Le naturalisme ou l'immoralité littéraire  

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Le naturalisme: ou, L'immoralité littéraire (1894) is a book on Emile Zola and French naturalism by Antoine Laporte. Its full title reads Le naturalisme, ou, L'immoralité littéraire: Emile Zola, l'homme & l'oeuvre : suivi de la bibliographie de ses ouvrages et de la liste des écrivains qui ont écrit pour ou contre lui.

Excerpts

Donc, son genre est une spécialité comme une autre, non, plus dangereuse qu'une autre ; il faudrait donc fortement l'imposer comme l'alcool, ou se précautionner minutieusement contre elle, comme on le fait pour la dynamite , et non la tolérer, comme certains vices léga- lisés, ou la récompenser, comme l'action héroïque qui concourt au salut de la patrie, ou l'œuvre remarquable qui l'illustre ou l'enrichit. Quel siècle et quelles mœurs! On pour- suit Madame Bovary un chef-d'œuvre romantico-réaliste ; on condamne Les deux amies un pastiche de Mademoiselle Maupin et de Mademoiselle Giraud ma femme; Les Gueux de Richepin, une épopée vadrouilleuse imitée des Misérables de Victor Hugo; on proscrit Gamiani, l'œuvre naturaliste et anonyme d'un poète illustre..., et on a déposé sur Nana sur le Ventre de Paris sur Pot-Bouille sur la Curée sur La Faute de l'Abbé Mouret sur L'Assommoir sur la Terre, sur la Bête humaine,,, la croix d'oflicier de la Légion d'honneur, et on sollicite leur entrée à l'Académie !... Elles y entreront, ces saletés, n'en doutez pas; cette descente éhontée, canaille de truands ivres et de ribaudes en rut, ne peut refuser aux admirateurs de Zola le spectacle de leurs orgiessous la coupole de l'Institut. Balzac , le géant réaliste, qui a peint tous les vices, avec la science profonde du physiologue et la réserve littéraire d'un moraliste soucieux de la dignité humaine, avait droit à cette revanche; il ne fut rien, ni décoré, ni académicien.

J'aborde la partie la plus importante et la plus scabreuse de cette étude; il s*agit de démontrer que tout son arsenal scientifique n*est qu'une mystification littéraire qui dis- simule, sous une formule nouvelle em- pruntée à Claude Bernard, les procédés de Térotisme le plus trivial et le plus ordurier. Il n'y a de différence entre les érotomanes connus et Emile Zola qu'une seule, et elle n'est pas en sa faveur : c'est que, dans leurs obscénités, ils respectent la langue et les convenances sociales, et que lui les salit en- core par l'ordure de ses mots et de ses des- criptions; craignant de présenter des per- sonnages encore trop propres à la curiosité névrosée de ses lecteurs, il choisit, dans la canaille, ce qui est le plus crapuleux, et dans le malpropre, ce qui est le plus fangeux. Pour couvrir cette marchandise, la faire passer et même rechercher, tous les goûts sont dans le naturalisme; il fallait trouver une étiquette imposante qui fit hésiter les foudres de la loi et une formule savoureuse qui amorçât les appétits blasés de nombreux lecteurs. Ce qu'il allait servir dans son œuvre n'était pas nouveau ; ça remontait bien plus haut que Balzac, que Stendhal qui, eux, seraient bien surpris d'être dénoncés comme les pères de ce bâtard, ça remontait du grammatical Gamiani à l'Ane d'Apulée, cet âne égrillard et paillard qu'on trouve et retrouve dans toutes les insanités erotiques; mais il fallait, par un tour de plume, per- suader que non seulement c'était nouveau, mais encore scientifique. L'érotisme, c'est- à-dire le virus immoral, le prurit littéraire, présenté sous le titre de naturalisme comme une science d'expérimentation morale, d'évo- lution civilisatrice, de perfectionnement social, de progrès humain, est-ce une sot- tise ou une ironie?

Full text

LE NATURALISME


OU


L'IMMORALITÉ LITTÉRAIRE


EMILE ZOLA


1^'


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in 2009 witli funding from

University of Ottawa


littp://www.arcliive.org/details/lenaturalismeoulOOIapouoft


LE NATURALISME

ov L'IMMORALITÉ LITTÉRAIRE


EMILE ZOLA

L'HOMME & L'ŒUVRE

SUIVI DE L.V BIBLIOCHAPIIIE DE SES OUVKACES ET DE LA. LtàTU DES ÉCRlVAlîiS QUI ONT ÉCKIT POCR OU CONTRE lUI


Ant?\LAPORTE

Auteur de l'HUtoim liltAraire du XIX' siècle, des Bouquinistes et des Quaii de Faris, etc., etc.


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PARIS 18, RUE Skcuieh, 18

1894


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A MON COMPATRIOTE J. S***, bibliophile


Cher Monsieur y

Depuis vingt ans, environ, que je biblio- graphie^ parfois dc'couragé mais jamais vaincu, sacrifiant mon temps et mon ar- gent à ces travaux littéraires, les plus utiles mais les moins appréciés de tous^ vous êtes le premier qui m'ayez soutenu de vos conseils éclairés et de vos bienveil- lants services. Votre constante amitié m'a fait oublier l'injustice des uns, dédaigner les calomnies des autres et espérer la jus- tice de quelques-uns.

Bien que simple et détaché de tout; sau- vagCy disent les indifférents, philosophe, insinuent ironiquement les frondeurs, j'ai /jourtant la fierté et l'orgueil de mes amis qui sont ma force et ma joie; je les ai laits miens, par le dévouement et l'affec-


\ I

tion; ils sont devenus la chair de mon

cœur, l'âme de ma pensée et le calme foyer

de ma vie ; ils seront le seul regret de ma

mort.

Je ne peux, cher Monsieur, vous dire ma reconnaissance et mon amitié, comme je le voudrais et comme vous le méritez, mais je peux ^ vous voulez bien me le per- mettre, placer cette étude, l'aînée de plu- sieurs autres, je l'espère, sous la protection affectueuse de votre nom. Cela portera bonheur aux biographies et au biogra- phiste; j'en ai si bien la conviction que je vous en remercie d'avance pour eux.

Agréez, cher Monsieur, l'assurance de l'affection reconnaissante de votre tout dévoué compatriote.

A. LAPORTE.


Je prie M. Catel, contrôleur des hospices et M. /T***^ dont la modestie m'impose de taire le nom, de recevoir, en acompte sur ma dette de reconnaissance, tous /h, remerciments pour les intéressantes notes bibliographiques qu'ils m'ont comnuini-


VII


fjuées. Je tien puis dire autant à M. E. Zola qui m'a fait le plaisir de laisser sans ré- ponse la lettre dans laquelle je lui deman- dais son portrait et un a fac-similé y* de son écriture. Mais au fait, il a raison; tout cela court assez les rues et s'affiche suffi- samment aux étalages pour n'avoir pas besoin de servir d'enseigne à mon livre.

A. L.


Paris, 5 décembre 1893.


LE NATURALISME

ou l' I M M O n A L I T K L I T T É U A I U K


La critique est un droit et souvent un devoir


Celte étude est une tôle de ligne, elle en précède d'autres, de noms moins retentis- sants, mais sûrement plus durables. Zola fut venu dans son rang alphabétique, dans mon Histoire littéraire du XIX" siècle, mais comme il en est la fin, presque la conclusion, je l'ai choisi comme commencement de ces biogra- j)hies. Qui sait, au reste, il y a peut-être urgence à se hâter. Le jugement qu'une presse complaisante ou intéressée porte aujourd'hui sur son œuvre, sera-t-il confirmé demain par une critique impartiale? Y a-t-il autant de talent que d'engouement, ou plus de celui-ci que de celui-là ? Zola est un habile, (il biseaute si dextrement tous les atouts de la publicité, et cuisine, avec tant de science, tous les ragoûts pimentés du naturalisme, [qu'on peut se demander si, dans ses succès, \ 1.


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il n'y a pas autant de savoir-faire que du faire, en un mot, s'il n'y a pas plus de talent spécu- latif que de talent littéraire. Pour le génie de Zola, n'en parlons pas, laissons cette amu- sette à ses caudataires. Il y a, dit-on, impru- dence à goûter à ses sauces et témérité à toucher à son jeu, tant pis; il y a nécessité et devoir à le faire, je le fais.

Ceux qui ne louent pas les yeux fermés et (jui ne critiquent pas les oreilles bouchées, on les accuse de partialité, de parti pris, d'éreintement. Je tiens à dire, qu'indépen- dant de toute attache artistique, littéraire, politique et religieuse, je donne franchement et simplement mes appréciations, sans haine cl sans enthousiasme, comme je pense, comme je sais et comme je crois. Etre \v bedeau d'un culte, le garçon d'admiration d'un talent et le commis voyageur d'une littérature, sont des métiers qui ne con- viennent ni à mes goûts, ni à mon caractère. J'écris j)our l'amour et l'honneur des lettres; je sais bien {{u'il n'y a pas bénéfice à le faire, mais il y a satisfaction d'un devoir accompli vX d'une tâche bien remplie, cela me suflit. Je sais aussi (ju'en me brûlant à l'actualité je ris(|ue de j)arler sous la pression de cer- tains faits et d<î ne pouvoir me taire sous l'émotion de certaines imj)ressions, mais , comme je ne relève que de ma conscience et * de celle des honnêtes gens, je soumets ave( confiance mes sentiments ù leur jugement. ,


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La critique est un droit


La pensée, dès qu'elle se manifeste par un acte externe : la parole, le livre, la peinture, la sculpture, etc., relève aussitôt de lois intellectuelles, morales et sociales, par con- séquent , pour nous arrêter à la pensée écrite, elle est justiciable de la critique.

Où il y a loi, il y a droit, d'où celui de la critique.

Critiquer, c'est soumettre l'acte extérieur de la pensée à l'examen impartial du goût, de la conscience et du jugement.

Toute critique est le document de demain, une pièce justificative déposée au dossier de la postérité. Son enquête, destinée à éclairer la religion des juges littéraires futurs, doit avoir la dignité, Thonnôteté et la liberté de la plus haute magistrature. Un enquêteur doit être indépendant pour être juste, et libre pour être honnête. Son appréciation n'aurait aucune autorité si elle ne visait au stable, à l'irrévocable, au jugement. Donc la soli- dité, l'impartialité, la fermeté, la justice sont les éléments essentiels de toute critique. Ce qui se résume en deux mots : conscience libre et sens droit.

« La critique, dit Zola, dans la Vie litté-


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retire, 29 mars 1877, article Sainte-Beuve et Taine, s'est élargie, est devenue une étude anatomique des écrivains et de leurs œuvres. Elle prend \n\ homme, elle prend un livre, les dissèque, s'eflbrce de montrer par quel jeu de rouages cet homme a produit ce livre. Le tempérament de l'auteur est fouillé, les circonstances et le milieu dans lesquels il a travaillé sont établis; l'œuvre apparaît comme un résultat inévitable, bon ou mauvais, dont il s'agit uniquement de démontrer la raison d'être. Toute l'opération critique consiste à verbaliser sur un fait, depuis la cause qui l'a enfanté jusqu'aux conséquences qu'il peut avoir... La critique expose, elle n'enseigne plus... La génération actuelle des écrivains naturalistes a le malheur de ne pas avoir encore trouvé son critique. »

Un livre est un document, et chaque cri- tique un juge qui taille, à toute plume, dans le livre, et qui tranche à pleine chair dans l'auteur, sans souci des amis ou des ennemis. La postérité aura encore trop à faire |)our reviser nos jugements, môme sévères, sans l'encombrer de nos éloges inutiles et de nos haiiu's imj)uissaMtes. l*our moi, si elle me fait l'honneur de me citer comme témoin à son tribunal, je ne veux, pas, par dévouement h un ami ou par peur d'un ennemi, qu'elle m'accuse d'un faux témoignag<;. Par ainsi, auteurs, mes chcrs contemporains, pour (|ui (Ml rontr»' «pii je rends témoignage, ne soyez


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ni flattés, ni irrités de mes critiques, je vous dois la vérité. Si parfois j'ai un tort, ce sera de déposer devant le tribunal des lettres de façon à ménager aux plus coupables les cir- constances atténuantes.

De la constatation du droit de la critique découle nécessairement le devoir du critique.


Devoir du critique

Il ne doit pas exister deux poids et deux mesures en critique, elle doit être égale |)our tous les écrivains; mais si une œuvre mérite une attention spéciale et sollicite une étude plus sévère, c'est celle qui, par un succès éclatant de scandale et de curiosité malsaine, peut fausser le jugement public et corrompre les mœurs. Depuis un quart de siècle, un homme, se prétendant novateur et rénovateur de la littérature moderne, se moque, sous le titre de roman scientifique, de tous les savants et inocule à la société, sous les noms pompeux de naturalisme, d'évolution naturaliste, . de document hu- main, d'observation expérimentale des lois de l'hérédité, etc., les erreurs scientifiques lies plus grotesques et l'immoralité la plus <langereuse. Le public ne s'est jamais pas-


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sionné pour les atlmira])les découvertes et les merveilleuses études du docteur Lucas, de Ribot, de Claude Bernard, dont il a tiré, en dénaturant la signification de leurs termes scientifiques, son évolulionnisme expéri- mental, son esthétique littéraire, sous Téli- quette de naturalisme. Signaler ce fait : des maîtres de la science pillés par Zola, non seulement négligés et inconnus de la Ibule, mais leur spoliateur, affublé de leur bagage scientifique, tiré à cent cinquante mille exem- plaires et lu par des millions de lecteurs, n'est-ce pas prouver jusqu'à l'évidence que ces lecteurs sont attirés par une autre amorce (juc celle de la science : celle de rérolisme. Le naturalisme est le jésuitisme de l'érotisme, l'hypocrisie de l'immoralité.

Si l'amour de la science, c'est-à-dire de la vérité, guidait le choix et les préférences de celle foule (jui la dédaigne et même l'ignore, loin de rechercher les miasmes littéraires qui se dégagent des œuvres pestilentielles de Zola, elle les proscrij*ait comme un dan- ger social et une honte publique.

Quand on voit Claude Bernard, ce décou- vreur génial de la science expérimentale, hésiter devant le problème des phénomènes métaphysiques et s'arrêter, anxieux, dans un doute interrogatif, on se demande (juclh^ plaisanterie a voulu faire, ou quelle insanité orgueilleuse a commise Zola, en se donnant! comme le continuateur, le perfectionneur de


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'immortel savant. Claude Bernard revu, corrigé, augmenté et pori'ectionné par Zola! Qui le croirait ? Lui, lisez, Roman expéri- mental^ p. 24 : (( J'en suis donc arrivé à ce point : le roman expérimental est une consé- quence de l'évolution scientifique du siècle; il continue et complète la physiologie, qui elle-même s'appuie sur la chimie et la physi- que; il substitue à l'étude de l'homme abstrait, de l'homme métaphysique, l'étude de l'homme naturel, soumis aux lois physico-chimiques e^ déter ^minj j^ parles influcuçfi.s du milieu; il est en un mot la littérature de notre âge scientifique, comme la littérature classique et romantique a correspondu à un âge de

scolasliquc et de théologie Tel est le but,

telle est la morale, dans la physiologie et dans la médecine expérimentales : se rendre maître de la vie pour la diriger Ce rôve du phy- siologiste et du médecin expérimentateur est aussi celui du romancier qui applique à l'étude naturelle et sociale de l'homme la méthode expérimentale. Notre but est le leur; nous voulons, nous aussi, être les maîtres des phénomènes des éléments intellectuels et personnels, pour pouvoir les diriger. Nous sommes, en un mot, des moralistes expéri- mentateurs, montrant par Vexpérience de ([uelle façon se comporte une passion dans un milieu social. Le jour où nous tiendrons le mécanisme de cette passion, on pourra la traiter et la réduire, ou tout au moins la


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rendre la plu» inoirensive possible. Et voilà où se trouvent Vjdilité pratique et la liaule morale de nos œuvres naturalistes, qui expé- rimentent sur riiomme, qui démontent et remontent pièce à pièce la machine humaine, pour la faire fonctionner sous l'influence des milieux. »

J'ai cité textuellement tout ce passage, parce que là est toute la genèse synthétique, esthétique et élique de la méthode expéri- mentale de Zola; pour un peu j'allais dire lout le prestigieux venin de sa littérature. Le docteur Ferdas, élève distingué de Claude IJernard, dans sa l^rochure : la Physiologie c.vpérimentfde et le Roman expérimental^ p. 16, répond en ces termes à celte adapta- tion d'une science rigoureuse aux fantaisies naturalistes d'un romancier : « Ainsi, voilà (jui est bien net, le roman expérimental continuant et complétant la physiologie, il est désormais du devoir de M. Béclard, l'émi- nent professeur de physiologie delà Faculté de médecine; de M. Laborde, le chef des travaux physiologiques; de MM. Duval, Ch. Richer, etc., de demander sans retard au ministre de l'Instruction pul)li(jue la création (l'une chaire de roman expérim<Milal à l'école <le médecine de Paris; Zola est naturellement <lésigné à l'avaiuM' pour s'y asseoir magistra- lement. Le professeur naturaliste, entouré d'une fouie studieuse déjeunes élèves, avides de continuer et d(» compléter leurs notions


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physiologie, leur expliquera tout le parti physiologique qu'on peut tirer de ces trucs littéraires, — se faire coller un œil de verre (juelque part pour surprendre son monde. — « Goupeau avait rendu tripes et boyaux, il y en avait plein la chambre, le lit en était emplâtre, le tapis également et jusqu'à la commode qui se trouvait éclaboussée. — Dites donc, espèce de Borgia, donnez-moi de la jaune, de votre pissat d'âne premier numéro. » — Il est impossible de ne pas constater que le pontife du naturalisme finit par atteindre les dernières hauteurs du ridicule empesé. Ebloui et grisé par les belles pages de Claude Bernard, oii il ne voit que des mots sans en comprendr<î le sens, Zola se lance lui-même dans des appréciations scientifiques. Ici, il me devient sincèrement pénible d'étaler tant de naïveté et d'ignorance. — « Quand Claude Bernard parle des vérités restreintes et précaires de la science biologique, on peut bien confesser que les vérités de la science de l'homme, au point de vue intellectuel et passionel (?) sont plus précaires et plus restreintes encore. » — « Ne pas savoir que science biologique veut dire science de la vie, et que par conséquent ce mot renferme la science de l'homme à tous les points de vue ! Je m'arrête ici ; je pourrais plonger plus avant le scalpel dans le roman ifiorbide de Zola, mais il deviendrait malsain d'y fouiller plus longtemps. Il y a des gens (Ijui fabriquent du chocolat avec de la brique


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pilée, d'autres qui font du lait avec de la cervelle de cheval ; tous ces industriels gagnent de Targent. Zola, lui, triture les, feuillets d'un livre de Claude Bernard, il les graisse avec sa prose spéciale et il débite le tout avec une étiquette aussi baroque que vide de sens ; cela lui a déjà, dit-on, pas mal rapporté.... »

J'ai tenu à reproduire cette appréciation d'un homme du métier^ élève du plus grand physiologiste des temps modernes ; il pouvait mieux que personne stigmatiser ce singe de Claude Bernard, qui essaye de justifier la forme et l'esprit de ses élucubrations litté- raires en se proclamant son disciple et son continuateur. Je reviendrai plus loin à cette question, en exposant sa méthode scienti- li(jue, mais il était nécessaire, avant d'aborder l'auteur, de déposer sa carte d'inlroduclion à la porte de sa biographie.

Cette profession de foi s'imposait, je la devais à mes lecteurs, à mes futurs biogra- phies, ensuite et surtout à celui qui ouvre ces études biographiques et littéraires. Critique passionné, il a ratlacjuc! violenlo et la riposte virulente. 11 fallait, même dans son intérêt, l'avertir de la franchise et de la loyauté de mes intentions et de mon but. Maintenant s'il se fAche, c'est son allaire, il prouvera <[ue son naturel est aussi natura-; liste (|uc ses livres, et (juil a plus en soucîi de (Iéf<'ndre sa marchandise (jue d'<Mitendroi

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a vérité. Au reste, si cette étude égraligne légèrement sa vanité, il aura de quoi s'en consoler, car elle lui rendra en publicité ce qu'elle emprunte, malgré lui, à sa superbe modestie.

J'ai la conviction que ma critique, aussi osée et indiscrète qu'elle lui paraisse, sera encore plus modérée et plus pondérée que la sienne. J'ai suivi à cette intention, d'aussi près que j'ai pu, ce qu'il a écrit dans les Documents littéraires^ p. 338 : « Le critique « doit pénétrer profondément dans le cœur « et dans l'àme de l'écrivain, » et dans Mes Iiaines, p. 64 : « Que les œuvres de l'esprit, « dans leurs diverses manifestations, sui- « vent constamment l'état de santé ou de « maladie du corps. C'est une véritable « question littéraire. » Je crois bien que c'est une question littéraire importante : mens sana^ in corpore sano ; on pourrait même affirmer qu'elle est capitale : la santé de l'esprit procède certes de celle du corps. Combien ne trouve-t-on pas, dans les livres, de maladies littéraires qui ne peuvent s'ex- pliquer et ne se comprennent que par les maladies physiques des écrivains; heureux encore les lecteurs quand elles ne sont ni contagieuses ni épidémiques et qu'ils n'ont pas à en redouter le virus ou à en subir la communication ! Un livre malade et conta- miné, quand il est tiré à cent cinquante mille (exemplaires, inocule, règle générale, son mal


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à un million de lecleurs; il est d'autant plus dangereux que, loin d'effrayer celui qu'il frappe, il provoque et attire sa curiosité et la pimente de toutes les séductions affriolantes de la passion et du vice; c'est un foyer per- manent de putréfaction et de destruction. Où veux-je en venir, en signalant ce mal moral, produit par le mal physique de l'au- teur ? A ceci, que l'écrivain qui conserve assez de sens moral pour avoir conscience des maladies de son esprit, doit veiller à sa plume et n'oublier jamais qu'il est respon- sable de la santé et de la vie de ceux qui liront son livre

Etudier l'homme d'après son physique, son moral, ses goûts, dans ses tendances psychologiques, analyser son œuvre, d'après sa méthode expérimentale, dans soi^ f'f/faiiu's scientifiques et littéraires, tel est mon but, nMiésitant pas à avouer « que je me sens une sorte de sympathie pour l'auteur qui m'attire à lui par son audace, mais celte sympathie inavouée m'irrite davantage contre son œuvre. Je suis désespéré de voir tant de force, de talent, de vigueur si mal employés. Je le condamne pour être ce qu'il est et pour n'être pas ce qu'il pouvait être... » (Mes Haines, p. 5r».)


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Emile Zola


Pour les curieux qui aiment à deviner l'homme dans l'enfant et juger l'écrivain d'après l'homme, je vais escjuisser, à grands traits, son portrait actuel, le faisant suivre, à titre de documents explicatifs, de détails courts mais précis sur sa naissance, son origine, son enfance, sa jeunesse, ses études, ses échecs universitaires, ses débuts litté- raires, son emploi aux docks et chez MM. Ha- chette, libraires, sa collaboration dans les journaux, et enfin son œuvre entière. Le meilleur commentaire d'un livre, c'est la vie de son auteur, illustrée de sa figure.

Les livres sont comme les hommes, ils ont leur berceau et leur tombe, et souvent ils meurent comme ils ont vécu, dans la honte ou la gloire de leur vie : nés dans le ruisseau, ils y retournent. Examinons, d'après la vie de Zola, ce que sera celle de ses livres ; d'après son passé, jugeons leur avenir. Le mauvais livre, voilà l'ennemi, Tennemi sans dignité, sans délicatesse, sans honneur; l'ennemi implacable et destructeur; sus sur lui. Quel que soit son drapeau : classicisme, romantisme, réalisme, naturalisme, zola- tisme, décadentisme, il ne sert qu'une puis- sance : la puissance du mal, l'immoralité.


L'HOMME


La physionomie u'est pas une règle qui nous soit donnée pour juger des hommes : elle nous peut seulement servir de conjec- ture. La figure est le moule imparfait, souvent môme trompeur, du caractère et de l'esprit; mais comme il y a certaines affinités entre le physique et le moral, Emile Zola me permet- tra d'en faire Texpérience sur son portrait. En ce faisant, je vise plutôt à la curiosité (ju'à la vérité, j'examine un document hu- main dans ses diverses évolutions, mais sans en tirer les conséquences rigoureuses de l'observation expérimentale.

Emile Zola n'est ni grand, ni petit, il est moyen; la trte est forte, massive, beaucoup du faune antique, moins les oreilles; le front droit, carré; l'œil profond et dur; les sour- cils, deux accents graves, sur un nez large; la lèvre lourde, sensuelle, nerveuse, plus prompte à l'ironie qu'au sourire; la barbe courte, épaisse, aiguillonnante, zébrée de fils blancs sur fond noir; les épaules larges;


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la poitrine bombée et provocante; l'estomac haut; en un mot, un ensemble viril, mais sombre et taciturne. C'est une de ces figures qui, sans éloigner la sympathie, la décon- certent et la refroidissent : on ne la hait pas, mais on sent qu'on ne peut l'aimer. Il a la physionomie de l'orgueil; peut-être vaudrait- il mieux être orgueilleux que de le paraître: l'orgueilleux de caractère n'irrite que lors- qu'il se fait connaître, celui de physionomie irrite toujours. La physionomie provoque continuellement, le caractère ne le fait que lorsqu'il parle.

11 vaut mieux se donner le ridicule d'exa- gérer sa modestie que d'avoir le ridicule de surfaire son mérite. Je comjilète son portrait par ces lignes, qu'il se consacre dans le Bo- ni an expérimental^ p. 305 : « Je ne me sens pas gai du tout, pas aimable, pas polisson, incapable de chatouiller les dames. Je suis un tragique qui se fâche, un broyeur de noir (pie le cocuage ne déride pas, et c'est mal connaître les lois de l'hérédité que de vouloir asseoir sur mes genoux d'homme hypocondre cet aimable poupon enrubanné (le Gil Blas) (jui fait déjà des farces avec sa nourrice. Le Gil Blas, enfant de V Assommoir et de Nana, mais grand Dieu, c'est Jérémie accouchant de Piron. »

Voilà, d'après les apparences, pour le phy. siquc.

Ati moral, c'est-à-dire lillêraircmeiit,


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E. Zola est un auteur doublé de plusieurs autres; il pense, il parle, il agit, il écrit si habilement d'après ses lectures, qu'on aurait Tillusion que c'est de lui, si un lapsus naïf, une ignorance imprévue, une interprétation scientifique fausse ne décelaient l'emprunt, la supercherie ou la contrefaçon. 11 se sert si naturellement de l'esprit et de la science des autres, qu'il y est le premier trompé, et qu'il croit souvent obéir à son goût, expliquer sa j)ensée ou appliquer sa méthode, lorsqu'il n'est que l'écho de quelqu'un qu'il vient de lire : i l, n'est lui que par les autres..

Reprenez, en effet, à son œuvre ce qu'il a emprunté à la science de Claude Bernard, aux études du docteur Lucas, de Le Play, de Poulot, etc., et à l'exégèse littéraire de nom- breux écrivains, que lui restera-t-il? Moi, moi, dira-t-il, et c'est assez. Assez! car lui seul ignore combien il est au-dessous du génie; il est même incapable de savoir jus- (ju'où l'on peut avoir de l'esprit; il croit sim- plement que ce qu'il en a est tout ce que les hommes pourraient en avoir; aussi a-t-il l'air et le maintien de celui qui en vend et qui en a à revendre ; il parle plus souvent aux autres de lui-même qu'à lui-même; sa vanité l'a fait tellement grand qu'elle l'a mis au-dessus de lui; il se surprend à regarder au-dessus de sa tête, volontiers il s'étonne- rait de ne pas s'en trouver une autre; l'on juge, en le voyant, et surtout en le lisant,

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qu'il n'est occupé que de son moi, il l'aime, le caresse, l'admire, le tourne, le retourne, le produit sur toutes ses faces, et, par un dernier tour de main, le suprême de l'art ! l'étalé en queue de paon, devant tous les naturalistes... naturalisés. Il a l'air de son buste, de celui qu'il se rêve sur un piédestal, j'entends.

La Bruyère, que je lis plus que Zola, me fournit un caractère que je ne peux résister au plaisir de reproduire pour lui; il en fera ce qu'il voudra : « Emile, du plus haut de son esprit, contemple les hommes, et dans l'éloignement d'où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse : loué, exalté et porté jusqu'aux cieux par de certaines gens (jui se sont promis de s'admirer réciproque- ment, il croit, avec quelque mérite qu'il a, posséder tout celui qu'on peut avoir, et qu'il n'aura jamais : occupé et rempli de ses su- blimes idées, il se donne à peine le loisir de prononcer quelques oracles : élevé par son caractère au-dessus des jugements humains, il abandonne aux âmes communes le mérite d'une vie suivie et uniforme, et il n'est res- |)()nsable d<; ses inconstances qu'à ce cercle d'amis qui les idolâtrent; eux seuls savent juger, savent penser^ savent écrire, doivent écrire; il n'y a point d'autre ouvrage d'es- prit si bien reçu dans le monde et si univer- sellement goùlé des lionnêles gens, je ne dis pas qu'il veuille approuver, mais qu'il


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<laigne lire; incapable d'ùtre corrigé par cotte peinture qu'il ne lira pas. »

Ces lignes me semblent si bien convenir au prétendu inventeur du naturalisme et à ses adeptes, qu'il m'a été impossible de ne pas prier le célèbre moraliste de les leur répéter : un naturel comme lui vaut tous les naturalistes comme eux.

Dans ce portrait, j'ai cherché à saisir les côtés saillants ou voyants qui peuvent indi- quer le caractère de l'homme et de l'écrivain, mais j'ai si peu l'intention de leur donner une valeur absolue que je m'empresse de reconnaître qu'Emile Zola a une science descriptive et des qualités de style qu'on ne pourrait deviner sur cette figure sombre et fermée. On ne voit point son œil étinceler des vives lumières qui inondent ses paysages, ni sa figure se muscler sous Teirort de l'ob- servation et de la recherche. Sa physionomie annonce plutôt le bourgeois qui thésaurise (jue le romancier, hardi et sans frein, qui innove. Allez vous fier après cela aux appa- rences du portrait et aux pronostics du ca- ractère!

Les milieux ambiants qui encadrent Emile Zola pouvant être un cas intéressant pour les gens qui cherchent, dans la vie des hommes et dans les objets dont ils s'entourent, les explications des mystères de leur esprit, je donne, à titre de curiosité, ces extraits de sa biographie par Guy de Maupassant, page 28 :


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« Ce fougueux ennemi des romantiques s'est créé, à la campagne comme à Paris, des intérieurs tout romantiques. A Paris, sa chambre est tendue de tapisseries anciennes; un lit Henri II s'avance au milieu de la vaste pièce éclairée par d'anciens vitraux d'église qui jettent leur lumière bariolée sur mille bibelots fantaisistes, inattendus en cet antre de l'intransigeance littéraire. Partout des étoffes antiques, des broderies de soie vieillies, de séculaires ornements d'autel. A Médan, la décoration est la même. L'habi- tation, une tour carrée au pied de laquelle se blottit une microscopique maisonnette, comme un nain qui voyagerait à côté d'un géant, est située le long de la ligne de l'Ouest ; et d'instant en instant les trains qui vont et qui viennent semblent traverser le jardin. Zola travaille au milieu d'une |)ièce démesurément grande et haute, qu'un vitrage donnant sur la plaine éclaire dans toute sa largeur. Et cet immense cabinet est aussi tendu d'immenses tapisseries, encom- l)ré de meubles de tous les temps et de tous les pays. Des armures du moyen âge, authentiques ou non, voisinent avec d'éton- nants meubles japonais et de gracieux objets du xvni" siècle. La cheminée monu- mentale, flanquée de deux bonshommes de pierr<î, pourrait brûler un chône en un jour, cl la corniche est dorée ù plein or, et chaque meuble est surchargé de I)ibelols. Et pour-


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tant Zola n'est point collectionneur. II semble acheter pour acheter, un peu pôle- môle , au hasard de sa fantaisie excitée, suivant les caprices de son œil, la séduction des formes et de la couleur, sans s'inquiéter, comme Concourt, des origines authentiques et de la valeur incontestable.

« En face de sa maison, derrière la prairie séparée du jardin par le chemin de fer, Zola voit de ses fenêtres le grand ruban de la Seine coulant vers Triel, puis une plaine immense et des villages blancs sur le flanc de coteaux lointains, et, au-dessus, des bois couronnant les hauteurs. Parfois, après son déjeuner, il descend une charmante allée ([ui conduit à la rivière, traverse le premier bras d'eau dans sa barque Nana et aborde dans la grande île, dont il vient d'acheter une partie. Il a fait bâtir là un élégant pa- villon, où il compte, l'été, recevoir ses amis.

« Les abstracteurs de quintessence psycho- logique n'auraient-ils pas là un curieux sujet d'observation? » Curieux, oui, mais tout autre que celui qui semble convenir à un naturaliste tel que Zola. On se le figure dans un autre milieu que ce bric-à-brac de mar- chande à la toilette. Fernand Xau consacre à son intérieur une description aussi inté- ressante : (( Après m'avoir fait attendre quelques minutes dans un vestibule de cinq pieds carrés, un valet de chambre m'intro- duit dans le cabinet de travail de l'auteur

2.


— so- ties Rougoii-Macqiiart. C'est une vaste pièce où la lumière n'arrive que diflicilement. Les croisées, qui sont fort grandes, se trouvent intérieurement réduites à des dimensions insignifiantes par de larges tentures Bonne- Grâce, en peluche bleue, avec application de broderies de Heurs découpées sur d'an- ciennes chasubles italiennes. De doubles rideaux de crépin de Chine rouge et des rideaux simples en dentelle contribuent à augmenter l'obscurité et à donner à cette pièce un aspect sévère et quasi-lugubre. Pourtant, lorsque les portières qui séparent le cabinet de la chambre à coucher sont écartées, l'impression de tristesse qu'on avait éprouvée est bientôt dissipée. Sur les fenêtres exposées au soleil, on aperçoit, comme un décor, le feuillage des tilleuls et des platanes.

« Le cabinet de travail est garni de meubles de toutes les époques, de tous les styles et de tous les pays. La table de travail, d'ori- gine hollandaise, remonte à l'époque de Louis XIII; le vaste fauteuil, en palissandre massif, qui y fait face, date de l'époque de Louis XIV et a été rapporté de Portugal. J'ai remar(jué, en outre, doux petites biblio- thè(iucs Louis XVI, contenant les ouvrages favoris de M. Zola, une petite table Louis XV, un secrétaire mar<juelé, une délicieuse en- coignure Louis XV, un jjiano, une garniture de cheminée d'une grande valeur artisti(|ue


— Bl- et deux magnifiques vases j)ersans conte- nant des lilas, — des lilas de Médan, sans doute. A la première fenêtre, un immense bananier. Au-dessus d'une porte, en guise de lambrequin, un devant d'autel italien du XVII* siècle, brodé de perles vénitiennes. Aux murs, de noml^reux tableaux, la plupart sans grande originalité, sans sérieuse valeur. Tous appartiennent à l'école impression- niste. Les plus remarquables sont le portrait que Manet a fait de M. Zola; puis des pay- sages de Guillemet, Monet, Cézanne, Pes- saro, etc. Peu de livres. Je ne parlerai de la salle à manger que pour y constater la pré- sence d'une immense volière.

« La chambre à coucher est surtout cu- rieuse. Les murs sont ornés de vieilles tapisseries provenant du château d'Amboise. Des vitraux garnissent les fenêtres ; il y en a de toutes les époques: du xii** au xiii" siècle. Quelques-uns sont fort beaux. J'ai admiré à la fenêtre de droite une Sainte Barbe et une Rébccca à In fontaine, deux œuvres superbes du xvii"* siècle. Entre les deux fenêtres, un coffre gothique, en fer ciselé. Un lit Louis XllI, haut et massif, est orné de garnitures de chasuble en velours de Gênes. A gauche de la cheminée, un Centador; à droite, une vieille armoire bretonne. La cheminée, elle-même ornée de majoliques anciennes, est entourée d'une magnifique tapisserie.


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« On sent tout de suite qu'on se trouve en présence d'un homme qui aime son chez soi et qui, simplement, à l'instar du peuple britannique, préfère, aux plaisirs fugitifs et trompeurs des salons, les joies réconfor- tantes du travail et les douceurs incompa- rables du athome. 11 y a, par exemple, dans le cabinet de travail, un encombrement de meubles minuscules et de brimborions inu- tiles qui frappe l'observateur. Seulement cet encombrement n'est pas un fouillis ; chaque chose est à sa place; rien n'a été sacrifié à la fantaisie : évidemment M. Zola est un homme d'ordre et de méthode. Le bureau est placé au fond de la pièce, à droite en entrant. M. Zola est assis dans ce vaste fauteuil portugais dont j'ai déjà parlé et sur le dos duquel est jetée une épaisse fourrure, il porte un paletot sac de molleton noir, qui, il faut l'avouer, ne rappelle nullement la robe monacale dans laquelle s'enveloppait

son maître, ou plutôt son parangon H y a

<Ians sa physionomie une expression vague de sincère amertume ou de dédain profond (|ui serait plus appréciable si des lèvres épaisses n'avaient quelque chose de cette raillerie brutale qui caractérise certains types ilalions. D'ailleurs, il y a à la fois du liavarois et du Napolitain chez lui. »

Le voilà j)einl à la ville, pontifiant, austère et magistral dans ce cabinet mosaïque qui, par ses vitraux et ses broderies sacerdotales,


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se donne un certain air de chapelle. Em- j)riintons maintenant à la plume de son fidèle disciple, Paul Alexis, son portrait pris à la campagne : Emile Zola, notes d'un ami, page 187 : « Voici l'emploi d'une des journées de notre campagnard. Huit heures du matin. (1 s'éveille dans son large lit Louis XVI, à cannelures de cuivre. Pendant qu'il s'habille, — vêtements de vrai rural, veston et panta- lon de velours marron à grosses côtes, sou- liers de chasseur, — devant lui, par une grande glace sans tain placée au-dessus de la cheminée, il donne un coup d'oeil au paysage. La Seine est toute blanche, ce matin, et les peupliers de l'île, en face, sont noyés dans une brume cotonneuse.

« A peine descendu, il sort avec ses deux chiens : le superbe Bertrand, un bon gros terre-neuve et le minuscule Raton, un sacré petit rageur. Quelquefois Madame Emile Zola est de celte sortie matinale. On suit la grande allée; on passe sur le pont du che- min de fer. Voici la Seine, dont on longe la berge. Si l'eau n'est pas trop froide, Bertrand prend un bain. Un quart d'heure après, on est de retour pour le premier déjeuner. Neuf heures. Au travail!

a Ici, dans le nouveau cabinet de travail, tout est immense. Un atelier de peintre d'histoire pour les dimensions, Cinq mètres cinquante de hauteur sur neuf mètres de largeur et dix de profondeur. Une cheminée


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colossale, où un arbre rôtirait un mouton tout entier. Au fond, une sorte d'alcôve, grande à elle seule comme une de nos petites chambres parisiennes, complètement occupée par un divan unique où dix dormeurs seraient à l'aise. Au milieu, une très grande table. Enfin, en face de la table, une large baie vitrée ouvrant une trouée sur la Seine. Je ne parle pas d'une sorte de tribune, élevée au- dessus de l'alcôve au divan, à laquelle on parvient par un escalier tournant : c'est la bibliothèque. Le même escalier mène sur une terrasse carrée occupant toute la toiture de la nouvelle construction, qui se voit de loin dans la campagne, et d'où le panorama est admirable.

« De neuf heures à une heure, assis devant l'immense table, Zola travaille à un de ses romans. Nulla (lies sine linca, telle est la devise inscrite en lettres d'or sur la hotte de la cheminée. Tandis que son maître écrit, Bertrand est à ronfler par là, dans un coin.

A une heure, le déjeuner. Zola se livre avec le même soin à ce qui serait son second vice : la gourmandise, — cette littérature de la bouche ! A deux heures, la sieste. A trois, arrivée du facteur. Montés par le domestique, les lettres etles journaux réveillent monsieur. Voici la momenclature dos journaux que reçoit Zola : le Figaro, V Evénement, le Gaulois, le Voltaire et le Gil lilas, auxquels il est abonné. .le passe sous sil<MU-(^ d'autres feuilles


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qu'on lui envoie gracieusement. On voit qu'il a un goût particulier pour la presse dite à informations. Des faits et non des phrases! Des documents! Voilà ce dont sa tournure d'esprit le rend avide. Quant à la corres- pondance, c'est un envahissement depuis quelques années. 11 se voit fréquemment obligé de ne pas répondre, vaincu par l'en- tassement.

a Le courrier dépouillé, il est quatre heures. Si le temps est beau, et quand il n'y a pas d'épreuves pressantes à corriger, ou prend Nana, une barque peinte en vert, et l'on se rend dans l'île en face, où Zola a fait construire un chalet. Là on lit, on cause, on se promène, on s'étend sur l'herbe à l'ombre des grands arbres, on fait son Robinson, et l'on ne revient sur la terre ferme que pour dîner, parfois après une longue promenade en canot. Le dîner a lieu à sept heures et demie. La nappe enlevée, après une causerie accompagnée d'une tasse de thé, quelquefois après une partie de billard, ce parfait bour- geois monte se coucher, vers dix heures. Toutes les lampes s'éteignent, sauf la sienne. Jusqu'à une heure avancée de la nuit, il lit. De temps à autre, pendant cette lecture, au milieu de la large paix environnante, les trains de nuit passent sous la fenêtre, pro- longeant leur vacarme dans le grand silence de la campagne. 11 s'interrompt, écoute, reste un moment rêveur, puis reprend son livre.


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Il finit par s'endormir, en songeant au beau roman moderne qu'il y a à écrire sur les chemins de fer. »

Voilà une journée minutieusement expli- quée et régulièrement remplie; mais eût-elle satisfait Marc-Aurcle, j'en doute. Au point de vue de l'idéal, il n'y a rien, et au point de vue du naturalisme, je n'y trouve aucune trace de ces fonctions naturelles de l'individu que le maître se garde bien d'oublier et de négli- ger dans ses œuvres. Quel luxe de détails intimes et quel abus des trivialités les plus indiscrètes! L'homme qui accepte un sem- blable déshabillé et l'ami qui se le permet méritent tous deux le ridicule de leur admi- ration réciproque.

Si ennuyeux que soit ce long encensement de trois admirateurs du dieu-nature, je n,e pouvais l'épargner à mes lecteurs; il leur révèle le caractère déterministe du maître et des disciples, de l'école et des élèves. C'est, au reste, un spécimen précieux du genre descriptif de messieurs les naturalistes et de leur procédé d'observation. Pour j)résen- ter un document humain, dans ses évolutions sociologiques , analyser une passion et fouiller un caractère, ils bâtissent, pierre à pierre, une maison, distribuent géométri- quement chaque pièce, inventorient cluique meuble, c()mj)tent toutes les (leurs des ri- deaux, soulèvent toutes les tapisseries, dé- clouent tous les tableaux, pèsent tous les


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bronzes, etc., ouvrent une allée ici, peuplent une volière d'oiseaux et une niche de chiens et vous disent : voilà le cadre original où vit, pense, écrit.. . l'inventeur génial de la généa- logie des Rougon-Macquart, le chef puissant de l'école naturaliste. H a une barque verte,

V««rt, un bon gros terre-neuve, le superbe

Bertrand et le minuscule Raton, un sacré petit rageur; donc, il est un grand écrivain, le premier de notre temps. Très bien, mais que serait-il alors, s'il avait plusieurs su- perbes Bertrands et beaucoup de minuscules Ratons; où serait-il, même un petit écrivain, s'il n'en possédait aucun? Qu'était-il, quand < rotté, maigre et efllanqué, comme certains congénères de ses heureux gardes du corps, il cherchait, dans Paris, du pain pour sa journée et un gîte pour sa nuit? Avait-il des Alexis, des Géard, des Xau, pour admirer son génie? Les amis sont ennemis du mal- heur, ils fuient la misère et ne cultivent que le succès. Tout homme à succès peut compter sur des féticheurs, d'autant plus nombreux, plus fidèles et plus zélés, qu'ils escomptent sa grandeur, son génie pour édifier leur for- tune. Vingt romans, savamment épicés d'éro- tisme ou de naturalisme, si vous le préférez, ont valu à Zola une armée d'admirateurs; un seul, honnêtement écrit, lui suscitera une armée de détracteurs et lui fermera la bourse des acheteurs : il est condamné au succès et aux bénéfices d'une curiosité malsaine.


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Guy de Maupassant va, dans une envolée de notes enthousiastes et sonores, clore ces longues considérations et me permettre de fêter, par une sorle de fanfare joyeuse, la naissance de Zola.

a De tous les noms littéraires, il n'en est point peut-être qui saute plus brusquement aux yeux et s'attache plus fortement au sou- venir que celui de Zola. Il éclate comme deux notes de clairon, violent, tapageur, entre dans l'oreille, l'emplit de sa brusque et sonore gaîté. Zola! quel appel au public! quel cri d'éveil! et quelle fortune pour un écrivain de talent, de naître ainsi doté par l'état civil.

« Et jamais nom est-il mieux tombé sur un homme! Il semble un défi de combat, une menace d'attaque, un chant de victoire. Or, qui donc, parmi les écrivains d'aujourd'hui, a combattu plus furieusement pour ses idées? Qui donc a attaqué plus brutalement ce qu'il croyait injuste et faux? Qui donc a triomphé plus bruyamment de l'indifférence d'abord, puis de la résistance hésitante du grand public ? »

Zo-la! je n'y trouve ni tant de sonorité, ni tant de gloire que cela, dans ces deux syl- labes. Zo-la! Iront-elles jusqu'à la postérité? L'écho, bruyamment agité, s'éteint et va s'affaiblissant déjà ; c'est à peine si, tendant l'oreille, on perçoit dans un murmure, léger comme un souille..., la... a., a.


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Sa naissance


Emile Zola est né à Paris, le 2 avril 1840, 10, rue Saint-Joseph, de François Zola, ingé- nieur civil, n6 à Venise en 1793, mort à Aix, en 1847, et de Emilie Aubert, née à Dourdan, pays de Francisque Sarcey, en 1820, et morte à Médan, le 17 octobre 1880. Le futur natu- raliste, né à deux pas de ces halles, ventre de Paris, qu'il devait peindre plus tard des couleurs les plus vives, se trouve être un croisé d'italien et de Française.

Ce croisement de deux races, dans un sujet aussi remarquable que Zola, me con- duit fatalement à appliquer à sa généalogie la prétendue vérité à laquelle il s'est efïbrcé de nouer sa fabulation des Rougon- Mac- quart.

« Je me propose de suivre, en résolvant la double question des tempéraments et des milieux, le fil mathématique qui conduit d'un homme à un autre homme. L'hérédité a ses lois comme la pesanteur. »

En suivant ce fil mathématique qui lie le fils au père, en obéissant à cette loi de la pesanteur de l'hérédité qui écrase toute la descendance, quels eilets étranges et inat- tendus ne ferait-on pas sortir de cette causa-


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lité terrible et fatale ! Etant accepté ce théo- rème naturaliste de la transmission des qualités et des défauts physiques et psy- chiques des ascendants aux descendants que doit produire l'effet Zola-Aubert, mâtiné italien-français, résultat de deux causes si différentes et si éloignées, l'une d'en deçà, l'autre d'au delà les Alpes? Cette mixture franco-italienne a-t-elle la vertu des deux, les vices d'un seul, ou rien de personne? Analyste expérimentateur, je suis, attentif et anxieux, le travail de cet alambic physico- chimique qui se nomme Zola, et je me demande lequel de ces deux facteurs a pu, dans ses évolutions de milieu, lui infuser ce naturalisme transcendant qui, de la matière la plus grossière, a produit de l'or... en ro- mans. Le creuset de tous les alchimistes, si riche en découvertes scientifiques, mais si pauvre en pierre philosophale, n'a jamais produit autant d'or que la plume de cet ingé- nieux naturaliste.

L'autour du Roman expérimental a expli- qué tant de choses et essayé d'en faire passer tant d'autres par l'influence des milieux, qu'il est certainement légitime d'essayer sur lui-même sa propre méthode.

Je ne veux pas pousser cette formule natu- raliste jusqu'à ses conclusions extrêmes, elle me mènerait trop loin; je liens seule- ment à faire observer que cette loi de l'héré- dilé n'est en somme qu'une contrefaçon du


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péché originel, celte verrue héréditaire que nous ont transmise Adam et Eve; c'est un plagiat de la Genèse. Zola contrefacteur de la Bible! pourquoi pas? C'est une qualité ou un défaut qu'il exploite en grand, sans gêne et sans façon. Il a fait l'honneur à Dante d'imiter sa grandiose épopée, dans ses ten- tatives avortées de poèmes épiques; à Alfred de Musset de modeler ses Contes à Ninon sur ses Contes d'Espagne ; à V. Hugo de lui emprunter ses prétentions homériques et ses fracas de style ; à Balzac de transformer sa Comédie humaine en arhre généalogique des Rougon-Macquart \ a Poulotdele détrous- ser de son Sublime et d'en fabriquer V Assom- moir-., à Claude Bernard, au docteur Lucas, etc., de démarquer leurs termes scientifiques et de les adapter à sa méthode matérialiste; à Roret de copier tous ses Manuels profes- sionnels et de surcharger ses romans de leurs connaissances spéciales, etc. J'en passe d'autres et de nombreux dont je citerai la (collaboration forcée à son œuvre en l'analy- sant. En voyant combien il a contrefait, imité, démarqué et plagié d'hommes, de systèmes, de découvertes et de livres, on est tenté de croire qwe ce besoin de spoliation littéraire et scientifique est une nécessité de sa loi de pesanteur, un droit d'hérédité qui lui per- met de considérer le biend'autrui comme le sien propre et de s'en emparer. Emile Zola ne fit, pour ainsi dire, que


naître à Paris et fut aussitôt transplanté à Aix, où son père, triomphant enfin de tous les obstacles et de tontes les déceptions, finissait par commencer ce canal qui, malgré qu'il n'ait pas été terminé par lui, est dési- gné par le peuple sous le nom de canal Zola. Tout marchait à souhait, le canal et l'enfant, la fortune même semblait vouloir récom- penser sa persévérance et ses travaux, quand le père, frappé, en plein succès, par une fluxion de poitrine, tomba et mourut. Aix, qui conserve ses restes et le souvenir de ses services, a donné son nom à un de ses bou- levards.

Madame Zola, enlisée dans les mille diffi- cultés d'une entreprise à ses débuts, plaida ot perdit. Ce fut alors la misère progressive, on avait peu la veille, à peine le nécessaire, on eut moins le lendemain; ce fut la lutte dure et poignante pour le pain de chaque jour. Pendant ce temps de cruelles privations, Emile, choyé, gâté par sa mère et ses grands- parents, sa grand'mère surtout, vaillante beauceronne d'Auneau, robuste et énergique paysanne qui ne craignait ni la peine ni la misère, poussait, jouait, buissonnait et tra- vaillait peu. Sous ce ciel de la Provence, toujours bleu et luisant, qui mord de ses chauds baisers celte terre méridionale, éter- nellement embaumée de fleurs et de fruits, son corps avait troj) à faire pour qu'il restât a son intelligence le tem|)s d(! faire quelque


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chose. Son grand et presque unique travail, c'était le farniente musard, gamin, bruyant, capricieux et cascadeur de l'enfant nerveux du Midi.

Il commença pourtant ses études, mai.s sans ardeur et sans application, les accusant de gêner ses plaisirs.


Ses études


Elève peu exact, il poussa néanmoins ses classes, dans une moyenne modeste, jusqu'en seconde; il les coupait souvent de courses pittoresques avec quelques amis et les mar- quait de quelques essais poétiques, le pis de ses œuvres, mais le meilleur de ses études.

Autour d'Aix, la romaine, il n'est pas de ravines, Pas de rochers perdus, au penchant des collines, Dans la vallée en fleurs, pas de lointains sentiers Où l'on ne puisse voir l'empreinte de mes pieds....


Jusqu'aux derniers taillis, j'ai couru tes forêts,

Provence, et foulé tes lieux les plus secrets.

Mes lèvres nommeraient chacune de tes pierres.

Chacun de tes buissons perdus dans les clairières.

J'ai joué si longtemps sur tes coteaux fleuris,

Que brins d'herbe et graviers me sont de vieux amis....

Musicien à ses heures, il creva plus d'une peau d'âne et finit par se fixer et s'en tenir


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aux couacs honteux d'une clarinette tapa- geuse. En résumé, il a autant et même plus fréquenté, aspirant poète, les buissons des environs d'Aix que le collège et a plus utile- ment taquiné la muse que le latin et que le grec.

La grand'mèro, ce bon gros terre-neuve, la superbe dévouée, mourut; ce fut une mi- sère de plus, ou plutôt toute la misère, dans cette maison, déjà si pauvre; une dernière joie partait avec un dernier courage. La vieille était la force, dans le ménage de deux femmes et de deux enfants : le petit-fils et le grand-père ; elle était plus qu'une femme, elleétaitl'homme de cetintérieur besogneux, par le travail, la gaîté, le dévouement et l'affection. Madame Zola, écrasée sous toutes les charges du malheur, partit pour Paris et appela aussitôt près d'elle son père, mort en 1862, et son fils Emile. On laissait derrière soi à Aix, deux tombes aimées et on allait ensevelir, dans ce Paris qui dévore tout, joies et douleurs, richesse et pauvreté, ses dernières espérances et ses continuelles pri- vations. Après bien des démarches inutiles et des déceptions sans cesse renaissantes, M. Labot, avocat au Conseil d'État, ami du père, fit admettre, par l'intermédiaire de Désiré Nisard, directeur de l'Ecole normale, l'élève de seconde d'Aix, au lycée Saint- Louis. Il y entra, en 1858, on rhétorique, à la section des sciences; il brûla sa philoso-


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|)hie et se présenta, en 1859, au baccalauréat es sciences. En cette année, la Provence, à Aix, petit journal littéraire, publia do lui la Fe'e amoureuse, conte reproduit dans les Contes à Ninon.


Ses échecs universitaires

Emile Zola, admis au concours écrit, heu- reux à l'examen oral scientifique, succomba à Voral littéraire et fut refusé comme nul, dans cette partie du programme qu'il devait plus lard exploiter avec le plus grand succès sous l'étiquette de naturalisme. Non décou- ragé par ce premier échec, il se représenta à la session de novembre, à Marseille, comp- tant bien que la cité phocéenne lui accorde- lait le bout de parchemin que lui avait relusé Paris; mais cette fois, il n'alla que jusqu'à l'écrit et fut encore refusé. L'Université se montrait déjà aussi cruelle pour lui que de- vait l'être plus tard, quand il se croirait un maître, l'Académie inflexible. Décidément, le sort on était jeté, il serait romancier, peut-être académicien, maisjamais bachelier. « Il n'a pu être, comme il le dit avec une amère ironie, dans la Vie littérairCy 15 no- vembre 1877, timbré, scellé, apostille. On porte sur chaque membre le visa de l'admi- nistration, déclarant en bonne forme que

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vous avez du génie. On devient un colis dûment enregistré pour la gloire . Quel enfan- tillage, et comme il est plus sain d'être seul et libre, avec sa poitrine nue au grand soleil! » Et les reflets chatoyants de la croix d'honneur, et l'épée académique, qu'en dites- vous? Je lui souhaite le ([uarante-unième fauteuil; il est plus honorable, sinon plus envié que les quarante autres. Ils s'y mettent, à trente-huit ou trente-neuf invalides, pour vous asseoir sur un quarantième indispen- sable, mais le public seul, le grand public lettré, peut vous offrir ce quarante-unième piédestal, illustré par le génie et le talent de Molière, de Balzac, de Th. Gautier, On peut être l'élu de l'Académie, c'est affaire de for- tune, de religion, de politique, de coteries de salons, de convenances mondaines, de tout enfin, même d'un bas-bleu, violet ou noir; mais n'est pas qui veut l'élu du public, c'est affaire de génie, ce noble proscrit de l'Institut.


Ses emplois aux Docks ET CHEZ Hachette

Que faire après tous ces insuccès? il fallait vivre, mais comment ? 11 ne pouvait compter Bur une position administrative, scientifique, universitaire, etc., la clef classique qui ouvre


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ces portes lui manquait; il se retourna vers le commerce. M. Labot, son infatigable pro- tecteur, lui fit obtenir, en 1860, aux Docks, rue de la Douane, un emploi de 60 francs par mois, qu'il abandonna, au reste, au bout de deux mois, n'en pouvant vivre. De cette époque, avril 1860 à janvier 1862, où M. Boudet, membre de l'Académie de méde- cine, parvint à le faire accepter au paquetage dans la librairie Hachette, il vécut, Dieu sait comme, de courses, d'études littéraires et surtout de faim. Oui, je le sais, bien que cela paraisse paradoxal, l'on vit de i'aim, jusqu'à ce qu'on en meure ou qu'on en sorte, fort et invincible, trempé comme l'acier. Il a connu alors, ce qu'il y a de plus désespérant dans la vie, le travail impuissant et la faim inexo- rable; il faudrait un peu de pain pour vivre, une main généreuse pour vous le donner et un cœur ami pour encourager votre travail; mais rarement, pour ne pas dire jamais, se présentent cette main et ce cœur. Zola, qui a subi énergiquement cette initiation du talent et ce baptême du succès, la lutte à outrance et la misère, se souvient-il, aujourd'hui, au milieu de son luxe, de ses angoisses et de ses désespoirs d'autrefois ? A-t-il purifié l'orgueil de ses succès actuels par ses géné- rosités et ses largesses aux pauvres et aux malheureux? Celui, qui riche, oublie ses anciens frères en pauvreté n'est digne ni de la fortune, ni de ses succès, ni de son talent,


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ni môme de sa première indigence : son indifférence pour l'infortune des autres prouve son mépris et sa révolte contre la sienne. Ce langage l'étonné peut-être; qu'il ne s'en émeuve pas outre mesure et surtout qu'il ne l'entraîne pas à des conjectures absurdes : je ne suis ni prêtre, ni dévot, ni protestant, ni athée, ni darwiniste, ni socia- liste, ni naturaliste, je suis un passionné du vrai par l'étude, du beau par l'admiration des belles et grandes choses, et du bien par un amour dévoué à mes semblables. J'admire et j'aime ceux qui partagent et qui pratiquent cescoiH'ictions, et je plains et je combats ceux qui ne les comprennent pas ou qui agissent contre elles. Que m'importent Zola et ses livres? Si lui n'était pas responsable d'eux, et s'ils n'attaquaient la famille, la société, la nation et tous les peuples, dans leurs croyances métaphysiques, dans leur art litté- raire, dans leurs aspirations sociologiques et dans l'austérité de leurs mœurs, est-ce que je m'occuperai d'eux? Son œuvre parle trop haut et porte trop loin pour qu'on ait le droit de faire silence.

Ceux-là seuls qui échappent aux cruautés (le la vie par le courage et le travail et qui rachètent leur droit au succès par la géné- rosité, sont les vrais lriomj)hateurs; ils por- tent gravée sur leur front par la griffe du malheur l'empreinte rayonnante et sacrée «lu talent ou du génie. Je tenais à dire cela,


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d'abord pour justifier l'appareale sévérité de mes critiques, et, ensuite, parce que, n'entendant toujours que vanter son style, préconiser sa méthode d'observation et son système d'expérimentation évoiutionniste sur les caractères et les milieux, et ne lisant que des descriptions pompeuses de ses de- meures royales et de ses voyages de grand seigneur des lettres, j'eusse voulu au moins entendre une voix, lire une ligne, qui nous rappellent à tous deux qu'il a été pauvre.

L'esclave qui suivait le char du triompha- teur romain qui avait sauvé la République lui criait de loin en loin, fouettant son orgueil : « Souviens-toi que tu dois mourir »; moi je crie à ce nouveau triomphateur, moins le char, qui veut la République naturaliste : Souviens-toi que hier tu étais pauvre, et ([ue demain, lu ne seras rien. Ce langage n'a rien d'exagéré sous ma plume, nos situa- tions, toutes diverses qu'elles paraissent, se touchent néanmoins par certaines analogies.

A l'époque où Zola était paqueteur chez. Hachette, libraire, 79, boulevard Saint-Ger- main, j'étais comptable chez Morel et G'", libiaires, 13, rue Bonaparte; il enveloppait les livres, je les portais au journal; il fui chef de publicité dans sa maison; je fus chef de comptabilité dans la mienne ; aujourd'hui, il écrit des romans^ moi je les critique; il est arrivé à la célébrité, moi j'aide les autres à y arriver; demain, il critiquera mes cri-


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tiques et moi je vendrai ses romans sur le quai et je les empaqueterai; seulement, lui, parti de la misère, finit en rentier, et moi je finis comme il a commencé, en paqueteur, 11 a la meilleure part, je lui souhaite de la garder avec soin et avec dignité, en sur- veillant davantage son genre littéraire et en faisant moins de mal et plus de bien.

Je ne peux, ni ne veux suivre E. Zola dans ses nombreuses pérégrinations à travers Paris; il a fait, en quatre ans, les deux rives de la Seine, habitant d'un côté, le plus sou- vent, les environs du Panthéon, et de l'autre, les hauteurs de Batignolles; il a, selon les hasards de sa fortune, pendu sa plume voya- geuse à tous les étages, mais de préférence au premier, au temps de la prospérité, et au dernier, le jour des misères noires. Plus d'une fois, s'il s'en souvient, mais où sont les neiges d'antan ? un hiver, en ce temps de neiffc où les misères de vin^^t ans s'accou- plent, un amour, plus généreux que riche, voisin de la montagne Sainte-Geneviève, le réchauffa sous son aile grelottante et par- tagea avec lui son insuffisante becquée. La mémoire du riche est toujours plus courte que celle du pauvre; pourcjuoi?

De 1863 à 1865, Zola devint chez Ilaciiette, de sim()le paqueteur, chef de la publicité aux aj)poinlements de 2.400 francs; ce n'était pas l'aisance, mais ce n'était plus la gène. Cet emploi, presque indépendant, le mil


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journellement en rapport avec la presse et lui permit, non seulement d'en étudier le fonctionnement commercial, mais de s'y créer des relations utiles et de s'y ménager des débouchés avantageux.

Cette initiation au journalisme, où il con- quit, sans difficulté, grâce à son emploi, ses entrées libres, constitue plus de la moitié du succès, en littérature, quand on esthabile; or, cette qualité n'a jamais manqué à Zola, que je sache; il a su, au contraire, élever l'exploitation de ses œuvres jusqu'à la hau- teur d'un génie financier. Personne, mieux que lui, ne saurait tirer parti de la publicité et lui imposer son éloge ou lui inspirer sa critique; loin de redouter le bruit, il ne craint que le silence, n'ignorant pas que le succès est fait de tapage et que la fausse gloire vient du scandale. Critique acerbe et violent, il frappe d'estoc et de taille, criant haut, cognant brutalement, n'ayant qu'un but, allumer le zèle des amis tièdes et pro- voquer jusqu'à la rage la colère de ses ad- versaires injustement critiqués; il fait bois et flèche de tout, sachant, qu'au bout d'un éloge arraché à l'indiftércnce, on vend dix exemplaires d'un ouvrage et qu'au bout d'une critique scandaleuse, on en vendra cent. Son succès est donc fait d'habileté et de scandale : « Qu'importe d'ailleurs le succès ? écrit-il dans la préface des Héritiers de Rabourdiu . Jamais moins qu'aujourd'hui le succès n'a


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élc une preuve du mérite des œuvres. » Ja- mais pareil dédain n'a été aussi maladroite- ment affiché, car personne plus que lui ne l'a plus brutalement et plus cyniquement sollicité. Il a appris à son bénéfice que si le succès ne prouve pas le mérite, il en donne l'illusion et en procure les avantages.

Il est donc juste de porter à l'actif de sa cé- lébrité sa science de la publicité et sa maes- tria de la réclame et de les considérer, non comme un accessoire de son talent, mais comme la cause la plus efficiente de sa répu- tation et de ses succès; ôtez, en effet, dans son œuvre bruyante et pimentée, la part de la publicité et celle d'une curiositéperverse, que reslera-t-il à l'actif de son talent? a Les romanciers qui sont, dites-vous, en tôte de cette pièce sifflée, les princes littéraires de l'époque, honorent nos scènes encanaillées, lorsqu'ils daignent y mettre les pieds, » ho- norent-ils la presse et s'honorent-ils eux- mêmes, lorsqu'ils daignent l'inonder de leurs pompeux éloges et de leurs orgueilleuses critiques? Agissent-ils en aussi bons princes pour leurs adversaires que pour eux-mêmes? Est-ce le besoin idéal d'apporter un sang nouveau, une langue correcte, un souci de la vérité, qui arde leur plume naturaliste de tous les feux d'un nouvel apostolat littéraire, ou ccXmpLus naturel de faire fortune?

Son litre de chef de la publicité chez liuchelle et son expérience acquise, dans


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(elle matière, m'imposaient de loucher ici à ces questions ; Tanatomie de sa science lit- téraire, l'analyse de ses œuvres et les titres mômes de ses livres prouveront jusqu'à l'évidence à ses admirateurs que plus que le souci d'une œuvre artistique et durable dans les lettres, l'àpreté du gain et la satis- l'action d'un orgueil égoïste l'ont jeté dans toutes les habiletés savantes et dans toutes les compromissions coupables d'une littéra- ralure dite putride par les uns, immorale |)ar d'autres, et naturaliste par lui. La for- tune lui donne l'illusion du talent et le succès l'orgueil dugénie, tant pis pour lui. L'exemple d'un écrivain, autrement grand que lui, tombé si bas, je parle, on l'entend assez, de Victor Hugo, qu'à peine en se baissant on trouve encore quelques-uns de ses ouvrages, tombés déjà dans l'oubli, devrait lui prouver qu'il faut un bagage littéraire plus sérieux que le sien pour traverser ce siècle et ar- river intact et entier au siècle suivant. S'il se sauve de l'oubli, ce sera par la curiosité. Classé dans un certain genre, celui de la pornographie, il prendra place à côté des érotomanes : Nerciat, Rétif de la Bretonne, Louvet de Couvray, etc., mais il n'aura le premier rang que dans la grossièreté du langage, l'effronterie osée des peintures, la trivialité obscène de ses personnages. S'il importe de faire grand en quelque chose, c'est surtout en mal : on n'excuse jamais la


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médiocrité en ce genre, mais on admire le sublime. Un petit corrupteur, un libertin ordinaire, sera toujours commun, on le cri- tiquera, on le condamnera, on le méprisera un grand corrupteur, un libertin de marque sera toujours grand, il aura des curieux et des envieux, voire même des admirateurs. Vous êtes un petit écrivain, mais un grand naturaliste, ne craignez rien, votre place est faite, vous avez des amateurs, vous en aurez toujours.


Ses débuts littéraires


Ces jalons posés, et ils étaient nécessaires pour expliquer le tempérament littéraire de cet écrivain qui, pauvre à ses débuts, sem- ble vouloir se consoler de ses misères par les rêves de la poésie et lesgaîtés de contes joyeux imités d'Alfred de Musset, et qui, riche, le succès battant son plein à sa porte, pimente les voluptés attiédies de sa vie luxueuse parla crudité descriptive des vices et des misères les plus bas et les plus cra- puleux. On ne peut expliquer cette antithèse de procédé <jUo par un déséqnilibroment intellectuel ou un manque de sens moral : dégénérescence des facultés ou exploitation d'un genre. Or, comme son talent a plutôt


^agné et grandi en prose qu'en poésie, on est forcé d'admettre qu'il s'est fait natura- liste, non par conviction ni amour de l'art, mais par spéculation littéraire. « C'est un crime, a écrit Zola, dans son Prix de Rome littéraire, La Vie littéraire, 15 novembre 1877 et Roman expérimental^ p. 348, que d'entre- tenir l'orgueil des médiocrités. » Je suis de votre avis et, pour vous le prouver, je remets ici sous vos yeux les titres de vos poèmes mort-nés et de vos nombreux vers, heureu- sement toujours emmaillotés dans leurs pre- miers langes; leur père leur a rendu un bien mauvais service en les confiant à Paul Alexis. Au fait, ils n'ont changé que de linge, ils en avaient peut-être besoin.

Zola, en 1859, entre les deux épreuves malheureuses de son baccalauréat, composa la Fée amoureuse^ le plus ancien de ses contes, imprimé dans la Provence^ journal d'Aix, ci BodolphOf son premier poème.

D'avril à octobre 1860, il écrivit un des premiers Contes à Ninon, le Carnet de danses et Paolo^ grand poème imité d'Alfred de Musset.

L'Aérienne, troisième grand poème, fut composé rue Saint-Etienne du Mont, d'oc- tobre 1860 à avril 1861. Ces trois poèmes, sorte d'amoureuse comédie, ou trilogie de l'amour, représentent : Rodolplio^ l'enfer de l'amour; V Aérienne, le purgatoire, et Paolo^ le ciel. Cet effort dantesque épuisé, il rêva


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nae autre trilogie qui devait, sous le titre (le la Genèse, comprendre trois poèmes scien- tifiques et philosophiques : la Naissance du monde, VHiimanite', Vllomntc de Vavenir, V Homme devenant Dieu.

Le plan était audacieux; il dépassait tous les épiques... en sublimité; la matière était immense, il se mit ardemment à cette œuvre titanesque et fit... huit vers, un vers de plus que la création n'avait exigé de jours, les voici :

Toi qui vis, ignorant la naissance et la mort, Principe créateur, seule Force première, Qui d'un souille vivant souleva la matière. Du prophète inspiré donne-moi l'aile d'or. Je chanterai ton œuvre et, sur elle tracée, Dans l'espace et les temps je lirai ta pensée. Je monterai vers toi, par ton souille emporté, T'ofîrir ce chant mortel de l'immortalité.

Dieu l'emporta si peu haut, ou le laissa tomber si bas dans le... naturalisme de l'animalité humaine, qu'au lieu d'être l'oi- seau à aile d'or du prophète, il n'en est que la mouche à...; mais n'anticipons pas : nous sommes aux vers de Zola, tenons-nous-en à ce mets littéraire, il est moins trivial, sinon meilleur que l'autre.


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Ce que je veux


Ce que je veux, sur le coteau,

C'est, lorsque mai vient nous sourire,

Une cabane qui se mire

Dans le miroir clair d'un ruisseau.

C'est un nid perdu sous les branches, Où ne conduise aucun chemin, Un nid qui n'ait d'autre voisin Que le nid des colombes blanches.

Ce que je veux, à l'horizon. C'est, au pied d'une roche grise. Un bouquet de pins dont la brise Le soir apporte la chanson.

C'est une suite de vallées, Où les rivières, dans leurs jeux. Errent d'un pas capricieux, Blanches sous les vertes feuillées.

Où les vieux oliviers songeurs Courbent leurs têtes grisonnantes : Où les vignes, folles amantes, Grimpent gaîment sur les hauteurs.

Ce que je veux, pour mon royaume, C'est à ma porte un frais sentier, Berceau formé d'un églantier Et long comme trois brins de chaume.

Un tapis de mousse odorant. Semé de thym et de lavande, Seigneurie à peine aussi grande Que le jardinet d'un enfant.


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Ce que je veux, dans ma retraite, Créant un peuple à mon désert, C'est voir, sous le feuillage vert, Flotter mes rôves de poète.

Mais avant tout, ce que je veux, Sans quoi j'abdique et me retire. Ce que je veux, dans mon empire, C'est une reine aux blonds cheveux ;

Reine d'amour à la voix douce, Au front pensif, aux yeux noyés. Et dont les mignons petits pieds Ne fanent pas mes brins de mousse.

Aix, mai 18r)'J.


Ces derniers, adressés : A mon dernier amour, fermeront ce musée poétique :

Hier, enfant, tu m'as dit d'une voix inquiète. Souriant et boudant, te penchant dans mes bras : Toi qui chantes pour tous, infidèle poète, Sur nos jeunes amours ne chanteras-tu pas ?

Va rimer nos amours dans le silence et l'ombre. Je te donne un pensum et te mets en prison. Va chercher sur tes doigts la césure et le nombre. Et reviens, m'apporlant aux lèvres ma chanson....

... Il est des amours profondes, des tendresses Qui forcent les amants à se parler tout bas. Emplissant les baisers de leurs Apres ivresses : Ces amours on les vit, ou ne les rime pas —

Écoute-les chanter sur ton front, sur tes lèvres, Ils ont le rythme d'or des amoureux concerts. Ils bavardent entre eux^ contant leurs douces fièvres, .l'ai toujours des baisers, je n'aurai plus de vers.


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Jugeant la prose plus moderne, bien que plus rude à la plume, il renonça à la poésie, et de 18G2 à 18G4 il consacra ses dimanches et ses soirées à écrire de courtes nouvelles qui parurent chez Lacroix, sous ce titre : Contes à Ninon. Paris, in-18 jésus, 3 francs. Ce volume contient : La Fée amoureuse ; Le Carnet de danses; Le Sang; Simplice; Les Voleurs et l'Ane; Sœur des pauvres; Celle qui m'aime. Le Petit Journal et la Vie Parisienne acceptèrent de lui quelques articles et deux ou trois nouvelles, entre autres, La Vierge au cirage. Le Salut public en 1865, publia quelques études littéraires et artistiques, réunies dans le volume : Mes Haines. La Confession de Claude^ sur le chantier, depuis 1862, fut terminée en 1865, et imprimée chez Lacroix, la môme année, in-18 Jésus, 3 francs; elle rapporta quelques droits à son auteur, ce que n'avaient pas fait les Contes à Ninon. Troublé pour des renseignements que le procureur impérial avait cru devoir prendre chez Hachette, en raison de quelques détails réalistes de sa Confession , et craignant que ses patrons, indisposés par ces taquineries policières, ne songeassent à le remercier, il les prévint, en novembre, de son départ, et les quitta le 31 décembre 1865.

En résumé, il doit à la maison Hachette de l'avoir tiré de la misère, de l'avoir initié aux habiletés du mécanisme de la publicité


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et d'avoir aidé, en le mettant en relation avec les journalistes et les éditeurs, au placement de ses livres et de ses articles. 11 était peu connu, c'est vrai, mais il était connu, et les portes surtout lui étaient ouvertes. Il n'y a que ce premier pas qui coûte ; mais pour cent qui se présentent pour le faire et qui ensuite en feraient cent, combien le franchissent ! Que Zola qui l'a heureusement enlevé, grâce aux Hachette, ne nous dise pas, Roman expérimental, p. 354 : « L'écrivain qui apporte un monde accouche toujours de ce monde », car La Bruyère, qui s'y connaît autant que lui, lui répondra : « Il n'y a point au monde un si pénible métier que celui de se faire un grand nom ».

Sorti de chez Hachette, il se mit, recom- mandé par M.Bourdin, gendre deM. de Villo- messant, eu rapport avec ce dernier et lui proposa de publier dans son journal YEvé- nementy des articles sous la rubrique : Liires (VaiijourcVhui et de demain. Son premier article de début date du 2 février 1866; Villemessant fut tellement satisfait de cette bibliographie anecdotiqu(; qu'il n'hésita pas à lui conlier le Salon. Zola adopta comme titre : Mon Salon^ et consacra sa première étude aux membres du jury L'émotion, pour ne pas dire l'indignation, ne fit (|ue s'accen- tuer dès ce j)remior article, cl dégénéra en scandale.


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Le salonnier fustigea si impitoyablement toutes ces médiocrités de l'art gorgées de succès et crevant d'orgueil, et s'acharna, avec tant d'ardeur et de conviction, à mettre en relief le talent original de Manet, que Ville- messant, effrayé de tant de bruit et de colère, pria l'auteur de terminer son Salon en deux articles. Julien Lemer donna ce Salon en brochure, presque introuvable aujourd'hui, et Mes Haines le reproduisirent à la fin du volume. Son Salon si brusquement fermé ne découragea pas Zola; il fit admettre dans le môme journal un roman : le Vœu d'une morte, mais il fut si mal accueilli par le public, qu'il l'ariéta à la fin de la première partie. Cette partie, seule parue, a été impri- mée, in-18 Jésus, par Achille Faure, en 18GG. Des portraits littéraires, republiés dans Mes Haines : Ed. About, Taine, Prévost-Paradol, Flaubert, J. Janin, parurent dans VEvéne- nient sous le titre : « Marbies et plâtres», avec hi signature Simplice. Mais l'Evénement fut supprimé et remplacé par le Figaro^ qui donna encore quelques articles de fantaisie de lui, mais lui ferma presqu'aussitôt ses colonnes, fin 186G. Il ne devait y collaborer de nouveau que treize ans plus tard, après la mort de M. de Yillemessant.

Parti du Figaro^ commencement de 1867, Zola offrit sa plume à qui voulut bien l'accepter et la payer; c'est ainsi qu'il fit un Salon à la Situation qui, terrifiée par ses juge-

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ments artistiques, s'empressa de les arrêter, et qu'il bâcla, pour le Messager de Provence, journal de Marseille, un grand roman en trois parties : Les Mystères de Marseille, réunies en trois brochures plus que rares. Le Corsaire, journal de M. Ed. Portalis, a reproduit ce feuilleton sous le titre : Un Duel social, par Agrippa.

Thérèse Raquin, inspirée par la Vénus de Gordes de A. Belot et de Ernest Daudet, fut publiée en feuilleton dans V Artiste et payée 600 francs; Lacroix la mit en vente, octobre 1867, en un volume in-18 jésus, 3 francs. Ulbach qui, sous le pseudonyme de Ferragus, donnait des appréciations littéraires dans le F/^r?/-o, l'ayant traitée de littérature putride, Zola fut autorisé à relever cette accusation et à défendre son œuvre qui bénéficia d'une seconde édition, en 18()8. Le mot putride ayant aiguisé la curiosité et capté l'attention, le succès venait. On ne peut s'y tromper, ce n'est ni son talent, ni sa violente polémique, ni l'ensemble de son œuvre qui le signalent au public, c'est un mot, un mot grave, il est vrai, une accusation d'immoralité. Le succès est venu pour lui, comme pour Flaubert et beaucoup d'autres, par le scandale.

Madeleine Ferai, liiée d'un drame en trois actes non joué, parut d'abord en feuilleton, dans un nouvel Evénement dirigé par Bauer, sous le titre : la Honte, mais ne put aller j»is(|u'à la lin; les abonnés protestèrent contre


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ses tendances naturalistes et la firent sus- pendre. Le volume fut, comme les précé- dents, publié et mis en vente par Lacroix, 1868, in-18 jésus, 3 francs; une deuxième édition récompensa l'auteur de sa persis- tance à la turpitude littéraire.

Si, à ces articles et à ces volumes, publiés de 1859 à 1868, j'ajoute un article paru sur Germinie Lacerteux, dans le Salut Public de Lyon, en 1864, et une étude sur Balzac, dans le Rappel, en 1870, mon travail sur ses dé- buts littéraires sera, j'en ai la conviction, absolument complet et m'amènera, à lin 1868 et 1869, époque qu'il a consacrée à l'étude du Traité de Vhérédité naturelle du docteur Lucas et autres, pour constituer le plan gé- néalogique de V Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire, autre- ment dit son arbre des Rougon-Macquart. Le premier roman de cette série qui, actuel- lement, en comprend vingt, fut offert, sous le nom : La Fortune des Rougon, au journal Le Siècle, qui en commença la publication en juin 1870, la suspendit pendant la guerre et ne la reprit qu'en 1871. Le volume fut imprimé chez Lacroix, fin 1871, in-18 jésus, 3 francs.

J'arrête à cette date, 1870, et à ce premier roman : La Fortune des Rougon-Macquartj première manifestation littéraire de ses pré- tentions au roman scientifique, ou plutôt roman expérimental, mon étude sur l'homme;


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on ne comprend bien ce qu'il est qu'en con- naissant exactement ce qu'il a été : le présent s'éclaire du passé.

Incertain de sa voie littéraire, il cherche et tâtonne, allant des vers à la prose, du romantisme au réalisme, du roman au drame, de la polémique artistique à la critique lit- téraire, arrêté, presque toujours, au début de ses articles et au commencement de ses feuilletons, par la violence de ses attaques et la hardiesse de ses peintures sociales; un hasard, enfin, un éreintement plutôt de Ulbach provoque l'attention sur son œuvre et le fait mieux vendre ; son sort est fixé, son genre est adopté. Il va donner à sa littéra- ture, toujours attaquée et souvent flétrie, quand elle n'est que l'expression d'une ga- lanterie au moins correcte, dans sa langue, un drapeau scientifique, et sous cet étalage pompeux de mots savants qui cachent ou une ignorance ou un abus de confiance de la vraie science, il fera passer la dépravation littéraire la plus monstrueuse. La science n'est, dans le cas naturaliste de Zola, que la complice forcée de son immoralité.

J'espère le démontrer dans VŒuvre.


L'ŒUVRE


Des obscènes fameux : Piron, Sade, Arétiii, Dépassant dans sa prose, immorul écrivain, De IcurB livres flétris, le classique érotismi\ Zola les fait rougir par soa naturalisme.


J'aborde la partie la plus importante et la plus scabreuse de cette étude; il s'agit de démontrer que tout son arsenal scientifique n'est qu'une mystification littéraire qui dis- simule, sous une formule nouvelle em- pruntée à Claude Bernard, les procédés de l'érotisme le plus trivial et le plus ordurier. 11 n'y a de différence entre les érotomanes connus et Emile Zola qu'une seule, et elle n'est pas en sa faveur : c'est que, dans leurs (obscénités, ils respectent la langue et les convenances sociales, et que lui les salit en- core par l'ordure de ses mots et de ses des- ( riptions; craignant de présenter des per- sonnages encore trop propres à la curiosité névrosée de ses lecteurs, il choisit, dans la canaille, ce qui est le plus crapuleux, et dans le malpropre, ce qui est le plus fangeux. Pour couvrir cette marchandise, la faire


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passer et môme rechercher, tous les goûts sont dans le naturalisme ; il fallait trouver une étiquette imposante qui fit hésiter les foudres de la loi et une formule savoureuse qui amorçât les appétits blasés de nombreux lecteurs. Ce qu'il allait servir dans son œuvre n'était pas nouveau ; ça remontait bien plus haut que Balzac, que Stendhal qui, eux, seraient bien surpris d'être dénoncés comme les pères de ce bâtard, ça remontait du grammatical Gamiani à l'Ane d'Apulée, cet âne égrillard et paillard qu'on trouve et retrouve dans toutes les insanités erotiques; mais il fallait, par un tour de plume, per- suader que non seulement c'était nouveau, mais encore scientifique. L'érotisme, c'est- à-dire le virus immoral, le prurit littéraire, présenté sous le titre de naturalisme comme une science d'expérimentation morale, d'évo- lution civilisatrice, de perfectionnement social, de progrès humain, est-ce une sot- tise ou une ironie?

Une page prise dans le Journal des Gon- court, tome V, p. 314, répondra peut-être à cette question : Flaubert allaiiuant les pré- faces, les doctrines, les professions de foi naturalistes de Zola, celui-ci répond à peu près ceci : « Vous, vous avez une petite for- tune qui vous a permis de vous affranchir de beaucoup de choses...; moi, ma vie, j'ai été obligé de la gagner absolument avcuî ma plume; moi, j'ai été obligé de passer par


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toutes sortes {i'écritures, oui, d'écritures méprisables... Eh! mon Dieu! je me moque comme vous de ce mot naturalisme, et cepen- dant, je le répéterai, parce qu'il faut un bap- tême aux choses, pour (|ue le public les croie neuves... Voyez- vous, je fais deux parts dans ce que j'écris : il y a mes œuvres, avec lesquelles on me juge et avec lesquelles je désire être jugé, puis il y a mon feuilleton du Bien Public, mes articles de Russie, ma correspondance de Marseille, qui ne me sont de rien, que je rejette, et qui ne sont que pour faire mousser mes livres. J'ai d'abord posé un clou, et d'un coup de marteau je l'ai fait entrer d'un centimètre dans la cer- velle du public, puis, d'un second coup, je l'ai fait entrer de doux centimètres... Eh bien, mon marteau, c'est \c journalisme, que Refais moi-même autour de mes (ruvres. »

Cette citation nous donne la raison qui l'a fait écrivain naturaliste. Une autre des mômes auteurs, tome V, p. 150, nous explique le motif qui le fait démocrate naturaliste : « Vendredi, 13 noveinbrtf"1874, à déjeuner chez la princesse Mathilde, à propos de Zola, dont le nom a été prononcé par moi, et qu'on abîme comme démocrate, je ne puis pas m'empêcher de crier : « Mais c'est la faute de l'Empire. Zola n'avait pas le sou. 11 avait une femme, une mère à nourrir. Il n'avait pas d'abord d'opinion publique. Vous l'auriez eu avec tant d'autres, si on avait voulu. Il n'a


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trouvé à placer sa copie que dans les jour- naux démocratiques. Eh bien, en vivant tous les jours avec ces gens, il est devenu démo- crate. C'est tout naturel » Donc, écrivain

naturaliste^ parce qu'il a besoin, pour ga- gner de l'argent, que le public croie que les choses qu'il écrit sont neuves, et démocrate naturaliste^ parce que les journaux démocra- tiques lui font gagner un argent que les au- tres lui refusent; donc, s'il a baptisé son genre naturalisme, ce n'est pas par sottise, mais par ironie, il me répugne trop de dire par calcul.


Le naturalisme

« La nature, disait de Maislre, qu'est-ce que cette dame? » Moi, je me demande : le naturalisme, qu'est-ce, ce monsieur ?« Oui, dit l'élix Pyat, Revue de Paris et de Saint-Péters- bourg, 15 novembre 1887, p. 77, naturalisme, qu'es-tu? Barbarisme d'abord..., mais c'est ton moindre défaut. Tu n'y regardes pas de si près et ne t'elïrayes pas de si peu. Barbarie «Misuite..., excuse à la barbarie! Elle com- porte une force et une grâce première qui manquent à ta caducité. Grossièreté n'est pas force; incongruité n'est pas grâce. Tu as toute la laideur et le cynisme do la vieil- lesHe, celte seconde enfance pire que l'autre.


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Tu n'es pas d'ailleurs nouveau venu dans le monde. On t'y retrouve à chaque époque de décadence, produit fatal de la loi de renve- loppement. On t'a déjà vu à la fin du xviii® siècle; tu t'appelais Sadisme, tu étais marquis. A la fin du xix* siècle, tu n'es pas plus beau, bien que bourgeois. Pour être un peu moins cruel, tu n'en es pas moins sale : et pour être plus mou, tu n'en es pas plus propre. C'est la différence du tigre au porc..., mais toujours la brute. Même rechute de l'homme en bestialité. »

« Mon Dieu! reprend Zola, dans Une Campagne^ p. 133, je n'ai rien inventé, pas même le mot naturalisme, qui se trouve dans Montaigne^ avec le sens que nous lui donnons aujourd'hui. On l'emploie en Russie depuis trente ans, on le trouve dans vingt- cinq critiques en France, et particulièrement chez Taine » Yoilà pour le mot, c'est en- tendu, on ne prendra jamais Zola sans vert, et pour cause; il ne cite pas plus les écri- vains qu'il plagie que ceux qui le justi- fient : les uns prouveraient sa mauvaise foi et les autres rien du tout. Passons à la chose.

Le naturalisme, comme je l'ai dit, est un mot nouveau, mais la chose qu'on lui fait signifier est déjà ancienne; une étude que je suis patiemment depuis huit ans, l'étayant des documents les plus nombreux : la Trilogie ero tiqie y Aréùn, de Sade etZola, ou VJmmo- ralité littéraire aux xvi*, xYiii^'et xix* siècles.


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en donnera, dans an volume qui doit paraître prochainement, des preuves inté- ressantes et indiscutables. Arétin, dans Baggiona menti délia Na lia et dans ses pièces de théâtre, a pratiqué le naturalisme litté- raire, ou la théorie de robscénité satyrique et pamphlétaire; de Sade, le naturalisme sanguinaire ou la théorie de la jouissance V dans les tortures; Zola professe le natura- lisme bestial, ou l'excitation au plaisir des sens par la peinture pimentée des vices orduriers. Lequel des trois est le pis, ou le moins mauvais? La réponse, il me semble, doit être la résultante du plus grand mal produit par leurs œuvres; en ce cas, Zola l'emporte sur ses émules en obscénité. Comme le bien, tout mal a son sommet; Zola aspirait à un sommet, il a le sien; il tient le sommet du mal. en littérature: il y a droit, de par la quantité et la qualité de son produit natu'-aliste. Dans le roman, c'est le plus débraillé v, ui a le succès. Le public actuel n'aime ni le vrai ni le simple; il aime le faû^^andé et le charlatan pailleté d'or et d'argent; il lui fî ut la surexcitation de tous les bas appétits et l'amorça de toui.es les blagues. Le genre obscène avait épuisé son bric-à-brac d'aduhère-c- égrillards, d'anec- dotes religieuses poivrées et de pamphlets effrontés et impudiques; on en avait assez des gaillardises gauloises et des polisson- neries Louis XV; les gal?.nteries »jpicées àrdure. Il s'y (Halait, vautré comme un porc, une joue barbouillée, soufflant son haleine emportée par sa bouche ouverte, balayant de ses cheveux gris la mare élargie autour de sa tête. » [V Assommoir y p. 345.) — Voyez- vous Claude Bernard formulant les lois du fonc- tionnement précis des organes, rapproché de Zola ciselant cette apostrophe au père Colombe : « Dites-donc, espèce de Borgia,

onnez-moi de la jaune, de votre pissat d'âne premier numéro. » [V Assommoir^ ^."^2^.) — Ou cette déclaration de principes : « Moi, si

'étais nommé (député), je monterais à la tri- bune et je dirais : M,... ! Oui, pas davantage, c'est mon opinion. » [L'Assommoir^ p. 339.) Où les paroles de M. Zola deviennent pré- cieuses à enregistrer, c'est lorsqu'il nous apprend le j)oint auquel il en est arrivé : (c J'en suis arrivé à ce point, dit-il : le roman expérimental est une conséquence de l'évo- lution scientifique du siècle, il continue et complète la physiologie, qui elle-même s'ap- puie sur l'étude de la chimie et de la phy- sique. » Ainsi, voilà qui est bien net, le roman expérimental continuant et complé- tant la physiologie. — « Sans me risquer, écrit sérieusement Zola, à formuler des lois, j'estime que la question d'hérédité a une grande influence sur les manifestations in- tellectuelles et passionnelles (??) de l'homme. Je donne aussi une importance au milieu. » Zola découvre sans efl'ort l'importance de


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riiérédité et du milieu; il en fait part au public avec une exquise modestie, et, certes, il n'en est pas plus fier pour ça : il ne se risque pas à formuler des lois. Notez que c'est avec la même gravité qu'il lance cette grosse révélation : « Je crois que le milieu ^^social a jine importance consi dérable . » Ah çà, M. Zola, ce n'est pas vous également qui avez inventé la poudre? Il faudrait le dire! « Claude Bernard, dit quelque part Zola, a fait de grandes découvertes, et il est mort en avouant qu'il ne savait rien ou presque rien. » Vous pourrez peut-être dire cela quand vous mourrez, M. Zola, car tout est possible, mais Claude Bernard n'a jamais exhalé lès doléances que vous lui prêtez. Rectifiez, ou sinon je vous baptise le Loriquet de l'histoire de Claude Bernard. )> Veut-on que je démontre de la façon la plus péremp- toire que Zola n'a pas compris un traître mot au livre de Claude Bernard — « terrain sur lequel il s'appuie et qui lui sert de base solide »? — Ce me sera un simple jeu : « La science expérimentale, dit Zola, en para- phrasant Claude Bernard, ne doit pas s^in- (litiélcr du /)()nrqi(oi des chost^s ; elle explique le comment, pas davantage (p. 3). — Toutes ces considérations sont stiictement aj)plica- bles au roman expérimental. Pour ne j)oinl s'égarer dans les spéculations philosophi- ques, |)()ur remplacer les hypothèses idéa- lifilcs par l;i lente conquêl(« de l'inconiui, //


Il


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doit s'en tenir à la recherche du pourquoi^ c'est là son rôle exact, c'est de là qu'il tire, comme nous allons le voir, sa raison cr<itre et sa morale (p. 21). — Notre rôle d'être intelligent est Ik, pénétrer le pourquoi des choses, pour devenir supérieur aux choses et les réduire à l'état de rouages obéissants (p. 23). — Nous sommes des ouvriers, nous laissons aux spéculateurs cet inconnu du pourquoi où ils se battent vainement depuis des siècles, pour nous en tenir à l'inconnu du comment qui, chaque jour, diminue devant notre investigation (p. 39). — Dans le roman expérimental, on doit... ne pas sortir du commenty ne pas s'attacher au pourquoi » (p. 44). Est-il joli et choisi, ce chassé-croisé contradictoire du pourquoi et du comment! Voilà comment^ d'excellente expérimentation en médecine, on en a l'ait une exécrable adaptation au roman, et y oWk pourquoi cg qui était vérité pour l'une, devient mensonge pour l'autre.

En raison de ses prétentions scientifiques et de sa fausse interprétation de la science, il n'est pas, dans ses romans, un seul per- sonnage dont le caractère ne soit faux ou exagéré, une page qui n'ait en réserve une contradiction, et une ligne qui ne suinte l'immoralité littéraire. Ce vernis scientifique, tout superficiel, lui a permis de faire accepter du public cette littérature obscène, que la loi eût arrêtée et condamnée, comme outra-

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géant la morale publique, si elle n'avait été couverte et protégée par ce vêtement sévère volé à la science.

Il doit sa sécurité à ce faux nez de savant qui met en confiance les ignorants et sa vogue à la marchandise fortement pimentée qu'il débite sous l'étiquette de la science.

Dans son système scientifique, il entre deux éléments : la méthode expérimentale — je viens, je crois, d'en démontrer la fausse application au roman, — et les lois de l'héré- dité, dont l'adaptation à la littérature n'est pas mieux justifiée; je vais le prouver.

Zola, partant de cette vérité formulée par Leibniz, que l'avenir est engendré par le présent, et le présent par le passé, ou, en d'autres termes, que l'histoire du inonde n'est pas un jeu de hasard, mais la résultante de causes et d'effets, a greffé là-dessus son arbre généalogique d'une famille à deux branches, légitime et bâtarde; il s'est pro- posé d'en établir l'histoire et de l'expliquer, dans une série de vingt volumes, par la succession héréditaire des tempéraments, des instincts, des vices et des vertus. Ce serait, dans la philosophie de l'histoire, un nouveau facteur, le principe physiologique, l'hérédité modifiée et développée par le milieu social. « Je me propose de suivre, en résolvant, dit-il, la double question des tempéraments et des milieux, le fil mathé- matiquo qui conduit d'un homme à un aiilrc


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homme. L'hérédité a ses lois comme la pesanteur. »

Ce fil me paraît bien léger et trop tendu pour l'emploi qu'il en veut faire; il ne sera jamais assez solide pour soutenir à de si nombreuses branches tant de personnages si remuants et si névrosés. Si cette étude me laissait le loisir de tous ses développements, il m'arriverait, en suivant ce fil dans toutes ses fantaisies et ses cascades, de le trouver souvent brisé « t de constater que, dans ce tohu-bohu de légitimes et de bâtards, de mâles et de femelles, de beaux-pères et de belles-filles, de beaux-frères et d'oncles, de neveux et d'aïeules, plus d'un ne tient plus aux branches de l'arbre des Rougon-Mac- quart que par le fond du pantalon, et plus d'une que par une bride de son bonnet ou un reste douteux de sa chemise. La Comédie humaine de Bal/.ac le hantait, le cauchemar- dait, lui étranglait son naturalisme, il lui fallait, coûte que coûte, le clou de son œuvre ; il ne pouvait rester au-dessous de Balzac... Mais que faire? que trouver? qu'inventer ? Il médita longtemps, chercha davantage, et au moment où, désespérant d'illustrer son évolution littéraire d'un avatar homérique, il allait... se pendre, il fit de sa corde : le fil mathématique de l'hérédité, et de l'arbre où il se disposait à Taccrocher : l'arbre généa- logique de cette famille naturaliste qui com- mence, en 1768, par Adélaïde Fouqué, dite


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tante Dide, et aboutit en 1874, à travers trente et un rejetons de toute provenance, au fils non reconnu du docteur Pascal et de sa nièce Clotilde. Cet arbre me fait songer, malgré moi, à Tarbre de la science du bien et du mal; mais Zola en a gaulé avec un tel acharnement les fruits du bien, qu'on ne peut y cueillir désormais que les fruits du mal.

Au point de vue scientifique, cette loi de l'hérédité est plus que contestable, car si elle était une loi absolue, elle au'tuleraitcomplè- tement le libre arbitre. L'hérédité est la transmission des qualités physiques et psy- chiques des ascendants aux descendants. La nécessité de l'hérédité des caractères spécifiques constitue une loi, c'est-à-dire un rapport constant entre certains phéno- mènes, qui conserve plus ou moins exacte- ment les apparences extérieures et les pro- priétés intimes du type. La loi d'hérédité est- elle fixe ou variable; agit-elle directement et mathématiquement du père à l'enfant, ou à de longues distances? Ces phénomènes d'atavisme sont des exceptions, et non la règle ; il s'établit une moyenne entre les différences ancestrales et non une matrice génératrice qui impose son empreinte fatale- ment à toute la lignée; sans cela, les hommes, issus du même homme-type, auraient tous ce type physique et psychique : autant d'Adams que d'hommes et autant {l'Evcs que de femmes.



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La formation de cette moyenne, néces- saire en principe, en subissant d'autres lois dans ses effets, ou leur cède ou tout au moins s'affirme d'une façon différente. L'hé- rédité a donc un correctif essentiel, la varia- bilité qui est la dominante, parce qu'elle est plus forte même que l'hérédité. Bien que celle-ci représente la perpétuité dans l'iden- tique, l'autre nous fait comprendre la per-

lerpétuité dans l'adaptation, c'est-à-dire 'qu'elle seule s'accorde avec la loi primor- jdiale de la vie, qui est le mouvement : le

louvement, ce circulus qui transforme per- pétuellement l'être humain et le promène de la vie à la mort.

La moyenne de l'hérédité consiste dans l'adaptation de l'homme à son nouveau milieu et par conséquent dans la variabilité de l'es- pèce, variabilité qui modifie tellement l'es- pèce et la déforme si entièrement, qu'elle transforme son physique et son intelligence. Hérédité, mais diversité par la variabilité, donc rien de mathématique dans le fil con- ducteur de l'hérédité. La chaîne des êtres a plus d'un anneau brisé, et si la doctrine de l'évolution a de grandes probabilités pour elle et repose sur de nombreuses analogies scientifiques, on ne peut conclure à sa cer- titude. Le produit ressemble au producteur, sans être toujours identique avec lui; le pro- duit n'est pas une émanation directe d'un cire unique, il vient dun œuf qui participe


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de deux organismes distincts et séparés. L'un des deux facteurs, l'ovule ouïe germe, est toujours prédominant, et pourtant, le produit ressemble souvent davantage à celui de ses auteurs dont il n'a pas le sexe : le fils a les traits de la mère, la fille ceux du père. Les croisements entraînent des différences appréciables. Les caractères psychiques de l'hérédité disparaissent par l'éducation ou par l'épuisement; en s'éloignant de leur source, ils se modifient ou se perdent : l'in- fluence augmente d'un côté pendant qu'elle diminue de l'autre. 11 y a plutôt transmission héréditaire des maladies physiques que des imperfections morales.

La tendance de la nature est dirigée nor- malement vers la répétition d'un type, quel qu'il soit, et il n'y aurait jamais qu'un seul type humain, indéfiniment répété, si des causes plus fortes que la loi d'hérédité n'avaient enrayé cette tendance. L'espèce humaine ne peut être modifiée dans ses ca- ractères intimes par les conditions exté- rieures dans lesquelles elle est placée; voici pour l'hérédité physiologique : la sélection dans les deux facteurs de la procréation pro- duit une prééminence intellectuelle (jui se perpétue tant que l'introduction d'éléments disparates ou l'effet de l'épuisement naturel des forces vitales n'interviennent pas comme dissolvants. V a-t-il fusion des deux séries, ou sont-ce deux points distincts d'un même


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phénomène? II y a hérédité de folie et il n'y a pas hérédité de génie, pourquoi? La lésion intellectuelle existe, dans le premier cas, et se transmet; pourquoi la faculté géniale qui distinguait le père ne se transmet au fils qu'affaiblie, épuisée et parfois éteinte? On n'est sûr que de cette observation expéri- mentale, c'est que l'enfant, étant le résultat de deux influences dont l'une est toujours prépondérante, la différence des facteurs, non seulement de l'un par rapport à l'autre, mais de chacun d'eux par rapport à lui-même, suivant les circonstances, amène et provoque une constante irrégularité dans les effets prévus.

L'antagonisme perpétuel et nécessaire de l'hérédité et de la variabilité explique, par leurs deux forces, l'une, l'existence et la durée du monde organique, et l'autre ses périodes régulières de progrès, d'apogée et de décadence.

Zola ne s'étant pas mieux rendu compte des lois de l'hérédité que de la nature et par con- séquent de l'objet de la science expérimen- tale, les a adaptées toutes deux, avec la plus entière inconséquence, au naturalisme, et a fait de l'homme une machine animale, agis- sant sous l'influence de l'hérédité et des milieux et marchant fatalement, comme un troupeau, sous le bâton d'une aveugle des- tinée. Il est incontestable que l'hérédité, le tempérament, l'éducation, le milieu général,


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l'exemple, les impressions elles perceptions j)récédemment emmagasinées, sous forme criiabitudes ou autrement, constituent un ensemble d'influences inconscientes dont la portée est incalculable, et qui diminue sans aucun doute, dans des proportions considé- rables, la part de liberté morale qui est la propriété de chaque individu ; mais, si limitée ou atténuée qu'elle soit, elle existe, règle générale, suffisamment indépendante pour engager toute responsabilité humaine.

Donc, au point de vue scientifique, le na- turalisme est un... personnage de La Fon- taine couvert de la peau du lion.

Au point de vue artistique, la science ainsi employée me semble contraire au but même de l'art. Un travail d'art, en eflet, est la représentation de la vie, et vous ne pouvez expliquer la vie avec un seul facteur sans la mutiler ou l'exagérer. Le principe hérédi- taire n'est pas le seul facteur de la vie; la réduire à l'hérédité, c'est tomber dans l'exa- gération. La logique de la vie vous contraint à introduire dans votre cadre bien des choses qui sont en dehors de ce principe, et même contre lui. Celte j)réoccupation du fil con- ducteur vous entraine à des altérations des faits, à des constructions artificielles et à de certaines aj)plications forcées qui compro- mettent souvent votre arbre et cassent plus d'uniî de ses branches. Pauvre arbre! à lui seul il mériterait un roman, un de ces romans


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où votre talent de descripteur cache la naï- veté de votre science. Aussi vos lecteurs en l'ont bon marché, et, brisant ce fil à repri- ser, rompant cette trame si ingénieusement mélangée, et méprisant cette parenté si mêlée, oublient toute cette construction anatomico-physiologico- héréditaire , pour s'intéresser à chaque roman, en dehors de tout système scientifique et expérimental. Au reste, ce lien plus fictif que réel, inventé pour donner une espèce de vraisemblance à l'Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire, devient un accessoire si peu important que le lecteur et l'auteur, une fois entrés dans le roman, ne s'en sou- viennent plus eux-mômes.

Donc, au point de vue littéraire, la théorie de l'hérédité est aussi inutile que contraire aux règles de l'art. Le roman, par sa raison d'être essentiellement littéraire, ne se prête ni aux conceptions abstraites de la philosophie, ni aux formules mathématiques de la science. « Que m'importe la science, dans le roman, c'est l'art qu'il me faut, » avez-vous écrit.


Le Naturalisme moral


Ces deux mots jurent ensemble, mais pour accentuer plus vigoureusement leur incompatibilité, je les force un instant à

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s'accoupler, ne doutant pas que de cet accou- plement contre nature^ il n'en sorte ce monstre littéraire qu'on nomme : l'immo- ralité.

Le romancier, avant de lancer dans l'ac- tion son personnage, l'analyse, ou plutôt lui constitue un dossier de tous les éléments dont il est pétri. Décrire l'homme dans l'his- toire, ou, comme on dit, dans le milieu ambiant et dans le climat historique et géographique, tel est le summum du travail analytique et critique du xix® siècle. L'auteur qui étudie seulement l'homme, invente les caractères, scrute et analyse les sentiments, ne fait qu'un roman psychologique, et celui qui le fait mou- voir et vivre dans son milieu ambiant fait un roman historique. Les écrivains qui, mêlant ces deux genres, tendent, dans leurs analyses psychiques et historiques, à sortir l'homme <le son isolement abstrait et à le faire vivre dans la réalité de sa nature et de son milieu historique, sont des réalistes qui cultivent encore un reste didéal do convention qu'ils regardent comme de Tart : ils inventent des situations merveilleuses, des actions géné- reuses et des passions grandioses; ils retouchent légèrement h\ réalité, en lui don- nant un certain coloris; ils font vibrer la passion patriotique et entretiennent dans l'humanité le feu sacré do la solidarité so- ciale. Ils ne touchent à la boue humaine que pour faire aimer le vrai, le bon et le beau,


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en peignant le faux, le mal et le laid. Ainsi Balzac, G. Sand, dans quelques romans champêtres, Ohnet, dans le Maître de Forges^ etc.; ou des naturalistes qui, plus réalistes que la réalité, cherchent l'art dans la boue et ne choisissent leurs sujets artistiques que dans les bas-fonds de la société. Zola a donné à cet art, ou à cette science du laid réalisé ou /rfert/Z^e jusqu'à l'exceptionnellement laid, le titre suffisamment caractéristique de natura- lisme, bien qu'il n'y ait rien de moins natu- »rel que cette vie laide, vulgaire, exagérée et dénaturée. Ce n'est pas une évolution litté- raire, c'est une révolution anarchique; il y avait dépravation accidentelle dans la réac- tion réaliste, il y a dépravation absolue et voulue dans l'action naturaliste. Ce n'est pas seulement une négation de l'idéalisme ou une modification du réalisme, c'est lapréten- { ^jlûn à ifn progrès artistique correspondant à ce progrès scientifique qui met au rang des sciences l'anthropologie et la pédagogie : un romancier n'est plus un vulgaire littéra- teur, il est un expérimentateur moral. Un maître en naturalisme, dont, à ce titre, Zola se réclame souvent, a dit : « Cette phraséo- logie, toute en sonorité lexicograj)hique, dissimule, dans les prétendues sciences philosophiques modernes, le système ancien du matérialisme augmenté de quelques variantes plutôt grammaticales que scien- tifiques. Le darwinisme, le rationnalisme, le


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positivisme, le déterminisme, le naturalisme ne sont que des enfants, plus ou moins émancipés, de Démocrite, d'Epicure et de Lucrèce. L'Homme se pipe », dit Montaigne, mais il se pipe surtout lorsqu'il se matéria- lise jusqu'à s'animaliser; qu'est-il, en effet? un animal moral. Supprimez l'adjectif, il ne reste plus que le substantif. Toute idée a son équivalent moral. A la vie animale correspond le naturalisme; à la vie indifférente, le posi- tivisme; à la vie humaine, le spiritualisme. Toute philosophie a sa morale, toute doc- trine ses mœurs. Tout homme est une philo- sophie vivante; à sa doctrine correspond son genre de vie.

De ces considérations philosophiques, il m'est bien permis, malgré leur brièveté, de conclure que Zola, étant naturaliste, c'est-à- dire matérialiste, dans la pire acception du mot, il ne pouvait pas être un autre ^écrivain que celui qu'il se défend d'être, un immoral qui, sous le masque de la science, pousse l'analyse anatomique du document bestial jusqu'aux catastrophes irréparables de la contagion. Sous sa plume, trempée de déjec- tions populacières et chargée du pus pesti- lentiel de toutes les plaies humaines el sociales, le naturalisme est, non seulement l'art de chatouiller et d'exciter les iroùls dépravés du public, mais d'enfiévrer et de congestionner leurs appétits sensuels jusqu'à riiyslérie, jusqu'à la folie erotique. Que Zola


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fasse le sacrifice honnête des descriptions voluptueuses, des scènes de ribauderie qui, hors-d'œuvre voulus et cherchés, nuisent plutôt qu'ils ne servent à l'action du roman, et il verra aussitôt la dépréciation commer- ciale que subira son œuvre. Mais l'exciter à être honnête, morale c'est lui demander de renoncer à l'argent et à l'honneur littéraire, ce qu'il ne fera pas.

Donc, son genre est une spécialité comme une autre, non, plus dangereuse qu'une autre ; il faudrait donc fortement l'imposer comme l'alcool, ou se précautionner minutieusement contre elle, comme on le fait pour la dynamite, et non la tolérer, comme certains vices léga- lisés, ou la récompenser, comme l'action héroïque qui concourt au salut de la patrie, ou l'œuvre remarquable qui l'illustre ou l'en- richit. Quel siècle et quelles mœurs! On pour- suit Madame Bovary^ un chef-d'œuvre romantico-réaliste; on condamne Les deux amies, un pastiche de Mademoiselle Maupin et de Mademoiselle Giraud ma femme; Les Gueux àc Richcpin,une épopée vadrouilleuse imitée des Misérables de Victor Hugo; on proscrit Gamiani, l'œuvre naturaliste et anonyme d'un poète illustre..., et on a déposé sur Nana, sur le Ventre de Paris, sur Pot- Bouille, sur la Curée, sur la Faute de l'abbé Mouret, sur V Assommoir, sur la Terre, sur la Bête humaine... la croix d'officier de la Légion d'honneur, et on sollicite leur entrée


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à r Académie !... Elles y entreront, ces sale- tés, n'en doutez pas; cette descente éhontée, canaille de truands ivres et de ribaudes en rut, ne peut refuser aux admirateurs de Zola le spectacle de leurs orgiessous la cou- pole de l'Institut. Balzac, le géant réaliste, qui a peint tous les vices, avec la science profonde du physiologue et la réserve litté- raire d'un moraliste soucieux de la dignité humaine, avait droit à cette revanche; il ne fut rien, ni décoré, ni académicien.

Ici, pour appuyer ma thèse par des exemples, je devrais citer des extraits des romans de Zola, et, en cela, il y aurait plutôt embarras du choix qu'insuflisance de modèles pornographiques; un tiers au moins de chacun de ses livres est consacré à des scènes érotomanes. On peut affirmer qu'il n'existe pas un vice, une passion, une monstruosité sensuelle dont il n'ait donné l'anatomie et l'analyse avec un raffinement de détails voluptueux et une pimentation de mots orduriers et salés qui ne soient de nature à éveiller la curiosité la plus naïve et à satisfaire les goûts des plus blasés. Qu'on publie sous le titre... adouci de Polissonniana toutes les c... de Zola, je défie qu'on puisse trouver, en aucune langue, un ouvrage plus obscène que celui-là. Mais que voulez- vous ? les actes des naturalistes sont des ados inconscients, qui ne sont ni beaux ni laids, ni moraux ni immoraux, ce sont des actes naturels. Ils peignent le réel tel qu'il — 115 —

est, avec une minutie voisine de la manie; ils le reproduisent dans son objectivité, avec toute l'exactitude et toute la sagacité de l'ob- servateur, l'analysant avec une parfaite indifférence, comme s'ils analysaient une pièce anatomique; ils se servent de mots canailles et de couleurs crues pour piquer plus vivement l'attention et provoquer un intérêt de curiosité. La putréfaction sociale passe, sans les surprendre, sous leur nez et sous leurs yeux ; ils n'ont qu'un souci : rendre cette pourriture dans sa nudité et sa crudité, non pas avec l'horreur indignée du moraliste, mais avec la complaisance du matérialiste qui se délecte dans l'orgie du vice. Cette corruption peinte sans voile et sans pudeur épouvante notre imagination, indigne notre respect de la dignité humaine et irrite notre sens moral, mais elle plaît à Zola qui lui réserve ses peintures les plus nues et les plus crues. Il ne craint pas de soutenir que ses tableaux, sales et provoquants, restent hau- tement moraux; que plus le tableau est bes- tialement laid, plus se révolte et réagit la conscience de l'homme; cela revient un peu à dire qu'on ne sera chaste que lorsqu'on aura épuisé toutes les impudeurs ; sobre, que lorsqu'on aura abusé de toutes les ivresses, et moral que lorsqu'il ne restera plus d'immo- ralité à commettre. « Nous mourrons, dites- vous [Documents littéraires^ p. 370), de fausse vertu et de fausse pudeur, et non d'obscénité...


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Dans l'évolution scientifique qui révolutionne notre siècle, l'obscénité est dans le mouve- ment général des esprits comme une puce gaillarde qui gambade dans la machine d'un train. Le machiniste s'affole-t-il et croit- il le train brisé pour cela ? Nous mourrons de tartuferie. » Comparer l'obscénité à une puce et surtout à une puce gaillarde qui gambade dans la machine d'un train, c'est avoir la prétention de résoudre une question fonda- mentale de haute moralité sociale par une comparaison ridicule et fausse. Si l'obscénité n'est, par rapport à la morale, qu'une puce gaillarde, je crains bien que Zola ne soit, par rapport à la littérature, qu'un puceron orgueilleux.

Il écrit encore [Documents littéraires) : « Travailler dans la vérité n'est pas travailler dans l'ordure (p. 408). Tout mensonge, eùt-il une apparence de grandeur, apporte le mal avec lui, mais toute vérité fùt-elle ignoble, fût-elle le mal même, apporte un enseigne- ment, une morale avec elle » (p. 400). Le vidan- geur travaille dans la. ..vérité, est-ce propre? Le chirurgien dans un chancre, n'est-ce pas une ordure ? De Sade, idéaliste, vautre l'homme sous l'étreinte épouvantée et voluptueuse de passions monstrueuses, il est immoral; — Zola, naturaliste, dissèque, analyse longue- ment la Délc /luniaiiie, pantelante de vices, crevée de pourriture, il est moral. De qui se moque Zola ?de ses lecteurs ou de lui-même ?


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existe pas d'indifférence morale défaut de conscience; l'homme a l'instinct moral, et il ne le diminue en lui qu'en s'abru- tissant. On ne trouverait pas un être raison- nable, je ne dis pas sans moralité, mais sans conscience de son immoralité ou au moins de l'immoralité des autres. Ecrire l'immo- ralité, c'est tuer la morale, c'est détruire la vertu. La vraie cause du mal est dans les entrailles mômes de notre nature; pourquoi ^kles remuer ? Pourquoi étaler devant l'homme ^^ sa dégradation morale? L'écrivain qui veut moraliser ne moralise pas en nous mettant en face d'une nature exceptionnellement laide et en spéculant sur nos mauvais pen- chants par la peinture de lascivetés crous- tillantes. Je ne crois pas à l'effet moralisateur de l'analyse du vice; on n'acquiert pas un sentiment plus élevé du devoir en se repais- sant de tableaux voluptueux. Les réalités morales sont seules moralisatrices ; la matière môme est moralisante quand Dieu et l'âme l'éclairent et que l'esprit humain voit Dieu à travers la nature; il l'analyse et la juge plus sainement qu'en la voyant à travers un tem- pérament.

La décadence des mœurs est, dans l'ordre moral, ce qu'est le coma dans la maladie : le signe certain de la ruine, ou plutôt de la mort d'une nation. La manie de rénovation posi- tiviste, matérialiste, naturaliste, est la mala- die de ndtre temps. Le monde moral a son

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centre de gravitation comme le monde phy- sique ; c'est la science du sens commun qui a pour objet l'analyse et la coordination rai- sonnée des lois de notre entendement dans toutesleursapplications. Les notions acquises et complétées par cette science ne doivent être ni au-dessus de notre entendement, ni en dehors, ni contraires à ses lois. Mais le monde, disent les célébrateurs du natura- lisme, mourrait d un trop plein de civilisa- tion si tous les quatre ou cinq cents ans l'homme ne revenait pas à la nature, ou plutôtn'yretournaitpas. L'humanité échappe- t-elle à la décadence, à la mort, en remon- tant brusquement à son berceau et en repre- nant à rebours le circuliis de sa vie morale et intoUectuolle ? C'est une hypothèse assez har- die pour qu'on en laisse la responsabilité à Zola; il n'est pas douteux cependant que, si la rénovation civilisatrice du monde est en raison de la puissance de réaction contre le progrès et d'un retour plus complet à la prime nature, il ne sorte du naturalisme, cet engrais perfectionné de lalillératurc moderne, une floraison toute particulière de civilisa- tion naluialiste Pour nous, jicu habitués

encore à ce genre de culture humanitaire, qu'il nous .soit permis de dire qu'après seu- lement la lecture de quelques pages natura- listes, tin immense mal de cœur moral nous envahit et nous donne la soufl'rance du vomis- sement ûcre cl douloureux de toutéfS ces tur-


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pitudes littéraires. Et, repus et saouls de toute cette matière, nous nous échappons de cette lecture faisandée comme d'un musée Dupuytren, emportant avec nous et en nous, l'odeur et le dégoût de ces dissections anato- miques et l'horreur de ces académies de tripot. Quels nez, quels sens, quels goûts peuvent bien avoir ces grosses et grossières natures — je parle des naturalistes — pour que non seulement ils ne reculent pas, répugnés et dégoûtés, devant cette immonde volupté, mais qu'ils se grisent de ses âpres ardeurs et qu'ils en aient, pour ainsi dire, la chair et [le sang en rut, j'espère, pour l'honneur de l'humanité, qu'ils n'apprivoiseront jamais les esprits délicats à cette littérature de ruisseau et qu'ils n'auront jamais comme lecteurs que les névropathes et les curieux qui ont besoin des moxas littéraires et des cantharides na- turalistes pour galvaniser un instant leurs cadavres erotiques. Certaines pudeurs sont des questions de mode et de temps, je le veux bien, mais certaines impudeurs n'ont jamais leur temps et ne doivent jamais avoir de mode.

Le naturalisme, par son débraillé lubrique, par sa représentation ou plutôt sa repro- [ductionde ramourcanaille,a plus d'influence encore sur la femme que sur l'homme; elle se perd, bien plus par l'obscénité qu'elle lit que par l'obscénité qu'elle voit ou qu'elle entend; elle se garantit de celle-ci par


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pudeur ou par peur des convenances, mais elle s'abandonne à celle-là, heureuse de savourer en secret un livre complice de ses instincts passionnels. Le cynisme des mots, la dépravation des expressions révoltent d'abord sa délicatesse féminine, qui se façonne vite à leur crânerie immorale et finit par les adopter comme une excuse et une amorce nouvelle. La pire débauche est celle acquise par les livres ; elle possède la science du mal : on ne rougit plus et on guérit rare- ment de la passion qu'on discute et qu'on raisonne. On a honte du premier volume mauvais qu'on lit, on s'amuse du second, on a besoin des autres.

Si le bien général de la société ne vous émeut pas et n'arrête pas votre plume mal- faisante, avant d'écrire, naturalistes, pensez du moins à la femme et à l'enfant, ces deux faiblesses gracieuses et charmantes qui ont droit à votre respect; n'y touchez pas, car qui sait? votre livre d'hier a peut-être flétri une femme dans sa pudeur, et votre livre do demain tuera un enfant dans son innocence; ils en flétriront et en tueront des milliers, car ils sont le torrent qui grossit et l'avalanche qui grandit, emportant, écrasant, brisant et broyant tout dans leurs ondes fangeuses et empoisonnées. On ne guérit pas le vice par la peinture des vices, on n'enseigne pas la moralité par Timmoralilé ; bel enseignement moral : l'immoralilé contre l'immoralité. La


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littérature n'est pas une homéopathie dosi- métrique qui soigne le mal en déterminant un mal semblable; au reste, ce n'est pas infinitésimalement, mais infiniment, que vous servez le poison de la corruption.


L'idéal de Zola


Du naturalisme examiné à ces trois points de vue : la philosophie, la science et la morale, arriver à conclure à l'idéal dans le naturalisme, semblerait un non-sens à un homme de bon sens; mais Zola, qui est tou- jours en avant en fait de contradictions, s'est bien gardé de ne pas commettre celle-là. Félix Pyat, dans la Revue de Paris et de Saint-Pétersbourg^ 15 novembre 1887, p. 88, dit : « Après le soleil romantique, voyons sa lune. Après Danton, Hébert! Après l'héroïque, le cachectique ! Après le romantisme noble, nous l'avons bourgeois, puis crapule! Tout le déclin avec l'accélération ordinaire de la chute des corps. Les gros mots succèdent aux gros mots : le grand monde, le demi- monde et l'immonde! Marion, Camélia et Nana. Marion avait du moins un reste de cœur, d'idéal et d'honneur. C'est encore une femme voulant l'impossible sans doute, se refaire vierge à force d'amour. Mais Nana,


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sa petite-fille, plus vile et plus basse création d'un art plus vieux, ne veut que se faire riche, pas même ! Plus rien de féminin, d'humain, une chienne, et non plus de Lesbos, mais de Lourcine, Sapho moins la lyre, plus la lèpre, ayant une maîtresse pour amant. Nana, c'est Marion pourrie. Pornographie et patho- logie..., l'épopée du chancre. Allons, le fer et le feu! Zola opère! Baissons le rideau!

« Rien d'ailleurs de plus dénaturé que ce naturalisme, de moins vrai que ce réalisme, la plus haute vérité étant la plus vraie et la plus noble nature, la plus naturelle. La fleur est au moins aussi vraie que le fumier.

« Que le chef de l'école, sans être beau comme Raphaël, prenne la peine de se re- garder dans sa glace : il pourra voir que la nature lui a mis tôte et cœur au-dessus du ventre ; et s'il ne se voit qu'à partir du ventre et du bas-ventre, c'est la vérité animale et la nature végétale de Bichat, la béte et la plante qu'il voit, et non l'homme, non le cer- veau d'Emile Zola. Le lecteur français veut être respecté... et le naturalisme, quoi qu'il dise, est bel et bien le romantisme, mais infé- rieur; car il veut aussi l'art j)our l'art, mais l'inexprimable. C'est un balzacate d'Hugo, l(!nant plus du prosaïque que du poétique, mais c'est Balzac gâteux et gâté. Son vrai maître, son dab^ comme il l'appelle, est donc l'auteur de la Comédie humaine. Y a-t-il une comédie bestiale? N'importe! ne chicanons


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pas le titre... pour l'œuvre. Dans cette œuvre ambitieuse, l'encyclopédie des passions, qui prétend contenir toute l'humanité, pas moins, il ne manque, ma foi, rien que la plus noble des passions humaines. Balzac, qui croit avoir tout vu..., a coudoyé Barbes etVidocq, Balzac a vu Vidocq et n'a pas vu Barbes. Mômes lunettes du maître à l'élève et môme myopie. L'auteur de V Assommoir, qui a pu voir l'ou- vrier Varlin, n'a vu que l'ouvrier Goupeau. Pourquoi?... Selon la loi d'évolution biolo- gique, le supérieur passant par l'inférieur, l'artiste peut toujours faire un type inférieur à lui-même, un supérieur, non. Ainsi Zola peut faire des sous-Zola, mais pas des sur-Zola. « L'exemple est le plus fort des préceptes, parce que son influence est la plus directe des leçons. En morale, en religion, l'exemple inculque la leçon. Sans doute, le médecin n'est pas la maladie. Mais Pasteur n'inocule- rait pas volontiers la rage à l'homme sain... La santé publique exige l'enlèvement des boues, l'assainissement des rues, la propreté des maisons, défend les boissons et les viandes gâtées, prescrit la pureté de l'eau, de l'air, et avec raison. Mais il y a aussi une hygiène morale comme une hygiène phy- sique. C'est ce que le naturalisme semble ignorer. Il est en contravention flagrante contre la salubrité publique. Son chef est un artiste laborieux, consciencieux, mais tra- vaillant plus son cadre que sa toile, entre-


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tenant rigoureusement un feu de coke sans flamme, terne et gris, mais sans fumée, d'un style verbeux comme ses deux maîtres, mais plus clair parce qu'il est plus plat, n'ayant ni l'emphase d'Hugo, ni la préciosité de Balzac, quoiqu'il en ait le descriptif ci surtout l'adjectif, mais ayant moins qu'eux encore le sens moral. Jl voit encore plus bas. Quand il socialise^ car ils y arrivent tous, même M. de Bismarck, son naturel revient au galop. Ainsi, dans Germinal, il salit comme à plaisir son héros qui, au moment de l'action, oublie sa cause pour sa « rousse », se souillant gratuitement, sans aucune logique, car son amour n'est que secondaire et n'est plus qu'un rut animal et anormal, hors de saison et de raison, survenant là pour le besoin, j'allais dire du scandale..., pardon! du succès, un tribut à l'érolisme et aux clients, indigne de l'auteur et de son talent. Il n'y a qu'un mendiant de profession qui se fasse des plaies pour gagner l'attention et les sous.

« Je ne dis rien de trop, ni môme assez peut-être, vu le danger de l'œuvre. Je vois là, honte et ironie. Plus le talent est grand, plus il est coupable. La responsabilité égale la capacité. Et je n'hésite pas à dire, avec un autre peu suspect de pruderie, avec Vallès, que l'auteur de VAssommoir a ca- lomnié l'ouvrier. J'ajoute qu'il a calomnié le paysan et un peu le bourgeois..., toute la France. Et la preuve, c'est que le peuple


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proprement dit le lit peu. La clientèle est riche.

« L'art pessimiste qui ne voit dans le monde que le mal, dans la ferme que le fumier, dans la maison que le closet, dans la ville que l'égout, et dans l'homme que l'anus..., nous voilà en plein culte du dieu Stercus; l'art plus bas même que le quadru- pède, qui étale ce que le chat cache, qui, pareil aux cloportes et autres coproj)hages, grouille et vit dans le prurin; l'art abject et infect qui ne sent pas que le fumier est mortel, s'il n'est enfoui ; l'art inhumain qui ne comprend pas que nature, son modèle et son maître, fait monter et non descendre l'homme de la bote, évolue de bas en haut, tend sans cesse à élever ses œuvres de la bête à l'homme, et que l'homme étant la plus haute forme de création, l'art le plus humain est le plus naturel et le plus vrai; l'art donc des Coupeau et des Nana a beau se dire naturaliste, il est contre nature; ses formes ne peuvent entrer avec les marbres au musée du Louvre, mais avec les cires, au musée Dupuytren. »

Cette longue citation d'un maître, en pensée et en style, est, certes, la conclusion la plus logique et la plus énergique qu'il m'était possible de choisir à mes considé- rations; j'eusse hésité devant une forme aussi impitoyable et aussi mordante; mais elle est aussi l'argument le moins discutable


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contre l'idéal ou Tidéalisme du naturalisme. L'idéal, défini dans son essence même, est une ardente aspiration vers une idée pure, non encore réalisée, mais réalisable ; c'est l'humanité évoluant vers la perfection. Indi- quer l'essence et le but de tout idéal, n'est-ce pas condamner le roman expérimental au terre à terre de la matière, aux vulgarités grossières de l'humanité, à l'idéal du laid, le contraire de l'idéal du beau! J'avoue, en lisant le supplément du Journal, 10 dé- cembre 1893, qui, au banquet de la Plume, a fait circuler, à propos de l'attentat à la Chambre des députés, cette note : « Mon cher confrère, veuillez nous donner, en une phrase écrite de votre main, votre impres- sion sur l'explosion de ce soir, à la Chambre des députés; » que je ne comprends pas ce qu'a voulu dire, en style sibyllique, le pon- tife du naturalisme : « Aux époques trou- blées, la folie souffle, et la gmWoùnQ pourra encore moins qu'un idéal nouveau. Emile Zola. » Qu'est-ce que ce nouvel idéal et que pourra-t-il de plus que la guillotine? Si c'est une folie qui souffle, aux époques troublées, (juel remède est plus radical que la guillo- tine? Un idéal nouveau pouvant plus sur la folie qui souffle ([ue la guillotine..., c'est un l<;l casse-téle qui mène à un casse-cou, que pour en sortir, on demanderait presque à (Milror à l'Académio. En tout cas, en lisant Zola qui se donne de l'idéal, comme celui


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qu'il donne au banquet de la Plume, en com- pulsant ses nombreux admirateurs qui lui en accordent plus qu'ils n'en eurent jamais, je cherchais, fourbu, désespéré, jetant ma plume impuissante à tous les naturalistes, un idéal que je ne trouvais nulle part, pas même en bas, bien bas, où il me semblait qu'il devait couver des microbes, quand Zola m'a enfin tiré d'embarras, en m'annonçant un idéal nouveau. Un idéal à naître sûrement, car sans cela aurait-il le cœur assez naturel pour en refuser la recette idéale au gouverne- ment? Les anarchistes alors n'auraient plus qu'à remiser leurs boîtes à sardines, car par- tout on lirait en grosses et énormes lettres : Emile Zola, l'Idéal nouveau, recette infail- lible contre les bombes et autres engins naturalistes..., non, anarchistes, connus... Voilà, grâce à un bout de journal tombé par hasard sous mes yeux, ma conclusion sur l'idéal de Zola, toule trouvée. Je ne pouvais rôver mieux.


Zola romancier

Toute manifestation écrite de la pensée étant un acte public, devient, par ce fait même, une bonne ou une mauvaise action : bonne, si elle concourt, par le vrai et le beau, au bien de l'humanité, et mauvaise, crime de lèse-humanité, si elle nuit à son


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but qui est le perfectionnement. Le roman- cier naturaliste ayant la prétention, comme le dit Zola, d'être un expérimentateur moral qui travaille sur le document humain, en le faisant évolulionner dans des milieux choisis et appréciés d'après son tempé- rament, il est indispensable, pour juger ce système scientifique, puisque système il y a, d'établir certaines règles générales adoptées et suivies jusqu'à ce jour.

« Celui qui n'a égard, en écrivant, qu'au goût de son siècle, songe plus à sa personne qu'à ses écrits : il faut toujours tendre à la perfection, et alors cette justice, qui nous est quelquefois refusée par nos contemporains, la postérité sait nous la rendre. » (La liruyère, p. 32.) — « Ce n'est point assez que les mœurs... du roman ne soient point mau- vaises, il faut encore qu'elles soient décentes et instructives; il peut y avoir un ridicule si bas et si grossier, ou môme si fade et indif- férent, qu'il n'est ni permis à l'auteur d'y faire attention, ni possible aux lecteurs de s'en divertir. Le paysan ou l'ivrogne fournit quelques scènes à un farceur, il n'entre qu'à peine dans le vrai comique; comment en faire le fond ou l'action principale? Ces ca- ractères, dit-on, soïïl naturels : ainsi par celte lègle on occupcM'a biiMilot tout... le livre, d'un laquais <|ui siffle, d'un malade dans sa ^arde-vobc^ d'un homme /cre qui dort ou qui vomit; y a-t-il rien de plus na-


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turel! » — « Il semble que le roman et la co- médie pourraient être aussi utiles qu'ils sont nuisibles. . . ; ce serait de présenter des carac- tères tels qu'ils doivent être et non au-des- sous ni au-dessus de l'humanité : on méprise les uns comme trop indignes et on a peur de la perfection des autres » (p, 23, 24). — « J'ai lu Malherbe et Théophile; ils ont tous deux connu la nature, avec cette différence, que le premier, d'un style plein et uniforme, montre tout à la fois ce qu'elle a de plus beau et de plus noble, de plus naïf et de plus simple; il en fait la peinture ou l'his- toire. L'autre, sans choix, sans exactitude, d'une plume libre et inégale, tantôt charge ses descriptions, s'appesantit sur les détails; il fait une anatomie; tantôt il feint, il exa- gère, il passe le vrai dans la nature, il en fait le roman » (p. 18). — « Il n'est pas si aisé de se faire un nom par un ouvrage parfait, que d'en faire valoir un médiocre par le nom qu'on s'est déjà acquis » (p. 7). — « Il ne suffit pas d'employer le mot propre, il importe aussi d'employer des mots propres. » — « La netteté est le vernis des maîtres... et la pro- preté la vertu des bons » (Vauvenargues). — « Pour décrire, il faut sympathiser. » — « Il y a autant d'invention à s'enrichir par un mau- vais livre, qu'il y a de sottise à l'acheter; c'est ignorer le goût du peuple que de ne pas hasarder quelquefois de grandes fa- daises » (La Bruyère, p. 20).


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Comme Zola, en se défendant d'avoir in- venté le naturalisme,, n'a pas craint de faire remonter une certaine complicité jusqu'à La Bruyère, je n'ai pas été fâché de lui prouver, en citant les textes, que non seule- ment le grand écrivain n'accepte aucune complicité avec le naturalisme, mais le juge avec autant de sévérité que d'esprit. Son jugement est tellement net et précis, que ce qu'il dit de Théophile, on croirait qu'il l'a écrit pour Zola, cet autre, qui, sans choix, sans exactitude, d'une plume libre et inégale^ tantôt charge ses descriptions^ s'appesantit sur les détails; fait une anatomie; tantôt feint^ exagère^ passe le vrai dans la natiirCy en fait le roman... , et le laquais qui siffle, et le malade dans sa garde-robe^ et l'homme ivre (Goupeau) qui dort ou qui vomit... Y a-t-il rien de plus naturaliste que ce na- turel? Que nous sommes loin avec Zola de cette définition dans la trilogie du Dante : « La nature, c'est l'art de Dieu! » L'art, en effet, n'est que le symbole matériel d'une beauté idéale, l'expression sensible d'une nature intelligente.

La lyre peut chantcM* tout ce (}ue l'àme rôve,

a pris pour épigraplie de sa divine épopée A. Soumet, déclarant ainsi que rame, cette immatérielle image de Dieu, ne peut souiller ses rêves en se malérialisanl dans la fange du matérialisme. Cerles, Tidcal ne doit pas


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effacer le réel, ni le possible tuer Tôtre; loin d'animaliser davantage Thomme, leur mis- sion est d'élever sa nature en la spiritua- lisant : l'homme est déjà vilain, ne le faites pas pis.

Au risque de nje répéter parfois, je dois insister sur ce fait, que plus le natura- lisme s'insurge contre le romantisme, plus il s'en rapproche, même par ses différences... voulues. Victor Hugo a déclaré que le ro- mantisme était le libéralisme en littérature. . . ; (|u'il fallait mettre le marteau dans les théo- iies, les poétiques et les systèmes. Jetons à bas ce vieux plâtrage qui masque la façade de l'art... « Il n'y a d'autres règles que les lois générales de la nature, qui planent sur l'art tout entier, et les lois spéciales qui, pour chaque composition, résultent des condi- tions d'existence propres à chaque sujet » (préface de Cronnvel, p. 15). — Zola déclare que le naturalisme en littérature est un coin d'une certaine nature (le moins propre) qu'il expérimente, en la plaçant sous l'objectif invariable de son tempérament : « L'art est un coin de la nature, vu à travers un tempé- rament. » — « Le roman expérimental est une conséquence de l'évolution scientifique du siècle; il continue et complète la physio- logie; il substitue à l'étude de l'homme abs- trait, de l'homme métaphysique, l'étude de l'homme naturel, soumis aux lois physico- chimiques et déterminé par les influences


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du milieu » [Roman expérimental^ p. 22). — « La morale consiste à se rendre maître de la vie pour la diriger » (p. 23). — « Le romancier est un moraliste expérimentateur montrant par Texpérience de quelle façon se com- porte une passion dans un milieu social. Le jour où nous tiendrons le mécanisme de cette passion, on pourra la traiter ou la ré- duire, ou tout au moins la rendre la plus inoffensive (un médecin de la bombe, un guérisseur de la dynamite). Et voilà où se trouvent l'utilité pratique et la haute morale de nos œuvres naturalistes, qui expérimen- tent sur l'homme, qui démontent et remon- tent pièce à pièce la machine humaine, pour la faire fonctionner sous l'influence des milieux. Quand les temps auront marché, quand on possédera les lois, il n'y aura plus qu'à agir sur les milieux, si l'on veut arriver au meilleur état social. C'est ainsi que nous faisons de la sociologie pratique et que notre besogne aide aux sciences politiques et écono- miques (aux sciences politiques, en formant les ouvriers du fait, les travailleurs de l'explo- sible, et économiques en tuant plus d'hommes pour avoir moins à en nourrir). Je ne sais pas, je le répèle, de travail plus noble ni d'une ap- plication plus large. Être maître du bien et du mal, régler la vie, régler la société, résoudre à la longue tous les problèmes du socialisme, apportei- surtout des bases solides à la jus- tice en résolvant par l'expérience les ques-


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^^■tions de criminalité, n'est-ce pas là être les ^^B ouvriers les plus utiles et les plus moraux du travail humain? » (p. 24). — « Si notre be- sogne, parfois cruelle, si nos tableaux terri- bles avaient besoin d'ôtre excusés, je trou- verais encore chez Claude Bernard cet argument décisif : a On n'arrivera jamais à » des irénéralisations vraiment fécondes et » lumineuses sur les phénomènes vitaux-

I» qu'autant qu'on aura expérimenté soi- » même et remué dans l'hôpital, dans l'am- » philhéàtre et le laboratoire, le terrain fétide » ou palpitant de la vie... » Charlatan! va, qui confond, avec intention de tromper sur sa marchandise naturaliste, les phénomènes vi- taux avec les phénomènes moraux, qui met le cadavre puant de l'esprit, de Tintelligence, de la vie morale, à côté du cadavre physique de l'homme mort et du cadavre vivant, palpi- tant, de l'animal sous le scalpel de la vivi- section. La plume du romancier serait-elle plus habile que le bistouri du médecin et trouverait-elle l'abcès de la pensée crimi' nelle, le virus de la passion, la congestion de l'amour et la constipation de la charité... , quand le chirurgien ne peut arrêter les ra-

Kages de la tuberculose et surprendre un es mille secrets de la mort? Mais si vous royez que les phénomènes moraux obéis- sent aux mêmes lois que les piliénomènes vitaux, qu'ils sont les produits d'un facteur organique, qu'ils dépendent, par exemple,


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du phosphore, pourquoi, docteur Zola, pour activer la pensée, développer l'intelligence, créer même le génie, augmenter l'héroïsme, accentuer la bonté, etc., n'introduisez-vous pas, dans le cerveau ou ailleurs, une alimen- tation, une substance appropriées à ce but? Puisque une intelligence plus claire... ne dépend, dans votre hypothèse scientifique, que d'un lavement cérébral ou d'une cer- taine dose de fer ou de chaux, illustre col- lègue de Claude Bernard, saignez, purgez, dosez : « sagnare, purgare, dare lavamenta», disait Diafoirus, cet immortel prédécesseur de tous les naturalistes. Molière, dont vous faites, je crois, un gradé dans votre régi- ment, en usait avec esprit ; que n'en usez- vous, avec sagesse? Purgez-vous, dab.

« Je résume notre rôle de moralistes expérimentateurs. Nous montrons le méca- nisme de l'utile et du nuisible, nous déga- geons le déterminisme des phénomènes humains et sociaux, pour qu'on puisse un jour dominer et diriger ces phénomènes. En un mot, nous travaillons avec tout le siècle à la grande œuvre qui est la conquête de la nature, la puissance de l'homme décuplée... C'est nous qui avons la force, c'est nous qui avons la morale » (p. 29 et 30).

« Tout fait croire (jue les j)hénoniènes cérébraux peuvent être déterminés comme les autres phénomènes » (p. 48). Si par phé- nomènes cérébraux, il entend, ce que je ne


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crois pas, les phénomènes vitaux, comme ceux du cœur, de la rate, etc., il a raison, tous les médecins les déterminent; mais s'il veut parler des phénomènes moraux, ah! non, on n'escamote pas ainsi le matériel, l'organique, seul culte du naturalisme, pour sauter à pieds joints dans l'immatériel, l'inorganisme. Du cerveau à la pensée, c'est-à-dire au moteur intellectuel, il n'y a qu'une légère toile, mais qui la soulèvera ? Ce ne peut être le naturaliste qui, ne croyant qu'à la matière, ne doit pas admettre l'imma- tériel, l'inconnu, l'abstrait, qui échappe à oute loi physico-organique. Le détermi- nisme est une loi, je l'explique ici pour qu'on soit fixé sur ce mot, plus souvent em- ployé que compris, en vertu de laquelle tout phénomène est une conséquence nécessaire d'un ensemble de conditions données. Rien n'est spontané, tout est un effet, et un effet nécessaire. Le déterminisme est donc la négation de la liberté. 11 n'y a pas de choix, il y a effet nécessaire. Le déterminisme est né de l'étude des lois naturelles et il a trouvé son point d'appui le plus solide dans les progrès actuels des sciences physiques, pro- prement dites. Du domaine des sciences physiques, la croyance au déterminisme s'est progressivement étendue au domaine des sciences biologiques. La physiologie expérimentale, évoluant de ses découvertes physiques et chimiques, a pu déterminer


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dans les phénomènes biologiques, bien que l'ensemble des conditions de ces phéno- mènes soit plus complexe, leurs rapports intimes de causalité. Du monde biologique (science de la vie des corps organisés) au monde psychologique (étude de l'âme et de ses facultés), il n'y avait qu'un pas pour les physiologistes qui ne distinguent pas la pensée des autres fonctions de la vie et qui la considèrent comme le produit du jeu d'un organe, au même titre que le mouvement l'est de l'action des muscles, ou la sensi- bilité de celle des nerfs. Le principe de la pensée et de la volonté a donc été soumis par eux au déterminisme, c'est-à-dire à la négation de la liberté, à la radiation du libre- arbitre.

La physiologie étudie l'homme physique, la psychologie l'homme moral ; la première se rend compte des phénomènes organiques, parles sens; la deuxième, des phénomènes intellectuels ou de la pensée, par la con- science; donc, tous les faits qui orbitent dans la conscience, psychologie ; et tous ceux (jui lui échappent ou sont en dehors, phy- siologie. La conscience est celte faculté par lacjuelle l'âme se connaît elle-même, dans ses pensées, ses modifications et ses actes : l'esprit est à la fois acteur et spectateur, La conscience morale est la faculté par hupielle l'homme distingue le bien du mal, l'injuste (lu juste cl soumet à celte règle ses actions


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et celles de ses semblables. C'est la raison pratique qui a dans son domaine les vérités morales qui sont aussi des vérités spécula- tives. La conscience morale, ou raison pra- tique, est partout et toujours identique et infaillible, l'exception est erreur ou vice. « C'est, dit Malebranche, le verbe éternel qui parle à toutes les nations le même lan- ^^age. » L'idée du bien, ou distinction du bien et du mal, est la base de la morale. La morale a pour objet de déterminer la loi de la volonté et la règle des actions humaines; elle se divise en morale générale, qui est la science du devoir, et en particulière, qui est la science des devoirs; elle a trois caractères : l'universalité, l'autorité et l'obligation. La morale générale a pour objet de déterminer la nature et l'origine de l'idée du devoir; l'émotion produite en nous par un senti- ment irrésistible d'approbation ou de désap- probation, selon qu'une action nous apparaît utile ou nuisible, constitue le phénomène moral; c'est la manifestation spontanée de la conscience qui approuve ou blâme un acte qui lui semble moralement bon ou mauvais.

Le matérialiste, ou pour dire toute ma pensée, le naturaliste, s'appuie, pour expli- quer l'homme mécanique et imposer aux phénomènes cérébraux et aux phénomènes vitaux les mêmes lois, sur cette maxime sensualiste : l'homme ne peut rien connaître


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que par les sens. La matière serait à elle- même le commencement et la fin de ,tout; limitée par la vie et la mort, deux inconnues à chaque bout de l'existence, elle tournerait invariablement dans ce cercle vicieux, igno- rant autant son origine que sa fin.

Le naturalisme, en raison de l'ignorance qu'il semble avoir de ces vérités absolues et de l'abus qu'il fait pourtant de leur langage pour inspirer confiance dans sa prétendue science, m'a forcé à allonger mon étude de ces explications un peu arides : le chemin qui paraît le plus long, en littérature, est souvent le plus court. Comment, en effet, prouver à un public étranger aux questions philosophiques et scientifiques, qu'on le trompe et qu'on lui sert, comme vérité ce qui n'est que mensonge, et comme morale ce qui n'est qu'immoralité, sinon en lui met- tant sous les yeux les vraies définitions et on lui faisant toucher du doigt la fausse et indigne adaptation que les naturalistes en font au roman dit expérimental, dit scien- tifique? Cette science du roman moderne, ou plutôt cette méthode pathologique, basée sur de prétendus faits d'expérimentation ou d'observation, classerait synthétiquement, sous des lois identiques, tous les cas phy- siologiques et psychologiques. L'animal, ne présentant à la méthode expérimentale et à la constatation des résultats, que des faits, est un positiviste, mais l'homme qui pense


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et qui parle est un métaphysicien forcé. « Ce ne sont pas les faits qui constituent la ^ science, dit Claude Bernard, mais bien les explications qu'on en donne et les idées que nous y attachons. » — « L'homme, écrit Flourens, est le seul de tous les êtres de la création qui ait le pouvoir de sentir qu'il sent, de connaître qu'il connaît, de penser qu'il pense. » Or, comme il est aussi le seul qui soit doué de la parole, il est dans sa nature d'y attacher des mots qui répondent, non seulement à ses besoins physiques et à ses sensations, mais encore à ses sentiments moraux et à ses plus hautes pensées. Donc, l'écrivain qui viole le dictionnaire et qui dé- trousse la science pour parer ses erreurs et faire passer une littérature immorale, est, ou un ignorant ou un malfaiteur litté- raire.

Je ne sais si Zola donnera tort à l'Aca- démie, en se constituant candidat perpétuel, comme Gagne, mais je sais qu'il donne raison aux examinateurs de l'Université qui, deux fois, ont refusé comme bachelier ce savant qui prétend marcher de pair avec Claude Bernard, le D"" Lucas, etc.; ce philosophe qui raye d'un trait de plume... naturaliste la métaphysique pour monter sur les épaules de Darwin, de Littré, de Renan; ce rhéteur enflé et gonflé qui, après avoir pillé et imité tous les écrivains, a fini par accoucher(voirles détails de cette opération dans Pot~Bouillé),


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du naturalisme, cet immonde bâtard de ^Térotisme.

Je groupe ici, pour l'instruction des curieux, quelques perles littéraires du Maître {Voltaire, 31 mars 1879), étude litté- raire sur Victor Hugo : « Le naturalisme est une formule de vérité qui base une œuvre sur la nature et explique les déviations du vrai par le tempérament de l'artiste. » — Même journal (12 mars 1877), étude sur George Sand : «Tout cela est faux, maladif, malsain, grotesque ; le mot est lâché, et je le maintiens ; ce continuel besoin d'idéalisme, cet envole- ment perpétuel vers les libertés du cœur et de l'esprit, celte faconde rêver une vie plus large, plus poétique, plus éthérée, aboutit on somme à une débauche d'imagination en- fantine, à la création d'un monde où l'on périrait d'ennui et d'orgueil. Combien les réalités même grossières, sont plus saines ! » — Et plus loin, analysant les principaux ouvrages du môme écrivain : « Ces livres ouvrent le pays des chimères, au bout du- (juel il y a une culbute latale dans la réalité. 1 iCS fe mmes, après une pareille lecture, se dé- clareront incomprises, comme les héroïnes; les hommes chercheront des aventures, met- tront en pratique la thèse de la sainteté des passions. Combien est plus saine la réalité, Va rudesse des peintures vraies, l'analyse des plaies humaines. Ici, point de perversion posHii)le. Faites lire les procès-verbaux d'un


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romancier naturaliste; si vous épouvantez les lecteurs, vous ne troublerez ni leur cœur ni leur cerveau. Vous ne laissez pas de place à la rêverie, cette mère de toutes les fautes. Les scènes les plus audacieuses, la peinture des nudités, le cadavre humain disséqué et expliqué, ont une morale unique et su- perbe, la vérité. Voilà pourquoi, à mon sens, si l'immoralité pouvait exister dans les œu- vres d'art, j'appellerais immorales les his- toires inventées pour troubler les cœurs et j'appellerais morales les anatomies prati- tiquées sur V humanité àdins un but de science et de haute leçon. »

Là est toute la moelle naturaliste; il n'y a qu'à bien sentir et qu'à bien rendre les scènes les plus audacieuses, la peinture des nudités, les anatomies pratiquées sur l'humanité, et l'on a fait des œuvres morales de belle science et de haute leçon.

Voltaire, 14 mars 1877, on lit encore, à propos toujours de cette idéaliste George Sand, qui fait rougir le naturaliste Zola : « Au lieu de reprocher aux romanciers na- turalistes d'être immoraux, on devrait leur dire : de grâce, ne soyez pas si rudes ni si vrais; vous nous glacez, vous nous empochez de courir le guilledou des amours idéales; quand on vous a lu on est tout froid, on ne songe plus à baiser ses rêves. Par pitié! ' rendez-nous l'immoralité première de nos orgies romanesques. » Il est curieux de


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mettre en face de ce texte celui d'un éroto- mane de de Sade que Zola, par jalousie de métier, éreinte à plaisir, dans les Documents littéraires, p. 388, 394, 396, 403; de Sade, les Crimes de l'amour, idée sur les romans, p. 133 : « Je dois enfin répondre au reproche que l'on me fit, quand parut ^l/i/ie et Valcourt. Mes pinceaux, dit-on, sont trop forts, je prête au vice des traits trop odieux; on veut en savoir la raison ? Je ne veux pas faire aimer le vice ; je n'ai pas, comme Grébillon et comme Dorât, le dangereux projet de faire adorer aux femmes les personnages qui les trompent; je veux, au contraire qu'elles les détestent; c'est le seul moyen qui puisse les empêcher d'en être dupes ; et, pour y réussir, j'ai rendu ceux de mes héros qui suivent la carrière du vice, tellement effroyables, qu'ils n'inspirent bien sûrement ni pitié ni amour; en cela, j'ose le dire, je suis plus moral que ceux qui se croyent permis de les embellir ; les pernicieux ouvrages de ces auteurs res- semblent à ces fruits de l'Amérique qui, sous le plus brillant coloris, portent la mort dans leur sein; cette trahison de la nature, dont il ne nous appartient pas de dévoiler le motif, n'est pas faite pour l'homme; jamais enfin, je le répète, je ne peindrai le crime que sous les couleurs de l'enfer; je veux (ju'on le voie à nu, qu'on le craigne, qu'on le déteste, et je ne connais point d'autre façon, pour arriver là, que de le montrer avec toute


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l'horreur qui le caractérise. Malheur à ceux qui l'entourent de roses! leurs vues ne sont pas aussi pures, et je ne les copierai jamais. » Dans les deux auteurs, si ce ne sont pas les mômes mots, à peu de chose près, c'est la la môme pensée : corriger les mœurs en les peignant pires qu'elles ne sont, faire de la vertu, en délayant sur elle ce que le vice a de plus laid et de plus horrible. Le sadiste et le naturaliste pratiquent, on le voit, d'après les principes de la môme méthode expéri- mentale; cène pouvait ôtre autrement, tous les chemins mènent à l'immoralité, quand la littérature n'est plus qu'une question d'ar- gent. «L'argent, écrit Zola, qu'il faut toujours citer, comme exception à la règle générale (Roman expérimental, p. 190), l'argent a fait de l'ancien bateleur de cour, de l'ancien bouffon d'antichambre, un citoyen libre, un homme qui ne relève que de lui-même. Avec l'argent, il a osé tout dire, il a porté son examen partout, jusqu'au roi, jusqu'à Dieu, sans craindre de perdre son gain. L'argent a émancipé l'écrivain, l'argent a créé les lettres modernes (surtout le naturalisme). A la fin, cela m'enrage de lire, dans des jour- naux de jeunes poètes, que l'écrivain doit simplement viser à la gloire. Oui, cela est convenu, il est puéril de le dire. Mais il faut vivre. Si vous ne naissez pas avec une for- tune, que ferez-vous?... Battez-vous, mangez des pommes de terre ou des truffes, cassez




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des pierres dans la journée et écrivez des chefs-d'œuvre la nuit. Si vous êtes un talent, une force, vous arriverez quand môme à la gloire et à la fortune... Des spéculateurs, des éditeurs, tout un petit peuple qui vit de nos œuvres, gagnent des millions, et nous ne partagerions pas, et nous cracherions sur l'argent, sous prétexte que l'argent n'est pas noble! Ce sont là des idées malsaines, des déclamations viles et coupables, contre les- quelles il est grand temps de réagir. Ce que je puis dire, moi, c'est que l'argent fait pousser de belles œuvres. » Est-ce assez Zola, cela? Peut-on plus habilement faire excuser et accepter son immoralité natura- liste qu'en accusant les autres d'immoralité réaliste? Je ne sais, au point de vue philoso- phique et moral, quelle est la plus dange- reuse des deux, mais je sais bien quelle est la plus propre. J'aime mieux baiser un rôve que de baiser... Il y a tellement de choix en fait de malpropreté, dans vos trente-huit \o\umcs moraux, naturellement, (pie je vous prie de vous payer ce plaisir pour moi; cela ne changera pas vos habitudes et ne déran- gera pas les miennes.

Ses romans, livres impurs, même painii les livres l'angeux tiu xix® siècle, salissent jusqu'à l'ordure de l'impureté et prétendent cacher leur immoralité derrière la laideur j)hysi(jue et morale la plus monstrueuse. Les esprits médiocres et blasés, qui (-omposent


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la grande majorité des lecteurs, goûtent sur- tout les formes exagérées et faisandées en littérature, aussi il a délayé dans son encre la boue la plus fangeuse, il a broyé les cou- leurs les plus crues, peint les tableaux les plus nus, représenté les scènes les plus ordu- rières et pimenté les anatomies les plus natu- ralistes. Son style pittoresque, relevé comme une enluminure, plein d'images préten- tieuses et de phrases à eflet, éclate, étincelle, léger de science et lourd d'emphase, sans souci de la justesse du mot et de la vérité de son application; il n'a qu'un but : étonner, rpater. Ce qui remue, ce qui frappe fort, ce qui fait du bruit, arrête et intéresse toujours l'attention : un tambour battant faux, mais faisant du bruit comme dix, captivera plus la foule que les notes ailées et savantes du plus célèbre violoniste; mettez au tambour un habit vert pomme garni d'or et d'argent, une culotte passementée bleue, une épée d'acier au côté, un panache multicolore sur la tête et n'importe quoi de visible au fond de la culotte, il n'y aura pas assez de place pour les curieux : on se poussera, on se pressera, on se battra, et pour voir quoi? Zola, le tam- bour-major du naturalisme. Dans le roman, c'est encore le plus débraillé et le plus cy- nique qui tient et détient le succès. La so- ciété s'en va par le matériel, elle s'en va par le moral. La vie sociale évolutionne dans le matérialisme, elle est la victime de sa révolte

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contre l'hygiène du corps et de l'ànie ; elle meurt, vivante mais pourrie, d'une décompo- sition précédant sa mort. Le peuple n'aime ni le vrai, ni le simple : il aime le roman épicé et le charlatan; il lui faut la surexci- tation de tous les bas appétits et l'amorce de toutes les blagues. On greffe le naturalisme sur l'érotisme immonde ; il ne faut plus de libertinage, il faut le faisandagc des êtres et des choses; il ne suffit plus d'être immoral, tant Zola a perfectionné le genre, il faut être pire!

Si les bonheurs arrivent trop tard dans la vie, les mauvais livres, sur tout ceux qui ont du succès, arrivent toujours trop tôt et ont le tort de n'être pas morts dans le ventre de leur père. Quand on a une pareille littérature dans le ventre, il vaut mieux en crever que d'en empester le public.

« Notre vraie et intime impression, c'est le dégoût, c'est le mépris », écrit un néo-natura- liste dans son journal. L'esprit, pour peu (ju'on l'ait délicat, se soulève plus que le cœur contre ces pages, plus pleines encore d'inepties que de saletés. Ce qui domine, avant tout, dans celle mare... d'ordures^ c'est l'odeur de la bêtise. Le maître a beau Be hausser, se grandir, se percher, il est foncièrement petit, il restera petit. Sans son étiquette littéraire, il serait inconnu; sans la publicité, son esclave et sa complice, il ne serait... rien — pas môme académicien — tt


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pourtant ce talent de dépotoir littéraire fait un tel tintamarre qu'il est mieux payé qu'un génie et qu'il touche le retentissant viager d'un grand talent; c'est de la gloire touchée comptant et de l'honneur argent sonnant mis dans sa poche. Au reste, on ne peut lui en faire reproche, c'est gagné, et durement, péni- blement. Zola a été le domestique de sa lilté- I rature, le placier de ses livres ; il a fait toutes les courses de ses volumes, ou plutôt tous les métiers, pour les vendre, critique litté- raire aujourd'hui, chroniqueur hier, critique irtistique demain, échotier toutes les se- maines, reporter tous les jours; il est le laquais de son succès; il se tire le cordon à lui-même, partout où il peut faire entrer un de ses volumes, et, si, pour ne pas perdre une vente, il a besoin d'une mission et d'une fonction, il sera orateur à la réunion des Félibres à Sceaux, à l'Association des étu- diants de Paris, représentant de la presse française à Londres, président... à sonnette de la Société des gens de lettres... et membre d'honneur du Touring-Club de France, car il pédale, en l'honneur du naturalisme et vélocipède à son profit... Il serait même académicien, au risque d'être le zéro, si les trente-neuf autres voulaient.

Bien vendre ses ouvrages est un plus rude métier que de les écrire. Le livre réussit toujours par un mérite, une cause, en dehors du talent de l'auteur. Une condamnation est


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le meilleur des articles et un scandale la plus belle des réclames; avec l'un ou l'autre, le livre fait prime et l'auteur fortune. Zola se croit et se prétend indépendant, et aucun écrivain peut-être n'est plus que lui le valet de chambre de la publicité; il la presse, la sollicite, la fatigue, la harcèle et la tient sur les dents jusqu'à ce qu'il lui ait arraché un bout d'annonce, un lambeau de réclame, un chiffon d'affiche. Quel chef de publicité avait là Hachette! Il est le Mangin du boniment littéraire, le Napoléon du pallas naturaliste! L'insuccès est pour lui le coup de queue du lion : il se dresse et s'étire, il aiguise ses ongles formidables, il essaie, dans un rugis- sement, sa mâchoire hurlante, il va bondir, un dernier rugissement annonce le combat... Sur qui va-t-il tomber? quelle sera sa proie? Est-ce le moucheron qui bourdonne à son oreille, l'oiseau qui l'eflleure de son aile, rherbe qu'il courbe sous son pas pesant, vous, cet autre, ou moi ! 11 lui faut une vic- time, il lui faut du bruit, c'est son succès, c'est sa fortune, c'est son génie. Que lapresse se taise, que le livre fasse silence, et l'actua- lité, n'entendant plus son nom pour le répé- ter, il disparaîtra, dans le tapage de chaque jour, plus vile encore (ju'il n'y était venu... Il ramasse un |)ou partout le gain et le regain de sa renommée ; tout lui va, tout lui est bon : crili(jue, éloge, discours, politicpie, théâtre, musique, vélocipédie, décès, actualités du


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jour, etc., pourvu que son nom se dise et se répète. Mon livre môme qui, en plus d'un endroit, le juge, comme il a jugé les autres, lui agréera au fond plus qu'il ne le fâchera, parce qu'il lui fait de la réclame; et s'il l'é- reinte, ce ne sera pas tant la colère que le besoin d'affirmer et de corser la vente de ses œuvres, qui chargera sa plume de fiel et de rage. Aussi, tenez-vous bien, hôtes immo- biles et silencieux de Mazarin, car il compte tirer de vos refus sa réclame la plus fruc- tueuse. On a donné plus d'une raison de la mauvaise volonté de l'Académie à l'égard de Zola; les uns ont dit qu'il y avait un filet de jalousie contre l'inventeur de la célèbre famille des Rougou-Maqiiart\ les autres, qu'il y a matière à réfléchir, avant de fréquenter l'inaltérable Coupeau et le venteux Jésus- Christ; et tous, que Nana, Gervaise et leurs nombreuses amies et commères, sans comp- ter leurs maris et leurs amants, ne pouvant, enraisondeleurnombre, assister au triomphe académique de l'auteur qu'elles avaient illus- trées, les académiciens avaient décidé de surseoir à sa nomination jusqu'à extinction complète de celte encombrante famille. Ces raisons sont peut-être bonnes, mais moi, qui, depuis longues années, suis le voisin des académiciens et qui les connais assez bien, j'incline à croire qu'il y a plutôt un peu de craintive paresse que tout autre motif dans l'exclusion persistante de Zola. Ils sont si en


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retard, ces pauvres immortels, avecleur Dic- tionnaire, qu'ils ont eu peur, en nommant ce forgeur infatigable de mots nouveaux de toutes sources, de toutes couleurs et de toutes odeurs, de ne pouvoir sortir de ce mauvais K et de tomber sur le Q le plus naturaliste du naturalisme. Cette explication n'est pas de moi, elle est d'un concierge de l'Institut; il m'avait demandé le secret, je le viole : j'aime mieux être indiscret que cou- pable de semblables jeux de lettres ; j'accepte tout, excepté de subir les P... de la terre.

Pour compléter le romancier, j'aurais encore à exposer ce qu'il entend par obser- vation, évolution, milieux ambiants, milieu social, analyse, investigation, sociologie pra- tique, etc., dans le roman; mais comme je n'ai déjà que trop sacrifié de pages à toute celte quincaillerie scientifico-naturaliste, je renvoie, pour leur signification, le lecteur à tous les dictionnaires; il n'aura qu'à opérer, pour son usage particulier, l'adaptation qu'en a faite Zola. Quand le mot, employé littérai- rement, s'appliquera scientifiquement à une loi organique, à un fait physique, à une matière quelconque, on l'attribuera, selon l'occurrence, à l'esprit, au corps, aux phéno- mènes moraux ou aux ])hénomènes phy- siques; matière ou àme, c'est tout un pour le naturali.ste.

« Le vi('(; cl la vertu, a dil Taine, le philo- so|)li(' analyste du genre, sont des produits


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comme le sucre et le vitriol. » — « Le sens moral, affirme Zola [Roman expérimental^ p. 243), n'a pas d'absolu; il se déforme et se transforme, selon les conditions ambiantes. Ce qui est une abomination dans la bour- geoisie n'est plus qu'une nécessité fâcheuse dans le peuple. La vérité des peintures, la personnalité du style, voilà le roman mo- derne. » Le roman peut et doit être vrai sans .se condamner à reproduire invariablement une réalité exceptionnelle et grossie. Zola idéalise le naturel jusqu'au monstrueux, ^■jusqu'à l'horrible : les documents humains sont faux et imaginaires, les exceptions pré- sentées comme règles, les crimes et les ver- tus comme nécessités héréditaires ou origi- naires, les lois supérieures et éternelles de la pudeur et de la décence violées, les détails professionnels et les milieux conventionnels outrés jusqu'à l'invraisemblance, et tous les personnages de ses romans, non seulement calomniés, mais incompris et dénaturés dans leur vie, dans leur langage et dans leur métier. Chaque spécialité lui reproche une bévue ou une ignorance dans les faits de sa compétence, mais l'admire dans celle qu'elle ignore : on lui reproche ce qu'il ignore de chaque métier, mais on le félicite de ce qu'on ignore soi-même. Cette profusion de mots scientifiques, ce déploiement pompeux de bannières chargées d'inscriptions sonores, <'es descriptions techniques et ronflantes


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donnent à tout ce bagage romanesque un air tellement imposant et respectable de science honnête et convaincue, qu'on ne peut croire à un charlatanisme si effronté et à une mystification si grotesque.

Jules Lemaître a écrit quelque part : « J'ai beau m'en défendre, ces brutalités mêmes m'imposent, je ne sais comment, par leur nombre, et ces ordures par leur masse ». Elles étonnent, c'est possible, il y en a assez pour cela, mais elles ne peuvent imposer, ce mot emportant avec lui une certaine idée d'admiration respectueuse qui ne peut s'ac- corder avec le mépris -et la répugnance qu'inspirent ces choses. Son œuvre est une orgie malpropre où l'on ne voit que diffor- mités physiques, curiosités physiologiques et pourritures morales, et des scène s triviales, inspirées par des instincts de luxure bestiale et de ripaille alcoolique qui semblent être l'ob- session hystérique delà chair et la loi fatale de la vie. Un écrivain qui dépense aussi lucrativement un grand talent pour exciter ainsi, constamment, bassement, immorale- ment, les fibres honteuses de l'humanité, devrait être mis... hors la saine littérature, la littérature honnête. Sa place devrait être, non pus à la têtf^l'une société (jui représente riionneur, la dignité et les droits des lettres, mais à la (pieue. La salubrité... légale, pour épargner à quelques libertins une contagion dont ils |)()urrai('nl facilement faire l'écono-


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[mie, réglemente sévèrement la provocation, delà prostitution, mais elle tolère, ou plutôt elle encourage, par son indifférence, la con- tagion plus infectieuse et plus étendue du livre naturaliste. Que dirait Zola de son œuvre, si son intérêt lui permettait de pen- ser... naturellement? « M. E. Zola — dit le P. Gornut, dans les Malfaiteurs littéraires, p. 84 — est l'énorme et lourd scarabée qui s'abat, se traîne et s'enfouit gravement et grassement dans l'ordure. Il se délecte dans toutes les puanteurs physiques et morales. » « Le naturalisme n'a pas même l'intérêt d'être une polissonnerie, dit Zola, dans Une Campagne, p. 132; hélas! il n'agite que des questions de philosophie et de science, » Quel jésuite que cet hélas! et combien naturaliste est le regret hypocrite qu'il semble manifes- ter de ne pas être une polissonnerie ! Polisson, vous! non, en effet, car, dans ce genre litté- raire, le vice est encore de bonne compagnie, il a un certain savoir-vivre, et si, troublant la pudeur, il ne sait plus rougir lui-même, il ne fait pas rougir de honte la vertu. La polis- sonnerie est à votre procédé littéraire, vous le savez bien, ce qu'est, en médecine, la petite vérole par rapport à l'autre. Vous trai- tez, dites-vous, des questions de science et de philosophie, de littérature, j'ajouterai, lesquelles ? la quantité inexplicable de vos éditions, le nombre par conséquent consi- dérable de vos lecteurs, est une preuve mathé-

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viatique qu'on ne vous achèle et ne vous lit, ni pour la littérature, ni pour la philosophie, ni pour la science, mais pour le reste. A combien tréditions se tirent et se vendent les savants, les philosophes et les vrais littéra- teurs? Je ne cite aucun nom parmi les hommes illustres qui ont honoré ou qui honorent la science et la philosophie, ils ne sont, hélas! connus que de l'élite, assez restreinte, des érudits; et vous-même vous ignorez si peu cette injustice de l'ignorance et de l'indille- rence, que vous avez dépouillé ces savants de leur système, de leurs formules et de leur langage scientifiques et philosophiques, pour en enrichir vos inventions immorales, pensant quepersoiine ne se douterait de cette supercherie, ou plutôt de cette contrefaçon. Donc, le nombre des lecteurs n'est pas une preuve de la moralité du livre, le contraire est plutôt la vérité. Autant la science éloigne l'acheteur, autant l'érotisme l'attire. Il ne faut pas demander au succès uncertilicatde bonne conduite; un livre ne réussit près du public que comme certains types réussissent près des femmes, que parce (ju'il est un mauvais sujet.

Le livre a une double portée : il peut être ap|)récié comme (inivre d'art ou être inter- prété comme œuvre d'actualité; il a, en un mot, une valeur artistique et une valeur d'ac- tualité. La première constitue son être litté- raire, sa condition de durée; la seconde pro


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cède du moment et du milieu où il paraît, et par conséquent ne lui constitue qu'une im- pression de modernité : celle-ci dépend du public, l'autre de l'auteur. La tendance inconsciente qui fait son succès, tendance qui est à la fois celle de l'individualité par- ticulière de l'écrivain et celle plus anonyme du public qui l'entoure, sera, ou un succès éphémère, s'il est le résultat absolu des pas- sions de l'actualité, ou un succès durable, ratifié plus tard par la postérité, si l'écrivain arrive à cette valeur absolue qui sacre son livre une œuvre d'art. La littérature contem- poraine, domestiquée par les engouements et les idées du jour, s'est mise si platement au service d'une certaine école et d'une certaine science, qu'on se demande, en la voyant presque tourner en ridicule le beau qui est la substance de l'art et inonder de ses admi- rations le laid naturaliste qui en est la néga- tion, si elle ne mérite pas mieux le titre de souteneuse de nouveautés littéraires, étranges et dangereuses, que celui de protectrice impartiale et éclairée des lettres.


L'art dans le roman

L'art, dans son acception la^plus vaste, se définit la sensation et la réalisation du vrai et du beau dans la nature. — «Le plus grand


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art, a dit Diderot, dans une œuvre de Tes- prit, est de cacher l'art. — Le vrai, c'est la nature ou sa fidèle imitation. — Le beau est ce qui plaît, ce qui est utile ou agréable à chaque individu, d'après son tempérament particulier. — H y a deux sortes de beau : le beau naturel et le beau idéal, qui se sub- divisent en deux : le beau idéal moral et le beau iàédX pliysique. — Le beau naturel ou physique, c'est la reproduction ou l'imitation de la nature dans sa l'orme la plus plastique. — Le beau idéal moral, c'est l'interprétation ou la traduction éclatante de la nature transfigurée par l'aspiration de l'homme à la vérité absolue. » De ces définitions, il résulte que l'art ne peut être « un coin de la nature vu à travers un tempérament », comme le dé- finit Zola, ou comme il l'explique, en d'autres termes : « une formule de vérité qui base une œuvre sur la nature et explique les dévia- tions du vrai par le tempérament de l'ar- tiste ». Ce pathos linguistique ne dit rien qui vaille et son auteur serait fort empêché s'il lui fallait l'expliquer. Il esquive toujours ainsi une définition sérieuse et l'exposition précise d'une méthode par une pétarade do mots scientifiques qui frappent l'œil cl l'oreille, mais ne disent rien à l'esprit. Gela veut dire, dépouillé de tout artifice littéraire, que l'art naturaliste est l'imitation exacte et comj)lèle d'une ccrlaini^ nature, telle (|u'(dl(^ est et liîlU* (|wc la voit, avec son tempéra-



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'ment particulier, l'artiste. C'est la profession de foi systématique au réel dans la nature et le dédain systématique de l'idéal, de ce qui dépasse la nature. L'art véritable, c'est l'union harmonieuse de l'idéal et de la na- ture ; c'est la nature inondée des reflets de l'idéal, c'est l'idéal réfléchi dans la nature. L'art exprime la réalité, mais la réalité trans- figurée par l'idéal; l'art exprime l'idéal, mais l'idéal réalisé dans un type de la nature. Le réel tout seul est une erreur; l'idéal tout seul en est une autre. Le réel tout seul est un être brut qui supprime en se montrant toute la raison d'art. Le propre du génie artis- tique est de saisir la proportion où ces deux choses : le réel et l'idéal, doivent s'unir pour faire éclater la splendeur de l'ordre et de l'harmonie, c'est-à-dire la beauté môme. L'idéal sans le réel dans les œuvres d'art, ce serait comme Tàme sans le corps; et le réel sans l'idéal, ce serait comme le corps sans l'âme; ce serait l'art cadavre.

L'art vrai, le beau artistique est comme l'homme lui-même; il est esprit et corps ; il est le corps transfiguré par l'esprit éclatant à travers le corps. Le sommet de l'art est le point culminant oùl'àme et le corps, l'esprit et la matière, comme dans l'homme même, arrivent à la compénélration la plus complète et la plus harmonieuse.

L'homme, qui a la prétention d'avoir été créé à l'image de Dieu, doit, par l'art, créer.


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c'est-à-dire interpréter et traduire la nalure à son image, en rilluminant du reflet de sa double nature : esprit et matière. Ce que l'artiste imite dans la nature, ce n'est pas la réalité telle qii'elle est en dehors de lui, c'est la réalité telle qiûelle est en lui. Il voit la nature, mais il la voit non pas vulgaire, telle qu'acné est dans sa réalité triviale; mais il la voit telle que la lui font ensemble et sa pensée (|ui la regarde, et son âme qui la sent, et son cœur qui l'aime. Il se fait en un mot, de l'objet, une image qu'il grave en lui d'après un certain type de beauté idéale entrevue par son génie; et c'est cette image identifiée à lui-même et toute exubérante de sa vie qui va sortir toile, marbre ou livre de son cer- veau.

Zola, comme tous les réalistes et les natu- ralistes, n'a abandonné et môme conspué ces règles immuables du vrai art que parce qu'elles contrariaient son but en le privant des bénéfices d'une littérature facile et lucra- tive. Son naturalisme est, non une conviction, mais une opération, non un art, mais un métier. Pourquoi, s'il n'y a pas un autre but (|ue l'art, dans le naturalisme, peindre toute la nalure et rien que la nature, et reproduire toute la réalité telle (ju'elle se voit et toute la nalure telle {ju'ellt! est? Si tel spectacle me fait horreur dans la nature et si telle réalité m(» répugn(;, pour{|uoi me forcer à les contempler dans l'art? L'original in'épou-


^F vante e1


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vante et vous prétendez m'imposer la copie? A quoi sert, dans l'art, la reproduction sale- ment réalisée de ce que je ne puis voir et regarder sans dégoût dans la nature? Quoi! vous constituez, comme document humain du réel, un homme ivre, laid de plusieurs laideurs, une fille, Nana^ un résumé de toutes les prostitutions parisiennes, un souteneur, Lantier, modèle de toutes les spéculations de la débauche, un pétomane ignoble, Jésus- Christ, qui déshonore un nom sublime que respecte et admire l'histoire de tous les peu- ples!... Vous étalez sous mes yeux des exhi- bitions repoussantes de femmes qui accou- chent, de vaches qui volent, de génisses qui..., déjeunes filles...; vous semez partout les adultères, les incestes, les viols; vous ruez des femmes de mineurs sur un malheu- reux épicier avare, elles le tuent, et, insa- tiables de sang, d'outrages et d'insultes, elles violent jusqu'au mystère honteux de sa chair secrète, elles l'accrochent fumante, drapeau sanglant et horrible, digne de ces natures monstrueuses, à un bâton sanglant, elles... Mais ma plume, répugnée et dégoûtée, refuse de reproduire ces scènes et ces mots; vous me jetez devant les anatomies les plus macabres, devant les académies les plus obscènes... et vous me dites : Admirez! voilà la réalité dans sa vérité, voilà la nature toute pure. « Le sens du réel, c'est de sentir la na- ture et de la rendre telle qu'elle est » {Roman


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expérimental,]). 208-209). — a Au sens du réel, il faut joindre le sens du rendu, son expres- sion personnelle » (le même, p. 212). — « Le mécanisme de l'originalité dépend de cette expression personnelle . La pureté de la forme n'estpas une nécessité absolue del'originalité dans l'expression; il faut surtout une tona- lité individuelle, une caractéristique person- nelle » (le même, p. 217). — « Dit-on assez de sottises sur ce pauvre naturalisme ! Si je réu- nissais tout ce qu'on publie sur la question, j'élèverais un monument à l'imbécillité hu- maine. Ecoutez tout ce monde : « Ah! oui, les naturalistes, ces gens qui ont des mains sales, qui veulent que tous les romans soient écrits en argot et qui choisissent de parti pris les sujets les plus dégoùtanls, dans les l)asses classes et dans les mauvais lieux. Mais, pas du tout, vous mentez! J'ai appelé naturalisme le large mouvement analytique et expérimental qui est parti du xviii" siècle et qui s^ élargit si magniflqiicnient dans le nôtre... Le naturalisme ne m'appartient pas, il appartient au siècle. 11 agit dans la société, dans les sciences, dans les lettres et les" arts, dans la politique. Il est la force de notre àgo » (le même, p. 255). — « Où to quand m'a-t-on surpris en train de boucher le ciel de la fan- taisie, de nier chez l'homme le besoin de mentir, d'idéaliser, d'échapper au réel? J'ac- cepte tout l'homme, seulement je l'explique par la science » (le même, j). 201).


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« Il est évident que le naturalisme ne tient pas au choix des sujets; de même que le savant ap()lique sa loupe d'observateur sur la rose comme sur l'ortie, le romancier naturaliste a pour champ d'observation la société entière, depuis le salon jusqu'au bouge. Les imbéciles seuls font du natura- lisme la rhétorique de l'égout » [Roman expé- rimental, p. 264). Diavolo! maître, quelles au- tres preuves que celles dont Iburmillci^t vos ouvrages faut-il vous fournir, pour vous prouver, non pas que vous êtes un imbécile, mais que vous leur donnez raison? A quoi bon vous battre les lianes et vous mettre à la torture pour inventer un réel et créer une ' nature, qui sont, à la vérité du réel et de la nature ce qu'est le cadavre à un corps »ain, le chancre à une chair vigoureuse, la lai- deur à la beauté. Encore si, dans votre champ d'observation, vous cultiviez parfois une plante morale, une fleur d'honnêteté, une de ces vertus nobles et grandes qui dé- montrent que l'homme n'a pas que des pas- sions ignobles et honteuses, qu'il n'est pas qu'une exception tellement monstrueuse et commune qu'elle devient presque la règle énérale, je pourrais croire que vous êtes de bonne foi et que vous êtes le premier la vic- time des erreurs et des dangers de votre système naturaliste. Mais non, les précau- tions que vous avez prises en voulant élever le roman à la hauteur d'une science expéri-


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mentale et en dissimulant vos habiletés cramorceiir littéraire sous le prétexte d'ana- tomies morales et d'études immondes des dessous de la pire société, prouvent que vous êtes de parti pris un erotique des plus dangereux. En littérature, quel est l'écri- vain obscène qui ne soit pas naturaliste? Leurs peintures trop réelles, leurs person- nages trop naturels, ne sont-ils pas immo- raux, précisément parce qu'ils peignent des scènes et reproduisent des actes qui sont la trop fidèle reproduction, dans le nu, dans le sale, dans le monstrueux exceptionnel, d'une réalité crue et d'une nature fangeuse? Oui, qu'avez-vous besoin, si vous n'y trouvez pas votre intérêt, de me reproduire toutes ces ordures, de me peindre toutes ces plaies ? Je peux les voir à l'hôpital; là, du moins, je les trouve vivantes, et vos cheis-d'œuvre réalistes ne vaudront jamais pour moi ces vivantes horreurs... Et alors môme que vous me feriez grâce de l'atroce, de l'horrible, de l'ignoble, du repoussant; si vous ne donnez à la nature aucune auréole et au réel aucun rayon qui le transfigure, à quoi bon vos livres naturalistes? J'aime mieux voir la na- ture. La nature a, dans son ensemble de contrastes opposés et imprévus, une gran- deur et une harmonieuse beauté qui corrigent b's tAcluîS et les amoindrit. Votio tort est de \n\ voir et de ne reproduire qu'un coin de !:i nature, et encore à travers votre tempéra-


TnënTr c'est-à-dire vos passions, vos infir- mités et vos faiblesses. Est-ce môme peiit- ôtre en raison de la myopie de votre vue et de la dépravation de votre nez que vous avez toujours choisi un coin de la nature où l'on voit de près et où l'on sent de plus près de ces choses qui vous brûlent les yeux et vous emportent le nez. Le naturalisme, considéré comme art littéraire, exerce dans l'ordre intellectuel, moral, religieux, social, et sur la littérature elle-même, l'influence la plus destructive.

Dans l'ordre intellectuel, son action im- médiate sur les idées ramène successive- ment et quelquefois simultanément toutes les couleurs et toutes les nuances des er- reurs philosophiques connues sous les noms de panthéisme, d'athéisme, de maté- rialisme, de positivisme, de fatalisme, de scepticisme et de nihilisme doctrinal : le naturaliste, en proclamant la souveraineté indépendante de son tempérament, juge ab- solu de la nature, se déclare Dieu; Dieu dans le royaume de l'art, comme le philo- sophe rationaliste dans le royaume de la pensée. Il efface l'idée de Dieu comme il élimine celle de l'àme, de l'esprit, de la conscience, parce que l'ombre de Dieu même l'importune en infligeant à ses œuvres des démentis irréfutables. Apprécié dans ses eff'ets comme dans ses causes, au point de vue de son action sur les idées, le natura-


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lisme est d'essence l'art des peuples maté- rialistes et décadents.

Dans l'ordre moral, son influence éclate aussi désastreuse et plus palpable; le dogme absolu de cette nouvelle école étant l'imi- tation exacte et complète du réel, mais du réel de la matière, du réel des sens et du réel de la chair, il ne peut logiquement en sortir que le culte de la nature, c'est-à-dire le sensualisme. Or, le sensualisme, ou le besoin de jouir de tous les plaisirs inhé- rents à notre nature, n'est-ce pas la néga- tion de toutes les vertus, la radiation de tous les dévouements, et par conséquent l'excuse de tous les vices et l'encoura- gement à toutes les dépravations? Le natu- ralisme, cette singerie de la nature, cette grimace de l'homme à Dieu, est un brevet s. g. d. g. accordé à tous les érotomanes qui veulent faire fortune. La route du pro- grès moral, du vrai progrès de l'humanité est toujours barrée par quelque doctrine ou par quelqu'un, et les grands élans de tous genres : scientifiques, littéraires, artistiques, philosophiques et politiques, sont annulés moralement et n'aboutissent qu'à une plus grande licence, parce qu'au point de départ on se sépare de Dieu et qu'on prend \c. chemin où il n'est pas. C'est l'histoire de tous les grands mouvements modernes, de la Révolution, du Romantisme, du Réalisme et du Naluralisnu^ : 92 échoue en 93, le Ro-


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mantisme tombe dans le Réalisme, celui-ci s'effondre dans le Naturalisme qui finit au Décadentisme pour sombrer dans l'Anar- chisme. Cela est mauvais et cela devient pis, parce qu'il y manque Dieu. Sans doute, l'hu- manité marche, mais pour un pas qu'elle fait en avant, elle en fait deux de côté; elle allonge son chemin, en niant deux vérités acquises pour une conquise : exclure Dieu de la nature, c'est éteindre toute lumière et oute vertu. La vérité, c'est la théorie de la ertu : la vertu exige Dieu, donc il est; la ertu exige l'àme, donc elle est; la vertu suppose la liberté, donc l'homme est libre ; a vertu suppose la récompense, donc im- mortalité de l'àme. Tout ceci constitue la vertu, le bien moral. L'effort moral prend alors un sens parce qu'il a un but : il devient l'acte humain, l'acte raisonnable, l'acte bon qui est le contraire du vice. Toutes ces ques- tions semblent s'éloigner du naturalisme et pourtant elles en sont l'àme, précisément parce que cette école littéraire la nie ou semble l'ignorer. S'il y avait un Dieu et une àme dans ce réel et dans cette nature, l'écri- vain n'oserait jamais les insulter jusqu'à nous les peindre dans ce qu'ils ont de plus ignoble et de plus répugnant. On ne peint pas une toile avec de la boue, on ne dresse pas une statue dans le ruisseau, on n'écrit pas un livre avec des ordures, l'art est plus élevé.


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Dans l'ordre social, l'action du natura- lisme entraîne des conséquences tout aussi dangereuses. Il ressort de Texamen du monde littéraire et du monde social un parallélisme assez curieux : le naturalisme dans Tordre littéraire ressemble au règne du fait et à la souveraineté de la force dans le monde social. Le fait accompli, accepté comme légitime, le fait brut, accepte comme le droit, est-ce autre chose que le natura- lisme dans la société? Dans l'ordre social, il y a aussi le réel et l'idéal; le réel c'est le fait, l'idéal c'est le droit; le réel c'est ce qui est, l'idéal c'est ce qui doit être; le réel, le réel seul, c'est le règne exclusif de la force; l'idéal c'est le règne supérieur de la justice; et l'harmonie de l'un et de l'autre, de la justice dirigeant la force et de la force mise au service de la justice, c'est la beauté sociale à la plus haute puissance. Supprimez l'idéal, il ne reste que le fait, le fait qui s'im- pose d'une manière inflexible. Le fait et la force régnant seuls dans la société, c'est le despotisme ou Tanarchisme : le réel et la nature, c'est-à-dire la force et le fait régnant dans l'art, c'est le réalisme ou le naturalisme. Le retour vers le réel dans la nature ramène, en polili(|ue, riiomme au fait brutal, à la force aveugle, c'est-à-dire à la barbarie plus ou moins civilisée, et en littéialure à bi re- production ou à l'imitation du document humain vu, jugé et analysé dans ses laideurs.


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Chasser l'idéal de la société, c'est la con- damner aux utopies les moins sociales et ouvrir la porte à tous les attentats.

La situation exceptionnelle qui résulte de l'application du naturalisme à l'ordre social modifie presque la certitude de cette vérité philosophique : la causalité est une loi de la pensée qui ne peut être inférieure à son effet, ce qui équivaut à dire qu'il ne peut pas y avoir dans l'eifet plus que dans la cause : le moins n'est pas cause du plus ; les eftets produits par le naturalisme social, l'anar- chisme, par exemple, sont tellement el- Irayants, qu'on se demande si l'effet ne dé- passe pas la cause.'En tout cas, la logique du fait, dans ce réel social, est tellement impi- toyable dans ses conséquences politiques, qu'elle suffit pour condamner les natura- listes.

Dans l'ordre religieux, son action immé- diate étant la négation de l'absolu qui est Dieu, il est certain que toute solution dé- pendant de cette vérité fondamentale, il n'y a plus de religion possible, c'est la table rase le toute théodicée et de toute théologie.

Dans l'ordre littéraire, l'action du natura- lisme opère sur lui-même ; ce n'est plus Jaturne dévorant ses fils, c'est le fou enragé î'arrachant les entrailles pour s'en repaître. Ki'est-ce, en effet, qu'une littérature qui, énonçant à toute dignité et à tout respect, }e donne en spectacle et en pâture à toutes


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les curiosités malsaines et à tous les appé- tits répugnants. La littérature naturaliste me fait l'effet d'une prostituée qui, drapée de soies luxueuses traînées dans la boue des ruisseaux, étale effrontément, dans un argot emphatique, ses réalités sexuelles et ses bru- talités naturalistes.

Pour qui ces livres qui prétendent être le premier mot artiste de la littérature et le der- nier mot de la science? Est-ce pour des êtres qui n'ont que des sens ou pour des êtres qui ont une âme? Est-ce pour des aniinaux c[ui ne savent que sentir ou bien pour des hommes qui savent penser? Demandez au Zola pauvre ce qu'il penserait du Zola riche; au Zola de Pot-Bouille ce qu'il pense du Zola des Premiers contes à Ninon. Toute la ques- tion naturaliste est là.

Une lettre de Sully-rrudhomme, dans le supj)lémentde l'Écho de Paris, 8 mars 1893, me permettra de donner à ces réflexions une conclusion plus autorisée que la mienne : « Le romancier a-t-il le droit de tout dire au nom de l'art? La dissection publique des mœurs est-elle, par son objet, comme un cours d'anatomie et au même titre nécessairement chaste?... La curiosité des lecteurs de ro- mans n'est pas de même espèce que celle des étJidiants en médecine ou des savants; elle est évid<Mnment loin d'être tout intel- lectuelle. Quand un romancier dépeint une chose quelconque, morale ou physique, il


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s'efforce naturellement d'en suggérer une idée ou une image aussi adéquate que pos- sible. Aujourd'hui celte fidélité scrupuleuse prend môme un caractère absolu, presque unique; elle tend à constituer tout le beau de l'œuvre littéraire. Décrire quoi que ce soit avec une froide exactitude et faire admirer cette exactitude seule, tel est l'idéal du natu- ralisme. Mais le résultat de l'art poussé dans cette voie n'est-il pas de nature à blesser la délicatesse des lecteurs d'élite? Si la chose décrite est repoussante, si c'est un sale vice, une ordure, ceux-ci doivent à la description consciencieuse tout ensemble le plaisir de l'admiration et le déplaisir du dégoût, conflit fâcheux de deux impressions contraires. Mais il y a encore pis à redouter : il est à craindre que chez le commun des lecteurs le tableau ne délecte moins le goût des mots justes savamment disposés que l'animalité persistante dans la béte humaine, animalité ou cynique, ou sournoise, ou même incon- sciente. Il s'en faut de beaucoup que chez tous le sens de la dignité humaine accom- pagne le sens littéraire. Dès lors, en dépit de ses intentions, même irréprochables, ce qui n'est pas le cas dans le naturalisme, se trouve engagée la responsabilité de l'écri- vain, sinon devant les lois de son genre, du moins devant celles de la concurrence vitale entre les peuples, car c'est à la plus forte santé morale que demeure l'avantage. Sans

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doute l'art et la morale ont des disciplines distinctes, mais enfin, bon gré, mal gré, leurs départements se côtoient, et il importe au romancier, pour peu que le salut et le rang de sa patrie l'intéressent, de ne pas en étaler les hideurs sales et de ne pas, même sans le vouloir, contribuer à l'énervement national, à l'émasculation de l'espèce humaine en fai- sant le jeu des instincts dépravés. Qu'il ait cure ou non de l'influence sociale de son œuvre, l'écrivain qui a le souci de sa dignité, au lieu de plonger avec complaisance son lecteur dans les descriptions turpides et de servir à sa curiosité les crudités les plus sadiques, ne lui présente que des tableaux sains et virils; sa plume n'a aucune promis- cuité avec les sanies qu'il analyse : elle ne cherche pas à avilir l'homme en ne lui pei- gnant que des monstres; elle a l'implacable mépris du laid, surtout dans les mœurs; elle craint autant de se souiller que de souiller. Le canaille dans l'amour, que ce canaille soit physique ou moral, est le signe de la fin d'un peuple, »

Les romanciers doivent être de vrais con- servateurs, dans le bon sens du mot; au lieu d'excuser, de favoriser et de propager le vice en le peignant avec complaisance dans une nudité de pensée et une crudité de langage, non seulement accessibles à tous, mais allé- chantes, ils doivent ou se taire ou n'y tou- cher qu'avec la réserve et les précautions


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dont use le médecin en touchant à la gan- grène. Si le crime et la vertu sont des pro- duits de notre fabrication, pourquoi publier des recettes pour augmenter l'usage de l'un et pour frelater l'autre? La description im- monde et exagérée des passions humaines n'est pas le remède des infirmités morales; elle les excite et les envenime au lieu de les corriger.


La genèse littéraire ue Zola


De l'homme et du système, je passe à sa méthode de travail; dès l'instant qu'on con- naît l'ouvrier et la marchandise dont il s'oc- cupe, n'est-il pas nécessaire de savoir com- ment il la travaille? Gomme chaque méthode répond au tempérament et à l'originalité de tout écrivain, je vais, d'après MM. Edmondo de Amicis, Paul Alexis et Fernand Xau, dé- monter le mécanisme du talent de Zola et exposer le jeu intime de ses rouages. M. de Amicis fait ainsi parler le d'Hozier des Hoiigon-Macquart : a Voici comment je fais un roman. Je ne le fais pas précisément, je le laisse se faire lui-même. Je ne sais pas iiH'enter des faits : ce genre d'imagination me manque absolument. Si je me mets à ma table pour chercher une intrigue, un canevas quelconque de roman, j'y reste trois fours à


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me creuser la cervelle, la tête dans les mains, f y perds mon latin et je n'arrive à rien. C'est pourquoi j'ai pris le parti de ne jamais m'oc- cuper du sujet. Je commence à travailler à mon roman sans savoir ni quels événements s'y dérouleront, ni quels personnages y prendront part, ni quels en seront le com- mencement et la fin. Je connais seulement mon personnage principal, mon Rougon ou mon Macquart, homme ou femme, et c'est une vieille connaissance. Je m'occupe seu- lement de lui, je médite sur son tempéra- ment, sur la famille où il est né, sur ses pre- mières impressions et sur la classe où j'ai résolu de le faire vivre. C'est là mon occu- pation la plus importante : étudier les gens avec qui ce personnage aura affaire, les lieux où il devra vivre, Tair qu'il devra respirer, sa profession, ses habitudes, jusqu'aux plus insignifiantes occupations auxquelles il con- sacrera ses moments perdus. » A cela, Paul Alexis ajoute [Emile Zola, notes d'un ami, p. 157) : « C'est donc par l'étude des milieux que débute Zola. Ainsi je l'ai montré, lors- qu'il écrivait Naua, assistant aux premières représentations, étudiant les coins et les re- coins d'un théâtre, visitant la loge d'une ac- trice etl'liôtel d'une fille, allant voir courir le fîrand Prix. Pendant ce temps, il observe, in- terroge, devine, toujourslecrayon à lamain.» M. de Amicis continue à faire parler notre auteur :


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« Après deux ou trois mois de cette étude, je me suis rendu maître de ce genre de vie; je le vois, je le sens, j'y vis en ima- gination, et je suis sîir de donner à mon roman la couleur et le parfum spécial de ce monde-là. En outre, en vivant quelque temps, comme je l'ai fait, dans cette couche sociale, j'ai connu des personnes qui lui appartiennent, j'ai entendu raconter des faits réels, je sais ce qui s'y passe ordinai- rement, j'ai appris le langage qui s'y parle, j'ai en tête une quantité de types, de scènes, de fragments de dialogues, d'épisodes, d'événements, qui forment comme un roman confus de mille morceaux détachés et infor- mes. Alors, il me reste à faire ce qui est le plus difficile pour moi : rattacher avec un seul fil, de mon mieux, toutes ces rémini- scences et toutes ces impressions éparses. C'est presque toujours un long travail. Mais je m'y mets flegmatiquement, et au lieu d'y employer l'imagination, j'y emploie la lo- gique. Je raisonne avec moi-même et j'écris mes soliloques, parole par parole, tels qu'ils me viennent, de façon que, lus par un autre, ils paraîtraient étranges. Un tel fait cela. Qu'est-ce qui découle ordinairement d'un fait de ce genre? cet autre fait. Est-il capable d'intéresser cette personne? Certainement. 11 est donc logique que cette autre personne réagisse de cette manière. Et alors, un nou- veau personnage peut intervenir; un tel, par

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exemple, que j'ai connu à tel lieu, tel soir. Je cherche les conséquences immédiates du plus petit événement, ce qui dérive logique- ment, naturellement, inévitablement du ca- ractère et de la situation de mes person- nages. Je fais le travail d'un commissaire de police qui veut, sur un léger indice, décou- vrir les auteurs d'un crime mystérieux. Je rencontre cependant souvent beaucoup de difficultés. Parfois, il n'y a plus que deux fils à nouer, une conséquence des plus sim- ples à déduire, et je n'en viens pas à bout, et je me fatigue et m'inquiète inutilement. Alors je cesse d'y penser, parce que je sais que c'est du temps perdu. 11 se passe deux, trois, quatre jours. Un beau matin, à la fin, pendant que je déjeune et que je pense à autre chose, tout à coup les deux fils se nouent, la conséquence est trouvée, toutes les difficultés sont tranchées. Alors un flot de lumière coule sur tout le roman. Je vois tout, et tout est fait. Je reprends une sécu- rité, je suis sûr de mon aflairc, il ne me reste plus à accomplir que la partie la plus agréal)le de mon travail. Et je m'y mets tranquil- lement, méthodiquement, montre en main. J'écris chaque jour un peu, trois pages d'im- pression, pas une ligne de plus, et le malin seulement. J'écris presque sans ratures, parce qu'il y a des mois que je rumine tout; et, dès que j'ai écrit, je mets les pages de côté et Je ne les revois plus qu'imprimées.


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Je puis calculer infailliblemenl le jour où j'aurai fini. »

M. de Amicis raconte ensuite que Zola lui a montré tout le dossier de V Assommoir. Je donne encore cette citation, qui me paraît tout à fait intéressante :

« Sur les premières feuilles, il y avait une esquisse des personnages : des données sur la personne, le tempérament, le caractère. J'y trouvai le plan du caractère de Gervaise, de Coupeau, de maman Coupeau, des Loril- leux, des Boche, de Goujet, de Mme Lerat; ils y étaient tous! On eût dit des notes d'un M*egistre de questure, écrites en langage laconique et très libre, comme celui du roman, et entremêlées de raisonnements brefs, comme : — Né ainsi, élevé de telle façon ; il agira de telle manière. — Dans un endroit, je lus : « Et que pourrait faire d'autre une canaille de cette espèce? » — Je me souviens, entre autres, de l'esquisse de Lantier, qui était une liste d'adjectifs, lesquels formaient une gradation croissante d'injures : grossier, sensuel, brutal, égoïste, polisson. Dans quelques endroits on lisait : Se servir d'un tel (personne connue de l'au- leur). Tout cela écrit avec ordre, d'une écri- ture grosse et claire. — Puis, les croquis des lieux me passèrent sous les yeux, cro- quis faits à la plume, exactement, comme des dessins d'ingénieur. Il y en avait un amas; tout V Assommoir dessiné : les rues du


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quartier où se déroule le roman, avec les coins et l'indication des boutiques; les zigzags que faisait Gervaise pour éviter ses créanciers; les escapades dominicales de Nana; les pérégrinations de la compagnie des buveurs, de bastringue en bastringue et de bousiugot en bousingot; l'hôpital et la boucherie, entre lesquels elle allait et venait, dans cette terrible soirée, la pauvre repas- seuse déchirée par la faim. La grande maison de Marescot était dessinée en détail; tout le dernier étage, les paliers, les fenêtres, l'antre du croquemort, le trou du père Bru, tous ces corridors lugubres où l'on sentait « un souffle de crevaison », ces murs qui résonnaient comme des ventres vides, ces portes d'où sortait une perpétuelle musique de coups de bt\ton et de cris de mioches affamés. Il y avait aussi le plan de la bou- tique de Gervaise, chambre par chambre, avec l'indication des lits et des tables, et des corrections en plusieurs endroits. On voyait que Zola s'y était amusé pendant des heures, oubliant peut-être jusqu'à son roman et plongé dans sa fiction comme dans un sou- venir personnel. — Sur d'autres feuilles, il y avait des notes d'un autre genre. J'en remarquai deux en particulier : « vingt pages « de description de telle chose, » — « douze « pages de description de telle scène, à « diviser en trois parties. » On comprend (ju'il avait en tête sa description, formulée


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avant d'être écrite, et qu'il l'enlenclait ré- sonner, mesurée et cadencée, comme un air auquel il ne manque plus que les paroles. Elle est moins rare qu'on ne pense, cette manière de travailler au compas, même dans les choses d'imagination. Zola est un grand mécanicien. On voit comment ses descrip- tions procèdent symétriquement, en reprises séparées quelquefois par une espèce de rem- |)lissage placé là pour que le lecteur re- prenne haleine, et divisées en parties pres- que égales; comme celle des fleurs du parc, dans la Faute de Vabbé Moiiret; celle de l'orage dans Une page d'amour; celle de la mort de Coupeau, dans VAssommoir. On dirait que son esprit, pour travailler ensuite tranquille et débarrassé des minuties, a be- soin de se tracer d'abord les limites précises de son travail, de savoir exactement sur quels points il pourra se reposer et quelle étendue et quelle forme prendra son travail à l'imprimerie. Quand il a trop de matière, il la rogne pour la faire rentrer dans ses limites, et quand elle lui manque, il fait un effort pour l'agrandir jusque-là. Il a un amour invincible pour les proportions, qui peut quelquefois engendrer la prolixité, mais qui souvent, en forçant la pensée à insister sur son sujet, rend l'œuvre plus pro- fonde et plus complète. — Outre ces notes, il y en avait d'autres, extraites de la Réforme sociale en France^ de Le Play; de V Hérédité


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natttrelle, du docteur Lucas, et d'autres œu- vres dont il s'est servi pour écrire son roman, le Sublime (de l'ingénieur Poulot), entre autres, qui, depuis la publication de V Assommoir^ a été réimprimé et relu. Car c'est un privilège des chefs-d'œuvre de mettre en honneur même les œuvres médio- cres dont ils sont sortis. »

Ces pages sont excellentes. Mais elles restent un peu confuses pour ceux qui con- naissent plus à fond la méthode de travail de Zola. Je vais donc donner ici la façon précise dont il forme le dossier d'un roman. D'abord, ce qu'il appelle « l'Ébauche ». Il a choisi son Rougon ou son Macquart, il sait dans quel milieu il veut le mettre, et il con- naît l'idée générale ou mieux la pensée phi- losophique qui doit régir le roman. Alors, la plume à la main, il cause avec lui-même sur son personnage. 11 cherche des figures secondaires déterminées par le milieu. Il tâche de nouer quelques premiers faits, que lui donne la logique des milieux et des per- sonnages. En un mot, il débrouille ses idées et arrête un sujet. Mais tout cela reste en- core très vague.

Après avoir mis « l'Ebauche » dans une chemise, il passe à ce (ju'il appelle « les Personnages ». C'est, à proprement j)arlor, l'étal livil dos divers peisonnages. 11 reprend chacun de ceux (|u'il a trouvés, en écrivant l'Ebauche, cl lui dresse des actes : histoire.


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ùge, santé, aspect physique, tempérament, caractère, habitudes, alliances, etc. En un mot, tous les faits de la vie. Nouvelle che- mise, naturellement.

Passant ensuite au milieu, il va prendre des notes sur le quartier où se déroule l'his- toire. En outre, il fait une étude des métiers de ses personnages; il visite les décors des grandes scènes; il réunit ainsi, dans une autre chemise, tous les détails techniques qui lui sont nécessaires.

Puis, viennent les documents extraits des ouvrages spéciaux, qui s'étiquettent dans de nouvelles chemises. Il en est de môme des renseignements fournis par les amis, des nombreuses lettres qu'il se fait écrire sur des points particuliers, par celles de ses connaissances ([u'il sait bien renseignées.

On voit que le dossier grossit à vue d'œil. C'est déjà tout un paquet considérable de feuilles classées avec soin, de renseigne- ments qui dépassent parfois en matière le livre à écrire. Mais, pourtant, il n'y a encore là que des notes. C'est à ce moment (jue Zola s'occupe enfin du « plan ».

Il divise les matières en un nombre arrêté de chapitres. Nouveau travail tout de lo- gique, très minutieux, très long. Cela de- vient une sorte de composition rythmée, où chaque personnage reparaît à des intervalles calculés, où les faits cessent et reprennent, comme certaines phrases dans les sympho-


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nies musicales. Il est à coup sûr un des romanciers qui composent avec l'art le plus compliqué et le plus mathématique. M. de Amicis a raison de l'appeler « un mécani- cien », car c'est vraiment de la mécanique transcendante : on s'en apercevra un jour.

D'ailleurs, le plan ne se fait pas d'un coup. Zola ne l'obtient que peu à peu, par couches successives. C'est d'abord « l'Ebauche » qu'il dépouille pour reporter à sa place chacun des faits principaux. Ce sont ensuite « les Personnages » qu'il répartit de la même façon : ici, le portrait physique de tel per- sonnage ; là, un trait saillant de son carac- tère; plus loin, les changements amenés par les faits dans le tempérament de tel autre ; plus loin encore, l'état d'Ame décisif où il a voulu le conduire. Et il dépouille ainsi chaque dossier. Tout doit entrer peu à peu, et à la place précise : le quartier, la maison, les lieux des grandes scènes. Non pas en bloc, certes! mais espacé, balancé, distribué, selon les exigences du récit et le besoin des situations.

Voilà donc le plan enfin arrêté dans ses grandes lignes. Seulement, tout cela n'est encore que dégrossi. Dans chaque chapitre, les matières qu'il doit contenir sont un peu jetées à la pelle, au hasard du dépouillement dos dossiers partiels. Aussi, avant de se mettre à écrire, se trouve-t-il forcé, chaque fois qu'il aborde un nouveau chapitre, de


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refaire ce qu'il appelle un ^ plan définitif ». C'est-à-dire qu'il prend, dans le plan pri- mitif, toutes les notes amassées et qu'il les combine, les met en œuvre dans l'ordre nécessité par la déduction des chapitres déjà écrits et par l'effet littéraire qu'il veut tirer du chapitre à écrire. C'est un peu, alors, comme s'il arrêtait la mise au point et la marche d'un acte de drame, dont il n'aurait réuni d'abord que les matériaux. Et cela va d'un bout du roman à l'autre, à mesure qu'il passe d'un chapitre au suivant.

Enfin, je ferai remarquer que ce système de composition par sédiments successifs se continue au fur et à mesure qu'il écrit son livre, car le plan des chapitres futurs reste toujours ouvert, et il y reporte sans cesse les notes recueillies en chemin. Ainsi lors- que, dans un chapitre, une note n'a pu être employée, parce qu'elle n'arrivait pas à sa place, il la rejette dans un des chapitres sui- vants, à l'endroit où il sent qu'elle se casera d'une façon logique. En outre, pendant qu'il écrit, il découvre parfois tout d'un coup que tel événement dont il s'occupe, que tel pa- role qu'il prête à un personnage, doivent avoir plus loin un retentissement. Et, pour ne pas perdre cette brusque illumination, il l'inscrit séance tenante sur la feuille de papier qui lui sert d'appui-main; puis, le chapitre fini, il dépouille l'appui-main et reporte les notes qui s'y trouvent dans les

H


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(•hapitres à faire où elles doivent trouver place.

On voit combien cette méthode de travail, procédant du général au particulier, est à la lois complexe, logique et sûre. Un ami de Zola, avec lequel j'en parlais, m'a dit que cela rappelait l'orchestration, si savante et si nouvelle, de Wagner. J'ignore jusqu'à quel point le rapprochement est juste. Mais il est certain que les œuvres d'Emile Zola, lorsque des profanes les ouvrent pour la première fois, doivent leur produire un peu de l'étourdissement des opéras wagnériens. On croit d'abord à une grande confusion ; on est sur le point de s'écrier qu'il n'y a là ni composition, ni règles. Et, pourtant, lors- qu'on pénètre dans la structure même de l'œuvre, on s'aperçoit que tout y est mathé- matique, on découvre une œuvre de science profonde, on reconnaît un long labeur de patience et de volonté. »

Je complète ces renseignements, prolixes déjà, par ces notes tirées de F. Xau [Emile Zolay p. 41 et suivantes) : « Je résolus alors de questionner M. Zola sur sa façon de vivre et de travailler.

— Je me lève, dit-il, à neuf heures du matin. Je travaille jusqu'à une heure de l'après-midi. Je fais le matin mon travail le plus sérieux : roman, théâtre, crili(|uc litté- raire, etc. L'après-midi est réservé à des travaux moins importants : correspondances


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étrangères cl articles de journaux. Je me suis astreint à un travail régulier, et il est rare que je m'en écarte; de la sorte, quand tous mes documents sont préparés, quand toutes mes recherches sont terminées et quand toutes mes observations sont faites, il faut à peu près un égal espace de temps pour livrer mes volumes à la publicité.

Ainsi, généralement, je publie un roman par an ; néanmoins, vous avez pu constater que Nana a paru beaucoup plus d'un an après Une page cVainour. Tout cela dépend surtout des recherches inhérentes au sujet. Il est faux, d'ailleurs, que je livre jamais rien au hasard. Je suis, avant tout, soucieux de la vérité dans l'action et de l'exactitude dans les détails. Si les principaux épisodes de l'ou- vrage, ceux-là qui donnent matière aux descriptions, doivent inévitablement se pro- duire, ces épisodes ne sont point amenés par le hasard, comme l'a prétendu un journa- liste anglais, mais par des circonstances étudiées, calculées, préparées et bien défi- nies.

Ils ne nuiront jamais au développement de l'œuvre et ne se trouveront jamais en opposition avec les types caractéristiques du roman. Au surplus, je ne lance jamais ces derniers dans la bataille sans les avoir armés du pied en cap. Tout est prévu, déterminé, réglé. Je sais encore plus où ils iront que d'où ils partent. Ils ne traversent pas, au ha-


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sard, une époque ou une suite d'événe- ments; ils sont le produit de cette époque, le résultat de ces événements, et ils vont fatalement à un but.

— Il est incontestable, dis-je à M. Zola, que vos romans sont surtout le résultat de l'observation. Vous avez suivi chacun de vos personnages pas à pas, vous avez étudié sa vie, disséqué ses passions, diagnostiqué son mal. Ainsi, moi, que le métier de repor- ter oblige à connaître la vie intime, secrète des personnages qui roulent sur le boulevard cet écrasant rocher de Sisyphe qui se nomme l'Importance et le Désœuvrement, je pourrais mettre un nom à tous les personnages de vos romans parisiens, — de Nana^ par exemple. Cependant il m'apparaît que tous ces types n'appartiennent pas à la simple observation.

— La légende, reprit vivement M. Zola, veut que je n'aie été qu'un scrupuleux pho- tographe, doublé d'un détestable faiseur de bons mots. On a rapproché les noms de mes personnages de ceux de gens fort connus de tous, — excepté de moi. Peu importait d'ailleurs que, entre ceux-ci et ceux-là, il y eût ou non ressemblance de caractères! La similitude de noms sullisait, si bien qu'en réalité on m'en a cru réduit à faire des ca- lembours. Vous avouerez que ce n'est guère llalteur!

Celte question de la création des person-


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liages devait nous mener à des questions autrement graves.

— Vous ne m'étonnez point, poursuivit M. Zola, en me parlant de cette légende. Il y a longtemps qu'elle a cours. Dès 18G8, c'est-à-dire avant la chute de l'Empire, tout le plan des Rougon-Macquart était préparé, arrêté. Dans Madeleine Férat vous pourrez Irouver l'idée que j'avais déjà de faire la j)hysiologie d'une famille. A cette époque, j'avais lu VHéréclité naturelle du docteur Lucas et les ouvrages de physiologie de Claude Bernard. J'avais été vivement frappé le leurs théories. La Conquête de Plassans a paru avant la guerre. Pouvais-je prévoir (juela chute dut arriver à si courte échéance? Evidemment non. Gela n'a point empêché et n'empêche point encore le public de voir M. RouherdansS. Ex. M. Rougon.

J'avoue qu'Eugène Rougon ressemble étrangement à Eugène Rouher, mais il n'en est pas moins vrai que j'ai choisi le nom de Rougon parce qu'il est très commun dans le Midi et qu'il sonne agréablement à l'oreille, et que j'ai pris le prénom d'Eugène absolu- ment au hasard, comme j'eusse pu prendre Oscar, Emile, Edmond ou Pancrace. Cepen- dant, le public n'admettra jamais cela. Il s'emparera de trois ou quatre traits d'esprit ou de caractère qui sont incontestablement communs à M. Rouher et à Eugène Rougon, — et le reste lui importe peu ! Eugène


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Roiigon sera toujours pour lui M. Rouher...

— Combien, hasardai-je, la série des Rougon-Macqiuirt fera-t-elle de volumes ?

— Vingt. »

Cet extrait de l'évolution naturaliste de L. Després, bien que répétant certains dé- tails donnés par les précédents auteurs, les complétera par de nouveaux :

« Zola travaille géométriquement, comme son père Fingénieur, dit M. Alphonse Daudet, il creuse des canaux, il trace des rues, il étage des bâtisses. »

L'auteur de VAssojiimoir édifie-t-il un roman? 11 se préoccupe avant tout de la soli- dité des fondations.

D'abord il choisit le milieu. 11 connaît depuis longtemps le Rougon ou le Macquarl qui doit être le principal personnage du livre. Il le fait évoluer à travers un monde spécial. De la pression des circonstances, combinée avec le tempérament, naissent les modifica- tions de caractère. Quant aux épisodiqucs, le milieu les fournit.

M. Emile Zola dresse ensuite l'état civil de ses personnages; il indique leur race, leur âge, leurs alliances, leur tempérament et jusqu'à leurs plus secrètes tendances mo- raUîs; il donne leur manière d'être physique, même leurs tics.

Voici le j)orlrait de Nana toi (|u'il se trouve dans les notes de M. Zola : u Née en 1851. En 1807 (lin d'année, décembre), elle a


c.


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dix-sept ans, mais elle est très forte, on lui donnerait au moins vingt ans; blonde, rose, figure parisienne, très éveillée, le nez légè- rement retroussé, la bouche petite et rieuse, un petit trou au menton, les yeux bleus très clairs avec des cils d'or. Quelques taches de son qui reviennent Tété, mais très rares, cinq ou six sur chaque tempe, comme des parcelles d'or; la nuque ambrée, avec un fouillis de petits cheveux sentant la femme,

très femme. Un duvet léger sur les joues

Comme caractère moral : bonne fille, c'est

Ce qui domine tout. Obéissant à sa nature,

ais ne faisant jamais le mal pour le mal et s'apitoyant. Tcte d'oiseau, cervelle toujours en mouvement, avec les caprices les plus baroques. Demain n' existe pas . Très rieuse, très gaie. Superstitieuse, avec la peur du bon Dieu. Aimant les bétes et ses parents. Dans les premiers temps très lâchée, très gros- sière, puis faisant la dame et s'observant beaucoup. Avec cela finissant par considérer l'homme comme une matière à exploiter, devenant une force de la nature^ un ferment de destruction, mais cela sans le vouloir, par son sexe et par sa puissante odeur de femme. »

N'est-ce pas à la fois un acte de l'état civil, un parfait portrait et une excellente analyse psychologique? Ouvrez le livre à n'importe quelle page et vous verrez s'agiter l'héroïne telle que l'a décrite le maître peintre. Nous sommes loin des Filles de marbre. Le ro-


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mancier reste dans les régions équilibrées de la vérité.

Ses personnages campés, M. Emile Zola vit pendant quelques mois dans le milieu qu'il veut peindre. Il en rapporte un mon- ceau de notes, des détails minutieux, des fragments de dialogue, des croquis. Il inter- roge ses connaissances, se fait écrire de lon- gues lettres explicatives, dépouille quantité de livres, groupe tous ces documents.

Les matériaux amoncelés, il s'agit de les ordonner. M. Zola procède soigneusement à cette distribution. Amoureux de la symétrie, il garde de l'harmonie entre les chapitres et se trace des limites avant de se mettre à la besogne. Si pour une partie il a trop de docu- ments, il supprime, abrège; s'il n'en a pas assez, il se donne la tâche d'allonger.

Reste à trouver l'intrigue. Travail pénible [)Our M. Emile Zola. Il y emploie le raison- nement, sachant que l'imagination le servi- rait mal. Tel personnage a telles tendances; en telle occasion, telle conduite. Et cet acte réagira de telle façon sur tel autre acteur. Ainsi de suite. C'est le système d'Edgar Poë, ce fantaisiste aux inventions malhéma- li(|ues. Le romancier se livre à l'enquête d'un juge d'instruction. Quelquefois il est des trois ou (|ualre jours sans trouver la suite de son roman; mais, brwscjuement, la lumière éclate au moment où il y pense le moins.

Le i\\ en main, M. Zola s'avance lentement;


I


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avant d'aborder un chapitre, il en refait le plan en détail. Puis il se meta l'œuvre, écri- vant régulièrement trois pages d'impression par jour. Chaque phrase se bâtit dans sa pensée comme les vers d'un poète, avant qu'il ne la fixe sur le papier. Les trouvailles de la route non utilisées sur-le-champ s'en- tassent sur l'appui-main qui, dépouillé, enri- chit les autres chapitres : le plan demeure ouvert. Souvent un effet, préparé dès les pre- mières pages, ne se manifeste que dans les dernières. Marche régulière et sûre. Les romans de Zola ont une charpente solide que, seul, le consciencieux Flaubert se don- nait la peine d'établir.

Dans le grand cabinet de Médan, les notes du Bonheur des Dames sont étalées.

« Voici l'ébauche. Je mets là tout ce qui me passe par la tête, aucun souci d'art ni môme d'orthographe. Tous mes livres ont un centre, une idée générale, ce qu'Alexis nomme très bien un thème mélodique. Ce thème s'indique dans l'ébauche.

« Je veux écrire un roman où je montrerai la force de l'activité et de l'ordre. J'expo- serai le grossissement continu d'une maison qui devient colossale. Trois étages, le petit commerce, le commerce moyen, le grand commerce. Pour bien faire éclater ce débor- dement de puissance, j'abandonnerai tout pessimisme; au contraire, je célébrerai le labeur infini du siècle.

11.


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« Le dossier des personnages : chacun a son casier judiciaire; ainsi une note qui m'a déjà servi pour Pot-Bouille : Octave Mouret, marié à telle époque, sous tel régime. J'ai consulté mon avoué et feuilleté le Gode pour plus de précision.

« Maintenant les notes : j'en ai réuni des quantités, Comment parler des grands ma- gasins sans posséder à fond leur organisation compliquée? Ici, je ne pourrai, comme dans Pot-Bouille, abandonner le genre descriptif; la description s'impose.

« Voici un ensemble de renseignements recueillis au Bon Marché. Ces messieurs se sont montrés fort obligeants.

« Des états de vente, des estimations et une consultation de dame sur les étoffes. Tout cela semble insigniiianl et me sert beaucoup.

« Viennent d'autres notes du même genre ramassées au Louvre. Puis doux plans, celui du magasin, qui se trouve dans Pot-Bouille, l'embryon de mon colosse, et celui du Bonheur des Dames, à son plus haut degré d'extension.

« Trois ou quatre autres cahiers sur le monde des employés, hommes et femmes : notes de M. A..., du Bon ^f arche. — Je l'ai invité à déjeuner et je l'ai interrogé. Notes de M. B..., du Louvre. Notes de M"" X....

M Je répartis en (juator/o cliapitres de longueur à pou près égale. Je cherche mon


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intrigue, patiemment, à coups de logique, et j'écris un sommaire, chapitre par chapitre, très bref encore. Ce n'est qu'avant d'aborder un chapitre que j'en fais un résumé assez développé.

« Je travaille trois heures et demie ou quatre heures tous les matins, posément. Voyez le manuscrit de Pot-Bouille : peu de ratures. Je puis dire l'époque où j'aurai fini un livre. »

La véritable inspiratrice de Emile Zola, c'est la logique qui lui donnait dès le collège une vraie supériorité dans les sciences; elle lui a nui souvent et l'a conduit à substituer la déduction à l'observation.

A cette tendance nous devons la Faute de Vahhé Mouret. L'auteur couvre à tort la pure fantaisie du nom de réalité poétique. On peut appeler réalité poétique des tableaux de la vie qui nous inspirent quelque sentiment tendre, mélancolique ougrand, car leschoses contiennent une poésie latente : c'est à nous de la découvrir. Mais la seconde partie de Vabbé Mouret ne correspond à rien d'exis- tant; cela peut être de la poésie, mais ce n'est assurément pas du réel.

A côté de ces écarts poétiques, il y en a d'autres également attribuables à un excès de logique.

On a vu par quelles séries de déductions l'auteur de V Assommoir relie entre eux les épisodes de ses livres. Il est certain qu'un


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romancier ne saurait tout voir et qu'un aspect d'un être ou d'une chose doit lui suffire pour deviner le reste.

Il y a en lui un certain flair, comme chez le policier, et ce « flair » est le dieu. Mais cet instinct a besoin de contrôle.

Autrement dit, l'hypothèse faite, il devient urgent de vérifier immédiatement si l'on ne veut chevaucher dans l'absolu. Vérification délicate, je l'avoue, dans une étude sociale, mais non impossible, tant s'en faut.

La presse nous renseigne sur tout.

Les tribunaux livrent aux romanciers des documents précieux. Comme l'écrit M. Zola : in procès est un roman expérimental qui se déroule devant le public.

Supposons d'abord qu'on choisira et qu'on ne s'adressera pas aux cas pathologiques exceptionnels. Prenons, non des faits isolés et monstrueux, mais des cas fréquents. Qu'y a-t-il de plus commun que les procès en sé- paration? Ils jettent une vive lumière sur la question des rapports de l'homme et de la femme, dans nos sociétés avancées. Exa- minez les unes après les autres ces afi^aires où l'être est livré dans sa nudité, où toutes sortes de choses intimes sont dévoilées, et vous rencontrerez, au milieu de quelques dissemblances de détail, des analogies nom- breuses d'où vous pourrez tirer une règle générale. Une jeune (ille élevée de telle façon et mariée dans do telles conditions ne peut


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être qu'une mauvaise épouse et même une mauvaise mère. C'est presque mathématique. Ainsi le chimiste dit : « Deux corps mélangés dans telles proportions formeront un troisième corps qui aura telles propriétés. » Les pro- blèmes sociaux sont moins faciles à résoudre que les problèmes des chimistes et des phy- siologistes. 11 y a des éléments inconnus, ({uelquefois très importants, qui déconcer- tent toutes les suppositions. Mais on a plus souvent en face de soi des individualités médiocres et inertes, en proie au caprice des événements, que des individualités douées d'activité et de résistance. Pour les premières la méthode du logicien conduit à des résul- tats étonnants d'exactitude. Il n'a qu'à cal- culer les forces qui ont agi sur le patient.

Le contrôle, c'est à peu près la seule expé- rience possible dans les sciences sociales, à moins qu'on n'expérimente directement sur soi. « Expérimenter sur Goupeau, dit M. Bru- netière, ce serait se procurer un Goupeau qu'on tiendrait en charte privée, qu'on eni- vrerait quotidiennement à dose déterminée, que d'ailleurs on empêcherait de rien faire qui risquât d'interrompre ou de détourner le cours de l'expérience et qu'on ouvrirait sur la table de dissection aussitôt qu'il pré- senterait un cas d'alcoolisme nettement ca- ractérisé. »

M. Brunetière n'a pas compris. Expéri- menter sur Goupeau, c'est, partant d'une idée


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préconçue, étudier le cas d'un certain nombre de Coupeaux, déduire de la comparaison les suites ordinaires de l'alcoolisme et modifier l'idée première, s'il y a lieu.

Le contrôle devient de plus en plus diffi- cile, à mesure que l'on s'élève sur l'échelle des êtres; tel homme est un exemplaire unique, sur lequel on ne se renseigne pas par analogie.

Heureusement M. Zola prend surtout pour modèles des personnages de nature moyenne. L'impulsion reçue sera déterminante. Ces êtres sont gâtés par les désordres de leur tempérament ou par le milieu oii ils vivent.

Mais là aussi le défaut : le logicien des- cend directement du matérialisme incomplet. Adoptant une conception du monde extrê- mement simple, il veut faire triompher la simplicité partout, sans se préoccuper outre mesure des démentis de l'expérience. M. H. Taine écrivait récemment : « Je n'ai encore (ju'une certitude, c'est qu'une société est une chose vaste et compliquée » (1). Devant cer- tains problèmes psychologiques d'une infinie variété, qui empêchent de ramener l'homme à quelques éléments essentiels, à un méca- nisme simple agissant logiquement, on est tenté d'appliquer à la cellule ce qui est dil de l'organisme tout entier.

M. Zola ne semble pas se douter de cette


(1) Préface do la Conquête Jacobine.


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complication : sur de lui, il ne vérifie pas assez ses hypothèses, à mon gré.

Il avoue, du reste, que dans ses romans il n'appliquera jamais radicalement ses théo- ries. Il est né et agrandi en plein romantisme. Jusqu'à sa vingt-cinquième année il s'est nourri des poètes de 1830, et leurs virtuosités lyriques l'ont tellement imprégné que si, pour obéir à sa raison, il se contraint, comme dans Pot-Bouille ^ à un style sobre et sé- vère, il est mécontent de lui-même et re- vient vite à la phrase panachée de Chateau- briand et de Flaubert.

Il ne sacrifiera pas à la réalité ses équilibres savants. Il calcule tous ses effets, ses épi- sodes gravitent régulièrement autour du personnage principal; ses romans sont des systèmes planétaires. Il est un constructeur, il aime à bâtir des édifices cyclopéens, des halles ou de grands bazars; voilà sa force et son originalité. Certes, il travaille dans la vie, mais la vie de ses livres est de la vie arrangée par un artiste; de là des excès de concentration, un symbolisme trop accusé. Nana, par exemple, tourne au type ; ce n'est plus telle courtisane : c'est la courtisane. Il est rare que dans un roman de M. Zola il n'y ait pas à côté des personnages observés un ou deux personnages de fantaisie. Dans V Assommoir môme, plusieurs épisodes sont d'imagination pure. La scène où Gervaise va supplier Bazouge de l'emporter est pathé-


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tique, shakspoarienne, mais point vécue, et ne supporte pas l'examen. M. Zola n'a con- servé ces pages que par un reste de roman- tisme. »

Si j'ai consacré d'aussi longues citations à la méthode de travail de Zola, c'est que, en certaines matières, le travail vaut mieux que la matière employée, ainsi la toile pour le peintre, le marbre pour le sculpteur, le pa- pier pour l'écrivain, etc. : le génie, nouveau Dieu, crée presque la matière en lui soufflant son âme immortelle, et le talent, arliste mer- veilleux, la façonne et l'embellit, en la parant de toutes les beautés de l'art. Que ressort-il de cette méthode de travail, le génie ou le talent de Zola? Le génie? non, car le génie est comme l'a dit, du beau, Platon, la splen- deur du vrai; or, le naturalisme n'étant que le procès-verbal complaisant d'une certaine réalité et que le portrait déliguré d'une cer- taine nature, il y a mensonge, donc absence de génie. Le naturalisme n'est qu'une demi- vérité, une vérité relative, reflétée par un tempérament, comme un coin de paysage par un miroir; et de môme que la reproduc- tion fidèle du paysage dépend de la pureté du tain, de môme cette moitié de vérité dé-, pend de l'honnôteté intellectuelle du natu- raliste. Cetle manière lente et incertaine de ramasser longuement et minutieusement les matériaux les plus disparates, do les étique- ter et do les classer avant môme d'en préju-


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ger l'emploi, ce jeu enfantin de choisir comme personnage un pantin plus grand et comme comparses d'autres plus petits, de les vêtir des premiers morceaux qui tombent sous la main et de les forcer aux gambades les plus étranges en tirant au hasard des doigts leur fil héréditaire, n'est-ce pas prou- ver son insuilisance à créer des caractères puissants et forts et à donner à ses person- nages et à ses peintures cette envolée d'idéal qui éclaire les œuvres vraiment humaines ? Son œil est fait pour regarder en bas et non en haut, il est naturaliste parce qu'il ne peut pas être idéaliste. « Ramasser la réalité et la mettre au point précis de perspective qu'exige l'optique particulière de chaque art; ce n'est qu'en réduisant, -résumant et simplifiant l'ensemble des moyens d'étude et d'obser- vation sur les faits, qui ne sont autre qu'une inévitable convention, qu'on arrive à fixer, par à peu près la réalité » (Brunetière, Le Roman naturaliste^ p. 123.) Rien ne nuit autant à la réalité que la réalité elle-même quand le romancier la place surtout dans un milieu psychologique et géographique où la peinture des conditions, la description des habitudes et la trivialité même du langage descendent à des détails bas, orduriers et libertins, ou tout au moins insignifiants et inutiles. « Les détails, a dit Voltaire, sont une vermine qui ronge les grands ouvrages » ; et Shakespeare : « La nature ne peut être


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embellie par aucun moyen qui ne soit encore de la nature ». Rien n'est plus ennuyeux et souvent plus faux que le train banal de V existence clans lequel vous moulez toute votre œuvre romancière, comme plus facile à reproduire et plus propre à intéresser le public qui vit de cette existence et à piquer la curiosité de celui qui s'en amuse. — Sans conclusion, point de science ; sans honnêteté, point de génie. « Le vrai génie, a dit Claude Bernard, se distingue par la simplicité et la bonne foi ». Je n'appuie pas, je glisse; je laisse aux lecteurs honnêtes, aux critiques impartiaux, aux vrais écrivains, le soin de répondre à ces questions : Zola est-il simple d'esprit et grand de cœur? Est-il naturaliste de bonne foi et de sérieuse conviction litté- raire ?

Zola a-t-il du talent? Comme descripteur, oui; comme styliste, il faut s'entendre. Si l'emploi de mots communs, grossiers, argo- tiers, scandaleux, non seulement mis à la porte de l'Académie mais hors de son dic- tionnaire ; si la répétition de phrases bri- sées, enij)hatiques et à effet, si l'abus de couleurs crues, rouge écarlate, vert pomme, jaune serin, avec une certaine sûreté de main, un tour spécial de plume, un chic déluré et canaille dans le ton et dans le son, sont les ijualilés maîtresses et constitutives du slyle, Zola est mieux qu'un styliste, il est un cise- leur litléraire; mais si l'honnêteté du mot,


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la limpidité du sens, l'clégance distinguée (le la phrase, l'allure correcte, aisée, même un peu pittoresque de la forme, en sont au contraire les conditions indispensables, on ne lui accordera pas plus de droit au titre de styliste qu'à ceux de bachelier ou d'acadé- micien.

Je cède la place à M. Brunetière qui, dans une étude esthétique magistrale, analyse toutes les questions naturalistes [Roman naturaliste^ p. 106 et suivantes) :

« Zola vient d'écrire pour nous une copieuse dissertation sur le Roman expéri- mental; c'est le moment de le mettre en expérience à son tour et déjuger un peu ce grand jugeur des autres.

S'il y a des écrivains inférieurs à la répu- tation que les circonstances leur ont faite, on ne laisse pas aussi d'avoir vu quelquefois des esprits supérieurs à leurs œuvres. Je ne crois pas, à la vérité, que ce soit tout à fait le cas de M. Zola. Cependant, quand il serait l'auteur de romans moins bons encore que les siens, il se pourrait qu'il eût sur le roman des idées qui valussent la peine d'être dis- cutées. Et quand la prose de ses feuilletons ou de ses études serait encore plus froide et plus embarrassée qu'elle n'est, cela n'em- pêcherait pas qu'il pût avoir, malgré tout, le coup d'œil aussi juste qu'il a la main hésitante, la pensée même aussi haute ou profonde qu'il a le style plat.


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Car il a le style plat, et je ne puis pas même accorder aux admirateurs de M. Zola qu'il convienne de saluer en lui un « écrivain de race » , encore moins « un maître de la langue » . Il ne faut pas ici que quelques pages descrip- tives nous fassent illusion. Ecrivain, M. Zola ressemble à ce « Roi des halles » dont on disait qu'il savait tous les mots de la langue, mais qu'il ignorait la manière de s'en servir. M. Zola sait aussi, lui, tous les mots de la langue, il en sait môme plusieurs qui ne sont pas de la langue, ni d'aucune langue du monde, mais ni des uns ni des autres il n'en sait le sens, la place, l'usage.

Regardez-y de près. « Je résume cette pre- mière partie en disant que les romanciers observent et expérimentent, et que toute leur besogne naît du doute où ils se placent en face des vérités mal connucs,jusqu'à ce qu'une idée expérimentale éveille brusquement un jour leur génie et les pousse à instituer une expérience pour analyser les faits et s'en rendre maîtres. » Veuillez relire attentive- ment cette seule' phrase. Il est évident que M. Zola ne sait pas ce que c'est qu'une expé- rience, et qu'il parle science ici comme tout à l'heure vous l'entendrez parler métaphy- sique, avec une sérénité d'ignorance qui ferait lajoie des savants et des métaphysiciens. Il est évi(l(;nt (jiio M. Zola no pèse pas la va- leur (les mots, car il n'appellerait pas l'idée d'inu; expérience possible une « idée expé-


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rimentale ». Sices deux mots associés veulent dire quelque chose, ils ne peuvent signifier qu'une idée induite, conclue, tirée de l'ex- périence, quelque chose de postérieur à l'expérience, non pas d'antérieur, une acqui- sition faite, et non pas une conquête à faire. Il est évident que M. Zola ne sait pas ce que c'est qu' « expérimenter », car le romancier comme le poète, s'il expérimente, ne peut expérimenter que sur soi, nullement sur les autres. Expérimenter sur Coupeau, ce serait se procurer un Coupeau qu'on tiendrait en charte privée, qu'on enivrerait quotidienne- ment à dose déterminée, que d'ailleurs on empêcherait de rien faire qui risquât d'inter- rompre ou de détourner le cours de l'expé- rience, et qu'on ouvrirait sur la table de dissection aussitôt qu'il présenterait un cas d'alcoolisme nettement caractérisé. Il n'y a pas autrement ni ne peut y avoir d'expéri- mentation, il n'y a qu'observation, et dès lors c'est assez pour que la théorie de M. Zola sur le Roman expérimental manque et croule aussitôt par la base.

On pourrait multiplier les exemples, mais à quoi bon ? Cherchez vous-même dans ce mélange de paradoxes et de banalités que M. Zola nous a donné sous le titre de Roman expérimental, je ne dis pas une phrase, ou même un mot, qui commande l'attention et qui s'enfonce dans le souvenir, mais seule- ment une idée nette, nettement exprimée :


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vous l'y chercherez longtemps. S'il existe un art d'écrire, si cet art a jamais consisté dans le juste emploi des mots, dans l'heureuse distribution des parties de la phrase, dans l'exacte proportion des développements et de la valeur des idées, M. Zola l'ignore. Là pour- tant, et nulle autre part ailleurs, est l'épreuve d'un écrivain vraiment digne de ce nom. Des descriptions et des peintures ne prouvent pas que l'on sache écrire, elles prouvent uni- quement que l'on a des sensations fortes. C'est à l'expression des idées générales que l'on attend et que l'on juge l'écrivain. Assu- rément M. Zola réussit à se faire entendre, et c'est quelque chose déjà; mais qu'on le mette au rang des « écrivains », c'est ce qui n'est pas plus permis, en vérité, que de l'ins- crire parmi les « romanciers ».

Le grand défaut de M. Zola, comme roman- cier, c'est de fatiguer, de lasser et — tran- chons le mot — d'ennuyer. Je sais qu'il ré- pond, et qu'il croit victorieusement répondre, en invoquant les nombreuses éditions de ses ouvrages.

Les natuialistes sont à la fois très j)rès et très loin de la vérité. C'est une question de limites et de nuances. Essayons de l'éclaircir et de la préciser.

M. Zola, d'abord, (jui se plaint souvent (ju'on neveuillepas le comprendre, est-il bien assuré, toujours, de comprendre les autres? Ne se pourrait-il pas (|u'il fît souvent le coup


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de poing contre des adversaires imaginaires, et qu'il dépensât une vigueur inutile à n'en- foncer que des portes ouvertes ? Le malheur de M. Zola, c'est de manquer d'éducation littéraire et de culture philosophique. Ici, dans le vaste camp des littérateurs sans litté- rature, il est à la première place. Il produit beaucoup, il pense quelquefois, il n'a jamais lu; cela se voit. C'est une réflexion qu'on ne saurait s'empccher de faire quand on l'entend qui demande à grands cris que l'on discute avec lui la question des rapports de l'esprit et de la matière, du libre arbitre et de la res- ponsabilité morale, ou des milieux encore et de l'hérédité physiologique. Gomment quel- que charitable conseiller ne lui a-t-il pas fait comprendre que chaque chose a son temps et son lieu; que ces sortes de problèmes, si complexes, si délicats, ne s'agitent pas sur le terrain du Ventre de Paris ou de r Assom- moir, et (juà propos des Rougon-Macquart ou des Qucuu-Gradelle^ on ne met pas les gens en demeure de choisir entre le système de la prémotion physique et celui de la science moyenne ou conditionnée ?

Que nous importe, en elfet? Qu'y a-t-il de commun entre V indéterminisme ou le déter^ minisme et le roman de l'art dramatique ? Nous croyons, nous, que tout homme se fait à soi-même sa destinée, qu'il est le propre artisan de son bonheur et le maladroit ou criminel auteur de ses infortunes : c'est une


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autre manière de concevoir la vie. M. Zola croit au contraire, selon le mot fameux, « que le vice et la vertu sont des produits comme le vitriol ou le sucre », et que nous sommes une matière molle que les circonstances façonneraient au hasard de leurs combinai- sons : c'est une autre manière de concevoir la vie. Qu'en sera-t-il davantage ? Vous écrirez le Marquis de Villemev dans le pre- mier cas, si vous êtes George Sand, et si vous êtes Balzac, dans le second, vous écri- rez la Cousine Bette.

il nous reste à montrer en terminant que toute cette discussion passe par-dessus la tête de M. Zola; qu'en vain il se proclame réaliste ou naturaliste, et comme romancier sinon comme critique, il n'a jamais rien eu de commun avec les doctrines qu'il professe. Il sufTit pour s'en convaincre d'ouvrir un de ses romans. Voulez-vous savoir comment ce grand observateur observe ? Lisez et com- parez :

« D'autres fois, il était un chien. Elle lui jetait son mouchoir parfumé au bout de la pièce, et il devait courir le ramasser avec les dents, en se traînant sur les mains etlespieds.

« — Rapporte, César! je vais te régaler, si tu flancs. Très bien, César, obéissant! Fais le beau !

» Et lui aimait sa bassesse, goûtait la jouissance d'être une brute, aspirant à des- cendre, criant :


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« Tape plus fort ! hou ! hou ! Je suis enragé. Tape donc ! »

Ouvrons maintenant la Venise sauvée, de Thomas Otway. Le sénateur Antonio y est Tamant de la courtisane Aquilina.

« Elle le chasse, elle l'appelle idiot, brute, elle lui dit qu'il n'a rien de bon en lui que son argent.

)) — Alors, je serai un chien,

)) — Un chien, monseigneur!

» Là-dessus il se met sous la lable et il aboie.

» — Ah! vous mordez? eh bien, vous aurez des coups de pied.

» — Va, de tout mon cœur, des coups de pied! encore des coups de pied! Hou! hou! Plus fort! encore plus fort! »

Si l'observation de M. Zola n'est pas d'un « réaliste », j'ajoute que son style est d'un romantique. Chose bizarre! ce « précurseur» retarde sur son siècle! Ses Etudes sonnent l'heure de l'an 1900 et ses romans marquent toujours l'heure de 1830.

C'est une bien grande ingratitude à lui, notamment, que d'avoir traité Théophile Gautier comme il n'a pas craint de le l'aire. Je ne sache pas du moins une description de M. Zola qui ne soit dans la manière de Théophile Gautier : « La lumière du gaz et des bougies glissait sur les épaules satinées et lustrées de leurs mille reflets, et les yeux papillotaient, bleus ou noirs, les gorges

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demi-nues se modelaient hardiment sous les blondes et les diamants..., les petites mains gantées de blanc se posaient avec coquetterie sur le rebord rouge des loges. » Pourquoi cette description ne serait-elle pas de Théophile Gautier ? Mais, celle-ci, pourquoi ne serait-elle pas de M. Zola ?« Les rangées de fauteuils s'emplissaient peu à peu, une toilette claire se détachait, une tête au profil fin baissait son haut chignon..., de jeunes messieurs, debout à l'orchestre, le gilet lar- gement ouvert et un gardénia à la bouton- nière, braquaient leurs jumelles du bout de leurs doigts gantés. » Et, de fait, la première est bien de Théophile Gautier, comme la seconde est de M. Zola.

Qu'il cesse donc de renier ses maîtres! De grands mots, des épithètes voyantes, des métaphores bizarres, des comparaisons pré- tentieuses font tous les frais du style de M. Zola : « Sabine devenait l'effondrement final, la moisissure môme du foyer, toute la grâce et la vertu pourrissant sous le tra- vail d'un ver intérieur. » Il y a je ne sais quoi de plus empanaché dans les vers de Tragaldabas ou dans la prose des Funérailles de l'honneur ; je ne crois |)as qu'il y ait rien de plus drôle.

Le grand danger de cette manière d'écrire, (jui déforme les objets, c'est qu'elle déforme les sujets aussi. Comme on écrit, on pense; il n'y a rien de plus banal que riii.îij::snie,


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et pourtant il n'y a rien qui soit de notre temps plus profondément ignoré. L'idée première de l'incroyable roman de M. Zola était juste. M. Zola voulait nous montrer dans le monde parisien la toute-puissance corrup- trice de la fille, et, sous l'empire de ses séductions malsaines, famille, honneur, vertu, principes, tout en un mot, croulant. Là-dessus, il a fait de sa triste héroïne je ne sais quelle monstre géant « à la croupe gon- flée de vices », une énorme Vénus populaire aussi lourdement bête que grossièrement impudique, une espèce d'idole indoue qui n'a seulement qu'à laisser tomber ses voiles pour faire tomber en arrêt les vieillards et les collégiens, et qui, par instants, se sent elle-même « planer sur Paris et sur le monde ^> . Remarquez-le bien; je ne pose pas la ques- tion de moralité ou d'immoralité; le public l'a déjà tranchée. Je ne parle que de « réa- lisme » et de (( naturalisme », et je dis que M. Zola n'a pas l'air de se douter qu'une pareille créature mettrait en fuite ce baron Hulot lui-môme, dont il a visiblement pré- tendu nous donner le pendant.

Il n'y a qu'un côté par où les œuvres de M. Zola ressemblent à ses doctrines; j'en- tends la grossièreté voulue du lan<iasre et la vulgarité délibérée des sujets. Lui, qui a tant de « souci des littératures étrangères » on dirait qu'il ait médité ce conseil d'un maître. Le passage ne se trouve pas dans


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V Histoire de la littérature anglaise. « Il faudra qu'un auteur accoutume son imagination à considérer ce qu'il y a de plus vil et de plus bas dans la nature ; il se perfectionnera lui- même par un si noble exercice : c'est par là qu'il parviendra à ne plus enfanter que des pensées véritablement et foncièrement basses ; c'est par cet exercice qu'il s'abaissera beaucoup au-dessous de la réalité. »

Car où donc enfin nos romanciers ont-ils vu ces mœurs qu'il nous dépeignent ? Et les ont-ils vues seulement ? Pour M. Zola, je n'hésite pas à dire, et j'espère qu'après ce commencement de démonstration le lecteur n'hésitera pas davantage, il ne les a pas vues Et quand il les aurait vues, quelle serait cette manie de ne regarder l'humanité que par ses plus vilains cotés ? Le but ? Il y a le but. Quelle mauvaise plaisanterie, et qui com- mence à trop durer! A qui M. Zola pourrait- il faire croire que le delirium tremens de Goupeau détournera de son verre un seul ivrogne, ou (|ue la petite vérole de Nana balancera jamais dans les rôves d'une mal- heureuse fille du peuple toutes les séduc- tions de la liberté, du plaisir et du luxe dont il lui donne les amples descriptions ? Il n'y a pas d'excuse, et c'en est assez, décidé- ment, c'en est trop, de ce vice bas et niais dont on prolonge la peintures pendant des cinq cents pages.

Ouvrez les yeux, regardez autour de vous :


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apparemment le siècle n'est pas si stérile en vertus qu'on n'y puisse de loin en loin rencon- trer de bons exemples. De la Madeleine à la Bastille et de la gare de l'Est à Montrouge, on peut encore trouver d'honnêtes gens qui se tiennent pour heureux d'une modeste aisance, des pères de famille qui épargnent, des femmes fidèles à leur mari et des mères qui raccommodent le linge de leurs enfants. Ne dites pas que ces gens-là n'ont pas d'histoire! Ils en ont une, la plus intéressante et la plus vraie de toutes, l'histoire des jours mauvais, si longue dans toute vie humaine, traversés et subis en commun; l'histoire des jours heureux et des sourires de la fortune qui sont venus récom- penser le labeur et l'effort; et — si vous avez du talent — l'histoire de ces sentiments complexes et subtils dont le lien délicat a noué, de jour en jour plus fortement, deux ou plusieurs existences ensemble, chacun sacri- fiant aux autres quelque chose de sa personne, chacun dissimulant aux autres quelque chose de ses douleurs, tous mettant en commun leurs joies et tous pouvant compter sur tous. Par malheur, ce sont des réflexions que M. Zola ne voudra jamais faire. Il a son esthétique et il a son système. Dans un de ses derniers feuilletons hebdomadaires n'a-t-il pas écrit cette phrase étonnante, que je cite textuellement : « Voyez un salon, je parle du plus honnête; si vous écriviez les

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confessions sincères des invités, vous laisse- riez un document qui scandaliserait les voleurs et les assassins ». Tout commentaire affaiblirait une telle déclaration de principes, toute épithète en altérerait le beau sens, — et c'est une de ces impressions sous les- quelles il faut laisser le lecteur.

Pour mettre à côté de la règle l'exemple, ou plutôt, à côté de la méthode de travail, son résultat, je devrais donner ici l'analyse de tous ses romans et indiquer si, dans l'application, son œuvre s'accorde avec ses principes littéraires et ne les contredit pas, soit dans la donnée artistique, soit dans la peinture des caractères, soit dans l'adapta- tion des milieux, soit dans les détails tech- niques et scientifiques des professions, des industries, etc. ; mais comme ce travail exigerait un long développement,je le réserve pour une autre étude, me restreignant à donner, sous chaque titre d'ouvrage, une description biographique suflisante pour signaler son caractère particulier. Je résume sous la désignation : « Zola polémiste » tous les renseignements qui peuvent le faire con- naître comme critique d'arl, critique littéraire et politique et orateur.


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Zola Polémiste


« Zola, écrivait Guy de Maupassant, est un nom qui éclate comme deux notes de clairon violent et tapageur; il entre dans l'oreille et l'emplit de sa brusque et sonore gaieté ». « La lettre Z, dit L. Després, a un aspect agressif; on dirait un homme qui, pour se débarrasser de l'ennemi, donne à la fois un coup de poing en avant, un coup de pied en arrière «. Oui, il y a du boxeur anglais et du savatier (pardon du mot) italien dans Zola; il boxe et savate littérairement et littérale- ment ses adversaires.

Je ne peux pas prendre Zola critique plus au sérieux qu'il ne s'est pris lui-même... « 11 y a mon feuilleton du Bien public^ mes articles de Russie, ma correspondance de Marseille, qui ne me sont de rien, que je rejette, et qui ne sont que pour faire mousser mes livres (paroles qui lui sont attribuées, dans le Jour- nal des Goncourt, tome V, p. 315). Or, ces différents articles, avec d'autres parus dans VEvénementy le Figaro et le Voltaire, forment à peu près toute son artillerie de guerre littéraire. Il n'a été polémiste que pour faire mousser ses livres ; ses attaques étaient, d'au- tant plus violentes, acerbes et irritantes, qu'il visait davantage au bruit, au tapage, pour


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attirer rattcnlion : l'éreintemeut littéraire l'ait partie essentielle de' son boniment. Il a fait de sa })lume une carabine, comme l'Ita- lien, d'abord pour vivre, et, après, un couteau comme le toréador, pour enlever son public et corser la recette. Le critique qui écrit pour sa caisse ou pour sa statue est un ennemi inpitoyable et féroce; vous êtes son pain, son argent et sa gloire; il ne peut vous épar- gner sans se sacrifier; comptez sur toute sa haine, mais jamais sur sa justice et son im- [)artialité.

Zola salonnier n'a loué qu'un peintre, Ed. Manet, et, s'il l'a fait, c'est bien plus pour s'en servir, comme l'arme de Samson, pour tuer, non, pour blesser tous les au- tres, que par admiration de son talent. Se connaît-il en peinture ou n'importe quel art? J'en doute, et pour deux motifs; le pre- mier, quand dans le choix de ses person- nages, dans le milieu où ils vivent et dans les passions et les vices qu'ils montrent; et le second, quand dans les objets de luxe dont on s'entoure, dans son at home^ on ma- nifeste, d'une part, autant de trivialité gros- sière, et, d'autre part, un goût aussi disparate et excentrique, il est impossible qu'on ait le sens artistique assez fin, assez éclairé^ suffi- samment formé, pour être un juge, même passable, dans les arts. Donc, salonnier de mot, mais non de goût, ni do fait. M'est-i! possible de parler sérieusement


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de Zola homme politique, critique politique ? Il est écrivain expert en politique comme il a été patriote en 1870. Parti en province avant l'investissement de Paris, il rallia le Gouvernement provisoire à Tours, et, ou- bliant que son père avait servi, comme offi- cier, dans l'artillerie italienne et qu'il avait été capitaine, en Algérie, dans la légion étrangère, au lieu de prendre un iusil, ce qui eût été du patriotisme naturaliste^ il prit une plume dans un journal de Glais-Bizoin, ce qui est du patriotisme idéaliste, et faillit être nommé sous-préfet de Gastelsarrasin. Il refusa, dit-on, non par modestie républi- caine, mais parce qu'il était persuadé qu'on lui faisait tort en ne le nommant pas préfet. Après cette expérience gouvernementale et ces services républicains, qu'entend-il dire quand il clame bien haut : « La République sera naturaliste, ou elle ne sera pas ». Déci- dément, le naturalisme est-il une sauce géné- rale, une recette universelle, à laquelle on doive tout mettre et tout préparer? Qui sait? Une république naturaliste, c'est peut-être une république avec Zola, à sa tête... Ah! pour le coup, pour me servir de son inimi- table style, on pourrait dire : N... de D...Î

qu'elle serait b.... f cette s... N... de D...

de république, naturalisée par lui !

Zola critique littéraire n'a eu qu'un but, prouver, en faisant de sa plume une massue contre ses adversaires et une houppette de


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poudre à riz pour ses admirateurs, que le naturalisme, inventé par lui, d'après certains écrivains, comme Diderot, Stendhal et Balzac, avec le concours extorqué de Claude Ber- nard, du docteur Lucas, etc., et pratiqué par lui expérimentalement dans l'histoire natu- relle et sociale de la famille Rougon-Mac- quart^ en vingt vol. in-18 jésus, est la seule formule scientifique qui puisse, en observant l'évolution du document humain, dans cer- tains milieux sociaux, conduire l'humanité à l'apogée du progrès, au dernier mot de la perfection. Le naturalisme, cette ultime évo- lution de la dernière révolution littéraire (car après elle il ne restera plus qu'à en jouir), élèvera le genre humain, composé de Coupeaux, de Lantiers, de Mes-Bottes, de Quenu-Gredelle,de Gervaises, de Nanas,etc., à une telle hauteur naturaliste, que c'en sera un vrai bouquet... d'idéal. Oui, M. Zola^ votre naturalisme sera ce que v ous l'avez f ait et cej :j[uc vous contnu rSz"Tucrativ ement à le faire, uneLflxplûit ation ordur ière de toutes les viles passions et de tous les mauvais inslincl^TIT; ôïï 11 S e r a idéaliate r Toutes vos charges à fond contre les écri- vains actuels, qui ne sont pas avec vous et pour vous, n'ont pas d'autre but, vous l'avez dit, que de faire mousser vos livres : « Je pose d'abord un clou, et d'un coup de marteau je lo fais entrer d'un centimètre dans la cer- velle du ])ublic, puis d'un second coup je le


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fais entrer de deux centimètres... Eh bien, mon marteau, c'est le journalisme, que je fais moi-même autour de mes œuvres ». On commère que Ed. de Goncourt, qui a ré- pété cette conversation précieuse dans son journal, vous a rayé de sa future Académie. Je n'ai aucun droit à déposer mon vote dans cette urne et néanmoins je ne peux m'em- pêcher de lui donner tort; il me semble, qu'après vous avoir servi un pareil plat d'ami, il vous doit bien cette compensation. Au reste, de quelle Académie sera-t-il, si de Goncourt lui refuse un fauteuil dans la sienne?

Morale de la critique du critique littéraire Zola : prendre en douceur tous les grands mots de haine et tous les plus terribles coups de sabre... de bois de sa féroce et implacable critique, crachée, en partie, sous le titre terrifiant : Mes Haines, est le meilleur moyen de lui rendre justice. Faites l'honneur à un Gascon de le craindre, et il vous tuera... Envoyez-lui vos compliments plus bas... que l'oreille, il vous fera des excuses : c'est la tactique des critiques féroces.

Zola orateur! je voulais le passer, mais le pouvais-je? Il a fait trois discours, je crois, quelques-uns de moins par conséquent que Démosthène et que Gicéron, pour ne parler que des anciens, et deux de plus que Louis XIV, dit le Grand, qui, pendant son long et glorieux règne, n'en fit qu'un à son


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parlement, et encore avec bottes aux jambes et cravache à la main : « L'Etat, c'est moi ». Si Zola n'en a pas dit autant, ce n'est pas que l'envie lui en ait manqué, mais l'occasion; il a donc fait trois discours : le premier aux félibres réunis à Sceaux, le second à la dan- sante Association des étudiants de Paris, le troisième à la Presse anglaise, au nom de la Presse française ; toutes les presses les ont reproduits et pourtant on s'est tellement pressé de s'en débarrasser qu'à peine si, cet été, on en trouvait un maculant de sa j)rose le melon qu'il entourait, ou un autre tout honteux, voilant, dans un bois, ce qu'on ne saurait voir et encore moins sentir. J'ai trouvé, près de Sceaux..., mais pas où vous croyez, mais ayant servi de... fauteuil académique à une jeune vertu, un fragment épargné par... je ne le dis pas, bien que le naturalisme permette tout, du discours adressé aux cigaliers : « J'ai bien, pour ma part, cinq ou six idylles sur la conscience et toujours la même, Daplmis et Chloé, Paul et Virginie, Estelle et Némorin, un couple de jeunes cœurs qui s'éveillent à l'amour, qui s'en vont, dans les sentiers, dans le ravis- sement du soleil. Qui sait, mon Dieu! ce que seront devenus mes couples quand ils au- ront cent ans? Peut-être auront-ils plus de rides que les aimables moutons de Florian! On a regretté (pi'il n'y ail pas un loup dans sa bergerie. Hélas! dans ma bergerie à moi,


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peuplée de loups, ne dira-t-on pas que j'au- rais dû au moins mettre un mouton? » Il y est maintenant, puisque j'y suis; ne me dé- vorez pas, grâce pour mon courage impru- dent; je ne dis pas que je sois un agneau, je suis un peu vieux, j'en conviens, pour cela, mais je suis un mouton, tellement mouton, que môme vos longues dents de loup ne pourraient me mordre sans re- mords. Au reste, comme je vous le promet- tais au début, ne vous ai-je pas fait bonne et sérieuse mesure en réclame; ne me de- vrez-vous pas une vente plus grande et par conséquent une recette plus fructueuse ? Je vous demande seulement, à titre de recon- naissance, 25 pour cent sur la plus-value que jevousprocure, convaincu qu'en vous laissant la plus grosse part, la mienne sera encore meilleure que celle que je dois à la vente des œuvres de vos futurs collègues de l'Aca- démie. Car, vous le savez, je ne fais pas que des livres, je vends aussi ceux des autres, et les leurs et les miens, parce qu'ils se va- lent peut-être, ne m'enrichissent ni les uns ni les autres. Au fait, il nous manque, j'y pense, votre marteau, le journalisme que vous faites autour de vos œuvres; si vous nous le prêtiez ? Il vous sert assez bien et depuis assez longtemps pour que, dans un bon mouvement, vous en donniez quelques vigoureux coups pour nous.


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Zola plagiaire


J'eusse voulu m'épargner cette exécution littéraire ; je n'aime pas ce genre de besogne, mais comme l'accusation a été portée par quelques journaux et qu'elle a été maintenue par quelques écrivains, je n'ai pas le droit de m'y soustraire. Peu d'auteurs échappent à cette insinuation ; tout homme qui fait métier d'écrire croit qu'on lui a pris son bien ou qu'on a emprunté celui d'un autre : tout le monde est voleur, excepté lui. Pour moi, je répète le secret de la femme aux œufs, mais sans en augmenter le nombre; tant on m'en a dit et tant j'en redis : le compte y est. Zola, peu inventeur de son naturel, est très imitateur dans son natura- lisme; sa méthode littéraire, il l'avoue lui- même, décalque absolument celle de Claude Bernard, en la corsant, je l'ai signalé, en plusieurs endroits, d'emprunts scientifiques faits au docteur Lucas et à d'autres savants; ses premiers ouvrages : les Coules à Ninon et la Confession de Claude rappellent, non seulement les Contes et la Confession d'un enfant du siècle^ d'Alfred de Musset, mais moulent, autant qu'un ordinaire calligraphe peut reproduire les caractères d'imprimerie, le style et le genre d'un maître; V Assommoir


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décroche, dans le sublime de Poulot, ses noms les plus suggestifs et ses scènes les plus alcooliques; Germinal rappelle, par son style et son socialisme, les Misérables de Victor Hugo; le Rêve est un pastiche effacé de Notre-Dame de Paris ^ la Débâcle un thème amplifié et gonflé de l'épisode de Waterloo des Misérables \ le Ventre de Paris et Pot- Bouille doivent au Paris inconnu de Privât d'Anglemont, aux Convulsions de Paris de Maxime Ducamp et à des études de d'Haus- sonville et de Vitu, la meilleure et la plus saine partie de leurs renseignements; et, pour ne pas prolonger outre mesure la liste des sources où a surabondamment puisé Zola, qui n'a pas voulu surcharger ses livres, en les citant, qu'il me suffise de dire qu'il n'y a de lui et bien de lui que les longs dé- tails descriptifs, linguistiques et surtout pornographiques qui sont la grosse pièce, non pas résistante, mais alléchante de ses livres. La Terre, œuvre de basse et ignoble calomnie du paysan, est une déjection de En rade de Huysmans et d'une pièce de vers de Rollinat, ce frère raffiné et délicat de Baudelaire et la Bête humaine, une pâle et répugnante copie d'un roman de Georges Moore. La Paix sociale, organe de la ligue nationale de l'athéisme, ayant publié dans son premier numéro du 2 juin 1888 les Amours d'un homme laid, par M'"*' Berton, née Samson. A son début l'auteur réclama la


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priorité de l'idée développée dans une Page cV amour; Emile Zola répondit : « Monsieur le rédacteur, veuillez publier cette lettre dans le prochain numéro de la Paix sociale. Je n'ai jamais lu le roman de M"" Berton- Samson et j'ignorais jusqu'à ce jour l'exis- tence de l'auteur et de l'œuvre. Emile Zola.

Voici le travail comparatif fait par l'auteur des Amours d'un homme laid et publié à la suite de la lettre :


Los

Amours d'un homme laid

Iloin:in de M™» Hekton, née Samson


Page d'Amour

Roninn do É M I L K Zola


Une jeune veuve sage et douce; elle a une petite fille, cette petite fille est mala- dive.

Cette petite fille s'appelle Jeanne.

La jeune veuve fait venir un docteur prés de sa petite fille. Ce docteur est un homme jeune et marié.

La jeune veuve a un vieil ami qui veut l'épouser. Un amour platonique naît entre le docteur et la jeune veuve.

La petite Jeanne a une afTeclion passionnée pour son docteur. La femme du <l(>cleur est légère et mon- daine.

La jeune veuve épouse son vieil ami.


Une jeune veuve sage et douce ; elle a une petite fille, cette petite fille est mala- dive.

Cette petite fille s'appelle Jeanne.

La jeune veuve fait venir un docteur près de sa pe- tite fille. Le docteur est un homme jeune et marié.

La jeune veuve a un vieil ami qui veut l'épouser. Un amour platoniquenail entre le docteur et la jeune veuve.

La petite Jeanne a une an'(!ction passionnée! pour son doclcMir. La femme du docteur est légère et mon- daine.

La jeune veuve épouse son vieil ami.


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Toutes ces imputations et d'autres encore que ferait naître un examen plus appro- fondi de l'œuvre de Zola peuvent (^'tre vraies, mais ce qu'il y a de certain, c'est que si l'on réunissait ensemble tous les documents scientifiques et professionnels qu'il a semés dans ses œuvres, cela en formerait presque les deux tiers, et le reste serait composé au moins par moitié de descriptions faites de main de maître et de détails scabreux ou inutiles. Rochefort, dans V Intransigeant^ à propos ds sa nomination d'oflicier à la Légion d'honneur, lui a consacré cette fin d'article : « Je n'ai pour M. Zola qu'un enthou- siasme modéré; ses livres, qui sont quelque chose comme des romans de corporation, ne représentent pour moi que des séries de tableaux noués bout à bout, qui font de ses Rougon-Macquart comme un musée Grévin où les dessous du cœur humain sont à peine indiqués. Je donnerais tous les volumes d'Emile Zola pour la Saplio d'Alphonse Daudet, qui est, à mon avis, le chef-d'œuvre du roman contemporain, et comme style et comme subtilité, en môme temps que pro- fondeur d'analyse. M. Zola, qui vise à cette exactitude ultra-consciencieuse qu'il a appelée naturalisme, est souvent d'une ignorance enfantine des choses les plus connues. Dans cette description du paradoxe, il écrit cette énormité : «les lézards couvaient leurs œufs». Dans Nana, il parle d'un cheval de course


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qui, débutant à trente contre un, finit par tomber à cinq, et il dit « qu'il monte à la cote ».

« Dans son Altesse Eugène Rougon^ il ouvre le livre par la lecture du procès-verbal d'une séance du Corps législatif, que l'un des secré- taires débite d'une voix monotone^ quand tout le monde sait que le procès-verbal de la veille n'est pas lu, attendu que ce travail tiendrait naturellement toute la séance. H va jusqu'à désigner dans Une page d'amour Shang-Haï, qui est un port de Chine, comme une ville du Japon. Sou exactitude fourmille donc d'affirmations des plus inexactes; mais enfin je ne lui ferai jamais l'injure de le comparer à Quesnay... Eh bien! Quesnay est commandeur de cette Légion d'honneur où M. Zola n'est qu'officier. Si bien que pour le public et pour M. Zola lui-même, Lucie Herpin, Maxime Ducamp et beaucoup d'au- tres sont ses supérieurs. A sa place j'aurais infiniment mieux aimé ne pas être décoré du tout, ce qui ne m'eût fait l'inférieur de personne. »

Ij* Année dans un fauteuil^ revue de 1888, en trois actes et vingl-cinci tableaux précédés d'un prologue, par Jules de Marthold, décors et costumes de Job, Lebègue et Loron, in-4°, couverture coloriée et nombreuses gravures <lans le texte, quatre-vingl-luiit pages, a j)our compère lunile Zola, et comme piincipal per- sonnage un immortel qui, sous prétexte de le


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préparer aux visites académiques, lui fait subir une critique mordante et spirituelle de son genre et de son œuvre; je cite, comme conclusion de ce paragraphe, le huitième tableau : Emile aux enfers, p. 81 :


CHŒUR DES OMBRES

C'est Emile! c'est Emile! Prouvons-lui notre amitié. Ne faisons, l'esprit subtil, Rien à moitié Pour Emile!

Emile, ravi. — L'accueil est favorable.

L'immortel. - Attendez, attendez. Gela va vous donner un avant-goût des visites.

Balzac, de très haut. — Tiens, c'est... Bonjour.

Emile. — A qui ai-je l'honneur...?

Balzac. — Sapristi! Vous me connaissez assez pour pouvoir me reconnaître.

Emile. — Oh ' . . . L'auteur de la Comédie humaine. Mille pardons !

Gastineau. — Mille, Emile, ce n'est pas trop.

Héloïse. — C'est à vous à qui l'on doit le Bon- heur des Dames ?

Abélard. — • Héloïse!...

Emile. - Oui, mademoiselle.

HÉLOÏSE. - Et Une page d'amour?

Emile. — En efiet.

HÉLOÏSE. ' Une seule ? pourquoi pas deux ? C'est ça qui aurait vraiment fait le bonheur des dames. Enfin une vaut mieux que pas du tout !


224

Abélahd. — Tais-loi donc, ma bonne amie. Rétif DE la Bretonne, avec un juste orgueil. — Mon continuateur.

M. DE BuFFON. — 11 s'intitule naturaliste. Alors, que suis-je ?

Jeax-Jacques. — Et moi, donc! Ce n'est pas sa Confession de Claude!...

Daguerre. — 11 fait d'excellente photographie. Bayart. — Oui, sur papier. Stendhal, a. bouche fermée. — Et sans le concours de la lumière.

G. Planche. — Pourtant, c'est un bon critique, pas trop indulgent, pas trop juste... Nicolardot, — C'est aussi mon avis. Cambronne. — Écoutez, maître, votre Tet^^c est un de ces ouvrages... Ah! quel ouvrage! Il y a sur- tout un mot là dedans, un mot qui ma remue jus- qu'aux entrailles.

V^itilius. — Votre Veyitre de Paris m'a produit le môme effet.

Ninon de Lenclos. — Merci pour vos Contes. On n'est pas plus galant, mon petit.

ZolLE. — Toute ma sympathie à vos Haines. Hachette. — Eh ! bonjour, monsieur Emile. >'ous avez donc tout à fait abandonné le com- merce?

Emile. — Mais non, pas du tout ! au contraire! Alciiiiade. — Oui, comme il sait couper la queue de son chien !

Monselet. — C'est un Parisien de la Cannebière! Té! Barbastoul ! Zelte la sonde! Que touces-tulMe tais la réponse, craignant un tollé général.

Saimio. — Vous savez, votre Nana. Tout à fail (.a ! J'en pâmais! El je m'y connais!

LouvET DK CouvRAY. — C'est très bien, Nana.


— 'i'^ —

Le divin marquis (dk Sadk). — Un peu fade, un peu mièvre.

Lk calife Omah. — En quelle langue écrit ce monsieur ?

La BituYÈnE. — On dit que c'est en français.

NoKL ET GiiAPSAL. — Oh ! en français !

VoLTAinE. — On dit tant de choses!

Beaumauchais, — La calomnie! la calomnie!

H. MoNNiEu. — Très original, voire Pot-Bouille, très original, malgré les réminiscences.

REONAnD. — C'est comme votre Rabourdin uni- versel.

Rachel a Racine. — Et Renée. N'est-il pas vrai, mon doux poète?

Racine, embarrassé. — Cc n'est pas tout à fait la même chose.

Andué Gill. — Et j'apprends, maître, que vous vous destinez à l'Académie, vous l'aquafortiste de V Assommoir ! Emile, tu nous lâches!

Lamartine, indigné. — Le Rêve! Monsieur, votre rêve, quel cauchemar!

Reinach, attendri. — Que j'aurais de Joie à vivre si j'avais votre Argent! Mais on m'a tout pris, tout, jusqu'aux viscères!

Lamennais, sévère. — On brise avec le pape, mon- sieur; on renverse le roi, monsieur; on fait des fautes, mais on ne commet pas la Faute de l'abbé Mouret! On est indifférent, mais on n'est pas natu- raliste !

La Fontaine demande rêveur à Florian : — La Béte

humaine! Qu'est-ce? J'en ai fait parler beaucoup, mais je n'ai jamais connu celle-là. Pourrait-on en tirer quelque parti ?

Florian, montrant Emile. — La voilà ; oh ! non, aucun, illustre maître, elle déshonorerait toutes les autres.

13.


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Napoléon, consultant toutes ses cartes. — La Conquête de Plassans! En quel siècle, par quel peuple a été faite cette conquête? Soult!

SouLT. — Sire !

Napoléon, nerveux. — Conquête de Plassans! Sa- vez-vous?... Non !

Joséphine souriant. — Sire, vous mettriez tous vos maréchaux et tous vos officiers sur les dents qu'ils ne pourraient vous répondre; les femmes seules, et en se cachant, se risquent à cette Conquête de Plas- sans; c'est un roman, un peu plus cru et surtout de plus mauvaise société encore que ceux du Directoire.

Napoléon III. — Heureusement qu'après la Cu- rée, la Débâcle a emporté tout cela dans un torrent fangeux et sanglant.

RicoRD. — Plus heureusement encore que, dans cette nombreuse famille de tarés, de pourris, de né- vrosés, de V...., il y a eu un médecin assez dévoué pour soigner toutes ces maladies physiques et mo- rales. Emile a fini par où il aurait dû commencer, il a fait soigner par un Rougon-Macquart toutes les lèpres honteuses des Rougon-Macquart. Faute d'un médecin, venu trop tard, il nous a fallu subir toute cette famille et toute sa peste ! Je me connais en mal, je l'ai assez pratiqué, il n'y a rien de pis à guérir que les grands et les gros maux !

Toutes les Ombres :

Pauvre Emile ! Pauvre Emile ! Son air, vraiment, fait pitié. Nous avons mis dans le mille; Rien à moitié Pour Emile.


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Zola auteur dramatique

Il n'est auteur dramatique qu'en théorie, pourrait-on dire, par sa préface des Héri- tiers Rabourdin et le Naturalisme au théâtre : les théories et les exemples. En pratique, en effet, les pièces présentées en son nom seul, ou ont été refusées ou n'ont fait que passer sur la scène, tombant presque aussitôt sous les sifflets : La Laide, un acte en prose, et La Madeleine, drame en trois actes, ont été refusées, la première par l'Odéon et la se- conde par le Gymnase et le Vaudeville ; elles n'ont pas été imprimées, pas plus que les Mystères de Marseille ^ grand drame tiré en collaboration avec son ami Marius Roux, de son roman portant le môme titre dans le Messager de Provence. Ce drame, mélodra- matique, fut joué trois fois au théâtre du Gymnase à Marseille, en octobre 1867. Le Bouton de Rose, représenté le 6 mai 1878, sur le théâtre du Palais-Royal et honoré de plus de sifflets que de représentations, a été imprimé, sous le titre de Théâtre, 1878; les Héritiers Rabourdin, comédie en trois actes, joués au théâtre de Gluny, le 3 novembre 1874, n'eurent que dix-sept représentations; Thérèse Raquin, drame en quatre actes, fut représentée, le 11 juillet 1873, à la Renais- naissance, et n'obtint que sept représenta-


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tions. En résumé, il n'a de succès drama- tiques que par procuration, c'est-à-dire avec le concours de collaborateurs qui déforment si profondément la donnée du roman, re- tranchant et ajoutant, qu'on ne reconnaît une certaine parenté avec le roman qu'à l'aide des noms des personnages. Ses in- succès quand il se fait jouer et ses nombreux succès quand ses teinturiers dramatiques le font joue?', prouvent, jusqu'à Tévidence, la fausseté de ses théories naturalistes. Et pourquoi? parce que les descriptions amor- çantes, les situations scabreuses et les mots canailles qui enlèvent de haulte graisse l'aj)- pétit des lecteurs du roman sont sévère- ment émondés de la pièce ou par la censure ou par le goût public. On saupoudre alors ce naturalisme dédaigné d'un certain idéa- lisme tellement mitigé, qu'on arrive, non seulement à le faire accepter, mais même à le rendre aussi lucratif que lui. Toute pièce remaniée par des collaborateurs présente une double amorce, par conséquent provoque une double curiosité; on tient à voir Zola mis à une certaine sauce scénique par Bus- nach, Gastineau, Galet, etc. Cette vogue, on l(î voit, n'est ni une question d'art ni une (jucstion de naturalisme, c'est une question <1<' distraction pimentée de curiosité. Zola on est pour ses fiais lhéori(|ues et pratiijues do naturalisme au théâtre : il y gagne, mais grâce fi des compères plus habiles que lui.


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QL'I MOURRA LE PREMIER

DE Zola ou de ses œuvres


La question ainsi posée, et je ne pouvais guère la poser autrement, puisque je m'oc- cupe de l'homme et de l'œuvre, me semble facilement résolue; je suis critique et non médecin, par conséquent j'incline à croire que sa santé est meilleure que celle de ses livres et qu'il vivra plus longtemps qu'eux. Tant mieux pour lui, ce n'est pas dés- agréable, dit-on, de vivre quand on a tout à souhait ou à peu près : on ne meurt pas d'un fauteuil... rentré quelque part; et tant mieux pour la société que ses livres s'en aillent avant lui; elle y gagnera en idéalisme ce qu'elle perdra en naturalisme, si on peut appeler cela une perte. Du succès payé en espèces sonnantes et de la gloire touchée au comptant, c'est de l'immortalité escomptée d'avance à forts intérêts : on n'a rien à es- pérer de la postérité, c'est le cas de Zola. Toute son œuvre, en dehors de la série des Rougon-Macquart, de ses droits d'auteur dramatique et de ses droits de reproduction et de traduction, n'a produit dans les jour- naux que vingt-cinq centimes la ligne et cin- quante centimes par chaque volume imprimé; mais comme cela forme dix-huit volumes dont


— 230 — plusieurs ont été publiés d'abord dans la presse, et que d'autres ont été réimprimés à plusieurs éditions, on peut compter de ce fait 50,000 francs. Les Rougon-Macqu art ont pro- duit, en feuilleton : Nana, dans le Voltaire, 20,000 francs; Pot-Bouille, dans le Gaulois, 30,000 francs ; le Bonheur des Dames, la Joie de vivre. Germinal, VŒuvre, la Terre, dans le Gil-Blas, 20,000 francs chacun; V Argent, dans le même, 30,000 francs ; le Rêve, dans la Revue illustrée, 25,000 francs; la Bête humaine, dans la Vie populaire, 25,000 francs; \2i Dé- bâcle, dans la môme, 30,000 francs, et le Doc- teur Pascal, dans la Revue hebdomadaire, 35,000 francs; ce qui porte le prix de la ligne, de 18,000 lignes environ, entre un et deux francs; soit 300,000 francs. — En mars 1893, le chiffre du tirage par volume se mon- tait : La Fortune des Rougon, 26 mille ; la Curée, 36°; le Ventre de Paris, 33°; la Con- quête de Plassans, 25°; la Faute de l'abbé Mouretf 44"; Son Ex. Eugène Rougon, 26°; V Assommoir, 127*; Une page d'amour, 75°; Nana, 166°; Pot-Bouille, 82°; au Bonheur des Dames, 59°; la Joie de vivre, 44°; (^e/- 7ninal, 88; VŒuvre, 55°; la Terre, 100°; le Rêve, 88° ; la Bête humaine, 88°; V Argent, 83*; la Débâcle, 125°; le Docteur Pascal, 18°; soit, 1,378,000 exemplaires. Chaque roman donne un droit de reproduction dc20à25,000francs; si on ajoute 500,000 francs pour le théâtre, on arrive environ à un total de 1,600,000


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francs. Comme amusement de statistique, en calculant que, pour la Débâcle, dont les vo- lumes ont 27 millimètres d'épaisseur, on superpose à plat les 120,000 exemplaires, on arrivera à une colonne de 3,240 mètres de hauteur, soit onze fois celle de la tour Eiffel; et si, en dépliant les feuilles, on les place bout à bout, on couvre un chemin de 1,512 kilomètres, c'est-à-dire une fois et demie la distance entre Paris et Berlin. Remarquez que dans cette quantité énorme de papier quj couvrirait presque l'Europe de ses feuilles maculées, ce sont les romans pas- sionnels, les plus immoraux par conséquent, qui tiennent le record des tirages : Assom- moir, 127; Nanay 166; Germinal, 88; la Terre, 100; la Bête humaine, 88; la. Débâcle, 120, etc. Qu'en conclure, sinon que le naturalisme n'obtient un plein succès que lorsqu'il verse manifestement dans l'immoralité, or, qui dit immoralité dit corruption, c'est-à-dire cer- titude de mort.

« Il faut mourir, dites-vous, dans V Œuvre, pour avoir raison ». Est-ce certain cela, et pour une fois qu'on a raison, combien de fois n'a-t-on pas tort? Ne peut-on pas vous répondre, d'après ce proverbe : on ne doit aux morts que la vérité, ce que dit Jean Macquart, le plus propre de vos personnages de la Terre, à Jésus-Christ, un des moins sales : « Ce n'est pas à dire, tout ça, et si vous avez raison par hasard, vous n'êtes


guère malin, car vous vous donnez tort » (p. 320). Oui, vous vous donnez tort, car, malgré votre immense succès, vous semblez peu satisfait de l'opinion de vos contempo- rains et vous semblez compter sur la mort, c'est-à-dire sur la postérité impartiale, pour vous donner raison. Aurez-vous plus raison mort que vivant? nous allons voir. Votre œuvre, empilée volume sur volume, comme l'immense piédestal de votre statue, a été suffisamment vendue, lue et critiquée, pour autoriser la critique à établir, sur documents certains, un diagnostic sérieux. Dès aujour- d'hui, elle peut se prononcer sur votre cas littéraire et prédire ce qu'il en adviendra. Elle a plus qu'il ne faut de matière pour constituer des probabilités de vie ou des certitudes de mort.

Toute mauvaise odeur et toute fâcheuse couleur sont signe de décomposition, etdc dé- composition qui donne tort à la vie et raison à la mort. Tout cela ne tue pas tout de suite ; on peut même devenir vieux, fort vieux, mais on finit par mourir, et mort, on sent alors bien plus qu'on ne sentait vivant. Vos livres, moralement, littérairement, linguisti- (luement, ne sentent pas bon. C'est, sous le prétexte d'écriture artiste, d'étude du docu- ment humain, avecTétiquette de naturalisme, ou une spéculation immorale ou le microbe modfMiie d'une maladie littéraire, (ju'on peut nommer lèse-pudeur. Non seulement vous


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n'avez pas boudé contre le succès, mais vous avez donné à vos lecteurs la friandise de leur goût. (( Spéculation ignoble, école de per- version, disent les confrères indignés. Mon Dieu ! je voudrais bien voir un auteur qui refuse à ses clients ce que ceux-ci lui deman- dent. Par ces temps d'aplatissement aux pieds du public, la littérature n'est-elle pas une immense flagornerie à l'adresse des lec- teurs? En politique, en littérature, en art, où est donc la feuille qui se plante au milieu de la route et qui résiste au grand courant de la sottise et de l'ordurehumaines? Puisque toutes les folies, puisque tous les appétits ont des organes, pourquoi donc la polisson- nerie n'aurait-elle pas le sien? On croirait vraiment que la morale ne réside que dans notre pudendum... On m'accuse carrément de faire mal tourner le siècle; pourquoi ne dit-on pas aussi que j'ai inventé le vice? Les écrivains de race qui ne se demandent pas une seconde si les femmes rougiront ou non, n'écrivent que pour une classe, ils ont Vam- bition (récrire pour les siècles. Les conve- nances, les sentiments produits par l'éduca- tion, le salut des petites filles et des femmes chancelantes, les règlements de police et la morale patentée des bons esprits, disparais- sent et ne comptent plus. Ils vont à la vérité, au chef-d'œuvre malgré tout, par-dessus tout, sans s'inquiéter du scandale de leurs audaces. Les sots qui les accusent de calcul


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ne sentent pas qu'ils ont Tunique besoin du génie et de la gloire. Et lorsqu'ils ont mis debout leur monument, la foule béante les accepte dans leur nudité superbe, compre- nant enfin. Je ne souhaite de la morale à per- sonne; mais je souhaite même â mes adver- saires beaucoup de talent, ce qui serait beau- coup plus agréable pour nous... On est très coupable quand on écrit mal; en littérature, il n'y a que ce crime qui tombe sous mes sens. Je ne vois pas où l'on peut mettre la morale lorsqu'on prétend la mettre ailleurs. Une phrase bien faite est une bonne action. Pour moi l'ignoble commence où finit le talent. Je n'ai qu'un dégoût, la bôtise » [Roman expérimental^ p. 366). Ce passage me ren- verse, et il y en a bien d'autres tout aussi forts; je ne sais que penser, ou de tant do bôtise, ou d'autant d'orgueil et de cynisme! Est-il fou; est-il conscient? S'il est fou, et je le lui souhaite, qu'on lui mette des com- presses de V Assommoir^ qu'on roule sa Bêle humaine sur la Terre; qu'on lui frotte le Ventre de Paris avec l'onguent à Pot-Douille et qu'on attende \3i Débâcle; il aura encore la Joie de vivre sans VArgent de Nana, avec le Rêve d'écrire dans une Page d' amour la Faute de l'abbé Mouret; mais s'il est con- scient, (|u'(>n le manjuc à l'épaule ou au front d'un phallus chauffé à blanc : il a insulté l'amour, l'amour le frappe, c'est justice. Dans l'un ou l'autre cas, virus naturaliste ou spé-


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culation littéraire, la mort donnera tort à votre œuvre qui ne sera plus qu'un cadavre. Or, le cadavre littéraire est chose terrible, vous ne l'ignorez pas, monsieur; il est con- tagieux, plus contagieux que tout autre : il pourrit l'esprit et les mœurs. Donc, ne comptez pas sur la mort pour avoir raison de la vie et vous imposer à la postérité. Cette vie serait pire que la mort; elle serait un châtiment; elle vous condamnerait à vivre à perpétuité en société des criminels litté- raires qu'on nomme Arétin, de Sade, etc. Le roman naturaliste a obtenu une certaine vogue parce qu'il répond à un certain abais- sement de l'esprit public; mais l'œuvre de Zola tuera Zola, le naturalisme tuera le naturaliste.


Que restera-t-il a Zola de Zola


Alfred de Musset, dans un suprême cri humain, a dit : « lime reste d'avoir pleuré ». Il ne croyait plus à rien, cet enfant du siècle, du moins il le croyait; mais il avait des larmes; il lui restait d'avoir pleuré, d'être encore homme par la douleur et la souffrance. Mais que peut-il rester au naturaliste? Tout est document pour lui, tout est matière : la pierre du chemin, la boue du ruisseau, la pourri- ture d'amphithéâtre, etc. Le cœur est le


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piston mécanique delà machine humaine; le cerveau une machine à fusion et à effusion cogitative; le père, un germe; la mère une matrice à œufs, une couveuse; la larme, cette perle humaine, ce dernier diamant fait de toutes les joies et de toutes les douleurs, cette première et dernière vibration humide de la vie, dans l'enfant et dans l'homme, n'est même plus une larme, elle est un com- posé chimique qu'analyse scientifiquement l'instrument du naturalisme. Ah ! non, il ne vous restera pas d'avoir pleuré, mais il vous restera d'avoir fait pleurer. Aussi, qu'il soit maudit dans ses succès, dans ses férocités de luxe, dans son orgueil, dans son égoïsme brutal, ce malfaiteur littéraire qui a déséqui- libré plus de cerveaux, névrosé de con- sciences, sali de pudeurs, brisé de liens sociaux et inspiré de crimes et de vices que ne feront jamais de victimes et de cadavres les armes perfectionnées les plus meur- trières! Le naturalisme est, en littérature, ce qu'est en chimie la dynamite; l'instru- ment naturaliste est même plus dangereux que l'engin anarchiste; ils tuent tous deux, c'est vrai, et terriblement, mais la seconde, toute meurtrière qu'elle est, fait moins de victimes que le premier.

Pour conclure, et il le faut bien, quand encore il me reste tant à dire, je supplie Zola d'avoir pitié de son étrange talent, de ses facultés littéraires pou communes; qu'il


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n'en abuse pas, en les condamnant à des études spéciales, dangereuses pour la société et pour lui-même. Il pouvait faire bien dans le bien, c'est la mission de tout honnête homme; il fait bien dans le mal; c'est le pis de son œuvre, c'est la mauvaise action de son talent, ce sera le châtiment de sa vie litté- raire. Il ne restera et ne sera lu que comme une individualité curieuse et particulière; la postérité, s'il y va, le classera dans le genre des curiosités et des étrangetés littéraires. Les cruautés maladives de son tempérament feront pcul-clre excuser les exagérations aphrodisiaques de son procédé littéraire, de sa méthode plus anatomique que psycho- logique, mais lui feront refuser le titre d'écrivain génial. Il sera le Roret du roman expérimental, Xa Dictionnaire encyclopédique du naturalisme, le Dottin des trivialités, mais il ne sera jamais le chef d'une école litté- raire; il sera l'exception honteuse, mais jamais la règle.


Que deviendra le naturalisme

Ce qu'il deviendra? On peut déjà dire que devient-il, qu'est-il devenu? Temple d'Eros servi par des prêtres grossièrement sensuels et fréquenté par un monde bien au-dessous du demi-monde, le monde immonde, il a été


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solennellement renié par cinq fidèles et dé- serté par d'autres qui n'osent même pas avouer y être entrés. Le culte qu'on renie, le livre dont on rougit et l'école qu'on fuit n'ont plus qu'à disparaître; le tombereau est prêt, enlevez!

Mon ami, M. Clovis Pierre, ancien greffier de la Morgue, qui, au milieu d'un natura- lisme autrement réel que celui de Zola, a su conserver vive et alerte la muse la plus spi- rituelle, ayant fait pour ce volume le rondeau suivant, je suis heureux de l'offrir aux amis de la vraie chanson.


ZOLA A L'ACADÉMIE

ou LE CANDIDAT PERPÉTUEL


L'Académie

S'est endormie; De l'éveiller, j'ai plus d'une raison.

J'ai fait un rêve.

Ah ! qu'il s'achève, Je me croyais déjà de la maison.

Oui, mes amis, moi je veux bien en être. Pourquoi toujours vous adresser ailleurs? Pour l'Institut, le bon Dieu m'a fait naître, Vous n'avez guère d'écrivains meilleurs.

Sous la coupole.

Sur ma parole, Je ne viens pas à titre d'étranger;

Bien qu'on en glose.

Je me propose. Ne voulant pas imiter Béranger.

Recevez-moi, car je suis bon apôtre. Et sans médire ici de mon prochain. Sans me llatter, certes, j'en vaux un autre. Que cela soit Chose, Un Tel ou Machin.

J'ai dans mon œuvre

Plus d'un chef-d'œuvre.


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Je suis connu du monde à tous les bouts;

J'ai du mérite

Et l'on m'édite, Pour m'accueillir, pourquoi méditez-vous?

J'ai dédaigné la cohorte ennemie, Sachez-le bien, tous mes romans sont lus. Ah! ce n'est pas comme à l'Académie, Hélas! combien d'appelés, peu d'élus!

Mais patience.

J'ai l'espérance, Car toute chose arrive dans son temps ;

A mes ouvrages.

Par vos suffrages. Vous ouvrirez la porte à deux battants.

Du grand Balzac le renom se propage. Je veu\ souiller sur cet astre qui luit... Mais c'est en vain, cela me décourage. Que je voudrais être aussi grand que lui!

Pauvre éphémère,

A sa lumière. Je suis, hélas, comme le papillon

D'allure folle,

Qui vole, vole. Et va s'abattre en un brûlant sillon.

J'ai quelquefois parlé de politique, Causé beaux-arts, livres, et cœtera, J'ai jugé plus d'une œuvre dramatique Et je n'en suis pas plus fier pour cela.

Naturalisme

Et réalisme. Comme écrivain, si je suis réputé,

Malgré mes haines,

J'ai des aubaines, Car avant tout, je suis documenté.

J'aime Vargent... pour avoir des espèces. Il faut profiter des événements;


~ 241 —

Quand je verrai tous mes romans en pièces, Je taillerai mes pièces en romans.

Les sombres drames,

Les mélodrames. Page d'amour et Thérèse Raquin.

Pour la musique

Patriotique, Voici venir l'Attaque du Moulin.

Dans mon Salon, je cause à l'improviste, Qui mieux que moi vous parle de Manetf Et si je ne suis pas sur votre liste, Ce n'est pas la faute à l'abbé Mouret.

Pour vous déplaire,

Qu'ai-je pu faire? Est-ce Ninon, la Morte ou Rabourdin,

Claude à confesse.

Je le délaisse, Et c'est encore moins Nais Micoulinl

Je vous présente une pure merveille... Un court récit : Madeleine Férat Et mes fameux Mystères de Marseille, Le capitaine Burle, qu'on lira.

Quelle salade,

J'en suis malade. Il me faut un traitement radical

Pour ma souffrance,

Une ordonnance, — Bien à propos vient le docteur Pascal.

Me souvenant que je fus un poète, J'ai pu décrii*(8 en d'agrestes accents Un beau pays dont je fis la Conquête, Les prés fleuris, les coteaux de Plassans.

Bouton de rose,

Ma pièce en prose, Fit peu d'honneur aux beaux Soirs de Médan.

Dans y Art scénique,

14


— 242 —

Dame critique Ne me verra triompher qu'en m'aidant.

Mieux que Vadé, moi j'ai décrit des Halles Le mouvement, les disputes, les cris, Les mots risqués, les rixes, les scandales. Lisez plutôt le Ventre de Paris.

Quel tintamarre,

Quelle bagarre! C'est un amas d'huîtres, de salaisons,

De victuailles.

Pour les ripailles; Légumes, fruits, fleurs des quatre saisons.

Eh! oui, j'ai fait l'Assommoir et Pot-Bouille, Messieurs, ce n'est déjà pas si banal; Livres écrits, dit-on, d'un style arsouille. J'ai fait du Roman expérimental.

Enfin Renée,

Puis la Curée, Une Campagne et les Rougon-Macquart,

La Bête humaine

Qui vous entraîne, Pour revenir à son point de départ.

Chers Immortels, je n'en fais pas mystère, N'ai-je pas eu des succès mérités? A mes lecteurs, j'ai montré dans la Terre Le paysan sous ses mauvais côtés.

J'écris... Je bâcle...

C'est la Débâcle... C'est l'an terrible avec ses jours maudits;

L'horrible guerre,

Puis la misère, Enfin, c'est mil-huit-cent-soixante-dix.

A chaque instant je cherche, j'examine, Je dois i(;i hî noter en passant; Loti parla des héros de marine. Avec Lanlier, j'en ai fait tout autant,


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Et ma Gervaise,

Sa Japonaise, En choisissant un galant à leur goût

Ma fille blême,

Sa chrysanthème, Font voir le Bonheur des Lames partout.

La bouche en cœur, la mine souriante, Ayant pourtant un haut siège au Sénat, Un candidat influent se présente, Faisant la nique au père de Xana.

Quelle défaite !

Elle est complète, Eh quoi ! me dis-je, on me reprend mon tour.

Par politique

Académique, Vous l'accueillez... vous lui faites la cour.

Si Monsieur Berthelot, ce grand chimiste,

Peut démontrer le gaz exhilarant.

Moi j'ai créé un type réaliste

Qui, mieux que lui, fait du gaz détonant!!!

Le pétomane

Au doux organe. Par ses beaux airs vous captive souvent,

Loin d'être un bouge,

Le Moulin-Rouge Se transformait en un moulin à vent.

IL de Bornier, le bibliothécaire. Sournoisement, quittant son Arsenal Pour l'Institut, soudain partit en guerre, Et fit sauter l'auteur de Germinal.

Et manche à manche,

O ma revanche... Très crânement il endossa le frac.

Je dus me taire.

Je laissai faire. Mais, par Pingard, c'est un coup de Jarnac !


— 244 —

Il ne faut pas montrer de fatalisme, De bons conseils, on n'est jamais à jeun, A l'Institut par ce temps d'anarchisme; Il ne fallait pas y fourrer Dangin\ ! !

La joie de vivre.

Dit plus d'un livre, N'égale pas celle d'être Immortel;

C'est ma toquade.

Et sans bravade, Zola vaut bien Monsieur Tel ou Tel.

J'enrichirai votre Dictionnaire De mots choisis..., j'en suis préoccupé. Vous jugerez tous de mon savoir-faire, Quand viendra la lettre qui suit le P.

Je suis linguiste,

Je suis puriste, Comme Boileau, j'appelle un chat... un chat.

Perde à sa rime,

Un mot sublime, Que notre Hugo dans son œuvre plaça.

Après Messieurs Brunetière et Lavisse, De me nommer, prenez votre parti! C'est à mon tour à rentrer dans la lice, A l'Institut je serai bien loti.

Et si j'arrive

Sur votre rive, Je me dirai : < Bonheur inattendu I

J'y suis, j'y reste. »

Et je l'atteste Je saurai rattraper le temps perdu.

Pardonnez-moi si je vous importune, Je ne dis pas : « Haro sur le baudet! » Car envers vous, je n'ai pas de rancune, Je ne veux pas agir comme Daudet...

L'enfant terrible

Vous prit pour cible;


— 245 —

Chers Immortels, calmez votre courroux.

Zola s'avance,

Plein de jactance. Et bravement il parera les coups.

En admirant mes gestes, ma tournure, Des ducs, des princes, en me voyant l'égal. Chacun dira, contemplant ma figure : a Oh ! mince alors, pour les yeux quel régal ! »

Comme Coppée,

Portant l'épée,

L'habit vert pomme,

Comme Prud'homme, On chantera : « Qu'il est donc bien, Zola ! >

J'ai mon discours. Messieurs, je vous l'apporte, Il est fort beau, d'un style étincelant. Je ne veux pas le laisser à la porte, Pan, pan, ouvrez! je suis tout chancelant.

Je viens de Lourdes,

Non, plus de bourdes; Pour celte fois, faites-moi bon accueil.

Le temps me presse,

Las! je m'affaisse. Il est grand temps de m'offrir un fauteuil !

CLOVIS PIERRE.


14.


BIBLIOGRAPHIE

DES

OUVRAGES D'EMILE ZOLA


ROMANS ET NOUVELLES

1864

CONTES A NINON. Paris, Iletzel et Lacroix, s. d. (24 octobre 1864, impr. Poupart-Davyl et G'"), in-18 jés., 3 fr. (Alisié, septembre 1889, d. m. cart. n. rog., 5 fr. 50; Hennequin, octobre 1881*, br., 15 fr.; Dorbon, 1887, br., 15 fr.; Gonquet, oc- tobre 1893, 20 fr.).

Edition originale contenant deux contes, déjà impri- més, la JPèe artioureuse, dans le journal la Provence, Ail, en 1859, et Simplice et le Sang, dans la Revue du Mois, 1863, à Lille, les autres : Celle qui m'aime, refusée par le Figaro hebdomadaire, le Carnet de danse, les Voleiurs de l'dne. Sœur des pauvres. Aventures du grand Sidoine et du Petit Médéric sont inédits.

— Nouvelle édit. Paris, Gharpentier, 1874 (impr. Raçon et G'«), in-18 jés., 364 pp., 3 fr. 50.

— Nouvelle édit. Paris, Gharpentier, 1878, 1879, 1880, 1881, 1882 (Gorbeil, impr. Grété), in-18 jés., 364 pp., 3 fr. 50.

— Nouvelle édit. Paris, Gharpentier, 1883 (Evreux, impr. Hérissé), in-32, 444 pp., 2 dessins de Jeannot, grav. en fac-similé par Dujardin, 4 fr.

Cette édition de la petite collection Charpentier a été


— 248 —

tirée à 25 exempl. sux' chine, 15 fr., et 75 exempl. hollande, 10 fr.

1865

LA CONFESSION DE CLAUDE. Paris, Librairie internationale (Lacroix, impr. Poupart-Davyl etC'«), 1866, in-18 jés., 320 pp., 3 fr. (Drocourt, 1887, cart. br., 15 fr.; Dorbon, 1887, cart. br., 6 fr.; Cholet, à Bordeaux, 1889, br., 8 fr. ; Gonquet, 1889, cart. , 14 fr. ; Léo tard â Clermont-l'Hérault, br. , 7fr.).

Edition originale. Bien que le titre porte la date de 1866, elle fut imprimée en octobi'e et déposée le 25 no- vembre 1865. La préface à mes amis P. Cézanne et J.-B. Baille est datée du 13 octobre 1865.

— Nouvelle édit. Paris, Marpon et Flammarion (impr. veuve Larousse), 1880, in-18 jés., 324 pp.,

{ fr. 50.

Compte rendu dans le journal le Livre, novembre 1880.

1866

LE VŒU D'UNE MORTE. Paris, Faure (imp.

Poupart-Davyl et C'«), 1866, in-18 jés., 323 pp.,

3fr. (Sagot, 1891, br., 10 fr.; Letarouilly, 1889,

br., 12 fr.).

Édition originale de ce roman publié dans l'Événe- ment, en 1866, mais suspendu, h cause de son peu de succès, à la fin de la première partie; quelques exem- plaires portent2»édit., maisc'estunesupercherie de l'édi- teur qui, ne pouvant vendre l'ouvrage, amorçait la vente par un nouveau titre indiquant 2* édition.

— Nouvelle édit. Paris, Charpentier (imprimeurs réunis), 1889, in-18 jés., 319 pp., 3 fr. 50 (Rondeau, 1890, hoU. br., 15 fr.).

Tirée à 10 ex. pap. japon et 100 pap. de hollande.

— Nouvelle édit. Paris, Charpentier, 1891, in-18 jés., 319 pp., 3 fr. 50.


— 249 —

Voir la dernière réimpression d'E. Zola : ie Vœu d'une Morte, par Emile Redard, Bulletin de l'Institut national genevois, Genève, Imp. centrale genevoise, 1891, tome xxxi, in-12, 26 pag. — Revue bleue, 2 jan- vier 1892, art. de H. Gauthier-Villars.

1867

LES MYSTÈRES DE MARSEILLE, roman his- torique contemporain. Marseille, Mengelle (impr. Arnaud), 1867-1868, 3 vol. in-16 : première partie, 209 pp.; deuxième partie, 227 pp.; troisième partie, 291 pp. (Jorel, août, 1889, br., 35 fr., Revêt, 1893, br.,25fr.).

Édition originale de ce feuilleton publié dans le Mes- sager de Provence, dirigé par Léopold Arnaud, repro- duit plus tard par la Lanterne, sans l'autorisation do l'auteur, et redonné, dans le Corsaire, journal de Por- tails, sous le titre : Un Duel social, par Agrippa. Paris, Bureaux du Corsaire (imp. Nouvelle, Masquin et G), 1873, 3 parties in-12, portant en tête o Primo du Corsaire » (Jorel, novembre 1887, br., 12 fr. ; Henne- quin, avril 1890, br., 7 fr.; Conquel, 1889, br., 10 fr.). Arnaud paya ce i-oman, le pis de ceux de leur auteur, 10 cent, la ligne; un grand drame tiré de ce feuilleton, par Marins Roux et Zola, fut Joué trois fois au théâtre du Gymnase, en 1867, à Marseille, mais ne fut pas Im- primé.

— Nouv. édit. Charpentier (Corbeil, impr. Crète), 1884, in-18 jès., viii-448 pp. (Conquet, 1889, pap. holl.,9fr.)

1867

THÉRÈSE RAQUIN. Paris, Librairie internatio- nale (Lacroix, impr. Poupart-Davylj, 1867, in-18 jés., 309 pp., 3 fr. (Jorel, 1886, br., 10 fr. ; Rouquette, 1887, br., 15 fr. ; Rouquette, 1887, br., 15 fr. Foulard, 1887, br.,12fr.)

Édition originale d'un roman publié dans l'Artiste, journal d'Arsène Houssaye, 1" août 1867, sous le titre : Un Mariage d'amour; ce feuilleton fut payé 600 fr. Un


— 250 —

article de Louis Ulbach, sous le pseudonyme de Ferra- gus, dans le Figaro, appelant ce roman de la littérature putride, provoqua, dans le même journal, une riposte de Zola et attira enfin cette attention et cette curiosité que l'auteur sollicitait en vain par toutes sortes de réclames violentes. A partir de ce moment, sans tenir son public, il commença néanmoins à l'avoir en main. Le putride le lançait, il ne le lâcha plus. Consulter Correspondance Sainte-Beuve, tome ii, pag. 314-316.

— 2« édit. Paris, Lacroix, 18G8, in-18 jés., 309;pp., 3fr.

— 4" édit. Paris, Lacroix (impr. Barthier), 1876, in-18 jés., 3fr. 50.

— 5^ édit. Paris, Lacroix etG% Marpon et Flam- marion (imi>r. Laliure), 1870, in-8 jés., 313 pp., 3 fr. 50.

— 6" édit. Paris, Charpentier (impr. Larousse), 1880, 1882, in-18 jés., 315 pp., 3 fr. 50.

— Même édit. suivie du CAPITAINE BURLE. Paris, Marpon et Flammarion, 1883, gr. in-8, titre, faux titre, vii-4i3 pp., 47 lig. gravées sur bois d'après les dessins de Castelli et 4 fig. d'après Dupray,pour le CAPITAINE BURLE, fr.

Cette édition a été publiée en 56 livr. h 10 cent.

— Paris, Charpentier (Evreux, imp. Hérissey), 1884, in-32, xii-408 pp., 2 grav. Manesse, d'après Alaux, 4 fr. (Chaumont, mai 1890, pap. de hol- lande, 10 fr.).

Tiré h. 25 ex. sur chine, 15 fr., et 75 pap. de hol- lande, 10 fr.

— Môme édit. Marpon et Flammarion, 1887,in-10, 00 cent.

3* vol. de la collection des auteurs célèbres.

1808 MADELEINE FÊRAT. Paris, Librairie interna-


— 251 —

lionale (Lacroix, imp. Poupart-Davyl), 1868, in-18

jés.,315pp.,3 fr. (Drocourt, 1885, br. cart., 15 fr.;

Rouquette, 1886, br., 10 fr. Philippot, 1888,

br., 10 fr. ; Conquet, 1889, avec titre, 2« édit.,

cart., 10 fr.)

Édition originale d'un roman lire d'un drame en 3 actes écrit en 18G5, non joué à cette époque, mais représenté, le 2 mai 1889, au Théâtre Libre. Il parut en feuilleton dans l'Evénement, de M. Bauer, sous le titre de la Honte, et fui interrompu sur la réclamation des abonnés. — Voir le Temps, 6 mai 1889, feuilleton de Fr. Sarcey.

— 3° édit. Marpon et Flammarion (impr. veuve Larousse), 1878, in-18 jés., 3 fr. 50.

Cette édition a col avant-propos à Edouard Manet : «Le jour où, d'une voix indignée, j'ai pris la défense de votre talent, je ne vous connaissais pas. 11 s'est trouvé des sots qui ont osé dire que nous étions deux com- pères en quête de scandale. Puisque des sots ont mis nos mains l'une dans l'autre, que nos mains restent unies à jamais. La foule a voulu mon amitié pour vous, cette amitié est aujourd'hui entière et durable et je désire vous en donner un témoignage public en vous dédiant cette œuvre. Emile Zola. »

— 4" édit. Charpentier, 1880, in-18 jés., 3 fr. 50.

— Nouv, édit. Charpentier. 1082, in-18jés.,3.50.

— Nouv. édit. Marpon et Flammarion, 1801, in-16, 60 cent.

1874

NOUVEAUX CONTES A NINON. Charpentier

(impr. Raçon et C'*), 1874, in-18 jés., 311pp., 3 fr. 50

(Sapin, mars 1800, br., 15 fr. ; 1872, br., 12 fr.

Rondeau, 1890, pap. de holl., 57 dessins à l'aqua.

relie de Morland, 250 fr.)

Édition originale contenant dix contes : Uti Bain les Fraises, le grand Michu, les Epaules de la Mar- quise, le Paradis des chats, Lili , le Forgeron, le petit Village, Souvenirs, les Quatre journées de Jean Gourdon, publiées dans l'Illustration, 15 décembi'e 18GG au 16 février 1867.


— 3' édit. Charpentier (impr. Grété, à Corbeil).

1877, in-18 jés., 3 fr. 50(Gonquet, 1888, dem.-cart., 3fr.).

— Nouv. édit. Charpentier (impr. Martinet),

1878, in-18 jés., 3 fr. 50. Arbre généalogique des i?OM^on (Hennequin, avril, 1890, br., 6fr. St-Denis et Mallet, 1887, br., G fr. Chaumont, 1891, br., 18 fr.)

—Nouv. édit. Charpentier,1881, in-18 jés., 3fr. 50, arbre généalogique (Rouquette, 1880, br., 8 fr.).

— Nouv. édit. Charpentier (impr. Chamerot), 1885, in-32, deux dessins de F. Fau, grav. à l'eau- forte par F. Massé, 4 fr.

Cette édition, tirée à 25 exempl. sur chine k 15 fr., et à 75 sur pap. de hollande à 10 fr., contient 14 contes, 4 de plus que les précédentes : le Jeûne, Mon voisin Jacques, la Légende du petit manteau bleu de l'amour, le Chômage.

— Edit. spéciale, avec lettre-préface de l'auteur

(Gonquet, 1880, 2 vol. petit in-8, 1 frontispice et 30

vignettes en tête de pages dessinées et grav. par

Edm. Rudaux, — Conquet, 1889), un des 25 ex. avec

trois états, br., 225 fr.

Tirage à 500 exemp. numérotés : I à 25 sur japon avec trois états de grav. (eau-forte, avant et avec la lettre); 2G à 75 fr., 50 sur japon avec deux états do grav. (avant et avec la lettre), 76 à 150 fr., 75 sur japon, grav. avec la lettre, 100 fr.; ces exempl. sont in-8 cava- lier, avec texte réimposé; 151 à 500, 350 exempl., petit in-8 sur vélin du Marais & la forme et teinté, un seul état do grav., GO fr. — Compte rendu du roman dans Le Livre mars 1880.

1882

LE CAPITAINE BURLE. Comment onmeuvt pour uncnuit d'amouvntLv champs; LaF(Heà Coqueville ; L'/nondaliun. Chaipculicr (impr. Motteroz), 1882,


— 253 —

in-18 jés., 3 fr. 50 (Drocourt, 1885, pap. de holl., br.,12fr. ;Rouquette, 1885,br., 4fr. ; Gonquet, 1889, un des 50 exempl. sur hollande, br., 20 fr. ; Foulard, 1889, pap. de holl., br., 30 fr.).

Édition originale portant la date de 1883, mais i-éiiu- primée et vendue en 1882; le Capitaine Burle avait été publié dans la Vie Moderne, 19 février 1881 ; la Fête à Coqueville, dans le Voltaire, 12 au 18 mai 1880, et l'Inondation, dans le même, 2C août 1880. 11 a été tiré 25 exempl. sur chine à 15 fr. et 50 sur papier de hol- lande à 10 fr. Le Capitaine Burle a été donné à la fin de Thérèse Raquin. Marpon et Flammarion, in-8 ill.; voir Compte rendu du Livre, janvier 1883, page 18.

— Même édit. sous le titre : La Fête à Coqueville, Marpon et Flammarion (Lagny, impr. Colin), 1890, in-16, 247 pp., 60 c.

De la collection des auteurs célèbres. Henri Céard a tiré de la nouvelle du « Capitaine Burle » : Tout pour l'honneur, drame en un acte, joué en décembre 1887 au Théâtre libre.

1884

NAIS MIGOULIN; NANTAS; LA MORT D'OLI- VIER BÉGAILLE; MADAME NEIGEON; LES COQUILLAGES DE M. GHABRE; JACQUES DAMOUR. Charpentier (Gorbeil, impr. Crété), 1884, in-18 Jésus, 384 pp., 3fr. 50 (Briquet, 1887, pap, de holl., br., 13 fr. ; Rouquette, 1887, pap. de holl., br., 11 fr. ; Foy, 1880, br., 12 fr. ; Gonquet, 1880, pap. holl., cart., 14 fr. ; papier ord., br., 4 fr. 50; Rou- quette, mai 1889, pap: de holl., demi-mar.. 20 fr. Bernoux et Cumin, à Lyon, 1889, pap. holl., br., 10.).

Édition originale collective. Nais Micoulin a paru dans la Réform,e, 15 décembre 1879, l" et 15 janvier 1880; Nantas, traduit du russe dans le Messager de l'Europe, fut publié dans le Voltaire, en 1880; et Jacques Daniour, disposé en un drame d'un acte, par Hennique, fut i-eprésenté à l'Odéon, le 22 septembre 1887, et donné en volume, par Charpentier, en 1887

15


— 254 —

in-18 jés. Il a été tiré 100 ex. do l'ouvrage de Zola sur pap. de hollande à 10 fr., et 25 sur chine à 15 fr. ; voir Compte rendu du Livre, janvier, 1884, p. 28.

— JACQUES DAMOUR; NAIS MIGOULIN; LE CAPITAINE BURLE; L'INONDATION. Marpon et Flammarion, 1888, in-lG, 252 pp., 60 c.

— NANTAS; POUR UNE NUIT D'AMOUR; LA MORT D'OLIVIER BÉC AILLE ; MADAME NEI- GEON. Marpon et Flammarion (Lagny, impr. Colin), 1889, in-16, 253 pp., 60 c.

Ces deux éditions, avec variantes de titres et de quelques nouvelles, appartiennent à la collection des auteurs célèbres. Voir la Revue indépendante, juin 1884, théâtre de campagne n" 2.

LES ROUGON-MAGQUART

HISTOIRE NATURELLE ET SOCIALE D'UNE FAMILLE sous LE SECOND EMPIRE

Commencée en 1871, cette série de vingt romans, qui n'a paru en volume qu'après avoir été publiée en feuil- leton dans différents journaux ou revues, est arrivée à sa fin par le Docteur Pasoaî, en 1893, en soulevant, dans sa longue course littéraire, plus de curiosité que d'admiration. Zola a orgueilleusement attribué à son mérite, que dis-je? à son génie, un succès de vente qu'il n'aurait dû attribuer qu'à la liberté scandaleuse de ses peintures et à la crudité grossière du langage et des mœurs de ses personnages. Tous ces détraqués, atro- cement vicieux et salement obscènes, se tiennent, non par les fatalités ataviques du fil héréditaire, mais par les nécessités spéculatives de l'écrivain : il préfère vivre de ses livres que de les faire vivre; il est chef do bande et non chef d'école. Chaque roman est, pour ainsi dire, comme une espèce d'embuscade dont il sort toutes sortes do gens disposés ù tous les mauvais coups.

1871

LA FORTUNE DES ROUGONS. Librairie intoi- nationalo (Lacroix, impr. Voitelain et C'*), 1871, in-18jésus, liSO pp., .'J IV. (Uou(iuettc, 1880, br., lOfr.


— 255 —

1887, demi-mar., 15 fr. ; Drocourt, 1885, br., 12 fr.; Gonquet, 1888, demi-mar., 30 fr. ; Môme, 1890, br., 10 fr.)

Édition originale. Le roman paraissait en juin 1870 dans le Siècle, et fut interrompu par la guerre- Quehjues exempl., non vendus avec le premier titre, ont un titre avec l'indication, 2* édition.

— 3«édit. Charpentier (impr. Raçon et G'"), 1872, in-18jés., 381) pp., 3 fr. 50.

— Toute.s les éditions suivantes sont pareilles. Charpentier, 1873 à 1893, in-18 jés., 3 fr. 50 (20° mille).

Un industriel, à l'époque (1872) où Charpentier se rendit acquéreur des deux volumes publiés par Lacroix au prix de 800 fr. et fît un traité avec Zola pour dix ans, à la condition de payer deux romans 3000 fr. par an, annou(;a, avec une couverture spéciale, l'édition in-18 en souscription, par fascicules (74) de 6 feuilles, au prix de 1 fr. Le premier fascicule, le seul proba- blement paru, avait pour titre: Les Rougon-Macquart. Paris, Franck et Mandel, 14, rue du Grand-Prieuré, seuls dépositaires de l'édition avec primes; sur un des côtés du tiire, un timbre rond porte quittance de 1 fr. à valoir sur les primes; au dos : Œuvres de Zola, édi- tion Charpentier, 1 fr. le fascicule.

1872

LA GURÉE. Librairie internationale (Lacroix, impr. Voitelain et G'"), 1871, in-18 jés., 360 pp., 3 fr. (Rondeau, 1887, br., 30 fr.; 1890, br., 30 fr.; Rouquette, 1887, dem.-mar., 15 fr.; Hennequin, 1889, br., 10 fr.; Philippot, juillet 1889, br., 12 fr.)

Edition originale. Le titre porte 1871 et la couverture 1872. Ce roman annoncé le 21 septembre 1871, dans la Cloche, dirigée j)ar Louis Ulbach, en ces termes : « La Cloche commencera le 28 septembre la Curée. Dans cette œuvre nouvelle, tableau du second Empire, l'au- teur, Emile Zola, décrit cette fièvre de spéculation, cet appétit de jouissances qui envahirent la France,


— 256 —

et donnèrent à Paris un aspect si étrange. Il fait, dans un drame poignant et avec une énergie passionnée, la peinture de la vie à outrance des mondaines du grand monde et des drôles enrichis. Ce roman parut le 29 sep- tembre 1871, avec cette épigraphe: « Du sang chaud, de la chair, allons, faisons ripaille et gorgeons-nous tout notre soûl». La publication futarrètée au vingt-septième feuilleton, 5 novembre 1871, h l'épisode du souper de Re- née etde Maxime auGafé Anglais: «Charles, habitué aux caprices de ses clientes, enleva le dessert. Il emplissait le cabinet de ses petits sauts empressés. » Le Parquet de la Seine ayant reçu des plaintes contre l'immoralité du roman, en avisa officieusement E. Zola qui, par une lettre du 8 novembre, pria M. Ulbach d'en suspendre la publication. Le rédacteur en chef fit suivre, dans la Cloche, la lettre de son collaborateur, de cet avis : « Nous tenons à ce que le public sache bien, quelle que soit notre opinion personnelle sur les procédés d'ana- lyse de Zola et quelque danger que lui fasse courir l'audace de ses études ; il a les imprudences d'une grande honnêteté de caractère et d'un amour sincère de la vérité dans l'art. » La revue la République des Lettres, dirigée par Catulle Mondes, donna la suite. Voir la Cloche, 24 octobre 1872, article de Paul Alexis sur la Curée.

— 2e édit. Charpentier (impr. Raçon et G'«), 1872, in-18jés., 354 pp., 3 fr. 50.

— 5* édit. Gliarpentier (impr. Martinet), 1870, in-18jés.,350 pp., 3 fr. 50.

Toutes les éditions suivantes, jusqu'en 1893, 30* mille, sont pareilles à la 5'.

1873

LE VENTRE DE PARIS. Charpentier (impr. Raçon et C"), 1873, in-18 jés., 302 pp., 3 fr. 50. (Conquet, 1888, dem.-toile, 23 fr.)

iMlition originale d'un roman tjui a toutes les nlluros d'une épopée gaslroiiomique. Tout est immense, jus- qu'aux montagnes multicolores do clioux, de carottes, de poireaux, de navets et aux amoncellemoQts do fro- mages, do volailles et de bourres.


— 257 —

— 2« édit. Charpentier, 1873, in-18 jés., 3 fr. 50. Même que la précédente.

— 3* édit. Charpentier (impr. Martinet), 1876,

in-18 jés., 358 pp., 3 fr. 50.

Tontes les édit. de 1877 à 1893, 33* mille, ressemblent à cette dernière.

— Edition illustrée. Marpon et Flammarion, s. d. (1878), gr. in-8, titre et faux titre, 404 pp., ûg. deGill, Bellenger, Garnier, 6fr. (Conquet, 1889, br., 4 fr. 50; Dorbon, 1890, dem.-chag., 4 fr. 50.)

1874

LA CONQUÊTE DE PLASSANS. Charpentier (impr. Raçon et C'«), 1874, in-18 jés., 400 pp., 3 fr. 50.

Edition originale d'un roman publié en feuilleton dans le Siècle; l'idée est tirée d'un de ses anciens articles : « Histoire d'un fou », publié, en 1875, dans VEvénement.

— Bureaux du Siècle (impr. Voisvenel), 1870, in-4, à deux colonnes, 98 pp., 1 fr. 20.

— 3« édit. Charpentier (impr. Martinet), 1876, in-18 jés., 402 pp., 3 fr. 50.

— Editions suivantes. Charpentier, 1877 à 1893, in-18 jés., 25" mille semblable à la 3 édit.

1875

LA FAUTE DE L'ABBÉ MOURET. Charpentier (impr. Raçon et C"), 1875, in-18 jés., 432 pp., 3 fr. 50. (Rouquette, 1886, br., 30 fr.)

Edition originale; le Messager de l'Europe, journal russe, l'a publiée en feuilleton.


— 258 —

— 5^ édit. Charpentier (impr. Martinet), 1870, in-18jés., 3fr. 50.

— 7® édit. Charpentier (impr. Capiomont et Re- naud), 1877, in-18 jés., 428 pp., 3 fr. 50.

— 44* mille. Charpentier, 1893, in-18 jés., 428 pp., 3 fr. 50.

— Nouv. édit. Marpon et Flammarion, 1890, in-18 jés., fig. de Bieler, Conconi, Gambard, 3 fr. 50.

Tiré à 25 ex. sur japon et 10 sur chine.

1876

SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON. Char- pentier (impr. Martinet), 187G, in-18 jés., 40G pp., 3 fr. 50. (Rouquette, 1886, br., 25 fr.)

Edition originale; publiée en feuilleton dansle Siècle.

— Scènes de la vie politique sous le second Em- pire. Bureaux du Siècle (impr. Voisvenel), 1877, in-4 à deux colonnes, 153 pp.

— Nouv. édit. Charpentier, 1893, in-18 jés., 462 pp., 3fr. 50,26* mille.

1877

L'ASSOMMOIR. Charpentier (Corbeil, impr.

Crété), 1877, in-18 jés., 111-573 pp., 3 fr. 50.

(Sapin, 1889, br., 10 fr.)

Edition ori^'inale. Le feuilleton fut publié en deux parties : la première par le liien public \}.\. la deuxième par la République des lettres dirigée par Catulle Mendès. On a beaucoup écrit pour et contre ce roman, sorte d'épopée ouvrière, (pii fixa éncrgiquement l'attention (lu public et lui valut enfin un succès lucratif. La première partie parut dans le liien publia, 27 juin 1876, et la deuxième, f.nuto do place, fut donnée, à partir du It juillet, dans la licpubliquc des lettres et fournie gratuitement aux abonnés du IHtn public.


— 259 —

— Edition illustrée. Marpon et Flammarion (impr. -Martinet), 1878, gr. in-18 jés., faux titre et 466 pp., 02 compositions grav. sur bois d'après les dessins d'André Gill, Glairin, Perrin, Vierge, Butin, Frappa, Gervex, Leloir, Régamey, etc. 6«. (Gonquet, 1889, pap. de holl., double suite de grav. sur chine, br., 80 fr. ; Brasseur. 1887, br., 4 fr. ; Rouquette, 1887, pap. de holl., br., 35 fr. ; Drocourt, 1885, pap. de holl., br., 50 fr.)

Il a été tiré 130 exempl. sur papier do hollande avec double suite de figures sur chine, 30 fr. ; cette édition a été publiée en 59 livr. de 1(5 pag. à 10 cent.

— 127« mille. Charpentier, 1893, in-18 jés., pré- face V à XII. 568 pp., 3 fr. 50.

Nombreux articles et brochures sur ce roman. Voir aux auteurs qui ont écrit sur Zola.

1878

UNE PAGE D'AMOUR. Charpentier (Corbeil, impr. Crété), 1878, in-18 jés., vii-486 pp., tableau généalogique, 3 fr. 50. (Lefilleul, 1885, br., 8 fr. ; Hennequin, 1889, br., 10 fr. ; Pache, février 1890, dem.-ch.,3fr. ; Rouquette, 1887, mar. pi., pap. holl., 20 fr. ; Sagot, 1889, pap. holl., br., 50 fr. ; Conquet, 1889, br., 20 fr. ; pap. de holl., demi-veau, 50 fr. ; Foulard, 1887, br., 20 fr.; Alisié, 1889, br., 18 fr.)

Édition originale. Le feuilleton fut publié dans le Bitn public, imp. Dubuisson et C'*, 1878, in-4 à 2 co- lonnes, 142 pp.

— Lettre-préface. Librairie du bibliophile (impr. Jouaust et Sigaux), 1884, 2 vol. in-8 écu, iv-261 et 287 pp., 10 dessins d'Ed. Dantan, grav. à l'eau-forte, un portrait de l'auteur par les mêmes, ornements de Giacomelli, couverture pap. cuir, impr. bleu et bistre.


— 260 —

La première partie contient, Emile Zola : la Balan- çoire , l'Enfant veut bien. Je vous aime, l'Enfant évanouie. La deuxième. Lettre de Zola aux éditeurs : l'Enfant malade, Zéphirin et Rosalie, le Rendez-vous, la Rencontre, le Civietiére. Les exempl. in-8 écu vélin de hollande, 45 fr. ; 25 chine et 25 whatman, doubles épreuves, 90 fr. ; in-8 raisin, 200 ex. vélin de hollande. 75 fr. ; 20 chine et 20 whatman, doubles épreuves, 150 fr., 10 japon à la forme, triple épreuve des grav., 225 fr; Les dessins seuls, in-8 raisin, 55 fr. ; 30 épreuves in-4 jés. avant toute lettre, 80 fr. ; 10 épreuves, in-4, pap. de Japon, 110 fr. Dix suites en premier état sur pap. de Japon.

75e mille. Charpentier, 1893, in-18 jés, v à vii- 406 pp., arbre généalogique des Rougon-Macquart. Voir à Zola plagiaire.

1880

NANA. Charpentier (Corbeil, impr. Crété), 1880, in-18 jés., 528 pp., 3 fr. 50. (Foy, 1889, pap. hoU., br., 25 fr. ; Jorel,1890, pap. holl., br., 13 fr. ; Durel, octobre 1892, pap. de holl., br., 25 fr. ; Sagot, 1890, pap. de holl., br., 10 fr. ; Rouquette, juin 1887, demi- mar., pap. holl., 20 IV. ; Bernoux et Cumin, à Lyon, 1887, pap. holl., 10 fr. ; Conquet, 1889, pap. holl., br., 12 fr. ; Sapin, 1889, br., 6 fr.)

Édition originale. Le feuilleton commencé dans le Voltaire, le 16 octobre 1879, finit le 5 février 1880; voir 5 février 1880, la lettre sur la fin de Nana; il a été tiré des exempl. sur japon, sur chine et sur liollande. Des directeurs de cabinet de lecture, à Dresde, et un éditeur-imprimeur de Grossebeim, ont été condamnés à l'amende pour avoir mis en vente, d'après l'article 184 du Code pénal, qui, sous peine d'amende et do prison, défend tous images et écritsobscènes, le roman de Nana.

— Edition illustrée. Marpon etFlammarion(impr. Martinet), s. d. (1882), gr. in-8 jés., faux titre et titre., 45(5 pp., 66 compo.sitions do Bertall, André, Oill, Bellenger, Clair in, etc., 6 fr. (Rouquette, janv.


— 281 —

1887, pap. holl., br., 25 fr. ; V'^e Hénaux, 1887, br., 5fr. ; Gougy, février 1890, br., 3 fr. ; Sapin, mars 1890, br., 6 fr. ; Conquet, 1889, pap. holl., br., 30 fr. Brasseur, 1887, br., 4 fr.)

Publié en 57 livraisons et tiré à 100 ex. sur papier de hollande avec une double suite de figures sur chine avant la lettre, plus 1 gravure sur chine hors texte, représentant Nana sur un canapé et fumant. L'Alle- magne, l'Autriche et la Russie défendent Nana commu outrageant les bonnes mœurs, et un décret impérial russe met à l'index 125 ouvrages français, et notamment ceux de Zola.

— lOC' mille. Charpentier, 1893, in-18 jés., 524 pp., 3 fr. 50.

Nombreux écrits sur Nana.Yoirk Liste des auteurs.

1882

POT-BOUILLE. Charpentier (impr. Martinet), 1882, in-18 jés., 499 p., 3 fr. 50. (Dorbon, janvier 1890, br., 6 fr.; Jorel, mars 1890, pap. holl., br., 12 fr.; Rouquette, 1887, pap. holl.,demi-mar., 15 fr.; Conquet, 1889, pap. holl., br., 14 fr. ; Sapin, février 1890, br., 3 fr. 50.; Brasseur, 1887, br., 4 fr. ; Bernoux et Cumin, à Lyon, mai 1887, pap. holl., br., 10 fr. ; Conquet, décembre 1893, pap. chine, 22 fr.; pap. de holl., br., 18 fr.)

Edition originale. Le feuilleton, publié par le Gdu- loù, fut acheté 30,000 fr. par Jules Simond, son direc- teur, à la condition que l'auteur l'ecourterait... Le Motd'ordre le republia plus tard, à partir du l""nov. 188'J. Il a été tiré 325 exempl. sur holl., sur chine et sur japon.

— Edition illustrée. Marpon et Flammarion, s. d.

(1883), gr. in-18 jés., titre, faux titre, 452 pp., 57

compositions hors texte par Bellanger et Hauffmann,

6fr.

11 a été tiré 100 exempl. sur pap. de Hollande avec double suite sur chine, à 30 fr.


— 262 —

— 82^ mille. Charpentier, 1893, in-18 jés. , 495 pp. , 3 fr. 50.

Voir dans le Figaro, mars 1881, un article de Zola « l'Adullèie dans la bourgeoisie », et Compte rendu du Livre, juin 1881.

1883

AU BONHEUR DES DAMES. Charpentier (impr. Lahure), 1883, in-18 jés., 525 pp., 3 fr. 50. (Drocourt, 1885, pap. holl., br., 12 fr. ; Dorbon, janvier 1890, cart.,5 fr. ; Jorel, mars 1890, pap. holl., br., 7 fr. ; Conquet, 1889, pap. holl., br., 13 fr. ; Sapin, février 1890, br., 3 fr. 50; pap. de holl., br., 15 fr. ; Rou- quette, 1889, pap. holl., br., 20 fr. ; Foy, 1887, pap. holl., br. 15 fr. ; pap. ord., br., 3 fr. 50; Foulard, 1887, br., 4 fr.)

Edition originale. Le feuilleton, acheté '20,000 fr., a été publié dans le Gil Blas; voir la Liberté du 2[ mars 1883; le Soleil, 31 mars 1883; le Siéde. 7 avril 1883; le Livre, a\ril 1883, p. 2U). Schérer, dans ses Etudes contemporaines, tome vir, trouve ce roman « l'elfort d'un illettré pour abaisser la littérature jus- qu'à lui ». Il a été tiré des exenjpl. sur papier japon, sur chine à 15 fr., et sur hollande à 10 fr.

— 59« mille.Charpentier, 1893, in-18 jés., 521 pp., 3 fr. 50.

1884

LA JOIE DE VIVRE. Charpentier (Corbeil, impr. Crète), 1883, in-18 jés., 451 pp., 3 fr. 50. (Drocourt, 1885, pap. holl., br., 12 fr. ; Briquet, 1887, br., 11 fr.; Rouquetto, 1887, pap. holl.,demi-mar.,15 fr.; Ghaumont, 1890, pap. ord., br., 4 fr. ; Jorel, mars 18ÎX), pap. holl., br., 18 fr.; Conquet, 1889, pap. ord., br., 3 fr. 50; Conquet, décembre 1893, paj». ord., br., 7 fr.)

Kdiiion originale tirée sur japon, sur hollande, à 10 fr.,ot sur chine A 15 fr. Le feuilleton, payé '20,000 fr..


— 263 —

a été publié dans le Gil Bios. Voir le Réveil, 17 l'évr. 1884; la Liberté, article de Drumont, 18 février 1884; le Mot d'ordre, 14 mars 1884; le Gaulois, 27 avril 1884 : Zola et de Gonoourt, par Guy de Maupassant; la Jus- tice, 2 mai 1884 : Zola, par M. Geoin-oy.

— 44" mille. Charpentier, 1893, in-18 jés., 447 pp.,

3 fr. 50.

1885

GERMINAL. Charpentier, 1885,in-18jés.,3fr.50. (Rouquette, 1887, pap. holl., br., 25 fr. ; Briquet, 1889, pap. holl., br., 25 fr. ; Conquet, 1889, pap. ord., br., 4 fr. ; décembre 1893, pap. ord., br.,8fr. ; Bernoux et Cumin, à Lyon, mai 1887, pap. ord., br.,

4 fr. 50; Conquet, février 1890, fr.)

Edition originale tirée sur japon, sur hollande, à 10 fr., et sur chine à 15 fr. Le feuilleton a été publié dans le Gil Bios du 25 nov. 1884 au 24 février 1885. Voir le Livre, août 1885 et nov. 1892; Uzanne, l'Art et l'Idée, d'après Germinal.

— Edition illustrée. Librairie illustrée, 7, rue du Croissant (Corbeil , impr. Renaudet) s.d. , gr. in-8jés. , titre, faux titre, 500 pp., dessins de Férat, grav. par Duraont,Ofr. (Conquet, 1889,br.,4fr., pap. de holl., br.,20fr.)

Tii'é à 150 exempl., pap. de holl. h 30 fr.

— 88« mille. Charpentier, 1893, in-18 jés., 581 pp., 3 ir. 50.

1886

L'ŒUVRE. Charpentier (impr. G. Chamerot), 1886, in-18 jés. , 491 pp. , 3 fr. 50. (Sagot, janvier 1887 , br., 4 fr. ; Rouquette, 1887, pap. holl., br., 12 fr. ; Jorel, 1890, pap. holl., br., 11 fr.; Conquet, 1884, pap. holl., br., 18 fr. ; Sapin, 1889, pap. holl., br., 15 fr. ; Bernoux et Cumin, à Lvon, 1887, pap. ord.,


— 264 —

br.,4fr. 50; 1889, pap. lioll., br., 12 fr.; Gonquet,

1890, pap. holl., br., 12 fr. ; décembre 1893, pap.

ord., br., 8 fr.)

Edition originale tirée sur japon, sur hollande à 10 fr. et sur chine à 15 fr.; voir Livre, mai 1889.

— 55* mille. Charpentier, 1893, in-18jés., 401 pp., 3 fr. 50.

1887

LA TERRE. Gharpentier(imp. réunies, Bourloton), 1887, in-18 jés., 3 fr. 50. (Foy, octobre 1889, pap. japon., br., 25 fr.; pap. holl., 20 fr.; Dorbon, janvier, 1890, pap. holl., br., 8 fr. ; Ghaumont, mars 1890, pap. ord., br.,4 fr. ; Gonquet, 1889, pap. holl., br., 14 fr. ; décembre 1893, pap. ord., 4 fr. 50.)

Édition originale tirée sur japon, sur hollande, 10 fr., sur chine, 15 fr. Le feuilleton, payé 20,000 fr., a paru dans le Gil Bios dn 28 mai au 15 sept. 1887. Ce roman, considéré comme obscène, a été mis au pilon à Berlin et saisi à la douane au Canada.

LISTE DES JOURNAUX QUI ONT PARLÉ DE LA TERRE

XIX* Siècle, 18 août : M. Zola et son roman. Evénement, 18 août : « La Terre ».

— 17 novembre : A propos de « la Terre ». Figaro, 18 août : M. Zola.

— 22 — A propos de «la Terre».

— 17 nov. a La Terre » par Ph. Gille. Parti, 30 août : M. Zola.

Parti Nationaly 22 août : M. Zola et ses disciples.

Patrie, 31 août : M. Zola.

République Française, 21 août : « La Terre »,

— — 19 sept. —

Gil Bios, 10 mars 1888 : La Guerre contre Zola par

Coq-Hardi. Français, 22 novembre : Le Naturalisme et Zola. Gazette de France, 10 mal : Apropos de «la Terre»,

— — 5 sept. — — Moniteur, 21 août : La pensée do Zola.

— 4 oct. « La Terre » et le Roman natu-

ralistu.


— 265 —

Mot d'Ordre, 2G septembre : Nos naturalistes.

Temps, 4 — An. France, «la Terre».

Autorité, 18 — « La Terre ».

Gaulois, 21 — —

Le Décadent. 15 nov. 1888 : E. Zola, Baju.

Lm Revue indépendante, décembre 1887 : Les paysans.

A l'occasion de la Terre, dans le Figaro, Bonnetain, Rosny, Descaves, Margueritte, Guiches, autrement dit les cinq, protestent au nom de leur suprême respect pour l'art contre une littérature sans noblesse. Ce fut un schisme naturaliste retentissant, et la presse, en prenant position, selon ses nerfs, pour le maître ou pour les disciples, lit les affaires de tous. Voir, dans le- Parti ouvrier, les Chansons de Jouy : 20 août 1888, Zola régente Bonnemain; 21 août, les Cinq.

— Édition illustrée. Marpon et Flammarion, s. d., grand in-8 jés., titre et faux titre, 472 pp., fig. de Duez, Rochegrosse, Greneutte, Mesplés, etc., 6 fr.

Tiré à 150 ex. sur pap. de lioU., avec double suite des figures sur chine, 30 fr.

— 100« mille. Charpentier, 1893, in-18 jés., 519pp.,3fr. 20.

1888

LE RÊVE. Charpentier, 1893, in-18 jés. ,310 pp., 3fr. 50. (Foj, oct. 1889, pap. holl., br., 15 fr.; Chaumont, mai 1890, pap.ord.,br.,3fr. 50; Dorbon, février 1890, pap . ord. , br. , 4 fr. , pap. holl., br., 12 fr. ; Conquet, 1889, pap. holl.,br.,14 fr.; 1889, pap. ord., br., 3fr. 50; Bernoux, 1889, pap. holl.,br., 10 fr.)

Edition originale, tirée à 250 ex. pap. holl., 10 fr.; chine, 15 fr., et japon, 20 fr. Le feuilleton, acheté par la Revue illustrée, 25,000 fr., fut publié avec illustra- tions de Jeanniot, gravées par Florian, du 1" avril 1888, n» 56, au 15 octobre, n» 69. Consulter Gazette anecdotique, août 1888, la grande trahison de Zola; le Livre, novembre 1888, et Revue bleue, n" novembre 1888, J. Lemaîtro.


— 2m —

— Édition illustrée. Flammarion, 1888, gr. in-8 jés., fig. de Garloz, Schwobs et L. Métivet, 10 fr.

Tiré à 150 ex. sur pap. de holl., publié en livr. à 10 cent.

— 88« mille. Charpentier, 1893,in-18 jés. ,310pp., 3 fr. 50.

1890

LA BÊTE HUMAINE. Charpentier (impr. Mot- teroz), 1890, in-18jés., 419 pp., 3 fr. 50. (Gonquet, décembre 1893, pap. ord., br., 4 fr. 50; demi-mar., 6fr.; Dorbon, 1890, pap. holl.,br,, 12 fr.; Rondeau, 1890, holl. avec 13 aquarelles de Jazet, 400 fr.)

Edition originale tirée à 250 ex. holl., 10 fr., chine, 15 fr. et 25, japon, 20 fr. Le feuilleton, acheté 25,000 fr. par la Vie populaire, y fut publié h partir du 14 no- Tcmbre 1889. L'annonce ci-jointe du journal servira de spécimen pour juger le genre mousseux de la publicité Zola :

« Après-demain, nous commencerons la publication d'une œuvre que nous croyons appelée à produire un effet considérable, LA BÊTE HUMAINE, par Emile Zola.

« Jamais, de l'avis de tous les critiques, le grand écri- vain ne s'était élevé si haut. Jamais il n'avait rien pro- duit d'une aussi superbe envergure.

n La Béte humaine nous transporto dans le monde si couij)lexe et si attacliant des chemins de fer. On y re- trouve la minutieuse exactitude ({u'Emile Zola apporte dans la description des milieux où il place ses per- sonnages.

« Quant au drame en lui-môme, il est d'une conception incomparable, et les divers personnages qui y concou- rent apportent, chacun avec son caractère nettement tranché, une somme d'intén^t et do passiOn vraiment merveilleuse.

« La Béte humaine a pour principal épisode un assas- sinat en clicmin de fer, et Kinilo Zola a élal)Ii, entre cette scène terrible et la mort mystérieuse du pré-fel barrèmo, de si nombreuses analogies, qu'on est vraiment tenté de se demander si, plus fort et plus intuitif (|ue K's policiers, l'écrivain n'a pas, le premier, donné la version vérldiquu do cette ténébreuse alfaire.


— 267 —

« La liete httmaine, par Emile Zola, sera accueillie par nos lecteurs avec l'enthousiasme que commande une œuvre de cette passion et de cette puissance. »

— 88« mille. Charpentier, 1893, in-18 jés., 415 pp., 3fr. 50.

Voir Figaro 4 mars 1890 : V Académie française et la Béte humaine, conversation avec Zola, par Parisis; le même, 29 mars 1890, le chapitre inédit de la Béte humaine, par Caliban.

1891

L'ARGENT. Charpentier (imprimeries réunies), 1891, in-18 jés., 451 pp., 3 fr. 50. (Gonquet, dé- cembre 1803, pap. ord., br., 4 fr. 50; Gonfreville, au Havre, septembre 1891, pap. ord., l)r., 2 fr. 75; Chaumont, 1891, pap. ord., br., 3 fr. 50.)

Edition originale, pap. de holl., 10 fr.; chine, 15 fr. et japon, 20 fr. Le feuilleton a été publié dans le Gil Bios qui l'a payé 30,000 fr.

— 83« mille. Charpentiei-, 1893, in-i8 jés., 445 pp., 3 fr. 50.

1892

LA DÉBÂCLE. Charpentier et Fasquelle (impr.

May etMotteroz), 1892, in-18 jés., 620 pp., 3 fr. 50.

(Conquet, décembre 1893, br. 4 fr.)

Edition originale tirée sur hollande, 10 fr.; chine, 15 fr. et japon, 20 fr. La Vie populaire a publié le feuilleton qu'elle avait acheté 30,000 fr. La lettre du capitaine bavarois Tanera, publiée dans le Figaro, 19 sept. 1892, a été tirée k part par Lemerre, in-8», 8 pages. — Zola a riposté par: Retour de voyage, réponse au capitaine bavarois Tanera. Lemerre, 1892, in-18 jés., 21 pag. Cette brochure a été tirée à 40 ex. numérotés; le papier de hollande a été numéroté impair.

1893

LE DOCTEUR PASCAL. Charpentier et Fas- quelle, 1893, in-18 jésus, 390 pp., arbre généalo-


— 268 —

gique des Rougon-Macquart, 3 fr. 50. (Gonquet,

décembre 1893, pap. ord., br., 3 fr. 50.)

Edition originale avec cette dédicace : « A la mémoire de ma mère et de ma chère femme, je dédie ce roman, qui est le résumé et la conclusion de toute mon œuvre. » Ex. holl., 10 fr., chine, 15 fr. et japon, 20 fr. La Revue hebdomadaire, éditée par Pion et Nourrit, a payé ce feuilleton 35,000 fr. et a commencé sa publication au n« 43, 18 mars, pour le finir au n* 56, 17 juin 1893; ce dernier numéro reproduit l'arbre généalogique. Voir VEclair, l""" août 1893, le Docteur Pascal, article de Le- drain. La série des Rougon-Macqxiart est-elle décidément terminée? je ne le crois pas; ils sont de la famille des Rocambole, ils ne meurent que pour mieux ressusciter. Aussi je ne serai nullement étonné que le pèlerinage de Lourdes ne fasse encore pousser quelques branches à cet arbre prolifique qui devrait servir de gibet à toute cette famille naturaliste.


ŒUVRES CRITIQUES 1866

MES HAINES, causetnes littéraires et artistiques, Faure (impr. Dupray de la Mahérie), 1866, in-18 jés., 281 pp., 3 fr. (LefiUeul, 1885, br., 15 fr.; Sapin, 1890, br., 7 fr.; 1892, br., 5 fr.; Rondeau, 1800, cart., 10 fr.; Gonquet, 1889, titre, 2« édition, br., 7 fr.; demi-mar., 3 fr.; Dorbon, 1885, br., 5 ir.; Bernoux et Gumin, à Lyon, titre, 2° édit., 7 fr.; Gonquet, 1890, br., 12 fr.)

Edition originale, avec celte épigraphe : c Si vous me demandez co que je viens faire, moi artiste, je vous répondrai : Je viens vivre tout haut. » Ces causeries ont d'abord paru dans le Salut jniblic do Lyon, en 18G5, et l'étude sur Taiue dans la Revue contemporaine. Table: Mes haines; l'abbé ***; l'roud'hon et Courbet; lo catholique hystérique; la littérature et la gymnas- tique; Ourminie Lecorteux; 0. Doré; la chanson des ruo8 ot des bols; la mère; l'Egypte 11 y a trois mille ans; la géologie dans l'histoire; un livre do vers et trois livres do prose; les morallsles fraudais; lo sup-


— 269 —

plice d'une femme et les deux sœurs; Erckmann- Chatrian; H. Taine, artiste; Histoire de Jules-César. — Quelques exemplaires portent : 2* édit., le premier titre rajeuni.

— Mon Salon, 1866; Edouard Manet, étude biographique et critique. Charpentier (Gorbeil, impr. Crète), 1879, in-18jés., 378 pp., 3 fr. 50. (Rouquette, 1887, pap. hoU., br., 10 fr.; veuve Hé- naux, 1887, pap. holl., br., 12 fr.; Foy, 1889, pap. holl., J)r.,12fr.;Conquet, 1889, pap. holl., br.,6fr.; Foulard, 1887, pap. ord., br., 3 fr.; Brasseur, 1887, holl., br., 6 fr. 50; Bernouxet Cumin, à Lyon, 1889, holl., br., 15 fr.)

Première édition, Charpentier, tirée à 75 ex., pap. holl. 10 fr.

— Nouvelle édit. Charpentier, 1880, in-18 jés., 374 pp.

Voir article Zola dans le Voltaire, 2 juillet 1879.

1866

MON SALON, augmenté d'une dédicace et d'un appendice. Libraii'ie centrale (J; Lemerre), impr. Gaittet, 1866, in-12, 99 pp. (Dorbon, 1886, br. lOfr.; Durel,i887, br., 3fr.; Sagot,1889, br., 12 fr.; Conquet, 1889, br., 7 fr.).

Edition originale d'articles violents publiés, en 18G5, dans l'Evénement. Villemessant, effrayé des clameurs soulevées par cette polémique virulente, dut prier Zola de fermer au plRS vile... son Salon. L'épigraphe jette ce défi : « Ce que je cherche dans un tableau, c'est un homme et non un tableau, u Dédicace à mon ami Paul Céard. Celte brochure figure dans les Haines, édit. Charpentier.

1867 EDOUARD MANET, étude biograjohique et cri- tique. Dentu (impr. Poupart-Davyl), 1807, in-8, 48pp.


— 270 —

Portr. d'Ed. Manet par Bracquemont et une eau- forte d'Éd. Manet, d'après Olympia (Détaille, 1886, br., 15 fr.; Philippot, juillet 1889, br., 4fr. 50; Jorel, mai 1887, br., 4 fr.; Sapin, 1891, br., 8 fr. ; Pillet, octobre 1890, br., 4 fr. 50.)

Reproduction de l'étude parue dans la Revue du XIX' siècle, avec cette note : « La Revue a ses doc- trines, mais elle a aussi sa tribune libre, où elle convie toutes les opinions sur l'art à s'exprimer. Voilà pour- quoi elle imprime cette étude hardie. » Brochure réunie à Mes Haines. Zola écrivit dans le journal îaSituatioti, un salon que sa violence voulue fit également sus- pendre.

1879

LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LA LIT- TÉRATURE. Charpentier, 1879, in-8". (I)rocourt, 1885, br., 5fr.; Jorel, mars 1890, br., 1 fr. 50; Sapin, 1890, br., 3 fr. 50; Foulard, 1887, br., 3 fr.)

Rare, réunie au Roman expérimental; voir Revue bleue, 25 avril 1879.

1880

LE ROMAN EXPÉRIMENTAL. Charpentier (Gorbeil, impr. Crété), 1880, in-18jés., vii-410 pp., 3fr. 50. (Drocourt, 1885, holl., broc, 10 fr.; Dorbon, 1887, pap. ord.,br., 6 fr.; Rondeau, 1890, br., 5fr.)

Réunion d'articles parus dans le Voltaire, du Ifi au 20 cet. 187!), contenant : Le roman expérimental ; Lettre à la jeunesse; Le naturalisme au théAtre; L'ar- gent dans la littérature; La République et la littérature. Quelques ex. sur holl. h 10 fr.

1881

LE NATURALISME AU THÉÂTRE. (Charpen- tier (Corbeil, impr. Crété), 1881 , in-1 S jôs. , ii-408 pp. , 3fr. 50. (Hennc(|uin, avril 1890, pap. ord., br., 4 fr.; Rouquctle, 1880, pap. ord., br., 4 fr.; Conquet, 1889, holl.,br., 12 fr)


— 271 —

Tiré à lOex.pap. holl., 10 fr. Réunion d'articles dra- matiques publiés dans le Hien publia et le Voltaire. Les théories; le naturalisme; le don; les jeunes; les deux morales; la critique et le public; des subven- tions; les décors et les accessoires; le costume; les comédiens; polémique. Les exemples : La tragédie, le drame; le drame historique; le drame patrioti<|ue; le drame scientifique; la comédie; la pantomime; le vaudeville; la féerie et l'opérette; les reprises. — Voir le Livre, avril 1831; la préface de V Etrangère (Théâtre complet d'AI. Dumas fils, 8 vol. (]almann- Lévy, 1879), manifeste contre les théories de Zola, Voltaire, 18 nov. 1879.

1881

NOS AUTEURS DR.WIATIQUES. Ghaipentier (Corbeil, impr. Crété), in-18 jésiis, 422 pp., 3 fr. 50 (Saint-Denis et Mallet, 1887, br., 4 fr.; Sapin, 1888, br., 5 fr.; Rondeau, 1890, br., 3fr.; Gonquet, 188i>, br., 4 fr.; pap. holl., br., 15 fr.)

Tiré à 10 ex. pap. holl., 10 fr. Table : Théâtre clas- sique; V. Hugo; E. Augier; Al. Dumas fil»; V. Sardou; Labiche; Meilhac et Halévy; Gondinet; Pailleron; d'Ennery; Th. Barrière; Oct. Feuillet; G. Sand; Th. de Banville; Edm. et J. de Concourt; A. Daudet; Erckmann-Chatrian.

1881

LES ROMANCIERS NATURALISTES. Charpen- tier (Corbeil, impr. Crété), 1881, in-18 jés., 388 pp., 3 fr. 50. (Conquet, 1889, br., 5 fr.)

Réunion d'études parues dans le Messager d'Europe, 1878, et dans le Voltaire; l'article Stendhal a été publié dans le Globe, 31 mars 1879. Voir dans le Figaro, 15 décembre 1878, et dans la Bibliothèque Universelle et Revue Suisse, octobre 1878, deux articles contre les études sur les romanciers contemporains, dans le Messager du l'"" Septembre 1878; le supplément du Figaro, 22 décembre 1878, a donné une étude sur le roman contemporain. Dix ex. pap. de holl.; noms des romanciers indiqués sur la couverture et sur le titre: Balzac, Stendhal, Gust. Flaubert, Edm. et J. de


~ 272 —

Concourt, Alph. Daudet; les romanciers contem- porains.

1880-1881

UNE CAMPAGNE. Charpentier (Corbeil, impr. Crété), 1881, in-18 jés., x-408 pp., 3 fr. 50. (Gon- quet, décembre, 1803, br., 7 fr.; LefiUeuI, 1885, br.,3 fr.; Gonfreville, au Havre, 1891, br., 3 fr. 50.)

Tiré à dix ex. pap. de hoil., 10 fr. ; réunion d'articles parus dans le Figaro : Un homme très fort; Les trente- six Républiques; Le parti de l'indignation; L'encre et le sang; V. Hugo; Impuissance de la critique; Futur ministre; Un bourgeois; Une statue pour Balzac; Gambetta; Bêtise ; Monsieur le comte; Le Naturalisme ; La fille au théâtre; Nana; Gomment elles périssent; L'adultère dans la bourgeoisie, Femmes honnêtes; Le divorce et la littérature; Un cadavre l'écalcitrant ; Edm. de Concourt; La République en Russie; La politique expérimentale ; Notre école normale ; Céard et Huysmans ; Nos hommes d'esprit; Em. do Girardin ; Protestantisme; Réponse aux protestants; Hugo et Littré; Souveraineté des lettres; Alexis et Maupassant; Pro domo mea; Le Suffrage Universel ; Pluie de couronnes; Esclaves ivres; La démocratie; Alph. Daudet; Adieux. Voir le Livre, mai 1882.

— Nouv. édit. Charpentier, 1882 ; la môme que la précédente.

1881

DOCUMENTS LITTÉRAIRES, ÉTUDES ET PORTRAITS. Charpentier (Corbeil, impr. Crété), 1881, in-18 jés., 427 pp., 3 fr. 50. (Gonfreville, au Havre, 1891, br., 4 fr.; Conquet, 1880, br., 4 fr.: pap. holl., br., 12 fr.)

Tiré h. dix ex, pap. liolL, 10 fr. Réunion d'études publiées dans le Messager de l'Europe, revue de St- Pétersbourg : Chateaubriand, V. Hugo, A. de Musset. Les poètes contemporains : C. Sand, Dumas fils. La critique contemporaine; De la mortalité dans la litté- rature. Th. Gauthier a paru dans le Voltaire, 17 juil. 30 septembre; 10 au 14 octobro 187'.); Sainte-Beuve,


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dans le même, du 10 au 14 août 1880. Voir le Livre, décembre 1881.


PIECES DE THEATRE

Trois pièces, je l'ai indiqué aux romans d'où elles étaient tirées, ont été jouées mais non imprimées, il n'y a donc pas lieu à les citer.

1873

THÉRÈSE RAQUIN, drame en quatre actes, avec une préface. Charpentier (impr. Raçon), 1873, in-18 jés., 144 pp.

Edition originale d'une pièce jouée au théâtre de la Renaissance, le 11 juillet 1873. Sept représentations.

1874

LES HÉRITIERS RABOURDIN, comédie en trois actes, avec une préface. Charpentier (impr. Pillet), 1874, in-18 jés., xix-132 pp., 2 fr. (Rondeau, 1890, br., 5fr.)

La première représentation eut lieu au théâtre de Cluny, le 3 novembre 1874, et fut suivie de seize autres.

1878

THÉÂTRE THÉRÈSE RAQUIN — LES HÉRI- TIERS RABOURDIN — LE BOUTON DE ROSE. Charpentier, (impr. Chamerot), 1878, in-18 jés., viii-517 pp., 3 fr. 50. (Gonquet, 1889, pap. de holl., br., 13 fr.)

Edition originale collective, tirée à 76 ex. holl., à 7 fr. Le Bouton de roue a été représenté au Palais- Royal, le 6 mai 1879, et la préface a été publiée dans le Bien public. Voir Revue bleue, 12 octobre 1878, Gau- cher.


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1879

L'ASSOMMOIR, drame en cinq actes et neuf ta- bleaux, tiré du roman par Busnach et Gastineau, avec une préface de Zola. Charpentier, 1879, in-18, 1 fig. de Clairin.

Cette pièce l'ut jouée pour la première fois sur le théâtre de l'Ambigu, le 18 janvier 1879, et reprise, en 1885, sur le théâtre du Chàtelet, et tout récemment, 22 novembi-c 1893, sur celui de la République. Ce drame a provoqué pas mal de parodies; j'en cite quelques unes :

L'Assommoir, parodie-pantomime, en cinq tableaux, du cirque Fj-ancoui. Impr. Dumoutel, 1879, in-12, 12 pag., 20 cent.

L'Assommoir pour rire, précédé d'une conférence de VAssomvioir, ambigu-parodie de deux auteurs qui res- tent dans ces z-eaux-là. Paris, Le Bailly, 1879, in-12, 33 pag. (Japon, 1890, br., 3 fr.)

Paroles de Ch. Blondelel et Beaumaine.airs de Reis- hensteiu.

En r'v'nant de l'Assommoir, poème réaliste, par Per- rinet et F. Galipaux. Barbré, 1879, in-18.

A consulter ; Claretio, la Presse, 20 janvier 1879; Fouquier, XIX' Siècle, 21 janvier 1879; Gaucher, Bévue bleue, 25 janvier 1879; F. Sarcey; le Tetnps, 20 janvier 1879 et Zola, Voltaire, 28 janvier, 25 février et 2 sep- tembre 1879.

1881

NANA, pièce en cinq actes, tirée du roman, par Busnacii, jouée à l'Ambigu, le 29 janvier 1881.

Celte pièce fut d'abord représentée en neuf tableaux: ollu a donné lieu à une parodie trt's libre, attril)uée ù Loiuorcier de Neuville ou à Monsetel. Tiré à très petit nombre; il n'y a que deux personnages ; la tille Elisa et Nana, et, ce qui fait le curieux et le cru do cette facétie, c'est que le dialogue est toxtuoUomont tiré dos doux romans.

LA FILLK KLISA, scène d'atelier en un acte, par un auteur bien connu, avec illustrations d'un ar- tiste aussi renommé qu'original ; à Rome, au temple


— 275 —

de Vénus (Paris, impr. Hugonis et G'«), s. d., in-8 carré, 32 pp., 2 eaux-fortes.

1882

TOUT POUR L'HONNEUR, drame en un acte, tiré par H. Géart de la nouvelle, le Capitaine Burle d'E. Zola, représenté sur le Théâtre Libre de Paris, en décembre 1887.

1883

POT-BOUILLE, pièce en cinq actes, tirée du roman d'E. Zola par Busnach, représentée pour la première fois sur le théâtre de l'Ambigu, le 13 dé- cembre 1883.

1885

Trois pièces tirées des romans et précédées cha- cune d'une préface de Zola : V Assommoir, Nana, Pot-Bouilley par William Busnach. Paris, Char- pentier, 1885, in-18 jés. (Bernoux et Cumin, Lyon, 1887, holl., br., 13 fr.)

Tiré à 30 ex., pap. de holl.

1887

LE VENTRE DE PARIS, drame en cinq actes, par Zola et Busnach, représenté au Théâtre de Paris, le 25 février 1887.

Cette pièce, bien que très différente du roman dont elle est tirée, a eu le plus grand succès de curiosité Voir, le Temps, 28 févx'ier et 7 mars 1887, chronique théâtrale de Fr. Sarcey, et le Figaro, 3 mars 1887, Le drame populaire, réponse de Zola. Le Temps, 18 mai 1887.

1887

RENEE, pièce en cinq actes, tirée de la Curée, représentée pour la première fois, le 10 avril 1887, sur le théâtre du Vaudeville, avec une préface de


l'auteur. Charpentier (Bourloton, impr. réunies),

1887, in-18 jés. , 2 fr. 50. (Gonquet, 1889, br. , 2fr. 50 ;

Rondeau, 1890, br., 4 fr. ; Gougy, 1891, br., 3 fr.)

Cette pièce a été l'objet d'une polémique assez vive : Figaro, 17 avril. Renée, par Zola; le Temps, 18 avril, article de Fr. Sarcey; le Figaro, 22 avril, réponse de Zola; 25 avril, M. Zola, par Wollf; le l'evips, 25 avril, deuxième article de Fr. Sarcey; Revue bleue, 23 avril, article de Hugues Le Roux; Revue artistique, drama- tique et littéraire : Zola auteur, par Fouquet; le Moni- teur universel, 20 avril. La grande colère de Zola; le Monde, 19 avril. Racine et Zola; le National, Zohu- gola; Revue d'a7-t dramatique, 15 avril 1887, le théâtre de E. Zola, par M. Gramont; Revue indépendante, mai 1887, notes sur le théâtre, Renée, par Stéph. Mal- larmé; Figaro, 28 mai, préface de Renée, par Zola.

1887

JACQUES DAMOUR, pièce en un acte, tirée de la nouvelle d'E. Zola. Charpentier, 1887, in-18 jés.

1888 GERMINAL, drame en cinq et douze tableaux, par Busnach, d'après le roman d'Em. Zola, repré- senté le 21 avril 1888, au Ghàtelet, et à Bruxelles; théâtre Molière en 1889.

Cette pièce, déjà jouée, en 188G, en Amérique, a été critiquée dans : Evénement, 21 ayril, courrier de Paris, par Aurélien Scholl; 28 avril, Une mauvaise action, le Germinal de Zola, par Jean Lorrain; Figaro, 27 avril, (Courrier de Paris, de WollT : le Germinal de M. Zola; 25 avril, Germinal. Lettre de Zola à \VoIfr, mai 1888 ; Moniteur universel, .30 avril : causerie. Germinal, par Villelard; Revue socialiste, mai. Ger- minal au thé&tre, par Corbinelli.

1893.

L'AITAQUE DU MOULIN, drame lyrique en (|uatre actes, d'après Zola, par Louis (îallet, mu- sique de Alph. Bruncau. Charpentier, 189.'{, in-18 jés.


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Répétition générale lo 21 novembre, première repré- sentation à rOpéra-Comique le 23, avec Mmes Leblanc, Delna, Laisné, MM. Bouvet, Vergniet, Mondaud, Clé- ment, Belhomme, Thomas, Artus et Ragneau. Le Journal, dans son supplément, 25 novembre 1893, donne les portraits des auteurs, des interprètes, deux morceaux de musique et des gravures. Cette pièce, très modifiée, est tirée de la nouvelle parue d'abord dans les Soirées de Médan et dans plusieurs revues.


DIVERS : NOUVELLES, PRÉFACES, ARTICLE S de JOURNAUX

NOUVELLES

ALMANACH DES TRAVAILLEURS. Polo, 187 i, in-4, 5 dessins de GilL

Ce recueil est formé par les cinq premières livrai.sons, seules parues. Le travail et les travailleurs, dessins de A. Gill ; 1. Le Forgeron, par Zola; 2. Le Chariientier; 3. La Modiste, par d'Hervilly; 4. Le Soldat, par Cla- retie; 5. Le Menuisier.

ANTHOLOGIE CONTEMPORAINE des écrivains français et belges. Bruxelles, librairie nouvelle, et Paris, libr. universelle, 1887-88, in-12.

Voir volume 13, série II, n» 1, 15 cent. : Emile Zola, Une farce, Contes à Ninon, Simplice.

BAGATELLES. Uentu, 1802, in-18 jéa., 1 portr. de Zola.

En tête de ce volume, qui est un recueil d'articles divers, se trouve : Les trois guerres, par Km. Zola, pages 1 à 29. C'est une courte étude, ou plutôt quel- ques souvenirs sur la guerre de Crimée, d'Italie et de 1870.

RETOUR DE VOYAGE. (Voir à Débâcle.)

SOIRÉES (les) DE MÉDAN : Emile Zola ; Guy de Maupassant; J. K. Huysmans; H. Géard; L. Hen-

16


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nique; P. Alexis. Charpentier (impr. Martinet), 1880, in-18 jés., 301 pp., 3 fr. 50. (Léotard, à Cler- mont-l'Hérault, br., 3 fr.)

Tiré à 60 ex. dont 50 pap. de holl., à 7 fr. et 10 sur chine à 12 fr. La préface, manifeste des six, est à comparer h l'article du Figaro, manifeste des cinq qui se séparèrent bruyamment de Zola. « Les nouvelles qui suivent ont été publiées, les unes en Franco, les autres à l'étranger. Elles nous ont paru procéder d'une idée unique, avoir une même philosophie : nous les i-éunis- sons. « Nous nous attendons à toutes les attaques, à la mauvaise foi et à l'ignorance dont la critique courante nous a déjà donné tant de preuves. Notre seul souci a été d'affirmer publiquement nos véritables amitiés et. en même temps, nos tendances littéraires ». Em. Zola. l'Attaque du moulin; Guy de Maupassant, Boule de suif; Huysmans, Sac au dos; Céard, la Saignée; Hen- nique, l'Affaire du Grand 7; Alexis, Après la bataille. Voir Paris-Journal, 22 juillet 1880: Zola et ses élèves, par Doncieux.

— Nouv. édit. Charpentier (impr. Chamerot), 1890, petit in-8, 307 pp., 6 portr. à l'eau-forte par Desmoulin et 6 fig. de Jeanniot, grav. à l'eau-forte par MuUer, 20 fr.

Tiré 1 ex. h 15 fr. sur japon, avec triple suite de gravures, 1 sur parchemin et 2 avant la lettre sur japon, 75 fr.; 16 à 65 fr. sur holl. avec double suite, avant et après la lettre, 50 fr.

LES TYPES DE PARIS, texte par Concourt, Zola, Daudet, Maupassant, Bourget, Huysmans, etc. Pion, in-4, en 10 livr., 170 dessins par Rartaelli. (Dorbon, août 1891, br., 15 fr.)


PRÉFACES

BELOT. Mademoiselle Oiraud ma femme, article

signé Thérèse Raquin, reproduit en tète du roman.

BEI.Z DE VILLAS. Sous le ciel bleu, précédé


— 279 —

d'un autographe d'Em. Zola. Chez tous les libraires, 1884, in-18jés., 2 fr.

— Un amour avorté, roman naturaliste, précédé d'une lettre d'Em. Zola. Chez tous les libraires, 1883, in-18jés., 2 fr.

CATALOGUE de l'exposition Manet (impr. Quantin), 1884, in-18 carré, 72 pp., 1 fr., préface, 1 à 29.

CATALOGUE de la vente par suite du décès de Em. Duranty, tableaux modernes, exquisses, aqua- relles, livres, eaux-fortes, dont la vente aura lieu le 28 janvier 1881, préface d'Em. Zola, 1881, in-8.

CATALOGUE de l'exposition des œuvres de Mar- cellin Desboutin. Durand-Huel, juillet 1889, in-8, l)réfacede Zola.

GHINCHOLLE (Ch.). Les Mémoires de Paris; préface de E. Zola. Quantin, 1890, in-18 jés., x-326 pp., 3 fr. 50.

MORASSE (La), préface de E. Zola. Flammarion, s. d. (1889), in-18 jés., 3 fr. 50.

MORTIER (Arnold). Un monsieur de l'orchestre. Les Soirées par isiennnes ; préface de Zola. Dentu, 1880, in-18 jés., 3 fr. 50.

NOËL et STOULLIG. Les Annales du théâtre et de la musique. Charpentier, année 1878, préface de Zola, in-18 jés., 3 fr. 50.

OLLER (Narcisse). Le Papillon, avec préface • d'Em. Zola, 2« édit. Savine, 1887, in-18 jés., 3 fr. 50.

PAYS DES CIGALES (au), par AUary, préface de Zola. Libr. des Bibliophiles, 1876, in-18 jés.

VIE PARISIENNE (la), 1888, par Parisis. (Emile


— 280 —

Blavet), préface d'Em. Zola. Ollendorff (impr. Glia- merot), 1889, in-18 jés., 3 fi\ 50.

WAST-RIGOUARD.Les Vices parisiens, 2' partie de M"»» Bécart. Paris, 1879, in-18 jés., 3 fr. 50.

ARTICLES DE JOURNAUX, FEUILLETONS

Artiste (V), V août 1867, a reproduit Thérèse Raquin sous le titre Un mariage d'amour; payé 600 fr.

Artiste (1'), l»'-août 1867, Edouard Manet, payé 200 fr.

Assommoir (1'), hebdomadaire, politique, satirique et littéraire. Versailles, Colbeaux,- s. d., gr. in-4 à trois colonnes, 8 pp., fig.

Assommoir (1'), journal politique à Oran, 1881.

Avenir National (1'), divers articles.

Bien pu hlic (le), 1867, préface de la pièce de Thérèse Raqttin.

Bien public (le), 1888-1881, articles publiés sous le titre : Le naturalisme au théâtre.

Cloche (la), 21 septembre 1871, a publié la Curée et Correspondances politique en 187i.

Corsaire (le). Un duel social, réimpression des Mystères de Marseille.

Echo de Paris (1'), novembre 1893, articles surTaine et sur le drame lyriqueetsuppl.Novembre, drame lyrique Attaque du moulin.

Evénement (1'), 1886, articles sous le titre : Livres d'aujourd'hui et de demain; Mon salon, et Marbres et Plâtres.

— Journal de lîaucr, 1868, La honte, litre nouveau tic Madeleine Férat.

Figaro (le), 1880, quelques articles do fantaisie.

— 3 mars 1887, réponse de Zola à M. F. Sarcey.

— 1880-81, articles reproduits dans Une Campagne.


— 281 —

Figaro (le), mars 1881, l'Adultère dans la bourgeoisie. — mai 1888, réponse de Zola à Wolff.

Gaulois (le), en 1869, a donné un article sur Ranc.

Gazette anecdotiquey 1879, 1 : 49, art. sur Claretie, paru dans la tribune en 1869.

Gazette anecdotique, 1880, 1 : 19, 20, 21, art. sur Goppée et sur Leconte de Lisle.

Gazette anecdotique, 1880, 11 : 178, art. sur Rano, paru dans le Gaulois en 1869.

Gazette anecdotique, 1877, 1 : Lettres, 163, 339; 1879.

I : 72 ; 1887, 1 : 47; 1888, 1 : 106; 1889, 11 : 305; 1890,

II : 20, 175.

Globe (le), 31 mars 1879, Stendhal.

Illustration (1'), 17 nov. 1866 : Une victime de la réclame; 15 déc. 1866 au 16 fév. 1867 : Les quatre jour- nées de Jean Gourdan.

Marseillaise (la), journal fondé par lui et Arnaud, en 1870; mourut presque en naissant.

Messager d'Europe (le), revue de St-Pétersbourg, articles violents sur les romanciers, reproduits dans le volume Les Documents littéraires.

Messager de Provence (le), dirigé par Arnaud, publia en 1867-68 les Mystères de Marseille et les paya 10 c. la ligne.

Nouvelle Presse libre (la) de Vienne; Zola en a été longtemps le correspondant.

Paix Sociale (la), 2 juin 1888, reproduit une lettre de lui; voir à Page d'amour.

Petit Journal (le), en 1865, a donné plusieurs articles de lui.

Petites Affiches, 19 nov. 1889, n» 323, p. 20, aux annonces diverses, 8764 : Ernest Zola (de Paimbœuf), créateur de la ^mce à ressort, breveté, prévient sa clien- tèle qu'il «'a rien de commun avec son homonyme Emile Zola, écrivain. Qu'en pense le naturaliste? Quel coup de pince I

16.


— 282 —

Provence (la), journal d'Aix, en 1859, publia sa pre- mière nouvelle, la Fée amoureuse.

Rappel (le), en 1870, a publié un article sur Balzac.

Réforme (la), 15 avril, 15 mai, 15juin, 15 juil., 15 sept. 1878 : Alph. Daudet.

Réforme (la), 15 avril : l'Attaque du Moulin; 15 sept., Gust. Flaubert; 15 déc, Edm. et Jules de Goncourt.

Réforme (la), 15 déc. 1879, 1 et 16 janv. 1886 : iVaï*- Micoulin.

République des lettres (la), par Catulle Mendès, en 1871, publia la fin de la Curée, commencée par la Cloche.

Revue contemporaine (la), étude sur Taine.

Revue (la), du mois, à Lille, en 1863 : Simplice et le Sang.

Revue hebdomadaire (la), 1893, feuilleton du docteur Pascal payé 35,000 fr.

Revue indépendante (la), juin 1884, n" 2, Théâtre de campagne.

Salut public (le) de Lyon a publié les articles réim- primés dans la première édit. de 3fes Haines.

Sémaphore (le), journal dont il a été le correspondant.

Siècle (le), 1870, qui le premier publia : La Fortune des Rougons, en a publié d'autres par la suite.

Situation (la), journal qui appartenait au roi de Hanovre, publia, en 1867, un salon qui fut presque aussi- tôt arrêté à cause de la violence du salonnier.

Tribu7ie []a), on 1809, publia un article sur Glarctie.

Vie parisienne {\&),\cn 1865, publia la Vierge au cirage.

Voltaire (le), 2 juil . 1879, Mes Haines ; 28 janv., 25 fèv. , 2 sept. 1879, à propos de l'.issovimoir; 16 oct. 1879 au 5 février 1880, publication de Nann;dn lOau 20oct. 1879, articles réimpr. dans le Roman expérimental; 17 juil.. 30 sept., 7 oct., 10 au 14 oct. 1879, Th. Gautier; du 10 au 14 mars et 24 août 1880 : Sainto-Hcuvc, Nantas, nouvelle de Nais Micoulin parut on 1884.


— 283 —

LIVRES, BROCHURES ET ARTICLES DE JOURNAUX sur ZOLA

LIVRES

ALEXIS (Paul). Emile Zola, notes d'un ami, avec (les vers inédits de Zola. Charpentier, 1882, in-18 jés., 338 pp., 3 fr. 50.

ANNÉE DANS UN FAUTEUIL (1*), par J. de

Marthold. Magnier (Gorbeil, impr. Crété), 1888,

in-4, 88 pp., couverture coloriée, nombr. figures

dans le texte de Loron, Lebègue et Job, 2 fr. 50.

Curieuse revue dont Emile (Zola) est le compère assez malmené, au sujet do sa candidature à l'Académie; les principaux personnages sont : Pasteur, Camille Doucet, J. Lemaitre, Lisbonne, Fr. Sarcey, Renan, Arsène Houssaye, Déroulède, Rocholort, Pailleron, de Bornier, Richepin, deGoncourt, Champsaur, Maizeroy, Busnach, Reichenberg, Marie Coloml)ier, Réjane, Louise Michel, Léonide Leblanc, Napoléon I"", Ricord, etc.

BLOY (Léon). Les funérailles du naturalisme, conférences publiques, séance préliminaire donnée au Sprogforening, le 20 mars 1891. Copenhague, (t. E. 0. Gad. (impr. Nielson et Lydiche), 1891, in-18 jés., 24 pp.

BRUNETIÈRE (Ferdinand). Le Roman natura- liste. Galmann-Lévy, 1883, in-18 jés., 371 pp., 3 fr. 50.

Réunion d'articles parus dans la Revue des Deux Mondes,

BUET (Charles). Médaillons et camées. Giraud etC'% 1885, 324 pp., 3 fr. 50. Du naturalisme d'Emile Zola.

BUS (Fr. de). Naturalisme ou Réalisme, étude


— 284 —

littéraire et philosophique sur l'œuvre de Em, Zola. Amyot, 1879, in-8, 110 pp., 2 fr.

GEARD (Henry). Zola intime, Revue illustrée,

1887, gr. in-8, dessins de La Barre, gr. par Florian,

Froment et Gh. Baude.

Portrait assez curieux. Zola vautré, sur un canapé, montre le revers du naturalisme.

DERAISMES (Maria). Epidémie naturaliste.

Dentu, 1888, in-18 jés. carré, 93 pp.

Etude vigoureuse et fortement documentée qui a soumis l'impétueux naturaliste à un silence pi'udent.

DESPREZ (Louis). Evolution naturaliste : G. Flaubert; les Goncourt; Alph. Daudet; Emile Zola; les Poètes; le Théâtre. Tresse, 1884, in-18 jég., 374 pp., 3 fr. 50.

DOORSLAER (Hector van). Théorie et pratique

naturaliste; le Roman expérimental et Nana de

M. Em. Zola. Bruxelles, 1880, in-8, 45 pp.

Nana, la dernière expression du naturalisme de Em. Zola, conférence faite le 11 mars 1880 au Cercle académique de l'Institut Saint-Louis, à Bruxelles, et publiée dans la Paùc.

ERBS (Frédéric). M. Emile Zola et son Assom- moir, étude critique. Librairie gauloise, 1879, in-1^, 98 pp., pap. teinté, titre rouge et noir.

FERDAS (le docteur René). La Physiologie expé- rimentale et le Roman expérimental : Glaude Ber- nard et Em. Zola. Hurtau, 1881, in-10, 24 pp.

Etude aussi savante que mordante, on peut on croire le silence deZola.

FILLE ÊLISA (la), scène d'atelier, en un acte, par un auteur bien connu, avec illustrations d'un artiste aussi renommé qu'original. A Rome, au temple de Vénus (Paris, impr. Hugonis et G'* (?),


— 285 —

petit in-8, 32 pp., 2 eaux-fortes, titre rouge et noir.

Tiré à petit nombre sur pap. vergé et attribué à Monselet ou à Lemercier de Neuville. Le dialogue entre Elisa et Nana, pris textuellement dans les deux romans, est libre jusqu'à l'obscénité.

FLORE PORNOGRAPHIQUE (la). Glossaire de l'Ecole naturaliste, extrait de l'œuvre de Zola et de ses disciples, par Ambroise Macrobe. Paris, 1883, in-8, 220 pp.

Curieux et peu commun.

FRANC (Christian). A refaire la Débâcle. Dentu (impr. Noizette), 1892, in-18 jés., 92 pp., 1 fr.

GINISTY (Paul). L'Année littéraire, 1885. Gi- raud et G'% 1886, in-18 jés., XXV-428 pp., fac- similé de Zola, 3 fr. 50. Etude sur Germinal.

JOURNAL DES GONGOURT. Mémoires de la vie littéraire. Charpentier, 1888-1892, 6 vol., in-18 jés., à 3 fr. 50 le vol.

Consulter les tomes 111, V, VI.

HENNEQUIN (Emile). Quelques écrivains fran- çais : Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huys- mans, etc. Perrin, 1890, in-18 jés., 3 fr. 50.

HENRY (Fernand). Critique au jour le jour. Savine, 1887, in-18 jés., 254 p., 3 fr. 50. h'Œuvre, par Emile Zola.

GILLE (Philippe). La Bataille littéraire (1875-

1878). Havard, 1889, in-18 jés., VII-314 pp.,

3 fr. 50.

Deux articles : la « Faute de l'abbé Mouret » et « l'As- sommoir ».


— 286 —

KERNEY (les). SÉVÉROL, etc., par Secondigné. Paris, 1877, in-8.

La préface vise l'Assommoir.

MALFAITEURS LITTÉRAIRES (les), par le P. Etienne Gornut, S. J. Retaux et fils, 1892, in-18 jés., 347 pp. et une table, 3 fr, 50.

Les romanciers naturalistes y figurent de 71 à 121.

NATURALISME (le), 2' édit., par Pardo Bazan. Savine, 1887, in-18 jés., 3 fr. 50.

NUS (Eug.). La République naturaliste, lettre à M. Em. Zola. Dentu, 1879, in-8, 16 pp.

PAPA CADET. Monsieur Zola. Ghio (impr. Jouaust), 1879, in-18 jés., 16 pp., 50 cent.

PETIT TRAITÉ DE LITTÉRATURE NATURA- LISTE, d'après les maîtres, par Camille B. et Al- bert H. Vanier, 1880, in-18 jés., 205 pp,, 3 fr.

Ouvrage spirituel, le plus documenté en exemples naturalistes; un de ceux dont Zola ne recommande pas la lecture.

PONTMARTIN (A. de). Nouveaux samedis. Cal- mann-Lévy, 1879, in-18 jés., 386 pp., 3 fr. 50. Critique d'une Page d'amour, 155 à 170.

— Souvenirs d'un vieux critique. Calmann-Lévy,

1884, 1880, 2 vol. in-18 jés., 386 et 394 pp., 7 fr.

La Joie de vivre, dans la v* série et VŒuvre dans la VII'.

ROD (Edouard). A propos de l'Assommoir. Marpon et Flammarion, 1879, in-18 jés., 107 pp.

SANCTIS (P. (le). Zola et l'Assommoir, confe- renza. Napoli, 1879, in-8.

SAVINE (Albert). Les étapes d'un naturaliste.


— 287 —

impressions et critiques. Giraud et G'® (Tulle,

Mazeyric), 1883, in-18 jés., vi-303 pp., 3 fr. 50.

Manet et son Zoïle; au reste, plus de titre heureu- sement que de marchandise.

SERRE. M. Zola et le réalisme. Paris, 1881, in-8.

SOUVENIRS DE PARIS ET DE LONDRES, par Edmondo de Amicis, traduit de l'italien par M'"** J. Colomb. Hachette, 1880, in-18 jés.

SUBLIME (le), ou le Travailleur comme il est et ce qu'il peut être, par M. Denis Poulot. Charpen- tier, 1805, in-18 jés,, 3 fr. 50. (Rouvier et Logeât, 1885, br., 2fr. 50.)

Etude sur l'ouvrier alcoolique, où l'on trouve non seulement les principaux noms de l'Assommoir, mais aussi les détails techniques qui ont servi au roman de Zola. On peut dii*e que, grâce à ce Sublime, l'auteur de Gervalse a trouvé sa vraie mine naturaliste.

THEATRE (le) complet d'Alex. Dumas fils. Cal-

mann-Lévy, 1879, 8 vol. in-18 jés., à 3 fr. 50 le vol.

La préface de l'Etrangère asi un manifeste contre les théories de Zola sur l'art dramatique.

rOPIN (Marius). Romanciers contemporains. Charpentier, 1876, in-18 jés., 419 pp., 3 fr. 50. Article sur Zola.

XAU (Fernand). Emile Zola. Marpon et Flam- marion, 1880, in-12, 68 pp., 1 fr. (Jorel, 1891, br., 1 fr. 50.)

ZOLA (M.) Pape et César, par un littérateur ré- publicain (M™" Arnault). Impr. Balitout, 1879, in.l2, 54 pp. (Ritti, 1885, br., 2 fr. 50.)

BROCHURES

ALEXAKIS (Panos). Get^minal de M. Em. Zola et la question sociale, réponse à une conférence de


— 288 —

Clovis Hugues, faite à la salle des Capucines. Dentu, 1886, in-18, 61 pp. (Sagot, 1890, br., 1 fr.)

ASSOMMOIR (r), parodie-pantomime, en cinq tableaux, du cirque Franconi. Impr. DumonteJ, 1879, in-12, 12 pp., 20 cent.

ASSOxMMOIR POUR RIRE (1'), précédé d'une conférence sur l'Assommoir, ambigu-parodie de deux auteurs qui restent dans ces z-eaux-là. (Pa- roles de Blondelet et Beaumaine et airs de Reis- henstein). Le Bailly, 1879, in-i2, 33 pp. (Sapin, 1890, br.,3fr.)

BIOGRAPHIES CONTEMPORAINES, n» 2, Em. Zola, Gapiomont, 1880, gr. in-8, 4 pp., caricature de Zola par Hope.

BOYER d'AGEN, des hommes. Librairie popu- laire illustrée, 5, rue Furstenberg, s. d., in-8, 10 pp., couvert, illustrée et portr., 15 cent.

N» 5 de la série.

BRINTE (Jan-Ten), professeur à l'université de La Haye. Zola et le naturalisme. La Haye, s. d., in-8.

BRUNETIÈRE (Charles). Le E(h-e de Zola, jugé par un catholique. Retaux-Bray, 1890, in-8, K» pp., 50 cent.

CHAMPSAUR. Les Hommes d'aujourd'hui, n" A, Emile Zola. Cinqualbre, 1878, in-i, A pp., portr. charge colorié, d'André Gill.

Zola saluant Balzac qui lui rctul son salut.

CHRONIQUE DES MUFLES. Emile Zola, journal de cabinet. Paris, 1879, in-8, 16 pp. (Sapin, 1892» br., 5 fr.)


— 289 —

Programme de la le te épatante donnée à l'Elysée- Montmartre par les auteurs de l'Assommoir, à la di- rection de l'Ambigu.

EN R'VENANT D' L'ASSOMMOIR, poème réa- liste, par Perrinet et Fr. Galipaux. Barbré, 1879, in-18.

GUY DE MAUPASSANT. Célébrités contempo- raines: Em. Zola. Quantin, 1883, in-18 jés., 32 pp., couvert, coloriée, portr. et fac-similé, 75 cent.

Réimpression d'un article paru dans la Revue bleue, 10 mars 1883.

MONSIEUR ZOLA ET SA MÉTHODE LITTE- RAIRE, extrait de la Suisse Romande, 1885, in-8. (Sapin, 1892, br., 3 fr. 50.)

MOUSK. Le Livarot, le poisson rouge et la poupée, poème héroï-comique, à la manière d'Em. Zola. Paris, Union des Bibliophiles (Dijon, impr. Darantière), 1888, in-12, 12 pp., titre rouge et noir.

NANA (délia), di Em. Zola, appunti e note^ Ba- rattani, Bergamo, 1880, in-12.

ROMAN NATURALISTE (le), ou VAssommoir moral, par L. Hubert. Le Puy, impr. Rades Frey- dier, 1885, in-16, 15 pp., 30 cent.

SGHÉRER. Études sur la littérature contem- poraine, le Livre, avril 1883, tome vu, p. 240, gr.

in-8.

Il prétend que le Bonheur des dames est l'effort d'un illettré qui abaisse la littérature jusqu'à lui.

TOUCHATOUT. Suite du roman d'Em. Zola : la Terre. Paris (Léon Bienvenu), 1887, in-lG, 16 pp., 10 cent.

— Le trombinoscope, 1882, n° 6, caricatures de

Moloch.

17


— 290 —

VERMERSGH (Eugène). Les Hommes du jour. Paris, Madré, s. d., in-16, xvi-112 pp.

Deuxième série, contenant 150 portraits... littéraires.

VIN BLEU LITTÉRAIRE (le). V Assommoir, par H. Houssaye, extr. des Débats, 1877, in-4. (Sapin, 1892, br., 4fr.)

ZOLA(Em.). Route de V Académie, portrait-charge de Gilbert Martin, extr. de la Nation, 1888, in-4. (Sapin, 1892, br. 1 fr. 50.)

ZOLAISME (le), satire en vers, par J. M. L. Fecit indignatio versum. Lj'on, impr. Mougin- Rusand, 1892, in-8, 13 pp.

Extrait de mes Loisirs d'ouvrier.

ARTICLES DE JOURNAUX ET DE REVUES

Assommoir (1'), hebdomadaire, voir détail au roman.

Autorité {V), 18 sept. 1887 : La Terre.

Bulletin de l'Institutiiational Genevois. Genève, 1891, in-12, 26 pp. (Extr. sur le Vœu d'une morte, par Redard.)

Christianisme (le) au xix" siècle, 25 mai 1893 : La jeunesse et M. Zola.

Cloche (la), dirigée par Ulbach, a reproduit du 13 fév. au 8 nov. 1871 ses correspondances politiques et du doc. 1871 au 3 mai 1872 ses lettres parisiennes.

Correspondant (le), 10 mai 1886 : Honnêtes gens et Livres honnêtes, par de Pontmartin.

Débats (les), 3 oct. 1893 : l'Anonymat et le journa- lisme anglais, par Piloy.

Décadent (le), 15 nov. 1898: M. Em. Zola, Anatole Haju.

Dix-neuvii-me Siècle (le), 20 août 1H88 : Zola et son roman La Terre ; 21 janv. 1879 : Fouquier, \'.\ssom7)wir.

Eclair (!'), l" août 1893 : le docteur Pascal, par Lcdrain , 28 sept. 1893 : Opinions, port illégal, art. Alexandre.


— 291 —

Evénement {Vj, 29 fév. 1879: Nana, par Chapron ; 14 mars 1880 : Nana, par Aurél. Scholl ; 18 août 1887 : La Terre; 17 nov. 1888: A propos de la Terre; 27 avril 1888: Germinal, Aurél. Scholl; 28 avril 1888 : Une mauvaise action; 20 août, Gh. Vignier : La jeunesse en révolte, scission des cinq.

Figaro (le), 15 fév. 1879, Alexis : une première en librairie; 22 déc. 1878, suppl. : Elude sur le roman contemporain ; 18 août, 1887 : M. Zola ; 22 août, à propos de La Terre; 17 nov. : La Terre, par André Gill ; 22 avril 1887 et 23 avril, Zola et Wolff; 24 avril 1888 et 25 avril, Wolff et Zola; 4 mars 1898 : l'Académie française et la Bé te Humaine; 21 avril 1878, suppl. littéraire du dimanche : Une page d'Amour ei V Assommoir ; les deux articles, signés par Ph. Gille, sont illustrés de 16 bois par André Gill, Frappa, Régamey, etc. ; 22 avril 1887, Renée et la Critique ; 25 avril les étapes d'une conver- sion ; 9 sept. 1892, Davenaz, les Bénéfices de Zola.

Français (le), 22août 1887, le Naturalisme et M. Zola.

Gaulois (le), 27 avril 1884, Zola et de Goncourt, par Guy de Maupassant; 21 sept. 1887: La Terre; 23 juillet 1883, Boubée questionne un R. P. sur Zola; 4 oct. 1893, Capus, retour de Londres.

Gazette anecdotique, donnant des articles de Zola ou sur Zola, 1876 :

^^^^1 - 11:346.

„ ) Tome I : 89, 161, 339, 163,338. ^^^^ I — II : 327, 324.

j Tome I : 58. 140, 301. 1^'^ i _ II : 178, 353, 356.

l Tome I : 360,72,215,49, 47, 70,193, 262,312. ^^'^ j _ II : 237, 277.

) Tome I : 67, 268, 19, 111, 345, 21. 1880 j _ II . 82, 178, 323.

( Tome I : 21, 66, 140, 194, 372. ^^^^ 1 _ 11 : 182, 245, 33, 19.


1882 1883


— 292 —

Tome I : 75, 79, 100, 234, 267, 18.

— Il : 120, 366. Tome I : 279, 142.

— II : 365.

188." ) "^^^^ ^ • 51j365. 1 — II : 257.

Gazette anecdotique sur Zola, 1886-1891. 1886 1 Tome I : 171, 64.

j Tome I : 17, 343, 133, 117, 232, 374. " 108, 178, 106, 107, 273. 106, 236, 273. 229, 88, 119, 140, 186, 259, 36, 80,

87, 230. 270.

209, 395.

20, 175, 138, 364.

125, 213, 228, 244, 293. 94.

Gasette de France, 10 mai et 5 sept. 1887, à propos de la Terre.

Gil Blas, 10 mars 1888, la guerre contre Zola, par

Coq hardi ; 15 juillet 1880 : Zola décoré, par Hcrmant.

Intransigeant {Y ),^2&àiiC. 1887 : Etude sur la Terre.

Liberté (la), 21 mars 1883 : Bonheur des Dames; 18

fcv. 1884, La joie de vivre^ Drumont.

Livre (le), nov. 1880; mars 1880; mars 1882; avril 1881 ; mai 1882; déc. 1881; janv. 1883, juin 1882; avril 1883; janv. 1884; août 1885; nov. 1892; mai 1886; nov. 1888.

Jeune France (In), mars 1879, Zola et le naluralipme, par G. Rivet.

Jouriial, 15 nov. 1893, H. Tainc, par Zola; siippl. du 23 nov. 1893, VAttaque du Moulin.

Justice (la), 2 mai 1884, Zola, par Geoffroy. Monde (le), 1887, Racine et Zola.



— 293 -

Moniteur (le), 21 août 1887; 4 oct. 1887; 30 avril 1888, Germinal.

Mot d'ordre, 14 mars 1884 ;E6 sept. 1887, Nos natura- listes.

National {\e)y 19 avril 1887, Zohugola.

Nouvelle Revue (la), i" et 15 mars 1880, 4" année, tome III.

Paix sociale (la), 2 juin 1888, plagiat.

Papillon {\e), 22 mai 1881, silhouelte, Em. Zola par l'autre, portrait.

Paris-Journal, 12 juil. 1880, Zola et ses élèves, à propos des soirées de Médan; 30 août 1887, Zola. Parti national, 22 août 1887, Zola et ses disciples. Patrie, 31 août 1887, Zola.

Petit Journal, 18 sept, 1887, Naturalisme; 25 nov. 1893. Petit Moniteur, 8 sept. 1887, La Terre. Presse (la), 20 janv. 1879, Claretie.

Réforme (la), 15 novembre 1878, par de Sanctis; 15 août 1878, r Attaque du Moulin ; 15 sept. 1878, G. Flaubert; 15 avril au 15 juil. 1879, Alph. Daudet.

République française, 19 sept. 1887, La Terre.

Réveil, 16 fév. 1884, La Joie de vivre.

Revue artistique et littéraire, janv. 1887, Zola auteur.

Revue d'art dramatique, 15 avril 1887, le théâtre de Em. Zola.

Revue Bleue, 2 janv. 1882, Gauthier- Villars, Vœu d'une morte; 25 janv. 1879, Gaucher; 12 oct. 1878, Gaucher; 26 avril 1879, Gaucher; G mars 1880; août 1884, les romans de Zola; 23 avril 1887; nov. 1888; 1878, Une page d'amour; Bouton de rose, 11 mai 1878; La République française, 26 août 1879 ; l'Assommoir, 3 fév. 1877; l'Assommoir, pièce, 25 janv. 1879; Nouveaux Contes à Ninon, 26 nov. 1874; la Faute de l'abbé Mouret, 10 avril 1875; le programme poétique de l'école réaliste, 9 mars, 25 mai, 12 oct. 1878; Pays des cigales,


— 294 —

2 sept. 1876; 10 août 1875; 2 sept. 1876; 28 avril, 11 mai; 25 mai 1878; 26 août 1879; 11 mai 1889; 25 juin 1892; l"juil. 1893.

Revue de France (la), l'Assommoir et les mœurs fau- bouriennes.

Revue des Deux Mondes^ 15 juil. 1872, Bourgct, Le roman réaliste', i'^ avril 1875, Brunetière, le Roman réaliste; 15 sept. 1879, Bigot, l'Esthétique maturaliste; 15 fév. 1880; Brunetière, le Roman expérimental; 15 sept. 1881 ; Brunetière, les origines du roman réaliste, 1" août 1884, Brunetière, les petits naturalistes.

Revue indépendante (la), déc. 1871 : Les paysans de M. Zola.

Revue lyonnaise, sept. 1884, le Roman naturaliste.

Revue moderne, fèv. 1880, Guillemot, E. Zola.

Revue Socialiste, mai 1888, Germinal.

Siècle (le), 7 avril 1883, Bonheur des Dames.

Soleil (le), 31 mars 1883, 26aoiitl887, Schisme d'hier.

Temps (le), 6 mai 1889, Sarcey ; 27 foy., 7 mars 1887, Sarcey; 20janv. 1879; 13, 20 mars 1893; 4 sept. 1887, An. France; 18 avril 1887, Sarcey.

Vie littéraire (la), 27 déc. 1887, Daudet et Zola, par Dieny; 22 fév. 1877, E. Zola, par Brunet et défense de l'Assommoir, par Zola; 15 août, 22 août, 5 sept. 1878, Bourget : La Genèse du roman contemporain; 29 mars 1877 : Sainte-Beuve elTaine, par Zola; de la réalité dans l'art, par Sainte-Beuve; 15 nov. 1877 : le prix de Rome littéraire, par Zola; 12 sept. 1878, Ed. Manct, par E. Zola.

Vie Parisienne (la), 25 fév. 1893, Guy, sur la réception d'Em. Zola à l'Académie française en 1943.


UN NATURALISTE

EN COUR D'ASSISES


Si l'attrait seul du réel était l'amorce qui entraîne le public à porter son argent à un auteur qui lui sert un réel plus ou moins naturaliste, il n'est pas douteux qu'il se por- terait de préférence dans les tribunaux où les juges, tous les jours, pratiquent sur un réel vrai^ nature. Et, de fait, il y aurait tout béné- fice pour lui, il y trouverait gratuitement un réel imprévu, authentique et toujours nou- veau; au lieu que, dans le roman, il ne jouit que d'une nature modifiée, remaniée, pas- tichée et surtout exagérée: le juge procède sur mesure et avec mesure, le romancier opère contre mesure et outre mesure. Et^ pourtant, on lit plus le roman qu'on ne fré- ([uente la cour d'assises, bien que l'une soit plus naturelle que l'autre; pourquoi? Parce que la cour, respectueuse des mœurs, impose souvent à la curiosité publique la barrière légale du huis clos, et que le livre, au con- traire, escomptant et sollicitant ses appétits.


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lui ouvre ses pages les plus émoustillantes. Le garde môme qui défend l'entrée du tri- bunal, où l'on juge la victime inconsciente du livre immoral, non seulement le laisse lire, sans protester, à côté de lui, mais il y jette un coup d'œil curieux: on condamne l'efTet et on laisse la cause impunie. L'effet, qui se nomme dans le naturalisme, le docu- ment humain, avait, sans nul doute, des pas- sions, mais elles étaient à l'état latent, elles dormaient, elles se taisaient du moins; il a suffi d'une ligne pour les réveiller, d'une page pour les exciter et d'un chapitre pour les lancer dans l'action criminelle. Oui, tel était innocent, hier, n'ayant pas lu, qui, demain, sera coupable, après avoir lu: le livre est la mèche enflammée qui commu- nique à un dépôt de dynamite.

Si, descendant dans la conscience et dans les souvenirs des accusés, les juges leur demandaient quel fait, quelle circonstance, quel exemple, quelle lecture, quel entraîne- ment les a poussés à la faute ou au crime, combien peut-être répondraient: cette feuille, ce livre, ce journal, cette peinture! Coupables, certes, devant la loi, ils auraient néanmoins le droit d'accuser impitoyablement ceux qui auraient provoqué leur culpabilité. Parmi ces crimes, ces vices, ces passions, ces in- famies, ces monstruosités parfois invraisem- blables, qui viennent, comme ces épaves pourries que charrient les fleuves et les


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égouts, échouer sur les bancs de la cour d'assises, n'y en a-t-il pas une moitié qui sortent de certains livres naturalistes, comme les vers de la charogne? Comparez, d'aussi haut que tombe le vice, d'aussi bas que monte le crime; non seulement le coupable de la justice n'est pas pis que le héros du roman, mais souvent celui-ci est plus taré que celui- là. Pourqui donc l'un est-il puni et l'autre non? Le premier est-il frappé par la loi parce (ju'il est une victime du romancier, et le romancier est-il toléré parce qu'il fait des milliers de coupables? Ce sont des contradic- tions étranges, je le veux bien, mais ce sont des contradictions, pour ainsi dire, forcées et fatales; la loi atteint le fait brutal, l'acte matériel, bien qu'il soit presque toujours individuel, mais il épargne le fait intellec- tuel, l'acte littéraire qui névrose l'intelligence et tuberculose la morale. En résumé, l'écri- vain est comme le général, ils ont tous deux les immunités de la loi et les bénéfices de la renommée, et la qualité de leur gloire tient à la quantité du mal qu'ils ont fait : l'homme (|ui tue vingt mille hommes est un héros; celui qui n'en tue qu'un est un assassin; l'écrivain qui séduit cent mille filles, est un auteur illustre; son lecteur qui abuse d'une, déjà séduite par le roman, est un criminel. Étrange morale légale!

Ces réflexions, plus qu'étrangères à mes études littéraires, me sont suggérées par un

17.


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procès retentissant, en cour d'assises, le procès d'un naturaliste qui a été jugé hier... ou qui le sera demain. Les procès passion- nels sont de tous les temps et de tous les pays, mais ils abondent surtout quand les livres deviennent les complices des mœurs : or, le naturalisme, par sa nature môme, qu'il le veuille ou non, est l'école préparatoire du vice et du crime, le fournisseur, sui generis des tribunaux.

Mais arrivons à la cause. Un journal du soir, 189..., donne, en dernière nouvelle, qu'un crime a été commis, presque au mo- ment de la mise sous pressé, dans un hôtel, 61, rue Monsieur-le-Prince. Un jeune étu- diant auraittué une blanchisseuse du quartier, qu'il avait attirée dans sa chambre; l'assassin est arrêté, mais la victime est morte. A demain les détails. Le lendemain, la grande et la petite presse, ayant lancé la nombreuse armée de ses reporters, toujours bien ren- seignés, s'empruntaient avec ensemble les mêmes renseignements fournis par la police et les publiaient avec quelques variantes de style et d'orthographe. Je les résume.

L'étudiant en médecine se nomme Emile Rougon, fils naturel de Clotildo Rougon, dite Saccard, et du docteur Pascal Rougon, frère de Eugène Rongon, l'ex-vicc-empereur; il est né à Plassans, en 1874. Descendant, par l'in- ceste de l'oncle et de la nièce, de cette famille, bien connue, des Rougon-Macquart, dont


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l'histoire sociale et naturelle, augmentée d'un arbre généalogique, a été écrite en vingt volumes in-18 Jésus, il semble que l'enfant de tant de vices, que l'héritier de tant de crimes, ne pouvait-être qu'un coupable. « Ah! notre famille, que va-t-elle donner? à quel être abou- tira-t-elle enfin ? Qui savait d'où naîtrait la branche saine? Peut-être le sage, le puissant attendu, germerait-il là ? » {Docteur Pascal^ p. 338)... Ce fils né des enlacements terribles d'un vieillard dévoré par sa continence ascé- tique, et d'une jeune vierge brûlée par les ardeurs d'une passion longuement attisée, ne devait-il pas être la victime de ses passions... héréditaires, et tout leur sacrifier? Aimant la science, comme son père, le naïf thérapeute de Plassans, il est venu à Paris, après de bril- lantes études, pour suivre la même carrière; il a suivi les cours de l'école de médecine, étonnant ses professeurs par son ardeur à l'étude et ses aptitudes spéciales; il annonce un savant et un maître; mais, passionné comme sa mère, et comme elle, aimant l'a- mour d'enthousiasme pour lui-même, il s'est donné entier, fou, à la première femme qui a mordu sa chair. Cette femme, ou plutôt cette jeune fille, élevée dans le malheur, belle, courageuse et forte, est Adélaïde Lantier, blanchisseuse, 10, rue de Vaugirard; née à Nouméa, en 1873, elle est la fille de Etienne Lantier, déporté dans cette colonie; descendante de Gervaise, sa grand'mère.


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une Macquart, elle est la cousine de Emile Rougon, son meurtrier. Installée depuis peu à Paris, où elle a suivi son père amnistié, elle est entrée, pour aider plus vile sa famille, dans une blanchisserie qui a des étudiants pour clientèle principale. En venant chez sa blanchisseuse, l'étudiant Emile Rougon a remarqué la jeune ouvrière et a reçu, en pleine poitrine, le coup fou- droyant d'un amour irrésistible ; il s'est empressé,par une mimique que comprennent toutes les femmes, par quelques mots ar- dents et même par des billets incendiaires, de faire partager sa passion. Mais rien n'y a fait; éconduit par le silence modeste et par la réserve froide et digne d'Adélaïde, au lieu de renoncer à cet amour, il s'est décidé à le rendre plus provocant et môme à l'imposer par tous les moyens.

Cette résolution n'attendait plus qu'une occasion pour éclater terrible et criminelle. Hier, la jeune blanchisseuse montait, à la nuit, 63, rue Monsieur-le-Prince, dans la chambre d'Emile Rougon, pour lui livrer son linge; le jeune homme, obsédé toujours par son amour, lui en refit l'aveu, dans un accès de folle passion, et la supplia de le partager. . . Que s'est-il passé alors ? Fût-il violent ? A-t-elle ri de ses prières et de ses rages ? S'esl- elle vigoureusement défendue de ses bruta- lités? On ne sait... Mais quand un cri suprême de douleur et d'agonie a attiré de nombreux


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Un juge d'instruclion a été nommé, mais rien de nouveau n'ayant modifié les faits pré- cédents, son rôle s'est borné à les constater et à établir, d'après eux, l'acte d'accusation qui envoie le coupable devant la Cour d'as- sises.

Le jour du procès est arrivé; la salle est comble, on dirait une première de l'Opéra- Comique, celle de V Attaque du Moulin^ par exemple ; beaucoup de dames du grand monde, du demi et môme de l'autre, genre Nana elPot-BouUle\ des hommes aussi, mais mêlés, comme le jour du grand prix, on ne peut s'y méprendre, ce sont des habitués de la Curée, de V Argent, du Ventre de Paris, de la Joie de vivre, du Bonheur des Dames, A^ Une page d'amour; quelques adeptes, mais moins nombreux, de V Assommoir, de Germi- nal, del^Bête humaine, de la. Débâcle. Onseni que ce public, tout spécial, à cause de cette affaire, attend, on ne sait quoi, mais il attend un fait quelconque, un incident peul-


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être naturaliste, qui, tout à coup, surgira du procès.

La Cour entre, le jury est à sa place, l'ac- cusé est introduit. Il est moyen, pâle, de cette matité chaude et volcanique du Midi; son torse est vigoureux, nerveux et râblé; sa barbe naissante et noire corrige, par une certaine timidité pubère, la dureté métallique du regard; son nez droit et ferme accentue la volonté énergique de la figure ; son front, aux arêtes bombées, indique l'intelligence, mais une passion absolue, presque fatale ; sa lèvre ironique et froide doit formuler la science du néant, le théorème ataviste de la jouissance matérielle, le système du natura- lisme dans ses fatalités les plus cruelles, mais elle ne sourira jamais à la certitude de l'au delà, aux sacrifices de la vertu, aux dévouements du devoir et aux rêves de Tidéal humain et divin. On devine que cet adoles- cent, fait homme par le crime, se courbe, vaincu, devant une loi sociale qu'il ne peut briser, mais qu'il se dresse, méprisant et révolté, devant une loi divine qu'a rayée le Roman expérimental.

Le PiiÉsiDENT. — Accusé, levez-vous ; votre nom, votre âge, votre profession, votre lieu de naissance?

L'Accusé. — Emile Rougon, vingt ans, étudiant en médecine, né ù Plassans.

Le Président. — Comment avez-vous connu votre victime?


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L'Accusé. — En allant dans la blanchis- serie où elle était ouvrière.

Le Président. — Saviez-vous qu'elle était votre cousine?

L'Accusé. — Je l'ignorais, son nom n'ayant jamais été prononcé devant moi ; mais s'il l'eût été, j'étais trop familier avec l'arbre généalogique de ma lamille pour ne pas le savoir. Au reste, cela n'eût en rien changé mon amour. Je l'aimais parce qu'elle était femme; dés la première fois où je l'ai vue, elle m'a pris le cœur tout entier, et non parce qu'elle était ma parente.

Le Président. — Regrettez-vous de l'avoir tuée?

L'Accusé. — Je le regrette, parce que je l'aimais, parce qu'elle me manque; mais si elle ne devait jamais m'aimer et me repous- ser toujours, je l'aime mieux morte que vivante; elle est toujours mienne par le sou- venir; elle m'appartient même par mon crime.

Le Présidk]*t. — Mais votre réponse est absolument cynique; c'est la négation de toutes les lois divines, humaines et sociales ; vous rayez Dieu et vous ramenez l'homme aux instincts de la béte humaine !

L'Accusé. — Je ne suis pas si savant que vous le dites, Monsieur le Président. Si vous aviez lu l'histoire naturelle et sociale de ma famille, en vingt volumes, ou seulement : Le Docteur Pascal, mon père, ce livre der-


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nier qui est le résumé de toute la série, la synthèse de Tœuvre entière, une sorte de conclusion générale, vous verriez que notre historiographe, M. Emile Zola, réduit scien- tifiquement l'homme au réel, c'est-à-dire à l'état de nature. Sa machine est organisée pour l'amour, pour le bonheur, pour le plaisir, il a le droit d'aimer, d'être heureux et de jouir. « En dehors de l'anéantissement, il n'y a pas de bonheur durable, et la science, à moins qu'elle ne fasse faillite, doit, par l'unique bienfait possible des vérités lente- ment acquises, augmentées toujours, donner à l'homme un pouvoir incalculable, et la séré- nité, sinon le bonheur; tout se résume dans la foi ardente en la vie. Il faut marcher avec la vie qui marche toujours.... 11 faut avoir l'esprit ferme, la modestie de se dire que la seule récompense de la vie est de l'avoir vécue bravement en accomplissant la tache qu'elle impose. Mais le mal n'est plus qu'un accident encore inexpliqué » [Docteur Pascal, p. 338). Ce qui veut dire, en simple prose dépouillée de tout artifice scientifique, vous êtes une machine a passions, à vices, qui doit finir vite cl absolument; mettez en fonc- tions ces vices et ces passions, c'est le but de la vie, en supprimant nu>me ce qui les gône. Je suis naturaliste et j'ai agi en natu- raliste, logiquement je ne pouvais pas être sans l'être.

liK Phésioe.nt. - \ Ous pouvic/. vous épar-


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gner cette longue citation, Zola ne fait pas loi ici, son œuvre n'est pas un article de... code.

L'Accusé. — Pardon, je ne pouvais pas ne pas le citer, il est mon excuse et ma défense, car sans lui je ne serais pas ici.

Les dépositions des témoins à charge n'ayant fait que confirmer toutes les circons- tances, d'ailleurs non contestées, du crime, nous les passerons. Parmi les témoins à décharge, on remarque quelques étudiants en médecine qui parlent de la douceur, de l'aménité et de la bonne camaraderie de leur condisciple, et quelques-uns de ses illustres maîtres qui certifient son ardeur au travail, ses grandes aptitudes médicales et son carac- tère ardent et passionné, mais pondéré par une intelligence très droite. La défense, comptant beaucoup sur le témoignage du chef de l'école naturaliste, l'avocat l'avaitfait citer, mais le témoin a cru devoir se dérober à la curiosité publique, ou peut-être a-t-il jugé prudent de se soustraire aux responsabilités de ses doctrines naturalistes. L'avocat de l'accusé ayant fait constater l'absence injus- tifiée du principal témoin à décharge, la parole est donnée, par le président, au pro- cureur général qui a tenu à soutenir l'accu- sation dans ce procès retentissant, dit fin do siècle. Ne pouvant donner in extenso "son éloquent réquisitoire, nous nous contentons d'en reproduire quelques passages.


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« Je ne me dissimule pas les difficultés de ma tâche; en voulant frapper un coupable, j'atteins, je ne dirais pas un innocent, mais un écrivain que beaucoup se figurent, en raison du bruit et de la réclame qu'il fait autour de son œuvre, être au-dessus de toute appréciation et de toute attaque ; en vous demandant d'appliquer toutes les sévé- rités de la loi à ce précoce assassin qui donne la mort parce qu'on lui refuse de l'amour, je semble accuser de complicité l'auteur qui, par ses doctrines matérialistes, a armé la passion brutale et bestiale de cet adolescent contre l'innocence de cette jeune fille.

« Si, représentant inflexible de la justice et de la société, je vous réclame la tête qui, ravagée par des doctrines aussi funestes, semble avoir agi sous cette influence, ne m'accuserez-vous pas d'épargner la tôte qui a pensé et inspiré des insanités aussi dange- reuses; si je flétris la main qui a pris le poignard et qui a frappe restera-t-il à Zola de Zola? 235

Que deviendra le naturalisme? ^3>

Zola à l'Académie ou le candidat perpétuel,

vers de M. Glovis Pierre 239

Bibliographie des ouvrages d'Emile Zola :

Romans et nouvelles 247

Les Rougon-Macquart 255

Œuvres critiques 268

Pièces de théâtre 273

Divers : nouvelles, préfaces, articles de jour

naux

Livres, brochures et articles de journaux sur

Zola 283

Un naturaliste en cour d'assises 5^5





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