Théologie portative  

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Théologie Portative, ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne (1768) is a text by Baron d'Holbach. Its title translates in English as Portable Theology.

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Full text

INTRODUCTION

Toute peine vaut salaire. Les lois de l'équité demandent que dans une nation les citoyens soient récompensés ou punis à proportion des avantages qu'ils procurent ou des maux qu'ils font à leurs concitoyens. L'intérêt général exige que les hommes les plus utiles soyent les plus considérés ; que ceux qui sont inutiles soient honnis et méprisés, que ceux qui sont dangereux soient détestés et châtiés. C'est sur ces principes évidents que nous devons régler nos jugements. Les rangs, les prérogatives, les honneurs, les richesses sont des récompenses que la société, ou ceux qui la représentent, décernent aux personnes qui lui rendent les plus importants services, ou dont elle a le plus de besoin : si la société se trompait là-dessus, si elle accumulait les marques de sa reconnaissance sur des personnes indignes, inutiles ou dangereuses, elle se nuirait à elle-même, et sa conduite extravagante viendrait infailliblement de quelque opinion fausse ou de quelque préjugé. Ces principes sont de nature à n'être contestés par personne. Ils sont suivis dans toutes les nations, qui par les avantages qu'elles accordent semblent reconnaître toujours les avantages qu'elles reçoivent elles-mêmes, ou du moins qu'elles attendent. Elles rendent leurs hommages aux souverains, elles leur confient un pouvoir plus ou moins étendu, elles leur accordent des revenus et des subsides, parce qu'elles les regardent comme les sources du bonheur national, parce qu'elles veulent les dédommager des soins pénibles du gouvernement. Elles honorent les nobles et les grands parce qu'elles les regardent comme les défenseurs de l'État, comme des citoyens plus éclairés que les autres et capables de les guider en aidant le souverain dans les travaux de l'administration. Enfin ces nations montrent la vénération la plus profonde aux prêtres, parce qu'elles les regardent, avec raison, comme un ordre d'hommes choisis par la divinité même pour guider les autres dans la voie du salut, qui doit être l'objet des plus ardents désirs des peuples, lorsqu'ils sont assez sages pour sentir la préférence que méritent les biens éternels et durables sur les biens temporels et périssables de ce monde, qui n'est qu'un passage pour arriver à une vie beaucoup meilleure. La religion est un des plus grands mobiles des hommes. Les fausses religions, qui sont l'ouvrage de l'imposture, partagent avec la vraie, qui est l'ouvrage de la divinité, le droit de faire des impressions vives et profondes sur l'esprit des nations. Pénétrés de respect pour une divinité toujours incompréhensible, agités de craintes et d'espérances, en un mot religieux, tous les peuples de la terre ont regardé les prêtres comme les plus utiles des hommes, comme ceux dont les lumières et les secours leur étaient les plus nécessaires ; en conséquence dans tout pays le clergé constitua toujours le premier ordre de l'état ; il fut en droit de commander à tous les autres, il jouit des plus grands honneurs, il fut comblé de richesses, il eut un pouvoir supérieur même à celui des souverains, qui furent en tout temps obligés de fléchir le genou devant les ministres des puissances inconnues qui recevoient les adorations des peuples.

DISCOURS PRELIMINAIRES


<P>Presqu'en tout temps et partout les prêtres ont été les maîtres des rois ; loin que le pouvoir souverain s'étendît sur les ministres du ciel, il fut obligé de lui céder ; les prêtres jouîrent de la grandeur, de la considération, de l'impunité. Souvent ils justifièrent leurs excès par les volontés des dieux, qui furent eux mêmes à leurs ordres ; en un mot le ciel et la terre furent forcés de leur obéir, et les souverains ne trouvèrent d'autre moyen d'exercer l'autorité qui leur avait été confiée, qu'en se soumettant eux-mêmes à l'autorité plus redoutable des ministres des dieux. Les prêtres des religions fausses que nous voyons répandues sur la terre jouissent donc, ainsi que les prêtres de la vraie religion, du pouvoir le plus illimité. Tout est bien reçu par les peuples, quand il est merveilleux ou lorsqu'il vient de la divinité ; ils n'examinent jamais rien d'après leurs prêtres, qui sont partout accoutumés à commander à leur raison et à subjuguer leur entendement. Ne soyons donc point surpris si nous voyons partout le sacerdoce jouir de privilèges immenses, de richesses inépuisables, d'une autorité toujours respectée, enfin du pouvoir même de mal faire sans en être puni. Nous le voyons en tout pays prescrire des rites, des usages, des cérémonies quelquefois bizarres, inhumaines, déraisonnables : nous le voyons tirer parti d'une foule d'inventions que sur sa parole l'on regarde toujours comme divines.

<P>Les prêtres ont sacrifié des hommes presqu'en tout pays. Il fallait rendre les dieux terribles pour que leurs ministres fussent et plus respectés et mieux récompensés. Ils ont introduit des usages religieux utiles à leurs plaisirs, à leur avarice et à leurs passions ; enfin ils ont commis des crimes aux yeux des peuples, qui sous le charme où ils étaient, bien loin de les punir, leur ont sû gré de leur excès et se sont imaginé que le ciel leur deviendrait plus propice à mesure que leurs prêtres seraient plus criminels.

<P>Chez les phéniciens Moloch demandait qu'on lui sacrifiât des enfants. On lui faisait des sacrifices semblables chez les carthaginois ; la déesse de la tauride voulait qu'on lui immolât les étrangers ; le dieu des mexicains exigeait des milliers de victimes humaines ; les druides chez les celtes sacrifiaient les prisonniers de guerre. Le dieu de Mahomet voulait qu'on étendît sa religion par le fer et par le feu, et par conséquent exigeait qu'on lui sacrifiât des nations entières. Enfin les prêtres du dieu vivant ont, comme de raison, plus fait périr d'hommes pour l'appaiser, que les prêtres de toutes les nations ensemble n'en ont jamais immolé.

<P>En effet, ce qui est abus et crime dans les fausses religions devient légitime et saint dans la vraie religion. Le dieu que nous adorons est, sans doute, plus grand et ne doit pas être moins redoutable que les faux dieux des païens ; ses prêtres ne doivent être ni moins respectés ni moins récompensés que les leurs. En conséquence nous voyons que les ministres de Jéhovah, sans s'amuser à fouiller dans les entrailles de quelques victimes, soit d'hommes soit d'animaux, ont tout d'un coup fait égorger des villes, des armées, des nations, en l'honneur de la vraie divinité ; ce fut, sans doute, pour prouver sa supériorité et pour nous pénétrer du saint respect qui est dû à ses ministres. Ainsi loin de leur faire un crime de ces sacrifices nombreux qu'ils ont faits ou causés sur la terre, ils doivent nous inspirer de hautes idées de notre dieu : loin de les blâmer de ces saintes persécutions, de ces saintes boucheries, de ces supplices inouïs, qui paraissent des atrocités et des crimes à des yeux prévenus, nous devons leur en savoir gré, nous devons admirer les notions merveilles et sublimes qu'ils nous donnent de notre dieu ; nous devons redoubler de soumission pour ses ministres qui nous apprennent sa grandeur et qui font de si grandes choses pour lui plaire. Il est vrai que l'humanité rebelle peut quelquefois se révolter contre des pratiques que la nature et la raison désapprouvent, mais nous savons que la nature est corrompue et que la raison nous trompe ; la foi seule nous suffit, et avec de la foi nos prêtres n'ont jamais tort.

<P>C'est donc par les yeux de la foi que nous devons considérer les actions de nos prêtres et alors nous trouverons toujours que leur conduite est juste, et que celle qui paraît criminelle ou déraisonnable est souvent l'effet d'une sagesse profonde, d'une politique prudente, et doit être approuvée par la divinité, qui ne juge point des choses comme les faibles mortels. En un mot avec beaucoup de foi nous ne verrons jamais dans les actions du clergé rien qui puisse nous scandaliser. Cela posé, il nous sera facile de justifier nos prêtres et nos évêques des prétendus excès que leur reprochent des hommes profanes et superficiels, ou des impies qui manquent de foi. On les accuse souvent d'une ambition démesurée ; on parle avec indignation des entreprises du sacerdoce contre la puissance civile ; on est révolté de l'orgueil de ces pontifes qui s'arrogent le droit de commander aux souverains eux-mêmes, de les déposer, de les priver de la couronne. Mais au fond est-il rien de plus légitime ? Les princes ainsi que leurs sujets ne sont-ils pas soumis à l'église ? Les représentants des nations ne doivent-ils point céder aux représentants de la divinité ? Est-il quelqu'un sur la terre qui puisse le disputer à ceux qui sont les dépositaires de la puissance du très-haut ?

<P>Rien n'est donc mieux fondé aux yeux d'un chrétien rempli de foi que les prétentions du sacerdoce. Rien n'est plus criminel que de résister aux ministres du seigneur ; rien n'est plus présomptueux que de vouloir se placer sur la même ligne qu'eux ; rien de plus téméraire que de prétendre les juger ou soumettre des hommes tout divins à des loix humaines. Les prêtres sont sous la juridiction de Dieu, et comme ce sont eux qui sont chargés de l'exercer, il s'ensuit que les prêtres ne peuvent être soumis qu'aux prêtres.

<P>Les relations de quelques voyageurs nous apprennent que sur la côte de Guinée les rois sont obligés de subir une cérémonie sacerdotale nécessaire à leur inauguration, et sans laquelle les peuples ne reconnaîtraient pas leur autorité. Le prince se met à terre, tandis que le pontife lui marche sur le ventre et lui met le pied sur la gorge, en lui faisant jurer qu'il sera toujours obéissant au clergé. Si le pontife d'un misérable fétiche exerce un droit si honorable, à plus forte raison quel doit être le pouvoir du souverain pontife des chrétiens, qui est le vicaire de Jésus-Christ en terre, le représentant du dieu de l'univers, le vice-régent du roi des rois.

<P>Tout homme bien pénétré de la grandeur de son dieu, doit être pénétré de la grandeur de ses prêtres ; autant vaudrait-il nier l'existence de ce dieu que de refuser les hommages qui sont dus à ses ministres ; celui qui désobéit aux ministres, chargés par un monarque d'exercer son autorité, est, sans doute, un rebelle qui résiste au monarque lui-même. L'on voit donc que rien ne doit être plus grand sur la terre qu'un prêtre, qu'un moine, qu'un capucin, et que les princes des prêtres sont les plus grands des mortels. Le curé est toujours le premier homme de son village, et le pape est, sans contredit, le premier homme du monde.

<P>Le salut est la seule chose nécessaire ; nous ne sommes en ce monde que pour l'opérer avec crainte et tremblement , nous devons craindre Dieu et trembler devant ses prêtres ; ils sont les maîtres du ciel, ils en possèdent les clefs, ils savent seuls le chemin qui y mène, d'où il suit évidemment que nous devons leur obéir préférablement à ces rois de la terre, dont le pouvoir ne s'étend que sur les corps, tandis que celui des prêtres s'étend bien au-delà des bornes de cette vie. Que dis-je ! Si les rois eux-mêmes ont, comme ils doivent, le désir de se sauver, il faut qu'ils se laissent aveuglément conduire par les guides et les pilotes spirituels, qui seuls sont en état de procurer le bonheur éternel à ceux qui se montrent dociles à leurs leçons. Il suit de là que les princes qui manquent de docilité à leurs prêtres manquent indubitablement de foi, et peuvent par leur exemple anéantir la foi dans l'esprit de leurs sujets. Mais comme sans foi il est impossible de se sauver, et comme la plus importante des choses est de se sauver, on doit en conclure que c'est au clergé à voir ce qu'il faut faire des princes qui sont indociles ou sans foi ; souvent il trouve qu'oportet unum mori pro populo, doctrine très déplaisante pour les rois, très nuisible à la société, mais dont les jésuites assûrent que l'église doit très bien se trouver, et que le très-saint père n'a jamais eu le courage de condamner. On voit donc que les princes sont en conscience et par intérêt obligés d'être toujours soumis au clergé ; les souverains n'ont de l'autorité dans ce monde que pour que l'église prospère : l'État ne pourrait être heureux si les prêtres n'étaient contents ; c'est, comme on sait, de ces prêtres que dépend le bonheur éternel, qui doit bien plus intéresser les princes eux-mêmes que celui d'ici bas. Ainsi leur autorité doit être subordonnée à celle des prêtres qui savent seuls ce qu'il faut faire pour arriver à la gloire. Le souverain ne doit donc être que l'exécuteur des volontés du clergé, qui n'est lui-même que l'organe des volontés divines. Cela posé, le prince ne remplit son devoir et ne doit être obéi que quand il obéit à Dieu, c'est-à-dire, à ses prêtres ; dès que ceux-ci le jugent nécessaire au bien de la religion il est de son devoir de tourmenter, de persécuter, de bannir, de brûler ceux de ses sujets qui ne travaillent point à leur salut, qui sont hors du chemin qui y conduit, ou qui peuvent contribuer à égarer les autres.

<P>En effet tout est permis pour le salut des hommes ; rien de plus légitime que de faire périr le corps pour rendre l'âme heureuse ; rien de plus avantageux à la politique chrétienne que d'exterminer de vils mortels qui mettent obstacle aux saintes vues des prêtres. Ainsi loin de reprocher à ceux-ci les cruautés salutaires qu'ils ont souvent employées pour ramener les esprits, on aurait dû leur permettre de redoubler, s'il est possible, ou du moins de rendre plus durables les rigueurs qu'ils font éprouver aux mécréants ; cela leur rendrait, sans doute, plus aimable la religion qu'on veut leur faire embrasser. Celui qui découvrirait un moyen de rendre les supplices des hérétiques plus longs et plus douloureux, ferait, sans doute un grand bien à leurs âmes, et mériterait très bien de l'église et de ses ministres. Ainsi loin de blâmer la sévérité que les ministres de la religion exercent ou font exercer par le bras séculier, c'est-à-dire, par les princes, les magistrats et les bourreaux sur ceux qu'ils ont dessein de ramener au giron de l'église, un bon chrétien devrait seconder leur zêle charitable et imaginer de nouveaux moyens, plus efficaces que les anciens, pour déraciner les erreurs et pour sauver les âmes.

<P>Que l'on cesse donc de reprocher à l'église ses persécutions, ses exils, ses prisons, ses lettres de cachet, ses tortures, ses bûchers. Plaignons-nous au contraire en voyant que toutes ces saintes rigueurs, employées dans tous les siècles, n'ont point eu l'effet desiré. Tâchons de découvrir quelques moyens plus sûrs d'extirper les hérésies, et surtout ne recourons jamais à la douceur ni à une lâche tolérance, qui, si elle est conforme à l'humanité, serait incompatible avec l'esprit de l'église ou avec le zêle dont un chrétien doit brûler ; avec l'humeur d'un dieu terrible ; avec le caractère de ses prêtres, qui pour obtenir nos respects et nos hommages doivent être encore plus terribles et plus inexorables que lui.

<P>C'est avec aussi peu de fondement que les impies reprochent aux ministres du seigneur ces querelles aussi intéressantes que sacrées, qui sont les causes les plus fréquentes des troubles, des divisions, des persécutions, des guerres de religion, des révolutions que l'on voit arriver ici bas. Ces aveugles ne voient-ils pas qu'il est de l'essence d'une église militante de combattre toujours ? S'ils avaient de la foi ils verraient, sans doute, que la providence pleine de bonté pour ses créatures, veut les sauver ; que les souffrances et les malheurs sont les vraies routes du salut ; que le bonheur et la tranquillité engourdiraient les nations dans une indifférence dangereuse pour l'église et ses ministres ; qu'il est de l'intérêt des chrétiens de vivre dans la misère, l'indigence et les larmes ; qu'il est de l'intérêt de la religion que ses prêtres se disputent, que leurs sectateurs se battent, que les peuples soient malheureux en ce monde pour être heureux dans l'autre. Toutes ces vues importantes se découvrent à ceux qui ont le bonheur d'avoir une foi bien vive ; rien n'est plus propre à remplir ces mêmes vues que les disputes opiniâtres des théologiens, qui, pour accomplir les projets favorables de la providence, nous donnent lieu d'espérer qu'ils se querelleront et qu'ils mettront leurs sectateurs aux prises jusqu'à la consommation des siècles.


<P>Loin de reprocher, comme on fait, l'avarice et la cupidité aux ministres de l'église, ne devrait-on pas montrer la reconnaissance la plus sincère à des hommes qui se dévouent pour nous, qui se chargent de nos possessions, souvent acquises par des voies iniques, qui nous débarassent des richesses qui mettraient des obstacles infinis à notre salut ? C'est pour que les nations se sauvent que le clergé les dépouille ; il ne les plonge dans la pauvreté que pour les détacher de la terre et de ses biens périssables, afin de s'attacher uniquement aux biens durables qui les attendent en paradis, s'ils sont bien dociles à leurs prêtres et bien généreux à leur égard.

<P>Quant à l'inimitié pour la science dont on fait un crime au clergé, elle est formellement prescrite par l'écriture sainte ; la science enflerait les laïques, c'est-à-dire, les rendrait insolents et peu dociles à leurs guides spirituels ; les chrétiens doivent demeurer dans une enfance perpétuelle ; ils doivent rester toute leur vie sous la tutelle de leurs prêtres, qui ne voudront jamais que leur bien. La science du salut est la seule qui soit vraiment nécessaire ; pour l'apprendre il suffit de se laisser mener. Que deviendrait l'église si les hommes s'avisaient de raisonner ?

<P>Que dirons-nous des avantages inestimables qui résultent pour les hommes de la théologie ! De saints prêtres sont perpétuellement occupés à méditer pour les autres les éternelles vérités. À force de rêver et de se creuser le cerveau, ils parviennent à découvrir les idées sans lesquelles les nations vivraient dans les ténebres de l'erreur. À force de syllogismes ils viennent à bout d'éteindre pour toujours l'affreux bon sens, de dérouter la logique mondaine, de fermer la bouche à la raison, qui jamais ne doit se mêler des affaires de l'église. À l'aide de cette théologie les femmes mêmes sont à portée d'entrer dans les querelles de religion, et le peuple est au fait des vérités nécessaires au salut. À l'égard de la morale qu'on accuse les prêtres de pervertir, de changer en pratiques et en cérémonies, de mépriser eux-mêmes ou de ne point enseigner aux hommes ; ceux ci n'ont aucunement besoin d'une morale humaine, qui serait trop souvent incompatible avec la morale divine et surnaturelle. Les vertus chrétiennes que nos prêtres nous enseignent sont elles donc faites pour être comparées avec ces vertus chétives et méprisables qui n'ont pour objet que le bonheur de la société ? Cette société est elle donc destinée à être heureuse ici bas ? Ne lui vaut-il pas mieux d'avoir la foi qui la soumet aux prêtres, l'espérance qui la soutient dans les maux qu'on lui fait, la charité si utile au clergé ? N'est-ce donc pas assez pour se sauver d'être humble, c'est-à-dire, bien soumis ; d'être dévôt, c'est-à-dire, bien dévoué à tous les saints caprices de l'église, de se conformer aux pratiques qu'elle ordonne ; enfin d'être, sans y rien comprendre, bien zêlé pour ses décisions ? Les vertus sociales ne sont bonnes que pour des païens, elles deviendroient inutiles ou même nuisibles à des chrétiens ; pour se sauver ils n'ont besoin que de la morale de leurs prêtres ou de leurs casuistes, qui bien mieux que des philosophes savent ce qu'il faut faire pour cela. Les vertus chrétiennes, la morale évangélique, les pratiques de dévotion, les cérémonies sont d'un grand produit pour l'église ; les vertus humaines ou profanes ne lui donnent aucun profit et sont souvent très contraires à ses vues.


<P>Cela posé, quel est l'homme assez ingrat ou assez aveugle pour refuser de reconnaître les fruits que la société retire de ces prédications continuelles, de ces instructions réitérées que nous font des docteurs zêlés, dont la fonction pénible est de nous répéter sans cesse les mêmes vérités évangéliques, que le peu de foi des hommes les empêche de comprendre ? Depuis près de dix-huit siècles les nations sont prêchées et nous avons lieu de croire qu'elles le seront encore longtemps. Si l'on nous dit que malgré les efforts incroyables de nos prêtres et de nos saints moines on ne voit guères d'amendement, nous dirons que c'est un effet sensible de la providence qui veille toujours sur ses prêtres, et qui sent bien que si les hommes se corrigeaient, s'ils avaient des lois plus sensées, une éducation plus honnête, une morale plus intelligible, une politique plus sage, les prêtres ne nous seraient plus bons à rien. Il est, sans doute, entré dans les vues de la providence, que les hommes fussent toujours méchants pour que leurs guides spirituels eussent toujours le plaisir de les prêcher et d'être éternellement payés de leurs instructions éternelles.

<P>La politique mondaine et la morale profane sont, grâces à notre sainte religion, entièrement négligées : la première consiste à s'entendre avec les prêtres, la seconde à se conformer exactement aux pratiques qu'ils ordonnent ; c'en est, sans doute, assez pour que la religion fleurisse et que l'église prospère. Aujourd'hui toute la politique consiste à se lier d'intérêts avec le clergé, et toute la morale consiste à l'écouter. Si les hommes s'avisaient un jour de songer sérieusement à la politique ou à la morale humaine, ils pourraient bien se passer de la religion et de ses ministres. Mais sans religion et sans prêtres que deviendraient les nations ? Elles seraient assurément damnées ; il n'y aurait plus chez elles ni sacrifices, ni couvents, ni expiations, ni pénitences, ni confessions, ni sacrements, ni aucunes de ces pratiques importantes ou de ces cérémonies intéressantes, dont depuis tant de siècles nous éprouvons les bons effets, ou qui font que les sociétés humaines sont si soumises au sacerdoce. Si les hommes allaient se persuader qu'il faut être doux, humains, indulgents, équitables, on ne verrait plus de discordes, d'intolérance, de haines religieuses, de persécutions, de criailleries, si nécessaires au soutien du pouvoir de l'église. Si les princes sentaient qu'il est utile que leurs sujets vivent dans l'union, que le bon sens et la justice exigent que l'on souffre que chacun pense comme il voudra pourvu qu'il agisse en honnête homme et en bon citoyen ; si ces princes au lieu du catéchisme allaient faire enseigner une morale intelligible, que serait-il besoin de disputes théologiques, de conciles, de canons, de formulaires, de profession de foi, de bulles, etc. Qui sont pourtant si nécessaires au bien de la religion, et si propres à exciter de saints tumultes dans les États ? Enfin si des êtres raisonnables s'avisaient jamais de consulter leur raison, que le sacerdoce a si sagement proscrite, que deviendrait la foi, sans laquelle nous savons que l'on ne peut être sauvé ? Tout cela nous prouve évidemment que l'église n'a nul besoin de cette morale humaine et raisonnable que l'on a la témérité d'opposer à la morale divine évangélique, et qui pourrait causer à la fois la ruine de la religion et du sacerdoce, dont on ne peut point se passer. Si les souverains consultaient la raison, l'équité, les intérêts futiles d'une politique terrestre, ils veilleraient à l'instruction des peuples, ils feraient des lois sages, ils rendraient leurs sujets raisonnables, ils seraient adorés chez eux : sur le pied où sont les choses, les princes, ennemis de l'idolâtrie, n'ont pas tant de peines à prendre ; il leur suffit d'être dévôts ou bien soumis aux prêtres, qui seuls doivent être adorés, pour que tout aille le mieux du monde ; l'autorité temporelle n'est en danger que quand l'église est mécontente, et dès lors, comme on sait, cette autorité ne peut plus être légitime. Quant aux moeurs religieuses des sujets, les seules qui soient nécessaires à l'église, les prêtres y pourvoiront toujours ; ils les confesseront, ils les absolveront, ils leur diront des messes, ils leur administreront des sacrements, et quand ils seront à la mort ils leur remettront facilement tous les crimes de leur vie, pourvu qu'ils soient bien généreux à l'endroit du clergé. Que peut-on désirer de plus que d'aller en paradis ? Les prêtres en ont les clefs, ainsi la morale des prêtres suffit, toute autre morale est inutile ou dangereuse ; elle anéantirait les absolutions, les indulgences, les expiations, les scrupules, les donations à l'église, en un mot toutes les choses qui contribuent à la puissance du sacerdoce, et à la gloire du dieu.

<P>On nous dira peut être, que les prêtres montrent souvent beaucoup de mépris pour les vertus mêmes qu ils prêchent aux autres ; que l'on voit quelquefois des pontifes, des ecclésiastiques, des moines vivre dans le libertinage, et se livrer ouvertement à des vices que la morale chrétienne condamne ; en un mot tenir une conduite opposée à leurs leçons. Je réponds 1 que ce n'est point aux laïques à juger leurs prêtres, qui ne sont comptables de leurs actions qu'à eux-mêmes. Je réponds 2 que la charité veut que lorsqu'un prêtre commet le mal nous ne nous en apercevions jamais. Je réponds 3 qu'un prêtre en commettant quelque action qui nous parait criminelle peut souvent faire du bien, et nous le sentirions si nous avions plus de foi. Si, par exemple, un moine laisse ses sandales à la porte d'une femme, (comme il arrive en Espagne) son mari doit supposer qu'il travaille au salut de sa femme ; s'il les surprend en flagrant délit, il doit remercier Dieu qui veut ainsi l'éprouver ou l'affliger par l'entremise de l'un de ses serviteurs, qui se trouve par là lui rendre un très grand service à lui-même. D'ailleurs, si, par impossible, des prêtres manquaient de mœurs, il faut toujours se souvenir de faire ce qu'ils disent et non pas de qu'ils font. Il faut avoir de l'indulgence pour des hommes qui sont de chair et d'os comme les autres ; Dieu leur permet de tomber quelquefois pour apprendre aux laïques à se défier de leurs propres forces, puisque les prêtres eux-mêmes sont sujets à tomber. En un mot le bandeau de la foi doit toujours nous empêcher d'apercevoir les dérèglements du clergé ; le manteau de la charité est fait pour les couvrir. Tout chrétien qui sera pourvu de ces deux pièces importantes ne trouvera rien de choquant, ou qu'on ne puisse justifier, dans la conduite des ministres de l'église. Celui qui n'a pas bonne opinion des prêtres du seigneur devient bientôt un impie ; mépriser le clergé, c'est mépriser l'église ; mépriser l'église, c'est mépriser la religion ; mépriser la religion, c'est mépriser le dieu qui en est l'auteur. D'où je conclus que mépriser les prêtres c'est être un incrédule, un athée, ou, ce qui est encore pis, c'est être un philosophe. Il est évident qu'un homme qui pense ainsi sur le compte du clergé ne peut avoir ni foi, ni loi, ne peut être vertueux, ne peut être bon citoyen, bon pere, bon mari, bon ami, bon soldat, bon magistrat, bon médecin etc. En un mot il n'est bon qu'à bruler, afin d'empêcher les autres d'imiter sa façon de penser.

<P>Ces réflexions sommaires doivent suffire pour nous faire sentir les obligations immenses que nous avons au clergé ; je les récapitule en peu de mots. C'est à l'ambition si légitime des prêtres que nous devons les combats continuels du sacerdoce et de l'empire, qui, pour le bien de nos âmes, ont depuis tant de siècles désolé les États, dérouté la politique humaine, et rendu les gouvernements faibles et chancelants. C'est à la ligue du sacerdoce et de l'empire que les peuples en plusieurs pays sont redevables du despotisme, des persécutions, des saintes tyrannies qui ont dévasté pour la plus grande gloire de Dieu les plus florissantes contrées. C'est aux saintes querelles des prêtres entre eux que nous devons les hérésies et les persécutions des hérétiques ; c'est aux hérésies que nous devons la très sainte inquisition, ses buchers et ses tortures, ainsi que les exils, les emprisonnements, les formulaires, les bulles etc. Qui, comme on sait, remédient parfaitement aux erreurs et les empêchent de s'étendre. C'est au zêle du sacerdoce que nous devons les révolutions, les séditions, les guerres de religion, les régicides et les autres spectacles édifiants que la religion depuis dix-huit siècles procure à ses enfants chéris. C'est à la sainte avidité du sacerdoce que les peuples sont redevables de l'indigence heureuse, de ce découragement salutaire, qui étouffent l'industrie partout où les prêtres sont puissants. C'est à leur louable inimitié pour la science que nous devons le peu de progrès des esprits dans les connaissances mondaines et leurs progrès immenses dans la théologie. C'est à leur morale toute divine que nous devons l'heureuse ignorance où nous sommes de la morale humaine, qu'il serait bon d'oublier : c'est à leurs casuistes que nous devons cette morale merveilleuse et calculée qui nous rend à peu de frais les amis de Dieu : enfin c'est à leurs vices mêmes, à leurs saintes tracasseries que nous devons les épreuves qui nous conduiront au salut.

<P>Joignez à tout cela les prières ferventes, les instructions charitables, l'éducation merveilleuse dont depuis tant de siècles les nations recueillent visiblement les fruits, et vous reconnaitrez, mes frères, que vous ne sauriez trop faire pour des hommes qui se dévouent pour notre bien en ce monde, et à qui, suivant toute apparence, nous devrons un jour le bonheur éternel en échange de celui dont ils nous privent ici bas. Ainsi que tout bon chrétien se pénètre d'un respect profond pour les prêtres du seigneur ; qu'il sente les obligations immenses qu'il leur a ; que les princes les placent sur le trône à leurs côtés, ou plutôt qu'ils leur cèdent une place qui ne peut être plus dignement occupée ; qu'ils commandent également aux souverains et aux sujets ; que revêtus d'un pouvoir illimité, toutes leurs volontés soient reçues sans murmure par les nations dociles, ils ne peuvent jamais abuser de leur puissance, elle tendra toujours nécessairement au bien-être de l'église, qui ne sera jamais qu'une seule et même chose avec le clergé.

<P>En effet ne nous y trompons pas, mes chers frères, l'église, la religion, la divinité même sont des mots qui ne désignent que le sacerdoce, envisagé sous différents points de vue. L'église est un nom collectif pour désigner le corps de nos guides spirituels ; la religion est le système d'opinions et de conduite imaginé par ces guides pour vous mener plus surement. À force de théologie la divinité s'est elle-même identifiée avec vos prêtres, elle ne réside plus que dans leur cerveau, elle ne parle que par leur bouche, elle les inspire sans cesse, elle ne les dément jamais.

<P>D'où vous voyez que vos prêtres sont ce que vous connaissez de plus sacré dans l'univers. Ces prêtres forment l'église ; l'église décide du culte et de la religion ; la religion est l'ouvrage de l'église dans laquelle Dieu ou l'esprit de Dieu ne peut se dispenser de résider. D'après ces vérités si frappantes, auxquelles l'incrédulité la plus audacieuse ne peut point se refuser, vous voyez que les droits du clergé sont vraiment des droits divins puisqu'ils ne sont que les droits de la divinité même. Les intérêts du clergé sont les intérêts de Dieu lui-même. Les droits, les intérêts, la cause du clergé ne peuvent se séparer de ceux de la divinité, qui réside en eux, de même que l'âme réside dans le corps, et s'affecte de tout ce qui fait impression sur ce corps. En un mot Dieu, la religion, l'église sont la même chose que les prêtres. C'est de cette trinité que résulte l'être unique que l'on nomme le clergé .

<P>En fixant ou simplifiant ainsi vos idées, mes très chers frères, tout le système de la religion se découvrira sans nuages à vos yeux. Vous comprendrez que le culte divin est l'hommage que le clergé juge nécessaire d'imposer aux nations ; vous sentirez que nos dogmes sont les opinions de ce même clergé ; vous verrez que la théologie est l'enchainement de ces mêmes opinions ; vous concevrez que les disputes du clergé sur les dogmes viennent du peu d'harmonie qui subsiste quelquefois entre Dieu, qui est l'âme de l'église, et les prêtres qui en sont le corps. Vous reconnaitrez que Dieu, la religion et l'église doivent changer d'avis quelquefois puisque le clergé est forcé d'en changer. Vous comprendrez qu'obéir à Dieu, à la religion, à l'église, c'est obéir au clergé, et par conséquent que regimber contre le clergé c'est se révolter contre le ciel ; en médire c'est blasphémer : le mépriser c'est être impie ; l'attaquer c'est s'en prendre à Dieu lui-même ; toucher à ce qui lui appartient c'est commettre un sacrilège ; enfin vous sentirez que ne point croire au clergé c'est être athée , c'est ne point croire en Dieu lui-même. Monarques ! Grands de la terre ! Nations ! Tombez donc en tremblant dans la poussière aux pieds de vos prêtres divins ; baisez les traces de leurs pas ; pénétrez-vous d'une sainte frayeur. Profanes ! Qui que vous soyez, rampez comme des insectes devant les ministres du très-haut ; ne levez jamais un front audacieux devant les maitres de votre sort ; ne portez jamais un oeil curieux dans le sanctuaire redoutable, ni sur les importants mystères de vos guides sacrés ; tout ce qu'ils disent est vérité ; tout ce qu'ils ordonnent est utile et sage ; tout ce qu'ils exigent est juste, tout ce qu'ils enseignent sont des arrêts du ciel, ce serait un crime affreux de les examiner. Souverains ! Montrez l'exemple de l'obéissance, de la crainte, du respect le plus servile : sujets ! Quand vos prêtres l'exigent, forcez vos souverains à plier sous le joug. Princes de la terre, votre pouvoir dépend de votre soumission aux ministres du ciel ; tirez donc l'épée pour eux, exterminez pour eux, appauvrissez vos peuples pour les faire vivre dans la splendeur et l'abondance. Nations ! Dépouillez-vous vous-mêmes pour accumuler vos richesses périssables sur des hommes tout divins, à qui seuls la terre appartient ; sinon, redoutez la vengeance des ministres courroucés du dieu de la vengeance ; songez qu'il est en colère contre la race humaine ; songez que ses bienfaits ne sont dûs qu'aux prières de ses favoris, devant lesquels jamais vous ne pouvez trop vous abaisser. Enfin souvenez-vous toujours que ce n'est que par leurs recommandations et leur crédit que vous pourrez entrer dans le séjour de la gloire, et mériter l'éternelle félicité, qui seule est digne d'occuper vos pensées ; vous ne l'obtiendrez qu'en vous rendant malheureux ici-bas, qu'en y rendant vos prêtres heureux, qu'en vous soumettant sans examen à toutes leurs volontés : voilà le chemin du bonheur, que je vous souhaite, au nom du père, du fils et du saint-esprit.

<P>Ainsi soit-il.


DICTIONNAIRE


Aaron

Grand prêtre des hébreux, digne frère de Moïse, et le parfait modèle de nos prêtres modernes. Il fit adorer, et adora lui-même, le veau d'or, en quoi il est assez bien imité par ses successeurs dans le sacerdoce ; le peuple d'Israël fut puni de la sotise de son prêtre, qui ne fut point châtié lui-même, à cause des immunités du clergé. Aaron pour avoir manqué de foi fut exclus de la terre promise, et c'est pour l'imiter que nos prêtres ne croient point toujours aux belles choses qu'ils nous disent. Malgré ces bagatelles Dieu, qui connait tout ce que vaut un grand prêtre, s'intéressait si fort à lui, qu'il a compté jusqu'aux grelots qu'il devait porter à sa jaquette ; cela doit nous faire sentir que rien de ce qui touche les prêtres n'est indifférent à Dieu.


<DT>Abbayes

<DD>Asiles sacrés contre la corruption du siècle, qui dans des temps de foi vive, furent fondés et dotés par de saints brigands, et destinés à recevoir un certain nombre de citoyens ou de citoyennes très utiles, qui se consacrent à chanter, à manger, à dormir, le tout pour que leurs concitoyens travaillent avec succès.


<DT>Abbé

<DD>C'est un père spirituel qui jouit des revenus temporels attachés à une abbaye, à condition de dire son bréviaire, de tourmenter ses moines et de plaider contre eux. Tout les abbés de ce monde ne jouissent point d'une abbaye, quoiqu'ils en aient bonne envie ; plusieurs ne jouissent que du droit d'aller vêtus de noir, de porter un rabat, et de colporter des nouvelles.


<DT>Abnégation

<DD>Vertu chrétienne qui est l'effet d'une grâce surnaturelle ; elle consiste à se haïr soi-même, à détester le plaisir, à craindre comme la peste tout ce qui nous est agréable ; ce qui devient très facile pour peu qu'on ait une dose de grâce efficace ou suffisante pour entrer en démence.


<DT>Abraham

<DD>C'est le père des croyants. Il mentit, il fut cocu, il se rogna le prépuce et montra tant de foi que, si un ange n'y eût mis la main, il coupait la jugulaire à son fils, que le bon dieu, pour badiner, lui avait dit d'immoler : en conséquence Dieu fit une alliance éternelle avec lui et sa postérité, mais le fils de Dieu a depuis anéanti ce traité, pour de bonnes raisons que son papa n'avait point pressenties.


<DT>Absolution

<DD>C'est la rémission des péchés que l'on a commis contre Dieu : les prêtres de l'église romaine l'accordent aux pécheurs, en vertu d'un blanc-seing de la divinité : invention très commode pour mettre bien à l'aise des fripons timorés, qui pourraient bien conserver des remords si l'église n'avait point l'attention de les rassurer.


<DT>Abstinences

<DD>Pratiques très saintes ordonnées par l'église ; elles consistent à se priver des bienfaits de la providence, qui n'a créé les bonnes choses que pour que ses chères créatures n'en fissent aucun usage ; l'on voit qu'en ordonnant des abstinences la religion remédie sagement à la trop grande bonté de Dieu.


<DT>Absurdités

<DD>Il ne peut y en avoir dans la religion ; elle est l'ouvrage du verbe ou de la raison divine, qui, comme on sait, n'a rien de commun avec la raison humaine. C'est faute de foi que les incrédules croient trouver des absurdités dans le christianisme ; or, manquer de foi, est, sans doute, le comble de l'absurdité. Pour faire disparaître du christianisme toutes les absurdités il ne faut qu'y être habitué dès l'enfance et ne les jamais examiner. Plus une chose est absurde aux yeux de la raison humaine plus elle est convenable à la raison divine ou à la religion.


<DT>Abus

<DD>Il s'en glisse parfois dans l'église, malgré les soins vigilants de la divinité ; on en est quitte pour réformer ces abus lorsqu'ils font trop crier. D'ailleurs ce ne sont que des gens sans foi qui s'aperçoivent de ces abus, ceux qui en ont assez n'en remarquent jamais.


<DT>Adam

<DD>C'est le premier homme. Dieu en fit un grand nigaud, qui pour complaire à sa femme, eut la bêtise de mordre dans une pomme, que ses descendants n'ont point encore pu digérer.


<DT>Agneau de dieu

<DD>C'est Jésus-Christ. L'écriture nous dit de craindre la colère de l'agneau qui, suivant l'apocalypse, est plus méchant qu'un loup, et plus colère qu'un dindon. v Enfer.


<DT>Agnus-dei

<DD>Petits gâteaux de cire, bénis par le pape lui-même, et qui par conséquent ont reçu de la première main la vertu miraculeuse d'écarter les prestiges, les enchantements, les orages. Voilà pourquoi le tonnerre ne tombe jamais dans les pays qui sont pourvus de cette sainte marchandise.


<DT>Aliénation

<DD>Les biens ecclésiastiques ne peuvent point s'aliéner ; les prêtres n'en sont que les gardiens ; c'est Dieu qui en est le propriétaire ; mais il est toujours mineur et sous la tutelle de l'église. Il n'est permis aux prêtres que d'aliéner leur esprit, ou bien celui des dévotes qui écoutent leurs saintes leçons.


<DT>Aliments

<DD>Rien n'est plus important au salut que de mettre du choix dans ses aliments : l'église romaine, en bonne mère, s'intéresse à la santé de ses enfants, elle leur prescrit un régime et les met fréquemment à la diète. voyez Jeûne et Maigre.


<DT>Alliances

<DD>Dieu, qui est immuable, a fait deux alliances avec les hommes ; la première qu'il avait juré devoir être éternelle, ne subsiste plus depuis longtemps ; la seconde durera suivant les apparences tant qu'il plaira à Dieu ou à ses prêtres, ou à la cour.


<DT>Âme

<DD>Substance inconnue, qui agit d'une façon inconnue sur notre corps que nous ne connaissons guère ; nous devons en conclure que l'âme est spirituelle. Or personne n'ignore ce que c'est que d'être spirituel. L'âme est la partie la plus noble de l'homme, attendu que c'est celle que nous connaissons le moins. Les animaux n'ont point d'âmes, ou n'en ont que de matérielles ; les prêtres et les moines ont des âmes spirituelles, mais quelques-uns d'entre eux ont la malice de ne point les montrer, ce qu'ils font, sans doute, par pure humilité.


<DT>Amour

<DD>Passion maudite que la nature inspire à un sexe pour l'autre, depuis qu'elle s'est corrompue. Le dieu des chrétiens n'est point galant, il n'entend point raillerie sur le fait de l'amour ; sans le péché originel les hommes se seraient multipliés sans amour, et les femmes seraient accouchées par l'oreille.


<DT>Amour divin

<DD>C'est l'attachement sincère que tout bon chrétien, sous peine d'être damné, doit avoir pour un être inconnu, que les théologiens ont rendu le plus méchant qu'ils ont pu, pour exercer sa foi. L'amour de Dieu est une dette, nous lui devons surtout beaucoup pour nous avoir donné de la théologie.


<DT>Amour propre

<DD>Disposition fatale par laquelle l'homme corrompu a la folie de s'aimer lui-même, de vouloir se conserver, de désirer son bien-être. Sans la chute d'Adam nous aurions eu l'avantage de nous détester nous-mêmes, de haïr le plaisir, de ne point songer à notre conservation propre.


<DT>Anachorètes

<DD>Hommes très saints, justement estimés dans l'église, qui pour être plus parfaits, se sont éloignés du commerce des humains, dans la crainte d'avoir le malheur de leur être bons à quelque chose.


<DT>Anathèmes

<DD>Imprécations charitables que les ministres du dieu de paix lancent contre ceux qui leur déplaisent, en les dévouant, pour le bien de leurs âmes, à des supplices éternels, quand ils ne peuvent point faire subir à leurs corps des supplices temporels.


<DT>Ânes.

<DD>Animaux à longues oreilles qui sont patients et malins. Ils sont les vrais modèles des chrétiens, qui doivent se laisser bâter et porter la croix comme eux. Jésus monta un âne, qui ne lui appartenait point, lorsqu'il fit son entrée glorieuse dans Jérusalem, action par laquelle il voulût annoncer que ses prêtres auraient le droit de monter et de bâter les chrétiens et les chrétiennes jusqu'à la consommation des siècles. Cet article est de M Fréron.


<DT>Anges

<DD>Courriers du cabinet céleste, que Dieu dépêche à ses favoris. Sans les anges Dieu serait réduit à faire ses commissions lui-même. Chaque chrétien a l'avantage d'avoir un ange gardien, qui l'empêcherait de faire bien des sottises, si cela ne nuisait point au libre arbitre ; les archanges sont aux anges ce que nos archevêques sont aux évêques ; la divinité s'en sert dans les ambassades importantes.


<DT>Annates

<DD>Les souverains catholiques permettent très sagement à un prêtre étranger de rançonner les prêtres de leurs États, sans cela ceux-ci ne pourraient légitimement exercer le droit divin de rançonner leurs concitoyens.


<DT>Annonciation

<DD>Visite de cérémonie d'un pur esprit lorsqu'il troussa son compliment à une vierge de Judée : il en résulta un marmot aussi grand que son papa, qui n'a pas laissé de faire un certain bruit dans le monde, sans celui que nous avons lieu d'espérer qu'il y pourra faire encore, si les hommes sont toujours aussi sages qu'ils l'ont été.


<DT>Antilogies

<DD>Terme théologique pour désigner les contradictions qui se trouvent, parfois, dans la parole de Dieu. Ces contradictions ne sont jamais qu'apparentes, elles ne sautent jamais qu'aux yeux des aveugles, ceux qui sont éclairés par la foi voient sur le champ que Dieu ne saurait se contredire lui-même, à moins que ses ministres ne lui fassent changer d'avis.


<DT>Antipodes

<DD>C'est une hérésie que d'y croire. Dieu, qui a fait le monde, a dû savoir ce qui en était, or il n'y a point cru lui-même, comme on le voit par ses livres.


<DT>Antiquité

<DD>Elle n'a jamais pu se tromper ; l'ancienneté est toujours une preuve indubitable de la bonté d'une opinion, d'un usage, d'une cérémonie, etc. Il est très important de ne rien innover ; les vieux souliers sont plus commodes que les neufs, les pieds n'y sont point gênés. Le clergé ne doit jamais démordre de ce qu'il a toujours pratiqué. L'église la plus vieille est la moins sujette à radoter.


<DT>Anthropologie

<DD>Manière de s'exprimer des écrivains sacrés ; elle consiste à supposer des yeux, des mains, des passions, des noirceurs, des malices, au pur esprit qui gouverne l'univers dans sa bonté. Dieu a fait les hommes à son image, et les prêtres ont fait Dieu à l'image des prêtres, voilà pourquoi nous le trouvons si charmant.


<DT>Apocalypse

<DD>Livre très respectable et très curieux de l'écriture sainte, que Newton a commenté. Il contient de saints contes inventés par St Jean, qui sont un peu moins joyeux que ceux de La Fontaine, mais bien plus propres à faire trotter la cervelle des grands enfans qui les lisent. Pendant trois siècles l'église grecque, dont était l'apôtre St Jean, a regardé l'apocalypse comme un livre apocryphe, mais les pères latins, qui étaient bien plus au fait, l'ont tenu pour sacré, ce qui paraît décisif pour sa canonicité.


<DT>Apôtres

<DD>Ce sont douze gredins fort ignorants, et gueux comme des rats d'église, qui composaient la cour du fils de Dieu sur la terre, et qu'il chargea du soin d'instruire tout l'univers. Leurs successeurs ont fait depuis une fortune assez brillante, à l'aide de la théologie, que leurs devanciers, les apôtres, n'avaient point étudié. D'ailleurs le clergé, comme la noblesse, est fait pour acquérir plus de lustre à mesure qu il s'éloigne de sa première origine, ou qu'il ressemble moins à ses devanciers.


<DT>Apparition

<DD>Visions merveilleuses qu'ont l'avantage d'avoir ceux ou celles à qui Dieu fait la grâce spéciale d'avoir le cerveau timbré, des vapeurs hystériques, de mauvaises digestions, et de mentir effrontément.


<DT>Appel comme d'abus

<DD>Usage impie et injurieux à l'église ; il est méchamment établi dans quelques pays, où l'on a la témérité d'en appeller à des juges profanes des décisions des juges sacrés, qui sont, comme on sait, incapables d'abuser de leur ministère ou de mal décider.


<DT>Appelants

<DD>Ce sont en France des jansénistes qui ont sagement appelé de la bulle unigenitus au futur concile général, qui décidera définitivement les disputes sur la grâce : suivant les dernières nouvelles on est sûr que ce concile se tiendra sans faute la veille du jugement dernier.


<DT>Arche sainte

<DD>C'est la caisse du clergé. Dieu n'entend point raillerie sur la cassette de sa femme ; elle contient, comme on sait, les biens et les joyaux de la communauté. Les princes, qui sont souvent assez près de leurs pièces, sans la foi qui les retient seraient quelquefois bien tentés d'y toucher ; néanmoins, en s'y prenant comme il faut, ils pourraient sans danger tenter l'aventure ; Dieu, qui par fois sommeille, leur laisserait emporter le coffre-fort sans mot dire.


<DT>Archevêque

<DD>Titre inconnu dans les premiers siècles de l'église, mais inventé depuis par l'humilité des pasteurs, qui, après s'être élevés sur le dos des profanes, ont cherché à s'élever peu à peu sur le dos les uns des autres, pour mieux voir ce qui se passe dans le bercail de Jésus-Christ.


<DT>Argent

<DD>Il est une source de crimes dans la société ; les prêtres doivent faire tous leurs efforts pour en soulager les fidèles, afin qu'ils marchent plus lestement dans la voie du salut. Jésus-Christ ne voulait pas que ses apôtres prîssent de l'argent, mais l'église a depuis bien changé tout cela ; aujourd'hui sans argent point de prêtres. Le tout pour accomplir cet ordre du lévitique chap xxvii v 18. Supputabit sacerdos pecuniam. Le prêtre comptera son argent.


<DT>Armes

<DD>Les clercs ne peuvent point en porter ; mais ils peuvent les mettre en cas de besoin entre les mains des laïques, pour se livrer des combats que le clergé s'amuse à voir du mont Pagnot, où il élève au ciel ses mains sacrées, afin d'implorer son secours en faveur de ceux qui combattent pour ses droits divins ou ses saintes fantaisies.


<DT>Asile (droit d')

<DD>Dans plusieurs États vraiment chrétiens les églises et les monastères jouissent du droit de fournir une retraite sûre aux voleurs, aux filous, aux assassins, pour les soustraire à la rigueur des lois : usage très avantageux à la société, et qui doit rendre les ministres de l'église très chers à tous les vauriens.


<DT>Assassinat

<DD>Cas prévôtal pour les laïques, mais privilégié pour les clercs ; ceux-ci, dans quelques contrées, jouissent du droit de voler et d'assassiner, sans pouvoir être repris par la justice ordinaire. D'ailleurs on sait que l'église jouit de droit divin du droit d'assassiner les hérétiques, les tyrans et les mécréants, ou du moins de celui de les faire assassiner par les laïques, vu qu'elle abhorre le sang.


<DT>Athées

<DD>Noms que les théologiens donnent assez libéralement à quiconque ne pense pas comme eux sur la divinité, ou ne la croit pas telle qu'ils l'ont arrangée dans le creux de leurs infaillibles cerveaux. En général un athée c'est tout homme qui ne croit pas au dieu des prêtres. voyez Dieu.


<DT>Attributs divins

<DD>Qualités inconcevables qu'à force d'y rêver les théologiens ont décidé devoir nécessairement appartenir à un être dont ils n'ont point d'idées. Ces qualités paraissent incompatibles à ceux qui manquent de foi, mais elles sont faciles à concilier quand on n'y réfléchit point. Les attributs négatifs dont la théologie gratifie la divinité nous apprennent qu'elle n'est rien de tout ce que nous pouvons connaître, ce qui est très propre à fixer idées.


<DT>Attrition

<DD>Terme théologique qui désigne le regret qu'un chrétien a de ses fautes, en vue des châtiments dont elles peuvent être suivies. Ce regret suffit pour appaiser Dieu, suivant les jésuites, mais il ne suffit point suivant les jansénistes : Dieu nous apprendra, sans doute, un jour qui des deux a rencontré.


<DT>Avarice

<DD>Péché capital dans les laïques, qui doivent toujours se montrer généreux à l'endroit de l'église ; quant à l'église, elle ne doit point se piquer de générosité : ses biens sont à son mari, qui gronderait si sa femme faisait trop bien les choses envers des coquins de laïques, qu'elle ne doit point gâter.


<DT>Ave Maria

<DD>Compliment élégant et bien troussé, que l'ange Gabriel fit de la part de Dieu le père à la vierge Marie, qu'il allait obombrer ou couvrir. Cette vierge depuis sa mort ou son assomption, est très flattée toutes les fois qu'on lui rappelle cette gaillarde aventure, qui lui fait beaucoup d'honneur.


<DT>Avenir

<DD>C'est un pays connu des géographes spirituels, où Dieu paiera, sans faute, à leur échéance toutes les lettres de change que ses facteurs ou courtiers auront tirées sur lui : on n'a point appris jusqu'ici qu'il ait laissé protester les lettres de ses gens d'affaires ; elles sont, comme on sait, toujours payables à vue.


<DT>Avent

<DD>Temps de jeûnes, de mortifications et de tristesse, pendant lequel les bons chrétiens se désolent de l'arrivée prochaine de leur libérateur.


<DT>Augures

<DD>Nos augures modernes doivent bien rire toutes les fois qu'ils se rencontrent, où, quand le verre à la main, ils raisonnent de la sottise de ceux qui ne sont point du collège des augures.


<DT>Aumône

<DD>C'est toute distribution de son propre bien ou de celui des autres faite en vue de perpétuer la sainte oisiveté des prêtres, des moines, des fainéants, ou de tous ceux qui trouvent qu'il est bien plus commode de prier que de travailler.


<DT>Austérités

<DD>Moyens ingénieux que les chrétiens parfaits ont imaginés pour se tourmenter eux-mêmes ; afin de faire un grand plaisir au dieu de la bonté : il est toujours charmé de l'esprit que ses chers enfans montrent dans ces sortes d'inventions, les austérités ont de plus l'avantage de faire ouvrir de grands yeux à ceux qui sont témoins de ces merveilleuses folies ; elles paraissent très sages à tous ceux qui ont la simplicité de la foi.


<DT>Autels

<DD>Ce sont les tables de Dieu, qui dégouté de tous les mets dont on le régalait autrefois, veut aujourd'hui que ses sacrificateurs lui servent son propre fils, qu'ils mangent ensuite eux-mêmes ou font manger à d'autres, en se réservant, comme de raison, la sauce. À la vue de ce repas friand la colère du père éternel est désarmée, il est l'ami de cœur de tous ceux qui lui viennent croquer son cher fils à sa barbe. L'autel dans un sens figuré est toujours opposé au trône ; ce qui signifie que les prêtres donnent souvent de la tablature aux souverains. Néanmoins quand l'église est attaquée, il est bon de crier que l'on sappe et le trône et l'autel ; cela rend l'église intéressante, cela fait que le souverain se croit en conscience obligé d'entrer dans sa querelle et de s'intéresser pour elle, même contre ses propres intérêts. Quand les princes ont bien de la foi, il est aisé de leur faire entendre que quand on en veut aux prêtres, c'est à eux-mêmes que l'on en veut.


<DT>Autodafé

<DD>Acte de foi, régal appétissant que l'on donne de temps à autres à la divinité. Il consiste à faire cuire en cérémonie des hérétiques ou des juifs, pour le plus grand bien de leurs âmes et pour l'édification des spectateurs. On sait que le père des miséricordes eut toujours un goût décidé pour la grillade.


<DT>Autorité ecclésiastique

<DD>C'est la faculté dont jouissent les ministres du seigneur de convaincre de la bonté de leurs décisions, de l'authenticité de leurs droits, de la sagesse de leurs opinions, à l'aide des prisons, des soldats, des fagots et des lettres de cachet.


<DT>Azyme (pain)

<DD>Il s'est élévé jadis une importante dispute dans l'église, pour savoir si Dieu aimait mieux être changé en pain levé qu'en pain azyme ou sans levain. Cette grande question, après avoir longtemps partagé l'univers, est heureusement décidée ; une portion des chrétiens fait usage du pain levé, et l'autre se sert du pain azyme ou sans levain.



<DT>Babel (tour de)

<DD>Parabole ou allégorie sous laquelle la bible a selon toute apparence voulu désigner prophétiquement la théologie, et faire entendre que tout ceux qui voudraient s'élever jusqu'à Dieu et raisonner de son essence ne s'entendraient pas plus qu'un hottentot et un français, qu'un bas-breton et un suisse, qu'un curé et son seigneur, qu'un moliniste et un janséniste.


<DT>Balaam

<DD>Faux prophête, dont l'ânesse avait, dit-on, la faculté de parler ; ce qui est regardé par les esprits forts comme un conte à dormir de bout ; cependant ce miracle se perpétue dans l'église, où rien n'est plus ordinaire que de voir des ânes et des ânesses parler, et même raisonner sur la théologie.


<DT>Bancs

<DD>Sièges de bois sur lesquels les théologiens placent leurs derrières sacrés, et que souvent ils se jettent à la tête dans les conférences amicales et polies qu'ils ont sur la religion.


<DT>Bâtards

<DD>Ce sont des vauriens dont les parents n'ont point payé l'église pour acquérir le droit de coucher ensemble. En conséquence de la sage jurisprudence introduite par le péché originel, les bâtards doivent être punis de la faute de leurs pères ; on les prive des avantages dont jouissent les enfans de ceux qui ont payé pour coucher.


<DT>Baptême

<DD>Sacrement indispensablement nécessaire au salut. Dieu n'admettra personne dans sa gloire à moins qu'une fois en sa vie il n'ait reçu de l'eau froide sur l'occiput. Cette eau a la vertu de laver un enfant d'un péché énorme, expié par le fils de Dieu, et qui ne s'était commis que quelques milliers d'années avant que les parents de l'enfant songeassent à le fabriquer.


<DT>Béatification

<DD>Acte solennel par lequel le pontife romain, qui a des nouvelles sûres de l'autre monde, déclare à l'univers qu'un moine, qu'il n'a point connu, jouit de l'éternelle félicité et peut être complimenté à ce sujet.


<DT>Bedeaux

<DD>Ce sont des gens d'église qui vivent de l'autel, aussi bien que les prêtres ; on assure qu'ils font leur soupe avec le pain bénit.


<DT>Bégueules

<DD>Voyez dévotes, couvent, religieuses.


<DT>Bénédictions

<DD>Charmes, enchantements, cérémonies magiques par lesquelles les ministres du seigneur, en levant deux doigts en l'air et en marmottant de saintes conjurations, évoquent le tout-puissant et le forcent à lâcher le robinet de ses grâces sur les hommes et sur les choses ; ce qui leur fait sur le champ changer de nature, et ce qui remplit surtout le gousset du clergé. Quand une chose est bénite elle est sacrée , elle cesse d'être profane, on ne peut plus y toucher sans sacrilége, sans profanation, sans mériter d'être brûlé.


<DT>Bénéfices

<DD>Revenus attachés à un office ecclésiastique, et perçus au nom de Dieu par un membre du clergé, qui dès qu'il en est pourvu le possède de droit divin , et n'en a par conséquent obligation à personne. Il n'est permis à un prêtre de posséder qu'un seul bénéfice, c'est une des règles de l'église que nous voyons le plus fidèlement observée.


<DT>Bible

<DD>Livre très saint, inspiré par l'esprit de Dieu, qui contient tout ce qu'un chrétien doit savoir et pratiquer. Il est à propos que les laïques ne le lisent jamais ; la parole de Dieu ne manquerait pas de leur nuire, il vaut bien mieux que les prêtres lisent la bible pour eux ; ils ont seuls l'estomac assez fort pour la bien digérer, les laïques doivent se contenter des produits de la digestion sacerdotale.


<DT>Biens ecclésiastiques

<DD>Ce sont les biens appartenant à l'église par conséquent à Dieu qui est son mari ; elle ne l'a épousé qu à condition de la communauté des biens, sans cela elle n'eût point consenti à prendre un vieux barbon, dont elle n'a pas de douaire à espérer.


<DT>Blasphèmes

<DD>Paroles ou discours qui attachent à des objets inconnus des idées qui ne leur conviennent point, ou bien qui leur ôtent celles que les prêtres ont décidé leur convenir. D'où l'on voit que blasphémer c'est n'être pas de l'avis du clergé, ce qui est évidemment le plus affreux des crimes.


<DT>Bonnes âmes

<DD>Ce sont celles qui font du bien à l'église ou qui ont soin de faire bouillir la timbale des sacrificateurs ou la marmite sacrée.


<DT>Bonnet quarré

<DD>C'est, dit-on, l'éteignoir du bon sens . On affuble le péricrâne d'un docteur d'un bonnet quarré pour lui faire sentir que sa fonction désormais sera d'éteindre dans les autres la raison, qu'à force d'étudier il est heureusement parvenu à éteindre en lui-même.


<DT>Bonté

<DD>Perfection divine. Dieu est parfaitement bon, sans aucun mélange de méchanceté ; il est vrai que malgré sa bonté il nous fait, ou permet que l'on nous fasse du mal, mais cela ne prouve rien, il est toujours bon pour ses prêtres, cela doit nous suffire.


<DT>Bourreau

<DD>C'est toujours le meilleur chrétien d'un État et le citoyen le plus orthodoxe. Il est l'ami du clergé, le défenseur de la foi, l'homme le plus utile aux prêtres ou à la cause de Dieu.


<DT>Bras séculier

<DD>Ce sont les souverains, les magistrats, les archers et les bourreaux, auxquels l'église, pour le bien de ses enfants, livre en mère tendre tous ceux qu'elle n'a pas la cruauté de massacrer elle même.


<DT>Bréviaire

<DD>Recueil de prières en beau latin que les ecclésiastiques possesseurs de bénéfices, afin de gagner leur argent, sont obligés de réciter tous les jours, sous peine d'être inutiles à la société.


<DT>Bulles

<DD>Lambeaux de parchemin, revêtus d'un sceau de plomb, que le serviteur des serviteurs de Dieu expédie, quand il s'agit soit de tirer de l'argent, soit d'exciter quelque sainte fermentation dans les pays qui ont besoin d'exercice. Sans la bulle unigenitus la France eût été depuis cinquante ans dans le plus affreux engourdissement.



<DT>Calamités

<DD>Toutes celles dont la providence permet que le genre humain soit affligé n'ont pour objet que l'avantage du sacerdoce. Jamais les peuples ne sont plus dévots que quand ils ont bien peur ou quand ils sont bien malheureux. Pour que le clergé eût lieu d'être content il faudrait que les calamités, et sur tout les contagions et les pestes, fussent un peu plus fréquentes ; les prêtres pourraient alors recueillir des héritages ou du moins ils auraient le plaisir d'enterrer bien du monde.


<DT>Calomnie

<DD>Moyen très légitimement et très saintement employé par les prêtres, par les dévots, et surtout par les dévotes, contre les ennemis de leurs confesseurs et de l'église ; le tout pour la plus grande gloire du dieu de vérité.


<DT>Calendes grecques

<DD>Époque sûre à laquelle les prêtres renvoient les fidèles pour vérifier l'efficacité de leur bréviaire, l'authenticité de leurs droits et l'utilité de leurs leçons. voyez Avenir et Paradis.


<DT>Canoniques (livres)

<DD>On nomme ainsi les livres de l'écriture sainte contenus dans la bible, avoués par l'église et que ses prêtres ont vu de leurs propres yeux écrire et composer au saint-esprit lui-même.


<DT>Canonisation

<DD>Cérémonie solennelle par laquelle le très saint père, forcé par les miracles d'un saint homme trépassé depuis cent ans, ou par l'argent de ceux qui s'intéressent à sa réputation, notifie que cet homme est en paradis, qu'on peut en sûreté de conscience brûler des cierges en son honneur, et donner pourboire aux moines ses confrères.


<DT>Canons

<DD>Règles et décisions par lesquelles des évêques assemblés en concile fixent, jusqu'à nouvel ordre, les dogmes invariables de la foi, la discipline de l'église, expliquent et corrigent la parole de Dieu, se font des titres et des droits incontestables, anathématisent tous ceux qui oseraient en douter, et se font obéir avec succès quand les canons des princes viennent à l'appui des canons de l'église.


<DT>Cantique des cantiques

<DD>Livre saintement graveleux qui contient les amours de Dieu avec son église. Ils sont décrits si décemment que les juifs n'osaient le lire avant trente ans ; les chrétiens, à force de foi, y trouvent de quoi s'édifier et s'instruire.


<DT>Capuchon

<DD>Morceau d'étoffe de laine, destiné à couvrir la nuque et la science renfermée dans une caboche monacale. La forme de ce saint chiffon a causé, comme on sait, de grands débats dans l'église, et a fait brûler plusieurs centaines de moines encapuchonnés.


<DT>Capucin

<DD>C'est un bouc à deux pieds, chargé de crasse, d'ignorance et de poux, qui chante du nez dans son couvent, et qui se montre dans les rues pour édifier les bonnes femmes et faire peur aux petits enfants.


<DT>Carcasse.

<DD>Voyez Sorbonne.


<DT>Cardinal

<DD>C'est un prêtre tout rouge qui, en vertu d'un bref du pape, devient égal aux rois, et se soustrait de leur obéissance, hors le cas où il s'agit d'en recevoir des grâces, qu'il a la bonté d'accepter par complaisance pure. Les cardinaux sont vêtus de rouge ou de couleur de feu pour qu'ils ne perdent jamais de vue le sang qu il faut répandre pour le bien de l'église, et les fagots qu'il faut allumer pour soutenir la foi.


<DT>Carême

<DD>Temps de mortifications et de jeûne par lequel les chrétiens plus dévots que les autres préparent leur estomac à manger l'agneau pascal, dont la chair serait très indigeste si l'on ne faisait diète et si l'on ne se purgeait comme il faut avant de la manger.


<DT>Carmes

<DD>Moines, qui par une grâce spéciale attachée à leur ordre, ont des talents cachés, qu'ils mettraient plus souvent en évidence si la foi n'était pas diminuée sur la terre.


<DT>Casuistes

<DD>Algébristes spirituels, qui ont su calculer et réduire en équations les sottises qu'un bon chrétien peut faire sans trop fâcher la divinité.


<DT>Catéchisme

<DD>Recueil d'instructions pieuses, inintelligibles et nécessaires que les prêtres ont soin d'inculquer aux petits chrétiens pour les accoutumer de bonne heure à déraisonner toute leur vie.


<DT>Catholique

<DD>Signifie universel. L'église catholique ou universelle est celle dont les trois quarts et demi du genre humain n'ont jamais entendu parler, et dont les prêtres par une faveur spéciale ne sont presque jamais d'accord entre eux ; ce qui prouve clairement que les vérités qu'ils annoncent ne sont point concertées.


<DT>Cause de Dieu

<DD>C'est la cause des prêtres, qui comme on sait, sont ses avocats, ses intendants, ses procureurs, mais qui ont rarement reçu de lui des pleins pouvoirs pour accommoder ses affaires par la voye de la douceur.


<DT>Causes finales

<DD>Les théologiens sont les confidents de la divinité ; ils

connaissent les motifs secrets de toutes ses actions, et trouvent que c'est pour le plus grand bien de l'espèce humaine qu'il y a des pestes, des guerres, des famines, des punaises, des cousins et des querelles théologiques sur la terre. Il est au moins certain que tout ce qui arrive dans le monde tourne toujours au profit du sacerdoce ; la divinité n'a jamais que son clergé en vue dans tout ce qu'elle fait ici-bas.


<DT>Célibat

<DD>Correction sagement faite par l'église romaine à l'ordre de se multiplier que Dieu lui-même avait donné dans la bible. Un bon chrétien ne devrait point se marier ; quant aux prêtres, ils n'ont pas besoin de femmes, les laïques en ont assez pour eux ; un prêtre marié courrait risque de s'unir d'intérêts à ses concitoyens, ce qui ne convient nullement aux vues saintes et profondes de l'église catholique apostolique et romaine.


<DT>Cénobites

<DD>Moines qui ne vivent en commun, afin d'être à portée de se faire plus efficacement enrager les uns les autres, et par là de mériter le ciel, qui ne s'obtient que par ceux qui enragent ici-bas.


<DT>Censures

<DD>Qualifications infamantes données par les théologiens à des personnes ou à des livres qui n'ont pas le bonheur de leur plaire ou de s'accorder avec leurs infaillibles idées. Nous ne présumons point que notre petit dictionnaire soit susceptible de censure.


<DT>Cérémonies

<DD>Ce sont des mouvements du corps sagement ordonnés par les prêtres dans la vue de plaire à Dieu ; elles sont d'une telle importance qu'il vaudrait mieux qu'une nation pérît par le fer et par le feu que d'en omettre ou d'en changer une seule. voyez Rites.


<DT>Certitude

<DD>Dans la religion elle consiste dans l'évidence que les oints du seigneur ne peuvent jamais ni se tromper eux-mêmes ni nous tromper. D'où l'on voit que la certitude théologique est mieux fondée que la certitude physique, qui n'a pour garants que nos sens, qui sont sujets à nous tromper.


<DT>Cervelle

<DD>Pour être bon chrétien il est très important de n'avoir point de cervelle, ou de l'avoir bien rétrécie. On peut à l'aide d'un confesseur, d'un précepteur ou d'un couvent la rendre telle à ses enfants. Voyez Éducation. Catéchisme. Couvent. Universités.


<DT>Chair (la)

<DD>Elle est toujours opposée à l'esprit ; il faut la mortifier, c'est une recette infaillible pour tenir l'esprit en gaieté. L'œuvre de la chair c'est comme qui dirait la fornication. L'aiguillon de la chair, c'est... voyez, Carmes.


<DT>Chaîre

<DD>C'est la boite à Pandore des chrétiens ; c'est la tribune aux harangues d'où les orateurs sacrés débitent leurs utiles leçons ; il en sort quelquefois des hérésies, des révoltes, des ligues, des guerres très nécessaires pour égayer les peuples et ranimer la foi.


<DT>Chaise stercoraire

<DD>Chaise percée, sur laquelle le pape nouvellement élu place son derrière sacré, afin que l'on soit à portée de vérifier son sexe, pour ne plus tomber dans l'inconvénient d'une papesse.


<DT>Chanoines

<DD>ce sont des prêtres communément plus chargés de cuisine que de science ; ils se rendent très utiles à l'état pour le bien duquel ils chantent souvent en dormant un beau latin qu'ils n'entendraient pas même s'ils étaient éveillés.


<DT>Chant

<DD>La divinité a un goût décidé pour le chant, pourvu qu'il soit bien lugubre et bien triste. Voilà pourquoi les chrétiens dépensent tant d'argent pour lui faire brailler nuit et jour des psalmodies ennuyeuses pour les oreilles sans foi.


<DT>Charité

<DD>C'est la plus importante de toutes les vertus ; elle consiste à aimer par-dessus toutes choses un dieu que nous ne connaissons guère, ou ses prêtres que nous connaissons très bien. De plus elle veut que nous aimions comme nous-mêmes notre prochain, pourvu néanmoins qu'il aime Dieu ou ses prêtres et qu'il en soit aimé ; sans cela il est convenable de le tuer par charité. Mais la vraie charité et la plus essentielle consiste à graisser la patte aux prêtres ; cette vertu seule suffit pour couvrir tous les péchés.


<DT>Charlatans

<DD>Ce sont des amis sincères du genre humain, qui ne cherchent jamais que son bien. Il y en a de sacrés et de profanes ; ceux-ci sont des coquins. Les autres sont d'honnêtes gens, qui débitent avec privilège du roi et du premier médecin des âmes, l'orviétan spirituel ; ils ont communément l'attention de nous rendre bien malades, afin de nous prouver la bonté de leur remède. voyez Prêtres.


<DT>Charnel

<DD>C'est ce qui n'est point spirituel : les hommes charnels sont ceux qui n'ont point assez d'esprit pour sentir le mérite des biens spirituels, pour lesquels on leur dit de renoncer au bonheur. En général les hommes charnels sont ceux qui ont le malheur d'être composés de chair et d'os, ou d'avoir du bon sens.


<DT>Chasteté

<DD>Vertu religieusement observée par les prêtres, les moines et les moinesses d'Italie, de Portugal et d'Espagne, en qui leurs voeux éteignent pour toujours les démangeaisons auxquelles les profanes sont sujets.


<DT>Chrême (saint)

<DD>Mélange de baume et d'huile, enchanté par un évêque ; il devient propre à faire descendre les grâces d'en-haut et à graisser les chrétiens dont la peau est trop aride.


<DT>Chrétien

<DD>C'est un bon homme, une brebis du bon dieu, qui dans la simplicité de son cœur se persuade qu'il croit fermement des choses incroyables, que ses prêtres lui ont dit de croire, surtout quand il n'y a jamais rêvé : en conséquence il est persuadé que trois ne font qu'un, que Dieu s'est fait homme, qu'il a été pendu, qu'il est ressuscité, que les prêtres ne peuvent jamais mentir, et que ceux qui ne croient point aux prêtres seront damnés sans rémission.


<DT>Christianisme

<DD>Système religieux attribué à Jésus-Christ mais réellement inventé par Platon et par St Paul, perfectionné par les pères, les conciles, les interprètes, et suivant les occasions corrigé par l'église pour le salut des hommes. Depuis la fondation de cette religion sublime, les peuples sont devenus bien plus sages, plus éclairés, plus heureux qu'auparavant ; à compter de cette heureuse époque on n'a vu ni dissensions, ni troubles, ni massacres, ni déréglements, ni vices : ce qui prouve invinciblement que le christianisme est divin, qu'il faut avoir le diable au corps pour oser le combattre, et qu'il faut être fou pour oser en douter.


<DT>Chronologie

<DD>L'esprit-saint a fixé dans la bible l'époque précise de la création du monde ; mais l'esprit-saint n'est pas d'accord avec lui-même sur cette époque quand il parle en hébreu, en grec ou en latin ; il l'a fait tout exprès pour exercer notre foi et pour amuser Messieurs Souciet et Newton.


<DT>Ciboire (saint)

<DD>Vase sacré, dans lequel, pour les garantir des rats, les prêtres catholiques renferment pour le besoin un magasin de petits dieux, qu'ils font manger aux chrétiens quand ils ont été bien sages.


<DT>Ciel

<DD>Pays fort éloigné, où réside le dieu qui remplit l'univers de son immensité. C'est de ce pays que nos prêtres font venir à peu de frais, les dogmes, les arguments et les autres denrées spirituelles et aériennes qu'ils débitent aux chrétiens ; c'est là, qu'assise sur les nuées la divinité par leurs ordres, répand sur nos climats les rosées ou les déluges, les pluies douces ou les orages, les calamités ou les prospérités et surtout les querelles religieuses, si utiles au maintien de la foi. Il y a trois ciels, comme chacun sait ; st Paul a vu le troisième, mais il ne nous a point donné la carte du pays, ce qui embarrasse beaucoup les géographes de l'académie.


<DT>Cimetières

<DD>Terrains bénits et découverts, où jusqu'à la résurrection des morts, l'église permet à ses enfants trépassés de pourrir en plein air, quand ils n'ont point assez d'argent pour acquérir le droit de pourrir dans un temple et d'infecter les vivants. Comme les riches n'entrent guères en paradis, il est honnête de les bien loger pour leur argent en attendant le jugement.


<DT>Circoncision

<DD>Le père éternel, qui, comme on sait, a parfois des fantaisies, voulait jadis que ses amis se rognassent le prépuce ; son fils lui-même s'est soumis à cette belle cérémonie ; mais depuis son papa s'est radouci ; il n'en veut plus aux prépuces de ses amis, il est content pourvu que jamais ils n'en fassent usage. v Amour.


<DT>Clefs (pouvoir des)

<DD>Ce sont les passe-partouts du ciel : Jésus-Christ les a lui-même remis à son église ; elle seule a droit d'ouvrir et de fermer le paradis ; le pape est son suisse ; sans argent point de suisse.


<DT>Clerc

<DD>Nom générique sous lequel on désigne tout chrétien qui s'est consacré au service divin, ou qui se sent appellé à vivre sans travailler, aux dépends des coquins qui travaillent pour vivre.


<DT>Clergé

<DD>C'est le premier des corps dans tout État bien policé ; Dieu le destina lui-même à remplir les plus nobles et les plus importantes fonctions ; elles consistent à chanter, à débiter des chansons, et à se faire bien payer de la céleste musique. Clergé signifie héritage ou portion . Le clergé n'est si riche que parce qu'il possède l'héritage de Jésus-Christ qui, comme on sait, a laissé une très bonne succession.


<DT>Cloches

<DD>Instruments théologiques ou bruyants, destinés, comme les prêtres, à étourdir les vivants, et à inviter les morts à bien payer l'église. Les cloches sont très chrétiennes vu qu'elles sont baptisées, nous devons même présumer qu'elles conservent toujours l'innocence baptismale, avantage que n'ont point la plupart des chrétiens.


<DT>Coactif

<DD>Se dit d'un pouvoir qui a le droit de contraindre ; l'église n'a point ce droit, elle le laisse aux souverains à condition qu'ils ne manqueront point de s'en servir toutes les fois que le clergé leur donnera ses ordres.


<DT>Coadjuteurs

<DD>Quand un évêque, qui paraît aux mécréants n'avoir pas de très grandes affaires, ne peut plus remplir les fonctions pénibles de son saint ministère, on lui donne un coadjuteur pour l'aider, et alors le troupeau possède deux bergers au lieu d'un, ce qui fait qu'il est très bien gardé, le diable n'ose plus alors roder autour du bercail.


<DT>Colère

<DD>Péché capital pour tout chrétien laïque, qui ne doit se fâcher que lorsque l'église se fâche, par ce qu'alors c'est Dieu qui se met en colère : en effet le dieu de la bonté est très colère ; ses enfants bien-aimés sont nés dans sa colère ; il est donc à propos de se mettre en colère quand il est lui-même en colère. Car il se fâcherait à coup sûr si l'on était moins colère que lui. Les prêtres ont le vrai thermomètre de la colère divine.


<DT>Comédiens

<DD>Gens qui exercent une profession abominable et qui déplaisent très justement aux ministres du seigneur ; ils sont proscrits et excommuniés en France, qui est un royaume très chrétien, où l'on sait que les prêtres possèdent de droit divin le privilège exclusif de jouer la comédie.


<DT>Commentateurs

<DD>Savants docteurs, qui à force de se mettre l'esprit à la torture parviennent quelquefois à mettre la parole de Dieu d'accord avec le bon sens, ou à rencontrer des tournures pour alléger le fardeau de la foi.


<DT>Commerce

<DD>Le commerce est interdit aux prêtres et aux moines ; ils peuvent néanmoins très légitimement faire quelques petits profits sur les marchandises rares qu'ils font venir de l'autre monde ; ils n'y gagnent guères en France que cent millions pour zéro. C'est assez bien placer son argent. Jésus Christ, comme on sait, chassa les vendeurs du temple, c'étaient selon toute apparence des marauds de laïques, à qui il voulut apprendre qu'il ne convient qu'aux prêtres de faire une boutique de la maison du seigneur.


<DT>Communion

<DD>Banquet spirituel où l'on sert une viande assez légère, qui est propre à nourrir les âmes des bons chrétiens, mais très indigeste pour ceux qui n'ont point assez de foi.


<DT>Compagnie de Jésus

<DD>C'est une compagnie de grenadiers spirituels dont Jésus-Christ est le capitaine. Elle fait rage partout où on la met en quartier ; cependant communément elle n'en veut point aux femmes, les petits garçons ne s'en tirent pas à si bon marché.


<DT>Compulsions

<DD>Politesses très pressantes que le christianisme a mises à la mode pour inviter à la foi ceux qui peuvent en manquer. Elles consistent à faire entrer ou rentrer dans la voie du salut à force de lettres de cachet, de prisons, de tortures ou même à coups de canon, quand on a de l'artillerie à ses ordres.


<DT>Conciles

<DD>Assemblées solennelles d'évêques, réunis pour se concerter avec le St esprit (qui est toujours de l'avis du plus fort) sur les dogmes et les arrangements nécessaires à l'église. Les conciles sont utiles pour corriger, expliquer, altérer la parole divine et la doctrine reçue, et pour fixer jusqu'à nouvel ordre les articles de la foi sans laquelle le genre humain ne peut être sauvé.


<DT>Conclave

<DD>Lieux où s'assemblent les cardinaux de la très-sainte église romaine, quand il s'agit délire un vicaire infaillible à Jésus-Christ. Le st esprit ne manque jamais d'assister à ces sortes d'assemblées, voilà pourquoi le conclave ne fait jamais un choix douteux.


<DT>Concordat

<DD>Convention faite entre un pape et un roi très chrétien, par laquelle l'un et l'autre ont disposé de choses sur lesquelles ils n'avaient aucun droit.


<DT>Concorde

<DD>Elle règne toujours parmi les chrétiens et surtout entre leurs théologiens ; la preuve la plus indubitable de la divinité du christianisme se tire de la concorde inaltérable qui subsiste entre ses disciples. C'est un miracle perpétué qui confond la raison humaine !


<DT>Concupiscence

<DD>Ce mot, qui peut paraitre mal sonnant et déshonnête à des oreilles délicates, est théologique et partant n'a rien d'indécent. Il signifie le penchant maudit que les hommes, depuis le pêché d'Adam, ont pour tout ce qui est capable de leur donner du plaisir.


<DT>Confesseur

<DD>Prêtre qui a reçu des pouvoirs de son évêque ; c'est-à-dire, à qui Dieu lui-même a passé procuration en bonne forme pour écouter les sottises que malgré son omniscience Dieu a besoin qu'on lui découvre, sans cela il ne pourrait savoir à quoi s'en tenir sur la conscience de celui qui se confesse à son prêtre.


<DT>Confession auriculaire

<DD>Invention très utile aux fidèles et surtout très commode aux prêtres de l'église romaine ; par son moyen ils sont au fait des secrets des familles, à portée de soutirer l'argent des poltrons, de brouiller les ménages, d'exciter au besoin de saintes révolutions. L'église est privée d'une partie de ces avantages dans les pays où l'on ne veut point se confesser.


<DT>Confirmation

<DD>Sacrement ou cérémonie sacrée, qui consiste à graisser le front et appliquer un soufflet sur la joue d'un polisson, ce qui le rend pour toujours inébranlable dans sa foi.


<DT>Conscience

<DD>C'est le jugement que nous portons au dedans de nous-mêmes sur nos actions ; dans les profanes il est guidé par la raison, dans les chrétiens il est réglé par la foi, par le zèle, par la soumission que nous devons à nos saints prêtres. En conséquence la conscience d'un dévot l'oblige souvent d'être méchant, et même de bouleverser la société par un motif de conscience.


<DT>Consécration

<DD>Paroles magiques, à l'aide desquelles un prêtre de l'église romaine a le pouvoir de forcer le dieu de l'univers à quitter son déjeuner pour venir se changer en pain et se faire croquer lui-même.


<DT>Consolations

<DD>La religion chrétienne fournit des consolations infinies aux dévots : elle les console des maux et des tribulations de cette vie en leur apprenant qu'ils ont affaire à un dieu bon, qui les châtie pour leur bien dans ce monde périssable, et qui, par un effet de sa tendresse divine, pourrait avoir la fantaisie de les cuire éternellement, ce qui est très consolant pour les frileux.


<DT>Contemplation

<DD>Occupation très utile surtout quand on n'a pas de grandes affaires. On sent que rien ne peut être plus agréable à Dieu que de s'occuper du soin de rêver à la suisse ; la société d'ailleurs retire de très grands fruits de ces rêves sacrés.


<DT>Controverses

<DD>Importantes disputes sur les objets contestés entre des théologiens de sectes différentes. Aux yeux des hommes charnels ce sont des vétilles, indignes d'occuper des animaux raisonnables, mais au fond ces disputes sont très utiles à l'église militante, qui par là se tient en haleine, et nourrit dans les esprits de saintes animosités très avantageuses au clergé.


<DT>Conversions

<DD>Changements miraculeux et rares, qui sont dus à la grâce du très-haut, et dont la société recueille communément les plus grands fruits. Ils font qu'une coquette surannée quitte le rouge ; qu'une femme aimable se change en piegriéche ; qu'un homme du monde devient un chat-huant ; enfin qu'un financier en mourant, désespéré de ne pouvoir emporter avec lui le fruit de ses rapines, laisse son bien à l'église ou à des hôpitaux pour l'acquit de sa conscience, pour le repos de son âme, et pour le salut de ceux qu'il a dépouillés.


<DT>Convulsionnaires

<DD>Prophétesses jansénistes qui prophétisent, qui font des sauts, qui se font crucifier, échiner, tourmenter pour prouver que les jésuites sont des coquins, que M l'archevêque a tort, que le père Quesnel a raison, que la grâce efficace par elle même fait faire de belles gambades quand elle a de quoi payer. Voyez Secours .


<DT>Cordeliers

<DD>Moines mendiants, qui depuis cinq cens ans édifient l'église de Dieu par leur tempérance, leur chasteté et leurs beaux arguments. Ils ne possèdent rien en propre, leur soupe, comme on sait, appartient au saint père.


<DT>Correction fraternelle

<DD>Dans la religion chrétienne chacun doit se mêler de la conscience de son voisin et s'intéresser vivement à son salut. Il faut le reprendre de ses fautes et surtout tâcher de le faire revenir de ses erreurs. Quand il n est point docile il faut le fuir et le haïr, ou bien le tourmenter et le tuer, quand on est le plus fort.


<DT>Cour

<DD>Sans la cour l'église ne peut guères prospérer, le St esprit ne bat que d'une aile : c'est là que l'orthodoxie se décide en dernier ressort ; les hérétiques sont toujours ceux qui ne pensent pas comme la cour. Les divinités d'ici bas règlent communément le sort des divinités de là-haut. Sans Constantin Jésus-Christ n'eût jamais fait une grande figure sur la terre.


<DT>Couvent

<DD>Lieu saint où l'on renferme sous la clef une couvée de moines ou de moinesses, afin de les séquestrer de la société. On les lâche néanmoins dans le public quand il s'agit de lever sur les peuples les impôts spirituels qui se payent argent comptant. Les couvents de filles sont très utiles pour débarrasser les familles, et surtout les fils ainés, des sœurs qui les incommodent. Ces saintes maisons servent d'ailleurs à l éducation du beau-sexe, c'est-à-dire à former des citoyennes bien crédules, bien peureuses, bien ignorantes, bien dévote, en un mot de saintes bégueules très utiles au clergé.


<DT>Crainte

<DD>C'est le commencement de la sagesse ; jamais on ne raisonne mieux que quand on a bien peur ; les poltrons sont les gens les plus utiles à l'église ; si jamais les hommes reprenaient du courage les prêtres seraient infailliblement découragés.


<DT>Création

<DD>Acte incompréhensible de la toute-puissance divine qui de rien a fait tout ce que nous voyons. Les athées nient la possibilité du fait, mais ils manquent de foi ; les théologiens leur prouveront que des riens suffisent pour mettre l'univers en combustion ; l'église leur fera voir qu'avec rien on peut faire de l'or et de l'argent. D'où l'on voit que les prêtres du très-haut partagent avec lui le pouvoir de créer ; personne n'ignore que le prêtre Needham sait créer des anguilles.


<DT>Crédibilité

<DD>L'on appelle motifs de crédibilité les raisons convaincantes ou les preuves évidentes qui nous forcent à croire une chose. Dans la religion les motifs qui nous font croire, c'est la parole de monsieur le curé, c'est l'ignorance, c'est l'habitude, et surtout c'est la crainte de se faire des affaires.


<DT>Crédulité

<DD>Tout bon chrétien doit être dans cette heureuse simplicité qui dispose à croire sans examen les choses les moins croyables sur la parole de ses guides spirituels ; ceux-ci sont évidemment incapables de se tromper eux-mêmes et encore moins de tromper les autres, ce qui ne serait pas bien.


<DT>Crimes

<DD>Dans la religion ce ne sont point les actions les plus nuisibles à la société, ce sont celles qui sont les plus nuisibles au clergé ; le plus grand de tous les crimes est de manquer de foi, ou de confiance en lui, c'est d'examiner ses opinions ; c'est de voler une sacristie, c'est de montrer du mépris pour les choses sacrées ; tous ces crimes sont punis par le feu, soit dans ce monde soit dans l'autre.


<DT>Croire

<DD>C'est avoir une confiance sans bornes dans les prêtres. Un bon chrétien ne peut se dispenser de croire tout ce qu'on lui dit de croire, sans cela il n'est bon qu'à brûler ; s'il nous dit que la grâce lui manque, qu'on le brûle toujours ; la divinité en lui refusant sa grâce annonce qu'elle ne le juge bon qu'à brûler, pour réchauffer la foi de ses élus.


<DT>Cruauté

<DD>Disposition fâcheuse dans le commerce de la vie ordinaire, mais très nécessaire au soutien de la religion. L'humanité n'est point de saison quand il s'agit de la divinité, ou de ses divins ministres.


<DT>Croisades

<DD>Expéditions saintes, ordonnées par les papes, pour débarasser l'Europe d'une foule de vauriens dévots, qui pour obtenir du ciel la rémission des crimes qu'ils avaient commis chez eux, en allaient bravement commettre de nouveaux chez les autres.


<DT>Croix

<DD>C'est le signe et l'étendard du salut. Ce sont des bâtons croisés, qui représentent la potence à laquelle la divinité fut pendue. Les ministres du seigneur, comme frère Jean Des Antomures, s'en servent avec succès pour assommer les coquins qui viennent piller leur clos. Porter sa croix c'est se chagriner saintement, se tourmenter soi-même ; quand on ne peut mieux faire, il est bon de tourmenter les autres, afin de les aider à gagner le paradis.


<DT>Crosse

<DD>C'est le lituus, le bâton augural des romains, que dans les cérémonies de l'église portent les évêques ou les abbés croisés. Il est fait pour annoncer aux chrétiens qu'ils sont de vraies brebis, qui n'ont rien de mieux à faire que de se laisser bien tondre par leurs sacrés bergers.


<DT>Culte

<DD>Suite de cérémonies ou de mouvements du corps et des lèvres, qui sont d'une nécessité absolue pour plaire au souverain de l'univers ; il n'a besoin de personne, mais il prendrait en mauvaise part si l'on négligeait l'étiquette imaginée par ses gens, et si l'on omettait les compliments qui flattent sa vanité ou celle de ses prêtres. Le vrai culte est toujours celui dont le cérémonial est reglé par ceux qui ont le droit de nous faire griller si nous refusions de nous y conformer.


<DT>Curé

<DD>Prêtre établi dans chaque paroisse pour répéter du latin et de la théologie à des manants, pour les faire enrager afin d'en tirer la dîme, et pour intenter des procès à son seigneur.


<DT>Curiosité

<DD>C'est un très grand péché. Dieu condamna jadis le genre humain à la mort pour la curiosité d'une femme qui voulut connoître et le bien et le mal ; ce qui prouve qu'on risque de lui déplaire souverainement quand on a le bon sens, ou quand on veut en savoir plus que nos prêtres ne veulent que nous en sachions.



<DT>Damnation

<DD>Nous devons croire, sous peine d'être damnés, que le dieu des miséricordes pour apprendre à vivre aux pécheurs après leur mort, et pour corriger les vivants qui n'en pourront rien voir, damne éternellement le plus grand nombre des hommes pour des fautes passagères ; par un miracle éclatant de sa bonté divine il les fera durer toujours, afin d'avoir le plaisir de les brûler toujours. L'église a, comme Dieu, le droit de damner ; il y a même des gens qui croient que sans elle Dieu ne damnerait personne, il ne le fait jamais que pour égayer sa femme.


<DT>Daterie

<DD>Nom que l'on donne à Rome à un bureau sacré, où, moyennant des espèces, on distribue des bénéfices, des dispenses, des grâces du saint esprit et même le droit de commettre des péchés.


<DT>David

<DD>C'est l'un des plus grands saints du paradis, le vrai modèle des rois. Il fut rebelle, paillard, adultère, assassin, etc. Il couchait avec les femmes et faisait tuer les maris, mais il fut bien dévôt et bien soumis aux prêtres, ce qui lui valut d'être appellé homme selon le coeur de Dieu ; Dieu même jusqu'à ce jour n'est jamais de plus belle humeur que lorsqu'on lui répete les vaudevilles que ce saint homme a composés.


<DT>Débrouilleur

<DD>Saint homme dont la fonction auprès des femmes riches et dévotes est de les aider à débrouiller leur petite conscience, à éclaircir leurs petits doutes, à calmer leurs petits scrupules, à évaluer leurs petits péchés, afin de les mettre en état de faire une bonne petite confession ; le débrouilleur se charge aussi quelquefois du soin de brouiller le ménage.


<DT>Déicide

<DD>Crime commis par les juifs en faisant mourir un dieu, qu'ils n'eurent point l'esprit de démêler dans un juif à cheveux roux, qui les attrapa pour les punir ensuite d'avoir été attrapés.


<DT>Déisme

<DD>Systême impie, vu qu'il suppose un dieu trop raisonnable, qui n'exige rien des hommes que d'être bons et honnêtes, et qui ne leur demande ni foi, ni culte, ni cérémonies. On sent que ce systême est absurde et ne convient nullement au clergé ; une telle religion n'aurait pas besoin de prêtres ; ce qui serait fâcheux pour la théologie.


<DT>Délations

<DD>La religion chrétienne est, comme on sait, l'appui de la société et le soutien des moeurs. Voilà pourquoi surtout dans les pays où la sainte inquisition est établie. L'église a des espions et force à la délation les parents, les amis, les valets ; ce qui rend la société très sûre, les mœurs trés honnêtes, et le commerce de la vie infiniment agréable.


<DT>Déluge

<DD>Correction paternelle, infligée au genre humain par la providence divine, qui, faute d'avoir prévu la malice des hommes, se repentit de les avoir faits si malins, et les noya une bonne fois pour les rendre meilleurs ; ce qui eut, comme on sait, un merveilleux succès.


<DT>Déposition

<DD>Les évêques seuls ont droit de juger et de déposer un évêque, les souverains, sans sacrilége, ne peuvent exercer ce droit ; depuis que Samuël déposa le roi Saül, les évêques ont acquis le droit de déposer les rois ; d'où l'on voit que c'est très légitimement que Louis Le Débonnaire fut déposé par des évêques au concile de Soissons, et que le pape a le droit incontestable de déposer les rois.


<DT>Devoirs

<DD>Dans la religion ce sont ceux qui sont fondés sur les rapports qui subsistent entre les hommes et leurs prêtres. D'où l'on voit que c'est aux prêtres seuls à fixer les devoirs d'un bon chrétien. Ils consistent à bien prier, à bien écouter ce qu'ils n'entendent point, et surtout à bien payer les ministres du seigneur.


<DT>Dévotion

<DD>C'est un saint dévouement aux prêtres, ou une pieuse exactitude à remplir les pratiques qu'ils recommandent. Les dévots, c'est-à-dire, les chrétiens, duement pénétrés de ces grands sentiments, ont l'avantage d'être plats, ennuyeux, insociables et par conséquent très dignes d'aller bien vite en paradis. Les dévotes sont de saintes bégueules qui travaillent efficacement au salut de tous ceux qui les approchent, en leur donnant un saint dégoût pour les choses de ce monde ; le mari d'une dévote doit être au moins souvent tenté de se sauver de chez lui.


<DT>Diable

<DD>C'est le panurge de la cour céleste ; la cheville ouvrière de l'église. Dieu pourrait d'un seul mot le replonger dans le néant, mais il s'en garde bien, il en a trop besoin, pour mettre sur son compte toutes les sottises dont on pourroit l'accuser ; il le laisse donc faire et supporte patiemment les tours de page qu'il joue sans cesse à sa femme, à ses enfants, à lui-même. Dieu ne peut se passer du diable ; la crainte de Dieu n'est souvent que la crainte du diable ; c'est la religion de beaucoup de bons dévots, qui sans le diable pourraient bien ne pas trop songer ni à Dieu ni à ses prêtres.


<DT>Dieu

<DD>Mot synonyme de prêtres ; ou, si l'on veut, c'est le factotum des théologiens, le premier agent du clergé ; le chargé d'affaires, le pourvoyeur, l'intendant de l'armée divine. La parole de Dieu c'est la parole des prêtres ; la gloire de Dieu c'est la morgue des prêtres ; la volonté de Dieu c'est la volonté des prêtres. Offenser Dieu c'est offenser les prêtres. Croire en dieu c'est croire ce qu'en disent les prêtres. Quand on dit que Dieu est en colere, cela signifie que les prêtres ont de l'humeur. En substituant le mot prêtres à celui de dieu la théologie devient la plus simple des sciences. Cela posé, l'on doit conclure qu'il n'existe point de vrais athées, vû qu'à moins d'être imbécille, on ne peut nier l'existence du clergé, qui se fait très bien sentir. Il y aurait bien un autre dieu, mais les prêtres ne s'en soucient point ; c'est au leur qu'il faut s'en tenir, si l'on ne veut se faire griller. voyez Déisme.


<DT>Dignités

<DD>Ce sont des distinctions mondaines que dans la religion d'un dieu humble l'on accorde à ses humbles ministres, à qui il ne convient plus d'être aussi misérables qu'il l'étoit lui même pendant son séjour en ce monde.


<DT>Dimanche

<DD>Jour consacré au seigneur, c'est-à-dire destiné à rendre hommage à ses prêtres, en écoutant leurs beaux sermons, en assistant à leurs cérémonies, en se joignant à leurs divins concerts, et en s'ennivrant ensuite à la courtille.


<DT>Directeur

<DD>C'est un saint homme à col tors, communément très friand ; dont la fonction est de venir dans les familles faire naître des scrupules, brouiller les époux, faire gronder les enfants et les gens, mettre à l'envers les cervelles des dévotes pour les guider plus sûrement dans le chemin du salut.


<DT>Discipline

<DD>Ce sont les arrangemens ou réglements salutaires que les ministres du seigneur jugent convenables à leurs intérêts, et qu'ils changent, à volonté, pour se conformer aux intentions immuables de la divinité. Ce mot désigne encore un instrument de corde ou de fil de fer, qui fait grand bien à l'âme quand on l'applique sur le corps.


<DT>Dispenses

<DD>Permissions de mal faire que le pape ou les évêques accordent moyennant finance ; en vertu de ces dispenses ce qui était illicite et criminel devient légitime et permis, vu que le produit des dispenses augmente les fonds de la caisse du père éternel et compagnie.


<DT>Disputes

<DD>Débats édifiants et intéressants que l'on voit assez souvent s'élever entre les interprètes infaillibles de la parole de Dieu, qui, pour le plus grand bien de son église, n'a point voulu parler trop clairement, de peur que ses chers prêtres n'eussent point à se chamailler.


<DT>Divorce

<DD>Il est absolument interdit aux chrétiens, chez qui le mariage est indissoluble. Il en résulte, sans doute, les plus grands biens pour les époux, qui très souvent ne peuvent s'accorder, car alors ils se tourmentent efficacement pendant toute leur vie, ce qui ne peut manquer de les conduire tout droit en paradis. Le divorce n'est permis qu'aux évêques, qui peuvent, quand ils veulent, troquer une femme pauvre pour en prendre une plus riche et plus cossue.


<DT>Dîmes

<DD>Elles appartiennent de droit divin aux ministres de l'église. Les apôtres, comme chacun sait, avaient les dîmes à Jérusalem. La loi ancienne, abrogée par Jésus-Christ, adjugeait les dîmes aux prêtres juifs, d'où il suit que la dîme de tous les biens, doit, sous la loi nouvelle, appartenir au clergé. D'ailleurs rien n'est plus légitime que de faire travailler les laboureurs pour ce pauvre clergé, qui fait de la théologie pour eux, leurs femmes et leurs enfants.


<DT>Doctrine

<DD>C'est ce que tout bon chrétien doit croire, sous peine d'être brûlé, soit dans ce monde soit dans l'autre. Les dogmes de la religion sont des décrets immuables de Dieu qui ne peut changer d'avis que quand l'église en change.


<DT>Doigt de dieu

<DD>Toutes les fois qu'un grand événement, ou une révolution, ou une calamité tournent au profit du clergé, ces choses indiquent le doigt de Dieu, qui a toujours en vue ses bons amis les prêtres, excepté quand la griffe de satan donne au bon dieu sur les doigts.


<DT>Dominante

<DD>On appelle religion dominante celle du prince, qui à l'aide des sabres, des bayonnettes et des mousquets prouve invinciblement aux autres religions de son pays qu'elles ont tort, que son confesseur a raison, et que c'est son conseil qui doit régler la croyance ou la foi.


<DT>Domination (esprit de)

<DD>L'ambition ou le désir de dominer sont des passions heureusement inconnues des ministres de l'évangile ; leur empire n'est point de ce monde, il est tout spirituel ; contents de dominer sur les esprits, ils ne craignent point que les corps, ou les étuis des esprits, manquent jamais d'être souples à leurs saintes volontés.


<DT>Donations

<DD>Ce sont les présents que l'église, par bonté pour ses enfants, consent à recevoir de leurs mains profanes ; le clergé ressemble à Messer Aldobrandin qui homme à présents étoit ; non qu'il en fît, mais il en recevoit . Tout ce qu'on donne à Dieu appartient au clergé. dabunt domino et erit sacerdotis. voyez nombres chap v, v 8.


<DT>Dons gratuits

<DD>De droit divin le clergé ne doit rien à l'État ; s'il contribue à ses besoins c'est par condescendance pure ; il ne vit dans l'État que pour être protégé, respecté, payé ; il lui fait assez d'honneur en l'honorant de sa présence, en l'aidant de ses prières, en l'éclairant de ses lumières, en le soulageant de ses écus.


<DT>Douceur évangélique

<DD>Elle consiste a inculquer la foi à force d'injures, de menaces et de supplices ; c'est à l'aide de ces bonbons que l'église fait avaler à ses enfants la pillule de la foi.


<DT>Dragons

<DD>Missionnaires très orthodoxes que la cour de Versailles envoya aux huguenots pour argumenter contre eux sur la transsubstanciation, les ramener au giron de l'église, et leur prouver que le pape et le confesseur du roi ne peuvent jamais se tromper.


<DT>Droit canonique

<DD>C'est le recueil des lois, des ordonnances, des constitutions, des décisions, des bulles etc. Que les ministres du seigneur ont imaginé pour former la jurisprudence sacrée qu'ils se sont faite à eux-mêmes. Elle est quelquefois contraire à la raison, à la jurisprudence civile, aux droits des souverains, et même au droit naturel, mais tous ces droits sont faits pour céder à des droits divins.


<DT>Droits divins

<DD>Ce sont les droits dont jouissent incontestablement tous ceux qui sont assez forts pour empêcher les autres de contester leurs droits, ou qui ne sont point curieux de les voir discuter. Dieu, comme on sait, est la même chose que ses prêtres, d'où il suit que les droits des prêtres sont toujours des droits divins. L'église jouit de droit divin du droit incontestable de se faire des droits divins, d'empêcher que jamais l'on ne doute de ses droits divins.


<DT>Dureté

<DD>On reproche communément la dureté aux gens d'église ; c'est en eux un effet de la plus sublime vertu ; un bon chrétien doit être parfaitement insensible. Il est un parfait prêtre quand Dieu lui fait la grâce de joindre une tête de fer à un cœur d'airain ; lorsqu'il a bien dîné, le monde entier doit lui être indifférent. C'est près du lit des moribonds que l'on voit surtout briller le stoïcisme sacerdotal. voyez Mourants.



<DT>Eau bénite

<DD>On l'appellait eau lustrale chez les païens, mais nos prêtres la rendent très sainte et très chrétienne, et très efficace, à l'aide de quelques enchantements, que l'on trouve dans les grimoires sacrés que l'on nomme rituels .


<DT>Ecclésiastiques

<DD>ou gens d'église. Nom générique sous lequel on désigne tous ceux qui composent l'armée que la divinité, pour le bien de nos âmes, fait vivre à discrétion ici-bas.


<DT>École

<DD>C'est l'arène où descendent nos gladiateurs sacrés, pour s'escrimer et disputer sans fin sur les vérités évidentes que Dieu lui-même a révélées. Ce sont ordinairement les peuples qui sont blessés des puissants coups que les théologiens se portent, ce qui est, sans doute, un miracle étonnant.


<DT>Écriture sainte

<DD>C'est la même chose que la bible. C'est un recueil descendu du ciel tout exprès pour que les prêtres y trouvassent tout ce qu'ils avaient besoin d'y trouver. L'écriture sainte renferme tout ce qu'un chrétien doit faire et croire, pour peu qu'il y joigne seulement un million de volumes de commentaires, de syllogismes, de casuistes et de théologiens.


<DT>Édification

<DD>Édifier quelqu'un c'est fortifier en lui par sa conduite et son exemple le saint respect qu'il doit avoir pour la religion ou pour les volontés des prêtres ; quant aux prêtres ils sont toujours édifiants, surtout en Espagne et en Italie, aussi voit-on qu'ils y sont fort considérés.


<DT>Éducation chrétienne

<DD>Elle consiste à faire contracter dès l'enfance aux petits chrétiens l'habitude salutaire de déraisonner, de croire tout ce qu'on leur dit, de haïr tous ceux qui ne croient pas ce qu'ils croient ; le tout pour former à l'état des citoyens bien sensés, bien raisonnables, bien tranquiles et surtout bien soumis au clergé.


<DT>Église

<DD>C'est comme qui dirait le clergé : or ce clergé c'est la femme de Jésus-Christ ; c'est elle qui porte les culottes ; son mari est un bon homme qui ne se mêle de rien et qui ne la contredit jamais pour avoir la paix chez lui. En effet la bonne dame n'est point aisée ; quelquefois elle traite ses enfants qui regimbent avec une dureté que leur papa n'approuverait point s'il osait se mêler du ménage.


<DT>Élus

<DD>Ce sont ceux que Dieu dans sa miséricorde choisit pour leur donner les petites entrées chez lui ; il y aura bien dans chaque siècle une demi-douzaine d'élus, qui auront le plaisir ineffable de voir griller le reste du genre humain.


<DT>Encensoir

<DD>Cassolette sacrée dans laquelle on fait brûler des parfums pour régaler les narines de la divinité ; les prêtres sont ses parfumeurs privilégiés ; mettre la main à l'encensoir se dit donc par métaphore pour désigner le crime détestable de tout prince ou magistrat qui auraient l'impertinence de mettre le nez dans les affaires des prêtres, sans en être priés.


<DT>Enfance

<DD>État de faiblesse, d'ignorance et d'imbécillité, dans lequel il est nécessaire d'entretenir et de plonger les chrétiens, afin que les prêtres puissent les conduire plus aisément en paradis, dont ils seraient exclus s'ils devenaient assez grands pour se conduire eux mêmes, ou pour marcher sans lisières.


<DT>Enfer

<DD>C'est le foyer de la cuisine qui fait bouillir en ce monde la marmite sacerdotale. Elle fut fondée en faveur de nos prêtres ; c'est pour qu'ils fassent bonne chère, que le père éternel, qui est leur premier cuisinier, met en broche ceux de ses enfants qui n'auront point eu pour leurs leçons la déférence qui leur est due. Au festin de l'agneau les élus mangeront des incrédules grillés, des riches en fricassée, des financiers à la sauce robert, etc. Etc. Etc.


<DT>Enterrements

<DD>Cérémonies que les prêtres du seigneur rendent plus ou moins lugubres par leurs saints hurlements, suivant qu'ils sont payés plus ou moins grassement.


<DT>Enthousiasme

<DD>Sainte ivresse qui grimpe au cerveau de ceux à qui Dieu fait la grâce de boire en large dose le bon vin que les prêtres débitent dans leurs saints cabarets. Voyez Fanatisme et Zêle.


<DT>Épreuves

<DD>Ce sont des pièges ingénieux et subtils que pour s'amuser la divinité, qui sait tout et qui lit dans les coeurs, tend aux hommes qu'elle favorise, afin de découvrir leurs dispositions cachées, et pour savoir à quoi s'en tenir sur leur compte.


<DT>Erreur

<DD>C'est toute façon de penser en matière de religion qui diffère de celle des prêtres à qui nous devons notre confiance. Il n'est point chez les chrétiens de crime plus impardonnable que de se tromper, c'est celui qu'avec raison l'on punit avec le plus de rigueur ; il n'y a guères que le feu qui puisse éclairer efficacement et remettre dans le bon chemin celui qui est assez bête pour errer.


<DT>Espérance

<DD>Vertu chrétienne qui consiste à mépriser tout ce que nous connaissons de bon ici-bas, pour attendre dans un pays inconnu les biens inconnus que nos prêtres, pour notre argent, nous apprennent que nous connaîtrons quelque jour.


<DT>Esprit

<DD>Chacun sait ce que c'est qu'un esprit ; c'est ce qui n'est point matière. Toutes les fois que vous ne saurez pas comment une cause agit, vous n'aurez qu'à dire que cette cause est un esprit, et vous serez très pleinement éclairci.


<DT>Esprit (saint)

<DD>C'est le troisième des dieux qui composent le seul dieu des chrétiens. La fonction de celui-ci est d'inspirer les prêtres, et de se trouver au milieu d'eux toutes les fois qu'il en est requis. Aux yeux des hommes charnels le saint-esprit ne montre point toujours infiniment d'esprit.


<DT>Esprits forts

<DD>Ce sont ceux qui n'ont pas l'esprit faible ; ou qui n'ont point reçu de Dieu une échine assez souple pour se laisser bâter par les ministres du seigneur.


<DT>Éternité

<DD>C'est ce qui n'a ni commencement ni fin. Comme la chose est plus facile à dire qu'à comprendre, il est bon que tout chrétien la médite à l'aide de son confesseur, qui ne manquera pas de lui en faciliter l'intelligence ; en attendant, sous peine d'être éternellement rôtis, nous devons, en dépit du prédicant Petit-Pierre, nous tenir pour certains que les peines de l'enfer seront éternelles ; Jésus-Christ avait oublié de le dire, mais l'église, qui en sait plus long que lui, l'a dit et le répète sans cesse, pour la consolation de ses très chers enfants, dont au moins les 99 centièmes seront damnés. voyez Consolations.


<DT>Études

<DD>Pour un théologien profond, c'est travailler toute sa vie à embrouiller ses idées, et à remplir sa caboche de saints mots, auxquels ni lui-même ni tous ceux qui n'auront point reçu des grâces surnaturelles ne pourront jamais attacher aucun sens raisonnable. Les études pour les laïques consistent à apprendre du latin et sur tout la soumission qui est due au clergé.


<DT>Eucharistie

<DD>Sacrement merveilleux dans lequel le dieu de l'univers a la bonté de se donner lui-même à manger à ses prêtres, et aux chrétiens dont l'estomac est assez fort pour pouvoir le digérer.


<DT>Eunuques

<DD>Il serait à propos pour le bien de la religion que tous les chrétiens fussent eunuques et les femmes bouclées ; par ce moyen le monde finirait plutôt, et Dieu par conséquent n'y serait plus offensé.


<DT>Évangile

<DD>Signifie bonne nouvelle. La bonne nouvelle que l'évangile des chrétiens est venu leur annoncer, c'est que leur dieu est très colère, qu'il destine le plus grand nombre d'entre eux à des flammes éternelles, que leur bonheur dépend de leur sainte bêtise, de leur sainte crédulité, de leur sainte déraison, du mal qu'ils se feront, de leur haîne pour eux-mêmes, de leurs opinions inintelligibles, de leur zêle, de leur antipathie pour tous ceux qui ne penseront ou qui ne feront pas comme eux. Telles sont les nouvelles intéressantes que la divinité, par une tendresse spéciale, est venue annoncer à la terre ; elles ont tellement égayé le genre humain que depuis l'arrivée du courrier qui est venu les apporter de là-haut, il n'a fait que trembler, que pleurer, que se quereller et se battre.


<DT>Évêque

<DD>Signifie inspecteur. C'est un prêtre qui, sans femme, a, comme quelques insectes, la faculté de se reproduire et de multiplier son espèce. L'épiscopat est un fardeau si pénible que c'est toujours à son corps défendant qu'un abbé de cour s'en charge ; on est obligé de vaincre par trois fois sa épugnance sincère pour un évêché qu'il a sollicité dix ans. Voyez Ordre.


<DT>Examen

<DD>Quand on est bon catholique, ce serait un grand péché que de prétendre examiner ce que dit le clergé, qui se dit infaillible ; quand on est protestant il est légitime et permis d'examiner par soi-même ce que dit le clergé, qui ne se dit point infaillible, pourvu néanmoins que l'on trouve par cet examen que le clergé protestant ne se trompe jamais.


<DT>Excommunications

<DD>Ce sont des peines spirituelles que les pasteurs de l'église infligent à celles de leur brebis qui ont la clavelée : autrefois elles faisaient sécher sur pied, et quelquefois mourir les princes d'apoplexie ; aujourd'hui les excommunications ne produisent point des effets si marqués, ce qui vient de ce que la foi devient plus rare sur la terre.


<DT>Exercices de piété

<DD>Ce sont de petites occupations spirituelles imaginées par les prêtres pour empêcher les ames dévotes de s'engourdir. Sans ces petits exercices les bonnes femmes et les gens désoeuvrés courraient risque de s'ennuyer, ou seraient en danger de s'occuper de choses utiles à leurs familles et au monde pervers.


<DT>Exorcismes

<DD>Actes d'autorité sur les démons, exclusivement exercés par les ministres de l'église romaine. À force d'eau-bénite, de paroles et de cérémonies, on oblige l'esprit malin de sortir des corps où il n'était jamais entré, ou bien où il était entré pour de l'argent.


<DT>Expiations

<DD>Expier c'est éteindre des dettes contractées avec Dieu ; les expiations sont des cérémonies inventées par les prêtres qui sont les gens d'affaire de la divinité ; celle-ci en passe toujours par tout ce que ses prêtres veulent ; elle remet les dettes aux hommes toutes les fois que ses gens d'affaire ont été bien payés.


<DT>Extases

<DD>Syncopes sacrées, durant lesquelles les saints, et surtout les saintes, ont le bonheur de rêver et de voir des bluettes. Les personnes sujettes à avoir des extases sont communément celles à qui la providence fait la grâce d'être bien folles ou bien frippones. Voyez Visions.


<DT>Extrême-onction

<DD>Sacrement respectable de l'église romaine ; il est très utile pour effrayer les mourants. Il consiste à graisser les bottes de ceux qui sont prêts a entreprendre le voyage de l'autre monde.


<DT>Ezéchiel

<DD>Grand prophête de Judée et surtout homme à belles visions. Il est fameux par ses bons déjeunés, auxquels nos prophêtes modernes ne portent point envie. Ezéchiel est assûrément, après le jésuite Sanchez et le portier des chartreux, l'ecclésiastique le plus ordurier que je connaisse.



<DT>Fables

<DD>Les histoires que débitent toutes les religions de la terre sont des fables ou des contes à dormir debout ; il n'y a que les contes de la bible qui soient des vérités. Quiconque n'est pas curieux d'être jetté dans la chaudière éternelle doit les prendre pour des histoires véritables.


<DT>Fagots

<DD>Conter des fagots c'est raconter des fables ; l'église a des fagots dont elle se sert pour répondre aux difficultés que les mécréants opposent aux fagots qu'elle leur conte.


<DT>Familiers

<DD>Nom que l'on donne en Espagne et en Portugal à des seigneurs distingués, qui, par humilité, se font les espions, les délateurs, les alguazils de la très sainte inquisition.


<DT>Fanatisme

<DD>Rage sainte ou contagion sacrée, propre au christianisme surtout, dont se trouvent saisis les bons chrétiens qui ont le sang très brouillant et le crâne bien fêlé : cette maladie se gagne par les oreilles ; elle résiste également au bon sens et aux remèdes violents ; les bouillons, les bains, ou les petites maisons en sont les spécifiques assûrés.


<DT>Fardeau

<DD>Le fardeau du seigneur est léger. Ce sont les prêtres qui nous le font porter pour eux, ce qui les empêche d'en être fatigués : ou plutôt ce sont les prêtres qui, suivant Jérémie, sont le fardeau du seigneur.


<DT>Fatalisme

<DD>Systême affreux qui soumet tout à la nécessité, dans un monde réglé par les décrets immuables de la divinité, sans la volonté de laquelle rien ne peut arriver. Si tout était nécessaire, adieu le libre arbitre de l'homme, dont les prêtres ont si grand besoin pour pouvoir le damner.


<DT>Femmes

<DD>Le christianisme n'est rien moins que poli envers les jolies femmes, il n'en fait cas que quand elles sont laides ou surannées. Celles qui n'ont pas de quoi plaire au monde sont très agréables à Dieu et très bonnes pour ses prêtres ; les bégueules servent grandement la religion, leur confesseur et leur curé, par leurs saints caquets, leurs saintes cabales, leurs saintes criailleries, et surtout par un saint entêtement pour ce qu'elles n'entendent pas.


<DT>Fêtes

<DD>Jours sagement destinés par l'église à une sainte oisiveté, qui est toujours favorable à la dévotion. Pendant les fêtes un artisan ne peut sans crime travailler à gagner du pain, mais il ne tient qu'à lui de s'enivrer à la courtille, quand il en a le moyen ; ce qui fait un grand bien à son âme ou à la ferme des aides ; cependant le parti le plus sûr est de passer la journée à bailler aux corneilles.


<DT>Feu

<DD>La religion chrétienne est une religion de feu. Les bons chrétiens doivent brûler sans cesse de l'amour divin, les prêtres doivent brûler de zêle, les princes et les magistrats doivent passer tout leur temps à brûler des hérétiques ou des mécréants, enfin les bourreaux devraient sans cesse brûler des livres au pied du grand escalier du may.


<DT>Feuille des bénéfices

<DD>C'est le baromètre de la foi du clergé de France. Il est sujet à varier depuis quelque temps ; à l'égard du thermomètre de la foi il est presque toujours à la cour au terme de la glace.


<DT>Fidèles

<DD>Ce sont les bons chrétiens fidèlement attachés à Dieu, c'est-à-dire à ses prêtres, envers et contre tous. Les fidèles, comme on sait, ne doivent être fidèles à leurs princes que quand les princes eux-mêmes sont fidèles à l'église, c'est-à-dire, bien soumis à leurs prêtres.


<DT>Figures

<DD>Types, allégories, façons obscures de s'exprimer, très familières à l'esprit-saint, qui n'a jamais voulu parler trop bon français à ceux qu'il voulait illuminer ; le tout pour fournir aux docteurs de l'église l'occasion de nous montrer leur étonnante sagacité.


<DT>Filiale

<DD>La crainte filiale est mêlée d'amour, c'est celle que tout chrétien doit avoir pour un dieu d'assez méchante humeur, qui est son très cher père, et pour la sainte église sa maman, qui n'est point la commère la plus aisée de ce monde.


<DT>Fils de Dieu

<DD>C'est la même chose que le fils de l'homme ; le fils de l'homme c'est la même chose que le dieu son père, et dieu son père est la même chose que son fils et que son saint-esprit. Ce langage peut paraître du galimatias à ceux qui n'ont point de foi, mais la Sorbonne n'y voit rien de fort embarrassant.


<DT>Financiers

<DD>Ce sont les publicains du nouveau testament ; à l'exception du trésorier du clergé, ils seront tous damnés, à moins que des prêtres charitables ne les débarrassent d'une portion du mammon d'iniquité.


<DT>Flagellations

<DD>Saintes et salutaires fessées que se donnent les chrétiens les plus parfaits dans la vue de mortifier la chair, de rendre l'esprit gaillard, et de mettre en goguettes le père des miséricordes, qui rit dans sa barbe divine toutes les fois qu'on lui montre un derrière ou un dos bien et duement étrillés.


<DT>Foi

<DD>C'est une sainte confiance dans les prêtres, qui nous fait croire tout ce qu'ils disent, même sans y rien comprendre. C'est la première des vertus chrétiennes ; elle est théologale, c'est-à-dire utile aux théologiens ; sans elle point de religion, et partant point de salut. Ses effets sont de plonger dans un saint abrutissement accompagné d'un pieux entêtement, et suivi d'un profond mépris pour la raison profane. On sent que cette vertu est très avantageuse à l'église ; elle est la suite d'une grâce surnaturelle que procure l'habitude de déraisonner ou la crainte de se faire de méchantes affaires. D'où il suit que ceux qui n'ont point reçu cette grâce ou qui n'ont point eu l'occasion de contracter cette sainte habitude ne sont d'aucune utilité pour les prêtres et par conséquent ne sont bons qu'à jetter à la voirie. La foi du charbonnier, c'est celle que professent tous les chrétiens sincères : elle consiste à croire tout ce que croit Mr le curé ; et ce que croit Mr le curé, c'est ce que ses paroissiens s'imaginent de croire sur la périlleuse parole de Mr le curé.


<DT>Folie

<DD>Les bons chrétiens se glorifient de la folie de la croix. Rien n'est plus contraire à la religion et au clergé qu'une tête sensée et raisonnable ; elle n'est jamais bien propre à la foi, ni assez susceptible de ferveur ou de zêle. Les musulmans ont du respect pour les fous, et parmi les chrétiens les plus grands saints sont évidemment ceux qui ont eu la cervelle la plus dérangée.


<DT>Fondations

<DD>Revenus accordés à des prêtres et à des moines pour les faire bien boire, bien manger, bien chanter et bien végéter ; le tout pour que les vignes de ceux qui n'ont pas le loisir de chanter ne fussent point grêlées : ce sont les prêtres, comme on voit, qui font la pluie et le beau temps sur la terre.


<DT>Force

<DD>Vertu très nécessaire au soutien de la foi et à la prospérité de l'église. Elle consiste dans le clergé à forcer par toutes sortes de moyens ceux qui sont opiniâtres, à penser comme lui. Dans les laïques elle consiste à résister avec rigueur aux suggestions du bon sens, qui pourrait les damner, et à porter avec constance le joug des prêtres du seigneur.


<DT>Foudres de l'église

<DD>C'est l'artillerie spirituelle ; elle est composée de mortiers et de canons intellectuels, que les chefs de l'église ont le droit de pointer contre les âmes de ceux qui ont la témérité de leur déplaire. Cette artillerie métaphysique ne laisse pas de blesser les corps, quand elle est soutenue par l'artillerie physique qui se conserve dans les arsenaux des princes séculiers.


<DT>Fraudes pieuses

<DD>Ce sont de saintes friponneries, des mensonges religieux, des impostures dévotes dont le clergé se sert très légitimement pour nourrir la piété du vulgaire, pour faire valoir la bonne cause, pour nuire à ses ennemis, contre lesquels, comme on sait, tout est permis.


<DT>Frelons

<DD>Insectes malfaisans et paresseux, qui ôtent aux abeilles leur miel et qui portent le trouble dans la ruche où l'on travaille. v Dîmes, Prêtres, Moines, Vampires.


<DT>Frères

<DD>Tous les chrétiens sont frères ; c'est-à-dire, sont en querelle pour la succession de monsieur leur père, dont le testament est devenu fort obscur, graces aux frères théologiens. Rara est concordia fratrum.


<DT>Fripons

<DD>Voyez Prêtres, Jongleurs, Voleurs, comédiens, etc.


<DT>Froc

<DD>Habit sacré, réservé pour les moines, qui sont des hommes de Dieu. Par un miracle étonnant le froc leur communique le don de continence dès qu'ils l'ont endossé. Nous en avons la preuve dans le chien de Mr De Maulevrier, dont parle l'ami Rabelais.



<DT>Glaive

<DD>Jésus-Christ, pour le bien du genre humain, est venu apporter le glaive ; l'église de Dieu, qui est fort sujette à se fâcher, possède dans son arsenal deux glaives, l'un est le glaive spirituel , qui vous expédie les âmes ; l'autre est le glaive temporel , qui vous expédie les corps ; c'est le moyen de mettre les gens à la raison. Au défaut de ces deux glaives, l'église est encore en possession d'un petit coutelet, mais elle le cache avec soin de peur qu'on ne le lui prenne ; elle ne s'en sert jamais que dans les grandes occasions. Voyez Régicide.


<DT>Gloire de Dieu

<DD>Nous ne pouvons douter que Dieu ne soit fier comme un écossois ; ses ministres nous le disent à chaque instant ; c'est pour la plus grande gloire de Dieu qu'ils culbutent l'univers ; ce qui est très légitime, vu que Dieu n'a créé l'univers que pour sa gloire, qui se confond toujours avec celle de ses prêtres.


<DT>Grâce

<DD>Don gratuit, que Dieu donne à qui bon lui semble, en se réservant, comme de raison, le droit de punir tous ceux à qui il n'a point voulu la donner. Il n'est point encore bien décidé si pour produire son effet la grâce doit être efficace ou suffisante ; il faut attendre que Dieu nous donne sa grâce pour savoir à quoi nous en tenir sur la nature de sa grâce.


<DT>Grandeurs

<DD>L'église de Dieu méprise les grandeurs de ce monde ; ses ministres n'en sont aucunement curieux ; les évêques ont une aversion marquée pour les titres, les cordons-bleus, les équipages etc. Ils sont surtout très offensés quand on leur donne le titre de grandeur.


<DT>Guerres de religion

<DD>Saignées salutaires et copieuses que les médecins de nos âmes ordonnent aux corps des nations, que Dieu veut favoriser d'une doctrine bien pure. Ces saignées ont été fréquentes depuis la fondation de l'église ; elles sont devenus très nécessaires pour empêcher les chrétiens de crever de la plénitude des graces que le ciel répand sur eux.



<DT>Haine

<DD>Sentiment louable et nécessaire à tout bon chrétien, quand ses prêtres jugent à propos de l'exciter pour la cause de Dieu, dont les intérêts leur sont connus, vu qu'ils y sont communément pour quelque chose ; ainsi, sur leur parole et sans blesser la charité, un dévot peut haïr en conscience quiconque déplait à son cher confesseur.


<DT>Hérésies

<DD>Elles sont nécessaires à l'église pour exercer les talents et dérouiller les rapières de nos gladiateurs sacrés. Toute opinion contraire à celle des théologiens en qui nous avons confiance, ou qui ont assez de crédit pour prévaloir la leur, est visiblement une hérésie. D'où l'on voit que les hérétiques sont toujours ceux d'entre les théologiens qui n'ont point assez de bataillons pour se rendre orthodoxes.


<DT>Hétérodoxes

<DD>Ce sont tous ceux qui ne pensent pas comme les orthodoxes ; ou qui n'ont pas la force de se rendre orthodoxes.


<DT>Hiérarchie

<DD>C'est l'ordre des rangs divers qu'occupent les ministres de Jésus-Christ dans la maison de son père, où il a dit lui-même qu'il n'y aurait ni premiers ni derniers. Mais la femme de Jésus-Christ qui s'entend bien mieux que lui en affaires, en a décidé tout autrement. Il y a maintenant dans la famille divine autant de distance d'un évêque à un curé, que du bon dieu à saint Crépin, qui n'était qu'un cordonnier de Soissons.


<DT>Histoire ecclésiastique

<DD>Étude très nécessaire aux gens d'église, mais très nuisible aux laïques, qui pourraient bien ne pas avoir toujours une foi assez robuste pour n'être point scandalisés des pieux déportemens des ministres du seigneur.


<DT>Holocaustes

<DD>Victimes rôties ou brûlées en sacrifice. La divinité eut de tout temps un goût marqué pour la chair grillée, vu que ses prêtres en tiraient bon parti ; depuis le christianisme ses prêtres plus désintéressés lui font bien griller des victimes, mais ils s'abstiennent de les manger, leur cuisine est assez bien pourvue sans cela.


<DT>Homme

<DD>L'homme ordinaire se définit un animal composé de chair et d'os, qui marche à deux pattes, qui sent, qui pense, qui raisonne : selon l'évangile et Jean Jacques, l'homme ne doit ni sentir, ni penser, ni raisonner ; il devrait même, pour bien faire, marcher à quatre pattes, afin que ses prêtres puissent avec plus de facilité lui monter sur le dos. Le vieil homme, c'est l'homme dans son état naturel, c'est-à-dire, corrompu, assez dépravé pour aimer son bien être, et assez faible pour le chercher. Le fils de Dieu a fait de son mieux pour anéantir le vieil homme, mais ainsi que ses prêtres il y a perdu jusqu'ici son latin, il faudra voir si par la suite ils s'en tireront à leur honneur.


<DT>Honnête homme

<DD>Il est impossible de l'être si l'on n'est intimement convaincu que l'église est infaillible, que ses prêtres ne peuvent ni mentir ni avoir la berlue ; il est évident qu'un homme qui ne craint pas d'être damné dans l'autre monde ne sentira jamais qu'il faut être estimable en celui-ci, et ne craindra point les châtimens ou les mépris de la société.


<DT>Hôpitaux

<DD>Fondations pieuses en faveur des pauvres, c'est-à-dire de ceux qui administrent leurs biens. Dieu récompense communément dès cette vie les soins charitables qu'ils accordent aux pauvres, il n'est guères d'administrateur qui ne fasse très bonne chère, et qui ne se trouve très bien à l'hôpital.


<DT>Humanité

<DD>Vertu de la morale profane, qu'il est nécessaire d'étouffer quand on veut être bon chrétien ; elle ne s'accorde presque jamais avec les intérêts de la divinité, dont, avec de l'humanité, les prêtres feraient trop maigre chère. D'ailleurs ils sont si occupés des intérêts du ciel qu'ils n'ont guères le temps de songer à ceux du genre humain. Si les prêtres n'ont point d'humanité en revanche ils nous font faire de bonnes humanités, qui consistent à nous apprendre un peu de mauvais latin et beaucoup de catéchisme. v Éducation, Universités.


<DT>Humilité

<DD>Vertu chrétienne qui prépare à la foi ; elle est surtout très utile aux ministres de l'évangile, aux lumières desquels il est très important de déférer par préférence aux siennes. Elle consiste à se mépriser soi-même et à craindre l'estime des autres ; on sent combien cette vertu est propre à former des grands hommes. Dans l'église de Dieu tout respire l'humilité. Les évêques sont humbles, les jésuites sont humbles ; un cardinal ne s'estime pas plus qu'un gardien des capucins ; le pape se met humblement au dessus de tous les rois, et les rois sont fort humbles envers le suisse du paradis.


<DT>Hypocrisie

<DD>Moyen facile de parvenir en mettant le clergé dans ses intérêts. Les hypocrites sont d'un grand secours à la cause de Dieu ; ils la défendent communément avec bien plus de zêle que les dévots sincères qui sont souvent trop simples. Cet article est de M le marquis De Pompignan.



<DT>Idées innées

<DD>C'est ainsi que l'on nomme des notions que les nourrices et les prêtres ont inspirées de si bonne heure, et qu'ils ont si souvent répétées, que, devenu grand, l'on croit les avoir eu toujours, ou les avoir reçues dès le ventre de sa mère. Toutes les idées du catéchisme sont évidemment des idées innées.


<DT>Idolâtrie

<DD>Culte religieux que l'on rend à des objets matériels et inanimés ; il n'est dû qu'au vrai dieu et ne peut sans crime se transférer aux créatures, à moins qu'il ne prît fantaisie au vrai dieu de se changer en gauffre, ou de changer la gauffre en lui, ce qui change la thèse.


<DT>Ignorance

<DD>C'est le contraire de la science, et la première disposition à la foi. On en sent toute l'importance pour l'église. Depuis que les laïques ne sont plus duement ignorants, la foi diminue, la charité se refroidit, et les actions du clergé sont bien tombées sur la place.


<DT>Imitation

<DD>La religion chrétienne nous ordonne d'imiter le dieu que nous adorons. D'où l'on voit que nous devons tendre des pièges aux hommes, les punir d'y avoir donné, exterminer les infidèles, noyer ou brûler les pécheurs, enfin nous faire prendre afin de ressembler à notre divin modèle.


<DT>Immatériel

<DD>C'est ce qui n'est point matériel, ou ce qui est spirituel. Si vous voulez quelque chose de plus, adressez-vous à votre curé, qui vous prouvera que Dieu est immatériel, que votre âme est immatérielle, qu'un ange est immatériel, que l'argent de l'église est immatériel, si votre esprit trop matériel n'y comprend rien, attendez que la foi vous vienne, ou craignez que votre esprit bouché ne soit un jour matériellement ou spirituellement grillé pour avoir été trop matériel.


<DT>Immense

<DD>Dieu est immense, il est partout, il remplit tout. Il est donc dans moi quand je fais une sottise ? Eh ! Point du tout, grand nigaud ! Il est partout, sans néanmoins être dans vous ; ah ! J'entends, c'est un mystère.


<DT>Immortalité

<DD>Qualité propre à notre âme, qui, comme on sait, est un esprit ; or un esprit est une substance que nous ne connaissons pas ; donc il est démontré qu'elle ne peut se détruire comme les substances que nous connaissons. Il est essentiel pour l'église que nos âmes soient immortelles, sans cela nous pourrions bien n'avoir pas besoin des ministres de l'église, ce qui forcerait le clergé de faire banqueroute.


<DT>Immuable

<DD>Dieu est immuable, c'est-à-dire n'est point susceptible de changer ; cependant nous trouvons dans ses papiers que souvent il a changé de projets, d'amis et même de religion : mais tous ces changemens ne peuvent nuire à son immutabilité, ni à celle de ses prêtres immuables, qui jamais ne changent d'avis sur le dessein de mener les laïques par le nez.


<DT>Immunités

<DD>Privilèges très prudemment accordés par les princes ou plutôt par la divinité même à ses valets de pied ; en vertu des immunités ils peuvent être très insolents ici bas, et sont exemts de contribuer comme les autres aux besoins de la société. Dieu n'est jamais de plus méchante humeur que quand on touche aux immunités de ses gens ; il s'en venge communément soit de vive force soit en traître.


<DT>Impénitence

<DD>C'est un endurcissement dans le péché ; quand on persévère jusqu'à la mort dans sa rebellion à l'église, l'impénitence s'appelle finale, c'est le plus horrible des péchés, aux yeux du clergé qui ne peut consentir que jamais Dieu le pardonne.


<DT>Impies

<DD>Ce sont des gens qui ne sont pas pieux, ou qui manquant de foi ont l'impertinence de rire des choses que les dévots et les prêtres sont convenus de regarder comme sérieuses et saintes. Une femme impie est celle qui n'est pas une pie comme sa commère la dévote, ou sa voisine la janséniste, ou sa tante la bégueule.


<DT>Impiété

<DD>C'est tout ce qui porte atteinte à l'honneur de Dieu, c'est-à-dire du clergé.


<DT>Implicite

<DD>C'est le caractère que doit avoir la foi quand elle est bien conditionnée ; cette foi est la même chose que la foi du charbonnier ; elle consiste à ne jamais douter de ce que dit M le curé, quand on est catholique ; de ce que dit le professeur Vernet quand on est genevois ; de ce que dit le muphti, quand on est un bourgeois de Constantinople.


<DT>Important

<DD>Il n'y a rien de plus important au monde que ce qu'il importe aux prêtres de faire regarder comme important. Le monde chrétien a eu depuis plusieurs siècles le bonheur d'être troublé pour des mots importants, des arguments importants, des époques importantes, des cérémonies importantes, des capuchons importants, des bulles très importantes etc.


<DT>Imposition des mains

<DD>Cérémonie sacrée requise pour faire des prêtres, et non des imposteurs comme son nom semblerait l'indiquer. Par cette sainte magie, qui s'appelle chirotonie, le saint-esprit descend sur le crâne d'un prêtre, qui dès lors ne peut plus dire que des vérités, pourvu néanmoins que ce qu'il dit soit approuvé de son évêque ; qui tient toujours, comme on sait, la foi de la première main.


<DT>Imprimerie

<DD>Invention diabolique et digne de l'antéchrist ; elle devrait être proscrite de tout pays chrétien. Les fidéles n'ont pas besoin de livres, un chapelet leur suffit. Pour bien faire on ne devrait imprimer que le bréviaire et le pédagogue chrétien .


<DT>Incarnation

<DD>Tout chrétien est obligé de croire que l'esprit, qui remplit l'univers de son immensité, s'est autrefois rapetissé de manière à tenir dans la peau d'un juif ; mais il ne s'est pas bien trouvé de la métamorphose, on assure qu'il n'y reviendra plus. Ceux qui voudront se faire une idée claire de ce mystère ineffable, trouveront de quoi se satisfaire dans ce cantique de M Simon le franc.


<DT>Cantique

<DD>Le péché de notre premier père
le perdit et tous ses descendants :
mais le courroux d'un dieu tout débonnaire
loin d'être éternel, ne dura guère
que quatre mille ans.
quand il eut donné ce peu d'années
aux transports d'un premier mouvement,
la grâce vint changer les destinées
des âmes qui se trouvaient damnées
sans savoir comment.
pour réparer le mal de la pomme
voici donc ce qu'à son fils il dit :
allez vous faire, courez vous faire homme ;
souffrez, mourez : à cela voici comme
le fils répondit.
j'obéis, mais je ne puis vous taire
un fait que vous ne pouvez nier ;
je suis dieu comme vous, mon cher père,
devenir homme, n'est-ce pas me faire
d'évêque meûnier ?
halte-là, mon fils, c'est un mystère
qu'il faut croire avec soumission.
vous naîtrez d'une vierge mère,
j'ai mon saint-esprit prêt à lui faire
l'opération.
n'ai-je pas là, poursuit-il, quelque ange
prêt à faire une commission ?
où sont ils donc ? Il faudra que j'en change.
hé, Gabriel, sur ce plan qu'on m'arrange
l'incarnation.
l'ange part, vole sur l'hémisphere,
va chez la femme d'un charpentier,
c'est un drôle, on n'a qu'à le laisser faire,
nul n'entend mieux à nouer une affaire,
c'est là son métier.
il fait son compliment dès qu'il entre,
et comme un ange il a de l'esprit ;
des grâces, dit-il, vous êtes le centre,
bénit-soit le fruit de votre ventre :
le compliment prit.


<DT>Inceste

<DD>Crime contre nature qui était permis du temps d'Adam et que souvent le pape permet encore quand il est bien payé. C'est un péché impardonnable que de coucher avec sa maraine, l'on commet alors un inceste spirituel, ce qui est aussi terrible qu'un inceste corporel.


<DT>Incompréhensible

<DD>Dieu est incompréhensible ainsi que les mystères de la religion : il n'y a que les prêtres qui y comprennent quelque chose, ce qui fait voir la profondeur de leur caboche sacrée.


<DT>Incrédules

<DD>Ce sont des coquins qui ne sont point crédules ; ils ont l'impertinence de supposer que Dieu pourrait bien n'avoir pas dit tout ce qu'on lui fait dire, et que ses prêtres pourraient bien vouloir en donner à garder. On voit évidemment que des gens de cette trempe sont inutiles au clergé et par conséquent à la société, qui ne peut se passer du clergé. D'ailleurs st Augustin, qui y avait bien rêvé, nous assure que l'incrédulité est le péché des péchés.


<DT>Indéfectibilité

<DD>Dieu lui-même a promis à son église qu'elle serait toujours aimable, qu'elle ne vieillirait point, qu'elle ne radoterait jamais, que les portes de l'enfer ne prévaudraient point contre elle. Malgré ces assurances elle fait le diable à quatre aussitôt qu'on lui dit un mot de travers, ce qui ne vient pas de ce qu'elle manque de foi, mais de ce qu'elle craint de manquer d'argent et de crédit, qui lui sont très nécessaires pour alimenter sa foi.


<DT>Indulgences

<DD>Grâces spirituelles que l'église ou le pape accordent aux fidèles, dont l'effet est de remettre les péchés passés, présents et futurs. Ces indulgences ne doivent point se confondre avec ce que les profanes nomment de l'indulgence. C'est une disposition dont le clergé ne doit jamais se piquer.


<DT>Ineffable

<DD>Toutes les qualités divines sont ineffables, c'est-à-dire au dessus de toute expression, au dessus de l'intelligence humaine. Mais comme les prêtres en raisonnent sans cesse, les bons chrétiens doivent pieusement supposer qu'ils savent très bien ce qu'ils disent, lorsqu'ils parlent de choses ineffables auxquelles le vulgaire ne comprend rien.


<DT>Infaillibilité

<DD>Privilège exclusif accordé à l'église par la divinité même. Ses évêques assemblés en corps ne peuvent errer sur la foi, toutes les fois qu'ils ne décident rien, ou toutes les fois qu'ils sont assez forts pour faire passer leurs décisions. Suivant quelques chrétiens le pape est infaillible, mais beaucoup d'autres ont le courage de douter de cette vérité. En général on peut dire que tout prêtre, tout curé, tout prédicant, tout rabbin, tout iman, etc. Jouissent de l'infaillibilité toutes les fois qu'il y a du danger à les contredire ; tout prêtre qui a du pouvoir est évidemment infaillible.


<DT>Infini

<DD>C'est ce qui n'est point fini ou ce dont on ne connaît point le terme. Dieu est infini, c'est-à-dire que les théologiens ne savent point au juste jusqu'où ses qualités s'étendent. Le clergé partage avec Dieu l'infinité ; comme lui il est infiniment sage, infiniment puissant, infiniment respecté par les chrétiens qui sont d'une infinie simplicité.


<DT>Ingratitude

<DD>Disposition odieuse dans les laïques, qui ne doivent jamais perdre de vue les obligations infinies qu'ils ont à leur clergé ; celui-ci peut être ingrat, c'est-à-dire il ne doit avoir obligation à personne ici-bas des revenus, des privilèges, des bénéfices qu'on leur donne ; ceux qui les leur donnent ne sont jamais que des instruments dont Dieu se sert pour obliger ses amis du clergé. Les prêtres sont en conscience obligés d'être ingrats, ne fût ce que pour accomplir la prophétie de Michée qui dit d'eux que si on leur donne quelque chose à manger, aussitôt ils vous déclarent la guerre. Nos prêtres sont trop polis pour démentir un prophête.


<DT>Injures

<DD>Expressions polies et charitables, dont les théologiens se servent entre eux, ou contre leurs adversaires, quand ils veulent concilier les choses, ou bien quand il s'agit de répondre aux difficultés qu'on leur propose ; les injures sont des arguments très convainquants, cependant il est encore plus sûr de répondre par des fagots.


<DT>Inquisition

<DD>Tribunal sacré, c'est à dire, composé de prêtres et de moines, indépendans de la puissance civile, qui ont, comme de raison, reçu le droit de juger sans appel dans leur propre cause et de faire brûler ceux qui plaident contre eux. À l'aide de ce saint tribunal les princes qui l'autorisent ont l'avantage d'avoir des sujets bien orthodoxes, bien dévots, bien gueux et toujours bien disposés à prendre parti pour le clergé contre la puissance temporelle. C'est bien dommage que jusqu'ici l'on n'ait point encore senti en France l'utilité d'un si saint tribunal.


<DT>Inspirations

<DD>Ce sont des vents spirituels partis soit du croupion soit du bec du saint-esprit, qui soufflent dans les oreilles de quelques hommes choisis, dont Dieu se sert comme d'une sarbacane pour faire connaître ses volontés au vulgaire étonné des belles choses qu'on lui annonce.


<DT>Instructions chrétiennes

<DD>Elles consistent à conter des fables sacrées et à combattre la raison des fidèles qu'on veut instruire. Ces fonctions sublimes appartiennent exclusivement au clergé, qui jouit du droit divin de rendre les peuples aussi imbéciles et aussi fous que leurs intérêts le demandent.


<DT>Interdit

<DD>Châtiment épouvantable que les chefs de l'église infligent quelquefois aux sujets des princes qu'ils veulent mettre à la raison. Il consiste à priver les peuples du culte, des cérémonies et des grâces spirituelles sans lesquelles les bleds ne lèveraient point et les vignes seraient infailliblement gelées. Les papes employaient autrefois ce remède avec succès contre l'indocilité des souverains, ils en sont plus chiches depuis que la foi s'est morfondue sur la terre.


<DT>Intérêt

<DD>Les ministres de l'église sont de tous les hommes les plus désintéressés pour eux-mêmes ; ils n'ont jamais en vue que les intérêts de Dieu, qui, comme on sait, est très intéressé, ainsi que son épouse qui ne l'est pas moins que lui ; l'église a besoin d'argent pour faire aller le ménage. On sait que les prêtres prennent un grand intérêt aux âmes, quand ces âmes surtout s'intéressent au clergé.


<DT>Interprètes

<DD>Ce sont de saints chicanneurs que l'église charge de ses affaires lorsqu'elles sont bien embrouillées ; à force de rêver ils parviennent communément à faire perdre le procès au bon sens.



<DT>Jansénistes

<DD>Catholiques bâtards, qui en dépit du très-saint père, du clergé et de la cour, veulent à toute force passer pour très orthodoxes. La grâce efficace n'a pu encore jusqu'ici se faire goûter à la cour ; en récompense elle a pour elle la rue st Honoré, le marais et les halles, sans compter plusieurs de nos seigneurs du parlement. Les jansénistes sont assez doux quand ils ne sont point les plus forts ; leur charité s'aigrit un peu quand ils ont la force en main. Malgré l'austérité de leurs moeurs, leurs fronts se dérident quelquefois à la vue des miracles éclatants que Dieu opère chaque jour à la sourdine en leur faveur ; c'est surtout en carême que leur gaieté se déploie ; pour l'édification des gens de bien soeur Françoise donnait ci-devant un bal prié, le jour du vendredi saint, rue saint Denis, dans une allée vis-à-vis de st Leu et st Gilles. On dit qu'elle est morte à force d'y faire les beaux bras. Voyez Convulsionnaires et Secours. Cet article est de Mr Abraham Chaumeix.


<DT>Jérusalem

<DD>Il y a deux villes de ce nom, l'une située en Judée, et l'autre au cinquantième degré des espaces imaginaires. Cette dernière est, selon St Jean, une belle ville toute de diamants, d'émeraudes et de rubis ; les chrétiens, qui se seront bien macérés ici-bas, iront y faire bombance un jour.


<DT>Jésuites

<DD>Moines très noirs et très guerriers, qui depuis deux siècles sont venus ranimer la foi mourante. Ce sont les janissaires du pape, à qui souvent ils font d'assez méchantes affaires. Ils sont les dépositaires du coutelet de l'église, dont le manche est à Rome chez l'aga des janissaires : depuis peu le p Malagrida en a perdu la lame en Portugal, et ses confrères en ont été dangereusement blessés. Cet article est du r p Crouste.


<DT>Jésus-Christ

<DD>Nom que prit autrefois la divinité, lorsqu'elle vint incognito faire un tour en Judée, où, faute de décliner son vrai nom, elle fut pendue comme un espion. Sans cet heureux quiproquo le genre humain était perdu ; il n'aurait eu ni théologie ni clergé, et la France n'eût jamais entendu parler de la bulle unigenitus.


<DT>Jeûne

<DD>Abstinence de nourriture. C'est une pratique très agréable à la divinité, qui ne nous donne des estomacs et des aliments que pour nous inviter à nous laisser périr d'inanition. Quand on ne peut jeûner soi-même il est bon de faire jeûner ses gens. Un des grands avantages du jeûne c'est de nous disposer à voir ce que les prêtres veulent nous montrer ; quand l'estomac est vide la tête est disposée à battre la campagne. S Bernard nous apprend que quand le corps jeûne nôtre âme fait bonne chère et devient grasse à lard.


<DT>Jonas

<DD>Prophête hargneux et colère ; il fut trois jours dans le ventre d'une baleine, qui fut à la fin obligée de le vomir, tant un prophête est un morceau difficile à digérer. Dieu le chargea de mentir de sa part aux ninivites, ce qui lui donna de l'humeur ; un prophête communément ne cherche que plaie et bosse.


<DT>Jongleurs

<DD>Faiseurs de tours de gibecière, qui par leurs tours merveilleux en imposent au vulgaire dans toutes les nations. Les prêtres des religions fausses sont de faux jongleurs ou des fripons ; les prêtres de la vraie religion sont les jongleurs véritables que l'on doit respecter, surtout quand ils sont à portée de jouer de mauvais tours.


<DT>Joseph (saint)

<DD>C'est le père putatif de Dieu le fils ; le modèle des bons maris, le patron des cocus. Il était sujet à avoir des visions cornues tandis que sa chère moitié se divertissait avec Dieu ou ses anges, ou bien avec pantère.


<DT>Joug

<DD>Le joug du seigneur est doux, son fardeau est léger. Pour les porter plus lestement il s'agit seulement d'avoir des épaules bien fortes, une échine bien souple, et de donner sa bourse à porter aux voituriers qui nous attelent.


<DT>Jubilé

<DD>Temps de récréation et de gaieté que le pape accorde à ses brebis pour s'ébaudir dans le pré spirituel par mille pratiques amusantes, qui contribuent toujours à fumer le terrain de l'église.


<DT>Judée

<DD>Pays pierreux et stérile, à peu près aussi vaste que le royaume d'Ivetot, qui, par un miracle surprenant, produisait à ses rois autant de revenus que l'Europe entière, les frais de la tribu de Levi déduits.


<DT>Jugement dernier

<DD>Quand le père éternel en aura assez des sottises qu'il fait faire, qu'il laisse faire, ou qu'il permet de faire à ses créatures, qu'il a fait si sottes, il les rassemblera toutes dans la petite vallée de Josaphat, pour leur faire rendre compte de leurs sottises, comme s'il n'en eût point connaissance ; après quoi l'on assure qu'il fermera boutique pour toujours, et l'univers n'aura plus ni théologiens ni théologie, pour le punir de n'en avoir pas mieux su profiter. Le jugement dernier sera précédé d'un jugement particulier, dans lequel chaque homme après sa mort rendra compte à Dieu, qui sait tout, des actions qu'il pourrait ignorer.


<DT>Jugements téméraires

<DD>Ils sont défendus par l'évangile, surtout aux laïques qui ne doivent jamais juger la conduite de leurs guides spirituels. S'ils trouvaient un évêque ou un abbé en mauvais lieu, ils devraient présumer que c'est pour le bien des âmes, et pour la plus grande gloire de la divinité, qui ne peut-être fâchée que ses gens se réjouissent.


<DT>Juifs

<DD>Nation remplie d'aménité, composée de ladres, de galleux, de rogneux, d'usuriers, de filoux, dont le dieu de l'univers, épris de ces belles qualités, est jadis tombé amoureux, ce qui lui a fait dire et faire bien des sotises : il en est bien revenu aujourd'hui depuis que les juifs lui ont pendu son fils, il ne veut plus que des juifs grillés ; l'inquisition est chargée d'en fournir sa cuisine.


<DT>Justes

<DD>Ce sont ceux des chrétiens qui ont l'avantage exclusif de plaire à la divinité. La terre leur appartient de droit, ils peuvent s'en emparer quand ils sont les plus forts.


<DT>Justice divine

<DD>Elle ne ressemble aucunement à la justice humaine : cependant les théologiens savent très bien ce que c'est. C'est par un effet de la justice théologique que Dieu fait porter à tous les hommes la peine d'une faute commise par un seul ; c'est par justice qu'il a fait mourir son cher fils innocent pour appaiser sa propre justice ; c'est par justice qu'il cuit éternellement tous ceux à qui il refuse sa grâce ; c'est par justice que les prêtres font brûler ceux qui n'ont pas reçu la grâce de penser tout comme eux. D'où l'on voit que la justice théologique ou divine n'a rien de commun avec ce que les hommes ont appellé justice.



<DT>Laïques

<DD>Animaux profanes ou immondes qui n'ont pas l'honneur de manger au ratelier sacré : ce sont les bêtes de somme ou les montures du clergé, avec cette différence que c'est communément le cavalier qui nourrit sa monture, au lieu que dans l'église de Dieu l'usage veut que la monture nourrisse le cavalier. Voyez Ânes, Sots, etc.


<DT>Latine (église)

<DD>C'est celle où le peuple qui ne sait plus le latin, continue pourtant à chanter en latin ; cet usage est très sensé, vu qu'il convient au clergé que les chrétiens, semblables aux perroquets, n'entendent jamais ce qu'ils disent, et ne soient pas scandalisés des belles choses qu'on leur fait chanter dans le pseautier distribué.


<DT>Légendes

<DD>Histoires édifiantes et merveilleuses que l'on ne lit plus assez depuis que des critiques esprits forts ont refroidi la crédulité des fidèles.


<DT>Lettres

<DD>Elles sont inutiles à l'église, dont les saints fondateurs furent ignares et non lettrés ; les seules lettres dont l'église ait besoin sont les lettres de cachet.


<DT>Lévites

<DD>Ce sont les enfans de Lévi à qui, pour les récompenser de leur pieuse férocité, le doux Moïse confia les fonctions du sacré ministère. La tribu de Lévi avait égorgé par son ordre ses chers concitoyens, que le grand prêtre Aaron avoit fait prévariquer. D'où l'on voit que nos prêtres, qui ont succédé aux droits et au zêle des lévites, ont raison de faire égorger les coquins que des prêtres ont induits en erreur.


<DT>Libertés de l'église gallicane

<DD>Les français qui sont légers, traitent souvent très légèrement le saint père ; nos magistrats sont des esprits forts qui nient son infaillibilité, qui le croient lui-même soumis à toute l'église, qui prétendent qu'il n'a pas, comme Samuël, le droit de déposer les rois, ni même de fourrer son saint nez dans leurs affaires temporelles. Ces maximes sentent furieusement l'hérésie pour un nez à la romaine.


<DT>Liberté de penser

<DD>Elle doit être réprimée avec la plus grande rigueur ; les prêtres sont payés pour penser, les fidèles n'ont rien à faire que de payer grassement ceux qui pensent pour eux.


<DT>Liberté politique

<DD>Elle n'est pas trop du goût de l'église. Le despotisme est plus avantageux aux ministres du seigneur ; quand le prince est sellé, toute la nation est bridée ou forcée de plier sous le joug du seigneur, qui comme on sait, est toujours on ne peut pas plus léger.


<DT>Libertins

<DD>L'on doit appeller libertins tous ceux qui ne croient point à la religion. Il est impossible d'avoir des mœurs quand on raisonne ; il n'y a que des libertins et des crapuleux qui puissent raisonner et douter des droits divins ou de l'infaillibilité des prêtres. D'ailleurs il est évident que parmi les vrais croyants jamais on ne voit de libertinage ou de mauvaises moeurs.


<DT>Libre arbitre

<DD>L'homme est libre, sans cela ses prêtres ne pourraient point le damner. Le libre arbitre est un petit présent dont par une faveur distinguée Dieu gratifie l'espèce humaine ; à l'aide de ce libre arbitre nous jouissons par dessus les autres animaux et les plantes de la faculté de pouvoir nous perdre pour toujours, quand notre libre arbitre n'est point d'accord avec les volontés du tout-puissant ; celui-ci a pour lors le plaisir de punir ceux qu'il a laissés libres de le faire enrager.


<DT>Ligue

<DD>Association sainte formée dans le XVIe siècle par l'église de Dieu, dont l'effet salutaire fut de massacrer un roi de France, de déchirer le royaume et de faire entendre la messe à un prince hérétique qui s'en trouva très bien.


<DT>Livres

<DD>Il n'y a que les livres de plein-chant qui soient utiles à l'église. On peut encore permettre aux chrétiens de lire l'imitation de Jésus-Christ, la légende dorée et les heures ; tous les autres livres ne sont bons qu'à brûler ou à placer dans une bibliotheque de moines où ils ne sont pas dans le cas de nuire à personne.


<DT>Livre de vie

<DD>C'est un petit registre fort court, où Dieu, pour aider sa mémoire, écrit ou fait écrire par son premier secrétaire les noms de cinq ou six dévots, qui pendant chaque siècle ont le bonheur de lui plaire et de faire honneur au clergé.


<DT>Logique

<DD>Chez les profanes c'est l'art de raisonner, chez les théologiens c'est l'art de déraisonner soi-même ou de dérouter la raison des autres. La logique théologique devient très convaincante quand elle est appuyée par des fusils et des bûchers.


<DT>Logogriphes

<DD>Voyez Bible, Oracles, Théologie.


<DT>Loup-garou

<DD>Il devrait être de foi d'y croire ; il est toujours utile d'accoutumer les hommes à avoir peur ; l'église ne peut qu'y gagner. Le diable est le loup garou des enfants de quarante ans.


<DT>Lune

<DD>Planète où l'on assure que vont se rendre toutes les choses qui se perdent ici-bas. Les chrétiens y retrouveront quelque jour leur esprit, leur bon sens, et surtout les écus qu'ils donnent à leurs prêtres. En attendant, la lune influe grandement sur les chrétiens, sur les chrétiennes, et sur l'église de Dieu, qui est assez quinteuse.


<DT>Luxe

<DD>L'église, ainsi que toutes les femmes, a, malgré son mari, du goût pour le luxe et la parure ; la vierge, sa belle-mere, n'en est pas moins curieuse que sa bru, elle n'est jamais plus contente que quand on lui met une robe bien pomponée.


<DT>Luxure

<DD>Péché capital sur lequel le bon Dieu n'entend jamais raison. Par une grâce spéciale les prêtres et les moines en sont exempts ; la grâce, à point nommé, leur vient nouer l'aiguillette. Un moine paillard est un être de raison. L'on sait d'ailleurs que pour les prêtres la fornication est un cas réservé.



<DT>Macérations

<DD>Ce sont des moyens ingénieux de se rendre bien maigre. Dieu n'aime point les gros ventres à moins qu'un bernardin n'en soit porteur. Il faut que les laïques soient bien dégraissés s'ils veulent se fourrer par le guichet du paradis.


<DT>Magie

<DD>Il y en a de deux sortes, la blanche et la noire. La première est très sainte et se pratique journellement dans l'église ; ses ministres sont des sorciers qui forcent et dieu et diable de faire tous les tours qu'ils leur demandent. La magie noire est illicite pour les laïques, il n'est permis qu'aux prêtres d'avoir affaire avec le diable.


<DT>Mahométisme

<DD>Religion sanguinaire dont l'odieux fondateur voulut que sa loi fût établie par le fer et par le feu ; on sent la différence de cette religion de sang et de celle du Christ qui ne prêcha que la douceur, et dont en conséquence le clergé établit ses saints dogmes par le fer et par le feu.


<DT>Maigre

<DD>Les chrétiens grecs et latins sont convaincus que le très-haut, semblable à un commis de barrière, examine avec attention du haut de sa lucarne éternelle, les marchandises qui passent dans l'estomac des fidèles ; il ne peut supporter que pendant le carême on y fasse entrer des dindons, des poulardes, du mouton ; mais il est très content quand il y voit entrer des harangs, de la morue, des anguilles à la needham, et même des oeufs, pourvu que monseigneur l'archevêque y consente.


<DT>Mal

<DD>C'est par le péché d'Adam que le mal est entré dans le monde ; si le sot n'eût péché nous n'aurions eu ni la galle, ni la teigne, ni la rogne, ni la théologie, ni la foi, qui est le remede souverain à tous nos maux.


<DT>Mal sonnante

<DD>On appelle ainsi toute proposition qui ne sonne pas bien aux oreilles des prêtres. C'est, par exemple, une proposition mal sonnante que de dire que les prêtres ne devraient pas être payés en espèces sonnantes des denrées spirituelles ou des sons qu'ils nous vendent.


<DT>Manichéisme

<DD>Hérésie justement condamnée et détestée par les chrétiens. Les manichéens admettent dans l'univers deux principes égaux en puissance, ce qui est abominable ; les chrétiens admettent un dieu tout-puissant dont le diable à chaque instant peut renverser les projets, ce qui est très orthodoxe.


<DT>Mariage

<DD>État d'imperfection, dont l'église a pourtant fait un sacrement ; il n'a qu'une chose de bonne, c'est de valoir de l'argent aux prêtres, qui ont sagement inventé des empêchements afin d'avoir le plaisir d'en dispenser pour de l'argent.


<DT>Martyrs

<DD>Ce sont de saints entêtés qui se font emprisonner, fustiger, déchirer et brûler pour prouver à l'univers que leurs prêtres n'ont point tort. Toutes les religions ont des martyrs ; mais les martyrs véritables sont ceux qui sont morts pour la religion véritable ; la religion véritable est celle qui n'est pas fausse, ou dont les prêtres ont raison.


<DT>Massacres

<DD>Boucheries sacrées, que pour le bien des nations la sainte théologie a fondées sur la terre, pour l'édification des élus et pour le maintient de la foi. Les bons catholiques se rappellent avec joie les massacres des albigeois, les massacres d'Irlande, et surtout le saint massacre de la saint-Barthélémi, dont le saint abbé de Caveyrac vient de faire l'apologie.


<DT>Matérialisme

<DD>Opinion absurde, c'est-à-dire contraire à la théologie, que soutiennent des impies qui n'ont point assez d'esprit pour savoir ce que c'est qu'un esprit, ou une substance qui n'a aucune des qualités que nous pouvons connaître. Les premiers docteurs de l'église étaient un peu matérialistes ; les grivois croyaient dieu et l'âme matérielle ; mais la théologie a changé tout cela, et si les pères de l'église revenaient aujourd'hui, la Sorbonne pourrait bien les faire cuire pour leur apprendre le dogme de la spiritualité.


<DT>Matines

<DD>Prières que l'on chante pendant la nuit dans l'église romaine, pour empêcher le père éternel, qui est sujet à roupiller, de s'endormir sur les besoins de ses enfants chéris.


<DT>Méchant

<DD>Dieu est infiniment bon, mais il est très essentiel de le faire, sans en rien dire, plus méchant que le diable ; il en revient toujours quelque chose à ceux qui savent le secret de l'appaiser ; avec un dieu trop bon le clergé ferait très mal ses affaires.


<DT>Médecins

<DD>On sait que les prêtres sont les médecins des âmes : ils ont soin de nous rendre bien galleux afin de nous procurer le plaisir de nous gratter longtemps. Quant aux remèdes qu'ils employent, ils ont volontiers recours à la purgation, aux saignées et surtout aux caustiques. Leurs pillules sont amères, elles ne sont jamais bien dorées que pour eux.


<DT>Méditation

<DD>Un bon chrétien n'a rien de mieux à faire en ce monde que de méditer sans relâche les mystères de sa religion : c'est une besogne qui peut l'amuser quelque temps, surtout s'il se propose d'y comprendre quelque chose.


<DT>Melchisedech

<DD>Prêtre qui n'avait ni père ni mère ; il était la figure ou le modèle de nos prêtres chrétiens qui se détachent par piété de tous les liens du sang pour s'attacher à l'église. Un prêtre ne doit tenir ni à sa patrie ni à sa famille quand il s'agit de la bannière sacrée. Per calcatum perge patrem, per calcatam perge matrem, et ad crucis signum evola.


<DT>Mendiants

<DD>Moines qui ont juré à Dieu de ne rien posséder en propre, et de vivre aux dépends de ceux qui possèdent quelque chose. On ne saurait en avoir trop dans un état : les gueux sont les amis de Dieu ; ils ont au moins pour les autres un crédit qu'ils n'emploient point pour eux-mêmes.


<DT>Mercenaires

<DD>Ce sont des gens qui ne font rien pour rien : les prêtres du seigneur ne sont point des mercenaires ; ils nous font peur gratuitement, ils se disputent gratuitement, ils persécutent gratuitement, ils troublent gratuitement la société, et n'attendent que de Dieu seul la récompense de leurs peines ; pourvu néanmoins que les peuples se rendent caution pour lui ou les payent d'avance.


<DT>Merveilleux

<DD>C'est la base de toute religion ; c'est tout ce que l'on ne peut comprendre ; c'est tout ce qui fait ouvrir de grands yeux et de grandes oreilles aux bons hommes et aux bonnes femmes ; les malins qui manquent de foi ne voient rien de merveilleux en ce monde que la docilité du genre humain et l'intrépidité des prêtres, qui sont de grandes merveilles annoncées par Jérémie, qui prétend que les prêtres ne rougissent jamais ; facies sacerdotum non erubuerunt. Voyez lament. Ch iv.


<DT>Messe

<DD>C'est dans l'église romaine une suite de cérémonies magiques, de prières en beau latin, de tours de gobelet qu'un prêtre a seul droit de faire. La messe sert à rappeller à Dieu la mort de son cher fils ; trait qui fait autant d'honneur à sa bonté qu'à sa justice divine.


<DT>Messie

<DD>C'est le libérateur du peuple d'Israël ; celui-ci n'eut point l'esprit de le reconnaître dans un garçon charpentier, qui n'a pu se délivrer lui-même de la potence ; en récompense il a délivré de la mort et du péché les chrétiens, qui depuis son aventure ne meurent et ne pêchent plus, comme chacun peut s'en assurer pour peu qu'il veuille fermer les yeux.


<DT>Métaphysique

<DD>Science très importante et très sublime, à l'aide de laquelle chacun peut se mettre à portée de connaître à fond de belles choses dont ses sens ne lui fournissent aucune idée. Tous les chrétiens sont de profonds métaphysiciens ; il n'est point de ravaudeuse qui ne sache imperturbablement ce que c'est qu'un pur esprit, une âme immatérielle, un ange, et ce qu'on doit penser de la grâce efficace par elle-même.


<DT>Militante

<DD>Épithète qui convient à l'église ; tant qu'elle est sur la terre, elle est aux prises avec la raison ; ses ministres sont des guerriers qui n'ont rien de mieux à faire que de s'escrimer les uns contre les autres pour gagner l'argent de ceux qui s'amusent de leurs combats, ou de faire faire des exécutions militaires contre ceux qui refusent de payer.


<DT>Miracles

<DD>Oeuvres surnaturelles, c'est-à-dire contraires aux lois sages que la divinité immuable a prescrites à la nature. Avec de la foi on fait des miracles tant qu'on veut, et avec de la foi on les croit tant qu'on peut. Quand la foi diminue on ne voit plus de miracles, et la nature pour lors va tout bonnement son petit train.


<DT>Miséricorde

<DD>Attribut distinctif du dieu des chrétiens, mais non pas de ses prêtres, qui brûlent sans miséricorde en ce monde et dans l'autre ceux qui n'ont pas l'avantage de leur plaire. Cependant les évêques montrent de la miséricorde dans leurs mandements ; c'est de la miséricorde divine qu'ils tiennent les évêchés que les rois ont accordés à leurs sollicitations pressantes.


<DT>Missionnaires

<DD>Ce sont de saints enrôleurs, qui au risque d'être fustigés ou pendus, vont dans des pays lointains recruter des âmes à Dieu, des martyrs à l'église et des richesses à leurs couvents. À l'aide de l'eau-de-vie et des mousquets, les missions ont assez de succès.


<DT>Moines

<DD>Prêtres réguliers, c'est-à-dire enrégimentés ; ils sont vêtus de blanc, de gris, de brun, de noir ; avec des barbes ou sans barbes ; ayant pièce sans barbe ou barbe sans pièce, ou barbe et pièce : en un mot ce sont des hommes infiniment utiles à la société, sur laquelle en conséquence ils ont le droit de lever des impôts journaliers quand ils n'ont point de biens-fonds. Les moines sont les soutiens et les lumières de l'église romaine ; les nations qui sont privées de cette utile denrée, sont riches, et par conséquent seront à coup sûr damnées. Cet article est du r p Hayer, récollet.


<DT>Molinistes

<DD>Ce sont des gens qui ont sur la grâce un système opposé à celui des jansénistes. La cour, qui s'entend parfaitement en théologie, a toujours un peu penché pour le systême de Molina, qu'elle a mûrement examiné ; quant au clergé, il est communément de l'avis de celui qui tient la feuille des bénéfices : celui-ci n'est contredit que par quelques poiloux qui n'ont point de part à espérer dans le gâteau sacré.


<DT>Monde

<DD>Dans l'esprit d'un chrétien bien dévot le monde est la chose la plus haïssable du monde ; il doit s'en détacher pour ne penser qu'à l'autre monde, et pour bien faire il doit commencer par donner tout son bien aux prêtres, dont le royaume n'est pas de ce monde.


<DT>Morale chrétienne

<DD>Elle est bien plus excellente que la morale humaine ou philosophique, qui lui est très opposée. Elle consiste à être bien dévot, à bien prier, à bien croire, à être bien zêlé, bien triste, bien malfaisant, bien oisif ; tandis que la morale profane prescrit d'être juste, actif, indulgent et bienfaisant. D'où l'on peut conclure que sans la religion chrétienne il ne pourrait y avoir de morale sur la terre.


<DT>Mort

<DD>La mort est la solde du péché ; sans le péché d'Adam les hommes ne seraient point morts ; les arbres ne seraient point morts, les chiens ne seraient point morts. Tous les arbres ont péché en la personne de l'arbre qui porta le fruit défendu ; tous les animaux ont péché en la personne du serpent séducteur ; tous les hommes ont péché en la personne d'Adam, et voilà pourquoi les hommes, les animaux et les plantes sont sujets à la mort. Consolons-nous pourtant ; la mort pour les chrétiens est l'entrée de la vie, et fait bien vivre nos sacrificateurs, qui tirent un aussi grand parti des morts que des vivants : les sacrés corbeaux et les saints cormorans sont fortement attirés par l'odeur d'un cadavre.


<DT>Mortifications

<DD>Ce sont mille petites inventions curieuses que les bons chrétiens ont imaginées pour se faire périr à petit feu, ou pour se rendre la vie insupportable. Il est clair que le dieu de la bonté ne nous a donné la vie et la santé que pour que nous eussions la gloire de les détruire peu à peu ; il n'est point permis de se tuer tout d'un coup, cela pourrait empêcher le plaisir que le bon dieu prend à nos souffrances de durer assez longtemps.


<DT>Mots

<DD>Dans l'usage ordinaire les mots sont destinés à peindre des objets réels, existants et connus ; dans la théologie les mots sont destinés à ne peindre que des mots.


<DT>Mourants

<DD>Si les malades et les mourants ne sont plus d'une grande ressource pour la société, l'église en récompense en fait bien ses choux gras ; elle sait qu'on est assez généreux de ce qu'on est obligé de laisser en arrière. C'est près du lit des mourants que le clergé triomphe ; souvent alors les incrédules eux-mêmes reconnaissent leurs erreurs ; ils se rendent à des arguments que la peur, ou que l'affaiblissement du corps et de l'esprit font trouver invincibles. Les vérités de la religion ne sont jamais mieux senties que par ceux qui sont incapables de raisonner.


<DT>Moutarde

<DD>Denrée très précieuse et très rare dans la religion. On sait que gros de foi comme un grain de moutarde suffit pour transporter des montagnes. Le pape en a pour sa part une si grande provision qu'il lui faut un homme tout exprès pour la porter ; c'est lui que l'on désigne sous le nom de premier moutardier du pape.


<DT>Moïse

<DD>Prophête inspiré de Dieu, qui lui donna une loi divine et sainte, que Dieu fut obligé de changer par la suite, vu qu'elle ne valait plus rien. Moïse causait familiérement avec le derrière de Dieu. Il était le plus doux des hommes, comme il l'a dit lui-même ; cependant il fit parfois égorger quelques milliers d'israëlites ; il fut en cela la figure de l'église qui, comme on sait, est la plus tendre et la plus douce des mères, quoique de temps en temps elle joue des tours sanglants à ses enfants bien-aimés.


<DT>Mystères

<DD>Ce sont des choses qu'on ne comprend pas, mais qu'on doit croire sans les comprendre, ce qui devient très facile quand on a de la foi. Dieu dans sa miséricorde, ennuyé de l'ignorance des hommes, est venu les éclairer lui-même ; il est descendu de son trône tout exprès pour leur apprendre qu'ils devaient ne rien entendre à ce qu'il venait leur apprendre. Toutes les fois que dans la religion vous trouverez quelque chose d'embarrassant pour les prêtres, qu'ils ne peuvent expliquer, de bien contraire au bon sens, dites que c'est un mystère ; c'est le secret de l'église.


<DT>Mystique (sens)

<DD>C'est un sens auquel personne ne comprend rien, ou qui rend la chose expliquée plus obscure qu'auparavant. Toutes les fois qu'un théologien rencontre dans la parole divine quelque chose d'opposé au sens commun, il doit y chercher un sens mystique ; la foi vous ordonne de trouver qu'il a raison, quoique ni vous ni lui ne sachiez ce que veut dire ni la chose qu'il explique, ni l'explication qu'il en donne.



<DT>Nature

<DD>C'est l'ouvrage merveilleux d'un dieu sage, tout-puissant et parfait ; cependant la nature s'est corrompue. Dieu le voulut ainsi pour avoir de quoi s'amuser et se fâcher ; il a besoin qu'on lui remue la bile, et s'il n'avait sans cesse à raccommoder sa machine, ses théologiens et lui n'auroient pas grande chose à faire.


<DT>Néant

<DD>De l'aveu de tout le monde le néant est ce dont nous ne pouvons rien affirmer, ou ce qui n'a aucune des qualités dont nous pouvons juger. Dans ce cas, m le curé, qu'est-ce qu'un être spirituel ? Qu'est-ce qu'une substance immatérielle ou privée d'étendue, de couleur, de figure ? Qu'est-ce qu'un ange ? Qu'est-ce qu'un diable ? Qu'est-ce que... halte-là, Monsieur Gros-Jean ! Ce sont-là des mystères auxquels ni vous ni moi ne devons rien comprendre.


<DT>Novateurs

<DD>Ce sont tous ceux qui, sans l'aveu des théologiens les plus accrédités, se donnent les airs d'enseigner quelque doctrine, à laquelle ces grands personnages n'avaient point encore pensé ; eux seuls ont le droit de corriger, d'altérer, d'expliquer les décrets éternels de la divinité, et de faire au besoin des dogmes à la mode, pour l'usage des femmes, qui comme on sait se plaisent au changement, surtout en fait de doctrine.


<DT>Nuées

<DD>On y voit tout ce qu'on veut, et surtout des armées quand les prêtres sont mécontens. Les nuées sont comme les saintes écritures où les théologiens font voir tout ce qui leur plaît, à ceux qui ont la foi ou la berlue.



<DT>Obéissance

<DD>Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes : or obéir à Dieu c'est obéir au clergé ; d'où il suit qu'un bon chrétien ne doit obéir à son prince qu'autant que les volontés du prince sont approuvées du clergé.


<DT>Obscurités

<DD>On rencontre parfois des obscurités dans la bible et dans la religion sainte que Dieu lui-même a révélée. Les gens sans foi en sont choqués, les dévots adorent en silence tout ce qu'ils n'entendent point. Une religion qui serait claire seroit bientôt flambée, nos interprètes sacrés n'auraient rien à nous dire si Dieu eût parlé trop clairement.


<DT>Odeur de sainteté

<DD>Les saints ne sont pas communément des seigneurs bien musqués ; mais l'odeur qui s'exhale d'un capucin, surtout après sa mort, est pour les nez devots un parfum plus délectable que l'eau des sultanes ne peut l'être pour le nez d'un mondain.


<DT>Oeuvres pies

<DD>C'est ainsi que l'on nomme en général toutes les gratifications, les legs, les présents, les fondations etc. Faits en faveur de l'église, c'est-à-dire qui ont pour objet de réjouir les ministres du seigneur aux dépends des familles et des parents.


<DT>Offenses

<DD>La divinité, toute-puissante qu'elle est, et quoiqu'elle jouisse d'un bien-être inaltérable, par complaisance pour son clergé, permet que l'on trouble sans cesse sa propre félicité ; elle s'offense à tout moment des pensées, des paroles, des actions de ses créatures, le tout pour que ses prêtres, dont le métier est d'expier les offenses qu'on lui fait, puissent avoir de quoi s'occuper. Si Dieu ne s'offensait point adieu la caisse du clergé, et Mr De St Julien serait forcé de plier boutique.


<DT>Offrandes

<DD>Le dieu de l'univers n'a besoin de rien ; un pur esprit doit faire assez maigre chère et se contenter d'offrandes spirituelles ; cependant comme ses prêtres ne sont point de purs esprits, Dieu exige qu'on leur donne des offrandes bien grasses ; ce n'est que pour qu'on ait l'occasion de leur offrir quelque chose que la divinité répand ses bienfaits sur la terre ; Dieu s'est formellement expliqué là-dessus dans le deutéronome où il dit : sacrificia domini et oblationes ejus comedent.


<DT>Oints du seigneur

<DD>Ce sont des hommes bien gras, ou à qui l'on est obligé de bien graisser la patte. Les prêtres ont eu de tout temps un goût marqué pour la graisse ; ils se nourrissent partout de la graisse que leurs prières font tomber sur la terre. Dieu par la bouche de Jérémie promet à ses chers prêtres de les enivrer de graisse, ce qui rendra son peuple bien plus gras. inebriabo animam sacerdotum pinguedine, et populus meus implebitur bonis. Voyez jerem ch xxxiv v 14. Dans l'église romaine on frotte les doigts des prêtres avec un onguent divin pour les mettre à portée de guérir les plaies des âmes de ceux qu'ils ont bien dégraissés.


<DT>Oisiveté

<DD>C'est la mère de tous les vices. S'il n'y avait point de prêtres dans le monde les peuples ne travailleraient point assez et deviendraient des vauriens ; les moines et les prêtres ne se vouent à l'oisiveté que pour diminuer le nombre des vices des laïques qui par là sont forcés de travailler pour eux-mêmes et pour la nombreuse armée des paresseux du seigneur.


<DT>Omniscience

<DD>Qualité qui convient exclusivement à Dieu ; cependant il fait semblant d'ignorer ce que nous devons faire, vu que nous sommes libres dans nos actions. La divinité communique à ses prêtres son omniscience ; un théologien sait tout et ne doute jamais de rien. C'est surtout dans les choses où personne ne voit goute qu'on voit briller la science et le savoir faire des théologiens.


<DT>Oracles

<DD>Réponses obscures et ambigües que le diable, qui est le père du mensonge, rendait autrefois par l'organe des prêtres païens, qui étaient de grands fripons. Ces oracles trompeurs ont cessé depuis la venue de Jésus-Christ ; depuis ce temps nous n'avons plus que des oracles clairs, intelligibles, et sur le sens desquels l'on ne peut point disputer.


<DT>Oraison

<DD>Voyez Prières.


<DT>Oraisons funèbres

<DD>Ce sont des discours en l'honneur des grands, qui sont toujours, comme on sait, des hommes merveilleux quand ils sont morts ; les faiseurs d'oraisons funèbres ne peuvent jamais mentir, vu qu'ils sont assis dans la chaire de vérité.


<DT>Ordre

<DD>De tous les sacrements c'est le plus utile à l'église ; c'est lui qui fait sans effort provigner la tribu de Lévi si nécessaire à nos âmes. Dans les églises romaine et anglicane un évêque a seul droit de conférer ce précieux sacrement ; en imposant ses pattes sacrées sur le crâne d'un profane, il y fait descendre perpendiculairement les dons du saint-esprit, et surtout le droit exclusif d'en imposer aux autres.


<DT>Ordre de l'univers

<DD>C'est l'arrangement merveilleux qu'ont le bonheur de voir dans la nature ceux qui la regardent avec les besicles de la foi ; elles ont la vertu d'empêcher ceux qui les portent d'apercevoir aucun désordre dans le monde. Ils n'y voient ni maladies, ni crimes, ni guerres, ni tremblements de terre, ni théologiens intolérants. Tout est dans l'ordre quand nos sacrificateurs ont bien dîné : quiconque trouble leur digestion est un perturbateur de l'ordre public ; Dieu, pour s'en venger, est en conscience obligé de troubler l'ordre de la nature et les souverains l'ordre de la société.


<DT>Ordres monastiques

<DD>Ce sont différents régiments de moines, qui servent comme volontaires dans l'armée divine ; ils sont matériellement soudoyés par les peuples pour les protéger spirituellement contre les attaques spirituelles des esprits malins, et pour faire spirituellement pleuvoir sur les âmes des grâces spirituelles, dont les corps des moines se trouvent assez bien.


<DT>Oreilles

<DD>Organes dont il est très nécessaire qu'un chrétien soit bien pourvu ; attendu que la foi nous vient par les oreilles, fides ex auditu comme a dit st Paul. Voyez Ânes, Éducation, Perroquets.


<DT>Orgueil

<DD>Haute opinion que nous avons de nous-mêmes ; les ministres de l'église en sont totalement exempts. Le pape, qui a souvent traité les rois en petits garçons, n'est que le serviteur des serviteurs de Dieu, ce qui prouve qu'il n'a point d'orgueil, ou qu'il n'ose le montrer.


<DT>Originel (péché)

<DD>C'est une frasque commise il y a six ou sept mille ans, qui a causé bien du charivari dans le ciel et sur la terre. Tout homme avant de naître a malgré lui pris part à ce péché ; c'est en conséquence de ce péché que les hommes meurent et commettent des péchés. Le fils de Dieu est venu mourir lui-même pour expier ce péché, mais malgré ses efforts et tous ceux de son père la tache originelle subsistera toujours.


<DT>Orthodoxes

<DD>Ce sont les opinions de ceux qui ont raison, qui ne sont point hérétiques, qui ont pour eux les princes, les archers et les bourreaux. L'orthodoxie, comme les baromètres, est sujette à varier dans les états chrétiens ; elle dépend toujours du temps qu'il fait à la cour.


<DT>Oubli des injures

<DD>Conduite très louable dans les laïques et qui leur est prescrite dans l'évangile ; les prêtres en sont néanmoins dispensés ; ils ne peuvent jamais pardonner, vu que ce n'est point eux mais c'est Dieu qu'on offense ; le dieu des miséricordes ne leur pardonnerait jamais d'avoir pardonné à ceux qui l'ont offensé ; surtout dans la personne du clergé, c'est là l'endroit sensible de la divinité ; c'est le péché contre le saint-esprit qui ne sera remis ni dans ce monde ni dans l'autre. Cependant le clergé, sans blesser la divinité, peut pardonner à ceux qu'il a fait exterminer, à moins qu'ils n'eussent laissé des enfants, des parents, des amis que l'on pût encore maltraiter, d'après la jurisprudence de la bible.


<DT>Oie

<DD>On appelle de certains contes, des contes de ma mère l'oie. Les contes que l'église nous conte sont des contes de ma mère l'oie, vu que nous sommes des oisons et que l'église est notre mère.



<DT>Paix

<DD>Le dieu des chrétiens s'appelle indifféremment et le dieu de paix et le dieu des armées. Cette contradiction n'est qu'apparente ; Dieu est très pacifique ; mais sa femme n'est pas aussi tranquille que lui ; c'est pour la tenir en bonne humeur qu'il est souvent forcé de mettre des armées en campagne et les chrétiens aux prises ; il faut bien faire la guerre au dehors pour avoir la paix au dedans. L'église n'est en paix que quand elle fait tout ce qu'elle veut ou quand elle peut sans obstacle troubler la tranquillité des autres.


<DT>Pape

<DD>C'est communément un vieux prêtre choisi par le saint-esprit pour être sur la terre le vicaire de monsieur son frere ; voilà pourquoi le pape a tant d'esprit et ne radote jamais, quoi qu'en disent les jansénistes et ces marauts de protestants, qui poussent assurément trop loin la liberté de penser.


<DT>Papistes

<DD>Les protestants appellent ainsi par dérision les chrétiens dociles qui reconnaissent le pape pour un vice-dieu sur la terre, et qui n'ont point comme eux assez de force d'esprit pour ne soumettre leur intellect qu'à un prédicant de Genève, à un ministre presbyterien, à un docteur d'Oxford. Les chrétiens de diverses sectes ont, sans doute, le droit de se moquer les uns des autres, surtout quand ils n'ont point le nez vis à vis d'un miroir.


<DT>Pâque

<DD>Fête solennelle que les chrétiens célebrent en mémoire de la résurrection clandestine d'un dieu pendu publiquement. Pour célébrer dignement ce grand jour les catholiques sont dans l'usage d'y manger leur dieu ; c'est, sans doute, pour voir si, comme le phénix, il ressuscitera de ses cendres. Voyez Stercoranistes. Il y eut autrefois une dispute très chaude dans l'église de Dieu pour savoir au juste le temps de la célébration de la pâque ; un grave concile a décidé que la lune de l'équinoxe du printemps devait régler cette affaire importante. Ce qui nous montre que l'église est, comme les femmes, sous l'influence de la lune. Voyez Lune.


<DT>Paraboles

<DD>Apologues ou façons détournées de s'expliquer, dont la divinité se sert souvent dans l'écriture, par la crainte qu'elle a de parler intelligiblement aux amis qu'elle veut instruire.


<DT>Paradis

<DD>Lieu de délices, placé dans les terres australes inconnues, suivant les uns, et dans l'empyrée, suivant d'autres ; les élus y auront pendant l'éternité le plaisir ineffable de chanter sanctus en faux bourdon. Bien des gens ne sont pas trop curieux de se rendre à ce concert, dans la crainte de s'ennuyer ou d'y trouver trop mauvaise compagnie ; une femme de la cour aurait, sans doute, des vapeurs si on la plaçait à côté, de st François D'Assise, d'un picpus, ou d'un minime.


<DT>Paresse

<DD>Péché capital qui consiste à négliger les pratiques intéressantes auxquelles nos prêtres ont attaché le salut. Un laïque doit être actif afin d'avoir de quoi payer ses prêtres et se battre pour eux. Un prêtre n'a rien à faire en ce monde que de prier, de chanter, et de quereller quand il en a la capacité.


<DT>Parole de Dieu

<DD>Ce sont les oracles infaillibles que dans chaque religion les prêtres du très-haut débitent en son nom. La divinité a l'attention de ne jamais les démentir ; qui ne dit mot consent, ainsi Dieu consent toujours à ce que disent ses prêtres. La parole de Dieu est suivant les chrétiens un glaive à deux tranchants, c'est-à-dire un couteau de tripières ; de quelque côté qu'on le prenne ou risque de se couper.


<DT>Parti (esprit de)

<DD>En matière de religion il met à portée de juger sainement des choses. Il n'est pas douteux que le parti qu'on a pris ou que notre confesseur a pris pour nous ne peut être que le meilleur.


<DT>Passion de Jésus-Christ

<DD>Histoire lamentable d'un dieu, qui eut la bonté de se laisser fustiger et clouer pour racheter le genre humain : toutes les fois qu'on la raconte aux bonnes femmes et aux dévôts le vendredi-saint, ils se désolent d'avoir été rachetés.


<DT>Passions

<DD>Mouvements nécessaires à la conservation de l'homme et inhérents à sa nature, depuis qu'elle s'est corrompue par le péché originel. Sans cette sottise mémorable nous eussions été comme des bûches ou des pierres ; nous eussions joui par conséquent du plus parfait bonheur. Un chrétien ne doit avoir de passions que celles que ses prêtres lui inspirent.


<DT>Pasteurs

<DD>Ce sont ceux qui sont chargés du soin de mener paître les moutons du bon dieu ; ils s'en chargent par pure charité, ne se réservant que le droit de tondre leurs ouailles et de les envoyer à la boucherie quand ils ne sont point assez contents de leurs toisons. Les princes sont les chiens de ces bergers des âmes, qui leur font mordre bien serré les brebis qui s'égarent ou qui ne veulent pas se laisser tondre.


<DT>Patience

<DD>Vertu morale et chrétienne qui consiste à supporter les maux que l'on ne peut ou que l'on n'ose point empêcher. Dieu a chargé spécialement le clergé d'exercer la patience des princes, qui d'ordinaire sont volontaires et fort sujets à s'impatienter.


<DT>Patrie

<DD>Les vrais chrétiens n'en ont pas sur la terre, ce sont des hommes de l'autre monde, leur patrie est là-haut ; ils ne sont ici-bas que pour s'ennuyer eux-mêmes et pour réjouir leurs prêtres ; il leur est néanmoins permis d'ennuyer saintement les autres ou de les faire pieusement enrager pour les dégoûter d'un séjour passager. C'est pour être meilleurs citoyens de la cité d'en-haut, que les prêtres et les dévots sont de si mauvais citoyens de la cité d'en-bas.


<DT>Patrons

<DD>Ce sont les dieux pénates ou tutélaires des chrétiens ; ils s'intéressent vivement à tous ceux qui portent leurs saints noms. Saint Jean est le protecteur né de tous les jeans du monde : les animaux, les maladies, les calamités ont aussi leurs patrons. St Roch a la peste dans son département ; st Antoine a dans le sien les cochons et la rogne ; st Joseph, comme on sait, est le patron des cocus ou des bêtes à cornes.


<DT>Pauvres d'esprit

<DD>Dans le langage profane les pauvres d'esprit sont des sots ; dans le langage des chrétiens ce sont des gens d'esprit, qui font les sots en ce monde pour briller un jour en paradis, où ils réjouiront l'éternel par leurs saillies et leurs bons mots. L'église aime de préférence ses enfants les plus sots ; elle ne fait presque aucun cas de ceux qui ont de l'esprit. Voyez Sots.


<DT>Pauvreté

<DD>Dans la religion chrétienne on ne voit partout que pauvreté. Jésus-Christ est un dieu pauvre et même un pauvre dieu ; ses apôtres étaient de pauvres diables ; les évêques sont de pauvres saints ; les moines font voeu de pauvreté ; le clergé débite des pauvretés ; elles sont crues par de pauvres gens, qui les payent très richement. Les biens du clergé appartiennent aux pauvres ; d'où il suit que rien n'est plus naturel et plus juste que de dépouiller les pauvres pour enrichir le clergé. Voyez Dîmes.


<DT>Peccavi

<DD>Un bon peccavi suffit à l'article de la mort pour faire entrer un coquin en paradis ; si cette opinion et ces regrets tardifs sont inutiles à ce monde, il en résulte de grands biens pour ceux qui expédient les passeports pour l'autre monde.


<DT>Péchés

<DD>Pensées, paroles ou actions qui ont le pouvoir d'impatienter la divinité, de déranger ses projets, de troubler l'ordre qu'elle chérit. D'où l'on voit que l'homme est très puissant ; Dieu en lui donnant le libre arbitre est obligé de le laisser faire, il ne peut point l'empêcher de lui donner des nazardes à lui-même.


<DT>Pêcheurs

<DD>Jésus-Christ a promis à ses apôtres d'en faire des pêcheurs d'hommes : voilà pourquoi nos prêtres sont sans cesse occupés à troubler l'eau pour mieux tendre leurs filets, et pêcher avec plus de succès. Ils pêchent aussi à la ligne, l'espérance est l'appas dont ils se servent pour nous faire mordre à l'hameçon.


<DT>Pélerinage

<DD>Pratiques pieuses fort usitées dans les pays bien dévots. Elles consistent à battre la campagne pour rendre visite et pour payer bouteille à quelque saint étranger ou à ses ayants cause ; en faveur de cette politesse, le saint que l'on visite accorde communément aux hommes la grâce de s'enivrer, et aux filles celle de faire des enfants neuf mois après la visite.


<DT>Pénitence

<DD>Suivant l'église romaine c'est un sacrement qui consiste à s'accuser de ses péchés à un prêtre, et à lui montrer le regret sincère que l'on a d'avoir été bien aise. Dans toutes les religions du monde on fait des pénitences ; c'est-à-dire, on se fait bien du mal, pour faire du bien à la divinité.


<DT>Pensées

<DD>Dieu s'offense très grièvement des mouvements involontaires qui s'excitent dans le cerveau des hommes, surtout, quand les dits mouvements ne sont point dirigés par le clergé. La divinité damnera inmanquablement ceux qui n'auront pas pensé comme ses prêtres, vu qu'ils ont le droit exclusif de penser pour les autres. Voilà pourquoi les ministres de l'église ont soin de fouiller la conscience des fidèles, de peur qu'il n'entre dans leur tête des pensées de contrebande.


<DT>Pentecôte

<DD>Fête solennelle que l'église célèbre en mémoire de la descente miraculeuse du saint esprit en langues de feu, qui s'arrêterent sur les têtes des apôtres, des disciples et des saintes femmelettes, ce qui les fit jaser comme des ivrognes et des pies. En conséquence de cet événement les successeurs des apôtres ont indubitablement acquis le droit de jaser et de mettre avec leurs caquets et leurs langues l'univers en combustion.


<DT>Père éternel

<DD>C'est le chef de la famille divine. Il doit être bien vieux s'il est vrai, comme on n'en peut douter, qu'il ait dit tout ce que ses livres lui font dire.


<DT>Pères de l'église

<DD>Ce sont de saints rêveurs, qui ont fourni aux fidèles une foule de beaux raisonnements, de beaux dogmes, de savantes interprétations, dont il n'est point permis d'appeller au bon sens.


<DT>Perfection

<DD>Dans la religion chrétienne elle consiste à prier, à jeuner, à rêver creux, à vivre comme un saint hibou. Un chrétien parfait se pique de n'être bon à rien dans ce monde qui n'est que l'antichambre de l'autre ; un laïque est fait pour y croquer le marmot, pendant que ses prêtres font bonne chère à ses dépends.


<DT>Perroquets

<DD>Animaux fort utiles à l'église, et qui, sans y entendre finesse, répètent assez fidèlement tout ce qu'on veut bien leur apprendre. Voyez Catéchisme, Chrétiens, Éducation.


<DT>Persécutions

<DD>Moyens sûrs et charitables que l'église met en usage pour rappeller ceux qui s'égarent, et pour se rendre plus aimable à leurs yeux. L'église fut souvent elle-même persécutée, mais ce fut toujours à tort ; les persécutions qu'elle fait éprouver aux autres sont légitimes et saintes ; pour avoir droit de persécuter il faut avoir raison, et pour avoir raison il suffit de n'avoir point tort ; l'église n'a jamais tort surtout quand elle a la force de prouver qu'elle a raison.


<DT>Peuple

<DD>C'est l'appui de l'église, sa consolation dans ses peines, le soutien de son pouvoir. Le peuple, comme on sait, est un profond théologien ; c'est aussi pour lui que l'église fait ses dogmes, ceux qu'il approuve ne peuvent manquer d'être fort bons ; la voix du peuple est la voix de Dieu ; en effet Dieu ne peut guère s'empêcher de ratifier ce que le peuple veut bien fort ; mais il ne veut bien fort que ce que les prêtres lui disent de vouloir bien fort.


<DT>Philosophes

<DD>Ce sont les prétendus amis de la sagesse et du bon sens ; d'où l'on voit que ce sont des marauds, des voleurs, des fripons, des pendarts, des impies, des gens détestables pour l'église, à qui la société ne doit que des fagots et des bûchers. Les coquins ont l'insolence d'avertir les hommes qu'on leur coupe la bourse ici-bas tandis qu'on les oblige à regarder là haut. Cet article est de Mr Palissot, et de l'avocat Moreau.


<DT>Pierre

<DD>Pauvre pêcheur fort bête, qui fit une très belle fortune. Il devint le prince des apôtres à cause de son beau nom, qui fournit à son maître l'occasion de déployer son esprit en faisant un calambour, sur lequel est fondée la cuisine du très saint père.


<DT>Plaider

<DD>Un chrétien ne doit jamais plaider ; il doit céder sa veste et ses culottes quand on en veut à son pourpoint ; les gens d'église ne plaident point, ce sont de tous les hommes les plus faciles en affaires.


<DT>Platon

<DD>Philosophe athénien et père de l'église chrétienne, qui aurait dû, sans rien dire, le placer dans son calendrier ; c'est à lui qu'elle doit un grand nombre de dogmes et d'articles de foi, sans compter ses beaux mystères. Voyez Purgatoire, Trinité, Verbe.


<DT>Politique

<DD>La religion chrétienne en est l'appui. Elle maintient dans les États la tranquillité, l'obéissance aux souverains, la population, l'agriculture ; elle prescrit la soumission aux sujets, pourvu que les princes lui soient bien soumis ; enfin ses prêtres font un corps dans l'État, dont les intérêts sont toujours ceux de l'État, pourvu que l'État lui-même ne songe qu'aux intérêts des prêtres.


<DT>Pompes de Satan

<DD>Tout chrétien y renonce au baptême, c'est-à-dire le jour même qu'il est né ; il est vrai que souvent il oublie ses engagements, il n'y a que les prêtres qui jamais ne les perdent de vue.


<DT>Pontifes

<DD>Ce mot vient de pontifex, faiseur de pont ; nos pontifes sont des architectes spirituels qui font un pont intellectuel, à l'aide duquel les bons chrétiens arrivent en paradis, en franchissant les abîmes du bon sens et de la raison.


<DT>Population

<DD>Elle est nuisible aux nations chrétiennes où, pour bien faire, tout le monde devrait garder le célibat. Le nombre des élus est très petit, celui des réprouvés est très grand ; plus une nation contient d'habitants, plus elle contient e réprouvés ; donc la population est très nuisible au bonheur d'un État.


<DT>Portion congrue

<DD>Les chefs de l'église chrétienne ont sagement réglé que la canaille sacerdotale, qui travaille à la vigne du seigneur ne devait point avoir de quoi vivre. En conséquence il est réglé qu'un grand nombre de curés n'auront que trois cens livres tournois par chacun an ; d'où l'on voit que les évêques, qui sont les marchands en gros de la foi, ne mettent point eux-mêmes un prix exorbitant à la denrée qu'ils font débiter aux fidèles en détail par leurs courtiers ou regratiers spirituels.


<DT>Possessions

<DD>Autrefois les démons prenaient souvent possession des hommes. Nous voyons dans l'écriture des cochons même devenir possédés. Aujourd'hui l'on ne voit guères de possédés qu'en province, ou dans les saints greniers des convulsionaires ; encore faut-il payer le diable pour qu'il entre dans les corps.


<DT>Pratiques de piété

<DD>Ce sont de petits mouvements des lèvres, des oreilles et du corps, sagement inventés par l'église, sans lesquels il est évident qu'un homme ne peut être agréable à Dieu ou à ses prêtres. Les pratiques de dévotion, qui paraissent souvent bizarres et ridicules aux gens sans foi, sont fort utiles au clergé à qui elles valent de l'argent ; d'ailleurs elles habituent les fidèles à obéir sans raisonner.


<DT>Prédestination

<DD>Un dieu bon qui prévoit tout, a résolu dans ses décrets éternels que parmi ses créatures les unes seraient sauvées et les autres, en plus grand nombre, seraient damnées pour toujours. Si vous ne comprenez rien à cette conduite bizarre consultez votre confesseur : s'il est janséniste il vous dira pour éclaircir vos doutes que la prédestination est gratuite et sans prévision des mérites : s'il est moliniste il vous dira le contraire. Mais tous deux s'accorderont à vous dire que c'est un mystère auquel il est très bon que vous ne compreniez rien.


<DT>Prédicateurs

<DD>Orateurs sacrés, que les nations soudoyent pour leur répéter de mille façons différentes des choses auxquelles jamais elles n'ont rien compris, mais qu'elles espèrent comprendre mieux à force de se les faire répéter. La prédication est très utile on ne peut en douter : Dieu lui-même, comme on sait, prêcha Adam et ève, et au sortir du sermon ils n'eurent rien de plus pressé que d'aller faire une sottise.


<DT>Prémotion physique

<DD>C'est une impulsion prévenante par laquelle, suivant M Boursier, avant que l'homme agisse, Dieu le dispose à agir de la façon qu'il conviendra au libre arbitre, auquel il n'est point permis à la divinité de toucher, de peur que l'homme n'eût point le mérite de bien faire.


<DT>Préscience

<DD>Attribut divin par le moyen duquel la divinité a le plaisir de savoir les sottises que l'homme fera sans vouloir ni pouvoir l'en empêcher.


<DT>Présence réelle

<DD>Mystère inventé dans le neuvieme siècle par un moine de Corbie, et qui s'est depuis changé en un article de foi pour l'église catholique, apostolique et romaine ; elle croit très fermement que le dieu de l'univers, toute autre affaire cessante, sur la sommation d'un prêtre, à qui l'on donne douze sols, vient se nicher dans un morceau de pâte, afin d'être croqué. Les protestants font les dégoûtés sur ce mystère, après en avoir pourtant digéré beaucoup d'autres.


<DT>Présomption

<DD>C'est le crime de ceux qui ont l'impertinence de s'en rapporter plutôt à leurs propres lumières qu'à celles du clergé. Le comble de la présomption est de penser que Dieu pourrait bien n'être pas si méchant que ses prêtres le sont.


<DT>Presséance

<DD>Il s'éléve fréquemment des disputes de presséance entre les humbles évêques. Dieu s'intéresse très fort à ces sortes de querelles ; il serait très piqué si son ministre dans un diocèse cédait le pas au ministre qu'il a dans un autre diocèse.


<DT>Prêtres

<DD>Dans toutes les religions du monde ce sont des hommes divins, que Dieu a lui-même placés sur la terre pour y exercer un mêtier très utile ; il consiste à distribuer gratuitement des craintes afin d'avoir le plaisir de distribuer ensuite des espérances pour de l'argent. C'est un point fondamental sur lequel tous les prêtres du monde ont toujours été parfaitement d'accord.


<DT>Prières

<DD>Formules de requêtes inventées par les prêtres, pour obtenir d'un dieu bon qui sait tout ce dont ses enfants ont grand besoin, ou pour engager un dieu sage à changer de volontés. Sans prières Dieu ne devinerait point ce qui manque à ses créatures. Les prières des prêtres sont les plus efficaces de toutes ; ils en font un trafic assez avantageux ; dans la cour de là-haut comme dans celles d'ici-bas, l'argent applanit bien les affaires.


<DT>Probabilisme

<DD>Quand il vous prendra fantaisie de faire quelque péché qui vous tente bien fort, cherchez dans quelque jésuite si vous ne pourriez pas le faire sans pécher ; appuyée de cette autorité votre conscience peut se tenir en repos.


<DT>Prochain

<DD>Un chrétien doit aimer son prochain comme lui-même ; or un bon chrétien doit se haïr lui-même, d'où il suit qu'un bon chrétien doit faire enrager son prochain pour gagner à frais communs le paradis.


<DT>Profanation

<DD>Crime horrible qui consiste à faire des choses que les prêtres nomment sacrées, un usage qu'ils appellent profane , c'est-à-dire qui n'est point sacré. D'après cela vous voyez clairement que tout profanateur doit être brûlé : il commet un crime dont on n'a point d'idée, et qui par conséquent ne peut être que très grand.


<DT>Profession de foi

<DD>Formules ingénieusement fabriquées par les théologiens pour se tendre des pièges, pour se tourmenter saintement les uns les autres et pour allarmer les consciences des femmes, qui doivent avoir des sentiments bien purs sur les questions de la théologie.


<DT>Profession religieuse

<DD>Cérémonie solennelle par laquelle un polisson ou une jeune fille de quinze ans promettent à Dieu d'être toute leur vie inutiles à la société, et de persévérer jusqu'à la mort dans la sainte résolution de se bien tourmenter.


<DT>Prophêtes

<DD>Juifs choisis par la divinité même et inspirés par elle quand il lui prenait fantaisie de converser avec son peuple, pour lui annoncer de grands malheurs. Les prophêtes étaient d'ailleurs les bohémiens, les devins, les diseurs de bonne avanture de la Judée. Ils faisaient retrouver aux filles de Sion et aux servantes de Jérusalem des chiens perdus et des cuillères égarées ; les chrétiens, munis d'une foi bien vigoureuse, ont l'avantage de trouver dans leurs écrits tout ce qui convient à l'église. Il est important de ne point parler clairement, on finit tôt ou tard par passer pour prophête.


<DT>Protestants

<DD>Il y en a de bien des couleurs. Ce sont en général des esprits forts, qui ont le courage de protester contre le pape et contre celles de ses opinions qui déplaisent à des prêtres protestans. Ces chrétiens amphibies sont d'ailleurs de fort bonnes gens ; quoiqu'ils aient pris le très-saint père en grippe, ils n'en sont pas moins soumis au clergé protestant, qui sans se croire infaillible, ferait un mauvais parti à quiconque douterait de ses lumières, ou ne verrait point comme lui. Les protestants sont à Rome des hérétiques à brûler, mais ils ont la consolation d'être très orthodoxes chez eux, et même de brûler les autres quand leurs prêtres ont du crédit. Si les protestants déplaisent à Dieu ce doit être indubitablement par ce qu'ils ne payent point le clergé aussi grassement qu'il le mérite ; ce qui sent furieusement l'hérésie.


<DT>Providence

<DD>L'on désigne sous ce nom la bonté vigilante de la divinité, qui pourvoit aux besoins de ses prêtres. À l'aide de la providence ceux-ci n'ont jamais à craindre de manquer. Ils peuvent même rester les bras croisés, ils n'en seront pas moins vêtus, logés, nourris, désaltérés, fêtés. C'est à la providence qu'ils doivent tout cela ; quel que soit le sort du reste des humains, elle a toujours grand soin que ses prêtres soient bien.


<DT>Prudence

<DD>Vertu morale et profane qui n'est bonne à rien dans la religion. La prudence chrétienne consiste à se laisser mener, ce qui est un sûr moyen pour arriver au but où le clergé veut nous mener.


<DT>Psaumes

<DD>Vieilles chansons hébraïques aussi sublimes qu'édifiantes. L'église les a fait traduire en latin de cuisine, à l'usage des cuisinières, qui les chantent à vêpres avec grande componction. M Le-Franc, comme chacun sait, les a traduits en vers français, que son compère trouve merveilleux et divins.


<DT>Puissance spirituelle

<DD>C'est une puissance qui, comme son nom le porte semblerait ne devoir agir que sur les esprits, mais qui par un miracle inconcevable agit aussi sur les corps, et même fait éprouver aux corps politiques des secousses dont ils se souviennent quelquefois assez longtemps. Dans tout État chrétien il y a deux puissances qui sont souvent aux prises, pour le plus grand bien des peuples, qui ne savent pas trop à qui entendre, cependant quand les sujets sont bien dévots la puissance civile est, comme de raison, la très humble servante de la puissance spirituelle, qui, sans cela, lui montrerait beau jeu.


<DT>Purgatoire

<DD>Fourneau de réverbère où, pour les menus plaisirs du clergé catholique apostolique et romain, Dieu fait cuire pendant un temps, limité par sa justice, les âmes de ceux qu'il veut radicalement purger. Cependant son clergé lui fait changer d'avis, il le force à relâcher promptement les ames de ceux dont il a bien purgé la bourse.


<DT>Pyrrhonisme

<DD>Systême odieux de philosophie qui pousse la témérité jusqu'à douter de tout, et même de la bonne foi des prêtres et des lumières surnaturelles des théologiens, qui jamais ne doutent de rien.



<DT>Quakers ou trembleurs

<DD>Ce sont les partisans d'une secte abominable qui est d'un exemple fort dangereux : ils ont trouvé le secret de se passer de prêtres, ce qui est très contraire aux intérêts du seigneur. D'où l'on voit que les trembleurs ne sont pas si poltrons que ceux qui ne sont pas trembleurs.


<DT>Querelles théologiques

<DD>Démêlés importants, qui, pour la plus grande gloire de Dieu et pour l'amusement de sa femme, s'élèvent parfois entre les organes infaillibles des volontés divines ; comme ils sont infaillibles de part et d'autre, ils ne peuvent pas toujours convenir de leurs faits. Ces querelles sont très utiles à l'église ; quand on dispute sur la forme on ne dispute point sur le fond. Il est très important que les princes se mêlent des querelles théologiques, cela leur donne un grand poids, et surtout cela les empêche de finir trop promptement.


<DT>Questions théologiques

<DD>Elles sont de la dernière importance. C'est, par exemple, une question de savoir si Adam avait un nombril ? Si la pomme qu'il a mangée étoit de calleville ou de reinette ? S'il est nécessaire de croire que le chien de Tobie ait remué la queue ? Si la constitution unigenitus est une régle de foi ? Si le fils de Dieu auroit pu se métamorphoser en vache ? Etc. Etc. Etc. On peut encore mettre au nombre des questions théologiques les tortures que l'inquisition fait éprouver aux hérétiques, pour les forcer à s'accuser eux-mêmes des crimes qu'ils ignorent.



<DT>Rabbi

<DD>Mot hébreu qui signifie maître. Jesus Christ défendit à ses apôtres de se faire appeller maîtres ; voilà pourquoi leurs successeurs se font appeller monseigneur, votre grandeur, votre éminence, votre sainteté ; il n'y a pas le mot à dire.


<DT>Raca

<DD>Il est défendu dans l'évangile d'appeler son frère raca ; mais le clergé nous conseille de le tuer quand il n'a pas raison, c'est-à-dire, quand il n'est point de notre avis, quand nous avons un avis ; ou de celui du clergé, quand nous n'en avons point un nous-mêmes.


<DT>Raison

<DD>C'est de toutes les choses de ce monde la plus nuisible à un être raisonnable : Dieu ne laisse la raison qu'à tous ceux qu'il veut damner, il l'ôte dans sa bonté à ceux qu'il veut sauver ou rendre utiles à son église. Point de raison, voilà la base de la religion ; si elle était raisonnable il n'y aurait plus de mérite à la croire, et alors que deviendrait la foi ? Cependant il est bon d'écouter la raison, toutes les fois que par hazard elle s'accorde avec les intérêts du clergé.


<DT>Rédemption

<DD>Tout chrétien est obligé de croire que le dieu de l'univers, en consentant à mourir, a racheté les hommes de l'esclavage du péché ; cependant ils vont toujours péchant, comme si de rien n'était. L'on sent d'après cela que la rédemption est un mystère très utile au genre humain.


<DT>Réforme

<DD>Depuis la fondation du christianisme, qui, comme on sait, est le chef d'œuvre de la sagesse divine : ses prêtres ont été perpétuellement occupés à le réformer. Le diable est sans cesse aux trousses de l'église, et dérange la belle machine inventée par Jésus-Christ ; l'on ne voit pas que jusqu'ici le saint-esprit soit parvenu à raccommoder solidement l'ouvrage merveilleux de la divinité.


<DT>Réfugiés

<DD>Hérétiques dont la France s'est sagement débarassée et qu'elle a forcés de chercher un azile chez ses voisins. Il n'y a pas de mal à tout cela ; la foi pure lui reste ; cette foi suffira toujours pour la garantir des efforts des nations hérétiques que Dieu, qui est orthodoxe, se gardera bien de favoriser.


<DT>Refus de sacrements

<DD>Comme le chien de Jean De Nivelle les prêtres ne vont point toujours où ils sont appellés ; vers le 48e dégré de latitude septentrionale on refuse, souvent assez durement, les grâces spirituelles à ceux qui les demandent avec ardeur en mourant ; en récompense on tâche de les entonner de vive force à ceux qui ne se sentent point d'appétit pour ces ragoûts spirituels ; conduite, sans doute, dictée par la sagesse profonde qui caractérisera toujours les pasteurs de l'église.


<DT>Régicides

<DD>Corrections maternelles que l'église fait donner quelquefois aux princes, qui n'ont point pour ses ministres la déférence qui leur est due. Ahod, saint Thomas et le père Busenbaum ont prouvé que rien n'était plus légitime que de tuer les tyrans. Voyez Tyrans. Les profanes se récrient contre les régicides ordonnés par l'église ; les ignorants ne savent-ils point que chez les anciens romains les parents avaient droit de faire mourir leurs enfants ?


<DT>Religieuses

<DD>Saintes filles destinées aux serrails que Jésus-Christ tient dans ce bas monde ; chacune d'elles à force de petits soins espère un jour mériter le mouchoir. En attendant elles sont gardées par des moines et des prêtres, qui n'étant point des eunuques, font quelquefois le sultan cocu, pour se faire trop attendre.


<DT>Religion

<DD>Systême de doctrine et de conduite inventé par Dieu lui-même pour le bien de ses prêtres et le salut de nos âmes. Il y a plusieurs religions sur la terre, mais la seule véritable est toujours celle de nos pères, qui étaient trop sensés pour se laisser tromper ; toutes les autres religions sont des superstitions ridicules qu'il faudrait abolir si l'on était assez fort. La vraie religion est celle que nous croyons vraie, à laquelle nous sommes accoutumés, ou contre laquelle il serait dangereux de disputer. La religion du prince porte toujours des caractères indubitables de vérité.


<DT>Reliques

<DD>Les âmes dévotes et catholiques sont pénétrées d'un saint respect pour les restes de quelques saintes charognes, qui, comme on sait, ont le pouvoir d'opérer de très grands miracles en faveur de ceux qui ont bien de la foi. La culotte de saint Pâris a plus guéri de maladies que toute la faculté de Paris.


<DT>Réparations

<DD>On est obligé de réparer le mal que l'on a fait ; le moyen le plus court c'est de donner aux prêtres ou à des hôpitaux l'argent qu'on a volé à ses concitoyens ; tout est bien réparé quand l'église est contente.


<DT>Repentir

<DD>Pour obtenir la rémission de ses péchés un chrétien doit éprouver un repentir très sincère d'avoir commis des actions qui lui ont fait un grand plaisir : un acte de contrition suffit pour le remettre bien avec Dieu, ce qui est infiniment commode pour tous ceux qui n'ont point dessein de changer de conduite.


<DT>Réponses

<DD>Répondre en théologie c'est répliquer des injures, c'est crier, c'est implorer le secours du bras séculier contre ceux qui combattent les sentiments du clergé. Ces réponses ne sont pas satisfaisantes et ne résolvent pas pleinement les difficultés, mais ceux qui ont de la foi les trouvent sans réplique, et ceux qui n'en ont point sont obligés de s'en contenter.


<DT>Réprouvés

<DD>Ce sont tous ceux qu'un dieu bon destine à l'amuser éternellement par les grimaces et les hurlements qu'ils feront dans l'éternelle chaudière que sa justice leur prépare. Un dieu juste, comme on sait, ne doit rien à personne ; il fait trop d'honneur aux réprouvés de vouloir bien s'en amuser, quand ce ne serait que pour leur montrer qu'il est le maître, vérité dont, sans cela, ils auraient peut être douté.


<DT>Résidence

<DD>Les pasteurs de l'église sont tenus de résider au milieu de leurs moutons respectifs, afin de les mener paître. Il est pourtant des évêques qui aiment mieux résider à la cour ; les ouailles ne manquent de rien quand le pasteur fait bonne chère ou obtient des abbayes. Le salut des courtisans et des dévotes en crédit est, sans contredit, bien plus intéressant pour l'église que celui de la canaille chrétienne qui demeure en province.


<DT>Résurrection

<DD>Jésus-Christ est ressuscité, nous en avons pour garants quelques apôtres éclairés et quelques saintes commères qui n'ont pas pû s'y tromper ; sans compter tout Jérusalem, qui n'en a jamais rien vu. Les chrétiens croient fermement qu'ils ressusciteront un jour, c'est-à-dire que leurs âmes spirituelles se rejoindront à leurs corps, et que dans le fouillis de la nature entière chacun retrouvera les pièces qui appartenaient à son ancien individu.


<DT>Retraite

<DD>Il est utile aux bons chrétiens de vivre dans la retraite ; la chose est très propre à les rendre hargneux, insociables et surtout à leur échauffer le cerveau. La société nous gâte, elle nuit à notre salut, elle nous empêche de bien rêver aux vérités saintes, que jamais nous ne pourrons comprendre.


<DT>Révélation

<DD>Manifestation des volontés divines, faite par le tout-puissant en personne à des hommes incapables de nous en donner à garder. Révélation vient de rêver ; la divinité s'est révélée dans chaque contrée de la terre, mais la véritable révélation ne peut être visiblement que celle des rêveurs qui ont rêvé pour nous ; le plus sûr est de les croire, surtout quand on court risque d'être pendu en doutant de la vérité de leurs saintes rêveries.


<DT>Revenants

<DD>Les esprits forts n'y croient point, mais tout bon chrétien est obligé d'y croire. Le saint esprit y a cru dans l'ancien testament, c'est donc une hérésie de n'y point croire aujourd'hui. D'ailleurs les revenants font peur, et tout ce qui fait peur est toujours très utile au clergé.


<DT>Révoltes

<DD>Petites tracasseries que le clergé fait quelquefois aux princes. Il est très légitime de se révolter contre son souverain quand le pape le conseille ou quand la chose est avantageuse au clergé ; c'est alors la faute du souverain qui s'est révolté contre le pape ou contre le clergé, c'est-à-dire contre Dieu même.


<DT>Richesses

<DD>Elles sont des obstacles invincibles au salut. Un riche a communément le ventre trop gros pour enfiler la voie étroite qui conduit en paradis ; s'il y prétend il doit jeûner ou se faire dégraisser par ses prêtres, qui le rendront assez mince pour se glisser par la lucarne du salut.


<DT>Rire

<DD>Un chrétien bien dévot doit être sérieux comme un âne qu'on étrille. Jésus-Christ n'a jamais ri ; il s'agit bien de rire tandis qu'à chaque instant un chrétien est en danger de tomber dans la chaudière, que la divinité prépare à ceux aux dépends de qui elle voudra rire éternellement. Il n'est permis qu'aux prêtres de rire dans leurs barbes de ceux dont ils tiennent l'argent.


<DT>Rites

<DD>Usages sacrés et formules respectables observés par nos saints jongleurs, et contenus dans de saints grimoires que l'on nomme rituels. Les gens sans foi méprisent les rites, les pratiques et les cérémonies de l'église ; mais elle y tient, avec raison, vû que ces belles choses font venir l'eau au moulin du clergé qui, s'il cessait de moudre, ferait que la religion mourrait de faim.


<DT>Rois

<DD>Ce sont les chefs des nations et les serviteurs des prêtres, qui dans un pays bien chrétien ne doivent être soumis à personne et commander à tout le monde. Les rois ne sont faits que pour défendre le clergé, pour faire valoir ses arguments et ses droits et surtout pour exterminer ses ennemis.


<DT>Romains

<DD>Peuple fameux qui par droit de conquête s'est rendu maître du monde, et aux droits duquel a succédé de droit divin un prêtre, qui a conquis l'Europe à force d'arguments. Ceux des chrétiens qui sont soumis à ce prêtre se nomment catholiques romains ; ses légions sont composées de capucins, de récolets, de cordeliers, de jacobins ; les jésuites forment la cohorte prétorienne ; les évêques sont leurs tribuns militaires, et les rois seront leurs pourvoyeurs tant qu'ils auront assez de foi.


<DT>Royaume de Dieu

<DD>Il n'est point de ce monde ; Jésus-Christ l'a dit lui-même ; mais ce n'est point ce qu'il a dit de mieux. Les prêtres, pour bien faire, devraient seuls commander ici-bas ; mais hélas ! Le peu de foi des princes s'oppose souvent à leurs saintes entreprises. Si nous avions de la foi en dose suffisante les rois seraient eux-mêmes aux ordres du clergé.



<DT>Sacerdoce

<DD>Nom générique sous lequel on désigne un ordre d'hommes, qui après s'être rendus sacrés, se sont répandus dans toutes les nations pour le bien de leurs âmes. Leur fonction en ce monde est de nous parler de l'autre monde, d'anéantir partout la raison, d'inventer et débiter de belles histoires, de faire bien enrager ceux qui refusent de les croire, et de se faire bien payer de ces services importants. Les religions sont très variées en ce monde, mais le sacerdoce est partout le même, ce qui prouve évidemment qu'il est d'institution divine.


<DT>Sacré

<DD>C'est ce qui n'est point profane. L'on nomme sacré tout ce qu'il convient aux prêtres de faire respecter aux laïques. La personne des prêtres, leurs biens, leurs droits, leurs oracles et leurs décisions sont évidemment des choses sacrées ; Dieu punit inmanquablement quiconque ose y toucher.


<DT>Sacrements

<DD>Signes et cérémonies sacrées, à l'aide desquels les ministres du seigneur font à volonté descendre de là-haut une ample cargaison de grâces spirituelles sur les âmes des fidèles, et font que l'argent des laïques passe de leurs poches profanes dans celle du clergé. Suivant quelques chrétiens il y a sept sacrements, d'autres n'en veulent pas tant : ils ont tort, sans doute : en fait de grâces divines on n'en saurait trop prendre.


<DT>Sacrifices

<DD>Autrefois Dieu faisait assez bonne chère ; on le régalait d'hommes, d'enfants, de boeufs, de moutons et d'agneaux ; aujourd'hui sa femme l'a mis au régime ; on ne lui sert plus que son fils, encore sont ce les prêtres qui le mangent. Pour lui il périrait d'inanition si l'inquisition ne lui faisait des grillades, et si les princes dévots et zêlés ne garnissaient de temps en temps le garde-manger céleste, quand le clergé leur fait entendre que Dieu s'ennuye de la diète et qu'il se fâchera si on ne lui donne à manger. Voyez Massacres, Persecutions, Guerres etc...


<DT>Sacrilège

<DD>Mot terrible inventé par les prêtres pour désigner le crime affreux que commettent ceux qui touchent aux objets qu'ils ont nommés sacrés. Tout ce qui nuit aux prêtres nuit à Dieu, qui n'entend point raillerie. D'où l'on voit que voler Dieu, qui n'a besoin de rien, est un crime bien plus noir que de voler un pauvre. Plus celui qu'on vole est riche, plus le voleur est criminel. En conséquence celui qui vole Dieu ou ses prêtres est brûlé, celui qui vole un homme riche est pendu ; celui qui vole les pauvres n'a communément rien à craindre. Voyez Hôpitaux.


<DT>Saints

<DD>Ce sont des héros très utiles aux nations, qui pour avoir bien prié, bien jeûné, s'être bien fessés, avoir bien clabaudé, avoir été bien rebelles et bien turbulents, se sont immortalisés dans la mémoire des fidèles et sont placés en rang d'oignons dans le martyrologe romain. Pour devenir un saint il faut être bien inutile ou bien incommode à soi-même et aux autres.


<DT>Salomon

<DD>Il fut le plus sage des rois : Dieu lui accorda lui même la sagesse ; en conséquence il fut encore plus paillard que monsieur son cher père, qui ne l'était pourtant pas mal : au milieu de cinq cens femmes ce sage roi s'écriait très sagement, que tout est vanité.


<DT>Samuël

<DD>Prophête hargneux et juif ; qui n'avait pas trop étudié le droit des gens dans Grotius ou Puffendorf : il mettait en hachis les rois des autres pays ; il faisait et défaisait les rois du sien. Au demeurant il étoit bon homme quand on était de son avis.


<DT>Sang

<DD>L'église abhorre le sang ; elle a le coeur si tendre qu'elle tomberait en pâmoison si elle en voyait répandre ; conséquemment elle ne fait point ses opérations par elle-même ; semblables aux médecins, les prêtres ordonnent la saignée, elle se fait par les princes, les magistrats et les bourreaux qui sont les chirurgiens ordinaires de monseigneur le clergé.


<DT>Satisfaction

<DD>Jésus-Christ en mourant a satisfait son père ; en faveur de sa mort les hommes sont libérés de leurs dettes ; cependant le cher père veut encore qu'on le paye. D'où l'on voit que la justice divine exige que l'on paye encore les dettes dont elle a donné quittance.


<DT>Scandale

<DD>C'est toute action qui est pour d'autres une occasion de pécher ; les ministres du seigneur ne donnent jamais de scandale, et rien ne serait plus scandaleux que de dire qu'ils scandalisent : il n'y a que ceux qui n'ont point de foi qui soient scandalisés de la conduite des prêtres scandaleux. C'est quand nous voyons un prêtre scandaleux qu'il est à propos de nous arracher les yeux, suivant le conseil du fils de Dieu.


<DT>Schismatiques

<DD>Relativement aux catholiques romains, ce sont des chrétiens qui refusent de reconnaître le pape pour le chef de l'église ; les imbéciles ne voient pas que saint Pierre, qui était pape, et qui depuis s'est fait le portier du paradis, ne manquera pas de leur fermer la porte au nez quand ils s'y présenteront ; il ne faut point se brouiller avec le portier ou le suisse d'une maison où l'on veut entrer.


<DT>Science

<DD>Chose très pernicieuse et qui devrait être bannie de tout pays chrétien. La science enfle, par conséquent elle empêche qu'on ne soit assez mince pour entrer en paradis. La science du salut est la seule nécessaire, elle n'est point difficile à acquérir, pour l'avoir il suffit de laisser faire le clergé.


<DT>Scolastique

<DD>Partie très importante de la théologie ; c'est l'art d'argumenter sur des mots, sagement inventés pour obscurcir les choses, et pour nous empêcher de voir trop clair dans la science du salut.


<DT>Scrupules

<DD>Saintes et petites inquiétudes d'esprit, que pour occuper les dévots et les dévotes, leurs guides spirituels ont soin de jetter dans leurs grandes âmes, afin d'avoir ensuite la satisfaction de les dissiper. Les scrupules doivent avoir pour objet les pratiques ordonnées par le clergé, ils ne doivent point tomber sur les actions nuisibles à la société, qui n'intéresse jamais que faiblement les dévots.


<DT>Secours

<DD>Ce sont des coups de bûche, des coups d'épée, des coups de bâton que les partisans de la grâce efficace donnent aux saintes femmes du parti, qui en ont une telle provision qu'elles en sont étouffées ; le tout pour prouver l'efficacité de la grâce et de la boite à Perrette. Voyez Convulsionnaire et Jansénistes.


<DT>Sectes

<DD>Ce sont les branches et les rameaux divers qui partent du tronc d'une même religion. Le tronc s'appelle religion dominante ; ce tronc est perpétuellement occupé à secouer ses branches, ce qui fait que souvent il chancelle lui-même ; d'ailleurs il est planté sur un terrain de sable, si les princes n'y mettaient la main il tomberait infailliblement.


<DT>Sécularisation

<DD>Opération sacrilège de la politique profane par laquelle les biens de l'église sont enlevés au clergé pour être livrés aux mains des princes hérétiques ; ce qui déplaît très fort à l'église catholique ou à la politique sacrée du saint père.


<DT>Séculiers

<DD>Mot synonyme de profanes, de laïques, de canailles ; ce sont des hommes qui ne sont bons à rien dans ce monde qu'à payer les prêtres et leur servir de monture pour aller l'un portant l'autre en paradis.


<DT>Séditieux

<DD>De droit divin il est permis aux ministres du seigneur d'être séditieux ; le souverain est un tyran dès qu'il veut les en empêcher ou dès qu'il a l'insolence de vouloir les réprimer, les punir, et, ce qui est encore bien pis, les ramener à la raison, qui jamais ne fut faite pour le clergé ; il a ses raisons pour nous dire qu'il faut mépriser la raison.


<DT>Séminaires

<DD>Maisons sacrées, où, sous les yeux d'un évêque, l'on fait pulluler la race des prêtres du seigneur, et où ils apprennent de bonne heure à connaître le prix des marchandises célestes qu'ils auront un jour à débiter.


<DT>Sens

<DD>Un bon chrétien ne doit point s'en rapporter au témoignage de ses propres sens qui pourraient bien le tromper ; c'est aux sens de ses prêtres qu'il doit uniquement s'en rapporter ; ils en ont de bien plus fins que les autres, surtout dans les choses spirituelles, auxquelles les laïques n'entendront jamais rien.


<DT>Sens anagogique

<DD>Dans le langage de la théologie c'est un sens détourné, mystérieux, inconcevable que l'on peut trouver à certains passages de l'écriture, qui paraissent totalement inintelligibles à tous ceux qui n'ont point assez de foi pour s'aliéner l'esprit au point de s'élever jusqu'aux choses divines.


<DT>Sens commun

<DD>C'est la chose la plus rare et la plus inutile dans la religion chrétienne ; dictée par Dieu lui même elle n'est point soumise aux règles humaines et vulgaires du bon sens. Un bon chrétien doit captiver son entendement pour le soumettre à la foi, et si son curé lui dit que trois ne font qu'un, ou que Dieu est du pain, il est obligé de l'en croire en dépit du sens commun.


<DT>Septante (les)

<DD>Ce sont soixante-douze juifs inspirés qui ont fait parler le saint esprit en grec, d'une façon qui ne s'accorde point toujours avec le saint esprit parlant hébreu ou latin : le tout pour exercer notre foi et la critique des docteurs de l'église.


<DT>Serpent

<DD>Les serpents parlaient autrefois ; c'est un serpent qui séduisit la grande mère du genre humain. Ce sont des serpents qui tentent et séduisent ses petites filles, mais ceux-ci ne parlent point. Les prêtres du seigneur doivent être prudents comme des serpents, mais les laïques doivent être à leur égard simples comme des colombes et doux comme des moutons.


<DT>Silence

<DD>C'est le plus grand des attentats dans un souverain que d'imposer silence aux prêtres. L'église est une commère qui veut parler, qui doit parler, qui périrait infailliblement si on l'empêchait de parler.


<DT>Simonie

<DD>Trafic illicite des dons du saint esprit. Les prêtres du seigneur n'ont garde de les vendre, comme Mr Jourdain ils les donnent pour de l'argent ; il n'y a dans l'église romaine que des cendres et des fagots que l'on donne gratis.


<DT>Songes

<DD>La religion chrétienne nous défend d'ajouter foi aux songes, qui cependant étaient d'un très grand poids dans l'ancien testament ; en récompense elle nous permet d'ajouter foi aux rêves, et même la sainte église se fâcherait bien fort si l'on refusait d'ajouter foi aux rêves de ses prêtres.


<DT>Sorbonne

<DD>Manufacture royale de docteurs de l'église, dont la France s'enrichit annuellement : ils en sortent armés de toutes pièces, il ne leur faut tout au plus que dix ans pour être au fait des choses nécessaires au salut des peuples qu'ils doivent endoctriner.


<DT>Sorciers

<DD>L'esprit saint y croyait autrefois, comme on le voit dans la bible ; nos pères y ont cru fort longtemps, on n'y croit plus maintenant, si cela continue on ne croira bientôt plus rien.


<DT>Sots

<DD>Voyez Chrétiens, Ignorance, Crédulité, Foi etc. Les incrédules, qui sont des sots, ne voient par leurs yeux profanes que des sottises et des sots dans notre sainte religion. Ils y trouvent un sot dieu, qui se fait pendre sottement, de sots apôtres, de sots mystères, de sottes opinions, de sottes querelles, de sottes pratiques, qui occupent de sottes gens et qui font vivre des prêtres qui ne sont point si sots.


<DT>Soufflet

<DD>Quand quelqu'un vous appliquera un soufflet sur une joue il faut bien vite lui tendre l'autre ; c'est un secret sûr pour être admis en paradis et pour être chassé de votre régiment.


<DT>Souverains

<DD>Il y en a deux dans tout pays chrétien. 1 monseigneur le clergé, 2 le prince, qui doit être, pour bien faire, le serviteur de monseigneur.


<DT>Spiritualité

<DD>Qualité occulte, inventée par Platon, perfectionnée par Descartes et changée en article de foi par les théologiens. Elle convient évidemment à tous les êtres dont nous ne savons point la façon d'être et d'agir ; Dieu est spirituel, notre âme est spirituelle, la puissance de l'église est spirituelle, cela signifie, en bon français, que nous ne sommes pas trop au fait ni de ce qu'ils sont ni de leur façon d'agir.


<DT>Splendeur

<DD>Dans les temps malheureux où nous vivons l'église a besoin de se montrer avec splendeur. Si ses ministres étaient aussi gueux que les apôtres, les cent suisses les chasseraient des appartements de Versailles. Les équipages, les bijoux, les livrées sont aujourd'hui très nécessaires aux chefs de l'église, sans cela la religion d'un dieu pauvre serait infailliblement méprisée.


<DT>Stercoranistes

<DD>Opinion absurde de ceux qui supposeraient que le pain consacré dans l'eucharistie, c'est à dire changé en dieu, puisse être rendu par la selle. Les théologiens ont longtemps disputé pour savoir ce que devenait le dieu que l'on a reçu dans l'eucharistie, maintenant il est enfin décidé qu'il n'y a que Dieu seul qui sache ce qui arrive à l'eucharistie quand nous l'avons reçue.


<DT>Suicide

<DD>Il est bien défendu à tout chrétien d'attenter à ses jours ou de se tuer tout d'un coup, mais il lui est très permis de se tuer en détail ou peu-à-peu ; pour lors il n'y a rien à dire, sa conduite devient même si édifiante et si méritoire, qu'il peut espérer de mourir en odeur de sainteté, et d'être un jour placé dans l'almanach pour peu qu'il fasse une douzaine de miracles.


<DT>Suisse

<DD>Homme d'église assez brusque, qui dans les cérémonies précède M le curé, lui fait faire place, écarte les importuns qui pourraient le troubler dans ses fonctions sacrées. Les souverains ne sont souvent que les suisses du clergé.


<DT>Superstition

<DD>C'est toute religion ou toute pratique religieuse auxquelles on n'est point accoutumé. Tout culte qui ne s'adresse point au vrai dieu est faux et superstitieux ; le vrai dieu est celui de nos prêtres, le vrai culte est celui qui leur convient le mieux, et auquel ils nous ont de bonne heure accoutumés ; tout autre culte est évidemment superstitieux, faux et même ridicule.


<DT>Surnaturel

<DD>C'est ce qui est au-dessus de la nature ; comme nous connaissons parfaitement la nature, ses ressources et ses lois, dès qu'il se présente quelque chose que nous ne comprenons plus, nous devons crier au miracle et dire que la chose est surnaturelle et divine ; en un mot le surnaturel est tout ce que nous n'entendons pas, ou à quoi nos yeux ne sont point habitués : cela posé, nous disons que la révélation, que la théologie, que les mystères sont des choses surnaturelles , c'est comme si nous disions que nous n'y comprenons rien. Les miracles sont des oeuvres surnaturelles, vu que nous ne savons pas comment ont fait des miracles. Ce qui est surnaturel pour les laïques est très naturel pour les prêtres, qui savent très bien comment il faut s'y prendre pour faire des choses surnaturelles, surtout quand les laïques ont la simplicité requise pour croire ou pour voir des choses surnaturelles.


<DT>Suspendre

<DD>Quand un prêtre de l'église romaine a, par extraordinaire, commis un crime ou fait quelque sottise éclatante, on ne le pend point comme un coquin de laïque, on le suspend , c'est à dire, on le prive du droit d'exercer les fonctions pénibles du sacré ministère, ce qui est, sans doute un châtiment bien rigoureux.


<DT>Symbole

<DD>C'est le sommaire ou l'abrégé des choses incroyables qu'un chrétien est obligé de croire sous peine d'être damné. Pour peu qu'il croie fermement son symbole et les décisions contenues dans les conciles, les pères et dans un million de commentateurs, il ne pourra manquer de savoir à quoi s'en tenir sur sa foi.


<DT>Synagogue

<DD>C'est la première femme du père éternel ; il l'avait épousée dans le temps qu'il était juif, mais elle l'a tant fait enrager qu'il s'est fait chrétien de dépit, et pour lui faire piece, il a épousé l'église en secondes noces : on assure qu'il n'a pas trop gagné au changement.



<DT>Te deum

<DD>Cantique que les princes chrétiens font chanter toutes les fois qu'ils ont eu l'avantage de tuer bien des chrétiens ; le tout pour remercier Dieu de leur avoir accordé cette grâce, et d'avoir eux-mêmes perdu un grand nombre de sujets.


<DT>Témoins

<DD>Dans les affaires ordinaires de la vie pour s'en rapporter à des témoins on exige qu'ils soient éclairés, sensés, désintéressés. Dans la religion les témoins sur la parole desquels nous sommes obligés de croire des choses incroyables sont de saints ignorants, des prophètes un peu fous, des martyrs fanatiques, des prêtres qui vivent à gogo des belles choses qu'ils nous attestent ; cependant nous les croyons, et c'est un beau miracle.


<DT>Temporel

<DD>C'est ce qui n'est point éternel. La puissance temporelle n'étant que pour un temps doit être subordonnée à la puissance spirituelle qui doit durer toujours. Le temporel du clergé est une chose sacrée, parce que ce temporel dans ses mains devient spirituel, éternel et divin ; les ministres de l'église ne le défendent avec tant de chaleur que par ce qu'il appartient à Dieu qui est un pur esprit, mais qui tient fortement aux biens temporels de ce monde, sans lesquels ses ministres spirituels ne pourraient point subsister.


<DT>Temps

<DD>Le tems si précieux pour les profanes n'est compté pour rien dans la religion. Ses saints ministres font un devoir de le perdre saintement. Qu'est ce en effet que le temps comparé à l'éternité ! Voyez Contemplation, Méditation, Exercices de piété, Fêtes.


<DT>Tentations

<DD>Dieu tente quelquefois les hommes pour avoir le plaisir de les punir quand ils sont assez bêtes pour donner dans le panneau ; cependant pour l'ordinaire il les fait tenter par le diable, qui n'a d'autres fonctions sur la terre que de faire la nique à Dieu et de lui débaucher ses serviteurs. On voit par cette conduite mystérieuse que la divinité dans ses décrets impénétrables se divertit à se jouer des mauvais tours à elle même.


<DT>Testaments

<DD>Dieu, qui est immuable, en a fait deux en sa vie ; l'un s'appelle l'ancien et l'autre le nouveau testament. L'église n'adopte le premier que par bénéfice d'inventaire, elle s'en tient au second, en l'arrangeant à sa façon : celui-ci est si précis que jamais il ne s'est élevé de chicannes entre les héritiers appellés à la succession. Dans les siècles d'ignorance, c'est-à-dire de foi vive, les testaments des laïques étaient nuls quand ils ne laissaient point à l'église une portion de leur bien, dont elle eût lieu d'être contente.


<DT>Théocratie

<DD>Belle forme de gouvernement, inventée par Moïse pour la commodité de la tribu de Lévi, dans laquelle Dieu seul est le souverain, et par conséquent ses chers prêtres sont les maîtres des corps et des âmes des hommes. Ce gouvernement divin devrait subsister partout, et surtout dans les pays chrétiens, où les princes ne doivent être que les valets du clergé.


<DT>Théologie

<DD>Science profonde, surnaturelle, divine, qui nous apprend à raisonner de tout ce que nous n'entendons point, et à brouiller nos idées sur les choses que nous entendons ; d'où l'on voit que c'est la plus noble et la plus utile des sciences ; toutes les autres se bornent à des objets connus, et partant méprisables. Sans la théologie les empires ne pourraient subsister, l'église serait perdue, et le peuple ne saurait à quoi s'en tenir sur la grâce, sur la prédestination gratuite, sur la bulle unigenitus, dont il est très essentiel qu'il ait des idées précises.


<DT>Thèses

<DD>L'on nomme ainsi en théologie des disputes publiques et solennelles, dans lesquelles les jeunes théologiens montrent leur savoir-faire en se faisant des blessures à la tête, le tout pour avoir occasion de montrer la bonté de leur onguent qui n'est autre que la foi. Les thèses chez les chrétiens ont dignement remplacé les jeux olympiques des grecs, les exercices des romains, les conférences des philosophes qui n'étaient que des païens et des ignorants en théologie.


<DT>Thiare

<DD>Triple couronne que le pape a seul droit de porter pour indiquer la plénitude de sa puissance dans le ciel, sur la terre et dans le purgatoire.


<DT>Tiédeur

<DD>Indifférence très condamnable pour les importants objets dont un chrétien doit s'occuper, et qui pourrait bien conduire à la tolérance. Un chrétien doit être brûlant, Dieu vomit les tièdes, ils donnent des vapeurs à sa femme, qui n'aime point les amoureux transis.


<DT>Tyran

<DD>C'est dans le langage ordinaire un prince qui opprime la société au lieu de la gouverner : dans le langage de la religion un tyran est un prince qui ne pense point comme les prêtres, qui ne fait pas tout ce qu'ils veulent ou qui à l'impertinence de mettre obstacle à leurs saintes volontés, quand il les croit nuisibles au bonheur de l'État, qui ne doit jamais balancer les droits sacrés du clergé.


<DT>Tolérance

<DD>Système impie et contraire aux vues du clergé ; il ne peut être adopté que par quelques chrétiens peu zêlés, qui trahissant les intérêts de l'église prétendent qu'il serait bon de laisser chacun rêver à sa manière sur des choses surtout que personne n'entend. L'église connaît ses intérêts mieux que personne, jamais elle ne s'est prêtée à une tolérance parfaite ; les sectes se sont partout haïes, persécutées, exterminées, et nous avons lieu d'espérer que cela continuera de même jusqu'à la fin des siècles, si l'église va jusque-là.


<DT>Tonsure

<DD>Opération sacrée qui se fait sur le poil d'un laïque qui veut se faire aggréger au clergé, c'est-à-dire commencer à vivre aux dépends des autres. Cette cérémonie préliminaire est faite pour lui apprendre que sa fonction désormais sera de tondre ses concitoyens, si la grâce de Dieu lui fournit de bons ciseaux.


<DT>Toute-puissance

<DD>C'est le pouvoir de tout faire réservé à Dieu tout seul, sans que rien dans la nature puisse résister à sa volonté. Cependant nous voyons que la puissance divine n'est point encore parvenue jusqu'ici à rendre ses créatures telles que le clergé les désire, il ne peut ni les faire agir ni les faire penser d'une manière conforme à ses volontés. Le diable, que Dieu a créé très malin, prend souvent la liberté de mettre sa puissance en défaut ; mais tout cela ne prouve rien, Dieu a créé le diable, Dieu veut que le diable dérange ses projets, Dieu ne veut point anéantir le diable, de peur de n'avoir plus rien à faire et surtout dans la crainte que son clergé ne devînt inutile ici-bas. Les prêtres de l'église romaine sont plus puissants que Dieu, il ne peut se faire lui-même tandis que ces prêtres le font à volonté. Voyez Transsubstanciation .


<DT>Tradition

<DD>C'est la parole de Jésus-Christ, recueillie par les hommes éclairés, qui l'ont transmise sans aucune altération aux chrétiens d'aujourd'hui. L'on voit que la tradition s'est conservée par miracle ; les hommes ordinaires ajoutent ou retranchent communément aux choses qu'ils voient ou qu'ils entendent ; les apôtres ne furent point dans ce cas, et nos prêtres sont trop honnêtes pour altérer la tradition.


<DT>Transsubstanciation

<DD>Voyez Présence réelle. Suivant les catholiques, Dieu a la politesse de se changer en pain quand cela convient à son prêtre, qui, par un tour de main, sait escamoter le pain pour mettre Dieu en sa place. C'est le plus étonnant tour de gobelet que le sacerdoce ait jusqu'ici inventé.


<DT>Travail

<DD>Les prêtres ne sont point ici-bas pour travailler comme les laïques ; leur travail est spirituel et par conséquent très pénible. Il consiste à rêver, à parler, à disputer, à chanter pour le plus grand bien de ceux dont les bras se remuent ; comme ce travail est très utile il est communément très bien payé. Le clergé ne serait pas content si l'on payait en esprit son travail spirituel : voyez Frelons, Vampires, Moines, Prêtres.


<DT>Trinité

<DD>Mystère ineffable adopté par les chrétiens qui l'ont reçu du divin Platon ; il fait un article fondamental de notre sainte religion. À l'aide de ce mystère un dieu fait trois, et trois dieux ne font qu'un dieu unique. Le dogme de la trinité ne peut paraître absurde qu'à ceux qui n'entendent point Platon. Ce père de l'église imagina trois manières d'envisager la divinité ; de sa puissance nos saints docteurs ont fait un père à barbe vénérable ; de sa raison ils ont fait un fils émané de ce père et pendu pour l'appaiser ; de sa bonté ils ont fait un saint esprit, transformé en pigeon. Voilà tout le mystère.



<DT>Ultramontains

<DD>Ce sont tous ceux qui habitent par-delà les monts ; les jansénistes prétendent qu'il faut les envoyer par-delà les ponts ; ce qui ne serait pas trop fâcheux pour des italiens.


<DT>Unigenitus

<DD>Mot par où commence une bulle intéressante du très-saint père, qui depuis plus de cinquante ans a mis la France en gaieté ; elle a surtout fait fleurir le commerce du papier ; elle a fait distribuer deux cens mille lettres de cachet, sans compter un million de mandements et de beaux écrits qu'elle fait éclorre pour l'instruction des harangères et pour exercer les saints caquets des dévotes de la cour.


<DT>Unité

<DD>Tout chrétien doit croire fermement qu'il n'y a qu'un seul dieu ; sans la révélation divine nous n'aurions jamais pû deviner cette vérité, cependant tout chrétien est en conscience obligé d'adorer trois dieux qui jouissent, par indivis, de la divinité. D'après les équations algébriques de nos théologiens, un est égal à trois et trois est égal à un. Quiconque ne se rend point à l'évidence de ce calcul manque assurément de foi et mérite d'être brûlé.


<DT>Unité de l'église

<DD>De même que Dieu est un, l'église de Dieu est une. Il n'est pas permis d'en douter à la vue de l'unité de dogmes, de sentiments, d'opinions que l'on voit subsister depuis tant de siècles entre tous les chrétiens ; cette unité prouve assurément le doigt de Dieu.


<DT>Universités

<DD>Établissements très utiles au clergé, et sagement confiés aux soins de ses membres, qui travaillent efficacement à former des citoyens bien dévots, bien zêlés, bien pauvres d'esprit, bien inutiles à la société profane, mais bien utiles au clergé.


<DT>Usure

<DD>Dieu l'avait permise aux juifs aussi bien que le vol ; mais l'un et l'autre sont interdits aux chrétiens laïques, il n'y a que le clergé qui ait le privilège de faire ici bas un commerce usuraire, et même de tirer un gros intérêt des fonds qu'il n'a point fournis.


<DT>Usurpations ecclésiastiques

<DD>Les gens qui manquent de foi prétendent que l'église a souvent exercé des droits qui ne lui appartenaient pas ; s'ils avaient de la foi ils sentiraient que l'église ne peut jamais usurper, vu qu'elle excerce les droits de son mari qui sont illimités. Ce sont les souverains qui sont des usurpateurs quand ils empêchent le clergé d'usurper du pouvoir ou des droits dont les laïques ne peuvent jamais qu'abuser.



<DT>Vanité

<DD>Tout en ce monde est vanité hors la théologie ; ce n'est que dans l'autre monde que l'on trouvera du solide ; c'est-là que nous verrons la solidité des édifices élevés par nos prêtres ; en attendant leur cuisine en ce monde me paraît très solidement fondée.


<DT>Vampires

<DD>Ce sont des morts qui s'amusent à sucer le sang des vivants. Les esprits forts douteront, peut-être, de cette merveille ; mais qu'ils ouvrent les yeux, et ils verront un corps mort suçer le corps vivant de la société. Voyez Moines, Prêtres, Clergé etc.


<DT>Vases

<DD>Tous les hommes sont des pots comme l'a dit élégamment st Paul ; mais les uns sont des pots que Dieu place sur sa cheminée pour égayer son appartement, les autres sont des pots de chambre qu'il fait recuire éternellement afin de les nettoyer après les avoir salis lui-même.


<DT>Vengeance

<DD>Suivant la bible le dieu de l'univers est vindicatif et rancunier ; ses ministres ne peuvent donc se dispenser de l'imiter et d'entrer dans ses vues ; le dieu des vengeances leur saurait très mauvais gré s'ils négligeaient de le venger. La divinité est toujours vengée quand ses prêtres le sont.


<DT>Vent

<DD>Marchandise très précieuse, que nos sorciers sacrés vendent, comme de raison, fort cher aux chrétiens, pour les aider à voguer dans la barque de st Pierre. Le vent que le clergé débite produit souvent des tempêtes, conformément à ces paroles de l'écriture : ils sèmeront du vent. Et ils recueilleront des orages.


<DT>Verbe

<DD>C'est le logos de Platon, la sagesse divine, la raison éternelle, dont nos théologiens ont fait un dieu, ou si l'on veut un homme. Nous croyons donc très fermement que la raison de Dieu s'est faite homme, pour éclairer les hommes, et surtout pour leur apprendre que la raison divine n'entendait nullement qu'ils eussent de la raison, et que leurs prêtres avaient toujours raison.


<DT>Vérité

<DD>Il y en a de deux espèces l'une est humaine et l'autre est théologique ou divine. La première ne convient point au clergé, par conséquent elle est fausse ; la seconde lui est utile, par conséquent elle est vraie. La vérité utile et vraie est toujours celle qui convient à nos prêtres.


<DT>Vertus morales

<DD>Elles ne sont utiles qu'à la société, mais ne sont d'aucun rapport pour l'église ; ce sont donc de fausses vertus ; cependant elles peuvent avoir du bon pourvu qu'elles soient jointes aux vertus évangéliques ou à celles que l'on nomme vertus théologales.


<DT>Vertus théologales

<DD>C'est-à-dire nécessaires aux théologiens, ou qui ont pour objet l'utilité du clergé. C'est la foi, l'espérance et la charité. Si ces vertus n'ont rien de bien utile à la société elles sont au moins avantageuses au sacerdoce ; la foi lui livre des peuples que l'espérance amuse, et dont la charité le met dans l'abondance et le fait vivre à pot et à rôt dans la société.


<DT>Viatique

<DD>Lorsqu'un bon catholique est prêt à faire le grand voyage, l'église en bonne mère lui fait sa petite provision pour le chemin ; de peur que son âme ne meure de faim sur la route elle lui garnit le jabot d'une gauffre ; nourriture assez légere, mais qui suffit de reste pour une âme qui voyage.


<DT>Vierge (sainte)

<DD>C'est la mère du fils de Dieu et la belle-mère de l'église ; elle fut spirituellement obombrée par Dieu le père, qui n'étant qu'un pur esprit, ne consomma point le mariage, car il est évident qu'il faut un corps pour cette cérémonie.


<DT>Visibilité

<DD>Caractere de la véritable église, qui doit être visible et qui souvent se rend palpable, surtout quand elle monte sur ses grands chevaux ; c'est alors que toutes les autres églises se cachent et se rendent invisibles.


<DT>Vision béatifique

<DD>Ceux qui dans ce monde auront eu soin de bien fermer les yeux, au risque de se casser le nez, jouiront dans l'autre monde d'une vue si perçante et si forte qu'ils pourront, sans être éblouis, contempler face à face la splendeur de l'esprit qui remplit l'univers.


<DT>Visions

<DD>Lanternes magiques que de tout temps le père éternel s'est amusé à montrer aux saints, aux prophêtes, à ses favoris de l'un et de l'autre sexe. Les fous, les fripons et les femmes à vapeurs sont communément ceux que la divinité préfere pour leur montrer sa curiosité.


<DT>Vocation

<DD>Voix intérieure et irrésistible de la divinité, qui invite un garçon ou une fille de quinze ans à s'enfermer pour avoir le plaisir de s'ennuyer toute leur vie. La vocation à l'état ecclésiastique est un saint désir d'obtenir des bénéfices et des revenus, que Dieu lui-même inspire aux cadets de famille, qui n'ont rien, ou à tous ceux qui se sentent un penchant invincible à ne rien faire pour la société.


<DT>Voeux monastiques

<DD>Promesses solennelles faites à Dieu d'être inutile à soi-même et aux autres, de passer sa vie dans une sainte pauvreté, dans de saintes démangeaisons, dans une sainte soumission aux volontés d'un saint moine ou d'une sainte bégueule, qui pour se désennuyer font enrager tous ceux qui se rangent sous leurs ordres.


<DT>Voler

<DD>C'est prendre pour rien ce qui appartient aux autres. Il n'est point permis de voler, cependant la tribu de Lévi jouit du droit divin de prendre l'argent des chrétiens pour les denrées aériennes qu'elle fait venir de là-haut.


<DT>Volontés

<DD>Il est de foi de croire que Jésus-Christ a deux volontés et deux natures ; la première est la sienne, la seconde est celle du clergé, qui n'est pas toujours la sienne, mais à laquelle, ainsi que nous, il est bien forcé de se plier.


<DT>Vulgate

<DD>Traduction latine des saintes écritures, inspirée par le saint esprit qui savait sans doute mieux l'hébreu que le latin : en effet sa lecture nous prouve que Dieu ne parle pas si bon latin que ce coquin de Cicéron.



<DT>Yeux

<DD>Organes très inutiles à tout bon chrétien, qui doit fermer les yeux pour marcher plus sûrement dans la voie du salut ; ou même les arracher quand le clergé le scandalise.



<DT>Zèle

<DD>Fièvre sacrée, accompagnée souvent de redoublemens et de transports au cerveau, à laquelle les dévots et les dévotes sont fort sujets : c'est une maladie endémique et contagieuse dont le christianisme a gratifié le genre humain. Depuis dix-huit siècles les chrétiens ont beaucoup à se louer des avantages qu'ils retirent des crises salutaires que le fils de Dieu et son clergé ont causées sur la terre, et qui, si Dieu ou les princes n'y mettent la main, dureront infailliblement jusqu'à la consommation des siècles.

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