Quelques questions que je me suis faites sur la sculpture  

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Diderot's text quelques questions que je me suis faites sur la sculpture (English: some questions I have asked myself on sculpture) appeared in Salon de 1765, see Essais sur la peinture and Diderot's art criticism.

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De quelques questions que je me suis faites sur la sculpture , la première , c'est : Pourquoi la chaste sculpture est pourtant moins scrupuleuse que la peinture , et montre plus souvent et plus franchement la nudité des sexes.

C'est , je crois , qu'après tout elle ressemble moins que la peinture; c'est que la matière qu'elle emploie est si froide, si réfractaire , si impénétrable ; mais surtout , c'est que la principale difficulté de son imitation consiste dans le secret d'amollir cette matière dure et froide , d'en faire de la chair douce et m;olle; de rendre les contours des membres du corps humain ; de rendre chaudement et avec vérité ses veines , ses muscles , ses articulations , ses reliefs, ses méplats , ses inflexions, ses sinuosités; et qu'un bout de draperie lui épargne des mois entiers de travail et d'étude : c'est que peut-être ses mœurs , plus sauvages et plus innocentes , sont meilleures que celles de la peinture; et qu'elle pense moins au moment présent qu'au temps à venir. Les hommes n'ont pas toujours été vêtus; qui sait s'ils le seront toujours?

La seconde , c'est : Pourquoi la sculpture , tant ancienne que moderne , a dépouillé les femmes de ce voile que la pudeur de la nature et l'âge de puberté jettent sur les parties sexuelles, et l'a laissé aux hommes?

Je vais tâcher d'entasser mes réponses , afin qu'elles se dérobent les unes par les autres. La propreté, l'indisposition périodique , la chaleur du climat , la commodité du plaisir , la curiosité libertine , et l'usage des courtisanes qui servaient de modeles dans Alliènes et dans Rome ; voilà les raisons qui se présenteront les premières à tout homme de sens; et je les crois honnes. Il est simple de ne pas rendre ce que l'on ne trouve pas dans son modèle. Mais l'art a peut-être des motifs plus recherchés ; il vous fera remarquer la beauté de ce contour , le charme de ce serpentement , de cette longue, douce et légère sinuosité qui part de l'extrémité d'une des aines , et qui s'en va s'abaissant et se relevant alternativement , jusqu'à ce qu'elle ait atteint l'extrémité de l'autre aine; il vous dira que le chemin de cette ligne infiniment agréable serait rompu dans son cours par une touffe interposée; que cette touffe isolée ne se lie à rien , et fait tache dans la femme ; au lieu que , dans l'homme , cette espèce de vêtement naturel , d'ombre assez épaisse aux mamelles , va s'éclaircissant , à la vérité , sur les flancs et sur les cotés du ventre ; mais y subsiste , quoique rare, et va , sans s'interrompre , se rechercher elle-même plus serrée , plus élevée , plus fournie autour des parties naturelles. Il vous montrera ces parties naturelles de l'homme, dépouillées, comme un intestin grêle, un ver d'une forme déplaisante.

. La troisième : Pourquoi les anciens n'ont jamais drapé leurs figures qu'avec des linges mouillés?

C'est que , quelque peine que l'on se donne pour caractériser en marbre une étoffe, on n'y réussit jamais qu'imparfaitement; qu'une étoffe épaisse et grossière dérobe le nu que la sculpture est plus jalouse encore de prononcer que la peinture; et que, quelle que soit la vérité de ses plis , elle conservera je ne sais quoi de lourd qui , se joignant à la nature de la pierre , fera prendre au tout un faux air de rocher.

La quatrième : Pourquoi le Laocoon a la jambe raccourcie plus longue que l'autre ?

C'est que , sans cette incorrection hardie de dessin , la figure eût été déplaisante à l'œil ; c'est qu'il y a des effets de nature qu'il faut ou pallier ou négliger. J'en apporte un exemple bien commun et bien simple , dans lequel je défie le plus grand artiste de ne pas pécher contre la vérité ou contre la grâce. Je suppose une femme nue assise sur un banc de pierre; quelle que soit la fermeté de ses chairs, certainement le poids de son corps appliquant fortement ses fesses contre la pierre sur laquelle elle est assise , elles boursoufileront désagréablement par les côtés et formeront par derrière , l'une et l'autre , le plus impertinent bourrelet qu'on puisse imaginer. Mais est-ce que l'arrête du banc ne tracera pas à ses cuisses , en-dessous , une très-profonde et très-vilaine coupure ? Que faire donc alors ? Il n'y a pas à balancer j il faut ou fermer les yeux à ces effets , et supposer qu'une femme a les fesses aussi dures que la pierre , et que l'élasticité de ses chairs ne peut être vaincue par le poids de son corps, ce qui n'est pas vrai ; ou jeter tout autour de sa figure quelque draperie qui me dérobe en même temps et l'effet désagréable , et les parties de son corps les plus belles.

La cinquième , c'est : Quel serait l'effet du coloris le plus beau et le plus vrai de la peinture sur une statue ?

Mauvais , je pense. i°. Il n'y aurait autour de la statue qu'un seul point oii ce coloris serait vrai. 2°. Il n'y a rien de si déplaisant que le contraste du vrai mis à côté du faux 5 et jamais la vérité de la couleur ne répondra à la vérité de la chose. La chose , c'est la statue , seule , isolée, solide , prête à se mouvoir : c'est comme le beau point d'Hongrie de Roslin , sur des mains de bois ; son beau satin si vrai , sur des figures de mannequin. Creusez l'orbite des yeux à une statue , et remplissez-les d'un œil d'émail ou d'une pierre colorée ; et vous verrez si vous en supporterez l'effet. On voit même , par la plupart de leurs bustes , qu'ils ont mieux aimé laisser le globe de l'œil uni et solide , que d'y tracer l'iris, et que d'y marquer la prunelle ; laisser imaginer un aveugle , que de montrer un œil crevé : et , n'en déplaise à nos modernes, les anciens me paraissent en ce point d'un goût plus sévère , qu'ils ne l'ont.

La peinture se divise en technique et idéale j et l'une et l'autre se sous-divise en peinture en portrait , peinture de genre , et peinture historique. La sculpture comporte à peu près les mêmes divisions j et de même qu'il y a ^es femmes qui peignent la tête , je ne trouverais point étrange qu'on en vît paraître incessamment une qui fît le buste. Le marbre , comme on le sait , n'est que la copie de la terre cuite. Quelques uns ont pensé que les anciens travaillaient , d'abord , le marbre ; mais je crois que ces gens-là n'y ont pas assez réfléchi.



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