Petit discours chrétien sur l’immortalité de l’âme  

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Petit discours chrétien sur l’immortalité de l’âme is a text by Le Vayer.

Full text[1]

PETIT


DISCOURS

CHRETIEN

D E

L'IMMORTALITÉ

DE L'AME • • • w'

/

yiFEC LE COROLLAIRE.


I '




AU

CARDINAL DUC

DE RICHELIEU




^MfoNSEIGNEURy


Une des plus grandes preuves que mus aions . humainement de fimmortalité de nôtre ame^ Je tire de F excellence de fes fon&ions y comme par tout ailleurs Fejfence des chef es ne vient guéres à nôtre connoijfance que par leurs opérations, ^emejuisfervide cet Argument dans leDifcours que fofe péfenter à Vôtre Eminence. Mais je ne lui aurois pas donné toute la force qu il peut avoir y ET ce fer oit un défaut notable de ma part^

Bb iij


390


E P I T R E.


fi vôtre Nom glorieux m TûtitorifQii^ ^ fiji nobligeou les plus incréduUs à la réconnoijfamî d'une éternité^ par la çojjfidération âe celle qui mérite une vertu fi fort au diffus de toutes la ^ rêcompenfis temporelles. Il neft pas hefoin ^^1 je rapporte pour cela tant de kelUs (iBions^ <knt la mémoire do^ être perpétuelle y puisqu'il font ajjes connues de tout le monde qui les aèé" re, Ù^ que cejèroit ici drejfer un portail j^ grand que le refte du bâtiment; oUy félon k Jirt d'un Ancien j réciter un Prologue déplus deèerfe que toute la pièce. J'en firois d'ailleurs emfi^ chë par le fiknce que vous mimpofés pour art' gard; qui fait que n'ofant parler de cequÊjecm* temple avec tant de vénération^ je traite de Flm. mortalité de F Ame en général ^ dont celle de Vi^ ^tre Eminence nous donne des preuves fi particM- Hères, Un Philofophe de ce dernier tems a UeiL ai ajp^s d'impiété pour écrire, quà moins £itn



EPITRE. 391 /'

hrtvieilyfortriche^ ^AUemaniym nefeJewit ^is expliquer fur cette matière. Mais corn- 9e il ne pouvait avancer cela qu^ avec beaucoup de rime y faipenfi que fans pojfeder aucune de ces ^ois conditions y Umeferoit permis d'en dire mon ntiment: Et que fi mon travail pouvoit être de ^elque utilité au public y ^w/ Monseigneur, qui i donnés toutes vos veilles y nauriés pas defagréa- kyqiien vous dédiant celles de quelques nuits je fcherchajfe une prote&ioii fi légitime que la vôtre, (or comme les plus vicieux des hommes ont été de tut tems les plus opiniâtres\àvouloirfoùtemr la mortalité de nos Ames ^par ce quelleflattoit dou- ment leur imagination de î impunité des crimes y mt ilsfefentoient coupables : Aujfiriy en a-t-il tint qui aient tant dinterét à contredire une fi ^ande^fidangereufe abfurditéy que ceux de qui Tvertus héroïques ne peuvent être dignement ré*

nnués que par des récompenfes éternelles. Je ' Bb ijij



'*.. ■'• ■ . :' . "•■■.. ■ : • . •■■ ■ <*" .♦» jtv^i NùmgîorUuifilÊifmitoiriJmt,^fi^

9*oUigeois les plus incriâukâ àh riconmiffimat

i^me itemitf, par la crnifidération de ce/le fn

mfrite um viftufi fùftm àejfus àe tmdislu

rgcùmpehjffi iif^ùft^s. U n'eft pas hfoin fm

ji rapportipùur cela tant de hlks ^qus^ dmé

Umimoire do^ être perpétuelle^ pmspi'éfiff

fhnt ajfes commës de tmt le mande ^ in itém^

rey & que ceferoit ici drejfer un portail phi

grand que le refte du bâtiment ; ou^ fehn le dire

ifunAnden^têcitèr tm Prologue de plus dedmrii

ijue toute la pièce, ^cn ferois if ailleurs en^

thé par le fiknce que vous mimpofés pour ce r*-

gardj qui fait que nofant parler de ce que je c^

temple avec tant de vëneration yje traite âeFhk

mortalité de tAme en général ^ dmt cette de F% \

^ tre Eminence nous donne des preuves fipartkéf,

Uéres. Un Philofiphe de ce dernier tems a HSfl^

eu aps d'impiété pour écrire j quâ moins i'rtff,



EPITRE. Î9I

fortvieil^fortriche^ ÎS^AÏlemaniym nefedevoit jamais expliquer fur cette matière. Mais corn- me il ne pouvait avancer cela qu^ avec heaucoupde crimeyf ai penfé que fans pojfeier aucune de ces trois conditions y Urne ferait permis S en dire mon fintiment: Et que fi mon travail pouvait être de quelque utilité au pu^liCyFousMosSEiG^ŒUKy qui hd donnés toutes vos veilles y nauriés pas defagréa- h le y qu en vous dédiant celles de quelques nuits ^e récherchafft une proteêHoji fi légitime que la vôtre. Car comme les plus vicieux des hommes ont été de

i tout tems les plus opiniâtres\à vouloir fout enir la mortalité de nos Ames yparce qu elle flattait dou-

I cément leur imagination de T impunité des crime s y

dont ils fe fentoient caupahles : Aujfiriy en a-t-U

point qui aient tant dinteret à contredire une fi

grande^ fidangereufe ahfurditéy que ceux de qui

les vertus héroïques ne peuvent être dignement ré-

connues que par des récampenfes éternelles. Je

Bb ijij


/



jStt^— ^ EPITRE.

fi^Uè àonc Fêtre Emmnct\ Je mitloir rigârù fooffi^ahiement cet écrite comme celui où Je mam, 'tUné unevhitê qui lui efi fi impùrtante ; iTy ex- euferUfmUeJfe de mnfiUe ^ àe mesnef^s^ pitr Al ctmfiéSh^atim àe mm%ll€i tst étaow àgriakU la haïïdkffe quejeprenî ^ en h hdfrf' Jhttsmt, demedire^


, MONSEIGNEUR,


Vôtie très humble, tits obcXi&ntb Ik très obligé lèmteqr

De la Mothe le Vatbïu



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'ff ïtk "^ ^ «Vr^CZ?^*» »î JK »Ç V



'^sOà^^'snsf.^sniS'^'^*


PETIT

DISCOURS

CHRETIEN

DE

L'IMMORTALITE'

D E L' A M E.

«[ U )^.N Philofophe grand ami d'Augufte^zfc ^"^tMr comparoit les hommes ftudieux à Dam. im ceux qui le plaifent auxvoiages, refpritdcs^^'J* premiers recevant beaucoup de contentement dans la diverfité des fciences, ainfi qu'à la vue de quantité de païs difïérens, ou il s'arrê- te plus ou moins ielon que Ton inclination le porte ; mais fon opinion étoit qu'il faloit en- ûik révenir dans le fein de la Philofophie, com- me en une chère patrie, & au vrai lieu du plus folide repos dont nôtre humanité (bit ca- pable. Ceux qui ont été transportés de plus de paffion pour cette belle Philofophie, l'ont confidérée comme un don du Ciel, tel que

Bb v



-1»*; J&lSCOimS GHRT&TXEN . V^--.

fi>B t^eux n'en pouvoifitt âi^ «ux hommes. P'tfims ont foûteim qu'^. éiok le feu que Brometfaée avoictiérobé là haut pour le communiquer m bas, Et quel- ques-uns, comme les StoIdenS) ontpafKfi avant fià: ce fu|et, qu'ils ont Ibûtenu qu'dle mettoit leur Sage ûon feulemâità l'^^^de Jupiter, niais même un peu au deflus. Ce^ loûai^^es exceffives étoient fondées Tuf ée quils croioient que Dieu & la NàiEure nV* voient'fiiit quecdnunencer eh nous ce ^ la Philofophie y avoit accompli; & quepu» que nous n^étions hommes principalénient que par la raifon, vu que la formp eft celle qqi donne Fêtre à toutes chofes, cette Philo- ibphie qui nous faifoit jouïr de Tuf^edd k droite raiibn, achevoit Touvrage qui n^étok' aupaiâvant qu'ébauché , & ie portoit au point de fà perfeoipn. La grande ofmiton waSA ' qu'ils avoient de connoitre parfaitement tOD«^ tes chofes par (on moien , étoit une des ouf , iès de qSs vaines & ridicules penfées, dfavôir^ quelque forte d'empire, & d'être comtpe des INeux parmi le refte des hommes ; parce

Su'ils fe figuroient qu'un Philofbphe pofie^' oit plus abfolument tout le monde par ièr notions intelleâuelles, que ceux qui entii- omphoient par la puiflance de leurs armes:



DE UIMMORT. DE L'AME. 39S

& que (a contemplation Télevoit dans le Ciel au deflus de toutes les Intelligences. Les plus modérés d'entre eux le font contentés de dire que la Philoibphie étoit la iouveraine médecine de nôtre ame, qui en ôtoit les dé- réglemens, & lui donnoit le tempérament où confiAe fa parfaite fanté. Et à la vérité, fi on veut nommer des maladies rpirituelles, les dépravations qui arrivent aux deux facultés fuperieurcs, rentcndement Se la volonté; quand celui-là eA prévenu de quelques (àuflTes opinions, Se celle-ci corrompue par de mau- vaifes habitudes: il femble qu'on peut bien dire que la Philofophie Ipeculative, qui pro- met de nous faire diicerner le vrai du faux, Se la Morale, qui dit le même à l'égard du bien Se du mal, fervent à nous guérir, par ce moien, les plus dangereux maux du monde. Auffi (l-ce félon cette façon de parler que les La- is ont nommé la folie, infaniamy une pri- tion de fanté. Mais fi nous confidcrons lilleurs que la principale partie de laMéde- e, confifte à bien reconnoitre la nature du lade, & que celle de nôtre ame eA fi in- nuë à la Philofophie, qu'elle ne traite de Te aucune avec tant d'obfcurité, nous fe- contraintsd avouer qu elle mérite mieux z nommée pour ce regard Charlataneriei



395 DISCOURS CHRETTIEN

que Médecine, & que les Philofophes n^ont eu guéres moins de vanité en^ce dernier Elo- ge de leur profefTion, qu'aux précédens. lih. f. Saint ÂugufUn aiant voulu écrire en Philofo- ^- ^' phe fur cette matière , avoue dans fes Rétra- f^tions, que Ton livre de l'Immortalité de TAme étoit fi obfcur, qu'en beaucoup de lieux il ne l'entendoit pas lui-même. Et Tertul- lien s'étant jette un peu auparavant dans cette même carrière, puisqu'il l'appelloit déjà pa- laftram opinionum^ a plus commis d'erreurs en fon Traité de TAme, qu'en toi^t le reftc de fes oeuvres, la faifant corporelle aufli bien qu'Origine, quoiqu'inimortelle, & voulant que nous la tenions de la femcnce de nos pè- res avec le corps, qui eft encore aujourd'hui l'hércfie des Abyflins, comme autrefois des Lucifericns. Ce n'eft pas qu'il ne fcjût bien que ce fujct excédoit les bornes de la Philo- fophie. Car il nous apprend, avecDiogenes Lacrtius, qu'Heraclite après y avoir bien pcn- fé, prononça qu'il n'y avoit pu rien compren- dre. Il reconnoit que perlbnne ne peut dé* montrer la nature de FAme que ion Créateur. Et il eft d'opinion que fi quelques Philofophes en ont bien parlé, c'a été feulement par une heureufc ignorance, & par une félicité aveu- gle, comme il arrive à ceux que la tempête


DE L'IMMORT. HE L'AME. 397

1

jette heureufement dans le port. Maïs avec tout cela, & nonol^ant qu'il eût de fi fagès précautions, il n'a pas laiftt de tomber dans les inconveniens que nous venons de remar- quer; & nous pouvons dire qu'il nous a jhis inflruits de la folbleffe humaine par fes fau- tes, que de l'efTence de l'âme par tout ce qu'il en a écrit. C'eft ce qui m'a toujours fait p«i- fer qu'on n'en pouvoit parler avec trop de ibumiflion, & que le plus (ûr étoit d'en ret mettre:1a décifion aufR bien que des article; de la Trinité, de Tlncamation, de laRcfur- rcdlion des corps , & du péché Originel , à ce q^ue nos Ecoles Chrétiennes en ont déterminé. Car puisque S. Auguftin eft d'avis que noui Utig. tenions plutôt de la Religion les plus affurés^^^'^- préceptes de la Morale, que de laPhilolb- '^'^' phie, pource qu'elle rend toutes chofes pro* blematiques, au contraire de la Foi qui ne nous donne rien que de certain; n'cft*il pas bien plus à propos, & plus avantageux, de croire par fon moien l'Immortalité de l'Ame^ que de l'affujettir aux doutes de la raifon hu- maine. II y auroit même peut-être quelque chofe de déraifonnable en cela, n'étant pas du cours ordinaire de lajuftice qu'on fe la rende à (bi-même,ni qu'une perfonne prononce fur fon propre fait. Pourquoi l'Ame feroit-elle donc


39S DISCOURS CHRETIEN :

juge d'elle-même ? Et où peut-elle être tnieuit renvoiée qu*au tribunal de fon Créateur? . Ce même grand Doâeur de l'Egliie nous ap- I.^. cour, prend en un autre endroit, qu'Arcefilaus, ^cad. Auteur de la féconde Académie, n'avoitéta- ^*' * blîTincomprehenfibilitc de toutes chofès dont fesSecHateurs firent profeflion, que pour s'op- pofer à la dangereufe doiHrine de Zenon, qui enfeignoit dogmatiquement la mortalité de fAme. Cen'eftpas, dit-il, quecesAçade- midenl fu(Tent aflfurés de ion immortalité mais ils prévoioient fort bien les mauvaifës confequences d'une opinion qui alloit perdre la focieté des hommes. Le zélé de ce Phi- lofophe Païen peut-être imité par un Chré- tien, non pas en établiffant une li générale irréfolution qu'étoit la fienne, mais en fe dé- fiant des forces de nôtre raiibn fur une matiè- re fi importante, & en fc remettant aux Ora- cles du Ciel, & aux certitudes de la Foi, d'où nous tirerons plus de fatisfaélion, que de tous les axiomes de la Philofophie.

Ces confidérations m'avoient fait croire que je me pouvois bien paffer d'écrire fur le fujet du préfent diicours , vu mômement que de- puis peu, des perionnes dont la dodlrine & réloquence me font de très grande confidéra* âon , nous en avoient donné des Traités qui



DE UIMM ORT. DE UAME. 399

peuvent meivefllcufementinftitiire ^ & où je reconnois avoir beaucoup appris en mon par- ticulier. Mais puisque ceux à qui les re(peâs d'honneur & les devoirs d'amidc donnent toute pui(Iance fur mes volontés, m'ont té- moigné qu'ils défiroiènt abfolument que je kur miâe fur te papier les fentimens dont je me fuis quelquefois expliqué de bouche avec eux : J'aime mieux faillu: félon mon juge- ment par une fi téméraire entreprife, que de refifler indvilement au leur ^ & de manquer d'obâflanœ en les refufant. En effet, je trou- ve plus de difficulté à les mécontenter fur cette demande , que je n'efpere d'en renconf trer en y fatisfàiiànt, quelque étonnement qu'elle me donne i la honte de demeurer court * en ce qu'ils attendent de moi , l'emporte fur la retenue que je de vrois avoir; &jenxeper- Tuade qu'ils feront afîés équitables, fi la char- ge fe trouve plus grande que mes forces , pour avouer que je n'ai failli qu'en la recevant de leur main, & qu'au moins ne fuis-je pas cou- pable par élection. Le chemin d'ailleurs que je, me propofc de tenir, fe trouvera fi diffé* , rent de celui des autres, qu'il ne fera peut- être pas inutile d'avoir fait voir , qu'avec un bon^ defîein on peut arriver à un même but par des voies afles diilemblables; laiflant I9



^ jDiscauÉiSkc&iKWnnsaai


cpigament de iâ «pltB«xid^ HDiode4 ceuK qni^oni; dsoit d'en dèddor,^ Gà Ml^txï ï^*ODf ft tacfaé^iisqû'idriJjBfc aÉStm-

l}l6^'dêproiivtr:rb^ de ÏAncwlàc

- t^Mteiforte d^âeddi^

ttppiiiioii: cft qu'bki 7 doit proocder âwpç mb tgma^lÎMimiffiéBV & que la pieté :yMBft|iU véfipfe'qii^kiaei^ AulieuV-qu^ô^^ ^]^]^iîai94e forcer lësphis incrrdiihfljà hmé: ^àaaapi^^ d^imai^àckc û impoctMMjcirf* W'firuk. puiâGujiQe' de* nôtre nifiiaf^'-fîritaDi •qu'il vaut mieux avouer ingémuneabÀrfii* 'blef&> & la captiver doucement ibus Fôbei^ £ince de la Foi ; fans rien omettre.ncamoûiDS de ce qu'on peut tirer davantagel«^pvk- diicours de cette même raiibn^ pourlajuli»' ce: d'une ft bonne caufe. Etaulioiqoelo mitres ont drefli^ deibrt grands & doâes mentaires fur cette matière, je me droi à un fort petit traité, pour le là, s'il m'eft poâible, de plus d'uTage. Nmb Verrons pour cet effet en la première pacde fommairement quelle a été l'opinioii O^ Aote touchant l'Immortalité de l'Âme^. |nis- que fa doctrine cù aujourd'hui de fi gnindb autorité dans les Ecoles Chrétiennes , qfuSflJF en a, qui font quelque confcience de s*effdtf* I«rtin La. féconde e^bqucra de viâme



DE UIMMORT. DE L'AME. 401

qui s'en peut dire hors des termes du Lycée^ & combien font plus puifTans les argumens qui établKTent l'Immortalité dont nous par- lons, que ceux qui femblcnt la détruire. Et nous montrerons en la dernière , la néceflité * d'avoir recours à une lumière d'enhaut, dans les profondes ténèbres dont il a plu à la Pn> vidence divine d'environner nôtre humanité. . Si j'avois à ufer d'une plus grande Préface, ce leroit pour prier ceux qui auront adés de loifif pour prendre ici communication de mespenfées, de les interpréter auflTi favora- blement que je les leur débiterai innocem- ment , & de ne vouloir pas recevoir de la main gauche, comme difoit un Ancien, ce que je leur préfente ici de la droite. Je n'a- vancerai rien dont je ne fois tout prêt de me dédire à la première connoiflGance qu'on me donnera de ma faute. Aux chofes mêmes où il cft permis de contefter, je m'éloigne le plus que je puis de l'opiniâtreté. Et je renonce en celle-ci à tout ce qui pourroit donner le moindre fcandalc à la pieté d'un Leâeur. A la vérité, je le fouhaiterois fort de la condi- tion que le demande un certain C. Lucilius dans Ciceron , qu'il ne fût ni des plus favans, "■«î aufli ignorant tout • à • fait. Car comme il tR fort difficile que des matières ScholaAi- TomtUlPm.l Cc



/fiZ^ DISCOURS CrfRE'TIEN

ques,. telles que celle qui fe préfente , pdf- fent être affcs entendues (dans nôtre langue principalement où il iëroit peut-être à défurer qu'on les traitât le moins) par ceux qui n'ont nulle dilcipline; aufll doit -on appréhender les hommes d'un profdnd (avoir, quand on fe mêle d écrire fur de tels fujets , avec fi peu de naturel & d'acquis que je vai faire; quoi que cette grande humanité que donne ordinairenient la grande connoifTance , ten^ piére quafi toujours la févérité de leur ju- gement.

Depuis que S. Thomas , après Albert le Grand fon maitre fe fût donné la peine d'ac- commoder à nôtre Religion autant qu'il fe pouvoit 5 la dodrine d'Ariftotc, elle a régné avec un fi grand empire dans toutes les Uni- verfités , qu'on a vu depuis peu des Arrêts donnés pour celle de Paris, qui défendent dy enfeigner laPhiloibphic (lir d'autres principes que ceux du Lycée. J ai vu des Relations, qui portent , que jusqu'à Samarcand , qu on dit être aujourd'hui la ville capitale duRoiau- Bergeron mc d'IJsbec, & l'Univcrlité du grand Mogol, T^'fa^^s^^ y lit publiquement les Livres de ce Philô- Tophe, qu'ils ont traduits en langue vulgaire. C'eft avoir l^ien changé de condition, depuis le tems qu'on les brùloit publiquement com-



DE LIMMORT. DE L'AKfE. 40}

flic pernicieux à l'Etat & à la Religion, ce qui avint fous le rogne de nôtre Roi Philippes Augufte. Tous les Pères de la primitive Egli- RigorJm. fe étoient pour le Platonisme. Saint Am- in offic. broife & Origene trouvent qu'Ari Aote eft bien plus à craindre qu'Epicure. Et S. Grégoire Comr. de Nazianze dctefte lePcripatédsme, comme ^'V déftrudcur de la Providence Divine & de rimmortalitc de TAme. Si eft-ce que fes Pro- fedeurs ont fi bien fait depuis fept cens ans qu'à la mode des Ottomans, qui ne laifTent vivre aucun de leurs frères , ils ont lupprimc toutes les autres Scdes, & ont rendu la leur maitrefTe ablolué de l'Ecole. Car encore que Baron. les Carpocratiens & Thcodofiens euflfcnt cté ^'*- ^• condamnés d'hérclie pour avoir adoré AriAo- te : les Théologiens de Cologne ne laifTcrent ^mppa pas de le nommer Précurieur de Jefus-Chrift, ^- fi- aux chofes naturelles, comme S. Jean Bapti- ^'^^'^'^^* fte l'avoit été en ce qui touchoit la Grâce. Henri d'AfTia ofa bien le faire aufTi favanc qu'Adam nôtre premier pcre. Et Georges Trapezunce a compolé un livre des confor- mités de là doârine avec celle de la Sainte Ecriture. C'eft ce qui me fait croire qu'il faut commencer par l'examen de ce qu'A- rîAote, & ceux de fa famille qui font demeurés dans les purs termes du Péri*

Ce ij


' ' 4^ DISCOURS CHREflÉîfT'

patétïsme, oat penfê de l'Immoi

TAme. " ;

' Il eft certain que ft Ton veut tcm{idéref#

, . parement quelques pa0ag^ d'Arillt^iei II

  • prendre droit par ce qu'il écrit en quelqbtt

Mcux j même ou il traite cette matière prefTémqnt; on fera ccmtraint d'avouer qi

Op. j. Ta prononcée immortelle. Car au lecond li- vre de la Génération des animaux il diilingi|, mtnifeftement les trois Ames, v^etante, fijP" ^fitive, & intelledhielle ; a|oûtant qu*il n'yt que cette dernière qui viemie du dehors dril

Cap. s. matiére> & quifoit divine- Au troifiéme it vre deJ'Anie, ou il traite de rmtellecfV aga^ il le nomme en termes exprès, feparé dell

Cap. 3, matière, immortel, & perpemeL Le te^ te dix- feptiéme du 1 2- livre de fa Mctaphyfr.

j que eft quafi aufîi formel, n'étoit que ce, quff

en dit n'eft qu'en forme de propofition, Il

Cép. tu non pas de réibludon. Et la queAion qiA fait au premier livre de fa Morgle à NiMt machus, fi les défunts ont quelque fentimeiÉ des bonnes ou mauvailcs fôitunes de letli tamis vivans, concluant qu'ils en Ibnc toudéi

• fi légèrement, que cela ne peut en riea aké' rer leur béatitude ^ iuppole nécelTairenwol Fimmortalité de l'Ame, puisque les mots ili peuvent autrement avoir cetie connol0aiiCGi'


. /


DE L^IMMORT. DE UAMR 40f

Je laiiTe donc à part les diverfes interpréta- tions que donnent à tous ces pafTages ceux qui croient qu'Ariûote a tenu rAine mortel- le , difant tantôt qu'il n'a pas entendu parler d'une forme particulière , mais d'une généra- le ou tout le réunit , que les uns , comme Avèrroës , veulent être l'Intelligence du pre- mier Mobile qui eft Dieu \ les autres , com- me Âvicenne , celle du dernier Ciel de la Lu- ne ; tantôt qu'il a craint la ciguâ de Ton maî- tre Socrate , n'aiant pu même éviter le ban- ^ , piATement \ ce qui l'a fait parler félon la créan- ce du peuple, & les opinions reçues, qu'il jugeoit trop dangereux de heurter. , Mais je foûtiens qu'en quelque façon que ces textes fe doivent entendre, il faut avoir plus d'égard à ce qui reliilte du Syftcme entier de fa Philo- fophie , & aux conlequences néceffaires de fcs principes univerfels , qu'à ce qu'il peut avoir dit en quelque lieu particulier. C'eft i»t- ^.E^ ainfi que Ciceron ië moque de quelques fort^' ^' belles & vertueufcs icntenccs d'Epicure fur le fujet de l'honnête, & de la douleur, main- tenant qu'il ne faut nullement s'arrêter à de tels propos , mais bien plutôt prendre garde a ce qui s enfuit infailliblement de la dodrine de celui , qui mettoit le fouverain bien en la volupté; quafi ego id ctirem y dit -il, quidille

C c iij



4Ctf DISCOURS CHRE'TIEN

aiat^ mftneget: ilkàqu^rùy quidei^ ^m voluptnte fummum bonumputat ^ confentaneMM fit dicere. Il le compare pour cela dans fes Tufculancs à C. Gracchus, qui donnoit au peuple toutes les finatices de l'Etat, au même tems que lès harangues au Sénat ne parloient que du bon ménage des deniers publics. Et ' en un^utre endroit il traite de même Métio-

dorus, qui diicouroit peu convenablement à fes principes voluptueux, avec cette belle leo- lah j.tence, acutè difputantis illud eft^ nonquidqmh ^^^ que dicaty fed quid ctiiqtie dicendum fit viden. ^^ Or eft - il que fi nous confidérons bien les principes Phyfiques & Métaphyfiques d'Ari- ftote, nous les trouverons incompatibles avec l'Immortalité de TAme, Car on ne peut pas nier qu'il n'ait poIé rétcrnité du monde fi conftammcnt, qu'Alexandre Aphrodifien dî- foit 5 que c ctoit celle de toutes les maximes qui lui plailbit le plus, parce qu'il ne s'en étoit jamais départi. Il n cft pas moins certflio dans fa docf^ine, que la Nature n'admet point l'infinité , ou, qu'il n'y a rien qui foit aéhid- Comm. lemcnt infini dans le monde ; ce que SimpH- dcNof.d. çj^5 trouve li véritable, qu'il a remarqué que nous ne pouvions pas même concevoir cette infinité, nififithratiovefinita^ & en lui don- nant quelque forte de limites* Cela ruppofé>


DE LIMMORT. DE L'AME. 407

rimmortalité des Ames ne peut pas fubfifter,

{)ource que les générations étant infinies dans 'éternité du monde/i les Ames font i mmortel- les , elles feront actuellement infinies. Quel- ques-uns ont eu récours là-defTus à je ne fai quelle unité d'entendement & d'Ame univer- ièlle, à laquelle ils veulent, que toutes les autres fe reùniffcnt , afin d'éviter cet infini adfaiel, que le Péripatctisme ne peut admet- tre. D'autres fe font voulu iërvir d'une Mé- tempfycofe à même fin, non pas à la vérité telle que celle de Platon Se de Pythaç^ore, puisqu'Arillote s'en efl moqué fi expredc* ment : mais d'homme à homme feulemeoe rdon Porphyre, & dans les termes de nacre pire humanité. Il y en a qui ont voulu dire que l'infinité qu'Ariiloce a réprouvée, lidk que pour les chofcs matérielles , Se non pa.<; pour les autres, telles que lonc les Arnc; hii- maîues. Mais ce lonr des lolunonr '^.m ior.r lufectes à des diipure? ûn^ tin . 'i Oi '^rxcir me parle lEcole . li 7 5 t'-.o iirx-cr.'/œicr.r, à dévorer. De iorrs a -ic v4-.-c f rjTŒ.i'; r'0*it lui-même , rfiiû ne ur pan rjt o. ^.r -j. -> ^' pondre AniVxc a une : : in:>or3r.r.'.^^.M'/ .rx- D'aiUeur^. h prxrt àr^x.irr.r tft ^Mr. 'ju porte qu:'d!-t eft i ir>.* -f x \\rzr, ^rv;iî-;oiife.



408. DISCOURS CHRFTIBK^'f

Cm Immortali^ Car le teçis de là oq

étion avec le corps eft de nulle couGnàét

à regard de celui d^ ià fëparadon, qui i

toute rétemicé. Cet état dernier auqw

demeurera feparée lui doit donc être r

naturel, & l'autre de fon informado

corps feulement accidentel. Quelle apj

ce, cela étant, de vouloir définir une

par ce qui ne lui eft qu'un accident; i

ne voit qu'Ariftote feroit le plus ridicu

hommes , s'il avoit voulu faire paflfer

lionne une telle définition? Ileftencor

(lant que dans fa doiHTinc les formes n(

point les plus anciennes que le compoii

que le fujetqu elles informent. L'Ame

foit qu'elle ait été créé ou engendrée, tt

pas être immortelle, puisqu'elle a eu un

mencement. Parce que félon les E\^m

fa Philofophie , ce qui eft éternel à Vég

Êfin^ TeAeiicore dans ion origine; &

la dernière partie de fon premier liyredi

eft emploiée à montrer , qu'une chofe

ruptible n'a point été engendrée; cotn

contraire, tout ce qui a eu commenq

doit finir , fans avoir jamais excepté

dont nous parlons. £n vérité , ce £6

fuites de tout le corps de ia fcience (i

fairesi & des confequeuces â attachée


DE riMMORT. DE L'AME. 409

principaux axiomes , que qui les examinert fans partialité^ (ce qui n arrive guéres à la plupart) des SchoIaAiques, qui veulent en tou- te manière le décharger- de cette impieté) il ' ne fera pas grand conte des palTages que nous avons dit qui établifToient l'Immortalité de TArae. Eft-il vrai - Icmblable , s'il l'eût crue y qu'il n'eût rien dit de toutes les choies qui arrivent après la mort, comme font les -^

rêcompenies & les peines que la vertu ou le vice nous promettent, & de tant d'autres dont il (àvoit que Platon avoit difcouru , & qu'il L». Eth. étoit en effet obligé d'expliquer; Ib moquant ^^) '^' au contraire de Solon, qui avoit mis lu félici- cap. 6. , té de l'homme après fa mort, auquel tems il aflure qu'il n'y a plus ni bien ni mal à efpé- rer pour lui ? Y a-t-il apparence qu'il n'eût point parlé de l'Ame feparée dans fcs livres de Métaphyfique; auifi bien que des autres iùlv (lances dépouillées de la matière, qu'il y a toutes confidérées comme en leur propre lieu? C'eft une choie véritablement bien dif- ficile à s'imaginer ; & c'eft vrai-femblable- ment ce qui convia ce Citadin Vénitien , à Ëdre vœu dans une extrémité de maladie , de lire Platon publiquement à Paris deux ans en- ' tiers , pour y établir, s'il eût pu, une doéhi*- ne qu'il jugeoit beaucoup moins contraire à

Ce v



«lO DISCOURS CHRETIliM'^C


oAtre Religion qtieUPérJ[pcérique. Onpour*

loit attribuer cela à quelque équipSe d'dpiki

«ud^traité de la fièvre , ou de la forruoe » fi

k Sieur du Fresne nôtre Ambafladeur ne hî

4oiiiioît la qualité dans une de les lettres , de

'" gendlperfonnage^ d'homme de moienS} &

de bon Catholique , priant le Secretaîre dî-

î*. 4- tat,à qui il écrit, d'obtenir pour lui du feu

/«•IJfRoî la permilTion de cette lecture publique,

afin qu'il pût fe mettre ra chemin avec TAifr ^

baffideur PriuU , qui étoit prêt de veairtB

. France. Mais il n'eft pas bdbin d'étenit

plus loin ces confidératipns , puisqu'on pot

voir ce qu'ont écrit là-defTus ces deux granb

adveriàires, Pomponace, & Niphus, il y i

plus de cent ans. Surquoi il faut être avertida

mettre entre les rêveries de Podel, qu'on fiÉ

avoir eu de fort dangereux interva]le5d*efiii!i^

ce qu'il a ofé dire , que le premier ne s'âpît

engagé dans cette difpute, que pour coaajtlli

re à un Souverain Pontife, dont il parle cniB

lA. t. très mauvais termes. Car la vérité eft, quÉ

J^^^ tout au contraire le dernier fut choisi par il'

Pape Léon X. à qui il dédie fon Ouvkage^ h

de qui Poftel^ entend parler , pour hm dift

phis&vansdefbntems, & des plus cajiàbhft

de défendre -un parti autant qu'il étoit Soi»

' nable* Auffi fiiut-il avouer qu'il a fidc lûUt



D£ L'IMMORT. DE UAME. 41&

qui fe pouvoit , en faveur d'une caule qui

evoit de fi grands defavantages dans les

mes du pur Péripatédsme dont ils avoienc ivenu. Pomponace le gaufTe là-deflus, àh . t qu'il avoit imité un Médecin de Milan^ i ordonna qu'on mit dans un bain de toutes herbes d'un pré, fe promettant qu'il s'y en uvcroit quelqu'une propre à guérir fonma* e ; & qu'il s'étoit fervi de même de toute te d'ai^mens^pour foibles & fophifliques 'ils fuflent, afin de voir li l'on fe cpntente* t de quelqu'un. Leboneft, qu'il n'étoit eftion, que de l'opinion d'Ariftote, la- elle en tout cas ne peut pas être plus ^judiciable à la vérité, que ce qu'il a it de l'éternité du monde, ou de la inte-elTence des Cieux, dont on fe moque ns les Collèges. Et )e ne me puis adés éton- r de la peine qu'on s'eft voulu donner pour iver fes contradictions, & pour le fairejpar- mieux furcefujet, qu'il n'a fait en tant lutres de très grande importance. Mon lention n'eft pas de rapporter ici toutes les ites qu'il a commifes dans chaque fcience^ isque beaucoup de pcribnnes en ont déjà mpoi^ des Livres entiers; auffi que je re^ té\e ce grand homme, autant qu'on fau* it Ëdre , aux chofes qui ne heurtent point



41» DISCOURS CHKtTlK^r

Ift pieté. Je trouve que fes mécooÉpte ce qui r^cde l'AArdogie âc la Géo phie, font exdi&bles» puisque le Cid i Terre n'écdient pas fi connue de fim u qu'ils ont été depuis. £t s'il s'eft abufi^i TAnatomie, comme c'eA une chofe vil ou dans qudqu'autre partie de Ift PhiIolb[ ihme femble que les erreurs mêmes mai du refpeâ, tant elles font paroitre deH & de grande portée d'efprit Mu3 enici touche ' la confdence , & qui ime^ RéHgion, je doute fort qu'on puiffem fon parti , fous quelque prétexte que oftj Êins faire un notable préjudice à nos Au Car ne fait on pas qu'il a nié ouvertemei Providence divine aux chofes fubltmai qu il a fait Dieu un Agent nécef&ire, d les actions n avoieqt nulle liberté ; & quel de ce petit nombre qu'il met à'IntdijigçBi il fe moque de tous les Démons duflMQ me, & de toutes nos Hiérarchies (piatqBB Les peines des damnés, auiTi bien quels compenfes des bien -heureux, lui fcnitim de &bles. La Religion palTe dans tk PcHiA pour un art de régner & de tenir lepa dans ion devoir ; d'où vieiit qu'il &k nt âer un Bacchus & un Priape, conuoe k| iàinte divinité,pourçe que le tout^tant d'^ii



DE L'IMMORT. DE L'AME. 4i>

jon humaine, il (bt également à rEtac* Les Prophètes, les Py thoniffes & les Sybilles, [ont des perfonnes qu'une pure melancholie iomine, & rien plus. Bref, fa profanatioa dlft fi grande aux chofes mêmes de la Morale, qu'il fait du vice vertu, & de nos vertus, com- me font la miiëricorde, & la pudeur, des vi< ces. N'enfeigne-til pas les péchés contre Nature, afin d'éviter la trop grande multitu- de de Citoiensi & n'ordonne-t-il pas pour ce même effet, non feulement l'extermination des perfonnes mal compofées de nature, mais encore Texpoûtion des enfans qui ne feront que de naitre ; . ou, fi cela femble rude aux parens, les breuvages qui procurent Favorte- ment de TEmbryon avant qu'il Ibit animé. Certainement ce font toutes propofitions qui lie font pas moins fcandaleufes , ni dangereu- fes, que celle de la mortalité de l'Ame: & je ne fai pourquoi après qu^Alexandre Aphro- difien, le plus célèbre de tous fes Interprètes, & tant d'autres après lui, comme deux Saints Gr^;oires, Lefcot, Caïetan, & Simon Por- tius; ont avoué qu'elle étoit du tout néceflaire par ladoélrine de cePhilofophe; l'on ne s'eft pas contenté de noter en cela fon impiété^ comme au refle que nous venons de remap quer, £rns exciter de fi grandes conteflations.




414 DISCOURS CHRETIEN" rf '


Cnr quant aux textes qui démentent fes pritK

'ipipes^ c^étoit tffiés mettre Fhonneur de h

iciefice à couvertj dédire qu'il les^avoit écrits»

par dtss confidéradons d'intérêt, & durera^

qui m 1 ui permettoit pas d en uler autremeot

ÇpÊffe. li. Saint Tiiomas affure avoir vu un traité de lui,

intitulé de TAme feparée, dont il n'efl pas dit

un iSLOt dans tout ce qui nous reÛe de fes oeth

InSp9c. vres. Albert le Grand veut qu'il en ait envoie

^aiie ^^ ^^"^ œntraire à fon diiciplc Alexandn

V^UBc * dont rinfcription étoit de la mort de TAr"

Si l'un & l'autre eft véritable, dequoi il

grand f tijet de douter, bien que les témoigna*

ges en ibient de grande autorité, on peut ai*

fement remarquer ie génie d'Ariftote, qd

varioit félon le lieu, le tems & les perfbnoeSi

fe contentant d'avoir pôle fes Maximes gêné-

taies 5 & que fes véritables ientimens fulTeni

connus par ceux qui les làuroiem: tk&r des

principes de fa Philofophie.

Ceci fuffira donc iur un fujet qui a j^ «cercédcux ft notables Athlètes dans Va^Sm du Lycée. Sortons-en maintenant, &liciUi, mettons dans une plus noble carrière > 011 It* raifon fera mieux ion opération félon fà pfl^ tée, n étant plus aflervie à uneSecle ^ffi^\ culiere,

La première de toutes les queftions fut


I

DE UIMMORT. DE L'AME. 4if

lelque matière que ce ibit, eft ceUe qui do* ande, fi là cholb eft, pource que ce feroit inement, que Ton pafTeroit aux autres, (i e n'étoit auparavant décidée. Or il s'eft mvé des perionnes qui ont eu fi peu d'ame^ 'ils ont ofé prononcer qu'il n'y en avoit int du tout , & que tout ce qu'on en difoit noit d'une faufTe imagination, & refifem* >it aux rêveries d'un fébridtant. Ciceron >ntre au premier Livre de Tes TuTculanes^ e Dicearchus étoit de cette folle opinion, nt ùAt trois Livres de quelques propos te^ 5 entre des hommes doâes en la viUe de irinthe ; au fécond & troifiéme desquels il roduifoit un certain vieillard Pherecrates, la lignée de Deucalion, qui aflfuroit que me n'étoit rien qu'un nom vain & une pu* illufion, nihil ejfe omnino animum ^ ^ hoc ' nomen totum in une , fruftrâque animalia Êr* mantes appellari. Il parle un peu après trois autres Livres du même Auteur, ap- lés Lesbiaques, parce qu'ils contenoient

discours tenus en la ville de Methelin^

i rendoient encore l'Ame mortelle. Le lofophe Sextus rapporte cette même ré- L,2,Tyrh. ie de Dicearchus, qu'il dit avoir été Mef^ ^^- ^' ^ ien , & parle affés douteufement , félon fa c. a^ ^feffion, de l'exiftence de l'Ame en Un



4¥& DISCOURS CHRETIEN = :

tHêgm. mitre eodioit; Vnxsigons a'» penfbil

j^f' autrement, puisqu'il vouloit qu'elle.»

Jisritê. lieu plus (^ les fens. Etsllyenaeu

fês impies pour nier qu'il y eût quelque i

de Divinité, œ n'eft pas.mervdUe quil

fcrit trouvé qui n'aient pas mieux peoi

l'Âme; &qu'on ait ignoré la créature, n'i

pas réconnu le Créateur. D'autres pqe

le contrepied de ceux-d, conmie £pii

iliusyont attribuéun£ntendement&uMj

à toutes les fubflances qui avoient tm

L^^L ^^^ ^® ^^^ ^^^ Manichéens au lie

mi.c.i2. ^^^ ^^^ l'Ame nous en donnoientc

l'une bonne que nous tenions de Dieu;

tre mauvaife, de celui qu'ils faifoient Ai

de tout mal Et leur impiété ruflique, i

J^' 2- me l'appelle Saint Auguftin, fit qu'ils i

%^^ç' mcrent les plantes des animaux raifomifl

dont on ne pouvoit rompre une brandie

courir fortune d'être homicide. Les m

les autres ont manqué ii viiiblementdel

ou de châtiment, qu'il ne icroit pas g

befoin de s'amuler à réfuter leurs en

quand même nous ne le ferions pas di

fuite de ce difcours , où tout ce que lUM

rons pour l'Immortalité de l'Ame fervi

conviction contre eux.

. Si nous voulions auûi nous arrêter à !



DE L'IMMORT. DE L'AME. 417

eonde queftion touchant ce qu'eft l'Ame ^ & en rapporter toutes les opinions différentes, avec les rcponfès fur chacune, la chofe iroit àTirifini, & fans beaucoup faire pour nôtre principal deflein, nous travaillerions contre œlui que nous avons pris dès le commence- ment d'être fort courts. Democrite & Leu- Arifi. 1 1. ' ctppus la compofoient de feu ; Diogene d'air j ^. ^^ ITiales d'eau, & Empedocle des quatre Ele-i^^îji mens enfemble. Alcmeon la (faifoit de mê-^ic . me (ubfknce que les Aftres j Ariftote la nom- me Entelechie, qui eft une autre quintc-Ef (ence; Epicure veut qu'elle foit une union i'atomes, ou de petits corps ronds & infecHi: les i & Platon , comme favant aux Mathéma- Hif. m. jques, lui donne un principe d'Arithmeti-^» "«* jue, comme au corps de Géométrie, ladé-*'^^*' Sniffant un nombre qui fe meut de lui même. C'eft ainfi que chacun conçoit Icschofes, & în parle félon fes études précédentes, par la /iolence de cette coutume dont Ariftote fe plaint au dernier chapitre du fécond livre de à Métaphy fique. Pour cela Galicn, comme Slcdecin, veut que l'Ame ne foit autpe chofe ju'un tempérament, le Muficien Ariftoxenus 'appelle une harmonie, afin de ne le pas éloigner de fa profeffion, ditCiceron, & ceux u Tufc. q. jui ont philofophé plus hautement, en ont^'/'^^-

TùmtlU.Part.l Dd



418 DISCOURS CHRETTIEN

£iit une particule de Dieu ^ comme Seneque en Tune de fes Epitres , quoiqu'il ne Ibit pas toujours femblable à foi-même pour ce re- lit. 2. gard. Euripide même & Epidtete ont ofc "P- *• dire qu elle eft un Dieu ; Jamblichus affure c(^. 8' le même, foit, dit -il, que Hermotinus ait . été Auteur de cette penfée , ou Anaxagoras; Dec. ^. & les Romains lui confacrérent une Chapelle /. 2, îsfj. ^j^ leyj. Capitole , conune nous lifons dans «d». Tite-Live. Finalement, je pourrois, cou- cher ici une infinité de définitions de l'Ame, chacun en aiant donné une à fa mode, & rap- porter beaucoup d'autres penfées de Philofb- phcs là-deffus, dont Macrobc s eft voulu fou- venir dans le quatorzième chapitre du premier livre de fes Commentaires fur le fonge de Scipion. Mais je croi qu'il fuffit de dire avec Uh. de Ladance , que comme les Philofophes n'ont ^^' pu encore convenir de Ion effence , il n'y a ' pas grande apparence qu'ils s'en accordent jamais.

Il n'y a pas moins de conteftation entre eux pour le lieu de l'Ame ] car encore qu'el- Laa. i6. le anime tout le corps , & que pour cela Xe- ^^^' '^* nocratcdifcipledePlaton ait crû quelle y étoit également diffufe par tout j fx eft -ce que la plupart de ceux qui en ont écrit, lui ont don- né un fiége particulier, où elle réfidoit par



DE L;IMM0RT. de L'AME. 419

éminence, & où elle exerçoit Tes principales & ^lus nobles fondHons i de la même forte, ^hjI. /.. a peu près , que les Intelligences Pcripatéti- ^h^-^^^o. ques, encore qu'elles meuvent toute leur fphére , ne laifTent pas d'y être comme atta- diées en un lieu certain & défini. Or il n'y a quafi partie du corps qui n'ait été afTignée pour être ce lieu choifi & déterminé. La tête n'a guéres d'endroits où l'on n'ait voulu . la placer. Tous les ventricules, & toutes les membranes du cerveau ont été choifies fé* parement par quelques-uns. Straton furnom* mé lePhyficien lalogeoit entre les deux four- dls, par une façon de philofbpher aifés plai- iante, quoique fourcilleufe. Et nous voionsii^. 7. Xerxes en colère dans Herodçte contre un certain Lydien, dont le diicours lui avoit dé- plu , le menacer qu'il lui fera connoitre que l'Ame de l'homme a fa principale demeure dans les oreilles. Ariflote & beaucoup d'au- très après lui l'ont mife au cœur: mais pour- ce qu'il a diverfes cavités, & qu'il contient en foi des eiprits, des veines & des artères^ Ton s'efl encore partagé là - deffus. Epicure après Parmenide veut que fon vrai fejour fbit dans toute la poitrine, d'autres dans le dia- phragme, quelques-uns dans l'intérieur du foie , & Empedode dans toute la maffe iàn« 

Dd ij



420 DISCOURS CHRETIEN-


guinaire , aiant été fuivi par los Poètes , qui font répandre l'Ame avec le fang, félon cette Ltu. c. 17. feçon de parler, dont PEcriture le lert quand elle défend aux Ifraëlites de manger du làng d'aucun animal, parce que c'eft le fiége de l'Ame, La dodlrine des Ecoles la plus reçue l'établit de Ibrte dans tout le corps , qu elle K ne laiffe pas d'être toute entière en chaque, partie, pource que n'étant pas une fubflance partageable, fi elle n'eft ni corporelle, ni compofée de parties , il faut néceflairement qu'elle foit toute entière par tout où elle cft, fuivant la nature de tout ce qui eft infeétile, qui ne peut être nulle part qu'avec fa totalité. Et néannroins tant s'en faut , qu'en bonne Philofophie l'Ame foit en aucune des parties du corps, que le corps entier eft dans l'Ame, comme Ariftote l'enfeigne au premier livre de cette matière, chapitre dernier. Porphyre en fa trente-deuxième Sentence, & tous ceux qui ont commenté cet endroit. Mais la com- mune façon de parler nous impofe en cela, aufll bien que les conceptions vulgaires, quand elles nous font penfer que l'Ame foit faite pour le corps , au lieu qu'à parler exaiîlc- ment , c'eft le corps qui eft fait pour (ërvir d'inftrument à l'Ame , les moindres chofes étant toujours fubordonnèes dans la nature



DE L'IMMORT. DE L'AME. 421

flux plus grandes i feloh la (nèine dodhîne fur le premier livre des Parties des Animaux, chapitre dernier.

Voilà ce que j'ai crû devoir rapporter fom- mairement des questions qui fe font de l'Ame, fi elle eft, ce qu'elle eft, & où elle eft, avant que de confidérer qu'elle eA, & pourquoi el- le eft, où nous traiterons de (on Immortali- té, & de la félicité étemelle^ pour laquelle fon Créateur par fa Bonté infinie , fa Toutc- puifTance, & ik Sagefle incompréhenfible, l'a tirée du néant, & lui a donné l'être qu'elle poflede. Car outre les lumières que nous ti- rerons des opinions de ceux qui en ont le mieux penfé, la grande diverfité qu'on y peut remarquer nous fera fort avamageufe & d'un fingulicr ufage dans la dernière partie de ce difcours. Entrons plus avant dans la fé- conde.

On ne peut pas nier qu'on n'ait de tems immémorial difputé de la qualité de l'Ame, puisque Salomon dit du fien, qu'il fe txouvoitSapient. des impies qui la faifoient mortelle, fe fon-^V- 2- dans fu^ ce qu'il n'étoit révenu perfonne des Enfers, nonobftant l'hiftoire de î'efprit de Sa- muel qui étoit alors fort récente , & affurans qu'il ne rcftoit rien de nous après la mort, non plus que fi nous n'avions jamais été. Les

Dd iij



43^ DISCOURS CHRETTIEN

Saducéens que le nom recommândoit de fi

' grande juftice , étoient néanmoins de cet in-

Geif.c.43. jufte fendment, & interpretoient mécapho

^ -^ riquement tous les lieux du Pentateuque, oiî

il eft parlé des Enfers , ce qui a peut-être fait

Qu. ^^. dire à Saint Auguftin , qu'il étoit difficile de

fi^^ rien trouver d'évident dans le vieil Teftamrat

(7^^.]^ touchant l'état de l'Âme après la mort, quoi-

lih, /. de que beaucoup fe foient étonnés de cette pea-

^ ^fP'^' fée d'un fi grand perfonnage. Mais entre les

' Païens il n'y en a point qui aient expliqué

i. 7. nat. leur impieté plus nettement que Pline fur ce

Hift. c.;f. fujçt j failant mourir l'Ame tout ainfi que le

corps, & proteftant que fon Immortalité

n'eft qu'une rêverie de petits cnfans , & une

vainc invention de nôtre humanité, qui feroit

bien aile de ne finir jamais. A la vérité, un

Sénateur Romain avoit eu la hardiefle avant

lui , de prononcer en plein Sénat, qu'il n y

avoit ni bien ni mal à attendre après la mort,

qui finiffoit tout cela^ de forte que c étoit

mieux punir ceux qui avoicnt conjuré avec

Catilina, de les lailTer vivre en prifon, &

en mifére , que de les faire mourir, comme

on peut voir dans la Harangue de Céfàr,

telle que la rapporte Sallufte. Juvenal &

la plupart des Poètes en ont parlé aufli avec

une merveilleufe licence félon leur profeflion.



DE riMMORT, DE X.*AME. 423

Et nous avons déjà vu des Philofophes qui ont nié fon être , ou qui ont crû qu'elle étoit élémentaire, & par conièquent periflable; dont quelques-uns ne la faiibient pas mourir fi-tôt que les autres, comme les StoicienSi qui lui donnoient , dit Ciceron , une aufli longue vie qu'aux corneilles, bien qu'enfin ils la foûmifTent aux communes Deftinées qui ne laiflfent rien fubfiften Encore aujour- d'hui la plupart des Mandarins de la Chine vivent en cette erreur, & le Père Trigault . nous aflfure que leur grand Dodeur Confu- dus, qui eft l'AriAote de ce païs-là, n'a poiftt parlé de l'autre vie. Les Relations du Japon RamuJ!o. difent le même de quelques-uns de leurs Bonzes. Et Mendez Pinto témoigne qu'il y Cap. 1/4. a une Sede de Prêtres Chinois, appelles Nautolines, qui prêchent cette dcteftable do- ctrine , & d'autres qui veulent que le Ciel ne Câp. 1S4. foit que pour les bêtes brutes qui ont tant fouffert en ce monde i comme dans l'Em- pire de Braania il n'y a que les vaches qui foient eflimées immortelles. C'eft ainfi que Ifk ::. l'abyme d'une erreur en attire une autre , & ^ ^ qu'on peut remarquer qu'une fi brutale opi- nion n'a guéres été qu'avec un lens tout- à-fait réprouvé , & un abandonnement d'e- fprit prodigieux. Or comme celle qui lui

Dd iiij



-4^4 DISCOURS CHRETIEN


cft diamétralement contraire a bien plus de \ (biidés fondemetis, auilV â-t- dl» une. iou£e autre Alite, & une bien plus grande éeaidiii& Il n'y a point eu de Nations fi barbares, m fi \ peu éclairées du Ciel , .qui n'aient récoftna rlnimortalité de l'Ame. Car encore qulie^ rodote dife que les Egyptiens ont été les pre- miers des hommes qui en ont piEiiié, & qiie Zamolxis fût celui qui l'annonça aux pedj^es* de Thrace après avoir gagné cnéanâe parmi eux en fe tenant trois ans.en un lieu foûter- rain: il &ut néanmoins entendre cela de quel- ques difcours d'une Fhilofophie nouvelle, comme étoit celle qui enfeignoit la Métem- pfycofe. On doit interpréter de même ce B»favU. que Diogenes Laertius a écrit de Thaïes, le Cicer. i. faifant Auteur de cette Immortalité, que d'au- Tufc. qu. £^^ Qjj( attribuée à Pherecydes , Précepteur de Pythagore, & qui vivo^t au mèmeiems ^ queThdes, fi la lettre qu'il lui écrit .eftvé- Hàlfi. ad ritable. Surquoi je pcnfe être obligé de re» vk. Pyth. marquer une faute notable , oii font tombés beaucoup de iâvans hommes , qui ont pris ce Pherecydes Syrien pour être de Syrie,' an lieu que là Patrie étoit risleSyros, Tune de celles de la mer Egée; aiant été fauflfemeiit fuppofé fur cela, que toute la fciênce ou là- ' geffe des Grecs, conune on la nommoic flîlors,


DE L'IMMORT. DE UAME. 42^

leur étoit venue de Syrie, puisque leur pre- niier Philofophe Py thagore avoit été enfeigné par un homme de ce pais - là. Ceft une cho fè certaine , que la Doébine Pythagbrique ,

touchant la transmigration des Ames en d'au- très corps a été û bien reçue, que jusqu'aux Rabifts des Hébreux , ils s'en fervoient pour Thalmud expliquer l'hiftoire de Nabuchodonofor , Se ^^ ^^^^' l'endroit du vingt & unième Pfaume, ou Da- vid prie Dieu de délivrer fon ame du Chien I & du Lion. Auffi apprenons nous de Jofe- De belh phe, que félon la Philoibphie des PhàriiiensJ^^- |^^' les Ames des hommes vertueux paffoient d'un y nb. j. corps en un autre , par un privilège que n'a- ^^- '^ voient pas celles des vicieux, qui étoient dé- Ainées à des tourmens fans fin. Diodore Si- Ub. j. cilien témoigne de nos anciens Gaulois, qu'ils avoient reçu cette même difcipline, ajoutant que c'étoit leur coutume d'écrire à leurs amis décédés, & de jetter leurs Lettres dans le bû- cher qui les réduifoit en cendres : comme c'eft une chofe confiante qu'ils prêteront pour rendre en l'autre monde , d'où vient qu'un Romain appelle leur Philofophie avare &tra- Avaram ficante. L'Itinéraire de Benjamin porte que ^ ^^l^^' de fon tems, environ Tan onze cens feptante- ",7^^"^' trois , les Drufes du Levant, qu'on veut être Max. des reftes de nos François croiles Ibus Godo-^' ^V-^'

Dd V


^ DISCOURS CHRETIEN

fioi dfi Bouillon , croiojent la Métempfycofe i dePythagore, énot bien étninge qu'en uafî yedt e^ace de tems qu'eftoeluideGentanSy sbeufient fi foit altéré œ pcûnt de leur Rét gkm y pour ramour de k^uelle ils avoknt apparemment paffî la mer^ & qu'ils & (ufiSeot ft bien laifTés perfiiader aux rêveries de ces

. Rabins dont nous veoons de parler, àe qui vnd-iemblablmient ils avoient été catécfaffiSs. La créance des Beduins 9 dont parle le Sieur de Jdnville , étoit toute conforme , quand ilsdiibient que l'Âme d'Abel étoit pailee au corps de Noe, d'Abraham , & de Saint Pier-

• re. £t la penfée des Tarcares du tems de Mare Polo n'étoit; pas différente, fi nous l'en croions au lecond livre de Tes Relations. Mais pour revenir à ce qui eft fimplement de Tlm* mortalité de l'Ame , il ieroit ailé de prcxiver par induélion , que comme toutes les trois parties du vieil monde en ont convenu, non- obilant les fentimens abrurdes de qiiàques particuliers ^ nous avons auffi trouve le nou- veau dans la même opinion y non ieulemeot à r^rd des Nations policées , mais enœce de celles qui vivoient dans la pure Loi natu- relle. Car pour l'Europe, l'Aiie fk l'Afiriquc^' chacun fait que toutes les Religions qu'on y foufire ont cet article pour fondement. Les



DE UIMMORT. DE LAME. 427

Chinds mêmes & ceux du Japon, dont nous ' . venons de rapporter quelques extravaganceSi fon( une û publique ptofefTion de l'Immortar lité de l'Ame , que leurs Prêtres donnent Mandez communément des Lettres de change pour ^'"^2/** l'autre monde , qui doivent être exigibles au^^Vi. Roiaume de la Lune , puisque c'eft où ils cb- feignent que les Ames doivent vivre étemelr lement ; au lieu que quelques Africains dont parle Ramufio , qui font encore à préfent dans les ténèbres du Paganisme, veulent qu'elr les s'aillent placer au fortir du corps dans le Ciel du Soleil. Cette grande confiance des Chinois , qu'on peut dire être à la vieille Gau- loife, me fait fouvenir de l'ufage des Mofco^ Navig. vites dans leur Religion Grecque, n'enterrans '^^l' guéres de corps , qu'ils ne les accompagnent d'une lettre adrelTce à S. Pierre , par laquelle ils lui donnent alTurance de la foi du défunt Quant à l'Amérique , tant Auftrale que Se- ptentrionale, par toute l'étendue de ces deux grands Empires de Cusco & de Mexique, on ne doutoit point de l'Immortalité de l'Ame j & les Peuples mêmes vagabonds en étoient fi perfuadés, qu'ils l'attribuoient aux bêtes, & jusqu'aux chofes inanimées. Nos Sauvages Sagard. , de Canada philofophent tous les jours de la ^v- '*• forte parmi les bois; & les Relations des Hu« 



428 DISCOURS CHRETIEN

rôns leurs proches voifins , portent qu%(e pronnettent de monter là haut après leur mort , où ils fe promèneront dans de beaux jardins qui le trouvent parmi les Etoiles. Ceft donc une notion commune de tous les hcMn-' mes, plutôt qu'une folle imagination, com- me diibit Pline , ou une invention politique de ceux qui vifent plus à rendre leurs Conci- toiens bons que favans , puisque les Peuples errans parmi les forets n'ont pas moins elpé- ré l'Eternirc que ceux des villes , & qu'il n*y a point de Iblitude où cette penfce nefoitauP fi forte, qu'au milieux des Etats les' mieux policés. A la vérité, cela n'a pas empêché que les plus lavans, & les plus faints Legisla* . teurs n'aient obligé par leurs Loix un chacua à croire l'Ame immortelle , comme à cécon- noitre une Divinité , bien que la lumière na- turelle nous renicigne ; parce qu'il y a des efprits fi dépravés , qu'ils ont par tout befoin de contrainte. AufTi que l'autorité de la Loi ne détruit pas la fcience non plus que nôtre foi , qui confirme plutôt p^r des lumières Di- vines, ce que nous ne connoi(Tons fans elle que humainement. X'^oilà donc pourquoi non feulement toutes les Républiques vérita- bles ont établi cette créance: mais celles mê- mes qui n'ont été faites qu'à plaifir , Se dont



DE L'IMMORT. DE UAME. 429^

le modèle ne peut-être vu qu'au Cie], comme Platon a décrit la iienne, ne ië f^nt jamais ou- bliées de polèr ce fondement. L'Utopie de Thomas Monis; la Cité du Soleil de Cam- panella , & Tlsle de Benfalem du Chancelier Baccon, conviennent toutes pour ce regard; & parmi beaucoup de chimères particulières nous y apprenons unanimement, que le dernier joar de cette vie courte & calamiteufe, eft le premier d'une bien plus longue & plus heu- reufe. Or puisque ni la peine impofée par les Loix , ni le muet confentement de toutes les Nations, ni l'inflind fècret que chacun refTent en foiit particulier , ni cette voix uni- verfelle de la Nature , qui femble publier dans toute fon étendue l'Immortalité de l'A- me, n'ont pu empêcher l'impiété, ni repri- mer l'audace de ceux qui la font mortelle, peut-être pource que leur confciencc chargée de crimes la leur &it ibuhaiter telle; confidé- rons un peu la foiblcfle de leurs raifons , afin de mieux reconnoitre enfuite la valeur de celles du parti contraire.

Ce n'eft pas mon deffein d'armer ici la malice des mécrèans, en déduiiànt fortement & induftrieufement leurs opinions fans y ré- pondre, comme un certain Fabianus àNi- pho dans fon Dialogue , intitulé 0/A/m/, St



4iO^ filSCOUftS CHR£Ti£;Nr


•flG^ d'autres ont fiut, poruneprévaricatiOD' d'autant plus criminelle > qu'elle nepeut-êtie en un fujet plus important Et puisque je S^ nd fommaire en parlant pour la hoanA caulc^ Je ne dois pas être long en cdle-d , Vu mê- me qu'avec fort peu de (blutions on peut fiici- knient répondre à toutes les inftances dolit fes Auteurs ont accoutumé de fefervir. Déjà pour le regard de celles qu'ils tirent des prin- cipes d'Arihote, leur difant qu'on ne reçoit point Ton autorité pour loi, ni fes dogme» pour dédfions, il eft airé'bnfiiite dô les réfuter. Quand vous leur nierés l'Eterni- té du monde, non feulement par les rsûr fons de nôtre Théologie, lorsqu'elle enfei- gne fa création , mais mêmes par celles de TAcademic, & des autres feâes qui ont été fur cela contraires au Péripatédsme, vous* ruinerés un de leurs principaux fondmieds. Le même fe peut dire de rinfinitCi outre qu'on la peut admettre du moins auxdio- les incelleâudles & abfkaites de la matiè- re , quand il la faudroit réjetter en cdies ' qui font fenfibles & corporelles, (don la * folijition d'Algazel que nous avons déjà tou* chce. L'argument pris de la définitkxi de l'Ame ne fera pas plus confidérable , & fi Qous la ferons fubfUler par le moien de



DE L'IMMORT. DE L'AME. 43L

réfurreâion des corps que nous enfeigne Chriflianisme A qui ièra caufe que l'Ame ne bicurera féparee que par un fort petit efpa-

de tems, comparé à celui de rÊtemité^

irant lequel elle informera &reraperpetuel- ment Taâe de fon corps. L'induâion qui fait periflfable par fon origine , pource que »ut ce qui a eu commencement doit, nécef^ irement finir , n'efl pardonnable qu'à ceux û nient la Toute - puif lance de Dieu, com- te Ariftote , la reftreignant dans le cours or- naire de la Nature. Ainfi vous renverferés cilemcnt tous ces grands aigumens , & ces jdflans Achilles du Lycée, pour les honorer i nom que Z.enon donnoit aux fiens ; après uoi il n'y aura pas grande difficulté au refte,

on fe peut affurer d'être bien-tôt. maitre ab^

>Iu de la campagne. Par exemple, tou-

s les raifons qu'ils tirent des maladies de

dprit, qui fe fait caduc avec le corps, & )mbc même en démence par la violence d'u- e fièvre , ou la moindre oifenfe du cerveau, oncluant ae là qu'il doit'être mortel comme

corps , puisqu'il eft fujet aux mêmes in-

rmités, s'évauouîirent aifément en niant une vicieufe confequcnce. Car les maladies de Ame font toutes métaphoriques , auffi bien ue fa vieillefTe dans Ariflote, & là mort mè-



432 DISCOURS CHRETIEN

me dans Saint AugufHn , quand Dieu l^ban- donne ; & elles ne la touchent qu'accidentel- lement , parce que l'Ame a befoin^pendant fon information des organes du corps pour exercer fes opérations. De forte que comme le meilleur Artifan du monde eft bien empê- ché de travailler par le vice oU la rupture en- tière de fon outil, mais ne perd rien pour ce- la de fa fcience, ni de tout ce qui lui eft effentiel ; l'Ame peut bien de même fe trou- ver incommodée en fes fondlions par l'in- diipofition des inftrumens corporels dont elle fe fert, ians pourtant qu'elle patiffe en el- le-même, encore qu elle compatiffe en quel- que façon , & fans que fa nature fpiritucllc fouffre même par la ruine entière du corps; non plus que le pilote qui fait nager , j&c qui ne laiffe pas de fe iàuver , quoique fon vaif- feau fe brife contre la côte. En effet, l'Ame ne fait nul préjudice à fon être Immortel en s'attachant au corps, quelque çtroitc que foit ion union ; non plus qu'un GendH-hom* me en s'alliant avec une roturière, ou un grand Prince avec une fmiple Damoifellci dont l'un ne perd rien pour cela de fes droits de NoblefTe, ni l'autre des préroga- Orauptr- ^j^es de la Souveraineté. Ce que les Ga- \^Ij^ ^ lénifies allèguent de Tanic des brutes , qu ils

veulent


DE L-IMMORT. DE UAME. 433

veulent être de même efpece que la nôtre, & . par confequent auffi mortelle Tune que l'au- tre, n'eA pas plus difficile à refondre. Ils rap- portent quantité d'aâions ingénieufes des ani- maux, pour dire qu'ils ne différent de nous que par quelques dégrés de fpiritualité i Se par confequent, puisque c'efl une régie bien établie , que le plus & le moins ne changent point l'eipece, qu'ils Font commune avec nous. Or quant TElephaut approcheroit en- core plus près de nos fens, que Pline & Chri- Hift. de ftophe Boni entre les modernes, ne l'ont [^^1^^**^ écrit; quand le Cerf de Ptolomée Philadel- phe auroit entendu la langue Gfrecque, qu'un p/iùe /. Oifon adroit été difciple du Philofophe Lacy- '•• ^- ^2. de , & qu'un Singe auroit été vu jouant aux Echecs en Portugal , comme il n'y a que deux ans qu'une Demoifelle venue d'Angle- terre en montroit un à la foire de Saint Ger- main à Paris, qui touchoit quelques accords fur la Guitarrej efl-ce à dire qu'ils ne diffé- rent de nous que félon le plus ou le moins, & qu'il faille pour cela confondre les efpeces? Cela feroit bon à dire àdesOifonsdeLacyde, & non pas à ceux qui favent diftinguer l'in- itinél, & l'accoutumance des animaux, de la raifon , & de la difcipline des hommes; dont il faut être fort dépourvu, pour ne pas

TomiUIf Part.l Ec



434 DISCOURS CHRE'TIEN

recotmoitre la différence effendelle & (pécifi- Uh. Je fi- que qui eft entre les uns & les autres, quoi /wt.fl«^. ™g Porphyre & Plutarque aient voulu dire en êbfi. ^]it ^uiveur des bêtes fur ce fujet. Il fufïit donc efuanim. de nier ici abfolument, ce qu'on voudroit établir effrontément ^ & contre tout l'ordre des Iciences, & même de la Nature. J'ajou- terai encore une de leurs infiances , qu'on peut voir dans le Zodiaque du Poète Palinge- nius, parce que je me fuis appercû qu'elle avoit fait quelque impreflion fur de certains efprits. Si l'Ame difent-ils, étoit fi excel- lente que fuppofe fon immortalité, comment vicndroit-elle s'enfermer volontairement dans un corps , oii elle doit tant fouffrir, & com- mettre de fi grands crimes? Car il ne femble pas qu'elle puiffe faire une plus grande folie. Et on ne peut pas dire d'ailleurs que Dieu l'y mette par force, comme dans une priicm, puisque c cil le propre du Créateur d'aimer fil créature , & non pas de la mal -traiter, oom- me elle Fefl en ceci. D'où ils concluent qu'il y a de l'erreur au calcul , qu'on nous en donne trop à croire , & que l'Ame n'efl pas une fi grande chofe qu'on la fait. Or quoi- qu'il y ait bien du blalphéme dans ce raifon- nement , fi on le peut ainli nommer , il y a encore plus d'impertinence , parce qu'il fup-


DE L'IMMORX DE LAME 43^

Te que toui le boo-beur ou le malheur de

LmeconltAe en œ peu de œœs qu'eUc in-

le le corps ^ uns regarder h un pour la-

^lle Dieu Ta créée, ni cette ^ctté éteroel-

qui lui eft aiîuréC} ù elle s acquitte vcrtucu*

ornent de in ch^i^. Car le prix de la bdU

cirude cii de telle coaridcration, que corum

■Auteur de Ion être ne lui pouvoit donner

^e plus grande preuve de Ion amour , & de

fa borné infinie > qu'en la rendant capable de

É^ 'er un fi grand bien j il n y a point d'A- iffi qui ne dût rechercher Tentrce de ^ie ) quand elle dépendroit purement I option , & qui ne dut le fettcr volon* cac dans une cfirriere, au bt)Uf de fa* quelle une il ample rccompenie lui cA propolce*

Ce font là néanmoins les plus forts argu*

^ens dont fc fervent ces efprits furieux qui

^ veulent défaire eux-mêmes en renonçant

à rimmortalité qu*ils appréhendent* Voions

maintenant les railbns de ceux qui font pour

l^affirmarive^ nous les trouverons auifi Ibll*

des, que les autres paroilTent légères, le dé-

, iruifant quafi délies - mêmes ; & i\ leur éta-

^ilTemcnt fera une réfutation parfiitc des

remiéres. Mais pource qu'il arrive fouvent

le leurs force fe dilfipe dans une trop Ion-

£e ij gue



43tf DISCOURS ^ CHRETIEN

gue étendue de difcours , auflî que nous vî- Çons à la brièveté & à Tinifaiiâion , plus^u'à romement & à la fimple fadsfàâion de To- reilie ; je coucherai nuëmement ici les aigu- mens qui m'ont toujours le plus periiiadé après la Foi , croiant qu'ils opéreront de mê- me fur ceux que le Ciel n'a pas tout -à -ait abandonnez à un fens réprouvé, & que leur vertu ramaflfée agira plus puiflGsmment occu- pant moins de lieu , qu'elle ne feroit étant difperfée.

Pour ce que l'eflence des chofes ne nous eft connue que par leurs opérations, celle de l'Ame ne peut-être mieux démontrée que par fes fondions principales, qui font d'entendre & de vouloir ; c'eft pourquoi les plus puif fans argumens qu'on ait de fon immortalité le doivent tirer de rintellecH: , & de la Volonté, que nous verrons les premiers , & puis nous pafferons à ceux qui le prennent d'ailleurs ^ par des conclufionsPhyfiques ou Morales, ca- pables de perfuadcr tout efprit qui fe rend docilement à la raiibn. Commençons donc par ce qui régarde l'entendement.

Il y a un fi grand rapport , & une fi par- faite analogie, entre la faculté qui connoit & ce qui eft connu , que l'InteUed en (àifanc fon opération prend la nature de ion objet, &


DE UIMMORT. DE UAME. 437

l'y unit de forte que ce n'eft plus qu^une mè- Ex cep. me chofe , Sciens efficiturfcitum , ^ idem eft ^ '*: ^• xntelUQus cumreimelleâa^ dit l'École. Or îft-il que l'Ame conçoit les chofes immortel- les , univerfelles & abflraites de la matière, formant des notions de Dieu, des Anges, des lombres, de l'infinité, des genres & des ef^ peces , qu'elle dépouille de toute quantité, qualité, & autre condition corporelle. Il Âut donc bien que l'Ame Toit Immortelle , 3uisque les chofes immatérielles & étemelles bat de fa connoifTancc, & qu'elle ne les peut x)mprendrc que comme^ des objets pro- x>rtionnés.

Platon procedoit ici de la forte. Siles chofes IL lorporelles & périfTables font connues par les ens corporels & de même nature , la faculté [uiconnoitra les incorporelles &immortel- es , fera auffi incorporelle & immortelle. Dr l'entendement humain connoit ce qui efl le cette dernière nature, comme les Idées, k les Univcrfels. On peut donc conclure lu'il efl incorporel & immortel.

Il n y a aucune puifTance corporelle , ou m. 'ertu organique, qui agifTe fur elle-même; âr l'œil, par exemple, ne fe voit point, & es autres iens ne font pas plus privilégiés, ucun d'eux ne pouvant réplier fon adion fur

E e iij /



fiilriiième- Ornous prouvons tous quenÔOT Aeqtendemeat Ce réfléchit fur lui mèiiie, &fe oofUibit & contemple, en retournant fon opéra- lion flu dedans. Il s'cniuit donc qu'il ell d'une jplus noble nature que les choies corporelles & oigsinîques, & par conlequènt itnmorteL^ - ^ , XVt • Une faculté matérielle^ comme par exttm pie la feafitive , ne fe peut pas élever au déP filS de la matière, pour entrer dans la moindre iQOiqeâure qu'il n'y ait rien de Ipiritud. i(M ToitendenieM comprend les chofes rpirituflb les oomme Dieu Ik les Anges, perçant^iittl . il. lui plait par fa contemplation des etpAoes infinis , & ouvrant comme un autre S.l^efrtî les portes du Ciel ^ pour y confidérectout ee qui s'y Êiit. L'entendement eft donc fph fituel & immortel.

On prouve même la fpiritualité de Teiiten* dément, parce qu'il comprend toutes les fiib* (lances corporelles , de cette forte.

V. Une &culté œrporelle doit être depo^léo de ce qu'elle a pour objeél, comme Podl qui' ne pourroit pas recevoir les efpeces dei^ oou-* leurs, s'il n'étoit privé de toute couleur. Or l'entendement comprend toutes les fubflao- ces corporelles. Il n'eft donc pas corpoivlf mais rpirituel & immortel.

VI. Toute Êiculté corporelle eft fujettt à csh



DE UIMMORT. DE L'AME. 439

duché, & il n'y a point d'acHon dépendante de la matière qui ne fè débilite avec le tems. Or eft-il. que l'entendement, cîbnfidcré en foi, fë fortifie par les longues années, n'y aiant point de gens qui raifonnent mieux, que ceux qui font le plus avancés dans Tage^ & qui ont le corps le plus caduc, fi ce n'ed par accident, lorsque les organes particuliers dont Fefprit fe fert , viennent à le corrom- pre.' On peut donc conclure qu'il eA quant à lui indépendant de la matière, & ainfi in- corruptible & immortel.

Si nôtre intellecH: étoit matériel, il feroitvn. avantagé en fes opérations par les chofes fen- fibles & matérielles. Or chacun fe peut ap- percevoir du contraire , quand pour mieux •agir de Tefprit nous fermons les yeux , & le rétirons des chofes fenfibles le plus que nous pouvons. Il eft donc d'une lubftance éle- vée au dedus de la matière , c'eft à dire im* mortelle.

Toutes chofes font aidées par leurs fem- ym. blables, & ruinées par leurs contraires. Or nôtre Ame qui eft comme paralytique dans le corps , ne difcourt jamais mieux que quand elle s'en fepare le plus, & bien Ibuvent que lorsqu'elle eft prête d'en fortin Elle n'eft donc pas corporelle, puisque le corps l'in-

£e iiij



440 DISCOURS CHRETIEN

commode fi fort, & par copfequent iious^ devons tenir Immortelle, ne Les facultés matérielles, comme celles des fens^ perdent leur adtion par la véhémence de leurs objets fenfibles ; comme Touie , fi elleeft frappée d'un Ton trop violent: lem^e fe vérifiant à Tegard des autres fens. Or tant s'en &ut que l'entendement fe lafle en fan action de méditer & de concevoir, qu'au con- traire il fe rend par là plus fort & plus capa- ble de comprendre. Il n'efl donc pas maté- riel, & par confequent il faut qu'il foit incor- ruptible & éternel.

Voions maintenant les conclufions quife peuvent tirer de la féconde partie , qui eft la volonté.

X. Si l'Ame étoit corporelle, jamais elle ne réfifteroit aux contentemens du corps, qu'el- le réchercheroit plutôt. Or chacun eft té- moin du combat , qui eft fouvent- entre l'ap- pétit raifonnable, & le lenfuel ou concupiTd- ble ; quand la diair demande une chofe que l'efprit & la raifon lui réfufent abfolument. Il faut donc que l'Ame foit incorporelle, & par même moien Immortelle.

XL Toutes chofes défirent naturellement ce qui leur convient , fans fe foucîer du refte. Or eft -il que nôtre Ame affeélionne naturel-


DE L'IMMORT. SE UAME. 441

ûmem les chofes de Juftice, de Pieté, de Religion, & autres femblables, qui n'ont lulle convenance avec la matière, & qui font outes ipirituelles. U s'enfuit donc qu'elle eA mmatérielle & immortelle.

Si nôtre volonté étoît corporelle & ma- XL irielle , il &ut nécefïairement tomber d'ac- X)rd , qu'elle feroit aufli iujette comme le -efte des chofes fublunaires aux influences des

^ieux , & qu'elle dépendroif des caufes fupe-

îeures qui maitrifent la matière, aux loix de Aquelle il la faudroit encore ailujettir. Or |ui ne voit, cela étant, qu'il n'y a plus de iberté Morale , toutes nos aiHions étant for- ces, fans qu'on y puide plus reconnoitre ni >ien, ni mal, ni vertu, ni vice, d'où s'en- iiit un bouleverfemcnt entier, non feule- nent de la raifon humaine , mais même de

oute. forte de fodeté civile ? On nepeutdonc

)as nier iàns crime , fans impieté & fans folie, jue nôtre volonté ne foit exemte des loix de la matière, & par eonfequent Immortelle.

Les appétits naturels ne font jamais vains xiiL ai illufoires, félon le dire de tous les Philofo- phes, qui en rendent cettis raifon, que Dieu & la Nature ne font jamais rien d'inutile,

omme feroit ce defir s'il ne pouvoit reûffir.

Or nous fouhaitons tous naturellement l'Im-

Ee V



442 DISCOURS CHRE'TIIiN '

mortalité. Il fîiut donc que liôtre Âi^e la polTedC) puisque c'eA la feule partie de nous ^ui eft capable d'un fi grand bien.

Paflbns aux argumens qui fe fervent d'au- tres moiens, qu'ils empruntent de la Phy- fique ou de la Morale.

XIV. Toute fubftance ipirituelle & incorporelle eft immortelle. Or l'Ame humaine eR fpiri- tuelle & incorporelle, comme nous faiibns voir; Elle eft donc néceffairement Im- mortelle. XV. Ce qui fe meut de foi -même, fe meut toujours, & ainfi eft immortel. Or l'Ame a cela de propre qu'elle fe meut d'elle-même. Il s'enfuit donc qu'elle eft Immortelle.

XVI. Les Principes font de leur namre incorru- ptibles. Or l'Ame eft un principe de mouve- ment, puisqu'elle fe meut d'elle-même. El- le eft donc ncceflfairemcnt incorruptible, & çonfequemment Immortelle.

XVn. Ce qui ne peut-être offenfé, ni du dedans, ni du dehors, ne meurt jamais. Or l'Ame eft de cette condition, Par confequent el- le eft Immortelle.

xvm. Ce qui eft effentiellement vie , ne peut ja* mais mourir. Or l'Ame eft eflentiellemcnt vie. Elle ne peut donc mourir. Ce fyllogis- me, avec celui qui fuit, font de Porphyre.


DE UIMMORT. DE rAME, 44}

Ce qui donne la vie aàx autres^ ne peutXDt - pas être quant à lui fujet à la mort ; le fel qui préferve de pourriture, ne fe corrompt point. Or l'Âme eR celle qui anime, & fait vivre tout cequi poflTede la vie; lesAllemans Taiani nommée «SVW fort à propos, puisqu'elle e(l comme le fd du corps, s*il eft permis de fe jouer par allufion dans une matière A ferieu^^ £ë. Elle eA donc exemte quant à eUe des loix rigoureufes de la mort.

Ce qui iubfiAe de ibi-même eft incorrupti- XX, ble. Or TAme raifonnable fubfiAe d'elle- même. Elle eft donc incorruptible.

Tout ce qui eft indivifible eft neceffaire- XXl ment immortel , parce que la mort n'eft rien qu'une di vifion du tout en de certaines parties, Or l'Ame eft indivifible^ puisqu'elle n'a point de parties, & qu'étant une forme fubftantielle, elle ne peut pas être placée dans la catégorie de la quantité. Il faut donc par néceffité qu'elle foit immortelle. La démonftration eR de Plotin.

Cequi eft fimple ne fe réfout point, & ain- XXB. fi eft incorruptible, pource que la corruption ne fe peut faire fans réfolution. Or l'Ame eftunefubftancefunple, &unpura(^e, fé- lon Ariftote même. Elle eft donc inco^ ruptible, & immoneUe,



4|4 NSCOUXS. CHa£!TI1!Nta

xmr '. vSi* l'Ame ^eotfine fis opâaiioiiiifiifkIlB( corps, die peut firiifiAar fans luL Or ttiof 'wMoos^Me peodmtrextaiè de oanmês pny Cponesqui ont Mjcdu ruiàge de tous les fiHil l'Ame lairomnDle^ qui s'eft oomnie àftiKh éê AiGOips, contemple les chûlèsiU>]iaies,lt

• ' ' fint des fonâions.beaucoup.iilus noUeiiiBBl quequand eUe Tioiiffle perfiûtemeitc. . L'smil peutdmcfiibfifieriànsleGOi^, &parcoM fequent elle eft immorale, puisqii^«]xd|pf

. ' '■: fts nanirelles Taâe fuit toujours la puiffinie^ Âfa*^^€^/^,difent les Clercs. .- i

XXIV.. Tout ce qui eft matériel a fa vertu & foa opération linndtée. Or l'Ame tant à l'égard de l'entendement, que de la volonté^ connoit & défire ce qui eA infini > n'y aiant point c^ . nombre fi grand ,. auquel l'intelledl ne puiiÛfe ajouter; ni de bien fi excellent, quelavo^ lonté ne le fbuhaite encore plus aooompli L'Ame n'eft donc pas matérielle, & oonfe- quenmient elle e0 immortelle.

^acv. On ne peut pas douter que l'Ame ne vaille

beaucoup mieux que le corps. Qr eft-ilquo

le corps eft une fuDilance. L'Ame Csm donc

, , . ^ auffi une fubftance, & de meilleure ooodtr

tfif.c.f.&^:lon que l'autre, c'eftàdirelmmorteDe. Ctt

cv' £> argument dï de S. AuguAin, avec le fuivant»^



DE L'IMMORT, DE L'AME. 44f

L'Ame ne peut pas être de pire condition XXVL ^ le corps. Or nous voions que le corps ne périt point de forte qu'il fe reduifè à néant. L'Ame ne s'anéantira donc pas non plus, & aâifi elle fera immortelle.

L'Homme eft poié juftemen^ au milieu dexxviL toute la Nature, quelques-uns ont dit qu'il ctoit à Thorilbn de rétemité,& on a toujours entendu par là, qu'il faifoit une liaifon entre les chofes corruptibles & incorruptibles, mor-' teUes & immortelles.

Or c'eft une maxime non feulement d'A- rifloee, mais encore de tous les Philofophcs, que ce qui eO moien entre deux genres de vie eft réputé appartenir aufuperieur, bien qu'il ne participe de fon excellence que dans un degré fort modère, comme il fc voit en de certains racines, qu'on prend quafi pour métalliques, & qu'on ne laiffe pas de mettre au rang des végétaux, bien que leur végéta- tion foit fort peu reconnoilTable; & conune il fe pratique à l'i^rddesZoophytes, qui font des natures moiennes entre les plantes & les animaux: car les Eponges & les Pouflepies, appellées urtica des Latins, qui font de ce nombre, ont toujours eu place entre les ani- maux, quoique la vie fenfitive ne paroiffe que fort obfcurement en eux. U &ut donc



^ DISCOURS CHRETIEN

• xr/r^. ifUtf tjiommej étant dans la pofition que noul pvofifi dit j (bit mis avec les fubftances met» 1tgg^\^% & immortelles, par le moien At flptte jîartîe fuperiçure qui eft ^û lui» bien que ies (^éradoos mteUeâuelIes fi)îei« fort ioe

i ^! 4da|^(e9i aitt3»iiieiitcèreixmT^¥erftr«^ - rcp^ de k Nature,, od ce qui eftd^ leinferieur, ô'ekerœ jamais ki^ / jàîQadecequi.eftaudeirusdelw^^ >. ,

TOSttk Ce n'eflpi^feid^mentl'EGriniireSaiiin^ a dit que nous édons faits à kiTeflCemUaMi ieDieu; les ûatkMsqui n'ont jamàiaécéécki*' rées d'une telle lumière , ont eu néanmdns la même créance, préfumant qu'un ft grand ouvrier n'avoitpasmanquéde gtaver (on por* trait fur Ton principal ouvrage ^ comme Phi* dias le fien dans ce renommé Bouclier deAfi- nerve; & on peut dire que c'eft ime de ces notions, qui font Communes à tout le genre humain. Or il n'y auroit pcnnt d'a];qmeiice de rapporter Cette refîemblance à la fleure du corps iimplement, comme ces Hérétiques Oiaô^riels , appelles pour cela AntlyxqKXiior*

Ehites, voulurent faire, puisque le corps tft I moindre partie de l'homme, & que ia priih cipale, qui eft l'Ame, donne k fimne à tout ^ Fo^ le compbféj d'oii vient qu'Ariflote^jit qu'dk a! Mdf. ^ ^^^^ P^^ partie de l'animal que te corps»


V?



DE L'IMMORT.'DE UAME. 447

Nous (bmmes donc femblables & de mèmeAfor.c^r. ibrme que Dieu par ce qui nous informe j ce ?• ^ '•• qui ne peut être qu'>en établiflant la divinité & riinn)ortaIitc de nôtre Ame. C'eft pour* quoi S. Ai^ftin a fait le rapport de fes trois facultés > Tintclligence, la volonté, & la m^ mpire, aux trois perfonnes dé la Trinité.

U eft de la Bonté divine de nous avoir ren* XXDL dus capables du ibuverain bien, fi nos fîiutes particulières ne nous en éloignent, ce qui ne peut pas être préfuppofé de tous les hommes en général. Or cette parfaite félicité qui confifte en la jouïfTance de toute forte de biens, n'a encore été pofTedée par perfonne durant le cours de cette viej où les plus heureux fé- lon le fentiment de Pline, qui a fort bien exa- Uh. 7. miné cet article, font ceux qu'on peut dire**^*'^* n'être pas tout-à-fait mal-heureux; & ou nous n'avons point de connoilTance qui donne une entière lâtis&étion à nôtre entendement, ni de bien qui contente folidement nôtre volon* té. Il s'enfuit donc que la béatitude nous eft réfervée pour un autre tems, Se après nôtre mort, ce qui conclud néceflairement pour rjmmortalité de l'Ame.

La Juftice de Dieu veut que la vertu reçoi- XXX. ve fa recompenle, & le vice la peine qu'il mé- rite. Or eftil qu'il y a beaucoup de peribn-



, 141 discours; .cfiRErTiËk ^ ^

1' -'^BeiTeitueures qui piifliam leur v^ - * ' forcé de miféres; & une infinité de^deuliit ^fégorgentdepbdfirs, &qui |oiflireiit%i^ fibkment de tous les contentemens du moiH de^ jusqu'à ce qu'elles le quittent! Il fiut donc qu'il y ait après cette vie une Jufticedî- ftributive des peines^& des recompenfes; œ qui ne peut-^re conçu, qu'en préûijqpdGttit que nos Ames foient immortelles. xoa Tous les'Sages ontconvenu avec AiiAoïe en ce point, & c'eft un fondement qu'odk pris tous tes Législateurs, qu'on eft ob%é dp I»- ferder là vie pour fa partie, pour fcs paréos, I & même jpourfes amis. Or fi l'Ame ^ mor* telle, la vie eft le fouverain bien, dont pe^ fonnen'eft tenu de fe priver; auf fi que ce fe* rdt une aâion folle de là perdre pour néants n'y aiant point de récompenfe à recevoir, s'il n'y a rien au delà. On ne peut donc fans ai- me la dire mortelle, ni fans renoncer au ièfr timent.de tous les Sages, nier qu'elle eft toh mortelle, xxxn. L^ chofes qui ne font pas connues par une évidence telle qu'eft celle des premiers priiF cipes, & qui ibnt néanmoins univerleUement Crues par un conunun confentement de tou- tes les Nations, doivent avoir été imprimées en nos âmes par la Nature, ou comme par*

lent



DE L'IMMORT. DE ÙAME. 449

lent alors lesPhiloTophes, par une Intelli-N&turae gence exemte de tout mécompte, qui eft^P"*^ Dieu. Or félon que nous avons tantôt faittdii^- voir, rimmortalité de l'Ame eft Tune de cestiœ non choies-lâ, tous les peuples -de la terre en aiant ^"^"^^ convenu. Il la faut donc recevoir comme une infpiration divine^ & ceux-là font aufit impies que dcraifonnables, qui la contre^ difent.

Ce qui eft appuie fur la foi de toutes lesxxxm. Hiftoires, & fur Tautorité des plus grands perfonnages, ne peut être rejette qu'avec une opiniâtreté injufte & effrontée. Or Tlmmor* , tsdité de l'Ame a été foûtenuê quafi par tous lesPhilofophes, & les Hiftoires facréeS' & prophaiies font pleines d'exemples irrépn> chablesde ceux qui ont paru après leur mort> pour ne rien dire d'unHermotimusClazome-P/. tib. nien, d'un Eris Arménien, ou d'un Ariftée7-.««^- Proconnefien. On ne peut donc qu'avec une ^' ^** extrême injuftice, & une iniupportable ef^ fronterie, combattre la doctrine de l'Immor- talité de l'Ame. Surquoi il faut que je re- marque l'impertinence de ceux qui en dou^ cent, pour n'avoir vu, difent-ils^ aucun de ceux qui leur avoient promis de revenir du tx)mbeau, lequel leur ait tenu parole. Com* me 11 celui fans la permilTion de qui rien ne

TomiUl Parti Ff



4fO DISCOURS CHRETIEN ;* '

 ; ijb Ëiit en eela, était tenu de s'acçommoderA

jAiiM leur curiofité. A la vérité, ce Canius Jih ^^- ^lius, que Seneque nous re{HréfeQte pour l'un ^ ^* ^ des plus grands courages' qu'ait vu l'Empire ' Romain, &qui philolbphoit mêine fur k .dernier moment de là vie, s'étoit engager de venir inftruire Tes amis de ce qu'il aurrat re- <»nnu au 4ela, &.de l'état des âmes après kur feparadon du corps, fans audun effet néon* in6ins,ne s'Àant trouvé perfonne qui ait don- né dqpuis le moindre témoignage de fbn lé- tour. Et pour parler de ce qui eft de ma connoi(ïance,le Père Baranzan Bamabite,que )e puis mettre entre les premiers elpritsde nôtre fiécle, quand les ouvrages de ia jeu- nelTe ne fuffiroient pas pour cela, m'avoit aufli beaucoup de fois aiTuré, & toujours fous le bon plaifir de Dieu, que je le icver* rois s'il partoit le premier de ce monde, hien qu'il n'y ajt pas iàtisfait, la Providenpp en aiant autrement ordonné. Eflce à dire pour cela qu'il ne foit rien reftc d'eux que leurs cendres? & qu'il faille conclure Iâ-de(&is la mortalité de leurs âmes? Il ne s'eA point vu de plus vicieuiè argumentation, ni de cou- ièquence plus mal tirée. Et quant à moi^ qui n'ai jamais douté de la félicité de ceiniea ami, fur la connoiilance que j'avois 4e Xes


DE L'IMMORT. DE L*AME. 4f i

bonnes œuvres j je n'ai non plus jamais for- mé le moindre fcrupule fur ce mauvais fonde** ment de ne^Tavoir point révû, nimalpenfé de rimmortalité de ion Ame, pource qu'elle \ n'a pas exécuté une promcfïe conditionnée & faite comme en riant.

J'omets ici exprelTément quelques argu- mens qui me femblent de moindre importan- ce, comme celui qu'on prend de ce qu'il n'y a que nous de tous les animaux qui fommes touchés de cette honnête honte, que Dioge- nedifoit porter les livrées de la vertu, dans le fentiment que nous avons des chofes hon- nêtes ou deshonnêtes i &cet autre que Lacftan- Div. in- ce tire du feu, dont l'homme a feul i'ufage*/^^'* ^- '^* entre les animaux, parce qu'étant un élément célefte, comme il l'appelle, il faut que celui qui fe l'eA rendu familier, ait quelque chofe de divin & d'immortel. Et véritablement le feu eft le maitre des Arts, le Roi de la Na- ture, & le Dieu des Perfcs, auffi bien que de beaucoup d'autres peuples qui l'ont adoré. Mais néanmoins outre qu'on a écrit que des T^^f* Nations entières ne s'en (ont point Icrvies,^'^^'!^^^^ comme entre autres les Canariens avant leur trak du découverte; il y en a qui l'ont rendu comr^^^i* mun à d'autres animaux qu'à l'homme. Car il me fouvient d'avQir lu dans lùie Relation

Ffij



4fr DISCOURS CHRETÏEÎSr'ï

du Vfsriitien Nicole diCooti, qu'il y d det poilTôns en forme de Tritons & de Néréides^ dans la tjviere qui palTe à Codiin, donc lia- duftrieeft telle, qu en fortant de Teau la ntdc ils allument du bois au rivage pour prendre le pbilTon qui accourt à cette lumière ; oo qu'ils 'exécutent fâifant fortir lefeu-dèqud- ques cailloux qu'ils frappent Tun cotitre Taii^ tre, comme nous 'avbns coutume de £ûve avec nos fufils. Voiant donc que la chofe iroit à Tinfini fi je voulois rapporter tout ce qui fe dit en faveur de l'Immortalité de ndcre ' Ame, je me contenterai de ces trente-trois Syllogismes, qui fuffiront, ou je fuis fort trompé, pour en affurer toute perfonnerid- fonnable, puisqu'ils ont autant de rolidité,que ceux de Topinion contraire font apparemment légers & de peu de confidérarion. Et en ce- la nous avons pour nous ce grand avantage quePomponaceprenoitde fapart, quand il - ne traitoit cette queftion que Péripatétique- ment. Car, difoit-il , il y a beaucoup plus de raifons qui font TAme mortelle, dans la do* drine d'Ariftote, que d'autres. Or le fixîé- me livre de là Phyfique nous enfeigne que la pluralité donne le nom à la choie, ou que, félonies termes claffiques, à fuperabundanti fit denominatio. Ils s'enfuit donc que l'Ame


DE L'IMMORT. DE UAME. 4^3

doit être réputée mortelle, fuivant cette Phi- lofbphie. Voilà comment il ai^umentoit contre Niphus; mais étant fortis du Lycée, nous avons mis cette maxime de nôtre coté, puisque nous avons le nombre & la valeur des argumens en faveur de l'Immortalité. Que fi on réplique à cela, qu'il ne laifTera pas de fe trouver des e(prits qui formeront encore de nouvelles batteries, & qui contrediront la plûpartde nos raiionncmens; Je réponds pre- mièrement, qu'une bonne partie de leurs in- ftances feront fondées iur des maximes Péri- patétiques, que nous ne fommes pas obligés de recevoir, comme nous l'avons déjà remar- qué. Secondement, qu'encore que toutes les raifons que nous avons apportées pour ri^piortalité de l'Ame humaine, foient fort bonnes & démônfkati ves, nous ne prétendons pas néanmoins qu'elles ferment abiolument la bouche aux plus opiniâtres, pour ne rien diredeceux qui font tout-à-fait déraifonnables. Afin de mieux m'expliquer fur cela, il faut que je fafle remarquer ici qu'il y a deux for- tes de démonftrations, toutes deUx très bon- nes, apodidiques, & qui engendrent cette icience & cette vérité, qui eft Tobjet, & l'a- gréable nourriture de nôtre clprit, mais non pas pourtant avec une égale certitude. L'une

Ff iij



4f4 fiîSCÔCRSl CBRBTlËïi /

ftffftdepHndpesIbtt bôfis, ^fûrt«^ittél à la vérité, qui ont befohi nàinmoiiis û'éttù prouvés par d'autres^ <x>dtre ceux* qui n^ veulent point acquiefcer , d'où vient qu'^dk ne produit pas des conclufions exemtes d«  toute contradidiôn. L'autre fonde -Ibdtth fimnement fur ces principes qu'on appdb [ premiers, neceiTaires, étemels & ifiitiiedMK^ potirce qu'ils font indémonftrableS'j.eA^ci que leurs termes nuds contiennent toute Ift iiimiere& l'évidence pofTible j c'eft poinquôi dleconclud av6c cette certitude qui fûok <iux fciences, qui ont le privilège de contem- pler leurs objets délivrés de toute rfiaùére. Or la connoiflfance de l'Immortalité de l!Ame humaine! étant de purePhyfique, pùisqu'en* core qu'elle foit immatérielle , nous ne^jMi* ' vons remarquer fon eflfcnce que par les opé- fatidns pendant le tems de fon infomidtiao, «e qui eft caufeque perfonne n en a tniHéque . dans les livres de Phyfique, il n'eft pas jiàte de demander ici de ces démonftrations invin- ^ cibles, & qui iëmblent être au deflTus de tou* te difpute, quoique peut-être il y en ait par tout. Car comme Ariftote dit lui-même en ce dernier chapitre du fécond fivre de fa M6«  tsiphy(ique que npus avons déjà allégué, â& qui ne peut être trop confidéré vu fon e»5et


DEL'IMMORT. DE CAME. 4^^

fcnce, il ne faut pas exiger eo toutes chofes des preuves femblables à celles qu'on donne dans les pures Mathématiques, pource que ce ièroit vouloir forcer la Nature, qui ne permet pas qu'on en puifTe apporter toujours de il concluantes, quand il Te trouve de la ré* pugnaiicQ de la part du fujet. Mais outre cette confidcration, il y a encore celle de la différence de nos elprits, dont quelques-uns trouveront une démonAration très bonne ii très évidente, qui ne prouve rien de ncceflai- re à regard des autres. Soit que cela procè- de de la diverlë façon dont nous envilageons les chofes , & qu'il en arrive comme de ces images plifTccs, qui rcprcfcntent des figures toutes différentes iblon qu'elles font regar^ dces. Soit qu'il le faille prendre par la rai- ion qu'en donne AriAote au même lieu, ou il maintient que toute nôtre façon de conce- voir & de diicourir dépend tellement de la coutume, que ceux qui icplaifent à la ledhire des Poètes, font plutôt periliadés par l'auto- rité d'un vers d'Homère, ou d'Hefiode, que par le meilleur fyllogisme qu'on leur puiflfe fournir. Comme il y en a qui fe paient plus volontiers d'exemples, ou de paraboles, que de raifons ; & d'autres qui veulent par tout des dcmonfbrations Géométriques. C'efl

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4T^ JmSCOURS CHRETTIEN '

ffiHirqiidi â dcMffle afllerà

opte, de fe fervir autant des argumens Dia^

h &hic. itbàiques 4^ apparenS) quand on a entre^

^ ^ ^' de prouver quelque èhofe, que de coantqaà

ont une ooncluCion plus certaine» pour»

qu il y à des perfonnes qui fe gagnent plutôt

par les pièmiers, que par ceux-ci ; étaitri^

^u près des efprits, comme des corps, 4cNtt

tous ne peuvent pas fupporter les fortes m£

(iecines. ' Il eft fi vrai[ que beaucoup démeo^

rent facisfaits y & comme convaincus de cex^

' tains raiibnnemensv qui n'émeuvent pas fèo»

iement ks autres , que nous n'entrpns guéres

dans nos converfations ordinaires fansleprou*^

ver, & nous en pouvons encore donner ici

un notable exemple lans fortir de nôtre ma* -

dére.. Les Sectateurs de Platon parlent de

plufieurs qui aiant lu Ton Phedon, où il tcai*

le fi divinement de l'Immortalité de TAme^

furent tellement transportés, qu'ils fe firent

'. volontairement mourir, pour éprouver les

félicités de l'autre vie, telles qu'il les décrit.

jjb. ï. Ciceron nomme un Cleombrotus oue cette

Tufi.fu. leâure fit précipiter dans la mer, fans qu'il

eût jamais éprouvé aucune adverfité qui le

pût convier à une telle action ; & ceux qui

ont parlé de la mort que fe donna Caton daios

Utique, alTurent qu'il lût deux fois ce livre



DE UIMMORT. DE LAME. 4^7

de Pkton avant que de fe tuer. Cependant une infinité d'autres l'ont vu avec attention, & médité deffus fans foufïnr cette violence d'efprit ; & fi Platon même en l'écrivant eût crû que les raifons de Socrate, qu'il fait par- ler fi hautement, eulTent été alïes fortes pour obliger un homme raifonnable à fe donner la mort; c'efl fans doute, comme dit Saint Auguflin, que non content d'en donner le^^'* confcil aux autres, il Teût pratiqué fur fa^'^-^^' propre perfonne. On peut dire le même de eu, ïb. cet Hcgefias qu'un Roi Ptolomce fut con- traint de faire taire, parce qu'il exaggeroit de telle forte les malheurs de nôtre vie, que beaucoup fe tuoient après l'avoir entendu, bien que quant à lui il s'empêchât bien d'en faire autant. Mais c'cft ainfi que ce qui eft puilfant fur l'efprit de quelques-uns, n'obtient rien du tout fur celui des autres ; & que, foit à caufe de J'obfcurité des choies que nous contemplons, foit par le défaut de nôtre ju- gement, qui ne les envilàge guéres qu'avec quelque prévention , nous formons des con- ceptions du tout différentes fur un même fu- jet. Car je croi qu'à l'égard de celui dont il eft queftion, chacun y opine félon la conftl- tution intérieure de fon Ame, de telle façon que celui qui eft accoutumé à la coiitompki-

Ff V



t


^ç8 DISCOURS CHRETIEN

IlOQ des chofcs divines & iiîiiîiûîîdle£^ fc perfuade facilement la divinité & riii[inM& tâlité de ^Ame raiibnnable; au .lieu qm " œux qui ont toutes leurs penfees attachées à des objets ÇQrporels & péiiflables, ne fr peuvent imaginer qu'elle foit aiitrequemlh férielle, & conune telle fuiette ^ la niQit C'eft ce qui fit dire autrefois si Ptotaggnik

  • que l'homme étoit la mefure de tout^ diQ:

. JUs, & néanmoins il en fût répns lûr unt.

\.L^T%€êd^^p^ belle confidération par Platon, qui

^ ^ iui montra que Dieu feul devoit être nom- kg^ ffié la règle de tout ce qu'il y a dans le Moib de. Que (i cette belle fentence peut être fort bien appliquée dans tout le refle de la Nature, elle ^fî ici d'un particulier & ex* cellent uTage, fi nous confidérons qu'enco- re que les démonftrations de l'Immortalité de l'Ame foient fort évidentes, il a plû à Dieu pourtant de rendre toutes nos certitu- des humaines fi douteules, qu'il n'y a que fes Oracles divins qui nous en puifTent don- ner cette alTurance parfaite qui ne reçoit: plus de contradiétion. Et parce que c'eft I le thème de la troifiéme partie de ce di& cours, commençons à y faire les réflexions que" la petite portée de nôtre eiprit nous pourra permettre.


DE L'IMMORT. DE UAME. 4^9

Il £iut avant toute autre chofe répondre .à Tautorité des Conciles, que quelques-uns ont ici alléguée 9 prétendant que celui de Vienne tenu fous le Pape Clément Cinquié* me , & celui de Latran Tous Léon Dixième, ont déterminé que llmmortalité de l'Ame fe pouvoit prouver par démondration, même félon les principes d' Ariftote. Car fi ainfi ctoit, je reconnois qu'il y auroit bien du crime d*al- ler contre les fentimcns de l'Egliie , & d'in- terpofer le fien particulier fur ce qui auroit été fi folemnellement décidé, je dis cela no- tamment à^ l'égard des principes Péripatéti^ ques, pource que nous nous îommes etiop ces de montrer dans nôtre première partie quils fembloient conclure néceffaircment pour la mortalité. Quant au refte, encore que ces Conciles eulTcnt prononcé que Tlm- mortalité feroit démonftrable en bonne Phi- lofophie y il fiiffiroit de dire que cela le de* vroit vrai - femblablement entendre de cette première efpece de démonfiration dont nous avons parlé, qui efi très bonne à la vérité, & qui produit une fcicncc certaine à l'égard àç ceux qui fe paient de raifon , mais qui ne ferme pas la bouche aux autres qui lui veu- lent contredire, comme peut faire la démon- firation Géométrique, d'où vient que nous



^ DISCOURS CHRE'TIEN^


àiCom qu'il faut avoir recours àl^amoédtdB •la Foi. Or tant s'eo faut , que l'Egliiè^iAi rien prononcé de tel qu'ils difent touchate-i». doârinii du Lycée 9 qu'en ce qui eft du Ç^ Giie.de Vienne, elle y déclare feulement .ceinf là Hérétiques qui foûtiendront que rAmenh ipnnable, ou intelleâuélle , n'eftpasde£)i^ & efTeùtiellement la fi)rme fubflantielle dit . jcorps humain; (ans dire que cela ibitcpafiatr me aux principes* d'AriAote, niqu!tlibit4& monftrable par la Ifhilofophie, ou'qu'tldoîm dépendre de la FoL De forte qu'on ïw peut pas prétendre qu'il y ait de loi écrite dans œ Concile, qui règle 'un fi grand différent, CMfr me la leâure le juflifiera à ceux qui s'en vou* dront aflfurer , auffi bien que la féconde Clé- mentine, de la Trinité & Foi Catholique^ aif paragraphe Porrdy où les mêmes mots du Concile font repétés ians addition ou varia* tipn quelconque. Pour celui de Lanfan , . Sk Seflion huitième qu'on allègue ici , ne^n* : tient rien pour tout du fens qu'on lui veu^ donner, & auquel on la cite. Car vous n'y iàuriés remarquer fmon , qu'on y-conidamoQ d'héréfie deux fortes de perfonnes ; les unœ qui enfeignoient pofitivemcnt la mortalité do l'Ame; les autres qui Ibûtenoient cette unité d'intelled^ ou cette Ame univçrielle des


DE riMMORT. DE L'AME. 4^1

rroiftes : C'efl celle félon laquelle les Ra«  mettoient de même un grand homme Se

rand oileau univerfels y & aufquels tous

iQtres enfin fe reunifToient. Les Pères Concile condamnent^ donc cette mauvaiio rine, & difent que tous les ai^mens qui bliffent fe peuvent fort bien réfuter; ce eft très vrai,. & nous Tavons tantôt fait;

on ne peut pas tirerdelàuneconfequen*

[ue P immortalité dont il eft queftion, fe e démontrer mathématiquement, & qu'il SI faille pas tenir de la Foi. Ceux qui dront garde que ce Concile fût tenu m tems où les opinions d'Ariftote & erroës étoicnt foûtenués avec tant d'opi- eté, que Léon Dixième fût contraint de mander à Niphus , comme nous l'avons dit , de répondre à ce fameux écrit de ponace, qui fût reçu avec tant d'applau* ncnt par toutes les Ecoles d'alors, juge- bien que l'intention des Pères n'a été au- ue de s'oppofer à de fi dangereufes ma- s , & non pas d'attribuer à nôtre raifon- mt une certitude qui appartient feule-

à la Foi. Puis donc qu'il n'y a rien qui

3S confciences , & qui nous empêche de înir que nous devons avoir recours aux §s révélées, pour nous afTurer de toutes



DISCOURS CHRETIEN


^es qui établi fient humîtinementrtmmorta- iké de TAme, voions les raifons qui nom obligent d'avancer cette propofitionj

li grande connoiffance fait ibuvent leraê-

me cflfet que resctréme ignorance , doù vient qu'on a toujours remarqué que les plus iavans etoient ceux qui avoùoicnt le plus franch^ ment la foiblefl'e de Tclprit humain. Ariftotc fXVÈmc eft contraint pour cela de la compa* rer fouveot au Hibou, qui ne voit que parmi les ténèbres; Se peut-être que les Anciens qui dédièrent cet Oifeau à Minerve > & ijui l'ont voulu faire paiTer dans leurs Apologues pour le plus aviië de tous les vobdles^ onc eu le même deifein de nous indruire deFoln fcurité de nôtre favoir, & de rincerdcûde de toutes nos connoifTances ipirituelles. Il me femble que DionChryfoftome l'interprète éa ce fens-Ià au commencement de. ce beau di* icours Olympique , où il parle li hautement de la Divinité. Et en effet , nôtre Ame eft environnée de riépaiffes ténèbres d'ignorancey que ceux mêmes qui ont le plus de cette lu- mière lèche d'Heraclite , ne les peuvent pé- nétrer. Nous fommes des aveugles nés poi|r ce regard, qui ne voions qu'autant qu'il jùit à Dieu de nous illuminer > de forte que ce n'eil pas fans fujet que toute nôtre fcieacej &



DE yiMMORT. DE L'AME. 4^3

Otite nôtre fagefTe, ne paflfent que pour folies levant lui, ièlon le texte didc par Ton Saint Slprit. Que fi cela f e trouve véritable en ce }ui touche la connoiiïance des chofes lenti- lles & matérielles , ou nous nous trompons XHis les jours fi lourdement , combien fera-

- il plus vrai aux fpirituclles , qui font plus

Sloignces de nous , & d'une bien plus haute & plus difficile contemplation? Cen'eftdonc pas une petite témérité à ceux qui prétendent de connoitre la fpiritualité de nôtre Ame , Se d'avoir des afTurances parfaites de Ton immor- talité par les feules forces de nôtre difcours; vu même que les plus grands Philofbphes, Se qui ont le mieux combattu pour l'établir, en ont toujours parlé avec beaucoup de retenue & de modeftie. Platon tout divin qu'il a été nommé, avoue dans le dixième livre de fa République, que nous ne pouvons confidé- rer la nature de nôtre Ame , que comme on fait ce Dieu marin Glaucus, qu'on ne voit jamais que confuiément , & à demi couvert d'eau , d'écaillés & de rofcaux. Il fait dire à fon maitre Socrate dans le Phedrus , qu'il ne fait pas feulement s'il eft un homme , ou s'il n'ert point quelque autre animal plus étrange que Typhon n'étoit alors repréfcnté, tant s'en Ëiut , qu'il prétendit connoitre fon immorta*



4^4 DISCOURS ÇHRETTIEN

Jité. Seneque qui a écrit par tout de fi belks fcntcnces lut cela ^ qui non content de nom* mer divine cette partie iuperieure qui eft en nous, la rend même égale à Dieu^ qui dit que le jour de nôtre more efl à le bien prendre^ un jour natal d'une vie éternelle dont celle-ci n'efl qu un prélude, ne laifTe pas de comparer cette penfée à un fonge agréable, fc plaignant à ion amiLucilius, de ce qu'une de les lettres

fy. 102. l'en avoit tiré, j^uvahaty dit -il, de aterni^ tate aniniarum quierere ^ imo meherctik en* dere. Credeham enim facile opinionibus ma- gnorian virorinny rem gratijjiniafn promitten" tin m magis^ quàin probautium, Dabam me fpei tivjtce. Il confclTc qu'il croit 1 Immorta- lité de l'Ame plutôt qu'il ne la lait, & fait pa- roitrc une foi humaine là dclTus, qui fait hon- te à beaucoup de Chrétiens beaucoup moins

Dtfifie^. attachés à celle qu'ils doivent à Dieu. Caton protcfte dansCiceron, que s'il fe trompe dans cette douce efperance de Tlmmortalité, il le fait il volontiers, qu'il Icroit bien fâché d'être delàbulc ; ajoutant cette gauflTerie, qu'en cas que l'Ame fût mortelle , il ne craignoit pas que celles des Philolbphcs fe moquaflentdc la ficnnc en l'autre monde. Et quoique ce grand Orateur & excellent Philolbphe Ro- main, qui le fait ainii parler, fût très pcr-


DE L'IMMORT. DE L'AiME. 4^^

jadé que nos Âmes ne periffoient point) fi R<e qu'il introduit encore un jeune homme ans fes Queftions Tufculanes , qui dit aufli lit. outcufement que bien que nôtre Ame ne fût as immortelle, il défiroit néanmoins pour m contentement s'imaginer qu'elle Tctoit. ^ollà comment les plus grands honimes , Se s plus Saints perfonnages des iiecles palfés loralemcnt parlant ^ fe font expliques fur ette matière, toujours avec beaucoup de irconfpedlion. . Voions de quelle façon les 'hilofophes Chrétiens en ont parlé après eux.

Tertullien tcnoit pour une chofeficonftan- î , qu il n'y avoit que Dieu qui pût comme >réateur rendre raifbn de nôtre Ame qui eft i créature , que c'eft fur ce fujet - là qu'il fe noque des Chrétiens qui avoient récours à des émonftrations philolbphiques pour prouver 3n effence Divine & ion immortalité. Si )ieu, leur dit -il, eût voulu nous rendre ^hilofophes, & que nous euffions été favans le la forte, nous aurions reçu TEcriture lainte de la Grèce, & non pas de la Judée. efusChriftmême, ajoute -t- il, auroitfait me grande faute , de s'être contenté de la >ouche de quelques limples pêcheurs pour nnoncer fon Evangile , qu'il eût dû pu- blier par celle des plus iavans Sophiftes« 

Tome IIL Part, l G g


^66 DISCOURS CHRETTIEN

Lib. di Son opinion eft donc, qu'il vaut mieux îgno- êtàma. . rer en ce fait de nôtre immortalité fpirimeUe, ce qui eft au deffus de nôtre capacité, & que Dieu veut peut-être que nous ignoricm. Inde fcifcHandtim eft y unie îf ignorare tu- tifftmutn. Praftat per Deum nefcire^ qwa non revelaverit ^ quàm per hominem fcire^ , quia ipfe prafumferit. Et. à la vérité, c'cft fans doute qu'il y a beaucoup de chofcs dont la Sageffe Divine s'eft refervé la connoiflance, & qu elle tient cachées aux hommes, encore qu'il femblc qu'elles leur feroient de grande édification, fi elles leur étoient révélées. Car par exemple il n'y a rien apparemment qui les tint plus en devoir , que d'être inftruits de l'événement des chofes futures , & du tems auquel les Prophéties doivent être accomplies. Aa,Ap. Et néanmoins Dieu fit entendre à fes Apôtres ^V- '• mêmes , qu il n'étoit pas à propos qu'ils fçûffent les tems , ni les momcns qu il te- noit en la puiffance, & dont il dilpofoit félon fon bon plaifir. Auifi , encore qu'il eût dit la première fois à Pila te, qu'il etoit venu en ce monde, pour rendre un témoi- gnage favorable à la vérité , par où il en- tendoit parler des vérités du Ciel, & qui font néceffaires au iàlut i néanmoins quand ce Juge lui eût demandé généralement, ce


DE L'IMMORT. DE L'AME. 467

que c'étoit que la vérité, le voulant vraMetn J Uablement obliger au difcours des véritéshu- maiaes & naturelles, nous voions que le Saint Efprit ne nous a point donné de réponfe là- deÎTus y n'eftimant pas à propos d'inftruire le inonde de toute ibrte de vérités. Comme en effet il ne nous a jamais expliqué ce que c'é- toit que matière première, forme, privation^ ^ quinte - effence , ou tels autres principes de Phyfique, s'étant contenté d écrire la création du Monde en termes populaires, & accom- modés à nôtre capacité. C'eft pourquoi nous voions dans la Généle , qu'au lieu d'une exa- âe théorie des Planètes, & d'une déicription de cercles concentriques , & excentriques, il eu, porté nuëment, que Dieu fit deux grands luminaires, parlant du Soleil & de la Lune^ félon qu'ils nous paroiiTent beaucoup plus grands que tout le refte des Aftres j bien que dans la vérité de l'A Aronomie, la Lune foit trente- neuf, ou félon d'autres quarante- trois fois plus petite que la Terre , qui eft moindre dix- huit fois que la plus petite Etoi* le du Firmament. Tant il s'en faut , que Dieu ait jugé que la connoidance des chofes naturelles , & des vérités Phyfiques nous dût être utile. Peut • être même qu il en eft tout au contraire, & que l'ignorance de beaucoup

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4^8 DISCOURS CHRETIEN


de curiofités nous eft avantageufe, d'où vient ^ qu'on voit fouvent les vertus Chrétiennes phis âvantageufenient placées dans des Ames (im- pies Se ignorantes, que, dans celles qui poflé- dent tant de fcience , dont elles rétirent quel- quefois plus de vanité & de confufion, que de lumières , & de iblide fatisfaftion. Mais . pour revenir à l'opinion des Philolbphcs Chré- tiens, en ce qui touche la démonfbation de nôtre immortalité , fi TertuUien a crû que nous la devions tenir des Oracles du Ciel, plu- tôt que de nôtre raifonnement, & que c'étoit un article de Foi, plutôt que de fcience; La- ftance qui a traité cette matière après lui, ne s'eft pas éloigné de fon lèntiment. Après avoir rapporté avec plus d'éloquence que de profonde doctrine , quelques argumens qui font pour la divinité de nôtre Ame, il con- Div.inft. c\ud en ces termes : SeJ quid argumentis cap. 10. colligimus aternas ejje animas^ cùm habea- mus teftimonia divhîa; ici enim facra literie ac voces Prophetarum doccjit. Même il nous renvoie aux vers de Li Sibylle, & aux Otacles du Gentilisme, tant il ctoit pcrfuadc que cet- te créance prenoit fa principale certitude d'en- haut , plutôt que de nôtre dilcours, ni de la TkCiv, force d'aucune démonftration. Quant à Saint ^^•'^'Auguftin, nous avons déjà dit combien il


DE L'IMMORT. DE L'AME. 4.69 •

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i'étoit pieu fadsiâit lui-même fur ce fujet. Si cap. 41. eft-ce que nous ne pouvons pas douter qu'il n'en ait penie tout ainfi que TcmiUien & La* Aance, puisqu'il eft d'avis que nous donnions plutôt à l'autorité divine , ce qu'il y a de plus confiant dans la Morale, qu'à la raifon humai- ne , qui détermine bien à la vérité ce qui femble vice ou vertu , mais qui ne laide pas pourtant la chofc Ikns controvcrfe ; au lieu que la Religion parlant du plus haut du Fir- mament , ne trouve pcrfonne ici bas qui lui contredire. Par exemple, le larcin qui cA un crime quafi par tout , ne laiffoit pas d'être honorable parmi quelques Nations ; Epicure l'a toléré , Diogene a même approuvé le (à- crilège , & Alexandre faifoit gloire d'être grand Pirate , quoiqu'il punit les petits Cor- faires. Tout le refte de la fcience des mœurs reçoit de femblablcs exceptions, de telle façon que fi on n'a recours aux Loix du Ciel, il n'y-aura rien de bien arrêté en cela parmi les hommes. Or fi cette confidération a femblé fuffiiante à ce grand Interprète de nô- tre Religion, pour foûtenir que nous devions recevoir les préceptes de la Morale plutôt de la main des Prophètes & des Dodeurs de TEglifc , que des Philoibphes qui ne (ont pas toujours bien d'accord entic eux; à combien

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47^ DISCOURS CHRE'TIEN

plus forte raifon faut -il croire , qu'il n^EivcriC garde de faire dépendre de leurs Syllc^smes un article ii important & de fi haute contem- plation qu'eft celui de l'Immortalité de FAmc? Il n'y a point d'apparence qu'aiant^ctc fi rétc- ' nu, & fi déférant à la Foi aux chofes de moin- dre importance, il fe fut voulu difpenfer id de ce refpeft, ou il eft queftion du fondement de toute la Religion , & même de la focieté civile. Car il faut condamner comme un grand blafphçme , ce que Cardan a ofc écri- Ijb. de re, que la créance de l'Immortalité de l'Ame imm.an. avoit caufé bcaucoup plus de mal dans le f^^^'^^/^* monde qu'elle n'y avoit fait de bien; allé- guant fur cela les guerres des Catholiques avec les Hérétiques, & des Turcs avec les Perfes; auffi bien que la vie des Sa- ducéens , Profeffeurs publics de la mortali- té de l'Ame, qu'il dit avoir été meilleure, que celle des Pharifiens; comme les Secta- teurs d'Epicure étoient à fon dire plus gens de bien , que les diibiples de Zenon ou de Platon. Mais ce ibnt toutes rêveries , que je nommerois ridicules, fi elles n'étoient dé- ^ teftables , & qui méritent mieux en toute forte d'être fupprimées^ qu'examinées da- vantage ; pcrfonne ne pouvant douter que fans l'efperance & la crainte d'une féconde



DE L'IMMORT. DE L'AME. 471

vk, celle-ci ne fût expofée à des defordres & à des md-heurs plus grands qu'on ne les iàuroit exprimer.

Si nous voulions rapporter enfuite le con- lentement de tous les autres anciens Pères de TEgliTe, qui ont parlé de T Ame aux mêmes ter- mes queTertulIien, Ladance, & Saint Augu- ftin, nous en formerions un bien gros volume, & pource que la plupart des modernes qui font encore en plus grand nombre > les ont fui vis, jeL me contenterai de faire voir ici ce qu en a écrit un des plus grands hommes du dernier fiéde j tant en la Théologie pofitive que Scholaftique. C'cft Thomas de Vio Cardi- nal Cajctan, lequel expliquait les paroles du troifiéme chapitre de rEcclefiafte, oii il eft dit par forme d'interrogation ; Qui Eût fi l'efprit des enfans d'Adlam monte là haut , & il celui des autres animaux defcend en bas ? témoigne dans fon Commentaire, que cette demande de Salomon doit être pri- fe pour une affirmation de ce qu elle contient & qu'en effet îl a voulu affurer que perfonne ne làvoit au vrai immortalité de nôtre Ame j ajoutant que jusqu'à preient aucun Philofo- phe ne Tavoit pu démontrer , & qu'il y avoit feulement des raiibns probables pour cela, toute la certitude dépendant de la Foi, qiû

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47» DISCOURS CHRÎTTIEM 1

nous oblige de croire qui! n'y a que le cor^ qui maut. Afia qu'on ne peme pas qtie je lui ibipofe quelque chofe, je coudietal \ ici fes propres termes; Dicenâo ^is fcit^ perinde âicH ae* fi âixiffet^ mdbts Jet. Et yuanwis argumentàndo loquatur y âicit tàmn wrum^ negandoJcientiamlmmortiditMtisAtà^ ma noftra. Nidlus enim Pkilofophuf hiberna âtmmfircwit animam hominis ejfe immartakm^ mtUa apparet ietmmflrativa ratio , Jed fiih hoc crépus y îf rationihus prohàbililms cmh Jbfuit. Il confirme la mèrae chofe en Gm chapitre neuvième fur l'Epitre de l'Apôtre aux Romains , ou parlant des myfteres de la prédeftiniation & de la réprobation , dont il ne pouvoit pas expliquer toutes les difficul- tés , bien qu'il crût tout ce que le Saint Ef- prit nous a révélé fur cette matière, il pro- nonce nettement , qu'il n'a nulle honte de confefler Ion ignorance en Cela , non plus qu'au fait de la Trinité, de l'Immortalité de ÏAme, & de l'Incarnation : Siait ne/^Oy di^ ^ il, myflerium Trinitatis^ ficut nefcio Animam Imniortalemy ficut nefcio Verbum carofa&um eft^ fîT* fimiliay qiice tamen omnia credo. Je ne puis pas être pourtant de fon avis , en ce qu'il femble nier abfolumcnt qu'il y ait aucu- ne fdence ou démonftration de nôtre Inunor-


DÉ UIMMORT- DE L'AME. 475

talké. Il dl vrai qu'on peut diftinguer le mot de (dence, conune nous avons 0dt celui de dqnonArarion y &'dire que ce (avant pcrfbn- nage entend parler des fdences qui poiïédent une incertitude infaillible , ne laiflfant pas le moindre fiijet de douter, comme il fe voit aux pures Mathématiques ; & non de celles qui ont bien leurs conclufions vraies & cer- taines^ mais non pas fi évidentes que toute, forte de perfonnes y veuillent acquielcer. Le Doiîleur Subtil de l'Ecole a belbin d'être in- terprété de la même façon, ce me femble, & tous ceux qui ont parlé à peu près comme le Cardinal Cajetan. Autrement je craindrois que le parti des impies ne s'en voulût prévaloir, & qu'on ne s'éloignât pas trop de la Foi , qui doit être toujours fortifiée par ce peu que nous avons de fcience humaine , rien n'em- pêchant qu'une lumière furnaturelle ne foit aidée par les connoifTances naturelles dont nous fommes capables. C'eft pourquoi j'au- rois défiré que Jules Scaliger fe fut aufli expli- qué d'une autre forte qu'il n'a fait , quand il a dit que nous (avions (i peu , quil y eût un fécond être après celui-ci, que nous n'en avions que des foupçons, & quelques perfua- fions fujettes à difputc, de facjon que la Foi feule étoit juge de ce différent. Ef-

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4W!


DISCOURS CHRE'TIEN


Beerc 'fi altertmi ejfe ah hoc ejp adeo nefcimur^ ut 3^* ^:3f' pffjtidianh /Hfpiciomhm 5 vel perfuûjîonibm m ettammimfit controverfa , fola fiàc res agûtutn Ce qu'il dit de la Foi eft fort véritablci mais je lui nie le refte^ & prétends que les allumons que nous avons apportés pour i prouver nôtre être futur^, font auffi certains J qu*pn en peut avoir dans aucuac fçience aur , trequeMÛhémdtique, ^queiesioduâion^ ûù. fonjt très concluantes & démonflrative% félon la première forte de démonftration que nous avons expliqué?. ^

Il s'en faut donc beaucoup , qu'en remet- tant à la Foi, connime nous faifons, IHirtide de rimmortalité de l'Ame , nous nous dé- partions fi fort des connoilTanceis naturelles 3ue nous en pouvons avoir par les opérations e nôtre entendement, comme quantité d'autres ont (ait : bien que jjs croi qu'on n'en puilTe parler avec trop de foumiilion d'elpiit. £n effet, les raifons Théologiques le doivent emporter fur les naturelles, & la lumière Di- vine fur l'obfcurité du jugement humain^ tel- le que nous la confidcrions tantôt. ^ Sara, qui nous repréfente la raifon naturelle, fe moque dej beaucoup de chofes qu'elle ne péué bien comprendre, au même tems qu'Abraham, à qui la foi efl imputée à juilice , les reçoit &


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DE L'IMMORT. DE L'AME. 47c

ïé croit avec une fermeté que Dieu recom-» peofède fesbénédidions. Mais ce qui fait qu'il y en a fi peu qui imitent ce bon Patriar- die j c'eft que comme nous ne connoiffioqs rien des chofes de ce monde, pendant les neuf mois que nou$ étions enfermés dans le ven- tre maternel, nous ne pouvons non plus rien comprendre de ce qui eA de l'autre vie , du- rant ce peu de tems que nousfommes ici bas, conune dans le fein de la Nature, prêts à être produits dans un meilleur être dont nôtre mort eft le jour natal, félon que nous l'avons rapporté de Seneque. Car comme fi la mère ou quelqu'autre difoit à fon Embryon, le fup- pofant capable de cette intelligence, qu'il doit bien - tôt voir cette grande lumière du Soleil, les Cieux roulans fur fa tête, les qua- tres Elemens faits pour fon ufage, & tout ce qu'il y a de plus beau dans l'Univers, fans doute qu'il auroit bien de la peine à fe figurer tout cela , & qu'encore qu'il pût tirer de tous fesfens, bien qu'imparfaits, & de la confor- mation de fes membres, des aigumens cer- tains qu'il efl defliné à d'autres fondions que celles qu'il a dans les entrailles qui l'environ- nent, fon plus court & plus avantageux ferait de s'en rapporter à ce qu'on lui en diroit; vu même qu il n'y auroit pas d'apparence que ce


47* DISCOURS CHRE'TIEN

.Ait peur le tromper. De même, toutes les ' tocrveUles qu*oa nous raconte de notre être futur j font tellement au dciTus de nôtre ima- gmation, &: de nôtre portée > quehîfw.quiH ftiôcre propre ndibimement nous démonfaeini^ iibjement^q^u'une meilleure & [^ longuit Vie que celle-ci nous attend, & que les aucg» , mens en ibient auffi infiûllibles que nousles iivons fidt voir : fi eft-ce qu'il vaut mieux*^ ftotià œ crdons ce qu'une fi bonne mère qœ l*E^enous en dit, & que nous nouiqi te- nions à ce que Dieu même, nôtre vniPenc^ nous en a révélé^ar fon Saint Efpric. Si nous trouvons de la réfiftance intérieure i cela > & fi nôtre entendement fe fi>rme des -^ difficultés qui s'oppofent à ce que nous ea- feigne la Religion, tenons pour aiTuré que le mal vient de cette préemption de (avoir, qui a fa racine dans le péché originel , puis- que nos premiers parens ne faillkent que pu: l'ambition d'être auffi favans que les Di^»x. C'efi pourquoi Saint Paul s'eil dedaré par tout fi capital ennemi de cette fcience humai- ne , qui ne fait que nous bouffir d'une vains enflure; Se c'efi pour cela qu'il nous £ut le- çon fi fbuvent de ne nous pas lai(&r furpres- dre aux illufions d efprit que foumifient les difciplines au préjudice de la Foi. tl enièigoe



h , DE L'IMMORT. DE L'AME. 477

mxx Hébreux d'éviter les doârines étrange- Gp. /;. res" (des Grecs fans doute ^ Se des Latins^ c^. ^ qui ne fervent de rien* Il exhorte les £ph6^ fiens à perféverer en la conaoifTance deDieu» & à ne le pas lailTer emporter comme des en- Suis au premier vent d'une doârine trom- peuTe oui foufflera. LesColofliensfontaverrCy. 2. tis par lui de fe prendre garde des Sophismes de laPhiloibphiè, fondés fur des traditions humaines, & fur les Elemens du monde. Il réproche aux Galates, avec la véhémence ac- Cap. 4. coûtumée, qu'ils s'étoient remis dans la fu- jetion de ces Elemens. U défend à Timothée^.2. €.2. les combats de paroles qui détruifent plutôt qu'ils n'édifient , & les difcours profanes qui mènent infenfiblement à l'impiété. Dans fa Cap. j. lettre aux Philippiens il déclare toute autre doclrinc que celle de Jefus-Chrift préjudicia- Arbitra- ble , & protefte qu'il fait litière de toute au- ÎV^ ^^ trc fcience que de celle qu'il tient du CieL Apiès avoir repréfenté aux Corinthiens 1 que ^./.cj. la fageffe de ce monde n'eft qu'une vraie folie ^ '• devant Dieu , & que toute nôtre fcience ne fait rien fouvent que nous donner de l'or- gueil , il leur prononce enfin cet important axiome , Que fi quelqu'un penfe favoir quel- que cbolè, il ne connoit pas feulement enco- re de quelle façon il faut lavoir. Bref, pour- Cy. u.



4^8 DISCOURS CHRE^TIEN

ce. que les Romains' croioienf de Ton te pofledcr l'Empire des fcicnces , comme ce de la terre , il tâche dé les détromper a^ cette autre belle fentence: Qu'il ne faute fage & favant que de bonne forte , & q Dieu veut qu'on garde en cela une certai fobrieté proportionnée au degré de Foi, de il lui a plû de nous gratifier. Voilà des p ceptes Apoftoliques qui nous font bien w que nôtre Religion n'eft pas fondée fur c Syllogismes, ni fur des principes de Philoi phie j & nous y pouvons rémarquer av combien de railbn le Roiaume des Cieux i Vocavit promis aux pauvres d'entendement. Ce n' anciUas ^^ ^ jjj.^ ^^^ j^^ fciences comme lervani

8(1 ar- ^ *

ccm. ne doivent être appellées quelquefois au 1( vice de la Religion, & qu'un bon raifoni ment ne puiffe beaucoup fervir à confbn le cœur des fidèles. Mais tant y a qu'il < très dangereux de faire dépendre de nôt feule raifon des points importans à Cdi comme celui de l'Immortalité de l'Ame, d tablir leur affurance fur des loix de Diale<! que , & de ne pas tirer leur principale cet tudc des lumières fumaturelles de la F\ Avons -nous peur de donner trop à celle p le moien de laquelle nous fommes fauve Craignons-nous de prendre trop de créance (



DE L^IMxMORT. DE L'AME, 479

f^ la parole de Dieu ? Ou avons-nous quelque ^ défiance que le Saint Efprit nous veuille trom- per? En vérité, nous donnons trop d'autori- té au nôtre, qui n'eft fouvent ingénieux qu'à fe tromper lui - même , & à le faire de la peine. S'il favoit ici mefurer fes forces , & fe contenter des bornes que la Providence a préfcritcs à fa Sphère d'aftivité, il tireroit plus d'avantage de fes doutes, que des certi- tudes trop grandes qu'il veut s'attribuer. Car il me femble que le doute relpedhieux qu'il peut former de fon Eternité , efl une grande preuve qu'il n'y a point de doute en cela^ & que s'il n'étoit immortel , il ne pourroit pas douter de fon immortalité. Mais quoi, nous appréhendons de le faire paroitre ignorant, Comme s'il n'y avoit pas une ignorance loua- ble , dont les plus grands perlbnnages ont fait profefTion. Comme fi la pauvreté d'efprit, bien entendue, n'étoit pas une richeffe Chré- tienne. Et comme fi toute la Théologie my- lit. de flique de Saint Denis n'étoit pas fondée Çur^yfi^^ l'ignorance , attendu qu'on ne peut aller jus- ^ '^^*^ y ^^ qu'à Dieu, fans entrer dans ces ténèbres, où Pofuit il dit lui-même qu'il a établi fa demeure, J^'^f^»^" pour nous inltmire qu on ne le peut connoi- lum tre qu'obfcurement , & en l'ignorant. C'eft fuura. ce qui m*a fait croire, que fans préjudicier à



480 DISCOURS CHREfTIEN

la certitude que nous avons humainement de rimmortalité de nos Ames, je pouvois fou* tenir dans la dernière partie de ce Difcours, que nous étions obliges d'avoir récours fur cela aux vérités révélées , auprès desquelles toutes nos afTurahces humaines ne paroiflent que des doutes; puisqu'il n'y a point d'incon- vénient que la fcience, & même l'opinion^fe rencontrent fur un même fujet avec la foi, pourvu qu'elles fe fervent de divers moiens. La icience fait voir la certitude d'une chofe par l'entremife de nôtre railbn , qui n'^it guéres fans contradidion ; la Foi l'établit par une autorité Divine, qui ne peut-être déba- tuë. Que 11 on me dit qu'il n'en eft pas ainfi à l'égard des Infidèles , Se qu'on me demande comment on les pourra donc convaincre fur ce fujeti Je réponds que nous nous fcrvirons de nos démonftrations qui Ibnt très bonnes, & très capables de les perluader , s'ils fe veu- lentrcndrc à laraifon; mais que s'ils s'opi- niâtrcnt à lui refifter , nous prierons Dieu qu'il leur ouvre les yeux de l'entendement que l'ennemi de leur ialuc leur tient fermés, afin que reconnoiflant la certitude de nos ar- gumens, ils fe rendent dignes de celle que nous donne la Foi , qui cft un préfent du Ciel. N'eft - ce pas la voie que nous tenons

pour


DE L^MMORT. DE L'AME. 481

pour leur faire comprendre la Trinité, Plncar- nation du Verbe, & la Rélurreftion ou Immor- talité de nos corps ? La Foi n'a pas feulement le don d'infaillibilité, elle a encore cet autre d ctrc beaucoup plus illuminée que laNature, nique laPhiloibphie, C'eft pourquoi il faut y avoir recours, quand nous ne ibmmes pas iliffifam- ment éclairés de celle-là, afin qu'elle achève de diflipcr nos ténèbres fpirituclles. D'ailleurs fi le Jiigedoit avoir quelque lupcriorité iiir celui qui cft jugé, d'où vient, que Vives a dit, qu'il faudroit avoir-une Ame lUpcricure pour bien juger de celle dont nous traitons j il ibmble, qu en unions beaucoup meilleur nous ne pou- vons mieux faire que de rémettre au Jugement de Dieu, & aux Arrêts du Ciel, la dccilion de nôtre Immortalité. Cette déférence refpe- dhieuie lui fera (ans doute très agréable; &c je croi môme, qu'elle nous peut aider à mériter une heureufe éternité, dans laquelle le Jufte doit vivre par le moicn de la Foi. S'il m'étoit pourtant arrivé d'avoir ici, ou ailleurs, écrit la moindre chofequi lui fut contraire, je ibumets le tout aux corredions de FEglile, & renonce dès à préfent jusqu'à la plus petite dieT:ion qu el- le pourroit improuver. Mais je ne penlèpas avoir été ii mal-heureux, puisqu'on complai- fant à mes amis, qui ont requis de moi ce pe-

Tome III. Part,!. H h



48» COROLLAIRE

tit travail, je n'ai eu autre deffein que ^e pro- fiter à quelques perfbnnes qui n'auront pas eu k loifir de méditer ff avant iur cette matière, que nous avons fait quelquefois. H efl vni; que je me fuis encore propofédeliiivrele confeil du plus favant des Romains, qui ditau commencement de lesRufticitcs, que nous devons imiter la Sibylle, écrivant des chofes qui puifTent fervir même après la mort C'eft une penfée digne de Varron, & ce me femble, de Tlmmortalité.

COROLLAIRE

AU

PRECEDENT DISCOURS.


r


[l y a peu de perfonnes qui vivent de forte,

que leurs adions ne fe reprochent rien les

unes aux autres. Mais il y en a encore

moins, dont les penfées aient cette égalité &

cette correfpondance, qui eft la pierre de

touche de la plus haute Sageffe. C'eft ce qui

fy.î2o, Ç^it dire à Seneque, quil ne trouve rien de

fi difficile, que detrc toujours un même

homme, & qu'il n'en voioit point qui neût

Lik I. quelque choie de l'humeur de ce Tigellius

^'S' du Poète Latin, dont toutes les funtlicMis


AU PRETCEDENT DISCOURS. 483

Soient fi fort discordantes^ qu'elles ont four- li de fujet à une fort belle Satyre. Or entre toutes les in^Iitës, dont nôtre humanité peut être capable, il n'y en a peut être point de plus extravagante que celle qui don* [lera lieu à ce petit Corollaire, où je répon* drai à ceux qui ofent bien fe dire Chrétiens^ & former néanmoins des doutes fur le fujet que nous traitons de l'Immortalité de l'Ame. Dic^ene fe moquoit de ceux de Mégare, leur difant, qu'ils bâtifToient des Palais comme pour des hôtes immortels, & fe comportoient en leurs repas, comme s'ils eulTent dû mourir dès le lendemain. Mais il y a bien plus de-

3uoi s'étonner de ceux, qui faifant profcflion 'une Religion qui ne peut fubfifter, fi l'Ame n'eft immortelle, ne laiffent pas de vivre* & de parler comme s'^ils étoient perfuadés du contraire. A la vérité nous ne pouvons pas douter, que les Saducécns ne crufTent dans Matth. l'ancienne Loi l'Ame mortelle, puisque nous*^** ^'* le voions fi expreffémcnt dans l'Evangile, & dans les Aftes des Apôtres. Car Saint Paul^S.caj. fe trouvant en un grand péril de fa vie dans Hierufalem, parmi une multitude de Juifs, dont une partie fuivoit la Sedle des Pharifiens, & l'autre celle des Saducéens, il s'avifa de leur dire, qu'étant Pharilien, & fils d'un pe-

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484 COROLLAIRE

re de même créance, on le periecutdt i caufe de fa Foi, & de la réibrreâion des morts qu'il profeflfoit. Cela lui concilia k faveur des premiers contre la grande haiœ desSaducéens, dont la do(%îne n'admettoit ni la Rélurreinjon, ni les Anges, ni efprit aucun, comme porte le texte du vint-troifié- 1. 1^' ont. me chapitre. Et nous apprenons de celui de ^'J^,^*^'*Jofephe, qu'il dût avoir parce moientout de beUo le peuple pour lui, parce^que les Fharifiens 7ttd.c.^.^çxi étoient rendus les maitres, comme les Saducéens avoient quafi toute la Noblcffe & tous les riches pour eux. Mais il eft aifc de remarquer dans le mcmc Auteur, ce qui donna la hardicflc aux Saducéens de fuivre une Ti étrange opinion 5 quand il dit, qu'ils ne recevoient aucune doclrine qui ne fût for- mellement comprife dans les livres de Moï- fe, ni Loix quelconques que les fiennes: Au contraire des Pharificns, qui gardoient beaucoup de traditions , les obîèrvant aufli exactement que le rcAe. Ces premiers donc s'étant imaginé, qu'il n'y avoit aucun texte de ce grand Législateur, qui dit ex-r prcflément, que TAme de l'homme étoit immortelle, encore qu'il y en eût affcs, comme nous le verrons tantôt, qui bien cn^ tendus la leur dévoient faire croire telle, ic


AU PRE:CEDENT discours. 48Ç

ifférent emporter à cette prodigieufe ab- irdité , de maintenir qu'elle ctoit corporelle

pcriffable. Ils donnèrent pour cet efFet

îs interprétations violentes, & métaphori- jcs, lëlon le ftyle de tous les Hérétiques, beaucoup de palTages du Pentateuche qui ifoient contre eux, ainû que nous avons

jà obfervé ; & ils prétendirent, que tou-

s les peines & les récompenles qui s'y 3ient, étoient temporelles, fans qu'il y eût en de réfervé pour une autre vie. Voilà le fondement de l'héréfie Sadu- •cnne, lequel, tout mineur qu'il eft, ne Duvant être pris par un Chrétien, puis- Li-il y a mille endroits ex[irès dans le nou- îau Teftament qui montrent nôtre immor- lité, je luis perdu d'étonnement, quand ipprens qu'il ne laiffe pas de le trouver des Dmmes parmi nous, qui font encore dans n 11 brutal aveuglement. Ce n'cft pas qu'il e me ÎTouvienne aflcs de ce que Grégoire de Cap. i^. ^ours écrit au dixième livre de fon Hiftoire, e la peine que lui donna un Prêtre de fon ^ tocelë,qui nioit abfolument la RéforrecHion 53. morts. Mais, comme dit ce bon Pré- t, c'étoit un vrai Saducéen, quoiqu'il fit rofeflion du Chriftianisme ; & nous voions )r la fin de leur conférence, que lespalla*

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'^giesdu nouveau Teftamentirédui firent c«  , incrédule à donner les mains, promettant de ' ne plus douter d'un fi important article de Fqî. Que s'il faut trouver quelque principe^ (& donner la moindre apparence de niibxi i une fi glande impieté, voici vrai-femJ>kbli» ! ' nient le prétexte qu'ont pu prendre quelque Jfi^. Chrétiens, Le fi^ond Concile de Nic^

  1. «.;. qui eA le ^feptiéme Oecuménique, ^nu

^' nen deux cens ans depuis Grégoire* do Tours, rapporte ropinion d'un Jean Thdfc lonie y qui foùtenoit, que les Anges & les Dé- mons, aufli bien que nos Ames, étoienc toutes fubftances corporelles. Or k Cou* die, qui vouloit feulement confinner ï'iilà* ge des Images, ne condamne pas fi nette- ment cette opinion, quelle n'ait peut«êcre été mal prife par quelques-uns. Outre cela beaucoup de Saints Pères, comme Saint Ba» file. Saint Athanafe, Saint Jean Damafeene^ Saint Hierôme, Se afTés d'autres, ont dît quelquefois, que TAme raifonnablè étoit oor- porelle ; ce qui doit être entendu p«r obm- paraifon à la très pure & très fimple eiTenca Divine, auprès de laquelle toute autre fub- ftance paroit grofliére & comme matérielle. Ces grands perfonnages ont audi parié ftxh vent de la forte, pour réfuter l'hérâie de


AU PRETCEDENT DISCOURS. 487

beaucoup de GnoAiques, Manichéens & Pris- cillianiOes , qui vouloient que nôtre Ame fût une parcelle de la propre fubftance de Dieu. Car pour leur ôter une fi vaine pen- iëe de la divinité de nôtre être, ils Font re- porté le plus qu'ils ont pu vers les chofes ca- duques & corporelles; comme ceux qui pour rédreffer un arbre courbé, le ploient de Fautrc côté, & lui baillent beaucoup plus d'inclination contraire qu'il n'en doit avoir. C'eft néanmoins apparemment ce quia don- né la hardiclTe aux impies, d'alTûrer par des maximes Péripatédques la mortalité de nos Ames, puisqu'elles étoient corporelles, bien qu'aucun des Percs ne les eût jamais pronon- cées telles pour en tirer une fi dangëreule confequence, & que (Tuppoiànt même ce qui n'eft pas) quand ils auroicnt été de ce ientiment, ils fe fuflent bien empêchés de les conclure mortelles pour cela, puisque laPhi- lofophied'AriAote ne les empêchoit pas d'ad- mettre la Réfurrec^ion des corps, & que tous les pallages du Vieil & du Nouve u Tefta- ment que nous allons rapporter, étabUflent fi apurement nôtre immortalité,

Commençons donc à les convaincre par les autorités d'un texte, dont ils conviennent avec^ nous, & qu'ils coofeflent être infaillible puis- qu'il eft divin.


f I. Ce qui èft écrit 'dès le commencementèlî^ Oy.i. k Genelè, que Dieu forma Thomme à Ella .V rcffcrtibknce, coûckit neceffairemeat pour h fon immortalité, puisqu'il û*y auroic point ji d'apparence d'interpréter cette rcffemblance ^ la figure extérieure , comme nous TavoDS plus amplement fait voir dans nôtre vint-hui* tiéme Syllogisme. IL Et bien que les Saducéens ne fe laifTafTeot pas pcrfuad^ par ce qui efl porté au chapitre jfèoond , que Dieu fouffla dans ta face d'Adam m clprit de vie j il eft ce que Saint Deuh, Saint Ambroife, Saint Auguftin, les trais Saints Gr^oires, & tous les Doâeurs dfc l'E* glife qui ont interprété cet endroit > aiaiit unanimement convenu, que cet erprit vital de* voit neceflairement participer de Tlaifflortali- té de celui qui le fouffloit, il me feinble, qtie . tout Chrétien raifonnable doit maintcsDanc ac- quiescer à un fi général fentimenté m. Le chapitre trenteièpticme n'eft pas moins ^ exprès, lorsque Jacob prefle de douleuTy fur ce qu'on lui avoit dit la mort de (on fib Jo- feph, & ne voulant point recevoir de coflib^ ladon, uie de ces termes: Non, hon, je veux, que ces pleurs m'accompagnent, jus- qu'à ce que j'aille là bas aux Enfers trouver mon pauvre fîls Joleph. Car encore que ks'

Samaritains


AU PREfCEDENT DISGOlTRS. 489

Samaritains & les Saducéens voululTent, que « mot des Enfers fignifiât fimplepieiit le fe- lulcre, & non pas le lieu plus bas, ou ces K)ns Patriarches alloient attendre la venue lu Fils de Dieu : fi eft-ce que c*ctoit une nauvaife interprétation, & d'autant moins ecévable, que Jacob étant perfuadé, que Ion ils avoit été mangé par quelque bête iàuva- pe, félon qu'on lui avoit rapporté fa robe oute fanglante, il ne pouvoit pas dire ni s'i- m^ner^ qu'il s'iroit rejoindre dans un même ombeau avec lui.

Les paroles du troifiéme chapitre de l'Exo- IV. le, où Dieu dit à Moife, Qu'il eft le Dieu ie fon père , d'Abraham , d'Ilàac &: de Jacob, ont fi formelles pour l'Immortcihté de nos \mes, que le même Dieu deicendu du Ciel m Terre s'en cft iervi pour confondre les Sa- lucéens, fur le fujct de la Réfurredion.ilf/ifr/i. Car, leur difoit-il, ceux qui font morts en-^- ^-- ^ dérement ne peuvent pas avoir un Dieu, qui ^cap!^ti n'eft réconnu que des vivans ; Et par confe- quent Abraham, Ifaac &. Jacob n'étoient pas morts tout-à-fait, lorsque Dieu parloit ainfi à Mdle, bien qu'ils- fuflent décèdes il y avoit longtems. Surquoi Saint Marc dit, que les Juifs trouvèrent que Jesus-Chrisï avoit fort bien parlé j & Saint Matthieu, quetou-

TomiUL Part.l H


490


COROLLAIRE





SacScri. L 4- C. Jl.


VI


ihiiL L 2 cap, 17.


VIL Cap.^,


te raflcmblée demeura étonnée de fa ne- Et quoique Maldonat ait écrit d peu, que cet argument lui icmbloit Iculetnea probable, li cft ce que rautorité de celui iyû s en eft Ibm le rend tout-à-tait neceffaire.

L'évocation de leiprit de Samuel parues - Magicienne dans le premier livre des Roi», ôtc toute forte de doute, que T Ame nelulï- fiftc après la Icparation du corps , bien quelques-uns, & même Saint Augiiftin, voulu dire, que cetoit le Diable qui fous la figure de Samuel.

Mais Tadion miraculeufe du Prophète Elic, qui fit rentrer i'ame déjà fortie du coipsdc ce jeune enfant, pour confoler la bonne fc» me deSarepta la mere^ félon que porte k dix-fçptiémechapitî'cdu troifiéme livre des Rois, ne peut être éludée par aucune iaccr* prétation,vu même que ça été ropinioneofn' „mune de tous les Hébreux, qu'il vèquitfi ,,long-tems depuis, que c eft lui qui fut nom- „mé le Prophète Jonas, & qui fonk du veû- „tredclaBalcne.

Eliféc reffultite encore le fils de laSunatoi' te dans le quatrième livre de la mônieHiftoi- re des Rois, & il faut les tenir tous pour apo- cryphes, ou, tombant d'accord de ta * • '*" de ces miracles, reconnoitre llmmcj


AU PRETCEDENT DISCOURS. 491

le nos Ames; pmsqoequaiidilapIûàDieu^ lUes font revenues informer les mentes corps [u'elles avoient abandonnés."^

La foi de Job cft fi exprelle au chapitre dix- yni leuficme^ à l'égard même de la réfurredion le Ton corps, qu'on ne peut pas douter de ce lu'il penfoit de Ton Ame. Et quand il con- lamne aux Enfers les mal-vivans^ au chapi- re vint-uniéme, & qu'il y dit du méchant, ffe ai Iqmlcra ducettity &* in congerie mor» liorum vigilabity il s'en eft expliqué aufli net-, ement qu'on fauroit faire.

Tous les Interprètes ont entendu par ccsdc )aroies de David, exihit fpiritus ejusy (f re- fertetur in terramfuam^ que l'Ame au par-

ir de ce monde retourne au Ciel, qui eft (à

Taie patrie.

Celle de rEcclefiaftc en fon dernier cha-X. )ître, ihit homo in domum aternîtatis Ju^y né )euvent être autrement expliquées ; riî ces autres qu'il tient un peu après, exaggerant lô iemier moment de nôtre vie : Que la pouf- [iere dont l'homme eft compofé, retourne à a terre de qui il la tenoit, & que Ion efprit lille à Dieu qui le lui avoit donné.

Apres les blasphèmes des impies portés au XL Second chapitre de lu Sageffe de Salomon, lous en voions la condamnation au même

li ij



492


COROLLAIRE


  • lieq y Se aux trois autres chapitres fuivans, oii

' il eft dit, que les Ames des Jufles font en h ^V'J' main de Dieu, n'y aiant que les infeniés qui croient qu'ils meurent tout-à-fait.

XII. Les propos des pécheurs y font rapportés tels qu'ils les tiennent en Enfer, & nous y ap- prenons que les gens de bien doivent vivrt

Gip.j.perpetuellén(lent, jouïflfant des recompenfes -dont Dieu a promis de reconnoitre leurs bon-


nes œuvres.


xm. Ifaïe s'écrie, vivent mortui fui y interfeBi Cap. 26. ^j^^^ refm-genty & il donne avis aux morts de fe tenir pour un peu de tems dans leurs logis, appellant ainfi leurs fcpulcres, jusqu'à la ve- nue du Seigneur.

XIV. Eicchiel voit prophétiquement au milieu ^^' ^7- d'une campagne une multitude infinie d'ot

femens qui fe révêtoient de muscles, de nerfe . & de peau i en fuite dequoi l'efprit qui les avoit animes eft rappelle, & les fait révivre.

XV. Daniel protefte, que ceux qui donnent ^P' '*• dans la pouffiere de la terre, s'éveilleront

pour jouir les uns d'une vie éternellement heurcuiè, & les autres d'une toute contraire. X}7' Ce vieillard de quatre vints dix ans Eléa- cap, 6. '^-^^y ^^"^^ mieux perdre la vie, que de man- ger de la chair de porc contre la Loi de Moï-


AU PRETCEDEXT DISCOURS. 455


parce, dit-il, que qumd îem\ prélèntement du l'uppliœ des hrir^Tcs Bt ne pourrois pasëiîcer ni vif, ni mer:: ii ■nain duTout-puilIant.

Saloraone mère des Machabées 'csr t> r-^ Icphe nous apprend qu'elle s"appeîîo!î stsfi; "^ •"" ie confble de la mort de Tes fept cnËtnS; qu'el- le accompagne volontiers de k fiense, iîir cette coniidération, que celui qui leurr.t» à tous donné l'ciprit qui les fiôlbit vivre, le leur rendrait un jour lâns doute, pmsqu'An- dochus ne les en privoit, que pource qulk étoient religieux observateurs des CcMnmaii- demens de Dieu.

£t Judas auffiAIadiabée envc»e douze mil- XVilL le drachmes d'ofirande au Temple de Hkru- ^' ^ (alem, pour l'expiation des pèches de ceux qui avoient été tués à b guerre; éonrloùé d'une fi (kinte <5c fi réligieufe penfée de la rc- furrection des morts Je de nôtre immortali* té , fans laquelle Ion ac'tion eut été fuperâui & ridicule.

Ce font les principaux pailles du viefl Teftament, ^t on Te pouvoit Ibrvir contre es Juifs de Samarie, & ceux de HieruUlem (ui fui voient la Seck de Sedec, pour leur nontrer, que la f^aration des deux parties

li iij


4M


COROLLAIRE


qui nous eompofem, n'étoit pas un ané f<?mcnr parfait de notre être. Et bien oot' çcsK cexre<5 n'aient pas moins d'autorité àli gijtl des Chrétiens 5 puisqu'ils leur font m pareille véncradon j li e(Vce qu on peut è re, qu i! y en a tant d'autres dans la nouvcBç Xxii) qui nous donnent une û parfaite aS rance de notre immortalité, qu'au défaut même des premiers on ne peut pas avoir k moindre Icrupule du contraire, fi la privation totale de la grâce du Ciel ne nous avoit ^ fièrement précipités dans un iens réprouva

Car qui peut voir dans S. Matthieu I "'^ fion des Apôtres, & comme nôtre Sc- ieur donne entre autrçs pouvoirs et reflblciier les morts, fans réconnoitrc It vc- rite dont nous parlons ? Vu même T^iw qu ils rccevoient de lui au même lieu, de oe pas appréhender ceux qui tuant le corps n'ont aucun pouvoir fur nôtre Ame ; mais de craindre feulement celui qui a le pouvoir de faire fouffrir l'une & l'autre partie.

Comment fubfifteroit la réfurreclion du

• Lazare dans S. Jean chapitre onzième ; cel- le de la fille du Maitre de la Synagogue dans

• S. Marc chapitre cinquième ; & cette autre de 1 enftnt d'une veuve, lequel on portoit

» en çerro dans la ville de Naïm> en Saint Luc



AU PRE^CEDENT DISCOURS 49f

diapitre feptiéme^ firAmefcpaicedDOOfps n*érôit plus rien?

Le dernier Jugement du Fils de Dieu, dont parle S.Mattfaieu au chapitre vim^inquiéme, 5- S. Jean dans le chapitre dnquiéaie, i Saîncc Marthe au chapitre onzième du même ETaii- gelifte, ne fera donc qu une inventioo piei^ & une vaine terreur qu on nous aura voulu donner d'une chc^e qui ne peut être?

Tout ce qui eft écrit du Taradis, & tant de belles Paraboles rapportées par œlui qui cft la Vérité même, pour nous ezi^îquer Tétat *• du Roiaume des Cieux, feroient à œ oompcit d'aufli peu de confidénttion qae les plus lé- gères (ables du Gentilisme. - Les discours d'Abraham an mauvaisRi- 7- èhe,qui vdt leLazaredans le feinde ce grand Patriarche, n'auroient pas [dus de fimdemcoL La promelTe de nôtre Redemteur au hoolma^t^ Larron, de le recevoir ce lour-làd^ms Ton ^ ^ radis, feroit une pure tromperie. Et quand il dit, comme vrai homme qu'il étoit, àDioi (on Père, qu'il lui recommande, & lui re- met Ton e^rit entre les mains; il Eiudrok entendre cda d'une autre £ioon que toute 9- l'Eglife ne l'a pris ; Se interpréter de même métaphoriquement fk Réfurrection, avec tout ce quà y a dopluslàint dans nôtre Râî-

li iiîj



49^ \ c6roillaire : - .

r.«{CW'.gjon. Car, comme ditS.Pai)^, files morts

•*• ne reflfufcitent point, ce qu'ils n'ont gatde

' ^^ de faire fi rAm««ft môrteUei Jeius-Chrift

^ ficf>eut pas être re&t&Aé; & fi ainfi eft, k

Foi du Chriftianisme eft la plus vaine diôlè

dumonde^

C^r^^.I^Ai^ des Apôtres ne. pounx^ p« 

r être plus autentiques, & on fesOit partiofr

liérement oUigé d'en raier le grand minidé

."' de$.PiQfredansJafib> où il fit révivre cette

femme Dorcade, qui étoit fi bien mdrt^

qu'elle avoit été déjà lavée, félon cequife

pratiquoit aux funérailles de ce tems-là. De

Â)rte qu'il y auroit plus de vrai- iëmblance

dans la fable d'Andromède délivrée parPèr-

içç en ce même lieu, puisqu'au moins eUe

a été fondée fur des marques ou appareil

Ces de chaincs, qui fe voioient encoœ da

^^ ^ems dejofephe, dans quelques rodiers de

Âi.c^. ce rivage.

Finalement les Epitres des Apôtres, &

i2t. notamment celles de Saint Paul, devroient

être rejçttces, vu qu'il parle fi expre0ëmenc

13. aux Romains de la vie étemelle ; auxPhi-

Op^jXfj. lippiens & ThelTaloniciens de la Ref iirreétiga

des morts ; aux Hébreux de la Cité du

14* Ciel, & de nôtre demeure future, n'en ttont

Cap. 4. point d'arrêtée ici bas ; en la première aux


AU PRECEDENT DISCOURS. 497

Corinthiens de ceux qui ie failbient bâdrer i$.Capjs pour les morts { & en la féconde de Ton m- viffement au troifiéme Ciel, le doute qu11i6. forme fi ce fut fans fbo corps, ou avec luî,£?^' "' étant un témoignage qu'il ne doutoit point que l'Ame rfen pût être féparée. Ainfi tout ce qui efl forti de ce facrc vafe d'éle- âion toumeroit plutôt à fcandale qu'à édifi* cation, & en un mot le fondement du Chri- flianisme ne ieroit appuie que fur Timagintf- cion fauffe d une Immortalité, dont Dieu ne nous auroit pas rendus capables.

Bon Dieu que de blasphèmes contre nos Autels, & que de crachats lancés vers ït Ciel, pour expliquer une impieté que nous avons montré dans nôtre premier Discours être entièrement déraifonnable, Se que nous avons crû être obligés de combattre en fuite dans cet appendice par les autorités de la Bi^ ble, afin que s'il iè trouvoit encore quelques Chrétiens à qui il reftât le moindre foupijoft de la mortalité de nôtre Ame, comme étanc corporelle félon quelques paffages des Pères mal entendus, ils demeurent pleinement convaincus, je ne dirai pas feulement d'hé* réfie, notais de pure démence. Car les Païens ont bien pu donner quelque couleur à cette folle opinion ^ ielon que nous l'avons


ÇOO COROLLAreE AU PRECED. DISC

fônncment cent: iar ce fondcmcac de Vlfi mortalitc de TAmc* Il faadroit traii^ leurs livres d'un bout à Tâutre, fi on en vc loit rapporter tous les paflâges qui mont cette doctrine ; & ce leroit un travail i feulement exceflif pour ce lieu, mais qu*^ jiigeroit encore peut-être de peu d'uiili^ Car nous venons de faire voir toutes les i torités, ou peu s'en faut, de rEcriturc Sainli dont ils fe font fervis pour établir ce princ pe ; & quant aux raifons Phyfiques ou M raies, dont ils font Quelquefois appuie, ne ne penfons pas, qu ils en aient gtiéresdonj) qui ne foient compriies dans nos treote-troS Syllogismes. Ceci J uftira donc pour le def fcin de ce petit Corollaire,





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