Système social  

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"On prétend que le sauvage est un être plus heureux que l'homme civilisé. Mais en quoi consiste son bonheur et qu'est-ce qu'un Sauvage ? c'est un enfant vigoureux, privé de ressources, d'expériences, de raison, d'industrie, qui souffre continuellement la faim et la misère, qui se voit à chaque instant forcé de lutter contre les bêtes, qui d'ailleurs ne connaît d'autre loi que son caprice, d'autres règles que ses passions du moment, d'autre droit que la force, d'autre vertu que la témérité.."--Système social (1773) by Baron d'Holbach

English translation:

"It is claimed that the savage is a happier being than the civilized man. But of what does his happiness consist and what is a Savage? He is a vigorous child, deprived of resources, of experiences, of reason, of industry, which continually suffers from hunger and misery, which sees itself at every moment forced to fight against animals, which moreover knows no other law than its whim, no other rules than its passions of moment, no other right than force, no other virtue than temerity."

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Système Social, ou Principes naturels de la morale et de la Politique, avec un examen de l'influence du gouvernement sur les mœurs (1773) is a book by Baron d'Holbach.

An English translation of the title reads: "The Social System ; or Natural Principles of Morality and Politics."

Excerpt

On prétend que le sauvage est un être plus heureux que l'homme civilisé. Mais en quoi consiste son bonheur et qu'est-ce qu'un Sauvage ? c'est un enfant vigoureux, privé de ressources, d'expériences, de raison, d'industrie, qui souffre continuellement la faim et la misère, qui se voit à chaque instant forcé de lutter contre les bêtes, qui d'ailleurs ne connaît d'autre loi que son caprice, d'autres règles que ses passions du moment, d'autre droit que la force, d'autre vertu que la témérité. C'est un être fougueux, inconsidéré, cruel, vindicatif, injuste, qui ne veut point de frein, qui ne prévoit pas le lendemain, qui est à tout moment exposé à devenir la victime, ou de sa propre folie, ou de la férocité des stupides qui lui ressemblent.

La Vie Sauvage ou l'état de nature auquel des spéculateurs chagrins ont voulu ramener les hommes, l'âge d'or si vanté par les poètes, ne sont dans le vrai que des états de misère, d'imbécillité, de déraison. Nous inviter d'y rentrer, c'est nous dire de rentrer dans l'enfance, d'oublier toutes nos connaissances, de renoncer aux lumières que notre esprit a pu acquérir : tandis que, pour notre malheur, notre raison n'est encore que fort peu développée, même dans les nations les plus civilisées.

[...] Les partisans de la Vie Sauvage nous vantent la liberté dont elle met à portée de jouir, tandis que la plupart des nations civilisées sont dans les fers. Mais des sauvages peuvent-ils jouir d'une vraie liberté ? Des êtres privés d'expériences et de raison, qui ne connaissent aucun motif pour contenir leurs passions, qui n'ont aucun but utile, peuvent-ils être regardés comme des êtres vraiment libres ? Un Sauvage n'exerce qu'une affreuse licence, aussi funeste pour lui-même, que nuisible pour les malheureux qui tombent en son pouvoir. La liberté entre les mains d'un être sans culture et sans vertu, est une arme tranchante entre les mains d'un enfant.


Full text

Page 2 ....22421..............SYSTÉM ES O CIA L.OUPRINCIPES NATURELS,DE LA MORALE.........:Ет::.-..-DE LA POLITIQUEAVEC UN EXAMEN. DEL'INFLUENCE DU GOUVERNEMENTSUR LES MEURS..*-.Diſcenda virtus eft; ars eft bonum fieri; erras fi exifti-mas vitia nobiſcum nafci;fupervenerunt, ingejta funt.SENEC. EPIST. 124.S*.... .-..-:".....TO ME SE CON D.....---............L O N D RE S;MDCCLXXIV..................... Page 3 withSYSTÊME SOCIAL:PREMIERE PARTIE.PRINCIPES NATURELSDE LAPOLITIQUE.DGOSAssSSOSSSSSSSSS. CHAPITRE I.De la Société. Du Pacte Social. Des Loix,De la Souveraineté. Du Gouvernement.:........T'IGNORANCE, l'erreur, le préjugé, le dém.La faut d'expérience, de réflexion & de pré-voyance, voilà les vrayes ſources du mal moral.Les hommes ne fe nuiſent à eux-mêmes & nebiettent leurs affociés, que parce qu'ils n'ont pointd'idées de leurs vrais intérêts; ils ne vivent enfociété, que parce qu'ils y ſont nés ; ils font atta-chés à la Société par une habitude machinale;très peu fe font demandé à quoi elle leur eſtutile; ils jouiſſent de les avantages, pour ain-fi dire, à leur infçu, ils en fouffrent les incon-......A 3. Page 4 HERLES..PLSRIN..........: -2"LE3SYSTEMEvéniens fans en démêler les cauſes. Rien de plusrare que des hommes qui ſe donnent la peinede réfléchir ſur la nature, le but, les effets dela Société ; ſur les droits qu'elle a fur eux; furIcs droits qu'ils ont ſur elle. Le Pacte Socialqui lie les aflociés les uns aux autres, aing qu'autout dont ils ſont membres, eſt entiérementig:ioré de ceux qui font faits pour l'obferver.Si quelques penſeurs en ont quelques idées va.gues & confuſes, beaucoup d'autres ne le re-gardent que comme une chimere. En un motl'objet qui devroit étre le plus intéreffant poureux, eft communémest celui que nous voyonsle moins connu des citoyens.PLUSIEURS cauſes ont contribué à retenirjes hommes dans l'ignorance à cet égard. Ondiroit en général que la réflexion eſt péniblepour eux ; leur parelle naturelle auſſi bien queleurs occupations, leurs amuſemens, la diffipa-tion, l'amour du plaiſir, les empêchent de médi.ter ou de remonter aux principes des choſes : ilsde fentent guere l'intérêt qui pourroit les yporter ; ils trouvent bien plus court de le laiſſerguider par l'autorité qui fouvent, aveugle elle-mène, les prive de lumieres & les égare.LA Religion, comme on a vu , perpétuello-jent occupée des merveilles inviſibles d'un au-tre monde, ne donne point fon attention à cequi fe paffe ſur la terre. Ses principes, commeon l'a prouvé, tendent plutôt à diffoudre qu'àreſſerrer les liens de la Société : elle ne regardece monde que comme un paſſage peu digne d'ar.Têter les yeux des mortels qui, ſuivant ſes ma-ximes, ne font placés ici - bas que pour ſe pré-parer à une vie future, qu'elle leur montreSOCIAL CHAP. I.tomme bien plus importante pour eux que leurbonheur actuel. Des Chrétiens parfaits ne con-noiffent d'autre patrie que le ciel ; pour mériterd'en devenir un jour citoyens: ils doivent ſedétacher de tous les objets qui pourroient lesdétourner de leur chemin ; ils doivent quitterperes, meres, parents, amis, concitoyens & fo-ciété, pour ſuivre la route ténébreuſe que leurtracent les guides chargés de leur conduite du.tant leur pélérinage ici - bas. .UNE politique aveugle, guidés par des intémTêts très contraires à ceux de la Société, ne ſouf.fre pas que les hommes s'éclairent ni ſur leurspropres droits, ni ſur leurs vrais devoirs, ni ſurle but de l'aſſociation qu'elle traverſe trop fou.vent. La Société devenue communément le jouetdes caprices & des paſſions de ceux qui la goumvernent, ne renferme que des membres diviſés,qui n'ont aucune connoiſſance des motifs faitspour les unir entr'eux & les actacher au corps.Ainſi, la Société devient dans les mains de ſeschefs, une machine dont les mouvements fecontrarient, & qui n'a d'autre tendance que celale que lui donnent les volontés partageres deceux qui s'en emparent. La plupart des ſociétésreflemblent à des vaiffeaux, dont la conduite eftconfiée à des pilotes dépourvus d'expérience qui,au lieu de les conduire au port, les font échouercontre des écueils où ils périffent eux-mêmes.Si tout homme tend au bonheur, toute fo.ciété fe propoſe le même but; & c'eſt pour êtreheureux que l'homme vit eu fociété. Ainſi, laSociété eſt un affemblage d'hommes réunis parleurs beſoins, pour travailler de concert à leur :conſervation & à leur félicité commune.. .is. . .A 4 :"****.***.**1.11.FEME Page 5 SERBETE.t...S Y S TEME- LA Société, comme nous l'avons remarqueei-devant, a des droits légitimes ſur ſes memebres par les avantages qu'elle leur procure: chaque citoyen fait avec elle un pacte tacite qui,pour n'étre pas rédigé par écrit ou clairementénoncé, n'en eſt pas moins réel. Pour exercerdes droits fur fes membres, la Société leur doitJa juſtice, la protection, des loix qui aſſúrentleur perſonne, leur liberté, leurs biens : ellas'engage à les garantir de toute injuſtice ou vio:lence, à les défendre contre leurs paffions rénciproques, à les mettre à portée de travaillerfans obitacles à leur bien-être propre faus pré.judice de celui des autres; à placer chacun ſousJa fauve-garde de tous, pour le faire jouïr enpaix des choſes qu'il poffede ou qu'il a juſtement acquiſes par fon labeur, fes talens, ſoninduſtrie. ....iiiii ... . . . . .VOILA les conditions fous leſquelles touteaffociation raiſonnable s'eft formée; voilà furequoi l'autorité de la Société peut légitimementfe fonder. Chaque citoyen, pour ſon proprebonheur, s'oblige à s'y foumettre, & à dépen.dre de ceux qu'elle a rendus les dépoſitaires de fesdroits & les interprètes de fes volontés. ....D'AFRÈS ces conditions, chaque citoyen aca:quiert des droits ſur la Société qui, pour fa confervation propre, eſt obligée d'être fidelle å fes:engagements. En vue de ces avantages, le citomayen de ſon côté s'engage à être juſte ; à fubor.donner ſes intérêts perſonnels à ceux de la Sumciété ; à foumettre fes volontés à la fienne; à ladéfendre de toutes les forces ; à lui facrifier laportion de ſes biens néceſſaire à la conſervacion& à la proſpérité de tous ; à la ſervir de les ta.SOCIAL. CHAP. I. : : 9Tents, de ſesalumieres, de ſes facultés ; à ne poingtroubler fes aifociés dans leurs poffeffions ; à lesmaintenir de tout fon pouvoir ; à coopérerfeion fes forces à la proſpérité générale dont lalenne dépend. Dès qu'il remplit fidèlement cesengagements, la Société ne peut fans injuſticepriver le citoyen du bonheur qu'elle s'eſt enga-gée à lui procurer.La Société étant compoſée d'un grand nombred'hommes dont les volontés diverſes, les paf-lions diſcordantes, les intérêts oppoſés, les lu-miéres bornées, ne peuvent produire que du tu-multe & du défordre , & les empêcher d'agir deconcert, eſt obligée de remettre ſes droits à unou à pluſieurs citoyens que, dans l'idée qu'ellea de leur expérience, de leur prudence, de leurstalens , de leur probité, elle charge de parler enfou nom, de gouverner pour elle, d'exprimerles intentions, de régler la conduite de ſes mem-bres, de veiller au bonheur, à la protection, àla ſûreté de tous, de les obliger à remplir leursengagements. Si la Société doit la juſtice, la li.berté, le bonheur à ſes membres fidèles, ceuxqu'elle rend dépoſitaires de ſon autorité ne peu.vent être que les exécuteurs de ſes intencions,& ne peuvent ſe diſpenſer de ſatisfaire aux con-ditions auxquelles elle a dû s'engager elle-même;'d'où il ſuit que jamais une ſociété n'a pu conte-rer à fes chefs ou repréſentans le droit d'être in.jultes, de la ſoumettre à leurs propres caprices,de nuire à ſes membres à qui elle doit elle-mêmequité, liberté, ſûreté. Le Souverain n'eſt quele gardien & le dépolitaire du Contract Social ; ilen alt l'exécuteur ; il ne peut point acquérir ledroit de l'anéantir ou de le violer. . .!A!wa wiki. Page 6 . ... .. .cSoi NhatoSYSTEMESOCIAL. CHAP. I. 11LE Gourcrnement eſt la ſomme des forces de Les loix naturelles , ſur leſquelles on a tant1a Société dépoſées entre les mains de ceux qu'ele écrit & diſputé, font celles qui découlent im-lc a jugé les plus propres à la conduire au bon. médiarement de la nature de l'homme, indépen.heur. D'où il fuit évidemment qu'un Souverain damment de toute aſſociation, ou. qui font font-n'eſt pas le Maître, mais le Miniſtre de la Socié dées ſur l'eſſence même d'un être qui fent, quité, chargé de remplir ſes engagements envers cherche le bien & fuit le mal, qui penſe, quiles citoyens, & muni du pouvoir nécefaire raiſonne , qui déſire inceſſamment le bonheur.pour obliger ceux-ci à remplir les leurs.La Société, n'ayant pour but que de rendreLES volontés de la Société s'expriment par les l'homme plus heureux qu'il ne feroit tout ſeul ,loix. La Loi eſt une régle que la Société preſcrit& le Gouvernement n'érant fait que pour rem-aux citoyeus, en vue de la conſervation & duplir ſes engagements avec ſes membres, il ſuitbien-être de tous. La légiſlation ne doit avoir de-là que les loix de la nature ne peuvent êtrepour objet que d'indiquer aux hommes raffemblésni abrogées ni ſuſpendues dans l'état ſocial,en ſociété, ce qu'ils doivent faire ou ce dont qui ſans cela priveroit l'homme de ſon bien-êtreils doivent s'abſtenir pour le maintien d'une af. au lieu de le lui procurer. En devenant membreſociation Décesſaire à leur propre félicité. Les loix d'une ſociété , l'homme ne change point de na.font des déciſions de l'intérêt , de l'expérience, ture, il ne cherche qu'à ſatisfaire plus aiſémentde la raiſon du corps, contre l'intérêt perſonnel les beſoins de fa nature.ou les pallions aveugles des membres..Les loix civiles ne ſont donc que les loix na-Si tous les hommes ayoient de la prudence, de turelles appliquées aux beſoins, aux circonſtan-l'expérience & de la raiſon, ils n'auroient beſoinces, aux vues d'une ſociété particuliere ou d'u-ni de loix, ni de légiſlateurs, ni de ſouveraiņs ne nation. Ces loix ne peuvent contredire cellespour vivre en fociété. L'autorité des Souverains de la nature , parce qu'en tout pays l'homme eftfur leurs ſujets ne peut être fondée que fur la toujours le même, a les mêmes déſirs , maisſupériorité de talents , de lumiéres, de vertu, varie dans les moyens de les fatisfaire.que la Société ſuppoſe à ceux à qui elle confie leQUELQUE nom qu'on leur donne, les loix nedroit de parler en ſon nom. Tout légiſlateur eſt peuvent jamais anéantir, ni les droits naturelsl'organe de la volonté générale ; fes loix font jul de l'homme, ni les devoirs de la Morale : ellestes & bonnes, quand elles font conformes à la font faites pour affûrer les droits juſtes du cito-nature de l'homme , au but de l'allociation , à yen, & pour l'obliger à fe conformer à ſes de-l'intérêt de la Société, à ſes circonſtances actuel-voirs. Toute loi qui priveroit l'homme de la li-les : elles ſont injuſtes & mauvaiſes, quand elles | berté, de la ſureté, de la propriété, ſeroit injuf-font contraires au bonheur de l'homme, au bien te ; ce n'eſt que pour jouir plus ſûrement dede la Société , uniquement favorables à l'intérêtces avantages, qu'il vit en ſociété, & ſe ſoumetparticulier , oppoſées aux circonltauces où elle | * des loix.fo trouvecm -20.!....sim..SEDa. G- Nhachc****- LGSAAT Page 7 SYSTEMELes loix pénales ſont celles qui puniffent lecitoyen, quand il a violé la loi. En refuſant d'obéir à des loix juſtes, il rompt fes engagementsavec la Société; conſéquemment il la dégage desfiens; il devient l'ennemi de ſes aſſociés, ils ontle droit de le punir, ou de le priver du bien.étre auquel il n'a droit de prétendre qu'autautqu'il est fidele au Pacte Social.Une loi injuſte ne peut jamais coriférer aucunsdroits : il n'y a qu'une loi juíte & conforme à lanature de l'homme en ſociété, qui puile donnerde vrais droits. Ce que la loi permet le nommelicite, ce qu'elle défend fe gomme illicite. Toutce qui eſt licite ii'ctt juſte, que quand la loi eitjulte. Les loix fonc injuſtes & inſenſées, toutesles fois qu'elles permettent ce qui eft nuiſible, &défendent ce qui eft utile à la Société. (1) Ricede plus inſenſé, dit Cicéroil, que de regarder colilame jilj. es toutes les choſes qui ont pour elles la finne-tion des loix o! les lijfremtes des peuples. Si l'on f011-doit des droits ſur les volontés ciri Periple, jier losédits des Princes, filx les ſentences des Juges, lebrigandage ſeroit ien droit , l'adultere feroit 11 droit,forger un teſtament ſeroit in droit, pour peu qire ces@ 10:15 erillent l'approbation de la multitude. Enetiet, tout légiſlateur ou tout peuple deviendroitmaitre de créer & le juſte & l'injuſte. Eh' quelferoit le tyran qui ne ſe feroit pas des droits àSOCIAL CHAP. 1. 13 .lui-même, s'il n'en coûtoit qu'une loi pour ac.. .quérir des droits !L'L'on nomme loix fondamentales celles qui dans. .ics nations ſervent de fondement & de ritre àPautorité ſouveraine , & qui font réputées lesvolontés des peuples, rélativement à la manie-te dont ils déſirent d'être gouvernés. Rien deplus embrouillé que ces loix ; il n'eſt aucun paysJoù l'on puiffe diſtinctement reconnoître les vraieslimites du pouvoir des ſouverains, & les droitsque la ſociété a prétendu ſe réſerver à elle-même.Les ennemis de la liberté des hommes fe fontprévales de cette obfcurité , & les tyrans s'enfont des titres pour opprimer. Dans une matie-re fi intéreſſante, tout eſt vague, équivoque,indéfini; la fagacité la plus exercée peur à pei-ne déméler le ſophiſme du vrai, l'uſurpation dudroit, la violence de l'équité. Les jurifconful-tes les plus habiles ont été ſouvent les dupes des ipréjugés les plus vulgaires ; ils ont à tout mo-ment confondu la force, l'uſage, la poſſeſſionavec le droit ; ils ont regardé comme des titrespour les Princes, des uſurpations que les Peuplestrop foibles n'avoient pu empêcher : ils ont rare-ment oſe remonter juſqu'aux principes de toutdroit & de toute autorité. Mais de ce qu'un Sou. ..verain a la force de faire le mal impunément ,s'enſuit-il qu'il a le droit de mal faire ? De ce queles ancêtres auront pendant pluſieurs ſiècles exer-cé la tyrannic, fans que perſonne ait oſé les ar-réter ou les punir, doit-on en conclure qu'il a ledroit de continuer ?Dans les démélés qui s'élevent quelquefois en-tre les Souverains & les Sujets, l'on a commu.mément recours à l'hiſtoire , pour chercher dans...........SBR..",.....(1) Illud flultiffimuin exiftimare omnia jufta effe quæ fcitufini in populorum inftiruris O legibus. Si Populorum juf's,Piscipum decretis, Jifententiis Iudicium jura conſtituerentiisjus efie's latrocinari, jus adulterare , jus teftamenta falfa felpeFunere, fi hæc fuffragiis au ſiis multitudinis prohatuntur.VOYEZ Cicer. DE LEGI E U S.....::.. -........":WWE Page 8 .:.'..Seriei.SYSTEME .. SOCIAL CHAP. I. IEles déciſions & les coutumes anciennes de la nai qui lie la Société à ſes membres. Soit que lestion, des exemples ou des faits propres à régler conditions du Pacte des peuples avec leurs Chefeſes jugements : mais ces histoires , ſouvent dicaient été clairement exprimées & conſervées danstées par la crainte & la flatterie, ou faute de mo.! des monuments antiques, ſoit qu'on n'en trou.numents, diſſimulent la vérité, altérent les cir. ve des veſtiges nulle part, elles font toujours lesconſtances, ou ne les préſentent que ſous un ! mêmes. Un Souverain légitime ne régne que defaux point de vue. Les hiſtoriens ne nous moula l'aveu de ſa Nation ; dès qu'elle lui obéit, c'eſttrent par-tout que des combats continuels entre dans l'eſpoir de jouïr du bonheur par fon moyen.des Souverains tendants au deſpotiſme, & la liber. Dès qu'il commande en ſon nom , il n'a pas leté des Peuples faiſant des efforts pour ſe défen droit d'ordonner rien de contraire à ſes inten-dre : dans cette lutte perpétuelle, tantôt l'un a lations. Les hommes raffemblés en ſociété n'obéiſ-deffus , tantôt l'autre vient à bout de remporterſent à l'un d'entr'eux, que dans l'idée d'êtrequelque avantage. Şous des Princes foibles & til plus heureux qu'ils ne ſeroient ſans lui ; & cemides, les Nations arrachent quelquefois des tia chef, quelque nom qu'on lui donne, ne peut ja-tres favorables à leurs juites droits ; fous des mais acquérir le droit de les rendre malheureux,Princes actifs & puilants, elles ſont privées da ni même de négliger leur bonheur. (2)Icurs droits les plus inconteſtables.Il ſubſiſte donc évidemment entre les peuplesCe n'elt vi à l'hiſtoire, ni à l'uſage, ni à des & leurs chefs un Pacte dont les articles doiventexemples, ni même à des conceſſions ou chartres, I être conçus à-peu-près en ces termes. „Engagezque l'on doit recourir dans des queſtions de ce yous à nous bien gouverner, c'eſt-à-dire àgenre; c'eſt à l'origine de l'autorité fouveraine; » veiller à notre ſûreté, à nous procurer le bien-c'eſt aux droits inaliénables des nations ; c'eſt à la „ être, à nous garantir de toute oppreſſion ; &raifon; c'eſt à la juſtice éternelle; c'eſt à l'inté. nous nous engagerons de notre côté à vousrer des nations dont le bonheur fait toujours la obéir, à vous honorer, à nous occuper de vo-loi ſupréme.tre bien-être & de votre ſûreté. Si vous ne nousLES incertitudes fi fréquentes où nous jette , faites jouïr d'aucuns biens, vous nous ſerez in.l'hiſtoire, quand il s'agit d'examiner les droits différent. Si vous ne nous faites que du mal,des Souverains ſur les Peuples, & des Peuples ſur ,, nos engagements ſeront nulsz. c'eſt vous qui lesles Souverains, ont fait croire à bien des gens | 1, anéantirez vous-même. Si vous nous faites.que les loix fondamentales, dont on parloit fans- | », endurer des maux inſupportables, nous vousceile & que l'on ne trouvoit établies. nulle part, L, déteſterons, nous vous traiterons en ennemi.etoient de pures chimeres, ainſi que le Contract , Si nous fommes trop foib les pour lecouer vo-Social qui lie réciproquement les Souverains & tre joug, nous le porterons en frémiilant, vousles Sujets. Cependant il eſt évident que ce Pacexe, fondé en nature, exiſte, & qu'il eſt le même1 ) Poseta Regis eft poteftas Legis; poteftas juris, non injurie.YorzZ BRACTON DE LIGID: ANGLIA,.: Page 9 16..SYSTEME,, aurez un ennemi dans chacun de vos eſclavesse fa...; ,, & vous ſerez à chaque initant obligé de trem.,, bler fur ce trône dont vous ne ſerez qu'un in.s juſte ufurpateur.": Si Ics contracts des nations avec leurs chefs.ne ſe trouvent pas dans l'hiſtoire, qui n'elt tropfouvent que le régiſtre des violences & des ufur:pations du Princes, ils exiſtenc du moins dansjes cerurs de tous les hommes , qui n'ont jamaispu copfenrir de plein gré à l'exercice d'un pouvoir qui les rendit malheureux, & qui tendit à laſubverſion de la Société. Lorſque des peuplesfauvages ſe font choilis des chefs, ils ont fuppofé que ces chefs plus expérimentés qu'eux, leuriprocureroient des avantages , s'ils n'ont pointfongé à faire un pacte avec eux, c'eſt qu'ils neprévoyoient pas qu'il viendroit un teins où ceschefs les opprimeroient eux-mêmes ou leur portérité. Des nations , ou plutôt des hordes guer-ricres, n'ont pu d'ailleurs limiter le pouvoir desleurs commandants, parce que la diſcipline mili-taire exige un pouvoir fans bornes dans celui quiordonne, & une obéiſſance fans bornes dans celui qui obéit. Mais quels que ſoient les motifs quiont empèché un peuple de ttipuler fcs intérés,le pouvoir illimité d'un Souverain , pour étre juf-te, n'eſt que le pouvoir de travailler au bien pu.blic de la façon qui lui paroit la plus convenable.Pour lors la Société, pleine de condance dans lestalents ou les belles qualités de ſon chef, n'a faitque lui donner carte blanche, mais n'a pu ni voulul'autoriſer à mal faire, & encore moins conférerà fes fucceileurs le droit d'abufer contre elle de laconfiance qu'elle a montrée.:.LE ſiècle pailé nous fournit l'exemple fingulier |d'unSOCIAL. CHAP. 1. Id'une nation qui, par un vou preſqu'unanime, feſoumit expreflément au pouvoir illimité de ſonMonarque , & par un acte folemnel lui déféra.une puiſſance abſolue. (3) En conclura -t-onque ce peuple a prétendu conſentir que ſon founverain exercât la tyrannie ? Non, ſans doute ,ce fut évidemment pour ſe fouſtraire à la tyran-nie de leurs nobles infolents, que les Danois con-férerent à leur Monarque un pouvoir plus étenduqu'il n'avoit auparavant, afin qu'il pût en impo..fer à ces tyrans multipliés, dont ils éprouvoientdepuis longtems les injuſtices.Le pouvoir illimité , dit Locke , n'eſt ſuivantla raiſon que le pouvoir de procurer le bien pum,blic fans réglements & fans loix. (4) Le mêmeAuteur remarque que ſouvent les meilleurs Prin-ces, en s'attirant par leurs vertus la confiance deleurs ſujets , leur onc fait un tort véritable, vůque ceux-ci , ſéduits par leurs bonnes qualités ,leur ont adjugé des prérogatives & des droits ,dont leurs ſucceſſeurs moins équitables ont indi.gnement abuſé. Ces derniers ſe ſont prévalus, pourfaire le mal, du pouvoir qui n'avoit été accordéa leurs prédécefleurs, que pour faire plus libre-nient le bien. Le pouvoir abſolu, ou ce qu'on ap.pelle le Deſpotiſme , feroit , dit-on , un gouverne-ment admirable entre les mains d'un Trajan, d'unTitus, d'un Marc Aurele; mais un pouvoir exercépar un homme de bien, qui ſe conforme aux re-gles de la juſtice & de la raiſon, n'eſt plus unDeſpotiſme, & ne doit pas être déſigné fous cenom déshonoraut. . ; : : :!!!:.(3) Les Danois en 1660.,(4) Voyez Locke, Eſai ſur le Gouvernement..AARHU STome 11.B Page 10 1819SYSTEM ELes partiſans du Deſpotiſme ( car, à la hontedu genre humain, ce brigaudage a des fauteursne manqueront pas de prétendre que ce ne futprefque jainais le choix libre des nations qui pla-ça les Souverains ſur le Trône ; qu'ils ont pourl'ordinaire ſoumis les peuples par la force, &que ce fut par droit de conquête qu'ils régnerentſur des hommes ſubjugués à qui, pouvant les ex-terminer , ils ont laiffé la vie , & qui par conſé-quent, bien loin de leur preſcrire des loix , fe fontvus forcés de recevoir celles qu'ils voulurent leurimpofer. En un mot, on ſuppoſe que des peuplesréduits en eſclavage, n'ont pu faire aucun pacteavec leurs fuperbes vainqueurs.. On conviendra fans peine que la plupart desgrands Empires ont été formés par la conquête ;ce qui prouve ſeulement que les Fondateurs deces Empires ont été des voleurs , des brigands,des fléaux du genre humain ; la violence, le meur.tre & le carnage ne furent jamais des moyenslégitimes d'acquérir. Celui qui ne commande qu'àdes eſclaves , ne commande qu'à des ennemis , quiont droit d'oppoſer la juſtice & la force, à l'in-juſtice & à la force. La Juſtice , dit un Pere del'Egliſe , briſe les fers injuftes (5). Il eſt vrai quedes malheureux , ſubjugués par le fer & la flam-me, n'ont guere pu ſtipuler avec leurs Conquérants farouches; mais ils ont pu leur dire : ,, 110usavons été les plus foibles ; nous avons cédéà la force ; mais ſi jamais nous devenons less plus forts, nous vous arracherons un pouvoir» ulurpé , lorique vous ne vous en fervirez queSOCIAL CHAP. 1.in pour notre malheur. Ce n'eſt qu'en nous faiſantdu bien, que nous conſentirons à oublier lestitres infames par leſquels vous régnez ſuri nous. Notre conſentement feul peut faire de,, nous des citoyens ſoumis , & de vous des Sou.verains légicimes. La vie que vous nous avezlaiſſée n'eſt qu'un préſent funeſte ; ſi elle n'eſt» deſtinée qu'à nous faire languir dans la capti., vité.Il n'y a que le conſentement libre & ſubſéequent des peuples', qui puiiſe légitimer le pouvoiruſurpé d'un Conquérant. Mais les peuples ne peu.vent donner ce conſentement que ſous la condi.tion d'être bien gouvernés. La conquête , ditLocke, eſt aulli peu l'origine le fondement desEtats, que la démolition d'une maiſon et la vraiccauſe de la conſtrution d'une autre.NON-ſeulement la violence ne peut pas con:férer le droit d'exercer le deſpotiſme, mais mê.me le conſentement libre & paſſager d'un peuplene peut pas rendre légitime cet abus du gouver-nement. On nous dira vainement qu'on ne faitancun tort à celui qui conſent. (6) Rien de plusfaux que cette maxime ; elle autoriſeroit à despouiller les enfans, les perſonnes yvres ou en demence, ou à tuer les malades dans le tranſport.Quand même on ſuppoſeroit que des nations ontpu conſentir autrefois à ce qu'on exercât ſur el.les le deſpotiſme; quand même elles fe feroient,par des actes ſolemnels , livrées aux caprices d'unmaítre abſolu, tous ces titres , arrachés par laléduction, ou accordés par le délire , ne peuventnullement lier la poſtérité. Un bon Pere doit..there.-.-.-is.-.---.(s) Injuſta vincula rumpit juftitia:YOYEZ S, AVQUSTIN SERM. 814(6) Volenji non fit injurja;.riiВ 2;-.no.V...VIENA Page 11 wer20SYSTEM E!tranſmettre ſon bien à ſes enfans après lui, il nepeuc fans injuſtice livrer ce bien à la rapacitéd'un tyran. Si les ancêtres ont la folie de ſerendre elclaves, ils n'ont pas le droit de rendreeſclaves leurs deſcendants , qui auront toujoursle droit de briſer leurs chaînes , quand ils enauront le pouvoirLa ſuperltition, toujours ennemie de la liberté& du bonheur des habitans de ce monde, a viſiablement travaillé à les rendre malheureux, enforgeant des titres aux Deſpotes & aux Tyrans.Dans l'idée de fonder leur pouvoir uſurpé ſurune baſe inacceſſible aux regards des mortels , lesSouverains abſolus ne prétendent-ils pas n'avoirjamais reçu leur pouvoir de leurs nations , ne letenir que de Dicu ſeul, & n'être comptables qu'àlui de leurs actions ? N'eſt-ce pas évidemmentoutrager un Dieu qui, s'il exiſtoit, devroit êtrerempli de perfections , de juſtice & de bonté,que de le fuppofer l'auteur & le protecteur d'unepuiſſance injuſte & qui opere évidemment le mal-heur des Etats ? N'eft-ce pas anéantir toute mo-rale , que d'allurer qu'un pouvoir qui détruittoute loi , toute équité, toute vertu , eft approuvépar le ciel ? Un Souverain parjure n'annonce-t-ilpas par la conduite qu'il ſe nioque également &des Dieux & des hommes ?Pour derniere reſſource, on nous dit que laPuiſſance Souveraine s'eſt formée ſur le modelede la puiſſance paternelle qui paroît illimitée.Mais l'autorité paternelle peut-elle donner le droitde tyranniſer, de tourmenter, de dépouiller , dedétruire des enfants. Cette autorité , pour êtrejulte, doit être fondée ſur les avantages , les ini-tructions , les foins qu'elle donne aux êtres quiSOCIAL CHAP. I. :..21lui font foumis. La tyrannie d'un père doitêtre ſupportée par un fils vertueux , mais cettetyrannie n'en eſt pas pour cela plus julte & plusraiſonnable. D'ailleurs les Rois ne ſont point lespères des Peuples, les Peuples ſont les pères desRois , & ceux-ci ne font que trop ſouvent desenfants dénaturés , qui méconnoiilent les juſtesdroits de ceux qui les ont fait ce qu'ils ſont , quiles nourriſſent , qui travaillent à leur bonheur,qui ſe dévouent pour eux. Malgré les orgueil.leuſes prétentions des Defpotes & les ſophiſmesdes flatteurs qui veulent enchaîner les peuples àleurs pieds, il eſt évident que ce ne font pas lesRois qui font les Nacions, mais que c'eſt le con.ſentement des Nations qui fait les Rois. UneNation peut fans Roi être très-bien gouvernée ,mais un Roi ne peut ni exiſter ni gouverner fansNation. Les prérogatives, le pouvoir , les droitsne peuvent ſe changer en loi, que quand ils fontfondés ſur la volonté de la Société, ſur l'équité,ſur l'utilité générale. Ainſi une nation ne peutjamais empiéter ſur les droits de ceux qui la gou-vernent ; leurs Chefs n'ont d'autres droits queceux qu'ils reçoivent de la volonté générale oudu conſentement de la nation , qui ne peut , nirenoncer à ſes propres droits , ni être privée dudroit inaliénable de reſſerrer le pouvoir, ou derégler la conduite de ceux qu'elle choiſit pourla guider au bonheur. i. Ces maximes peu conformes , peut-être ;aux prétentions des tyrans, n'en font pas moinsconformes à la nature de l'homme, aux droitsde la Société, aux loix de l'équité, à la droiteraiſon , à l'intérêt général des Peuples, qui s'acoscordent à nous prouver que le but invariable deB3 :consisterea.....: .:.+c Page 12 22 : SYSTEMEla Société doit être de rendre fes membres heu.reux , de ſe conſerver elle-même , de vivreſous des loix équitables , de jouir de la liberté,de la ſûreté, de la ropriété. Ce n'eſt qu'enprocurant ces avantages à la Société , que legouvernement peut etre légitime , & que ceuxqui gouvernent peuvent jouir cux-mêmes d'unvrai bonheur, d'une puiſſance folide , d'une gloirevéritable. En un mot, les intérêts des ſouverainsne peuvent jamais fans danger ſe ſéparer de ceuxde leurs ſujets. .De tous les principes répandus dans ce cha.pitre, il ſuit évidemment que le Pacte Social , la"légiſlation, le gouvernement, la- politique n'ontdans le vrai d'autre objet, que de faire obſerverles devoirs de la morale aux hommes raſſembléspour leurs beſoins communs. Les vertus focia.les ne ſont , comme on a vu , que les diſpoſitionsque doit avoir tout homme qui vit en ſociété.C'eſt pour jouir de la juſtice , des bienfaits , desfecours , de la protection des loix, des fruits deſon labeur, de la tranquillité, de la ſûreté, quel'homme vit en fociété. La Société lui doit ceschoſes tant qu'il ſe montre fidèle à remplirſes engagements envers elle : le gouvernement &les loix font faits pour les lui allurer. Tout gou-vernement injuſte ou qui néglige & corrompt lesmæurs, briſe efficacement les liens faits pour unirentr'eux les hommes aſſociés, anéantit le Con-tract Social , travaille à la deſtruction de ſon pro.pre pouvoir.: D'ou l'on voit que la morale ne peut , ſans leplus grand danger, ſe féparer de la Politique, quieſt l'art de gouverner les hommes réunis en fo-SOCIAL. CHAP. I.. :ciété. Elle ne doit être , comme tout nous le prou.vera par la ſuite, que la morale appliquée au gouinvernement des Etats.GOUVERNER , c'eſt maintenir , protéger &guider au bonheur une Société ; ce qui ne peutavoir lieu fans faire concourir tous ſes membresà l'utilité générale, & ſans réprimer les paſſionscapables de nuire à la félicité de tous. D'où ilfuit que le gouvernement n'a pour objet que d'ex-citer les hommes réunis en Société à exercer en-tr'eux les régles dont la morale leur fait ſentir lanéceſſité pour leur propre intérêt. .!!. .En un mot, la Politique eſt la morale desNations. L'objet de la Politique intérieure eſt defaire obſerver les loix, tant naturelles que poſiti-· ves ou civiles, néceſſaires au maintien de l'ordredans la Société particuliere. L'objet de la Poli-tique extérieure eſt de maintenir entre les nations,les loix de la nature , à l'aide d'un équilibre depuiſſance qui les empêche d'enfreindre les reglesde l'équité, d'empiérer ſur leurs droits récipro-ques, de violer les devoirs de la morale , deſtinéségalement & pour les peuples , & pour les ci-toyens d'un même Etat.OZNATI....В 4Сң А.**"-3N.-....-- Page 13 JETE.*..!4v1· 24 :SYSTEMESSSSSSSSSSSSSSSSSSSCHAPITRE IL..Origine des Gouvernemens ; de kurs formmes diverſes : de leurs avantages destinodéſavantages : de leurs réformes.own commemoration that there.....so many great.promotion....SOCIAL CHAP. II. 25deviennent ainſi leurs Légiſlateurs, leurs Ora-des, leurs Prêtres, leurs Juges, leurs Rois, &quelquefois même les objets de leur culte.LA Religion , fondée ſur la crainte des puif-fances inviſibles auxquelles l'homme ſe croit fou-mis, date communément du tems ou les peuplesétoient plongés dans l'ignorance & la barbarie.C'eſt par la Religion que tous les Légiſlateursfont parvenus à dompter les fauvages dont ilsvouloient ſe former des ſujets. Les terreurs re.ligieuſes font en effet très propres à rendre ſou-ples & dociles , des hommes ſimples & crédules,dépourvus encore de raiſon, de prudence & deréflexion. En donnant des religions à des fau.vages, les légiſlateurs ont pris la même méthodeque fuivent encore les meres & les nourrices,quand elles menacent de quelque plantôme lesenfans mutins dont elles ne peuvent faire ceſſerles caprices & les cris. Mais ces moyens ima-ginés pour contenir ou ſubjuguer des fauvages,qui font de grands enfants, n'ont plus la mêmeforce ſur l'eſprit de l'homme que la raiſon & l'ex-périence ont rendu moins crédule, & dès-lorsmoius timide. Les paffions, les affaires, le tu.multe, les diſtractions & les plaiſirs des fociétésnombreuſes & policées, affoibliffent peu-à-peu.les idées religieuſes & rendent plus foible leurinfluence ſur les maurs. Pour lors la religion, sinmépriſée de ceux qui raiſonnent, n'eſt plus qu'une .affaire d'habitude pour le vulgaire qui ne rai-lonne jamais, & n'en impoſe qu'à quelques hom-mes qui ont conſervé la crédulité & la ſimplicitéde leurs ancêtres fauvages.· Une horde voiſine attaque une ſociété naiffan.te; celle-ci prend pour chef l'homme le plus in-..T Es Nations, de même que tous les individusLa de l'eſpece humaine , paffent par des âges& des états divers; leur premier état eſt une for-te d'enfance : partagées en familles , en hordes ,en petites ſociétés éparſes, vous les voyez ertan-tes, fais demeure fixe , deſtituées d'arts & d'in.duſtrie , chercher péniblement par la chaſſe &la pêche de quoi fubfiſter , & preſqu'auſfi peu· raiſonnables que les bétes , leur faire une guerre.continuelle. Voilà l'état ſauvage dont nous avons-ſuffiſamment décrit les miſeres. . .pi Le hazard amene chez nos Sauvages des étran--gers fortis de nations plus éclairées : ces nou-veaux hôtes rapprochent les unes des autres lesfamilles ou hordes qui vivoient ſéparées, leurapportent des arcs utiles ; leur enſeiguent l'agri-culture; leur apprennent à prévoir les beſoins,leur donnent des Dieux, des cultes, des loix queces hommes groffiers acceptent fans raiſonner :en faveur des bienfaits qu'on leur fait éprouver ,ils ſe livrent de plein gré à des perſonnages in-ſtruits, expérimentés, qu'ils trouvent capablesde les rendre plus heureux , & qui dès lors leurparoiſſent ou des amis des Dieux, ou des êtresfort au-delſus de la giature humaine. Ceux - ci.......tra. Page 14

.........-.-tyran.NE".SOCIAL. CH A P. II. 27SYSTEME:: Gouvernement Populaire ou la Démocratie s'elttrépide ou le plus expérimenté qui, à la tête de formée.quelques citoyens , repoulle l'invalion ennemie. BIENTÔT le peuple qui ne raiſonne quereComme lcs attaques ſont fréquentes, toute laqui ne diſtingue nullement la liberté de la licen-Société dans l'origine eſt guerriere, elle eſt gou-Icc, fe vit décliiré par des factions : étourdi , in-vernée conime un camp , lon gouvernement etconſtant , imprudent, impétueux dans ſes pal-militaire. Sou chef la mène à des conquêtes , &110175 , ſujet à des accès d'enthouſiaſme , il devintfubiugue par ſon moyen les hordes ou nations l'inſtrument de l'ambition de quelque harangueurd'alentour qu'il réduit en fervitude, & dont ilou chef qui s'en rendit le maitre & bientôt lediſtribue les terres & les dépouilles à fes guer-riers. C'eſt ainſi que peu-à-peu ſe font formés L'HISTOIRE nous prouve qu'en matiere de gou.les grands Empires, les vaſtes Monarchies ; voi. pernement, les nations furent de tout tems leslà l'origine du Deſpotiſme, du Pouvoir abſolu, jouets de leur ignorance, de leur imprudence,de la Tyrannic qui ne purent s'établir & ſe main-de leur crédulité, de leurs terreurs paniques ,tenir que par la violence (7).& ſur-tout des paſſions de ceux qui furent pren-FATIGUÉS à la longue des excès de leurs ty.dre de l'aſcendant ſur la multitude. Semblablesrans , quelques peuples fc révolterent contr'eux;à des malades qui s'agitent fans-ceffe dans leurparvenus à ſe défaire d'un pouvoir accablant,lit, faus y trouver de polition convenable, lesils le partagerent entre pluſieurs citoyens diſtin-peuples ont louvent changé la forme de leursgués par leurs talens , leurs vertus, leurs richeſ.gouvernements ; mais ils li'ont jamais eu, ni leles : ceux-ci devinrent par-là les repréſentans depouvoir, ni la capacité de réforner le fond, dela nation, les dépoſitaires de ſon autorité, leremonter à la vraye ſource de leurs maux ; ils ſefouverain collectif. Voilà ce qui fit naître levirent fans-ceffe balotés par des paſſions aveu.Gouvernement Ariſtocratique.gles. Cette fluctuation n'eſt dûe qu'au défaut deLes magiſtrats de l'Arittocratie ayant louvent prudence & de lumieres. Cet état inquiet neabuſé de leur pouvoir & s'étant érigés en tyrans,peut ceffer , que lors que les nations plus éclai-lc peuple, uſant de ſes droits, reprit la puiſſancerées reconnoîtront que l'homme n'eſt pas faitfuprême , & ſe flatta qu'il ſe gouverneroit bienpour régler le fort des hommes; que l'abus futmieux lui-même, qu'il ne l'avoit éré par des chefs& ſera toujours à côté du pouvoir ; qu'obéir àprévaricateurs , dont il avoit éprouvé les in des hommes, c'eſt obéir à des paifions, des vices,juſtices, & les diffenfioits. Voilà comment ledes fantaiſies ſujectes à varier ; que pour être(7) Le mot Tyran, adopté par les Grecs & les Ro- |bien gouvernés, les peuples ne doivent obéirmains eſt originairement, un mor Celtique ou Scythe quiqu'à la juſtice , dont les regles font invariables,déſigne celui qui diſtribue des terres. Chez les Grecs le mot & qui feule peut fixer avec préciſion les bornesTwparros délignoit un citoyen qui avoit ufurpé la ſouveral du pouvoir de ceux qui gouvernent, & les droitspeté d'une ville ou d'un pays librede ceux qui font gouvernés.'W"..='W:27:

Page 15 nendee28SYSTEMEDes ſpéculateurs ont longtems difputé pourdécouvrir quelle pouvoit être la forme du gou.vernement la plus avantageuſe pour un Etat, oula plus propre à procurer ou maintenir la félicitépublique. Ils n'ont fans-doute pas vu que tou.tes les formes étoient parfaitement indifférentes.pourvu que des loix fenſées, foutenues par toutela force de la Société, continflent également leschefs, pour les empêcher d'abuſer du pouvoir,ou les ſujets pour les empêcher d'abuſer de laliberté. Un bon gouvernement eſt celui où per-ſonne n'a le pouvoir d'être injuſte ou d'enfrein-dre impunément les loix. Toute forme de gou.vernement eſt avantageuſe, dès qu'elle laiſſe toutpouvoir à la loi.PLUSIEURS politiques ont penſé que la Monar.chie, c'eſt-à-dire le pouvoir ſouverain exercé parun ſeul homme, étoit le gouvernement le plusconforme aux beſoins d'un grand Etat. Mais elt-il bien poſſible qu'un ſcul homme réuniffe tousles talents, toutes les vertus néceſſaires pourgouverner un peuple nombreux? Un habile guer-rier eſt rarement un habile légiſlateur , un habilejuriſconſulte , un habile commerçant; & le Prin-ce qui poflede les arts de la paix, n'aura que dif-ficilement les connoiſſances & les talents néceffai-res à la guerre. Un ſouverain fans paſſions , etun être de raiſon. Les nations, pour avoir troppréſumé de leurs maîtres, n'en ont rien obtenu;elles les prirent pour des Dieux, & elles ne fu-rent ſouvent gouvernées que par des hommes, queleur puiſſance rempliffoir communément de plusd'imperfections & de vices que les autres. Tartde cauſes confpirent à corrompre les Rois, quel'on a lieu d'être ſurpris de leur trouver lesSOCIAL. CHAP. II.vertus ou les talents même les plus ordinaires.I ON a cru voir tous le gouvernement d'un mo-marque les nations gouvernées comme les famillespar un pere; mais l'expérience nous montre quejes peres des peuples ne reſſemblent que trop fou.vent au Saturne de la fable, qui dévoroit les pro-pres enfants. (8) Le gouvernement monarchique,mettant des forces énormes entre les mains d'unſeul homme , doit par ſa nature même le tenterd'abuſer de fon pouvoir , pour ſe mettre au-deſſusdes loix & pour exercer le Deſpotiſme & la Ty.rannie, qui font les plus terribles fléaux des na-tions. D'un autre côté, par la nature même deschoſes, c'eſt-à-dire par l'impoſſibilité où un ſeulhomme. ſe trouve de conduire d'une main fûre legouvernail d'un grand empire, les monarchies,dans le fair, fe changent en de véritables ariſtocra-ties : les miniſtres & les grands ſe rendent fou.vent les maîtres du fort, & des ſujets , & duſouverain. Dans les cours des Rois, il ſe formepreſque toujours contre le bien public, une ligueégalement funefte aux nations & à leurs chefs.Dans quelques nations la couronne eſt éle&tive;la puiſſance royale ne paſſe point aux deſcendansde celui qui la poffede. Mais les élections desRois accompagnées de, factions, de troubles &de guerres devicnnent pour l'ordinaire des épo.ques très-fatales à la tranquillité des peuples. L'am-bition des grands , qui ſeuls s'arrogent le droitde choiſir un Souverain, permet rarement quel'on faſſe des loix & que l'on prenne des meſures :capables d'arrêter la licence qu'ils exercent dansces occaſions. Une élection par ſcrutin & fixée- LesS(8) Homerc appelle ſouvent les Rois mangturs de peuplesi Page 16 .S:..:.3031__S...SOCIAL. CHAP. 11.en montrent à peine deux ou trois qui ſe ſoientdonné la peine de gouverner par eux-mémes, oude fonger au bonheur de leurs ſujets. La Royautémet une trop grande diſtance entre le ſouverain& les ſujets, pour que le Monarque s'abaisſe juf-qu'à s'occuper de leurs beſoins. i. !!Ces réflexions, peu favorables au Gouverne.ment Monarchique, ont fait croire à bien desgens que le Gouvernement Républicain étoit plusavantageux aux nations. Ils trouvent entr'autresque cette derniere forme eſt infiniment moinscoûteuſe pour les peuples, qui ſouvent ont ladouleur de ſe voir opprimés, appauvris & ruinés,ſous prétexte de ſoutenir la ſplendeur du Trône,c'eſt-à-dire la vanité des Cours & le falte desRois. Un zélé défenſeur de la liberté diſoit, quel'attirail ſuperflu d'une Monarchie eſt plus que fufefifant pour fournir allx beſoins d'un Etat Répu.blicain (9).D'un autre côté, l'on ne trouve preſque pointde ſûreté & de fixité dans le fort des citoyensd'un Etat, dont les deſtinées heureuſes ou mal-heurcufes dépendent uniquement des vertus &des vices, de la raiſon ou du détire, de la vi.gucur ou de la foibleſſe d'un ſeul homme, quetout ce qui l'environnc s'efforce de cromper & decorrompre."-· SYSTE ME . . .par la loi, fembleroit devoir prévenir efficacementles déſordres dont les élections tumultueuſes fonttrop louvent accompagnées. Mais les réformes lesplus ſimples & les plus faciles rencontrent desobſtacles infinis dans les préventions des hommesen faveur de leurs antiques ulages.La plupart des Monarchies font héréditaires;ainſi les nations ſont devenues le patrimoine de· leurs chefs, qui les tranſmettent à leur poſtérité.Cette forme de gouvernement, quoique très-uli-rée, paroît très-ridicule à quelques penſeurs républicains. Selon eux , fi les peuples par cemoyen ſe garantiilent des troubles & des embar-ras qui accompagnent d'ordinaire les élections desRois, on trouve qu'elles ne fe garantiſſent pasdu malheur plus durable d'effuyer pendant unelongue ſuite de fiecles les inconvénients quidoivent réſulter de l'impéritie, de la négligence,de l'ambition & de la violence d'une Dynaſtie oufamille toute enticre. Un bon Roi eſt une pro-duction ſi rare, que les peuples n'ont pas liet de1e flatter d'en avoir bien louvent. On en c011-clut que les nations n'ont pu, fans imprudence ,confier irrévocablement leurs deſtinées au pou.voir d'une race qui, avec le ſang , ne tranfmet pasl'art pénible de régnier. Des hommes qui pourrégner n'ont befoin que de naitre , peuvent ilsavoir des motifs bien preflants d'acquérir par unlong travail, les talents & les vertus néceffairesau gouvernement? L'expérience de tous les tensprouve en effet qu'un Monarque vertueux peutà chaque inſtant être remplacé par un monſtre oupar un inſenſé , capables d'anéantir tout d'un couple bien qu'il a pu faire. Les annales de toutes lesMonarchies, dans la plus longue fuite des Rois,-(oVoyez Milton Oettires politiques. Les revenus quePhilippe ſecond tiroit des lepe Provinces ; qui forment az-jourd'hui la République des Provinces-Unies, ne mon-toient qu'à socoo écus ( environ 400000 livres tournois );les revenus de la Province de Hollande ſeule montoientcn l'année 1700 à 22, 241; 339 fiorins , qui font 46, 706, 811Hyres tournois.Yorum IDRIS REPVALIGAINES, page 29...V.COST Page 17 NSYSTEME$ 0 C A L. C H 4 P. Ít. 33 .CEPENDANT les partiſans du Gouverne. Ite de vivre en paix dans des Etats que l'on chantment Monarchique le louent par fa ſtabilité & h ve en déſerts (11). Mais l'hiſtoire nous prouvedurée, tandis que les Républiques ſont ſujettes à que la paix d'un Defpote eſt ſujette à être trou.des ſecouffes & des défordres continuels. Mais blée par des révolutions quis non-ſeulement leles tumultes les guerres civiles ne font point, les précipitent de fon trône, mais encore lui coûtentlon Sidney, les plus grands mallx qui peuvent ar. la vie. Si la Tyrannie peut être permanen.river aux nations. La tranquillité & la durée du te, les Tyrans qui l'exercent font de peu deGouvernement Monarchique, ne prouvent point durée.fa fupériorité ſur le Gouvernement Républicain. Aux efferveſcences ſubites ; & ſouvent cruel-Le Deſpotiſme lui-même paroît quelquefois ré. les & longues des Républiques, on voit commu-gner paiſiblement ſur les nations qu'il engourdit nément ſuccéder la langueur & l'engourdillementdans les fers. Les convullions des Républiques mortel que produit le Defpotiline, dans le ſeinreffemblent ailez aux maladies aigues, auxquelles duquel les peuples vont ſouvent ſe repoſer desles tempéraments robuſtes & fanguins ſont le plus tranſports que leur ont cauſé leurs folies : dansexpoſés. La tranquillité des Monarchies & des Palpoir de ſe remettre, ils le ſoumettent à quel..Etats deſporiques, reſlemble à ces maladies chro-que tyran, qu'ils laiffeiit travailler fans obſtaclesniques, qui minent peu à peu le corps de l'hom à leur deitrućtion finale.me, & lui cauſent une foibleffe dont il ne fe releve TOUTES les formes de Gouvernement ontjamais. Locke conipare la paix que procure le Del & leurs avantages & leurs déſavantages. Lapotiſme à l'antre de Polyphème, où Ulyffe & les Monarchie anéantit communément la félicitécompagnons étoient forcés d'attendre en ſilence publique, pour contenter l'anibition & l'avialeur tour pour être dévorés.dité d'un maitre que ne peut jamais raffafierMAIS eft-il donc bien vrai que le Deſpotif-la Cour qui l'environne. Une Nobleffe re-me foit un état tranquille? Depuis le Sultan julomuante , & pour qui la paix eſt un état vio:qu'au dernier de les eſclaves, tout eſt environné lent, l'excite inceſſamment à la guerre : des arede terreurs. Le ſilence morne qui regne dans mées nombreuſes dévorent ſa nation, qui peul'Empire d'un Tyran, n'avuonce rien moins que à peu tombe dans l'indigence & la milere: lela paix. On peut le comparer au calme perfide Monarque, que les beſoins ont rendu injuſtequ'on voit dans les chaleurs brûlantes, qui ne & deſpotique, finit à force d'oppreſſions par netarde point à être ſuivi d'affreux orages. J'aire régner nue Gir des tirare chinrégner que ſur des Etats changés en ſolitudes,mieux, diſoit un Polonois, une liberté envirome & dépourvus de cultures de commerce, de forcede périls, qu'un eſclavage paiſible ( 10 ). Il elt al. & d'induſtrie. .AGLALARARANAS:(11) Ubi folitudinem faciunt, pacem appellantu...(10) Malo periculofam libertatem quam grierem feruinpium, diſoit le Palatin de Poffanie, pare du Roi ScanuluiLeczinski,Tonte II.ELVES, *ti-RV227,5E-LI Page 18


...?--------.34SYSTEMELa Démocratie, en proie aux cabales, à lalicence, à l'anarchie, ne procure aucun bonheurà fes citoyeus, & les rend ſouvent plus inquictsde leur fort, que les ſujets d'un Delpoie ou d'unTyran, Un Peuple fanis lumieres, faus raiſon,fans équite ne peut avoir que des flatteurs & najamais d'amis finceres. Comment en auroit-il ?Il désoute & punit ſouvent ceux qui le ferventle mieux : il eſt ingrat, il craint fes bienfaiteurs,parce qu'il eſt ombrageux : il opprime la vertu,parce qu'il en eit jaloux, il ſe livre à des fcélérats, parce que les gens de bien l'abandonnent,Des charlatans politiques le conduiſent de folicsen folies, juſqu'à ce qu'il ait écraſé la liberté ap-parente dont il pouvoit jouir ſous le poids de lespropres fureurs.L'ARISTOCRATIE ne nous préſente pas desſcenes plus riantes. On y voit des Nobles, desMagiſtrats, des Sénateurs orgueilleux qui, coil-centrés en eux-mêmes, facrifient l'Etat à leursintérêts perſonnels. Le plébéien y eſſuie les dedains de les maîtres altiers, dans lefquels il ne voitque des tyrans diſpoſés à ſe pardonner récipro-quement les iniquités qu'ils font eſſuyer å lcursſujets. Cependant il n'eſt point de bonheur pources Souverains eux-mêmes : forcés de vivre dansune jalouſie continuelle, les collégues ne ſontoccupés qu'à s'obſerver les uns les autres, à ſecombattre fourdement, à ſe dretter des embi-ches : il n'eſt point de vraie liberté ſous un şou-vernement foupçonneux, tout le monde y vitdans l'inquiétude, chaque citoyen craint ſonconcitoyen. Quelle neut être la felicité d'un Eratd'où la confiance eſt bannie.? .Dans les différentes réformes que les hom.SOCIAL CHAP. II. 35mes ont faites pour améliorer leurs gouverne-ments, la raiſon, l'utilité réelle de l'Etat, le bienpublic ne furent preſque jamais conſultés. Tousies changemens qui furent tentés, n'ont été pourl'ordinaire que les ouvrages informes du trouble,de la diſcorde, du vertige, de l'ambition, dyfanatiſme. D'après de pareils mobiles , il n'eſtpas ſurprenant que, bien loin de rendre leur fortineilleur, les Nations n'ayent ſouvent fait que lerendre plus déplorable. Les peuples toujoursenivrés des folies qu'on leur inſpire, ne font pourl'ordinaire que les inſtruments aveugies de quel-ques factieux ; qui leur font eſpérer la fin d'abusſouvent légers dont ils ſe plaignent, & qu'ilss'exagérent, & qui ne tardent pas à leur faireEprouver des maux plus réels que ceux qui le tedonnoicnt de l'humeur.Il n'exiſte point encore de conſtitution politiaque bicri ordonnée ſur la terre. Le hazard; la décofaiſon, la violence ont juſqu'ici préſidé à l'éta-bliffenient des gouvernements, ainſi qu'à leurs ré-formes , & non la réflexion, la prévoyance , l'écoquité, l'amour de la Patrie. Les révolutions lesplus ſanglantes n'ont fait pour l'ordinaire que ban-nir des noms, que changer de vaines formes,fans jaunais toucher à la ſource du mal; elles ontfait diſparoître des tyrans, en laiſſant ſubliſterles racines de la tyrannie, toujours prêtes à re-pouſſer fous quelques formes nouvelles. A lafuite des révolutions, les pcuples rentrent fousl'ancien joug, ou fous quelque joug nouveau ;dès que l'orage eſt paile, vous ne leur voyezprendre aucunes précautions pour l'avenir. UnTyran mort ou chaiſé et remplacé par un nou-C % ;Ang..W-. .: "V-.EKT"L...

Page 19 1-I......-.--.SOCIAL. CHA P. III. 37la vérité que l'on peut faire deſcendre Aftrée par-mi les habitans de la terre. La voix de la raiſonn'eit ni l'éditieuſe, ni fanguinaire. Les réformesqu'elle propole, pour être lentes, n'en font quemicux concertées. En s'éclairant, les hommess'adoucillent; ils connoiffent le prix de la paix;ils apprennent à tolérer les abus que, fans danger pour l'Etat, on ne peut anéantir tout d'uncoup. Si l'équité permet aux nations de mettrefin à leurs peines, elle défend au citoyen iſolé detroubler la patric & lui ordonne de ſacrifier ſonintérêt à celui de la Société. C'eſt en rectifiantPopinion, cn combattant le préjugé, en faiſantconnoitre aux Princes & aux Peuples le prix del'équité, que la raiſou peut ſe promettre de gué.rir les maux du genre humain , & d'établir folide-ment le régie de la liberté.SSESSSSSSSSSSSSSSSCHAPITRE III.36 - SYSTEME ; ;veau Tyran, ſouvent plus implacable & plus méchant que le premier. Le vulgaire mécontentne le conduit pas avec plus de fagacité, que lechien qui s'en prend à la pierre qu'on lui jette,fans aller juſqu'au bras qui l'a lancée.QUELS etfets vraiment utilcs a-t-on vu réſulterdans un grand nombre de pays de tant de guer.Yes civiles, de tant de révoltes, de tant de ty.rans détrônés, expu'lés, ailaitinés (12). Le fortdes peuples 1l-t-il changé pour cela ; en font-ilsdevenus plus libres, plus fortunés ? Ces langlayates tragédies , fi fouvent réitérées dans l'Aſie,ont elles procuré quelque ſoulagement à des eſclaves que l'ignorance & la ſuperſtition femblentavoir deſtinés à des chaines éternelles ? Il fautdes lumiéres, de la prudence, de la vertu pourréforiner une adminiſtration vicieuſe; il faut dela raiſon pour connoitre le prix de la vraie liber-té ; il faut du courage & de la prévoyance pourl'établir ſur des fondements ſolides ; la liberté quis'acquiert par le déſordre , l'anibition & la licen-ce ne peut être de longue durée.NON; ce n'eſt point par des convulſions dan-gereuſes, ce n'est point par des combats, desregicides & des crimes inutiles que les playesdes nations pourront fe refermer. Ces remèdesviolents font toujours plus cruels que les maux'que l'on veut faire diſparoitre. C'eſt à l'aide de(12) La mort du Roi Charles I. ne fut d'aucune utilitéau Peuple Anglois; fon Roi fut remplacé par Cromwell quifue un Tyran. L'exemple de ce même Prince ne ſervit de rienà les deux fils; Charles II. fur un Tyran de belle hampur,continuellement occupé à oporimer des ſujets , Jarques Il,lon ſucceſſeur & fon frere, le tir challer par la cruauté &hon fanatiline tyrannique,tart-De la Liberté.UOIQUE rien ne ſoit plus néceſſaire auu bonheur des peuples que la liberté, ceuxqui furent chargés du foi de les gouverner , lecrurent toujours fortement intéreſſés à les enpriver, afin d'être eux-mêmes à portée de donnerun libre cours à leurs propres paſſions. Le Deſpo.tiſme à fa fource dans le cour même de l'homme,qui, s'il n'eſt retenu par la juſtice ou la force,cherche à ſe rendre lui-même indépendant desautres , & voudroit les ſubjuguer , dans l'eſpoirde les obliger à ſeconder ſes vues. Il n'y a qu'u.::: C3 .Die S...asni-tMi- Page 20 38• SYSTEMEthe raiſon éclairée qui puiile guérir de ce préjugéfacheux, & faire ſentir qu'on ne peut acquérirdes droits réels, ou exercer une autorité légiti-me ſur ſes ſemblables, qu'en leur procurant desavantages & en leur montrant des vertus. LosPrinces pour la plupart, méconnoittent ces véri-tés : ils trouvelit bien plus court d'alcrvir toutd'ull coup jeurs Tujets, que d'acquérir par destravaux pénible & fuivis, les lumieres requiſespour bien gouverner, vu que de le foumettre aujoug de l'équité qui leur parut peu conforme àIcurs intéréts personnels.Le pouvoir arbitraire, le deſpotiſme, ou lafaculté de faire plier les Nations fous leurs volon-tés & leurs fantailies, fue communément l'objetde l'ambition des Souverains , le centre de leursdéſirs, le but de tous leurs efforts. Ils ne ſocrurent vraiment puillaas, heureux & grants,que lorſque tout leur fut permis ; ils le regarde-rent comme foibles & mépriſables, tant qu'ilſe trouva dans les ſociéres quelque obitacleaitez fort pour réſiſter à leurs pailions. Unique-ment occupés du projet de contenter leurs ca-prices du moment, incapables de porter leurs re-gards ſur l'avenir , perpéruellement excités pardes Miniſtres qui, pour tyranniler eux-mêmes,voulurent toujours faire des tyrans de leursmaitres, les Rois méconnurent leurs propresintérėts qui n'auroient jamais dû ſe ſéparer deçeux de leurs Nations : ils ne ſentirent pas que,pul pouvoir ſur la terre ne peut être affûré, s'ilpe ſe fait des limites à lui-niême (13).(13) Ea demum ruta eſt potentia quæ viribus fuis modumSALLUSTA.": SOCIAL. CHAP. III.39En conſéquence de ces fauſſes idées des Sou.verains, il y eut preſqu'en tout tems & en toutpays une lutte continuelle entre les Peuples, quiticherent de défendre quelques portions de leurliberté, & les Princes, qui chercherent à l'a.néantir tout-à-fait. Ceux-ci eurent communé.ment l'avantage dans ce combat ; les Princes danstoutes les Nations eurent toujours entre leursmains, les mobiles les plus capables de déterminerjes hommes à concourir à leurs defleins. Ils fu.rent par-tout, & les maitres des armées, & lesdépolitaires des tréſors , & les diſpeniciteurs deshonncurs & des graces. Ils furent donc à portéed'écraſer ceux de leurs ſujets que leurs bienfaitsje purent (éduire; ils les diviferent d'intérêts ; &les nations ainſi partagées & trahies par des ci-toyens vendus ou intimidés, ne purent oppoſerqu'une réliltance très - foible aux efforts redou.biés de leurs chefs, dont la volonté fut conſtante;qui employerent tantôt la force & tautôt la ru.fe ; qui ſe fervirent à propos de l'eſpérance &de la crainte , & dont l'ambition active tendittoujou s vers ſon but , ſans le perdre jamais devue. Les Nations furent trop heureuſes, quandelles purent conſerver quelques moyens pour ledéfendre des coups portés à leurs droits naturels,par ceux qui n'étoient deſtinés qu'à les y naill-tenir.NONOBSTANT des combats ſi inégaux,quelques peuples ſervis par les circonſtancesplutôt que par la prudence, font parvenus à con-ſerver ou à recouvrer, ſinon une liberté entiére& folide, du moins une portion de liberté quiIcur procura des avantages marqués ſur les autrespcuples, forcés, pour la plupart, de ſuccombermerimponii.....C4





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