Les sociétés badines, bachiques, littéraires et chantantes, leur histoire et leurs travaux  

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Les sociétés badines, bachiques, littéraires et chantantes, leur histoire et leurs travaux[1], Paris, Bachelin-Deflorenne, 1867 is a work by Arthur Dinaux and Gustave Brunet.

Full text of the second tome

DICTIONNAIRE DES SOCIÉTÉS BADINES


BACHIQUES, CHANTANTES ET LITTERAIRES,



ACARONIQUE (Académie). Elle existait à Venise

au siècle dernier: J. Casanova, en ses Mémoires, tom. I er (édit. de

Paris, 1843, in-8_, p. i36; édit. de i83o, p. 257), raconte un banquet pique-nique fait par les académiciens maca- roniques dans la petite ville de Chiozza, port de mer, dans une des îles voisines de Venise.

Après une séance de l'Académie dans laquelle chaque mem- bre avait récité un morceau de sa façon, on banquetait gaîment. Casanova écrivit dix stances pour être de ces réunions et fut reçu membre par acclamation. Il figura encore mieux à table qu'à la séance, et il mangea tant de macaroni qu'on le jugea digne d'être nommé prince, une des premières dignités de la compagnie.

On a signalé Laurent de Medici, dit le Magnifique, Gabriel Naudé, le cardinal Mazarin, l'académicien Charles Nodier, M. Van de Weyer, littérateur et diplomate belge, comme étant tous fervents amateurs de macaroni.

Personne n'ignore combien le macaroni est du goût des Napolitains. Un poète qui a manié avec succès cet idiome, F. Sgruttendio, a consacré au macaroni une longue composition en vers; il compare les tubes flexibles et allongés du mets national à la voie lactée et à la chevelure de Bérénice; il peint avec feu l'ivresse du lazzaroni qui, la tête rejetée en arrière, fait adroite- ment descendre dans son œsophage les débiles et interminables k uyaux auxquels il doit un bonheur complet. Tout respire dans



MAG


ces vers un accès de macaroni-manie. Sgruttendio fait des vœux passionnés pour que tout ce qu'il touche soit changé en macaroni, et il finit par demander aux dieux de le métamorphoser lui- même en macaroni.

MAGDELAINE (Ordre de la). Cet Ordre, qui n'a pas eu de suite, prit sa naissance et sa fin en la personne de Jean Chesnel de la Chapperonaye, à qui l'idée en était venue, et que Louis XIII voulut bien revêtir du cordon de cet ordre dont il fut l'unique membre. Ce chevalier voyant que son projet ne prenait pas fa- veur, se fithermite, sans être ni diable ni vieux.

Il nous est resté un petit traité assez rare de cet Ordre sous le titre de : La Règle et Constitution des chevaliers de l'Ordre de la Magdelaine-, par de la Chapperonaye. Paris, Du Bray, i6i8_, in-8 (Lelong, tom. III, p. 712, no 40, 53 1). Voir Hélyot, Hijl. des Ordr. relig. et monajt., tom. VIII, p. 276 et suiv.

MAGNANVILLE (Société dramatique de M. de), de 1768 à 1772, M. de Magnanville, garde du Trésor royal, qui passait la belle saison au château de la Chevrette à trois lieues de Paris, avait organisé une troupe de comédie de société qui obtint quel- qu'éclat. Acteur et auteur à la fois, M. de Magnanville a com- posé une pièce en trois actes, les Orphelines, qui obtint le plus grand succès. Le fournisseur principal du théâtre de la Che- vrette fut le chevalier de Chastellux qui y fit jouer successive- ment les Amans portugais, comédie en un acte; les Prétentions, comédie en 3 actes ; et enfin une imitation libre de Roméo et Juliette, tragédie de Shakespeare.

La troupe de la Chevrette était supérieurement bien compo- sée; et ses représentations attiraient une foule de spectateurs choisis de la Cour et de la ville. Parmi les actrices, on citait Mme la marquise de Gléon, Mlle de Savalette, sa sœur, et Mme de Pernan, fille de M. de Magnanville. Ces trois dames ont mon- tré un talent distingué.

Pièces et acteurs n'auraient peut-être pas soutenu le grand jour des représentations publiques, mais elles ont attiré à chaque


MAL


fois beaucoup de monde, une foule de bravos, et l'on a applaudi à plusieurs détails qui ont paru heureux et charmants.

MALICE (Ordre de la). Variétés littéraires (par Coupé). Littérature légère, tom. I er , p. 178. Paris, 1786, in-8.11 fut ins- titué le i er mai 1734, par une dame charmante dont le nom ne nous est pas parvenu. Chaque chevalier et chevalière portait un petit cordon gris de lin, auquel était attachée une miniature ovale en émail, bordée d'un fil d'or: cette miniature représen- tait un singe et on lisait ces vers derrière cette figure :

Pour vous imiter je suis fait ;

C'est là mon plus noble exercice ;

Aussi, par un retour parfait,

Vous me ressemblez en malice.

Cette décoration singulière, était principalement portée par des dames; le singe étant fort laid de sa nature, la miniature suspendue au cou dé la chevalière faisait ombre au tableau et ne portait aucun ombrage à la beauté.

Voici les statuts de cet Ordre tels qu'ils nous ont été conservés par l'abbé Coupé, ancien répétiteur au collège d'Anchin de Douai_, dans l'ouvrage que nous venons d'indiquer.

« Statuts de Y Ordre de la Malice, institué par très-aimable et très-digne dame madame Agrippine de la Bonté même.

I.

Art. i er . Il n'y aura'que quatre dignités, qui seront toujours remplies par le beau sexe, comme entrant mieux dans l'esprit de YOrdre. Ces dignités seront celles de grande-maîtresse, de lieu- tenante, de chancelière, de trésorière. L'Ordre sera, outre cela, composé de quatre commandeurs et de quatre chevaliers, dont l'élection se fera en conscience et connaissance des mérites et talens en malice.

II.

Art. 2. Tous ceux et celles qui se présenteront pour être ad- mis dans YOrdre, doivent avoir les qualités requises pour occu- per les places qui pourront leur être confiées.


MAL


III.

Art. 3. Ils seront obligés de prouver deux années au moins d'exercice réel ou d'intention; ce qui sera vérifié par titres qu'ils soumettront à l'examen de la chancelière de F Ordre.

IV.

Art. 4. Le noviciat sera d'une année, et pendant ce temps les Novices seront obligés de donner à la lieutenante, deux fois par jour, les moyens les plus fins et les plus adroits d'attraper et de faire donner dans le panneau ceux que l'Ordre voudra favoriser de son amitié et de sa bienveillance.

V.

Art. 5. On ne sera reçu Profès qu'après avoir exactement rempli les obligations du noviciat; ce qui sera certifié par la lieu- tenante, et examiné en plein chapitre.

VI.

Art. 6. Défenses sont faites de prendre aucun domestique Champenois, Suisse, ou Picard.

VII.

Art. 7. On ne pourra faire élever dans sa maison ni dindons, ni oyes, ni moutons.

VIII.

Art. 8. Mais on aura pour le bon exemple, beaucoup de sin- ges, de chats, de perroquets, de chouettes, de renards et de pies.

IX.

Art. 9. Les principaux livres de la Bibliothèque (de F Ordre) seront VEspiègle, Richard sans Peur, Buscon, Gusman d'Al- farache, Gil Blas s le Pince sans rire, Y Histoire des pages, les Anecdotes des pensionnaires des religieuses. »

Ces statuts étaient précédés de la préface qui suit, composée par l'institutrice.

Celui qui veut de la Malice Devenir un digne Profès, Doit si bien tendre ses filets Pendant le temps qu'il est Novice,


MAL


Qu'il ne passe jamais un jour

Sans avoir fait quelque bon tour :

Mais que l'aimable politesse,

L'esprit fin, la délicatesse,

Brillent en toute occasion ;

Et que jamais malice noire,

De fait ou bien d'intention,

Ne ternisse la belle gloire

Que dans Y Ordre il faut acquérir.

Loin de nous ces esprits caustiques

Qui blessent sans savoir guérir.

Censeurs bourrus, fâcheux critiques,

Vrais boute-feux des républiques,

Nous vous bannissons pour toujours ;

Votre demeure est chez les ours.

Et vous, complaisans insipides,

Qui ne louez qu'avec fadeur,

Cherchez ailleurs des gens avides

D'un poison qui gâte le cœur.

Nous ne recevons dans notre Ordre

Que des sujets doux et malins,

Qui sachent rire sans trop mordre,

Et qui pour les bons tours enclins,

Augmentent pour eux notre estime.

Badinons sans désobliger,

Et suivons toujours pour maxime :

Jamais nuire, mais corriger. Ces vers résument les articles des statuts. Cette singulière association a-t-elle eu lieu en effet? c'est avec de telles réunions qu'on a pu organiser les mystifications de l'abbé de Saint-Martin, à Caen, de Poinsinet et d'autres victi- mes de la malice.

Les domestiques de Suisse,, de Champagne et de Picardie viennent du proverbe: 99 Champenois et un mouton font cent. Je l'ai fait venir d'Amiens pour être Suisse. — Les consignes singulières des Suisses.

MAL-MARIEZ (Confrairie des). Société imaginaire due à


MAL


l'imagination facétieuse d'un de ces nombreux écrivains qui, au dix-septième siècle, prirent les soucis de la vie conjugale pour but de leurs railleries. L'édition originale de cet opuscule est très-rare; nous l'avons inutilement cherchée sur les catalogues les plus riches en ce genre, notamment sur celui du duc de la Vallière (1784, 3 vol. in-8), et nous n'en trouvons aucune indi- cation dans la curieuse Bibliographie (spéciale) des ouvrages relatifs à V amour, aux femmes et au mariage, 2 e édition, Paris, J. Gay, 1864, in-8. Le texte que nous reproduisons nous est fourni par une copie manuscrite faisant partie de la biblio- thèque formée par M. Leber (n° 261 5 du catalogue imprimé) et acquise par la ville de Rouen.

La Confrairie des Mal-Mariés^ ou Martyrs, assemblés rue Tournecul. — La Confrairie des Martyrs. — Aduertissement aux confrères et sœurs de la haute et basse., pauure et riche, vieille et nouuelle, et noble et roturière Confrairie des Mar- tyrSj martyrisez par leurs honnestes,indiscrettes et maladuisées femmes nouvellement instalées au chasteau (sic) de Bissestre, à présent appelle Malencontre.

Agez (sic) et paty. chap. si i'eusse bien pensé.

Mes tres-chers confrères, vous n'estes pas ignorans que dez long-temps il y a une Confrairie des Martyrs érigée ie ne sçay où, instituée par ie ne sçay qui, et de laquelle on parle ie ne sçay comment. Mais l'ayant meurement considérée en toutes ses dépendances; après auoir este prié de plusieurs, et spéciale- ment de ceux de la rue des mauuaises paroles, et de la rue tour- neculj i'ay délibéré sur leur instante prière et pour la commo- dité de nous tous, de designer un lieu asseuré où l'assemblée se trouuera, s'il leur plaist pour y faire eslection des Maistres et Gouuerneurs de la Confrairie, et pour délibérer des choses qui y sont requises et nécessaires : et pour ce, il est enioint de par Thibault le Persécuté, General des Affligez, à tous qu'il appar- tiendra, de ne se présenter pour se faire enrooler, qui ne soient chargez de persécutions et d'opprobres, principalement de fleures quartaines, malebosses, voleurs et yvrognes et toutes autres in-


MAL


iures et supplices, pratiquez par les exécuteurs à l'endroit des- dits Martyrs, et prendre garde que Martin baston n'y ait passé: car il seroit du tout indigne de conuerser auee lesdits martyrs. Comme aussi ceux qui se présenteront deuant Monsieur le Doyen et Messieurs les Gouuerneurs pour estre examinez leur est enioint d'apporter le certificat de leur martyre ou mariage dont la teneur s'ensuit.

Nous soussigné^ N. certifions que N. a esté accordé à Saint- Près, fiancé à Saint Innocent , marié à Saint Merry , les nopces faites à la Grimace, le souper à la valée de Misère, et de là coucher à la riie de la Tannerie, et le lendemain s'en alla (comme son devoir estoit) aux Martyrs, et sa femme aux filles repenties, et à leur retour en leur maison, si^e en la rue d'Amour sans souci, à présent appelée rue des Afflictions, et paroisse de songe\-y : auparauant se sont présente \ chacun un bouquet, l'un fait de soucy, et Vautre de diuerses pensées, et pour les conseruer les ont mis rafraischir dans une phiole d'amertume remplie de larmes tombées du fin fond de leur en- tendement.

Et vous tous à qui le semblable arriue plus souvent que tous les iours, posez pour baze de votre espérance ce petit prouerbe tant usité, patientia vincit omnia, la patience surmonte toutes choses en nostre endroit. C'est la reine des vertus, aussi sera (t) elle à la face de nostre Labaron ou enseigne auec la souffrance qui sera au reuers, et nous fera sa harangue (malheur à nous) qui ne vous est que par trop connue, usque ad finem patieris : tu endureras iusques à la fin. Sus donc, mes chers frères, pre- nons courage., qu'un chacun garnisse sa bourse au desceu de son persécuteur, afin qu'après que nous nous serons deuëment ac- quitez de nos charges et deuoirs à l'endroit de la Confrairie, nous nous transportions au lieu nommé la Consolation, seis en la rue d'Allégresse, à la joie nompareille, pour là nous consoler les uns les autres et nous conter nos fortunes, chacun scait les siennes; et aussi, si quelqu'un auoit usé de quelques paroles des-honnestes à l'endroit de son persécuteur, il en laue sa


MAN


bouche auparauant que de se mettre à table, où sera préparé le festin somptueux et magnifique, garni de (ie ne vous dis rien) toutes sortes de mets, apportez du royaume sans nom.

Statuts de la Confrairie. — Item sera fait eslection de deux maistres les plus souffreteux et persécutés qui se puissent trou- ver entre les confrères, et seront tenus establir des commis en diuers endroits pour la commodité de ceux qui voudront se faire enrooler.

Premièrement, en la rue qu'on appelle, va te coucher sans souper.

Secondement, en la rue, ie suis maistre quand ie suis seul.

Troisiesmement, en la riie, souuent faut que ie me taise.

Quatriesmement, en la rue doublée de reuesche.

Cinquiesmement, pour les sœurs, en la riie pauée d'andouilles sans cuire.

Sixiesmement, en la rue donnez leur du bon dans la mitaine.

Septiesmement, et nous ne receurons aucuns confrères si leur chappeau ne tourne.

Huictiesmement, et ne receurons aucune sœur, si elle ne sait dire, merci Dieu, les mains. sur les roignons.

Neufiesmement, est fait deffenses à tous ceux et celles qui sont tels, comme cy dessus a esté dit, de s'y présenter, à peine d'en- courir un affront signalé en présence de toute l'assemblée. Fait ce iour de ma grande affliction, au mois de mon martyre, l'année prens y garde si tu veux.

Tres-chers frères et sœurs, vous serez aduertis de vous trouuer audit lieu des Martyrs, au matin, pour y receuoir vostre distri- bution et vos bouquets à l'accoustumée, le lendemain des festes de Pasques.

MANTEAU (Compagnie du) à Florence . Cette association, ou Compagnia del Mantellaccio affectait le mépris des richesses; et devait son nom au mauvais manteau dont s'affublait le pré- sident. Une satire portant ce nom et dont il y a deux éditions, sans date et 1572, très-rares et très-chères l'une et l'autre, a été


MAR


attribuée à Laurent de Medici (i). Il en existe d'autres éditions de 1584, 1597, 16 10, et il a été publié à Florence en 1861 une réimpression fac-similé de l'édition de 1578. La Compagnia del Mantellaccio a eu l'honneur d'être citée parmi les textes de langue par l'Académie de la Crusca.

MARIONNETTES (Ordre des). Voici encore une fiction qui n'a existé que dans l'imagination d'un poète. Travenolj homme de lettres, protégé de Mgr. le prince de Conti, grand-prieur de France, chez lequel il demeurait, créa, de son autorité privée, un Ordre des Marionnettes (1), présidé par Polichinelle, ayant pour secrétaire Turlupin, et pour vice-président Carnaval. Cet ordre avait des statuts et l'on y délivrait des brevets. En voici un qu'on lit dans les Œuvres mêlées du sieur *** (Travenol), 1775, in-8, p. 46-47, et qui est censé être délivré à une actrice de POpéra, qui devait probablement à ses gestes et à ses mouve- ments quelque droit à être comparée à une marionnette :

De par le grand Polichinelle, Maître du petit opéra, Composé d'acteurs sans cervelle, Comme il fut toujours et sera, Administrateur très-fidèle, Des trésors de la Bagatelle, Des Godenots (1), et cœtera, Dont souvent on rit et rira. A notre automate séquelle


(1) Les meilleurs critiques italiens, notamment A. -M. Salvini, regardent cette attribution comme erronée. Des détails bibliographiques au sujet de ces poésies burlesques se trouvent dans l'ouvrage de B. Gamba : Série dell'edi- %ioni dei testi di lingna italiana.

(2) Né en 17 10, mort vers 1780; ses nombreux écrits sont oubliés; il se fit connaître un moment par ses démêlés avec Voltaire, contre lequel il publia divers ouvrages satiriques.

(3) D'anciens dictionnaires donnent à ce mot le sens de « petite marion- nette d'escamoteur. » Un auteur burlesque a dit d'Enée qu'il avait emporté son père et ses godenots (ses idoles).


io MAR


Qui, dans nos comiques concerts, Fait valoir nos chants et nos vers Par le moyen d'une ficelle : Salut ; et lui faisons savoir, Qu'étant toujours en sentinelle, Pour bien remplir notre devoir, Il nous a plu de recevoir Une belle et noble demoiselle Dans notre irréprochable corps. Voulons que l'actrice nouvelle, Qui, par de séduisans accords, Comme la tendre Philomelle, Nous cause d'amoureux transports, Soit l'âme de nos chansonnettes, Qu'elle jouisse, toutefois, Des privilèges et des droits De nos chéries Marionnettes : Bien entendu qu'à nos Statuts, Qui ne peuvent souffrir d'abus, Ni pour le fond, ni pour la forme, En tout elle sera conforme. Mandons, en outre, à nos féaux , Que nous tenons pour nos égaux, De lui rendre un parfait hommage, De l'admettre à tous nos plaisirs, Comme un grand et beau personnage Qui, sans nul ressort ni cordage, Saura combler tous nos désirs. Telle est la volonté suprême De notre adjoint le Carnaval. Fait dans son cabinet jovial, Avec plaisir et sans emblème. Au mois où les matous en rut, Se rassemblent sur les goutières, L'an qui vit les stances ratières De YAlmanach de Bel^ebuth. Signé, par Nous, Polichinelle: Et sur le repli, Turlupin,


MAR


Des secrétaires le modèle, Ainsi que tout fagot in.

Nous n'avons pas besoin de dire qu'un érudit ingénieux, un membre de l'Académie des Inscriptions, M. Charles Magnin, a laissé, sous le titre à? Histoire des Marionnettes, un gros vo- lume rempli de recherches très-curieuses et très-piquantes.

MARMITE (Ordre de la). Il y eut un Ordre de la Marmite. Un livret, portant cette dénomination, se vendit à Lille en 1847.

Dans un recueil de poésies mss. in-4 composées vers 1760 par un habitant de la Ferté-sous-Jouarre, on trouve, au 44 e f°, une pièce intitulée: Brevet d'Empoisonneur du diable donné à

commençant ainsi :

s

De par le cuisinier d'Hédin Premier empoisonneur du diable, De par Mignot, de par Seguin, De par la troupe vénérable Des cuisiniers et marmittons

Il s'agissait de recevoir dans l'Ordre un gros abbé de bonne humeur qui avait manqué la veille un salmis de bécasse; sui- vant les statuts, on dansa deux pas de sarabande, puis on le coiffa de la plus grande marmitte en signe de bonnet de docteur et on le reçut dans V Ordre.

La pièce suivante, remercîment du précédent brevet, débute

de la sorte :

De par Seigneur Marmittonfa, Nous, directeur de la marmitte, Grand général de lèchefritte, Casserole, broche et ccetera....

Il finit par accorder un second brevet au gascon Delpy, autre abbé, paraît-il, qui avait médit de l'Ordre et de ses statuts, et on lui souhaite de ne plus rencontrer Goûin et de ne plus écouter aux portes.

Le savant auteur des Etablissements des Romains sur le Rhin et sur le Danube, M. Max. de Ring, a fait un livre curieux in- titulé : Sur le Voyage de la Marmite zurichoise à Strasbourg


12 MAT

en i5 76 (1). Cette Marmite était une sorte de réunion acadé- mique qui s'assemblait chaque semaine dans l'hôtel du Prêteur d'Autigny pour faire des lectures sur l'histoire locale. Dans la séance dont parle M. -Ring, on lut un article sur l'Alsace destiné au Dictionnaire géographique cL'Expilly (2) en présence de Schœpflin, auteur présumé de l'article, Koch, Oberlin, Ring, le Prêteur d'Autigny, qui tous rangés autour de la marmite, com- muniquèrent leurs observations. Ces conférences, on peut l'af- firmer, n'ont pas été perdues pour la science.

MATTE (Enfants ou Compagnons de la). On appelait ainsi autrefois les escrocs et les filous, parcequ'ils avaient coutume de s'assembler, dit Le Duchat, sur une place nommée la Mate. De mate est venu matois qui signifie rusé. Il existe un livret en vers : Le fin mathois ou le marchand meslé propre à tout faire. Pa- ris, 16 14.

D'après M. Francisque-Michel {Etudes de philologie com- posée sur V argot, i856), l'étymologie indiquée par Le Duchat n'est pas exacte; le mot matte vient de l'italien matto (folie), expression aujourd'hui hors d'usage et remplacée par matto^a. Les Enfants de la Matte seraient ainsi les Enfants de la Folie.

Le terme d'Enfants de la Matte se trouve dans les Apresdis- nées du seigneur de Cholières. Paris, i588 (3), et Leduc a dit dans ses Proverbes en rime, ou Rimes en proverbes (Paris, i665,

2 vol. in- 12):

Enfants qui sont de la matte Savent tous jouer de la patte.

(1) Uber die Reise des Zuer cher Breitopfes nach Strasburg vom Jahre 1 576 ; Bayreuth, 1787. Les bibliophiles recherchent un ouvrage d'un autre genre intitulé : La Marmite des capucins, rétablie par les miracles du Père Marc d'Aviano, Cologne, 1684 et i685. C'est une satire sortie de la plume d'un protestant.

(2) Ce Dictionnaire des Gaules et de la France (Paris, 1762-70, 6 vol. in- fol.) peut encore être consulté avec profit ; malheureusement il est resté ina- chevé; il s'arrête à la lettre S.

(3) Il a été donné récemment à Bruxelles une édition de ce volume cu- rieux (1864, petit in- 12, 340 pages); elle n'a été tirée qu-à 206 exemplaires.


MAU i3


Leur savoir leur portait quelquefois malheur; Brantôme dit avoir vu pendre un enfant de la matte qui avait dérobé la vais- selle d'argent de la cousine du prince de la Roche-sur- Yon. Voir d'ailleurs le livre de M. F. Michel, pag. 262-264.

MAUBEUGE (Académie des armes a). Maubeuge possédait une Académie des Armes, dont était M. Barès, si l'on en croit une lettre, ainsi signée, adressée à Mme Curé, sur le traité de Y Amour décent, délicat et dégagé des sens. (La Muse limo- nadière, tom. I, pag. 212).

MAUREPAS (Société dramatique de M. de). M. de Maure- pas donnait des soirées dramatiques très-courues, très à la mode, sous le règne de Louis XVI, à une époque où le goût de jouer la comédie s'empara de tout le monde et fit de rapides progrès. Depuis la Cour jusqu'au dernier manoir de province on éleva des théâtres de société sur lesquels s'escrima toute la noblesse de France & de Navarre. Le ministre de Maurepas composait des parades que jouait M. Gui de Miromesnil, le Scapin le plus fin, le plus délié et le plus véritablement comique d'entre les acteurs de société, le Dugazin enfin du théâtre Maurepas. Cet artiste improvisé, malgré ce genre d'occupation, ou peut-être à cause de ce talent de société, devint garde-des-sceaux de France. Ce qui fit éclore, en 1783, une diatribe sanglante, comme toutes celles qu'on faisait alors, elle était intitulée : Très-humbles re- montrances de Guillaume Nicodême Volanges, dit Jeannot, acteur des Variétés amusantes, à Monseigneur de Miromesnil, garde-des-sceaux de France. Elle avait trait à ces succès de théâtre à l'aide desquels le grand seigneur rivalisait avec celui qui avait fait le succès de la farce de Jeannot.

Fleury raconte dans ses Mémoires, qu'un soir, à la suite de la représentation d'une parade ou d'un proverbe chez M. de Maurepas, M. de Miromesnil ayant été fort applaudi dans un rôle d'ivrogne, excepté par M. de Vaudreuil, on demanda à ce dernier le motif de son abstention; il répondit que cette ivresse était contraire aux principes. Comme on se récria sur ce mot


MED


principes, M. de Vaudreuil posa cet axiome: M. de Miromes- nil cherche à chanceler, les vrais ivrognes cherchent à se retenir; M. de Miromesnil veut perdre l'équilibre, et le buveur qui va tomber, veut le conserver. Et il développa cette théorie si per- tinemment et si comiquement que les auditeurs s'amusèrent au- tant à ce commentaire qu'à la représentation de la pièce même.

MÉDAILLON (Ordre du). Cet Ordre a été fondé en janvier ou février 1765 par des admirateurs de Mlle Clairon qui se dé- corèrent d'un médaillon portant les traits de cette célèbre actrice et que l'on frappa à l'occasion du fait suivant.

Quatorze ans auparavant, vers 175 1, Garrick, célèbre acteur de Londres, vint passer quelques jours à Paris et eut occasion de voir jouer Clairon alors à ses débuts. Il prédit ce qu'elle serait un jour. Quand l'actrice fut arrivée à l'apogée de sa gloire, Garrick se rappela sa prédiction avec plaisir, et fit représenter, par Gra- velot, un dessin dans lequel Clairon figure entourée de tous les attributs de la tragédie , un de ses bras s'appuie sur une pile de livres; on y lit les noms de Corneille, Racine, Crébillon, Vol- taire, etc. Melpomène est auprès d'elle et la couronne. Au haut du dessin, on lit : Prophétie accomplie, et au bas ces vers : « J'ai prédit que Clairon illustrerait la scène, « Et mon esprit n'a point été déçu ; « Elle a couronné Melpomène, « Melpomène lui rend ce qu'elle en a reçu. »

Ces vers sont de Garrick.

Il fit frapper ce médaillon en bronze, et les enthousiastes du talent de Clairon le recherchèrent et le portèrent : ce fut l'origine de Y Ordre du Médaillon. Les flatteurs firent là dessus ces vers: Sur l'inimitable Clairon, On va frapper, dit-on, • Un médaillon.

Mais quelqu'éclat qui l'environne, Si beau qu'il soit, si précieux, Il ne sera jamais aussi cher à nos yeux Que l'est aujourd'hui sa personne.


MED


i?


Tout naturellement cet hommage rendu au talent d'une ac- trice trouva des envieux ; l'envie fit naître la satire,, et l'on ne tarda pas à faire la parodie suivante sur le madrigal qui pré- cède :

De la fameuse Fretillon (i), A bon marché, je crois, on vend le médaillon :

Mais à quelque prix qu'on le donne, Fut-ce pour douze sous, fut-ce même pour un, On ne pourra jamais le rendre aussi commun Que le fut jadis sa personne.

Si Mlle Clairon fut flattée du madrigal, elle devint furieuse après l'épigramme et menaça l'auteur de son indignation; celui- ci se déclara : c'était M. de St-Foix_, qui se vengeait ainsi de ce qu'un jour qu'on jouait à la Cour Olympie et les Grâces, Clai- ron ne voulut jamais consentir que Mlle Doligny, faisant un rôle de prêtresse,, se retirât un peu plus tôt que d'ordinaire, pour pouvoir reparaître dans la seconde pièce sans laisser d'intervalle, ce qui aurait engagé le roi Louis XV, qui ne pouvait souffrir les entr'acteSj à rester au spectacle.

L'enthousiasme ne dure pas, surtout en France où les esprits sont changeants; Y Ordre du Médaillon ne fut donc qu'un ordre


(i) Tel est le nom sous lequel Mlle Clairon est désignée dans un libelle violent intitulé : Histoire de mademoiselle Cronel, dite Fretillon , écrite par elle-même. Il est attribué à un comédien, Gaillard de la Bataille, qui avait été l'amant de cette actrice et qui voulut se venger de ce qu'elle lui avait donné son congé. Publiée pour la première fois en 1739 à la Haye (Rouen), in-12, cette satire, où il y a sans doute de la calomnie, mais où la médisance doit tenir une large part, a été plusieurs fois réimprimée. Une édition datée de Londres, 1782, 2 vol. in-18, se joint à la collection Cazin. L'auteur d'un poème dont on ne peut transcrire le titre (Senac de Meilhan peut-être) s'exprime ainsi:

« Vit-on jamais sous la céleste voûte,

Plus de débauche, un plus facile ton,

Que n'en offrit l'illustre Fretillon ?... »

Née en 1723, l'actrice n'avait encore que seize ans, lorsque YHistoire de Fretillon vint lui donner une célébrité fâcheuse.


16 MED

éphémère, qui n'attendit même pas pour tomber que l'artiste qui en avait été l'objet fut passée de mode et devenue vieille (i).

MÉDUSE (Ordre de la). Dans toutes les provinces on a éprouvé, à certaines époques de paix et d'abondance, le besoin de se réunir en petits comités particuliers et choisis,, dont tous les membres sympathisaient entr'eux, et avaient pour occupa- tion principale de chanter, rire et boire. Eloignés des grandes affaires de la capitale et privés de ses plaisirs vifs et bruyants., les provinciaux qui avaient de la santé, de l'aisance et du loisir, ne savaient mieux faire que de s'assembler ainsi pour couler le plus doucement possible les jours que la providence leur accor- dait. Ces sociétés locales, bornées souvent à un petit nombre de membres, n'en ont pas moins laissé des traces de leur existence: c'est ce qui fait qu'aujourd'hui nous trouvons des opuscules rares, il est vrai, mais curieux, qui nous révèlent les conditions d'existence de ces associations de plaisir.

En citant la Méduse, ne semble- t-il pas qu'on va parler de quelque chose bien effrayant, bien glaçant,, bien pétrifiant ? Ce mot, qui rappelle un affreux naufrage, et une foule de souve- nirs tristes et pénibles, nous paraît singulier comme enseigne d'une compagnie joyeuse. Il s'agit pourtant ici d'une société gastronomique et bachique dont la devise était : Lœtificando petrijîcat. La pétrification dont il est ici question paraît être une allusion à l'immobilité procurée par la boisson, nous n'osons dire par l'ivresse qui était strictement défendue par les statuts.

Cet ordre de chevalerie épicurienne fut institué à Marseille par des officiers de marine vers l'an 1 683 ou en 1 684 (2) ; suivant l'auteur de l'Ordre des Francs-maçons trahis (3), il aurait été

(1) Mlle Clairon est morte à Paris le 18 janvier i8o3 dans un âge fort avancé. Elle abaissé de curieux Mémoires publiés en 1 799 et réimprimés en 1822 avec une notice d'Andrieux. Voir aussi une Notice due à l'académicien Lemontey. Paris, 1823, in-8.

(2) Œuvres de Vergier, Lausanne, iq^i, pet. in- 12, t. II, p. 157.

(3) Amsterdam, 1763, in-8°, pag. 3 et 4.


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fondé à Toulon, par M. de Vibray. Quoiqu'il en soit, il prit une certaine faveur dans les ports de mer et parmi les marins qui observèrent ses statuts fort exactement. Les chevaliers se visitaient souvent d'une province à l'autre, et s'assemblaient pour tenir leurs chapitres dans des hospices nommés Manses> établis en différents endroits du royaume, et ces chapitres se tenaient à table.

Il reste une question qui jusqu'ici n'a jamais été bien éclaircie à l'endroit de VOrdre de la Méduse : cette société admettait- elle des femmes dans son sein et dans l'accomplissement de ses mystères ? Le livre des Francs-maçons trahis, cité plus haut, dit positivement que les dames étaient exclues de cette association. L'éditeur des Œuvres de Vergier annonce de son côté que les chevaliers se donnaient entr'eux le nom de père ou de frère, suivant la charge et la dignité qu'ils possédaient dans l'ordre; puis il ajoute : « Il y avait aussi des chevalières sous le nom de sœurs. » Le même recueil contient d'ailleurs des pièces qui prouvent assez que la Méduse recevait des personnes des deux sexes, des frères et des sœurs parfaitement unis entr'eux. Voici ce qu'on lit dans une des Lettres de la Méduse attribuées à Vergier; on ne nous persuadera pas que ces plaisanteries pou- vaient avoir cours d'homme à homme :

« Frères et sœurs sont fort dispersés; cependant avec le peu que nous avons pu rassembler, nous tinmes hier un chapitre, et nous devons encore en tenir un ce soir. Il fut fait grande com- mémoration des pères ahsens dans le premier; je crois qu'il n'en sera pas moins fait dans le second. Mais votre présence auroit été bien nécessaire dans l'un comme dans l'autre : car la joie ne sçauroit, sans vous, y être telle , que nos constitutions le deman- dent. Une de nos sœurs surtout (et vous devinerez aisément la- quelle c'est) est dans une tristesse que rien ne sçauroit adoucir.

Révérend Père commissaire, Hâtez-vous donc de revenir; Pour calmer nos douleurs, pour les faire finir, Votre présence est nécessaire.

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Par elle, de Bacchus les membres dispersés Se verront réunis et même renforcés : Et comme, après une longue froidure,

Le soleil par ses doux regards, En réchauffant nos champs y fait de toutes parts

Briller les fleurs et la verdure,

Du moment que vous paraîtrez,

Sûrement vous rappellerez La gaillarde vigueur à ses membres ravie.

Hâtez donc votre heureux retour : D'une mourante voix Bacchus vous y convie;

Il vous rendit cent fois la vie, Rendez -lui, sans tarder, la vie à votre tour.

« N'allez pas nous alléguer, pour justifier votre retardement, le soin de vos affaires^ ni celui de vos plaisirs ; vos affaires les plus importantes doivent être celles de l'Ordre, et tous les plaisirs que vous goûtez sans lui., sont autant de larcins que vous lui faites. »

Plus loin on lit un fragment d'une lettre en vers au sujet de la réception <Vune sœur, conçue en ces termes :


Pour n'en point encourir de blâme N'écoutez pas ses attraits séducteurs; Détournez vos regards de ses regards flatteurs, Le bandeau sur les yeux, examinez son âme.

Voyez si ces feux passagers, Si l'amour des blondins, êtres vains et légers,

Ne la tiennent point occupée :

Vous le savez, plus d'une fois,

Mon Père, en de semblables choix,

Votre prudence fut trompée; De là nous sont venus tant de divers malheurs. Aux plus beaux de ses jours, ô, des plus tristes pleurs

Source à jamais intarissable 1

Un général, de cent vertus orné,

Ainsi qu'une fleur moissonnée ; Et comme par le vent est moissonné le sable,


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Les pères dispersés en cent lieux différents, Les vices de leurs cœurs devenus les titans, L'union des esprits si charmante et si sainte,

En eux entièrement éteinte. Enfin, de tous les maux qu'ont les dieux destinés A venger leurs autels détruits ou prophanés, Pour ces prophanés choix, nous ressentons l'atteinte, A nous punir, leur bras semble se ralentir;

N'allons pas encore sur nos têtes Par des crimes nouveaux le faire appesantir : Détournons, s'il se peut, de semblables tempêtes....

Avant que de donner nos voix,

A la prosélite nouvelle, Sondons, examinons, éprouvons mille fois

Sa vocation et son zèle. Songez que parmi nous les grâces, les beautés

Que vous voyez briller en elle, .

Sont d'inutiles qualités; Nous demandons des cœurs simples, soumis, sincères,

Des cœurs, pour nos secrets mystères

Uniquement mystérieux,

Après le vin, après les dieux,

Aimant par dessus tous les Pères. Examinez-la donc d'un soin particulier; Remplissez les devoirs d'un exact commissaire, Et si vous lui trouvez la vertu nécessaire, Je lui donne ma voix, — Signé, le Chancelier.

Voici encore un autre fragment en quatre petites strophes dans lesquelles on cite une sœur du nom de De Brosse, ce qui ne laisse aucun doute sur l'admission de dames en chair et en os: Notre République irritée A la discorde s'est portée, Et se divise en deux partis : U amour même est le chef du nôtre, Les jaloux transports, les dépits, Se sont faits les tyrans de l'autre.

Remplis de craintes et d'alarmes, Les Bénaquins prennent les armes,


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Et de vaincre se sont promis ;

Les Brossins pleins de confiance

S'aiment, et de leurs ennemis

Ne prennent point d'autre vengeance.

Aux injures, aux invectives Des Bénaquins, troupes craintives, Les dieux en foule ont accouru, Pour prendre part à leur querelle : Mais dès que De Brosse a paru, Tous les dieux ont été pour elle.

Lasse d'une guerre inégale, Si la Bénaquine cabale Désire de faire la paix, Elle peut nous faire connoître Ses humbles vœux et ses souhaits*; On les écoutera peut-être

Pour nous, d'après ces diverses pièces, il reste bien avéré que des dames, de véritables dames, se mêlaient avec les chevaliers de la Méduse, et que les sœurs n'étaient pas des frères déguisés. Si nous hésitions encore, nous lèverions nos derniers doutes en jetant les yeux sur un charmant petit livret que nous possédons sous ce titre : Les agréables divertissemens de la Table, ou les réglemens de l'illustre Société des frères et sœurs de l'ordre de Méduse. A Lyon, chez André Laurens, seul imprimeur ordi- naire delà ville, rue Raisin, à l'ange Gabriel. M. DCC. XII. in- 12 de 64 pages, avec figures de Bouchet, surnommé YAfri- quain médusien, à la fois artiste et poète, puisqu'il a buriné les estampes et vignettes et composé les dernières stances du livre. A la page 9, la gravure nous représente les membres de la Mé- duse en fonction, c'est-à-dire à table; nous les y voyons entre- mêlés de dames dont les doigts ont délaissé le jeu de l'éventail pour tenir le verre d'une main ferme. Les deux sexes y sont en nombre parfaitement égal. Au-dessous de cette figure on lit ce distique :

« Turbam hilarem in rupes subito jubet ire Médusa « Mox oleum ; vitam quam rapit illa dabit. »


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Le catalogue de M. Leber (tom. I er , p. 417, n° 2629) et celui de M. M*** (1846, in-8, n° 705) indiquent une nouvelle édition, ou du moins un nouveau frontispice de ce rare opuscule, avec quelq les avoir toujours tendres. Legacque, à cheval sur les principes, com-


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mença par se regimber, mais dans la séance du mercredi 9 no- vembre i8o3, le président lui dit : « Que ce n'était pas sans y avoir mûrement réfléchi que la société avait adopté cette me- sure; que, composée de gourmands mûris par l'âge et une longue expérience, elle ne pouvait errer, même en s'écartant des routes battues ; qu'il convenait qu'une dinde braisée était un solécisme en cuisine, mais que la société, déterminée à en courir les risques, prenait sous sa protection spéciale l'honneur de M. Legacque, quel que fut le résultat de cet essai; qu'enfin elle entendait être obéie, et manger le mercredi suivant, 1 6 novembre i8o3, une dinde aux truffes braisée. » Et sans attendre de ré- plique, il leva la séance.

Legacque n'en dormit pas, et attendit avec angoisse l'heure de l'expérience qui réussit parfaitement, et dès ce jour la dinde braisée fut légitimée.

La Société des Mercredis date d'environ 1780 à 1782.

Les convives étaient au nombre de dix-sept.

Ils dînaient ensemble tous les mercredis, à 4 heures sonnant à l'horloge des Tuileries voisines de l'établissement de Legacque, siège des séances, de 1802 à i8o5 et plus, plus tard rue d'Antin.

La 4 e année de YAÎmanach des Gourmands (1806) est dédiée à la Société des Mercredis-, 17 personnes depuis 24 ans, y est- il dit, exercent chaque semaine en commun, leurs facultés dé- gustatrices.

Selon les règlements, tout profane est exclu des réunions; on s'est écarté de cet article en faveur de Grimod de la Reynière seulement.

Il y avait un président (peut-être Jourgniac de Saint-Méard), et un secrétaire-archiviste.

La société a pris naissance chez Villain, restaurateur, rue Croix-des-Petits-Champs, établissement continué par M. Barbet, son gendre.

Un jour Grimod de la Reynière déposa dans le sein de la So- ciété des Mercredis le secret d'un linimentum virilitatis y à l'aide duquel un adonis devient un hercule, et qui quoique bien

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innocent,, a des effets aussi surs que rapides. La société lui en exprima sa reconnaissance, quoique pour la plupart des membres qui la composaient une telle recette put paraître du superflu. Mais comme le superflu devient souvent chose très-nécessaire, le garde des archives de la société a dû être dans le cas de déli- vrer plus d'une expédition de cette précieuse minute pour satis- faire les désirs des amateurs qui joignaient à la conscience de leurs forces, le sentiment de leurs besoins.

A la fin de 1809, ou au commencement de 18 10, la Société des Mercredis fut dissoute par le peu d'accord qui régnait entre les anciens et les nouveaux membres et par suite de divisions in- testines dont la cause n'a pas été bien connue.

Nous voyons cependant que la société, toujours présidée par M. Griaud, se tient encore chez Legacque, rue de Rivoli, au commencement de 18 12, mais elle ne brille plus que d'un faible éclat; la division s'est mise dans son sein. Elle ne se rassemble plus que tous les quinze jours, elle avait alors duré dix-sept ans sans interruption.

Les membres de la Société des Mercredis avaient des sobri- quets analogues à leur goût et à leurs moyens gastronomiques.

Le président de la société, M. d'Aigrefeuille, était fier de s'appeler maître Dindon.

Le secrétaire perpétuel, René Alissan de Chalet, auteur de Y Ecole des Gastronomes, comédie jouée en 1804 au Palais- Royal, se nomme maître Turbot.

, Le trésorier, l'abbé Geoffroy, ce fameux critique qui pinçait vivement auteurs et acteurs, figurait sous le nom de maître Ho- mard.

Le titre honorifique de maître Écrevisse avait été décerné à Grimod, questeur de cette assemblée; ses doigts difformes n'é- taient guères plus adroits que les ciseaux de ce succulent crus- tacée.

Gastaldy, docteur médecin, fut président à mortier du jury dégustateur.

La 3520 séance du jury (mardi 16 janvier 1810), fut illustrée


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par la réception de l'illustre Louis de Cussy, inventeur de l'art d'assaisonner les poulets de 366 manières, de manière à changer chaque jour de l'année _, même dans les bissextiles. Ce jour, Jourgniac de Saint -Méard, président de la société des Gobe- Mouches_, fut élu à l'unanimité chancelier de l'Académie gas- tronomique; mademoiselle Minette Menestrier (née en 1790 à Besançon), et sa charmante sœur cadette, Augustine, furent pro- clamées gourmandinettes et membres honoraires du jury dé- gustateur.

Donnons un échantillon de la poésie qu'on chantait dans ces joyeuses et spirituelles réunions.

A Messieurs de la Société des Mercredis. — Air : Vlà c'que c'est qy? d'aller au bois.

Que j'aime ces fronts réjouis,

Ces visages épanouis !

Mes regards en sont éblouis, Et quand j'examine Chacun à sa mine,

Je dis de tous, en même tems :

Via c'que c'est qu'les bons vivants.

Les chers Apôtres de Momus,

En sacrifiant à Cornus,

Ont conservé les anciens us :

Buvant à plein verre,

Faisant bonne chère, Ils sont gourmets, ils sont friands : Vlà c'que c'est qu'les bons vivants.

Propos gaillards, franche gaîté Distinguent leur société : Rien de fardé, rien d'apprêté ;

Douce bonhomie

A l'esprit s'allie ; Souvent malins, jamais méchans : Vlà c'que c'est qu'les bons vivants.

A leur banquet est-on admis, On n'y trouve que des amis;


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Tous, par le plaisir réunis,

Se montrent affables,

Prévenans, aimables; Et tout fait répéter céans : Vlà c'que c'est qu'les bons vivants. D'Épicure joyeux enfants, En amitié toujours constans, Conservez bien ces sentimens :

Jamais à Legacque

Ne tournez casaque, Et qu'on dise encor dans cent ans : Vlà c'que c'est qu'les bons vivants.

MERCURIALES (Les). Conférences d'hommes de lettres ayant lieu à Paris tous les mercredis (Mercurii dies), vers 1660, en imitation de l'Académie française. Elles donnèrent l'idée à d'Aubignac de fonder son Académie dite des allégoriques. (Sal- lengre, tom. I, p. 3o8.)

MÈRE-FOLLE (Compagnie de la), de Dijon. Cette associa- tion compta parmi ses membres un prince de Condé; elle était une imitation de la Société des Fous de Clèves.

Elle se composait en partie de cavaliers,, en partie de fantassins tous bigarrés de vert, rouge et jaune, bonnet de même couleur à deux pointes ou deux cornes avec sonnettes ; ils tenaient à la main des marottes ornées d'une tête de fou. Le quartier-général était à la Poissonnerie.

Le chef, qui s'appelait la Mère folle, élu par la société,, et pris parmi les plus recommandables par leur bonne mine, avait une cour complète des dignitaires: grand écuyer, chancelier, officiers de justice, une garde suisse et des gardes à cheval.

L'infanterie, de plus de 200 hommes, portait sur son guidon des têtes de fous sans nombre avec leurs chaperons et plusieurs bandes d'or, et pour devise : Stultorum infinitus est numerus. Elle avait un drapeau à deux flammes de trois couleurs rouge, vert et jaune, de la même figure et grandeur que celui des ducs de Bourgogne, on y voyait représentée une femme assise vêtue


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des mêmes couleurs, ayant en main une marotte de fou et sur la tête un chaperon à deux cornes; avec une infinité de petits fous coiffés de même, sortant de dessous et par les fentes de sa jupe, avec une devise pareille à celle du guidon.

Les brevets étaient expédiés sur parchemin et écrits en trois couleurs avec sceau en cire de même, portant la même figure de Mère Folle, et signées par le Griffon vert comme greffier. — Dans les réunions gastronomiques chacun portait son plat. La Mère Folle avait 5o Suisses pour sa garde; c'étaient de riches ar- tisans de la ville qui montaient la garde à la porte de la salle de l'assemblée. Ils suivaient la Mère Folle à pied dans les rues; leur chef seul était à cheval.

Dans les occasions solennelles , la compagnie marchait par la ville avec de grands charriots peints, traînés par six chevaux ca- paraçonnés aux trois couleurs, avec postillons vêtus de même. Les charriots portaient ceux qui récitaient des vers bourgui- gnons, et qui avaient des costumes analogues aux personnages représentés. On s'arrêtait devant la maison du gouverneur, du premier président et du maire.

Cortège: quatre hérauts avec marotte, —capitaine des gar- des, — chariot, — deux hérauts. — La Mère Folle, sur unehaque- née blanche, — dames d'atours, — six pages, — douze laquais, — l'enseigne, — 60 officiers, —les écuyers, fauconniers, grands ve- neurs et autres. —Le guidon, — 5o cavaliers, et à la queue le fiscal vert et ses deux conseils, — les suisses fermaient la marche.

La Mère Folle, lorsqu'elle était seule, montait quelquefois un char à deux chevaux fait exprès; toute la compagnie précédait et suivait alors ce char. D'autres fois, lorsqu'on avait construit sur les chariots un théâtre capable de contenir avec la Mère Folle des acteurs en costume qui récitaient aux coins des rues des vers français et bourguignons conformes au sujet représenté. Une bande de violons et une troupe de musiciens étaient sur ce théâ- tre qu'on faisait tirer par douze chevaux.

S'il arrivait à Dijon quelqu'évènement particulier comme larcins, meurtres, mariages bizarres _, séductions , etc., alors le


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chariot et l'infanterie étaient sur pied, et Ton habillait une per- sonne de la troupe de manière à imiter en charge les héros de l'aventure : c'est ce qu'on appelait faire marcher la Mère Folle, ou l'Infanterie dijonnaise. A vrai dire c'était là le but de l'ins- titution. Sous le drapeau de la folie, cette société cherchait à tourner le vice en ridicule et à en faire une sorte de critique popu- laire qui pouvait servir d'avertissement public. Dans les vieilles pratiques du moyen-âge qui paraissent quelquefois des plus fu- tiles ou des plus burlesques, on trouve souvent, en les analysant à fond, une haute pensée de sagesse et d'utilité.

Cependant, comme tout dépérit et s'écarte du premier but choisi, il se glissa maints abus dans cette institution commencée dans un but de plaisir et même de moralité naïve. Aussi, cette singulière société fut-elle abolie par un édit de Louis XIII, rendu à Lyon, le 21 Juin i63o, comme contraire aux bonnes mœurs, au repos et à la tranquilité de la ville de Dijon, et d'un très-mauvais exemple.

C^cte de réception de Henry de Bourbon, prince de Condé, premier prince du sang, en la compagnie de la Mère Folle de Dijon, l'an i636. — Les superlatifs, mirelifiques et scientifiques, l'opinant de l'Infanterie Dijonnoise, régent d'Apollon et des muses, nous légitimes enfants figuratifs du vénérable Bontemps et de la Marotte, ses petits-fils, neveux et arrière-neveux, rouges, jaunes, verts, couverts, découverts et forts-en-gueule, à tous fous, archi-fous, lunatiques, hétéroclites, éventés , poètes de nature bisarre, durs et mois, almanachs vieux et nouveaux, passés, pré- sents et à venir : Salut.

Doubles pistoles, ducats et autres espèces forgées à la portu- gaise, vin nouveau sans aucun mal-aise, et chelme qui le voudra croire; que haut et puissant seigneur Henri de Bourbon, prince de Condé, prince du sang, maison et couronne de France, che- valier, etc., à toute outrance, auroit S. A. honoré de sa présence les fêtes et guoguelus mignons de la Mère Folle, et daigné re- quérir, en pleine assemblée d'infanterie, être immatriculé et récepturé, comme il a été reçu et couvert du chaperon sans péril,


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et pris en main la marotte, et juré par elle et pour elle ligue offensive et défensive, soutenir inviolablement, garder, et main- tenir folie en tous ses points, et s'en aider et servir à toute fin, requérant lettres à ce convenables; à quoi inclinant de l'avis de notre redoutable Dame et Mère, de notre certaine science, con- naissance, puissance et autorité, sans autre information précé- dente à plein confiant, de S. A. avons icelle avec allégresse par ces présentes, hureiu berelu , à bras ouverts et découverts , reçu et impatronisé, le recevons et impatronisons en notre Infanterie Dijonnoise, en telle sorte et manière que la demeure incorporée au cabinet de l'inteste, et généralement tant que folie durera^ pour par elle y être, tenir et exercer à son choix telle charge qu'il lui plaira; aux honneurs, prérogatives, prééminences, au- torité et puissance, que le ciel, sa naissance et son épée lui ont acquis; prêtant S. A. main-forte à ce que folie s'éternise, et ne soit empêchée, ains ait cours et décours, débit de sa marchan- dise, étofée et commerce en tous pays, soit libre partout, en tout privilégiée, moyennant quoi il est permis à S. A. ajouter si faire le veut, folie sur folie, franc sur franc, ante, sub ante,per ante, sans intermission . diminution ou interlocutoire, que le branle de la mâchoire, et ce aux gages et prix de la valeur qu'avons as- signé et assignons sur nos champs de Mars, et dépouilles des ennemis de la France, qu'elle lèvera par ses mains, sans être comptable. Donné et souhaité à S. A.

A Dijon, ou elle a été, Et où l'on boit à sa santé, L'an six cens mille, avec vingt-six, Que tous les fous étoient assis.

Signé par ordonnance des redoutables seigneurs buvans et folatiques, et contre-signe, Des Champs, Mère; et plus bas: le Griffon vert (i).

(i) Un livre savant et curieux: Y Histoire de V idiome bourguignon et de sa littérature, par M. Mignard, Paris, i856, in-8°, renferme de longs détails sur la Confrérie de la Mère Folle.


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MICHEL ARCHANGE (Saint), Explication de l'institu- tion, des règles et des usages de la Confrairie électorale de pour les agonisans. Érigée premièrement à Joseph- Bouy en Bavière, et depuis à Freisinghen, Bonn, Cologne, Liège, etc., impr. par ordre de S. A. E. de Cologne, à Lille, chez Ig. Fiévet et L. Daniel,-impr. du Roy, sur la Grand' Place. M. DCC. VI. in-4 de 6 feuillets et 56 pp. fig.

Dans la plupart des confréries de la Flandre surtout, on se con- tente de faire faire quelque service divin, et ensuite on se divertit à faire bonne chère. Il n'y a point de fête qui n'ait son festin, point de décès de confrère qui ne fournisse aux vivants une oc- casion de boire à leur santé, et de souhaiter bon voyage au défunt; c'est ce qu'on appelait en Flandre croquer la tête du mort-, cette coutume a encore lieu dans les campagnes où l'on ne renvoie point les étrangers après l'enterrement sans les réunir dans un grand dîner.

Cette confrérie avait une décoration, un ou plusieurs cos- tumes pour chaque membre, etc.

MINOTAURE (Société du). Elle n'a jamais existé, on peut le croire, que dans l'imagination de MM. Duvert et Lauzanne, auteurs d'un vaudeville portant ce titre, joué en i852 au théâtre du Palais-Royal. Tous les lecteurs de la Physiologie du ma- riage^ de Balzac, savent ce que c'est que le minotaure.

Ce vaudeville étant sans doute complètement oublié aujour- d'hui, nous allons donner sur son compte quelques détails que nous emprunterons au feuilleton d'un journal qui n'est plus : Y Assemblée nationale.

Supposez donc que le rideau se relève. Oscar s'avance, comme dit la chanson; Oscar veut voir son Eugénie, qu'un odieux tuteur destine à un rival plus odieux encore. Le rival se nomme Léopardin, le tuteur Dardouillet. Léopardin n'a peut-être pas les avantages frivoles que demande l'emploi des amoureux; mais, outre que son visage est assez pittoresque, il a un mérite bien plus solide aux yeux de Dardouillet : il est propriétaire,


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trois fois propriétaire, c'est-à-dire trois fois beau, trois fois jeune, trois fois aimable. De plus, Léopardin est un ancien ami, un frère, un membre de la société mystérieuse qui s'est fondée à Paris sur les principes de la Physiologie du Mariage^ et sous le nom de la Société du Minotaure.

Dans l'âge des bonnes folies,, Dardouillet s'était affilié à la fa- meuse Société du Minotaure. Il était garçon, il avait juré haine aux maris et haine au mariage. Il avait appelé sur sa tête les ténébreuses vengeances de sa société, s'il venait à trahir son serment; puis., il avait fini par trahir son serment. Retiré à l'écart, grisonnant, oublié, il s'est marié incognito. Voici pour la prudence ,- mais il a pris une jeune femme, ce qui est bien téméraire, et il s'effraie maintenant de sa témérité. Léopardin a fait comme lui, il a rompu ses vœux, il a connu le malheur. C'est là ce qui rapproche Dardouillet de Léopardin ; sans compter qu'une indiscrétion de Léopardin peut livrer Dar- douillet à l'implacable justice du tribunal occulte, et qu'il s'as- sure un complice muet en se donnant un neveu.

Il y a une fatalité sur les secrets. Avec quelque précaution qu'on les porte, on en laisse toujours tomber quelque chose. Oscar surprend celui de Dardouillet, et le voici maître de la si- tuation. Il y a, en effet, un terrible article 4 dans les statuts de la Société du Minotaure. Quand un sociétaire a fait la faute de se marier, l'article 4 l'oblige à recevoir un tiers dans son mé- nage. Oscar se présente donc comme le tiers et comme le ven- geur. S'il est un dieu pour les maris, qu'il protège maintenant Dardouillet ! Léopardin a déjà passé par là; il serre avec com- passion la main de son ami. Une réflexion cependant : Léo- pardin est-il donc veuf pour avoir subi son épreuve? Il ne l'est pas; mais il a joué un tour à la Société. Le traître a ébauché une sorte de mariage provisoire. La mairie avait négligé de publier les bans; peu importe : sur la seule apparence de la commu- nauté conjugale, un membre de la Société s'est aussitôt présenté au domicile du délinquant, et parlant à la dame Léopardin ou du moins soi-disant elle, a exigé le tribut du Minotaure. Aussi,


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Léopardin peut-il dormir sur les deux oreilles. S'il épouse Eu- génie, la Société n'a plus à intervenir dans le tête-à-tête; elle a été payée en fausse monnaie; tant pis pour elle, et l'axiome du droit romain prévaut dans toute sa force : Non bis in idem. Léopardin ne paiera pas deux fois.

Dardouillet n'a pas été aussi avisé que son ami. Il n'a pas même jeté un os à ronger au Minotaure; le Minotaure garde tous ses droits sur le ménage Dardouillet. Le ci-devant socié- taire tremble et sue à la fois. Oscar ne lui laisse pas de relâche, tant qu'à la fin le malheureux Dardouillet lui demande grâce, et que, tout en lui accordant la main de sa fille, il s'estime encore heureux d'en être quitte à si bon marché.

MODES (Académie de). Le projet de cette importante Aca- démie, bien digne d'occuper le peuple français, fut publié en l'année 1778, à la suite de la pièce intitulée : Les Panaches, ou les Coiffures à la mode, comédie en un acte, représentée sur le Grand théâtre du monde et surtout à Paris (attribuée à J. H. Marchand), Londres etParis,Besnos, 17 78, pet. in-8°de75p.(i). Suivant le texte imprimé., ce projet aurait été trouvé dans les papiers de feue la comtesse de C***. A-t-il été mis à exécution ? Il méritait certainement de l'être, et l'on doit à jamais regretter qu'une matière qui a porté le nom français aux extrémités les plus reculées du monde, qui a fait la réputation de tant de gens, et la fortune de tant d'autres, qui a fait vivre, étendre et pro- pager l'industrie française, et prospérer mille professions qui vêtissent, ornent, parent et décorent le corps de l'homme et surtout de la femme depuis les pieds jusqu'à la tête et même au- delà (puisque les pointes des cheveux sont comprises dans les


(1) Cette facétie dirigée contre les coiffures élevées que la mode variait et multipliait alors avec des recherches incroyables, est précédée, dans quelques exemplaires, d'un traité bouffon qui occupe 5-2 pages et qui est intitulé : Le parfait ouvrage, ou Essai sur la coeffure, traduit du persan, par le sieur l'Allemand, coeffeur, neveu du sieur André, perruquier, breveté du grand roi de Perse, correspondant du grand Turcs fctc.


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modes); on doit amèrement regretter, disons-nous, que le projet de la comtesse de G*** n'ait pas été réalisé; il eut peut-être sauvé à la France bien des commotions !

Quoiqu'il en soit, voici les bases de Y Académie des modes telles qu'elles furent jetées par celle qui en eut l'idée.

L'association se compose de 5o membres divisés en deux bureaux; l'un de 25 hommes; le second de 25 femmes. Ils seront choisis parmi les gens de la cour et de la ville signalés par leur bon goût et qui se distinguent par l'élégance la plus recherchée.

Le bureau des hommes se réunira tous les mardis. Le bureau des dames s'assemblera tous les vendredis (Veneris dies t jour de Vénus), de trois à dix heures, de manière à pouvoir encore assister aux spectacles les jours de séance.

Les deux bureaux se confondront une fois par mois en assem- blée générale pour arrêter ensemble la forme la plus séduisante des ajustements qui pourront convenir aux deux sexes. Néan- moins les hommes ainsi que les dames, feront séparément certains règlements qui tiennent à des parties secrètes de l'ajus- tement qui ne regarde spécialement qu'un seul des deux sexes.

Chaque bureau aura son secrétaire particulier qui sera perpé- tuel. La compagnie entière nommera son secrétaire en chef.

Chaque bureau élira, chaque année au jour de la Madelaine, son président ou sa présidente; et la compagnie entière en choi- sira pareillement un ou une, dont l'office cessera après l'année révolue.

Chaque année on nommera quatre censeurs chargés d'examiner les nouvelles inventions en modes et d'en faire rapport aux séances générales pour que l'attache de la compagnie y soit donnée ou refusée.

En guise de jeton de présence, il sera délivré à chaque cava- lier ayant assisté à une séance un ruban propre à faire un nœud d'épée et à chaque dame une paire de gants d'un nouveau goût. Mais ceux ou celles qui se seraient endormis pendant la séance perdraient leur droit à cette distribution. Il est essentiel d'avoir toute sa tête pour faire des règlements sur celle des autres.


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Tout inventeur, fabricant ou marchand sera tenu de remettre au secrétaire de chaque bureau, selon la compétence, l'invention ou le chef-d'œuvre qu'il entreprendra d'accréditer, même les re- mèdes à la mode ; il sera fait rapport à la prochaine séance.

Il sera établi deux chaires de modes, où deux professeurs, homme et femme, feront chacun un cours, une fois par semaine, sur l'art d'inventer et de perfectionner les objets de goût, de coquetterie, de parure, et généralement tout ce qui tient et se rap- porte aux moyens de plaire.

L'on distribuera annuellement deux médailles de 5oo livres, comme prix de distinction, à ceux qui se seront le plus signalé par des inventions nouvelles ou par la pratique assidue des nouveautés. Il y aura deux accessit pour les élèves les plus dis- tingués.

Les prix de la présente année (1778) seront décernés à celles qui justifieront avoir porté le bonnet le plus élevé en pyramide et à celui qui aura décoré ses pieds des boucles les plus colos- sales.

Il y aura à l'Académie des honoraires, des vétérans et quatre pensionnaires.

Les fonds de la compagnie seront établis sur les réceptions des tailleurs, perruquiers, chapeliers, dessinateurs, bijoutiers, marchandes de modes, etc.

Les acteurs et actrices seront invités deux fois l'an à des séances de l'Académie pour se perfectionner dans l'art de se vêtir avec élégance.

La médaille de l'Académie est un vaisseau en pleine mer, avec toutes ses voiles déployées; quatre vents le soufflent en sens contraire, et l'amour tient le gouvernail; Momus,une lor- gnette à la main, est à la poupe, environné d'enfans ailés et faisant des boules de savon. Autour on lit : Mors aut saîus ex ventis (un vent les établit, un autre les détruit). Au revers, une renommée dont la coiffure se perd dans les nues; elle a à la main pour trompette une corne d'abondance, d'où il tombe des écus, des fleurs, et des papillons, avec ces mots autour : Plus


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dat quant sonat (ses largesses surpassent son bruit). Des génies, en bas, tendent les mains pour recueillir la manne précieuse.

On ne pourra admettre dans cette Académie aucun membre des sociétés déjà établies, mais tous les états pourront y être admis, même les abbés et les dames de théâtre.

MODÈNE. (Société de), vers i525. — Le modénois Grillen- zone(i), fonda une société littéraire dont les membres se réunis- saient à table. Pendant le repas, tantôt ils devaient composer une épigramme grecque ou latine, un sonnet ou un madrigal sur chacun des mets qu'on leur présentait, tantôt ils ne pou- vaient demander à boire que dans la langue dont le chef du ban- quet s'était servi le premier. Un autre jour, chacun devait citer tous les proverbes relatifs à un animal, à une plante, à un mois, à une sainte, à une passion, etc.

Cette Société modénoise, à la fois littéraire et mangeante, paraît s'être éteinte en même temps que son fondateur, Grillen- zone, qui mourut en 1 55 1 .

MOINEAUX (Le Club des). Nous n'affirmons pas que ce club ait réellement existé, mais nous pouvons du moins donner à son égard ce que nous offre un article inséré dans un vieux journal et signé d'un nom aimé du public.

Sous la dénomination générique de club, il existe en Angle- terre une foule d'associations qui souvent s'occupent de choses bizarres en apparence, mais dont les efforts, traduits d'une ma- nière plus ou moins étrange, tendent presque toujours vers un but d'utilité générale. De ce nombre, il faut compter le Club des Moineaux, qui s'est donné la mission éminemment sociale de poursuivre à outrance et de détruire, par tous les moyens en son pouvoir, l'intéressant volatile dont il arbore bien traîteuse- ment le nom sur sa bannière.

Par quel destin fatal l'infortuné pierrot, cet être inoffensif au

(i) Ne pas le confondre avec Orazio Grillenzone, peintre et sculpteur, qui fut un des amis du Tasse, et que ce grand poète a fait connaître en intitulant un de ses écrits en prose : Grillenzone o VEpitafio.


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premier chef, et dont, au rapport des naturalistes, la vie séden- taire est exempte de reproche, est-il devenu l'objet d'une croi- sade impie de la part des pacifiques gentlemen, nos amis d'outre- Manche? C'est, nous hésitons d'horreur à le redire, pour le punir de ses nombreux et abominables forfaits à l'encontre de l'agriculture et de la civilisation. En été, cet ennemi de l'ordre gaspille les groseilles et les cerises, il dévaste les champs de blé et les jardins; en automne, il dévore les raisins, les fruits et les semailles; en hiver, il se tient aux aguets, tout proche de nos habitations où il fait élection de domicile ; il pénètre dans nos greniers, qu'il met à sec ; il entre dans nos colombiers, et con- trairement à toutes les règles du droit, il s'approprie la nourri- ture de nos timides colombes. On en a même vu, véritables can- nibales, pousser l'audace et la voracité jusqu'à déchirer tout vif le gésier de jeunes pigeonneaux et se repaître, avec une joie sauvage, des graines qu'il renfermait, et déjà en partie décom- posées par la digestion !

A ces actes si coupables au point de vue de l'influence morale qu'ils peuvent exercer sur les masses, il faut joindre le préju- dice matériel qu'ils causent à la société tout entière sous le rap- port des approvisionnemens. Buffon, le grand naturaliste, éva- lue la consommation d'un moineau à 5 kilogrammes de froment par année. Or, en supposant que cette vengeance volatile, très- prolifique d'ailleurs, compte pour la France i5 millions de têtes, chiffre nullement exagéré, la part qu'elle prélève sur nos mois- sons serait de 75 millions de kilogrammes ou de 1 milliond'hec- tolitres. On conçoit donc, parle temps de disette qui court, l'ar- deur belliqueuse dont les Anglais, moins approvisionnés que nous-mêmes, font preuve contre desconsommateursaussi nom- breux, aussi à craindre.

Ces griefs justifient dans de certaines limites l'existence du Club des Moineaux, composé de tout ce que la perfide Albion renferme de philanthropes et de réformateurs. Cette association, humanitaire au plus haut degré, a tenu ces derniers jours son meeting annuel, dans un bourg-pourri de la Grande-Bretagne.


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Ce meeting consiste en un dîner, qui se compose principalement de pierrots mis à toutes les sauces. Or, c'est surtout en mangeant de ces mets peu agréables, que les membres du club contractent une sainte horreur pour ce volatile impudent, et jurent de l'exter- miner jusqu'au dernier. Entre la poire et le fromage, des récom- penses ont été remises à ceux des membres qui s'étaient le plus illustrés en combattant l'ennemi commun.

Le premier lauréat est un M. Plummer (quel nom pour un oiseleur aussi habile!) porteur de 5,8 12 pauvres bêtes, qu'il a déposées sur le bureau,, et dont on ne nous dit pas la condition. Etaient-elles en vie ou dans des cages? étaient-elles mortes et emplumées? étaient-elles rôties ou à l'état de conserves ? C'est ce que le compte-rendu néglige de nous apprendre. Toutefois, M. Plummer, avec les félicitations du président et les nombreu- ses marques de sympathie de la part de l'assemblée, a reçu, pour son beau fait d'armes, une prime de 10 shillings, soit 12 fr. ou 220 sous, vieux style. Mais^

Pour célébrer des cœurs humains,

Contre pierrot la triste haine,

Dix shillings morbleu ! dix shillings,

Ce n'est pas un sou par douzaine ! Le second lauréat, un M. Forris, n'est point, à l'endroit du pierrot, coupable d'une Saint-Barthélémy pareille. Dieu merci, il n'a sur la conscience que 3,696 pauvres bêtes et, pour cette action d'éclat, il reçoit cinq shillings; après lui il n'y a plus eu que des mentions honorables. On voit par ces chiffres que le club ornithocide ne se ruine pas en récompenses et qu'au vil métal, objet de recherche de la part des esprits vulgaires, ses membres semblent préférer l'honneur d'avoir été utiles à l'hu- manité. Dans un siècle comme le nôtre, c'est un détail qu'il faut noter.

Pourtant, la question qui nous occupe a aussi un côté vérita- blement sérieux. Ce sont les services que les oiseaux peuvent rendre au point de vue de la destruction des insectes nuisibles à l'agriculture. Les dégâts que le moineau cause à nos moissons


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et à nos jardins doivent-ils nous le faire proscrire, comme on le demande de l'autre côté du détroit? ou bien, en considération des avantages qu'il peut nous procurer, n'est -il pas plus sage d'oublier ses méfaits et de lui laisser le soin d'anéantir les para- sites destructeurs dont les campagnes ont tant à se plaindre? Ainsi se pose le problème, qui est réellement digne d'un examen approfondi.

On sait que, depuis quelques années, les chenilles, les hanne- tons et les insectes de toute sorte, sous l'influence d'une tempé- rature trop douce en hiver, se multiplient outre mesure. Com- ment se débarrasser de ces êtres dangereux, dont la fécondité désastreuse tend sans cesse à rompre l'harmonie que la Provi- dence a si sagement ordonnée dans la création ? Tous les natu- ralistes s'accordent à considérer les oiseaux comme l'instrument au moyen duquel doit se rétablir l'équilibre. La mission de ces volatiles est de purger la terre des parasites que la grande cul- ture semble encore vouloir développer. Ainsi, le pinson, le ros- signol, la fauvette, le rouge-gorge, sont pour les chenilles de redoutables ennemis. Mais le plus à craindre de tous, c'est le moineau vorace, lequel, au moment où les larves sortent de leur retraite, alors que les fruits et les graines manquent absolument, se livre, avec une ardeur insatiable comme sa faim, à la destruc- tion des chenilles, des hannetons, des sauterelles, enfin de tous les ennemis secrets de notre agriculture. Un agronome anglais, Bradley, soutient qu'au moment de la couvée, le mâle et la femelle absorbent 40 chenilles par heure, soit environ 220 par jour. Or, combien cette consommation, déjà considérable, ne doit-elle pas encore s'accroître à la naissance de la jeune famille et lorsqu'elle est devenue adulte ?

Reste à savoir si les services rendus compensent les dégâts. Déjà nous avons dit avec Buffon, qu'un moineau consomme durant l'année 5 kilogrammes de froment; eh bien ! les insectes dont il se nourrit, détruiraient-ils dans les récoltes pour une valeur moindre ou supérieure? Nous croyons que la perte cau- sée par les insectes serait beaucoup plus forte. Dans lePalatinat


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et en Ecosse, après avoir institué des primes pour la destruction du volatile, on a dû en instituer pour encourager sa reproduc- tion, les récoltes se trouvant de plus en plus ravagées par les parasites, à mesure qu'il avait disparu.

En France, la législation reste muette contre les insectes, et c'est là une grave lacune qu'il faudrait nous hâter de remplir. Mais, relativement aux oiseaux, la loi du 3 mai 1844 donne à l'administration un pouvoir tutélaire qui lui permet d'en mul- tiplier ou d'en réduire le nombre suivant les circonstances. Un département se trouve-t-il infesté par les moineaux : le conseil général, en les rangeant parmi les animaux nuisibles, peut aussitôt en permettre la destruction toute l'année. Si, au con- traire, le moineau est devenu rare, et que, pour réprimer les ravages des chenilles, des hannetons, des sauterelles, sa multi- plication devienne nécessaire, le conseil-général doit le protéger contre toute poursuite, tout engin- qui empêcheraient le repeu- plement. Enfin, et comme moyen terme, le préfet pourrait, après la fermeture de la chasse, autoriser la destruction du moineau pour cause de dégâts, quand bien même le conseil-général ne l'aurait point prescrite par ses déclarations.

Avec ce système, éminemment applicable à toutes les circons- tances, il sera bien facile de maintenir l'équilibre dans les exis- tences volatiles et d'en proportionner le chiffre aux exigences de l'agriculture. Quand au Club des Moineaux, puisse-t-il ne pas se repentir un jour de la guerre si injuste déclarée par lui à l'oi- seau le plus sociable, et que la plupart de nos économistes, de nos savans et de nos hommes d'Etat, se souviennent avoir élevé jadis, lorsqu'ils étaient à l'école primaire! Jacques Valserres.

MOMUS (Soirées de). Une société lyrico-baccho-dansante, qui tenait ses séances dans le quartier Saint-Martin, sous le nom de Soirées de Momus, a cru devoir publier les productions de ses membres, dans Les Giboulées de Mars, chansonnier im- primé en 18 17.

« Et du Caveau fermé, consoler l'univers. »

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Parmi les membres de cette société, on voyait les noms fort ignorés de MM. Carpon, Festeau (i), Chavance, de F..., Cous- selle, etc., qui avaient pour président M. Conclus, tout aussi in- connu. Ces messieurs ont composé plusieurs chansons impri- mées dans les Giboulées, ainsi que M. Félix, qui soupait déjà chez Momus, et qui a voulu sans doute, dit la Petite Chronique de Paris (année 1817, p. 241), boire à deux tonneaux.

Au nombre des correspondants on cite un des bergers de Sy- racuse, M. Colau, et au nombre des invités M. Wolf, auteur de la chanson : le Bec dans Veau.

Les Soirées de Momus pour 18 18. Paris, Alexis Eymery et Delaunay, 181 8, in-18 de 2 5o pp. et 1 f* d'errata, plus deux grav. Recueil de chansons momusiennes, quelque fois avec la musique imprimée. Nous y voyons que M. Le Roy de Bacre, chevalier de la Légion-d'Honneur, avait été nommé censeur des Soirées de Momus, que cette société comptait parmi ses corres- pondants L. Grenier et Auguste D*** (qui figure et chante au banquet du 10 octobre 18 17), et pour invités aux soirées Henri T*** et Auguste T., P. Aze, Casimir Delavigne, Chavance de F..., Coupart (membre du Caveau moderne), Fulgence, Etienne Larrivée, A. de Rochefort.

Les membres des soirées sont MM. Armand Séville, J. Bou- cher, Bécour, Bonnier, le comte Dorfeuille, Emile Cottenet, Frédéric de Courcy^ Gentilhomme, Charles Hubert, Le Roy de Bacre (censeur), Maréchalle, Martin, Merville, René Perrin, L. Ponet, et Ernest Renault.

L'esprit de la Société était essentiellement royaliste. En 18 17, les soirées se tinrent chez Legacque, restaurateur au Palais- Royal. On fit une chanson là-dessus (Décour).

L'épigraphe ou devise était: le Soleil luit pour tout le monde.

(r) M. Louis Festeau s'est fait connaître depuis par de nombreuses chan- sons qui justifient ti'ôp SOUVent le titre qu'il a lui-même donné au recueil qu'il a publié en 1 842 : les Egrillardes. Dix de ces chansons sont reproduites dans les Chansons joyeuses du XIX* siècle. Verdun, Imprimerie particulière (Bruxelles), 1866, 2 vol. in*i8« 


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Voici le programme de cette société momusienne, qui lui tenait lieu en même temps de constitution, de statuts,, et de rè- glement. C'était pour elle une charte-vérité; elle est tout natu- rellement en chanson; chaque article forme un couplet :

La philosophie Momusienne. — Air du Fleuve de la Vie,

Fêter, pour embellir sa vie,

Le jour Vénus,

Le soir Cornus ; D'un joyeux enfant de Momus, C'est la philosophie.

Armé d'un refrain et d'un verre, Mettre sa gloire à bien trinquer; Quand vingt partis troublent la terre, Prendre celui.... de s'en moquer.

Fêter, etc.

Satisfait du peu qu'on possède Sans désirer ce qu'on n'a pas, D'un ami vrai n'implorer l'aide Que pour achever un repas.

Se moquer du fat qu'on renomme, Et malgré son rang, son crédit, De la férule frapper l'homme Sans avoir égard à l'habit.

Assis à l'ombre d'une treille, Le thyrse et la marotte en main, Confondre les ris de la veille Avec les ris du lendemain.

Offrir aux belles, pour hommage, Un cœur aussi dur que l'airain, Des enfans de son voisinage, Être le père ou le parrain.

Quand le cours des beaux ans s'achève, D'Atropos braver la rigueur,


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Et puisque la vie est un rêve Mourir en rêvant le bonheur.

Fêter, pour embellir sa vie, Le jour Vénus, Le soir Cornus, D'un joyeux enfant de Momus,

C'est la philosophie. Ck. Hubert, Momusien.

MOMUS (Soupers de). Une société mangeante, buvante et chantante, formée à Paris en i8i3, prit ce titre; elle a publié un recueil de ses chansons; nous possédons : Les Soupers de Mo- mus, recueil de chansons inédites pour 1820, 7 e année. Paris, chez Béchet aîné, libraire, quai des Augustins, n° 11, in- 18 orné de gravures.

Le premier banquet des Soupers de Momus eut lieu le 6 mars 181 3. Beauvilliers était le restaurateur des Soupers de Momus.

Le 5 juin 181 3 eut lieu un banquet auquel furent invités Dé- saugiers et Antignac, membres du Caveau moderne.

Un littérateur oublié aujourd'hui, P. J. Charrin, était de la société lyrique des Soupers de Momus; il n'oublia pas de se décerner ce titre sur le frontispice de son volume : Chansons et Poésies, par P. J. Charrin, membre de plusieurs académies, convive des Soupers de Momus; 3 e édit. Paris, Béchet, 1820, in- 18, fig. Nous pensons, sans avoir eu l'occasion de le vérifier, que ce volume est le même que celui qui est intitulé : Les Passe-Temps d'un Momusien, ou Chansons et Poésies de P.J. Charrin, de plusieurs académies. Paris, Delaunay, 18 17, in-18.

Etienne Jourdan composa une chanson en six couplets sous le titre : Momus n'est pas mort, ou les Soupers compromis, sur l'air de la Papesse Jeanne. {Nouvel Almanach des Gour- mands, 1826, t. II, p. 307.)

On cite de Piis, l'un des fondateurs des Soupers de Momus, un opuscule intitulé : Plan d'une association fraternelle et


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chevaleresque pour la délivrance des vins captifs, dédié aux convives des Soupers de Momus, par l'ermite de Montmorency, ex-général du Vaudeville, ex-prieur du Rocher de Cancale, et aujourd'hui simple visiteur des ordres bachiques, 1820, in-8°.

Signalons aussi : Cadet Buteux à V Ecole des Vieillards , pot- pourri en 5 actes, précédé d'un prologue, par M. Jacinthe Le- clère, convive des Soupers de Momus, 2 e édit., Paris, chez Duvernois, 1824, in-8° de 29 pages et une lithogr. en couleur.

Jacinthe Leclère est auteur de la Mort de Kléber, trag. en 3 actes, ornée du portrait du général.

V Anthologie lyrique, 2 e édition, ou Momus en délire, con- tient des œuvres de Momusiens et a dû sa naissance aux Soupers de Momus. Dans le Complément de ce livre [Paris, Béchet, 181 1 , in-i 2 de 78 pages)il y a des chansons de Masson de Morvil- liers, François de Neufchâteau, Pons de Verdun, Millevoye, de Jouy, et Delahaye fils, qui paraissent appartenir à la Société des Soupers.

Mayeur de Saint-Paul, acteur et auteur dramatique, le créa- teur du rôle de Danières du Sourd, ou V Auberge pleine, était membre des Soupers de Momus. Il mourut à Paris le 18 décem- bre 1818 après avoir mené une existence précaire, et parmi ses divers ouvrages, il se trouve des libelles qui ne lui font pas hon- neur.

M. de Saint-Laurent, l'un des convives des Soupers de Mo- mus, n'a mis au jour, de moitié avec M"*, qu'wwe Journée à Saint-Cloud, vaudeville.

En 1822, M. Eugène de Pradel, le fameux improvisateur, était correspondant des Soupers de Momus.

MOMUS (Le petit couvert de) de Dunkerque. Société joviale et chantante, fondée à Dunkerque vers 1825 par MM. Fonte- moing, Carlier, Pieters, etc. On se réunissait pour dîner, chanter et boire.

Ces réunions ont produit: i° le petit Couvert de Momus, 2* le Portefeuille du petit Couvert de Momus.


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MONCRABEAU (Diète de), voir Menteurs. Moncrabeau est une commune du canton de Francescas^ arrondissement de Nérac, département de Lot-et-Garonne, qui n'a d'autre célé- brité que celle d'avoir vu naître dans son sein tant et de si har- dis menteurs que son nom est devenu proverbial; ainsi l'on dit d'un homme qui débite une gasconnade renforcée, qu'il ar- rive de Moncrabeau. On a fondé dans plusieurs villes de France des Sociétés de Menteurs ,• elles se composaient de personnages reconnus pour être habituellement brouillés avec la vérité. On leur envoyait, de la part de la Diète de Moncrabeau, une pa- tente de menteur ou un brevet et lettres-patentes , en forme de privilège, qui les nommait Chevaliers de V ordre des vérités al- térées. Ces lettres imprimées , dans lesquelles on remplissait à la main le nom du récipiendaire, étaient signées par l'archi- chancelier Brise-vrai, contresignées du contrôleur Sans-vérité, et pour ampliation, par Crac, secrétaire. Chaque chevalier pou- vait proposer, et même recevoir dans la congrégation tout men- teur bien reconnu et avéré.

La Diète de Moncrabeau date du siècle dernier, mais elle a repris une grande faveur dans les armées sous le régime de la République. Dans le mois de vendémiaire, an XI,, il se tenait un chapitre à Douai, où l'on enregistra maints brevets dont un est entre nos mains.

La diète générale des menteurs était censée se tenir à Mon- crabeau 3 sur le fort de Riquet; il était juste que le chef-lieu de cet ordre célèbre et étendu fut situé en pleine Gascogne.

La prétendue Diète de Moncrabeau délivrait des brevets qui ressemblent à certains égards aux patentes de Menteurs. Il y a cependant des différences, et comme la postérité tiendra sans doute à les connaître, nous croyons utile de reproduire le texte de ces importants documents :

A notre bien- Aimé Salut. — Monsieur. — Nos Officiers

et Commissaires au Département de.... nous ayant fait sçavoir que depuis longtems vous vous étiez exercé dans l'Art noble de maltraiter toutes sortes de vérités, de broder les récits, en


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augmentant et diminuant aux faits qui arrivent dans ce monde terrestre; et que par des succès heureux, fruit d'une imagina- tion féconde et brillante, vous étiez parvenu à inventer des vérités qui n'ont jamais existées, à créer des Histoires qui, sans vous, auroient restées éternellement dans le néant, et qu'enfin, après une multiplicité d'expériences réitérées plusieurs fois par jour, vous vous étiez déjà acquis en ce genre de Litté- rature un Nom des plus illustres. Nous, toujours zélés à main- tenir et à accroître la haute réputation de notre Ordre, en le remplissant de bons et idoines Sujets parfaitement convaincus des talents rares que la nature vous a si libéralement prodigué en toutes sortes de Menteries, sans en être requis ni priés, avons jugé à propos de vous incorporer dans notre Diète, et vous re- cevoir en Frère bien-aimé, comme il paroît plus amplement par le Brevet et les Lettres-Patentes que nous vous envoyons, vous exhortant à persévérer toujours dans une si noble occupa- tion, à y faire même des progrès rapides, et à nous instruire, dans l'occasion, des Sujets qui, comme vous, pourroient faire honneur à notre Ordre, afin de les y incorporer, s'ils le méri- tent.

Fait et passé dans notre Diète générale, tenue à Moncrabeau, sur le Fort de Riquet, ce.... jour du mois de.... an... de la Ré- publique. Par nos Sieurs les Officiers - Généraux de la Diète. Crac, Secrétaire.

Brevet et Lettres -Patentes de la très-véridique société de Moncrabeau, en forme de privilège. — Nous, grand ar- chichancelier de la Diète générale de Moncrabeau^ et en cette qualité Sieur Haut -Justicier de la Ville et Fauxbourgs de Cracovie, Contrôleur -Général de toutes les Vérités qui se di- sent en ce bas monde, Chef forcé de tous les Hâbleurs, Men- teurs, Nouvellistes, Gens sans occupations, et autres personnes désœuvrées qui s'exercent dans le bel Art de mentir finement, sans porter préjudice à autre qu'à la Vérité, dont nous fai- sons profession d'être ennemis jurés : A tous ceux qui ces pré- sentes Lettres verront: Salut, joie, santé, et sur-tout haine


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pour la Vérité. Reçu avons les très-humbles supplications de plusieurs de nos Chevaliers et Officiers de la Diète qui nous ont exposé que le Sieur.... Habitant de.... désirant d'être agrégé dans ladite Diète, s'exerçoit depuis longtemps dans la noble Pro- fession de mentir, et qu'il y avoit fait de si grands et si rapides progrès, que dans peu il mériteroit la réputation de modèle par- fait en ce genre. A ces Causes, Enquêtes scrupuleusement faites des dispositions heureuses, des rares talens, des brillants succès dudit Sieur , voulant seconder le pieux désir qu'il a de pou- voir mentir avec autorité,, lui avons accordé et octroyé, et par ces Présentes, lui accordons et octroyons, dès-à-présent, la charge de grand Correcteur de toutes les Vérités qui se diront dans l'étendue de la République, le recevons en Frère et Cheva- lier de l'Ordre des Vérités altérées; lui donnons de plus, plein pouvoir d'y agréger, après un examen suffisant toute personne qui se présentera à lui, et par intérim lui fera expédier des Let- tres signées de sa main, et scellées du petit Sceau, à la charge par lui d'en envoyer un état à notre Bureau, et de se servir pour

son Secrétaire du Sieur , dont la capacité nous est connue,

pour qu'après un fidèle rapport, nos Lettres du grand Sceau lui soient expédiées. Ce faisant, lui avons donné et lui donnons pour toujours plein pouvoir de mentir impunément dans sa Ju- risdiction; comme aussi dans tous les Départemens, même dans les Pays étrangers , et généralement dans tous autres lieux en deçà et au-delà des Mers, où il se trouvera dépendant de notre Empire. Et pour l'effet de l'exécution de nos Ordres, Nous enjoi- gnons à tous nos Sujets de le publier et reconnoître pour tel, afin qu'on n'en prétende cause d'ignorance; à peine, contre les Con- trevenans, d'être punis sévèrement, suivant les Lois de la Diète. Car tel est notre plaisir. Donné à Moncrabeau , en pleine

Diète, sous le contre-Scel de notre Archichancelier, le jour

du mois de an II de la République. Brisevrai, Archi- chancelier. Contrôlé le ....jour du mois de.... an II, Sansvé- rité, Contrôleur, Par mondit Sieur Archichancelier, Crac, Secrétaire.


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MONCRABEAU (Société de), à Namur. A l'heure oîi nous écrivons, il existe encore dans la ville de Namur en Belgique une Société de Moncrabeau, qui a peut-être commencé, comme tant d'autres, par un badinage entre gens joyeux qui ne se gê- naient pas pour houspiller fort gaiement la vérité, mais qui a fini par devenir une honorable société de bienfaisance venant au secours des indigents à l'aide de concerts, de collectes et de loteries de charité. En décembre i85o, elle donna un charmant concert à la salle de spectacle au profit des pauvres. En février suivant, elle organisa une tombola de plus de 400 lots, parmi lesquels on distinguait deux magnifiques vases de porcelaine donnés par le vicomte Desmanel de Biesme, sénateur. Par une triste fatalité , cette société perdit le 17 novembre 1860, M. Clément Philippart, l'un de ses membres, qui, en se prome- nant, tomba dans une mare où il s'est noyé. — Malheureuse- ment ceci n'est pas un mensonge.

Empruntons à un journal belge quelques détails sur les Mon- crabeautiens de Namur :

« Le raout du Cercle artistique et littéraire. — Faut-il dire que la salle était décorée avec infiniment de goût ? Cela est, je pense, inutile. Cet éloge accordé quelquefois par une complai- sance banale, devait être nécessairement et justement applicable à une fête donné au sein de la Société qui compte parmi ses membres tout ce que la capitale renferme d'artistes éminents. Il y avait la plus belle décoration, celle dont aucun autre genre de luxe ne peut tenir lieu, et qui fait malheureusement défaut à beaucoup d'hôtels de grands seigneurs et de financiers. Nous vou- lons parler d'une nombreuse et intéressante galerie de tableaux, obligeamment prêtés par les auteurs ou par les propriétaires. L'examen des toiles qui faisaient à la salle du Cercle une si riche et si précieuse parure, aurait suffi pour remplir la soirée. Nous ne parlerons pas aujourd'hui en détail de cette exposition. Elle mérite qu'on aille la revoir au jour, et qu'on lui consacre un compte rendu spécial, ce que nous nous proposons de faire.

Les ministres avaient été invités à la fête. Plusieurs d'entre


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eux y assistaient : M. Rogier d'abord, l'ancien président du Cercle et l'ami des. arts, puis MM. les ministres des affaires étrangères et des travaux publics.

Un théâtre improvisé avec rampe, herse lumineuse et rideau, avait été élevé à l'une des extrémités de la salle. Derrière le ri- deau se préparait une surprise. A un signal donné, la surprise éclate sous la forme de la Société namuroisedite de Moncrabeau qui avait répondu à l'appel de la commission du Cercle et venait lui donner une des séances de musique qui lui ont procuré une grande popularité dans sa localité. Les Moncrabeautiens sont vêtus de costumes pittoresques, mais surtout indescriptibles; un mélange de persan, de moyen âge et de fantaisie carnavales- que fortement empreint du cachet de l'immortel Chicard.

Les Moncrabeautiens forment un orchestre de quarante vir- tuoses. Ils ont des instruments de leur invention qui n'ont pas d'analogie avec ceux de Sax, mais dont vous pourriez trouver les équivalents dans votre cuisine, au coin du foyer ou ailleurs. Il y en a en bois, en fer-blanc et en carton. Parmi les morceaux qu'ils ont exécutés avec une précision incroyable , on a remar- qué une sorte de symphonie pastorale renfermant des effets aux- quels Beethoven n'a point pensé, et une imitation de la fantaisie composée pour la musique des Guides sur les airs nationaux d'Angleterre et de Belgique, avec tintement de cloches, canons* etc.

Après la première partie du concert moncrabeautien, il y a eu un moment de repos , puis un intermède d'Un autre genre a commencé. Un piano se trouvait là: où n'y en a-t-il pas! Un jeune et intelligent artiste a bravement attaqué le clavier, pour improviser un accompagnement à des airs qu'il ne connaissait pas, et s'est tiré à merveille de cette tâche délicate. On a enten- du: deux chansons par M. Clesse, la célèbre relation du voyage d'un Tournaisien à Paris, chanté pan l'auteur lui-même qui a nom M. Leray, une chanson bruxelloise par M. Victor Lefevre et une poésie de circonstance récitée par M. Massart.

Ici un nouveau repos consacré à des causeries d'artiste devant


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les tableaux, puis bientôt après une nouvelle exhibition des Mon- crabeautiens. Ceux-ci se sont métamorphosés dans l 'entre-partie- Quand le rideau se lève ou plutôt s'écarte, on voit apparaître une troupe de Chinois, figurant assez bien, sur les gradins su- perposés qui ont été construits à leur intention _, un vaste para- vent venu en droite ligne du Céleste-Empire. Les braves Namu- rois donnent un second concert qui ressemble fort au premier, et qui n'obtient pas moins de succès, mais que nous nous abs- tiendrons d'analyser et pour cause. Ce qu'il faut surtout admirer dans ces exécutants, c'est le sérieux parfait avec lequel ils font leur originale cacophonie. Ils sont aussi graves que les aruspices romains; on ne surprendrait pas un sourire sur leurs lèvres.

Le concert terminé, la salle, en un clin d'oeil, s'est métamor- phosée, et un excellent souper, improvisé par Dubost, a réuni les artistes et les auditeurs. La commission du Cercle y avait in- vité tous les membres de la Société de Moncrabeau auxquels chacun s'est empressé de faire l'accueil le plus cordial et le plus chaleureux. Un toast a été porté par M. Vervoort, président du Cercle, à ces hommes ingénieux et modestes qui ont su faire tourner l'originalité de leurs plaisirs au profit de l'humanité et dont les pauvres de Namur ont pu tant de fois apprécier le dé- vouement et les services. Le digne chef d'orchestre de la Société namuroise, M. Bosret, a reçu aussi de M. Vervoort sa part méri- tée de remercîments et d'éloges.

En résumé, la soirée a été des plus joyeuses et des plus ani- mées. Les dilettanti ont pu regretter peut-être qu'on n'ait pas fait un peu de vraie musique. Ce sera pour une autre fois. Les raouts se suivent et ne se ressemblent pas, heureusement pour eux, puisque

« L'ennui naquit un jour de l'uniformité. »

MONOSYLLABES (Confrérie des). Henri de Lorraine, comte d'Harcourt, fils puîné de Charles de Lorraine, duc d'El- beuf, qui, suivant Tallemant des Réaux, avait mené dans sa jeu- nesse « une espèce de vie de filou, ou du moins de goinfre, » fonda


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une société de viveurs qu'il intitula : Confrérie des Monosyl- labes^ parceque chaque confrère y était connu sous une épithète ne formant qu'une seule syllabe. Ainsi le noble fondateur, qui était gros et court, s'appelait le Rond-, Nicolas Faret, de l'acadé- mie française, dont Boileau a placé le nom dans une de ses sa- tires, y reçut le nom de le Vieux: c'est pourquoi Saint-Amant le nomme toujours ainsi. Saint- Amant lui-même répondait au surnom de le Gros, et ainsi des autres. Lorsque trois confrères se trouvaient ensemble, ils pouvaient recevoir qui ils voulaient. La confrérie se composa de poètes, de chanteurs, de jeunes sei- gneurs, tous bons vivants. On pourrait presque regarder cette association épicurienne comme la première pierre qui servit plus tard de fondement au Caveau.

La Confrérie des Monosyllabes, dans laquelle Méziriac & l'abbé de Boisrobert durent aussi figurer, florissait de i63o à 1645, car Faret, secrétaire, et bientôt l'ami et le compagnon de plaisir du comte d'Harcourt, était déjà mort à la fin de 1646. C'était un franc buyeur, souvent cité dans les couplets bachiques du temps, par la raison surtout que son nom rimait richement avec cabaret.

Le joyeux fondateur de la Confrérie des Monosyllabes , né le 20 mars 1601, est- mort le 25 juillet 1666; un magnifique portrait de lui nous a été laissé par le célèbre graveur Antoine Masson. Il est connu sous le nom du Cadet à la perle. On lit ces vers sous cette gravure:

c L'honneur qu'il s'est acquis est sy grand et sy juste t Et l'on aura pour luy tant d'estime et d'amour, « Que comme les grands Roys prenent le nom d'Auguste, « Les plus fameux héros prendront celuy d'Harcour. >

MONTALEMBERT (Société dramatique de l'hôtel). 1784- 1786. M. le marquis de Montalembert, maréchal des camps et armées du Roi, d'une famille où l'esprit semble être héréditaire, avait le goût des représentations dramatiques ; il n'hésita pas à former, à la fin du siècle dernier, une société pour jouer ce qu'on


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appelait alors des comédies mêlées d' ariettes, et ce qu'on nomme aujourd'hui des opéras-comiques, dans le bel hôtel de Monta- lembert qu'il possédait à Paris, hôtel qu'avait occupé précédem- ment le comte de Clermont et ensuite le célèbre Réaumur. Les dames de sa famille, la marquise et la baronne de Montalembert, qui s'adjoignirent la comtesse de Podenas, voulurent bien se charger des rôles de femmes; plusieurs grands seigneurs se pré- sentèrent pour entrer dans la société de ces dames, et, sans égaler leur talent naturel et charmant, leur finesse., leurs grâces et l'expression qu'elles surent mettre dans leur chant et leur jeu, se firent encore remarquer dans les diverses représentations de l'hôtel Montalembert. Parmi ces nobles acteurs de société il faut citer le" fameux marquis de Bièvre, le chevalier d'Assas^ le vicomte de Podenas, dont un descendant a commandé un régi- ment de dragons à la fin de la Restauration, M. de Lagrange, le marquis de la Chevalerie, le vicomte de Saint-Hermine, M. de Boismorel, le comte de Nugent, le comte de Trion, M. de la Chabeaussière, et le marquis de Prunelay. Le chef et le promo- teur de cette élégante société, M. le marquis de Montalembert, ne jouait pas^ mais il était l'aîné de la troupe, et, au besoin, il composait les pièces du répertoire. Il eut pour fournisseurs de la musique de ses petits opéras les maestri italiens de Cambini et Thoméoni. Les représentations de l'hôtel de Montalembert paraissent avoir commencé en 1784 et ne se sont guères pro- longées au-delà de 1786. L'orage de la Révolution commençait déjà à gronder dans le lointain, la scène allait s'agrandir et s'ouvrir pour de terribles tragédies auxquelles la noblesse française devait fournir un bon nombre de victimes. Les chants cessèrent presque partout à dater de 1787.

Les noms des membres de la société dramatique de l'hôtel Montalembert et les œuvres théâtrales du maître de céans nous sont révélés par l'existence, d'un recueil fort rare contenant le théâtre du noble marquis. Il est composé des trois pièces sui- vantes : i° La Statue, comédie en deux actes, en prose, mêlée d'ariettes, par M. le marquis de Montalembert, musique de


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M. de Gambini, représentée pour la première fois,, sur le théâtre de l'hôtel de Montalembert, au mois d'août 1784 (sans nom de lieu ni d'imprimeur), 1786, in-8° de 55 pages. — i° La Bergère de qualité , comédie en trois actes, mêlée d'ariettes, par le même, musique de M. de Cambini, représentée pour la première fois sur le même théâtre le 24 janvier 1786 (s. n. de lieu ni d'imp.), 1786, in-8°de2 feuillets, et 69p.— 3° La Bohémienne supposée, comédie en deux actes, mêlée d'ariettes, par le même, musique de M. Thoméonis, rep. pour la première fois le 7 mars 1786 (s. n.), 178Ô, in-8° de 63 pages. — Ces trois productions ne furent imprimées qu'à petit nombre pour être offertes en ca- deau aux élégantes habituées de l'hôtel Montalembert. M. de Soleinne, qui avait rassemblé tant de richesses dramatiques, en possédait un exemplaire relié en veau marbré (catalogue n° 3559); plus heureux que lui nous avons pu nous en procurer et tranche dorée.

On aime à savoir la destinée des principaux acteurs d'une société si brillante. La marquise de Montalembert, née Marie de Comarieu, mariée en 1770, femme aussi aimable que spirituelle, passa à Londres vers 1790 et y fut abandonnée par son mari qui parut céder aux idées de la Révolution; il en adopta même les principes jusqu'au point d'invoquer le divorce pour épouser la fille d'un apothicaire. Cette conduite fit lever le séquestre mis sur ses biens et sur sa belle terre de Maumont. La charmante et délaissée marquise composa en Angleterre un excellent roman intitulé Elise Dumesnil. Lon- dres, 1798, et un en maroquin rouge à filets. Paris, 1800, 6 vol. in- 12.

Quant au marquis de Montalembert, devenu le doyen des généraux français et de l'Académie des sciences, il composa plusieurs ouvrages estimables sur l'art de fortifier les places, et mourut d'hydropisie le 29 mars 1800, à l'âge de 86 ans. Il fut proposé pour une place à l'Institut dans la section de méca- nique, mais il se retira en apprenant qu'il avait Bonaparte pour concurrent. Il laissa une foule de Poésies inédites. « J'ai de


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« Montalembert, dit Lalande en faisant son éloge (i), un grand « nombre de contes en vers et de chansons, que je voudrais « publier, parce qu'on y trouve de la grâce, de l'élégance et de « l'imagination. » Le nom de Montalembert est aujourd'hui aussi connu en France qu'en Belgique; il a retenti souvent à la tribune de la chambre des Pairs sous la monarchie française, et il a grandi encore, ce qu'on ne croyait pas possible, à l'Assem- blée législative sous la République.

MONTESSON (Société dramatique de M rae DE). La marquise de Montesson, née en 1737, épousa fort jeune un vieillard, vécut en province jusqu'en 1769, année où elle devint veuve; aimable, riche, spirituelle, elle fut bientôt remarquée à la Cour; elle aimait les arts et raffolait de la comédie. Elle captiva le duc d'Orléans, qui l'épousa secrètement le 23 avril 1773. Ce mariage secret fut d'ailleurs connu de tout le monde. Elle forma une troupe d'acteurs de société, et fit jouer des pièces de sa composi- tion où elle remplissait elle-même un rôle. Elle fit imprimer ses écrits sous le titre & Œuvres anonymes, Théâtre, Mélanges (par Mme de Montesson^ Collé et autres). Paris 3 de l'imprime- rie de Francois-Ambroise Didot Yaîné> 1782-1785, 8 vol. in-8, gr. papier fin d'Annonay.

Tiré à petit nombre d'exemplaires, tous donnés en présent. Des exemplaires ont été payés 2o3 fr. à la vente Lefebure, en l'an V; 259 fr. chez Méon, en i8o3; 325 fr. (rel. en maroquin), Soleinne en 1843.

Mme Drouin, du Théâtre-Français, reçue en 1742, retirée en 1780, après 38 ans de service , femme d'esprit, de goût et d'in- telligence, était plus propre encore à former des actrices qu'à l'être. Aussi, quelques années avant sa retraite, présidait-elle aux comédies de Mme Montesson. Ce fut même pour se livrer plus

fi) Magasin encyclop., VI e année, t. I er , p. 123-129. Voir aussi YEloge historique du général Montalembert ,par Laplatrière. Paris, 1801, in-8°, avec portrait.




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particulièrement à l'instruction de la troupe illustre de la Chaus- sée d'Antin, qu'elle renonça à la pratique du théâtre où elle rem- plissait les rôles de charge. .

Mme de Montesson., qui s'était chargée da la conversion du premier prince du sang_,le duc d'Orléans, était devenue souve- raine de son cœur, comme elle était maîtresse de son esprit. Le duc voulut l'épouser. Louis XV s'y opposa. Enfin on consentit à un mariage de la main gauche et sans éclat. L'abbé Poupart, curédeSaint-Eustache, fit la cérémonie. On dit même que M. de Beaumont l'honora de sa présence. Mme de Montesson chercha à prendre l'attitude de Mme de Maintenon à la cour de Louis XIV., et dirigea le duc d'Orléans vers les plaisirs honnêtes., les distractions permises., et le goût des arts et de la gaîté sans licence.

Elle avait son théâtre dans son hôtel de la rue d'Antin où elle jouait aver le prince. Celui-ci., né bonhomme et naïf, non-seule- ment réussissait, mais déployait un véritable talent dans les rôles où il fallait du naturel. Mme de Montesson remplissait les rôles d'amoureuses et de bergères. Les autres acteurs les plus renommés de cette compagnie étaient:

Le vicomte de Gand, M. de Ségur, le comte d'Onesan, la comtesse de La Marck, la marquise de Crest.

Le triomphe du duc d'Orléans était les rôles difficiles de For- tis des Dehors trompeurs et de Fruport de l'Ecossaise.

Mme de Montesson., un peu gênée par son embonpoint, ren- dait les rôles d'amoureuse avec plus d'intelligence et de grâce que de noblesse; la houlette allait assez singulièrement à cette figure fine mais trop bien nourrie (i). «Vous voyez, » disait à ce propos le duc d'Orléans, «que l'air de la campagne est très-bon pour ma bergère. » Dans les rivalités qui surgirent entre les troupes de la Chaussée d'Antin et de,Trianon, des épigrammes étaient lancées et rendues. Le comte d'Adhémar, à qui l'habit de berger dans le Devin du village allait si drôlement, se per-


i) Mémoires de Fleury.


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mettait de décocher des traits sur l'ampleur des charmes de Mme de Montesson qui le lui rendait bien; et s'il appelait la première in-folio-Philis, elle le nommait Tircis-Laflèche.

La troupe comptait d'autres acteurs inférieurs, mais ayant au moins pour eux la noblesse du maintien, la pureté de la diction,, de l'aisance, et cet usage du monde qui est déjà un avantage immense sur la scène.

De 1770 à 1780, rien ne pouvait être comparé à ce théâtre qui primait tous ceux de la société française.

Citons quelques passages des nouvelles de l'époque :

Avril 1778. — « Le petit théâtre de Mme de Montesson a été aussi brillant cet hiver que les précédents. Voltaire y parut deux fois et y fut reçu avec presque autant d'hommages qu'aux Français; le vieillard s'est mis à genoux devant le duc d'Or- léans qui avait été le recevoir dans sa loge. Mme de Montesson l'a relevé et embrassé en le comblant de caresses. Voilà le plus beau jour de mon heureuse vie! s'est-elle écriée avec attendris- sement. On a joué deux comédies de cette dame : la Femme sin- cère, tableau plein de grâce et de sensibilité, et V Amant roma- nesque, caractère plus original et ensemble plus gai. Le comte d'Ornesan a rendu un rôle de vieux domestique avec un natu- rel rare et une vérité digne du premier théâtre. La figure et la voix de Mme de Montesson ont toute la grâce, toute la fraîcheur de son esprit. Elle remplit les premiers rôles dans ses pièces et dans Zémire et Açor, la Belle Arsène, Aline et la Servante- Maîtresse. Ce spectacle a toujours attiré la plus brillante as- semblée.

« On y a donné la première représentation du Jugement de Midas, paroles d'un anglais, d'Hèle (1), musique de Grétry; cette


(1) Il s'agit de Thomas Haies, homme de beaucoup d'esprit, auteur de quelques écrits fort bien faits; on trouve à son égard d'amples et très-inté- ressants renseignements dans un volume aussi instructif que piquant du à M. Van de Weyer: Choix d'opuscules philosophiques, historiques et litté- raires. {Londres, i863). Cette notice, composée en 1854, occupe 74 pages et

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pièce a été jouée ensuite à la comédie italienne après que le théâtre de Montesson en eut la primeur.

« L'hiver de 1780 à 1781 attira tout Paris au théâtre de Mme de Montesson. On y joua son coup d'essai : Marianne, dont la première idée appartient au duc d'Orléans, qui en avait esquissé quelques scènes et l'avait tirée du roman de Marivaux. Puis vinrent l'Homme impassible et la Fausse vertu, les deux premiers ouvrages en vers écrits par Mme de Montesson; versi- fication aisée, pure et naturelle. On a clos cette année par la Réduction de Paris par Henri IV \ grand opéra, paroles du marquis Ducrest, pièce de Mme de Genlis, musique de Mereaux. Ouvrage assez maladroit et un peu ennuyeux. »

Janvier 1782. — « On joue sur le théâtre de Montesson les Maillotins, ou Paris sauvé, tragédie en prose de Sédainej exé- cutée par les acteurs ordinaires de l'illustre société. On a trouvé des défauts dans la pièce. 3>

Mme de Montesson est auteur de la Comtesse de Chamelles, pièce jouée aux Français où elle fut reçue avec froideur et même avec sévérité. Tirée en grande partie des Liaisons dangereuses de Laclos et de Clarisse de Richardson. On trouva dans une loge d'amis de la maison d'Orléans, qui paraissaient applaudir avec zèle de leurs mains, un sifflet placé sous les pieds de ces claqueurs. Pour quelques louis l'ouvreuse livra cet instrument oublié, et le duc d'Orléans le fit suspendre à un ruban dans le cabinet de Mme de Montesson entre les deux statues de l'Amitié et de la Bienfaisance, et quand cette aimable et généreuse dame parlait trop vivement d'un ami ou avait des retours vers la gloire, le prince philosophe donnait de la paume de la main sur l'instrument aux perdrix, et au sifflement qu'il en tirait, la trop confiante femme cessait son éloge ou laissait tomber sa plume , se rappelant une cruelle leçon.


forme la première des Lettres sur les Anglais qui ont écrit en français. Il est bien à désirer que les lettres qui doivent suivre une série aussi bien inau- gurée ne se fassent pas attendre longtemps encore.


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Les huit volumes que nous avons mentionnés contiennent des pièces de théâtre, des poésies, des nouvelles; rien ne s'élève au-dessus de la plus banale médiocrité. Renouard, dans son Ca- talogue d'un amateur (tome III, page 5o), s'exprime en ces termes: « Avec de l'esprit, des connaissances et beaucoup de qualités aimables, Mme de Montesson eut un travers, celui de se faire auteur et, qui pis est, auteur dramatique. Au moins di- minua-t-elle ce tort par l'incognito presque complet auquel elle condamna ses trop nombreuses productions, mais après les avoir fait magnifiquement imprimer. Ces huit volumes, exécutés avec un luxe de prince, ne furent dansle temps tirés qu'à douze exem- plaires, et j'ai su de l'imprimeur qu'il ne lui avait pas été permis de se réserver les deux exemplaires qu'accorde, sinon un droit réel, du moins un usage constant. Le succès de cette publication fut encore tellement équivoque que cette dame, un peu dépitée, ne tînt pas même compte de distribuer tous les exemplaires d'une si peu nombreuse édition ; elle en laissa la moitié périr dans ses garde-meubles. » Dans une note reproduite au cata- logue de vente de sa bibliothèque, en i853, Renouard dit qu'on lui a assuré que, des douze exemplaires, quatre avaient été per- dus.

Mme de Montesson était la tante de Mme de Genlis qui en parle en détail dans ses Mémoires (1). Elle mourut en 1806. Vol- taire avait assisté à une de ses représentations, et quoiqu'il n'y eut là que des acteurs très-médiocres jouant des pièces encore plus médiocres, le grand railleur qui flattait volontiers les per- sonnages influents, donna des signes d'un vif enthousiasme.

MONTGERON (Société dramatique de M. de). Paris et Hélène , tragédie en musique, représentée chez M. de Mont- geron, intendant du Berry en 1708. Bourges, in-4, (n° 1720 du catalogue de M. de M*, i85o, in-8).


(1) Voir aussi la Correspondance de Grimm, 1773, 1780, 1781, le journal de Collé, les souvenirs et portraits du duc de Lévis,


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Le titre de cette pièce qu'il serait sans doute fort difficile de se procurer aujourd'hui, atteste du moins l'existence de la société que nous enregistrons.

MONTMARTRE (Académie de). Cette société fantastique qui n'était qu'une allégorie prolongée sur l'ignorance et la sot- tise, adonné naissance à plusieurs ouvrages. Il y eut là une allu- sion aux ânes qui se trouvaient en grand nombre à Montmartre, par suite du travail des moulins; on suppose que ces quadru- pèdes avaient formé une académie.

Nous citerons :

Eloge de Varie, lu dans une séance académique par Chris- tophe Philonague (D. Joseph Cajot), aux dépens du loisir. 1782, pet. in-12 (1).

Eloge de Vasne, par un docteur de Montmartre. Nosce te, ipsum. Londres et Paris, Delaguette, 1769, pet. in-12 (2), de 59 pp.

Il existe une gravure imprimée en rouge, représentant la réception des sieurs Miolant et Janinet à V Académie de Mont- martre. Un chat avec un rabat et un âne habillé sont trainés dans un char attelé de six baudets brayants, et arrivent à tra- vers une double haie d'oies et de dindons, vers la butte de Mont- martre garnie à la fois de moulins et de l'aréopage académique formé de treize ânes, assis en cercle, le président au centre. La renommée, planant dans les nuages, proclame cette entrée triom- phante; au bas on lit ces vers :

Dans cette illustre académie, Où vous devez être reçus ,


(1) Le Coq-à-l'Asne, ou l'Eloge de Martin Zèbre, prononcé dans l'assemblée générale tenue à Montmartre par MM. ses confrères. Eh! eh! eh! eh! sire Asne! AAsnière, aux dépens de qui il appartiendra, 1000 700 60. in-8, de 23 pp.

(2) UAsne, 1729, in-12, par Louis Coquelet. Laus Asini, Lugd. Batav. en omc. Elz., pet. in-4-


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Que vous allez porter envie A vos confrères biscornus ? Quoique la cabale croasse, Laissez la paille en vos greniers; Montmartre est pour vous le Parnasse. Et les chardons sont vos lauriers.

Il y a : Pensées philosophiques d'un citoyen de Montmartre (par le p. Sennemaud, jésuite). La Haye et Paris, 1756, in-12.

Il y a aussi: Mémoires littéraires de Montmartre. Neuf- chdtel et Paris, Bélin, 1786, pet. in-12. — Espèce d'imitation des Mémoires de l'Académie de Troyes, sauf l'esprit et la gaîté répandus à pleine main dans ces derniers, et fort ménagés dans les premiers sans doute pour les rendre plus vraisemblables et leur donner la couleur locale.


MONTUZETS (Confrérie des). Diverses associations se créèrent à Bordeaux au XV e et au XVI e siècle; elles se propo- saient dans l'origine un but de piété, de chanté et de bonne fraternité; ces vues s'effacèrent peu à peu, et les réunions de ces associations devinrent des occasions de plaisir, des parties de campagne que précédaient cependant des cérémonies religieuses.

La Confrérie des Montu^ets était la plus célèbre de toutes. Louis XI se trouvant à Bordeaux, au moment où elle célébrait sa fête, voulut bien accepter le titre de premier confrère; il lui accorda des privilèges. C'était bien assez pour lui donner l'éclat qu'elle conserva longtemps. L'acte de confirmation accordé par ce souverain prouve que cette société existait déjà depuis longtemps.

Par lettres patentes, le roi donne en rente annuelle et perpé- tuelle, trois tonneaux de vin à prendre sur la connétablie, pour être employés aux frais de cette confrérie le jour qu'ils vont en procession à Montuzet; il permet aux membres de cette association de faire des pêcheries sur la rivière, et les prend sous sa protec- tion; ils peuvent choisir leurs habillemens de blanc et de rouge


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à leur guise. Enfin personne, s'il n'est du serment de cette con- frérie, n'a droit de passer gens ou chevaux sur la rivière.

Quelques jours avant la fête, des officiers de la confrérie par- couraient la ville, enseignes déployées, précédés de fifres, de tambours, avertissant leurs confrères de se préparer au voyage, a Les officiers font l'exercice, dit ou Tillet, avec leurs enseignes « dans les places publiques, dans certains cantons de rue, et « au-devant des hôtels des personnes constituées en dignité. Le « départ était précédé d'un repas splendide dans lequel ne « régnait pas toujours le bon ordre convenable. » (Voir un mémoire de M. L. de Lamothe sur les bénéficier s et sur l'église Saint-Michel, dans les Actes de V Académie de Bordeaux ,i 844, p. 538-540.

MOPSES (Ordre des). Le Secret des Mopses révélé (par l'abbé Larudan). Amsterdam, 1745, in- 12. Cet ordre doit son existence à un scrupule de conscience. Clément XII ayant excom- munié les Francs-Maçons en 1736, beaucoup de catholiques allemands, épouvantés par la bulle papale, renoncèrent à faire partie de la société, mais ils en formèrent une autre, qui, sans les exposer aux censures du Vatican, pouvait leur procurer les principaux agrémens delà Franc-Maçonnerie. Ils se mirent sous la protection d'un potentat allemand et prirent pour grand- maître un seigneur distingué du pays. Ils adoptèrent pour sym- bole un chien, emblème de la fidélité, et se donnèrent le nom de Mops, qui, en allemand, signifie Doguin.

Ils n'ont pas de serment, ne reçoivent que des catholiques et admettent les femmes qui peuvent même prendre tous les grades, celui de grand-maître excepté. 11 y avait une loge de Mopsés à Francfort; elle était gouverné six mois par un homme, six mois par une femme.

MORALE UNIVERSELLE (Ordre de la). Cet ordre a été fondé à Paris par une dame qui était, à ce qu'on disait, née dans l'Inde. Empruntons à cet égard quelques détails à un


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feuilleton de M. Amédée Achard, inséré dans l' Assemblée na- tionale^ du 21 décembre i85o.

« Madame Alina Deldir a institué un ordre de chevalerie,, avec autorisation et privilège du gouvernement, et délivre des brevets ainsi conçus: Ordre asiatique du cercle de morale universelle. Gloria in excelsis Deo. Dans un triangle le mot DIVI. Au- dessous : La Foi. — La Charité. — U Espérance.

« Nous, Alina Deldir, sultane d'origine mogole, maîtresse fondatrice de l'Ordre asiatique de morale de la noble porte de Véglise d'Eldir, fondation autorisée par la voie légale et approuvée, croyons faire une chose raisonnable et digne en comblant de nos faveurs les personnes qui se distinguent par leurs bonnes mœurs, leurs mérites, leurs actions d'éclat, leurs sentiments religieux; à cet effet, voulant honorer d'un titre spé- cial d'honneur, avons nommé chevalier de l'Ordre Asiatique, M. ***, dont l'objet est la foi de la conscience humaine dans la divine Providence. Nous informons tous les amis de la vérité que nous avons par le présent brevet créé, institué et solennelle- ment (sic) ordonné chevalier de l' Ordre asiatique de morale universelle... »

Au bas de ce brevet se trouvent, d'un côté la signature du grand-chancelier de Y Ordre asiatique, Gh. Mercier Deldir; et de l'autre, en grosses lettres, celle d'Alina Deldir, grande-maî- tresse de Y Ordre asiatique.

Un mot encore pour achever la description de ce singulier brevet.

La signature du grand-chancelier de l'Ordre asiatique est accompagnée d'un gros rat noir fort bien dessiné sur le papier. Pourquoi un rat, et pourquoi ce rat est-il noir?

Les trois vertus théologales, dont les noms brillent en tête du brevet délivré par la princesse Alina Deldir, sont séparées par des filets; trois figures d'animaux les accompagnent ; un léopard armé de formidables griffes, sous la Foi; un éléphant errant dans un petit jardin, sous la Chanté; et un tigre, orné d'une queue majestueuse, sous l'Espérance.


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« Quels rapports mystérieux existent entre ces trois animaux et les trois vertus théologales ? C'est ce que la princesse Alina Deldir n'explique pas. Peut-être ces trois figures sont-elles des symboles comme la bête de l'Apocalypse? Une imagination orientale peut seule rêver l'Espérance sous la forme d'un tigre, et la Charité sous les traits d'un éléphant. »

Les chevaliers de V Ordre asiatique de morale universelle portent à la boutonnière un ruban vert à liserés noirs.

« Quiconque a des prétentions à la vertu, les candidats au prix Montyon, tous les mortels enfin qui ont ou croient avoir com- mis de belles actions peuvent en toute assurance se présenter chez Alina Deldir et lui demander un brevet de chevalier. Les frais de chancellerie, d'enregistrement et autres ne coûtent pas plus de cent écus. »

« Mais deux brevets pris ensemble ne valent guère que cinq cents francs. »

« On ne saurait payer moins cher un bout de ruban vert à liserés noirs. »

<c L'Ordre asiatique a ses officiers _, ses commandeurs, ses grand'croix et ses plaques. On assure que la princesse Alina Del- dir traite de gré à gré avec les personnes vraiment vertueuses. »

« La morale universelle se contente de peu . »

MOROSOPHES (Ordre des). Ce mot, qui signifie sages dans la folie (i), désigne une société sans doute imaginaire qui était au fond la même que celle des Aphrodites dont nous avons déjà parlé. Peut-être y a-t-il eu quelque réalité dans ce qu'a écrit à cet égard le chevalier de Nerciat dans son très-licentieux ouvrage : les Aphrodites, 1793, mais il a sans doute énormé-

(1) Il existe un ouvrage d'un écrivain du seizième siècle : la Morosophie, par Guillaume de la Perrière, mais il s'agit de tout autre chose. Le volume imprimé à Lyon en 1 553 est un recueil d'emblèmes moraux accompagnés de vers latins et français. Devenu rare, il est fort recherché ; de beaux exemplaires ont été payés 89 et 125 fr. aux ventes H. de Ch. et Desq en i863 et 1866.


ment donné carrière à son imagination déréglée. Quoiqu'il en soit, nous allons donner d'après lui quelques indications qu'on joindra, si l'on veut, à celles qu'offre déjà l'article consacré aux Aphrodites.

Les Morosophes avaient une décoration qui se portait avec un ruban vert, liseré de ponceau, par les retirés en petit ordre, par les dignitaires effectifs au col, par le seul grand-maître et grande-maîtresse en grand cordon. Ces derniers exclusivement étaient ornés encore,, la grande-maîtresse du signe de la planète de Vénus brodé en argent sur un fond de satin ou paillon vert clair; la grande maîtresse du signe de la planète de Mars brodé sur un fond de satin ou paillon ponceau. Autour de ces deux plaques _, d'ailleurs égales, brillait une riche auréole à huit pointes,, de rayons de diamants, de rubis et d'émeraudes placés sur le cœur.

Une demoiselle ne pouvait être admise avant vingt et un ans; il fallait qu'elle fut autorisée par un proche parent, membre de la Société, ou tout au moins par un dignitaire membre de la famille de la postulante.

La Révolution fut fatale aux Morosophes-, plusieurs (au dire de Nerciat), périrent dans la journée du 10 août; d'autres furent égorgés lors des massacres de septembre. Les sociétaires qui purent trouver un asile à l'étranger trouvent aujourd'hui dans un pays que nous ne pouvons nommer une retraite délicieuse, des statuts épurés et des sujets d'élite. »

C'est probablement de X 'Ordre des Morosophes, ou Aphro- diteSj qu'il est question dans un autre écrit peu édifiant attribué à l'infatigable Nerciat, lorsqu'il fait dire à son héroïne :

« J'avais l'honneur d'être la principale dignitaire d'un ordre « voué au plaisir; l'un de mes plus importants devoirs était de « faire beaucoup et de bonnes recrues. »

MORT (L'Ordre de la tête de). i65i-i652. S'il y eut des esprits gais qui fondèrent des sociétés de récréation et de plaisir et qui allèrent peut-être un peu loin dans cette voie , il s'en ren-


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contra d'autres qui prirent avec exagération le chemin opposé et se jettèrent avec ardeur dans la tristesse et les larmes. Cette es- pèce d'aberration mérite tout autant d'être relevée comme pein- ture de mœurs que toute autre nuance de caractère. C'est pour- quoi nous n'oublierons pas de consigner ici un mot sur un ordre tout aussi bizarre dans son genre que les sociétés joyeuses les plus excentriques. Nous voulons parler de l'Ordre de la Tête de Mort institué en i65i, (d'autres disent en 1 632,) par Silvius Nimrod, duc de Wurtemberg- Eller, qui s'en déclara le premier grand-maître, et qui en créa sa mère, Sophie-Magdeleine, du- chesse de Lignitz et de Brieg, grande-prieure. Cette institution, ou l'on recevait hommes et femmes, était prête à disparaître au commencement du XVIII e siècle; elle fut rétablie en 1709 par Louise-Elisabeth, veuve du duc Philippe de Saxe-Mersbourg, petite-fille du fondateur, et, depuis cette restauration, on n'y admit que des dames (les hommes en furent exclus), qui jurèrent de se priver de jeux, de spectacles, d'habits ou d'équipages ma- gnifiques, et principalement de tout amusement ou apparence de galanterie. La marque distinctive de cet ordre était un ruban noir soutenant une tête de mort autour de laquelle pendait une légende portant cette devise : Mémento mori. (Souviens-toi qu'il faut mourir.) Ce triste ordre ne put se soutenir; il périt faute de néophytes.

Il fut réglé que ce serait toujours une princesse de la maison de Wurtemberg qui aurait la qualité de grande-prieure, que les femmes de toute condition y seraient admises, et qu'on regar- derait moins à la noblesse de la naissance qu'à la pureté de la vie exemplaire. Les chevalières de la Tête de Mort étaient obligées de s'assembler tous les ans chez la grande-prieure, où chacune d'elles lui communiquait par écrit ses réflexions et observations au sujet de la mort de quelques-unes des dames de l'ordre et ce qu'elle aurait composé sur cette grave matière. On a formé un recueil de tous ces funèbres discours. Les dames convaincues d'avoir commis une faute contre les règlements, payaient une amende déposée dans une caisse que l'on vidait


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tous les ans, le jour du Vendredi* saint, au profit des pauvres. Quant une dame de l'ordre venait à décéder, toutes les autres étaient obligées de porter pendant une année un ruban noir sur celui de l'ordre avec le nom de la défunte inscrit en lettres blanches.

MORVILLE (Société dramatique du château deJ. 1737- 1741. Le château de Morville, en Normandie, situé près de l'Andelle, réunissait, vers le milieu du siècle dernier, une so- ciété d'hommes et de femmes de beaucoup d'esprit qui s'amu- saient à jouer la comédie de société sous le patronage-de madame la marquise de Morville. Les auteurs, en même temps acteurs de ce petit théâtre, furent le comte de Caylus, homme universel, ami des arts et des plaisirs, que l'on rencontre partout dans les galantes et joyeuses annales du règne de Louis XV; l'aimable comte de Tressan, membre de la plupart des académies d'Europe; le marquis d'Armenonville, jouant les premiers rôles de cette troupe distinguée; le marquis de Ximenès, tenant de près au maître du château, bien jeune encore, mais annonçant déjà les dons le? plus heureux; M. de Bombarbe, personnage de beau- coup d'esprit, qui écrivit considérablement sans se faire im- primer; le marquis de Surgères; Coypel qui avait quelquefois l'honneur d'être le collaborateur de M. de Caylus; Granval qui appliquait de la musique à ses divertissements et ses vaudevilles, et quelques autres auteurs et compositeurs modestes qui ne voulurent pas se nommer.

Pendant le séjour à Paris, on avait loué une maison et un théâtre à Pantin où la société de M. de Morville se rassemblait une ou deux fois la semaine. M. de Caylus dirigeait la troupe. On y joua plusieurs comédies de M. Coypel qui n'ont pas vu le jour (1). Le marquis de Surgères composa pour cette société la


(1) Un recueil ms. des poésies de théâtre de Coypel composées pour des sociétés privées, repose en ce moment à la Bibl. publique de Valenciennes. Il consiste en trois volumes in-4 richement reliés et provient de la Bibl. des


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comédie de l'École du monde, elle lui valut une épître en vers de M. de Tressan qui a été imprimée dans ses Œuvres.

Lés pièces principales de ce théâtre privé sont \ le Confiant, ouïe Fat, com. 3 act. 1741. — La Maison culbutée, com. 1 a. avec divert. 1738. — Les Ages, ou la Fée du Loreau, com. 1 a. 1739. — V 'Humeur, com. 5 a. 1739. — La Comédie impromptu, 3 a. 1739. — Le Confident intéressé, com. 1 a. avec divert. 1740. — Le prince Pot-à-thé, ballet pant. 3 a. — L'Amant déguisé y com. 3 a. — Toutes ces pièces et deux fêtes données en 1740 et le 23 juin 1741, à l'occasion de l'arrivée de madame de Morville au château, sont de M. le comte de Caylus.

Comment Vesprit vient aux filles, com. en 3 actes et en vers. 1738, et la Princesse Sirenne, farce héroïque en 1 acte, prose et couplets, 1739, appartiennent à M. de Surgères.

M. de Bombarde est auteur des paroles et de la musique des six pièces suivantes : La Feste du Loreau, 1 a. pr. 1738. — Les Amans généreux, 5 a. pr. — Le Faux Serment, com. 2 a. pr. avec divert. — Le Bal de l'Opéra, com. 1 a. pr. 1739. — Les Trois Billets, com. 5 a. pr. — L'Heureuse Folie, com. 1 a. pr. avec divert.

M. de Soleinne possédait toutes ces pièces en manuscrit dans sa vaste et précieuse collection dramatique; sans kii et sans les soins du savant rédacteur de son catalogue, (1) nous n'aurions probablement pas eu connaissance de ces productions non des- tinées au public. Voir le curieux catalogue en question, tom. II, no 1798 et 1800.

Le spirituel comte de Tressan, qui survécut à presque tous

ducs de Croy qui avaient aussi un théâtre particulier au château de Saint- Ermitage, près Condé, et qui suivirent, à la fin du dernier siècle, l'exemple de M, le marquis de Morville.

(1). Le catalogue Soleinne a été rédigé par M. Paul Lacroix (bibliophile Jacob), aujourd'hui conservateur de la bibliothèque de l'Arsenal; M. G. Bru- net a pris une part active à ce travail; on lui doit notamment la rédaction de ce qui concerne le théâtre patois (tom. III) et celle du tom. IV (Théâtre étranger).


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les membres de la Société de Morville, avait coutume d'en faire souvent leloge. Dans le volume de ses Œuvres diverses, Ams- terdam et Paris, Cellot, 1776, in-8°, il s'exprime ainsi, page 444:

« Ceux qui restent de la société de feu M. le marquis de Mor- te ville doivent en conserver le souvenir le plus tendre. Peu de « gens ont réuni, comme lui, les vertus les plus épurées, la jus- ce tesse et la clarté de l'esprit, le savoir, l'érudition la mieux « choisie, et une douceur de mœurs inaltérable ; j'étais ami de « ses sœurs, de ses enfans; j'ai passé quinze des plus belles « années de ma vie dans cette société que j'ai sans cesse regrettée, « sans espérance de retrouver le ton, la sûreté, les connaissances « et les charmes qui l'animaient. »

Enfin, dans un autre endroit de ses œuvres, le même seigneur- poète rend, dans ces vers, un galant hommage à deux dames de la Société de Morville, les jeunes marquises de Surgères et d'Armenonville :

« Jeunes beautés, filles d'amour, « Vous qui reçûtes en partage « La simplicité du village, « L'air noble et galant de la cour. « L'esprit et la raison du sage.

« Heureux, et mille fois heureux, t Quiconque peut entre vous deux, « Passant les beaux jours de sa vie, « De l'une toujours amoureux, « Mériter l'autre pour amie. »

MOUCHE A MIEL (l'Ordre de la). 1703-1725. La du- chesse du Maine, petite fille du grand Condé, une des prin- cesses les plus spirituelles de son temps, vint résider vers 1700, au château de Sceaux, embelli par la famille Colbert et acquis par le duc du Maine, l'aîné des princes légitimés. C'est là que la brillante princesse tenait cour plénière et vivait au sein des plaisirs et d'une société charmante composée de mademoiselle


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d'Enghien, sa sœur, et du duc de Nevers; des duchesses de la Ferté, d'Albemarle, d'Estrées, de Lauzun, de Rohan et de la Feuillade; des ducs de la Force et de Coislin; des marquises de Mirepoix_, de Charost_, d'Antin et de Boussoles; du comte d'Harcourt; des dames d'Artagnan, qu'on appelait les voisines parce qu'elles avaient un château au Plessis-Piquet; de mes- dames de Chimay, de Lassay, de Barbezieux et de Croissy; des demoiselles de Choiseul, de Moras et de Langeron ; et enfin de M.deDampierre, gentilhomme du duc, et de madame deLivry, dame d'honneur de la duchesse. Voilà pour les gens titrés. Si l'on compte les gens d'esprit et de savoir, il faut citer made- moiselle de Launay, depuis madame de Staal; Nic.de Malezieu et l'abbé Genest, poètes de la maison; les présidents Hénault et de Mesmes, Destouches, Fontenelle déjà vieux, Voltaire encore jeune, La Motte-Houdart, Danchet, LaFare, l'abbé de Chaulieu et Sainte-Aulaire, toutes personnes spirituelles et de bonne com- pagnie, faisant des vers pour la consommation de la princesse qui en absorbait considérablement. Le compositeur Matho, maître de musique des enfants de France, y dirigeait les diver- tissements lyriques (i).

La duchesse du Maine, très-petite de taille, mais fort jolie et fort piquante, avait été appelée par mademoiselle de Nantes, fille légitimée de Louis XIV, jalouse de sa naissance, la poupée du sang; cette petitesse et le rôle dejine mouche qu'elle remplit dans une comédie de société, la faisaient comparera une abeille; aussi prit-elle cette devise italienne, tirée du Tasse: (2) Piccolasi,

(1) Lire dans les Causeries du Lundi de M. Sainte-Beuve (tom. II, p. 161- 178), une notice fort intéressante sur la duchesse du Maine et sur la cour de Sceaux, sur Malezieu, « homme instruit, sachant des mathématiques, de la littérature, du grec, du latin, improvisant des vers, imaginant des spectacles, entendant même les affaires et rassemblant dans son état servile les avantages d'une médiocrité universelle, » sur l'abbé Genest, « le moins solennel des Académiciens (il était un des quarante), un mélange du poète et du bouffon. « 

(2) Voici le passage de VAminte (act. II. se. I) :

Picciola è l'ape, e fa col picciol morso Pur gravi e pur moleste le ferite.


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ma fa pur gravi le ferite (petite, mais elle fait de profondes blessures); l'âme de la devise était une mouche à miel. C'est cet emblème qui fournit à la princesse, le n juin 1703, peu d'années après l'acquisition de Sceaux (1), l'idée de créer un ordre parti- culier pour ses affidés; par allusion à sa fondatrice il fut appelé VOrdre de la Mouche à miel. Cette plaisanterie alla jusqu'à former des règlements, dresser des statuts, nommer des officiers, et donner divers noms aux dames et aux cavaliers qui y furent admis. Trente-neuf personnes, non compris la fondatrice, furent nommées et prononcèrent le serment de l'ordre; par allusion à l'abeille, on jurait par le Mont-Hymette :

« Je jure, par les abeilles du Mont-Hymette, fidélité et obéis- « sance à la directrice perpétuelle de l'ordre, de porter toute ma « vie la médaille de la Mouche, et d'accomplir, tant que je vivrai, « les statuts de l'ordre; et si je fausse mon serment, je consens «que le miel se change pour moi en fiel, la cire en suif, les « fleurs en orties, et que les guêpes et les frelons me percent de « leurs aiguillons. »

On ne s'arrêta pas là; une médaille fut frappée pour servir de décoration de l'ordre; elle était d'or, du poids de 14 grammes 63 centigrammes. D'un côté on voyait la jolie tête de la fonda- trice avec la légende : L. BAR. D. SC. D. P. D. L. O. D. L. M. A. M. (Louise, baronne de Sceaux, directrice perpétuelle de VOrdre de la Mouche à miel.) Au revers, une abeille se diri- geant vers une ruche, et autour la devise italienne citée plus haut; à l'exergue, la date de 1703 qui est celle de la fondation. Cette décoration était soutenue par un ruban citron, et se portait obligatoirement toutes les fois que les membres se trouvaient à Sceaux (2).

(1) Ce fut en 1700 que le duc du Maine acheta aux héritiers de M. de Sei- gnelay le château de Sceaux pour la somme de 900,000 livres.

(2) La médaille est gravée dans le Magasin pittoresque , tome XIII, p. 72 (mars 1845). Elle l'avait déjà été dans les Récréations numismatiques de To- biesen Duby (publiées à la suite du Recueil général des pièces obsidionales). Paris, 1786, in-4 .


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L'officier ou héraut de l'ordre était M. de Bessac, enseigne des gardes de M. le duc du Maine. Le marquis de Gondrin, qui servit vaillamment en Flandre, et auquel les puristes de Sceaux reprochaient d'estropier les vers qu'il citait, fut nommé le ba- ladin de YOrdre de la Mouche. Le premier, dans les cérémonies de réception, était revêtu d'une longue robe de satin incarnat parsemée d'abeilles en argent, avec une coiffure en forme de ruche; le second devait porter les attributs de la Folie.

On rencontre dans le Prince de Cathay, divertissement joué à Châtenay, le 3 août 1704, et composé par M. de Malezieu, les articles suivants des statuts de l'Ordre; ils donnent une idée de cette plaisanterie chevaleresque.

Art. i er . — Vous jurez et promettez une fidélité inviolable, une aveugle obéissance à la grande Ludovise Louise, dictatrice perpétuelle de l'ordre incomparable de la Mouche à miel.

Art. 2. — Vous jurez, et promettez de vous trouver dans le palais enchanté de Sceaux, chef-lieu de YOrdre de la Mouche à miel y toutes les fois qu'il sera question d'y tenir chapitre; et cela toutes affaires cessantes, sans même que vous puissiez vous excuser sous prétexte de quelqu'incommodité légère, comme goutte, excès de pituite, ou gale de Bourgogne.

Art. 3. — Vous jurez, et promettez d'apprendre incessamment à danser toutes contre-danses, comme Furstemberg, Pistolet, Derviche, Pet-en-cul, et autres; de les danser encore plus volon- tiers s'il le faut, pendant la canicule, que dans les autres temps, et de ne point quitter la danse, si cela vous est ainsi ordonné, que vos habits ne soient percés de sueur, et que l'écume ne vous en vienne à la bouche.

Art. 4. — Vous jurez et promettez d'escalader généreusement toutes les meules de foin de quelque hauteur qu'elles puissent être, sans que la crainte des culbutes les plus affreuses puisse jamais vous arrêter.

Art. 5. — Vous jurez et promettez de prendre en votre pro- tection toutes les espèces de mouches à miel, de ne faire jamais mal à aucune, de vous en laisser piquer généreusement sans les


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chasser, quelqu'endroit de votre personne qu'elles puissent at- taquer, soit joues, jambes,, fesses, etc., dussent-elles en devenir plus grosses et plus enflées que celles de votre majordome.

Art. 6. — Vous jurez et promettez de respecter le précieux ouvrage des mouches à miel, et à l'exemple de votre grande dic- tatrice, d'avoir en horreur l'usage profane qu'en font les apothi- caires, dussiez-vous crever de réplétion.

Art. 7. — Vous jurez et promettez de conserver soigneuse- ment la glorieuse marque de votre dignité, et de ne jamais pa- raître devant votre dictatrice sans avoir à votre côté la médaille dont elle va vous honorer.

Le récipiendaire reçoit la décoration et cependant le chœur chante :

« Viva sempre, viva ed in honore cresca « Il novo cavalier délia mosca. »

Malgré le ton de plaisanterie qui règne dans cette formule de réception qui nous a été conservée dans le livre curieux inti- tulé : Les Divertissements de Sceaux, à. Trévoux et Paris, Et. Ganeau, 1712, in-12, pages 175-197, on a des preuves que les nombreux courtisans de la duchesse du Maine tenaient à grand honneur d'être reçus dans l'Ordre de la Mouche à miel. Nous avons dit que cet ordre comptait 39 membres; un jour, jour né- faste! il en perdit un : toute la petite cour brigua la place va- cante. Au nombre des prétendants se présentèrent les comtesses de Brassac et d'Uzes et le président de Romanet. L'élection eut lieu en plein chapitre avec grande solennité; le président l'em- porta sur ses deux belles rivales. Elles affectèrent un grand res- sentiment et se plaignirent que l'élection n'avait pas été juri- dique. Cela donna l'idée à la spirituelle mademoiselle de Launay de dresser, en leur nom, une protestation en termes du Palais, avec toutes les formes de la chicane pour se plaindre du passe- droit. La pièce arriva par une voie inconnue au président. On ne sut d'abord à qui attribuer cette facétie ; on la donna à Ma- lezieu, à l'abbé Genest, aux parties intéressées, qui, tous, s'en

6.


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défendirent énergiquement. Enfin on descendit jusqu'aux plus ineptes commensaux de la maison, sans penser à mademoiselle de Launay, arrivée depuis peu de temps et dont l'esprit n'était pas encore apprécié par la duchesse : elle, seule dans le secret, jouissait de l'embarras général qui dura plus de quinze jours; elle intrigua toute la société de Sceaux sans trahir son incognito. Seulement elle composa sur ce fait les vers suivants dont la production ne fit qu'accroître l'incertitude et piquer doublement la curiosité :

« N'accusez ni Genest, ni le grand Malézieux

« D'avoir part à l'écrit qui vous met en cervelle.

« L'auteur que vous cherchez n'habite point les cieux ;

« Quittez le télescope, allumez la chandelle,

« Et fixez à vos pieds vos regards curieux :

« Alors, à la clarté d'une faible lumière,

« Vous le découvrirez gisant dans la poussière. »

Une autre fois mademoiselle de Moras avait perdu la médaille de Tordre : M. de Malezieu la trouva par hasard; on menaça la jeune adepte de la chasser de l'association pour punir sa négli- gence, et quelques jours après on servit devant la duchesse du Maine un pâté dans lequel se trouva la médaille avec ces vers :

« Je possède un trésor dont Moras est indigne; « Qui n'a pu le garder ne le méritait pas ;

« Mais par une faveur insigne

« Urgande l'offre en ce repas « A celle qui pourra par une chansonnette « Vanter plus dignement les charmes de Laurette. »

Pour consoler mademoiselle de Moras, M. de Malezieu fit en son nom la chanson demandée, et on lui rendit sa médaille. C'était à peu près comme on en usait pour retirer les gages touchés dans les jeux innocents.

Ainsi qu'on peut le voir, le but de V Ordre de la Mouche à miel était de se divertir galamment, et, l'on peut ajouter, poéti-


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quement. Tout finissait par des chansons, ou au moins par des petits vers. La princesse fondatrice de l'ordre aimait passionné- ment ces délassements littéraires entourés de toute l'élégance et du faste du siècle de Louis XIV. Elle dormait fort peu, et pour remplacer le sommeil, elle inventa les grandes nuits, fêtes somptueuses, régies tour à tour par un roi et une reine de con- vention. A cette occasion eurent lieu des loteries poétiques. On mettait les lettres de l'alphabet dans un sac; chacun en tirait une ; celui qui amenait un a devait composer une ariette, si mieux il n'aimait une apothéose^ le possesseur du c devait une comédie -, celui de Vf en était quitte pour une fable-, le proprié- taire de l'o en tenait pour une ode ou un opéra, deux choses fort lourdes à produire; un r, un s n'exigeaient qu'un rondeau, un sonnet.

On faisait aussi des bouts-rimés, des énigmes; des anagram- mes, des rondeaux, des rondeaux redoublés, des triolets, des virelays; on posait des questions qu'on faisait résoudre par les beaux esprits. Un soir on proposa à Fontenelle le problême sui- vant : Quelle différence y a-t-il entre la maîtresse du logis et une pendule? L'une, répondit le philosophe, marque les heures, l'autre les fait oublier. Voltaire, condamné à faire une énigme pour racheter son gage, improvisa celle-ci , la meilleure peut- être qu'on connaisse :

Cinq voyelles, une consonne, En français composent mon nom. Et je porte sur ma personne De quoi l'écrire sans crayon (i).

La même pénitence fut imposée à La Motte qui l'accomplit avec cette autre énigme :

A la candeur qui brille en moi Se joint le plus noir caractère.

i) Oiseau. »


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Il n'est rien que je ne tolère;

Mais je suis méchant quand je bois (i).

Les grandes nuits durèrent peu (2); elles coûtaient trop cher en argent et en esprit. Mademoiselle de Launay supporta seule la dépense, non des frais, mais des vers de la dernière de ces fêtes littéraires données à Sceaux. A cette occasion, la duchesse du Maine reconnaissante lui donna son portrait où elle était repré- sentée en Hébé, suivant le goût du temps. La spirituelle suivante l'en remercia par deux couplets, auxquels la princesse répondit par ce quatrain :

« Vous me payez avec usure, « Launay, d'un médiocre don; « L'original et la peinture « Ne valent pas votre chanson. »

Les descriptions des fêtes de la duchesse du Maine, ses vers, ses chansons, ses fantaisies^ ses ballets et les séances de son ordre, ont été livrés à une publicité fort restreinte dans deux ouvrages qui se complètent réciproquement et qui sortent de l'imprimerie établie à Trévoux par le duc du Maine sous la di- rection de M. de Malezieu et l'inspection de Nicolas -Joseph Blondeau; ce sont : i° Les Divertissements de Sceaux. Trévoux et Paris, Et. Ganeau, 17 12, in-12 de 8 f el3 ., 476 pages. 2 Suite des divertissements de Sceaux, contenant des chansons, des cantates et autres poésies, avec la description des nuits qui y sont données. Ibidem, 172b, in-12, 35 1 pag. (3)

Le premier volume fut publié par les soins de l'abbé Genest, le second, plus rare encore que le premier et presqu'înconnu

(1) Papier.

(2) Ces Grandes nuits , au nombre de seize , occupent la majeure partie du second volume des Divertissements de Sceaux ; ce sont des œuvres dra- matiques avec intermèdes, chansons, dialogues, harangue de l'Ambassadeur des Groënlandais, etc.

(3) Plus de la moitié de ces deux volumes est de la composition de Malezieu.


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aux bibliographes, par ceux de madame de Staal, auparavant mademoiselle de Launay. On y trouve, entr'autres intermèdes, scènes dialoguées, etc. la Grande nuit de V éclipse, opéra, le Prince de Cathay, divertissement, les Champs-Elysées, la Veillée, la Ceinture deVénus, la Toilette, le Jeu, etc. La du- chesse du Maine avait pris une part active à la composition [de ces ouvrages curieux. On ne doit pas oublier non plus le Comte de Gabalis, divertissement en 2 actes par de Beauchamps, musi- que de Bourgeois, représenté à Sceaux devant la duchesse, et imprimé à la suite des Lettres d'Héloïse à Abeilard, du même. Paris, Demonneville, 1758, in-12; ni un Recueil de lettres au- tographes, trouvé dans les papiers du président de Mesmes, et contenant une correspondance fort plaisante de Malezieu et au- tres chevaliers de la mouche à miel ; ce recueil fait partie de la bibliothèque formée par M. C. Leber; il figure à son catalo- gue sous le n° 58 18 (1). Ce savant bibliophile a cru apercevoir dans l'ordre joyeux et burlesque imaginé par la duchesse du Maine, une pensée plus sérieuse que celle d'un simple diver- tissement. Le Régent aussi eut quelques soupçons , mais il n'inquiéta guère des ennemis débiles.

La duchesse du Maine, toute bienveillante qu'elle voulait pa- raître, exerçait une espèce de tyrannie sur les chevaliers dont elle s'était faite la grande maîtresse. Tout le monde connaît l'impromptu de Sainte-Aulaire qu'elle appelait son berger ou son Apollon, et l'effet qu'il produisit sur la princesse qui le pressait de se démasquer dans un bal. Il lui dit :


« La divinité qui s'amuse « A me demander mon secret,


(1) Nous trouvons au même catalogue, n° 1638-1640, trois compositions dramatiques de Malezieu restées inédites et jouées en 1705, 1706 et 1707 de- vant la duchesse du Maine: la Tarentole, Pyrgonopolice, capitaine dE- phèse, les Importuns de Chastenay; l'Epitre dédicatoire de cette comédie est imprimée à la fin du tome I« r des Divertissements de Sceaux.


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c Si j'étais Apollon, ne serait pas ma muse.... (Ce vers la décontenança d'une manière très-marquée). « Elle serait TJiétis, et le jour finirait, (i) »

La duchesse du Maine imposait à tous ses courtisans une loi sévère; celle de ne pouvoir la quitter sans sa permission qu'elle n'accordait pas toujours. Aussi Destouches^ naturellement fier de son talent, et piqué de l'indifférence de la princesse qui ne lui parlait plus de son opéra de Ragonde (2), partit un jour de Sceaux sans en avoir obtenu la permission et laissa sur sa table ce couplet que le valet de chambre, en allant l'avertir pour dîner, recueillit et porta à la duchesse:

Sur l'air : Buvons à tasse pleine.

« Dans une paix profonde,

« De soins délivré,

« Philosophe ignoré, m

« Je ne tiens plus au monde « Que pour en médire à mon gré.

« J'ai fait ma cour aux grands; « Ils sont tous polis, mais indifférents ;

« Et le séjour des dieux « Pour simple mortel est trop ennuyeux. »

MOULIN VERT (Société du). Nous empruntons à un feuil- leton signé Eugène de Mirecourt quelques détails sur une société chantante qui se réunissait en cet endroit.

Le cabaret de la mère Saguet, mis en vogue par le cénacle

(1) Renvoyons à la notice que nous avons déjà citée de M. Sainte-Beuve, pour un autre quatrain galant de Sainte-Aulaire, auquel la duchesse fit une réponse un peu gaillarde pour une précieuse.

(2) Cependant la fête de Sceaux que l'on a le plus citée finissait par l'o- péra de Ragonde, de Destouches, musique de Mouret. Ce divertissement en musique formé de trois intermèdes, a pour titre: Le mariage de Ragonde et de Colin, ou la Veillée de village.


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Thiers Armand Carrel et Chenavard, donnait asile en 182 1 à une société du Moulin Vert ou du Moulin-de-beurre.

Béranger fut élu président.

On compta bientôt les sociétaires par milliers. Chacun d'eux avait le droit d'amener sa famille.

Les salles du cabaret ne pouvant plus contenir la foule, on dressa des tables au milieu de la plaine voisine, et parfois il y en eut plus de cent, de huit à dix couverts chacune, toutes gar- nies de leurs dîneurs.

Sur la table du président, à portée de sa main, se trouvait un énorme cruchon, au goulot duquel s'adaptait transversalement un manche en bois de chêne. Ce maillet monstrueux servait à frapper sur la table et à réclamer le silence.

C'était la sonnette de Béranger.

Quand on apportait le potage, le président frappait trois coups. Tout le monde se levait, on criait : « Chapeau bas ! » et douze cents voix entonnaient en guise de Benedicite le qua- train suivant :

Accourez au Moulin- Vert, Gais enfans de la folie ! Pour vous, pour femme jolie, On met toujours un couvert.

Trois nouveaux coups étaient frappés par le président. Hom- mes, femmes, enfants, vieillards, se rasséaient; puis l'on n'en- tendait plus, pendant une heure, que le cliquetis des verres, des couteaux et des fourchettes.

Il y avait là, près du roi de la chanson, comme des satellites autour d'un astre, Charlet, Edouard Donvé, Eugène de Mon- glave, Billoux, Amédéede Bast, Dumersan, Bellenger, Moreau, Albert Montémont, Désaugiers et vingt autres.

Au dessert, le maillet, retentissant de nouveau, annonçait qu'il était temps de se faire inscrire, non pour les tours de pa- role, mais pour les tours de chanson.

Désaugiers donna au Moulin- Vert la primeur de Madame Denis et de Ma fortune est faite ,• Edouard Donvé y chanta le


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Trompette de Marengo et le Vin à quatre sous, en pinçant de la guitare; Montémont et Billoux y obtinrent les honneurs du bis, l'un pour ses Glissades, l'autre pour son Coup depiqueton. Mais les plus beaux triomphes appartenaient à Béranger.



EUF SŒURS (Société nationale des). 1790. Cette société, composée d'hommes de lettres et d'artistes, se réunissait à la fin de chaque mois; le 14 de chacun des mois suivants paraissait un cahier que l'on nommait : le Tribut de la Société nationale des Neufs Sœurs , ou Recueil de Mémoires sur les sciences, belles-lettres et arts, et d'autres pièces lues dans les séances de cette société. Ces cahiers avaient 4 feuilles 1/2 d'impression. On souscrivait chez Onfroy, libraire de la société, rue Saint-Victor, et chez Née de la Rochelle, au bout du quai des Augustins, près du pont Saint-Michel. Le prix était de 12 liv. par an pour Paris.

Au commencement de 1791, Edmond Cordier faisait partie de cette association. Il y lut un Essai sur VÉloge de Fénélon, qui a été extrait du Tribut de la Société nationale des Neuf Sœurs, des 14 mars et 14 avril 1791, et a formé un opuscule de 28 pp. Paris, Onfroy, 1791, in-8°.

La société avait annoncé qu'elle ferait graver tous les ans, pour le mois de janvier, le portrait d'un des hommes illustres de France, et, pour celui de juillet, un sujet de l'histoire du pays. M. Henriquez, sociétaire, présente à l'assemblée publique du 3o janvier 1791, sa gravure du portrait de Fénélon.

Dans la même séance, M. Benoit, sculpteur, également mem- bre de la Société des Neuf Sœurs, a exposé le buste de l'auteur de Télémaque, sculpté en argent^ non moulé, mais fait au mar- teau et repoussé à l'épaisseur d'un huitième de ligne.


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La Société nationale des Neuf Sœurs avait pour but la réu- nion de tous les talents utiles et agréables; c'est pour cela qu'elle s'était mise sous l'invocation de toutes les muses sans exception. On y comptait donc des littérateurs de toutes les catégories, et des artistes de tous les genres, dont on voulait faire servir les divers talents aux progrès des lumières et au triomphe des mœurs. Mais, commencée avec le règne de la liberté, qui dégé- néra bientôt en celui de la licence, cette association ne compta que peu d'années d'existence : les lettres et les arts ne peuvent vivre dans les temps d'anarchie; la société tomba presqu'aussi- tôt que la royauté (1).

Il y avait la Société nationale des Neuf Sœurs, à Paris, dans laquelle l'abbé Martial Dourneau fut admis en 1790, sur la pré- sentation de l'abbé Sicard, son ami. Il lut, le jour de sa récep- tion, un discours en vers, impr. page 59-62 de son livre inti- tulé : Mes Instants, ou Recueil de poésies fugitives. Limoges, L. Barbou } l'an V e , in-12.

Le même ouvrage, page i58, contient des couplets pour être reçus à la Veillée des Neuf Sœurs à R*** (Rheims).

Est-ce la même société que la première, ou seulement une émanation, une sorte d'affiliation? « Il fallait, pour être initié à « cette aimable société, s'y présenter avec une pièce de vers, ou « des couplets analogues à l'objet de ses assemblées. Outre des « lectures aussi édifiantes qu'instructives, on s'y amusait quel- « quefois à improviser et à jouer au secrétaire, etc., etc. »

Les couplets de Dourneau ont été composés pendant la répu- blique et avant l'an V e , date de son ouvrage; on le voit par le mot frimaire employé au 3 e de ces couplets.

Un des membres les plus actifs de la Société des Neuf Sœurs ,

(1) Il existe un petit recueil intitulé: les Bijoux des Neuf-Sœurs, ou Mé- langes de pièces fugitives. Paris, Didot jeune, 1796, in- 18. Peut-être con- tient-il des pièces lues dans la socie'té dont il s'agit. Renouard (Cat. d'un amateur, tom. III, p. 3), dit que ce fut un abbé qui publia cette collection, et, dans son catalogue de i853, n° 141 6, il le nomme l'abbé Bancarel, per- sonnage fort inconnu.


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littérateur d'ailleurs bien médiocre, La Dixmerie, étant mort en 1790, fut l'objet d'une cantate.

Cantate demandée par la Société, et exécutée dans V As- semblée publique du 22 Janvier 1792; Paroles de M. Paris de l'Oratoire, Musique de M. Bonési, qui a mis en musique Amasis, Opéra posthume de la Dixmerie.

Nous nous bornerons à reproduire quelques notes qui don- nent sur cet écrivain des détails assez curieux.

Auprès d'un funeste cercueil, Accablés de regrets et plongés dans le deuil , Nos cœurs redemandoient un philosophe aimable ;

Quand tout-à-coup le Dieu du sort Appelle avec bonté cette ombre vénérable, Qui des lieux souterrains, où commande la mort,

Touchoit déjà le sombre bord. « Viens recevoir, dit-il, ta juste récompense. Par toi la brute même a goûté le bonheur ;

A tes côtés marchoit la bienfaisance, Et tes écrits, où brille un talent enchanteur, S'embellissoient des vertus de ton cœur.

Tu croyois voir partout la nature féconde Des mêmes élémens recréant l'Univers , Et les mêmes acteurs, dans des rôles divers , Paroissant tour-à- tour sur la scène du monde ; Eh bien ! en ta faveur, je suspendrai mes loix. De sincères amis s'affligent de ta perte ; Vers la clarté des cieux la route t'est ouverte, Et d'un état nouveau je te laisse le choix, Si tu veux vivre encor une seconde fois. »

Mes amis, essuyons nos larmes, Il triomphe du trépas; Et bientôt nous pourrons, ô moment plein de charmes! Le presser dans nos bras.

Le sage va parler: écoutons en silence.

« Dieu puissant, répond-il, qui tiens dans ta balance


NEU


« Les destins des mortels, « Daigne entendre la voix de ma reconnoissance,

« Et mes vœux solennels. « De tout pénible soin, libre et débarrassée,

« Mon âme, au séjour des vivans, « Dans l'avenir caché sous les voiles du tems,

« N'égara jamais sa pensée. « Pour charmer mes loisirs, il est vrai qu'une fois « J'empruntai les accens d'une antique Sibyle,

« Mais le tems a trahi ses oracles gaulois.

« Et dans sa réforme utile, « La France à mes desseins se montre peu docile. i Je connois le respect que Ton doit à tes loix,

« Et les dangers d'un premier choix. « Long-tems encor j'eusse vécu sans peine,

« Si tes décrets l'eussent permis. « Mais que j'aille à la race humaine

« Présenter un second Eumène, « Et de ces jours tissus de plaisirs et d'ennuis. « Parcourir de nouveau la carrière incertaine,

« O Dieu du sort, je ne le puis. «. Tout changement m'effraie, et je reste où je suis [i ]

« La gloire est un vain nom, la fortune est volage,

« Le dégoût poursuit les plaisirs. « Quel objet maintenant peut flatter mes désirs ? « Ah! la mort seule est le bonheur du sage.

« J'eus des amis généreux et constans; « Comme des heures fortunées, « Auprès d'eux couloient mes années; « Mais ils viendront, je les attends (2).


(1) Il arriva plusieurs fois à La Dixmerie d'aller pour dîner chez un ami, et ne pouvant se résoudre à se déplacer, mettant les heures au bout des heures, et les jours au bout des jours, il y restoit des mois, et même des années entières, pour ainsi dire, sans s'en appercevoir.

(2) La Dixmerie et Saint-Foix allant à l'Opéra, un jour de grand spec-


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« Adieu: je vais, de ce sombre rivage « Ecouter les beaux esprits. « Je veux savoir enfin, s'ils tiennent le langage « Que jadis à mon gré leur prêtoient mes écrits. »

Sur les ailes de l'espérance Nous voyons tous le bonheur s'envoler. Et ! qui pourra nous consoler De cette éternelle absence?

Aux vifs regrets de l'amitié, Dieu du sort, tu parus sensible. Non, non, tu n'es pas inflexible, Jette sur nous un regard de pitié.

Sur les ailes de l'espérance Nous voyons tous le bonheur s'envoler, Et! qui pourra nous consoler De cette éternelle absence? .

Le Dieu du sort fait entendre sa voix.

Et des arts le puissant génie Court du maître du monde exécuter les loix. Le marbre obéissant s'amollit sous ses doigts. Quelle merveille! ô ciel! c'est toi, la Dixmerie ;

C'est notre ami que je revois; Ses vertus, ses talens, tout y vit à la fois.

Dieu des arts, c'est toi qui soulages Notre douleur et nos regrets; Tu répares les outrages Que la main du temps nous a faits. Par toi, les héros ni les sages Tout entiers, sous ses coups, ne périssent jamais.

tacle, se promirent, si la foule les séparoit, de se rejoindre au parterre. Le spectacle fini, et les lumières éteintes, Saint-Foix n'avoit pas encore paru et La Dixmerie restoit tranquillement debout au milieu du parterre. Trois quarts-d'heure après vient un garçon de théâtre, qui, tout étonné, lui de- mande ce qu'il fait là : — j'attends M. de Saint-Foix.


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Pour les montrer à tous les âges, Tu sais tromper la mort et lui ravir leurs traits. Leur gloire vit dans leurs ouvrages; Mais tu peux seul, à nos yeux satisfaits, Conserver leurs douces images,

Dieu des arts , c'est toi qui soulages Notre douleur e$ nos regrets : Tu répares les outrages Que la main du tems nous a faits. Par toi, les héros ni les sages Tout entiers, sous ses coups, ne périssent jamais.

NIGAUDS (Coterie des). Dans le huitième discours du Spectateur, l'auteur parle de la Coterie des Nigauds, dont lui, indigne, a été autrefois membre et qui était composée de fort honnêtes gens, d'un naturel paisible, qui demeuraient assis les uns auprès des autres, et fumaient leur pipe sans dire un mot jusqu'à minuit.

NOACHITES (Ordre des), ou Chevaliers Prussiens. Le sieur de Saint-Gelaire introduisit cet ordre à Paris en 1757; il fonda en 1758 un chapitre dit des Empereurs d'Orient et d'Oc- cident, dont les membres portaient le titre fastueux de Souve- rains princes maçons. Cette association tenant de près ou de loin aux loges maçonniques,- nous ne nous en occupons pas.

NOE (l'Ordre de). Les lauriers de MM. de Posquières et Morgier, fondateurs de Y Ordre de la Boisson, et de M. de Vi- bray, instituteur de celui de la Méduse, empêchèrent plusieurs personnes de dormir. Les enfants sont imitateurs, et il y a beau- coup d'hommes qui sont de grands enfants à cet égard. M. P.- L. Voisin n'eut de repos, à la suite des succès des nouvelles so- ciétés bachiques, qu'autant que lui aussi eut jeté les bases d'une réunion buvante et absorbante, et il en dressa les lois, et les statuts. Pour que la société fut au moins la première par l'an-


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cienneté de son nom , il remonta jusqu'au déluge et il la mit sous l'invocation de Noë , le premier planteur de la vigne, et le premier aussi qui ressentit les effets des fumées du vin. L'insti- tution de l'Ordre de Noë eut lieu le 25 Juin 1732, et Ton dési- gna de suite les dignitaires de l'Ordre^ qui empruntèrent leurs titres à la nomenclature de ceux des Etats souverains. Ainsi il y avait un grand-commandeur, un grand-écuyer, un secrétaire d'Etat de Noë ; la durée du commandement du chef de l'ordre était qualifiée de règne; les dignitaires se donnaient le titre de Seigneur; les sociétaires s'appelaient frères-chevaliers.

Le but de la société était de se réunir pour boire en suivant certaines formalités. En 1754 l'Ordre durait encore; outre son auteur et fondateur, le frère P.-L. Voisin, les personnages les plus marquants de l'Ordre furent frère Claude Pézé et Joseph Lemoine_, parles soins desquels il est resté quelques documents manuscrits formant les annales de cet ordre de buveurs ^ dont la nomenclature est aussi prétentieuse que les titres des dignitai- res. Ces manuscrits sont intitulés: i° Institutions académiques des sciences et beaux-arts , annales de V ordre immortel et res- pectable du bon père et patriarche Noé, du 25 juin 17 32, par le frère P.-L. Voisin } fondateur des lois et statuts qui sont ob- servés parles seigneurs, frères chevaliers , et transcrits au commencement du règne de frère Claude Pe\é, par Joseph Lemoyne, grand-commandeur , grand-écuyer et secrétaire d'Etat. In-8j beau manuscrit avec titres et sommaires en rouge. (Catalogue Lerouge, n° 526.) — 2 Loix et règlements de V Or- dre de Noé, suivis de l'Etat de l'Ordre, contenant les noms, surnoms, qualités et demeures des chevaliers. (Vers 1754), pet. in-12 manuscrit. (Catalogue Leber, n° 2635.)

NŒUD (Ordre du) ou Saint-Esprit au droit désir. Il existe un livre devenu rare: Mémoire pour servir à l'histoire de France du XIV e siècle, contenant les statuts de l'Ordre du Saint-Esprit au droit désir , ou du Nœud, institué à Naples en i352, et renouvelé en 1579 ,- parLefebvre. Paris, De Bure,


NOS 9 5

1764, in-8.(Un exemplaire figure au catalogue Leber , 6426.^ (Voy. Schoonebeek, 2 me part, page 196.)

Louis d'Anjou, dit de Tarente, roi de Naples, second mari de la reine Jeanne, institua cet Ordre en l'honneur de son couron- nement comme roi de Jérusalem et' de Sicile. Le nombre des chevaliers, d'abord fixé à 60, fut ensuite porté à 3oo.

Les chevaliers qui, à nombre pareil et à forces égales, avaient attaqué les premiers et étaient restés vainqueurs, ou ceux qui avaient fait prisonnier le chef des ennemis, avaient délié le Nœud. C'était un Ordre militaire, mais avec des formes bizarres et presque burlesques. Les Ordres de chevalerie étaient rares alors, peu connus en Italie; ce qui a donné un air d'excentricité à celui-ci.

Les chevaliers portaient, les uns disent sur la poitrine, d'au- tres croient autour du bras droit, un nœud, ou cordon de soie pourpre et or; sur le nœud on lisait les mots: Le Dieu plaît. Le roi plaçait ce cordon aux chevaliers. Lorsqu'un chevalier avait fait preuve de valeur, il portait le nœud délié; il le re- nouait quand il entreprenait un second acte de bravoure.

Cet Ordre disparut dans les désordres et les révolutions qui arrivèrent à Naples après la mort de Louis deTarente, en 1369. Mais on le restaura en 1579, comme on le voit par l'ouvrage ci- dessus indiqué qui nous a conservé l'histoire et les statuts de cette association.

C'est, à ce que l'on croit, le plus ancien Ordre de chevalerie de l'Italie; le prince de Tarente, frère aîné du Roi, Louis-J^arnabé Visconti, Seigneur de Milan, Louis San Severino, Guillaume Del Balzo, comte de Noïa, etc., furent créés chevaliers , ainsi que d'autres qui s'étaient distingués par leur bravoure, et aux- quels on prescrivit une formule de serment et de foi perpétuelle. — Les chevaliers portaient, comme le roi, un habit militaire, qui désignait leur dignité, tel que l'usage l'autorisait alors.

NOSTRE-DAMË DE TOUTE-JOIE (Confrairie de) ou de la Car oie (de la danse). Par un mélange de piété et déplaisirs,


9 6 OBS

ainsi que cela se pratiquait au moyen-âge, on greffait le profane sur le sacré, et d'une confrairie fondée sous l'invocation de la vierge Marie, on faisait une société dansante. C'est ainsi que s'organisa la confrairie des bourgeois de Paris , sous le titre de Nostre-Dame de Toute-Jqye, ou de la Carole. — Le catalogue Leber, n° 562 1, indique les Règlements de l'ancienne con- frairie royale des bourgeois de Paris, sous le titre de Nostre- Dame de Toute-Joie, vulgairement dite de la Carole (de la danse), érigée l'an i3o2. {Sans lieu ni date)) in-8.

Consultez aussi le Traité des confrairies , par Savaron. Paris , 1604, in-8, et le Calendrier des confrairies de Paris, tant de celles de dévotion, où toutes personnes sont reçues, que de celles des nobles, communauté^, marchands, bourgeois, artisans, Paris, Collet, 1621, pet. in-8, fig.



BSERVATEURS DE LA FEMME (Société des).

8o2-i8o3. Comme nous puisons nos renseigne-

ments dans les livres, il doit arriver souvent que nous passons sous silence des sociétés intéressantes et bizarres qui ont existé dans l'ombre et qui n'ont pas laissé de traces imprimées de leur passage; comme aussi, par compensa- tion, nous aurons à mentionner des sociétés sur lesquelles on a composé des ouvrages, mais qui réellement n'ont eu d'existence que dans l'imagination de poètes ou d'écrivains facétieux. Nous nous consolerons de cet inconvénient lorsque les auteurs auront été bien servis par une imagination vive et spirituelle et que leurs fictions vaudront au moins la réalité. C'est heureusement ce qui nous arrive à propos de la Société des Observateurs de la Femme, créée par feu Lemontey, de l'Académie française ; cette plaisanterie lui fut suggérée par le titre bizarre sous lequel


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s'étaient réunis, en 1800, des savants et des philosophes distin- gués, entr'autres Cuvier, Sicard, etc., qui formaient la Société des Observateurs de VHomme se réunissant tous les mercredis. (Voyez le Magasin Encyclopédique dirigé par Millin, etc.) Lemontey feignit qu'une association pour observer la femme s'était organisée dans une ville qu'on ne nomme pas, que ses membres portaient, pour se reconnaître, un œil en médaillon, attaché sur le cœur à un cordon de cheveux. Il fit paraître un petit livret sous le titre suivant : Récit exact de ce qui s est passé à la séance des Observateurs de la Femme, le mardi 2 novembre 1802, par l'auteur de Raison, Folie, etc. (M. Lemon- tey), Paris, Déterville, an XT(i8o3), in- 18.

Le prétendu narrateur de cette séance est M. Philogyne; les membres principaux sont MM. Louviers, le marquis de Korn- longen, l'abbé Satin; les correspondants sont MM. Leone, le marquis Cavalconi, Prudent, avocat des dames, de Lavie, Qua- trézé, Hangman; les autres membres (commissaires) se nom- ment MM. Blondin, Coxcomb, Molina, Stanislas Crépékirki, Fiorelles, Voïant, Altâtinget dom Pudico. Il est inutile d'ajou- ter que tous ces noms sont de pure imagination, comme le reste.

La salle des séances de cette société avait été décorée, par son inventeur, des bustes de Thomas, Rousseau et Diderot, trois philosophes qui se sont livrés, au sujet de la femme, à de pro- fondes méditations. Le premier était sculpté en plâtre vernis, le second en bronze doré, et le troisième en lave brute; on y avait ajouté deux figurines, savoir : l'abbé Galiani (1), en rocaille_,et madame*** en pain d'épice. Tous les auditeurs étaient des vieil- lards ou des jeunes gens; la physionomie des premiers respirait l'indulgence et l'urbanité, les seconds avaient l'air dur, hautain et impoli. C'était déjà l'époque où la prudente et sage vieillesse entendait mieux les règles de la civilité que la superbe jeunesse. En examinant de près, on découvrait que les hommes âgés

(1) Spirituel Napolitain, contrefait comme Esope, plein de verve et de feu, très-épris du beau sexe. La Bibliothèque universelle lui a consacré un curieux aiticle sorti de la plume de Ginguené.

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étaient bien moins chargés d'années que poussés par l'ardeur du travail vers une décadence prématurée; et, comme on sait qu'il est très-commun de voir les astronomes atteindre avec vigueur les bornes les plus reculées de la vie humaine, on doit en conclure qu'il est moins favorable à la longévité d'observer les femmes que les astres.

L'ouvrage à l'aide duquel Lemontey nous a si spirituellement révélé les mystères de la Société des Observateurs delà Femme a été réimprimé, avec quelques additions, dans la troisième édi- tion de son livre charmant intitulé. : Raison, Folie, petit cours de morale mis à la portée des Vieux Enfans. Paris, Déter- ville, 1816, in-8°, tome II, où il occupe les pages 1-104. Il se retrouve aussi dans les Œuvres de Lemontey (Paris, 1829, 5 vol.in-8°), tome II, p. 1-97. Nous emprunterons quelques traits à ce compte-rendu spirituel d'une séance de cette société fantas- tique :

Le marquis de Kornlongen lit une dissertation sur le mariage des courtisanes.

L'abbé Satin récite un hymne de sa composition à la louange des yueux.

M. Prudent, jurisconsulte parisien, à qui beaucoup de pro- bité procure beaucoup de loisir, fait hommage d'un livre de sa composition intitulé : Y Avocat des Dames, ou Avis aux Fem- mes pour la conservation de leurs droits en qualité de Filles, d'épouses, de mères et de veuves, avec cette épitaphe : « La beauté passe, la pauvreté reste. »

La société a reçu du docteur Palpard, médecin à Montpellier, une dissertation qui tend à prouver que le sentiment de la pu- deur est beaucoup plus naturel et plus constant chez l'homme que chez la femme ; l'auteur cite à l'appui de ses opinions les faits que lui a fournis une expérience de cinquante années, mais on ne saurait analyser un travail écrit avec une naïveté telle- ment positive qu'elle épouvante.

La société avait mis diverses questions au concours :

« Y a-t-il une tête de l'un ou de l'autre sexe que l'amour n'ait


OLT 99

« pu ou ne puisse rendre folle ? > Il a été reçu vingt-trois dis- cours, tous pour la négative.

« L'art de la toilette est-il parvenu, sous le méridien de Pa- « ris, à son plus haut degré de perfection, et va-t-il maintenant a subir le sort de toutes les choses humaines qui dégénèrent « quand leur développement est achevé ? » Seize mémoires ont été reçus; quinze s'accordent à dire que la toilette a épuisé en France les ressources du génie; le seizième, œuvre d'un esprit original et indépendant, affirme que la chose que les Européens appellent toilette, n'est, même à Paris et à Londres, qu'un art dans l'enfance, une grossière ébauche abandonnée à elle-même.

En proposant son troisième prix : Apologie de l'esclavage des Femmes, la société s'était flattée que l'invitation odieuse qu'elle feignait d'adresser ne séduirait personne, mais elle s'était bien trompée. Quatre cent soixante-huit discours, presque tous re- marquables par une dialectique nerveuse et une vive éloquence, ont apporté la triste preuve que le despotisme est universel dans le cœur de l'homme. Prise dans le piège qu'elle avait tendu, la société a cherché le moyen de réparer le mal qu'elle avait causé. Elle a pris le parti de couronner le plus inepte des concurrents. Heureusement, il s'est trouvé un discours côté sous le n° 3n, où l'abjection du style égale l'absurdité du raisonnement, et dont l'auteur paraît tellement sot qu'on a de la peine à le croire tout à fait pervers; la société a donc couronné la plus méprisable des rapsodies du concours, et elle a la franchise d'en convenir contre l'usage héréditaire des sociétés rémunératrices. L'auteur a reçu une chaîne d'or; il se nomme Dominique Hanger (pen- deur), planteur à la Jamaïque.

OLTEN (Société d'). Détails sur la Société d'OIten, avec Cette épigraphe : Quod genus hoc hominum} Quove hune tant barbara morem permittit patria? Virg. Aeneid. lib. I (par Hérault de Sechelles). Paris, 1790, in-8°de 38 pages, tiré à 100 exemplaires seulement.

Olten était une petite ville de la Suisse, chef-lieu d'un bail-


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lage du canton de Soleure. Nous n'avons jamais rencontré l'écrit en question, de sorte que nous ignorons de quelle société il s'agit.

OLYMPIQUE (Société). Espèce de loge maçonnique de Paris, sur laquelle Lerouge possédait deux pièces originales. (Catalogue, n° 3i8.)

La Société Olympique paraît avoir été établie à Paris en 1785 ou 1786. Au mois d'août 1787, le lieutenant de police ordonna la fermeture de cette. société et de plusieurs autres clubs du même genre. Au mois d'octobre suivant, la Société Olympique ayant pu prouver qu'elle ne s'occupait que de fran- che-maçonnerie, fut autorisée à continuer ses réunions. Il faut donc la ranger parmi les sociétés maçonniques de la capitale.

ORPHÉE (Les frères d'). Cette société portait aussi le nom des Frères de VUnion-, ils s'assemblèrent dans la première moitié du siècle dernier dans un but artistique. On ne devait se réunir que pour faire de la musique, et l'on s'était engagé à commencer par dîner ensemble et finir par s'occuper de beaux- arts; mais un doux engagement mène souvent plus loin qu'on ne pense; quand nos musiciens se trouvèrent inter pecula 3 ils s'y sentirent si bien qu'ils y restèrent, et les instruments qu'on avait apportés ne sortaient pas de leurs étuis. Si bien que tout le concert se passait en chocs de verres et de bouteilles. On se retirait comme on était entré, à la raison près, qu'on laissait trop souvent au fond des coupes. Cet Ordre tomba donc dans le néant, de 1740 à 1745.

Sur ses ruines s'éleva l'Ordre des Frères d'Apollon ,• ceux-ci commencèrent par faire de la musique et par dîner ensuite; c'était le plus sûr moyen d'avoir un concert exécuté d'une façon sérieuse. Ils ont eu quelques années d'existence de plus que leurs prédécesseurs.

Avant les Frères de l'Union il y avait V Ordre d'Orphée, ba- chique et musical, institué le i« avril 1705, par sept musiciens


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célèbres du temps parmi lesquels on comptait Duché de Le Verrier, Philidor, et La Montagne. Ces sept fondateurs se distinguaient par des surnoms qu'ils avaient adoptés et sous lesquels ils étaient connus dans l'Ordre ; ils en ajoutaient le titre à leur nom; ces appellations avaient été choisies : savant, harmonieux, bon accord, mélodieux, du Parnasse, gracieux et nécessaire; le fameux Philidor avait le surnom du Parnasse, et le secrétaire de l'Ordre celui de frère Nécessaire. Le premier grand-maître fut Henri-Félix Duché de Le Verrier.

Les frères et les chevaliers se réunirent d'abord trois fois par semaine; mais bientôt ils trouvèrent cette obligation trop lourde et trop difficile à remplir; ils ne se réunirent plus que tous les mercredis. Dans leur réunion ils étaient coiffés d'un bonnet rose avec une bordure violette, et portaient au bras un bracelet. Leurs statuts, que l'on a conservés, en manuscrit, signés des noms et surnoms des sept fondateurs, étaient assez sévères pour des artistes musiciens. Il y était défendu d'être envieux les uns des autres, de se vouloir du mal et de ne pas se rendre mutuelle- ment justice. Il y était expressément prohibé de boire jusqu'à perdre la raison. Tout cela était bien, mais cela ne dura pas long-temps; on perdit bientôt la trace de cette institution bachi- que et musicale.


fl AILLE (L'ordre de la). i652. V Ordre delà Paille paraît avoir été une sorte d'association créée pendant la Fronde par des antagonistes du cardinal Mazarin qui voulaient avoir un moyen de se reconnaître en- tr'eux.

Les chevaliers de la Paille sont plusieurs fois cités dans les Ma^arinades.



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Il existe une brochure (voyez n° 2623 de la Bibliographie des Ma\arinades , par C. Moreau. Paris y 1850, tom. II, p. 3 10), qui porte le titre suivant :

V Ordre de la Paille, institué pour combattre les Ma^arins, avec VAvis pour faire sortir présentement des prisons ceux qui y sont détenus pour quoi que ce soit. PariSjSimon-le-Pas- teur, i652, 7 pages in-4 .

L'auteur nous apprend que le prince de Condé donna pour signe de reconnaissance à son armée, dans les journées de Phi- lipsbourg et de Lens « de tirer un peu de chemise hors des chausses. » Au combat de la porte Saint-Antoine, il donna de la paille aux Allemands d'abord, puis à toutes ses troupes.

Ce pamphlet n'est pas commun.

Le Mercure de la Cour, ou les Conférences secrètes du car- dinal Ma\arin avec ses Conseillers et Confidents pour venir à bout de ses entreprises, dédié aux Parisiens, avec cette épita- phe : e: Nolite fieri sicut equus et mulus, quibus non est intel- lectus. » {Paris, 1 65 2, in-4 ), est divisé en cinq parties. On ne croit pas qu'il y en ait eu davantage; la 4 e partie, qui a 3 1 pages, contient deux pièces de vers assez médiocres intitulées, savoir : Y Ordonnance de la Fronde pour prendre la paille, et les Sta- tuts des Chevaliers de la Paille. L'auteur est de la Fronde des princes. Dans cette dernière pièce, il ordonne de croire

« Que le coadjuteur qui lorgne

4 Pour être ministre d'Etat, »

c Aussi bien que Servien-le-borgne (1)

< Est de la Fronde un apostat. »

Le chapeau du coadjuteur est mazarin, dit-il, et sa mître est frondeuse.

Ces deux pièces de vers ont été reproduites par Sautereau de Marsy, dans son Nouveau Siècle de Louis XIV 3 pages 353 et 358.

(i) Abel Servien, qui signa la paix de Munster, comme plénipotentiaire de la France ; nommé, en i653, surintendant des finances, il mourut en 1659.


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UOrdre du Papier était le contraire de VOrdre de la Paille, ou bien l'un était sorti de l'autre. (Voyez les Mémoires du P. Berthod (introduction), tom. XLVIII de la Collection de Mé- moires depuis Vavènement de Henri IV jusqu'à la paix de 1763, publiée par MM. Petitot et Monmerqué, 1820-29, 79 vol. in-8°.

Citons aussi le grand dialogue de la Feuille et du Papier, contenant ce qui peut se dire de plus considérable sur ces deux sujets, avec leurs raisonnements sur les affaires d'Etat, le tout en style vulgaire. Première partie.» (S. /., i652), 26 pp. (Ya-t-il une 2 e partie ?)

U Apothéose de la Paille, prise par les Dieux et les Déesses en faveur de messieurs les Princes , et V Abjection du Papier, pris par Priape, les Sylvains, Faunes et Satyres-, Galanterie ou Caprice. Paris 3 Jean Brunet, 16S2, 8 pages.

Le Bouquet de Mademoiselle; la Paille y est préférée à toutes les fleurs. (N° 56 du Supp. de la Bibliogr. des Ma\arinades.)

Caquet de la Paille (s. /.), i652, 8 pages, contre le duc d'Or- léans, qui est fort maltraité.

Louanges de la Paille, dédiées à M. le duc de Beaufort. Pa- ris, J. du Crocq, 16S2, 8 p., épître signée D.N. ,

Triolets sur la mode de la Paille qui court. Paris, Nicolas Lorrain, i652, 7 p.

Le Triomphe de la Paille sur le Papier sortant du Palais- Royal, avec le Pour et le Contre de Vun et de Vautre. (S. /., i652) 8 pages. Rare.

PAINOLO (Congrega del). Ce mot signifie la Société du Chaudron; c'était une réunion d'artistes qui s'assemblaient à jour fixe à Florence, dans la première moitié du XVI e siècle, afin de rire, chanter, discuter des questions artistiques et se livrer aux joies de la bonne chère. Vasari, dans ses Vite dei Pittori a conservé la mémoire d'un plat que le célèbre Andréa del Sarto prépara un jour pour le souper des membres de la So- ciété du Chaudron; c'était un temple octogone, formé de co-


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lonnes faites de saucisses; leurs chapiteaux et leurs piédestaux étaient confectionnés avec ce fromage parmesan qui est le prin- cipal ingrédient du macaroni. D'autres parties de l'édifice étaient en sucre ou en massepain (marçapano). Le pavé était formé de petits morceaux de galantine de diverses couleurs, imitant la mosaïque. L'édifice provoqua une admiration générale; son ar- chitecte donna ensuite le signal de la démolition, et les débris disparurent dans l'estomac des convives.

PALLADIUM (Société du), ou les Compagnes de Péné- lope, espèce de franc-maçonnerie de femmes fondée pour exci- ter à la vertu et à la sagesse. Il existe un catéchisme pour ensei- gner le rit de cet Ordre, et des cahiers de réception des deux grades d'apprentie et de compagnone. Les Compagnes de Pé- nélope, ou le Palladium des Femmes, ont dû être réformées par le frère Guillaume, fameux maçon, qui s'occupait beaucoup de sociétés secrètes. Il existait chez M. Lerouge, n° 5 20 de son catalogue, un ms. in-4 avec fig. intitulé : Société du Palla- dium. Précis historique: Instruction ,• Grades; Adelphes, Com- pagnons d'Ulysse. Ces derniers noms désignaient sans doute les personnages qui voulaient faire fléchir la vertu des femmes. Le règlement, composé de 61 articles, est daté de Lutèce, le 20 mai

PAPILLONNAGE (L'Ordre du). Cet Ordre n'a jamais existé que dans l'imagination fort légère de l'auteur d'un pamphlet mis au jour en 1742, et mentionnant comme formant la biblio- thèque d'un petit-maître, V Encyclopédie perruquière , en 7,3oo cahiers, les Statuts et Règlements de l'Ordre élégan- tissime du Papillonnage ,par l'urbanisme Zephirofolet, 100 vo- lumes in-fol.

Si V Ordre du Papillonnage est fictif, Y Encyclopédie perru- quière ne l'est pas; nous avons le petit traité portant le titre ainsi libellé : l'Enciclopédie perruquière, ouvrage curieux à l'usage de toutes sortes de têtes, enrichi de figures en taille-


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douce, par M. Beaumont, coëffeur dans les Quinze- Vingt s, avec cette épigraphe : « S'en torche qui voudra les barbes. » A Amsterdam et se trouve à Paris, che\ Vauteur, et che\ Hocher eau, libraire, à la descente du Pont-Neuf, au Phénix, ij5j, in-12 de 3j pages, avec 45 têtes coiffées, gravées. Le vé- ritable auteur de cette'facétie est l'avocat Jean-Henri Marchand, qui prit le nom de Beaumont, coiffeur à la mode. Il adresse la dédicace de son livre au perruquier André, poète et auteur dra- matique (1). On a aussi de lui une critique des coiffures outrées, sous le titre de : YEnciclopédie carcassière, ou Tableau des coiffures à la mode , gravées sur les desseins {sic) des petites- maîtresses de Paris. Paris, Hochereau, ij 53 , in-8°de44 pages. Dans ce vol. on trouve la Fille dégoûtée, comédie en un acte et en prose. J.-H. Marchand est aussi l'auteur de : les Panaches, ou les Coiffures à la mode, 1778, pet. in-8° de j5 pages.

PARFAITE UNION (Société de la). Cette société, com- posée de 14 femmes dans son origine, et fondée à Meaux ou à La Ferté-sous-Jouarre, a donné lieu à la pièce suivante :

De la Parfaite Union

Je veux raconter l'histoire ,

Chanter sa fondation,

Ses dits, ses faits et sa gloire,

Ah! la Parfaite Union

Court au temple de mémoire,

Ah! la Parfaite Union

N'est pas une fiction.

(1) Il s'agit du Tremblement de Terre de Lisbonne, tragédie d'un sérieux burlesque, mise sous le nom de Charles André, perruquier privilégié, de- meurant rue de la Verrerie, près la Grève; elle est généralement attribuée à l'avocat Marchand ; mais Laporte, dans sa France littéraire, la donne à Paris de Meyzieu et à son secrétaire Ducoing. La dédicace, à Voltaire, que le per- ruquier-poète appelle son cher confrère, est aussi singulière que le reste de l'œuvre. L'auteur prétendu annonce qu'il a composé sa tragédie pendant deux nuits consécutives où il se trouvait éveillé par ces sortes de gens qui par leurs odeurs sont capables dempestiférer tout le genre humain.


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Quatorze femmes un jour Lasses de garder silence, Prirent un commun séjour Pour jaser tout à l'aisance ; Ah! la Parfaite Union En dit plus encor qu'on ne pense, Ah 1 la Parfaite, etc.

A l'heure, à l'instant précis, Au rendez-vous on s'assemble; On amuse le tapis En parlant toutes enBemble. Ah ! la Parfaite Union Souvent a qui lui ressemble. Ah! la Parfaite, etc.

Sur ce ton là volontiers La séance continue Et pendant des jours entiers Le babil se perpétue. Ah! la. Parfaite Union N'est point sujette à la mue. Ah ! la Parfaite f etc.

Deux secrétaires choisis Rédigent l'ample matière ; On dit qu'il en faudrait six Qui tous auraient fort à faire. Ah! la Parfaite Union Brille dans le commentaire. Ah ! la Parfaite, etc.

Les rouets et les tricots, Illustre et solide ouvrage, Soutiennent les doux propos De ce grave aréopage. Ah! la Parfaite Union De son temps sait faire usage. Ah! la Parfaite, etc.


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C'est dans ce sage réduit Qu'on projette d'ordinaire Quelques courses pour la nuit, Quelques soupers à mystère. Ah! la Parfaite Union Est par fois aventurière. Ah 1 la Parfaite, etc.

De messeigneurs les époux Qu'aucun chef ne se malaise ; Ces courses, ces rendez-vous Sont badinage et fadaise. Ah! la Parfaite Union Ne veut que jaser à l'aise. Ah ! la Parfaite, etc.

L'autre jour un son bruyant

Au champ de Mars (1) en fit croire;

Mais nos preux (2) vont réclamant

L'accent de leur territoire.

Ah! la Parfaite Union

A des rivaux de sa gloire.

Ah ! la Parfaite, etc.

Naguères chez le Décan On la crut à même vitre ; Mais ce n'était qu'un quanquan De quelques-uns du chapitre : Ah ! la Parfaite Union Peut chanter à leur pupitre. Ah ! la Parfaite, etc.

Depuis, chez le Préconteur, On reconnut son langage, Mais c'était l'écho jaseur • Des nonnes du voisinage. Ah ! .la Parfaite Union Imite assez ce ramage. Ah! la Parfaite, etc.


(i) L'arquebuse.

(2) Les chevaliers de l'arquebuse.


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AUX ASPIRANTES A LA PARFAITE UNION. — ENVOI.

Vous toutes qui désirez D'entrer dans cette milice, Tôt ou tard vous obtiendrez Cet honneur, cette justice ; Ah ! la Parfaite Union Vous réserve un bon caprice ; Ah! Imparfaite Union N'est point une fiction. (Extrait d'un Recueil de Poésies, composées vers 1760, par un habitant de La Ferté-sous-Jouarre, manuscrit in-4 .)

PAROISSE (La). — Nouvelles à la main. — Vers le milieu du XVIII e siècle, il existait à Paris une réunion de causeurs et de nouvellistes qui avait son centre chez M rae Doublet de Per- san, née Legendre, femme aimable, mais déjà d'un âge mûr puisqu'elle avait vu le jour dans le siècle précédent. Cette dame, entourée d'une sorte de célébrité par son amour pour les nou- velles politiques, mondaines ou littéraires, et par ses liaisons avec beaucoup de gens de lettres et d'hommes distingués dans maintes carrières, appartenait à la nombreuse famille des Cro- zat. Elle avait pour frère l'abbé Legendre, sur lequel Piron, ami de la maison, avait fait cette épigramme :

« Vive notre vénérable abbé , « Qui siège à table « Mieux qu'au jubé ! »

M mc Doublet, dont la petite nièce n'était rien moins que la duchesse de Choiseul, perdit son mari, M. Doublet de Persan, intendant du commerce, et se trouvant presque sans fortune, se retira dans un appartement extérieur du couvent des Filles- Saint-Thomas, où elle se tint aussi enfermée que si elle eut été grillée, car elle n'en sortit pas une seule fois durant l'espace de quarante années qu'elle y demeura. Là, elle se constitua une société aimable et choisie, composée de personnes distinguées par leur rang, par leur savoir ou leurs qualités. On y remar- quait d'abord l'abbé Legendre, son frère; Bachaumont, le plus ancien et le plus fidèle de ses amis, qui partageait son apparte- ment; Alexis Piron, dont la gaîté était à peine modérée par le lieu saint où il était et la présence d'une femme respectable; les abbés Chauvelin et Xaupi, les deux frères La Curnede Sainte- Palaye, dont l'un a jeté tant de jour sur nos antiquités litté- raires nationales_, alors que personne ne s'en occupait, et qui, nés jumeaux et plus liés encore par l'amitié que par la nature, vivaient dans la même habitation et dans la même chambre; l'antiquaire de Foncemagne_, le médecin Falconet, propriétaire d'une des plus considérables bibliothèques particulières de l'épo- que; Mairan, Mirabaud, d'Argental, Voisenon, abbé peu ortho- doxe, dans les œuvres duquel on lit des vers adressés à M me Dou- blet, âgée de 92 ans. Presque tous ces membres de la réunion avaient à peu près le même âge, et formaient un cercle d'amis d'humeur égale et assortie, qui se rassemblaient chaque jour, dans le quartier le plus populeux de Paris, à la même heure, dans le même salon, où chacun allait s'asseoir sur le même siège que la veille, placé au-dessous de son propre portrait. De sorte qu'absent ou présent chacun d'eux était sûr que la maîtresse du lieu avait ses traits sous les yeux. Cette singulière société prit le nom de : la Paroisse, bien que pourtant, comme on l'a fait remarquer, elle ne renfermait pas dans son sein des paroissiens bien fervents.

Tous les membres qui avaient parcouru dans la journée les divers quartiers de Paris^ rapportaient au foyer de la Paroisse le produit de leur récolte de nouvelles; elles étaient débitées et livrées à la discussion ; puis, on les inscrivait sur deux registres ouverts sur un grand bureau placé au centre du salon. L'un de ces registres recevait les faits douteux; l'autre contenait les faits prouvés, ou regardés tels par la société. A la fin de la semaine, on fesait des extraits des deux registres sur des feuilles volantes tenues par le valet-de-chambre, rédacteur de M me de Persan, et on les livrait à la publicité. C'était une petite spéculation dont le secrétaire tirait profit. Telle fut l'origine des Nouvelles à la main, espèce de journal publié à Paris et répandu dans les provinces avec quelque succès, à peu près jusqu'à la révolu- tion.

C'est encore la réunion de la Paroisse qui donna naissance aux Mémoires secrets pour servir à l'Histoire de la républi- que des lettres en France, depuis M DCC LXII, jusqu'à nos jours, publiés plusieurs fois en 36 vol. in- 12 (1). Bachaumont, le commensal de M rae Doublet, en rédigea les quatre premiers volumes et la moitié du cinquième. Pidanzat de Mairobert, qui passait sa vie chez M me Doublet, et qui était bien aise qu'on le crut fils de cette dame et de Bachaumont, continua ce recueil après la mort de ce dernier, arrivée en 1771; De Mairobert, compromis dans les affaires de M. de Brunoy, mourut lui-même en 1779, en se tuant de désespoir chez un baigneur où il s'ou- vrit la veine et où il s'acheva d'un coup de pistolet. Il était alors secrétaire des commandements de M. le duc de Chartres (père du roi Louis-Philippe), et censeur royal (2). Les Mémoires


(1) La meilleure édition est celle imprimée en gros caractères. Il existe aussi quelques abrégés ; M. F. Barrière en a publié un dans la Bibliothèque des Mémoires du XVIII e siècle. (Paris, Didot, in- 18). On commence la mise au jour d'une Table qui rendra possible les recherches qu'on voudrait faire dans les 36 volumes.

(2) Pidanzat de Mairobert était un des plus infimes membres de la Pa- roisse, sous le rapport de la capacité, de la considération et de l'honneur. Il fut passablement intrigant, et eut successivement l'oreille de MM. de Males- herbes, de Sartines, Albert, Lenoir et Le Camus de Néville. Après sa mort, un de ses amis, peut-être un paroissien, lui fit cette épitaphe, qui le caracté- rise parfaitement :

« Ci-gît qui de l'honneur partisan assidu ,

« De ses sentiers étroits s'écarta par ivresse,

« Mais qui, cherchant la mort pour punir sa faiblesse,

« En a plus recouvré qu'il n'en avait perdu. »

Parmi ses nombreux ouvrages on remarque divers écrits relatifs à madame du Barry, et Y Observateur anglois, 1 777-78, qui contihue, mais avec plus de hardiesse, les Mémoires secrets.


PAR m

secrets furent continués alors par Mouffle d'Angerville (i) et autres.

Pour en revenir au Cercle de la Paroisse, nous devons ajou- ter qu'après avoir beaucoup jasé et disserté sur la politique, les belles-lettres, les arts, les détails et aventures de société, et avoir pris des notes sur tout ce qui s'était dit, l'assemblée se mettait à table et soupait gaîment. « C'était, dit un biographe, une espèce de saturnale succédant à une grave séance du sénat romain. La fête devenait surtout joyeuse lorsque Bachaumont faisait les frais du souper. A la fin de sa vie, il feignait de radoter pour avoir le droit de tout dire impunément, et il en convint avant de mourir.»

Croirait-on que les innocentes élucubrations de ces aimables vieillards, que ces Nouvelles à la main, dont l'audace pâlit devant la plus douce des gazettes de ce siècle, attirèrent l'atten- tion de la police à l'époque des querelles suscitées entre la Cour et les parlements en 1752 et 1753. Le valet-de-chambre, secré- taire de M me Doublet, comme l'âne, dans la fable des Animaux malades de la peste, paya pour toute la Paroisse. Il fut mis en prison; mais, comme on le pense bien, il avait trop de protec- teurs pour y rester longtemps ; on le rendit bientôt à la liberté et à sa bonne maîtresse.

Les membres de la Paroisse étaient plutôt philosophes qu'in- tolérants; ils se rangèrent parmi les jansénistes dans la petite guerre déclarée par le parlement à l'archevêque de Paris pour un refus de sacrements. Mme Doublet se montrait généralement indulgente, laissant toute liberté de penser à ses amis, mais maintenant la convenance dans le cercle qu'elle présidait avec tact. Elle vit descendre avant elle dans la tombe presque tous les habitués de sa maison. On lui cacha longtemps la mort de Ba- chaumont, son meilleur ami; quand elle connut cette perte, elle en ressentit le plus grand chagrin. Ses facultés en souffrirent et

(1) Avocat, mort vers 179$; auteur de la Vie privée de Louis XV, 1781, 4 vol. in- 12.


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s'altérèrent; elle ne tarda pas à le suivre au tombeau; elle s'étei- gnit vers la fin de la même année (i 771); elle avait alors dépassé l'âge avancé de 94 ans et vu sa sixième génération. A ses der- niers moments elle consentit à recevoir les secours de l'église qu'elle avait longtemps négligés; on lui trouva un prêtre de beaucoup d'esprit, homme aimable et connaissant le monde, qui parvint à émouvoir son esprit et à rappeler sa sensibilité de telle façon qu'elle voulut se faire embrasser par ce convertisseur mondain. Le pieux ecclésiastique, dans l'espoir de sauver une âme, ne crut pas devoir se refuser à cette fantaisie d'une péni- tente presque centenaire; mais, peu habitué à cette manœuvre, il s'y prit maladroitement et dérangea le rouge de la dame, ce qui le fit gronder et occasionna le dernier péché d'impatience de Mme Doublet. Ces détails peignent mieux les mœurs du temps que le plus long commentaire. Avec Mme Doublet de Persan, qui avait atteint le terme le plus reculé de la vie humaine, finit cette société de la Paroisse dont elle fut la clé de voûte qui sou- tenait tout l'édifice : il est vrai qu'avant sa chute beaucoup de pierres s'étaient détachées une à une, et, en tombant de vétusté, avaient singulièrement diminué la solidité du monument. Il ne reste, bibliographiquement parlant, de tant de causeries aima- bles, de tant de caquetages intimes, fruits des meilleurs conteurs du temps, que les Nouvelles à la main et les Mémoires secrets.

PARTHENIA ARYSOPHORUM (Académia). Son emblè- me était un puits avec cette devise : Un a omnes. Il a été gravé par Cesare Bessani, de Milan, vers 161 5.

PASSION (Confrères de la). Cette association fut formée de bourgeois de Paris qui se réunirent pour jouer des mystères; elle fut la première à introduire quelque régularité dans les re- représentations théâtrales; M. Taillandier lui a consacré une notice curieuse (Revue rétrospective, i re série (1834) tom. IV, p. 337), d'après les registres manuscrits du Parlement de Paris et d'autres documents inédits ou peu connus. Dès 1398, on


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trouve des Confrères de la Passion établis dans le bourg de Saint-Maur-des-Fossés. Le Journal d'un Bourgeois de Paris (inséré dans le tom. XL de la Collection des Chroniques fran- çaises, publiée par M. Buchon), mentionne les jeux que les con- frères donnèrent en 1438, après la rentrée de Charles VII à Paris; en 1 53 1 ces associés jouèrent à l'hôtel de Flandres le Mys- tère de l'Ancien-Testament. Le Parlement voulut interdire cette représentation, mais le roi intervint. On se borna à or- donner quelques mesures de police et à une somme de mille livres au profit des pauvres. En 1547, ils représentèrent avec éclat le Mystère des Apôtres, versifié par les frères Gréban, le Mystère de V Apocalypse, ouvrage de Louis Choquet. En 1548, ils s'installèrent dans l'hôtel de Bourgogne, et la même année, le 17 novembre, le Parlement leur défendit a de jouer les mis- tères de la passion de Nostre Sauveur, ni autres mistères sacrez, sur peine d'amende arbitraire, leur permettant néanmoins de pouvoir jouer aultres mistères profanes, honnestes et licites, sans offenser ni injurier aulcunes personnes. »

Les Confrères de la Passion durent chercher un autre réper- toire; en x557, ils obtinrent du Parlement la permission de « parachever le jeu de Huon de Berdemoy le lendemain de la feste de la Nativité de Nostre Seigneur et sans scandalle. » Ils avaient d'ailleurs un privilège exclusif que le Parlement faisait respecter; le i5 septembre 1 571, on interdit les représentations d'une troupe italienne « qui jouoit farces et comédies sans per- mifïion, exigeant de chacunes personnes trois, quatre, six, sept et onze sols, sommes excessives et non accoutumées. » En 1576 et en 1577, des arrêts du même genre furent rendus, mais les comédiens italiens, objet d'une protection spéciale de Henri III, n'en tinrent compte, & d'un autre côté, les confrères luttaient avec le fougueux René Benoist, curé de Saint- Eustache, qui se montra avec éclat dans les troubles de la Ligue, et le public les délaissait pour des représentations qui étaient mieux de son goût. Quelques années plus tard ils se séparèrent en deux trou- pes; l'une resta à l'hôtel de Bourgogne, l'autre se transporta au

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Marais; Henri IV confirma en vain leurs privilèges au mois d'avril 1 5 87 . Le Prince des Sots, Joubert, dit Angoulevant, sou- tint contre les confrères un long procès et le gagna. (Voir l'article Sots). Toutefois le Parlement rendit encore le 18 Janvier i6i3, un arrêt qui reconnaissait le privilège des confrères « de jouer tous mistères, jeuxhonnestes et récréatifs sans offenser personne, en la salle de la Passion, dicte l'hostel en Bourgogne, et en tous aultres lieux. » Vains efforts; la décadence était complète; les Confrères de la Passion étaient condamnés à périr ; le 7 no- vembre 1629, un arrêt du conseil leur enjoignait de remettre aux mains d'un député à ce commis, les lettres et pièces justifi- catives du droit de propriété qu'ils prétendaient avoir sur l'hô- tel de Bourgogne, et cet arrêt était rendu à la demande des comé- diens ordinaires du Roi, parmi lesquels figure Hugues Guéru, dit Fléchelles, plus connu sous le nom de Gaultier Garguille, et auteur de chansons plus que badines, dont il a paru en 1857, dans la Bibliothèque elzévirienne, une très-bonne édition que recommande surtout une excellente introduction due à la plume de M. Edouard Fournier. On contestait aux confrères jusqu'à leur titre ; on les appelait « quelques particuliers se disant maî- tres de la Confrairie de la Passion et Résurrection de nostre Sauveur. » Après une longue agonie, ils reçurent le coup de grâce en 1676; unéditde Louis XIV les anéantit en ordonnant que les revenus de la Confrairie appartiendraient dorénavant à l'Hôpital-Général. C'est ainsi, ajoute M. Taillandier, après avoir raconté cette longue histoire, « c'est ainsi que finit cette Con- te frairie célèbre qui, pendant près de trois siècles, a eu le pçivi- « lége exclusif d'amuser nos aïeux. »

PAULMY D'ARGENSON (Société dramatique de M. le Marquis). Tout le monde sait quels services M. le marquis de Paulmy d'Argenson, né à Valenciennes en 1722, lorsque fon père était intendant du Hainaut, a rendu aux lettres en rassem- blant la plus curieuse et la plus nombreuse bibliothèque qu'un particulier puisse posséder, en l'enrichissant de notes savantes


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et en faisant des extraits intéressants sous le titre de Mélanges tirés (Tune grande Bibliothèque, 65 vol. in-8 (i).

Mais ce qu'on sait moins généralement 3 c'est que le marquis de Paulmy avait formé une Société dramatique d'amateurs, qui s'assemblait tous les automnes à son château (en Touraine probablement, où sa famille tint toujours un grand état de maison) _, et qui jouait avec succès, pendant toute l'arrière-saison, les plus piquantes comédies et les plus jolis opéras-comiques de nos théâtres. Cette société nombreuse et choisie avait tous ses jours marqués par de nouveaux divertissements. De certaines heures étaient fixées pour la chasse, la pêche, la promenade et le jeu. D'autres moments restaient affectés à la conversation, et quelques-uns destinés à la lecture des ouvrages nouveaux et surtout des pièces de théâtre, et de tout ce qui s'écrivait journel- lement sur l'art dramatique et la musique. Cette aimable asso- ciation s'était fait une règle de ne prendre avec chaleur aucun parti, de continuer à estimer ce qui a paru à nos pères digne de leurs applaudissements et de n'en point refuser aux productions modernes. On conçoit tout ce qu'une semblable compagnie , composée de femmes charmantes et délicates et d'hommes d'es- prit et bien élevés, pouvait trouver d'attrait sous la direction d'un amphytrion aussi distingué par ses connaissances étendues et ses belles qualités que le marquis de Paulmy; aussi voyait- elle toujours arriver avec chagrin le rude hiver qui ramenait tout ce monde élégant à Paris, pour le dissiper dans le tourbillon de la cour et de la ville.

De ces délicieuses journées passées sur les bords de la Loire, de ces soirées charmantes où les plus jolies marquises jouaient sur un théâtre de campagne les chefs-d'œuvre de la scène fran- çaise, il ne serait plus resté qu'un souvenir bien vague, si le spirituel directeur de cette société parfumée n'avait trouvé bon


(i) Le marquis de Paulmy, mort en 1787, fut membre de l'Académie française; en 1785, il vendit au comte d'Artois sa bibliothèque qui, confis- quée comme propriété d'émigré, a formé la Bibliothèque de l'Arsenal.


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de dresser à son usage un joli livret, tout mignard, tout char- mant, qui contient ses enseignements et ses conseils aux artis- tes improvisés de sa noble troupe dramatique. Ici encore la science bibliographique a bien servi la curiosité des rechercheurs d'anecdotes intimes du dernier siècle, et c'est à elle que nous devons la découverte des heureux passe-temps du plus érudit des d'Argenson.

Le livret dont nous parlons porte cette indication : Etrennes aux sociétés qui font leur amusement de jouer la comédie, ou Catalogue raisonné et instructif de toutes les tragédies, comé- dies des théâtres françois et italien, actes d' ) opéra 3 opéras co- miques, pièces à ariettes et proverbes, qui peuvent facilement se représenter sur les théâtres particuliers (par le Marquis de Paulmy d'Argenson). A Bruxelles , et se trouve à Paris, che\ Bradel, et à l'Arsenal (logement de l'auteur), cour des Cé- lestins. (Sans date, mais 1782), pet. in-12 de VIII, 120 pages et un supplément de 4 pages (1).

L'auteur feint que ce livre est tiré d'un manuscrit trouvé dans la bibliothèque d'une maison de campagne. Il le fit paraître d'abord comme Manuel des sociétés qui font leur amusement déjouer la comédie, et il l'inséra au tome II de ses Mélanges tirés d'une grande bibliothèque, page 172. Ce tome II parut en 1779. Mais les trois premiers volumes desdits Mélanges obtin- rent une seconde édition en 1785, et Fauteur en fit alors dispa- raître son petit Manuel, qu'il avait jugé plus convenable de publier à part, et comme seconde édition sous le titre à'Etren- nes, etc. Ce volume est au reste fort recherché et mérite de l'être; il est devenu rare (2). Outre une foule d'anecdotes dra- matiques de société, racontées avec beaucoup d'agrément par


(1) M. Wolf d'Orfeuil a placé un extrait de ce joli livre à la tète de Y Es- prit des Ahnanachs. Paris, 1783, 2 vol. in-12 ; il occupe les pages 10-22 des préliminaires du I er volume.

(2) Un exemplaire de ce livret se trouvait dans la bibliothèque de M. Aimé Leroy, bibliothécaire de Valenciennes, qui possédait aussi un recueil de mises


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M. de Paulmy, il est terminé par cinq chansons composées et chantées dans des châteaux pour des fêtes particulières , toutes postérieures à 1767. On y trouve le Plaisir des rois et le Roi des plaisirs , devenue populaire depuis, etunecharmante imita- tion de Ronsard, que nous consignons ici avec plaisir :

Mignone, allons voir si la rose, Qui, ce matin, avoit d'éclose Sa robe de pourpre au soleil, N'a point perdu cette veprée, Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au votre pareil.

Las, voyez comme en peu d'espace, Mignone, elle a dessus la place, Ses douces beautés laissé choir; O, vraiment, marâtre nature, Puisqu'une telle fleur ne dure Que du matin jusques au soir!

Donc, si vous m'en croyez, mignone, Tandis que votre âge fleurone, En la plus verte nouveauté, Cueillez, cueillez votre jeunesse, Comme cette fleur, la vieillesse Fera ternir votre beauté.

Nous y rencontrons aussi la chanson suivante qui a eu dans le temps un succès immense et que les vieillards se rappellent et fredonnent encore :

LA BELLE IMPRUDENTE.

J'ai vu Lise hier au soir ;

Lise était charmante : Mais hélas ! j'ai cru la voir

Triste et languissante.

en scène du théâtre particulier du château de Y Ermitage, près Condé, com- posé par le maréchal duc de Croy, dont les goûts se rapprochaient beaucoup de ceux du marquis de Paulmy. Le répertoire du théâtre de Y Ermitage, non imprimé, est un in-folio relié aux armes de l'ancienne maison de Croy.


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Vous croyez qu'avec Lycas C'est quelques nouveaux débats : Non, vous ne devinez pas Ce qui la tourmente.

Avec Lycas, l'autre jour

La jeune innocente A cueilli des fleurs d'amour,

Mais trop imprudente, Elle tremble d'avoir pris Parmi les fleurs quelques fruits; Et voilà, mes chers amis,

Ce qui la tourmente.

Déjà Phcebé dans son cours

Lui paraît trop lente : Un courrier depuis trois jours

Trompe son attente ; Et chacun, peu consterné De son sort infortuné, Lui voudroit avoir donné

Ce qui la tourmente.

Cette chanson courut sous le voile de l'anonyme, et tout Ver- sailles en chercha l'auteur avec autant d'ardeur que Londres en mettait à découvrir celui des Lettres de Junius(i). Les uns pen- saient au duc de Nivernois, les autres nommaient le chevalier de Boufflers; aucuns parlaient de S. A. R. Monsieur. Chansons que tout cela : le poète, c'était le secrétaire de Madame Adélaïde (fille de Louis XV), voilà ce que finit par conter la belle comtesse Diane de Polignac, sujet du poème. Ce jeune secrétaire était Germain Garnier, depuis comte de l'Empire, préfet, sénateur, pair de France,, membre de l'Institut, mort le 4 Octobre 1821 à 67 ans, au milieu des grandeurs, parlant souvent avec plaisir et regrets du temps de sa jeunesse qui s'écoula au milieu d'un monde élégant et léger et parmi les hommes les plus spirituels de la fin du siècle dernier.


(1} Sir Philip Francis.


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PAVILLON (Ordre du). — 1717. — Louis XV, à l'âge de huit ans seulement, créa l' Ordre du Pavillon, pour les jeunes seigneurs de la cour qui partageaient ses jeux. Cet ordre ne dura pas longtemps. A sa majorité, le souverain ne reconnut plus ses co-associés sur le même pied qu'auparavant.

La décoration était une croix d'or émaillée. Sur le milieu d'un côté un pavillon rappelant le nom de l'Ordre et le lieu où il avait été fondé; de l'autre un anneau tournant (jeu du roi); le cordon était rayé de blanc et de bleu.

PÉDÉRASTES (Ordre des). Pour faire pendant à ce que nous avons dit au sujet de la Secte anandryne, il n'est pas hors de propos de dire un mot d'un prétendu Ordre des Pédérastes, dont il est question au commencement du livre intitulé: La France devenue Italienne , ouvrage qui a été réimprimé plu- sieurs fois dans VHistoire amoureuse des Gaules-, il se trouve dans le tome III de l'édition de ce recueil comprise dans la Bi- bliothèque el^évirienne.

Manicamp, le duc de Grammont, le chevalier de Tilladet et le marquis de Biran sont accusés d'être les quatre grands-prieurs de l'Ordre, dont ils rédigèrent les statuts de la manière suivante :

I. Qu'on ne recevroit plus dorénavant dans l'Ordre des per- sonnes qui ne fussent visitées par les grands-maîtres, pour voir si toutes les parties de leur corps étoient saines, afin qu'ils pus- sent supporter les austérités.

II. Qu'ils feraient vœu d'obéissance et de chasteté à l'égard des femmes, et, que si aucun y contrevenoit, il seroit chassé de la compagnie, sans pouvoir y rentrer sous quelque prétexte que ce fut.

III. Que chacun seroit admis indifféremment dans l'Ordre sans distinction de qualité, laquelle n'empêcheroit point qu'on ne se soumît aux rigueurs du noviciat, qui dureroit jusques à ce que la barbe fut venue au menton.

IV. Que si aucun des frères se marioit, il seroit obligé de dé- clarer que ce n'étoit que pour le bien de ses affaires, ou parce


120 PED

que ses parents l'y obligeoient, ou parce qu'il falloit laisser un héritier, qu'il feroit serment en même temps de ne jamais aimer sa femme, de ne coucher avec elle que jusques à ce qu'il en ait un fils; et que cependant il en demanderoit permission, laquelle ne lui pourroit être accordée que pour un jour de la semaine.

V. Qu'on diviserait les frères en quatre classes , afin que chaque grand-prieur en eût autant l'un que l'autre. Et qu'à l'égard de ceux qui se présenteroient pour entrer dans l'Ordre, les quatre grands-prieurs les auroient à tour de rôle, afin que la jalousie ne put donner atteinte à leur union.

VI. Qu'on se diroit les uns aux autres tout ce qui se seroît passé en particulier, afin que quand il viendroit une charge à vaquer, elle ne s'accordât qu'au mérite , lequel seroit reconnu par ce moyen.

VII. A l'égard des personnes indifférentes, il ne seroit pas permis de leur révéler les mystères, et que quiconque le feroit, en seroit privé lui-même pendant huit jours, et même davantage, si le grand-maître dont il dépendroit, le jugeoit à propos.

VIII. Que néanmoins l'on pourroit s'ouvrir à ceux que l'on auroit l'espérance d'attirer dans l'Ordre ; mais qu'il faudroit que ce fut avec tant de discrétion, que l'on fût sûr du succès, avant que de faire cette démarche .

IX. Que ceux qui amèneroient des frères au couvent, joui- raient des mêmes prérogatives pendant deux jours, dont les grands-maîtres jouissoient; bien entendu néanmoins, qu'ils laisseraient passer les grands-maîtres devant, et se contente- raient d'avoir ce qu'on auroit desservi de dessus leur table.

Il est aisé de voir, par ces statuts même, que ce soi-disant Ordre est une grossière facétie inventée par l'imagination déré- glée de l'auteur de la France devenue Italienne. Cet écrivain va plus loin; il décrit les réjouissances faites dans une maison de campagne des environs de Paris, pour célébrer la reconnais- sance de ces statuts, qui amenèrent bientôt un grand nombre de néophytes dans cette prétendue société. On parle aussi de la dé- coration de l'Ordre qui représentait un homme foulant aux pieds


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une femme, comme dans la croix de Saint-Michel, l'ange foule aux pieds le démon.

L'auteur, continuant son histoire, va jusqu'à dire qu'un et même deux princes du sang-royal,, se firent admettre dans la société, ce qui parvint aux oreilles de Louis XIV; le roi qui dé- testait ce genre de débauche, prit des mesures sévères pour dis- soudre l'Ordre entier. Les seigneurs qui en faisaient partie furent exilés dans leurs terres, et ne revinrent que plus tard à la cour.

Il a paru un livret qui parle des individus qui auraient pu composer l'Ordre dont il est question; il a pour titre : Anecdotes pour servir à Vhistoire secrète des Ebugors ; à Medoso (So- dome), l'an de l'ère des Ebugors MMM CCG XXX III.(proba- blement 1733), in-i 2, de 102 pages sans la clé. Ce livre, imprimé en Hollande, raconte les événements, d'une guerre suscitée entre les Cythériennes et les Ebugors, en se servant de l'anagramme pour déguiser tous les noms des personnages et des lieux. Ce voile, d'ailleurs très-transparent, est entièrement levé par une clef mise à la fin du volume. C'est une narration allégorique dans un genre alors à la mode et dont il reste quelques autres traces: His- toire du prince Apprius; Cléon, rhéteur Cyrénéen, etc.

Mais ces Anecdotes n'ont aucune prétention historique; elles ne forment qu'un livre ennuyeux qui se paie toutefois fort cher, grâce à sa rareté et à son titre.

Il est question dans un ouvrage allemand, dont il existe deux traductions abrégées ou imitations en français (1) d'un ordre qui existait à Berlin, mais il est permis de croire qu'il n'y a rien de réel dans ces assertions scandaleuses.

PELLETIER (Société de), fermier- général. En 1759, M. Pelletier, fermier-général qui, tous les mercredis donnait à dînera Marmontel, Boissy, Suard et Lanoue, y invita Monti- cour, Saurin fils, Helvétius, Bernard, Collé et Crébillon fils qui, par la suite y présenta, pendant leur séjour à Paris, Garrick,

(1) Briefe ueber die Gaïanterien von Berlin, 1782, in -12, 378 p.


PEN


Sterne et Wilkes dont l'esprit ardent et le caractère impérieux annoncèrent alors le rôle qu'il devait jouer à Londres. Goldoni y eut ses entrées; Laujon y fut admis pendant les dernières années.

La gaîté de ces dîners y rappelait souvent celle des dîners du Caveau y dont ils furent, pour ainsi dire, la suite et dont ils ne différaient que par la suppression de l'épigramme qui n'y péné- trait que sous toute réserve. Monticour, convive aimable et déli- cat, fertile en saillies, avait le talent de donner de légers coups de patte sans trop égratigner, aussi s'était-il fait surnommer le Chat de la société.

Ces dîners cessèrent à la mort de Pelletier qui, depuis son ma- riage surtout, s'était réservé le droit de choisir ses convives, ajoutait aux hommes de lettres et aux chanteurs trois ou quatre de ses amis, fort honnêtes gens sans doute, mais souvent de plats financiers qui, n'ayant de l'or que le poids sans en avoir l'éclat, jetaient du froid dans la société et en bannissaient la gaîté.

Cette tentative de résurrection du Caveau n'eut pas de suite et ne dura guère que trois ans. Les élans de l'intimité n'y exis- taient plus, l'essor de la saillie était arrêté; le fermier-général, tranchant du Mécène, au milieu des lambris dorés, ne valait pas le cabaretier La Landelle, et l'on dit même que tout bas certains convives répétaient :

C'est un fort méchant plat que sa sotte personne, Et qui gâte à mon gré tous les repas qu'il donne.

PELOTE (Ordre de la). Il est indiqué dans les notes de de l'Aulnaye sur Rabelais; nous manquons de détails sur son histoire.

PENSIONNAIRES DU ROI (Les), à Rome (i). Wateîet et Marguerite Lecomte. Le plus joli livre dû à une association a vu

(i) Les pensionnaires du gouvernement français à Rome ont toujours formé une espèce d'association qui se maintient encore. Sous le titre de Réu- nion des Romains, tous les anciens pensionnaires et les artistes qui ont été à Rome, s'assemblent tous les i5 du mois dans un banquet joyeux. Nous avons


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le jour à Rome en 1764; mais il doit sa naissance à d'aimables Français,, amis des arts, tous réunis accidentellement dans la cité sainte. Voici à quelle occasion on fit ce charmant volume. Watelet, peintre, poète et philosophe ; Copette, homme de lettres, son ami particulier et son ancien instituteur; et Mme Mar- guerite Lecomte, gracieuse et jolie Parisienne, femme d'un pro- cureur au Châtelet, dont on ne parle pas, et amie intime de Watelet, amante passionnée des arts et maniant le burin en amateur, entreprirent en 1764 un voyage en Italie, la terre classique des beaux-arts. Cette trinité joyeuse et délicate fut reçue à Rome par les jeunes pensionnaires Français comme une bonne fortune qui leur arrivait, comme les Juifs recevraient le Messie. Watelet lui-même ne revit pas sans émotion, comme voyageur, l'académie française à Rome où il avait séjourné comme élève. Le séjour des trois visiteurs dans la ville aux sept collines^ ne fut qu'une série de fêtes, de promenades artisti- ques, d'excursions dans la campagne de Rome, de réceptions pompeuses et cordiales. Quel bonheur pour des Français, loin de leur patrie, de recevoir la visite d'une femme charmante, artiste comme eux, escortée de l'excellent Watelet^ qui avait su, avec sa grande fortune, se créer une vie volupteusement inno- cente, selon l'heureuse expression de Marmontel, et de l'abbé Copette (1), un littérateur estimable dont l'amitié de Watelet suffit pour faire l'éloge! Les artistes pensionnaires Français

sous les yeux une médaille d'argent, du module d'un franc environ, portant d'un côté une tête de femme coiffée à l'antique, et de l'autre les mots : Réu- nion des Romains, avec le millésime i833 dans une couronne de lauriers. Elle a été frappée par M. Violier, membre de la société. Le statuaire O. Henri Lemaire est aujourd'hui le tre'sorier de la Réunion des Romains. On y compte des peintres, graveurs, sculpteurs, architectes et musiciens.

(1) Pont.-Franç. Copette, docteur en Sorbonne, ex-primarius de l'univer- sité de Paris, membre des académies de Rome et de Florence, a été oublié dans toutes les biographies; les artistes lui ont rendu plus de justice que les lettrés. Nous avons sous les yeux trois jolis portraits de lui : l'un gravé par son ami Watelet en 1753, d'après Cochin fils; le second, gravé par le même en 1763 ; et le troisième, exécuté en 1772 par Lempereur, d'après Méon.


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voulurent laisser un souvenir de ce délicieux séjour et des réu- nions de gens qui se convenaient sous tant de rapports. Avec le concours de leurs talents divers, ils créèrent un admirable petit livret, tout gravé, reproduisant douze des scènes les plus inté- ressantes du voyage. Etienne De Lavallée Poussin, né à Rouen en 1722, mort à Paris en 1803, est le principal auteur de ce joli recueil dont il grava le plus grand nombre des pièces avec François Weiroter (1), jeune artiste allemand lié avec les pen- sionnaires Français à Rome. Durameau (2), H. Roberti (3), Radel (4), Delamp, etc., y contribuèrent par leur crayon et leur poésie. Le texte, tout en italien, se compose d'un avertissement, d'une canzonette sur une séance de l'académie des Arcades, tenue en l'honneur de MmeLecomte, de douze sonnets qui s'ap- pliquent aux douze tableaux et dont les derniers vers sont tirés de Pétrarque, et d'une table explicative. Ce texte poétique est de la façon de Louis Subleyras, fils du peintre, auteur du Ser- pent d'airain. Chaque page est encadrée d'ornements variés et allégoriques, composés et gravés avec une finesse et une légèreté remarquables. Le titre est ainsi conçu : Neîla venuta in Roma dimadama Lecomte, e dei signori Watelet e Copetti, rinoma- tissi letterati francesi , componimenti poetici di Luigi Subley- ras P. A. colle figure in rame di Stefario Délia Vallée Pous- sin, pensionario di S. M. Cristianissima. ClDlDCCLXlV con licen^a de Superiori, pet. in~4°de 3o feuillets, dans lesquels il n'y a que 3 2 pages remplies et chiffrées. La plupart des revers sont blancs pour faire mieux valoir la gravure.


(1) François- Edmond Weiroter, né à Insprucken ij3o, fut élève de Wille à Paris, alla étudier en Italie où il était en 1764, revint à Paris presqu'en même temps que Watelet, y grava d'une manière fine et légère une foule de paysages, et en repartit en 1767 pour Vienne où il venait d'être nommé professeur de l'académie de dessin; il y mourut en 1 773. ^ •

(2) LouisDurameau, peintre, né à Paris vers 1730, mort à Versailles en 1796.

(3) Hubert Robert, appelé Roberti en Italie, peintre de paysages, graveur à l'eau-forte, né à Paris en 1733, mort à Auteuil, près Paris, vers 1808.

(4) Peut-être L. -F. Petit Radel, architecte-dessinateur, né à Paris vers 1740.


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Après deux frontispices allégoriques, le i er tableau fait allu- sion à des imitations d'Horace et à d'autres ouvrages des savants voyageurs; le deuxième représente le portrait de Madame Le- comte, assise, tenant un crayon, et appuyée sur une table où l'on voit le portrait du cardinal Albani, gravé par elle-même; le troisième est l'arrivée à Rome de Watelet et de son amie, con- duits par Minerve et le Temps qui sème des fleurs sous leurs pas. Le quatrième, c'est Watelet prononçant un discours sur les avantages des beaux-arts, lors de la présentation des pension- naires de Rome à l'ambassadeur de France. Le cinquième offre la Visite des voyageurs à la fameuse statue d'Apollon au Vati- can. Le sixième , ce sont les études faites d'après l'antique sur les monuments de Rome. Le septième désigne le voyage à Na- ples après la mort à Rome de M. Bouchelet. Le huitième est le couronnement de Madame Lecomte, suivie de ses amis, au sein de l'académie des Arcades présidée par Apollon. Le neuvième, la réception de Watelet à l'audience du Souverain Pontife. Dans le dixième tableau _, Madame Lecomte est admise à baiser les pieds de Sa Sainteté. Dans le onzième, on voit la promenade des voyageurs à Tivoli, regardant la chute de la rivière Aniene. Enfin, le douzième retrace le départ de Rome pour retourner en France et les adieux des amis.

Il est difficile de voir rien.de plus gracieux et de plus délicate- ment exécuté que cette œuvre d'une société de jeunes et ardents artistes voulant fêter une aimable voyageuse et ses deux acolytes. C'était d'ailleurs une bien jolie femme que Madame Marguerite Lecomte, si nous devons en croire le portrait que Watelet des- sina et que L. Lempereur a gravé. Les vers suivants placés au- dessous, et attribués à Watelet, vantent également son caractère:

« L'heureux talent de plaire, en n'y pensant jamais; « Un bon cœur, un sens droit et le don d'être amie ; « Une humeur franche et libre embellissant tes traits ;

« La grâce enfin à la raison unie : t Lecomte, c'est pour toi ce que nature a fait; « Et que l'art ne peut rendre en gravant ton portrait, »


x


126 PEN

Si la Biographie universelle ne se trompe pas en faisant naî- tre Marguerite Lecomte à Paris vers 1719, cette dame pouvait avoir 45 ans en 1764, lorsque les pensionnaires du Roi à Rome lui dressèrent ce petit monument de leur admiration; il faut en conclure, ou que sa beauté était aussi impérissable que son esprit, ou que la galanterie des artistes français se trouvait d'une consti- tution robuste. Quoiqu'il en soit, le talent de cette jolie femme artiste était avéré; elle grava des têtes et des paysages qui sont loin d'être sans mérite, et l'on connaît d'elle une suite de papil- lons d'après nature, qu'elle avait coutume d'offrir à ses amis, et de jolies vignettes pour la traduction de Daphnis et du Premier navigateur de Gessner, par Huber, publiée à Paris, Vincent, 1764. Son voyage en Italie fut une marche triomphale : elle en revint membre des académies de peinture et de belles-lettres de Rome, Bologne et Florence.

Watelet ne profita pas moins du voyage : 0: Parti amateur, dit Lemierre (1), il en revint artiste. » Il resta toujours lié par l'affection la plus tendre et la plus constante à Marguerite Le- comte. Il s'était créé, non loin de Paris, sur les bords de la Seine, une campagne charmante où il attirait les littérateurs et les artistes par une hospitalité franche et aimable. C'est là qu'il des- sina avec goût le premier modèle en France de ce qu'on appela jardin anglais ; son habitation devint célèbre sous le nom de Moulin-Joli, et fut chantée par Delille dans son poème des Jardins. Sur les vieux saules qui bordaient sa rivière, Watelet avait écrit ces vers qui peignent bien sa vie modeste et heu- reuse :

« Consacrer dans l'obscurité

« Ses loisirs à l'étude, à l'amitié sa vie: « Voilà les jours dignes d'envie.

« Etre chéri vaut mieux qu'être vanté. »

L'abbé de Saint-Non a gravé, d'après Le Prince, une suite de

(1) Réponse au discours de réception de Sedaine, successeur de Watelet à l'Académie française, le 27 avril 1786.


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huit paysages dessinés au Moulin-Joli et dédiés en 1755 à l'ai- mable Marguerite Lecomte; cette suite porte ce titre italien : Varie vedute del gentile Molino, dessegnate d'appresso na- tura dair Principe, ed intagliate del abbate di Sannone. De- dicateal amabile e legiadra Mulinara. M. DCCLV, gr. in-4 en travers.

Watelet grava lui-même deux vues du Moulin-Joli-, l'une d'elles est intitulée: La Maison de Marguerite Lecomte, meunière du Moulin-Joli; c'est sans doute une fabrique qui dé- corait son parc. Il avait inscrit sur ce petit monument hydrau- lique les lignes suivantes :

« Ah î connaissez le prix du temps ; « Tandis que l'onde s'écoule, « Que la roue obéit à ses prompts mouvements,

a De vos beaux jours le fuseau roule ; « Jouissez, jouissez ; ne perdez pas d'instants. »

Il grava aussi lui-même un portrait de son amie Marguerite, assise, vue à mi-corps, estampe en hauteur. Tout cela prouve qu'il resta toute sa vie attaché à son aimable compagne de voyage. La mort seule devait séparer deux personnes si bien faites pour s'entendre; celle de Watelet arriva le 12 janvier 1786(1).

Nous ne terminerons pas cet article sans dire quelle fut la destinée du Moulin- Joli. Après la mort de son ami, que d'autres ont ouvertement qualifié du titre de son amant, Marguerite Lecomte, ne put plus souffrir un domaine qui lui rappelait sa perte; elle le vendit un bon prix au contrôleur-général de Ca- lonne, qui, suivant la chronique du temps (Mémoires de Ba- chaumonty 10 octobre 1786), ne l'acheta que pour le donner à

(1) A sa mort on trouva, parmi ses papiers, un volume manuscrit conte- nant des vers, intitulé: Bouquet, etc., à Madame.... (Marguerite Lecomte) ; un recueil de cinquante fables avec une épître dédicatoire à M. L. C. (Mar- guerite Lecomte), un prologue et un épilogue; et enfin un carton conte- nant des vers relatifs au Moulin-Joli, et par conséquent à son aimable meu- nière. Il avait gravé une suite de sujets du cabinet de Marguerite Lecomte, grand m-4°, 1754.


128 PER

Madame Lebrun. L'affectation de cette dame à nier le fait dans

les papiers publics le rendit beaucoup plus certain aux yeux des

gens un peu fins. Un rimeur galant, probablement de la cour

de cette beauté, composa à ce sujet le couplet suivant sur Y Air

de Joconde :

Souffrez qu'un critique poli

En public vous réponde: Vous possédez Moulin -Joli ,

Le plus joli du monde ; Pourtant ne l'avez acheté,

Meunière jeune et tendre; Et l'on enrage en vérité,

Qu'il ne soit pas à vendre.

Le Moulin-Joli était, à ce qu'il paraît, destiné à n'être pos- sédé et habité que par des gens aimables.

Les artistes de toutes les nations envoyés en Italie pour se perfectionner dans l'étude des beaux-arts ont toujours montré beaucoup de gaîté et d'imagination , et ont laissé des traces de leur passage dans la ville éternelle. N'avons-nous pas un livre précieux, gravé à l'eau-forte par Joseph Vien, pensionnaire de l'académie royale de France à Rome, plus tard directeur de la même académie représentant la Caravanne du Sultan à la Mecque, mascarade turque donnée à Rome par Messieurs les pensionnaires de V académie de France et leurs amis, au car- naval de Vannée 1748, dédiée à J. Fr. de Troy, directeur de l'académie, petit in-folio ou in-4 de 3o pièces chiffrées, avec un frontispice et une épître gravés ?

PERSÉVÉRANCE (l'Ordre de la). 177 1. A la fin du siècle dernier, une louable émulation de philantropie s'empara de tout ce que la France comptait de personnes éclairées, et, il faut le dire, la noblesse donna un bon exemple en se mettant à la tête de toutes les associations destinées à améliorer le sort des classes pauvres et à récompenser les belles actions. La scène re- produisait des enseignements moraux; la presse s'évertuait à convaincre et à moraliser les peuples; les usages anglais pour


PER 129

les souscriptions humanitaires et les associations philanthropi- ques pénétraient peu à peu dans le royaume et s'emparaient sur- tout de la plus haute classe delà société. L'Ordre de la Persé- vérance, fondé à Paris, dans l'hiver de 1770 à 1771, et réunissant de grandes dames et des gentilshommes de haute volée, s'atta- chait à faire de belles actions et à rendre des services à l'hu- manité souffrante. Il avait pour dignitaires madame la duchesse de Chartres, madame de Bourbon, le comte d'Artois et le duc de Chartres, les frères de Seignelay et de Rosambo. La prin- cesse Potocka contribua plus que personne à son établissement. Un livre d'honneur de l'Ordre avait été dressé pour enregistrer les noms de tous les chevaliers et des dames qui se distingue- raient par des actes mémorables et leur zèle pour l'Ordre. Ce livre d'honneur contenait quatre cents feuillets; les nobles dames, les illustres chevaliers composant cette société d'élite comptaient sans doute faire beaucoup de bien et pendant long- temps; mais, hélas! la Révolution qui traversa tant de projets, rompit aussi les liens de cette association, et douze feuillets seu- lement ont pu être remplis intégralement. Voici les noms des douze sociétaires dont les actions ont mérité l'inscription sur le livre d'honneur.

Et d'abord : le frère comte de Brostoski, venu de Pologne pour faire le bien en France; 2 la sœur comtesse Ozolinska, sa compatriote; 3o le frère Seignelay, qui, comme chef de l'Ordre, dut montrer l'exemple de la persévérance; 4°le duc de Lauzun, dont la vie offre un mélange d'actions graves et légères; 5° frère che- valier de Fleurieu, d'une famille illustre dans les sciences; 60 sœur duchesse de Chartres, née de Penthièvre, et c'est tout dire, que d'indiquer ce nom, quand il s'agit de bienfaisance et de philanthropie; 7 sœurdeBoulainvillîers, portant un nom cé- lèbre parmi les hommes d'Etat ; 8° frère président de Rosambo, chef de l'Ordre et l'un de ses fondateurs; 9 frère marquis Ducrest, époux de madame de Genlis, laquelle contribua beaucoup à la création de l'Ordre qu'elle disait imité d'un semblable en Po- logne, et dont elle avait rédigé les statuts; io° sœur comtesse

9« 


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d'Arville Clerre ; n° frère Meulan et 12 frère chevalier de Cossé. — Il était certainement difficile de trouver un noyau de société plus distingué et mieux choisi, et quand on pense qu'il en existait alors en France un grand nombre de ce genre, on ne doit plus s'étonner de cet immense mouvement humanitaire qui se produisit peu de temps après l'avènement au trône du ver- tueux Louis XVI. C'est peut-être en vue de ces associations de bienfaisance que Guillemain de Saint-Victor fit paraître, sous un pseudonyme transparent, le livre suivant: Amusements d'une société innombrable dans laquelle on compte des héros, des philosophes, des sages, des grands princes et des rois, ou la Véritable maçonnerie, avec des notes critiques, etc., par un chevalier de tous les ordres maçonniques qui a signé de Ga- minville. Au sanctuaire des mœurs, 1779, in- 12.

L'Ordre de la Persévérance, dit Grimm dans sa Correspon- dance littéraire (mars 1 771), porte un titre un peu vague, mais qui annonce sans doute le projet d'une grande réforme dans l'esprit et dans les mœurs de la nation. Le principal objet de la société, ajoutait-il, paraît être de favoriser les vues de bienfai- sance. Quelques personnes ombrageuses se sont persuadées qu'il entrait aussi dans ses projets d'opposer une digue puissante aux progrès de la philosophie moderne, mais il semble peu naturel de supposer qu'une société bienfaisante puisse regarder comme dangereuse une doctrine qui tend presque uniquement à réduire toutes les vertus à l'exercice de la bienfaisance. S'il est un esprit incompatible avec l'esprit de parti, c'est sans doute l'esprit de charité.

Tout ce qu'on sait sur la forme des réceptions dans YOrdre de la Persévérance, c'est que chaque membre de la société était tenu de choisir un emblème et une devise. Plusieurs de ces de- vises étaient charmantes. Grimm n'en cite qu'une seule qu'il croit appartenir à madame de Fitz-James; c'est une épingle avec ces mots : Je pique, mais f attache.

Bachaumont écrit, à la date du 17 mars 1777 : « Il est ques- tion d'instituer à la cour un ordre nouveau sous le nom de la


PER i3i

Persévérance, entre les seigneurs et les dames de qualité. Il doit purement être de société et de galanterie. On parle d'ériger un temple superbe à cette divinité, et d'y élever trois autels, à Y honneur, à Y amitié et à Yhumanité. C'est au Palais-Royal qu'a été conçu ce projet, et l'on ne désespère pas de voir la Reine y entrer. Il n'y a encore eu que des assemblées préparatoires, entre autres une où madame de Genlis a prononcé un très-beau discours. »

« Précisément le lendemain a eu lieu une course de chevaux où M. le comte d'Artois a perdu selon sa coutume : a Monsei- « gneur, lui a dit M. de Coigny, on est embarrassé de choisir un « grand-maître de Y Ordre de la Persévérance ; vous seriez bien « digne de l'être ! »

Le duc de Lauzun, qui fut l'un des trois premiers membres de cet Ordre, en parle ainsi dans ses Mémoires (i) : « J'avais donné en Pologne même, trop de preuves de mon caractère ro- manesque pour que l'on ne m'admit pas sans preuves. Les sta- tuts de l'Ordre étaient charmants. Il devint très-nombreux, très à la mode, très-bien composé. Des gens distingués, âgés et raisonnables, se firent une gloire d'y être admis. Une immense tente de bois qui était au milieu de mon jardin, en devint le temple (2). La Reine, avide de toutes les nouveautés, désira vive- ment y venir : on tâcha de l'en éloigner, et comme de raison ce désir augmenta. Elle fut au moment de nous envoyer proposer de faire avouer notre Ordre par le Roi, et de nous faire donner par lui la permission de porter en uniforme de service, même près de sa personne, l'écharpe violette de qptre Ordre. Toute sa société trembla de voir la Reine dans un ordre de chevalerie à la têteduquelj'étais,cequiparaissaitleplusgranddetouslesdangers.

(î) Seconde édition. Paris, i858, in-12, p. 271 et suiv.

(2) « Quand nous fûmes une quinzaine, M. de Lauzun nous donna, dans une maison qu'il avait hors des barrières, au milieu d'un jardin, une tente qu'il avait fait faire exprès pour nous, qui nous servit à nos assemblées qui se tenaient tous les quinze jours. Cette tente était vaste, superbe, richement décorée en dedans. » (Genlis, Mémoires, II, 3 61.)


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« Notre grand-maître n'était pas nommé. Notre première loi disait que ce devait être un prince ou souverain d'une maison régnante, distingué des autres par quelques grandes actions. Monsieur, frère du roi, crut alors devoir se présenter : il fut re- fusé (i). Nous lui répondîmes que nous ne nommions pas à cette place, ne doutant pas que Monsieur ne remplît bien promp- tement les conditions prescrites par nos statuts. Monsieur se choqua. On fit de mauvaises plaisanteries sur notre Ordre, on le tourna en ridicule_, et la Reine n'y pensa plus. »

M. Bersot a résumé en ces termes les longs détails que ma- dame de Genlis a donnés sur l' Ordre de la Persévérance qu'elle regardait comme son œuvre. « On était reçu membre au scrutin. Le candidat devait deviner une énigme de madame de Genlis et répondre à une question morale posée par le président; il faisait l'éloge d'une vertu à son choix, recevait l'exhortation du prési- dent et prêtait un serment religieux, patriotique et chevale- resque. Naturellement on s'engageait à défendre les opprimés. On devait révéler les belles actions pour lesquelles un prix de 120 livres était destiné. Chaque chevalier et chaque dame avait une devise. Il y avait un temple de l'honneur où toutes ces de- vises étaient inscrites dans un joli tableau. Les dames choisis- saient ou non un chevalier; l'uniforme était blanc ou gris de lin; l'écharpe, portée par les hommes ou par les femmes, gris de lin brodée d'argent. On donnait aux chevaliers un anneau d'or, portant les initiales de la devise de l'Ordre : Candeur et loyauté, courage et bienfaisance, vertu, bonté, persévérance.

On faisait des quêtes. Un chevalier et une dame étaient


(i) Sans doute Monsieur se consola parfaitement de ce mauvais vouloir qu'il ne méritait guère. Pour persévérant et fidèle, il l'était à coup sûr, ce prince qui répondait à la Reine désireuse d'apprendre si la comtesse de Pro- vence, sa belle-sœur, était enceinte : « Oui, madame, il n'y a pas de jour où cela ne puisse être vrai ! » (Note de Lauzun, qui ajoute avec fatuité que les séances de Y Ordre de la Persévérance lui amenèrent, pendant quelque temps, les bontés de madame la marquise de Faudoas, sœur de la baronne de Crussol.)


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chargés de s'informer des pauvres et de les visiter; ils faisaient un rapport qui était lu et approuvé dans la séance suivante. Il y eut en peu de temps quatre-vingt-dix membres. L'Ordre de la Persévérance était un beau nom pour un ordre français; il ne manqua aux membres que de persévérer. Au bout de quelques mois, madame de Genlis eut un voyage à faire; on avait assez joué à la chevalerie, il ne fut plus question de cela. » (Etudes sur le XVIII" siècle. Paris, Durand, i855, I, p. 33.)

PETIT CHEVAL NOIR (Académie du), à Strasbourg. Le Petit Cheval noir est l'enseigne d'une brasserie renommée de Strasbourg, dirigée par M. Voltz, où l'on fait de l'excellente bière. Une société épicurienne et chantante s'est formée en jan- vier 1860 dans la capitale de l'Alsace et se réunit chez le maître du Petit Cheval noir. Elle s'est donnée un président quia inau- guré son installation par une chanson dont voici deux couplets :

De mon pouvoir pour montrera sagesse,

Je veux, messieurs, ne pas légiférer.

En mes Etats, la bière est la maîtresse ;

Et Meinherr Voltz la fera respecter.

Mais, s'il allait — en vérité, je n'ose

Prévoir ce fait— la laisser décliner,

D'y plonger Voltz, messieurs, je vous propose;

Jusqu'à cent ans je veux vous présider (bis).

En nos chansons, la muse gracieuse,

Tout en jouant, saura se limiter;

Elle saura, sans être précieuse,

Faire sourire, et non pas chuchoter ;

Mais si, parfois, et malgré ma défense,

Un chant trop gras venait à résonner,

Honni soit-il, celui qui mal y pense;

Jusqu'à cent ans je veux vous présider (bis).

PETITS HOMMES (Coterie des). Il y a eu les coteries des grasses et des maigres (1), les clubs des boiteux, des bossus, etc.,

(1) Amusette des grasses et des maigres, contenant dou^e douzaines de calembourgs avec les fariboles de M. Plaisantin, les subtilités de la comtesse


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pourquoi s'étonnerait-on de l'existence d'une société composée spécialement de petits hommes? Les humains de courte taille sont souvent revêches, ardents, taquins, peu endurants et caus- tiques. Ils veulent contre-balancer le défaut physique par une plus grande activité, et on les a vus parfois plus remuants, plus en- treprenants que les grands. C'est ce caractère assez générale- ment inhérent à la petitesse qui a pu donner à Pope l'idée de ses deux charmantes lettres sur la coterie des Petits hommes. Il feint qu'une société s'est formée à Londres le 21 Décembre (le jour le plus court de l'année), pour réunir tous les hommes de petite taille. On y fêtait l'anniversaire en mangeant un plat de petits oiseaux, dans une petite place au voisinage des marion- nettes. Les meubles de la salle étaient proportionnés aux mem- bres de l'assemblée; les portes avaient été baissées au-dessous de cinq pieds.

Dans les statuts de la société on défend (art. I er ) de s'étendre, marcher sur la pointe des pieds, s'asseoir sur un double coussin, sous peine d'être condamné à ne porter, pendant tout un mois, que des souliers sans talons. — Défense (art. 2), de tirer avantage de sa perruque, de son chapeau , etc., pour se grandir. — Si un membre (art. 3), achète pour son usage un cheval de taille, ledit cheval sera vendu et remplacé par un petit coursier écos- sais; le surplus de l'argent employé à régaler la compagnie. — Art. 4. Si un membre viole les lois fondamentales de la compa- gnie au point de s'élever sur plus d'un pouce et demi de talons, il sera regardé comme coupable de lèze-petitesse, et on le chas- sera de la Coterie sur le champ.

Cette plaisanterie fournit à un M. Daux, curé de Vauxbuin, le sujet d'un livre dans lequel il fait figurer une société de petits hommes qui tiennent des séances remplies par des récits tous favorables aux êtres de moindre taille; cette oeuvre est dédiée à Charles Pougens et intitulée : Les Petits hommes, ou Recueil

Tation, et les remarques de l'abbé Vue, rédigée par une société de Cailletes. Au Cap de Bonne-Espérance et à Paris, in- 12 (sans date), 122 pp.fig-


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(V anecdotes sur les hommes de petite stature, qui se sont fait un nom par leurs vertus^ leurs talents^ etc., suivi de Véloge de la petitesse, dans les divers objets de la création et dans les chef s-d' œuvres de Part, Tela giganteas debellatura fu- rores. Paris, Pigoreau, 1822, 2 vol. in- 12 de IV, 279 et XVI,

et 3 12, XII. — Le second volume est dédié à la baronne M

Gh.... L'auteur reçut cet impromptu sur ce livre:

Trop souvent un mince génie, En louant la grandeur, l'abaisse et l'humilie ;

Mais, dans tes tableaux élégants.

Les petits nous paraissent grands.

Par ton talent, la petitesse

Devient grâce, esprit, gentillesse.

CherD... (Daux), nous savons bien pourquoi: C'est que tu peins ton portrait d'après toi.

PETITE M ANICLE (Compagnons de la). V Arrivée du brave Toulousain , et le devoir des braves compagnons de la petite Manicle. Troyes. J. Ant. Garnier (sans date , mais privilège de 173 1), 16 pages, pet. in-8.

L'approbation et la permission de cette facétie sont signées par deux célèbres Troyens; la première est donnée le 29 mars 173 1 par Grosley, avocat; la deuxième du même jour par Ca- musat.

Quoiqu'imprimée chez Pierre ou Antoine Garnier de Troyes, comme presque toutes les facéties du même genre, la scène de cette brochure se passe à Rouen. Ceci ne serait donc qu'une réimpression.

Il s'agit ici d'une réception d'un personnage dans la société de la Petite Manicle, c'est-à-dire de savetiers, carleurs et répa- rateurs de la chaussure humaine— divisés en trois classes:

Les Urulus, ou savetiers en boutique;

Les Brelaudiers, établis au coin des rues;

Les Porte-Aumuches, criant par les rues—à vieux souliers(i).

(1) Le Devoir des braves Compagnons de la petite Manicle dont il existe


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PETRE-LACONIQUE et BOMBORAXALE (Académie), à Morlanwet^. Académie fantastique créée par l'imagination du comte de Fortsas, le premier mystificateur de la Belgique. C'est M. René Chalon^ qui sous ce masque, a imaginé toutes ces drôleries, toutes les attrapes, et les poissons d'avril qu'on a pu voir dans les journaux belges depuis quinze ans. Celle ditede la Bibliothèque du comte de Fortsas, à Binch, a eu un grand suc- cès (i). René Chalon peut lutter en inventions mystifiantes avec les faiseurs des Etats-Unis d'Amérique qui inventèrent le gros télescope et les découvertes de la lune et le mortier monstre qui servit à la guerre des Anglois et des Chinois.

Morlanwetz, où il met son académie, est un gros village du Hainaut où l'on extrait de la houille, et qui n'est célèbre que par les ruines du château de Marimont, situées sur son territoire. Les académies n'y sont pas communes, et l'on n'y comptera jamais d'autres sociétés que des sociétés charbonnières.

Ce farceur a fait paraître à cette occasion : De la vitesse rela- tive et anaclastique de Vakénésie d*un corps solide en repos. Mémoire présenté à l'académie Petré-Laconique et Bombo- raxale (section des sciences exactes), par Héleno Cranir de Mnos en Argolide (Renier Châlon de Mons). A Morlanwel^ [MonSy Hoyois), imprimé par ordre de l'Académie, 1840, in-8, tiré à 16 exemplaires sur papier rose. Le n° 3 avec envoi de l'au- teur était dans la bibliothèque de Nodier, d'où il passa chez M. Baudeloque, vendue en Avril i85o (n° \?fji du catalogue).

plusieurs éditions, a été réimprimé dans la fort curieuse Histoire des livres populaires, par M. Charles Nisard. Paris, 1864, in-12, tome II, page 25g.

(ij C'était un catalogue spirituellement rédigé de livres imaginaires; l'édi- tion originale est fort rare, mais cette facétie a été réimprimée en 1849 dans le Journal de l'Amateur de livres, publié par M. Jannet (journal qui ne vécut guère que deux ans) et dans YEssai de M. G. Brunet sur les bibliothèques imaginaires (page 36 1) imprimé à la suite du Catalogue de la Bibliothèque de Saint-Victor au XVI* siècle, par le bibliophile Jacob (Paris, Techener, 1 862, in-S. Voir d'ailleurs le Bulletin du bibliophile belge, tom. I, pages 167- 169; Y Annuaire de la Bibliothèque royale de Belgique, 1841, p. 269-276; les Supercheries littéraires, par M. Quérard, tom. II, pages 87-89.


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PHILALÈTHES (Collège des), à Lille. En 1785, se forma à Lille une association de gens aimables, éclairés, et bons vi- vants, avec l'intention de joindre les délassements littéraires aux travaux maçonniques alors à la mode. Elle prit le nom de Collège des Philalèthes, et pour épigraphe Utile dulci. Des questions furent posées, des prix assignés à ceux qui se distin- gueraient le plus. Les orages qui grondaient à l'horizon poli- tique n'intimidèrent que médiocrement* des hommes décidés à s'occuper de poésie, de sciences et d'arts utiles. Les Philalèthes augmentèrent le nombre de leurs associés et de leurs correspon- dants; ils offrirent enfin aux Lillois étonnés, une espèce de com- mémoration de la fête des muses, dans une séance publique tenue dans le chef-lieu de la Flandre.

Tous les six mois, ils imprimaient un bulletin donnant une série de 18 questions à traiter dans le semestre qui s'ouvrait.

Le maréchal, prince de Soubise était associé honoraire des Philalèthes; le maréchal de camp Poisson des Londes, ingénieur en chef à Lille, fut président du Collège. M. Delory, auteur d'un projet d'histoire universelle des sciences, le chevalier Lego- nidec de Tressan, et le chevalier Aubert de Bernois, en étaient membres.

PHILARÈTES (Académie des). Il existe un livret devenu rare intitulé: Discours académique du Ris, prononcé en l'Aca- démie des Philarètes, et discours du ridicule (sans date), in-8. Il est réuni quelquefois avec des pièces de 1 63o, comme les Jeux de Vincognu. Paris, au Palais, i63o. — La Herté, ou l'Uni- versel, i63o. — La Blanque des marchands meslés, in-8. (Un exemplaire figure au catalogue des livres de Viollet- Leduc, n° 1483, en 1849. Il s'agit évidemment d'une académie imagi- naire.)

PHILANTHROPES (Société des). Cette Société fut créée vers 1782, époque où l'on s'occupait beaucoup de réformes et de progrès humanitaires. Nous croyons qu'elle ne s'est jamais cons- tituée de manière à avoir une existence active. Nous possédons


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un exemplaire de ses statuts; nous croyons devoir le reproduire:

La philanthropie est une famille de citoyens éclairés et ver- tueux, unis étroitement par le lien de l'amour des hommes.

Par cet amour, les Philanthropes n'entendent pas le senti- ment vague d'une âme sans énergie, qui se borne à des vœux stériles et impuissants pour le bien de l'humanité en général; mais ce feu divin qui embrase un cœur sensible, qui lui fait un besoin de la félicité de ses semblables & l'occupe sans cesse des moyens de le satisfaire.

Une bienfaisance active fait la base de la philanthropie, et son but principal est la perfection physique et morale de l'homme, d'où résulte le plus grand bonheur dont il puisse jouir dans l'état civil. Toutes les connaissances humaines qui concourent à consoler, soulager ou éclairer l'homme, sont du ressort de la philanthropie.

Elle admet les belles lettres dans son sanctuaire, mais seule- ment comme une utile récréation, ou comme un ornement ac- cessoire, qui embellit ses travaux et en augmente l'intérêt.

Les arts de luxe, les talents frivoles, les sciences purement spé- culatives, ou qui n'ont d'autre objet que de satisfaire une vaine curiosité, ne sont donc pas des titres bien recommandablespour la philanthropie. Mais cette Société exclut à jamais de son sein et avec l'attention la plus sévère, toutes discussions religieuses et politiques, qui pourraient élever contre elle le moindre nuage, donner la plus légère atteinte à l'ordre social, ou seulement al- térer la paix et l'harmonie qui doivent régner dans toutes les réunions philanthropiques.

En un mot se dévouer plus particulièrement au bien général, faire aimer et respecter la vertu, donner partout l'exemple d'un travail utile, de la soumission et de l'obéissance aux lois de la patrie : tel est l'engagement sacré du philanthrope. Cette Société patriotique espère être assez heureuse pour mériter un jour, par la sagesse de ses vues et le désintéressement de ses travaux, la sanction civile et une existence légale. Ce bienfait est le terme de son ambition*


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Art. I rr . — Composition générale de la Société. — La So- ciété des Philanthropes est formée de plusieurs comités parti- culiers sous le nom de maisons. Chaque maison est composée d'un nombre indéfini de membres tous égaux entre eux, sans aucune prépondérance, distinction de rang, ou division de classe en honoraires, titulaires, correspondants, etc;

Une maison philanthropique suffit dans chaque province : un plus grand nombre pourrait apporter quelque confusion, ou jeter de l'embarras dans la correspondance.

L'établissement d'une maison se fait dans les comices généraux de la philanthropie, ou du consentement unanime de toutes les maisons.

^Lorsque plusieurs Philanthropes domiciliés dans un lieu où il n'y a pas encore d'établissement, désireront y en former un, ils adresseront leur requête à cette fin au secrétaire général, qui la présentera aux comices pour y être fait droit.

Si le temps de la tenue des comices est trop éloigné, le secré- taire général communique la requête à toutes les maisons; et lorsqu'il en aura reçu le consentement unanime, alors il expé- diera, en leur nom, des lettres portant permission provisoire de se réunir en comité; laquelle permission sera représentée aux comices prochains pour y être ratifiée.

Art. II. — Législation de la Société. Comices. — La légis- lation de la philanthropie réside dans les comices ou dans l'as- semblée générale, qui se tient tous les trois ans, au mois de mai. Chaque maison y assiste, et y est représentée par son président, ou à son défaut r par un député muni de tous ses pouvoirs.

Pendant la tenue des comices, l'autorité de chaque maison est suspendue jusqu'au retour de son député et la réception de l'acte de clôture des comices.

Chaque maison prend séance aux comices et donne sa voix selon l'ordre de la date de son institution.

Tout se règle dans les comices à la pluralité des suffrages, qui sont recueillis par le secrétaire général, sans qu'il puisse donner le sien.


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Le secrétaire général est élu, lors de la clôture des comices parmi les membres résidents de la maison de Strasbourg ; il tient les registres de l'assemblée, rédige les actes et en délivre les expéditions requises, soit aux différentes maisons, soit aux parties intéressées.

C'est dans les comices généraux que réside le pouvoir de sta- tuer sur les intérêts communs de la Société, d'établir de nou- velles maisons , et de faire des règlements généraux avec les ad- ditions et les corrections qu'on jugera nécessaires. Le tout sans déroger à la loi fondamentale de l'égalité parfaite.

Les arrêtés des comices généraux ont force de lois invariables jusqu'à la tenue des comices suivants.

Chaque maison peut faire, pour son régime particulier, tels règlements qu'elle jugera convenables, sans néanmoins donner atteinte aux statuts généraux.

Chaque maison fait insérer dans la feuille de correspondance du mois de février, qui précède la tenue des comices, toutes les demandes et propositions qu'elle veut faire à cette assemblée. Le secrétaire général en forme un cahier méthodique, dont il envoie une copie à chaque maison; ce cahier sert de base aux instructionsdesdéputéset tracel'ordre des conférences comitiales.

On a choisi Strasbourg pour le lieu de l'assemblée des co- mices et le centre de la philanthropie, sans que ce choix, fondé uniquement sur les avantages de sa situation, puisse donner à la maison philanthropique de cette ville, aucune prééminence ou supériorité sur les autres.

Art. III. — Administration de la Société. Officiers. — La liberté et l'égalité parfaite étant la base fondamentale et le prin- cipe constitutif de la Philanthropie, toutes les Maisons sont essentiellement indépendantes les unes des autres. Elles com- muniquent entr'elles, soit par la voie de leurs Secrétaires res- pectifs, soit par le Secrétaire général de la Société.

Chaque maison élit ou confirme, tous les ans, à la pluralité des suffrages, quatre Officiers, savoir, un Président, un Secré- taire, un Vice- Président et un Trésorier.


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Le Président fait l'ouverture des assemblées par l'exposition des matières qui doivent y être traitées ; il présente les nouveaux membres; recueille les avis, conclut à la pluralité, et signe avec le Secrétaire tous les actes et délibérations de l'assemblée. Enfin, il est le Représentant né de sa maison à la tenue des comices généraux.

Le Secrétaire est chargé de la correspondance, soit avec les membres dispersés de sa maison, soit avec les étrangers, soit avec les autres maisons, soit enfin avec le Secrétaire général. Il tient les registres sur lesquels il rédige et signe le résultat des délibérations et de tous les actes de l'assemblée.

Le Vice- Président remplace le Président en cas d'absence et en fait toutes les fonctions.

Le Trésorier dispose, sous l'autorité de la maison, de ses fonds, tant pour les dépenses courantes, que pour les autres objets de bienfaisance. On ne prescrit rien à cet égard à la délicatesse des Philanthropes; le Trésorier recueille leurs subsides volontaires au mois de novembre, et présente ses comptes deux fois l'an, pour les faire arrêter et signer après l'examen et le rapport de deux Commissaires nommés à cet effet.

Ces quatre Officiers, étant les censeurs nés de tous les ou- vrages présentés à leurs maisons, doivent être choisis de préfé- rence entre les membres résidant les plus versés dans les sciences et dans les belles-lettres, et qui ne sont pas trop surchargés d'autres occupations.

Art. IV . — Candidats. — Quoique la Philanthropie ne doive admettre que des candidats qui, outre les qualités requises, en auront fait la demande, soit directement, soit indirectement, par l'organe de quelque Philanthrope : cependant on pourra, si le bien de la Philanthropie le demande, prévenir quelques su- jets distingués par un mérite ou des talents supérieurs; mais cette démarche sera toujours faite avec toute la prudence et la circonspection qu'exige la dignité de la Philanthropie.

Les qualités absolument requises dans un candidat qui aspire à l'association philanthropique sont un état honorable dans la


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société civile, des mœurs pures et intègres, et un titre qui atteste des connaissances vraiment utiles, ou du moins une vertu ac- tive bien reconnue.

Le candidat proposé doit réunir tous les suffrages de la mai- son à laquelle il désire d'être associé: et son admission sera con- firmée dans la prochaine assemblée, si l'unanimité des suffrages est toujours constante.

S'il n'y a qu'une voix pour l'exclusion d'un candidat, l'oppo- sant doit déclarer à l'assemblée, ou aux Officiers de la maison, les motifs de son refus, dont la validité sera jugée à la pluralité des suffrages dans le premiçr cas; mais dans le second cas, Funa- nimité est absolument nécessaire.

Chaque maison peut s'associer les candidats étrangers qu'elle croira propres à remplir ses vues, mais elle n'en admettra aucun qui soit domicilié dans une province où il existe une maison philanthropique, sans en avoir obtenu le consentement.

Tout Philanthrope qui aura négligé de correspondre pendant une année entière, avec la maison dont il est membre, sera censé renoncer à l'association, et son nom ne paraîtra plus sur le ca- talogue de la Philanthropie.

Art. V. — Assemblées de la Société. — Les assemblées or- dinaires de chaque maison se tiennent tous les i5 jours. Les matières qu'on y traite sont les nouvelles philanthropiques ; la lecture des correspondances; la lecture et l'examen des ouvrages présentés, sur le rapport des Commissaires ; les plans des opé- rations utiles; l'admission des candidats, etc.

Les Philanthropes ne sont pas astreints à des lectures régu- lières, qui pourraient gêner leurs occupations civiles, mais ils consacrent de préférence à la Philanthropie leurs ouvrages qui traitent des objets d'utilité publique, et les soumettent au juge- ment de la compagnie, avant de les présenter ailleurs, ou de les faire imprimer. Ils doivent tacher de donner au moins chaque année un bon ouvrage où ils proposent toutes les idées utiles, tous les projets qu'ils forment pour le bien des hommes. Cette discussion fait le fond de nos conférences philanthropiques et est


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consignée dans nos registres. Une idée patriotique peut avoir tôt ou tard, même dans un pays éloigné, une influence bienfai- sante sur une portion respectable de citoyens.

Art. VI. — Objet des travaux de la Société. — L'étude de l'homme, de ses besoins, de ses droits, de ses devoirs, sa perfec- tion morale et physique, sont les deux branches des travaux con- sacrés spécialement à la Philanthropie. La partie morale com- prend l'éducation et sa perfection successive; des projets de cha- rité, des établissements utiles, tout ce qui peut être objet d'ému- lation et faire fleurir les mœurs, donner de l'énergie aux âmes et éclairer les hommes sur leurs vrais intérêts. La partie phy- sique, à laquelle elle s'attache de préférence, embrasse l'étude pratique de la nature, l'agriculture, le commerce, et la perfec- tion des manufactures et des arts mécaniques. Accoutumée sur- tout à regarder avec respect et intérêt, cette classe utile de ci- toyens, qui nourrit les autres, elle s'empresse à lui procurer du soulagement, ou de l'instruction. Elle excite à cette fin l'indus- trie par des prix champêtres, engagea certaines plantations né- gligées, mais convenables à la nature du terrain et aux besoins du local, récompense l'invention de nouvelles machines ou d'ins- truments utiles, travaille à des écrits élémentaires pour les cam- pagnards, et perfectionne ceux qui servent exclusivement à son instruction et à son amusement, et auxquels il est difficile sou- vent d'en substituer d'autres. Elle correspond, à cet effet avec des fermiers intelligents, et des curés bienfaisants, qui seront convaincus que leur ministère n'est point borné aux besoins spirituels de leurs paroissiens.

Les opérations économiques des Philanthropes sont donc principalement locales; les spéculations générales et brillantes manquent communément leur effet dans la pratique.

Art. VIL — Relations de voyages. — Les relations de voyages font aussi une des branches de l'instruction. Le Philan- thrope, qui fait vœu d'aimer les hommes, doit s'empresser à les connaître. La Société prie donc ceux de ses membres qui voyagent, de lui communiquer leurs observations sur les pays qu'ils par-


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courent, et d'en faire connaître les lois, les mœurs, la nature du climat, l'état de la population et de la culture; les besoins, les richesses, le commerce, l'état des lettres et des arts; surtout de rendre compte de l'action réciproque des mœurs et des lois, des instituts qui y sont établis en faveur de l'humanité, de l'éduca- tion, de la charité et de l'émulation.

Le secrétaire entretient, au nom de la Société, la correspon- dance avec les voyageurs, dirige leurs observations et assigne à chacun les objets sur lesquels elle désire d'avoir des renseigne- ments clairs et certains.

Art. VIII. — Censure des ouvrages. — Les ouvrages pré- sentés à la philanthropie, soit par ses membres, soit par les externes, sont remis aux officiers, commissaires délégués pour la censure, lesquels, après un examen sévère, en rendent compte à l'assemblée qui jugera du mérite et du sort de chacune de ces productions.

Tous les mémoires philanthropiques destinés à l'impression^ doivent être approuvés, non-seulement par la maison dans la- quelle ils ont été lus, mais encore par une commission nommée parmi les membres d'une autre maison, pour s'assurer davantage du mérite des ouvrages, et prévenir les effets d'une indulgence assez naturelle entre les membres d'une même maison.

On fait un choix des meilleurs morceaux qui ont été lus dans le courant de l'année, aux différentes maisons, pour en donner au public un ou deux volumes, sous le titre de Mémoires d'une société de Philanthropes.

Art. IX. — Correspondance des maisons. — A la fin de chaque mois, le secrétaire fait un précis de tous les actes de sa maison, qu'il adresse au secrétaire général; celui-ci en forme la matière d'une feuille de correspondance, ou gazette philanthro- pique qui paraîtra tous les mois imprimée à l'usage des seuls philanthropes. Cette feuille contiendra tous les événements de la philanthropie, l'analyse des mémoires, le précis des opérations, les réceptions des candidats, les morts des philanthropes, les traits de bienfaisance, les découvertes utiles et interressantes^etc.


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Les produits de l'abonnement pour cette feuille périodique sont destinés aux frais de la correspondance générale et de la tenue des comices.

Art. X. — Devoirs philanthropiques. — Les philanthropes, unis par le lien d'une fraternité étroite, exercent entre eux tous les devoirs de l'amitié et de l'humanité. Ils se secourent mutuel- lement dans leurs maladies et leurs afflictions, & rendent enfin les derniers devoirs à ceux que la mort leur enlève et dont ils conservent une mémoire à jamais chérie. On insère dans le Né- crologe la liste de leurs ouvrages, et le précis des bonnes actions qui ont illustré leur vie.

PHILOCHOREITES (Ordre des). C'est une société des Amis de la Danse 3 ainsi que le nom grec qu'elle s'est donné l'annonce.

PHILOSOPHES ORATEURS (Académie des). Société lit- téraire qui dura une trentaine d'années dans la seconde moitié du XVI I e siècle, et qui se réunissait les samedis, place Dauphine, à la Renommée , deuxième appartement, sous la présidence de Jean de Soudier, sieur de Richesource, singulier rectificateur de la langue et du style, faisant concurrence à l'Académie Fran- çaise. Il composa vingt ouvrages qu'il vendait lui-même à ses auditeurs dans ses conférences hebdomadaires. Richelet s'est moqué dans son Dictionnaire de ce correcteur du Parnasse.

Il avait fait graver une estampe relative à ses séances oratoires de chaque samedi. Son emblème était un bâton qui porte autant quHl est porté ; , disait-il, avec cette devise: Je soutiens ceux qui me portent.

Il nous reste deux opuscules curieux sur cette académie :

Sujets de critique prosaïques et versifiez, honête (sic), recti- fiante et raisonnée, en faveur des muses naissantes chez le

sieur de Richesource, les samedis à deux heures, et qui donna la liberté de proposer des difficultés. Paris, à V Académie des Ora- teurs , place Dauphine, à la Renommée, deuxième appartement. i685, 16 pages.

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Les mêmes sujets de prose et de vers_, critiquez d'une manière raisonnée, honête et rectifiante en faveur des auteurs naissans..., chez le même, Ibid. à V Académie des Philosophes-Orateurs, i685, 52 p. Ces deux pièces in-8.

PIERROTS (Société des), de Paris. Nous empruntons à un journal d'il y a quelques années le passage suivant :

« Pendant que le grand monde s'amuse, croyez bien que le petit monde ne se croise ni les bras, ni les jambes. — A l'heure même où on dansait aux Tuileries on dansait aussi à la salle Bréda: c'était le cinquième bal de nuit sous le patronage de la société des Pierrots de Paris. — Cette société a bien positive- ment existé il y a une trentaine d'années; elle s'était recrutée dans une classe de commis marchands qui se reconnaissaient à certains détails du costume classique du Pierrot et formaient ainsi une sorte de franc-maçonnerie dans les bals masqués. Il y a là-dessus une histoire demeurée célèbre.

a Dans le carnaval de 1821, Rougemont, auteur dramatique, homme d'esprit et mystificateur ingénieux, avait parié à un bal de la Porte Saint-Martin qu'il ferait sortir tous les pierrots de la salle. On était alors encore sous l'impression produite par l'as- sassinat du duc de Berry. Rougemont, s'approchant d'un pier- rot de ses amis, lui dit à voix basse et confidentiellement,, mais de façon à être entendu de tout un groupe de pierrots: « Filez «vite, mon cher ami; partez sans regarder derrière vous: le « duc d'Angoulême vient d'être assassiné par un pierrot, et on « arrête tous les pierrots qu'on rencontre dans Paris. » Au bout de dix minutes il ne restait plus un seul pierrot dans la vaste salle de la Porte Saint-Martin.

« Je suis trop loin de ces pierrots de mon enfance pour savoir si la société contemporaine descend de la fameuse société de la Restauration. Ceux-ci vivent beaucoup plus en famille: la salle Bréda n'est guères fréquentée que par des initiés, et les affiches font de vains efforts pour y attirer des pierrots de bonne compa- gnie; et cependant, d'après l'affiche:


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« La plume cPor des conteurs arabes ne saurait décrire toutes « les merveilles que l'administration prépare à ses nombreux vi- ce siteurs. »

PINSONNIERS (Société des), de Namur. On lit dans le Journal de Namur, décembre i85o. «La Société des Pinsonniers de Namur, dont l'origine remonte à plusieurs siècles et qui a si brillamment figuré aux dernières fêtes de notre kermesse, était menacée de dissolution. A l'audience d'hier de la justice de paix, il y avait une action en revendication du drapeau formée par une partie des sociétaires; après les plaidoiries des avocats sur l'esprit du règlement, le jugea proposé, par forme de transaction, de vendre l'objet litigieux entre les deux partis dissidents, ce qui fut immédiatement exécuté par le ministère du notaire B., qui se trouvait à la séance. Le capitaine des Pinsonniers, déten- teur du drapeau, fut ainsi obligé d'en faire la remise aux acqué- reurs qui maintiendront la société. Des applaudissements ont couronné l'rjeuvre, mais nous ne savons si les avocats ont pris les médailles en guise d'huître, laissant la hampe et l'étoffe aux plaideurs. »

PLAISANCE (Confrérie de). Réunion qui existait à Valen- ciennes au moyen âge. Elle célébrait une fête le dimanche avant la Pentecôte. Le Père Menestrier, dans son Traité de la Che- valerie ancienne et moderne, donne à cet égard quelques dé- tails qui ont été reproduits dans la Collection de Dissertations sur Vhistoire de France, tome IX, page 324. Tous les gentils- hommes, prélats et magistrats des villes voisines furent invités. Le prince de Plaisance, accompagné de son cortège, allait rece- voir les compagnies qui venaient à la fête. D'abord le prévôt des coquins, nommé Peuffrin , monté sur un cheval dont la housse était peinte de verges, de cartes et de dés; il était suivi d'une troupe de coquins vêtus de casaques de canevas bandées de violet. Le roi des porteurs à sac marchait ensuite également à cheval et accompagné de cinquante porteurs vêtus de rouge à bandes noires. La troisième compagnie était celle de VEtrille,


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composée de cinquante hommes à cheval, vêtus de casaques vertes, bordées de noir, avec des housses semées d'étoiles de broderie. La compagnie du prince était de cent chevaliers.

PLATOGES (Ordre des). Nous manquons de renseignement sur cet ordre qui paraît avoir été une invention du libelliste Cheyrier. Il donna ce titre (l'Ordre des Platoges) à un libelle qui paraît n'avoir jamais été imprimé. M. Gillet de Nancy le mentionne, mais sans entrer dans aucun détail, dans sa Notice historique et bibliographique sur Chevrier (Nancy, 1864, in-8<>), et il annonce (page 169) qu'il possède une copie manuscrite de ce pamphlet.

PLEIADE (la) et le Recueil du Cosmopolite, — Le duc d'Aiguillon. - La princesse de Conti. — Le bien et le mal se partagent à peu près également les actions des mortels; croyons cependant que le bien l'emporte. S'il y a eu des associations pour exécuter de grandes et belles choses, il en exista aussi pour commettre des œuvres répréhensibles. C'est dans cette ca- tégorie qu'il faut classer la production du Recueil de pièces choisies, rassemblées par les soins du Cosmopolite. A Ancône, Uriel B...t,à V enseigne de la Liberté, 1745, in-4.

Tout mauvais cas est niable, aussi la société débraillée qui mit au monde cet enfant impudent ne s'est-elle pas vantée du fait. Il en résulte qu'on lui accorde une double origine _, comme cela arrive aux enfants dont la vertu des parents est probléma- tique. S'il faut en croire une note écrite sur un exemplaire vendu 284 livres, chez Lefebure, en 1797, il n'aurait été tiré qu'à sept exemplaires seulement. La princesse de Conti l'aurait fait imprimer dans une de ses maisons de campagne (quel passe- temps pour une princesse! ) de concert avec le comte d'Agénois et quelques autres seigneurs, pour rivaliser madame la grande duchesse et M. de Lassay, qui avaient mis au monde les Mé- moires du temps (1). Les deux ouvrages furent d'abord dési-

(1) 11 nous semble que cet ouvrage est resté inconnu. Il n'a point été im- primé, et nul écrivain, que nous sachions, n'en fait mention.


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gnés, dans la société de ces dames, sous le nom de Pléiade, qui indiquait en même temps et le nombre des personnes qui con- coururent à leur formation, et celui des exemplaires imprimés. Le premier Cosmopolite qui ait paru dans le commerce, avait été cédé au comte de Scomberg par le duc de La Vallière. Parmi les pièces rares et infâmes qu'on trouve dans ce recueil, on re- marque les Sonnets et Sonettiet les Doutes amoureux, del'A- ritin^ en italien; le B....I céleste de P. Petit, qui fut brûlé en place de Grève pour l'avoir composé, et les Couplets ou Noëls bourguignons, qui ne sont pas ceux de La Monnage.

S'il faut en croire Debure, d'après une note qu'on lit sur l'exemplaire du Cosmopolite ayant appartenu au marquis de Paulmy et faisant aujourd'hui partie de la bibliothèque de l'Ar- senal ; ce recueil aurait été formé par le duc d'Aiguillon, père du ministre, imprimé chez lui et par lui dans sa terre de Vérets, en Touraine, et tiré seulement à dou^e exemplaires; l'épître à Mme Miramion, en tête de l'ouvrage, et la préface sont de Moncrif.

En 1797, à la vente de M. Belin Junior, un exemplaire orné de quatre figures, en couleur, exécutées par un artiste habile, fut adjugea 35 1 livres. En i8o3, chez Méon, il ne fut vendu que 3oo livres. Depuis lors, deux exemplaires ont changé de main^ au prix de 5o louis (1).

Ce recueil des pièces les plus libres et les plus impies qu'on


(1) Le Manuel du Libraire indique diverses adjudications depuis 175 fr. (exemplaire relié en veau, vente Labey), jusqu'à 52 5 fr. en 1829. La cin- quième édition n'ajoute rien à ce que la quatrième fait connaître à cet égard; nous avons noté quelques autres ventes: 3i5 francs, Nodier, en 1844, re- vendu 304 fr., Baudelocque; 425 fr., H. de Ch. en i863. Nous en avons rencontré deux adjudications en Angleterre: 12 1. st., 12 sh., vente Hibbert et 1 1 1. st., i5 sh., vente Hanrott.

Un exemplaire qui figurait sur une vente faite à Paris en avril 186 5 n'a point passé aux enchères, mais il a été cédé de gré à gré pour plus de 800 francs. Il y a certainement plus de sept exemplaires, car on a constaté l'exis- tence de huit ou neuf (y compris ceux de 'la Bibliothèque impériale et de la Bibliothèque de l'Arsenal). Voir deux notes de Nodier insérées au catalogue


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connaisse, rassemblé par une société de seigneurs débauchés et de grandes dames fort hardies^ est peut-être le plus rare de tous les livres , et ce n'est pas un mal; il serait dangereux et désolant qu'il en fût autrement: c'est surtout en pareil cas que le tirage en petit nombre est obligatoire; mieux vaudrait encore ne l'avoir pas imprimé du tout (i).

Cette Pléiade erotique, cette association plus que libre n'a pas été citée par M. P. de Malden dans sa curieuse notice sur les Pléiades, publiée dans le Bulletin du Bibliophile de Téche- ner (décembre 1846, pages 1116-1184). L'auteur a fort judi- cieusement pensé que les étoiles qui composaient le groupe étaient des nébuleuses qu'on faisait bien de laisser dans l'ombre.

PLUME (Société royale de la) et du poil. Espèce d'asso- ciation secrète formée de braconniers de toutes les espèces et de tous les pays. Ils doivent s'entr'aider moyennant un juste sa- laire réglé, par un tarif, en assemblée générale. Malheur au braconnier obscur qui dénoncerait ou n'aiderait pas un membre de la société.

Voir Ruses du braconnage mises à découvert , parla Bruyère. Paris 3 1771, et Le Chasseur conteur, par Elzéar Blaze. Paris, i85o, in-8.

POMME DE PIN (Les Dîners de la). Chapelle, un des co- ryphées modernes de la secte épicurienne, les frères Broussin, connus par leur amour pour la bonne chère., le conseiller Bril-

Pixerécourt, no 906, et dans la Description de sa bibliothèque, 1844, n° 565.

Le Cosmopolite ne contient guère que des pièces qui ont reparu depuis dans divers recueils. J.-B. Rousseau et Grécourt y figurent pour bien des morceaux. Des bibliographes répètent depuis longtemps sans examen que le B.-L céleste de Claude Le Petit fait partie de ce recueil. C'est une erreur. Cette production obscène a pour vrai titre le B.-l. des Muses et n'a point été réimprimée.

( 1) Nous nous associons pleinement à cette idée, et nous regrettons d'avoir à constater qu'il fut fait en 1864, en Belgique, une réimpression du Recueil du Cosmopolite ; elle forme deux volumes in-12, dont il n'a été tiré qu'une centaine d'exemplaires, et elle est accompagnée d'une notice bibliographique.


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hac, et plusieurs autres personnages de distinction , fondèrent un dîner hebdomadaire au cabaret ou à l'hôtel ayant pour ensei- gne à la Pomme de Pin, où la joie et la plus franche gaîté pré- sidaient. On peut se faire une idée de l'esprit et de la jovialité des convives en songeant que les Plaideurs et le Chapelain dé- coiffé furent, en grande partie, composés dans ces joyeux repas.

POMONE (La Société de). On trouve dans YAlmanach des Muses de l'an VIII, p. 22 6, les statuts de la Société de Pomone, établie à Paramé. Ils sont signés Duault, 28 juillet 1777.

Paramé était une petite ville de Bretagne, comptant alors en- viron 3ooo âmes; elle fait aujourd'hui partie de l'arrondissement de Saint-Malo.

La Société de Pomone avait pour but de réunir cinq familles qui dînaient ensemble tous les dimanches^ puis dansaient et s'a- musaient. A en juger par le titre de cette association, on devait y boire plus de cidre que de vin, et se tenir dans les bornes d'un plaisir modeste. Cette société a dû durer jusqu'à ce que les jeunes personnes des cinq familles fussent mariées, ou jusqu'à ce qu'une brouille vint mettre fin à l'intimité ordonnée par les statuts.

PONTIFES (Frères). Recherches historiques sur les con- grégations hospitalières des frères Pontifes, ou construc- teurs de ponts, par M. Grégoire, ancien évêque de Blois. Paris, 1818, in-8. — Mémoire intéressant et curieux dans lequel cepen- dant il s'est glissé quelques erreurs. M. C. Leber les a relevées et y a ajouté les observations dont cette brochure lui paraissait susceptible, en la réimprimant dans sa Collection de disserta- tions historiques sur l'Histoire de France, etc. Le catalogue Lerouge, n° 282, indique un manuscrit intitulé: Grand Pon- tife, ou maçon subl.^ Ecossais; in-4, manuscrit.

Si l'on n'a que des conjectures à offrir sur les sociétés de cons- tructeurs d'églises, de châteaux et de monastères au moyen- âge, on a la certitude de l'existence en France d'une société de constructeurs qui s'occupaient de travaux différents et non moins utiles. Telle était celle des frères Pontifes, uniquement livrés


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à la construction des ponts. Du X e au XIV e siècle, ils bâtirent un grand nombre de ponts en Italie et dans le midi de la France. (Du Cange au mot Fratres pontis).

Les Templiers essayèrent, sans succès, en 1277, de s'associer avec les frères Pontifes.

POPELINIÈRE (Société dramatique de M. de la). La Po- pelinière, célèbre fermier-généralà l'époque de Louis XV, homme très-généreux _, auquel l'on n'a pas rendu toute la justice qu'il méritait, a composé des pièces de beaucoup d'esprit qu'il faisait jouer chez lui.

Ainsi s'exprime Fa,vart dans sa Correspondance : Ce finan- cier^), fameux par son luxe et par ses infortunes conjugales (l'in- trigue de sa femme avec le maréchal de Richelieu fit le plus grand bruit), est connu par un ouvrage qu'il ne fit imprimer qu'à un seul exemplaire: les Tableaux des Mœurs du temps, et qui- donnent une bien mauvaise opinion de sa morale. Le Manuel du Libraire contient de longs détails sur cette produc- tion qui fut, après la mort de l'auteur, séquestrée par ordre du roij et qui, passant mystérieusement de main en main, a appar- tenu à un honorable bibliophile de Paris; elle est en ce moment, nous le croyons, dans le cabinet d'un curieux d'origine anglaise et qui, possesseur d'une grande fortune, réside à Paris. Les Tableaux des Mœurs du temps ont d'ailleurs été réimprimés en i863, à Bruxelles (sans indication de lieu ni de date), à une centaine d'exemplaires. C'est une série de dialogues où il y a parfois de l'esprit, mais que gâte trop souvent une licence sans frein. M. Charles Monselet a donnée dans le journal V Artiste, une analyse de ce qu'on peut analyser dans ce livre étrange.

PORTE-MORTS (Société des) ou Confrères de la Charité a Vernon. Quoique cette association se proposât un but qui sorte un peu du cercle de notre étude, nous devons cependant


Ci) Voir l'article que lui a consacré M. Denne-Baron dans la Biographie générale, tom. XXX, col. 867.


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en faire mention. Une cérémonie singulière qu'elle célébrait chaque année le jour de la Fête-Dieu, est l'objet d'une lettre in- sérée dans le Mercure de France, juillet 1732. Les membres sont au nombre de treize ; ils ont un chef qui prend le titre de roi et qui est tiré au sort chaque année. La veille de la Fête- Dieu, un des anciens confrères prend, selon son tour, le titre de roi des rois, ou roi des anciens rois; il figure dans les cérémo- nies, porte une couronne à la procession et donne un dîner à la confrérie. Avant de se mettre à table, ils servent douze pauvres auxquels on donne un repas dans la rue, à la porte du roi des rois.

PRETTY-GIRLS (Les). L'établissement, ou la confrérie des Pretty-Girls (mots anglais qui signifient les jolies jeunes filles) a été mentionné dans le roman de Rétif delà Bretonne intitulé: La Famille vertueuse , II e partie, page 219.

PRINTEMPS (Société du). C'était une réunion formée de jeunes personnes de Lausanne vers 1760. Gibbon en parle dans ses Mémoires. « Ma société favorite avait pris, d'après l'âge de ses membres, la dénomination orgueilleuse as Société du Prin- temps. Elle était composée de quinze à vingt jeunes demoiselles de bonne famille sans être des premières de la ville. La plus âgée n'avait peut-être pas vingt ans; toutes agréables, plusieurs jolies, etdeux ou trois d'une beauté parfaite. -Elles s'assemblaient dans les maisons les unes des autres presque tous les jours sans y être sous la garde d'une mère ou d'une tante. Elles riaient, chantaient, jouaient aux cartes et même la comédie, mais au sein de cette gaité insouciante, elles se respectaient et étaient respectées. »

PRISEURS (Société des). Si l'on ne s'en rapporte qu'à la forme superficielle, l'Ordre des Priseurs est peut-être le plus nombreux de tous les Ordres depuis la découverte faite par Ni- cot de la poudre médicée, tirée de Y herbe à la rojyne(i), qu'il

(1) Le plus ancien traité sur le tabac est peut-être le livre suivant: Ins-


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rapporta du Portugal et offrit à Catherine de Médicis. Mais si l'on creuse, le fait, si l'on approfondit la question on verra que la vraie Société desPriseurs est un Ordre distingué, qui compte peu d'adeptes d'élite et qui est fort peu connu des profanes.

Dans cette association, un groupe de fidèles réunis pour tra- vailler se nomme une manufacture; la manufacture est consa- crée, non pas, comme on le croirait, à faire vivre le monopole des tabacs et les droits réunis, mais bien à Vétude de la nature et des vertus; Odry ne manquerait pas de dire que c'est pour cela qu'il la prise davantage. Dans la manufacture, il y a plu- sieurs grades, et dans les grades, on compte différentes classes. Le hangar } une des parties de la manufacture, a les piocheurs, les semeurs, les récolteurs. Puis viennent les trieurs, les éco- teurs, les torqueurs, etc. La manufacture a pour chefs les directeur et sous- directeur \ Le garde-magasin, le maître des cérémonies, le chef des cultures et le surveillant sont les autres autorités qui dominent dans la congrégation. Des statuts règlent l'office et les fonctions de chacun. Le cérémonial obligé n'est qu'une longue allégorie tabacologique poussée à l'extrême. Un serment liait tous les membres de la société. Les réceptions avaient lieu solennelle- ment, à la suite de présentations, et se terminaient par des re- merciments d'admission exprimés séance tenante. Enfin l'ordre se livrait à des travaux sérieux et philosophiques qui ont attiré l'attention des amateurs de ces sortes de mystères. Peut-être la politique, se cachant sous le voile de l'allégorie, n'est-elle pas restée étrangère à cette association. M. Lerouge, que nous avons déjà signalé comme un infatigable collectionneur de pièces sur les sociétés secrètes, avait rassemblé un nombre assez considé-

trvction sur l'herbe Petvm ditte en France /'Herbe de la Royne ou Médi- cée; et sur laracine Mechiocan {la rhubarbe) principalement {avec quelques autres simples rares et exquis), exemplaire à manier philosophiquement tous autres végétaux. Par I. G. P. (Jacques Gohory, parisien). Envie, d'en- vie, etenvie. Paris, Galiot du Pré, i5-j2, in-8,ng. en bois, 16 feuillets en 16 pages.


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rablede documents manuscrits touchant l'Ordre des Priseurs. Ils sont indiqués au n° 5 1 1 et dans les n 09 suivants de son Ca- talogue des livres manuscrits et imprimés sur la franc-maçon- nerie et les sociétés secrètes. Paris , Leblanc, 1834, in-8. La Société des Priseurs était en pleine splendeur dans les années 181 8 et 1 819; on en a peu entendu parler après cette époque; il est toujours resté un grand nombre d'hommes usant du tabac à priser, mais ils n'étaient plus organisés par centuries, ni décu- ries. Aujourd'hui les priseurs sont débordés de beaucoup parles fumeurs, mais ces derniers ne forment pas de société; elle se- rait trop nombreuse.

PRISONNIERS (Compagnie de la Charité des), à Liège. La compagnie de la Charité des Prisonniers de Liège, com- mença en cette ville en 1624 sous le titre de Confrairie des pauvres Prisonniers. Elle publia, en 1727, un petit ouvrage curieux sous le titre de: Traité de F Aumône, par saint Cy- prien, évêque et martyr, traduit par un docteur en théologie de la Faculté de Paris. Liège, P. Ph. Gramme, rue des Sœurs-de- Hasque, 1727, pet. in-8 de 3 feuillets préliminaires et 47 pages chiffrées, dédié à M. de Vandestuo, baron de Gihez, conseiller de S. A.j l'un des protecteurs de la Compagnie de la Charité des Prisonniers; le titre porte le cachet de la compagnie repré- sentant Saint-Jean décollé, patron des prisonniers; avec les titres de la compagnie et la date de sa fondation. A cette épo- que (en 1727), S. Libert était secrétaire de la Compagnie des Prisonniers.

PUGILISTIQUE (Société). Cette société existait en Angle- terre vers le commencement de ce siècle; elle était composée de nobles, de gentlemen qui encourageaient de leurs sympathies l'art de la boxe; elle se réunissait une fois par an pour tenir un banquet. A cette époque, des personnages du premier rang, parmi lesquels on cite le duc de Buccleugh et le duc de Portland pre- naient des leçons dans l'art du pugilat, et lorsqu'en 1814, l'em- pereur de Russie et le roi de Prusse vinrent à Londres, on assure


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que ce qui les intéressa le plus, ce fut un duel à coups de poing entre deux éminents artistes en ce genre; lord Lowther offrit à Leurs Majestés un spectacle dans un déjeûner qu'il leur donna. Le feld-maréchal Blucher et l'hetmann des Cosaques, Platoff, furent tellement enchantés qu'ils voulurent assister à un se- cond combat; il eut lieu chez lord Elgin. Dans sa jeunesse, George IV était un patron de la boxe, mais il cessa de s'en oc- cuper après une rencontre à laquelle il assistait et où un des champions fut tué d'un coup reçu à la tempe. Le. frère de George, qui fut son successeur sous le nom de Guillaume IV, assistait assez fréquemment à de pareils combats, avant de monter sur le trône. Aujourd'hui la boxe a perdu toute faveur auprès des classes élevées; elle est traquée par la police, et elle est en pleine décadence; la Société Pugilistiqiie n'existe plus.

L'art du pugilat possède un vocabulaire spécial, un argot inin- telligible pour les non-initiés. On en trouve des échantillons dans les poésies de Thomas Moore. (Voir Tom CriV s mémorial to Congress). Il existe aussi des recueils expliquant les mots techniques de la boxe; voir le Dictionary of the Turf, the Ring, etc., by Joseph Bee. London, 1823, in-8, réimprimé en 1825 sous le titre de: The Sportsmarfs Slang.

PUTEAUX (Société dramatique de). Le duc de Grammont possédait, vers le milieu du siècle dernier, une maison de cam- pagne à Puteaux où l'on jouait quelquefois la comédie, surtout à l'occasion des fêtes des maîtres de la maison. Les poèmes joués par cette société dramatique étaient composés par le comte de Sénectère, l'abbé de La Porte, Roy et Laujon, la musique était l'œuvre de Le Vasseur, Leclerc et Martin.

Il reste un petit recueil imprimé de ces divertissements ; il est rare. Voici son titre : Amusements lyriques , ballet représentés à Puteaux, le... février 1750. (Sans nom de ville et d'impri- meur), 1750, in-8 de 66 pages. Cette brochure n'est pas entrée dans le commerce; un petit nombre d'exemplaires a été distri- bué aux auteurs et acteurs de Puteaux et aux intimes de la fa-


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mille de Grammont. Ce recueil contient: A\or et Thémire, première entrée,, paroles de Laujon, musique de Le Vasseur. — Apollon et Climène, deuxième entrée, paroles de M*** (le comte de Sénectère ou l'abbé de La Porte), musique de Leclerc. — Le Bal militaire, troisième entrée, paroles de Roy, musique de Martin. — (Catalogue Soleinne, n° 3522.)

PUY D'AMIENS (Confrérie du). Elle datait du XIV e siècle.

Deux fois par an, on distribuait des prix à la meilleure ballade en l'honneur de la Vierge, sur un air populaire.

La mère de François I er , duchesse d'Angoulême, passant à Amiens en 1 5 17, se fit faire une copie du recueil des pièces cou- ronnées dans ce puy. Elle est conservée à la Bibliothèque impé- riale.

PUY DE LA CONCEPTION DE CAEN. Cette assemblée se tenait le 8 décembre, jour de la Conception de la Vierge, en l'honneur de laquelle toutes les pièces devaient être composées. Son origine remontait à l'an 1527, lorsque Jean le Mercier, seigneur de Saint-Germain et avocat distingué à Caen, proposa à l'Université de cette ville l'établissement d'un palinod, et offrit d'en faire les frais pour cette année. Au commencement du XVII e siècle, des pièces de vers envoyées au Puy furent impri- mées, mais on ne les retrouve plus. On connaît huit brochures reproduisant les pièces couronnées de 1666 à 1792. Consultez les Antiquités de Caen, par Bourgueville; deux lettres insérées dans le Mercure de France, juin 1725,, pag. 1286- 1288, et dé- cembre 1762, pag. 1 i6-i25; le Mémoire historique de l'abbé de la Rue, sur le palinod de Caen, 1781, in-8°, et le Manuel du bibliographe normand, par M. Ed. Frère, tom. II, p. 382.

PUY DE L'ASSOMPTION NOTRE-DAME DE DOUAI (Le). i33o-i592-i594-i6i3. Les Puy s étaient des associations poétiques très-anciennes dans les villes de Normandie, de Picar- die, d'Artois et de Hainaut; celles de Rouen, Arras, Valen- ciennes et Douai virent de bonne heure ces institutions dans leur sein. Il reste beaucoup de traces manuscrites des oeuvres


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poétiques présentées aux concours ouverts dans ces sociétés, à l'instar des Chambres de rhétorique de la Flandre et du Brabant. Les pièces imprimées qui en proviennent sont plus rares ; c'est ce qui nous engage à signaler celles contenues dans un recueil de Claude de Bassecourt, qui se dit Haynaunois, et qui est inti- tulé : Tragi-comédie pastorale et autres pièces. Anvers, Ar- noult Coninx, 1 594, pet. in-8° de 8 feuillets préliminaires et 237 pages. Après la pièce KHylas, pastorale en 5 actes et en vers (1), presque toutes les poésies qui suivent sont relatives au Puy de l'Assomption - Nostre -Dame de Douay (2), où l'auteur avait concouru sans obtenir le prix, ce qui l'indigna fortement contre V ignorance des juges.

Le Puy de VAssomption-Nostre-Dame-de-Douay était ainsi nommé parce que cette société littéraire, érigée en petit Mont- Parnasse, fêtait chaque année la fête de l'Assomption par une solennité littéraire où elle couronnait la meilleure pièce de poé- sie faite en l'honneur de la Vierge. Là, on distribuait aux vain- queurs des couronnes, des chapels et des affiquets (images de laVierge),en argent. Cette institution datait d'environ l'an i33o, où elle avait commencé sous le nom de : la Confrérie des Clers Parisiens. La ville de Douai, citéde paix, d'étude, d'Uni- versité et de 17 villes de Parlement, a toujours vu naître dans son sein des associations littéraires et chantantes; après celle que nous venons de citer, on eut la Confrérie de Sainte-Barbe, établie chez les Pères Trinitaires de Douai; le Banc poétique des seigneurs de Cuinchy,\o Valmuse, etc., etc.

(1) D'après les rédactions de la Bibliothèque du Théâtre français (ijSô, 3 vol.),les vers de cette pastorale sont charmants, les scènes pleines de situa- tions touchantes et de tableaux gracieux.

(1) Le Bulletin du Bibliophile, Paris, 1842, p. 92, cite une édition de ce livre, datée de Paris, Connix, 1 592, pet. in-8°, avec ce détail des pièces: Ré- plique de M. Claude de Bassecourt à la Responce des Rhétoriqueurs de Douay; Apologie de Claude de Bassecourt; Cartel présenté par M. Claude de Bassecourt aux vainqueurs de la couronne et chapeau d'argent, donnés à Douay le quinzième d'aoust, Van i5g2; Responce audit Cartel par les vainceurs, et sur le dece? de Jean Cuick, en son vivant professeur à Douay.


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Claude de Bassecourt, Haynaunois, n'est pas le seul qui ait concouru pour obtenir les prix de la société poétique de Douai. Un rimeur plus heureux,, et qui, loin de se plaindre de l'igno- rance de ses juges, les chante en vers pompeux, a publiéses pièces couronnées à Douay. Son ouvrage est intitulé : les Œuvres poétiques de Iacqves Loys, doctevr es droits et poète lauré, divisées en 1III livres. A. Dovay, de l'imprimerie de Pierre Avroy, M. DG XII , in-8° de 4 feuillets prélim res , 228 pp. et 2 feuillets de table. Ce volume est ordinairement suivi de celui- ci : les Œvvres poetiqves de lean Loys, Dovysien } licentié es droits, diuisées en IIII Hures. Dovay, P. Avroy, M. DC. XIII, in-8° de 4 feuillets, 243 et 5 pages de table (1).

Les princes de la Confrérie des Clercs Parisiens, auxquels Jacques Loys adresse ses vers sont: Pierre Ledoux, avocat, 1608; Jean Bellegambe, peintre, 1609; Jean Bertoult, poète et avocat, 16 10; Loys de Hornay, 1608; Robert de Rantre, i6o5; Jean de Respin, 1606; Isaac Lambert, pasteur de Notre-Dame, 1607; Nicolas Du Pré, prince de la petite Confrérie.



gg? AMBOUILLET (Société de l'hôtel de). 1600- i65o. Cette société, qui n'avait peut-être pas de statuts écrits, mais qui se réunissait dans la fameuse chambre bleue de l'hôtel de Rambouillet, était pré- sidée par la marquise de Rambouillet elle-même^ sous le nom d'Arthénise. C'était le rendez-vous de tous les beaux esprits du

(i) On trouve sur Jean Loys un article curieux dans la Bibliographie douaisienne de M. M. R. du Thillœul, 2 e édition, 1842, page 146. Indépen- damment de ses deux volumes, Loys avait publié en i58o un opuscule en vers: Hymne chrestien du sainct nom de Jésus.


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temps. Les premiers admis furent Gombauld, Malherbe, Vau- gelas et Racan. Puis vinrent Voiture, Balzac, Segrais, Chape- lain, Gostar, Sarrazin, Conrart, Mairet, Patru, Godeau, Rotrou, Scarron, Benserade, Saint-Evremond, Charleval, Ménage, le duc de la Rochefoucauld, le marquis de la Salle, depuis duc de Mon- tausier; Malleville, Desmarets_, Bautru, Collin, Colletet, George de Scudéry, Corneille, Fléchier, le prince de Condé, et même Bossuet qui y prononça un sermon dès l'âge de seize ans. Parmi les femmes, on distinguait la fameuse Julie d'Angennes, fille de la maîtresse de la maison; Mme de Longueville, Melle de Scu- déry, Mme de la Suze, Melle Paulet, Mme de La Fayette, Mme de Sévigné, etc.

Grâce à la bonté, à l'esprit et à l'amabilité d'Arthénise, les réu- nions de l'hôtel de Rambouillet durèrent presque un demi-siècle. Cette brillante société ne se dispersa que vers i65o; de ses débris ne sortirent plus que quelques coteries peu intéressantes.

Les réunions de l'hôtel de Rambouillet eurent une grande autorité et un grand retentissement. Ce qu'on appelle le langage précieux est issu de ces conférences. Le Grand Dictionnaire des Précieuses, de Somaize, contient à ce sujet d'amples rensei- gnements (i).

Empruntons ici quelques lignes à un feuilleton de M. Bar- rière, inséré dans le Journal des Débats (5 juin i85i) :

« Des souvenirs littéraires de l'hôtel de Rambouillet, je n'en dirai mot : qui ne les a présents à l'esprit? Le plan et l'arrange- ment de l'hôtel même sont bien moins connus. « C'était une « maison de briques, rehaussée d'embrasures, d'amortissements ce de chaînes, de corniches, de frises, d'architraves et de pilastres

(i) Une très-bonne édition de cet ouvrage curieux a paru en 1 856, en deux volumes, qui font partie delà Bibliothèque elfévirienne ; elle est due à M. Li- vet qui y a joint des éclaircissements utiles, résultats de bien patientes re- cherches. Consulter aussi sur l'hôtel Rambouillet l'écrit du comte Rœdereri Mémoires pour servir à V histoire de la Société polie en France, publié en i835 à petit nombre et réimprimé dans le second volume des Œuvres de ce polygraphe éditées par son fils. Paris, Didot, i85i, 5 vol. gr. in-8.


RÉF 161

« en pierre. Dès l'entrée, et de tous les endroits de la cour, on « découvrait les jardins. Le corps de logis avait quatre apparte- « ments complets ; on y montait par un escalier consistant en « une seule rampe large et cintrée, dont on attribua l'invention « à la marquise elle-même. La première aussi, dit-on, elle fit « ouvrir dans son salon bleu des fenêtres qui régnaient, sans « aucun appui, du haut en bas. »

Elle avait véritablement d'heureuses idées pour les disposi- tions de son hôtel, et s'entendait à ménager des surprises à cette foule de seigneurs, de prélats, de femmes aimables et de gens d'esprits dont il était le rendez-vous. Un soir, qu'on était dans un salon, de tout temps fermé d'un côté par une muraille et tendu d'une tapisserie, on entend tout à coup du bruit derrière cette tapisserie; elle se lève, une porte s'ouvre, et Melle de Ram- bouillet, vêtue superbement, paraît dans un cabinet tout à fait magnifique et merveilleusement éclairé. Grand fut l'étonne- ment, car on savait que derrière la muraille était le jardin des Quinze- Vingts; maison ne savait pas qu'influente par son nom, ses amis, sa bonne grâce et ses bons offices, la marquise avait obtenu de bâtir ce cabinet en saillie, avec croisées sur trois faces différentes. Elle obtint bien plus de la courtoisie des aveugles : on lui planta une allée, on lui entretint une prairie sous les croisées de son cabinet. « Je suis la seule à Paris, disait-elle, « qui de ses fenêtres, ait le plaisir de voir faucher les prés. » Il est bien évident qu'aujourd'hui l'on ne faucherait guère au Car- rousel 1

RAPE (Ordre de la). Indiqué par de L'Aulnaye; on manque de renseignements à son égard.

RÉFORMATION DES MŒURS (Société pour la). Cette société ne paraît avoir existé que dans l'imagination de l'au- teur anonyme du livre intitulé : Vénus la populaire, ou Apo- logie des maisons de joye y traduit de l'anglois. A Londres, chez A. Moore (Hollande), 1727, petit in- 8° de xn et i3o

11.


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pp.(i). Cetauteur, qui se dit compagnon de réforme , etqm signe son épître dédicatoire du faux nom de Phil-Pornix, qui dénote de sa part des goûts peu délicats, se décide à dédier son ouvrage aux membres de la société établie pour la réformation des mœurs, en assurant qu'elle a des droits incontestables sur ce traité d'un de ses associés. Les efforts de la société, dit-il, pour abolir la débau- che, ont servi seulement à la faire régner davantage; on ne lui a ôté que des branches inutiles dont le retranchement la rend vi- goureuse et fertile. On ne pouvait attendre autre chose de l'at- tachement de la société à tourmenter ces pauvres demoiselles qui trafiquent de leurs charmes avec le public,- etc., etc.

On conçoit que ces reproches, que ces données et ces inter- pellations n'ont rien de réel ni de sérieux. Tout cela n'est que de la facétie littéraire. La société est fictive comme le nom du seigneur Phil-Pornix. Nous devions néanmoins faire une sim- ple mention du titre des Compagnons de la Réforme des moeurs^ ne fut-ce que pour dire qu'ils n'ont jamais existé en fait; hélas! en regardant autour de soi, on n'en est que trop bien convaincu.

RÉJOUIS (Compagnie des). La Compagnie des Réjouis était plutôt un titre donné à la petite cour de Trianon, qu'une asso- ciation réelle. C'est Soulavie, historien passionné et infidèle, qui cite cette soi-disant société dans son mauvais ouvrage des Mé- moires historiques et politiques du règne de Louis XVI.

Ces Réjouis se composaient de Marie-Antoinette, la comtesse


(i) Mais si la société dont parle l'auteur de Vénus la populaire paraît ima- ginaire, il a très-réellement existé en Angleterre une Association pour la suppression du vice, qui, fondée vers le commencement de ce siècle, diri- geait des attaques contre les écrivains immoraux; elle a été l'objet des sar- casmes de Byron. — Quant à l'ouvrage anglais dont il s'agit, il a paru vers 1 726 : A modest defence of public steivs, et il est attribué à B. de Mandeville, l'auteur d'un livre hardi pour l'époque: la Fable des abeilles. La traduction française a été plusieurs fois réimprimée, et il existe une version italienne : Venere popolare. Cosmopoli, sans date, in-12.


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Jules de Polignac, Diane de Polignac, Vaudreuil, Besenval, le prince d'Hénin, le comte d'Adhémar, etc.

« Un jour, dit Soulavie, la Compagnie des Réjouis lisant « YHistoire des Amours des Cerfs, dans Buffon, trouva plai- « sant de commander des habits de peaux de cerfs., imitant les « cerfs et les biches. Toute la compagnie, après avoir erré dans « le jardin, masquée avec ces habits, trouva plaisant encore de « jouir des plaisirs des cerfs et des biches. »

Est-il besoin de dire que ces dires d'un détracteur de la no- blesse et de la monarchie sont des calomnies infâmes jetées au vent de la malignité publique pour perdre une jeune reine et ses entours dans l'opinion des Français?

RÉVEIL DE LA NATURE (Société des amis du). Cette Société existait, à Paris, de 1804 a 1812. M. Lerouge possédait trois brochures in-8° imprimées en 1804, 1806 et 1812. Elle nous paraît une Société destinée à fêter et à chanter le prin- temps à la suite des jours brumeux de l'hiver. Nous possédons des couplets adressés à tous les Amis formant la Société du Réveil de la nature, le jeudi 29 mai 1806, signés par un sieur Villette; c'est une espèce de pot-pourri dont le sujet est le mot Ah l II indique que la société en question avait surtout pour but de s'amuser. Nous croyons devoir reproduire ici ce morceau peu connu.

Couplets sur le mot : Ah! adressés à tous les Amis formant la Société du Réveil delà Nature, le jeudi 29 mai 1806.

Air : Femmes, voulez-vous éprouver.

Il est un mot chez les Français, Mot qui, malgré son laconisme, Pour la femme a beaucoup d'attraits Et qui varie ainsi qu'un prisme. Ah! c'est un vrai caméléon; Soit que l'on rie, ou qu'on frissonne,


i6 4 RÉV

De l'âme il est l'expression,

Suivant le ton que l'on lui donne (bis).

Ce monosillabe charmant Toujours à la pudeur échappe, Quand l'amour vainqueur qui l'attend, La surprend, mordant à la grappe. Qui mieux que lui peint la bonté Dans la bouche d'un patriarche? Lui seul exprime la gaieté, Avec les ris toujours il marche [bis).

Air : Dorilas contre moi des Femmes.

Lors que du fond de la poitrine Ce mot là sort péniblement , Alors je frissonne et devine Que du malheur il est l'accent (bis). Lorsqu'un critique atrabilaire Prononce ce mot, en baillant, Si son arrêt est trop sévère ,


Un ami le casse, en riant. S '. "

Armés chacun d'une raquette,

Une troupe d'enfants charmans

Dit vingt fois ce mot, le répette,

En suivant des yeux leurs volans; (bis)

Je vois à leur geste, à leur mine,

Leur crainte, comme leur désir.

Dans leur bouche aimable, enfantine

Ah! c'est le vrai mot du plaisir

Air : Femmes, voulez-vous éprouver.

Ah! vous l'avez donc deviné, Ce mot l'expression de l'âme, Ce mot par qui nous est donné Ou le suffrage, ou bien le blâme. S'il est le mot de ralliement Chez les amants de la nature, Qu'il y soit dit avec l'accent D'une amitié sincère et pure (bis).


{bis).


RHE i65


Air : Du petit mot pour rire.

Ah! c'est chez toute nation, Du sentiment l'expression.

Et c'est donc pour vous dire Qu'il sera chez de vrais amis, Par le plaisir tous réunis,

Le petit mot [ter] pour rire.

Villette.

Il existe un recueil intitulé : Tableau historique et chronolo- gique des fêtes célébrées par la Société du Réveil de la Na- ture, depuis son origine jusques et compris 18 1 1, formant 8 an- nées. On y a joint les écrits, soit en vers, soit en prose, offerts par plusieurs membres de la Société à chaque séance, ainsi qu'une nouvelle édition des statuts et règlements de la Société. (Paris, Poulet, 1812, in-8°, 68 pages) ; Vallée de Mercadier, secrétaire-général.

RHEINSBERG (Société dramatique de). Le grand Frédé- ric, avant d'être roi et lorsqu'il était sous le joug de son père, se livrait à l'étude et aux divers amusements de l'esprit au châ- teau de Rheinsberg où il avait fixé son séjour. Des amateurs y jouaient la tragédie et la comédie. Parmi les pièces qui furent représentées on peut citer Mithridate de Racine, et Œdipe de Voltaire. Dans cette dernière tragédie Frédéric remplissait le rôle de Philoctète.

RHENANA (Societas litteraria). 1480. En cette année on établit à Heidelberg, sous le titre de Societas litteraria Rhenana, une de ces associations littéraires formées en Allemagne à l'ins- tar de celles d'Italie, pour épurer le goût, perfectionner la langue et la littérature nationales. Comme on était dans un état de transition du moyen-âge, à l'époque de la renaissance des lettres, il se mêlait quelques habitudes burlesques et joviales au but lit- téraire de l'institution. Ainsi on s'y occupait de grec, d'hébreu, de latin , d'astronomie, de poésie et de jurisprudence, mais en


166 RIB

même temps on faisait de la musique_, on donnait des festins et l'on terminait souvent les travaux par des danses.

Les associés, après s'être altérés à discuter sur les belles-lettres et les sciences,, se délassaient souvent à table, où on les voyait, dit Jugler, more Germanorum inveterato strenue potare.

RIBALDERIE (l'Ordre de la). UOrdre de la Ribalderie, institué à Paris en 1612, a donné lieu à plusieurs publications sur les Ribaulds, etc.

Primitivement les Ribauds ou Ribaux furent des hommes forts qui travaillaient sur les rives des fleuves _, soit à remonter les bateaux, soit à charger et décharger les marchandises.

Sous Philippe II, il y avait une espèce de soldats appelés Ri- bauds, Ribaldi, qui passaient pour déterminés et que l'on met- tait en tête des colonnes allant à l'assaut; le libertinage outré auquel ils s'abandonnaient rendit leur nom synonime de débau- ché. Les Ribauds, pris dans ce dernier sens_, avaient dans chaque ville un peu considérable, un chef prenant le titre de roi; suivant Boutellier, le roi des Ribauds avait la surveillance des tavernes et maisons de débauches. Il en retirait une rétribution. Il prélevait aussi cinq sous sur chaque femme convaincue d'a- dultère; une autre de ses prérogatives consistait à obliger les filles de joie de faire sa chambre pendant tout le mois de mai. Il existe un vieux proverbe : Mieux vaut gaudir de son patri- moine que d'enrichir un ribaud de moine.

RIBAUDS (Roi des). Les Ribauds (Ribaldi) formaient au moyen-âge une corporation qui avait un chef légalement re- connu. Il y avait un roi des Ribauds, qui , suivant des statuts donnés par le roi Philippe en 1 3 17, ne mangeoit point à cour, mais av oit six denrées de pain, et estoit monté par Vescuerie et se devoit tenir toujours hors la porte , et garder illec qu'il n'y entre que ceus qui i doivent entrer.

Le même roi des Ribauds finissait quelquefois fort mal, comme il arriva en i388 à Guillet, qui fut mis au pilori avec le Picardiau, son prévôt.


RIB 167

Le président Fauchet, Pasquier, dans ses Recherches sur la France , et divers autres anciens écrivains ont parlé de ce per- sonnage. « Il avait la charge de bouter hors de la maison du roi ceux qui n'y dévoient manger ni coucher; il alloit, une torche au poing, par tous les coins et lieux secrets de l'hostel chercher les étrangers. »

Gouge de Longuemare, avocat au Parlement et auteur de di- verses dissertations sur l'histoire de France, réunies en 1748 en un volume in-i2,a donné sur cette dignité des éclaircissements qui ont été reproduits dans le tome VIII de la Collection de dissertations publiée par MM. Leber et Cohen, et que nous avons citée plusieurs fois.

Ce n'était pas seulement à la cour du roi qu'il se trouvait un roi des Ribauds; les princes du sang en avaient aussi auprès d'eux afin de maintenir la police; diverses grandes villes en pos- sédaient en les employant à l'office d'exécuteurs des hautes œuvres. Il était chargé de l'inspection des lieux de débauche et des personnes qui les habitaient, et il avait droit à une rétribu- tion de deux sous par semaine. Selon un titre rapporté par du Cange et daté de i38o, ce monarque aurait joui d'un droit bien plus étendu, mais qui devait occasionner bien du scandale, s'il le percevait à la rigueur; il pouvait exiger cinq sous de chaque femme adultère, mais le document que transcrit le très -savant auteur du Glossarium infimœ latinitatis ne paraît se rapporter qu'à un droit imaginaire inventé par un bouffon (de statu go- liardorum seu buffonum) se posant sans motif peut-être, comme faisant partie des ribaux (se gerenti pro ribaldo).

On trouve encore en 1459 des traces de l'existence du roi des Ribauds, lequel ne fut à son origine que le premier des sergents de la juridiction des maîtres-d'hôtel du roi. Le nom de roi se donnait au moyen-âge aux individus les plus versés dans leur art ou ayant le plus d'autorité parmi leurs confrères. Un compte des obsèques de Charles VI., en 1422, mentionne le roi des me- nestrels.

Il est fait mention dans les archives de la ville de Péronne,


i68 ROC

année i343 et \2>5/\., d'un roi des Ribauds qui était institué le samedi après le Quasimodo. Un règlement du chapitre de la col- légiale de Saint-Quentin de l'année 1246 contient à leur sujet ce qui suit : Ne ribaldi juxtà portas ecclesiœ vel parietes ejus min gant.

La Coutume bordelaise, rédigée au XVe siècle, constate § 26 (voirl'édition de Bordeaux, 1768, 2 vol. in-8, tome I, p. 26) qu'il y avait dans cette ville un Rey deuts Arlots qui exécutait les jugements rendus par la justice.

RICOVRATI (Les) de Padoue. En 1684, madame Deshou- lières fut nommée membre de l'Académie des Ricovrati 3 de Pa- doue, — des retraités ou des réfugiés.

ROCHER DE CANCALE (Société du). Société de gour- mands et de chanteurs, fondée par Capelle(i)et Renand, librai- res associés.

Elle devintplus nombreuseque celle des Dîners duVaudeville, dont la dispersion fournit à ces deux amphytrions des recrues à choisir dans ces déserteurs. Ils y prirent Laujon, Piis, Ar- mand Gouffé, Alissan de Chazet, Philipon de la Madeleine et Despréaux.

Laujon était président ou doyen de la Société du Rocher de Cancale, vers 1 8 1 1 . 11 y avait un sous-doyen ou vice-président. Brillât-Savarin, dans sa spirituelle Physiologie du Goût } donne de piquants détails sur le restaurant longtemps célèbre de la rue Montorgueil, où se réunissaient ces joyeux convives.

ROIS (Confédération des). Espèce de coterie fondée en An- gleterre où l'on a toujours eu grand goût pour les associations sin- gulières par leur nom et leur but. Cette grande alliance des Rois se forma à Londres un peu après le retour de Charles II dans ses Etats. L'on y admettait indifféremment toutes sortes de per-

(1) Mort au mois d'octobre i85i, dans sa 81 e année; il a laissé de nom- breux ouvrages en vers et en prose, fort oublie's aujourd'hui.


ROS 169

sonnes, de quelque condition ou qualité qu'elles fussent, pourvu qu'elles ne refusassent pas de prendre le titre de Roi. On vou- lait par là repousser tous les hommes imbus d'idées républi- caines ou anti-monarchiques; c'est du moins l'opinion que le Spectateur émet dans son huitième discours qui renferme quel- ques détails piquants sur des sociétés assez bizarres établies dans la Grande-Bretagne.

ROMAINS (Société des). Elle date de 1808 à 18 10 environ; elle fut d'abord restreinte aux pensionnaires du gouvernement à Rome, qui en étaient revenus, puis elle s'étendit à tous ceux qui ont été à Rome, n'importe à quels frais, et comme artiste.

Cette société se réunit les i5 de chaque mois en un banquet très -gai. Elle dure encore, mais la médaille n'est plus distri- buée.

ROSATI D'ARRAS (Société des). Nous ne saurions mieux faire pour donner une idée exacte des travaux de cette société que de reproduire une Notice insérée dans la 3 e série des Ar- chives du Nord, publiées par M. Arthur Dinaux, à Valen- ciennes(i).

Robespierre, Carnot, Le Gay, Harduin, Bertin, Feutry, les Rosati de Paris, Mercier (de Compiègne). — Si une rémi- niscence des anciens Puys d'amour peut être signalée en Artois, c'est sans doute celle qui, à la fin du siècle dernier (le 12 juin 1778), fit naître à Arras la Société Anacréontique des Rosati. C'était moins sans doute qu'une académie littéraire, mais c'était certainement plus qu'une réunion bachique. On peut la consi- dérer comme le dernier écho redisant les chants amoureux des Trouvères artésiens du XIII e siècle, assaisonnés de toute la galanterie et du savoir-vivre du siècle enrubanné de Louis XV.

La Société des Rosati d Arras était consacrée à Chapelle, à La


(1) Il a été fait une 2 e édition de cette Notice de M. Dinaux; elle porte pour rubrique : A la Vallée des Roses, de l'imprimerie anacréontique, Van iooo8oo5o.


170 ROS

Fontaine, à Chaulieu; certes, des hommes d'esprit et de plaisir ne pouvaient mieux choisir leurs patrons; cependant., sans sortir de la province et en remontant de cinq cents ans plus haut, la nouvelle société aurait pu trouver des maîtres parmi ceux qui eux-mêmes inspirèrent Chaulieu, La Fontaine et Chapelle. L'Artois n'entendait-il pas résonner alors les chants de Quenes de Béthune, d'Adam de la Halle, d'Audefroy- le- Bâtard, de Sauvage, de Courtois d'Arras et d'Adam de Givency? Mais, au XVIII e siècle, qui songeait aux vieux Trouvères, aux pères de la poésie française, si fins et si inventifs ? C'était trop tard ou trop tôt pour y penser.

Nous ne pouvons mieux faire connaître l'origine des Rosati que par la transcription exacte d'un Extrait des feuilles vo- lantes de la Société Anacréontique que nous devons à la com- plaisance du fils d'un Rosati, qui possède beaucoup. de pièces inédites composées et écrites par son père. Voici la pièce qu; nous a été obligeamment communiquée :

Lettre à M. l'abbé Ménage (à Paris), en lui octroyant le diplôme de Rosati. — « Monsieur, vous avez sans doute entendu parler de la Fête des Roses et de la Société Anacréontique des Rosati; la Renommée, il est vrai, n'a pas encore fait voler d'un pôle à l'autre le nom de cette société amico-poético-bachique; mais un Rosati résident(M.Charamond).quia l'honneur d'être votre neveu, doit vous avoir dit quelques mots de son origine et du but qu'elle se propose.

« Des jeunes gens réunis par l'amitié, par le goût des vers, des roses et du vin, partirent un beau jour à cinq heures du matin et se réunirent dans un jardin bien fleuri, bien ombragé, bien champêtre, sous un berceau de troëne et d'acacia que réflé- chissait le ruisseau le plus pur. Chacun lut sa pièce de vers ana- logue au local et aux mystères qu'on devait y célébrer; des bou- teilles de vin de Champagne furent apportées dans des raffraî- chissoirsde porcelaine, on emplit les verres.

« Tout-à-coup, l'un des jeunes gens, fouillant dans ses grandes poches, en tira quelques centaines de roses fraîchement cueillies,


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En un clin-d'œil, tout fut empreint de leurs couleurs. Le ber- ceau vert en fut lambrissé et plafonné; des roses effeuillées rou- girent la table, les bancs et le gazon. Le liseron qui rampait au bord de l'onde, fournit des couronnes où l'on fit serpenter la rose; on but à la reine des fleurs; lesim-promptu jaillirent avec la mousse du Chambertin; et, dans un moment d'inspiration, l'un des plus aimables poètes de la société s'écria : « Amis! « qu'un jour si beau (c'était le 12 juin 1778) renaisse tous les « ans, et qu'on l'appelle la Fête des Roses l j> A cette idée, on bat des mains, on emplit les verres, on épanche quelques gouttes de nectar sur les fleurs éparpillées, et l'on trinque en disant :

« Profanes, loin d'ici ! cet asile est sacré ! »

Telle fut l'inauguration du Berceau-, ainsi commença la Fête des Roses l

« Prendre un honnête délassement, s'éclairer des rayons de la vraie philosophie, rire de l'ambition et de mille riens impor- tantSj faire revivre le ton simple et franc de nos anciens auteurs en dépit de la précocité et delà morgue de plusieurs célébrités du jour, voilà le principal but des Rosati; voilà pourquoi, Mon- sieur, les Rosati s'empressent de vous adopter : qui mieux que vous remplira leurs vues?

« La cérémonie de votre adoption n'est ni grave, ni fatiguante. Vous cueillerez une rose, vous la respirerez trois fois, puis l'atta- cherez à votre boutonnière, vous vuiderez d'un trait (notez cette circonstance) un verre de vin rosé à la santé de tous les Rosati, passés, présents et futurs; ensuite vous embrasserez, au nom de la société, une des personnes que vous aimez le mieux; vous serez alors un vrai Rosati. »

Le but principal de la société des Rosati fut donc l'étude de la gaie science, et ses travaux obligés consistaient à faire l'éloge de la Rose, de la Beauté, du Vin et de Y Amour : toutes choses fort agréables et peu difficiles à entreprendre. Les sociétaires exerçaient leur culte sous un berceau de roses, devant les bustes des trois poètes qui présidaient à leurs repas et à leurs chansons


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tout couronnés de rieurs. Chaque couvert était marqué par un bouquet de roses. Les assemblées commençaient au printemps, à l'épanouissement de la reine des jardins, et finissaient à l'au- tomne, lorsque son règne était fini : on ne connaissait pas alors en France les roses du Bengale, celles dites remontantes qui fleurissent la plus grande partie de l'année ; c'est bien dommage: si ce progrès horticole eût été fait un demi-siècle plus tôt, les sessions de nos Rosati eussent duré l'année entière. Les réci- piendaires recevaient un diplôme en vers et y répondaient par des couplets. Diplôme à part, les Rosati semblaient avoir calqué leur association sur celles des Puys verds et des Puys d* amour. Une philosophie toute épicurienne avait seulement fait écarter de leurs éloges obligés le nom de la Vierge Marie, qui, sous le régime des Trouvères, dominait souverainement presque tous les sujets poétiques. Les Rosati n'exclurent pourtant pas le beau sexe de leurs réunions, mais, pour des raisons de convenance, ils n'avaient que des associées étrangères à la ville d'Arras. On ne cite guère qu'une seule exception à cette règle rigoureuse; ce fut la réception d'une dame d'Arras, que nous voyons citée sous les initiales de madame Ch..., faciles à remplir par les habitants du pays, qui fut admise comme Rosata. Il paraît que son visage s'alluma tout-à-coup d'une couleur appropriée au titre qu'elle recevait, quand elle accepta la coupe de vin rosé, symbole de l'initiation, et qu'elle se vit la seule femme au milieu d'une société d'hommes, couronnés de roses, qui chantaient le vin et l'amour. Aussi M. Legay, poète aimable et galant, grand-chan- celier des Rosati, ne put-il s'empêcher de s'écrier, dans un des couplets improvisés à cette réception :

« Sur ton visage, « Quelle purpurine couleur! « Permets-moi le baiser d'usage ; « Je croirai reprendre la fleur

« Sur ton visage. »

Le Berceau des Roses, lieu des séances des Rosati, était situé hors des murs, dans un des faubourgs d'Arras, à Avesnes, surles


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bords de la Scarpe(i). La liberté la plus entière, mais sans indé- cence, régnait parmi les membres de cette société anacréontique qui se composait de magktrats, d'avocats, d'abbés, d'officiers du génie et de propriétaires de l'Artois. Au reste, la pièce suivante désigne le but qu'on se proposait d'atteindre, et renferme tout à la fois les statuts de la compagnie et le programme de ses séances.

LA FÊTE DES ROSES.

Un des beaux jours du joli mois

Qui rend aux arbres leur feuillage, La verdure aux gazons, aux oiseaux leur ramage, Et les fait deux à deux voltiger dans les bois;

Eveillés avant que l'Aurore, Fuyant son vieil époux, répande au sein de Flore Ces pleurs que Phœbus change en rubis éclatants. Quelques Anacréons dont pas un seul ne cloche, Bien gais et bien dispos, l'un de l'autre contents, Bouquet de roses en main, et jolis vers en poche, Courent loin de la ville et des sots importants

Fêter le retour du printemps.

Dans un cabinet de verdure

De mille roses nuancé,

(i) Ce lieu était voisin de l'abbaye de Notre-Dame-d'Avesnes, de l'ordre de Saint-Benoît, fondé avant l'an H25 en Artois, et établie près des murs d'Ar- ras, lorsque Philippe II eut vendu à cette congrégation le château de Belle- motte de Marguerite de Marie, comtesse d'Artois. L'abbesse Anne de Warlu- zel, morte en i 5gg, bâtit en ce lieu une église et un cloître réduits en cendre en i654 par le marquis de Mondejeu, depuis maréchal de Schulemberg, chargé de défendre Arras contre le prince de Condé. Les dames d'Avesnes restèrent quarante ans à leur refuge d'Arras, jusqu'à ce que l'abbesse Jeanne de Tramecourt, qui succéda à Marie-Thérèse de Montmorency, eut achevé la reconstruction des bâtiments. Elles étaient au nombre de douze, et faisaient preuve de noblesse militaire, tant du côté paternel que du côté maternel, pour être admises dans la maison où elles vivaient presqu'en chanoinesses et sans être cloîtrées. A l'époque de la fondation de la Société des Rosati, leur voisine, l'abbesse était Marie-Jeanne de Mouchy; le même écho pouvait redire les chants anacréontiques des épicuriens d'Arras et les pieuses hymnes des vierges de Saint-Benoît.


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. Près d'une source qui murmure,

Se réuni: le groupe dispersé. Sur un banc raboteux, chancelant, mal posé,

Nous nous plaçons à l'aventure ; Chaque bouquet bientôt, en couronne tressé,

Presse nos fronts d'une fraîche ceinture. La nappe au même instant disparaît sous les fleurs.

La couleur du vin qu'on varie Tantôt contraste et tantôt se marie

A l'incarnat de leurs couleurs.

Le Dieu de la plaisanterie, Momus, vient animer les propos des buveurs. On parle vers, amour, même philosophie,

Tout en riant on apprécie

Les illusions de la vie,

Les charmes d'une Belle, et l'esprit des Auteurs

Tout-à-coup le bruit cesse. Aux plus gentils Poètes,

A tous ces paresseux qui chantèrent l'Amour,

Aux Chapelle, aux Chaulieu, nous buvons tour-à-tour,

En répétant nos chansonnettes. Mais lorsque du soleil les rayons importuns, Introduits à travers la voûte de feuillage, Dissipent de nos fleurs les suaves parfums, Nous quittons notre Eden, en disant : « Quel dommage ,

« Quand le chagrin semble allonger les jours, « Que les instants heureux nous paraissent si courts ! »

On voit assez par ce document, qui est pour ainsi dire la charte constitutionnelle des Rosati, que c'étaient de francs épi- curiens, ne pensant qu'aux plaisirs, aux biens matériels de la vie et aux jouissances de l'humanité. Ces joyeux compagnons paraissent avoir tous possédé les qualités mémorables que l'on accorde généralement au bon roi Henri IV. La majorité des membres étant composée d'officiers, ils avaient le triple talent de boire et de battre, et d'être verts galants. Ils en ajoutaient même un quatrième, celui de chanter, ce que ne dédaignait pas de faire aussi le roi du Pont-Neuf.

Nous sommes parvenu à reconstituer à peu près complète-


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ment la liste des chevaliers de cet Ordre bachico-littéraire: c'est la composition la plus étonnante qu'on puisse voir : un abbé à côté d'un officier du génie; un peintre auprès d'un avocat-géné- ral; un artiste contre un professeur de théologie; le commandant d'une citadelle assis sur la basque de l'habit d'un avocat; un mince poète vis-à-visd'un riche seigneur; un ancien écuyer du roi touchant du coude Maximilien de Robespierre, et tous ces gens d'états si variés, de conditions *et d'habitudes si diverses, peu soucieux des choses de ce monde, gais et contents, chantaient, buvaient ensemble, faisaient vers et chansons, et menaient joyeuse et aimable vie quand les partis commençaient à s'agiter, lorsque la monarchie et l'état social même tremblaient sur leurs antiques fondements.

Nous en demandons humblement pardon à nos graves lecteurs, mais nous ne saurions faire la monographie de cette société, plus galante que savante, plus bachique que littéraire, sans y entremêler beaucoup de pièces de poésies; on n'y conversait qu'en couplets, on n'y parlait qu'en rimes: ce sera donc de l'his- toire en vers. Nous ne pouvons mieux faire, pour peindre les divers personnages qui figurèrent sous le Berceau des Roses, que de rappeler leurs propres discours, et ces discours ne sont que des chansons.

On nous pardonnera les détails dans lesquels nous allons être forcé d'entrer; ils sont obligatoires pour faire bien connaître cet intérieur et ces hommes vus en deshabillé. C'est d'ailleurs une peinture de mœurs assez curieuse d'une époque déjà séparée de nous par plusieurs révolutions, etiln'est pas sans intérêt de voir les distractions et de connaître les jeux de personnages devenus, quelques années plus tard, fameux dans les lettres, les armes et la dictature.

A tout seigneur, tout honneur : commençons notre nomen- clature par le chancelier de l'Ordre, Le Gay, aimable auteur de Mes Souvenirs (i). C'est lui qui tint d'une main ferme et jusqu'à

(i) Paris, 1786, in- 18. Né en 1759, Le Gay n'a fait imprimer que quelques


176 ROS

sa dissolution le sceau de la compagnie, représentant une rose à mille feuilles. Il fut le fondateur de la société des Rosati, il en devint l'âme et le pivot. Ce charmant et fécond poète d'Arras, est mort juge d'instruction au tribunal de première instance de Béthune, le 7 juin 1823, après avoir été procureur-impérial au même siège. Lors de l'érection du Berceau des Roses, il n'était qu'avocat et chansonnier, et avait mérité le titre de Chantre de MyrtiSy du nom d'une beauté qui revient souvent dans ses vers et qui avait semé le printemps de sa vie de trouble et d'agita- tion.

Le Gay inaugura par ces couplets la première session des Fê- tes de la Rose, à l'ouverture du printemps, époque annuelle où les Rosati commençaient leurs aimables travaux :

Lève-toi radieux et clair, Soleil, viens parer la nature : Vents printanniers, agitez l'air : Que Flore émaille la verdure : Que tout favorise en ce jour La gaîté, les vers et l'Amour. Que chaque frère en Apollon,

Dans ce vallon,

Boive et chansonne ;

Lierre joyeux,

Myrte amoureux, Soient enlacés dans sa couronne. Que tout, etc.

La rose exhale son encens,

Et du printemps

Les fruits rougissent ; Le balancement des rameaux,

L'ombre et les eaux

Vous raffraîchissent. Mais ces plaisirs seraient trop vains Sans vos beaux vers, sans nos bons vins.


vers, et un discours : Du Célibat et du Divorce, prononce en 1 787 à l'Aca- démie d'Arras.


ROS i 77

Ah ! qu'il est doux sur le gazon, De sabler la liqueur vermeille ! La bouteille suit la chanson Qui nous renvoie à la bouteille.

Que tout favorise en ce jour

Non, non, ne parlons plus d'Amour.

Ce dieu cruel, je l'ai fêté, De trouble il a semé ma vie ; Mais de Bacchus l'enfant gâté Vit sans trouble et sans jalousie... Tous les amants sont ennemis, Et tous les buveurs sont amis.

Si Harduin, le savant secrétaire perpétuel de l'Académie Roya- le des Belles-Lettres d'Arras, fréquenta la société des Rosati, ce ne fut que de loin en loin, lorsque ses douleurs physiques lui permettaient de le faire, et cela pendant un court espace de temps, car il s'éteignit le 5 septembre 1785, à 67 ans. Cepen- dant son nom retentit plus d'une fois sous le Berceau des Ro- ses, ainsi que nous l'apprennent ces vers de Le Gay :

Harduin, que ton nom vanté Se mêle à notre douce orgie ; Permets que l'aimable gaîté Boive à la santé du génie; Souris aux fruits de nos loisirs ; La gloire naîtra des plaisirs.

Oui, je chanterai mieux Bacchus, Encouragé par ton suffrage ; Ainsi le regard de Phébus Fait briller la fleur du bocage ; Ainsi sous l'abri du palmier S'élève un timide rosier. A côté d'Harduin et de Le Gay, ces deux éclatantes étoiles littéraires de l'Artois, on voyait briller sous le Berceau des Ro- ses, l'abbé Roman, fondateur de l'Académie bocagère du Val- muse, de la société royale d'Arras. Voici le diplôme qui lui fut envoyé par Le Gay pour son in-

12.


178 ROS

troduction dans la société des Rosati; il le fera mieux connaître sous le point de vue anacréontique qui nous occupe.

DIPLÔME DE ROSATI A M. ROMAN.

Nous, qui d'une voix importune

Ne formons ni vœux, ni regrets,

Et laissons sans courir après

Passer le char de la Fortune;

Peu jaloux d'accrocher nos vers

Aux aîles de la Renommée

Quand de cent trompettes armée

Elle vole par l'Univers;

Nous, les seuls Rosati du monde,

Qui de tout Yious faisant un jeu,

Dormant beaucoup, raisonnant peu,

Voyons dans une paix profonde

Tout aller comme il plaît à Dieu,

Et rions bien du sot qui fronde,

(Quoique des sots tels soient les droits);

Nous susnommés, dans une orgie

Où vingt fois la coupe rougie

Demeura vide autant de fois,

Vu les productions diverses

Du Troubadour qu'Anacréon

Daigna lotir de son crayon,

Sa haine pour les controverses ,

Sans que rien gêne notre choix

Sans cabale préliminaire

(Nonobstant l'usage ordinaire

A maint comité littéraire),

Avons choisi, tout d'une voix,

Le gentil Roman pour confrère.

Ce nouveau titre vous astreint, Quand le soleil sur la rosée Dont chaque fleur est arrosée Darde et laisse un rayon empreint, A vous trouver sous le bocage Où des fous dans la fleur de lage,


ROS ijg


Le front de roses couronné, Sablant l'Aï, le Versenai, Invoquent l'amant de Daphné Et le patron du persifflage. Ainsi fait non loin des tisons, Dans la plus rude des saisons Auprès de roses en peinture. Lu le tout que nous approuvons ; En foi de quoi nous apposons Près du scel notre signature.

Le Gay.

Après le gentil Roman, comme dit le diplôme, siégeait Car- not, capitaine au corps royal du génie,, en garnison à Arras, qui, plus tard, sous la Convention, organisa la victoire en jetant qua- torze armées sur nos frontières entamées et menacées, mais qui, à l'époque que nous retraçons, se contentait de tourner un cou- plet, de chanter l'Amour, et de sabler le Champagne. Les Aima- nachs des Muses du temps recèlent des poésies de lui extrême- ment légères; celui de 1791 contient (page 37) le Temps passé, dialogue burlesque entre madame Fagotin et M. Barbichon. Le recueil des Rosati renfermait plusieurs chansons du capi- taine Carnot, parmi lesquelles nous choisissons la meilleure, celle qui eut autrefois quelque retentissement dans le pays et fit une sorte de réputation à son auteur (1). Elle est intitulée :

(1) Sous la Restauration on a réuni une bonne partie des pièces de vers composées par Garnot, qui, alors en exil à Magdebourg, ne comptait pas sur ses productions poétiques pour passer à la postérité. Le recueil dont nous parlons parut sous ce titre : Opuscules poétiques du général L.-N. -M. Carnot. Paris, Baudouin fils, 1820, in-8°. M. Saady Carnot, fils aîné du général, mort du choléra en 1 832, a dû donner des soins à cette publication. M. Hippolyte Carnot, son second fils, qui fut ministre de l'instruction publique sous le gou- vernement provisoire de la République, se proposait de publier les œuvres de son père, précédées de Mémoires sur sa vie ; il a même eu, dit-on, l'envie de faire une notice sur la Société des Rosati d'Arras. On a prétendu que Carnot était le héros d'une collection épistolaire, publiée, en l'an IX, à douze exem- plaires seulement, (est-ce bien exact?) sous le titre de Recueil de Lettres de deux Amants, 9 vol. in- 18. Les six premiers volumes ont été réimprimésen 18 17 en 4 vol. in-18, avec un titre nouveau : Lettres secrètes et amoureuses de deux personnages de nos jours.


i8o ROS


JE NE VEUX PAS.

D'où te vient cette fleur charmante ? Elle est divine, elle m'enchante,

Disait Lucas; Donne-la moi, belle Thémire;

— Monsieur, cela vous plaît à dire ;

Je ne veux pas.

— Une fleur est si peu de chose î Peut-on refuser une rose

A son Lucas? Prends donc pitié de mon martyre... Mais elle s'obstinait à dire :

Je ne veux pas. Cependant Lucas par son zèle Commençait à mettre la belle

Dans l'embarras : Lucas, dit-elle, je soupire ; Mais ne croyez pas me séduire;

Je ne veux pas.

Lucas ne perdant point courage, Prenait enfin tant d'avantage

Sur ses appas, Qu'à peine à la pauvre Thémire Il restait la force de dire :

Je ne veux pas. Mais on ne voulut point entendre Un refus fait d'un air si tendre,

D'un ton si bas. La belle connut son délire Quand il n'était plus temps de dire :

Je ne veux pas. Belles, de l'amant qui vous presse Voulez-vous augmenter l'ivresse

En pareil cas? Tout en faisant ce qu'il désire, N'oubliez jamais de lui dire :

Je ne veux pas.


ROS


Carnot composa encore pour les Rosati le chant intitulé : les Mœurs de mon Village, en neuf strophes, et plusieurs chansons bachiques, entr'autres une où Pon voit ce couplet en l'honneur du vieux Silène :

Chantant ribon-ribaine Le bon-homme Silène D'un grand verre nanti, Buvait comme une éponge, Et valait sans mensonge Le plus franc Rosati.

Personne n'était plus zélé et plus ardent que Carnot pour la gloire et l'illustration des Rosati : il porta son enthousiasme jusqu'à nommer son fils aîné Saadi, nom qui ne figure pas au martyrologe, mais qui rappelle Y Empire des Roses, dans la litté- rature persane (i).

Auprès de ces illustres membres de la Société des Roses ve- nait s'asseoir M. Charamond, jeune avocat, joignant à l'étude de Cujas le culte d'Apollon, au nom duquel les recueils du temps ajoutent quelquefois celui de M. Sylva, qui fut sans doute un de ses joyeux collaborateurs. M. Charamond eut d'abord un désespoir amoureux qui lui causa un grand dégoût de la vie; Le Gay, dans une épître, cherche à le consoler : il paraît qu'il y réussit, car ce jeune poète s'enrôla parmi les Rosati qu'il égaya souvent par des pièces de vers fort agréablement tournées. On peut citer la Vision, YEmbarras et plusieurs autres.

A la révolution française, M. Louis-Ferdinand Charamond entra dans l'administration militaire; fut commissaire des guerres à Arras, Hesdin et Poitiers; nommé commissaire des guerres de la garde du Directoire, de celle des Consuls, puis de la Garde Impériale; il disparut dans la retraite de Russie, à la fin de 1 812, ayant alors le grade de sous-inspecteur aux revues de la

(1) Voyez Gulistan, ou YEmpire des Roses, composé par Musladini Saadi, le prince des poètes persans, traduit en français par Du Ryer (1644), parD'Alè- gre (1704, 1734) et l'abbé Gaudin (1789, 1791 ). Des traductions bien préfé- rables et accompagnées de notes, ont été publiées à Paris en 1834, par M. N- Semelet, et en i835 par M. Ch. Defremery.


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garde de l'Empereur. La famille Charamond s'allia aveccellede Lenglet, d'Arras, autre membre des .Rosalie poète Charamond a laissé un fils, né à Paris, qui exerce aujourd'hui les fonctions de juge-de-paix à Valenciennes, et qui jouit de l'estime générale.

Ce descendant du spirituel membre de la société anacréonti- qued'Arras possède un grand nombre de poésies inédites de son père, parmi lesquelles on distingue : le Jeu de Paume, poème didactique en quatre chants; plusieurs brevets de Rosati, des chansons patoises, des fables, et d'autres pièces légères dont quelques-unes mériteraient de voir le jour. Il a écrit, en prose, une traduction du roman de Raselas, du célèbre Johnson, et une de \ Economie de la Vie humaine, de Robert Dodsley, et plusieurs discours qui font partie des Feuilles volantes de la Société anacréontique. Son portrait a été gravé au physiono- trace, par Fouquet (i).

Dubois de Fosseux, successeur d'Harduin comme secrétaire- perpétuel de la société d'Arras, ancien écuyer du roi et depuis maire de la capitale de l'Artois, est un des hommes qui jetèrent le plus de lustre sur la Société des Rosati. Il avait bien des droits pour y entrer; instruit, aimable, jovial et écrivain ingénieux, il savait égayer un auditoire académique par la manière dont il traitait les sujets les plus scabreux ; c'est ainsi qu'il fit des disser- tations Sur la langue des Femmes, Sur leur tête, etc., etc., etc. Il est aussi l'auteur de F Éloge deSuger,de celui de J.-B. Rous- seau et du Dauphin, père de Louis XVI. Voici son diplôme comme membre des Rosati, composé par M. Sylva; il le fera parfaitement connaître :

Nous, le plaisant synode Etabli près d'Arras, Nous qui, malgré la mode, Savons rire aux éclats,

(i) E.-T. Simon (deTroyes), secrétaire du Corps législatif, homme de lettres et bibliographe, auteur d'unC//o/.r de Poésies, traiuitdu latin et de l'italien, 2 vol. in-i 8, était membre des Rosati d'Arras, de première origine, et lié avec les hommes célèbres qui ont illustré cette société. Simon de Troyes, homme


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Et qui n'avons pour code

Que cette loi commode :

Fais ce que tu voudras ;

Nous, prêtres de la Rose,

Buvant, causant en prose

Dans un charmant réduit,

Ce soir avons pour cause

Résolu ce qui suit :

Vu l'éloge funèbre,

Et pourtant non menteur,

D'Harduin, cet auteur

Et modeste et célèbre ;

Vu le discours si beau

Où sont vengés les mânes

Du lyrique Rousseau

Dont quelques mains profanes

Violaient le tombeau;

Vu cent plaisanteries

Galantes et jolies

Sur un sexe aux yeux doux

Qui nous plaît, qui nous brave,

Et qui feint d'être esclave

Pour se moquer de nous ; Vu l'atteinte assez vive Que Fosseux lui porta ; Vu la gaîté naïve Dont Phœbus le dota, Mainte aimable missive Qu'en riant il dicta, Maint rosier qu'il planta Et que sa main cultive, Avons ledit Fosseux Englobé dans la troupe Des archi-paresseux Du mont à double-croupe ;

d'esprit d'ailleurs, littérateur estimable, avait la manie de mettre sur les livres qui lui appartenaient un cachet des plus disgracieux ;«il a fait à je ne sais com- bien de volumes plus de mal que sa signature ne leur eut fait de bien»(Nodier).


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Avons rempli sa coupe De Champagne mousseux. Et quand l'amant de Flore, Caressant les boutons, Fera partout éclore La fleur que nous fêtons, De bon cœur l'invitons A venir dès l'aurore Sous nos brillants festons Qu'un doux carmin colore. C'est dans un jardinet Qu'arrose une onde pure, Au fond d'un cabinet De fleurs et de verdure; C'est non loin du châtel Que l'on appelle Avène, Sur la route qui mène Au Valmuse immortel. Là, sa couronne est prête, Là, le jour delà fête, Espérons marier Rose fraîche au laurier Qui verdit sur sa tête ; Là, pour mieux l'égayer, Entendons que l'on perce Le tonneau le plus vieux, Qu'en chantant on lui verse Ce nectar précieux Dont la vapeur disperse Les traits facétieux, Les in-promptu joyeux, Et jette à la renverse Les mortels et les dieux. Ainsi fait sous la treille, Auprès d'une bouteille Et d'un poulet rôti ; Arrêté sans murmure, Et signé, sans rature, Par tous les Rosati.


ROS ,85

M. de Fosseux a été parfaitement dépeint par ce quatrain com- posé par son confrère Charamond, pour être misau-dessousde son portrait : Bienfaisant,, délicat, sincère, il n'est point aimable à demi. Pour ses enfants, c'est un ami, et pour ses amis, c'est un père.

Qui pourrait s'imaginer qu'on va trouver au milieu de ces joyeux amis du vin et de l'amour, insoucieux et paisibles, inno- cents et calmes, Maximilien de Robespierre, avocat à Arras, qui depuis..... mais alors il était Rosati? Oui, Robespierre, dont le nom seul fit trembler trente millions de Français, et rappelle le règne de la Terreur, dont le souvenir reste inséparable du sien; Robespierre fut un chansonnier galant qui se mêla à la jeunesse dorée et élégante d'Arras, pour fêter l'amour et le vin sous un berceau de roses. Un de ses confrères en Apollon et en Bacchus dépeignait ainsi, dans un couplet, sa manière de chanter:

Ah ! redoublez d'attention ! J 'entends la voix de Robespierre; Ce jeune émule d'Amphion Attendrirait une panthère

On ne connaît que trop les discours de Robespierre, on ne sait presque rien de ses chansons: nous avons retrouvé deux de ces innocentes oeuvres chantées devant la société des Rosati; la première, pour ainsi dire improvisée lors de sa réception, est un remerciement à ses confrères; elle a été publiée dans les mémoi- res de Charlotte Robespierre, qui avait conservé une copie de la main de son frère (i); la seconde a été recueillie dans des feuilles volantes.

LA ROSE.

Remerciements à MM. de la Société des Rosati. Air: Résiste-moi, belle Aspasie. Je vois l'épine avec la rose, Dans les bouquets que vous m'offrez (bis), Et, lorsque vous me célébrez, Vos vers découragent ma prose.

(i) Œuvres de Max. Robespierre. Paris, 1840, tome II. p. 480.


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Tout ce qu'on m'a dit de charmant, Messieurs, a droit de me confondre: La Rose est votre compliment, L'Epine est la loi d'y répondre [bis).


Amis, célébrons le retour

De la jeune fille de Flore.

O doux printemps! ton plus beau jour

Est celui qui la fait éclore.

Qu'on la cueille encore en bouton, Ou quand son sein modeste s'ouvre : A quelle fleur trouvera-t-on Tous les charmes qu'elle découvre ?

La Rose est la fleur chère aux Dieux, Dans ses cheveux Hébé la pose, Et le nectar qu'on sert aux Dieux Doit son coloris à la Rose.

Le Gay, d'Arras. (1778).

l'amour papillon. — Imitation de l'Anthologie. Pour voltiger de rose en rose, Amour s'était fait papillon ; Mais Bacchus qui m'aime, et pour cause, Me découvrit ce Dieu fripon. Je le suis, dans l'air il tournoyé, Il s'abbat, je l'attrape enfin, Lors dans mon verre je le noyé, Et je l'avale avec le vin.

Amis, quels beaux jours vont éclore ! Il ne troublera plus nos sens... Que dis-je? Hélas ! Il vit encore, Il se ranime, je le sens; Il me chatouille avec ses ailes, De mon cœur il fait un foyer... Sus! Versez rasades nouvelles, Pour achever de le noyer.

M. Sylva, Rosati d'Arras.


ROS 187

Il existait aussi une société de Rosatià Paris.

Barletti de St. Paul était membre des Rosatis de Paris. — Voir la Biogr. universelle.

Il est mort à Paris le 3 octobre 1809. Il publia à Rotterdam, ij65, in- 12, le Secret révélé qui le rit mettre à la Bastille parce qu'ilytraitaitfortmalM.de Sartines. L'ouvrage fut détruit; il est devenu rare. — Barletti de St. Paul a mis en ordre la bibliothè- que de M. de Paulmy, aujourd'hui conservée à l'Arsenal.

ROSE (Ordre de la). Dans un souper donné à l'hôtel du duc d'Orléans à Paris au mois de janvier 1402 (ancien hôtel de Nesles, devenu hôtel de Soissons et aujourd'hui Halle au blé), on vit pa- raître dans un entremets, des dames en costume de divinités; elles proposèrent à la compagnie une nouvelle association en fa- veur des dames, sous le nom à' Ordre de la Rose. Pour apparte- nir à l'ordre il fallait avoir soin de porter sur son vêtement un ornement en forme de rose. Dès lors on se trouvait contraint d'en accomplir les statuts, composés en vers par Christine de Pisan. En voici les premiers vers:

A tous les princes amoureux Et aux nobles chevalereux.

La date est aux derniers vers:

Escript le jour saint Valentin (14 février), Ou mains amans, très le matin, Choisissent amours pour l'année, C'est le droit de cette journée.

ROSE-CROIX. Secte d'illuminés, espèce de franc-maçonne- rie qui surgit en Allemagne au commencement du XVII e siècle et qui occupa vivement l'attention publique. Son but, ses pra- tiques sont restées dans les ténèbres. On lança contre elle de re- doutables accusations que la critique sérieuse ne saurait ad- mettre. L'association disparut bientôt et tomba dans l'oubli.

On possède à son égard un livre curieux: Instruction à la France sur la vérité de Vhistoire des Frères de la Rose-Croix.


ROS


Paris, 1623, in-8; il est sorti de la plume de Gabriel Naudé (1).

C'est un petit in-8 de 1 17 pages. L'ouvrage se divise en seize chapitres. Il signale d'abord la légèreté des Français à croire les nouveautés et parle de plusieurs folies auxquelles ils ont ajouté foi. Après avoir avancé qu'il est dangereux de rien innover es sciences, Naudé arrive aux Frères de la R.-C.' } il n'y a opinion si absurde que leur histoire; leurs écrits ne peuvent être enten- dus; vient ensuite l'histoire du fondateur de la secte; tout ce qu'il a débité n'est qu'ineptie, et des imposteurs seuls se disent Frères de la Rose- Croix. Après avoir discuté quelques objec- tions et après avoir insisté sur l'inintelligible obscurité du livre de l'Amphithéâtre, par Conrard(2),Naudé« conclut que tous les faux bruits et principalement ceux de cette compagnie sont pré- judiciables à tous les royaumes, estats et monarchies. »

Selon l'usage de l'époque le livre est rempli de citations, de digressions tout-à-fait étrangères au sujet. Naudé s'appuie beau- coup sur un autre écrit du temps : Advertissement pieux et très util des Frères de la Rose-Croix: à sçavoir s'il y en a; quels ils sont-, et où ils ont prins ce nom ,• et à quelle fin ils ont es- pandu leur renommée. Escrit et mis en lumière pour le bien public, par Henri Neuhaus et de Dantzick. Les Frèresy sont re- présentés comme gens fort dangereux, fourbes et tendant à l'a- néantissement de toute religion. Une traduction française de ce livret se joint habituellement à l'Instruction.

C'est encore aux Rose-Croix que se rapporte un opuscule pu- blié à Paris en 1623 : Effroyables pactides faites entre le diable et les prétendus invisibles, opuscule inséré par M. Ed. Fournies, dans les Variétés historiques et littéraires, tom. IX, p. 275 ; le même recueil contient (tom. 1^ p. 116) V Examen de

(1) Voir au sujet de ce polygraphe instruit et original les notices de M. La- bitte, Revue des Deux-Mondes, i5 août i836, et Sainte-Beuve, i er décembre 1843 ; ce dernier article a reparu dans les Portraits littéraires, 1844, t. II, p. 46i-5o6.

(2) Il s'agit de VAmphithédtrum sapientiœ œternœ d'Henri Khunrath, 1609, in-fol.; c'est un amas de rêveries cabalistiques et insensées.


ROZ


V inconnue et nouvelle cabale des Rose-Croix. Le pacte repro- duit les « articles accordez entre le négromancien Respuch et les députés des Rose-Croix. » Ceux-ci, au nombre de trente-six, déclarent renoncer à leur baptême, détester et abhorrer toute prière, confession et sacrement; ils signent ce pacte avec leur sang. En revanche ils obtiennent la faculté de se faire trans- porter en un instant en tout pays où ils voudront se rendre, de connaître la langue de ces pays, d'avoir toujours leur bourse pleine de monnaie, de se rendre invisibles, de pouvoir entrer et sortir a: dans les palais, maisons, chambres et cabinets, quoy que tout soit clos et fermé à cent serrures. » Il sera délivrée chacun des initiés « un anneau d'or enchâssé d'un saphir soubs lequel sera un démon qui leur servira de guide. »

Suit un long récit de la conférence d'Astaroth avec les Rose- Croix ; c'est avec pareilles extravagances qu'on amusait la cré- dulité publique.

Il existe un ouvrage allemand plus sérieux : Histoire des Ro- \enkreus, par Semler. Leipzig, 1786, in-8.

ROZZI (Academia dei). Académie des Rustres, à Sienne, une des plus brillantes sociétés littéraires et badines qui se fon- dèrent en Italie au commencement du XVI e siècle; ses membres écrivirent un assez grand nombre de pièces de théâtre fort gaies et spirituelles qui eurent un grand succès; plusieurs d'entre elles furent jouées devant Charles- Quint lorsqu'il était en Italie, et Léon X faisait chaque année venir à Rome la troupe des co- médiens-amateurs de Sienne, afin de se divertir un moment. On a imprimé plusieurs de ces pièces, et ces éditions originales sont aujourd'hui d'une rareté extrême; on en trouvera des réunions curieuses dans le catalogue Soleinne (tom. IV, 1844, n° 4143 et suiv., et dans le catalogue Libri, 1847, n° i853 et suiv.). Il existe des ouvrages spéciaux et détaillés sur cette société : Sto- ria delV Academia de Ro^i, estratta da manuscritti délia ste^a, dalV Accadimico Secondante (Sienne, 1775, in-8°), réimprimé dans le tom. III de la Nuova Raccolta de Calogera;


i 9 o RUB

Relaçione sforica delV Origine et Progresso délia festosa Congrega de Ro^\i di Siena, diretta al signor Lottini, Stam- patore in Parigi, da L. Ricci. (Paris, ij5j y in-8°.) Consulter également le catalogue placé à la suite des Poésie drammatiche e rusticale scelte ed ilhistrate par G. Ferrrario (Milan, 1812, 2 vol in-8°), et le travail de M. Colomb de Batines ; Bibliogra- fia délie comédie, egloghe ed altri compo^ioni rusticali délia congrega dé* Ro\\i di Siena stampate nel secolo XVI (Flo- rence, 1847).

La plupart des comédies des Ro^i sont écrites dans ce dialecte rustique qu'emploient les paysans des environs de Sienne, et qui abonde en idiotismes pittoresques. Les premiers membres de l'Académie en question furent des marchands ou des artisans qui jouaient masqués. Fondée vers 1 5 1 o, elle cessa d'exister vers i568.

RUBICONIENNE (Académie). Cette société fondée en Italie vers le commencement de ce siècle, avait pris le titre délia Ru- biconia Simpernenia de Filopatri di Savignano (Savignano est une petite ville entre Césène et Rimini). Elle était composée de douze membres, parmi lesquels on comptait un habile hellé- niste; l'abbé Girolamo Amati, employé à la bibliothèque du Va- tican, et le célèbre antiquaire B. Borghesi. Le but de la société était de s'occuper des origines de l'histoire d'Italie; elle fit im- primer chez Bodoni à Parme et en lettres majuscules divers opuscules de quelques feuillets (1) seulement. Renouard possé- dait un de ces écrits: Leces Robiconiai sumpoimenias pilopa- tridarom. P armai, per. Aiconem Monotupom. 1808, in-4. Il en parle avec quelques détails (Cat. dhin amateur, t. IV, p. 212), et il transcrit les huit lignes qui forment le décret d'anathème académique placé à la fin de ce livret: Sei. Quis. Poimenom. Arvorsom.asce. Leceis. Faces. Facset. Feceret. Qyiqve Facset....

Des exemples de ce latin archaïque se trouvent dans YHis- toire de la littérature romaine de Schoell, tom. I, p. 41.

(1) Voir Lama, Vit* di Bodoni, 1. 1, p. 142 et 182.


SAI lg]


La devise de V Académie Rubiconienne était: In lucempro- fert œtas et ingenium.



ABBATHÉNES. Conférences de beaux-esprits qui avaient lieu à Paris, probablement tous les samedis, comme leur nom l'indique, de 1660 à i665, en imi- tation de l'Académie française. (Sallengre, tome I,


page 3o8.)


SABRE(Ordre du). Ordre imaginaire inventé par M M. Comte et Dunoyer, rédacteurs du Censeur en 181 5, et qu'on opposait à Y Ordre de VEteignoir; c'était un des éléments de la polémi- que engagée contre la domination de l'esprit militaire, objet des attaques d'une fraction de l'école libérale de cette époque.

SAINT-GEORGE (Société de). On trouve dans les Curio- sités littéraires, formant le premier volume de la Bibliothèque de poche par une société de gens de lettres et d'érudits {Paris, Paulin, 1845, in-18, page 384), une indication au sujet d'une société qui semble plutôt anglaise que française. (Voyez le Spec- tateur, 8 e discours.) Voici comment s'exprime la note en ques- tion:

« Il est arrivé souvent qu'un nom de baptême a servi d'occa- sion à établir une société et la distinguer des autres. C'est ainsi que l'on a vu de nos jours la Société de Saint-George qui s'assemblait le jour de saint George, à l'enseigne de Saint - George et qui jurait par ce saint. »

Mais que faisait cette société? était-elle une association de bienfaisance? car saint George donna son manteau à un pauvre, s'occupait-elle de chevaux ? on dit monté comme un saint George. Questions difficiles qu'il ne nous est pas donné de résoudre.


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SAINT-GEORGE (Confrérie de), autrement dite de Rou- gemont, en Franche-Comté de Bourgogne. Cet Ordre de Saint-George a commencé, selon Pierre de Loisy, vers 1390, et selon d'autres un an après l'Ordre de la Toison-d'Or.

Les chevaliers de Saint-George prêtaient serment de main- tenir dans la province la pureté de la religion catholique et l'o- béissance au souverain. Ils portèrent pour marque de leur Ordre une enseigne d'or représentant saint George à cheval tenant un dragon sous ses pieds. Cet Ordre (ou Confrérie) était composé ordinairement de 5o à 60 gentilshommes, et les premières mai- sons de la province se faisaient toujours honneur d'en être. Ils faisaient preuve de quatre lignées de noblesse surmontées cha- cune de trois ascendants de même qualité.

On connait sur cette confrérie, outre plusieurs manuscrits:

10 L Estât de V illustre Confrérie de Saint-George, autre- ment dite de Rougemont en Franche-Comté de Bourgogne-, avec les noms, surnoms, réceptions , armes et blasons d'un chacun des confrères vivans en la présente année i663, celles de leurs lignes de noblesse dans lesquelles ils ont été reçus en ladite confrérie. Offert et gravé aux frais de Pierre de Loisy (maître-orfèvre et graveur des monnoies de Besançon). Besan- çon, Couché, i663, in-4. Cet état a été dressé par Thomas Va- rin, sieur d'Andoul.

2 Statuts de l'ordre de Saint-George au comté de Bour- gogne et la liste de tous messieurs les chevaliers dudit Ordre depuis 1390; par M. Antoine -Honoré de Poutier, seigneur de Gouheland, capitaine de dragons. Besancon, Charmet, 1768, in-8.

La liste ne commence qu'en 143 1 et finit en 1768.

11 existe des décorations de la Confrérie, depuis Ordre de Saint-George.

Ces gentilshommes avaient des réunions à Besançon où ils se festoyaient annuellement.

SAINT-HUBERT ('Ordre de). Voyez Schoonebeek, Her-


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niant Ed. Fétis (i), etc. Calendarium inclyti ordinis equestris D. Huberto sacri. Aug. Vindelicorum. 1761, petit in-8 de 83 feuillets entièrement gravés.

Ouvrage de luxe dû au burin de Jos. et Jean Klauber, exécuté par ordre de Charles Théodore, Electeur- Palatin du Rhin, grand-maître de l'ordre qu'il releva. 11 faisait cadeau de ce livre à ses chevaliers; les exemplaires étaient reliés en maroquin rouge avec ses armoiries frappées en or sur les plats.

Il y eut des sociétés de Saint- Hubert en beaucoup de lieux; pour la chasse, le plaisir et même la recherche du charbon: so- ciété de la forêt de Soignies, etc.

SAINT LACHE (Confrérie de). Confrérie ou association imaginaire dont l'existence supposée a donné lieu à une facétie intitulée: La grande Confrérie des Soulx d'ouvrer et enrage^ de ne rien faire, ou de l'Abbaye de saint Lasche. Lyon, en lettres gothiques, in-8.

Cet opuscule, dont nous parlerons avec détail à l'article de la Confrairie des Saoulx d'ouvrer 3 en rappelle un autre du même genre: le Passeport des Beuveursj avec la lettre d'escornifle- rie et Varrest des paresseux. Paris, in-8.

SAINT LAURENT (Ordre des Chevaliers de). Ordre ima- ginaire dont il est question dans des livres satiriques publiés en Hollande à la fin du XVII e siècle et qui , sous la forme de dia- logues entre deux religieuses, exposent des désordres qui souil- laient, dit-on, des couvents de l'époque. Voici le passage qui doit nous occuper ici;

« Agnès : L'abbé me dit que madame avoit créé, la seconde année qu'elle fut abbesse, un Ordre de chevalerie, qui n'étoit composé que de prêtres, de moines, d'abbez, de religieux et de personnes ecclésiastiques; que ceux qui étoient admis faisoient serment de garder le secret de l'Ordre et s'appelloient les Che-

(1) Légende de Saint Hubert, avec une préface bibliographique et une in- troduction littéraire. Bruxelles, 1846, in-8°.

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v aller s de la Grille ou de S. Laurent; que le collier qui leur étoit donné le jour de leur réception, étoit composé des chiffres de madame entrelassez dans des lacs d'amour, et qu'au bas pen- doit une médaille d'or, représentant le patron de l'Ordre couché ! tout nu sur une grille au milieu des flammes, avec ces paroles: Ardorem craticulafovet , c'est à dire, la grille augmente mes feux. Il me montra le collier qu'il avoit reçu. Et après quelques présens qu'il me fit de livres curieux, nous nous séparâmes l'un et l'autre jusques à une nouvelle entrevue.

Angélique: Tu ne m'as rien appris de nouveau touchant l'ordre établi par madame. M. l'évêque de *** en est le premier chevalier, l'abbé de Beaumont le second, l'abbé du Prat le troi- sième, le prieur de Pompiere le quatrième; voilà les principaux et les premiers en date. Ils sont suivis de jésuites, de jacobins, augustins, carmes, feuillants, pères de l'Oratoire, et du provin- cial des cordeliers. Tellement qu'à la dernière promotion qui se fit l'an passé le nombre étoit de vingt-deux. Mais il est à re- marquer qu'il y a beaucoup de différence entre eux, et qu'ils ne peuvent jouir tous de pareils privilèges. Il y en a qui s'appellent les Cordons bleus; et ce sont ceux qui sont tout-puissants, qui ont le secret de l'Ordre, et qui disposent des affaires dé madame, comme madame conduit les leurs. Pour ce qui est des autres, leur pouvoir est limité; il y a des bornes qu'ils ne peuvent pas passer; et ils n'ont guères plus d'avantage que les aspirans, jus- ques à ce que par leur zèle, leur prudence et leur discrétion, ils se soient rendus dignes d'être de la grande profession. De tous les moines, les seuls capucins en sont exclus, parce que cette barbe, qui les déguise tant, les a rendus odieux à notre abbesse. »

La Régie des Chevaliers de saint Laurent figure sur des ca- talogues de livres très-probablement imaginaires (car nul biblio- graphe ne les signale) qu'indiquaient des libelles publiés en Hollande à l'époque de Louis XIV.

SAÎNT-OUËN (Petit théâtre de). St-Ôuen était la cam- pagne de M. Necker. Sa fille, devenue depuis célèbre sous le nom


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de M me de Staël, composa à l'âge de 12 ans, une espèce de demi- drame, intitulé : Les Inconvénients de la vie de Paris. Il fut représenté dans le salon de St-Ouen par l'auteur et sa petite so- ciété, devant les parents et en présence de Marmontel qui en fut touché aux larmes. Le sujet est une mère qui a deux filles, l'une élevée simplement au village, l'autre au milieu du luxe des villes. La mère se sent entraînée vers la plus brillante de ses deux enfants. Cette mère est ruinée, et elle reçoit des preuves d'attachement de la part de la fille qu'elle aimait moins : elle voit quelle était la meilleure et la plus solide éducation.

SAINT-PAUL (Chevaliers de). La révocation de l'Edit de Nantes a été effectuée en i685, mais dans les années précédentes elle était prévue et avait fait naître dans quelques cerveaux exal- tés l'idée d'une association singulière. C'est du moins ce qui nous est révélé par le livre suivant: Croisade des protestants, on Projet sur ^institution des Chevaliers de Saint - Paul. Cologne, Pierre Marteau (Hollande, à la Sphère), 1684, pet. in- 12, fort rare; un exemplaire est porté au catalogue Leber, ^4464). Le projet de l'auteur de cet ouvrage (on peut douter que l'Ordre ait existé autrement que sur le papier), n'aurait tendu à rien moins qu'à soulever tous les princes protestants contre les pays catholiques et à fonder un Ordre de chevalerie très-étendu, dont la mission eut été de pourchasser et d'anéantir les catho- liques partout où ils se seraient opposés aux progrès de la ré- forme. Les nouveaux Chevaliers de Saint-Paul, appelés peut- être de ce nom par allusion à l'église de St-Paul de Londres et en opposition à l'église de St-Pierre de Rome, auraient fait, en grand, la contre-partie des anciens chevaliers de St-Jean de Jé- rusalem.

SAINT -SÉPULCRE (Ordre du). D'abord Confrérie qui avait premièrement pour siège l'église du St-Sépulcre, rue St- Denis, à Paris, dans l'endroit où l'on voit maintenant la Cour Batave; cette compagnie s'érigea en Ordre abusivement en 18 14,


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lorsque chacun reprit ses titres et même ceux de son voisin. Les confrères qui prenaient la qualité de religieux et hospitaliers, se rendaient deux ou trois fois par an processionnellement à leur église où l'on célébrait la messe après laquelle le plus jeune des membres reçus prononçait un sermon en grec. Les confrères se rendaient de là à l'Hôtel-de-Ville; puis, escortés d'un échevin, ils allaient au Châtelet,où ils délivraient les prisonniers détenus pour non paiement de mois de nourrice. La journée se terminait ordinairement par un banquet. Cette association se composait d'hommes et de femmes; le roi, la reine, les princes de la famille royale, et un grand nombre de seigneurs de la Cour en faisaient partie et la favorisaient de leur influente protection. Les événe- ments de 1789 détruisirent cette société et les membres en res- tèrent dispersés et ignorés jusqu'à la Restauration qui revivifia tant de choses oubliées. Les auteurs de la Chronique indiscrète du XIX e siècle (MM. Lahalle, Roquefort et Regnault-Warin), Paris, i825,in-8°j expliquent, pages 262-269 de leur ouvrage, la burlesque transformation de la modeste Confrérie du Saint- Sépulcre en Ordre royal et militaire, religieux et hospitalier.

Voir aussi le Précis historique de l'Ordre royal hospitalier- militaire du Saint-Sépulcre de Jérusalem, par M. le comte Allemand, vice-amiral et administrateur général de l'Ordre, etc., etc. Paris, 1 8 1 5 (sans nom de libraire), in- 12 de xi et 20 1 pages, dédié au roi Louis XVIII.

Au nombre des 12 conseillers d'honneur nommés le 19 no- vembre 1775, étaient MM. le cardinal de Luynes, le duc de Fleury, l'archevêque de Paris, le maréchal duc de Richelieu, le duc d'Aumont, le comte de Maurepoix, M. de Sartines, de Bou- lainvilliers et d'Agoust de Fleury.

SAMEDI (Société du). On désignait Pélisson, dans la Société du Samedi, sous le nom d'Acantht. (Voir l'article Scudéry.) On a fait cette épigramme :

La figure de Pélisson Est une figure effroyable,




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Toutefois quoyque ce garçon Ayt un visage épouvantable, Il a pour Sapho des appas, Mais je ne m'en estonne pas, On aime tousjours son semblable,

(Ms. de Gaignières, n<> 568.)

SANS-SOUCI (Chevaliers de). Dans les Variétés historiques et littéraires, publiées par M. Fournier et qui font partie de la bibliothèque elzévirienne continuée par M. Pagnerre, il est dit un mot, t. IX, p. 146, de i 5 Ordre des Chevaliers de Sans-Souci, formé à Chartres au commencement du XVII e siècle_, par le chanoine J. Pedoue.

SAOULS D'OUVRER ET ENRAGEZ DE RIEN FAIRE

(Confrairie des). Les grands statuts et ordonnances de cette as- sociation imaginaire ont été publiés au XVI e siècle. C'est une facétie dont l'édition originale est devenue introuvable aujour- d'hui, mais elle a été réimprimée dans la collection des Joyeu- setés publiée par M. Techener, libraire. Nous espérons qu'on ne sera pas fâché de la retrouver ici.

Les grands statvs et ordonnances de la grande Confrairie des saovls d'ovvrer et enrage^ de rien faire, ensemble les grands Salaires que recèleront ceux et celles qui auront bien et deuement obserué les dicts Status et Ordonnances, avec les monnoyes d'or et d'argent, seruans à la dicte cour. A Lion. — Statvs et ordonnances de la Cour de Monseigneur Monsieur Sainct Lasche. — De par Saoul d'ouurer, par la grâce de trop dormir, roy de négligence, duc d'oisiuetéj palatin d'enfance_, vis- comte de meschanceté, marquis de trop muser, connestable de nulle entreprinse,, admirai de faintise, capitaine de laisse moy en paix, garde et gouuerneur de tous ceux et celles qui ayment besongne faicte, et du tout acheuée, seigneur de ne rien faire_, escuyer et courrier ordinaire de la cour de monseigneur mon- sieur Sainct Lasche : A noz amez et féaux les généraux et con- seillers sur le faict de nulle science : à nos trésoriers et argentiers


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sur le faict de nulle finance, qui sont noz aydes, et à nos maistres de plusieurs affaires : à nostre baillif, salut, sans dilation et nul confort; Nous auons entendu par bonne et suffisante complainte de nos bien amez et alliez les gens de nostre cour de Chasse Proufit, comme sont pauures, souffreteux, endebtez, malheureux, mal fortunez, miseraux, querelleux, nécessiteux, rachepts, ron- gneux et teigneux, vuidez de richesses et indigens,de tous biens priuez, et de tout en tout despoûillez, que sur peine de cinq marcs d'estouppes, d'estre bouillis en bran, et bruslez en la ri- uiere, vous ayez à tenir les ordonnances qui s'en suiuent de par nostre très ancien seigneur et indiscrette personne Ponts Mau- diné nostre maistre esleu par les conseillers de nostre cour de Chasse Proufit, que combien tant pour eux que pour leurs pré- décesseurs dont ils ont cause, ayent esté, sont et seront encore, et demeureront (si Dieu plaist) en bonne saisine et vraye pos- session de ne rien auoir, et de tousiours moins acquérir pour nous, ny pour autres en aucune manière, et de faire tousiours grandes debtes, et pour iceux debtes estre tousiours empri- sonnez, gagez, excommuniez plus souuent que chascun iour. Et si, par aucun cas d'accident ou de fortune, il leur aduienne aucun peu de rente, ou quelque bonne et valable possession (qu'à Dieu ne plaise) ils en doibuent ordonner et disposer en ceste manière qui s'ensuit, c'est assçauoir : qu'ils laissent leur maison cheoir à terre, et mettre en ruine, afin qu'il ne pleuue dessus, aussi par eux chaulfer du bois de la couuerture d'icelle maison, s'ils sont gens qui puissent endurer le feu.

Item qu'ils laissent leurs terres et héritages sans les labourer, ne rien y semer, pour la doubte des oyseaux, lesquels mangent les semences et les fruicts quand ils sont meurs, et après laissent venir leurs prez en ruines, espines et buissons : afin que les regnards, Heures, lappins, cerfs, biches, porcs, sangliers et aultres bestes sauvages puissent habiter ausdits prez et y faire leurs retraictes, et les oyseaux y faire pareillement leurs nids, si mestier est. En outre, laissent leurs vignes venir en herbes et déserts, pour obuier et résister aux grandes peines, labeurs,


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missions et despens qu'il conuient de faire ; et mettre vn chascun an pour les labourer et fessorer.

Item plus, laissent leurs boys couper, rompre, tailler et des- truire, pour cause de bestes sauuages et des larrons, qui en cause de nécessité pourroient faire leurs retraictes, afin d'eux se musser et cacher.

Item, qu'ils laissent rompre et creuer leurs estangs, pour cause que les poissons et autres bestes, comme escreuisses, raues, cha- boux, qui sont dedans, qu'ils puissent estre hors de prison, et s'esbattre parmy les champs, et changer vn peu de lieu.

Item, qu'ils laissent leu.rs moulins cheoir et tomber en ruyne, pour cause de la farine qui gaste les robbes des bonnes gens qui y viennent moudre : et pour ce, et à cause que nous gardons et maintenons en nostre dicte cour de Chasse Proufit, fine fran- chise, folastrerie, chasteau tout y faut, que iamais ne mourra sans héritiers, et de leurs autres biens, rentes et reuenus, que il n'aduienne, si Dieu plaist, aucun bien ny proufit. Aucuns nos autres iusticiers et subietes, si comme sont esceruelez, fols, fré- nétiques, outre-cuidez, cornars, musars, teigneux, rongneux, pleins de vermine et autes bauards sans raison, ne bort, ne mai- son, renuerseurs de tasses, vuideurs de couppes, crocheteurs de bouteilles, blanchisseurs de beurre, taincturiers de nappes, ros- tisseurs de trippes, escumeurs de pots, vireurs de rost, tireurs de chair du pot trois heures auant qu'elle soit cuite, regardeurs et gardeurs de gaiges en plusieurs lieux par défaut de plus suffi- sant, quand ils ont à besongner auec leurs heraux, si comme sont lanterniers, buffetiers, crieurs de vin à vendre, ruffiens, borde- liers, menteurs, bourdeurs, yurognes, gourmans, truans, por- teurs d'images, bastelleurs, trompeurs, barateurs et coquilleurs. Lesquels se sont parforcez, et vn chacun se parforcent d'entrer en nostre grand et terrible royaume de Verte-Bise et Frappe- Vent. Et veulent édifier maisons et hébergement qui sont déso- lez, et de longtems destruicts. Nous les souhaitons, desirons et voulons garder en tel estât bien longuement. Et qui pis est, ils deslaissent d'aller par les bonnes villes de nostre royaume, et


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autres lieux à cause du grand argent qu'on leur doibt et qu'ils doibuent.

Pareillement, afin de trouuer tauernes et cabarets pour passer leur temps et augmenter leurs honneurs en soustenant lesdicts status et coustume de monsieur Sainct Lasche,car ils ne veulent prendre aduantage sur personne quelconque, si d'aduenture ils ne le peuuent trouuer, ils ne se rompent pas les iambes à les chercher. Et en retournant desdictes tauernes et cabarets, ont accoustumé de se battre, et de donner les vns aux autres grands tatins et horions, gros et menus, lesquels horions par faute d'es- pace se donnent auec grosses pierres et gros tronsons de boys, et qui pis est, payent de deniers bruslez, liards affacez, carolus, soûls et testons qui ne se mettent en pain, en vin, en chair, ny poisson. Et en partant desdictes tauernçs en contant à leurs hos- tes et hostesses, leurs baillent à garder par faute d'argent, robbes, manteaux, cappes, savons, chausses et pourpoint, et autres ha- billemens , si d'auanture ils ont grandes estaches de chiens, grosses pierres blanches, et noires, sapphirs iaunes, diamans noirs, et perles rouges, et plusieurs autres pierres pretieuses, lesquelles donnent en gaige, et à garder soubz les deux yeux de la teste, iusques à temps qu'ils ayent loisir de les payer, au grand preiudice et dommage desdicts complaignans en les perturbant à tort et à droict, et sans cause et raison deuë. Et de nouueau en venant contre les priuileges de nostre souueraine cour de Chasse Proufit, requerans sur ce prouision de iustice. Parquoy Nous ces choses considérées, et après auoir ouy lesdits complai- gnans, nous vous mandons, et commandons que royallement e^ défait, vous les mainteniez et gardiez en vraye saisine et posses- sion, d'auoir tous les dimanches deux miches de faute, le lundy faute de vin, le mardy, mercredy, et ieudy nécessité de chair, le vendredy et samedy comme les autres iours, et de n'en rien auoir en tout temps, fors seulement toute leur vie pauureté et misère. En cas d'opposition non suffisante, attendu que lesdits complai- gnans ne sont tenus, si ne leur plaist, de procéder ailleurs, fors en nostre dicte cour de Chasse Proufit, vous leur donnerez et as-


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signerez iour non competant pardeuant l'vn de nos iuges, ou pardeuant son lieutenant pour les reculer de bien en mal, et pro- céder de mal en pis, et de pis en pis, et encore outre pis, sans occasion, ny ryme, ny raison : car, ainsi le voulons, et ausdits complaignans l'auons octroyé et octroyons par ces présentes. L'an de grâce spéciale aux lamberrieres, trois iours après iamais en nostre ville de Meschance, auprès de nostre cité de Malaise. Scel- lez de nos petits sceaux par défaut de nostre grand sceau (qui est chez l'orfeure engagé pour la façon). Et signées par les mais- tres des souffreteux, à la relation des endormis. Tesmoins Iehan Gueneau, Thibauld l'Enflé, et Guillaume Mausoupé, à ce requis sans appeller. Et signées par nous autres notaires, cy soubz nom- mez. DES VIGNES, DES BLEDZ.

La description des grands salaires que recevront ceux et celles qui auront bien et duement gardé et observé les Ordon- nances de monseigneur Monsieur Sainct Lasche. — Bachvs Cupido, Ceres, Pallas et Venus, regens et régentes des priuileges ordinaires de la souueraine cour, nostre grand maistre monsieur Saint Lasche, salut. Veu et considéré que selon les mérites de ce monde on est rémunéré en l'autre : Nous ayans esgard et respect à nos amez et féaux seruiteurs et seruantes de nostre cour de monsieur Sainct Lasche, faisons assçauoir à vn chascun et chas- cune, que pour la rémunération du bien et de l'honneur qui se sont parforcez en ce monde, à l'honneur de nostre dit maistre eux trespassez de ce monde en l'autre, auons trouué vne isle as- sise en vn lieu délectable, où à tout iamais pourront demeurer en ioye et félicité, sans auoir pensement quelconque, comme vn chascun pourra puis après ouyr et entendre : car au milieu de la dicte isle il y a vn chasteau tellement construict et édifié que c'est vn cas incredible, sinon à ceux qui l'ont veu et bien regar- dé. Car les murailles dudit chasteau sont toutes faictes auec gras fromage de Milan, toutes en pointes de diamans, et ont telle pro- priété que tant plus on en oste, et tant plus en reuient. Les cré- neaux et fenestrages sont des caillettes auec vne manière de mor- tier fait auec beurre frais, fromage et force sucre. Les ponts le-


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uis sont pauez auec force casse museaux, les chaines à leuer les- dicts ponts leuis sont faictes d'andoûilles et de gras boudins far- ciz et roustiz tous prez à manger et grignotter. A l'vn des costez dudit chasteau, à main escarre sont situez palais/ chambres et salles tous pauez de pierres précieuses, comme iacinthes, rubis, esmeraudes, escarboucles, perles, turquoises et gros diamans, qui est vne chose fort magnifique. Et sont lesdites chambres toutes voûtées de petits pastez, les licts sont de plume de fenix, et les chalis de fin yuoire_, ouurez et taillez à plaisir, les courtines de fin drap d'or faictes en broderie triomphante. Les cuissinets de velours cramoisi, tellement que quand on a dormi dix ans, il ne monte pas dix heures. Les tables, tréteaux et scabelles sont faictes de bois d'aloës, de sandix, et de cyprez, qui rendent vne odeur si suaue et si magnifique,, qu'a bien considérer c'est vne chose deificque. Les nappes et seruiettes sont faictes en taffetas blanc, les platz, escuelles, et toutes autres vaisselles sont faictes d'escarboucles taillées et deuisées en toutes sortes et manières qu'on sçauroit demander. Tellement que quand voulez asseoir à table, vous n'auez sinon à demander telles viandes que voulez, que les auez incontinent toutes taillées et prestes à manger. Et si ne voulez prendre la peine à les tailler, vous n'auez sinon baillé, que les morceaux sautent incontinent en vostre bouche. Et au sortir desdictes tables, vous auez toutes manières d'ins- trumens, comme orgues, tabourins, rebecs, aubois, trompettes, lucts, psaiterions, clairons et manicordions, lesquels sont de si mélodieux accords qu'vn an ne dure pas vn iour. Or, quant au costé droict vous auez les iardins de plaisance, où y a toutes manières de fleurs qu'on sçauroit demander; un peu plus auant vous trouuerez vne vallée en laquelle y a plusieurs belles fon- taines qui rendent vin blanc, vin clairet, vin cuit, vin grec, hip- pocras, maluesie et fin muscat; un peu plus auant y a vn petit verdier auquel tombe quand on veut de gresse qui n'est sinon toutes manières de dragées, comme camellat, grangeat, girofflat, madrians, anis, coriandres, dragée musquée de toutes autres cou- leurs. Et est ledit verdier tout fermé et enuironné d'arbres qui


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portent faisans, gelines, perdrix, connils, beccasses, chappons et espaules de mouton toutes rosties et prestes à manger. Et en montant vn peu plus hault,voustrouuezvne montagne si haute que quand vous estes au-dessus, vous pouuez toucher au ciel, si y voulez toucher : et porte ladîcte montaigne vne* sorte d'ar- bres qui portent toutes manières d'habillemens, comme robbes, cappes, manteaux, gonnelles, manchons, chapperons, etc. Et quand vous en voulez auoir, vous n'auez sinon à parer les es- paulles, qu'incontinent sautent dessus. C'est pourquoi vn cha- cun se pourra parforcer de maintenir, obeyr et seruir aux com- mandemens de monseigneur monsieur Sainct Lasche, pour par- uenir à la félicité des choses susdictes.

Item, et pour la grande multitude de nos dictes terres et sei- gneuries il y a plusieurs gens qui bien souuent sont nécessiteux et ont affaire d'or et d'argent, et ne sçauent que valent plusieurs pièces d'or et d'argent. Et à cause qu'ils n'en ont point et n'en manient gueres, et si en voudroient beaucoup auoir, mais au- cune fois il fait si grand froid qu'ils ne sçauroient tirer vn escu de leur bourse. A celle fin nous y voulons pouruoir et remédier, et mettre prix raisonnable selon la valeur de l'or et monnoye de nostre dicte cour. Donné en nostre dict siège de Maugouuerne, l'an du monde six mille six cens et six, et le trente sixiesme du mois passé, signé par le grand conseil, et par nostre dit chance- lier. Raguin, paintre des rouges museaux.

S'en suit la valeur et le prix de VOr monnoye de nostre dicte

Cour.

PREMIÈREMENT DE L'OR.

Vn noble vaut deux villains, Vn ducat deux contes, Vn angelot deux chérubins, Vn mouton deux brebis, Vn real deux chevaliers_, Vn lyon deux leopars, Vn salut deux bonadies.


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Vn escu deux targes,

Vn riddé deux vieillars,

Vn guillermus deux ioannes,

Vn franc deux serfz,

Vn franc à pié deux à cheual,

Vn piètre deux gerars,

Vn ioannes deux magisters,

Vn florin au monde deux de paradis,

Vn florin au chat deux ratz,

Vn potestat deux requestes,

Vn florin de Bauieredeux de Gorgery,

Vne targe deux pauois,

Vn marquis deux barons,

Vn appétit deux cibotz,

Vn ail deux oignons.

LA VALEUR DE l'aRGENT.

Vn testard deux estordiz,

Vne grosse teste deux menues,

Vn grand blanc deux petits,

Vn floret deux roses,

Vn double deux sangles,

Vn breton deux anglois,

Vn hardy deux couars,

Vn tournois deux ioustes,

Vne vache deux veaux,

Vne haye deux buissons,

Vne plaque deux flammans,

Vn blanc deux noirs,

Vn gros deux menus,

Vn liart deux grégeois,

Vn gigot deux espaules,

Vn car de Sauoye deux charettes,

Vn fort deux foibles,

Vne maille deux cordes.


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Passé par le grand conseil de nostre cour, et signé par mais- tre Goguelu le Moustardier.

Bail à trois ans et trois depovilles d'vne belle et bonne chèvre.

En l'an mil six cents trop tost, le premier iour de may, fut présent en sa propre personne, noble homme Bertrand de Belle Roche, seigneur du dit lieu, lequel a laissé au bon homme Chas- neau, laboureur, demeurant au Plessis, près de Mirebeau, au Haut-Poitou, vne cheure à longue barbe, courte queue, bigarée sous le ventre, petis pieds, grandes oreilles, cheminant parmi les landes de iour et de nuit, aagée de trente mois deux iourset demi ou enuiron, iusqu'à treize ans et à trois dépouilles; à charge d'en payer chacun an, le iour Saint Luc en esté, huit sols parisis.

Item. Le bon homme Chasneau sera tenu de faire empraindre par lui ou autres de ladite cheure de deux cheureaux masles dont l'vn sera à la ressemblance de ladite cheure, Paultre ainsi qu'il plaira à Dieu.

Item. S'il arriue que ladite cheure allant de vie à trépas, que Dieu ne veuille, ledit bon homme Chasneau sera tenu d'appor- ter ou enuoyer la peau de ladite cheure ou en l'hostel dudit sei- gneur gentilhomme, et les os de ladite cheure demeureront audit Chasneau pour lui faire emmancher ses coulteaux.

Item. Et s'il arriue que le loup mange ladite cheure, ledit bon homme Chasneau doit prendre et porter le loup, auec certifica- tion suffisante du fait, et par ainsi le bon homme Chasneau en demeurera quitte.

Item. Et ne pourra ledit Chasneau donner ladite cheure ni les cheureaux qui, au plaisir de Dieu, viendront d'elle, à d'autres sans le gré et consentement exprès dudit seigneur gentilhomme, car ainsi a esté accordé. Et à ce faire vint et fut présent Richard de Belle Roche, fils aîné dudit seigneur et son héritier vniuersel après son trépas, lequel a ratifié et eu pour agréable le bail de ladite cheure fait audit bon homme Chasneau par ledit seigneur son père. Et consent ledit Richard de Belle Roche, que ledit


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bon homme Chasneau iousse de ladite cheure, à charge qu'il le traitera bien et honnestement, pour ce que ledit Richard et Thi- baut Gros Nez, arriere-nepueu du mari de la femme à Thomas, ont esté nourris etallaictez du laict de ladite cheure. Et pour ce l'aime ledit Richard de Belle Roche autant comme sa propre mère nourrice. Fait les an et iour que dessus es présence de ho- norables et scientifiques personnes Jean du Four et Gervais de la Fosse et maistre Pierre le Veau. Ainsi signé maistres du Sceau et Fiacre du coin, tous manans et habitans dudict lieu.

SAVETIERS (Ordre des). Cet ordre n'est-il pas le mêmeque celui des Compagnons de la Petite Manicle? Il existe une facé- tie assez rare : Fameuse harangue faite en rassemblée géné- rale de messieurs, messeigneurs les Savetiers, sur le mont de la Savate, le lundi d'après la Saint Martin, par monsieur maistre Jérosme Piéfrelin, dit Cul de Bré, ancien carreleur, minisire et grand orateur de V Ordre pour servir de défense à Pestât _, contre un libelle prétendu diffamatoire sur l'honnête réception d'un maître Savetier, Carreleur et Réparateur de la chaussure humaine, et surtout ce qui s'est fait et passé dans ladite réception entre l'aspirant, les grades et l'ancien desdits maîtres. Troyes, 173 1, in-8°.

Il y avait donc un Ordre des Savetiers. On remarquera que cette réception avait lieu un lundi, qui est le dimanche ou le jour férié de cette classe intéressante. C'est de là qu'est venue l'expression faire le lundi des savetiers, pour dire ne pas tra- vailler et aller boire et s'amuser au cabaret le lundi.

Un livret populaire souvent réimprimé, le Fameux Devoir des Savetiers, et qui remonte à la fin du XVII e siècle, offre un tableau curieux de mœurs singulières qui n'existent plus ou

qui, du moins, se sont fort modifiées M. Charles Nisard l'a

reproduit dans son Histoire des livres populaires, t. I, p. 309. A la suite se trouve le Fameux congé des Cordonniers, infan- terie roulante, à cheval sur un cochon... donné au palais des Crasseux, le trente de Malpropre, l'année mil sept cent dix livres


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de poix, et approuvé par le colonel de laTranche des Vieux Cuirs.

Un autre opuscule, appartenant à la même catégorie, a pour titre : l'Arrivée du Toulousain; c'est la réception d'un compa- gnon savetier; on rencontre également cette pièce dans l'ou- vrage curieux de M. Ch. Nisard, que nous venons d'indiquer (tom. I, p. 3 18 et suiv.).

Toulousain. Honneur, maître et compagnons, savates et sava- tissons, s'ils y sont.

Pied-Tortu. Oui, pays, tout prêt à vous rendre le devoir. D'où est la venue?

Toulousain. De Nantes, en Nantois.

Pied-Tortu. Chez qui avez-vous travaillé?

Toulousain. C'est chez un maître Mathieu la Grosse-Patte.

Pied-Tortu. Est-ce un brave maître?

Toulousain. Fort brave maître.

Pied-Tortu. Qu'avez-vous remarqué dans cette illustre et fa- meuse boutique ?

Toulousain. A main droite, il y a trois alênes épointées à manche de buis avec des viroles d'argent, et une vieille forme mangée de vers; à main gauche, trois brochettes de la cage et la tête de la linotte que maître Juif-Errant apprenait à siffler.

Pied-Tortu. Entre dans la boutique, dis le mot.

Toulousain. Béni soit l'arbre qui a porté la poix!

Pied-Tortu. Vous êtes dans un carrosse. Dites-moi, pays, que signifient les jetons qui sont à notre tablier?

Toulousain. Ils signifient la monnaie de Rolland le Vaillant qui en a tué treize et quatorze d'un revers de tire-pied, qui lui mangeait les jambes à cause qu'il avait les loups.

Pied-Tordu. Que signifie le tranchet?

Toulousain. Tranchet royal trempé par maître Charles Be- sançons.

Pied-Tordu. Que signifie l'astic?

Toulousain. C'est une des dents du cheval Bavard, par lequel est venu le commencement de la guerre et par elle finira; il est encore vivant dans la forêt des Ardennes.


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Pièd-Tortu. Dis-moi, pays, que signifie l'alêne?

Toulousain. L'alêne frétillante qui a travaillé aux pantoufles du premier moutardier de Dijon.

Pied-Tortu. Maître, donnez-nous dix-huit deniers pour faire la débauche; il faut aller chez l'ancien Gouret. Quel salut lui ferez-vous?

Toulousain. Je lui dirai : « Honneur au pays; gardons les se- crets du désordre du temps; allons vider les pintes et les pots. »

SCHILDERBENT (Bent, ou), i 600-1740. La société nom- mée Schilderbent (bande des peintres), ou tout simplement ap- pelée Bent, explique son but assez clairement par son double nom néerlandais. C'était une espèce de compagnonage ou d'as- sociation fondée à Rome par les artistes de l'école flamande ou hollandaise qui allaient en foule se perfectionner sur la terre classique des beaux-arts. Ces hommes du Nord revenaient de l'Italie sans avoir perdu leur cachet national; au contraire, il semblait que tout en étudiant les beaux modèles antiques, ils prissent à tâche d'implanter, dans ce riche sol du midi, quelques- unes de leurs coutumes flamandes. L'amour des cérémonies ori- ginales et burlesques, qui semble être inné chez tous les habi- tants des provinces des Pays-Bas, fut transporté par eux des bords brumeux de l'Escaut sur les rives fleuries du Tibre. Ainsi, une fois à Rome, tous les artistes des dix-sept provinces for- mèrent une société bachique unie par les liens de la gaîté et de l'amitié. Lorsqu'un membre nouveau se présentait à l'admission dans cette bande joyeuse, on lui faisait subir toutes sortes d'é- preuves et de plaisanteries, moyen tiré de la personne même de payer sa bien-venue. Ce qu'on appelle aujourd'hui les charges d'atelier ne sont peut-être que les diminutifs et les derniers souvenirs des farces de la Schilderbent. La réception se faisait dans un cabaret de Rome, aux frais du récipiendaire; après quelques cérémonies bizarres, l'admission se terminait par une sorte de baptême à la suite duquel le nouveau membre recevait un sobriquet ayant quelque rapport à sa figure, à ses qualités ou


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à ses défauts; c'est sous ce nom nouveau qu'il restait inscrit et reconnu dans la compagnie: ce nom d'emprunt s'appelait le bentnaam, et chaque bentvogel , ou initié de la société, avait le sien qu'il remportait dans ses foyers et qu'il conservait jusqu'au tombeau. La fête de la réception durait toute la nuit,, et le len- demain les compagnons réunis allaient à quelque distance de Rome terminer la cérémonie sur le tombeau de Bacchus. On prétend que Raphaël a lui-même donné l'idée de cette fête. Les Flamands y auront ajouté la partie matérielle. On n'y admettait point les Italiens comme ne sachant pas supporter la boisson; les Allemands, pour lesquels on n'avait pu alléguer le même motif, y furent volontiers reçus.

Nous ne savons pas au juste à quelle époque cette singulière association commença,, ni quel jour elle prit fin ; mais elle était en pleine vigueur au commencement du XVII e siècle, et trois de ses membres consacrèrent leur pinceau, leur crayon et leur bu- rin à en retracer les singulières particularités. Ces trois artistes sont hollandais: Dom. Wynen, peintre, Barent Graat , dessi- nateur, et Mathieu Pool, son gendre, graveur à Amsterdam, concoururent à la reproduction des trois grandes représenta- tions burlesques des cérémonies qui se pratiquaient à Rome pour la réception d'un membre de la Schilderbent. Nous igno- rons ce que sont devenus les tableaux originaux de Dom. Winen, mais Graat les ayant dessinés à la fin du XVII e siècle, et son gendre, Mathias Pool, les ayant gravés au commencement du XVIII e , le sujet en devint populaire en Europe. Ces gravures sont à juste titre recherchées des curieux et deviennent rares dans le commerce où elles ne paraissent guères qu'à la disper- sion d'une collection rassemblée par un amateur. Au bas de ces trois pièces curieuses on lit la signature: D. W. Aesçanius, c'est le bentnaam ou sobriquet, accepté par Dom. Wynen dans l'académie de Schilderbent, au milieu des cérémonies bachiques qui accompagnaient l'admission du néophyte. Ce nom fait sans doute allusion aux circonstances de la vie du peintre qui consa- cra ses pinceaux à cette œuvre burlesque.

14.


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Francis Van Bossuit, célèbre sculpteur en ivoire, né à Bruxelles en i635, autre membre de la même société, fut ins- crit sous le nom d'Observateur, parce qu'il mettait à profit tout ce qu'il voyait de beau, et que sa mémoire conservait fidèlement, comme un trésor inépuisable, ce qu'il avait observé d'admi- rable dans les modèles antiques. C'est peut-être aussi comme bentnaam que le surnom de Tempeste fut affecté à Pierre Mo- lyn-, que /. François Van Bloemen reçut celui de YOri^onte, tiré des atmosphères brûlantes et vaporeuses qu'il introduisait dans ses tableaux; que le graveur Régnier de Persyn fut ap- pelé le Narcisse, comme s'aimant lui-même, et qu'enfin le so- briquet de Bamboche fut donné à Pierre de Laer, pour la sin- gulière conformation de sa figure. Tous les autres membres de la Bent portaient ainsi des surnoms bizarres puisés dans leurs penchants particuliers,, le genre de leur talent, ou les événe- ments remarquables de leur vie.

Un jour, les artistes flamands, hollandais et allemands étaient parvenus à entraîner à se faire recevoir parmi eux Guillaume Van Ingen, plus sensible aux plaisirs de l'étude qu'à ceux de la table; il avait résisté longtemps, mais prêt à quitter Rome il consentit à se laisser admettre dans la joyeuse confrérie. Au mo- ment où l'on procédait à la cérémonie de la réception dans un cabaret de Rome, la police s'empara tout-à-coup du récipien- daire et de ses collègues et les conduisit en prison, sous le prétexte que les rassemblements d'étrangers étaient défen- dus. Après leur interrogatoire , on reconnut tout ce qu'avait d'inoffensif une telle réunion, et on rendit tout le monde à la liberté. La société n'abandonna point pour cela sa proie; elle procéda de nouveau à la réception, si malencontreusement in- terrompue, de Van Ingen, et comme il fut le premier élu après l'événement de la prison, on l'inscrivit sous le nom d'Ingen le premier.

Pour indiquer l'esprit de jovialité et d'originalité qui régnait dans la bande académique flamande & hollandaise à Rome, nous allons donner ici la nomenclature des principaux membres


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de cette société artistique et grivoise, en y ajoutant les sobriquets sous lesquels ils furent baptisés inter pocula.

La Tombe y né à Amsterdam en 1616, fut nommé par la Bent le Boucheur , parce qu'il n'était jamais un moment, dans quel- qu'endroit que ce fût, sans remplir sa pipe et fumer.

Jean-Baptiste Weeninx, né à Amsterdam en 1621, sur- nommé le Hochet, pour le son aigre de sa voix.

Jacques Van der Does } né à Amsterdam le 4 Janvier 1623, fut initié dans la Bent, au moment où il allait s'enrôler dans les troupes du Pape; à cause de cette idée guerrière et de la peti- tesse de sa taille on le reconnut sous le nom de Tambour.

Charles Creèten, allemand, baptisé Y Espadon.

Théodore Van der Schuitr, né à La Haye en 1628 , d'un ca- ractère aimant et affable, fut nommé V Amitié.

Jacques Vaillant, de Lille, appelé V Alouette.

A. Blankhof, d'Alkmaer, nommé Jean Maet , comme ne di- sant jamais deux paroles sans prononcer ce mot, qui signifie camarade, en flamand.

Guillaume Doudyns, de La Haye, qu'on appelait Diomède.

Daniel Mytens, de la même ville, fut gratifié de l'épithète de la Corneille bigarrée, à cause de la recherche et de la quantité de ses habits.

J. Weyerman, surnommé Compariva.

Abraham Genoels, né à Anvers en 1640, fut inscrit à Rome, le 3 Janvier 1675, sous le titre d'Archimède, comme bon ma- thématicien.

Le populaire Carie du Jardin qui réussissait si bien à peindre les animaux, en reçut le nom de Barbe de Bouc.

Robert Duval, né à La Haye en 1644, obtint de la bande académique le sobriquet de La Fortune.

J. Glauber, d'Utrecht, eut nom Polidor.

Théodore Visscher eut celui de Slempop, synonime d'ivrogne, qu'il mérita trop bien; du reste, un des fermes soutiens de la bande joyeuse.

Le riche Pierre Van der Hulst, de Dort, fut nommé Tourne-


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sol, comme introduisant cette fleur dans presque toutes ses compositions.

Corneille de Bruyn, reçu en 1674, avec le surnom d'Adonis.

J. Van Bunnik 3 d'Utrecht, appelé la Timbale.

Philippe Roos, le Mercure.

Pierre Van Dloemen, Standaert ou VEtendart.

Jacques de Heus, d'Utrecht, dut à la ressemblance de ses ou- vrages avec ceux de son maître, Guillaume de Heus, d'être qua- lifié la Contre-épreuve.

Nicolas Piémont se fit nommer Opgang (élévation), par iro- nie, de ce que de peintre il devint cabaretier en épousant son hôtesse pour s'acquitter de ce qu'il lui devait.

Bonaventure Van Overbeek prit le titre de Romulus.

N. Deyssens, d'Anvers, eut celui de Casse-noix, tant il avait le nez grand.

Georges-Philippe Rugendas entra malgré lui dans la bande académique qui l'appela Schild, en français Bouclier, parce qu'en sa qualité de peintre de batailles, il usait et abusait sou- vent de cette figure dans ses tableaux.

Isaac Moucheron avait tant d'habileté pour composer ses su- jets que ses confrères ne purent mieux faire que de l'appeler Ordonnance.

Le riche Abraham Breugel, d'Anvers, reçut le nom àç,Rhyn- Graef (comte du Rhin).

A cause de sa force et de son adresse Jacques de Baan fut surnommé le Gladiateur. Il ne manquait pas une fête bachique, et mourut en 1700, à la fleur de sa jeunesse, usé par les plai- sirs.

Les deux artistes qui survécurent à tous leurs confrères de la société académique dite Schilderbent, furent Elle Terwesten et Jean-François Van Bloemen, dit Horizon, né à Anvers en i656. Bloemen a été le dernier, il enterra la synagogue, en mourant à Rome vers l'an 1740, fort âgé, emportant l'estime des peintres de toutes les nations et les regrets des cabaretiers de la ville éternelle; ce fut le dernier BentvogeL On ne nous dit pas


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si on l'enterra près du tombeau du Bacchus témoin des récep- tions de tous les membres de la Schilderbent.

SCIE D'HARFLEUR (Société de la). Dans les annales d'Harfleur on parle d'une association de seigneurs de la ville et des environs qui se liguèrent à l'époque de la conquête de l'An- gleterre poursuivre le duc de Normandie outre-mer et se prêter un mutuel appui, tant en guerre qu'en galanterie. Cette associa- tion, qui célébrait à la fois les faits d'armes et les belles, se nom- mait la Chevalerie d'Harfleur. Le temps, les combats et les maladies anéantirent ces valeureux et galants chevaliers, dont il ne reste que le souvenir.

Au commencement du XVI e siècle, on pensa à restaurer cette société en lui donnant pour but la bombance, la gaîté, l'amour et la défense des dames. Charles de Cossé-Brissac étaitdepuis 1544 gouverneur d'Harfleur; on lui décerna la présidence de cette assemblée : il y consentit, et dès-lors elle prit le nom de Scie d' H ar fleur , parce que la place du président, en son absence, était couverte par l'écu de ses armes, portant, comme on sait, trois scies d'or, en fasce, sur un champ de sable. A dater de ce mo- ment, la scie devint l'emblème de la société; chacun de ses membres jura, sur ce fer, d'observer les statuts, et chaque réci- piendaire était soumis à baiser la lame dentelée au moment de son admission.

La Scie d'Harfleur célébrait sa fête le jour du mardi-gras. Dès le matin, une troupe de sociétaires déguisés et masqués avec luxe, formaient une cavalcade, précédée de trompettes et de clai- rons, qui se dirigeait vers le Havre. Au Qui vive? de la senti- nelle de cette ville, on répondait : Folie d'Harfleur l aussitôt les ponts s'abaissaient, les portes s'ouvraient, et le cortège, suivi d'une masse populaire avide de ces sortes de spectacles, se trans- portait chez les autorités où l'on faisait baiser, comme honneur insigne, les dents des extrémités de la scie, le milieu étant ré- servé au gouverneur et aux échevins d'Harfleur.

Deux beaux masques portaient la lame dentelée, et deux au-


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très étaient armés de deux bâtons ornés de fleurs et de rubans que l'on nommaient bâtons friseux, et qui devaient emmancher l'instrument.

Quand la procession avait fait le tour de la ville du Havre, elle revenait dans le même ordre à Harfleur et s'arrêtait sur la place; là, on décidait en corps à quel domicile on devait porter les bâtons friseux. C'était toujours chez un mari qui passait pour être peu courtois pour sa femme que l'on déposait ces em- blèmes de la. Scie. Deux masques lui ordonnaient avec un grand sérieux de garder ces bâtons jusqu'à ce qu'un mari reconnu moins galant que lui encore fut trouvé. Le peuple applaudissait à cette espèce de jugement sommaire et carnavalesque. Des huées sans nombre saluaient le mauvais mari, puis la bande joyeuse se rendait au banquet officiel qui devait couronner cette journée par une bombance complète et des libations prolongées dans la nuit.

La révolution, qui a supprimé tant de vieilles institutions,, a respecté l'institution de la Scie d'Harfleur^ cette folie, qui a sauvé plus d'une femme des brutalités de son mari," est restée debout, et, depuis 1821 surtout, la scie et les bâtons friseux, sont redevenus les gages delà tranquillité des dames et la terreur des époux discourtois et violents.

SCUDERY (Société de mademoiselle de). Les réunions de MHe de Scudéry avaient lieu les samedis; elles eurent une grande célébrité. Chacun des habitués ou membres de cette coterie avait pris un surnom tiré, le plus souvent, des romans du jour. La pré- sidente, MUe de Scudéry, s'était laissé donner et avait accepté assez modestement le nom de Sapho.

Voici les surnoms des autres personnages :

Mme Arragonais, la princesse Philoxène;

Mme d'Aligre (sa fille), Télamire-,

Mme de Guénégaud, Amalthie-,

L'abbesse de Malnoue, Octavie;

Sarasin, Polyandre^


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Conrart, Théodamus;

Pellisson, Acanthe (i);

M. de Guénégaud, Alcandre:

Le duc de Saint-Aignan, Artaban,

Yzarn, Zénocrate-,

M. de Raincy, le prince Agathyrse; | le nain de Julie-,

Godeau, \ le mage de Sidon-, le mage de Tendre.

Dans les petites réunions du samedi ,, les dames travaillaient à des ajustements de deux poupées appelées la grande et la petite Pandore, qui servaient de modèles pour les .modes du jour.

Langage précieux et sophistiqué, goût faux et maniéré, c'est tout ce qui resta de ces réunions; la Relation du pays de Ten- dre, dans le I er vol. de Clélie, 1660, in-8% p. 399, peut donner une idée de ce singulier genre, dont Boileau a fait une juste critique.

On s'amusait dans ces samedis, à s'envoyer réciproquement des madrigaux. En voici un que l'illustre Sapho commit en faveur du laid mais savant Pellisson :

Enfin, Acanthe, il faut se rendre ; Votre esprit a charmé le mien : Je vous fais citoyen de Tendre, Mais de grâce n'en dites rien.

Il y eut échange général de jolies choses le samedi 20 décem- bre i653. Conrart-Théodamas ayant donné à Scudéry-Sapho un cachet en cristal avec des vers courtois , elle y répondit par un madrigal fort tendre. L'assemblée, montée sur un diapason très- élevé, improvisa force pièces galantes; la relation de cettejournée des Madrigaux, comme on l'appela _, est conservée en mss. à la bibliothèque de l'Arsenal.

(1) 11 s'appelait aussi le Chroniqueur, parce qu'il s'était chargé de la rédac- tion des annales de la société. Il prit également le nom d'Herminius, mais ce ne fut que dans sa prison, afin.de déguiser la correspondance qu'il entre- tenait avec mademoiselle de Scudéryet avec quelques amis.


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Mlle de Scudéry répondit à Conrart :

Pour mériter un cachet si joli, Si bien gravé, si brillant, si poli,

Il faudrait avoir, ce me semble,

Quelque joli secret ensemble ;

Car enfin, les jolis cachets

Demandent de jolis secrets,

Ou du moins de jolis billets;

Mais, comme je n'en sais point faire,

Que je n'ai rien qu'il faille taire,

Ou qui mérite aucun mystère,

Il faut vous dire seulement

Que vous donnez si galamment,

Qu'on ne peut se défendre De vous donner son cœur ou de le laisser prendre.

On peut consulter avec profit l'article que M. de Monmerqué, qui connaissait si bien le XVII e siècle, a consacré à M^ede Scu- déry dans la Biographie univers.; le judicieux critique qualifie la Journée des Madrigaux de « pièce ridicule qui ne mérite pas d'être exhumée, » elle a cependant trouvé un éditeur. Elle a paru en i856 à Paris (librairie de A. Aubry), accompagnée de la Carte de Tendre et du Cabinet des Précieuses, avec une introduction et des notes_, par M. Emile Colombey, pet. in-8°.

Quelques-unes des* personnes qui faisaient partie de la So- ciété de mademoiselle de Scudéry se trouvent dans le Diction- naire des Précieuses* par de Somaize, livre si curieux pour l'histoire de l'époque et dont M. Livet a donné en i856, dans la Bibliothèque Elçevirienne, une excellente édition, accompa- gnée d'un commentaire des plus instructifs. Empruntons-lui ce qu'il dit de madame Arragonais (Artémise) ', son mari était trésorier du régiment des gardes françaises. Elle avait une de- meure somptueuse où l'on remarquait surtout la richesse de l'ameublement, et les deux statues de la grande et de la petite Pandore. Mademoiselle de Scudéry a tracé son portrait dans le Grand Cyrus (7 c partie, livre III e ). « Philoxène, qui estoit veuve.


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estoit d'une taille au-dessus delà médiocre, mais fort bien faite; ses cheveux estoient chastains; elle avoit le tour du visage un peu en ovalle, le teint blanc et uny, le nez aquilin et bien fait, les yeux grands, noirs, beaux, doux et souriants; la physiono- mie noble et agréable. »

Sarasin porte le nom de Sésostris dans le Dictionnaire de Somaize, et Conrart reçoit celui de Cîéoxène (ce qu'on peut consulter de plus achevé au sujet de ce littérateur, c'est la notice placée par M. de Monmerqué en tête de l'édit. de ses Mémoires, qui fait partie de la collection Petitot). h Izarn (Isménius), eut à la fois (dit M. Livet) toutes les qualités de l'esprit et du corps ; beau comme le jeune président de Lamoignon, galant comme Pellisson, gai comme Voiture, amoureux plus qu'eux tous, inconstant comme lui seul, gentil poète et joli prosateur, mais laissant à d'autres le soin de recueillir sa prose et ses vers. » Dans le Cyrus, il est représenté comme amoureux tour à tour de quatre princesses qu'il trouve un jour, sans s'émouvoir, réu- nies chez Mandane. Sa réputation était si bien faite que tous les ouvrages précieux du temps le dépeignent de la même manière. Dans les manuscrits de Conrart, conservés à la bibliothèque de l'Arsenal, se trouve une Galette de Tendre avec les nouvelles envoyées de différentes villes. On écrit ÏÏOubly : « 11 arriva ici il y a quelques jours un estranger (M. Yzarn) de fort bonne mine qui, après avoir passé de nouvelle amitié à grand esprit, de- grand esprit à jolis vers, de jolis vers à billet galant, et de billet galant à billet doux, s'égara en partant de cet agréable village, de sorte qu'au lieu d'aller à Sincérité, il vint dans notre ville où il fut un jour tout entier sans s'apercevoir qu'il estoit égaré. î>

Les très-longs romans de mademoiselle de Scudéry, fort ou- bliés durant près de deux siècles, sont devenus l'objet d'une attention spéciale depuis qu'il a été reconnu qu'ils renfermaient, sous le voile d'une allusion permanente, l'histoire de la société élégante aux débuts du règne de Louis XIV. Un écrivain célè- bre, M. Victor Cousin, a abordé avec ampleur ces questions.


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Voir les articles qu'il a insérés dans le Journal des Savants, avril, octobre, novembre, décembre 1857, et janvier r858, sur une clef inédite du grand Cyrus; dans le même journal, avril, mai et juin 1 858 : Mademoiselle de Scudéry et sa Société, d'après le grand Cyrus ; dans la Revue des Deux-Mondes , i5 février i858 : De l'importance historique du grand Cyrus. Ces divers écrits ont reparu dans le livre de M. Cousin : De la Société française au XVII e siècle. Consultez aussi sur la Clé- lie _, le Cours de Littérature dramatique^ de M. Saint-Marc- Girardin, tom. III, p. io2-i33. M. Léon de La Borde {Palais Ma^arin, notes) a dit avec raison: «Quoique transportés sur les bords de PEuphrate, quoique affublés des noms les plus persans que mademoiselle de Scudéry ait pu inventer, les personnages du Cyrus ne sont autres que ceux qui animaient la société de Paris, et surtout l'hôtel de Rambouillet. » La Revue française, 20 octobre 1 858, renferme un article de M.V.Fournel, intitulé: Mademoiselle de Scudéry et le grand Cyrus. N'oublions pas une étude de M. E. Despois sur cette femme célèbre dans la Revue des Deux-Mondes, 1846.

SECRETS (Académie des). V Académie des Secrets fut éta- blie à Naples par le célèbre Jean-Baptiste Porta, qui avait déjà pris une part active à la fondation de V Académie des O^iosi, elle ouvrait ses rangs à toutes les personnes qui avaient fait quelque découverte dans les sciences naturelles, la médecine, la physique. On se méfia des recherches de ces investigateurs; ils furent accusés de se mêler de magie, et Porta reçut l'ordre de faire cesser les réunions qui avaient lieu dans son domicile. Esprit chercheur et sagace, Porta fit avancer les sciences, et dans ses nombreux ouvrages, au milieu de beaucoup d'erreurs et de préjugés ayant force de loi au XVI e siècle, on rencontre des idées justes et neuves. Voir G. -H. Duchesne ; Essai sur la vie et les ouvrages de J.-B. Porta. Paris, in-8°; Colangeli, Vitadi G.- B. délia Porta. Naples, 1818, in-8°, etc.

SIFFLEURS (Société des). A Poitiers, au XVI e siècle, il


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existait une Société des Siffleurs. Etait-elle satirique ? n'était- elle que burlesque et une imitation du chant des oiseaux ? Nous avons connu des personnes qui sifflaient en société dans une grande perfection; d'autres qui se faisaient entendre pour de l'argent. On rencontre encore dans les rues des artistes ambu- lants en ce genre fort passé de mode (voyez d'ailleurs Carpen- tier, au mot Societas -, Dulaure, tome V, page 258).

SILENCE (Club du). Vun se taisait 3 Vautre ne disait rien; ainsi finit ce pénible entretien. Vers la fin du XVII e siècle, il se forma à Londres un Club du Silence. La loi fondamentale était de n'y jamais ouvrir la bouche. Cette association ne devait pas faire grand bruit dans le monde. Le président était sourd et muet comme les autres; il parlait des doigts, et encore n'était-il permis de déployer cette éloquence mécanique que fort rare- ment et dans les occasions importantes.

Après la fameuse journée d'Hochstett, un membre transporté de patriotisme osa annoncer de vive voix la nouvelle de cette victoire; aussitôt il fut renvoyé à la pluralité des suffrages qui, selon l'usage de l'ancienne Rome, se donnaient en pliant les pouces en arrière.

Ce club a probablement donné à l'abbé Blanchet l'idée de son joli conte de Y Académie silencieuse. Voyez Apologues et contes orientaux ) 1785, in-8.

C'était le contraire de la Parfaite Union des 14 Dames de M eaux.

SIX (Académie des). Cette association fut établie à Bordeaux il y a quelques années par des hommes d'esprit, amateurs de la bonne chère et de la poésie. Elle comptait parmi ses membres M. Duffour-Dubergier,, négociant, qui remplit longtemps avec distinction les fonctions de maire de Bordeaux et qui s'est amusé à écrire une sorte de poème badin en prose: Chroniques du château de Gironville (nom d'un domaine qu'il possédait dans le Médoc), M. Biarnez, négociant, auteur d'un poème fort bien versifié et plein d'esprit : Les grands Vins de Bordeaux;


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M. Goût- Desmartres, poète distingué qui présida pendant plu- sieurs années l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux. Les Six se réunissaient une fois par mois et succes- sivement chez chacun d'eux. Les convocations, les procès-ver- baux des séances étaient en vers ; les dîners n'auraient rien laissé à désirer au connaisseur le plus difficile; les vins surtout, dé- gustés par les palais les plus expérimentés de la France, étaient au dessus de. tout éloge. Satisfaite de ses jouissances intimes, Y Académie des Six n'a jamais rien livré à la publicité; elle admettait à ses réunions quelques aspirants amis des Muses et delà gastronomie; malheureusement elle vécut peu; la mort de quelques-uns de ses membres a été un regrettable motif de dé- sorganisation ; il ne reste plus que le souvenir de cette réunion de gourmets délicats.

SIXETTE (les Chevaliers de la). 1729. Institution, créa- tion, ordonnance et statuts de l'Ordre des Chevaliers de la Sixette, in-4 (cat. Leber, n° 2Ô3o).

Registre original, manuscrit, daté de 1729, contenant les statuts de l'Ordre et les procès-verbaux des séances, signés. Il est à regretter que Leber n'ait pas dit un seul mot du but de la société.

Il paraîtrait que ce sont des joueurs jettant des dés pour sa- voir qui obtiendrait le chiffre supérieur à six dans deux dés.

SOCIÉTÉ (Une). 175 1-1752. Quelle était cette association qui ne prenait aucun titre et qui s'intitulait seulement une So- ciété?... Comment était-elle organisée? avait-elle des statuts et quels étaient-ils? ses membres^ ses dignitaires, son but, que sa- vait-on de tout cela? Peu de chose. « Comme les petites socié- tés sont fort à la mode, disent les auteurs du seul livre qui nous reste de cette congrégation peu connue, nous en avons formé une. Dans la plupart de ces assemblées on ne lit que les écrits de ceux qui en sont membres.... on se réunit sous pré- texte de se critiquer, mais chacun a intérêt de louer à outrance


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pour être loué à son tour; c'est ainsi que certains beaux-es- prits modernes se traitent ^'illustres et se promettent réci- proquement V immortalité que chacun d'eux croit mériter seul. Crainte de donner dans de pareils travers, nous avons résolu de ne parler dans notre société que des ouvrages d? au- trui. Il en paroit tous les jours de nouveaux, et nous pouvons compter sur l'abondance des matières. »

Voilà à peu près tout ce que nous savons de la Société sans titre qui se forma vers le milieu du siècle dernier. Ils nous disent cela à la tête de leur recueil, tome I er et unique, qui parut avec cette énonciation : Lettres d'une société, ou Remarques sur quelques ouvrages nouveaux. Berlin (Paris, Duchesne), MDCCLI, in-12. — 2 e édition, ou plutôt second frontispice, sous ce titre: Mélange littéraire, ou Remarques, etc. A Berlin (Pa- ris)., MDCCLII, in-12 de 238 pages.

Les membres de cette petite société et en même temps les au- teurs de ce recueil sont: i° Boullanger de Rivery, d'Amiens, avocat à Paris pendant quelque temps, n'ayant guères que 25 ou 26 ans, auteur d'un petit nombre d'ouvrages littéraires et en- tr'autresde Momus philosophe , 1750, in-12. Mort jeune au reste le 24 septembre 1758. — 2 e Pierre-Henri Larcher, aussi jeune que son confrère, savant helléniste et trad. de Pope, qui ne mourut que le 22 décembre 18 12, plus d'un demi-siècle après son compagnon de jeunesse (1). — Et 3° Jean Landon, le moins connu des trois. Ils étaient liés avec le libraire Duchesne qui édita le recueil des trois jeunes gens. Ils y traitent assez dure- ment l'abbé Goujet à l'occasion du Supplément au. Diction- naire historique de Moréry, ils s'occupent plutôt de théâtre et

(1) On trouve sur Larcher, parvenu à une grande vieillesse, de curieux détails dans un charmant article que M. de Sacy (aujourd'hui académicien et sénateur) a inséré dans le Journal des Débats, en i852, au sujet de la vente de la bibliothèque de M. de Bure, article qui a été reproduit dans les Variétés littéraires de cet écrivain. Larcher, devenu fort pieux, s'était avisé d'un genre d'abstinence qui ne pouvait être pratiqué que par bien peu de monde; les jours de jeûne, il se privait de lire du grec et il se réduisait au vil latin.


222 SOC

de littérature légère que d'ouvrages sérieux. Larc'her y a inséré sa traduction du discours de Pope sur la poésie pastorale; ceci montre que les membres de la société ne tinrent pas jusqu'à la fin la détermination de ne pas parler ni d'eux ni de leurs écrits.

SOCIÉTÉ LITTÉRAIRE DE BORDEAUX. Cette société fondée au commencement du siècle, a publié une série de cahiers, petit in-18, intitulés: les Dîners de la Société littéraire de Bor- deaux. Cette collection se compose de 12 numéros; elle est deve- nue très-rare, et il serait sans doute fort difficile d'en trouver un exemplaire complet. Nous en connaissons 5 cahiers; le I er porte la date du 20 messidor an IX, le 7 e du 20 nivôse an X. Ce fut le 20 prairial, qu'en dînant on fonda la société, et on fit en vers un règlement qui comprend 17 articles. Je vais transcrire les premiers :

Art. i er .

De par Apollon sans retard Nous, habitants de cette ville, Fondons un dîner à l'instar De nos amis du Vaudeville.

Art. 2.

Ordonnons qu'on s'assemble Comme ils font à Paris. Pour dîner tous ensemble Comme ils font à Paris ; Qu'on fasse bonne chère Comme ils font à Paris, Et qu'on vide son verre Comme ils font à Paris.

Art. 3.

Par mois on s'assemble une fois Et ce sera le vingt du mois.

Art. 4.

Après dîner, chaque membre écrira Le premier mot qui lui plaira,


SOC 223

Et puis le jettera

Dans cette urne redoutable

Qui tout autour de la table Après passera; Chacun prendra

Le mot qui lui viendra,

Chez soi le traitera

Et puis l'apportera,

En prose, en vers, comme il voudra,

Au dîner qui suivra. Art. 8.

Epigrammes ou madrigaux,

Chanson , élégie ou satire,

Tous les sujets seront égaux,

On peut faire pleurer ou rire.

Hormis la Révolution,

Souvenir toujours trop funeste,

La guerre, la religion,

Certain cas de damnation,

On peut traiter tout le reste. Art. 10.

Aux dîners littéraires

Qui veut être accepté,

Doit par un des confrères

Nous être présenté.

Si la majorité

Penche de son côté,

Lors la société

Lui dit avec bonté : Dans cette enceinte où chacun vous désire Venez, Monsieur, vous asseoir parmi nous ; Boire, manger, chanter, le mot pour rire, Sont les devoirs qu'on exige de vous.

Si le tiers des voix était pour le rejet, le candidat était repoussé. Le bureau de la société se composait d'un président nommé pour trois mois; un secrétaire-caissier pour six mois; trois commis- saires pour un mois.


224


SOP


Ferrère (avocat fort distinguée Bordeaux), fut nommé prési- dent; Martignac, secrétaire; c'est en vers que les membres de la société signent le règlement.

Emérigon, Duhamel et Ferrère, Mézès, Laîné, Duranteau, Peyronnet, Pontet, Gradis, Laborde, Bergeret, Et Martignac, rédacteur-secrétaire.

M. Emérigon est mort dans un âge fort avancé^ en i838, président du tribunal de première instance. On remarquera les noms de Laîné et Peyronnet^ alors simples avocats^ jeunes en- core.

Le premier dîner eut lieu le 20 prairial an IX.

Le premier cahier offre de Martignac une chanson intitulée: S'il vous plaît ; il s'en rencontre d'autres intitulées: Mouchoir, Peut-être, Absence. *

Peyronnet a donné des chansons intitulées: Trompette-, Lanterne - y A Nel^ie; Stances bachiques; Il était temps ,- Cha- cun le sien, conte.

Nous serions disposéàattribueràM. Laîné une élégie signée L. Il n'y avait que lui et Laborde dont les noms commençassent par cette lettre, et les pièces de Laborde sont signées. Un mor- ceau intitulé : Bouquet (cahier n° 3) porte le nom de M. Laîné.

Ces petits vers n'offrent de l'intérêt (s'ils en offrent) qu'à cause de la célébrité acquise plus tard par leurs auteurs.

Dès le second dîner M. Baour-Lormian fut présenté et admis comme membre correspondant.

SOLEIL (Ordre du). Voyez Société des Incas.

SOPFIISIENS. V Ordre des Sophisiens a été institué à Pa- ris en 1802 par Cuvelier (probablement l'auteur dramatique), d'autres disent en 1801.

SOPHISIENS (Ordre sacré des). Cet ordre doit son origine à quelques généraux français faisant partie de l'expédition d'E- gypte. On pourrait presque le classer parmi les sociétés secrètes


SOT 225

de l'armée. Son nom désigne des amis, des partisans de la sa- gesse; il indique la tendance de l'association. Elle ne fut pas si secrète cependant qu'il n'y eut des pièces imprimées qui circu- lèrent sur ses opérations. On lit, n° 494 du catalogue de Lerouge: Mélanges relatifs à VOrdre sacré des Sophisiens, établi dans les Pyramides de la République française , in-4, partie manus- crite, partie imprimée.

SOTS (Le Clu3 des). Il y avait à Paris pendant la première révolution, un nombre considérable de clubs; presque tous étaient politiques; nous n'avons pas à en parler, grâce à Dieu. Mais il en est un dont le nom était si burlesque que nous croyons devoir le mentionner : c'est le Club des Sots.

Un auteur assez malin, mais fort peu galant, a dit que c'était avec raison que les femmes étaient bannies des clubs; il appuyait son opinion de ce couplet :

Dans ces cabinets d'importance, Où l'on parle plus qu'on n'y pense, On ne doit point les appeler. La raison n'en est pas frivole : Quand les hommes voudraient parler, Vite elles prendraient la parole.

Au Club des Sots, dont les membres n'étaient pas si sots qu'on pourrait le croire, on n'eut pas la crainte exprimée dans ce couplet, et l'on recevait les femmes. Le fondateur de cette société fut un nommé Hervieu, commis aux postes, qui eut la singulière idée de former cette association; moyennant six livres par trimestre, tous ceux ou celles qui voulurent s'y faire agré- ger étaient reçus : et la société dura jusqu'aux temps de la Ter- reur qui dispersa tout, même les Sots. Cette société a dû être la plus nombreuse de toutes celles de l'époque, si beaucoup de gens se rendirent assez de justice pour s'y présenter.

(Histoire des Prisons, par Nougaret, 1797.)

SOTS (Prince des). Au commencement du XVI e siècle, il se

1.5


226 SOT

forma à Paris une association de gens joyeux qui prirent le titre de sots, qui se choisirent un prince, et qui donnèrent des repré- sentations dramatiques. Pierre Gringore, le poète le plus actif de l'époque (i), composa le Jeu du prince des Sot% et Mère sotte, ioué aux halles de Paris 3 le mardi- gras. Van mil huit cinq cent et once; on en connaît deux éditions, toutes deux sans date, petit in-8°, 44^ et in-4°i6fts;l'une et l'autre sont rarissimes, mais cette production dramatique a été réimprimée , à fort peu d'exem- plaires, il est vrai, et peu correctement en 1800, par le bibliophile Caron (2).

Le Jeu est composé d'une sotie, d'une moralité à six person- nages (l'Homme obstiné), dirigée contre le pape Jules II, alors en querelle avec le roi de France, et d'une farce à six personna- ges intitulée : Faire vaut mieux que Dire. On peut consulter relativement à cette pièce vraiment singulière et- digne d'étude VAnalecta-Biblion } de M. du Roure, t. 1er, p. 2 58, et la notice sur Gringore, de M. Lepage^ dans les Mémoires de V Académie de Nancy-, 1848, p. 225-228.

La sotie est une vive attaque dirigée contre la cour de Rome : Mère sotte, c'est l'Eglise; il y a là des passages fort hardis et une ironie assez vive; mais il est inutile de s'étendre à cet égard puisque cette pièce est analysée dans des ouvrages très-connus, tels que l'Histoire du Théâtre-François, par les frères Parfait, et la Bibliothèque du Théâtre-François, rédigée par les secré- taires du duc de la Vallière.

(1) Voir au sujet de cet écrivain une notice dans les Poètes et Romanciers de la Lorraine, par Th. de Puymaigre, Met\, 1848; Villemain, Journal des SavantSy avril i838 ; les notices de MM. Hérisson et G. Daplessis, publiées en i832 et en 1848 en tête de la réimpression de deux ouvrages de Grin- gore.

(2) Le Jeu du Prince des Sots a été réimprimé dans le tome I« r (le seul qui ait été publié en i858) de l'édition des Œuvres complètes de Gringore entreprise pour la Bibliothèque elzevirienne, par MM. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon (pag. 197-286). Le volume en question a en tête une notice importante (de Ixxx pages) intitulée : Gringore et lapolitique bourgeoise au XVI e siècle.


SOT 227

Le dernier des Princes des Sots vivait sous le règne d'Hen- ri IV; c'était Nicolas Joubert, surnommé Angoulevent. Il est surtout connu grâce à un procès qu'il soutint contre quelques- uns de ses sujets rebelles; une sentence intervint; elle a été publiée; il s'agissait de l'entrée solennelle que, suivant l'usage, ce prince burlesque devait faire à Paris (1).

Le débat s'engagea entre Macloud Poullet, seigneur et guidon de la sotie, Nicolas Arnault, seigneur et guidon de la sotie, et Pierre-le-Meneur, procureur de noble homme Nicolas Joubert, sieur d'Angoulevent, valet de chambre du roy, prince des Sots et premier chef de la sottise en l'Isle de France et hostel de Bourgogne.

Angoulevent fut tenu de prendre jour pour faire entrée sotte en la ville de Paris, et pour ce faire la convention et assemblée ordinaire, y respandre les largesses et faire tou- tes autres cérémonies accoutumées , et à faute de ce faire, qu'il soit dégradé de la sotie, rejeté de sa dignité, et, en son lieu,, il sera pourvu d'un autre par élection, selon qu'il est accoutumé.

Le prince répondait qu'il ne reconnaissait point les deman- deurs en leurs qualités; il réclamait communication des statuts et titres en vertu desquels ils voulaient prétendre qu'il était tenu du contenu en leur requête.

Le prévôt condamna Angoulevent à faire son entrée le pre- mier jour du mois de mai par les lieux, portes et places accou- tumés avec ses officiers, suppôts et sujets; faute par lui de ce faire, la principauté est déclarée «vacante etimpétrable par per- sonnes plus capables queledict Angoulevent. »

Le Prince des Sots fit appel; l'affaire traîna en longueur; ce ne fut que près de trois ans et demi plus tard que le parlement, par arrêt du 19 juillet 1608 (inséré dans Y Histoire du Théâtre- François 3 par les frères Parfait (1 745, tom. III, p. 252), le main-

(i) Voir sur Angoulevent l'ouvrage de MM. Rigollot et Leber, que nous avons déjà cité : Monnaies des Fous, pag. lii.


228 SOT

tint dans « la possession et jouissance de sa principauté des sots et des droits appartenant à icelle (i). »

L'arrêt n'eut d'ailleurs qu'une exécution de peu de durée, et depuis il n'est plus fait mention ni du procès des Sots, ni de son association, et même, dès 1612, les comédiens, présentant une requête au roi pour demander l'extinction des privilèges des Confrères de la Passion, parlent de la Principauté des Sots comme d'un titre méprisable et qui n'existaitplus; ils rappellent qu'Angoulevent fut représenté dans le cours des débats « comme une tête creuse, une commode éventée_, vide de sens, un cerveau démonté, un homme né et nourri dans la confrairie des grosses bêtes _, n'ayant jamais étudié qu'en la philosophie cynique et n'étant savant qu'en la faculté des bas souhaits. »

Au moment où commençait son procès, Joubert, dit Angoule- vent, fut en butte à des attaques satiriques auxquelles il répon- dit; il sortit de ce débat quelques opuscules devenus aujourd'hui d'une rareté excessive. Ils sont indiqués dans le Manuel du Libraire.

Paris n'était pas la seule ville qui eut pour se divertir une association de Sots,

Il existait à Lille un Prince des Sots qui changea ensuite sa dénomination pour celle de Prince d'Amour-, sa troupe était de cinquante chevaliers vêtus de satin bleu. La ville de Tour- nai avait aussi un Prince d'Amour qui conduisait soixante che- valiers vêtus de rouge et ayant un chapeau vert.

(1) Ce procès donna lieu à un avocat alors en renom, Julien Peleus, de prononcer un discours qui fut imprimé sous le titre de : Plaidoyé sur la principauté des Sots, avec l'arrest de la cour intervenu sur iceluy; Paris, chez David Doucens, libraire juré, 1608, in-8°. Un exemplaire de ce livre, devenu bien rare, figure au catalogue de la vente Nodier (1844, n° 5g, payé 27 fr.). Ce n'est point une facétie, comme on l'a dit quelquefois sans avoir pris la peine de lire une page de cet écrit ; c'est un plaidoyé sérieux et fort sérieusement prononcé; un extrait se trouve dans le Bulletin du Biblio- phile belge, tom. III, p. 41 1. Voir aussi le mémoire de M. de Reiffenberg sur les fous en titre d'office, inséré dans l'ouvrage intitulé : Le Lundi [Bruxelles, i835, in-12), t. I, p. 293.


TAB 229

Les villes de Flandre avaient beaucoup de goût pour ces diver- tissements^ pour ces associations joyeuses. On trouvait à Ath les' Pau pourvus (peu pourvus); ailleurs régnaient le Preus des Étourdis, le Capitaine de joyeuse entente, la Compagnie de la Fille de Dame curieuse. Le Quesnoy se vantait de son Abbé du Plat d'argent qui se montra une fois accompagné de vingt- cinq jeunes gens vêtus en moines et montés sur des chevaux d'osier qu'ils allèrent abreuver dans l'Escaut, y entrant jusqu'à la ceinture.

SUICIDES (Club des). Addison, parlant des clubs singuliers qui se formaient à Londres de son temps, parle d'un Club de Suicidés', c'est sans doute pour se moquer des excentricités de ses contemporains qu'il cite cette société impossible. La criti- que de la chose est dans le titre même. C'est ainsi qu'en France on vit paraître, peu après la publication du Dernier jour d'un Condamné, une brochure intitulée : le Lendemain du Dernier Jour d'un Condamné. La plaisanterie faite par Addison en annonçant dans le Spectateur l'ouverture du nouveau Club des Suicidés en a peut-être fait former quelques-uns qui n'avaient aucune raison d'être.



ABLE RONDE (Chevaliers de la). Les récits re- latifs à la Table ronde remontent, dit-on, à des bardes d'une époque reculée. On prétend que vers l'an 5 60 Melchin d'A vallon écrivit un livre : De régis Arthuri mensa rotunda, production perdue aujourd'hui ainsi que celle d'un ermite dont le nom est resté ignoré : De mensa rotunda et strenuis equitibus. Il est douteux que ces écrits aient jamais existé, mais les légendes de la Table ronde, long-temps vivantes dans les traditions populaires, furent re-


23o TAB

cueillies par Galfred (ou Geoffroy) de Monmouth, qui vivait vers l'an i i5o; elles passèrent dans les poèmes des trouvères, qui furent plus tard mis en prose par des traducteurs dépourvus de goût. On attribua à l'enchanteur Merlin l'invention de la Table ronde, image de la rondeur du monde. Il la laissa au roi Arthur, et elle devait avoir autour d'elle cent cinquante cheva- liers. On dit qu'Arthur réduisit ce nombre à douze; mais, sous Edouard II, il fut reporté à cent; sous Edouard III il ne fut plus que de vingt-quatre. On a dressé, d'après divers poètes, une liste comprenant 168 noms de personnages (qui tous paraissent imaginaires) et qui ont fait partie de cette association. Cette liste se trouve dans l'ouvrage en allemand du docteur Graesse sut Y Histoire littéraire universelle {Dresde, 1842, tom. II, 3 e section, p. 149-15 1). Giron-le-Courtois et Arthur sont les principaux romans de la Table ronde. La priorité de ces légen- des peut être revendiquée pour Geoffroy de Monmouth qui, dans son Historia Britonum, écrite au XII e siècle, a mêlé une mul- titude de fables à des matériaux plus anciens et plus sérieux, notamment à la chronique latine de Nennius, objet d'un Mé- moire fort curieux dont M. Paulin Paris a donné lecture à l'Aca- démie des Inscriptions, au commencement de l'année i865.

Cette association imaginaire et célèbre a été l'objet d'un tra- vail intitulé : Précis historique des Chevaliers de la Table ronde, ou du Saint Hanap, par de B*** (Beausset), 1787, in-4 manuscrit de 140 pp., porté au catalogue Lerouge, n° 525.

Il existe un petit volume rare et fort recherché des biblio- philes : Devises des armes des Chevaliers de la Table ronde qui estoient du temps du tres-renomé et vertueux Artus 3 roy de la Grant Bretaigne, avec la description de leurs armoi- ries. Paris , in- 16 (vers i52o). Le premier blason est celui du roi Artus, et le dernier celui d'un inconnu qui, dans ses armes, portait un cochon. Un bel exemplaire de la réimpression qui a paru à Lyon, 1590, s'est payé 82 fr. à la vente Solar (1). Ala-

(1) Le n«222 des manuscrits de la bibliothèque de Lille porte :

  • Ce sont les noms, armes et blasons des Chevaliers et Compagnons de


TAB 2 3i

mannij dans la prefa^ione de son poëme de Cirone il cortese, rapporte le devise, leggi ed armi de"* Cavalieri délia Tavola rotonda (i).

TABLE RONDE (Société de la). Paris, 1775. La Société de la Table ronde se réunissait à Paris chez la belle comtesse deTurpin de Crissé, qui joignait aux charmes de la figure toutes les qualités de l'esprit et du bon sens. Elle était fille du célèbre maréchal de Lowendahl, et épousa le comte deTurpin de Crissctitude est peut-être contestable. Il croit que les cérémonies d'initiation avaient un sens symbolique, qu'elles étaient empruntées aux mystères figuratifs, aux rites de l'Eglise primitive.

Le célèbre historien suppose que dans cet esprit, le candidat était d'abord présenté comme un pécheur et un renégat, et que dans ce rôle, il devait à l'exemple de saint Pierre, renier le Christ. Ce déni avait une sorte de mimique par laquelle le novice expri- mait son état de réprobation en crachant sur la croix; il était ensuite dépouillé de ses vêtements profanes et admis par le bai- ser de l'ordre à un degré de foi supérieur; après quoi il revêtait le vêtement de sainteté.

Si l'on admet l'interprétation de M. Michelet, il faut convenir que la véritable signification du symbole se perdit bien vite.

Bien d'autres inculpations ont été lancées contre les Templiers, mais on a de la peine à les croire fondées. On a avancé par exemple que si un enfant naissait du commerce d'un de ces che- valiers avec unevierge_,on le faisait rôtir et, de sa graisse, on for- mait un "onguent pour oindre l'idole. C'est du moins ce que rapporte un document cité par Dupuy dans son Histoire de V Ordre (p. 24).

On a beaucoup discuté sur l'idole à laquelle les Templiers étaient accusés de rendre un culte dans leurs plus secrets cha- pitres. Des chevaliers dirent l'avoir vue, qu'elle était à peu près de la grosseur d'un homme, qu'elle avait une physionomie féroce et une barbe blanche. On parla aussi d'une vieille momie em- baumée ayant des escauboucles dans les yeux et d'une petite tête qu'on prétendait celle d'une des onze mille vierges.

Il subsiste encore des monuments qu'on rattache au culte secret des Templiers ; ils ont été l'objet d'un travail fort remar- quable dû à un orientaliste célèbrej M. de HammerPurgstall; ce mémoire intitulé : Mysterium Baphomatis reveîatum, fait partie d'un recueil en six volumes in-folio qui a paru à Vienne de 1809 à 1818 : Fundgruben des Orients {Mines de V Orient),

Cet érudit, revenant sur le même sujet, a mis au jour en


240 TET

i832 un Mémoire sur deux coffrets gnostiques du moyen-âge du cabinet de M. le duc de Blacas. Il donne la description et le dessin de trente-quatre figures qui correspondent parfaite- ment à la description de Yidole, telle que la montrent les dépo- sitions de divers Templiers. Il y en a sept qui représentent sim- plement une tête; deux ont deux faces, une devant et une der- rière, et ce sont des têtes de femmes. Von Hammer a décrit aussi quinze coupes et gobelets et un nombre moins grand de coffrets. Les coupes et les coffrets sont ornés de figures très- curieuses représentant dans une scène suivie une cérémonie qui paraît rappeler les mystères impurs de l'antiquité (1).

Le savant orientaliste ne doute pas que le culte secret des Templiers ne se rattachât aux doctrines licencieuses que profes- saient dans les premiers siècles de notre ère diverses sectes gnostiques et surtout les Ophites. On comprend sans peine que ces questions ne sauraient recevoir de solution définitive. Les doctrines secrètes des Templiers n'étaient connues que d'un pe- tit nombre d'initiés et ne seront jamais éclaircies.

TETE DE VEAU (Société de la). Nous trouvons dans le Précurseur d'Anvers, numéro du I er janvier i85o, le récit d'une fête flamande dont la commune de Hove vient d'être le théâtre. Cette commune a pour spécialité l'élève des veaux gras, et l'un de ces veaux, acheté par le boucher Verni mmen, a obtenu la médaille d'or.

Or, il existe ù Hove une société gastronomique dite de la Tête de veau, et Vernimmen a eu l'idée de lui envoyer la tête de l'animal couronné, pour son plus prochain banquet. Ici nous laissons parler le journal anversois :

« Les membres de la société résolurent, afin de donner ù M. Vernimmen un témoignage d'estime et de reconnaissance pour la préférence qu'il accorde à la commune pour ses achats de bétail^ et, en outre, pour célébrer le triomphe qu'il venait

(1) Quelques-uns des sujets qu'a fait graver Von Hammer ont été repro- duits dans les planches qui accompagnent l'ouvrage anglais que nous avons déjà cité. Voir planche XXXVIII et planche XXXIX, figures 1. 2 et 3.


THE


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de remporter,, de donner de grandes proportions à ce banquet.

« Aussitôt dit, aussitôt fait; on composa d'abord le menu; tel fermier s'engagea à fournir les canards, tel autre les poulets, tel autre les rôtis, tel autre le gibier, et puis vinrent les tartes traditionnelles, puis encore le vin; on cite un fermier qui, au milieu du banquet, s'apeicevant que les cent cinquante bou- teilles de vin que l'on avait réunies avaient à peu près filé, en fit chercher dans sa cave cinquante nouvelles. De leur côté, les brasseurs ont fait aussi leur offrande.

« Tous ces dons ont assuré largement l'approvisionnement des comestibles et liquides. Il fallait encore arrêter le pro- gramme de la cérémonie.

« Au jour fixé, nos paysans à cheval formèrent une garde d'honneur, et l'harmonie de Bouchout, ouvrant la marche du cortège, qui s'est rendu jusqu'au Luythagen, à la rencontre de M. Vernimmen, l'a conduit triomphalement dans la commune, au bruit de la canonnade et au milieu des feux de joie.

« Toute la soirée, la commune a été en fête, et le lendemain les têtes étaient encore tellement montées que l'on n'a pu se décider à s'arrêter en chemin. Une seconde journée a été impro- visée; les meuniers de la commune et des environs ont organisé une fête aux gaufres.

« La fête a donc duré deux jours, et, chose rare, sans que la moindre dispute ou la moindre mésintelligence ait surgi au milieu des libations copieuses auxquelles on s'est livré. »

THÉLÈME (Abbaye de). Abbaye placée par Rabelais dans le pays d'Utopie, où nos phalanstériens ont voulu voir le pre- mier modèle d'un phalanstère. Fais ce que tu voudras est, il est vrai, la devise des Thélémites comme celle des Fouriéristes, mais Rabelais n'a appelé dans Thélème que des gens de condi- tion libre, bien nés, bien instruits, conversant en compagnie honnête, et qui se réunissent sans autre but que de vaquer en paix aux exercices et aux délassements des esprits délicats. Nos Phalanstériens, au contraire, ont voulu ouvrir à tout le monde

16,


242 TOS

les portes de leur abbaye de Thélème, grâce à la découverte du travail attrayant, cette chimère de Fourier, qui n'a pas com- pris que le meilleur moyen de ne s'amuser jamais, c'est de s'amu- ser toujours, et qu'il n'y a pas de travail sans effort, parce qu'il n'y a pas de travail sans attention.

(Voir, pour Y Abbaye de Thélème, le Pornographe de Rétif, tome II, p. 36i-362.)

M. Lenormand, membre de l'Acade'mie des Inscriptions^ en- levé à la science par une mortprématuréej a publié en 1840 sur l'abbaye de Thélème un opuscule très-curieux; il y rétablit les dispositions architecturales de cet édifice fantastique_, et il entre, à l'égard de l'Homère bouffon, dans des considérations ingé- nieuses.

THÉOPHILANTROPES, ou Adorateurs de Dieu et Amis des Hommes. Nous pouvons, sans nous écarter de notre plan, faire arriver ici les Théophilantropes, ou Adorateurs de Dieu et Amis des Hommes; cette association chancelante ne sera nulle- ment déplacée parmi toutes celles dont nous donnons la descrip- tion et l'histoire.

On connaît : Rituel des Adorateurs de Dieu et Amis des Hommes, contenant V ordre de Vexercice de la Théophilan- tropie, et le Recueil des Hymnes adoptés dans les différents temples, tant de Paris que des départements, rédigé par J.-B. Chemin. Paris, an VII_, in-18. — Ce petit livre est un monu- ment en son genre (1).

TOSONE (Gavalieri del). Il existe une brochure intitulée : Ordine dé" Cavalieri del Tosone. — Neir Academia vene- tiana, i558,, in-4°de 22 feuillets, dont un blanc.

(1) La secte éphémère des Théophilantropes s'écarte de notre cadre, de sorte que nous n'entrerons pas à son égard dans les détails qu'elle pourrait réclamer. Disons seulement que la collection révolutionnaire du comte de la Bédoyère (acquise par la bibliothèque impériale) renferme à cet égard 3z pièces de l'an V à 1801, parmi lesquelles on en remarque une certainement trop violente : Crimes et forfaits des Théophilantropes. Voir le catalogue de cette collection. Paris, i852, no 1463, pag. 385.


TRE 2 4 3

Cet opuscule sur l'Ordre de la Toison-d'Or est devenu fort rare. Il est de François Sansovino, Vénitien.

TRANGARDINS (Ordre des). Ordre bachique, fondé dans le midi de la France (à ce que nous pensons), qui fut illustré par les excellentes chansons de Lainez, né vers i65o, mort en 17 10, et dont les poésies ont été publiées à La Haye (Paris), i 7 53, in-8°.

TREILLE (La Chevalerie de la). Il est inutile d'expliquer l'origine et le but d'un Ordre de chevalerie qui portait le nom de la Treille; précurseur de l'Ordre de Noë et de celui des Co- teaux; il servait à réunir les bons buveurs de l'époque de la Fronde. Les statuts nous sont inconnus; mais, avec un peu d'imagination, il serait facile de les rétablir. Les Chevaliers de la Treille, que nous connaissons, étaient des Frondeurs, des buveurs, des poètes et des farceurs.

Au premier rang nous voyons figurer dans cet Ordre de bu- veurs frondeurs le sieur de la Valise, auteur de i° la Famine, ov les Pvtains à cvl, à Paris.chez Honoré l'Ignoré, à la Fille qui truye, rue Sans-Bout, M DC XLIX, in-4 de 8 pages en vers, pièce ordurière, qui a surtout pour mérite sa grande rareté;

2 La Farce des Court:sa?:s de Pluton, et leur -pèlerinage en son royaume. (S. I.) 1649, in-4 , 2 § pages. La Valise aurait bien pu avoir confondu dans le titre le dieu Pluton avec Plut us. La pièce est plus spirituelle, aussi ordurière, et non moins rare que la précédente.

Le second chevalier de la Treille est N. Boscq, qui adressa une épigramme au sieur de La Valise sur sa Farce.

On trouve encore parmi ces chevaliers un sieur de la Besace, et le traitant Desbois, qui figure sous l'anagramme Siobsed dans la Farce du sieur de la Valise. (Bibliographie des Ma^arina- des, par C. Moreau, p. 401.)

Il est d'ailleurs évident que les sieurs de la Valise et de la Besace sont des pseudonymes. La Famine a été réimprimée à Lille en 1849, in-18, avec deux autres mazarinades. C'est une


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allusion à la disette, un peu factice, dont les Parisiens s'alar- mèrent en 1649. Il y a quelque verve dans cet opuscule. En voici le début :

Chacun est assez bon galand

Pourvu qu'il ait un pain chaland.

Vous ne regardez plus à sa trogne,

S'il est vaillant à la besogne,

S'il a un museau de cochon,

S'il a un plantureux menton,

S'il a le front tout plein de rides,

S'il a le nez en pyramide,

S'il a la peau d'un éléphant,

S'il a le visage luisant....

TREIZE (Société des). 1857. — Fondée à Bordeaux, au commencement de 1857, dans le but d'extirper, par la force de l'exemple, les absurdes préjugés qui se transmettent de généra- tion en génération contre le nombre 1 3 et le jour du vendredi.

Les séances de la société sont tout simplement des banquets 011 treize personnes viennent s'asseoir le vendredi de chaque se- maine.

Les membres prennent l'engagement solennel de commencer toutes leurs entreprises, ou de se mettre en voyage le vendredi, préférablement à tout autre jour.

La fête de l'Ordre se célèbre le i3 e vendredi de chaque année.

Avant de se mettre à table, ils font tourner leur chaise sur l'un de ses pieds, et se plaisent à renverser les salières : proba- blement qu'ils ont aussi le soin de tourner le pain à l'envers.

Ce qu'il y a d'horrible à penser, c'est qu'en i858, après une année d'existence, les treize associés jouissaient d'une santé ro- buste; la foudre avait épargné leur tête, et aucun d'eux n'avait fait naufrage.

Ce n'est pas tout, ajoute le journal la Gironde ; ils ont des membres correspondants, et ils accordent ce titre de plein droit à toute personne réputée pour avoir le mauvais œil.

Quiconque est atteint de ce mal peut produire sur ceiui qui


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le regarde des effets étranges et terribles; il n'y a qu'un moyen de les conjurer,, c'est de présenter au mauvais œil le petit doigt et l'index de chaque main en pliant les autres doigts. On dit que des hommes hauts placés croient au mauvais œil; on sait des artistes de talent qui passent pour avoir cette terrible fa- culté; eh bien! ils sont de droit membres correspondants de la Société des Treize.

Nous n'avons pas besoin d'ajouter que Balzac a imaginé une Société des Treize, et il a raconté un épisode fort dramatique de la carrière orageuse de l'un de ces associés (Ferragus, chef des Dévorants) dans une de ses productions les plus puissantes.

TRIANON ET DE CHOISY (Théâtre de). La dauphine Marie Antoinette, le comte de Provence et sa femme, le comte d'Artois, nouvellement marié, et sa femme,, formèrent une so- ciété intime et cherchèrent à donner un peu de mouvement à la monotonie de leur existence, au milieu d'une cour où l'on s'en- nuyait beaucoup. Les trois jeunes ménages s'aimèrent de la plus grande amitié; les jeunes femmes allèrent jusqu'à réunir leurs repas en un seul, et sympathisèrent cordialement. On résolut de jouer la comédie.

La petite troupe de Trianon se composa des trois princesses, d'abord; des comtes de Provence et d'Artois ensuite, puis de MM. Campan père et fils, que leur service avait forcément mis dans la confidence.

On décida qu'on apprendrait et jouerait les pièces du Théâtre- Français.

On voulut d'abord cacher la chose au Dauphin; mais on avait besoin d'un public; il fut élu à l'unanimité et tint lieu, à lui seul, des loges, des galeries et du parterre.

On joua, pour dernière représentation, les Folies amou- reuses.

Quand la Dauphine fut reine, le goût du théâtre lui revint. Dans les petits voyages de Choisy, il y avait spectacle deux fois dans la journée. A l'heure ordinaire, opéra, comédie française


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ou italienne, et, à onze heures du soir, un public favorisé ren- trait pour entendre des représentations plus gaies: des parodies, parades, etc., exécutées par Guimard et les premiers acteurs de l'Opéra.

Après la suppression des dispendieux voyages de Marly , la reine fit adopter Trianon pour effectuer son projet de jouer la comédie. Quelques semaines après son installation à Trianon, les répéti- tions et représentations de la comédie et de l'opéra-comique commencèrent. Sedaine eut les honneurs de l'ouverture du théâ- tre ; on débuta par le Roi et le Fermier, et la Gageure impré- vue. Jamais plus augustes acteurs ne se présentèrent devant un auditoire plus noble et plus imposant. La reine jouait Jenny dans la première et la soubrette dans la seconde. Le comte d'Ar- tois remplit le rôle de valet dans une pièce et de garde-chasse dans l'autre. Sa mauvaise mémoire et sa manie d'improvisation empêchaient qu'on lui confiât des emplois importants.

Voici une affiche à la main de cette représentation :

Les Comédiens ordinaires du Roi donneront, etc., etc., etc.

Personnages. Acteurs.

Le Roi, MM. le comte d'Adhémar.

Richard, le comte de Vaudreuil.

Un garde, le comte d'Artois.

Jenny, la Reine.

Betzy, Mmes la duchesse de Guiche (i).

La Mère, Diane de Polignac (2).

Les mêmes acteurs donnèrent ensuite : On ne s'avise jamais de tout, et les Fausses infidélités, de Barthe. Ils réussissaient mieux dans l'opéra, grâce à l'entraînement de la musique, que dans la comédie, qui restait un peu froide et pénible.

Les maîtres et directeurs, pour l'opéra, étaient Caillot et Ri- cher, et pour la comédie Préville et Dazincourt; Préville ayant beaucoup d'occupations, on lui adjoignit Fleury comme surnu-

(1) Fille de Mme Jules de Polignac.

(2) Elle était chanoinesse.


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méraire. Ce dernier mit en scène le Barbier de Séville. Le ré- pétiteur, souffleur, ordonnateur-général des détails^ fut le beau- père de Mme Campan.

La reine était gracieuse, intelligente et fort bien en scène. Elle avait pour triomphe Biaise et Babet , les Deux Chasseurs et la Laitière; personne ne portait avec plus d'aisance le cruchon de lait de Perrette. Aux répétitions, elle était la meilleure cama- rade du monde, rieuse de ses gaucheries, et recommençant au- tant de fois qu'il le fallait, pour le bien de l'exécution. Il y avait certaines répétitions que le roi n'aimait pas. C'était lorsqu'il y avait un baiser à donner ou à recevoir. Ces choses se font tou- jours bien auxlumières, disait-il; il n'est pas besoin de les essayer et surtout d'y revenir souvent. D'après ces observations, et dans la crainte de voir arriver son veto sur les représentations, on passa dorénavant les baisers qui furent donnés et reçus en blanc.

Au commencement on a vu que Louis XVI composa à lui seul tout l'auditoire; dès que les acteurs furent plus exercés, ils cherchèrent plus de suffrages. Les spectateurs furent portés au nombre de quarante ; bientôt on eut un véritable public. Les officiers des gardes-du-corps et les écuyers du roi entrèrent les premiers ; puis vinrent les officiers des princes; enfin, on donna des loges grillées à des personnages de la cour, on invita des dames, et la salle finit par être trop étroite.

L'élégant, le chevaleresque, l'aimable comte de Vaudreuil était l'âme de la troupe de la reine: c'était l'amateur le plus renommé de France pour jouerla comédie de société ; on l'appelait le Mole de Trianon.

Un joli tableau du musée de Valenciennes, peint par Louis WatteaUj en 17.. représente les nobles acteurs du théâtre de Trianon dans une partie du jardin. On y distingue le duc d'Or- léans, le comte d'Artois, etc.

TR1NCARDINE (Société). Réunion épicurienne qui exis- tait à Coulommiers vers le commencement du règne de Louis XV. On donnait aux récipiendaires des lettres ou diplômes en latin.


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Une d'elles a été publiée dans un journal consacré à la littérature latine, Y Hermès romanus, qui a vécu à Paris de 1816 à 18 19; elle est datée de l'an 5476 du comput tricardin qui a Noô pour point de départ, ce qui correspond à 1732; la lettre que publie V Hermès (tom. II, p. 423) est adressée à M. Thierry Duplessy qui, après avoir rempli des fonctions diplomatiques dans le Levant, vint mourir à Coulommiers. Elle est trop longue pour être insérée ici en entier. Nous nous bornerons à en citer le début et à reproduire quelques lignes :

« Universis Trincardinis, praesentes litteras inspecturis, et audituris, salutem in Baccho, sitim et argentum.

« Cunctis honoribus privilegiis, prœminentiis, reditibus, émoluments, huic dignitati annexis et super arenas Maris Rubri atque Archipelagi nebulas assignatis.

« Ipsi addita facultate et licentia TRINCANDI, potandi, bibendi, ridendi, jocandi, ludendi, saltandi; nec non in diver- soriis et popinis quotidie (si lubet) sumptibus suis peregrandi, et ibi linguas bubulas suillas et vervecinas explicandi, caetera denique faciendi quae ad verum et indubitatum Trincardinum spectant atque pertinent.

« Juramenta ad hoc solita super amphoram débite praestita. »

TRINOSOPHES (Les). 18 18-28. Extraits du livre d'or, séances des Trinosophes de 1821, 22 et 23, pièces revêtues des signatures originales Mangourit, Lecouturier, Marc, Vassal, Branety Baudré, Lerouge, Drapier , &c.

Il y eut un parti fédératif des grands chevaliers élus K. H. du Phénix, des Trinosophes, des Sept-Ecossais réunis, d'Isis, et des commandeurs du Mont-Thabor, à Paris, en 1821.

Loge de Paris dont Lerouge avait 3i pièces de 18 18-1828.

TRIPOT (Le). La société littéraire de Milhaud (près de Nismes), dit leTripot, est indiquée dans la France littéraire de 1769, p.io5. Il en est parlé pag. 74-79 de F Abrégé de l'histoire de Nismes: Nismes, iyS3, in- 12.


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TROUBADOURS MODERNES (Les). De tout temps les Français ont chanté ; ils ne s'en abstenaient pas même dans les époques calamiteuses. Dans les troubles de la Fronde, ils chan- sonnaient le ministre et la cour, ce qui faisait dire à Mazarin : cantaran, pagaran: ils chantent, ils paieront; c'était tout ce que voulait l'adroit Italien, aussi se laissait-il volontiers mettre en couplets parles Parisiens, il les retrouvait à l'impôt et le peu- ple finissait par payer les violons. Durant les malheurs de l'émi- gration, une partie de la noblesse française, qui avait tout perdu, et qui se trouvait loin de sa patrie, trouvait encore le moyen d'égayer le bivouac de l'armée de Condé par des chants cheva- leresques et galants. D'abord, chacun de temps à autre et isolem- ment, pour se distraire sur la terre étrangère, rima quelques couplets; puis on les redit en petit comité dans les moments de loisir dérobés au tumulte des camps et aux fatigues de la guerre; puis enfin on s'assembla et l'on travailla en commun. Telle fut l'origine de la société littéraire fondée à l'armée de Condé sous le titre des Troubadours modernes. Ceci se passait en 1796; M. du R._, qui a eu la modestie de cacher son nom, fut nommé secrétaire de cette compagnie de poètes guerriers; M. de T. D. lui succéda en cette qualité en 1797. Les autres principaux membres de cette association furent M. le chevalier de Que- relles; M. de Pelport, auteur d'un poème sur la défense de Maëstricht par MM. les gentilshommes français en 1793; ce membre quitta la société et l'armée de Condé pour aller à Phila- delphie rejoindre sa sœur; M. Duc... (Duchilleau ?) ; M. de V... (Villem ?) auteur tf Estelle de Mont fort, drame lyrique ; M. de Tezmonville et M. de B. de la N..., tous deux chasseurs nobles de la compagnie n° 16; M. de G***, chasseur de la compagnie 17; enfin cette société avait pour protecteur M. le comte de Ch... M., Maréchal de camp à l'armée de Condé, traducteur de Mé- tastase en vers français.

Le 19 mai 1796, toute la société littéraire fut reçue avec armes et bagages au château de Rusth, en Brisgaw, chez le baron de Bœcklin, qui était à la fois guerrier, poète et musicien; là,


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comme on le pense bien, il y eut un feu roulant de vers, de bons mots et de couplets. 11 en arriva autant au camp de Steinstad^ à Hombourg, et dans toutes les stations que fit l'armée dans le Brisgaw.

Le recueil des pièces composées ainsi par la société en cou- rant et en se battant^ fut imprimé sous le titre de : Les Trouba- dours modernes jOti Amusemens littéraires de V armée de Condé. A Constance, 1797, in-8, de xvi et3o3 pp. avec un frontispice gravé représentant l'écu des rois de France_, brisé en deux pièces rapprochées par Apollon et Mars avec cette devise : Sicrestituta vigebunt. Au second plan, la foudre tue le démon des révolu- tions qui est terrassé et vaincu. Il est inutile d'ajouter que la souscription de Constance, comme lieu d'impression_, est une allusion aux sentiments de fidélité à la royauté qui animaient les auteurs du recueil. Tout l'ouvrage respire le royalisme le plus exalté ; il est bien entendu que les armées françaises sont composées de traîtres et que la fidélité la plus sûre ne se trouvait qu'à l'armée de Condé. La situation politique toute particulière dans laquelle se trouvaient les jeunes poètes auteurs du recueil, explique les exagérations des modernes Troubadours.

TROUBADOURS DE MARSEILLE(Société des). Il existe un volume difficile à rencontrer aujourd'hui : Année lyrique des Troubadours de Marseille. A Marseille, de l'imprimerie de Mossy, 181 1_, in- 18 de 255 pages. Il a pour épigraphe :

Libero patri, Musis, Gratiisque decentibus.

On annonçait que cette Année lyrique paraîtrait tous les ans au mois de décembre; nous n'avons jamais vu que cette i re année.

Troubadours résidants (en 181 1) :

MM. 1. Jacques-Joseph Chaix;

2. A. Desmoulins;

3. Louis Dudemaine;

4. Louis Jossand;


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5. Fortuné Marie;

6. Pierre Massot;

7. François Negrel;

8. Antoine de Pascalis ;

9. Louis de Permon ;

10. Alphonse Rostan ;

11. H. -J. -Casimir Rostan;

12. Arsène Séjourné;

i3. A.-L. Esprit de Sinety; 14. Léon Templier (notaire impérial); i5. A. -Claire Thibaudeau (alors préfet). Troubadours associés : MM. le baron de Stassart, préfet de Toulouse ;

Martignacl membres de la société épicurienne de Bor- Duranteau) deaux;

Vincent de Saint-Laurent, secrétaire perpétuel de l'Aca- démie de Nismes; Bérenger, de Toulon, auteur des Soirées provençales; Pierre Doranje, de Marseille, résidant à Paris; Etienne Michelet, de Marseille, à l'armée d'Espagne. Le règlement général de la Société des Troubadours de Mar- seille, rédigé par MM. de Permon_, Marie, Dudemaine fils et Casimir Rostan, fondateurs de la société > est composé de 26 ar- ticles formant un pot-pourri en autant de couplets, tous sur des airs différents, en commençant par celui des Pendus. Il est signé de Permon, président.

On y voit que ce fut le 6 décembre 1809 que la société fut fondée en une séance bachique. On s'y rangea sous le drapeau de Momus. Quinze membres résidants forment la société; on y join- dra des correspondants. Le premier mercredi de chaque mois la compagnie se réunissait à déjeûner chez le traiteur Sibelleau. La société était régie par un roi qui changeait tous les trois mois. Le roi avait la police des séances, qui n'étaient que des banquets; il ordonnait aux mutins de boire un verre d'eau, et il lesamandait d'un rondeau ou d'une chanson au besoin. L'ad-


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ministration des fonds de la société était livrée à un intendant (M. Dudemaine), exerçant aussi les fonctions d'archiviste; il contre-signait les brevets, et tenait la correspondance. Les qua- tre fondateurs (de Permon, Marie, Dudemaine fils et Casimir Rostan), aidaient toujours le roi dans le gouvernement de la société. La fête de la société se célébrait le jour de l'Epiphanie. Chaque troubadour pouvait amener un ami à chaque banquet ou séance, après présentation préalable au roi troubadour et à l'intendant.

Chaque troubadour apportait une chanson au banquet ou à la séance. Le sort désignait à chacun le sujet de la chanson. A la fin de chaque repas on mettaitdans une urne ou un chapeau autant de mots qu'il y avait de convives, et ceux-ci tiraient au hasard le mot qui devait servir de sujet de chanson pour la séance suivante. M. le baron de Stassart dut chanter un jour sur le mot amphytrion. Il traita l'histoire d'Amphytrion d'une ma- nière plaisante et en forme de pot-pourri moral qui commence sur l'air des Folies d : Espagne et finit sur celui àeTriste raison, j'abjure ton empire, par la moralité suivante :

« Il faut, amis, bien choisir ses modèles;

« Qyf Amphytrion soit le vôtre en tous lieux.

« Quand vos moitiées vous seront infidèles,

« Tout comme lui, rendez-en grâce aux Dieux. »

M. Thibaudeau Jraita fort gaîment les sujets suivants : le Fa- got, la Lettre, le Notaire.

M. Chardon, de Toulon, associé, M. de Sinety, qui, à cause de ses 71 ans, n'osait se dire troubadour, firent aussi de jolis vers.

M. de Martignac, de Bordeaux, avait reçu du sort la mission de chanter le Crayon ; il s'en acquitta ainsi :

LE CRAYON.

Mes très-chers frères de Provence, Quel beau présent vous m'avez fait ! J'éprouve une reconnaissance Aussi grande que le bienfait:


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J'aurais pourtant droit de me plaindre D'une légère omission ; Vous deviez donner l'art de peindre, En même temps que le crayon.

Vous voulez que ce crayon trace Non des tableaux, mais un couplet ; Son trait incertain qui s'efface Remplira fort bien votre objet. Dans tous les temps on doit vous lire, Et vous avez avec raison Gardé le burin pour écrire Et laissé pour moi le crayon.

Mais que chanter? sont-ce nos drames Qui font accourir tout Paris ? Est-ce la vertu de nos dames ? Est-ce la rigueur des maris ? Est-ce la profondeur des vues Des politiques de salon ? Pour des vérités si connues, Dois-je donc tailler mon crayon}

Frondant des travers trop funestes, Tenterai-je en des vers glacés, De rendre les auteurs modestes, Et les petits-maîtres sensés ? Dirai-je aux savans que l'étude Précède l'érudition ? Contre le roc de l'habitude J'irais ébrecher mon crayon.

J'ai toujours haï la satire, Elle décèle un mauvais cœur ; - Je ne sais pas, pour faire rire, Blesser le repos ou l'honneur : De quelqu'histoire scandaleuse Qu'un autre fasse une chanson; Sur une langue venimeuse, Je ne mouille pas mon crayon.


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Cette pièce était accompagnée de l'envoi suivant:

Je ne suis, hélas ! qu'un prophane; Mais quand des vers j'aurais le don, Dans l'antre affreux de la chicane, Adieu la rime et la raison. Mon esprit s'use et se consume Dans de tristes et de longs débats, Et Ton sait que quand on le plume, L'oiseau crie et ne chante pas.

Mais pour un moment je respire, Grâce à vous, charmans troubadours ; Contre le diabolique empire Prêtez-moi longtemps vos secours ; Que ses clameurs soient étouffées, Sous le charme de vos concerts ; C'est par la lyre des Orphées Que l'on est tiré des enfers.

TROYENS (Chevaliers). Au XVII e siècle, il se forma en Angleterre une société bizarre : C'était Y Ordre des Chevaliers Troyens. Son fondateur fut un voyageur nommé Bage, qui le conféra sur les ruines de Troyes, à l'un de ses compagnons de voyage, Thomas Coryat, qui prit le titre incontesté de premier anglais créé chevalier Troyen. Après sa réception sur les bords du Simoïs dans un Ordre dont il fut certainement le premier et le seul chevalier, Coryat improvisa un discours où il raconte fort gravement les détails de cette cérémonie.

Coryat était un personnage excentrique qui parcourut, à pied en grande partie, les Pays-Bas, la France, la Savoie, la Suisse, une portion de l'Allemagne, la Turquie; il alla même jusque dans l'Inde. Ce fut au commencement du XVII e siècle qu'il accomplit ces longs et périlleux voyages. Il en publia la relation en 161 1 sous le titre de Crudities, en un volume in-4 devenu rare et cher, mais qui a été réimprimé en 1776, 3 vol. in-8°. Le style est bizarre et les idées souvent originales.

Une publication périodique fort estimable mais qui a mal-


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heureusement cesse de paraître, le Rétrospective Review,con- sacra : (tom. VI. p. 206-224) une notice à ce courageux touriste.

TROYES (Académie de). Histoire sérieuse d'une Académie qui ne l'était pas. Paris, Guiraudet etJouaust, 1848,, in-8° de 16 pp. (Extr. du Journal de V Amateur de Livres, et tiré à part à 3o ex. pour l'auteur).

M. le docteur J. F. Payen, bibliophile zélé et bien connu par le culte qu'il a voué à Michel Montaignej est l'auteur de cettedis- sertation sur la prétendue Académie de Troyes inventée par Grosley. Il décrit les éditions des Mémoires de cette Académie; il donne ensuite l'indication de quelques pièces détachées qui s y rapportent, et finalement cherche à découvrir les auteurs de ces bouffonnes dissertations réunies sous le titre de : Mémoires de V Académie des sciences , inscriptions, belles-lettres, beaux- arts, etc. nouvellement établie à Troyes en Champagne. Troyes et Paris, Duchesne, 1756, 2 tomes en 1 vol. pet. in-8.

Grosley, avocat, né à Troyes, mort en 1785, âgé de 67 ans, composa cette facétie avec Lefebvre, son parent, son ami et sou- vent son collaborateur. Cette plaisanterie est une collection de dissertations, réflexions, mémoires" sur des sujets ridicules ou puériles, satire ingénieuse, spirituelle et ironique de la gravité souvent burlesque avec laquelle des académies plus célèbres discutent sur des questions souvent tout aussi peu importantes que celles qui semblent occuper la prétendue Académie de Troyes.

Grosley décrit ainsi dans ses Mémoires l'origine de l'Acadé- mie de Troyes {Vie de Grosley, écrite en partie par lui-même, continuée et publiée par l'abbé May dieu. Londres etParis, Th. Barrois, 1787, in-8^ page 21 et suiv.) * Il s'étoit formé àTroyes^ vers l'an 1740 une société qui n'avoit pas pris, mais qui avoit agréablement reçu le titre d'Académie. Lefebvre étoit de cette Académie. Nous lui proposâmes David et moi, de la faire parler; ce qui donna lieux aux mémoires qui ont été depuis imprimés. Les recherches et le travail fondamental se faisoient entre nous


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trois dans mon cabinet. Les discussions se faisoient le soir dans les promenades et dans les rues, que nous courrions souvent jusqu'à deux heures après minuit, plus occupés à resserrer et à modérer la plaisanterie, qu'à l'étendre et à l'aiguiser. Je jetoi sur le papier la première dissertation, qui fut revue en particu- lier et en commun, et ensuite arrêtée et donnée au public. Les autres dissertations furent travaillées de même, chacun traitant en particulier les parties qui étoient le plus de son goût.

«David, le plus paresseux de tous les hommes, fournissoit au travail avec l'ardeur de l'homme le plus laborieux ; et lorsque nous eûmes pris le parti de faire part au public des Mémoires de l'Académie^ en gardant le plus exact incognito, David, pour faciliterPexécution du dessein, s'apprit àécrire de lamain gauche, se fit une écriture aussi belle et aussi légère que son écriture ordinaire étoit maigre et chiffonnée, et passoit les nuits à la tran- scription de deux ou trois copies que nous jettions ensuite sous quelques portes. Le secret, exactement gardé, accompagna notre travail- pendant toute l'année qu'il dura.

«A mesure qu'il se répandoit dans le public il étoit examiné, apprécié, jugé, et communément regardé comme plat et mau- vais. Nous étions les premiers à le juger sinistrement, excepté devant Jeanso'n, notre ami commun, sur le compte duquel nous le mettions, et qui étoit d'autant plus embarassé à s'en défendre, qu'il le jugeoit mieux que le public troyen.

«David nous servoit aussi par les ambassades à visage décou- vert: il osa en pleine rue et en plein jour remettre au docteur Billebaut la réponse que faisoit en grec à sa lettre latine le mé- decin de l'Enclos près Bar-sur-Seine (Vander Back, marchand d'urine)... Nous donnâmes, de l'imprimerie de Lefebvre, la première édition des Mémoires. ..Nous ne pûmes en vendre que quatre exemplaires à Troyes qui devoit en être le principal dé- bouché. Le cousin Lefebvre proposa à un de ses amis, M. de Verrières, poète à Paris, de se charger de la vente de toute l'édi- tion :1e poète s'en chargea, eut le débit le plus heureux, et mou- rut insolvable»... Grosley s'étend sur les malheurs pécuniers de


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cette entreprise dont la charge lui tomba sur les bras. Lefebvre, quittant Troyes pour s'établir à Paris, y donna une nouvelle édition en deux volumes. Paris, Duchesnè, ij56, in-i2)avec des additions de son cru. Il fit aussi imprimer une lettre sur les Mémoires de V Académie de Troyes-, Amsterdam [Paris) 1765, in- 12 de 19 pages. Opuscule tiré à 12 exemplaires si Ton en croit l'abbé Goujet.

Grosley réimprima le tout en y joignant une dissertation sur les fous, que, suivant quelques écrivains, la ville de Troyes devait fournir au roi de France; il intitula ce volume : 3 e édi- tion, corrigée et complétée (Sineloco) M. DCC. LXVIII, in-12 de 343 pp.

La prétendue Académie de Troyes devait ne compter que sept membres. M*** ayant désiré en être, ce savant écrivain y fut admis le 9 mars 1743 et y prononça un discours qui fait partie des Mémoires. Chaque membre prenait le titre del'ww des sept.

Les Mémoires de l'Académie de Troyes ont été parfois classés parmi les travaux sérieux de sociétés savantes. Nous rencon- trons un exemple de cette méprise étrange dans le catalogue im- primé des livres formant la bibliothèque de la ville de Bordeaux (i832, in-8) Histoire, page 743, n° 8212.

TUGNY (Société dramatique du château de). Le baron de Thiers, le plus aimable des millionnaires, fils du fameux Cro- zatj si connu par ses richesses, son goût pour les arts et son bon- heur dans les affaires, était propriétaire du beau château deTu- gny, près Rhétel-Mazarin, auquel il se rendait toujours accom- pagné de plusieurs centaines de personnes. Pendant sa résidence à Tugny, où il avait un théâtre, on donnait spectacle trois fois la semaine. On y représentait la tragédie, la comédie, l'opéra- comique, et l'on abordait même les ballets. Les acteurs étaient pris parmi ses familiers, ses vassaux et ses gens. Pendant l'hiver il faisait donner dix sous par jour aux jeunes paysans et paysan- nes qui venaient prendre des leçons : on y montait les ballets, et on y exerçait les chœurs; puis à la saison des représentations on


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mettait au grand jour de la publicité tous ces talents populaires éclos dans l'ombre.

A l'exception des loges réservées à sa société, le baron de Thiers accordait indistinctement l'entrée de la salle de spectacle de son château à tout le monde, et les bourgeois de Rhétel qui, certes, n'étaient pas blasés sur les plaisirs dramatiques, s'esti- maient heureux d'assister aux représentations qu'il donnait.

Un jour que l'on jouait Zaïre, à Tugny, Orosmane se fit beaucoup attendre ; l'impatience gagnait les spectateurs qui n'o- saient siffler par respect, mais qui n'en murmuraient pas moins tout bas. Le baron qui s'en aperçut, dit de sa loge qui était sur le théâtre : « Messieurs, je vous demande bien pardon pour Oros- « mane ; mais cet acteur est mon cuisinier, et il est allé voir l'état « des broches. » C'est qu'en effet, M. de Thiers recevait tout son monde avec tant de grandeur et de générosité, les maîtres au château, et les valets et femmes de chambre dans un vaste bâti- ment appelé gr 'and- commun , où tous avaient bonne table et logement commode, qu'il fallait un grand état de cuisine pour satisfaire à tout, et que certainement l'Orosmane, chef des infi- dèles et des marmitons, devait être l'homme le plus occupé de la troupe.

La baron de Thiers eut la fantaisie de se marier pour laisser ses grands biens à quelqu'un de son sang; il ne voulait pas de fortune, mais il désirait épouser une personne bien née; on lui déterra une cadette de Montmorency n'ayant que 6,000 fr. de revenu et qui désirait vivre aussi grandement que les premiers barons chrétiens, ses nobles parents. Toute la lignée jeta les hauts cris, dit-on, au premier bruit de cette alliance. Une assemblée de famille eut lieu pour empêcher le plus pur sang de France de s'encanailler. Mlle de Montmorency posa ce dilemme : « Je n'ai ni le goût ni la vocation de me faire religieuse ; pour vivre ho- norablement dans le monde il me faudrait 20,000 livres par an ; je n'en ai que 6,000 ; voyez entre vous à me faire la somme et je renonce à l'établissement proposé. » On parla beaucoup, on dis- cuta longtemps et l'on se sépara sans avoir rien fait. Le mariage


TUG 2 5 9

eut lieu. Les noces se firent avec la plus grande .magnificence, et au retour de la belle saison le baron de Thiers et sa jeune moi- tié se rendirent à Tugny où l'on joua force comédies et opéras.

Le baron de Thiers fit secrètement abattre le pauvre manoir de sa femme qui fut remplacé par un château bâti sur un nou- veau plan et meublé magnifiquement. 11 acheta sous main les terrains qui joignaient ce domaine et réunit trente mille livres de rente à la terre primitive. Puis quand tout fut bien disposé, il proposa à la baronne de faire un voyagea Thiers en Auvergne et de revenir par sa terre située en Normandie. Sa femme s'en excusa beaucoup en disant que son bien était dans une situation déplorable et hors d'état de leur offrir un asile. Le baron insista en répliquant que c'était égal et que les chevaux les mèneraient plus loin s'il le fallait. Bon gré mal gré il fallut arriver au châ- teau. — Tout était prêt, on n'attendait que les maîtres. A l'ap- proche des voitures, le bailli vint complimenter la baronne ; les jeunes filles présentèrent des fleurs; les garçons tirèrent des coups de fusil; le château était splendide; un nombreux domes- tique et les gardes se trouvaient sous les armes. Douze jeunes filles du village furent dotées et mariées à cette occasion, et l'on traita toute la commune. La baronne se croyait dans le pays des fées et était dans le ravissement. Son mari la pria de lui faire les honneurs de chez elle ; il approuvait tout, trouvait l'ameuble- ment exquis et s'étonnait du refus de sa femme de le conduire dans sa terre. On peut juger combien celle-ci fut sensible à tant de délicatesse. Le plébéien anobli, qui avait su exécuter ce char- mant coup de théâtre, avait alors à ses yeux bien des quartiers de noblesse d'âme.

Mlle de Thiers, leur fille, épousa le duc de Béthune-Pologne et lui porta le château de Tugny et toutes ses richesses.

Le baron de Thiers, brigadier des armées du Roi, dernier des Crozat, mourut le i5 décembre 1770. Il était père de la maré- chale de Broglie et oncle de la duchesse de Choiseul. Riche comme tous les Crozat il possédait une galerie de tableaux presqu'aussi belle que celle du Palais-Royal, Il en avait quatre cents au moins


26o USU

dont cent supérieurement beaux. Il avait aussi des portefeuilles précieux de dessins originaux des plus grands maîtres d'Italie. Le cabinet de Crozat, ou du moins une partie de ses richesses, a été gravée.



NION (L') ET LES FRÈRES D'APOLLON. En 1734, les Chevaliers de V Union furent établis à Vienne, en Dauphiné. Cette association est- elle la même que celle dont parle Moet (p. 44 de son Antropophile, ou Secrets et Mystères de V Ordre de la Félicité, 1746, in- 12), sous le titre de Frères de V Union ? « Les beaux-arts, dit-il, étaient leur principe, et la musique principalement ; on s'assembloit dans ce dessein; mais, dès qu'on étoit ensemble, on oublioit les statuts, et Bacchus seul étoit le commencement, le nœud et la fin de chaque assemblée. Les étuis des instruments faisoient le concert ; pour les musi- ciens, ils les laissoient tranquilles; on se retiroit comme on étoit entré, à la raison près. Beaucoup d'honnêtes gens à qui ce genre de viedéplaisoit n'y ont point retourné, et l'Ordre est actuelle- ment dans le néant.

« Sur ses ruines s'est élevé Y Ordre des Frères d'Apollon. Ilsontbien commencé (je souhaite ne pas être trop clairvoyant), ils finiront mal : je veux dire, ils finiront comme les autres. y>

Selon nous, les Frères de l'Union et les Frères d'Apollon, qui en sont dérivés, devaient habiter Paris et non Vienne en Dauphiné.

USURIERS (Confrairié des). Association imaginaire à l'é- gard de laquelle nous possédons une patente que nous allons reproduire:


USU 261

En tête, l'image de Mercure, tenant un caducée d'une main, une bourse de l'autre.

Patente d'usurier. Nous, descendant de l'illustre Saint Mat- thieu, patron du sublime corps des Usuriers et Préteurs sur gages, voulant récompenser d'une manière éclatante les services rendus à notre Ordre respectable par M. ; en

notre qualité de Grand-Maître, le nommons inspecteur en chef dans le département d à charge, par lui, de ne

prêter d'argent, suivant sa louable habitude, qu'à un intérêt exhorbitant et capable de décupler ses fonds en moins de six mois; de ne jamais accorder un écu sans être garanti par un dépôt représentant au moins dix fois la valeur; d'être sourd aux larmes des malheureux que le besoin aura fait recourir à lui; et enfin de propager et faire adopter, par les moyens qu'il croira les plus propres, l'inappréciable méthode qui l'a guidé dans toutes ses actions, méthode à laquelle il doit d'immenses capi- taux, ainsi que le Brevet que nous lui accordons aujourd'hui.

Ordonnons à tous les usuriers, tant de première quede seconde classe, de le reconnaître pour leur chef et de lui rendre les hon- neurs dus à l'éminent emploi dont il est chargé.

Délivré en notre Palais de la Juiverîe, à Jérusalem, le sous notre contre-scel, (représentant un vautour,)

Isaac VOLE-EORT, Grand Usurier; Par le Grand Usurier,

Jacob PREND-TROP, Secrétaire. A côté de ces noms la figure d'un vautour.



262 VAL


ALETS ou VARLETS (Confrérie des). Festum Valletorum, id est Juvenum et ineptorum, selon l'explication de Charpentier : ce Comme d'ancien- neté^ il est en la ville de Donnemarie-en-Montois en Brie,, une confrérie appelée la F este aux Valets, laquelle est faite par chacun, au dimanche le plus prochain après la Saint- Denis.» La même fête était chômée àDontilli(i) sous le nom de Feste du baston de Saint-Pierre. Des actes du quatorzième siècle en font foi, mais nous ignorons ce qui s'y pratiquait; voir le Glossarium nQvumde Carpentier au mot Festum. Nous em- pruntons ces détails à M. Leber {Collect. de dissertations sur Vhist. de France , t. IX, p. 238).

VALMUSE (Le). A la fin du siècle dernier, il se forma dans le nord de la France quelques-unes de ces sociétés poétiques, sous des noms empruntés à leurs occupations favorites ou au lieu où elles tenaient leurs séances, à l'instar des Académies Italiennes. C'étaient de vieux restes des Chambres de Rhétori- que flamandes, et le dernier écho des Puys d'amour et des Puys verts de l'Artois. Au nombre de ces sociétés on distingue celle des Rosati d'Arras, et l'Académie bocagère du Valmuse; la. pre- mière est assez connue pour que nous n'en disions rien, la seconde l'est moins et mérite une pension spéciale.

La ville de Douai après avoir vu naître dans son sein et dans ses environs la Confrérie des Clers Parisiens et le Banc poé- tique des seigneurs de Cuincy, devait aussi voir fleurir autour d'elle V Académie bocagère du Valmuse. Le Valmuse était une jolie maison de campagne que M. de Wavrechin avait permis à M. Roman de bâtir dans sa terre de Brunemont, sur les bords de la Sensée, entre Douai et Cambrai, et qui donna son nom à une société anacréontique que cet aimable poète y a formée.

(i) Arrondissement de Provins (Seine-et-Marne).


VAL 2 63

Voici à quelle occasion : Madame de Wavrechin avait un per- roquet chéri qui mourut ; on lui éleva un mausolée à la cam- pagne : et tous les poètes de la banlieue voulurent chanter les vertus et les grâces de Jacquot. En assemblant toutes ces pièces devers, les unes sérieuses, les autres badines, on connut les richesses poétiques de la contrée. Le spirituel abbé Roman au- teur, eut l'idée de les réunir, et il inculqua dans la tête de M. de Wavrechin la pensée de faire bâtir, dans un des plus jolis sites de sa terre, un lieu de plaisance pour y rassembler les poètes et poétesses qui, dans la circonstance un peu puérile que nous venons de signaler, avaient fait preuve de talent et d'amabilités Cet endroit fut appelé Valmuse, et les membres de l'académie établie dans ce vallon poétique se nommèrent Valmusiens et Valmusiennes. On les désignait aussi sous le nom de Bocagers et de Bocagères, parce que chacun d'eux avait dans le Valmuse un arbre qui lui était dédié et qui portait son chiffre ou son nom ; en revanche le membre de la Société signait ses vers du nom de son arbre, et il était défendu de l'interpeller autrement que par son titre de Valmusien. Ainsi., l'un s'appela le Figuier, l'autre le Coudrier, le Palmier, le Myrthe ou le Rosier ; on voyait aussi dans la liste des admis, les noms inscrits de Cor- nouiller, Sureau, Chêne, Mezeréon, Lilas, Seringat, Charme, Frêne, Chèvrefeuille, Oranger, Cerisier, Aubépine, Osier, Buis et Noyer, et ces arbres se retrouvaient en effet dans l'avenue de Valmuse. M. de Neuflieu, lieutenant-colonel du génie à Douai, brave militaire qui n'avait rien de piquant, et qu'on savait très- bien par quel bout prendre, signait le Houx, et Le Gay y d'Ar- ras, l'auteur doucereux des Souvenir s 3 n'était connu que sous le nom du Pécher. Au reste, tous les sociétaires, cavaliers et dames, paraissaient gens de bonne compagnie, bons vivans et passant gaîment leur tems ; après les plaisirs de la table, qu'on tint toujours en Flandre au rang des premiers devoirs, la poésie légère et les exercices champêtres étaient leurs principaux amu- semens; ils s'occupaient aussi beaucoup de botanique et de chasse.


264 VAL

Il nous reste peu de pièces de l'Académie bocagère du Val- muse; ses mémoires, en feuilles fort légères, comme on le pense bien, s'envolèrent comme celles de la Sy bille, au premier vent qui troubla l'air tranquille du vallon. Beaucoup de vers de ces académiciens-arbustes n'eurent même pas les honneurs de la transcription et se perdirent dans les airs avec le son de la voix qui les chantait. Cependant nous avons retrouvé un diplôme de Valmusien, conservé dans Mes Souvenirs 3 par Le Gay- Pécher. (Caen, 1788, in-18. Tome I er , pag. 148); il est rédigé par M. Roman :

Diplôme de Valmusien.

Nous, fondateur de Valmuse, ou Sur l'escarpolette volage, Sur le plus joli cassecou, Tout agrégé, selon l'usage, Doit se démener comme un fou Pour mériter le nom de sage, Permettons qu'au mois de Mai Vienne à son tour y prendre place Cet original de Le Gay,


Par une jeune Bocagère Nous avons fait graver son nom Sur le Pécher où Cupidon Pour les favoris de Cythère Va multipliant le téton, Le joli téton de sa mère.

Fait au Valmuse, où sans façon Nous faisons siéger la folie Sur les genoux de la raison. (Signé) Roman et son Académie.

La pièce la plus importante qui nous reste de la société ana- créontique qui nous occupe, est intitulée : V 'Académie bocagère du Valmuse, poème, 1789. Par M. B** de N** L.-G. au C.-R du G. (Benoist de Neuf lieu, lieutenant-colonel au corps royal du génie). Au Mont-Parnasse, chez les Neuf-Sœurs. {Douai,


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J.-P. Derbaix neveu), in-8 de 32 pages. C'est l'histoire envers de l'Académie, écrite par celui de ses membres qui signait le Houx. Il termine ainsi son poème, devenu aujourd'hui fort rare, même à Douai; on y voit que la société de Valmuse ne dédai- gnait pas dans ses jeux les plaisirs de l'art dramatique :

O Valmuse, rians bocages

Frais et délicieux vallon, Musée et cabinets tapissés de feuillages, Bancs de gazons, et verdoyant salon,

Berceaux, parterre, escarpolette,

Canal, théâtre, rivièrette,

Et des Péripatéticiens

Vous longue et superbe avenue,

Vaîmusiennes et Valmusiens,

Avec respect je vous salue,

Le Houx.

M. de Neuflieu, auteur de ce poème, né à Ham en 1729, vint mourir à Cambrai, le 10 février 1809, en sortant delà présidence de la Société d'Emulation de cette ville. Nous même, étant en- fant et collégien, nous avons vu ce dernier des Valmusiens , âgé de 80 ans, appuyé sur son bâton qui n'était autre que son arbre de Houx, de Brunemont, mort avant lui; nous l'avons vu venant présider l'Académie naissante de la ville de Fénelon, et y débi- tant, après les graves discussions, quelque fable légère de son crû, qu'il appelait la petite pièce de la séance ; eh bien ! ce Nes- tor des académiciens, qui avait assisté aux batailles de Fontenoy et de Crevelt, qui avait traversé nos révolutions et entendu gronder l'orage sur les bosquets du Valmuse, avait conservé quelque chose d'aimable et de courtois que n'avaient pu lui enlever ni la guerre, ni les années, ni les rigueurs de l'adversité, et qu'il devait peut-être aux douces traditions de sa joyeuse et galante académie bocagère.

VAUDEVILLE (Dîners du). Le 2 fructidor, an V (19 août 1797), dans un dîner chez Juliet, qui cumulait l'emploi d'ac-


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teur à POpéra-Comique avec la profession de restaurateur, dix- sept chansonniers et vaudevillistes : Barré, Piis, Deschamps, Desfontaines, Radet, les deux frères Ségur, Léger, Monnier, Rozière, Demautort, Despréaux, Bourgueil, Prévost d'Yray, Desprez, Chéron et Cambon, résolurent de ressusciter les dî- ners du Caveau (Voyez ce nom). Barré était peut-être le seul qui eut fait partie du second Caveau, présidé par Crébillon le fils.

Aux premiers fondateurs se réunirent bientôt quelques nou- veaux élus : Laujon, Armand Gouffé, Chazet, Emmanuel Du- paty, Dieulafoix, Philippon la Madelaine, etc., qui en firent une réunion d'élite et très-gaie. A cette époque du Directoire on cherchait à se dédommager de la terreur sous laquelle on avait été longtemps comprimé. Le 18 fructidor apporta bien quelques perturbations dans la gaîté générale, mais l'impulsion était donnée, on la suivit et l'on chanta pour rattraper le temps perdu.

Les règlements de la nouvelle société furent rédigés et approu- vés en chansons :

Art. I er .

Les auteurs du Vaudeville Et ses administrateurs, De ce plan, vraiment utile, Se déclarent fondateurs ; Et sûrs que le jus bachique Inspire le bon couplet, Font le serment authentique, De dîner au cabaret.

Art. II.

Ce sera par an douze fois, Sans sa femme et sans son amie ; Le jour sera le deux du mois, L'heure sera deux et demie.


VAU 267


Art. V.


En entrant avant toute affaire, Dans un vase chacun mettra Un sujet de chanson à faire Qu'ensuite au sort on tirera ; Puis il faudra (quoique poète) Taire ce sujet; et sans nom Que le mois d'après on remette

La chanson Comme on l'aura faite.

Art. VI.

Chant libre au genre erotique, Moral, critique Et bouffon ; Mais jamais de politique, Jamais de religion, .Ni de mirliton, etc.

Art. VII.

Pour être admis on sera père

De trois ouvrages en couplets, Dont deux au moins (clause sévère) Auront esquivé les sifflets, etc.

On dîna donc de mois en mois, à dater du 2 fructidor an V, jusqu'en nivôse an X, janvier 1802, ce qui comprend 52 dîners qui produisirent 16 à 17 chansons chacun. Le recueil de ces chants forme 9 vol. in- 18 sous le titre de : Les Dîners du Vau- deville, avec musique imprimée. Paris 3 Huet, an V, 1797, an X, 1802. Beaucoup de ces chansons sont jolies, mais la né- cessité de se conformer à un sujet donné, sujet souvent fort bizarre, y jette quelquefois une gêne et une monotonie qui de- viennent fatigantes.

Les Dîners du Vaudeville ont été remplacés par ceux du Caveau moderne. (Voyez ce nom.)


268 VAU

Le projet de souscription et le prospectus se firent en couplets comme les statuts. En voici quelques-uns :

Air : Du curé de Pomponne.

Nous comptions, d'abord, entre nous,

Dîner, chanter et boire ; Et, sans chercher, comme des fous,

Le temple de mémoire, Au cabaret, nous disions tous, Dans un joyeux délire :

a Ah!

« Celui qui viendra

« Là,

« Rira.

« Nous ne voulons que rire. »

Tout-à-coup M. Huet, libraire au théâtre Feydeau, demande (toujours par une chanson_, on ne parle qu'ainsi dans cette so- ciété) de publier les œuvres des membres de la société. On nomme alors six commissaires chargés de dresser le prospectus.

Sur l'air : Chante^, danse?.

Nous promettons dou^e cahiers ; Douze par an, c'est bien honnête ; Un chaque mois... des trois premiers La livraison est déjà prête. Joli format ; de plus, notez Que tous les airs seront notés.

On désigne les conditions de l'abonnement, les libraires char- gés des souscriptions et du débit, et l'on stipule que M. Cordier imprimeur, une fois payé, les bénéfices, s'il y en a, serviront à des actes de bienfaisance. Là dessus on chante sur l'air : Accom- pagné de plusieurs autres :

Ce projet doit plaire aux auteurs, Aux lecteurs, Comme aux souscripteurs.


VAU 269

Ah ! quels plaisirs seraient les nôtres, Si l'on en tirait quelque fruit, Si, de ces Dîners, le produit En faisait dîner quelques autres !

Le prospectus est terminé par ces vers qui contiennent les noms des commissaires.

Air : Vaudeville de la Fausse magie.

Après ces couplets, le douzième Terminera ce prospectus. Au nom de Bacchus, De Momus, Paris... cinq nivôse — an cinquième. Piis, Barré, Deschamps, Radet, Ségur aine, Ségur cadet.

Pour la 3 e année un nouveau prospectus, dans la même forme, fut lancé par sept commissaires.

La bibliographie des Dîners du Vaudeville peut s'établir de la façon suivante :

Les Dîners du Vaudeville, avec musique imprimée. Paris, Huet, an V (1797) — an ^(1802, 9 vol. in- 18.

Ballon d'essai ou Chansons et autres poésies de L. Armand Gouffé, convive des anciens Dîners du Vaudeville, l'un des fon- dateurs du Caveau moderne, etVoilà tout. 2 e édition, Paris, Ca- pelle, i8io_, in- 18.

Ballon perdu, ou Chansons et autres poésies d' Armand G ou f- fé, faîtes depuis la publication du Ballon d'essai. Paris, Nep- veu, i8o5, in-18.

Encore un Ballon, ou Chansons et autres poésies d'Armand Gouffé, pour faire suite au Ballon d'essai et au Ballon perdu. Paris, Cap elle, 1807, in-18.

Le Dernier Ballon, ou Recueil de chansons et autres poésies nouvelles d'Armand Gouffé. Paris, Delaunay, 1812, in-18.

La Danse française , dédiée à notre brave armée d'Angleterre,


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par les auteurs des Dîners du Vaudeville. in-8°,3 pages. Paris, impr. du dépôt des lois (vers l'époque du camp de Boulogne).

La publication des Dîners du Vaudeville, commencée en vendémiaire an V., plusieurs fois suspendue eï reprise, com- prend 52 numéros difficiles à rassembler.

Je possède les 3o premiers, reliés'en 5 vol. in-18. Paris, chez Cordier (pour les 3 premiers) ; chez Huet, à partir du n° 4; les derniers chez Rondonneau et Brunet. Chaque cahier suivi de musique notée. Le no de 36 à 5o pages, pour les 24 premiers numéros qui coûtaient 7 fr. 5o les 12; et de 54 à 70 pages pour les suivants payés 10 fr. les 12 (une année).

La 3 e année, les membres étaient augmentés : Goulard, F. -P. Saint-Léger, Emm. Dupaty, Alisan de Chazet.

Au dîner du 2 brumaire an V on fêta Juliet, l'acteur. Piis fit une chanson sur lui.

Au dîner du 2 ventôse an V assistait Grétry, chanté par Radet.

Le 2 germinal an V, Philipon de la Madelaine fut admis au nombre des convives ordinaires. Il avait assisté au dîner comme convive présenté par Le Prévôt d'Iray, son disciple (1). Le can- didat ayant été admis à l'unanimité, en témoigna sa reconnais- sance par cet impromptu, sur l'air du Vaudeville d'Épicure :

Les joyeux enfans de Thalie , A leurs banquets m'ont adopté.

(1) Après s'être livré à la littérature légère, Le Prévôt d'Iray aborda des études plus sérieuses, devint inspecteur-général de l'Université et membre . de l'Académie des Inscriptions. Il laissa une Histoire de l'Egypte sous le gouvernement des Romains, et d'autres écrits d'une érudition peu sûre. Quant à Philippon de la Madelaine, né en 1734, il entra dans sa jeunesse dans YOrdre des Jésuites, et mourut plus qu'octogénaire, laissant un long bagage oublié aujourd'hui : des livres d'éducation, des chansons, des vaude- villes, des grammaires, etc.; nous citerons seulement : Y Élève d'Épicure, ou Choix de chansons, précédé d'une notice sur Épicure et sur le Caveau, 1801 et 1804. Ces deux éditions contiennent des pièces qui avaient déjà paru sous le titre de Jeux d'un Enfant du Vaudeville, 1799; on y trouve des contes qui ont disparu d'une autre édition : Choix de Chansons, 1810; celles-ci y sont en plus grand nombre.


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J'ensuis confus, pour mon génie ; Pour mon cœur, j'en suis transporté. En vain, dans l'art que j'idolâtre, Je suis loin d'être leur égal ; S'ils sont mes maîtres au théâtre , A table, ils auront un rival.

Sedaine devait assister aux Dîners du Vaudeville du 2 floréal an V, et la lettre qu'il adressa pour s'excuser de ne pouvoir s'y rendre est peut-être la dernière qu'il écrivit; il mourut peu de jours après.

Le 2 nivôse, Laujon, doyen des chan'sonniers, fut invité aux Dîners du Vaudeville et chanté par Demautort.

Le 2 pluviôse an VII, Dieulafoi fut admis sociétaire.

Il a paru : Choix des Dîners du Vaudeville^ composé des meilleures chansons de MM. de Ségur, de Piis, Barré, Radet, Desfontaines, Laujon, Armand-Gouffé, de Chazet, Philippon- la-Madelaine, Le Prévôt-d'Iray, Despréaux, Dieulafoi, Demau- tort, Dupaty, Deschamps, etc. etc., extraits de la collection complète des Dîners du Vaudeville. Avec musique gravée. Pa- ris, Léopold Collin, 181 1, 2 vol. in-18, fig.

La constitution de la Société des Dîners du Vaudeville a dû être nécessairement en chansons; les commissaires chargés de présenter un projet de statuts furent Radet, Piis, Deschamps, Ségur qui s'en acquittèrent bien gaîment au banquet du 2 ven- démiaire an V. (Les bases en avaient été arrêtées, toujours dans un dîner, le 2 fructidor précédent).

La société adopta le projet en ces termes sur l'air :

On compterait les diamants.

« Après-dîner, nous approuvons « De par la muse chansonnière, « Ledit projet et souscrivons, a Barré, Léger, Monnier, Rozière, « Demautort, Despréaux, Chéron, « Desprès, Bourjeuil et Desfontaines,


272 VAU

« Ségur aîné, Prévôt, Chambon...

« Onze de moins que deux douzaines, »

Bientôt vinrent Philippon, A. Gouffé, Ségur cadet, Dupaty, Mauric Séguier, Dieulafoi, de Chazet, Laujon malgré son grand- âge, etc.

Les statuts consistaient en huit articles, c'est-à-dire huit couplets. Ondevait s'assembler tous les 2 du mois, à deux heures et demie, sans dames, sous les auspices de Panard,, Vadé, Pi- ron, Collé et Favart, à dîner ou chacun payait son écot chez un restaurateur choisi; en entrant chacun mettait dans une urne un sujet de chanson à faire que l'on tirait ensuite au sort, et le mois suivant on rapportait la chanson faite sur le mot que le sort désignait à chaque membre. Les sujets politiques et reli- gieux étaient les seuls prohibés. Chacun à son tour avait le droit d'amener un étranger ou candidat pour les places qui pour- raient vaquer. Il n'y avait parj dîners que deux étrangers. On ne pouvait se dispenser d'assister aux séances que pour des cas très graves; dans tous les cas on n'était jamais dispensé d'en- voyer sa chanson et son écot.

Le Journal des Gourmands et des Belles, ou VÉpicurien français, rédigé par quelques littérateurs gourmands, plusieurs convives des Dîners du Vaudeville, un docteur en médecine, etc., etc., etc., avec cette épigraphe :

Rions, chantons, aimons, buvons, Voilà toute notre morale.

Paris, chez Capelle et Renand, paraissait tous les mois, un de 90 pages in-18, à dater de 1806.

Il naquit après la cessation des Dîners duVaudeville, qui eut lieu en l'an X, lorsque plusieurs de leurs joyeux convives furent appelés à des places éminentes du gouvernement, ou quittèrent Paris, ou même moururent, malgré leur gaîté et leurs chants. La Société Epicurienne, dite des Gourmands, est la seule qui depuis l'an X ait publié périodiquement des chansons; elle est censée avoir succédé à la Société des Dîners du Vaudeville.


VAU 2 7 3

Elle scait tous les mois au Rocher de Cancale, chez Balaine. Chaque convive devait apporter une chanson chaque mois. Lau- jon, doyen des chansonniers vivants,, en était président, en dé- pit de ses quatre-vingt-trois ans.

Les convives des Dîners du Vaudeville s'assemblaient chez Brigot, passage Marigny.

Bourgueil, un des auteurs des Dîners du Vaudeville, est mort le 19 prairial an X, âgé de 39 ans; il avait composé plusieurs pièces pour le Vaudeville. A des talents agréables il joignait des connaissances variées; il fut fort regretté de ses camarades.

Jacques-Benoît Demautort, mort à Paris, le 10 octobre 18 19, auteur de plusieurs vaudevilles, faisait de jolis couplets; on en trouve de lui dans les Dîners du Vaudeville et dans la pièce de Michel Morin.

Demautort était né à Abbeville le 29 mai 1745 ; en 1792, il fit jouer au Vaudeville le Petit Sacristain, comédie-vaudeville en un acte; en 1794, Arlequin-Joseph, com. -parade; en 1795, la Marchande de la Halle; en 1800, Vadé che% lui, scènes grivoises. Il a participé à Enfin, nous y voilà ! la Tragédie au Vaudeville, et à la Paix dans la Manche.

Terminons par une anecdote citée par M. A. de Bragelonne (Chronique de Paris, juin i85i) : Laujon n'aimait pas à rimer dans le silence du cabinet. Par un beau temps, il s'asseyait à l'ombre d'un vieil arbre des Tuileries, et là, sous l'inspiration d'un ciel pur et du parfum de la feuillée, improvisait ses vers, qu'il chantonnait tout en les crayonnant sur son calepin.

Une fois, c'était jour de banquet, Alissan de Chazet, son jeune confrère, moins charitable que malin, traversant le jardin des Tuileries, avise, adossé contre un marronnier, Laujon qui tire son portefeuille en fredonnant à dèmi-voix. Il s'approche à pas de loup, sans que le poète, absorbé par la composition, se soit aperçu de sa manœuvre, se cache derrière le tronc séculaire et saisit au vol chaque hémistiche qu'il consigne sur son agenda; sa tâche finie, Laujon se lève, Alissan s'esquive, et tous deux se retrouvent une heure après à la table de Juliet.

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Le moment de chanter est venu : Chazet revendique un tour de faveur pour des couplets,, les meilleurs, dit-il, en ap- puyant sur ce propos, qu'il ait fredonnés de sa vie. La confiance du chansonnier pique la curiosité. Le tour est accordé par acclamation. Alissan, de sa voix sonore, entonne la fameuse chanson.

Aux premiers vers, Laujon dresse l'oreille, écarquille les yeux, se tâte pour s'assurer qu'il est bien éveillé. Aurait-il perdu ses tablettes? Non, il les retrouve à leur place; il les tire, les ouvre, cherche à la hâte la page dépositaire de ses confidences lyriques. La voilà, il y suit mot à mot les refrains que Chazet débite; pas une rime, pas un iota de changé. A quel prodige attribuer cette similitude magique? Le pauvre Laujon en perd la carte. Mais, le plus clair de l'aventure, c'est que le voici contrefacteur sans le savoir et plagiaire maigre lui.

Cependant le chanteur a fini. Trois salves de bravos éclatent à l'unisson. Seul, Laujon reste muet, moitié par modestie et moitié par stupeur.

Eh bien ! vous vous taisez, Laujon? lui dit Chazet d'un air d'ingénuité parfaite. Est-ce que vous seriez jaloux?... Allons, à votre tour, confrère; peut-être aurez-vous trouvé mieux.

Laujon, de plus en plus désorienté, se trouble, hésite, bal- butie...

— Quoi ! mauvais père, reprend Chazet avec un long éclat de rire, on vous enlève vos enfans et vous ne criez pas au voleur!., tenez, reprenez votre bien, et que cette leçon vous apprenne que si les murs ont des oreilles, tous les maronniers ne sont pas sourds.

La victime désensorcelée prit très-gaiement ce tour de page, et la bande joyeuse sabla la première rasade en l'honneur du vol à la chanson.

VAUDREUIL (Société dramatique de M. de), (à Genevil- liers). M. de Vaudreuil qui fit partie de la petite troupe de Tria- non, avait un théâtre de société à son château de Genevilliers.


VER 2 7 5

Le Mariage de Figaro y fut joué pour la première fois à la fin d'Avril 1784.

Tous les spectateurs étaient gens de cour; mais les acteurs étaient ceux de la Comédie-Française.

Les grands Seigneurs trouvèrent Figaro très-piquant, très- gai, presque décent, et s'intéressèrent à ce que le public ne fut pas privé de ce qui devait l'amuser à leurs dépens. — Ils aidèrent ainsi à la représentation d'une pièce qui a préparé leur chute et leur abaissement.

Le baron de Besenval, présent à la représentation fut presque le seul qui fit opposition à ce que l'œuvre de Beaumarchais fut livrée au public.

Le maréchal de Richelieu possédait une jolie campagne à Genevilliers ; on y voyait une glacière surmontée d'un temple dont le comble était garni d'autant de statues qu'il comptait de colonnes. — Ce château est parvenu à la famille Portalis et le temple est encoredebout à ce que dit Dulaure (t. II, p. i3o) Ce château est-il le même que celui de M. de Vaudreuil ?

VENIAM PRO LAUDE (Société). La société Veniam pro lande, instituée à Leyde, était une association de plaisir tran- quille telle qu'on en voyait et qu'on en voit encore en Hollande. Celle-ci a laissé des traces de son passage. Il existe un livre in- titulé : Description de la grande cavalcade en traîneau exé- cutée par la Société: Veniam pro laude. Leyden, 1766, in-fol» fig. en taille-douce gravées par Righout.

Un exemplaire de ce volume rare, vendu à Paris (maison Sil- vestre) le 28 décembre i858, présentaitla signature autographe du graveur Righout sur chaque planche.

VERRIÈRES (Ordre illustre de). Cet ordre ne m'est connu que par ses réglemens qui, je crois, sont restés inédits; je les insère ici d'après une copie faite sur le manuscrit que s'était procuré M. Leber et qui est porté au n° 2628, tome I, page 417, du catalogue de sa bibliothèque (1839 , 3 volumes in-8°), ao#*




276 VER

quise par la ville de Rouen, ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire.

Statuts de VOrdre illustre de Verrières, autrement dit /'Or- dre des Sifletz, publie^ sous l'autorité de notre tres-reuerêe et tres-aymable sœur Piquante, grande-maîtresse de l'Or- dre, et approuueç par le frère Intrépide, grand-maistre et fondateur de VOrdre.

I. — Comme l'Ordre est institué pour le plaisir et l'amuse- ment des dames, on a résolu, d'un commun consentement, que les cheualiers feront serment d'obéir en tout aux sœurs de l'Or- dre, et de conseruer pour les autres dames la politesse qui doit faire le véritable caractère des cheualiers.

II. — Que par cette raison, quoique le frère Intrépide soit fondateur de l'Ordre, cependant tout l'Ordre sera sous l'auto- rité de la sœur Piquante, entre les mains de laquelle tous les chevaliers feront le serment.

III. — Que pour euiter la multiplicité si contraire a la dignité des Ordres de cheualerie, aucun cheualier, et aucune sœur, en quelque nombre qu'ils soient assemblez, ne pourront recevoir aucun cheualier ni aucune sœur, si la grande-maîtresse n'est présente au chapitre.

IV. — Que lorsqu'un frère ou une sœur se présenteront pour estre reçus, le chapitre sera assemblé de l'ordre de la grande maîtresse, et le frère ou la sœur reçus Ou refusez à la pluralité des voix. En cas de partage, la voix de la grande-maîtresse pré- uaudra.

V. — Et comme l'esprit de l'Ordre est de vouer une parfaite obéissance à la grande-maîtresse elle pourra former opposition à la réception de quelque frère ou sœur qui quand ils auroient toutes les voix du chapitre ne pourront estre reçus, pourueu que la grande-maîtresse veuille bien se seruir de ces mots exprès, je m'oppose formellement à cette réception.

VI. — Que lorsqu'à la pluralité des voix et du consentement


VER 277

de la grande-maîtresse on aura résolu de receuoir un frère ou une cœur, la cérémonie s'en fera de cette manière.

On fera entrer le postulant, il se mettra à genoux deuant la grande-maîtresse qui l'interrogera sur le désir qu'il a d'entrer dans l'Ordre et sur les dispositions qu'il doit y apporter.

Ensuitte si c'est un frère la grande-maîtresse luy fera prester serment, luy attachera le siflet et l'honorera de l'accolade.; après quoy il aura l'honneur de receuoir pareille accolade des sœurs et des frères présens, et des absents et des absentes lorsqu'il se présentera deuant eux pour la première fois; il prendra séance après sans autre cérémonie.

Si c'est une sœur le grand-maistre la recevra auec les mesmes cérémonies.

En cas d'absence du grand-maistre pour ne point retarder la juste impatience des sœurs et la propagation de l'Ordre^ la grande-maitresse pourra pareillement receuoir les sœurs, mais à la charge de commettre un chevalier pour faire prester serment à la sœur, attacher le cordon du siflet, et luy donner l'accolade sans pouuoir sous aucun prétexte faire elle-mesme aucune de ces fonctions n'y y commettre aucune sœur à peine de nullité de la réception.

VIL — Que quant les frères ou sœurs seront hors des yeux des profanes (1) ou en plus grand nombre que les profanes ou assemblez en chapitre ils ne pourront se nommer que du nom de frères ou de sœurs sous peine de l'accolade pour les sœurs, et de punition arbitraire pour les frères.

VIII. — Que les sœurs et cheualiers porteront au costé gau- che près du cœur un siflet d'yvoire de figure grotesque attaché à un cordon de gros bleu.

IX. — Que quand les sœurs et cheualiers se rencontreront à la campagne ils se salueront à coups de siflet.

X. — Que cet Ordre sera incompatible avec tout autre excepté

(1) Profanes sont ceux qui ne sont point de l'Ordre, qui ne postulent point pour en estre ou qui en sont exclus.


278 VER

auec ceux de Saint-Louis, Saint-Michel, du Saint-Esprit et autres dont le roy voudra honorer des frères.

Xï. — Que F Ordre de la Méduse pour bonnes considérations pourra aussy estre compatible avec ¥ Ordre de Verrières ou du Siflet.

XII. — Que non-seulement les sœurs et frères de Y Ordre de Verrières ne pourront receuoir aucun autre Ordre que ceux qui ont esté dits auparauant. Mais mesme en cas qu'ils en eussent reçus ils seront obligez d'y renoncer en receuantceluy au Siflet, et auant que d'y estre admis au rang des frères ou sœurs.

XIII. — Que pour conseruer l'union et la cordialité entre les sœurs et les frères ils exerceront entre eux l'hospitalité.

XIV. — Qu'aucune sœur ou frère ne pourra estre receu à l'ad- uenir s'il est receu dans l'ordre du mariage, sans pourtant que ceux qui auroient été reçus estants pour lors dans le célibat et qui viendroient après à se marier puissent estre banis de l'Ordre sous ce prétexte.

XV. — Qu'aucuns des frères et sœurs ne pourront sous aucun prétexte réuéler les délibérations prises dans le chapitre de l'Ordre.

XVI. — Que les sœurs auront pleine liberté de choisir leurs cheualiers et de les changer auec l'agrément de la grande-maî- tresse, laquelle ne pourra leur refuser quand les sœurs luy deman- deront, à condition pourtant que les sœurs ne réuelleront pas les deffauts des cheualiers , et qu'elles ne pourront dire leurs sujets de plaintes qu'à la grande-maîtresse et mesme sous le sceau de la confession.

i

XVII. Que les sœurs et les frères auront des prouisions don- nées par la grande-maîtresse et contresignées par le grand- maistre.

XVIII. — Que les difficultez qui pourront suruenir au sujet des statuts et pour l'utilité de l'Ordre seront décidées par les chapitres, lesquels chapitres seront nuls si la grande-maîtresse n'y assiste.

XIX. — Qu'aucun chapitre ne pourra changer les présentes


VER . 279

règles qui sont les règles fondamentales de l'Ordre, mais seule- ment les expliquer et y adjouter sans qu'on puisse sous aucun prétexte directement ny indirectement donner atteinte aux dix- huit règles précédentes qui seront seules appelées les statuts de l'ordre, celles qui seront faittes après ne pouuantestre jntitulées que arrests du chapitre de YOrdre de Verrières ou du Siflet. Serment. 1. — Je jure, je promet d'obéir à jamais.

2. — D'obseruer de point en point les statuts sans souffrir, qu'il y soit rien changé.

3. — D'auoir un très-profond respect pour l'Ordre et pour la sœur Piquante, souueraine et grande-maîtresse de l'Ordre.

4. — Beaucoup de considération pour le grand-maistre.

5. — Et beaucoup de cordialité et d'affection pour les sœurs et frères.

Les présentes règles ainsy signées : sœur Piquante, grande- maîtresse; frère Intrépide, grand-maistre; sœur Finette; sœur Brillante; sœur Spirituelle; sœur Sensible; frère Discret; frère Tout Rond ; sœur Mutine (1); frère Volage; frère Amusant.

VERRUE, à Saint-Assise, (Société de la Comtesse de). L'abbé Roman (Jean-Joseph Thoûse), né à Avignon en mai 1726, mort dans sa maison à Vaucluse en 1787, faisait partie des amateurs du jeu des échecs qui composaient cette société. Les échecs, mis en vogue par Philidor, étaient devenus l'amu- sement le plus ordinaire des gens de lettres. C'est chez cette dame que l'abbé Roman composa, du moins en partie, son poème des Echecs imité de celui de Vida, auquel il est supérieur pour l'exactitude dans la description des règles et de la marche du jeu. — Le poème desEchecsien^ chants. Paris, 1807, in- 16), eut pour éditeur M. Couvrex, qui l'a fait précéder de Recherches

(1) Le nom de cette sœur et de quelques autres de ses compagnes, rap- pelle une chanson trop piquante, composée à l'époque du commencement du règne de Louis XV: Les Saintes de la Cour; un grand nombre de dames de haut parage y sont désignées sous le nom de sainte Finette, sainte Etour- die, sainte Endormie, etc. Ces couplets se trouvent dans le recueil Maure- pas à la Bibliothèque impériale.


2 8o VER

sur ce jeu et d'une petite bibliographie des livres qui en traitent (mieux exposée depuis par l'abbé Cancellieri, et autres) (i). Voir le Magasin encyclopédique, 1806, I, 48 et Annales encyclo- pédiques, oct. 1817.

VERT (Sociétés du). Sociétés printannières dans lesquelles ou des jeunes gens se réunissaient pour s'amuser et finir par se réunir dans un joyeux pique-nique dont les frais étaient cou- verts par les amendes de la société.

L'association durait pendant tout le mois de mai. Dans le cours de ce beau mois du renouveau tous les sociétaires pou- vaient se chercher les uns les autres et se surprendre même au lit, pour se demander de montrer du Vert-, il fallait toujours avoir sur soi une feuille verte, fraîche, et cueillie du jour même. Ceux qui étaient pris sans vert payaient une amende convenue. Cela formait le fond social servant à payer la dépense de la fête qui couronnait l'association.

C'est de là qu'est venu le proverbe : Prendre quelqu'un sans vert, pour dire le prendre au dépourvu (2).

Molière a dit dans l'Etourdi : « C'est ce qui fait toujours que je suis pris sans vert. »

Rabelais, liv. III. ch. 2, dit que les dés sont le vert du diable... le diable me prendroit sans vert, ajoute-t-il, s'ihne rencontroit saîis dés.

Cettecoutumeestancienne;danslesXIII e ,XIV e etX V e siècles, il fallait pendant les premiers jours du mois de mai, porter sur soi une branche de verdure, sans quoi on s'exposait à recevoir un sceau d'eau sur la tête.

Je vous prends sans vert, comédie en un acte et en vers ornée de chants et de danses, fut jouée le premier mai i6g3, jour très-

(1) Voir la Bibliotheca Shahiludii, par A. Schmid. Vienne, 1847, ct surtout la Bibliographie anecdotiqne du jeu des Échecs, par Jean Gay. Paris, 1864, in-12.

(2) Voir Y Histoire des Proverbes, par C. de Me'ry,- 1828, t. II, p, 169, et les autres pare'miographes français.


VER 281

convenable pour son inauguration; elle eut un grand succès dans sa nouveauté. On la donna sous le nom de Champmeslé quoi- qu'elle soit véritablement de La Fontaine. Elle est admise dans les œuvres de ces deux écrivains. (2 e partie des Œuvres de Champmeslé, pages 309-344. Paris, S. J . Ribou, 2 vol. in-12 , 7 35)(.).

On y lit la description du jeu qui fournit le titre de cette co- médie.

Eh ! c'est un jeu quel jeu ? Voilà tout le mystère Pour voir de ses amants le cœur à découvert, Je leur viens d'inspirer exprès le jeu du vert; C'est dans ce dessein même et pour le voir éclore, Que j'emprunte la voix du printemps et de Flore, Et sous l'appas brillant des jeux et des plaisirs, Je vais adroitement pénétrer leurs désirs.

Et plus loin :

a Dans ces verts ébats, « Craignez la surprise, « Telle est souvent prise, « Qui n'y pense pas.

Lubin dit aux spectateurs à la fin de la pièce :

A venir voir nos jeux soyez plus de concert;

Plus vous viendrez, et moins vous nous prendrez sans vert.

C'est delà qu'est venu le proverbe prendre quelqu'un sans vert, pour dire le surprendre à l'improviste, sans qu'il s'y at- tende et sans qu'il se soit garanti d'une attaque subite.

VERTU ("Les chevalières esclaves de la). 1662. — Eléoilore de Gonzague, veuve de Ferdinand III, institua cet Ordre à Vienne en Autriche en 1662, à la suite d'un miracle.

Une devait être reçu que3o dames, d'une noblessedistinguée_, et d'une vertu sans tache_, outre les princesses dont le nombre

(1) De fait, il paraît que La Fontaine et Champmeslé travaillèrent tous deux à cette pièce, ainsi qu'à la Coupe enchantée. Elle fut imprimée en 1699 et 1700, etc.


282 VES

n'était pas limité. On sait qu'elles sont toutes nobles de nais- sance^ et personne n'oserait dire qu'elles ne sont pas vertueuses.

L'Impératrice donna aux chevalières, comme marque distinc- tive de l'Ordre, une médaille d'or représentant un soleil dans une couronne de lauriers avec cette légende: Sola ubique trium- phat (ou plutôt Sol ubique triumphat); cette médaille était fixée à un bracelet porté au bras au dessus du coude. La chaîne d'or et la médaille se portaient aux grands jours de cérémonie. En d'autres temps on se contentait d'un bracelet de ruban noir por- tant une médaille de moindre enodule: c'était la petite tenue de l'Ordre.

Les chevalières promettaient d'observer les règles et les sta- tuts de l'Ordre dressés par l'Impératrice qui en était chef ou grande-maîtresse. En cas de mort d'un sociétaire sa famille de- vait renvoyer à cette princesse la grande décoration; elle pouvait garder la petite comme souvenir de l'honneur que la famille avait eu décompter une chevalière esclave de la vertu. Ce n'était pas petite chose pour ses descendans de pouvoir se dire issus d'une des trente plus vertueuses dames de l'Autriche. (V. Her- montj t. II, p. 447*.)

VERTUEUX (Académie des). Elle n'est connue par l'ou- vrage de Du Souhait, intitulé : V Académie des vertueux, à Monseigneur Philippe des Portes, abbé de Tison. Paris, Gilles Robinet, 1600, in-12.

VÉSUVIENNES (Les). La société ou le club des Vésu- viennes a pris naissance lors de la révolution de février 1848,, au moment de l'ouverture de toute espèce de club. On en parla beaucoup, on fit une masse de caricature , les journaux en pu- blièrentdes séances, il fut même question d'un corps de plusieurs milliers de Vésuviennes, qui devaient être armées et équipées, et marcher à la défense de la patrie. Cent autres nouvelles, plus extraordinaires les unes que les autres, furent répandues dans le public à l'occasion des Vésuviennes, et cependant personne ne


VIG 283

voudrait affirmer que cette association ait jamais existé réelle- ment.

Il y a bien en, à la vérité, sousle nomde Vésuviennes, une réu- nion de jeunes filles honnêtes qui se sont assemblées, peu de jours après le 24 février, pour aviser aux moyens d'obtenir de l'ou- vrage lorsque le travail manquait de toutes parts. L'autorité a organisé alors des espèces d'ateliers nationaux de femmes où l'on donnait à confectionner les habillements des nouvelles gardes républicaines et urbaines. Gela n'a pas duré longtemps; mais le public parisien, dont l'imagination se plaît dans les créations singulières, s'est amusé plusieurs mois encore après la dispersion de ces réunions, des Vésuviennes, de leurs séances , de leurs débats intérieurs et de mille scènes fantastiques que l'on créait à plaisir et que les lithographes du Charivari reproduisaient journellement avec complaisance.

D'où vient cette appellation de Vésuviennes? Evidemment du mont Vésuve. Mais pourquoi ce nom? est-ce parce que l'esprit des Vésuviennes était volcanique et enflammait tout ce qui les approchait ? est-ce parce qu'elles comptaient faire une irruption dans Paris et par suite sur tout le sol de la république ? Est-ce à cause du feu caché qu'elles renfermaient dans leur sein? Nous ne savons; toujours est-il que ce nom, adopté tout d'abord, s'est vivement répandu et a été universellement adopté sans examen et sans conteste.

VIGNERONS (Abbaye des). U Abbaye des Vignerons est ie nom d'une réunion, d'origine très-ancienne, de tous les vigne- rons de la Suisse, de la Savoie et de la Bourgogne, qui s'assem- blent tous les quatre ans, à Vevey, dans le pays de Vaud, avec une solennité et une pompe tout-à-fait merveilleuses. Les ar- chéologues suisses font remonter cette institution aux fêtes païennes de Bacchus et de Cérès. Les voyageurs en racontent des détails quasi-fabuleux. Pendant cette solennité, les vignerons chantent de vieilles chansons en patois du pays; quelques-unes d'entr'elles ont été imprimées dans le livret suivant :


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Description de la Fête des Vignerons, célébrée à Vevey le 5 août 1819. Précédée d'une notice sur Vorigine et l'institu- tion de cette Société, qui porte maintenant le nom d'Abbaye des Vignerons. Avec beaucoup de figures. Vevey, Lœrtscher et fils (sans date), in-8°, avec huit grandes planches.

On serait parfaitement renseigné sur l'origine de cette réu- nion d'agriculteurs et de vignerons sans un incendie qui con- suma, en 1688, les archives de la confrérie. La tradition en fait cependant honneur aux moines d'Hauterive et à ceux d'Auleret, qui, ayant planté désignes dans les environs de Vevey, célé- brèrent l'heureux succès d'une première vendange par des repas, des chants et des danses.

On cite la fête du 20 août 1783 comme une des plus brillantes qui aient été célébrées. L'abbé, chef de la société, était précédé de deux vignerons couronnés pour avoir le mieux cultivé leur vigne. Puis, on voyait l'arche de Noé et ses enfants; le char des Cyclopes,Cérès et Bacchus, des troupes de Faunes et de Bacchan- tes, Silène, un pressoir d'où coulait le vin nouveau, la charrue, Vulcain forgeant des socs et des serpes, la cuve où Ton foule le raisin, une grande prêtresse, des satyres, une victime aux cor- nes dorées, enfin un mélange de sacré et de profane, mais se rapportant toujours aux travaux de la terre, aux vignerons et aux moissonneurs. Les Fribourgeois, les Valaisans, les habi- tants de nos Alpes, aussi avides d'entendre chanter les louanges de Bacchus qu'habiles à juger de ses dons, suivaient et entou- raient cet immense cortège et applaudissaient le refrain du chœur des Bacchantes :

Chacun a son tempérament , Boire est notre amusement.

Celui du chœur des moissonneurs avait quelque chose de plus antique, de plus romain; c'était sine Baccho et Cerere friget, Venus, paraphrasé ainsi :

Oui, sans Cérès et sans Bacchus, Il n'est point d'autel pour Vénus.


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La procession terminée, on dressait, sur une promenade char- mante au bord du Léman, une table de plusieurs centaines de couverts où les convives moissonnaient à Penvi ; il ne manquait pas ensuite d'autels pour Vénus. Le surlendemain de la pro- cession de l'abbé des Vignerons^ les habitants de Vevey don- naient un grand bal aux étrangers et ajoutaient les plaisirs de la ville à ceux de la campagne. Partout l'ordre accompagnait le plaisir, et tout le monde se retirait enchanté de Y Abbaye des Vignerons.

VILLE-D'AVRAY (Le pot-pourri de). Le Pot-Pourri de Ville-d'Avray, ou Recueil de Chansons et Pièces fugitives, par Joseph-Nicolas Moreau, historiographe. Paris, impr, de Monsieur (Didot) } 1781, in-18, ou pet. in-12 de 180 pages, imprimé à petit nombre, aux frais de l'auteur et pour ses amis seulement, recueil de poésies fugitives, assez rare, composé par Moreau à sa maison de campagne de Ville-d'Avray, où il se plaisait à réunir une société choisie.

V ILLEROY (Société dramatique de madame la duchesse de). Cette amie et grande protectrice de Mlle Clairon, avait chez elle un théâtre particulier où Ton jouait la comédie.

Fleury y joua vers 1780.

On y représentait les pièces du grand trottoir, c'est-à-dire les productions du haut genre.

VIOLETTES (Ordre des).

CHANSON SUR L ORDRE DES VIOLETTES.

Air : Colette est faite pour Colin. Célébrons d'un ordre récent

La gloire et l'avantage ; Amour, pour le rendre jouissant

Donne-lui ton suffrage ; Tu le dois à ce jeu naissant,

N'est-il pas ton ouvrage ? Cet Ordre, par les plus doux noeuds,

Unit des coeurs sincères :


286 VIN

Ses suppôts s'appellent entr'eux

Et bergers, et bergères ; Ces noms seraient-ils moins heureux

Que ceux de sœurs et frères?

Tendres, fidèles et discrets

Leurs ardeurs sont parfaites. Tout leur argot, tous leurs secrets

Ne sont que des fleurettes : Et l'on peut connaître à ces traits

L'Ordre des Violettes. Un coup-d'ceil, un soupir léger,

Un air de rêverie ; Signes assurés pour juger

De notre sympathie, Font toujours connaître au berger

La bergère chérie. Un tête-à-tête, un rendez-vous,

Forment notre assemblée; D'aucuns fâcheux, d'aucuns jaloux,

On ne la voit troublée ; Et par le cœur seul entre nous

Toute affaire est réglée.

(Extrait d'un Recueil de Poésies, mss. in-4 , composé vers 1760 par un habitant de la Ferté-sous-Jouarre).

VINGT (Société des), à Berlin. Vingt dames de Berlin, pri- ses, en grande partie, à ce que nous croyons, parmi la colonie française formée des réfugiés protestants que la révocation de l'Edit de Nantes rejeta à l'étranger, formèrent une société qui tira son titre du nombre fixé et arrêté de ses membres féminins. Elles s'occupaient de choses agréables, tandis que leurs maris s'employaint à des choses utiles. Leurs noms, au moins pour douze d'entr'elles, nous ont été conservés à la tête de l'épître dé- dicatoire des Comédies nouvelles par M. le baron de Bielfeld. Berlin, 1753, pet. in-8 de XXIV et 486 pag.,épître signée par l'éditeur de ce livre, Etienne de Bourdeaux, libraire du roi et de la cour de Prusse. Voici les douze dames connues entre les vingt 1


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WIL


2» 7


Mesdames Lantier, née Jordan; Kuhn^ née Jassoy; Féroncejnée Feronce; Royer, née de Marolles; Jordan, née Colin; Platzman, née Marion; Girard, née Jassoy; Villiers, néeDurade; Schweig- ger, née Trommel ; Haudot, née Darret; Platzman, née Lau- tier; Cagnot, née Bouissont.

VIRTU (Accademia della). Cette association burlesque et bouffonne fut fondée en Italie au XVI e siècle. Annibal Caro en était un des membres les plus actifs; il contribua à un recueil facétieux que le bibliophile Gamba fit imprimer à Venise en 182 1, sous la rubrique de Calveley Hall, et à la demande d'un amateur anglais, J . Davenport. Ce petit volume in-8 de 1 20 pages, imprimé à 100 exemplaires, dont un sur vélin^est intitulé : Di- cerie al Re della Virtù ; il renferme dix opuscules fort rares dont les auteurs sont Bino,G. Cincio, P.P. Gualtieri,C. Martirano et G. Lando. Ces écrits datent de 1 538 à 1540, car le joyeux Re- gno della Virtù ne dura que ce court espace de temps.

Parmi les livrets auxquels elle donna naissance, on trouve Formaggia di Ser Stentato al Serenissimo re della Virtù. Fi- ren%e> 1542, in-8 (indiqué au catalogue Libri, 1847, n° 2461.)

Une pièce intitulée Diceria di Santa Nafisa^al re dellaVirtù, figure au catalogue de Roger Wilbraham, n° 329. La collection de cet amateur anglais, riche en livres italiens, curieux et rares fut dispersée en 18 16.

Dans une notice que nous avons déjà citée (article Académies d'Italie), nous lisons au sujet de la société qui nous occupe que YAcademia della Virtù fut fondée à Rome en 1 538, par Claudio Tolomenni, sous la protection du cardinal Hippolytede Médi- cis. Elle compta parmi ses membres Annibal Caro, L. Contile, F. M. Molza, &c. Elle dura peu d'années et fut remplacée en 1541 par Y Accademia dello Sdegno. Sa principale occupation était d'expliquer Vîtruve. Nous croyons que cette société ne se livrait pas toujours à des études d'architecture, et que parfois elle s'abandonnait aux élans d'une folle gaîté.

WILKES (Société de John). Cet agitateur politique joua


WIL


un rôle considérable en Angleterre, de 1762 à 1769. Ses procès de presse, ses élections àla Chambre des Communes, furent l'oc- casion des débats les plus vifs. Dans sa jeunesse,, il était à la tête d'une troupe de joyeux mauvais sujets qui se réunissait habi- tuellement chez lui et qui formait une société peu édifiante qu'on signala comme régie par des statuts très-peu d'accord avec les règles de la morale. L'esprit de parti exagéra sans doute les torts de Wilkes; mais toutes les inculpations lancées contre lui et ses amis, n'étaient pas des calomnies : c'est ce que prouve l'existence d'un livre qui fit scandale : Essay on woman {Essai sur la Femme), espèce de parodie de Y Essai sur ? Homme, de Pope. L'édition originale, datée de 1763, forme un volume petit in-8° de 40 pages, et ne fut tiré qu'à quatorze exemplaires. Wilkes eut pour principal collaborateur Thomas Porter, fils de l'archevêque de Cantorbery, et ils s'amusèrent à joindre à leurs vers impurs des notes dignes du texte, qu'ils signèrent du nom d'un des plus savants et des plus honorables prélats de l'église anglicane, Warburton. D'après une note insérée dans un cata- logue d'autographes vendues à Londres en juin 1829-, le vérita- ble auteur serait Cleland, auteur d'ouvrages licentieux. Voir D. Martin, Catalogue ofbooks privately printed. Une traduc- tion française fut publiée à Londres en 1763. Voir Barbier, Dictionnaire des Anonymes, n° 56 1 3. Wilkes a laissé d'ailleurs bien des livres sérieux énumérés dans le Bibliographe^ s Ma- nual de Lowndes. Les Discours de Wilkes ont été imprimés en 1777 et 1789; cette dernière édition est bien préférable. Sa correspondance, à laquelle on a joint sa vie écrite par. J. Al- mond, a paru en i8o5, 5 voh in-8°. Elle avait déjà paru en par- tie en 1779, 2 vol. in-8°. On y remarque des lettres de Voltaire.


FIN.


APPENDICE.


Quelques notes retrouvées dans les papiers de M. Arthur Dinaux contiennent des renseignements qui s'ajoutent à ceux qu'il avait déjà recueillis, au sujet des diverses sociétés, plus ou moins badines, auxquelles il avait consacré de longues recher- ches. Nous y avons joint les résultats de nos investigations sur certains points de ce sujet curieux, et nous nous trouvons ainsi en possession des matériaux nécessaires pour former un appen- dice qui, nous en avons l'espoir, renfermera quelques particula rites intéressantes.


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gf CADÉMIE MILITAIRE (t. I,p. i), \e Bulletin du Bibliophile (publié par M. Techener), s'est occupé- à deux reprises de cet ouvrage; il a donné d'abord, en août i852, une note de M. Paul Lacroix, et, en uin i852 (pag. 837), une lettre de M. F. Morand. Ce der- nier écrivain conteste la valeur historique du récit. Les six personnages qui forment cette association supposée se nom- ment Parisien, Picard, Normand, Breton, Champenois, Bourguignon. Le livre n'offre guère qu'un récit d'aventures dans le genre de celles qui fourmillent dans les romans de cette époque. Le héros est presque toujours Parisien, c'est-à- dire Godard d'Aucourt, l'auteur du livre, qui, sous ce masque, exerce aussi quelques vengeances personnelles, satisfait ses ran- cunes en lançant des traits au Mercure de France, à l'abbé Desfontaines 3 et surtout contre Voltaire , au, sujet du poème sur la bataille de Fontenov.


AGATHOPÈDES (t. I, p. 8). Cette société burlesque mérite qu'on ajoute quelques détails à ceux dont elle a déjà été l'objet :

L'article que M. de Reiffenberg lui a consacré était comme enfoui dans une publication bibliographique qui n'est connue que d'un petit nombre de lecteurs. Nous croyons opportun de le reproduire ici :

Annulaire agathopédique et saucial, imprimé par les presses iconographiques à la Con grève de V Ordre des Agath. — « Ce ne sont pas ici les « Mémoires d'une Académie qui n'en est pas


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une, comme ceux de l'Académie de Troyes, qui ont inspiré quel- ques pages curieuses à M. le docteur Payen. Les Agathopèdes existent en chair et en os_, ils existent depuis quatre ans, et la Société mère, de Bruxelles, a même fondé une succursale à Mons, cette cité des bons drilles.

« Il ne faut pas être très-fort sur le grec ni se faire embrasser par Philaminte ou Armande, pour savoir qu' agathopèdes si- gnifie bons enfants. Ces bons enfants, plus malins que naïfs, sont des gens d'esprit qui ont imaginé de se réunir périodique- ment_pour dire des folies et. mourir de rire, s'ils le peuvent. Le rire est ami de l'homme : il est ordinairement la marque d'une bonne conscience et d'un caractère franc et aimable; mais il me semble que si je devais sortir à certain jour de chez moi avec l'idée d'être d'une gaîté folle, de débiter une foule de divertis- santes bêtises et de laisser toutes mes préoccupations à la porte, j'arriverais au rendez-vous avec un sérieux patibulaire que rien ne saurait dérider. La saillie est primesautièrej comme disait Montaigne; elle s'improvise et ne se commande pas. Il ne faut pas l'immobiliser en la sténographiant ainsi qu'un discours par- lementaire, pour la jeter ensuite en moule. Telle facétie, qui s'élance en pétillant du sein de la conversation, ne conserve pas son succès quand elle est fixée sur le papier, et devient une niai- serie insipide dès qu'elle peut être soumise à l'examen d'une froide raison. Il est peu de bons mots qui, admirés à leur nais- sance, conservent leur sel et leur à-propos. »

Les Agathopèdes sont une société spirituelle et joyeuse dont les membres sont partagés en deux classes: classe des Belles- Laides et classe des. Sciants. Leurs travaux consistent à chan- ter la table et l'amour en vers faciles et tant soit peu erotiques. La classe des sciants ne traite que des sujets tels que VElogium cochonis que nous citons sous le n° 6261, et qui fait partie, avec tant de drôleries si peu académiques, du t. IV (lisez I er ) du re- cueil de cette Société, qui a paru sous le titre suivant :

Annulaire agathopédique et saucial. (En vers et en prose.)


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(Par MM. Argus (Delinge, avocat) , Chanteclair, Clootboom (Gensse), Croque-Mort,, Firapel, Goupil, Martin (Bovy), Ra- bon(A.-A. Baron), Rousselet, Sebas Norab (A. -A. Baron), Ti- bert (Delmotte fils), Timer, un Vétérinaire«(Gensse). Cycle IV (première année). Impr. par les presses iconographiques à la Congrève de l'Ordre des Agath.\, chez A. Labroue et Comp., rue de la Fourche, à Bruxelles (1849), gr. in-8 de i3i pages, avec gravures, vignettes et musique gravée, 10 fr.

Comme ce volume est peu répandu eh France, n'ayant été tiré qu'à 35o exemplaires pour les membres de la Société, nous croyons devoir, pour démontrer plus clairement l'erreur que nous reprochons à M. Ach. Comte, donner sa description d'après un exemplaire qui nous a été communiqué par M. P. Jannet, libraire; elle fera connaître les artistes, les savants et les litté- rateurs distingués qui ont eu part à sa composition, et les su- jets, fort peu académiques, qu'ils ont traités.

Le volume ouvre par les préliminaires suivants : Avertisse- ment de l'éditeur, suivi d'une Préface, signée Chanteclair, et de Notes et documents trouvés dans un dossier étiqueté : Bureau des platitudes et des éphémorroïdes, en tout 14 pages. Viennent ensuite les productions des Agathopèdes dans l'ordre ci-après :

i° Calendrier agathopédique, imité du calendrier républicain de Gilbert Romme, et dans lequel l'année commence, comme le premier, avec les derniers jours de Septembre. Au lieu des ap- pellations connues des mois républicains, devenues menstrues agathopédique s , on y a substitué celles-ci: huîtrimaire, le- vreaumaire, crêpose , j 'ambonose , truffose, boudinal, canardi- nal, fraisinal, petit-poisidor, cerisidor , melonidor et raisi- naire: les jours complémentaires sont remplacés par les nuits purgatoriales. Les décades ont fait place à des dodécadors ; les saints du calendrier agathopédique sont, comme dans le répu- blicain, remplacés par des noms de toutes sortes de comestibles et d'animaux; les dodécadors sont institués en l'honneur d'hom- mes illustres et célèbres des temps anciens et modernes.


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2° Eloge du cochon (en vers); par Martin (Bovy).

3° Locomotion anémique. Indiquez les idées émises jusqu'à ce jour sur la possibilité de la navigation aérienne. Dans les con- flits de priorité qui se sont élevés entre MM. Van Heck et Van Esschen, ne pensez-vous pas qu'on puisse décider la question en faveur de M. Kindt-Vanassche? (Vent de fesse d'un enfant); par Clootboom(M. Gensse).

M. Gensse a fait imprimer précédemment sous ce nom de doc- teur Clootboom une facétie intitulée : Aperçu iconoclastique sur la fabrication de Vhuile de caillou.

4° Les Agathopèdes (chanson); par Tibert (Delmotte fils).

5° Elogium cochonis auctore Rabonis (A. -A. Baron).

6° Discours du P.*. G.\ M.*, (du pourceau grand-maître. Compte-rendu des travaux de l'Ordre des Agathopèdes) ; par Clootboom (M. Gensse).

7° Maladresse en réponse au Discours du P.*. G.*. M.'.

8° Cours d'agathopédie biblique (chanson), par Martin (Bovy).

9° Thèses, synthèses, prosthèses, hypothèses,, antithèses et parenthèses de philosophie géométrique,, astronomique, chimi- que et thérapeutique. I. Quel est, selon vous, l'origine et la destination des comètes ? Partagez-vous l'opinion du savant théologien de Ram, qui regarde ces astres comme une consé- quence immédiate du péché d'Adam? IL Partagez-vous l'opi- nion du docteur Servais, qui prétend que le mal vénérien n'est qu'une oxydation? Justifiez votre opinion par des exemples, et donnez-y quelques développements, par Rousselet.

io° Hymne au cochon (chanson), par Tibert (Delmotte fils).

1 1° Commission du budget. Rapport financier; par Goupil.

12° Clinique des solanées. Faire l'histoire pathologicothéra- peutique de la maladie des pommes de terre, par Clootboom (M. Gensse).

L'auteur ne voit qu'un moyen de prévenir la maladie des pommes de terre : c'est de les faire vacciner.

i3° Le Cœur (de Boufflers), chanson, par Martin (Bovy).


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14 Construction gynofugilope. Quel est le meilleur système de fortification pour la défense de la vertu des femmes? par Timer.

i5° La Bagatelle (chanson), dédiée à mon ami Schayes, con- servateur des objets de l'Etat, par Martin (Bovy).

16 Rapport sur un ouvrage intitulé : « Que veut l'Europe ? » présenté par le vétérinaire de la classe des sciants (M. Gensse), dans le chapitre conventuel du Con:-: œcu:-: de l'Ordre des Agath:-: le undécador de la deuxième docécade de canardinal, cycle II.

17 Commentaire sur la chanson : Au clair de la Lune, par Sebas Norab (A.-A. Baron).

Ce plaisant commentaire a été réimprimé dans le tome III, page 180 et suiv. du «Journal de l'Amateur de livres » de M. P. Jannet, précédé d'une Note sur la Société agathopédique.

18 Le Roi du gland, chanson agathopédique, parTibert(Del- motte fils).

19 Castramétation pélapergamesque. Les fortifications de Troie, bâties d'après le système hydraulique de Simon Stevin^ ont-elles résisté aux Grecs, pendant dix ans, parce qu'elles étaient construites à l'épreuve du canon, du mortier et autres batteries de cuisine, ou parce que les ouvrages avancés se compo- saient de lunes entières, au lieu de demi-lunes et de lunettes ? par Firapel.

Cette importante question est traitée avec une telle gravité que M. P. Jannet annonce être dans l'intention de reproduire cette dissertation dans une prochaine édition de sa « Bibliotheca scatologica. »

20° Les Femmes de la Bible (chanson). Extrait d'un ouvrage inédit trouvé, en 1848., dans les fouilles faites à Venise, par Martin (Bovy).

2i° Philosophie trigonométrique. Croyez-vous que le carré de l'hypoténuse soit une réfutation suffisante du Panthéisme? par Croquemort.


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22 Le Cordon sanitaire (chanson), par Martin (Bory).

23° Législation pinopénale. L'adultère consommé sur un mur mitoyen peut-il être considéré comme perpétré dans le domicile conjugal ? Elucidez l'espèce, et, sans être trop long, mettez au pied du mur les auteurs qui ont approfondi cette matière déli- cate, par Argus (M. Delinge, avocat).

24 e Quatre pages de musique gravée, des sept chansons que renferme le volume.

M. Chalon, de Mons, a eu beaucoup de part à ce volume, et il est probable que les pseudonymes que nous ne dévoilons pas cachent sa coopération.

Tel est l'énoncé des travaux connus jusqu'à ce jour de la joyeuse société que M. Achille Comte a prise pour académie sérieuse : les sujets sont passablement étranges, encore ne lais- sent-ils pas soupçonner la joyeuseté avec laquelle ils ont été traités.

a MM. les Agathopèdes, on le voit, ne parlent pas comme tout le monde, dit le baron de Reiffenberg, en finissant son article. Ce que nous appelons un annuaire est pour eux un annulaire. Le bureau des longitudes et des éphémérides est changé en bureau des platitudes et des éphémorroïdes, ainsi du reste. Le calembourg obtient chez eux les honneurs de la réaction.

« En entrant dans cette société on ne choisit pas un nom de berger en Arcadie, mais le nom d'un animal; le grand-maître est le cochon. Cela ne nous paraît pas très-folâtre ni de très-bon goût.

L'Annulaire, puisque annulaire il y a, ne se vend pas; c'est un très-élégant volume, orné de jolies gravures et de vignettes sur bois, aussi belles d'exécution que folles d'invention, rempli de coq-à-Pâne et d'admirables bêtises. Après une préface fort extraordinaire, on trouve des vers, de la prose, souvent un peu lestes, et des mémoires sur des sujets bouffons, qui sont traités avec une gravité et un semblant d'érudition grotesques.

« Encore un coup, il y a dans ce volume plus d'esprit et de


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talent qu'il n'en faudrait pour faire un ouvrage utile. Son grand tort, selon nous, c'est d'être une débauche d'intelligence trop prolongée (1). »

ARC (t. I, p. 43). Les sociétés d'archers sont loin d'être éteintes en Belgique; elles y fleurissent avec honneur. Nous nous bornerons à quelques détails sur celles que possède la ville de Bruges, et nous les empruntons à une notice descriptive qu'un érudit distingué, M. O. Delepierre, a consacré à cette vieille cité :

Confrérie de Saint-Georges. — Une des plus anciennes confréries de Bruges est celle des arbalétriers, dits Chevaliers de Saint-Georges; ses annales ont été publiées en flamand par M. Joseph Van Praet, en 1786^ alors imprimeur en cette ville. Cette confrérie existait dès le XIII e siècle; car, tout au commen- cement du XIV e siècle, la dame Marie Van Eyne et Bremen lui octroie l'usage de sa chapelle de Saint-Pierre_, pour y célébrer le service divin. Les Chevaliers de Saint-Georges rendirent de grands services à la ville et au pays, car ordinairement un


(1) Une des pièces qui composent Y Annulaire agathopédique (la 23 e ), a été reproduite dans une brochure intitulée • les Pourceaux de Bruxelles, peints par eux-mêmes. Bruxelles, i863, i3 pages. Cette reproduction est précédée d'un avant-propos de deux pages où se lit ce passage :

t Un immense scandale vient d'éclater à Bruxelles.

« Deux avocats étaient amis. Foulant aux pieds lesdevoirs les plus sacrés, l'un d'eux a déshonoré son ami, et par conséquent il s'est déshonoré lui- même.

« Ce scandale se propage et s'agrave ; un divorce se poursuit, et, pour combler la mesure de l'iniquité, c'est au profit du coupable. Il épousera sa complice. Nul n'a pitié d'un époux sans pudeur; c'est lui qui a perverti sa femme.

« Lui aussi se moquait du mariage et des maris trompés ; il les appelait des Nicodémes dans un écrit que l'on trouvera ci-après; il osait discuter la question de savoir si l'adultère commis sur un mur mitoyen peut être considéré comme perpétré dans le domicile conjugal.

« C'est sa propre histoire, c'est sa propre condamnation qu'il a écrite. »


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certain nombre d'entr'eux assistaient aux sièges et combats qui avaient lieu dans le pays, et recevaient une solde comme nos soldats réguliers. A plusieurs époques, les magistrats leur accor- dèrent des subsides annuels : « Voor aile de goede diensten die « sy hebben gedaen ten voordeele van de^e stad ende den « lande van Vlaenderen. » Les statuts de la confrérie arrêtés (ou plutôt rétablis) en 1400, décident que nul s'il n'est citoyen de Bruges et archer habile, ne pouvait être admis. Si le réci- piendaire avait une haine, une querelle ou une rancune contre un de ses confrères, il était d'abord tenu de faire la paix. Puis il prêtait serment de fidélité à la compagnie et aux magistrats, s'engageant à les défendre et à obéir aux chef-homme et doyens, en tout ce qui lui serait commandé. Aucun d'eux ne pouvait se livrer à l'usure, ni tenir une conduite déréglée, sans quoi on l'éliminait de la société. Si de pareilles associations avaient, à cette époque, occupé un plus grand théâtre, elles se seraient peut-être élevées au niveau des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem ou du Temple. Maintes prouesses attestent leur cou- rage et la fidélité que les membres gardaient à leur serment.

Un grand nombre de souverains ont apposé leur signature sur le registre des confréries. Entr'autres Jean-sans-Peur, Phi- lippe-le-Bon, Charles-le-Téméraire, Maximilien, roi des Ro- mains, Philippe-le-Beau, Charles II, roi d'Angleterre, Henri, duc de Glocester, son frère, Marie-Christine d'Autriche, Al- bert-Casimir, duc de Saxe-Tesschen, etc.

Dans le local de cette confrérie, on trouve un grand tableau de Lanselot Blondeel, dont le panneau du milieu représente saint Georges tuant le Dragon. Autour on voit différents épisodes de la vie de ce saint. La société possède encore deux morceaux du même peintre, et deux grandes toiles, qui offrent Charles II, roi d'Angleterre, au milieu d'une fête donnée par la Confrérie.

Charles-Quint, en 1540, et Albert et Isabelle, en 1608, auto- risèrent la Confrérie, par lettres-patentes, à poursuivre les héri- tiers des confrères décédés, qui refuseraient de payer la somme


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que chacun s'obligeait à donner à sa mort, en devenant mem- bre de la société.

Peut-être le lecteur ne sera-t-il point fâché de trouver ici la description d'un de ces tirs à l'arbalète qui se faisaient jadis de ville en ville avec tant de splendeur :

a Pendant toute la journée, un soleil brûlant avait rempli l'atmosphère de cette chaleur accablante qui nous donne parfois une idée du ciel asiatique. C'était le samedi 10 août 1549; vers tes six heures de l'après-midi, les confrères de la noble Société de Saint-Georges, de Lille, firent leur entrée à Bruges, avec toute la pompe que l'on donnait alors à ces sortes de fêtes. Ils venaient prendre part à un grand tir aux buttes. Quatre-vingts personnes composaient le cortège. Toutes étaient montées sur de beaux chevaux de Flandre à la forte encolure. Le rouge était la couleur de la société, et chaque membre avait adopté cette couleur, les uns en satin, les autres en taffetas ou en damas, et quelques-uns en drap. Le roi de la confrérie et le prince d'a- mour étaient vêtus en satin blanc. Le clerc, les valets, les tam- bours et les fifres portaient un uniforme jaune.

« L'entrée se fit par la porte de Bouverie. A la suite du cor- tège s'avançaient cinq ou six chariots de bagages sur lesquels se faisaient remarquer une douzaine de jeunes garçons déguisés en Maures, et dont l'emploi était de servir les membres de la société. Tout ce monde défila lentement au milieu des fanfares, à travers les flots de peuple accouru pour jouir de ce spectacle. Les croisées étaient garnies de la fleur de la bourgeoisie, ce qui offrait le coup-d'œil le plus gracieux dans une ville célèbre par la beauté de ses femmes.

« Les Lillois allèrent se loger à la Coupe d'Or, vis-à-vis de la Cour du Prince. Le lendemain, les notables de la Confrérie de Bi~uges (ce qu'on appelait le Serment), se rendirent chez les nouveaux venus, pour les inviter à venir dîner à la salle de la Société Saint-Georges, engager le combat du tir à l'issue du repas et souper ensuite joyeusement ensemble. Comme il a été


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dit, les Lillois étaient quatre-vingts et les membres de la Con- frérie de Bruges étaient plus de cent. Cinq grandes tables furent splendidement servies et couvertes d'une telle quantité d'argenterie, que les Lillois témoignèrent leur étonnement d'un pareil luxe. •

« Les magistrats de la ville assistaient à ce festin. Aux deux extrémités de chaque table étaient distribués des oies,des hérons et des butors. Au centre se trouvaient 12 morceaux de viande de vache. Il y avait encore 33 poulets, 3 jambons, 9 cochons de lait et plusieurs autres mets trop longs à décrire. Le vin y figura aussi en abondance ; on y but 52 stoopen ^'mesure de 2 pots ou 4 pintes) de vin du Rhin, 1 6 stoopen de vin rouge (1), quantité de bière, etc. Le cuisinier de ce fameux repas reçut 2 escalins et 6 gros pour sa peine.

« Après le tir,, et à la fin delà journée, les Brugeois, précédés de trompettes et de clairons, reconduisirent en cortège leurs hôtes à leur logis, à la lumière de plus de cent torches. A peine les rues pouvaient-elles contenir la foule.

c Le lundi matin, le roi de la Confrérie de Bruges alla de nouveau inviter les Lillois; maiSj ayant appris qu'ils faisaient les préparatifs du départ, des messagers furent de suite expédiés pour prévenir les confrères de faire porter des vivres et un ton- neau de vin au village de Lophem. L'intention des Brugeois était d'accompagner leurs hôtes jusque-là et de leur y verser le vin du départ. En conséquence, ils partirent tous ensemble à cheval, et, arrivés à une belle plaine, les Brugeois arrêtèrent leurs amis, et, par une manœuvre préparée d'avance, firent jeter une si grande quantité de rameaux verts autour du cortège, que les chevaux ne pouvaient plus avancer. Alors, chacun mit pied à terre, et, en moins d'un quart-d'heure, le tonneau de vin


(1) Il est à remarquer que le vin du Rhin était moins cher alors que le vin rouge, probablement à cause des difficultés de communication avec la France, presque toujours en guerre ou en querelle avec nous.


ARC 3oi

ayant été vidé, les deux sociétés prirent congé l'une de l'autre, avec les plus grandes marques d'amitié. »

Confrérie de Saint-Sébastien. — La société des archers, dite de Saint-Sébastien, à Bruges, remonte au moins au XI V e siècle. Déjà, en 1396, elle avait une chapelle privée, construite à ses frais, dans le couvent des Frères-Mineurs, où, tous les diman- ches et jours de fêtes, se célébrait une messe pour les confrères. Anciennement ces archers accompagnaient les comtes de Flandre d'une ville à l'autre, envoyaient des compagnies à la guerre, dé- fendaient la ville en cas de danger, et rendaient maints autres services.

En i325, le magistrat de la ville de Bruges leur accorda, entre autres privilèges, pour les services rendus et à rendre, une somme annuelle de 100 livres parisis, afin de les aider â couvrir les frais de leurs costumes.

En 1454, les frères Adornes, fondateurs de l'église de Jérusa- lem, dont l'un était chef-homme de cette confrérie, lui firent don de 200 verges de terre avec bâtiments et entourées de murailles, pour y faire leurs exercices. Ce local était non loin de l'empla- cement actuel.

A cette époque, le tir aux buttes était le plus en usage. Il n'y avait pas encore de perche ou pyramide, et lorsqu'on tirait à l'oi- seau, la pyramide était attachée à un moulin, sur le rempart dit des Carmes, vis-à-vis le local de la société.

Ce terrain, donné par les seigneurs Adornes, et les buttes, sur les remparts, se trouvent marqués sur la belle carte de Marc Gérard, de 1 5 62.

Ce ne fut qu'en 1573 que la Confrérie de Saint-Sébastien acheta, de messire Corneille De Blois, le local qu'elle occupe encore jusqu'à ce jour, à l'extrémité de la rue des Carmes, à peu de distance de l'ancien établissement. Déjà, depuis longues années, le bâtiment était orné de la petite tour gracieuse et pit- toresque qui le décore maintenant. Ce terrain coûta 400 livres de gros. Six ans après, on construisit la galerie à couvert et les


302 ARC

belles buttes qui servent encore aujourd'hui aux exercices des archers.

En i656, le roi d'Angleterre, Charles II, et son frère, Henri de Glocester, ayant fui leur patrie, à cause des troubles, s'inscri- virent comme membres de la confrérie et promirent de lui payer, après leur mort : l'un une somme de 1,000 écus, Tautre 2000 couronnes. Le duc fit en outre don à la société d'une flèche en argent portant ses armes. Cet objet y est religieusement con- servé.

Nous reproduisons ici littéralement, tel qu'il se trouve dans le registre de la société, l'acte par lequel le monarque anglais a daigné, de sa propre main, s'inscrire comme membre de la confrérie.

Aujourd'huy, le 3 d'aoûst i656, Chaerles seconde Roy delà Grande-Britagnie, France et Irlande, pour faire honneur éternel q la confraternité de Saint-Sébastiaen se daigne de se escrire confrère de ladite confraternité et de sa grâce royale promet de faire paier après sa mort la somme de mil escus, ce 3 aoûst, C. R.

Furent témoins dans l'acte : SalomondeMaldeghem,Stadhou- der (gouverneur), L. Van Liekerke, régisseur, et Sebastien Van Waldeghem, membre.

En 1662, la Société de Saint-Sébastien reçut, par suite de cet engagement, 5, 600 florins. Cette somme servit à construire la grande salle de réunion actuelle, à faire sculpter le buste en marbre de S. M.Charles II, qui coûta 35o florins , le trophée d'armes qui l'entoure (dont les frais se montèrent à 47 livres de gros, 1 escalin, 6 gros) et à peindre le portrait du duc de Glo- cester, pour une somme de 100 florins.

A la révolution française, le local de cette confrérie ayant été publiquement vendu, comme appartenant à une corporation, fut racheté par les trois chefs, après un arrangement arrêté entr'eux et les confrères (1).

Çt) Ces détails sont extraits d'un manuscrit contenant les annales de la


ARC 3o3

En 1834, S. M. Léopold I er ,, roi des Belges, accorda le titre de Confrérie Royale à la Société de Saint-Sébastien, et vou- lut bien inscrire son nom sur le registre des confrères; il leur fit don de son portrait, peint par Kinson. S. M. la reine daigna également apposer sa signature sur les registres de la société. Le portrait du roi est placé dans la grande salle, qui contient encore plusieurs autres tableaux de nos bons maîtres : d'abord, un saint Sébastien, percé de flèches et attaché à un arbre, peint par Garemyn; c'est un des meilleurs tableaux de ce peintre. On y voit aussi des portraits de chefs de la confrérie, peints par Van Oost, Paelinck, Ducq, Odevaere, etc.

En 1843, la reine Victoria, d'Angleterre, et son auguste époux, le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, honorèrent la société de leur visite et daignèrent s'inscrire comme mem- bres.

Un an et demi après, la reine, se rappelant cette antique con- frérie, lui fit parvenir, comme souvenir, par l'intermédiaire de M. Sylvain Van de Weyer, ministre plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges, à Londres, une coupe en argent très-délicate- ment travaillée, ornée des emblèmes de la société et portant le chiffre de la souveraine de la Grande-Bretagne. Ce cadeau que, sous le rapport de la valeur intrinsèque, nous ne pouvons guère appeler cadeau royal, n'en est pas moins un objet de prix sous le rapport de l'art. — La société conserve, avec le plus grand soin, cette coupe de luxe qui jusqu'à présent n'a encore jamais servi.

Autour d'une pièce de vers, imprimée et encadrée, se trouve, dans de petits médaillons bleus, la mention de tout ce qui est arrivé de plus remarquable. à la société.

Société Saint-Sébastien, et composé d'après les pièces originales, par De Meyer, docteur en chirurgie, président de la commission médico-provinciale et chevalier de l'Ordre de Léopold. L'on attend avec impatience la publica- tion de cet ouvrage qui, sans aucun doute, présentera des faits intéressants et des détails curieux.


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ARCADES (tome I, page 48). Parmi les nombreux ouvrages publiés par les membres de cette Académie, on peut citer VOda di Doriîlo Dafneio (le comte Rezzonico) peîl'anno secolare delFArcadia di Roma, 1790. Avec leurs noms académiques,, les poètes modernes de l'Italie ont trouvé le secret du plus impé- nétrable incognito, qui n'est sans doute pas ce qu'ils ambition- naient le plus. Tous ces sobriquets, moitié grecs, ont bien vite été oubliés.

On se soucie peu de savoir, par exemple, que Paola Marghe- rita Bodoni prenait dans l'Académie des Arcades le nom de Cloride Fanagria, et Maria Luisa Gicci celui d'Erminia Tinda- ride.

ASINIENNE (Compagnie), (tome I, page 61). Nous avons vu une autre édition de YAsinissima Compagnia, Venise , 161 1, et il en existe sans doute plusieurs autres. Celle qui a passé sous nos yeux était jointe à un livret relatif à une autre société ima- ginaire à l'égard de laquelle nous manquons de renseignements : La Tremenda e Spaventosa Compagnia dei Tagliacantoni et Mangiapillastri di Buso Thomani. Venise, 1602.



AZOCHE (Clercs de la), (tome I, page 73). Le

livre de M. Faure que nous avons cité fournit,

entre bien d'autres renseignements, quelques-uns

qui méritent d'être signalés.

La Basoche de Toulouse était une des plus célèbres après

celle de Paris; elle se recrutait parmi les étudiants en droit si

nombreux dans cette ville.

M. Faure rapporte quelques faits qui lui ont été indiqués à cet


BAZ 3o5

égard par M. A. T. Latour, magistrat à Toulouse; la Basoche y était organisée comme celle de Paris; elle avait son roi et son grand conseil; elle paraît avoir eu le privilège du désordre; elle ne laissait aucun repos aux capitouls chargés de la police. C'étaient les Bazochiens qui, s'il faut s'en rapporter à la tradi- tion, obligeaient la Belle Paule à se montrer deux fois par se- maine le visage découvert. Ils intervenaient dans les querelles publiques avec cette humeur violente qui semblait inhérente à leur caractère. Un fait survenu, il y a moins d'un siècle, mérite d'être signalé.

Un imprimeur-libraire de Toulouse, Jean-Florian Baour (le père de l'académicien Baour-Lormian), avait mis sous presse une notice sur la Basoche; elle déplut aux membres de l'asso- ciation, et le 22 avril 1766, la Cour bazochiale rendit un arrêté qui défendit au sieur Baour de rien imprimer à l'égard de la Ba- soche et de ses privilèges. L'imprimeur s'adressa au Parlement qui, le 28 août de la même année, cassa le prétendu arrêt de la Basoche comme « abusif et attentatoire aux privilèges et con- cessions octroyés à ladite Basoche par 1 edit de son institution rendu par le roi Philippe-le-Bel en i3o3 et par celui du 2 jan- vier 1548 du roi Henri II. »

Ces deux édits, cités de confiance, n'existent pas.

Les artisans, suppôts du Roi de la Basoche, étaient tenus de mettre sur leurs enseignes les armoiries de la société, c'est-à-dire, les trois écritoires d'or au champ d'azur. Une chanson, compo- sée à l'époque de François I er et dont le texte a été rajeuni de- puis, assigne à ces armoiries une haute antiquité, bien contes- table.

L'encrier, la plume et Tépée Etoient les armes de Pompée; La Basoche est son héritière,

Elle en est fière. Soldat clerc, le Bazochien Est bon vivant et bon chrétien.

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3o6 BAZ


Vive la Basoche! A son approche Tout va bien.

Boileau avait d'abord fait mention dans le Lutrin du mai que plantaient les Bazochiens :

La discorde. . . . S'arrêta près du mai, dans la cour du Palais.

Mais plus tard il modifia ce vers et il écrivit:

S'arrêta près d'un arbre, auprès de son palais.

Un témoin oculaire nous apprend qu'en 1748, selon l'ancien usage, les Bazochiens se promenaient pendant plusieurs jours dans les rues de Paris, tous à cheval, marchant deux à deux, au nombre de vingt-cinq à trente (ce chiffre avait été déterminé en 1667). Ils avaient pour cette cavalcade des costumes rouges uni- formes, avec des cocardes blanches.

Diverses productions poétiques se rattachent au royaume de la Basoche. 11 parut vers i53o un petit poème intitulé : Les Complaintes et Epitaphes du roy de la Basoche. Le dernier vers :

Cy jestrandroy de la Vigne un vert jus.

autorise à attribuer cette production à André de la Vigne, poète bazochien, auteur de divers autres écrits fort recherchés des bi- bliophiles.

On ne connait qu'un seul exemplaire complet de ce livret; c'est celui qui, après avoir fait partie de la bibliothèque du duc de la Vallière (livrée aux enchères en 1784) passa dans celle de M. de Soleinne et fut adjugé en 1844 à 79 francs (n° 279 du ca- talogue).

C'est un petit in-8 de 12 feuillets, imprimé en caractères go- thiques; les expressions hybrides ou latinisées qui étaient dans le goût de l'époque, abondent; elles rendent souvent le sens inin- telligible. M. Faure a reproduit ces mauvais vers (page 341-


BAZ 307

353) d'après un exemplaire incomplet (6 feuillets manquent) que lui a communiqué M. Le Roux de Lincy.

Bornons-nous à transcrire un passage qui donnera une idée plus que suffisante de cette étrange production :

La Basoche contre la mort.

O Atropos pluthonique, scobreuse, Furie aride, sulphurine, umbreuse, Fière boucquine, bugle, cerbère, cabre, Beste barbare, rapace, ténébreuse, Gloute celindre, cocodrille vibreuse, Chymere arrière, megetin, candalabre, Arpie austère, cheziphonie alabre, Gargarineux steril, colubrin abre, Lac cochitif, comble de pleurs et plains, Palut boueux, vil acheronic mabre, Lubre matrone du cru tartarin flabre Iay iuste cause se de toy ie me plains.

Un ecclésiastique lyonnais , Philibert Girinet, écrivit, au XVI e siècle, une pièce de vers latins, Idyllion.ow Idylle sur l'é- lection de Pierre Gautier, roi de la Basoche à Lyon. Il est vrai- semblable que cette composition fut écrite de i53o à 1 535 ; l'au- teur était alors bazoehien; il prit part à l'élection qu'il décrit en témoin oculaire : YIdyllion fut publié pour la première fois dans un recueil de vers latins modernes mis au jour à Baie en 1546, par Gilbert Cousin: Bucolicorum Anctores XXVIII.

M. Faure a reproduit (voir pag. 3 26) le texte de l'édition de Bâle, plus correct que celui donné par M. Breghot du Lut, et la traduction française. Nous transcrirons un court passage de cette version :

« Dès que le prince eut été élu, deux de ses.principaux sujets relevèrent sur leurs épaules, et, accompagnés de la foule qui les entourait, l'établirent sur un siège magnifique, et mirent dans sa main droite le sceptre doré. Là, d'un ton grave et par des


3o8 BIB


paroles éloquentes que l'impression reproduisit à l'instant, il remercia l'assemblée... L'allégresse régnait dans toute la ville; on ne voyait partout que danses et groupes joyeux. Leurs cris s'élevaient dans les airs, et de toutes parts on entendait des vœux adressés au ciel en faveur du prince. Celui-ci ordonne à Pun de ses ministres, à qui le soin des forêts avait été confié, d'aller aussitôt sur la montagne et d'y faire couper des branches chargées de feuilles pour en construire dans la cité des berceaux sous lesquels on puisse se mettre à l'abri de la chaleur. Trois sapins sans nœuds, à l'écorce résineuse, sont également trans- portés. »

M. Lerouge avait réuni dans sa vaste collection, relative aux diverses sociétés secrètes ou publiques, des pièces assez nom- breuses au sujet de la corporation qui nous occupe. Son catalo- gue indique un recueil de 23 pièces sur la Basoche (1756-59), plusieurs en manuscrit ; le Triomphe de la Basoche, poème par Tignel, 1788; la Baçochéïde, poème burlesco-patriotico- héroïque, par R...; Vœu de la Basoche aux Citoyens de Paris , 1790; une notice extraite du Magasin encyclopéd.j 1808, etc.

BLOIS (Académie de), (tom. I, p. 99). Il a été fait, en 1.866, une réimpression de cette spirituelle facétie, Yverdon, imprime- rie particulière (Bruxelles?); c'est un in- 18 de 40 pages qui n'a été tiré qu'à 108 exemplaires, dont 25 sur papier jaune et 3 sur vélin. Les notes d'une érudition grotesquement sérieuse occu- pent la moitié du livret. Il est précédé d'une dédicace latine au doctissime et illustrissime secrétaire de l'Académie de Blois. « Accipe opusculum istud meum in quomultas et diversissimas origines verbi Cocu et indagare enucleare non sine temeritate praesumpsi. » Il engage son ami à communiquer en particulier cet écrit aux académiciens de Blois, en exceptant toutefois ceux qui « nomen infaustum manifesto et publico jure vindicare « sibi posse videbuntur. »

BIBLIOPHILES LYONNAIS. Des détails étendus sur di-


CAL 309


verses sociétés de ce genre existant en France sortiraient des li- mites que nous devons nous tracer; nous croyons devoir cepen- dant mentionner celle de Lyon. Quoiqu'elle ait fait paraître di- verses publications curieuses et tirées à petit nombre, elle n'existe pas, à ce que nous apprend une note consignée dans le Catalogue de mes livres, inventaire d'une des plus riches collections d'ou- vrages anciens qu'il y ait en France, publié par M. Yemeniz (i 865 -66; 3 tomes in-4). La Société est une supposition de M. Montfalcon, un savant connu d'ailleurs par des travaux très-esti- mables, et qui a jugé à propos de placer sous un nom collectif diverses réimpressions qu'il s'est plu à mettre au jour.



ALOTTE (Association delà), (tom. I, p. 134). Un choix fait avec goût dans les trop nombreuses pièces qui forment le Recueil de la Calotte, offrirait de l'in- térêt, s'il était accompagné de notes rédigées par une personne bien au fait de l'histoire anecdotique de l'époque et très-versée dans la lecture des Mémoires du temps.

Nous reproduirons deux de ces fragments oubliés aujourd'hui. Voici d'abord le Brevet pour Madame de Saint-Sulpice,, triste héroïne d'une aventure scandaleuse dont tout Paris s'amusa (1).


(1) On prétendit que, dans un«ouper avec des princes qui avaient un peu trop bu, le feu fut mis à un pétard qu'on fit partir sous les jupes de cette dame, femme d'un inspecteur-général de la marine et qu'elle fut cruellement brûlée. Sa vie fut en danger, mais elle finit par guérir. Des chansons fort gaies eurent lieu à ce sujet ; le recueil Maurepas (manuscrits de la Biblio- thèque impériale) en a conservé plusieurs. Voir aussi les Mélanges du pré-


3io CAL


De par le Dieu porte-marotte

Nous, général de la Calotte,

Obligez par notre devoir

De travailler à l'avantage

De nos sujets, et de prévoir

Ce qui seroit à leur dommage.

Plus d'empêcher par tous moyens

Que notre troupe calotine,

Tant dans son corps que dans ses biens,

Ne reçoive mal et ruine ;

De l'avis de notre conseil

Pour empêcher un cas pareil

A l'aventure déplorable

Ou pour mieux dire lamentable

Arrivée à dame de nom.

Cette illustre et galante dame

Aussi prudente au bal qu'au jeu

Par sa criarde qui s'enflamme

Se croyant tout à coup en feu

Crie : au secours ! à moi ! je brûle !

Mais la compagnie incrédule

Croyant qu'un semblable discours

Tendoit à la pure fadaise,

Loin d'accourir à son secours

La laissa brûler tout à l'aise.

Dont tel malheur est advenu

Que le conter par le menu

Ce seroit si terrible histoire

Qu'à grand peine on pourroit la croire

tendu Bois/ourdain (1807, tom. il, p. 10) ; la Correspondance deladuchesse d'Orléans (i855, tom II, p. 3o 7 , 3 17); le Journal de Barbier. L'avocat Ma- rais (dans son Journal, imprimé dans la Revue rétrospective de M. Tasche- reau, et réimprimé en 1864) dit que l'histoire de cette brûlure est très-fausse ; les contemporains, peut-être avec raison, l'ont crue très-vraie.


CAL 3u


Si par d'oculaires témoins Qui cette dame ont assistée Elle n'eut été racontée. Or, voulant donner tous nos soins Pour qu'une disgrâce semblable N'arrive en notre régiment Au sujet d'un sexe agréable Et que nous aimons tendrement, Nous défendons à nos vassales Tant vivandières que vestales, De porter sacristain, panier Tant de baleine que d'osier, Et criardes gouderonnées Tandis qu'auprès des cheminées Le froid contraindra d'approcher, Pour se chauffer ou se sécher; Permettons les susdites hardes, Paniers, sacristains et criardes, Pendant les chaleurs de l'été, D'autant qu'alors il n'est à craindre Une telle calamité ; N'ayant nul dessein de contraindre Les dames dans cette saison Où, par une bonne raison L'air et le frais sont nécessaires. Plus voulons, si le ciel permet Que ladite dame en revienne Que de notre part elle tienne La main, afin que sur ce fait Toute autre soit obéissante, Sous peine à la contrevenante D'éprouver accident pareil; Arrêté dans notre conseil Le même jour que nos brigades


3i2 CAL

Faisoient joyeuse mascarade Et couroient porter le momon; Par nous Forsas, et moi Aimon.

Le médecin de Louis XIV, Fagon, est fort malmené par les chansonniers de la Calotte ,• citons, parmi bien d'autres,, quel- ques vers lancés contre lui :

Il ne vivoit que de régime, Exténué, bossu, hideux. La démarche d'un quadrupède ; Sa figure sembloit un zède; Une forêt de noirs cheveux Entouroit son crâne et sa face ; Il effroyoit la populace; Chacun croyoit à son abord Voir le squelette de la mort.

On sait d'ailleurs combien ce docteur eut d'ennemis; il dut surtout le maintien de sa longue faveur à Madame de Mainte- non dont il était l'adulateur outré. La duchesse d'Orléans lui reproche d'avoir hâté la mort du roi, et même d'avoir fait périr la reine {Correspondance 3 tom. II, p. 109, 114 et 201); mais on sait que la bonne princesse ne ménageait point les accusa- tions les plus risquées aux gens qu'elle n'aimait pas.

L'aventure du père Girard, tristement célèbre par les accusa- tions que porta contre lui la demoiselle Cadière (1), excita la verve des beaux esprits de la Calotte. Parmi de nombreuses pièces de vers à cet égard nous remarquons une Sarcellade (nom qu'on donnait à des satires où l'on faisait parler des habitants du vil- lage de Sarcelles, près Paris).


(1) Cent quatorze ans après l'arrêt du parlement d'Aix qui acquitta Gi- rard, et lorsqu'on pouvait croire ce procès bien oublié, il a été mis au jour à Paris, en 1845, un volume intitulé: Détails historiques sur le père Girard et mademoiselle Cadière de Toulon,


CAV 3i3

Sçais tu, Collin, ce qu'on dit à Paris ?

Par la morguienne ! ys sont biau ébaubis.

Te souviant il de cette la Cadière

Dont ys lisions les faitons n'aguière ?

Comme al disoit que ce Père Girard,

Dès qu'il étoit avec elle à l'écart,

Après avoir biau varouillé sa porte

La visitoit comme une bête morte;

Qu'il la tatoit et la lantiponnoit,

Tant qu'un biau jour ce vilain maladret

L'avoit rendue, à ce qu'ai disoit, mère...

Moi, je disians : si ç'atoit calomnie

Cette chienne devroit être punie,

Mais si c'est vrai, tout ce qu'aile nous dit,

Faudroit griller ce Lucifer maudit.

Au diable-zoc ! ces monsieurs de Provence

Avons à tous, baillé, pleine indulgence;

C'est la besogne à Jean Cogne-Festu:

Qui plus a mis et plus y a pardu.

Et qui pis est, on dit que les Jésuites

De ça, pour rian, n'avons pas été quittes,

Qu'il a fallu pour ce biau jugement,

Aux juges d'Aix lâcher biaucoup d'argent.

CAVEAU (t. I, p. 1 5 1). Cette institution, longtemps célèbre, mérite qu'on en parle un peu plus en détail.

Laujon {Œuvres choisies, 1811, tom. IV), raconte ce qui concerne le premier Caveau, celui de Piron, de Collé et de tant d'autres amis de la gaîté.

Les dîners se faisaient à frais communs; on n'admettait per- sonne, si ce n'est les associés, dont le nombre n'était pas déter- miné; une seule voix contraire suffisait pour entraîner l'exclu- sion.

L'ordonnateur des dîners était Laplace; à deux heures pré-


314 CAV

cises on se mettait à table; on n'attendait personne, pas même le président. Ce n'était qu'au dessert qu'il était permis de s'oc- cuper de chansons.

Le tirage au sort ayant donné un jour à Laujon les mots : Deux à deux, il composa rapidement les couplets que voici :

Pour boire et chanter au Caveau Ici chaque mois nous ramène ; Si nous nous y permettons de l'eau, C'est celle qu'offre PHippocrène Qui coiffe assez bien les cerveaux; L'amorce est douce; on y succombe. Chacun s'enivre à qui mieux mieux, Aussi voyons-nous qu'on y tombe Deux à deux.

Pourquoi donc laisser au hasard Le droit d'asservir nos pensées ? Songez que c'est détourner l'art Des routes que nous ont tracées Le bon Collé, le bon Favard. Gaîté sans fard, douce harmonie Offraient, dans leurs couplets joyeux, Des vers, dictés par le génie, Deux à deux.

A l'époque du Directoire, le Caveau se réorganisa. Le dîner fixé au 2 de chaque mois (calendrier républicain), avait lieu à deux heures et demie ; on soupait encore alors. Le repas avait d'abord lieu à frais communs, mais bientôt la vente du recueil lyrique de la société couvrit amplement la dépense (i).

(i) Paris a possédé, à l'instar du Caveau, un grand nombre de sociétés chantantes , mais qui ont fait peu de bruit, et dont il n'est sorti que des productions médiocres et oubliées. On nomme en ce genre les Sans-Soucis,


CAV 3i5

On nous saura peut-être quelque gré de placer ici, sans nous astreindre à un choix trop sévère,, quelques-unes des pièces échappées à la verve des chansonniers qui, au commencement de ce siècle, illustrèrent le Caveau.

Après Désaugiers et. Piis, dont les productions sont bien connues, Armand Gouffé occupe un rang distingué (i). Une de ses chansons : le Vin et la Vérité^ renferme des vers bien tournés :

In vino veritas, mes frères,

Nous dit un proverbe divin;

Dieu, pour nous faire aimer nos verres

Mit la vérité dans le vin.

J'obéis à sa loi suprême ;

Comme buveur je suis cité;

On croit que c'est le vin que j'aime ;

Mes amis, c'est la vérité.

On croit que la philosophie

N'a jamais troublé mes loisirs,

Et qu'à bien jouir de la vie

J'ai toujours borné mes plaisirs.

On dit, quand je cours sous la treille :

C'est le plaisir, c'est la gaîté

Qu'il va chercher dans la bouteille;

Mes amis, c'est la vérité.


les Lapins du Nord, les Lapins du Midi, les Francs Gaulois, les Amis de l'Entonnoir, la Lice chansonnière, la Société du Gigot, les Enfants de la Gloire, etc.

(i) Né en 1773, employé au ministère des finances où il devint sous-chef de division; les chiffres de la comptabilité ne l'empêchèrent pas- de mériter le surnom du Panard du XIX e siècle; ses chansons forment 4 vol, publiés de 1802 à 181 3 : Ballon d'essai, Ballon perdu, Encore un Ballon, le Dernier Ballon.


3i6 CAV

Ce chansonnier a su rendre très-gaie une chose fort triste : le Corbillard.

Que j'aime à voir un corbillard !

Ce début vous étonne , Mais il faut partir tôt ou tard,

Le sort ainsi l'ordonne, Et loin de craindre l'avenir,

Moi, dans cette aventure, Je n'aperçois que le plaisir

De partir en voiture.

Le riche en mourant perd son bien,

Moi, je vois tout en rose ; Je n'ai rien, je ne perdrai rien,

C'est toujours quelque chose. Je me dirai : d'un parvenu,

Je n'ai pas la tournure; Pourtant à pied je suis venu ,

Et je pars en voiture.

Son portrait, tracé par lui-même, se termine par un trait assez original :

Du reste, j'ai deux pieds, deux mains,

J'ai deux jambes pareilles; J'ai, comme les autres humains,

Deux fort belles oreilles. Sur un trône sans être né

Je chéris mon partage; Aussi bien qu'un roi, j'ai le né

Au milieu du visage.

Citons encore quelques pièces de cet aimable épicurien :

MANGEONS !

Pour vivre dans le monde, Que de lois à la ronde


CAV 3i 7


Nous nous forgeons ! Il n'en est qu'une à suivre; Si nous voulons vivre

Mangeons ! mangeons ! (ter]

A vivre dans l'histoire, A poursuivre la gloire^

Quand nous songeons, J'entends dame Nature Qui tout bas nous murmure : Mangeons! mangeons!

Les riches dans leurs terres, Comme les pauvres hères Dans leurs donjons, Le haut, le bas étage, N'a partout qu'un langage : s Mangeons! mangeons!

Entre mille systèmes

Que rarement nous-mêmes

Nous partageons, L'un l'autre on se déchire; On s'accorde pour dire :

Mangeons ! mangeons !

Par des propos nuisibles Combien de gens sensibles

Nous affligeons! Rien n'est moins profitable Que de parler à table;

Mangeons ! mangeons !

Pour attendrir nos belles Dans des peines mortelles


3i8 CAV


Nous nous plongeons; Un lièvre pris au gîte Devient tendre plus vite.

Mangeons! mangeons!

Qu'on nous serve un potage, Des ragoûts, du laitage,

Ou des goujons, Ou bien qu'on nous apporte Des ortolans... qu'importe?

Mangeons ! mangeons !

BIBI.

Quoiqu'un docteur censure

Vinwn, Il est, je vous assure,

Bonum; Et comme chacun pense

Sibi, Dès ma plus tendre enfance

BIBI.

Je vis sur mon passage

Aquam; Mais pour en faire usage

Nunquam; Je vis du vin à boire;

Tibi , Tibi, mon cher Grégoire,

BIBI.

Je fus près des bourriches Lœtus


CAV 3 19


Et près de certains riches

Mutus, Mais toujours sous les treilles

Ubi Je trouvai des bouteilles

BIBI.

J'ai craint les batailles

Muîtum; J'ai fait voir aux futailles

Vultum; Moins fatal qu'Alexandre

Orbi Sans rien réduire en cendres

BIBI.

Jadis, fêtant sans cesse

Bacchum, J'enivrais ma maîtresse

Mecum, Resté seul, j'eus des craintes

Morbi, Pour braver ses atteintes

BIBI.

Je fis parfois à table

Carmen, Non pour rendre durable

Nomerty J'ignorais l'art sublime

Phœbi; Pour rencontrer la rime

BIBI,

Par Bacchus, je respire; Bibo,


320 CAV

Et lorsqu'au sombre empire

Ibo Je veux dire à Tantale :

BIBI.

Voici encore une jolie chanson d'Armand Gouffé.

VERSEZ TOUJOURS.

Vénus, sois favorable Aux galants troubadours; Moi, pour chanter à table. Au vin seul j'ai recours; Verse %, verse\ toujours (4 fois).

Sans boire on ne peut rire, Les sens sont froids et lourds ; Mais le bon vin inspire Les plus piquants discours ; Verse\, verse^ toujours.

Bien souvent en sommeille Juché sur le velours; On est gai sous la treille, Et c'est là que je cours. Verseq, verse\ toujours.

Le vin à la vieillesse Procure de beaux jours; Le vin à la tendresse Offre un puissant secours ; Verseç, verseç toujours.

Le vin tourne les têtes; Ce sont là de ses tours; Cherchez-vous des conquêtes Au pays des Amours, Verse\, verse\ toujours.


CAV 3-2i


Propageons dans la ville, Portons dans les faubourgs Ce refrain plus utile Que tous les calembourgs 1 Verse %, verse\ toujours.

Que l'on chante à la ronde, De Paris jusqu'à Tours, Et que l'on se réponde De Tours jusqu'à Nemours, Verse\, verse\ toujours.

Buvons jusqu'au délire Et marquons bien les tours ; J'espère le mieux dire Dans ce charmant concours Verseç, verseç toujours.

Garçons, que l'on nous serve Le nectar des Pandours, Et que Dieu me préserve De parler à des sourds ! Verseç, verseç toujours.

Du Champagne, du Grave Et point de sots détours; Que l'on chante à la cave, Au grenier, dans les cours, Verse^y verse\ toujours.

Le temps fuit et nous presse; Nos dîners sont trop courts; De ma joyeuse ivresse, Ah ! prolongez le cours, Verse^, verse\ toujours.


21.


322 CAV

Brazier se montra l'émule, souvent heureux, d'Armand Gouffé; nous prenons, sans choisir, parmi les chansons qu'il apporta au Caveau, celle qui est intitulée : Mangeons.


M angeons ! mangeons, c'est le refrain

D'une chanson que j'aime; Ce doux refrain m'as mis en train-; Je veux chanter de même. Plus nous y songeons, Mangeons, oui, mangeons; C'est un titre à la gloire, J'aime les bons mets, J'aime à manger, mais J'aime encore mieux boire.


C'est dans le vin qu'est le plaisir;

Si l'on en croit l'histoire, Grégoire, avant que de mourir Criait encore : à boire ! Et dans cet instant Un buveur prétend Que, jaloux de sa gloire, Même après sa mort, Il fit un effort Et but... dans l'onde noire.

Sur la carte je vois souvent

La mer Adriatique, La mer du Sud et du Levant, Je vois la mer Baltique, Mais de la gaîté Toujours enchanté


CAV 3 2 3

J'évite la mer Noire ; Puis, en bon gourmet,

La rouge me plaît, Car c'est la mer à boire.

Voulez-vous bien faire l'amour; Videz vingt fois vos verres; Voulez-vous rimer, chaque jour, Buvez, buvez, mes frères ; Vraiment, c'est en vain Qu'on blâme le vin ; Il donne delà gloire; Un auteur souvent Arrive en roulant Au temple de mémoire.

Grisons le débile vieillard

Que le temps inquiète; Grisons la prude, le cafard Et grisons la coquette;

Grisons les enfans,

Grisons les mamans,

Les faiseurs de gazettes;

Grisons les garçons

Grisons les grisons, Grisons jusqu'aux grisettes !

Philippon delà Madeleine nous offrira :

l'élève d'épicure a table.

Chantons, buvons; ce n'est qu'ici

Que la vie

Est jolie; Chantons, buvons; ce n'est qu'ici Qu'on nargue le souci.


32 4 CAV

Une onde fugitive, Voilà notre destin; Mais le ciel sur la rive Fait croître le raisin.

Chantons, etc.

Peine, ennui, jalousie Assiègent mes foyers, Mais ici l'on oublie - Jusqu'à ses créanciers.

Chantons, etc.

Laissons un dieu volage Amuser des enfans; On n'aime qu'au jeune âge ; On boit dans tous les temps.

Chantons, etc.

Combien d'heures chagrines Suivent les doux ébats ! La rose a des épines, Le pampre n'en a pas. Chantons, etc.

Belles qu'Amour condamne A de tendres langueurs, Imitez Ariane; Bacchus sécha ses pleurs. Chantons, etc.

Garde, fils de Latone, Tes neuf sœurs, ton ruisseau; J'ai pour muse Erigone, Pour Parnasse un caveau. Chantons, etc.


GAV - 325


LES TROIS MOTS.

Trois mots forment mon thème Et toutes mes leçons; Or, ces trois mots que j'aime Sont (jugez s'ils sont bons),

Aimons, Buvons,

Chantons.

Ici nous pouvons dire Tout ce que nous pensons. La gaîté nous inspire; Disons et répétons

Aimons,

Buvons,

Chantons.

Dans cette courte vie Momus vaut bien Caton ; La raison est folie, La folie est raison.

Aimons_,

Buvons,

Chantons.

Un roi, cher à l'histoire, Fit plus d'une chanson ; Il sut aimer et boire, L'avis est trois fois bon.

Aimons,

Buvons,

Chantons.

Phœbus, par l'harmonie, L'amour, par ses leçons,


326 CAV

Bacchus par l'ambroisie Enivrent .nos raisons.

Aimons,

Buvons_,

Chantons.

Lorsqu'en trois mots je trace Mon système en chansons, Changez les mots de place, Ils seront toujours bons. Aimons^ buvons, chantons_, Buvons, chantons, aimons, Chantons, aimons, buvons, Aimons, buvons, chantons.

buvons.

Buvons ! disait Anacréon;

Buvons ! disait Horace ;

Les Grecs, les Romains du bon ton,

Les suivaient à la trace.

Mes amis, tant que nous vivrons

Honorons leur mémoire;

Fêtons dans ces lurons Les patrons

De la chanson à boire.

Buvons, disait ce Vasselin Père du Vaudeville ; Son refrain bachique et malin Bientôt courut la ville; Laissant chanter au troubadour

Et l'amour et la gloire ,

Le plaisir à son tour Mit au jour

Mille chansons à boire.


CAV 32 7


Buvons ! s'écriait à Nevers Ce menuisier que j'aime; En buvant il faisait ses vers; Il les chantait de même. A ses coffres bien ou mal faits

Il ne doit pas sa gloire;

Il doit, chez les Français, Ses succès

A ses chansons à boire.

Buvons, buvons, disaient Collé

Et Gallet, son confrère,

Et Piron, toujours accolé

Aux vrais amis du verre.

A leurs bons mots chacun sourit,

Or, la chose est notoire;

Messieurs, ce qui nourrit, Leur esprit,

C'est la chanson à boire.

Buvons, disait le bon Panard En sablant le Champagne, Entre le gracieux Favard Et sa vive compagne. Bon Panard, on doit au dessert Entonner pour ta gloire, A chaque vin qu'on sert

Un concert De tes chansons à boire.

Morgue, buvons, disait Vadé Aux gens de la Courtille, Et plus d'un broc était vidé Par plus d'un joyeux drille.


328 CAV

De la fatigue et du chagrin Garde-t-on la mémoire Au bruit du tambourin,

Du crin crin Et des chansons à boire?

Buvons ! ce mot, ce joli mot Finit bien des querelles ; Par ce mot certain Dieu marmot Soumet bien des rebelles ; Et quand Nicole fait du train,

Son tendre époux Grégoire

Prend pour lui mettre un frein Le refrain

D'une chanson à boire.

Dans un Caveau qu'on m'a vanté

Les auteurs, nos modèles,

A la bouteille, à la gaîté

Furent toujours fidèles.

Pour nous récha.uffer le cerveau,

Pour bannir l'humeur noire,

Invoquons de nouveau . Le caveau

Et la chanson à boire.

Antignac, employé de l'administration des postes^ mort en 1825, fut un des membres les plus zélés du Caveau. Nous re- produirons trois de ses chansons; un recueil, très-loin d'être complet, fut imprimé en 1809.


Quand l'ordre du jour m'indique Qu'il faut dîner avec vous


CAV 329


Moi, j'obéis sans réplique. Car cet ordre m'est bien doux : A table ici tout m'enchante Et quand je trouve mon tour, Je ris, je bois et je chante; Je suis à l'ordre du jour.

A voir sa nouvelle pièce Un auteur vient m'inviter; J'y vais, car la politesse M'ordonne de l'écouter. Je m'aperçois qu'à la ronde Chacun agit sans détour, Je baille avec tout le monde Pour être à l'ordre du jour.

Quand le plaisir donne l'ordre Amis, cédons à sa voix, Et toujours, sans en démordre, De Cornus suivons les lois; Avec le jus de la treille Et des souvenirs d'amour Sur les chagrins de la veille Passons à l'ordre du jour.

LES EFFETS PERDUS.

De tous côtés j'entends dire : Les auteurs perdent l'esprit : Les arts perdent leur empire, La vertu perd son crédit. Que faire en cette occurrence ? Offrir pour ravoir tout ça Honnête récompense A qui nous les rendra.


33o CAV

Entassant course sur course, Paul, tant que le jour est long, Va du perron à la Bourse Et de la Bourse au perron ; Il perdit sa conscience, Hier dans ces environs là; Honnête récompense A qui la lui rendra.

Vive, maligne et fantasque. Franche encore en ses écarts, Thalie a perdu son masque En courant les boulevards ; Ah ! sur cette perte immense Longtemps elle pleurera ; Honnête récompense A qui le lui rendra.

Du serpent qui mord la lime Imitant l'ancien combat, Comme lui Martin s'escrime A mordre; c'est son état; Mais en mordant sans prudence Sa dernière dent tomba. Honnête récompense A qui la lui rendra.

Jean a la douleur dans l'âme; Jean, la perle des maris. Las ! vient de perdre sa femme Dont vous connaissez le prix ; Elle s'est par imprudence, Egarée à l'Opéra.

Honnête récompense

A qui la gardera.


CAV 33i


Chansonnette de table.

Et tic, et tic, et tic, et tic, Et tic, et toc, et tic, et toc, Que ce joyeux carillon Se répète à l'unisson.

Chez les amis de la panse

C'est ainsi qu'on doit, je pense,

Terminer un bon repas ;

Grâce aux mains qui les provoquent,

Que tous nos verres se choquent

Mais ne les imitons pas.

Quand la table nous rassemble Son charme confond ensemble L'âge, le rang et l'esprit, Et grâce à sa licence Chez Cornus toute distance Se mesure à l'appétit.

Tant que la table est garnie

Gardons nous de la manie

De parler à tous moments !

Point d'esprit, point de harangue;

Songeons qu'un seul coup de langue

Fait perdre vingt coups.de dent.

Fi de ceux dont la bedaine A table souvent nous gêne Par son embonpoint fâcheux; Pour les avoir il arrive Qu'on n'invite qu'un convive Au lieu d'en inviter deux.

Certain fleuve, dit l'histoire, Jadis était la mémoire


332 CAV


Le premier de tous les biens ; Que n'est-il encore au monde ? J'enivrerais de son onde Vos créanciers et les miens.

Mais j'aime mieux la puissance De ce vin dont l'influence Vient échauffer mes esprits ; Si par lui mon œil se trouble, J'ai le plaisir de voir double Le nombre de mes amis.

Et tic, et tic, et tic, et tic, Et toc, et tic, et tic, et toc, Que ce joyeux carillon Se répète à l'unisson.

Capelle laissa de nombreuses compositions; nous en prenons trois au hasard.

LE CHANSONNIER PRUDENT.

ou Conseils à mes Camarades du Caveau.

Chansonniers, mes bons amis, Qui dès long-temps sans scrupules Croyez qu'il vous est permis De fronder les ridicules, Quand, sur nos joyeux ébats

Maint sot crie

Et se récrie, A moins d'en parler tout bas, Hélas !

N'en parlons pas.

Nous raillons les courtisans Sans égard pour leur mérite,


CAV 333


Soudain, fiers et suffisans, Contre nous chacun s'irrite. Puisque tous les potentats

Les maintiennent

Et les soutiennent A moins de railler tout bas, Hélas !

N'en parlons pas.

Nous croyons que, sans danger, Les modernes Démocrites Gaîment peuvent se venger Des pédans, des hypocrites; Sur notre rire aux éclats

La morale

Crie au scandale. A moins d'en rire tout bas, Hélas !

N'en rions pas.

Quand hautement dans Paris Nous louons les douces flammes, La constance des maris, La fidélité des femmes, Se conduisant en ingrats

Chaque sexe

Rit et nous vexe. A moins de louer tout bas, Hélas!

Ne louons pas.

RIEN.

Sur le mot rien que l'on me donne Il me faut faire une chanson.


33 4 CAV

Je la ferai, puisqu'on l'ordonne, Mais je crains, et j'ai bien raison ; L'Etre suprême qui nous anime. Lui seul, par son pouvoir sublime, A fait quelque chose de rien.

Un rien est de grande importance, Un rien produit de grands effets, Un rien fait pencher la balance En amour, en guerre, en procès; Et sur cette machine ronde Les gens qui ne font rien de rien N'avancent en rien dans le monde Et ne sont jamais bons à rien.

Un rien flatte lorsqu'on espère, Un rien trouble lorsque l'on craint, D'amour le feu ne dure guère, Un rien l'allume, un rien l'éteint; De le rallumer l'espérance A presque seule le moyen. Le plaisir s'échappe en silence Quand le désir ne dit plus rien.

Maris qu'un soupçon effarouche, Qui pour un rien êtes jaloux Et qui jamais n'ouvrez la bouche Que pour vous plaindre d'être époux, Croyez-moi, restez bouche close ; La Fontaine vous le dit bien : « Quand on le sait, c'est peu de chose , Quand on l'ignore, ce n'est rien. »

Je n'ai pas fait grande trouvaille Dans ce rien, sujet ordonné,


CAV 335

Mais ma chanson, quoiqu'elle vaille,

Vaut bien le mot qu'on m'adonne;

Et si, d'être juste on se pique,

Je crois, en franc Epicurien,

Etre à l'abri de la critique :

On ne peut pas gronder pour rien.

LE GOURMAND, OU MAXIMES GASTRONOMIQUES.

L'appétit doit, comme le jour, Se réveiller avec le jour, Des bons repas être à la piste,

En tenir la liste;

Puis, à Pimproviste, Courir au meilleur librement, Vlà c'que c'est qu'un vrai gourmand.

Rien ne doit le déterminer A manquer l'heure d'un dîner; N'importe celle qu'on vint prendre,

Vite, il doit s'y rendre

Sans se faire attendre, Prêt à toute heure, à tout moment, Vlà c'que c'est qu'un vrai gourmand.

Celui qui sert dans un repas Assez souvent ne mange pas. L'homme à principes qui raisonne

Prend ce qu'on lui donne

Et ne sert personne : Il mange plus et chaudement; Vlà c'que c'est qu'un vrai gourmand.

Goûter de tous les plats qu'on sert, Du consommé jusqu'au dessert,


336 CAV

A petits coups boire à son aise;

Si le dîner pèse,

Sauter sur sa chaise Pour le tasser honnêtement (i), Vlà c'que c'est qu'un vrai gourmand.

Philippon delà Madeleine, littérateur assez fécond, mais qui ne s'éleva pas au-dessus de la médiocrité, rima parfois des vers que le Caveau entendit avec plaisir.

UN BON CUISINIER.

De la gaîté Cornus fut père;

Sans les bons mots point de beaux jours;

Quoique habile, une cuisinière

Ne me satisfait pas toujours;

Mais la friponne est si jolie,

Je n'ose la contrarier;

J'aurai ma table mieux servie

Si je prends un bon cuisinier.

De ma cuisine la fumée

Roulant en flots toujours nouveaux

Avertira la renommée

Du grand succès de mes fourneaux;

Divinité des moins farouches

Je vais mêla concilier;

Pour lui faire ouvrir ses cent bouches,

Il me faut un bon cuisinier.

Bien fou qui court après la gloire ; C'est courir après le danger.


(i) Ce procédé est reconnu par M. Grimoddc la Reynière pour être le plus simple et le plus satisfaisant.


CAV 33 7

Le fameux temple de mémoire Vaut-il une salle à manger? De Lucullus Rome s'honore; Sans doute, il fut haut guerrier; Il est bien plus fameux encore Par sa table et son cuisinier.

Nous terminerons ces extraits en reproduisant deux pièces : la première, de Ch. Longchamps; la seconde, de Dupaty :

NE NOUS PRESSONS PAS.

Dans tout ce qu'on fait, dit un sage, Il faut se hâter lentement : On reconnaît à cet adage Le philosophe et le gourmand. Depuis que je suis dans ce monde Je n'ai pas fait de bons repas Sans entendre dire à la ronde : Mes amis, ne tious pressons pas.

Si quelque mangeur peu modeste , Moins vrai gourmand qu'il n'est goulu , Me semble d'une main trop preste Vider un plat qui m'aura plu, Pour m'assurer de ce qui reste Je fais un signe... et dans ce cas Je veux que mon valet soit leste; Mais moi je ne me presse pas.

Bien boire n'est pas boire vite; Ne me parlez pas du vilain Qui dans son gosier précipite Coup sur coup dix pintes de vin :

22.


338 CAV

Si ce jus,, dont je me régale. En vieillissant a plus d'appas, Il vieillit tandis qu'on l'avale; En buvant ne nous pressons pas.

Moins connaisseur dans mon jeune âge, Et peut-être aussi plus ardent. Je me dépêchais davantage; J'aimais à jouir en courant, Mais des plaisirs où l'on se presse Aujourd'hui je fais peu de cas, Et dis toujours à ma maîtresse : En aimant ne nous pressons pas.

Damon, pour surprendre sa belle Courant la poste nuit et jour, De surprendre un amant chez elle Est un peu surpris à son tour... Avertis de ce qu'il en coûte Aux maris qui doublent le pas, La nuit, amis, couchons en route, Et le jour, ne nous pressons pas.

Toujours précédant la mesure, Toujours sautant et sautant mal, La pétulante Orphise est sûre De fixer tous les yeux d'un bal ; Quand je vois l'orchestre sourire De ne pouvoir suivre ses pas, Je suis tenté d'aller lui dire : En dansant ne vous presse^ pas.

Lorsqu'Atropos eut quelque envie De couper le fil de mes jours, Gomme j'aimais assez la vie Je lui tins ce petit discours :


CAV 33 9


Je sais qu'il faut que chacun meure, Et suis prêta sauter le pas; Si c'est mon tour à la bonne heure; Mais pourtant ne nous pressons pas.


M. Ch. Longchamp.


COUPLETS AUX CONVIVES DU CAVEAU MODERNE.

Au repas charmant qu'Epicure Prépare ici le vingt du mois, Apprenez par quelle aventure J'ai manqué la dernière fois; Ah! qu'une méprise pareille Aux gourmets ferait de chagrin!.... Pour un dîner mangé la veille Je suis venu le lendemain.

Sans doute un gourmand chez Balaine Aurait pu se dédommager, Et chez lui toute la semaine On trouve fort bien à manger; Mais qu'importe la bonne chère; Au repas, hélas! le plus fin, Votre amitié, qui m'est si chère, Aurait manqué le lendemain.

D'une mémoire trop ingrate Je me défierai désormais. Et dans le cœur j'aurai la date De vos agréables banquets. N'imitez jamais ma méprise, Mes amis ; ce n'est qu'au festin Où l'on rencontre la sottise Qu'il faut venir le lendemain.


340 CAX

Si la gaîté ne l'accompagne Aucun repas pour moi n'est bon : Tout seul j'aurais pu du Champagne Faire au loin voler le bouchon; Mais ces mots brillants, qui la veille Partaient avec le jus divin, Sans vous au fond de la bouteille Seraient restés le lendemain.

Un jour d'avance, pour bien faire, Au doux rendez-vous du plaisir, De peur de rester en arrière, Amis, hâtez- vous d'accourir; Cette mode fera merveille, Et pour dîner il est certain Qu'un gourmand doit venir la veille Bien plutôt que le lendemain.

M. E. Dupaty.

CAXTON SOCIETY. William Caxton est le plus ancien de tous les imprimeurs anglais; après avoir habité quelque temps les Pays-Bas, où il s'essaya dans les travaux typographiques, il s'établit à Londres et il publia en 1477 les Dits moraux des philosophes, premier volume daté mis au jour en Angleterre. Caxton mourut en 149 1; il n'était pas seulement imprimeur; il traduisit des ouvrages ayant alors à l'étranger une grande ré- putation, et le plus souvent il les modifia au goût de ses lecteurs. Devenus extrêmement rares, les volumes sortis de ses presses se payent des prix excessifs.

Quelques amis des livres et de la littérature du moyen-âge formèrent à Londres, en 1845, une société qui tenait des réu- nions terminées par un excellent dîner, et qui s'occupait de réimprimer ou d'éditer de vieux écrits relatifs à l'histoire et au mouvement intellectuel de la Grande-Bretagne dans les siècles passés. En dix ans, cette société, déployant de l'activité, fit pa-


coc 341

raître seize ouvrages ; les titres sont mentionnés dans le Biblio- grapher's Manual de Lowndes (Appendice (1864), p. 116). 11 paraît que depuis ces publications ont été suspendues. Trois sont en langue française : la Révolte du comte de Warmck contre le roi Edouard IV, d'après un manuscrit conservé à Gand(i849, in-8°); le Chasteau d'amour, poème de Robert Grossetête, évêque de Lincoln _, et la Vie de Sainte Marie Egyptienne (i852, in-8°); le membre le plus zélé de la Caxton society était le docteur J.-A. Giles; sur les seize ouvrages pu- bliés, on lui en doit neuf. Les autres ont été mis au jour par MM. C. Hook, Cooke, J.-R. Bloxham, C. Merriter, Th. Wright, et le lieutenant-colonel Anstruther (1).

COCUS (t. I, p. 1 63). V Ordre des Cocus reparut au com- mencement de la Révolution; grâce à la licence de la presse à cette époque de bouleversement^ il inspira quelques brochures publiées en 1789 et 1 790,, et devenues rares. Elles ont pour titre: Procès-verbal et protestation de V Assemblée de l'Ordre le plus nombreux du royaume , in-8°, 32 pages ; Délibération et protestation de l'Assemblée des honnêtes citoyennes compro- mises dans le procès-verbal; Second -procès-verbal de V Assem- blée de l'Ordre le plus nombreux, tenue dans la plaine de Longs-Boyaux^ Nouvelle Assemblée des Notables Cocus du royaume, en présence des favoris de leurs épouses (avec l'épi- graphe suivante au frontispice : Peu en meurent et beaucoup en vivent). Dans ces libelles, qui sont des spéculations basées sur le scandale, on trouve les noms d'une foule de persorinages impor- tants de l'époque; les grands seigneurs sont mêlés aux gens de


(1) Les bibliographes anglais Dibdin et Lowndes surtout, sont entrés dans de longs détails à l'égard : de Caxton et de ses ^travaux. M. Blades en a fait l'objet de deux volumes in-4 publiés en 1862, et auxquels il y aurait bien peu de choses à ajouter. En fait d'écrivains français, indiquons M. Le Roux de Lincy {Revue britannique, mars 1844) et M. Auguste Bernard : Origine et débuts de l'imprimerie en Europe, tom. II, ch. 3 et 4.


3 4 2 • DEV

lettres, aux auteurs, à de simples marchands. A côté de certains ducs, de quelques princes, de divers comtes, de plusieurs mar- quis, vicomtes, barons, on rencontre des magistrats, des procu- reurs, le poète Lebrun, le comédien Dugazon. Citons aussi la Réponse des Femmes de Paris au cahier de r Ordre le plus nombreux du royaume, 1789. Il ne reste plus qu'un très-petit nombre d'exemplaires de ce livret, et il ne mérite nullement d'être recherché.



EVOIR (Compagnons du) (t. I, p. 228). Signalons parmi les ouvrages à consulter à cet égard les Mé- moires d'un Compagnon du tour de France, par J.-B.-E. Arnaud, dit Libourne-le-Décidé, com- pagnon boulanger, contenant plusieurs disserta- tions sur le devoir entre l'auteur et plusieurs compagnons tail- leurs de pierres et charpentiers. Rochefort, 1859, in- 18. Il existe aussi des poésies composées par des compagnons. Nous avons vu : la Petite Varlope , en vers burlesques, augmentée d'une Chanson nouvelle sur le tour de France. A Châlons, sans date (vers 1720), in- 12. Un exemplaire de ce livre fort rare s'est élevé au prix exagéré de io3 fr. à la vente Nodier, en 1844, (n° 594); en 1849, il a été adjugé de nouveau à 5o fr., vente Taylor, n° 907. Le Manuel du Libraire cite une autre édition. Châlons, 1755. Cette poésie est d'ailleurs très-plate. Voici les descriptions d'Orléans et de Marseille :

Cette ville est aussi fameuse, Aussi belle qu'elle est curieuse;


COT 3 4 3

Et Sainte-Croix, ce grand vaisseau, Te faut le voir; faut que je te dise Il y a dedans de nouveau Un jubé de marbre très-beau. Avec un très-beau chœur d'église.

Cette ville est grande, Aussi belle qu'elle est marchande, Située au bord de la mer. Là, t'y verras quantité de galères, Tant d'hommes qui sont dans les fers, On dirait qu'ils sont aux enfers; Te faut déplorer leur misère.

Voir d'ailleurs Violet Leduc, Bibliothèque poétique, t. II, p. 84, et le Bulletin du Bibliophile belge, t. I, p. 443.

CONARDS (Abbé'des) (t. 1, p. 175). Une réimpression de toutes les pièces subsistantes àzY Abbaye des Couards de Rouen est annoncée comme devant faire partie d'un Recueil général dès farces normandes que M. Anatole de Montaiglon prépare pour la Bibliothèque el^evirienne. On trouvera en tête une histoire étendue des Couards de Rouen, d'après des sources inédites.

Les Couards avaient eu pour prédécesseurs la Confrairie des Coqueluchers, ainsi nommés parce qu'ils portaient le coquelu- chon des fous et qu'ils n'étaient guères plus sages. Le coque- luchon n'était que l'ancienne coiffure désignée sous les noms de cuculle, coule, capuce, capuchon; M. Leber est entré à cet égard dans des détails curieux (Monnaies des évêques des Innocens et des Fous, 1837, Introduction, p. lxxix).

COTEAUX (Ordre des) (t. I er , p. 199). Nous trouvons au sujet de Saint-Évremond, envisagé comme gourmand, et de ses compagnons dans V Ordre des Coteaux, une page fort intéres-


344 DOR

santé dans la Notice sur de Saint-Évretnond placée en tête des Œuvres choisies de cet écrivain, publiées avec beaucoup de goût et de soin par M. Ch. Giraud, membre de l'Institut. Nous nous donnerons le plaisir de la transcrire ici. «Saint-Évremond, le chevalier de Boisdauphin(plus tard marquis de Laval, tué au siège de Dunkerque en 1646), et le comte d'Olonne (illustré par une autre réputation commune, hélas ! à bien d'honnêtes gens)_, se rendirent célèbres àParis parleur sensualité en fait de mets.» « N'attribuons pas toutefois leur recherche à un grossier appé- tit; c'était de l'art, c'était l'application de la finesse de l'esprit à la finesse de la bouche; c'était le côté gastronomique de la philo- sophie épicurienne, dont ces trois amis faisaient profession. On nomma nos trois gourmets : les trois coteaux, mot qui a fait du bruit dans le XVII e siècle. »

Tallemantdes Réaux {Historiette de Sablé, t. III, p. i3o, \$5, i53, i56; Histoire de Bois-Robert, t. III, p. 412 et 429), a parlé de cet Ordre dans lequel on n'était admis qu'après avoir fait ses preuves de friandise, comme ailleurs on faisait preuve de noblesse ou de piété. Il en est question entre autres ouvrages modernes, dans celui de M. Desnoiresterres : les Cours galan- tes, t. I, p. 268 et suivantes. Brossette et Cizeron-Rival (Notes sur Boileau) ont exclu Saint-Évremond de Y Ordre des Coteaux pour mettre à sa place Villarceaux; mais le témoignage de Talle- mont, la satire de Bois-Robert, l'affirmation de des Maizeaux, et Saint-Évremond lui-même qui se qualifie Coteau dans une lettre écrite à la duchesse de Mazarin, ne peuvent laisser aucun doute.

DORMANTS (Académie des) (t. I, p. 238). On a réimprimé à Paris, en 1866, un des ouvrages de Nogaret: le Fond du Sac, en y joignant une notice curieuse et assez étendue relative à cet écrivain un peu singulier; elle est signée C.-E. Des Bordes; en tête de l'édition de 1780, se trouve un portrait grotesque et fan- tastisque de l'auteur; on a eu soin de les reproduire.


FRA


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RM ITAGE (Société de l') (t. I, p. 288). M. Qué- rard, Supercheries littéraires, t. I, p. 2 12, entre dans quelques détails au sujet des œuvres dramati- ques de cette société. Ni Catherine, ni le comte de Cobentzel n'étaient en état d'écrire correctement la langue fran- çaise. Il est vraisemblable que M. de Ségur a mis la main à ces productions; il comptait sans doute qu'il était à propos de faire taire l'amour-propre de l'auteur devant le devoir de courti- san, et dans un beau moment d'abnégation diplomatique, ifit à la souveraine qu'il était chargé de flatter un hommage désin- téressé de son esprit.



RANCS-BLAGUEURS. Il est question de cette société dans le Voyage en Autriche, de M. Cadet- Gassicourt, personnage spirituel et lettré qui ac- compagna l'Empereur, en qualité de pharmacien, pendant la campagne de 1809. Après la bataille de Wagram, on passa quelques mois dans une inaction ennuyeuse; pour se dis- traire, divers officiers de l'état-major-général formèrent une association où chacun apportait les nouvelles, plus ou moins authentiques, qu'il avait recueillies et qu'on inscrivait sur un registre. On ne voulut pas que la Société des Francs-Blagueurs pût être soupçonnée d'un esprit d'opposition, et on eut soin d'y recevoir un colonel de gendarmerie, grand-prévôt de l'armée. La paix signée à Schœnbrunn dispersa les membres de l'asso- ciation; elle s'éteignit après une bien courte existence.



3 4 6 GAL


ALILEE (Empire de) (t. I, p. 363). Nous ajoute- rons, d'après l'ouvrage déjà cité de M. Faure, quel- ques détails à ceux qu'on a déjà lus dans notre pre- mier volume.

L'étymologie de cette dénomination est contestée; selon Bou- cher d'Argis (i), l'explication la plus plausible est que la com- munauté tenait ses séances et rendait la justice dans une maison située dans le quartier juif, derrière le Palais-de-Justice. Il y avait une rue de Galilée,, comme il y avait une rue de Jérusalem.

Le savant abbé Lebeuf est d'une autre opinion. Il fait remar- quer que galilea, dans la basse latinité, signifie bâtiment oblong, galerie. Les clercs de procureurs choisirent le nom d'Empire de Galilée parce que leur lieu de réunion était une galerie, une salle oblongue du bâtiment de la Cour des Comptes.

Les clercs de la Bazoche avaient un roi ; ceux de la Cour des Comptes voulurent avoir un empereur; il y avait entre les deux compagnies une émulation,, une rivalitç qui se manifestait par un assaut de titres honorifiques, de manifestations publiques., de somptuosité dans les costumes.

Divers édits se rapportent aux faits et gestes de cette turbu- lente jeunesse.

Le 5 février i5oo, la Chambre des Comptes fait emprisonner un clerc, empereur de Galilée, pour n'avoir pas voulu rendre le manteau d'un autre clerc auquel il l'avait faitôter par une déci- sion judiciaire.

Le 20 décembre 1 536, la Chambre défend de faire les cérémo- nies accoutumées à l'occasion du gâteau des rois. C'était cette fête (le 6 janvier) que la communauté célébrait avec le plus de splendeur. Tous les dignitaires, en grand costume et précédés


(0 Voir le Mercure, décembre 1739. (2) Mercure, mars, 1740.


GAL 3 47

de musiciens., allaient donner des aubades à tous les membres de la Chambre des Comptes et leur offraient des gâteaux. Divers arrêts autorisent ou défendent ces cérémonies. Parfois l'autorité consentait à payer une portion des frais. Dans un compte de finances de la ville de Paris, daté de i5 19, figure une somme payée à l'empereur de Galilée pour l'aider à soutenir la dépense <c à l'honneur et exaltation du roi. » En i5io,, François I er ac- « corda à l'empereur 25 livres pourdansesmorisques, momeries « et autres triomphes que le roi veut et entend être faits pour « l'honneur et récréation de la reine; » mais^ en i525, il y eut défense de se livrer « aux joyeusetés accoustumées. »

Il était défendu à tout élève de porter l'épée à la Chambre des comptes sous peine d'une amende de 32 sols pour la première fois et de 3 à 4 livres pour la seconde.

Les anciens comptes montrent que Y Empire avait droit de prendre tous les ans 200 livres sur le domaine, mais ce privilège n'existait plus au commencement du dix-huitième siècle.

La fête de ^Empire se célébrait chaque année dans la chapelle basse du palais, le 28 janvier, jour de la mort de Charlemagne. Avait-on choisi ce patron parce qu'il avait été empereur, ou était- ce plutôt parce que de tout temps, il a été regardé comme le pro- tecteur des écoliers ?

Le dernier monument historique relatif à Y Empire de Galilée est le règlement donné par Nicolas Barthélémy, conseiller du roi et doyen de la Chambre des Comptes qui remplissait, depuis 1699, les fonctions de protecteur de Y Empire.

D'après ce règlement, le corps de Y Empire était composé de quinze clercs, savoir: le chancelier, le procureur-général^ six maîtres des requêtes, deux secrétaires des finances, un trésorier, un contrôleur, un greffier et deux huissiers.

Les fonctions de chancelier étaient soumises à l'élection de tous les officiers de Y Empire et de tous les clercs travaillant chez les procureurs.

L'élection du chancelier était l'objet d'un rapport fait par un


348 GIR

maître des requêtes de la Cour des comptes en présence du doyen des maîtres des comptes, protecteur de V Empire assemblé tout entier pour cette cérémonie. Le chancelier prononçait une ha- rangue, et après une réponse du protecteur qui insistait sur l'observation des règlements, il prêtait serment entre les mains du plus ancien des chanceliers de YEmpire.

Les fonctions de chancelier imposaient des charges assez lourdes; deux clercs de la même étude ne pouvaient remplir ensemble des charges dans la communauté. Les membres de V Empire portaient aux audiences de la Cour un bonnet ou toque et un manteau percé, c'est-à-dire une robe noire qui ne descendait que jusqu'aux genoux.

Les clercs nommés devaient accepter leur charge à peine de quinze livres d'amende; s'ils passaient un mois sans faire leur service, ils étaient déclarés déchus, indignés d'occuper désormais une place dans Y Empire et condamnés également à quinze livres d'amende. Ceux qui trahissaient le secret des délibérations étaient condamnés à soixante sols d'amende pour la première fois; la seconde ils étaient déchus de leurs fonctions et déclarés indi- gnes.

GIROUETTE (Ordre de la) (t. I, p. 3yo). En 1826, il parut vin Petit Dictionnaire de la Société des Girouettes ; il était annoncé comme rédigé par une Société d'Immobiles. Indépen- damment des hommes politiques qui ont successivement servi tous les régimes, on trouve dans ce livret les noms de bien des littérateurs qui, après avoir chanté la gloire de Napoléon jusqu'au moment de sa chute, célébraient avec enthousiasme le retour des Bourbons en 1 8 14; quelques-uns mirent leur verve poétique au service de l'Empereur lorsqu'il reparut à Paris en 181 5, mais ils s'empressèrent de courir au secours du vainqueur aussitôt que Louis XVIII se montra de rechef.

Les articles de ce Dictionnaire ont le mérite d'être courts, voici, pris au hasard, celui de Briffaut.

« Auteur de tragédies tombéeset d'opéras siffles, et à ces causes,


ÏNN


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« l'un des quarante immortels de l'Académie. En 18 10, il « chantait:

« Gloire à Napoléon! Hymen, comble ses vœuxl

« Que le plus grand des rois en soit le plus heureux! »

a En 18 14, il chanta:

« Allez, nobles fils de la gloire, « Au-devant du fils de Henri ; « Portez lui l'étendard chéri « Des Bourbons et de la victoire. »



NNOCENTS (t. I, p. 416). L'ouvrage de MM. Ri- gollot et Leber sur les Monnaies des évêques des Innocents et des Fous fournit des renseignements sur quelques associations éphémères du même genre. Le jour de Saint-Nicolas, patron des écoliers , offrait l'occa- sion de former des sociétés badines.

Dans certaines parties de l'Allemagne, les écoliers choisissaient trois d'entre eux pour remplir, l'un le rôle d'Evêque, les deux autres celui de Diacres; ils se rendaient ensuite à l'église où ils présidaient à l'office divin; après quoi ils allaient chanter de porte en porte, et l'argent qu'ils recevaient était reçu non comme une aumône,, mais comme un tribut dû à l'Evêque.

Ailleurs, les écoliers allemands célébraient, le 12 mars, saint Grégoire comme leur patron; l'un d'eux était habillé en évêque; les autres, avec des costumes de prêtres et de laïques, formaient son cortège. Un usage semblable existait en France.

A Alençon, au XVI e siècle, on choisissait le jour de saint Nicolas, un enfant de bonne famille qu'on habillait en Evêque


35o JEU

et qui était le roi de la fête (Odolant Desnos, Mémoires histo- riques sur la ville d > Alencon i tom. I, p. 49). '.

Dulaure rapporte (Histoire de Paris , tom. III) que le 5 dé- cembre, veille de la fête de saint Nicolas, les écoliers et profes- seurs de l'Université se réunissaient pour élire un Evêque qu'ils revêtaient d'ornements pontificaux et qu'ils conduisaient en grande pompe chez le recteur.

L'abbé Lebeuf dit seulement (Hist. du diocèse de Paris, t. I, p. 33o) qu'en 1367 les petits écoliers habillaient un d'entre eux en Evêque le jour de saint Nicolas et le promenaient par les rues, ce que le parlement avait autorisé; il ajoute que de son temps la même chose avait lieu à Reims et vers la Lorraine.

Les anciens registres capitulaires de Saint-Quentin, portent qu'en 1412, l'assemblée des chapitres de la province de Reims donna un écu à l'Evêque de saint Nicolas qui était un enfant de chœur des Dominicains de la ville de Saint-Quentin, où se tenait l'assemblée, et les comptes de l'abbaye de Corbie montrent qu'en 1428 l'abbé de ce monastère fit une courtoisie à l'Evêque de l'école des enfants qui donna la bénédiction à table, devant lui, le jour de saint Nicolas.



EUX FLORAUX (t. I, p. 420). Au sujet de l'A- cadémie, des Jeux floraux, il pourrait s'élever une question assez intéressante; son illustre fondatrice a-t-elle réellementexisté ? Des ouvrages qui n'ont pas toujours été rédigés d'après les règles d'une critique sévère (le Dictionnaire historique des grands hommes, tom. IX, p. 48) et la Biographie universelle, (tom. I, p. 656) font vivre Clémence Isaure, l'un au XIV e siècle, l'autre au XV e


JUR 35i

Guillaume Catel dans son Histoire a prétendu que Clémence était un être imaginaire; il a été combattu par le bénédictin Dom Vaissette (voir '1 : 'Histoire du Languedoc , 5 vol. in-fol., tom. IV, p. 198 et surtout la note 19 à la fin du même volume, p. 565), mais cette thèse a été reprise et soutenue avec une grande saga- cité par M. J. B. Noulet, membre de l'Académie de Toulouse : De Dame Clémence Isaure substituée à Notre-Dame la Vierge Marie , i852; De la prétendue pléiade toulousaine, i853.

Un volume qui aurait été imprimé à Toulouse en i5o5_, Dic- tas de Dona Clemensa, estindiqué par M.deCastellanedansson Essai sur Vimprimerie à Toulouse, d'après un renseignement très-hasardé que lui avait fourni M. Alexandre Du Mège, l'au- teur de la Statistique pyrénéenne. Cette assertion a été repro- duite dans plusieurs ouvrages sérieux, notamment dans la Bio- graphie générale, tom. X, col. 738, d'après la Biographie tou- lousaine. On est allé jusqu'à indiquer en détail le contenu de ce volume imaginaire.

JURY DÉGUSTATEUR (tom. I, p. 4 38). Avant de fonderie Jury dégustateur, Grimod de la Reynière, encore jeune, réu- nissait dans l'appartement qu'il occupait chez son père, une so- ciété exclusivement composée de littérateurs et d'artistes. Palis- sot, Andrieux, Beaumarchais, Chénier, Mercier, Colin d'Har- leville, Vigée en faisaient partie. On se réunissait deux fois par semaine, le mercredi et le samedi. Rétif de la Bretonne, cet ex- centrique et infatigable écrivain qui fut fort lié avec Grimod, nous apprend qu'on servait dans ces déjeuners du café au lait, avec des tartines, du thé et quelquefois des mets plus solides ; « on converse en déjeunant jusque vers trois'heures ; ensuite les littérateurs lisent leurs ouvrages, et chaque admis a le droit de dire son sentiment. La manière dont coule le café dans les tasses a paru extraordinaire; deux satyres, placés dans la salle, distil- lent la liqueur bouillante par un robinet qui leur sort de la bou- che. Le café, le thé, l'eau sont chauffés dans les pièces d'à côté, de sorte que les convives ne voient rien de l'embarras du ser-


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vice. » Ces déjeuners eurent lieu depuis 1783 jusqu'au mois d'a- vril 1786.

Ce fut le 23 brumaire de l'an XI (1802) que la nouvelle so- ciété gourmande, organisée par les soins de Grimod, tint sa pre- mière réunion. « Le bouleversement opéré dans les fortunes par une suite nécessaire de la révolution, les ayant mises dans de nouvelles mains, et l'esprit de la plupart de ces riches d'un jour se tournant surtout vers les choses purement animales, on a cru leur rendre service en leur offrant un guide sûr dans la partie la plus solide de leurs affections les plus chères. Le cœur de la plu- part des Parisiens opulents s'est tout-à-coup métamorphosé en gésier; leurs sentiments ne sont plus que des sensations et leurs plaisirs que des appétits; c'est donc les servir convenablement que de leur donner en quelques pages les moyens de tirer, sous le rapport de la bonne chère, le meilleur parti possible et de leurs penchants et de leurs écus. »

UAlmanach des gourmands eut une vogue^ une autorité que personne ne s'avisa de nier. On ne conteste pas le soleil. Aussi la table du jury regorgeait. Les adhésions les plus illustres ne se faisaient pas attendre. Un roi, le roi de Suède, s'empressa de témoigner sa satisfaction. Le prince archi-ehancelier (et la com- pétence de Cambacérès ne pouvait être discutée) honorait de son haut patronage ces tentatives de restaurations gastronomiques que nul, mieux que lui, n'était à même d'apprécier.

Parmi bien des choses aujourd'hui sans nul intérêt, YAlma- nach en question contient quelques morceaux qui ne sont pas tout-à-fait indignes d'être recueillis; nous avons remarqué un parallèle entre les femmes et la bonne chère. Il va sans dire que l'orateur donnait la préférence à la table.

« Posons les principes. Vous conviendrez d'abord que les plaisirs que procure la bonne chère sont ceux qu'on connaît le plus tôt, qu'on connaît le plus tard et que l'on peutgoûter le plus souvent. Pourriez-vous en dire autant des autres ?

« Est-il une femme, quelque jolie que vous la supposiez, Fût- elle mademoiselle George, ou madame Récamier, qui puisse va-


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lcir ces admirables perdrix de Cahors, du Languedoc et des Ce- vennes dont le fumet divin vaut mieux que tous les parfums de PArabie ? La mettrez-vous en parallèle avec ces pâtés de foies d'oies ou de canards auxquels les villes de Strasbourg, de Tou- louse et d'Auch doivent la meilleure partie de leur célébrité? Qu'est-elle auprès de ces mortadelles de Lyon, de ces saucissons d'Arles ou de Bologne qui ont acquis tant de gloire à la per- sonne du cochon ? Pouvez-vous mettre un joli petit minois bien fardé, bien grimacier, à côté de ces admirables moutons des Vosges ou des Ardennes, qui, fondant sous la dent, deviennent ' un manger délectable? Qui osera la comparera ces indicibles veaux de rivière de Pontoise ou dé Rouen dont la blancheur et la tendreté feraient rougir les grâces elles-mêmes ? Quel est le gourmand assez dépravé pour préférer une beauté maigre et ché- tive à ces énormes et succulants aloyaux de la Limagne ou du Cotentin qui inondent celui qui les dépèce et qui font tomber en pâmoison ceux qui les mangent ? Rôtis incomparables, c'est dans vos vastes flancs, source de tous les principes vitaux et des vraies sensations que le Gourmand va puiser son existence, le musicien son talent et le poète son génie créateur! Quel rapport pouvez-vous établir entre cette figure piquante, mais chiffonnée et ces poulardes de Bresse, ces chapons de la Flèche et du Mans, ces coqs-vierges du pays de Caux, dont la finesse, la beauté, la succulence et l'embonpoint exaltent tous les sens à la fois, et dé- lectent merveilleusement les louppes nerveuses et sensitives de tout palais délicat ? »

« ^Remarquez, Messieurs, que dans mes arguments, je ne com- prends pas même les pâtés de mauviettes de Pithiviers, ceux de canards d ? Amiens, les rouge-gorges de Metz, les grives d'Alen- çon, le bœuf à l'écarlate et fumé de Hambourg, les huîtres de Marennes, de Dieppe, de Cancale; que je ne parle point du beurre de Bretagne, ni de la délicieuse crème de Sotteville; que renon- çant même aux armes que je pourrais puiser dans des arguments plus doux et plus sucrés, je passe sous silence les noix confites et la gelée de pommes de Rouen, les pruneaux de Tours, les

23.


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poires de Rousselet, les groseilles de Bar, le cotignac d'Orléans, ï'épine-vinette de Dijon, les figues d'Olioules, les raisins-mus- cats de Pézènas, la fleur-d'orange pralinée d'Agen, les pâtes d'a- bricots de Clermont, les confitures sèches de Beaucaire et de Bé- ziers, etc. Je ne vous cite même pas, renonçant aux forces, qu'elles pourraient me fournir dans cette discussion, l'anisette de Bor- deaux, l'eau-de-vie d'Andaye et de Dantzick, l'eau de noyau de Phalsbourg, l'huile d'anis de Verdun, la crème de Moka de Mont- pellier, l'huile de rose de Cette, la crème de menthe et les autres liqueursxie la Martinique. Sachez-moi gré, Messieurs, de mon silence, et voyez si vous pouvez établir quelque comparaison entre ces comestibles et ces boissons délectables et les caprices d'une femme, ses humeurs, ses bouderies. Figurez-vous les mets que j'ai énoncés préparés par des cuisiniers français, torrifiés par des rôtisseurs de Valogne, dépecés par des sommeliers d'Alle- magne, et puis soutenez encore votre opinion.

Résumons-nous donc et convenez que les jouissances que pro- cure la bonne chère à un riche gourmet doivent être mises au premier rang; que bien autrement prolongées que celles que l'on goûte dans l'infraction du sixième précepte du Décalogue, elles n'amènent ni langueur, ni dégoût, ni craintes, ni remords; que la source s'en renouvelle sans cesse sans jamais s'épuiser ; que loin d'énerver le tempérament ou d'affaiblir le cerveau, elles deviennent l'heureux principe d'une santé ferme, d'idées bril- lantes et de vigoureuses sensations. Loin d'enfanter des regrets, de disposer à l'hypochondrie, de finir par rendre un homme in- supportable à lui-même et trop souvent aux autres, on leur doit cette face de jubilation, cachet distinctif de tous les enfants de Cornus, bien différents de ce visage pâle et blême, masque ordi- naire des amoureux transis. »

Des poésies gourmandes en assez grande quantité sont répan- dues dans YAlmanach des Gourmands. En voici un échantillon :


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Epître cTun vrai gourmand a son ami Vabbé d?Herville , homme extrêmement sobre et qui ne cessait de lui prêcher V abstinence (i).

Pour Dieu, l'abbé, trêve à tes longs reproches! Je suis gourmand, comme un autre est héros ; Pour moi la muse est semblable à ces flots Qui, courroucés contre un amas de roches, Vont les frappant sans prendre de repos.

Ce que je suis je prétends le paraître; Je suis gourmand ; oui, certes, et je veux l'être ; Et tes leçons ne me feront pas changer ; J'ai commencé ; laisse-moi donc poursuivre. Harpagon dit : Il faut manger pour vivre, Et je dis, moi, que je vis pour manger. Que l'on m'appelle un pourceau d'Epicure; C'est un éloge, et non pas une injure....

Oh ! que manger est un charmant besoin I Nous l'éprouvons et sans peine et sans soin : C'est un plaisir, c'est le dernier qu'on quitte. Est-il éteint? bientôt il ressuscite. Quand la bécasse est réduite en purée Qu'elle est par l'art savamment préparée, Ce mets si rare et non moins précieux Ne doit servir qu'aux banquets de nos dieux.

Une note rappelle ici l'impérissable souvenir des purées de bécasses, servant de matelas à diverses entrées préparées en 1790 et en 1791 par le cuisinier de M. de Nicolaï, évêque de Béziers, dont la table était aussi délicate que recherchée, et dont cet excellent prélat faisait les honneurs avec une grâce et une noblesse dont le secret est perdu.

(i) Cette pièce de vers qu'il serait fort superflu de reproduire en entier est signée Saint-Just, ce qui désigne un littérateur fécond et singulier, doué d'ailleurs de fort peu de talent et dont le Manuel du Libraire mentionne les trop nombreuses publications.


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Indiquons aussi une série d'axiomes que ne désavouerait certes pas le spirituel auteur de la Physiologie du goût:

Les vrais gourmands ont toujours achevé leur dîner avant le dessert; ce qu'ils mangent par delà le rôti n'est que de simple politesse.

C'est insulter un maître de maison que de laisser des mor- ceaux dans son assiette ou du vin dans son verre. Il vaut mieux se griser avec du vin qu'avec de l'encre, parce que c'est moins noir.

Cinq heures à table sont une latitude raisonnable pour un dîner nombreux et une chère recherchée.

La digestion est l'affaire de l'estomac et les indigestions celle des médecins.

LANTERNISTES (tome I, page 435). N'oublions pas d'in- diquer un article d'un spirituel et zélé bibliophile toulousain, M. Desbarreaux - Bernard , inséré dans le Bulletin du biblio- phile (mai i85i, 10 e série, page 239); il est intitulé: les Petites illustrations lanternistes. Voici ce qu'il nous apprend:

Une assemblée littéraire se forma à Toulouse vers le milieu du XVII e siècle; ses membres semblaient vouloir dérober au public le secret de leurs travaux ; ils se rendaient le soir à leur lieu de réunion, sans suite, sans équipage, obligés le plus sou- vent, par le mauvais état et l'obscurité des rues, de s'éclairer eux-mêmes d'une petite lanterne. Telle est l'origine du nom de Lanternistes sous lesquels les désigna bientôt la causticité gas- conne. A l'imitation des Académiciens d'Italie, ils eurent le bon esprit, non seulement de ne pas se révolter contre ce sobriquet populaire, mais encore d'emprunter à l'épithète burlesque sous laquelle on les désignait les armes parlantes de leur institution. S'étant décidés à décerner, chaque année, un prix au meilleur sonnet à la louange du roi sur des bouts-rimés fixés par eux (cette malheureuse forme de poésie était alors fort à la mode) ils firent frapper une médaille qui représentait d'un côté Apollon jouant de la lyre, avec ces mots en exergue : Apollini Tolosano


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et de l'autre une étoile accompagnée de cette devise : Lucerna in nocte.

M. Desbarreaux -Bernard donne des détails étendus sur l'homme qui contribua le plus activement à l'établissement de cette compagnie j M. Gabriel de Ventages de Malapeire qui, à soixante ans passés, et après avoir publié plusieurs ouvrages fort érudits, se sentit soudainement saisi du beau feu de lamé- tromanie. Il nous prévient lui-même qu'il avait composé plus de sept cent sonnets en l'honneur de la Vierge Marie. Il en fit imprimer une faible partie en 1694 (5o sonnets sur la concep- tion immaculée de la très-sainte Mère de Dieu ; Toulouse, in-4). Un autre recueil parut en 1697 : le Psautier de Nostre-Dame en i5o sonnets. Ce fut encore M. de Malapeire qui fit l'ouver- ture des conférences de l'Académie de Saint-Orans (société res- tée inconnue) et il prit pour sujet Y Immaculée Conception.

LAPIN (L'abbé), (tome I, page 443). Ce prétendu abbé était un chanteur qui débitait, vers 1780, dans le jardin du Palais- Royal, des chansons grivoises, en les accompagnant de grimaces et de gestes burlesques. Il obtint toute la vogue qui, de nos jours, est échue en partage à Thérésa; la reine Marie-Antoinette eut le caprice de l'entendre, Lapin fut mandé à Versailles; nous aimons à croire qu'il n'y fut admis qu'une seule fois. Voici un échantillon d'une de ses chansons les moins risquées:

Robin a une vache Qui danse sur la glace Au son du tambourin ; Maman, j'aime Robin.

Robin ne sait pas lire, Mais il sait bien écrire ; C'est un garçon divin. Maman, etc.

Robin a une poule

Qu'il y a sept ans qui couve,


358 LES

Elle n'a fait qu'un poussin. Maman, etc.

Il aime les pastilles Au coulis de lentilles Farcies de romarin. Maman, etc.

Le jour de saint Philippe Il mange des tulipes Dans un plat de satin. Maman, etc.

Il porte dans sa poche Un morceau de brioche Du temps de Charles-Quint. Maman, etc.

Quand il chante un air tendre Chacun croirait entendre La voix d'un marcassin. Maman, etc.

Quand il prend médecine Il veut que sa cousine Lui tienne le bassin. Maman, etc.

Il enfile des merles Et déniche des perles. C'est un Michel Morin. Maman, etc. (i)

LÉSINE (Compagnie de la), (tome I, page 444). La Compa- gnie de la Lésine fut regardée en Italie comme une excellente

(1) Le nom de Robin figure depuis longtemps dans les chansons badines et la littérature facétieuse. Il existe un livret en prose fort singulier mais bravant effrontément l'honnêteté : La Fluste de Robin... avec trait % de pa- rolles dignes de vostre veue. Le Manuel du libraire en indique quatre édi- tions du commencement du XVII' siècle ; toutes sont d'une rareté extrême. On connaît la chanson de Beaumarchais sur Robin qui toujours, toujours, il est toujours le même.


MAL 35g

plaisanterie, et on vit surgir de nombreux écrits à cet égard. Nous citerons : La Moletta, soreîla délia signora Lésina, 1602 (il y a une seconda parte) ; Madona Forbicetta, madré délia Lé- sina-, 1602; Ragionamento del capitan Trivello, marito délia Lésina, 1602; Messe Aguccione degli appuntati, padre délia Lésina ; Il Punteruaolo scalco délia Lésina: Settanta dui av- vèrtimenti dati délia Lésina à tutti banchieri 3 mercanti.... Milano, 1602; // Rampono servittore délia Lésina ; la Pietra per assotigliar la Lésina, 1602.

MAL MARIÉS (Confrérie des), (t. II-, p. 5). Quelques-unes des plaisanteries contenues dans cet opuscule se retrouvent dans l'ouvrage connu sous le titre des Quinze joyes de Mariage; on l'attribue en général à Antoine de la Salle. La première édition a paru vers 1480. Nous laissons de côté des réimpressions incor- rectes, et nous signalerons celle qui a paru en 1837 à la librairie Téchener et celle qui fait partie de la Bibliothèque el^évirienne. Le judicieux et savant éditeur de cette collection , M. Jannet, vient tout récemment de mettre au jour la Seizième joye de Ma- riage , morceau trouvé dans un vieux manuscrit à la suite des Quinze joyes. Il est facile de reconnaître que c'est un pastiche composé longtemps après les Quinze Joyes.

Voici en quoi consiste la seizième joye :

« C'est quant le jeune homme voit ses compaignons qui tour- nent entour la nasse, et tant cherchent l'entrée qu'ilz la trouvent et si boutent dedens a grand haste et premier qui premier peut. Et lui, qui est prudent et sage, voit bien les tourmens et mal- heuretez qui y sont et davanture mieux les congnoit que les povres prisonniers, ainsi qu'il convient, car jeune femme est en- cline à maintes chosettes congnoistre et expérimenter que plus voulontiers aprendra de jeune home qui est doulx, bien disant et de grant patience doué, que de son mari qui est d'humeur re- vesche et ne pense qu'à sa marchandise et aultres moyens de gai- gner argent.»

« Ainsi est le bonhomme en la faulse nasse, pire cent fois que


36o MER

la nasse de mariage, et n'en peult sortir, et y demourra tousjours et y finira misérablement ses jours. »

On trouve au catalogue Chardin (1824, n° 1,922), un ma- nuscrit intitulé : Les Trois cent soixante-six joy es de mariage. L'auteur anonyme avait singulièrement alongé l'inventaire de ces félicités conjugales qui empoisonnent l'existence de tant d'époux.

MAUREPAS (Société de), (t. II, p. i3). Le personnage de Jeanot ou Janot eut un moment une vogue extraordinaire à l'é- poque de Louis XVI. Une parade très-gaie, Janot, ou les Battus payent V amende, par Dorvigny, 1779, obtint une multitude de représentations. Les imitations se produisirent en foule; on vit surgir Jeannette , ou les Battus ne payent pas toujours Va- mende, par Beaunoir, 1782 ; — Janot au Salon , 1779; — La Nuit de Janot, ou le Triomphe de mon frère , par Janot cadet, 1780; — Janot tout seul, par Simonin, i8oi_, etc.

MÈRE-FOLLE, de Dijon (t. II, p. 36). Quelques-unes des pièces relatives à cette antique et joyeuse corporation ne se trou- vent plus que dans des ouvrages assez peu répandus aujourd'hui, ce qui nous engage à les reproduire. Voici d'abord un livret qui date de la moitié du XV e siècle :

Phelippes, par la grâce de Dieu Duc de Bourgongne, ce bon lieu De Lothier, Brabant et Limbourg, Tenant à bon droit Luxembourg Comte de Flandres et d'Artois, Et de Bourgoigne qui sont trois, Palatin de Hainault, Hollande, Et de Namur et de Zélande, • Marquis du Saint-Impérial, Seigneur de Frises, ce fort val,] De Salins et puis de Malines, Et d'autres terres près voisines,


MER 36 1


A tous les présens qui verront,

Et ceux à venir qui oiront

Ces nos lettres, savoir faisons

Que nous, l'humble requête avons

Reçue du Haut-Bâtonnier

Qu'est venu sus dès avant-hier

De notre chapelle à Dijon

Contenant que par méprisons,

Ou par faute de bien garder

Aucuns envieux pour troubler

Des Foux joyeux la noble feste

Ont long temps a mis à leur teste

De la toute sus abolir

Qui serait moult grand déplaisir

A ceux qui souvent y fréquentent,

Et de cœur et de corps l'augmentent,

Et ont ravi furtivement

Ou au moins on ne sait comment

Et mis au néant le privilège

En quoi n'avait nul sortilège,

Mais c'estoit joyeuse Folie,

Le plus triste, si qu'on en rie

Ce qui ne se peut recouvrer,

Sans par nous de nouvel donner

Sur ce notre commandement

Ou à tout le moins mandement

Qui contiegne permission

Ou nouvelle fondation

Pour désormais entretenir

La dite fête sans faillir ;

Dont humblement il nous requiert

Et car c'est raison, ce qui quiert

De légier lui avons passé

Et consenti, et accordé,

Et par ces présentes passons,

Voulons, consentons, accordons,

Pour nous et pour nos successeurs,

Des lieux ci-dessus dits Seigneurs,


362 MER


Que cette fête célébrée Soit à jamais un jour l'année, Le premier du mois de janvier, Et que joyeux Foux sans dangier De l'habit de nostre chapelle Fassent la fête bonne et belle, Sans outrage ou dérision Et n'y soit contradiction Mise par aucun des plus saiges Mais la feront les Foux volaiges Doucement tant qu'argent leur dure ; Un jour ou deux, car chose dure Seroit de plus continuer, Ne les frais plus avant bouter Par leurs fiancés qui décroissent Lorsque leurs dépenses accroissent. Si mandons à tous nos sujets Qu'en ce ne soient empeschiez : Ains lez en souffrent tous jouir Paisiblement à leur plaisir. Donné soubs nostre scel secret Et en l'absence du décret De notre étroit et grand conseil Le jour Saint-Jehan, un vendredy, Devant dîner, après midy De décembre vingt-septième, Des heures quasi la deuxième, Avec le seing de nostre main Qu'y avons mis le lendemain Sans plus la matière débattre, Mil quatre cent cinquante-quatre.

Il y a de l'originalité dans Y Institution de maître Jean Fa- chon, auditeur de la Chambre des Comptes, en la charge d'am- bassadeur de la Compagnie de V Infanterie dijonnaise.

« L'illustrissime et carissime compagnie joyeuse de l'Infanterie dijonnaise, gayement assemblée au son des instruments musi- caux^au plus -beau mirrifique et ébluant appareil que faire s'est


MER 363

pu, tous enfants légitimes et successeurs de la Marotte, salut : écus, ducats, millereis, nobles à la rose, portugaises, sequins, pis- toles et pistolets sans balle, ni poudre et autres semblables espèces en quantité, pour remplir les arsenals et leurs escarcelles éven- tées ; après avoir résolu la sphère, contemplé la situation des pôles sur notre horizon, levé l'aiguille du septentrion au midi, et humé le nectar du bon père Denis (i), avons fait ouvrir et lire brusquement par notre Griffon verd les paquets reçus d'un maître de nos postes et relais tant deçà que delà la mer, conte- nant avis certain ou environ que la fière Atropos, pour passer son temps a éclipsé un grand nombre d'ambassadeurs généraux de notre chère et redoutable Dame et Mère. Qu'à ce moyen, plu- sieurs provinciaux et locaux, pour n'être surveillés, ne conver- tis, comme ils étoient jadis, négligeoient le gouvernement de ceux qui dépendent de notre conduite, lesquels par ce défaut, couroient, comme chevaux débridés, à diverses sortes des périls, les uns entreprenant de longs et dangereux voyages, traînant avec eux leur bien et celui d'autrui au travers des bois, forêts et montagnes, à la façon des bêtes sauvages, quêteurs de chimères et autres tels inconvénients; les autres, poussés d'une manie et aveugle fureur, se jettantà la suite des armes, batailles et duels, couroient au devant de celle qui ne les attrappe que trop tôt et demeurant estropiez le reste de leur vie avec peine et langueur, choses du tout contraires à nos joyeux déportemens; d'autres encore plus poussés d'une très-grande avarice et cupidité d'a- masser des biens pour les laisser à tels qui n'en sauront gré, les- quels abandonnent la terre, vrai lieu de leur origine, s'exposent à la merci et à l'inconstance de l'eau, capitale ennemie de nos joyeuses et gaillardes assemblées, contrevenant directement au vœu de nos Foux ancêtres, lesquels protestoient d'avoir un pied en terre ferme, et tant que faire se pourroit torcher leur cul sur l'herbe; sur quoi l'affaire, mise en délibération, a été résolue à la pluralité des voix qui ont été exhibées par B carre et par B mol,

(i) Dionysius, Bacchus.


364 MER

et à toute gamme que pour braver cette si téméraire et outre- cuidée mort qui ne respecte les Foux que quand bon lui semble, il falloit rendre la Folie immortelle en dépit des envieux, établis- sant d'autres ambassadeurs au lieu et place des décédés, sous lequels notre autorité prendroit soigneusement garde au régime et gouvernement de ceux qui seroient sous leur conduite, selon que nos Foux ancêtres l'ont appris par fait, mimes, gestes ou autrement. Pour ce est -il qu'informez fantastiquement de la naturelle et artiste folie de notre très-cher et bien-aimé mignon et goguelu. Jean Fachon, à présent prenant repas et repos sous notre domination en cette ville, sous la gaîté de ses sens^ allé- gresses de mâchoires, légèreté de la main, galanterie d'esprit, friandise de gueule, vitesse de ses membres : vu aussi ses faits héroïques, sa dextérité au maniement des armes bachiques, entre deux tréteaux, icelui examiné l'usage de Jean le Coq sur le titre de Folie à livre ouvert, cap. siulte nequitare, fol. 20 et 11. Ouï aussi les solutions légèrement fournies à chacun des folâtres arguments à lui fait; protestation par lui faite sur le chaperon de bien vivre, boire, manger et rire, en tout et partout, folâtrer et se divertir, tant qu'appétit et argent subsisteroient et mourir.

Fou folâtrant, fou lunatique,

Fou chimérique, fou fanatique,

Fou jovial, fou gracieux,

Fou courtisan, fou amoureux,

Fou gaussant, fou contant fleurette,

Fou gaillard, fou voyant fillette,

Fou fin, fou écervelé,

Fou altéré, fou gabelé,

Fou à caboche légère,

Fou cherchant à faire bonne chère,

Fou aimant les morceaux choisis,

Fou verd, fou teint en cramoisi,

Fou en plein chant, fou en musique,

Fou faisant aux sages la nique,


MER 365

Fou riant, fou gai, fou plaisant, Fou bien faisant, fou bien disant, Fou éventé, fou humoriste, Fou caut, fou pantagrueliste, Fou léger, fou escarbillat, Fou indiscret, fou sans éclat,

Et de plus embrasser, tant que vie lui durera, toutes* sortes de folies auxquelles il pourra atteindre. Conclusions extrava- gantes débagoulées par le Fiscal verd à notre Dame et Mère. Nous à ces causes et mille autres aisées à deviner, l'avons reçu, empaqueté et emballé, recevons, empaquetons et emballons en notre Compagnie, en sorte qu'il y soit admis, toute sagesse ces- sante, pour y exercer toute folie en l'état et office d'Ambassa- deur du Levant au Ponant pour notre Dame et Mère, lui don- nant et attribuant gros, gras et plein pouvoir sur tous les Foux de sa Légation; les tenant avertis de jour à autre des avis qu'ils recevront de Nous, et autant que c'est pour le bien de nos af- faires, accroissement, augmentation et multiplication sans chiffres de nos Foux, que nous voulons et entendons être tou- jours d'un nombre infini, de toutes lesquelles diligences et charges d'Ambassadeur auxdits pays, il sera tenu de dresser de beaux et amples Mémoires dont il emburlucoquera notre Fiscal verd, les lui envoyant à toutes les postes, et en donnant avis par courriers extraordinaires, afin de remédier en toute occurence au bien et soulagement de tous nos sujets, pour d'icelle charge d'Ambassadeur jouir pleinement et le moins à vuide que faire se pourra, aux honneurs, privilèges, préroga- tives, prééminences, autorités, franchises et liberté de valoir ce qu'il pourra; profits, revenus, émoluments, tant ordinaire que de rudes bâtons dus à ladite charge, assignés sur l'épargne de nos deniers, tout compte fait, ayant à ce fin fait expédier les présentes signées le Grifon verd et scellées de notre sceau ».

« Si donnons en mandement à tous Foux, Archifoux,Extrava- gans, Hétéroclites, Joviaux, Mélancoliques, Gurialistes, Sata-


366 MER

niques. Lunatiques, Timbrez, Fanatiques, Gais, Chole'riques et tous autres de lui obéir follement en ce qui dépendra de sa charge d'Ambassadeur, sous peine de désobéissance et même d'encourir nos disgrâces, et à nos Trésoriers, Receveurs et Payeurs de le payer de ses pensions et appointements par quar- tier et également, non pas plus à l'un qu'à l'autre, en la forme ancienne et accoutumée, de sorte qu'il ne reçoive espèce qui ne soit de mise; voulant, commandant et ordonnant très-expres- sément que sur la simple quittance, ladite somme leur soit légèrement passée et allouée en notre Chambre des Gets sans aucune difficulté, sauf notre droit et celui des autres. »

Citons aussi la Description de V Ordre tenu en V infanterie dijonnaise en 1610, opuscule en vers et en patois bourguignon, tellement rare qu'on n'en connaît à Dijon qu'un seul exem- plaire. M. Mignard l'a réimprimé dans son Histoire de l'idiome bourguignon et de sa littérature {Dijon, i856, in-8<>, p. 386); c'est, dit-il , la meilleure page d'histoire qu'en puisse offrir un sujet des mascarades de la Mère-Folle. Le plus beau côté de cette confrérie burlesque a été, dès son origine, de faire tomber en dé- suétude les mascarades pieuses qui se faisaient tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des églises, car on avait vu, sans scandale, dans les temps reculés, les vicaires de l'église Saint-Etienne de Dijon courir les rues avec des fifres et des tambours.

Nous transcrirons quelques passages qui ne sont pas, ce nous semble, inintelligibles pour les personnes un peu familiarisées avec l'idiome dont La Monnoye a tiré si bien parti dans ses pi- quants Noëls. Voici la description de ce que présente le grand guidon de l'Infanterie dijonnaise :

Aipré céte trôpe guareire On portoo éne gran banneire Qu'aitoo pu grante din pechô Que ne serin no deu ruchô Sy mirelifique et si belle Qu'y nay pa aissé de sarvelle


MER 36 7


Por te pouvoy ben recontay Lé beatay que j'y aj contay : Decaj, délai, ille a poindue ; De l'un dé coutay i'y ai vue Ene quirielle de fô

Qui tô juin au chaipisô

Ay sai seutte ai tin do\e peige Quiaivin de gran chemisô Doo'ou dessu, ieuqu'au desô Non pa de chemisô de teeulle Ma de soo quelou de mouseulle, De qauirôtte et de l'auberon, Chacun lai botte et l'éperon Ai portin, dringan por lay saule Ansin que dé grillô qu'on craule. Peu aipré lé gude doau cor, Quatre qui aivin dé clar dor Portan dedan lor main dé rouge, Vêtu de sion jaune et rouge, Tôt barrôlai de fin argen Que coûtoo in gran cô d'argen, Y entrire, émenant lai Meire Qu'éploitoo trenan lou darreire Comme ène veille qui ne peu Faire cennelay quelle veu

Aimé Piron, poète bourguignon, plein de verve et de sel, nous montre dans son Monologue borguignon por être prononçai devan Monseigneu le Duc (Dijon, 1724), quels étaient les su- jets ordinaires des déclamations de la Mère-Folle, les jours de montrée.

D'ein bout ai l'autre tôt antei

Ai déclame aiséman lé rôlle,

Que faibriquai lai Meire-Folle

Se Lanturlu, se chanson,

Se fanfreluche, se dicton,

Su le conte dé fringuenelle

Qui se conserve dans lai velle


368 MIN


Dicton que bé de nos monsieu Estime comme précieu.

Il existe des figures relatives à l'association de la Mère-Folle-, Tilliot les a fait connaître; on en remarque une qui offre deux têtes accolées par leur base, l'une de cardinal, l'autre de fou, sur un plan vertical , avec la légende : Stulti aliquando sapientes. Cette empreinte qu'on dit provenir du sceau de la Mère-Folle, appartient à une médaille des plus satiriques contre la cour de Rome et qui ne peut être attribuée qu'aux partisans de la Ré- forme. Le revers que du Tilliot ne donne pas, qu'il n'a pas connu peut-être, représente une autre tête double, celle d'un pape por- tant la tiare, et du côté opposé, en hauteur, une tête de diable à cheveux hérissés et à longues oreilles avec la légende : Ecclesia perversa tenet faciem diaboli. M. Leber a donné des gravures fort soignées de ces objets cuneux(Moruîaies des évêques des In- nocenset des Fous, 1837, P a &- xc ) et ^ ajoute : Comme le sujet principal n'a rien de commun avec les farces de la Société dijon- naise, il ,est permis de douter de l'authenticité du sceau, ou du moins de l'empreinte ainsi qualifiée par Tilliot (1).

MINNESiENGER (t. II, p.). Les Minnesœnger ont été en Allemagne l'objet de nombreux écrits ; il serait superflu de les indiquer ici; nous signalerons toutefois les recueils de L. Tieck : Minnelieder aus d. Schwaeb. Zeitalter. Berlin, i8o3, in-8°; de Von der Hagen, Minnesinger. Leipzig, 1 838, 4 vol. in-4 ; du baron de Lassberg, Liedersaal, Sammlung altdeutscher Ge- dichte. Eppishausen, 1820-25,4 vol. in-8°.

Parmi les divers manuscrits qui contiennent ces poésies, on distingue celui formé par Ruediger Manesse, de Zurich, à la fin


(1) Les catholiques firent une contre-partie des médailles en question; elle présente également deux têtes doubles; d'un côté, Calvin mitre et le diable ; légende : Joan. Calvinvs Heresiarch. Pesslmvs ; au revers, un cardinal et un fou; légende : Et stulti aliquando sapite. (Psalm. xciii.)


MOR 369

du treizième ou au commencement du quatorzième siècle; il est conservé à la Bibliothèque impériale à Paris, et il a été l'objet d'un mémoire du baron de Zurlauben inséré dans les Mémoires de P Académie des Inscriptions , tom.XL,p.i54. On trouve dans cette collection des poésies de 140 auteurs différents; un biblio- graphe fort actif, M. J.-C.-Th. Graesse, de Dresde, en a donné une liste raisonnée dans son Tableau de VHistoire littéraire générale {Dresde , 1842, tom. II, sect. 2, p. 986-1004). Il fait connaître également le nom de 29 poètes qui figurent dans un manuscrit conservé à Jéna , et il signale quelques autres de ces trouvères dont les compositions se rencontrent dans divers ma- nuscrits. Il existe aussi un assez grand nombre de pièces ano- nymes.

MORALE UNIVERSELLE(SociihÉDELAJ(tom.II,p.7o).

La sultane Aline d'Eldir a fait imprimera Paris, en 1829, une brochure qui contient les titres constatant sa naissance dans VInde. Ces pièces sont précédées d'une courte introduc- tion.

« Mon isolement en France, mon dévouement à l'humanité souffrante, les ouvrages que j'ai composés et publiés, l'institu- tion que j'ai fondée, pour diriger l'homme vers le bien, la vie morale qui n'a cessé de régler mes actions, semblent devoir in- téresser, ou même exciter à connaître ma naissance et mon ori- gine, en attendant la publication des mémoires historiques de ma vie, à dater de mon funeste enlèvement du palais de mes aïeux. Je m'empresse de satisfaire les amis de la vérité, par les pièces suivantes, duement légalisées et certifiées.

« A la restauration du gouvernement français, et lorsque la li- berté des mers eut permis d'écrire dans l'Inde, j'adressai au roi Louis XVIII, ainsi qu'à son frère, alors comte d'Artois, des lettres pour me faire reconnaître, comme ayant toujours mérité les bonnes grâces que cette auguste famille m'avait accordées dans mon enfance, et pour les supplier de prendre intérêt à mon sort, en faisant faire des informations dans ma patrie à mon sujet.

24.


3 7 o MOR

Des ordres furent donnés au ministère des affaires étrangères, et M. le duc de Richelieu, président du conseil des ministres, instruit de mes droits à la haute bienveillance du monarque, fit écrire à M. Dayot, intendant à Chandernagor ».

Les lettres contenues dans la brochure en question n'offrent pas assez d'intérêt pour être reproduites ; nous nous en tiendrons à la copie du n° I er , page 1 1 .

Copie du i er numéro de la correspondance du scheick Indien, pendant son séjour à Londres, avec madame d'Eldir.

« Refuge de continence, atelier de pudeur, symbole de no- blesse, source de qualités, que le Seigneur vous bénisse ! »

« Après vous avoir parlé de notre désir de vous voir qui est in- commensurable aussi bien qu'inexprimable, nous exposerons à votre cœur pétri d'affection, dans cette lettre sentimentale, que, grâce à la sagesse divine, nous nous portons fort bien ici, et que nous n'avons que des bénédictions à rendre au sujet de l'intérêt que vous prenez à notre bien-être. Quant à nous, nous ne ces- sons d'adresser, jour et nuit, des vœux au Tout-Puissant, plein de gloire, pour votre santé et votre bonheur.

« Votre épître gracieuse et pleine d'affection, que nous atten- dions, au devant de laquelle même nous nous transportions en idée, nous est parvenue dans l'instant le plus propice. Elle a ré- joui notre cœur souffrant de n'être pas près de vous, nous en avons logé tout le contenu dans ce cœur, sanctuaire de sym- pathie.

« Nous n'avons pas encore terminé nos affaires d'une manière satisfaisante; s'il plaît à Dieu, cela ne tardera guère; nous avons la plus ferme volonté de passer par Paris à notre retour, afin d'enluminer nos yeux et notre cœur par la contemplation de Votre Altesse, et de remplir notre sein d'allégresse. Nous n'a- vons point goûté plus de jouissance dans la tendresse mater- nelle que dans votre affection ; nous songeons toujours à vous, et votre souvenir est toujours présent à notre pensée, conformé- ment au sens de ces vers qui disent :


OBS 371


Je ne cesse un seul instant de songer à toi,

Et le sentiment de l'oubli est oublié par mon cœur.

Signée Goolam Mouhi-oud-din.

MUSICAL ANTIQUARIAN SOCIETY. Réunion d'ama- teurs de musique qui s'organisa à Londres en 1840. Ses mem- bres, amis de l'ancienne musique nationale, ne se bornaient pas à faire exécuter de vieilles compositions remontant au seizième siècle et parfois au-delà; ils faisaient aussi réimprimer des ou- vrages devenus extrêmement rares. L'énumération de ces réim- pressions comprend dix-sept articles (voir Lowndes, Bibliogra- phe^ s Manual, appendice , 1864, p. 1 55). Cette Société a cessé d'exister en 1848. Elle comptait parmi ses membres MM. E.-F. Raimbault, G. -A. Macfarren, W. Horsley , E.-J. Hopkin, E. Taylor, J. Warren, C.-W. Budd, Sir George Smart. Vers la même époque une association du même genre avait surgi , The Motett Society, qui prenait la vieille musique d'église pour but de ses travaux, mais celle-ci, créée en 1841, disparut bientôt et n'a mis au monde qu'une seule publication datée de 1842.

OBSERVATEURS DE LA FEMME (t. II, p. 96) Transcri- vons encore quelques passages empruntés aux procès-verbaux de cette société, documents qui n'ont jamais passé sous d'autres yeux que ceux du spirituel Lemontey.

Il est donné lecture d'une lettre écrite de Barcelonne par M. Leone; ce facétieux espagnol annonce qu'après avoir longtemps médité sur la nature de l'amour, il a reconnu que c'était une véritable maladie d'autant plus grave que personne ne la plaint, parce que ceux qui n'aiment pas n'y comprennent rien et que ceux qui aiment ne s'occupent que d'eux-mêmes.

Elle a si peu sa source dans l'imagination que les bêtes n'en sont pas exemptes. Il est avéré que plusieurs oiseaux ne survi- vent jamais à leurs compagnes. La police a récemment averti les habitants de Berlin que la continence forcée était la cause la plus fréquente de Thydrophobie parmi les fidèles animaux qui gar-


3 7 2 OBS

dent nos foyers (i). Enfin les agronomes savent que la brebis est d'un tempérament mélancolique, etpéri t bientôt si on contrarie ses amours. Ferrand, médecin d'Agen, publia en 1622, un Traité de la maladie d'amour , mais sans le témoignage des docteurs, qui peut ignorer que cette terrible passion se dénoue surtout par le suicide, extrémité où nous poussent rarement les douleurs physiques les plus cruelles ?

Notre correspondant pose ensuite deux faits : l'un que les suicides d'amour sont aussi fréquents que jamais ; l'autre que les hommes en donnent plus d'exemples que les femmes; il se demande si, malgré la licence de nos mœurs, il y aurait dans le monde autant d'amour qu'autrefois, et si les femmes aimeraient moins que les hommes.

Voici comment il résout ces deux questions.

Il répond à la première, qu'à la vérité il y a moins d'amoureux, mais qu'il y a plus de mauvais choix, ce qui revient au même pour les catastrophes. Il dit, sur la seconde, que l'amour se com- pose d'orgueil et de tendresse, et que, dans la passion de l'homme la dose de l'un surpassant celle de l'autre, il en résulte une ten- dance naturelle vers les moyens violens. Le cœur de la femme, au contraire, se nourrissant plutôt de tendresse que d'orgueil, est plus disposé à se dissoudre par les moyens de langueur ; ajoutons que la femme, naturellement religieuse et pudique, doit se résoudre avec plus d'effort à un acte réputé impie et qui n'est jamais sans publicité. L'amant se jette dans la tombe, l'amante y descend. Plus d'hommes se tuent par amour, mais beaucoup plus de femmes en meurent.

La Société imite les diverses classes de l'Institut, elle propose des prix, elle ouvre des concours.

Y a-t-il une tête de l'un ou de Vautre sexe que V amour n'ait pu ou ne puisse rendre folle ? Tel est le premier sujet proposé par la Société et sur lequel elle a reçu vingt-trois discours, tous pour la négative.


OBS 3 7 3

II résulte de cette unanimité que, de tous les personnages que nous vénérons, princesses ou ministres, guerriers ou dévotes, géomètres ou magistrats, il n'en est pas un seul que l'amour n'eut pu rendre irrévocablement fou ; âge, raison, science,' vertu^ tempérament glacé, secours inutiles ! les circonstances seules ont manqué, et tout bon sens est du bonheur. On est effrayé du mince intervalle que ces auteurs ont découvert entre le génie et la folie. Toute la différence consiste en ce seul point : la tête du génie est une soupape qui laisse échapper le trop plein ; la tête de la folie n'en a pas. Que l'amour vienne à sceller un instant cette soupape, et le grand homme courra aux Petites-Maisons plus vite qu'un autre.

Comme la Société est informée qu'il se prépare cette année en Europe plusieurs exemples fameux de cette vérité, elle a jugé con- venable de doubler le prix et de le remettre à l'année prochaine afin que les auteurs profitent de ces notables accidents pour accroître l'intérêt et les preuves de leurs ouvrages, si propres d'ailleurs à tempérer l'orgueil des forts etle désespoir des faibles.

Parmi les prix proposés figure celui-ci :

« La beauté ne se forme pas dans l'homme des mêmes traits que dans la femme ; mais son influence sur les caractères aux- quels elle est unie varie-t-elle aussi suivant les sexes ? Spurina fut le plus beau jeune homme de l'antiquité; s'il paraissait dans les campagnes, les femmes des pâtres lui faisaient violence; s'il entrait dans les villes, une scandaleuse épidémie en ravageait* aussitôt l'enceinte^ et partout à sa vue l'innocente et la prude, la prêtresse et la matrone se changeaient en furies d'amour. Le généreux Spurina employa le seul moyen qui put rendre la dé- cence au monde, et portant sur lui-même une main cruelle, il défigura le plus beau visage que les dieux eussent formé.

a Dans des temps plus modernes^ les murs de Toulouse furent affligés du même prodige. Dès que la belle Paule (i) se montrait,

(i) Il existe sur Paule de Viguier un livre fort singulier: de la Beauté, discours divers, avec la Paule graphie, ou description des beauté^ d'une dame


3 7 4 PAR

les maisons étaient vides, les ateliers déserts, et la foule, horri- blement amoncelée, ressemblait aux flots d'une sédition. Le plus court passage de cet astre laissait toujours des soupirants étouffés et quelques admirateurs estropiés. Le parlement prit enfin pitié du sort de ses justiciables, et montrant plus de connaissance, du cœur humain qu'il n'appartient à un parlement de province; il rendit un arrêt qui ordonnait à la belle Paule de paraître en public deux fois par semaine. Cette femme admirable se soumit, mais en portant contre cette dure obligation des plaintes que personne ne crut sincères.

« La Société demande un parallèle de Spurina et de Paule, où seront analysées la nature et la force de l'attachement de chaque sexe à ses avantages corporels, et où l'on examinera si le sacri- fice que fit Spurina pour sauver la vertu des dames d'Etrurie, eût été possible à la belle Paule pour conserver les bras et les jambes au peuple de Toulouse. La Société ne prescrit aucune forme aux ouvrages des concurrents, mais elle souhaite que celle du dialogue des morts, entre Spurina et Paule, soit préférée,, à condition néanmoins que, contre l'usage ordinaire, on y trou- vera l'esprit du sujet plus que l'esprit de l'auteur. »

PAROISSE (t. IL, p. 108). Cette société mérite qu'on en parle avec quelques nouveaux détails ; un article lui a été consacré dans la Revue française; il nous offrira quelques traits.

tholo\aine, par Gabriel de Minut. Lyon, 1587, in-8 ; ce livre, devenu fort rare, est très-recherché des bibliophiles; de beaux exemplaires ont été payés 140, 260 et 3oo fr. aux ventes Crozet, Renouard et Solar ; on est ensuite ar- rivé à 6o5 et à 85o fr. aux ventes Piot et Chapponay. M. Le Roux de Lincy a inséré dans le Bulletin du Bibliophile (1849, p. 43-96), une notice curieuse sur ce livre. Voir aussi le Bulletin du Bibliophile Belge, tom. III, p. 422. L'auteur de la Paulegraphie décrit, sans aucune exception, toutes les beautés du corps de Paule, et il entre naïvement dans les détails les plus scabreux. Ce fut toutefois une religieuse, Charlotte de Minut, sœur de l'au- teur et abbesse du couvent de Sainte-Claire à Toulouse, qui publia cet écrit, dédié à Catherine de Médicis. Une réimpression de la Paulegraphie a eu lieu à Bruxelles en i865; elle n'a été tirée qu'à 106 exemplaires, et elle est ac- compagnée d'une note bibliographique de 4 pages.


PAR 3 7 5

Le salon de Madame Doublet était un terrible cabinet noir où tout venait aboutir pour y être impitoyablement disséqué , une espèce de tribunal secret et de conseil des Dix jugeant en dernier ressort les écrivains, les ministres, les danseurs^les généraux et les comédiens, enregistrant pêle-mêle avec une impartialité qui était la plus sûre des justices, les crimes, les travers, les vertus et les ridicules, les chansons et les bons mots, les applaudisse- ments et les sifflets, les naissances et les morts, les choses de la rue et celles de la cour, celles de l'Académie et celles de l'égoût, en un mot tout ce que l'impétueux torrent du dix-huitième siècle roulait dans ses eaux bourbeuses, et de cette réunion placide de vieux paroissiens s'échappaient chaque jour en feuilles vo- lantes comme celles de la sibylle de Cumes, en attendant qu'il se condensât en 36 volumes, le réquisitoire le plus sanglant et le plus incisif qui ait jamais été lancé contre le dix-huitième siècle.

Bachaumont et madame Doublet étaient les gens les plus cu- rieux du monde, et parla surtout ils devaient s'attirer et se plaire. A Bachaumont, le raffiné sybarite, l'expert ès-arts de la curiosité, l'homme de tact qui savait le mieux trier, éplucher, vérifier et narrer une anecdote, revenait de droit la présidence du salon de la Paroisse. 11 n'en bougea pendant quarante ans, te- nant cette charge à grand honneur et faisant fi de tout le reste^ parfaitement placé à la tête dtce petit monde égoïste qui regar- dait toutes choses sans s'inquiéter de rien. Il mourut comme il avait vécu, apathique et indifférent aux choses élevées, abruti par une sénilité qui n'était que la conséquence logique de son in- souciance et d'une vie sans ressort, mais en passant de vie à trépas, il laissait son monument, les six premiers volumes des Mémoires secrets qui, continués après sa mort , forment ces 36 volumes, mine inépuisable qu'ont exploitée à pleines mains tous ceux qui ont écrit sur le dix-huitième siècle, chaos de ren- seignements, panorama fourmillant et débordant où défilent dans le leste déshabillé de l'anecdote épigrammatique et satirique, tous les faits et tous les hommes, tous les livres et toutes les


376 POM

pièces, tous les événements de quelque taille que ce soit, accom- plis dans l'espace de vingt-six ans, de 1762 à 1787.

La première partie des Mémoires (celle à laquelle a coopéré spécialement Bachaumont), s'ouvre par le nom de Sophie Ar- nould et se ferme par un épigramme contre le parlement Mau- péou. Entre ces deux points extrêmes, il est question de toutes les choses imaginables et de quibusdam aliis , comme dans la thèse de Pic de la Mirandole : de Voltaire, de mademoiselle Clairon, de Carlin, de madame de Pompadour, des jésuites, du ministère Choiseul , de Fréron, de l'université, des abbés mon- dains, des galants mousquetaires, des robins et des marquis, des femmes de cour et des courtisanes, des écrivains, des artistes, des sermons, des premières représentations à la Comédie française. On y trouve entassés et se heurtant dans un tohu-bohu où les dates seules servent de point de repère, de la prose et des vers, des contes, des factums, des dissertations savantes, des facéties bouffonnes. On trouve surtout bien des choses qu'on chercherait vainement ailleurs parce qu'elles ne pouvaient alors se produire que sous le manteau.

On a senti plusieurs fois la nécessité d'abréger ce volumineux recueil pour le rendre plus accessible aux gens du monde. Merle en donna en 1808 un choix qui eut du succès malgré ses défauts; M. Barrière en a publié un abrégé assez étendu, mais le meilleur travail en ce genre est celui de M. Paul Lacroix qui a fait pa- raître, en i858,à la librairie Delahays, un Bachaumont rac- courci , mais conservant sa physionomie, nullement défiguré, auquel il n'a été rien ôté, ni de ses qualités, ni de ses défauts, de sorte que, tout en gardant toute son utilité comme livre de recherche, il est plus vif, plus rapide, plus varié comme livre de lecture. Ajoutons que de nombreuses notes aident à l'intelligence du texte.

POMME DE PIN (t. II, p. 120). Les littérateurs du XVII* siècleet jusqu'à Boileau lui-même, se réunissaient volontiersdans ce cabaret situé dans la Cité contre le pont Notre-Dame. Son pro-


PUY 3 77

priétaire, Desbordes, fit rapidement fortune; il acheta pour son fils une charge dans les gabelles et se retira dans un château qu'il fit bâtir à Cormeilles. On trouve sur tout ceci des détails dans un r etit volume élégant et à la fois instructif et amusant sous une lorme agréable : Vins à la mode et cabarets au XVII e siècle } pir Albert de la Fizelière, Paris, R. Pincebourde, 1866, in-18.

PONTIFES (t. II, p. 137). Les membres de cette association ne se contentaient pas de construire des ponts; ils élevaient aux abords des auberges où les voyageurs recevaient l'hospitalité et ils entretenaient les routes et les chaussées. Un de leurs premiers établissements fut placé sur lés bords de la Durance, dans un endroit dangereux, Maupas ou Mauvais pas, lequel reçut le nom de Bon pas.

Le célèbre pont d'Avignon sur le Rhône fut l'œuvre de cet ordre.

PUY. (t. IL p. 157) Donnons sur ce sujet intéressant quelques nouveaux détails que nous fournit un article de M. Bottée de Toulmon, inséré dans la Revue française 3 i838, tom. VII, p. 102.

Le mot piiy dérive de podium, colline, désignation de l'empla- cement choisi comme amphithéâtre naturel pour entendre les débats des poètes. Les premières réunions littéraires qui s'éta- blirent en France portèrent donc le nom de puys. Des prix étaient décernés aux vainqueurs de ces joutes de la parole et de l'imagination. Ces prix consistaient habituellement en repré- sentations de fleurs en argent.

Un laborieux explorateur de nos antiquités littéraires, Sainte- Palaye, dans une notice manuscrite conservée à la bibliothèque royale, indique un manuscrit sur le premier feuillet duquel on lit :

« Le dimancheXIII jour de décembre 1 533 à Rouen, aucou- vent des Carmes, honorable homme Jean Leuze bourgeois et marchand de cette ville de Rouen, comme prince tint le Puy à


3 7 8 PUY

l'honneur et révérence de l'immaculée conception de la Sainte Vierge. »

« Le prince supplie à tous poètes et orateurs de composer en langue françoise, vulgaire et latine, apporter et envoyer audit Pw^ chants royaux, ballades, rondeaux et épigrammesà l'hon- neur d'icelle conception. Au chant royal sera donné la palme et au débattu le lis; pour la meilleure ballade de huit syllabes et huit lignes et tel refrain que l'auteur voudra sera donnée la rose; pour le plus parfait rondeau de treize lignes clos et ouvert le signet; pour la meilleure épigramme héroïque sans excéder le nombre de trente mètres_, sera donné le chapeau de laurier, et au débattu Pestrille (sic) tous lesquels prix seront rédimés par autre prix de honnête valeur.»

Il n'est pas douteux qu'il n'y ait ici une faute de copiste : au lieu d'estoille, il faut lire étoile; signé est pris dans le sens de signou, cachet, anneau.

Nous possédons d'amples informations au sujet des Puy-ftE- vreux ; les renseignements abondent; ils se trouvent dans les archives du départementde l'Eure. MM. Bonnin et Chassant ont publié des détails curieux que fournit le registre intitulé : « Cy est le livre de la fondation du service faict et estably en l'hon- neur de DieUj soubz l'invocation de madame Saincte Cécille,en l'église cathédrale Nostre-Damed'Evreux au iour et feste d'icelle saincte par chacune anéeàvenir à perpétuité. » Après quelques considérations sur le rôle que joue la musique dans l'histoire sainte,, vient la fondation du service en l'honneur de Sainte Cé- cile par les chantres et les clercs de semaine de la cathédraled'E- vreux. Tout ce qui suit est relatif à la célébration de la solen- nité. Ainsi l'on voit la désignation des messes qui doivent être dites, celle des psaumes et des antiennes qui doivent être chan- tées; les droits de chacun des célébrants ecclésiastiques et sé- culiers sont indiqués. L'organiste avait 7 sols 6 deniers pour tout le service, et le souffleur touchait la somme proportionnel- lement élevée de 6 sols.

On peut suivre dans l'acte de fondation l'origine du Puyde


PUY 3y 9

musique. On voit d'abord que les chantres et les clercs de se- maine avaient célébré un service en l'honneur de Dieu, un jour de sainte Cécile, les années 1570, 1 571 et 1572. Jusques là il n'y a pas de fondation. Le 5 novembre 1573 une réunion a lieu. Parmi les membres présents on remarque Guillaume Cas- telley, valet de chambre et organiste de Charles IX. Cette as- semblée a pour but de pourvoir aux frais du service qui doit être établi à perpétuité. Ils déposent entre les mains des chanoines la somme de huit-vingt livres pour être la rente de huit livres tournois employées tous les ansàladite célébration. Le prince et maître devait être renouvelé tous les ans; il était tenu de faire tapisser la chapelle à ses frais et de fournir des cierges si la fon- dation ne suffisait pas. Une stipulation toute spéciale prescri- vait au prince de « préparer lieu honeste et la table pour, après la grande messe du jour ladite feste, recepvoir amiablement la compagnie aux convives du disner qui se passera sans aucun scandalle, insolence ou excès, et que ne sera obligé ledit prince faire austre fraiz, s'il ne lui plaist, car chacun des fondateurs fe- ra porter leur vivre. »

On remettait au prince avant la fête une pièce portant ce ti- tre :

« Copie du contenu au gref que l'on baille au prince pour le rendre certain du devoir de sa charge. »

Prince qu'il plaist à Dieu sur nous constituer Icy est le moyen de la feste conduire, Puis quavez cet honneur, il faut sans se tuer Pour Tannée en suivant si bien sévertuer Quand tout puisse de Dieu le service reluire.

La fête commençait donc par un service et se terminait par un banquet; la musique n'y avait qu'une faible part.

On trouve dans les charges du prince en fonctions l'an iSyS y l'obligation de prévenir l'orfèvre pour procéder à la confection des prix d'un pujr qu'on voulait établir, comme aussi de faire imprimer pour le moins deux cents affiches chez Adrien Leroy,


38o PUY

imprimeur de musique. «Afin que par icelles plusieurs musi- ciens soient invitez d'envoyer de leurs œuvres audit Puy.y> La fondation officielle de cette institution n'eut lieu qu'en i536. Voici les principaux articles de l'acte inscrit au registre :

« Le vingt troisième iour de novembre par chacune année à venir le lendemain de ladite fête et solennité, suivant ce qu'il pleut à Messieurs du chapitre, pour accorder l'an passé linter- cession de monseigneur de Blanfossé, Raoul Boullene, trésorier en ladite église, sera célébré un Puy en concertation de musique en la maison des enfants de choeur dudit heu.

« Auquel Puy seront receuz motets latins, à cinq parties et deux ouvertures dont le texte sera en l'honneur de Dieu en col- laudation de nostre dame et sera délivré au meilleur motet lor- gue d'argent et au débattu qui est le meilleu déport la harpe d'argent. »

a Seront reçues chansons à cinq parties à tel dict qu'il plaira au facteur, hors texte scandaleux partout. La meilleure aura pour loyer le lut d'argent, celle qui fera le débatu la lyre d'ar- gent. »

« Lair à quatre parties trouvé le plus agréable sera gratifié du cornet d'argent. ï>

« La meilleure chanson légère, facescieuse aussi, à quatre par- ties seulement, emportera laflûte d'argent. »

«Au plus excellent sonnet chrétien françois faictà deux ou- vertures sera donné le triomphe de la Cécile enrichie dor qui est le plus grand prix. »

«Au dez de chacun desdits prix faits en forme de bague ou ovale sera pour heureuse mémoire escrit le nom du prince en lannée duquelz aura esté le dit Puy célébré.»

« Et par ce qu'il est très séant et nécessaire pour la décoration dudit Puy de faire pour chacun des nouvelles invitations aux musiciens, le prince en son année aura soin d'employer quelque gentil esprit à composer nouvelles semonces en latin et en fran- çois, comme le moteten latin et les chansons françoises lesquelles fera délivrer correctes et en temps opportun audit Adrien Le-


RIB 38i

roy pour de bonne heure les imprimer et les envoyer aux mais- tres musiciens des villes prochaines et esloignées qui par ce moyen seront advertis de la célébration et continuation dudit Puy.))

« Le jugement résolu, le prince, accompagné des fondateurs et confrères, marchera avec les chantres, lesquelz pour rendre grâce à Dieu de lheureux succès de leur concertation, s'iront permette devant le grand portail de léglise Nostre Dame,, et là chanteront à hauite voix les deux motets premières au Puy après chacun desquels chantés, ils feront entendre aux assistants par le doyen le nom des autheurs suivant ce qui faict en a estélan passé. »

« A leur retour dans la cour de la maison des enfants de chœur, ils chanteront semblablement à hauite voix les chansons airs et sonnets premiers_, et sera déclaré aux assistants le nom des autheurs. »

L'acte se termine par cette clause :

« Et affin que les œuvres plus excellents qui auront été pre- miers et aultres qui pourroient mériter et servira l'église et ap- porter instructions aux enfans de chœur et aultres ne tombent enoubly, lemaistredes enfans sera tenu transcrire ou faire tran- scrire en cinq livres qui lui seront laissez pour cet effet appar- tenant aux fondateurs, toute la musique susdite qui sera pre- mier et qui pourroit mériter prix avec le nom des autheurs. »

Le registre en question s'arrête à 1602 pour la liste desprinces; celle des prix ne va pas au delà de 1589; cependant on distri- buait encore des récompenses après cette époque, car il existe une quittance de Nousset, orfèvre d'Evreux, en date du 27 no- vembre 16 14, pour paiement de quatre prix d'argent: savoir, l'orgue, le luth, la lyre et la harpe.

RIBAUDS (t. II, p. i36). Le Bulletin du Bibliophile a repro- duit, dans son numéro de septembre 1844 (6 e série, n° 1 104), la petite notice que l'abbé Lebeuf avait fait insérer dans le Journal de Verdun (novembre 175 1) sur le Roi des Ribauds. Le savant


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antiquaire fait observer qu'on trouve dans les Olim du Parlement, défense faite au bailli de Vermandois de laisser sous aucun pré- texte séjourner le Roi des Ribauds dans la ville de Laon ; le motif de cette injonction c'est que le bailli de Vermandois ne voulait dépendre que delà juridiction royale qui avait été établie sur ce pays en 1283.

ROSE-CROIX (t. II. p. 187). On a publié à Leipzig, en 1783, une réimpression d'un écrit devenu introuvable quoiqu'il ait eu quatre éditions successives : Missiv an die Hocherleuch- tete Bruederschaft des Ordens Rosenkreut^es. Lux in Cruce et Crux in luce (mission à la très-éclairée confrérie de l'Ordre des Rose-Croix). Ce qui donne du prix à ce petit volume de 126 pages, c'est qu'il contient un catalogue raisonné (pag. 35 à 126) d'ouvrages relatifs aux Rose-Croix, depuis 16 14 jusqu'en 1783, et l'auteur a eu sous les yeux la presque totalité des écrits qu'il énumère; il serait à peu près impossible de les réunir aujour- d'hui.

ROXBURGHE(Club). Selon l'usage anglais, cette société de bibliophiles célèbre chaque année l'anniversaire de sa fondation par un somptueux banquet; elle a donc quelque droit à être pla- cée dans les réunions mangeantes aussi bien que dans les asso- ciations littéraires. Nous n'avons pas besoin de rappeler qu'elle fut fondée à Londres en 18 12, après la vente de la bibliothèque du duc de Roxburghe, vente que signala l'élévation excessive des prix auxquels furent portés quelques livres précieux. C'est alors qu'on vit un Décaméron de Boccace, imprimé à Venise, par Valdapfer, adjugé à 2260 livres sterling, grâce à la rivalité de deux amateurs opulents, le comte Spencer et le marquis de Blandford. Ce dernier gagna une victoire qui lui coûta cher. On voulut qu'une société spéciale conservât la mémoire de cet évé- nement inouï dans les fastes de la bibliophilie.

Composée d'abord de 3 r membres, elle a ensuite été portée à 40. Elle a compté dans ses rangs les bibliophiles les plus fer-


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vents de l'Angleterre réunis à des littérateurs distingués; citons seulement parmi les morts lord Spencer, qui fut le premier pré- sident du club; son fils, lord Althorp, plus connu comme homme politique que comme amateur de vieux livres; sir Egerton Brydges, personnage excentrique qui portait une longue barbe à une époque où tous les mentons étaient rasés et qui a laissé d'assez nombreuses publications (i); Thomas Frognall Dibdin, vice-président, auteur de nombreux et importants ou- vrages de bibliographie^ qui sont loin sans doute d'être exempts de défauts, mais qui occuperont toujours une place fort distinguée dans tout cabinet d'élite (2); Roger Wilbraham; sir Mark Mas- terman Sykes; John Dent; W. Drury; Richard Heber, le plus insatiable des bibliomanes; J. Lang; G. Hibbert; le docteur Butler, évêque de Lichtfield, enfin Walter Scott, dont le nom dispense de tout commentaire (3). A côté de quelques grands seigneurs, tels que le duc de De-

(1) Nous citerons la Polyanthea librorum vetustiorum. Ghiève. 1822; Ci- melia, seu Examen criticum librorum. Genève, 182?; Censura litteraria. Londres, i8o5-i8og, 10 vol. in-8 ; seconde édition, 18 1 5, 10 vol. in-8; British bibliographer, 1 810-18 14, 4 vol. in-8; Restituta, or titles, extracts and characters ofold books, Londres, 18 14, 4 vol. in-8

(2) La Bibliotheca Spenceriana, le Bibliographie al Decameron, le Biblio- graphical Tour in France and Germany, la nouvelle édition des Typogra- phical Antiquities, le Library Companion, et bien d'autres ouvrages fort re- marquables en leur genre ; le Manuel du Libraire de M. J. Ch. Brunet en donne une longue énumération raisonnée.

(3) La collection du docteur Butler était surtout riche en éditions aldines; elle a été dispersée en vente publique, ainsi que celles des autres amateurs nommés ci-dessus. La bibliothèque Wilbraham était garnie de vieux livres italiens; Drury avait surtout recherché les plus belles éditions des classi- ques grecs et latins; Dent avait donné une attention spéciale aux anciens livres anglais; Sykes et Hibbert avaient rassemblé des volumes précieux en tout genre; la vente du premier, faite en 1824, comprenait 3691 articles qui ont produit 18624 livres sterling, celle du second, opérée en 1829, présentait 8786 numéros. Lang dont le cabinet passa aux enchères en 1828 avait porté ses efforts sur les vieux livres français ; il en avait réuni de fortcurieux qui sont, en partie, revenus en France, et dont la valeur a monté d'une façon remarquable.


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vonshire et le duc de Northumberland, on a vu se ranger de simples bibliophiles dépourvus de naissance et de fortune, mais animés d'une passion ardente à l'égard du papier imprimé; c'est dans cette classe qu'il faut ranger Joseph Hazlewood, qui a édité plusieurs vieux auteurs anglais dont les ouvrages étaient deve- nus fort rares et qui avait composé sous le titre de Roxburghe Revels (Amusements des Roxburghe), un ouvrage resté inédit et assez singulier, dit-on; sa publication aurait pu faire rire aux dépens du club; elle n'a pas eu lieu. Il est question de cet écrit dans un petit volume tiré à 5o exemplaires seulement , sous le titre de Roxburghiana et publié à Edinbourg en 1837, par J. Maidment (1).

Dans le principe,, chaque membre du Club faisait réimprimer à ses frais quelques vieux livres très-rares, et cette édition nou- velle n'était tirée qu'à un nombre d'exemplaires excédant de très- peu celui des membres du Club. Un autre système est en vigueur depuis quelques années ; le club pourvoit en corps aux dépenses de l'impression d'ouvrages plus étendus que ceux qui étaient primitivement mis au jour, et le nombre des exemplaires tirés est moins circonscrit, de sorte que, sans être livrées au commerce, ces publications peuvent entrer dans quelques dépôts publics et rendre ainsi des services aux travailleurs.

La liste des ouvrages mis au jour jusqu'en 1864 par le Rox- burghe Club s'élève à 64 articles, telle que la donne VAppendix au Bibliographe^ s Manual de Lowndes (1864, pag. 1-7.) On peut y joindre deux réimpressions faites, l'une en 1821, l'autre en 1825, qui ne furent pas distribuées et quelques brochures.

Nous indiquerons les ouvrages en langue française ou qui in- téressent la France:

La Contenance delà table, 181 6.

Le Livre du Faulcon, 1817(2).

(1) Hazlewood manquait de goût et son instruction n'était pas très-solide, mais il était plein de zèle pour l'histoire littéraire de la Grande-Bretagne à laquelle il a rendu de vrais services.

(2) Cette réimpression fut faite aux frais de M. Lang, propriétaire du seul


SCU 385

LaRotta de Franciosi à Terroana, 1825.

The Black Prince... Poème historique relatif au Prince Noir, écrit en français par le héraut Chandos, publié avec une traduc- tion et des notes par le révérend H. O. Coxe, 1842, in-4.

La vraie cronicque d'Escosse. Pretensions des Anglois à la couronne de France. D'après un manuscrit de la bibliothèque de Bourgogne, 1847.

Mentionnons aussi comme ayant pour l'histoire littéraire du moyen-âge une véritable importance The ancient Romance of Havelok the Dane 3 publié par Frederick Madden avec une tra- duction française, des notes et un glossaire^ 1828 (1), les an- ciennes traductions anglaises des Gesta Romanorum avec une introduction et des notes, par le même éditeur, et le poème du Seynt graal, partie en vers anglais (traduction du milieu du XV e siècle), et texte complet en prose par Robert de Borron (dei 180 à 1200). Cette édition, faite d'après des manuscrits con- servés à Cambridge, est due aux soins de M. F. J. Furnivalle; elle est accompagnée d'un Essai sur le roi Arthur par feu Her- bert Coleridge (1863-1864, 2 vol. in-4.)

SCUDÉRY (t. II p. 214). Un petit volume publié à Paris, sous le titre insignifiant de Lettres et billets galants, offre en partie la correspondance deMadameArragonais avec Izarn, ainsi que le fait remarquer une note insérée au Bulletin du biblio- phile, 1860, p. 1424, et signée P. L. (Paul Lacroix).

exemplaire connu de l'édition originale; c'est un livret de 19 feuillets en vers et en prose, imprimé vers la fin du XV e siècle. Il en existe trois autres éditions anciennes en caractères gothiques, et toutes très-rares. Un rondeau donne en acrostiche le nom de l'auteur: Isabeau Faucon

(1) Ce romance est une traduction d'un ancien poème français dont l'au- teur est resté inconnu et dont on ne connaît pas de manuscrit en France (Voir un article de M. Raynouard dans le Journal des Savants, i83i). M. Francisque-Michel a fait paraître à Paris en 1 833, le Lai d'Havelok, d'après la publication de M. Madden et avec la traduction d'une partie de la préface du savant Anglais ; ce volume, imprimé avec soin, n'a été tiré qu'à cent exem- plaires.

25.


386 SOC

SOCIÉTÉ DE L'ARAIGNÉE DANS LE PLAFOND. Le très-intéressant journal Y Intermédiaire, dans son numéro du 10 novembre 1866, que nous recevons à l'instant, nous fait connaître l'existence de cette société; elle existe àVichy (Allier); c'est une réunion littéraire et ancienne. Une des principales originalités du salon de réunion consiste dans le plafond agré- menté, en guise de lustre, d'une gigantesque araignée, qu'on fait danser, corps et pattes, à l'aide d'un long fil d'archal, au- dessus de la tête des assistants.

SOCIÉTÉ D'ENCOURAGEMENT POUR L'AMÉLIO- RATION DE L'ESPRIT FRANÇAIS. Cette Société fut fon- dée il y a une dizaine d'années par la direction du journal le Fi- garo $ elle n'eut qu'une courte existence; elle fut l'occasion de splendides dîners où fut convoquée l'élite de la littérature et des arts. Pour être admis à ces festins il fallait trois conditions; avoir reçu une lettre d'invitation; payer une somme de 10 francs; faire un mot spirituel.

Les statuts de ces banquets, dont la rédaction est attribuée à M. A. Barthet, sont divisés en sept chapitres et comprennent trente-six articles; nous en indiquerons quelques-uns d'après l'ouvrage publié en i863 sous le titre de: Les grands Journaux de France.

Chapitre IV. Des deux tabIes } XX. Il y a deux tables; la grande etla. petite. La grande, magnifiquement ornée et éclai- rée, mieux servie et servie la première, est la récompense de ceux dont la preuve a été trouvée supérieure; la petite, modes- tement reléguée dans un coin de la salle, est assignée à la se- conde catégorie; elle n'aura le droit de trouver ni les vins trop jeunes, ni le gibier trop vieux, ni le service mal fait, ni le café médiocre.

XXII. Un joli mot, dit à la petite table, pourra valoir à son auteur d'être promu à la grande. Le mot en question sera donc immédiatement soumis au vote des convives de la première caté- gorie. On pourra voter par acclamation.


SOC 38 7

XXIII. Un mot Prudhomme, sans circonstances atténuantes, proféré à la grande table pourra, par une réciprocité sévère, mais juste, valoir à son auteur d'être exilé à la petite.

XXIV. Du premier et du second. On entend par premier celui dont la preuve a été trouvée la plus spirituelle entre toutes; par second, celui dont la preuve arrive, comme mérite, immé- diatement après. C'est la commission qui décide. Le premier est couronné, séance tenante, des lauriers ou des fleurs dérobés sur la table même du banquet, un jambon ou un gâteau de Savoie qui n'y perdront guère, et Figaro lui offre une plume d'or sur laquelle est gravée une inscription commémo- rative.

XXV. Le second reçoit une boîte de cigares sur laquelle il prélève un paquet d'honneur qu'il emporte comme un souvenir. Il offre le reste à ceux des convives qui sont sensibles aux agré- ments du pur Havane. La petite table n'a droit qu'à des cigares de second choix.

XXVI. Par une exception spéciale un couvert est toujours réservé à la grande table. Ce couvert est désigné sous le nom de couvert de V Anglais.

XXVII. Pour devenir titulaire du couvert de l'Anglais, il n'est pas besoin de subir le concours exigé du vulgaire ; il suffit au candidat de s'être fait inscrire la veille avant quatre heures du soir au bureau du journal et d'avoir versé entre les mains du caissier une cotisation de 5oo fr.

Le montant de cette cotisation exceptionnelle est consommé, séance tenante, par la réunion honorée de ce magnifique suffrage.

XXVIII. Sont considérés comme Anglais et accueillis comme tels tous les nobles seigneurs, français ou étrangers, disposés à consacrer vingt-cinq louis à la satisfaction d'une fantaisie aussi distinguée.

XXIX. Dans le cas où le couvert de l'Anglais est l'objet de plusieurs demandes, la date de l'inscription fait loi. On passe à l'ancienneté.

XXX. Dispositions générales. Le costume est ad libitum.


388 SOC

Nous nous en rapportons à la magnificence ou à l'originalité des convives.

XXXV. Des toasts nominatifs sont portés par le président à ceux des abonnés qui, voulant s'associer de loin à la pensée des dîners de Figaro, lui auront envoyé un produit comestible quel- conque. Ces toasts ont naturellement lieu au moment de dépe- cer ou de déboucher les pièces ou les bouteilles offertes.

Une liste, par ordre alphabétique des membres de la Société d'encouragement comprend ceux de MM. About, Dantan, G. Doré, Th. Gautier, Gozlan, Halévy, A. Houssaye, Méry, Mon- selet, Murger, Nadar, H. de Pêne, etc.

SOCIÉTÉ DU SOUPER DES QUINZE LIVRES. Charles. Antoine Coypel, quatrième peintre célèbre de ce nom, né à Pa- ris en 1694, et mort en la même ville en 1752, âgé seulement de 58 ans , fut le centre, le charme et le lien de la Société du Sou- per des Quinze livres, ainsi appelée parce qu'il n'était pas per- mis d'y dépenser plus que ce prix. Cette association, à en juger par les lettres qui restent de ses membres, était délicieuse sous tous les rapports. Les auteurs de laBibl. des Romans (fév . 1779, p. 147), disent que c l'esprit sans causticité, les talents sans ja- » lousie, les connaissances sans prétention, et la gaîté sans in- » décence, sembloient se disputer le droit d'en diversifier les » amusements. » On en fera mieux l'éloge, ajoutent-ils, en nom- mant :

MM. De Caylus, De Calvière, Freret, De Mirabeau, De Foncemagne, L'abbé de Rothelin, De Bougainville, Largillière, Rigaud, Fagon,


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MM. Helvétius,

Marivaux, M mes Doublet,

Le Marchand, M lle Quinault.

SOCIÉTÉ MUSICALE DE SAINTE-CÉCILE, à Rouen. Les renseignements qu'on possède sur la Société Musicale de Rouen qui se plaça sous l'invocation de sainte Cécile (i) sont très peu étendus,- on les trouve dans V Histoire de la cathédrale de Rouen par D. Pommeraye {Rouen, 1686, in-4). On y voit qu'en 1601 la société existait depuis longtemps sans qu'on puisse fixer la date précise de son origine. Les détails que donne l'au- teur montrent qu'à cette époque on prit un arrêté pour régler les dépenses excessives qu'avaient faites quelques princes; c'est le nom qui était donné à la personne élue chaque année pour présider la solennité^ mais la passion de briller qui animait les princes ne s'arrêta point, et elle mettait obstacle à la prospérité de la société; elle rendait de plus en plus coûteuses les fonctions de prince, et elles éloignaient des personnes fort honorables qui reculaient devant des dépenses-excessives.

Le 11 octobre 1660, plusieurs membres s'assemblèrent pour tâcher de rétablir la confrérie (expressions qui constatent la décadence où elle était tombée). La dépense à la charge de chaque prince fut fixée à i5o livres, le surplus devant être pris sur les revenus et fonds de la société qui paraissent avoir été assez considérables.

Il fut en outre arrêté le 16 juin 1661 qu'à l'avenir les prix qui se donnaient aux musiciens seraient de la valeur de 100 livres, savoir: 70 livres fournies par la caisse de la société et 3o livres

1) Observons en passant que rien dans les actes de cette martyre n'auto- rise à la signaler comme musicienne; on y lit au contraire qu'elle imposa si- lence aux instruments (organum) qui se faisaient entendre à l'occasion ' J e son mariage. Un artiste du moyen-âge qui n'y regardait pas de si près repré- senta la sainte avec un orgue. De là est provenue une méprise admise de- puis sans examen.


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par une rente fondée par un des membres. Le n octobre 1666, un membre nouvellement élu fonda en outre pour le deuxième prix des motets à deux chœurs, un écritoire d'argent de la va- leur de 3o livres.

La société subsistait encore en 1686.

Divers documents relatifs à la Société de sainte Cécile à Pa- ris ont été mis en lumière par M. Bottée de Toulmon. La plus ancienne mention qu'on rencontre se trouve dans un livret im- primé en 1576 par Adrien Leroy et Robert Ballard pour les membres de l'association. C'est l'acte de fondation, daté de 1 5y5; le seul article où il soit question de musique est celui-ci :

« Seront avertis tous bons et excellens musiciens de ce royaume et autres d'envoyer, si bon leur semble, audict jour et vigille Sainte-Cécile, quelques motetz nouveaux ou autres can- tiques honnestes de leurs œuvres, pour estre chantés afin de cognoistre et remarquer les bons auteurs, nommément celuy qui aura le mieux faict, pour estre honoré et gratifié de quelque présent honorable, ainsi que l'on advisera. »

Rien ne fait supposer la valeur du prix , et le reste de la fon- dation ne parle que de services funèbres pour la mémoire des membres défunts; cet acte ressemble plutôt à une fondation de fabrique qu'à celle d'une association ayant pour but de faire fleurir l'art musical.

Il existe à Bordeaux, depuis une dizaine d'années, une Société de Sainte-Cécile. On en trouve aussi dans d'autres villes.

SOTS (t. II, p. 225). Le nom d'Angoulevent était un sobriquet de confrérie, comme Angouleveisme (dans le Triomphe de V Ab- baye des Conards), Plate-Bourse, Pont-Alletz, Plat-d'Argent, Maie-Epargne, et bien d'autres semblables.. On trouve dans Ra- belais (liv. I, ch. 26) et que n'y trouve-t-on pas ? le nom d'An- goulevent donné à un capitaine de chevaux-legiers du roi Pi- crochole, chargé d'aller à la découverte, c'est-à-dire, de humer et comme on disait alors, d'angouler le vent, en attendant le gibier. Un Angoulevent figure aussi dans la Satyre Ménippée ,


SOT 391

mais ce n'est qu'un bouffon du plus bas étage, méprisable et crapuleux espion, et, qui pis est, imbécile et dupe.

Du reste, Nicolas Joubert, dit Angoulevent ou Engoulevent, mérite qu'on en parle avec quelques détails. Il est question dans des facéties de l'époque et dans le curieux pamphletauquel d'Au- bigné a donné le titre de la Confession de Sancy , d'un farceur en renom à Paris qu'on appelait Angoulevent, et on a tout lieu de croire qu'il s'agit de Joubert. Le procès sur la principauté des Sots ne fut pas la seule querelle qui s'éleva contre ce baladin. Un poëte dont le nom est resté inconnu, lança contre lui une vive attaque en vers sous le titre de Surprise et fustigation (V Angoulevent , par l'archi-poëte des Pois piles, Paris, i6o3. C'est le récit d'un mauvais tour joué à notre farceur qui est re- présenté comme fort enclin à mal faire.

Ce prince reculé Entre les sots bien immatriculé, Ce docte prince, en son art triomphant, Est un magot sous le masque d'enfant Qui tout son corps et son esprit adonne Pour engoller quelque nisse personne.

Au récit vrai ou faux de cette mésaventure, le prince des Sots opposa aussitôt un opuscule intitulé : La Guirlande et response d' Angoulevent (Paris , i6o3), mais le dernier mot ne lui resta point, car en 1604 il fut attaqué de nouveau dans la Réplique à la response du poëte Angoulevent. Un autre farceur du temps, voulant acquérir une prééminence signalée_, prit le titre d'#rc/n- sot j il fut l'objet d'une diatribe en vers intitulée : UArchi-sot, Echo satyrique. {Paris, 1 6o5) . Cette pièce a été réimprimée dans les Variétés historiques et littéraires publiées par M. Ed. Fournier (tom. VII, p. 37); la Fustigation est aussi comprise dans le même recueil (tom. VIII_, p. 81).

Il existe sous le titre de Satyres bastardes et autres œuvres folastres du cadet Angoulevent , un volume de vers publié à Paris en 161 5. Ce volume est très-rare; des exemplaires se sont


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payés 16 fr. La Vallière en 1784; 77 fr., Pixerécourt en 1839; i5i fr., Nodier en 1844; 455 fr., H. de Ch. en i863, offrant ainsi un exemple curieux de l'élévation successive des livres de ce genre. Il en a été fait à Bruxelles en i865 (sous la rubrique de Quimper-Corentin), une réimpression tirée à 106 exemplai- res; elle forme un volume in- 18 de 188 pages. Consultez aussi sur Angoulevent le très-curieux volume de M. Victor Fournel: les Spectacles populaires et les artistes des rues, i863, in-12.

SOTS (tome II, p. 225). Il n'est pas inutile d'ajouter quel- ques détails à ceux que nous avons déjà donnés sur cette asso- ciation qui joue un rôle curieux dans notre vieille littérature.

M. d'Héricault, dans la notice déjà signalée et placée en tête de Tédition de Gringore, entreprise en 1 858, avance avec rai- son que l'ensemble des morceaux dramatiques qui constitue l'œuvre portant le titre général de Jeu du Prince des Sots, est incontestablement ce qui nous a été laissé de plus remarquable parle théâtre du moyen-âge.

Le cry est une proclamation par laquelle l'auteur convoque le public à assister à la représentation qui doit avoir lieu aux halles le mardi-gras de 1 5 1 1 . Ces annonces étaient faites par un des membres de la corporation qui donnait les jeux; habillé d'une façon caractéristique, entouré d'une troupe de ses confrères, accompagné d'instruments bruyants, il se promenait par la ville s'arrêtant aux places et aux carrefours consacrés par l'habitude pour y déclamer cette espèce d'invitation. Ce cry ou montre des acteurs revêtus des costumes de leurs rôles, remplaçait les affiches qui ne furent inventées que longtemps après.

Le cry versifié par Gringore est parfaitement soigné; il s'an- nonce lestement, il marche d'un style vif et gai. Son allure franche, sa forme joviale et une apparence grotesque sont alliées à une véritable finesse.

M. d'Héricault ajoute :

« A quelle époque faut-il faire remonter l'existence de la So- ciété des Sot%, des En/ans Sans-Souci? A quelle circonstance


SOT 3 9 3

dut-elle sa naissance ? Quel but se proposa-t-elle ? On admet généralement qu'elle s'organisa au commencement du quin- zième siècle; les autres questions ne sont pas encore résolues, et nous n'avons pas jusqu'ici de documents qui nous permettent de les discuter autrement que par des hypothèses.

« Je pense contrairement à l'opinion actuellement en faveur que la corporation des Sot% était complètement distincte des autres sociétés dramatiques. Elle a dû avoir pour but de réunir ceux-là même qui n'ayant degré en quelque faculté, qui ne tenant par position ni à la Basoche, ni aux Clercs du Chdtelet, ni kY Empire de Galilée, voulaient cependant prendre part aux fêtes, aux jeux, aux esbat\ qui avaient été jusque là l'apanage des joyeux clercs. Gringore en est une preuve; il annonce hau- tement qu'il ne tient à aucune faculté, et nous le voyons un des chefs de la corporation des Sotç. Celle-ci était donc une protes- tation contre le monopole dramatique abandonné aux corpora- tions juridiques, une réunion de poètes indépendants. Dans ces temps de troubles, de guerres et d'anarchie, toutes les fêtes, tou- tes les folies, toutes les occasions d'oublier le mal présent et de s'étourdir bruyamment sur les menaces de l'avenir, devaient être les bienvenues dans la bourgeoisie et le populaire. C'est alors que tous ceux qui se voyaient jeunes, qui se sentaient affolés par l'amour du bruit, par le besoin de la distraction, ont pu se réunir, prendre effrontément le nom de Sot^ et railler bravement les préoccupations des politiques et des sages en se disant les Enfants-sans-souci, n

« J'ai toujours cru qu'ils avaient dû débuter par des masca- rades, par des bouffonneries improvisées, où chaque Sot, le Prince et la Mère en tête, jouait un rôle. Ce rôle ne devait pas être défini autrement que par les habits grotesques qu'il avait plu à chacun de prendre pour désigner une sorte particulière de sottise. Il était ainsi abandonné aux caprices de l'imagination, de l'improvisation, et confié à la verve du moment; un peu plus tard seulement, le plan fut nettement arrêté d'avance, l'intrigue fut artistiquement nouée par les poètes de la Société, les rôles


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furent sérieusement distribués, le dialogue écrit, les jeux des Sotz, en un mot, se formulèrent définitivement en une pièce de théâtre. C'est ce genre de pièce qui prit le titre de sotie du nom des acteurs qui la jouaient. On trouve dans ses allures les traces du point de départ, des mascarades et des improvisations pri- mitives. »

« La troupe des Sot% est restée sur le théâtre où elle forme, pour ainsi dire, le chœur, et rappelle cette première bande de Sotz qui n'avait à remplir, dans les mascarades, qu'un rôle de comparses ; le Prince des Sot\ y est encore; aussi Mère Sotte ; l'intrigue est nouée par diverses espèces de sottises personna- lisées, se prêtant à l'action qu'elles conduisent, embrouillent ou débrouillent, selon le plan tracé. Comme on le voit, il y a de nombreuses relations entre de telles pièces et la partie qu'avait arrangée une bande de joyeux compagnons déguisés en sotz et ajoutant à leur uniforme quelque particularité de costume pour aller dans les carrefours représenter et railler quelque trait de la sottise humaine, quelque accident de la vie politique ou quel- que scandale de la vie privée. »

  • 11 n'y a là qu'une hypothèse, mais ce qui est certain, c'est

que les sotz donnèrent leur nom au genre dramatique qui, comme étude de mœurs, se rapproche le plus de la haute comé- die moderne et qui, comme forme, peut être, à certains égards, comparé à la comédie italienne. Le cadre général était banal, la plupart des personnages inventés d'avance; beaucoup d'entre eux avaient un caractère traditionnel et connu; une grande partie des effets de scène consistait justement dans cette connais- sance préalable que le public avait de ces divers caractères »

THÉLÈME(ABBAYEDE),(t. II, p. 241). Deséditeursde Rabe- lais ont remarqué que maître François avait peut-être pris l'idée de son abbaye si peu austère dans le Monopolium philosopho- rum 3 alias Colle gium seu sectafraternitatis et congre g ationis securorum et bonorum sociorum; ce règlement est inséré dans des éditions de l'ouvrage satirique connu sous le nom d'Epistolœ


THE 3g5

obscurorum virorum (i); il se compose de vingt-deux articles; voici le premier : « Prima hujus colle gii régula est, vivere sine régula, mensura bibere sine mensurd, modus edendi sine modo.

Un écrivain anglais du douzième siècle prétend que Guil- laume, fils d'un comte de Poitiers, eut l'idée d'établir une ab- baye de belles dames et de jolies demoiselles, plus galantes que dévotes, et de leur donner des règlements convenables à leurs mœurs.

Les éditeurs du Rabelais Variorum citent à cet égard les règlements « qui subsistent encore » ajoutent-ils (tom. II, p. 337) donnés par la reine. Jeanne de Naples à une abbaye consacrée à Vénus, et de fait ces règlements ont été souvent imprimés ou cités comme un document authentique (1). Astruc les a gravement insérés en provençal et en latin dans son traité de Morbis venereis, où ils parurent pour la première fois, mais la bonne foi de ce savant avait été trompée par des Avignonnais qui s'étaient amusés à fabriquer ce petit code et à l'envoyer au médecin consultant du roi. C'est ce qu'a par- faitement établi M. Jules Courtet dans un fort curieux article inséré dans la Revue archéologique.


FIN DU 2 e VOLUME.


(1) On comprend que Linguet les ait insére's dans sa Cacomonade ; on admet même que Papon ait accueilli le fait dans sa me'diocre Histoire de Pro- vence, mais il y a lieu d'être surpris qu'un jurisconsulte, tel que Merlin, mentionne la chose sans ressentir le m indre doute (Répertoire universel,


TABLE ALPHABETIQUE

Abbé des Fous t. I, p. i

Académie militaire I, i; II, 291

Académies d'Italie I, 2

Académie de ces Dames et de ces Messieurs. I, 4

Aimable commerce 1,7

Agathopèdes (Société des), à Bruxelles. . . I, 8; II, 291

Alétophiles I, 20

Allégories (Académie des) I, 22

Allumette (Ordre de Y) \ 3 2 3

Aloyau (Société de 1') 1,23

Altérés (Ordre des) I, 24

Amaranthe (Ordre de 1') I, 24

Amis de la Goguette I, 28

Amis (Chantier des). . , I, 3o

Amis du, Réveil de la Nature 1,30

Amour (Cours d') 1,32

Amour (Légion d') I, 33

Anacréon (Société d') I, 34

Anandryne (Secte) . I, 34

Anes (Fête des) I, 35

Anspach (Société dramatique d') . . . . I_, 35

Angoulevent, Prince des Sots 11,227,391

Anti-Façonniers (Coterie des) I, 36

Anquebec, Marchand de Pains a cacheter. I, 245

Aphrodites ou Morosophes (Ordre des). . I, 39

Aranjuez (Société dramatique d') . ... 1,41 Arbalète, Arc, Arquebuse . . . . I, 43, 54, 5y ; II, 297

Arcades (Académie des) : . 1,48; II, 304

Arc-en-Ciel (Chevaliers de 1') I, 5o

Argotiers I, 5o

Asinienne (Académie) I, 61

Asnal (Academia d 5 ) I, 62

Asnières (Académie d') I, 62

Athéniens (Voyageurs) I, 62

Aubignac (L'abbé d') I, 182

Aucat Roustit (Société de 1') 1,63

Babin (République de) I, 63

Bagatelle (Société dramatique de) . . . I_, 66

Bagnolet (Théâtre de) 1,70

Bannatyne Club I, 71

Bas-Bleus (Club des) I, 72

Basoche (Clercs de la) I,73;IIj3o4

Beaumont (Société du Château de) . . . I_, 76

Bel cyse (Ordre de) I, 80

Benjamin (Académie de) I, 81

Bergers de la Pegnitz I, 82

Berny (Société dramatique de) I, 82

Bertrand (Académie de) ^84

Bêtes (Académie des) 1,85

Béziers (Société dramatique de) 1,87

Bibliophiles Français I, 89

Bibliophiles Lyonnais ; II, 3o8

BlLLARDINE (Société) I, 91

Blague (Diète de la) I, 92

Blasés (Confrérie des) I, 95

Blois (Académie de) I,99;II,3o8

Bobelins (Roi des) I, 100

Bolivar (Société duj I, 101

Boisson (Ordre de la) I, 102


Bonne-Volonté (Société de la)

Bons-Vivants

Bon-Voisinage (Société du)

Bouchon (Ordre du)

Bourge d'Ane (Académie de)

Bout du Banc (Dîners du)

Boutonistique (Société de)

Brevet de Menteur II,

— d'Usurier I

Brunin (Société du)

Brunoy (Société dramatique de) .... Buveurs (Confrérie des). Voir Corne.

Cabinet vert (Le)

Cacouacs

Caillettes (Musée des)

Cajote (Chevaliers de la)

Calotte (Association de la) I, 134; I

Candeur (Loge de la)

Carabos (Les)

Carnavalos de Dunkerque

Carnot I

Caserne (Ordre de la)

Catherine II

Castellane (Société dramatique de l'Hôtel)

Caxton Society I

Cervare (Société de)

Chansonniers de Bordeaux

Charlemagne (Académie de)

Charonne (Société dramatique de) . . . Chantilly (Société dramatique de) . . .

Chausse (Chevaliers de la)

Christine (La reine)

Cimmériens

Clairon (Mademoiselle)

Clémence Isaure I

Clercs Parisiens (Confrérie des) ^ . . . I, 1 5g

Clergé (Abbé du) de Viviers I, 160

Clermont (Théâtre du Comte de) . ... 1,82,161

Clubs I, 161

C... (Ordre des) I, i63; II, 341

Cœurs réunis de Dieppe 1^ 1 69

Coignée (Ordre de la) I, 169

Collier céleste (Ordre du) ^172

Colporteurs (Académie des). . . , . . I, 172

Comité des Quatre 1^ 174

Comité littéraire. . . I, 174

Conards , . . . 1, 175; II, 343

Concorde (Ordre de la) I, 179

Condé (Société dramatique du prince de). I, 180

Constance (Ordre de la) I, 181

Coqueluchiers (Confrérie des) I, 181

Coquetterie (Royaume de la) I, 181

Coquille (Suppôts de la) I, 1 83

Cordon jaune (Ordre du) I, 184

CORNARDS d'EvREUX 1,1 85

Corne (Confrérie de la) I, 186

Coteaux (Ordre des) I, 199; II, 343

Cour-Neuve (Société dramatique de la). . I, 202

Couronne d'amour (Ordre de la). . . . I, 204

Courtin (L'abbé) II, 236

Cracovie (Arbre de) h 2o5

Crochet (Chevaliers du) I, 2o5

Croissant (Chevaliers du) I, 206

Croix de l'Etoile (Ordre de la) I, 208

Croix-rosée (Frères de la) 1,209

Culotte (Ordre de la) I, 210

Curieux de la nature I, 216

Curieux (Chambre des) I, 217

Dame blanche (Chevaliers de la) I, 218

Dames (Académie des) I, 219

Dames (Athénée des)

Dames chevalières de la cordelière. . .

Dames (Club des)

Dames de la Croix de l'Etoile

Damoiseaux (Confrérie des)

DÉJEUNERS DES GARÇONS DE BONNE HUMEUR. .

Desloges (Société de Madame)

Delys

Devoir (Compagnons du) 1,228;

Dévotes du temps (Ordre des)

Diamant (Ordre du)

Dimanche (Académie du)

Dîner de la soupe a l'oignon (Ordre du). .

Dominicale (La)

Dominotiers (Lés) de Dantan jeune. .

Dormans (Académie des) 1,238;

Dorothée (Confrérie de sainte)

Doublet (Madame)

Dramatico-littéraire (Société)

Dufour (Dîner des)

Echecs (Joueurs d')

Ecrevisse (Société de 1')

Egoïstes (Société libre des)

Egyptiens (Société des)

Enfants d'Apollon. . .^

Enfants de Bacchus

Enfants du Caveau

Enfants de Gayant

Enfants de Paris

Enfants sans-souci. . . ,

Enfants de Thalie. .........

Enfants de ville de Chalons-sur-Saône. .

Enjoués délicats

Entresol (Société de 1')

Epicurienne (Société) de Lyon

Epinette (Rois de 1') I, 288

Ermitage de Catherine II (Société de 1'). . I, 288; II, 345 Ermitage du duc de Groy (Société drama- tique de 1') I, 294

Esclaffards (Abbé des) I, 296

Escrime (Société d') I, 296

Eteignqir (Ordre de 1') I, 297

Etoile (Ordre de 1') I, 299

Eventail (Ordre de 1').' I, 3 00

Féauté (la) , . . I, 3oi

Félicité (Ordre de la) I, 3oi

Femmes (Académie des). * * I, 3i5

Femmes (Académie des) sans sexe. ... I, 3i5

Femmes savantes (Académie des) I, 3 16

Fer d'or (Chevaliers du). ...... I, 3 17

Ferney (Société dramatique de) I, 3 1 9

Feu d'enfer (Société du) I, 3 19

Feuillants (Chevaliers) 1,3 19

Fève (Roi de la) I, 320

Filles du bon ton ) Société des) I, 32 1

Filous réformés . 1,322

Florimontane (Académie). ..... ^ 1, 322

Fontange (Confrérie de la) I, 323

Fonvielle I, 412

Forestiers (Ordres) 1^29

Fourchette (Société de la). . . • . . I, 333

Fous r, 334

Fous de Clèves 1,338

Francs Blagueurs II, 345

Franches maçonnes I, 339

Francs Penseurs I, 345

Francs Péteurs I, 345

Frédéric le grand II, 1 65

Fri-maçons I, 348

Friponniers Confrairie des) 1,348

Frivolité (Ordre de la). ...... I, 35o

Fruitiers (Club des) I, 35 1

Gaillardons ". I, 352

Galants ou Gallois I, 3 60

Galante (Académie). . I, 36 1

Galilée (Empire de) I, 363; II, 326

Garçons de bonne humeur I, 366

Garnier (Germain) II, 118

Gastronomique (Société) I, 3 67

Gildonia I, 370

Girard (le Père), jésuite II, 3 12

Girouettes (Ordre des) I, 370; II, 348

Gobe-mouches (Ordre des) 1,371

Goliards I, 38 1

Gonesse (Athénée de) I, 382

Gouffé (Armand). II,

Goy Venongerot (Ordre du). 1,385

Gozzi I, 389

Grâces (Académie des) 1,385

Grands estomacs (Club des) I, 387

Granelleschi (Société des) I, 388

Grappe (Ordre de la) I* 3o2

Grenoble (Société dramatique de). . . I, 393

Grimod de la Reynière 1)428; II, 2^1 3^\

Grosley , . II, 285

Guimard (Société dramatique de Mlle). . . I, 393

Guirlande de Marie I, 395

Gymnase lyrique I, 396

Habitavit (Confrairie du grand). ... I, 397

Hachichins (Club des) I, 397

Ham (Les Sots de) I, 399

Harmonie (Société de 1') 1,400

Havre (Société du) I, 401

Hebdomadaires (Société des) I, 4o3

Hermaphrodite (Ordre) I, 405

Hermine (Ordre de P) L, 406

Herpinot réformé . ï } 407

Hippophagique I, 408

Homère (Ordre d') \ i 408

Hommes sans Dieu (Société des). .... I- 409

Humides (Académie des). ...... ^411

Humoristes de Rome I, 410

Ignorants (Académie des) . 1,412

Illustre Théâtre (Société de 1') .... I, 413

Incas de Valenciennes \ 3 414

Industrie (Ordre de 1') Ï>4i5

Innocents (Confrairie des) Ij 416

Issy (Amateurs de musique d') I, 417

Jans (Confrairie des) 1,418

Jean des Vignes (Ordre de Saint). . . . I»4i9

Jeanne d'Arc (Société de) I? 419

Jeunes gens (Société de) I> 419

Jeux floraux 1, 420, II, 35o

JOURGNIAC SaINT-MÉARD. ...... I, 375

Joye (Chevaliers de la) 1,421

Joyeux (Société des) l f 425

Jubilation (Frères de la). . .... I, 427

Juilly (Académie de) I ? 427

Jury dégustateur I, 428, II, 35 1

Kit Cat Club 1,435

La Ferté-Imbault (Madame de) .... 1,438

Lanternistes a Toulouse I, 435, II, 356

Lanturelus (Ordre des) I, 436

Lapin (l'abbé), chanteur [ } ^ 3 II, 357

LARCHER 11,221

Laujon II, 168, i 7 3

Lapins (Société des) I ,43

Le Comte (Madame) ........ II 122

Lésine (Compagnie de la) 1,444,11^358


Liberté (Ordre de la) 1,448

Lice chansonnière I, 449

Liegnitz (Académie de) . . .... I, 449

Liesse (Abbé de) I, 450

Littéramique (Société) I, 45o

Louis XVIII v . . . . 1,297,300

Loup (Ordre du) I, 453

Lourdauds (Académie des). I, 453

Lyon (Académie de) Ij 4^4

Lyrique (Société) de Mons \, 454

Macaronique (Académie) II, 1

Magpeleine (Ordre de la) 11,2

Magnanville (Société dramatique de M. de) II, 2

Maine (Duchesse du) ^h77

Malezieu IL 78

Malice (Ordre de la) 11,3

Mal-Mariez 11,5,359

Marchand (J.-H.) 1^, 77

Manteau (Compagnie âv.) II, 8

Margon (L'abbé de) I, 1 39

Marie- Antoinette II, 245

Marionnettes (Ordre des) IL 9

Marmite (Ordre de la) II, 11

M atte (Enfants de la) II, 12

Maurepas (Société dramatique de M, de). . II, i3, 36o

Médaillon (Ordre du) 1 1 3 14.

Méduse (Ordre de la) II, 16

Meisters^ngers II, 25, 388

Mello (Société du Château de) II, 26

Mélophile (Société) \\ } 27

Ménestrels (Société des) 11,28

Menteurs (Ordre des) II» 29

Mercredis (Société des) 11,32

Mercuriales II, 36

Mère-Folle de Dijon , II, 6, 36o

Mezeray (Mademoiselle) I, 129

Michel (Confrérie de Saint-) II, 40

Minotaure (Société du) U)40

Miromesnil (De), Garde des Sceaux. ... II, 1 3

Modes (Académie de) II, 43

M odène (Société de) 11,45

Moet I, 3o3

Moineaux (Club des) 11,45

Molière 1, 414

Momus (Soirées de) 11,49

Momus (Soupers de) 11,52

Momus (Le petit Couvert de) IL, 53

Monconseil (La Marquise de) .... . I, 67

Moncrabeau (Diète de) 11,54

Moncrabeau (Société de) à Namur .... II, 57

Monosyllabes (Confrérie des) II, 59

Montalembert (Société dramatique) ... II, 60

Montesson (Société dramatique de Mme de) II, 63

Montmartre (Académie de) 11,68

Montuzets (Confrérie des) 11,69

Mopses (Ordre des) 11,70

Morale universelle (Société de la) . . . II, 70, 369

Morosophes (Ordre des) II, 70

Mort (Ordre de la Tête de) Il, 73

Morville (Société dramatique de) ... . II, 75

Mouche a Miel (Ordre de la) II, 77

Moulin Vert (Société du) II, 86

Mourgier I)io4

Neuf Sœurs (Société des) 11,88

Noachites II, 93

Noé (Ordre de) II, 93

Nœud (Ordre du) II, 94

Nogaret (Félix) I, 23 1; 11,344

Notre-Dame de Toute-Joie (Ordre de) . . II, 95 Observateurs de la Femme (Société des) ! . II, 96, 371


Olten (Société d') ,Hj 99

Olympique (Société) II, 100

Orphée (Les Frères d'J • . II, 100

Paille (Ordre de la) II, 101

Painuolo (Congrega del) II., io3

Palladium (Société du) II, 100

Papillonage (Ordre du) II, 104

Parfaite Union (Société de la) II, io5

Paroisse (La) '. . 11,108,374

Passion (Confrérie de la) . II, 112

Paulmy d'Argenson (Société dramatique). . II, 1 14

Pelletier (Société de) II, 121

Pensionnaires nu Roi, à Rome II, 122

Persévérance (Ordre de la) II, 128

Petit Cheval noir (Académie du) . ... II, 1 33

Petite Manicle II, i35

Petré- Laconique et Bomboraxale (Acad.) . II, i36

Philalèthes, à Lille II, 137

Philarètes (Académie des) Hj, 137

Philippe IV, roi d'Espagne .... . 1,41

Philanthropes (Société des) II, 1 37

Philosophes Orateurs (Académie des) . . II, 145

Pierrots (Société des) II, 140

Pinsonniers, de Namur II, 147

Plaisance (Confrérie de) II, 147

Plume (Société de la) II, i5o

Pomme de Pin (Dîners de la) II, i5o

Pomone (Société de) II, i5o

Pontifes (Frères) II, i5i

Popelinière (Société de M. de la) . ■ . . . II, i52

Porta (J.-B.j II, 218

Porte-Morts (Société des) II, i52

Posquière (François de) I, 102

Présole, Coutelier et auteur dramatique. . I, 242

Printemps (Société du) II, 1 53


Priseurs (Société des) II, 1 53

Prisonniers (Société de la Charité des). . . II, i55

Pugilistique (Société de) II, 1 55

Puteaux (Société dramatique de) ... . IIj i56

Puy d'Amiens, de Caen, etc II, 157,377

Quinault (Mademoiselle) I, 121

Réformation des Mœurs (Société pour la) . II, 161

Réjouis (Compagnie des) II, 162

Réveil de la Nature (Amis du) . ... II, 1 63

Rheinsberg (Société dramatique de) ... II, i65

Rhknana (Societas) II, i65

Ribalderie (Ordre de là) II, 166

Ribauds (Roi des) II, 166, 38i

Robespierre II, i85

Rocher de Cancale (Société du) .... II, 168

Rois (Confédération des) II, 168

Romains (Société des) II, 169

Rosati d'Arras . II, 169

Rose-Croix 11,187,382

Roxbughe Club 11,999

Rozzi (Academia dei) JI, 189

Rubiconienne (Académie) II, 190

Sabathènes II.' 191

Sabre (Ordre du) II, 191

Saint-Evremont I, 201 ; II, 343

Saint-George (Ordre de) II, 191

Saint-Hubert (Ordre de) II, 192

Saint-Lache (Confrérie de) II, 193

Saint-Laurent (Chevaliers de) II, 193

Saint-Ouen (Théâtre de) II, 194

Saint- Paul (Chevaliers de) II, 195

Saint-Sépulcre (Ordre dv) II, 195

Saint-Sulpice (Madame de) II, 309

Samedi (Société du) II, 196

Sans-Souci (Chevaliers de) II, 197

Saouls d'Ouvrer (Gonfrairie des) .... I!


Savetiers (Ordre des) il, 206

ScHILDFRBENT II, 208

Scie d'Harfleur II, 2i3

Scudéry (Société dô Mademoiselle de). I, 182; II, 214, 385

Secrets (Académie des) II, 218

Silence (Club du) 11,219

Six (Académie des), à Bordeaux) .... 11,219

Sixette (Chevaliers de la) II, 220

Société (Une) II, 220

Société de l'Araignée dans le plafond . . II, 386 Société d'Encouragement pour l'Améliora- tion de l'Esprit français 11,386

Société du Souper des Quinze-Livres. . II, 388

Société Littéraire de Bordeaux .... II, 222

Société Musicale de Sainte-Cécile .... 11,388

- Sophisiens (Ordre des) II, 224

Sots (Club des) 11,2 25

Sots (Prince des) Il, 225,390

Suicidés (Club des) 11,229

Table ronde II, 229

Table ronde (Société de la) 1 1 >. 2 3 1

Tarasque (Ordre de la) 11,233

Tempérance (Club de la). ...... II, 234

Temple (Société du) II, 236

Templiers II, 237

Tête de Veau (Société de la) II, 240

Théleme (Abbaye de) 11,241,294

Théophilanthropes II, 242

Torone (Cavallieri del) II, 242

Trancardins (Ordre des) II, 243

Treille (Chevaliers de la) 11,243

Treize (Société des) II, 244

Trianon (Théâtre de) II, 245

Trincardine (Société) 11^ 247

Trinosophes II, 248

Tripot (Le) II, 248

Troubadours modernes II, 249

Troubadours de Marseille II, 25o

Troyens (Chevaliers) II, 254

Troyes (Académie de) II, 255

Tugny (Société dramatique de) 11,257

Turpin (Comtesse de) II, 259

Union et frères d'Apollon II, 260

Usuriers (Confrairie des) II, 260

Valets (Confrairie des) II, 262

Valmuse (Le) II, 262

Vaudeville (Dîners du) 11,265

Vaudreuil (Société dramatique de M. de). II, 274

Veniam pro laude (Société) 11,275

Verrières (Ordre de) 11,275

Verrue (Société de la comtesse de). . . . II, 279

Vert (Société du). . II, 280

Vertu (Chevalières de la) II, 281

Vésuviennes. ■ II, 282

Vignerons (Abbaye des). . . . s . . . 11,283

Ville-d'Avray (Pot-pourri de). .... II, 285

Violettes (Ordre des) 11,285

Vingt (Société des), à Berlin 11,286

Virtu (Academia della) II, 287

Watelet ' , . II, 122

Wilkes (Société de) 11,287




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