voyons si souvent dans l'œuvre peinte de Jérôme Bosch et P. Breughel, très rare en sculpture. — Le Pélican, la Sirène, le guerrier ma- rin. — Le danseur tombé. — Les « lochte Gentenaers », à Gand. — Le singe et le fou. — La courtisane et la prostitution au xv e siècle, en Belgique. — Les fêtes religieuses, prétextes à des saturnales indescriptibles. — Le pèlerinage d'Hauthem-Saint-Liévin défendu. — L'homme devant le four, la bouche ouverte. — Fréquence de ce sujet parmi les miséricordes belges et étran- gères. — Autres sujets : le Démon, la satire burlesque des horlogers et de leur «soufflet». — Tête de vieille, le Juif-Errant, la satire des Usuriers juifs.

— Satires de la soif de l'or et de l'argent. — Van Maerlant et les trouvères français. — Similitude entre les sculptures extérieures de l'église Saint-Sul- pice, à Diest, et celles qui décorent la cathédrale Saint-Jean, à Bois-le-Duc. L'art de Jérôme Bosch se retrouve en Belgique en sculpture, avant de se développer en Hollande 125 à 150


CHAPITRE IX

LES MISÉRICORDES d'aERSCHOT (FIN DU XV e SIÈCLE)

Les stalles d'Aerschot sont presque de la même époque que celles de Diest. — Elles présentent un art et un esprit presque semblables. — Satire des Juifs, qui méprisent la viande du porc et qui, témoin l'enfant prodigue, sont heu- reux de partager la nourriture de cet animal. — Le singe tenant une bourse, satire de la richesse. — Le démon, satire des ivrognes et des moines. — Une femme nue chevauche un être diabolique. — Satire des sorcières se livrant à Satan dans les sabbats. — Satire des voleurs de poules. Le vol bien combiné applaudi au moyen âge. — Thyl Uylenspieghel. — Coutumes cruelles en Cam- pine. — Le proverbe flamand : des roses pour les pourceaux. — Autre satire des Juifs. — Satire des flagellants, indécences publiques. — La flagellation est un des châtiments les plus populaires au moyen âge. — Quelques exem- ples de fustigations jusqu'au sang, en chambre fermée et ouverte, ou bien sur un char promené en ville. — Aventurières fustigées publiquement et marquées au fer rouge : Anna Souhieres, « dame de haut lignage », et Ga- brielle, dite la fille du comte. — Nouvelle satire d'un Juif, promené sur un animal dont il tient la queue. — Les persécutions dont les Juifs étaient l'objet.

— Autres satires. — L'homme qui abaisse ses chausses. — Satire des histrions.

— L'homme près d'un four. — Satire des femmes. — Elle lierait le diable sur un coussin avec des rubans (proverbe flamand). — La fable du Benard et de la Gigogne. — Satire des moines; un pourceau qui porte la capuce. — Satire du Turc musulman. — Le Juif-Errant. — La légende du Juif-Errant d'Ypres, qui visita réellement cette ville en 1623, et fut pendu à Gand peu après. — Le guerrier marin. — Un fou avec un calice. — Un meurtre. — Les danses de paysans avant Breughel. — Parodie des Vierges sages et des Vierges folles.

— Le moine nu. — Liste complète des miséricordes d'Aerschot, , . 151 à 174


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CHAPITRE X

LES MISÉRICORDES DE WALCOL'RT (XVI e SIÈCLE)

Les stalles et les miséricodes de l'église Saint-Mateme, à Walcourt, datent de la31. — Elles y furent placées sur l'ordre de Charles-Quint — Plus une toutes les autres miséricordes de la Belgique, elles reflètent les traditions populaires et la grosse bonne humeur de nos pères, que n'effarouchait pas une plaisanterie un peu crue. - Le Renard, en costume de moine, prêchant devant des gallinacés crédules. — Satire d'un maréchal-ferrant qui pose un fer à cheval à une grue. - Le monde à l'envers. - Satire des galants, mon- trant aux dames comment il faut se défendre de leurs entreprises. — Satire du vicieux, proie naturelle de l'enfer. — Encore l'homme au four. — Satires d'un moine et d'un baladin ou histrion. — Une grue parée d'un collier, satire des orgueilleux. — Un sagittaire. — L'homme qui sort dégoûté du monde. — Un tableau analogue de Joachim Patenier, chez le prince de Salm- Salm. — Une famille de chieurs. — Les water-closets en Belgique dans la première moitié du xix 9 siècle. — Gomment, et où, un ministre et un grand historien conversaient à Ypres, en 1884. — Les plaisanteries scatologiques de Thyl Uylenspieghel. — Gomment le héros flamand surpassa en folies le fou du roi de Pologne. — Les excréments déposés ou manipulés par Uylenspie- ghel dans ses farces. — La plus ancienne édition de son histoire. — Comparai- son de nos miséricordes les plus licencieuses avec les gravures du même genre à la même époque. — Le Mary fessé. — Le Bordeau. — La Ceinture de chas- teté. — La Lutte pour la culotte. — La Braguette. — Le Priape, etc. — La femme nue de Wiericx. — Les peintures et les gravures licencieuses fran- çaises au xvm e siècle. — Les grimaciers. — Satire des histrions. — Autre sujet scatologique. — La femme conduisant l'homme. — Sujet licencieux rappelant le supplice du chevalier de saint Louis au siège d'Acre, d'après Joinville. — Satire des tournois et des femmes. — Deux dames nues rompent une lance, à cheval sur des montures humaines. — La femme savante. — Satire d'un moine et d'une religieuse (groupe). — Le moine mouton. — La sirène et le guerrier marin. — Satire de l'entêtement. — Satire des Juifs et des disloqués. — Saint Antoine patron des malades. — La mal des ardents. — Les symptômes de ce mal effrayant. — Les remèdes. — L'ermitage au bois d'Havre, près de Mons. — La fête populaire de saint Antoine, à Mons. — Les crosseurs de saint Antoine. — La fête des enfants. — Liste complète des miséricordes de Walcourt 175 à 198


CHAPITRE XI

LES MISÉRICORDES d'hOOGSTRAETEN (XVI e SIÈCLE)


Les miséricordes d'IIoogstraeten présentent un caractère profane nettement folklorique. — Elles sont l'œuvre d'Albrecht Gelmers et furent exécutées en 1531-1548. — Satires des buveurs, des mauvais ménages. — Proverbes : des roses pour des pourceaux; une bonne femme doit être battue. — Satire des tournois, leur écho dans l'histoire de la ville de Gand. — Satires de la vie religieuse, des fous et des musiciens. — La grande fête ou « triomphe »> des fous à Bruxelles en 4551. — Peu de cris beaucoup de laine, scène de voleurs. — Parodie du Christ aux outrages. — Uylenspieghel porté par deux hommes.


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— Autres proberbes flamands. — Le combat pour les culottes. — La satire des moines et des l'ailles de femmes. — Horreurs qui se commettaient sous ce vêtement, dont le port fut supprimé à Gand en 1606. — Les moines mo- lestés par les filles légères. — Satire de la vie conjugale. — L'homme dans le tonneau (supplice peu connu du moyen âge). — Réception burlesque d'un apprenti. — Satire des châtelains ou des seigneurs. — Le supplice du panier, d'après les archives gantoises. — Môme sujet à Courtrai et à Assche. — Le jeu de la « pannoy ». — Samson fait crouler le palais des Philistins. — Satires des moines, alors très mal vus par l'autorité ecclésiastique. — Les Frères Mineurs et Dominicains détestés à Gand et accusés d'hérésie. — Autres satires des buveurs et des Juifs. — Autres proverbes flamands. — Version inédite, à trois personnages, du combat pour la culotte. — On ne peut briser les murs avec la tête. — Celui qui voit clair n'a pas besoin de lunettes. — Uylenspie- ghel lunetier. — La cavalerie d'Hoogstraeten. — Satire de la belle-mère. — Le lai de Virgile. — La parodie du lai d'Aristote. — Le pilier d'église. — Une arrestation. — L'homme devant son four. — Samson portant les portes de Gaza. — Satire des savants. — Samson et Dalila ou la duplicité de la femme.

— Dalila porte le costume des ribaudes de l'armée espagnole. — La poule mouillée. — Satire des Juifs, des moines et des rhétoriciens. — Ces derniers accusés d'hérésie et persécutés sous le régime espagnol. — Les moines chassés du monde. — Les œuvres satiriques où figure la sphère terrestre. — Le ta- bleau satirique du Prince de Salm-Salm.par Patenier. — Plaisir pour la femme, peine pour le mari. — Parodie d'Hercule et d'Omphale : le Renard. — Le lièvre qui vient se faire rôtir. — Quelques stalles et miséricordes plus an- ciennes qui se trouvent dans le transept gauche de l'église d'Hoogstraeten.

— Liste résumée des miséricordes 499 à 242


CHAPITRE XII

LES MISÉRICORDES BELGES EN FRANCE


A partir de la seconde moitié du xiv e siècle, l'esthétique flamande prédomina dans la plupart des pays de l'Europe et cette influence se continua jus- qu'aux débuts du xvi e siècle. — Nombre d'imagiers du Nord émigrèrent surtout vers la France. — Les huchiers et les « beeldesnyders » belges en France et à l'étranger. — La modicité des prix de ces « faiseurs de stalles». — Les registres des fabriciens de la cathédrale de Rouen. — Les nom- breux noms flamands qu'on y trouve. — Champfïeury a raison de dire que les compagnons flamands apportèrent avec eux en France un répertoire de sujets profanes, qui leur sont propres, « généralement fantasques, cyniques ou bouffons ». — Leur raison d'être dans l'ornementation des stalles. — Importance non encore reconnue de la connaissance des proverbes flamands pour identifier les auteurs de certains sujets profanes à l'étranger. — Des roses (et non pas des perles) pour les pourceaux ; l'Indécis, assis entre deux chaises; la femme qui veut prendre trop de choses à la fois, sont bien des proverbes flamands, sculptés sur les miséricordes de la cathédrale de Rouen. — Les Proverbes flamands, peints par Pierre Rreughel le Vieux au xvi e siècle. — Les miséricordes de Saint-Seurin, â Bordeaux, auraient une origine belge; la sculpture où l'on conchie le monde : le fuyard happé par le derrière ; un homme et une femme nus, cette dernière coiffée du bonnet anversois ; le personnage pondant des œufs sans écailles, sont également des dictons ou sujets drolatiques populaires en Belgique. — Les miséri-


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Pages cordes de l'église des Saints-Gervais et Protais sont dans le même cas- une "

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to , ffle * "' ie / e » l ™ e ™ s < ^«ns une baignoire en bois Rappelant un des sujets satiriques de Damme) ; le chieur devant une porte; \ecupidon gras dormant appuyé sur une tête de mort, ce dernier sujet inspiré des . Em- blèmes », représentes par les rhétoriciens flamands. - Les miséricordes disparues de l'église des Mathurins, à Paris : une brimade de métier; „„, femme galante poursuivant un jeune homme nu; les tètes de vivants et de morts groupées ; lont également songer à des sujets d'origine belge - Il en est de même des miséricordes de Saint-Martin-aux-Bois (Oise). Description de diverses de ces sculptures. _ Les proverbes flamands : « Elle lierait le diable sur un coussin »; celui des deux chiens et de l'os, se trou vent sculptée sur une des miséricordes d'Isle-Adam (Seine-et-Oise). - La sorcière chevau- chant un démon à Boos (Seine-Inférieure). - Le « mannekenpis » inondant un van et la femme enroulant le ver solitaire expulsé par un homme nu, à Saint-Martin, à Ghampeaux. — Les miséricordes de Saint-Spire, à Corblie : celles de Cluny (place de la Sorbonne à Paris); de Saint-Léonard (Haute- Vienne) ; de Vendôme ; les sculptures de la collégiale de Brou : les miséri- cordes d'Evreux, d'Auch, de Presle, de Saint-Sulpice-de-Favières, de Gas- sicourt et d'Auxerre, constituent encore des œuvres flamandes ou rappe- lant l'art et les sujets favoris importés en France par les huchiers et les sculpteurs belges. ... 243 a 2(i8


CHAPITRE XIII

LES MISÉRICORDES BELGES A L ? ÉTRANGER


En Angleterre on trouve de nombreuses et? belles stalles, où l'influence de l'art flamand est visible. On sait que les artisans et artistes belges furent attirés de bonne heure dans ce pays par l'appât de gros salaires. Edouard III leur promit de plus de la bonne bière, des rôtis de bœuf succulents, des lits moelleux et bien garnis, « car filles d'Angleterre sont renommées pour leur beauté ». — C'est à des huchiers flamands ou belges qu'il faut attribuer les stalles et les miséricordes de la cathédrale d'Ely ; le mendiant cul-de- jatte; la truie jouant de la musique; des buveurs et autres groupes gro- tesques. — D'autres sujets populaires en France et en Belgique : la lutte pour la suprématie dans les ménages ; une femme donnant la fessée à un écolier; des satires des moines et du Renard, se trouvent sur les miséricordes de Sherbone. — D'autres groupes mettant en scène des épisodes inédits de l'épopée animale se trouvent à Christ-Church, à Beverley, à Nantwich et à Boston (Lincolnshire). — V oiseau ferré, déjà vu à Walcourt, se retrouve au cloître de Beverley. — D'autres sujets populaires en Flandre se remar- quent à Wellinborough, à Ludlow, à Hereford, à Westminster et à Win- chester. — Parmi les stalles belges exécutées en Allemagne, il faut citer en première ligne celles de Kempen. On y remarque : des roses pour des pour- ceaux ; l'homme qui suspend un grelot au cou de son chat; deux chiens se disputant un os; celui qui veut ouvrir une bouche plus large qu'un four ; l'homme qui tond un porc, et l'autre qui tond le mouton ; les vierges sages et folles: l'âne avec un chapelet, etc., etc.; tous sujets figurant parmi les recueils des proverbes, ou dictons flamands, connus. — Quelques miséri- cordes de l'église Saint-Nicolas à Amsterdam. — Les stalles et les consoles sculptées de la cathédrale de Bâle, où l'on retrouve également le souvenir des


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sujets fantastiques, satiriques et licencieux, déjà vus en Belgique. — Les stalles de Xanten, de Boppard ; celles de la cathédrale d'Ulm, de Lund et de Kut- tenberg offrent également des réminiscences pareilles et l'aspect d'un art inspiré par les imagiers flamands. — Les stalles et les miséricordes belges conservées en Espagne. — Un mot sur les proverbes flamands. — Les trente proverbes, reproduits d'après un bois gravé au xvm e siècle, à Gand. et dont les épreuves imprimées se vendirent jusqu'au milieu du xix e siècle. — La plupart de ces sujets figurent sur les miséricordes et peintures satiriques des xvii e et xvm e siècles. — Leur comparaison avec les proverbes de la composition de Pierre Breughel le Vieux, prouve que beaucoup de dic- tons, encore populaires aujourd'hui (grâce aux traditions orales), furent supprimés par la censure sur les œuvres belges datant des xvn e et xvm e siècles 269 à 304


CHAPITRE XIV

LES SCULPTURES PROFANES DANS LA PÉNINSULE IBÉRIQUE


L'étude des sculptures profanes qui décorent les stalles médiévales de l'Es- pagne, présente un puissant intérêt. Ces curieux reliefs sont pour ainsi dire inconnus. — Influence considérable qu'exercèrent les artistes flamands sur l'art de la Péninsule. Les ouvriers d'art venus des Pays-Bas s'établirent en grand nombre en Espagne depuis l'époque médiévale. Ils y établissent des « Nations flamandes » pourvues de riches fondations. Les « nations » ou colonies flamandes à Séville, à Cadix, à Madrid et à Lisbonne. Celles de Bar- celone, de Bilbao et de Burgos. — La Nation de Séville possédait des membres appartenant à toutes les classes de la société. Elle comprenait non seulement des peintres et des sculpteurs, mais des ouvriers d'art de tous genres. Fréquence des noms flamands dans les archives espagnoles et les comptes des églises de ce pays. — Jean de Gand, Danckaert, du Brabant, etc. — Les richesses de la « Nation de Séville », son apogée sous Philippe II et sa destruction en 1793. — La Calle de los flamencos borrachos à Cadix. — Les Flamands en Portugal. C'est par les voies commerciales que se fit l'impor- tation de l'art flamand au Portugal. — Le mariage de Philippe le Bon avec Isabelle de Portugal. — Les stalles d'Evora et de Thomar, exécutées par Oli- vier de Gand. Les sculptures flamandes d'Oporto. — Les stalles primitives espagnoles ne présentent guère de sculptures de figures que sur leurs misé- ricordes. C'est le cas pour les stalles de Miraflores, de Siguenza, de Ségovie, de Palencia, de Taragona et de San Juan del Reyes, à Tolède. Les miséri- cordes fantastiques d'Oviédo. — Celles de Saint-Sauveur, ou de « la Seo », à Saragosse. — Les stalles de Barcelone ont un caractère bien flamand ; on y reconnaît les proverbes familiers de la Flandre : Elle lierait le diable sur un coussin, etc. — Les stalles plus tardives fourmillent de sujets sculptés, pieux et satiriques. Les sièges sculptés de Plasence, montrent des sujets chers aux Flamands, la Satire des bains, la Lutte pour la suprématie des sexes, la Satire des chevaliers, etc. — Les stalles de Ciutad-Rodrigo : la fable du Renard et de la Cigogne, les satires des moines et des religieux; les satires des chantres d'église, la satire des joueurs de cornemuse, etc. — Les sièges sculptés de Santa-Maria la Real-de-Najera (Logrono); les merveil- leuses stalles de la cathédrale de Léon; ses proverbes flamands sculpté^ : « By den duyvel te biecht gaan » (aller à confesse chez le démon); La dame qui se présente à sa fenêtre pour recevoir un clystère (sujet déjà vu à Bruges). — Les sculptures des stalles d'Astorga, un Episode de la vie d'Uy-


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lenspieghel; autres sujets déjà vus sur les miséricordes flamandes. - Les stalles de Léon de Zamora OÙ Ton voit Renard préchant devant un auditoire de gallinacés, et « In de bus blazen, ■ représenté d'une façon grotesque par des enfants qut se soufflent dans le derrière, à l'aide d'un soufflet - \ ", sculptures des stalles de la cathédrale de Séville; leur importance au DO.Dl de vue lolklonque a 1 époque médiévale; Satire de Vavarice; Satire des ur- etères et des sorciers: Groupes damoureux; Satires des moines, des' tour- nois, des femmes et des chevaliers; nombreuses scènes infernales et de sor- cellerie. Proverbes flamands, etc. - Les stalles basses de la cathédrale de Tolède présentent également tous les caractères de l'art flamand .Scènes de meurtre et de carnage sur les dossiers; La prise d'Alhama: sur les parcloseï et les miséricordes, figures fantastiques et grotesques; Le jeu de la pannoi, « steygerspel »>. Les sculptures de la Chartreuse, de Xérès, de San Francisco à Madrid, de la cathédrale de Murcie, de Burgos, etc 305 a 324

CHAPITRE XV

STALLES ET MISÉRICORDES BELGES A L'ÉPOQUE DE LA RENAISSANCE (XVI e ET XVII SIÈCLES)

Les stalles et les miséricordes belges appartenant à l'époque de la renaissauce, c'est-à-dire exécutées aux xvi e et xvn e siècles, se ressentent de l'engouement général de nos artistes pour l'art de la Péninsule italienne. — D'un style ita- lien d'abord assez pur, les stalles se transforment peu à peu, pour aboutir à des productions nouvelles appartenant à un art nouveau plus exubérant, portant le nom de renaissance flamande. — Les stalles de l'église de Nieu- port. — Les grotesques italiens. — Les stalles et les miséricordes de l'église de Furnes. — Les stalles de l'église Saint-Martin, à Ypres. — Quelques stalles de la collégiale de Nivelles, datant de la fin du xvi e siècle, constituent de vrais chefs-d'œuvre de la menuiserie artistique de cette époque. — Leurs miséricordes. — Les stalles de Dixmude. — Les stalles de Binche, de Saint- Julien à Ath. — Parmi les plus belles stalles du xviu e siècle, il faut citer tout d'abord celles de l'église Saint-Jacques, à Anvers, qui sont d'une grande richesse et rappellent le style de Bubens. — Inscription satirique sur une peinture du paradis : « Ici Ton entre par la prière ou par la force de l'ar- gent ». — Les stalles et miséricordes de l'église Saint-Paul, dans la même ville. — Intentions satiriques probables dans les sculptures de ces deux églises. — Les stalles de la collégiale de Soignies et leurs miséricordes. — Les stalles de Notre-Dame-du-Lac, à Tirlemont. — Celles du petit séminaire de Florefte et de Saint-Nicolas, à Bruxelles. — Les importantes stalles et miséricordes sculptées de l'oratoire des Prémontrés, à Grimberghe, près de Bruxelles. — Les sculptures fantastiques inconnues du couvent des BB. PP. Augustins, à Gand. — Les stalles du xvm e siècle sont également fort belles.— Celles de la cathédrale de Saint-Bavon, à Gand, de la collégiale de Nivelles, de l'église Saint-Aubin, à Namur, etc., ne présentent guère d'intérêt au point de vue qui nous occupe . . 325 a 340

CHAPITRE XVI

CONCLUSION

C'est Charles Baudelaire qui eut le premier l'idée d'étudier le genre satirique ou l'histoire de la caricature, dans ses rapports avec les mœurs et les cou-


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tûmes populaires du temps. — Cette opinion n'est pas partagée parles auteurs pieux partisans du symbole. — Manière de comprendre l'histoire de la cari- cature chez ces auteurs. — D'après Baudelaire ce serait une immense galerie anecdotique, une histoire de faits. — Un pareil ouvrage est à faire. — Notre essai dans cette voie, pour ce qui regarde le genre satirique dans la sculpture des miséricordes de stalles en Belgique. — Ressources que présentent, pour cette étude, les nombreux documents flamands inédits, ou non encore traduits en français, conservés en Belgique. — Opinion de quelques folkloristes belges, tels que MM. A. de Gock, Pol de Mont, O. Golson, etc. — La carica- ture est-elle un genre ? Réponse de Baudelaire. — Quelques mots sur le rire. — Le sage ne rit qu'en tremblant. — Les œuvres qui nous sont utiles au point de vue d'une future histoire de la caricature. — La religion chrétienne réprouve le rire. — Le rire satanique, conséquence de notre orgueil. — La satire est la défense du faible. — L'étude de la race, son importance pour expliquer l'éclosion du genre satirique dans les provinces flamandes et wal- lonnes. — Opinion de M. Max Rooses, — Les caractères distinctifs des Fla- mands. — L'art de van der Weyden conduit à l'école des peintres drôles. L'esthétique de Jérôme Bosch ne peut se renfermer dans des frontières déter- minées. — Similitudes entre les sculptures et miséricordes de la Hollande, de l'Allemagne, de la France, de la Suède, de la Norvège et du Danemark. — Utilité de réunir leurs reproductions dans un ouvrage comparatif qui serait précieux pour l'étude du développement de la civilisation et des mœurs dans ces divers pays 341 à 348

Index alphabétique des noms de personnes et des noms de lieux qui sont mentionnés dans cet ouvrage 349 à 357

Table des planches 359

Table des illustrations dans le texte 359 à 368

Table des sommaires 369 à 380


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DU MÊME AUTEUR :

Une œuvre Inconnue de Jérôme Bosch. (Extrait de la Gazelle des Beaux- An. Paris, 1900.)

Roger van der Weyden et les imagiers de Tournai. (Extrait des mémoires couronnés et autres mémoires, de l'Académie royale de Belgique, Bruxelles,

loyjyjf.

Roger van der Weyden, sculpteur. (Extrait de la Gazelle des Beaux-Arts, octobre et novembre, Paris, 1901.)

Le genre satirique dans la peinture flamande. (Extrait des mémoires cou- ronnés par l'Académie royale de Belgique, Bruxelles, 1901.)

Nederlandsche spreekwoorden handelend voorgesteld door Peler Breughel de Oude. (Publié par l'Académie royale flamande, Gand, 1903.)

La satire animale dans les manuscrits flamands. (Extrait de la Gazette des Beaux-Arts, Paris, 1903.}

Breughel de Oude en de prenten van zijnen tijd. (Publié par l'Académie royale flamande, Gand, 1903.)

Le genre satirique dans la peinture flamande. (G. van Oest, Librairie Néer- landaise, Gand, Leipzig et Paris, 1903). Edition épuisée.)

A propos d'un tableau de Bosch au Musée de Gand. (Extrait de la Revue de l'Art ancien et moderne. Paris, 1906.)

L'art et les mystères en Flandre. (Extrait de la Revue de l'Art ancien et mo- derne, Paris, 1906.)

Une œuvre inconnue d'Henri (met de Blés). (Extrait de la Revue de l'Art an- cien et moderne, Paris, 1907.)

Le genre satirique dans la peinture flamande. Deuxième édition. Revue cor- rigée et considérablement augmentée, Bruxelles, 1907, 1 vol. in-8, 10 fr.

Les peintres Rhétoriciens flamands et le maître des femmes à mi-corps. (Extrait de la Gazette des Beaux-Arts, Paris, mars 1908.)

Le triptyque mutilé de Ziericksée. (Extrait de la Revue de l'Art ancien et moderne, Paris, septembre 1908.)

Les chefs-d'œuvre de Vart ancien h l'exposition de la Toison d'Or à Bruges en 1907. (La Sculpture, Bruxelles, G. van Oest et C ie , 1908.)

Bactave (Louis). Les Petits comédiens du Roi au Bois de Boulogne (1773-1779). Paris, 1909, in-8 de 44 p., br. (Extrait du Bulletin de la Société historique d'Auteuil et de Passy.) 2 fr.

Bouchot (Henri). Le cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale. Guide du lecteur et du visiteur. Catalogue général et raisonné des collections qui y sont conservées. Paris, s. d., in-8 de xxiv-392 p., 10 fr.

Bouchot (Henri). Le cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale. Table par Louis Morand et Mme Herviant. Pam, s. d., in-8 de 127 p., 12 fr.

Bouchot (Henri). Les portraits au crayon des XVI e et X VII e siècles. Conservés à la Bibliothèque Nationale (1525-1646). Notice, catalogue et appendice, Paris. 1884, fort vol., gr. in-8, deux portraits en fac-similé, 15 fr.; Le même, papier de Hollande, 25 fr.


Capon (G.) et R. Yve-Plessis. Les théâtres clandestins au XVIII*' siècle. Spec- tacles privés et licencieux des grands seigneurs et des courtisanes. Marie- Antoinette et la comédie grivoise. Le théâtre d'amour. Les après-soupers des petits-maîtres. Pièces et documents inédits. Paris, 1905, beau vol. in-8, orné de 8 pi. hors texte d'après les documents du temps. Il a été tiré de cet ouvrage : 530 exempl. numér., dont 10 exempl. sur Japon impérial (l à 10), à 35 fr. ; 20 exempl. sur Hollande Van Gelder (11 à 30), à 25 fr. ; 500 exempl. sur Vellum anglais (31 à 530), à 15 fr.

Capon (G.) et R. Yve-Plessis. Fille d'Opéra. Histoire de Mademoiselle Deschamps (1730-1764), racontée d'après des notes de police et des documents inédits. Paris, 1906, in-8, orné de 4 planches en couleur, d'un plan et 2 fac- similés. Tirage limité à 530 exemplaires numérotés comme suit : 10 exemplaires sur Japon impérial (1 à 10), épuisés; 20 exemplaires sur Hollande Van Gelder (11 à 30), 25 fr. ; 500 exemplaires sur Vellum antique anglais (31 à 530), 15 fr.

Capon (G.) et R. Yve-Plessis. Vie privée du prince de Conly. Louis-François de Bourbon (1717-1776). Paris, 1907, 1 fort volume de 425 pages, in-8, orné d'un beau portrait. Tirage limité à 600 exemplaires numérotés comme suit : 10 exemplaires sur Japon impérial (1 à 10), 30 fr. ; 20 exemplaires sur Hollande Van Gelder (11 à 30;, 25 fr. ; 570 exemplaires sur Vellum anglais (31 à 600), 15 fr. Cette édition ne sera point réimprimée.

Capon (G.) et R. Yve-Plessis. Lettres d'amour de Cyrano de Bergerac. Publiées d'après le manuscrit inédit de la Bibliothèque Nationale, avec une introduction de 36 p., in-8 écu, orné d'un portrait de Cyrano de Bergerac, 10 ex. sur Japon (1 à 10), contenant, en outre du portrait, une aquarelle origi- nale de Prosper Blain, exécutée pour chaque exemplaire par l'artiste lui- même, 50 fr. ; 50 ex. sur Japon (11 à 60), 15 fr. ; 250 ex. sur papier à la forme azuré (61 à 310), 7 fr. 50.

Chennevières ( Ph.de.). Souvenirs d'un directeur des Beaux-Arts. Paris, 1883- 1889, 6 part., gr. in-8, br. (Extraits de l'Artiste), 18 fr.

Chennevièkes (Ph. de). Essais sur l'histoire de la Peinture française. Paris, aux Bureaux de l'Artiste, 1894, gr. in-8 de 330 pages, br.. 6 fr. Intéres- sant travail tiré à petit nombre, orné d'un portrait de l'auteur gravé à l'eau- forte par Eug. Decisy, d'après Carolus-Duran. Le même, sur papier vergé, br., 10 fr.

Dalbon (Charles). Traité technique et raisonné de la restauration des tableaux, précédé d'une étude sur leur conservation, Paris, 1898, in-8 de 146 p., 3 fr. 50.

Dehaisnes (Mgr). La vie et l'œuvre de Jean Bellegambe. Lille, 1890, (gr. in-8 de 243 p , br. Orné de 6 héliogravures de P. Dujardin, reproduisant les six tableaux conservés à Lille, Douai, Arras et Berlin, et une planche du retable polyptique d'Anchin, 6 fr.

Dehaisnes (Mgr). Becherches sur le retable de Sainl-Bertin et sur Simon Marmion, peintre de l'Ecole flamande du xv e siècle. Lille, Valenciennes, 1892, gr. in-8 de 160 p.,br. Orné de 5 planches en héliogravure dont 3 représentant le retable et 2 des miniatures d'un Pontificat de Ferry de Clugny, attibué à Simon Marmion, 6 fr.

Dehaisnes (Le chanoine). Histoire de l'Art dans la Flandre, l'Artois et le Hainaut avant le X V e siècle. Lille, 1886, 3 vol. gr. in-4 d'ensemble 1730 p. Illustrés de 13 héliogravures de P. Dujardin.hr., 40 fr. — L'Histoire de l'Art, 1 vol. illustré de 15 planches (pris séparément), 25 fr.

Dlmier (L.). Les impostures de Lenoir. Examen de plusieurs opinions reçues sur la foi de cet auteur concernant quelques points de l'histoire des arts. Paris, 1903. Petit volume in-4 2 de 68 pages, tiré à 110 exemplaires numé- rotés, 2 fr. 50. ; 5 exemplaires sur papier vergé, 5 fr.

Dlmier (L.). Le portrait du XVI e siècle aux primitifs français. Avec les


difficultés dun anonyme an snjet de eetle Exposition. - (Notes et correc lions ««Catalogue office» su, eette partie de l'Exposition dWil-iui II et ? MM

P.r«, 1904, m-8 de 60 p., 2 fr. Quelques exemplaires su,- er^ TfV

D ™;»L<>-^!7«;e«C„„ (rame toachJni différai £?*.££

des arts. Paris, 1909, in-12 de ix-230 p br 7 fr 50

Dubois-Cokneau (Robert) U comte de" Prince' à Bruno» M774-I?tl> Recherches sur les Fêtes, le Théâtre, les Chasse, el le. Kevues de 2rV biniers, d après les documents inédits des Archive. Nationales et des Mémoires manuscrits ou impnmés. Paris, 1909, in-4 écu, de v-360 p., illustré de 28 planches hors texte et de 24 reproductions dans le texte, lin,,- , 300 exemplaires numérotes sur « Vellum » anglais 25 fr

Duchesne (Henri-Gaston). Histoire du Bois de Boulogne. Le château de Bagatelle (1,15- 908) d'après les documents inédits des Archives Nationales des Archives de la Seine et des Mémoires manuscrits ou imprimés. Péril \m in-8 raism illustré de 8 planches hors texte et de trois plans, à tirage limité' 20 exemplaires sur papier vergé d'Arches (1 à 20), 20 fr. ; 580 exemplaire* sur « Vellum » anglais (21 à 600), 12 fr.

Fichot (Ch.) et F. de Guilhermy. L'église impériale de Saint-Denis ti *et tombeaux. Illustrée de 31 gravures sur bois. Paru, 1867, in-12 (avec une suite de gravures tirées hors texte), 2 fr.

Furcy-Raynaud (Marc). Procès-verbaux des Assemblées du Jury par les Artistes exposants au Salon de 1791, pour la distribution des prix d'encoura- gement, publiés d'après le manuscrit original. Parie, 1906, in-3 de iv-130 p., papier vergé, 4 fr.

Livret de l'Exposition de la Jeunesse chez le peintre-expert J.-B. Lebhun en 1791. Paris, 1907, in-12 de 36 p., papier vergé. Cette réimpression d'un cata- logue unique est due aux soins de M. Furcy-Raynaud. Ce volume peut se joindre à la collection des anciens livrets réimprimés par M .1 Guiffrev 2 fr. 50.

Furcy-Raynaud (Marc). Deux musées de Sculpture française à l'époque de la Révolution. Inventaire de la salle des Antiques par Augustin Pajou et Cata- logue de sculpture du Musée spécial de l'Ecole française à Versailles. Périt, 1907, in-8 de 32 p., papier vergé, 2 fr.

Furcy-Raynaud (Marc). Chardin et M. d'Angiviller. Correspondance inédite de l'artiste et de sa femme avec le Directeur général des bâtiments du roi, publiée, annotée et précédée de l'éloge de l'artiste par A. Renou. Para, 1900, in-12 de 48 p., papier vergé, 2 fr. 50.

Furcy-Raynaud (Marc). L'engagement de Tocqué à la cour d'Elisabeth I rr , d'après des documents inédits. Paris, 1903, in-8 de 16 p., papier vergé, 2 fr. 50.

Furcy-Raynaud (Marc). Inventaire des sculptures commandées au XVIII e tiècle par la Direction général des Bâtiments du Boi (1720-1790). Paris, 1909, in-8 de vin-131 p., papier vergé d'Arches, tiré à 170 exemplaires, 6 fr.

Gerspach i E.). Bépertoire détaillé des tapisseries des Gobelins exécutera do 1 662 h 1892. Histoire, Commentaire, Marques. Paris, 1893, in-8, de 254 p., 8 fr.

Gillet (Lucien). Nomenclature des Médailles concernant l'Histoire de Paris ayant figuré aux divers Salons depuis 1899, ainsi que la Peinture, Dessins et Sculptures intéressant la numismatique parisienne. Paris, 1908. Un volume in-4 de 144 p. (Tirage a part de la Gazelle numismatique française), 6 fr.

Guiffrey (Georges). Epistre de Clériande, la Bomaine, a Beginus, son conci- toien translatée de latin en franco y s par Macé de Villebresme, iung des gentih hommes de la chambre du Boy. D'après les manuscrits et l'édition gothique de la Bibliothèque Nationale, avec des notes. Paris, gr. in-8 de 34 p., papier vergé, 10 fr.

Guiffrey (Georges). Procès criminel de Jehan de Poy tiers, seigneur de Saint-


Vallier, publié d'après les manuscrits originaux de la Bibliothèque Impériale avec introduction et des notes Paris, 1868, gr. in-8 de cxix-225 p., papier vergé, 30 fr.

Guiffrey (Georges). Notices biographiques sur les Trois Marot par G. Col- letet. Précédemment transcrites d'après le manuscrit détruit dans l'incendie de la bibliothèque du Louvre, le 24 mai 1871 et publiées pour la première fois. Paris, 1871, gr. in-8 de 62 p., papier vergé, 5 fr.

Guiffrey (Jules). Collection des livrets des anciennes expositions, depuis 1673 jusqu'en 1800, réimprimés en caractères anciens par les soins de M. Jules Guiffrey, en 42 parties, sur papier vergé, avec fleurons et culs-de-lampe copiés sur les livrets originaux, 42 vol. in-12, 1869-1872, 50 fr.

Table générale des artistes ayant exposé aux Salons du XVIII e siècle, suivie d'une table de la bibliographie des Salons, précédée de notes sur les anciennes expositions et d'une liste raisonnée des Salons de 1801 à 1873, par J.-J. Guif- frey, 1873, 1 vol. in-12, lxxii-91 p., 10 fr.

Livrets des expositions de l'Académie de Saint-Luc, à Paris, pendant les années 1751, 1752, 1753, 1756, 1762, 1764 et 1774, avec une notice bibliogra- phique et une table, par J.-J. Guiffrey, 1872, 1 vol. in-12, x-177 p. Réim- pression des sept livrets des expositions de l'Académie de Saint-Luc, 7 fr. 50.

Notes et documents inédits sur les expositions du XVIII e siècle, recueillis et mis en ordre par J.-J. Guiffrey, 1873, 1 vol. in-12, lvi-142 p., 10 fr.

Livret de l'Exposition du Colisée (1776), suivi de l'exposition ouverte à l'Elysée en 1797 et précédé d'une histoire du Colisée d'après les mémoires du temps, avec une table des artistes qui prirent part à ces deux expo- sitions. Complément des livrets de l'Académie royale et de l'Académie de Saint-Luc, 1875, in-12, 215 exempl. sur papier vergé, 3 fr. ; 10 sur papier de Hollande, 6 fr. ; 5 sur papier de Chine, 10 fr.

Houdoy (Jules). Histoire artistique de la cathédrale de Cambrai, ancienne église métropolitaine Notre-Dame. Comptes, inventaires et documents inédits, avec une vue et un plan. Paris, 1880, fort vol. gr. in-8, sur Hollande, 8 fr.

Marot. Les Œuvres de Clément Marot de Cahors en Quercy, valet de chambre du Roy. Augmentées d'un grand nombre de ses compositions nou- velles par ci-devant non imprimées. Le tout mieux ordonné comme l'on voirra ci-après et soigneusement revueu par Georges Guiffrey. Paris, 1875-1881, t. H, 1875, gr. in-8 de 570 p., papier vergé, 50 fr. T. III, 1881, gr. in-8 de 758 p., papier vergé, 50 fr. Le t. l ev comprenant la Biographie de Clément Marot est sous presse.

Pellegrin (Francisque). La fleur de la Science de Pourtraicture. Patrons de Broderie, Façon Arabicque et Pratique, par Francisque Pellegrin (1530). Réimpression en fac-similé avec introduction par Gaston Migeon, conservateur des objets d'art au Musée du Louvre. Paris, 1908. Un beau vol. in-4, tiré sur papier vergé, dans un élégant cartonnage en percaline, 36 fr.

Table générale de la Revue Universelle des Arts (1855-1866), par Gaston Brière, Henri Stein, Maurice Tourneux. Paris, 1908,1 vol. grand in-8,x-116 p., 7 fr. 50.

Witkowski (Docteur G.-J.). V Art profane h l'Eglise. Ses Licences Sym- boliques, Satiriques et Fantaisistes. Contribution à l'étude archéologique et artistique des édifices religieux. France. Paris, 1908. Un vol., grand in-8 de 480 p., illustré de 636 gravures, au trait ou en simili. 15 fr. Etranger. Un vol., grand in-8, illustré de 534 gravures et de 16 planches hors texte, 15 fr.

Witkowski (Docteur G.-J.). Les seins à l'Eglise. Paris, 1907, un vol., gr. in-8 de 390 p., illustré de 265 gravures, 10 fr.

LA ROCHE-SUR-YON. — IMPRIMERIE CENTRALE DE L*OUEST.


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NB 663

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Maeterlinck, Louis Le genre satirique






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