The Mirror of Simple Souls  

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"Love in this book layeth to souls the touches of his divine works privily hid under dark speech, so that they should taste the deeper draughts of his love and drink." - from 15th-century English translator's prologue.

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The Mirror of Simple Souls (1295, French: Le Miroir des âmes simples anéanties et qui seulement demeurent en vouloir et désir d'amour est un ouvrage médiéval du xive siècle) is an late 13th-century work of Christian mysticism by Marguerite Porete dealing with the workings of Divine Love.

Written originally in Old French at a time when Latin was the prescribed language for religious literature it explores in poetry and prose the seven stages of 'annihilation' the Soul goes through on its path to Oneness with God through Love. Enormously popular when written, it fell foul of the Church authorities, who, detecting elements of the antinomian Heresy of the Free Spirit in its vision, denounced it as 'full of errors and heresies', burnt existing copies, banned its circulation, tried and executed Porete herself. In spite of this the work was translated into several different languages around Europe, including English, albeit not with Porete's name attached. In fact it was not identified as being by Porete at all until 1946. Since then it has been seen increasingly as one of the seminal works of Medieval spiritual literature and Porete, alongside Mechthild of Magdeburg and Hadewijch, can be seen as an exemplar of the love mysticism of the Beguine movement.

20th Century rediscovery

"When Claire Kirchberger edited a modernized version of The Mirror of Simple Souls (London, 1927), from Bodleian MS 505, she was not aware who its author was. This was brought to light in Margaret Porete, The Mirror of Simple Souls, ed. Marilyn Doiron." --Literature and Gender: Essays for Jasodhara Bagchi

A 15th-century manuscript of an English translation by "M. N." of The Mirror was found by Mr. J. A. Herbert among a manuscript collection purchased for the British Library in 1911 and was shown to Evelyn Underhill. Other 15th-century copies were subsequently found in the Bodleian and the library of St. John's College, Cambridge, together with a Latin version made in the late 15th century by Richard Methley of Mount Grace, Yorkshire. A printed edition was edited by Clare Kirchberger, from those four manuscripts, and published by Burns Oates and Washbourne Ltd., publishers to the Holy See, in 1927, complete with Nihil Obstat and Imprimatur.

The translation by "M. N. " included a number of glosses by him, and divided the text into divisions and chapters.

The French book that I shall write after is evil [i.e. badly] written and in some places for default of words and syllables the reason is away. Also, in translating French, some words need to be changed or it will fare ungoodly, not according to the sense. - from translator's prologue

For the 1927 edition, the mediæval text was used but with spellings updated, and occasional words replaced accompanied by footnotes with additional glosses.

See also

Full text in French[1]

MIROIR DES AMES


' L.^


MIROIR DES A3IES

ou

EXPOSITION DES DIFFÉRENTS ÉTATS DES AMES PAR RAPPORT A DIEU


CONFORMBMERT A LA RÉALITÉ OU AUX IDÉES ALLÉGORIQUES DB

LA FOI


4 l'usage de tous ceux qui désirent leur salut ou qui veulent contribuer à celui des autres


^ BIBLIOTHEQUES



NOUVËUfeXnflainiON


LIBRARIES -z).

MONTRÉAL

C. 0. BEAUCHEMIN & FILS, Librairbb-Imprimeuiw 266 et 258, rue Saint-Paul


IMPRIMATUR.

Marianopoli, prima die Aprilis, 1873.

H. MOREAD, V. Q'




LE

MIROIR DES AMES

INTRODUCTION.


Il n'est rien de plus important pour l'homme que de sauver son âme et de travailler avec diligence pour ne pas périr éternellement. Or, pour obtenir cette fin, la seule nécessaire, est-il un moyen plus efficace et plus recommandé par l'Esprit-Saint, que de penser à ses fins dernières ? En second lieu, en est-il un autre plus pressant que de bien se con- naître soi-même et de savoir où l'on en est avec son Dieu qui va être tout-à-l'heure notre juge ? Néan- moins, par un prestige qui étonne et afflige vive- ment un vrai chrétien, assurément il n'est pas un temps où les hommes écartent davantage de leur esprit ridée de l'éternité qui va s'ouvrir, et qui s'ouvre tous les jours pour un si grand nombre ; el il n'est pas un temps non plus, par malheur, où ils cherchent davantage à voiler à leurs propres yeux les misères et les périls de leur triste état. Hélas ! la plupart des âmes vivent étrangères à elles-mêmes, pour périr bientôt dans leurs propres ténèbres. C'est donc pour porter quelque reqicde à ces deux


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grands maux, en faveur du moins de quelques âmes qui voudront en profiter, que l'on a imaginé le moyen qu'on présente ici en abrégé : il parle aux yeux, et il est entièrement fondé sur la foi, dont on a emprunté les idées allégoriques ; on a donc tout lieu de s'attendre qu'il sera bien reçu de ceux qui désirent leur salut, ou de coopérer à celui de quel- ques âmes. Qu'on ne dise pas que les allégories sont trop fortes, la réalité l'est infiniment plus. Les personnes qui se frappent trop, doivent penser que cet ouvrage n'est point fait pour elles ; elles doivent recourir alors aux motifs de confiance que la reli- gion nous inspire, et voir cependant avec plaisir que tant d'âmes endurcies et insensibles puissent trouver ici des réflexions qui les touchent.

Or, voici la méthode qu'on pourrait employer pour en tirer plus de profit. Pendant quatorze jours consécutifs ou choisis à commodité, en se retirant à l'écart, on parcourra une de ces stations, mais on n'en parcourra qu'une à la fois ; après avoir lu l'ex- plication, on tâchera de faire la méditation de la ma- nière suivante, pour la faire avec plus de fruit. S'é- tant mis en la présence de Dieu,on invoquera son as- sistance par ces paroles ou autres semblables : VeneZy Esprit saint ; après quoi on lira attentivement le premier point de la méditation ; on réfléchira quel- ques minutes pour s'en pénétrer, et on lira ensuite le second point, qui sera suivi de la même pause; enfin, le troisième, s'il y en a un, de la même ma- nière que les deux autres. On finira en mettant le tout sous la protection de la Mère des miséricordes, et en lui disant un Ave^ Maria^ ou cette autre prière : Sainte Marie^ Mère de Dieu, nous recourons


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à votre protection comme à notre asile ; ne méprisez pas les prïpres que nous vous faisons dans nos pres- sants besoijis, mais délivrez-nous toujours y par votre intercession, de tous les périls qui nous environnent ^ 6 Vierge comblée de grâces et de bénédiction l Enfin, tout de suite après, ou dans un autre mo- ment de la journée, on pourra faire la lecture des exemples, et môme du cantique qui y a rapport, pour mieux se pénétrer des mérités méditées.

Cette pratique, que l'on peut appeler une petite mission donnée à l'âme par l'organe des yeux, ou une ombre de retraite de quatorze jours, peut être d'une grande utilité, 1° aux pécheurs qui désirent •ortir de l'état malheureux où ils sont ; 2° aux licdes et aux justes, pour les animer davantage ; 3° aux directeurs, en faveur des âmes qu'il faut tirer de la perdition du péché. En effet, si les hommes les plus expérimentés dans les voies du salut ont cru jusqu'à présent les retraites nécessaires à cer- tains pécheurs, pour leur parfaite conversion, il est aisé de comprendre combien ce petit moyen pourra du moins leur être utile.

On trouvera à la fin, en addition, une représen- tation très-utile à la jeunesse : on l'exhorte à peser les réflexions qui y sont faites, et tous sont invités à se pénétrer de la méditation qui est à la suite.

On n'a pas besoin d'avertir que la plupart de ces représentations doivent s'entendre dans le sens figu- ré, dans le sens que les Ecritures emploient si sou- vent. On n'a pas besoin de dire que ces vérités, dont la réalité pressentie a fait pâlir les Desbarreaux, les Voltaire, les Maillet, les marquis d'Argens, les CoUot-d'Herbois, les Laharpc et tant d'autres incré-


dules, dont quelques-uns sont revenus à Dieu, sont bien faites pour nous faire compatir à la fatale té- mérité de ceux qui ne veulent pas prendre la peine de s'examiner, pour n'être pas dans le cas de faire le sacrifice de leurs passions. Mais elles doivent inspirer à tous une sainte frayeur, et déter- miner chacun à travailler sérieusement à son salut.


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NOTICE PRÉLIMINAIRE SUR LES DÉMONS,

Dont il est quelquefois fait mention dans cet ouvrage.

Les mêmes preuves qui nous démontrent l;i divi- nité de notre sainte Religion, nous démontrent l'existence des démons ; toutes les pages des divines Ecritures nous p;irlcnt de leur envie, de leur malice et de leur funeste puissance sur nous. C'est le dé- mon qui, par haine contre Dieu, aussi bien que par jalousie contre l'homme destiné à reprendre sa place dans les cieux, perdit nos premiers parents en les faisant pécher comme lui. C'est le démon qui veut empêcher la délivrance des enfants de Dieu dans l'Egypte, en contrefaisant les miracles de Moïse. C'est le démon qui conteste le corps de Moïse avec l'ange du Seigneur, sans doute pour faire tomber le peuple d'Israël dans l'idolâtrie, en faisant adorer Moïse. Jésus-Christ chasse les dé- mons à tous les instants pendant le cours de sa mis- sion divine. Il les précuite dans la mer, après les avoir fait entrer dans les corps des pourceaux; il en fait sortir sept de Madeleine au jour de sa con- version. L'Evangile nous apprend que le diable entra dans Judas après son crime. Enfin, le prince des apôtres ne nous dit-il pas qu'il est comme un lion rugissant, rôdant autour de nous pour nous perdre? En un mot, les oracles sacrés nous le montrent, peur ainsi dire, à toutes les pages, en sorte qu'une âme sur qui cette vérité effrayante ne fait plus aucune impression, ne paraît que trop être déjà dans un de leurs pièges.


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Car enfin, écoutons l'Apôtre des nations ; la ma- nière dont il s'exprime dans son Epître aux Ephé- siens, est bien propre à nous inspirer de la foi et de la crainte à Tégard de cet ennemi des âmes. ' Fortifiez-vous dans le Seigneur, nous dit-il, et sa

  • vertu toute-puissante. Revêtez-vous de toutes les

' armes de Dieu, afin de pouvoir vou» défendre

  • des embûches et des artifices du démon ; car

' nous avons à combattre contre les esprits de

' malice. Prenez toutes les armes de Dàeu, pour ' pouvoir résister au jour mauvais et demeurer ' fermes. Servez-vous du bouclier de la foi, afin

  • de repousser et éteindre tous les traits enflammés

' de cet ennemi si méchant."

C'est donc là cette lutte que Dieu, dont les des- seins sont toujours adorables, a voulu que l'homme eût à soutenir avant d'être couronné ; n'ayant pas voulu que ni les anges eux-mêmes, ni les hommes obtinssent autrement le bonheur du ciel, qu'à titre de conquête. Pour n'être pas vaincus dans ce eom- bat, pénétrons-nous bien des vérités exposées!^.

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FI. 2.



Etat malheureux cVune âme nouvellement tombée dans le péché mortel.

Sad State of a soûl recently fallen into mortal sin.


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~ ■ ' — ■ I — * —

EXPLICATION

DE LA PREMIÈRE PLANCHE.

Vous voyez dans la gravure précédente une figure lilen faible d'une âioe qui malheureusement vient de perdre la grâce de Dieu, en tombant dans le péché. Dieu ne réside plus, hélas ! dans le cœur de cet homme comme auparavant, mais c'est le dé- mon qui y est entré, et en prend possession, puis- que l'entrée lui en a été ouverte par le péché mor- tel, ainsi qu'il était entré dans Madeleine et dans Judas après leur péché, au rapport de l'Evangile : lussi la noirceur de son visage représente la laideur de son âme, qui a perdu son ancienne beauté ; car l'Ecriture nous suppose qu'il est aussi noir que ce- lui d'un Ethiopien. Les cornes et les oreilles de bêle signifient la nature de bête et de démon qu'il prend déjà par l'étrange désordre que le péché a causé dans son âme ; en effet, David nous dit qu'un pécheur est comme une bête de charge qui na point d entendement.

Mais en même temps les remords de conscience, représentés par les traits de flamme, viennent de toutes parts percer ce cœur infidèle, pour venger Dieu et rappeler cette âme malheureuse à la péni- tence ; aussi les remords qui se t'ont sentir sur sa physionomie effarouchée, nous donnent à entendre qvi'il n'y a point de paix pour le pécheur. Saint Bernard nous dit que sa conscience est une prison où son âme est enchaînée pour y souffrir un enfer


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anticipé, et qu'il vaudrait mieux pour lui habiter avec une bête féroce. Mais dès que le démon entre dans une âme, il y entraîne à sa suite tous les pen- chants criminels ; ainsi vous voyez entrer dans ce cœur tous les genres de mauvaises inclinations : l'orgueil^ représenté par le paon, qui étale avec va- nité ses plumes ; l'avarice, par le crapaud, qui se borne à se gonfler et à se nourrir des vapeurs de la terre; la luxure, par le bouc lascif; l'envie, par le serpent, qui de rage perdit nos premiers pères ; la gourmandise^ par le cochon insatiable ; la co- lère, par le lion furieux ; la paresse, par la tortue lente. L'œil qui domine représente la raison qui lui reste néanmoins pour voir son triste état et en sortir ; et l'étoile, enfin, représente la lumière de la foi qui réclaire encore, comme une étoile salutaire, pour l'aider à sortir du ténébreux abîme de sa cons- cience.


Méditation sur la perte de la grâce.

1" Point. — La grâce de Dieu est le premier de tous les biens. Un Dieu est venu du ciel en terre l'apporter à l'homme, et elle lui a coûté même sa vie. Tous les biens du monde sont faux et péris- sent avec la vie, et souvent plus tôt ; mais les biens de la grâce sont véritables, ils sont éternels. La grâce enrichit une âme de tous les trésors du Saint- Esprit, elle la rend aux yeux de la cour céleste plus belle que la lumière et les astres, elle lui ouvre le ciel, elle la met au rang des Saints en lui plaçant mxe couronne immortelle sur la tête. En un mot,


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.A grâce vaut autant que Dieu lui-môme, puisqu'elle procure la jouissance de Dieu et de toute sa félicité, dont elle fera jouir pour une éternité ; tandis que tous les infortunés qui n'auront pas eu la grâce de Dieu, seront tourmentés, eussent-ils été les pre- miers du monde. La grâce est donc l'unique bien de l'homme. S'il n'était pas question de Dieu et de l'éternité, disait saint Louis de Gonzague, le trône serait pour moi un cachot; et si Dieu s'y rencon- trait, un cachot serait pour moi un trône. Au reste, si vous voulez mieux savoir le prix de la grâce, demandez-le aux réprouvés, ils vous répondront avec des hurlements effroyables; demandez-le aux élus, ils vous répondront avec des chants d'allé- gresse qui dureront autant que l'éternité. Oh ! com- bien donc est malheureux l'infortuné qui l'a per- due, et plus malheureux encore celui qui ne com- prend pas que ce malheur mérite d'être pleuré avec les larmes du monde entier !

2^ Point. — Pour recouvrer la grâce de Dieu, ou pour se préserver de la perdre, on ne doit rien épargner, ni larmes, ni peines, ni temps, ni sacri- fices; et même, comme dit un pieux auteur, pour acquérir un degré de cette grâce, s'il était possible et nécessaire d'enfoncer les cieux, de bouleverser la terre et de détruire en un instant toute la nature, on n'aurait rien fait de trop pour cette acquisition. Quelqu'un qui regarderait la grâce perdue sans être touché, porterait donc la marque d'un réprou- vé. Des millions de serviteurs de Dieu, pour ne pas la perdre, ou pour la recouvrer, sont morts dans les supplices du martyre, sont entrés tout vi- vants dans les brasiers allumés, ou se sont ensever


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lis dans les déserts les plus affreux, en laissant dans le monde toutes leurs possessions. Or, à votre avis, ne se trouve-t-il pas vrai aujourd'hui qu'ils ont été plus sages et plus prudents que ceux qui se per- dirent de leur temps en perdant la grâce de Dieu ? Résolutions. — 1° Rien ne sera capable de vous dé- tourner de faire une bonne confession pour recou- vrer ou conserver la grâce de Dieu ; 2° vous évite- rez telle funeste occasion qui vous perdrait ; 3* vous exécuterez fidèlement toutes vos anciennes ré- solutions, et tout cela sous la protection de la sainte Vierge, à qui vous direz : Sainte Marie,,..


— H —


Exemples.


Nous Hsons dans le livre des Juges, queMiclias, femme idolâtre, ayant perdu ses idoles, qui lui avaient été enlevées par les espions de la tribu de Dan, en devint si inconsolable, qu'elle les récla- mait et pleurait sans cesse: où sont mes dieux, disait-elle tout en pleurs, où sont mes dieux ? elle courait et faisait courir tout son monde pour les recouvrer. J'ai perdu mes dieux, s'écriait-elle, e/ on me demande encore pourquoi je pousse des a^is de douleur I Que penserions-nous donc d'un chrétien élevé dans les lumières de la vérité, qui après avoir perdu par le péché, non pas une idole, mais le vrai Dieu son créateur, sa fin dernière, qui seul peut faire son repos et sa félicité éternelle, serait encore insensible sur cette perte funesto, et ne se donnerait pas tout le mouvement possible pour la recouvrer ? Une femme idolâtre ne sera-t-elle pas un jour sa condamnation ?

Dieu lui-même qui se suffît et qui n'a pas besoin de nous, veut néanmoins paraître touché du mal- heur du pécheur. David apprend-il que son fils Absalon, le traître Absalon, a succombé dans le combat qu'il a livré contre lui, et qu'il a perdu la vie, il en est consterné jusqu'à descendre de suite de son trône, et il fait retentir les airs de ces pa- roles lugubres: Mon fils Absalon; ahl Absalon mon fils y que ne puis-je mourir à ta place! 11 s'en- sevelit dans la retraite, le sommeil se retire de lui, il pleure, il ne dort ni jour ni nuit, et on lui entend sans cesse répéter ces tristes paroles : Absalon mon


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fils ! mon fils Absalon ! Or, selon les saints Pères, voilà la représentation de la douleur que Dieu, figuré par David, veut paraître concevoir de la perte du pécheur qui est son enfant. Voilà la dis- position de Jésus-Christ, de mourir même une se- conde fois, s'il était encore nécessaire, pour le rap- peler à la vie de la grâce, comme il l'a témoigné à une sainte âme dont les révélations sont autorisées par l'Eglise. Ah ! pécheurs, si vous n'étiez pas touchés de votre état, je vous rappellerais les mêmes paroles que saint Jérôme écrivait à un pé- cheur qui tardait de revenir à son Dieu : Vous ne pleurez pas, mon cher ami ! et voilà que je pleure de ce que vous ne pleurez pas vous-même.


PL 2.



MMm


Etat affreux d'une âme qui persévère dans le péché mortel.

Sad State qf a soûl ivho persévères in mortal sin.


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EXPLICATION

DE LA SECONDE PLANCHE.

Ce tableau vous offre un spectacle qui doit glacer d'effroi le malheureux qu'il représente. Vous y voyez un pécheur endurci dans l'habitude du pé- ché, qui n'est plus qu'un monstre aux yeux de Dieu. L'Esprit-Saint, lassé de ses résistances, l'a- bandonne et s'enfuit loin de lui ; son ange gardien en fait autant, et se retire comme en lui annonçant le malheur qui lui arrivera. Les péchés d'habitude sont plus injurieux à Dieu que les autres ; aussi sont-ils appelés péchés de malice. Les oreilles et les cornes de bête qui lui viennent, signifient que par le péché il a quitté la qualité d'enfant de Dieu pour descendre à celle des bêtes, et pour devenir une espèce de démon. La chaîne qu'il a au cou, et que le démon tient, marque, hélas! son escla- vage sous la puissance de cet horrible maître, qui s'est assis et qui a pris possession de son âme au mépris de Dieu ; son visage n'est pas si agité que dans la figure précédente, pour marquer qu'il s'est malheureusement calmé et endurci dans son état, qui est devenu en lui une seconde nature ; l'œil fermé, qui n'est plus comme dans l'autre, signifie sa mauvaise foi et l'aveuglement de son esprit qui se refuse aux lumières de sa conscience ; les nuages autour de l'étoile annoncent que sa foi est obscur- cie par les vapeurs de son cœur corrompu, et même il risque de la perdre tout-à-fait; car trop souvent

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un esprit rempli des ténèbres du péché, par un punition secrète de Dieu qui est la lumière de no âmes, ne voit plus et ne sent plus les vérités de \ foi, dès que Dieu s'est retiré de lui : c'est ainsi qu se forment les incrédules. Tous les péchés capitau: siègent dans son cœur et le tyrannisent tour-à-tour et le démon compte déjà sur cette proie, qu'il re garde comme infaillible, puisqu'il s'endurcit toui à-fait, et que ses habitudes ont formé comme un chaîne invisible, par laquelle il le traîne en enfei s'il ne la rompt au plus tôt par une sincère convei sion, et s'il ne recourt à un sage directeur.


Méditation sur le péché,

1" Point. — Il ne sera pas donné à l'homme, ni e ce monde ni même durant toute l'éternité, de pou voir approfondir toute l'énormité du péché, parc que sa malice attaque un Dieu infini, et qu'il plong le pécheur dans des malheurs sans bornes. En c monde, le pécheur mourrait de frayeur, s'il voyai dans la lumière de Dieu l'affreuse et l'incomprÉ hensible injure que le péché fait à Dieu, à un Die qui est le principe et la fin de toutes choses ; à u: Dieu dont la majesté, la toute-puissance, la sainte té, la justice, la sagesse, n'auront jamais de bornes à un Dieu qui ne parle aux timides mortels quepa l'effroyable tonnerre qu'il fait gronder sur leur tête qui commande à tout le ciel, dont il est adoré dan un saint tremblement ; à un Dieu qui commande toute la nature qui plie devant lui, à tout l'eiife même qui fléchit en frémissant ; à un Dieu devau


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Icqnol viennent se l)ri>er tous les empires et tous les rois de la terre, comme des vases dargile mis en poussière ; à un Dieu d'une si haute majesté, d'une bonté si inconcevable, et qui se trouve atta- qué par un ver de terre tout couvert de ses grâces, par un ver de terre pétri de boue et de corru|)tion ; un ver de terre qui méprise la majesté infinie de Dieu, qui renie son empire aimable, qui brave sa puissance, qui traverse sa providence, qui contra- rie sa sainteté, qui dédaigne sa présence, qui in- sulte à ses effroyables menaces, qui souille son image à laquelle il est formé, qui repousse sa beauté céleste qu'il ne veut pas aimer. Combien donc est énorme l'injure faite par le péché à un Dieu quil attaque par ses propres dons, à un Dieu à qui il préfère le démon même, et la compagnie des ré- prouvés; enfin, qu'il crucifie en quelque façon en lui-même, dit l'Apôtre, et le bannit de son cœur 1 Voilà cependant tout ce dont le pécheur est cou- pable en commettant un seul péché mortel. Le péché est un attentat si énorme aux yeux de Dieu qu'il a livré à l'ignominie, au supplice et à la mort son propre Fils, son Fils unique, pour avoir pris un instant la seule figure du pécheur. effroyable péché ! ô foudre du Ciel ! pourquoi n'écrases-tu pas ? ô enfer ! pourquoi ne dévores-tu pas le pé- cheur, ce second démon sur la terre, cet abomi- nable révolté ?.... Mais, ô Seigneur, c'est vous qui l'attendez encore, parce que vous êtes aussi infini dans votre patience, que vous êtes infini dans les autres attributs auxquels il insulte ; parce que vous avez l'éternité pour vous, et parce que vous désirez le retour de cette misérable créature, eu faveur de


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laquelle vous voulez faire briller Téclat de vos mi- séricordes à l'instant qu'elle se jettera à vos pieds dans la sincérité de son cœur.

2^ Point. — Mais si le péché est infini dan^ sa ma- lice, dans quel abîme de maux, hélas ! ne plonge- t-il pas le pauvre pécheur ! et d'abord le péché lui fait perdre la grâce de Dieu, qui rendait son âme plus belle que le saphir et la lumière. Saint Au- gustin nous dit qu'une âme en péché est plus clé- goûtani" à Dieu, à la sainte Vierge et aux angrs, qu'un cadavre infecte. L'âme du pécheur est laid<e comme le démon, elle est l'esclave de Satan, et U repaire des esprits immondes. Comme une effrc^* able tempête qui ravage toute la campagne d*n pauvre laboureur, le péché lui a fait perdre da«a un instant tous les mérites acquis depuis nombre d'années. Le péché lui donne le coup de la mo 't, en bannissant de son cœur son Dieu qui était la L>e de son âme; dès lors ce malheureux porte sîn tombeau avec lui ; il n'est plus qu'un arbre sec f ui n'est bon que pour le feu. Telle est la situation »?u pécheur.

Mais quel sera son châtiment? Nulle langue hu- maine ne peut le dire, parce que nulle langue n'a pu dire son effroyable tort : un seul péché a préci- pité les anges dans les enfers pour y brûler éter- nellement ; le péché a fait perdre à l'homme le paradis terrestre, et l'a condamné, lui avec tous se: descendants, jusqu'à la fin du monde, à voir tom ber son corps en poussière, chargé pendant la vie du poids des plus accablantes misères. C'est le pé- ché qui a eng'outi tous les hommes dans le déluge cinq villes entières dans le feu du ciel, et qui a *h\


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tomber sur la race des hommes tant de fléaux di- vers dont elle a été accablée jusqu'à présent.

Mais ce n'est encore là que l'avis d'un Dieu ven- geur (In péché ; ce n'est pas encore le châtiment. Le chAtiment que sera-t-il donc? Pour le com- prendre il faudrait que les enfers nous fussent ouverts, les enfers où Dieu dans sa toute-puissance et sa fureur, comme il nous le dit lui-même, se réjouira toute l'éternité des tourments du pécheur pL)ngé dans les feux et écumant de rage; mais il sbITit de dire que la haine de Dieu pour le péché e%t une haine éternelle, une haine essentielle, une h».ine intinie, une haine aussi grande que Dieu lui- ihème. Après cela, pourquoi les yeux de tous les h «mmes ne se changent-ils donc pas en sources in- l«'./issables de larmes? pourquoi toutes les créa- tures ne pleurent-elles pas ce malheur ? mon Dieu qui êtes si terrible dans vos conseils, que de- viendra le pécheur ? convertissez-nous donc, Sei- gvicur, et détournez votre colère de dessus nous.

3^ Point. — Si le simple péché mortel est si grand dans son attentat et ses châtiments, que sera-ce donc du péché d'habitude qui est le comble du dé- sordre ; de ce péché que l'homme commet avec tout le sang-froid et la réflexion d'un ennemi de Dieu ; de ce péché qui forme une seconde nature dans le pécheur, dont il ne se dépouille pas? C'est un lien invisible avec lequel l'ennemi du salut semble déjà le conduire en enfer. Aujourd'hui c'est un fil qu'il pourrait facilement rompre ; dans quel- que temps ce sera une corde, et enfin une chaîne tyrannique qu'il n'aura plus le courage de briser, par sa malheureuse faute.


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La résolution que vous devez prendre, c'est l^de rejeter d'abord de votre âme tout péché, comme vous rejetteriez une vipère de votre sein ; 2° si vous êtes dans quelque habitude, loin de la laisser forti- fier, c'est de recourir de suite aux remèdes, auprès d'un charitable directeur, et de vous adresser à la mère des miséricordes, en lui disant déjà : Sainte Vierge!

Exemples.

Voici deux exemples de pécheurs plongés dans des habitudes, dont l'un eut le bonheur de rompre ses chaînes, et l'autre les a portées jusqu'au mo- ment de paraître au tribunal de Jésus-Christ. Le premier, c'est saint Augustin, il raconte ainsi lui- même le prodige de sa conversion : "Je me con- damnais moi-même, dit-il, me roulant et me dé- battant dans mes liens ; de votre côté. Seigneur, vous étiez sur moi, la verge à la main, et votre miséricorde me pressait vivement; mais je re- tombais aussitôt dans l'abîme de mes vieilles attaches. D'une autre part, je voyais la conti- nence qui se présentait à moi avec une majesté sans pareille, et qui, avec un air caressant, avec une sainte modestie, m'exhortait à ne plus diffé- rer, et me tendait les bras. Elle m'encourageait par l'exemple d'une multitude de saints, qu'elle avait autour d'elle. Je me jetai à terre, sous un figuier, et laissant couler mes larmes avec toute liberté, j'en répandis des torrents; et je me di- sais : pourquoi ne me tirerais-je pas dès ce mo- ment de mes ordures et de mes infamies? et dès cet instant, sans éprouver de ce§ sortes d'agita-


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    • tions qui m'avaient tenu si longtemps en guerre
    • contre moi-même, la résolution fut prise
    • Grâces à votre miséricorde, Seigneur, vous avez
  • ' eu pitié de moi pour me faire subir votre joug,
    • si doux et si aimable ; votre joug, ô mon Dieu,
    • en qui l'on trouve des douceurs inlîniment au-
    • dessus de toutes les voluptés." C'est ainsi qu'Au-

gustin pécheur, et Augustin pénitent, nous prouve qu'il ne tient qu'au pécheur de passer du péché à la grâce, des portes de l'enfer jusque dans le Ciel. L'autre exemple, c'est celui de Bèze, successeur de Calvin, à Genève. Cet hérésiarque, retenu dans les filets d'une passion honteuse qui le maîtrisait, et qui, sans doute, avait influé à lui faire faire le pas funeste hors de l'Eglise Romaine, avait déjà résisté jusqu'à trois fois aux touchantes exhortations de saint François de Sales, qui s'était glissé jusqu'au- près de lui dans Genève, lorsque son ami, mon- sieur Deshaies, lui ayant enfin demandé la cause de son opiniâtreté à refuser de rentrer dans le sein de l'Eglise, Bèze, en poussant un soupir, ouvrit alors un cabinet et lui dit : Voilà celle qui me retient dans ses pièges. SaintFrançois néanmoins le pressa si vivement, qu'en lui faisant verser des larmes, il l'avait décidé ; mais le jour marqué pour aller déli- vrer ce captif, étant arrivé, l'apôtre se rendant à Ge- nève, apprit déjà en chemin, que Dieu, ce semble, par un jugement redoutable, pour avoir trop diffé- ré de profiter de la grâce, ne lui avait pas laissé le temps d'achever l'ouvrage de sa conversion, en lui enlevant la vie. Autant le premier exemple est tou- chant, autant et plus celui-ci est-il effrayant pour celui qui diffère. Voyez celui que vous voulez choisir pour votre sort éternel.


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EXPLICATION

DE LA TROISIÈME PLANCHE.

Vous Yoyez dans la planche ci-jointe la représen- tation d'une âme juste et bien convertie; son vi- sage céleste, ses yeux élevés vers le Ciel, annoncent la pureté et la paix de son cœur.

Ce juste défie qu'on le sépare de son Dieu, pour nous animer nous-mêmes ; il nous avertit de la ra- pidité et du néant des choses d'ici-bas. L'œil rayon- nant et l'étoile brillante marquent les lumières du Saint-Esprit qui Téclairent avec la raison ; l'hostie qui est au milieu de son âme, est pour nous dire que la sainte Eucharistie est la nourriture céleste qu'il reçoit souvent. L'église que vous y voyez, vous annonce qu'il a dans son cœur l'amour de TEglise notre mère, et qu'il va souvent dans ses temples pour y adorer son Dieu, et y puiser de nouvelles forces auprès du saint Sacrement. La bourse renversée marque qu'il est détaché des biens périssables de la terre, et que son grand plai- sir est de faire l'aumône aux pauvres dans qui il voit Jésus-Christ lui-même. La croix nous marque que son espérance est en Jésus-Christ crucifié, et qu'il fait de temps en temps ses délices de penser à sa mort et à sa passion ; le fouet désigne ses mortifica- tions, et le couteau fermé les jeûnes qu'il fait quel- quefois. Le livre est un livre de piété où il se con- sole, s'éclaire et s'affermit en Dieu; le chapelet, enfin, marque sa tendre dévotion envers la sainte


PI. ?.



Etat heureux d'un Chrétien qui persévère dans la grâce de Dieu.

Happy State qf a Christian who persévères in the grâce nf Ood.


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Vierge, dévotion qui est une des marques de pré- destination ; aussi il nous dit que son âme jouit d'jn festin continuel. Mais qu'il prenne garde, le d^mon cherche à le surprendre, et tous les péchés capitaux voudraient rentrer en lui, tandis que son aii^'e l'encourage par des inspirations et des conscn allons intérieures.


Méditation sur le bonheur cTune âme juste.

l" Point, — Venez, Esprit saint... Considérez d'a- h\ i'à quel beau jour est celui où une âme rentre d» ns la grâce de Dieu ; à ce jour heureux, par les ifcirites de Jésus-Christ, la colère de Dieu irrité est t\ aisée, les liens du pécheur sont rompus, les éiiormes verroux qui le tenaient comme captif du.is les noirs cachots du péché se lèvent ; il sort do la captivité du démon qui est forcé de le relâ- chîr ; le Père céleste par sa grâce invincible vient a»k devant de lui, l'embrasse comme l'enfant pro- d^ue, pour lui donner le baiser de paix ; puis il lui rend l'anneau des enfants de Dieu_, et le pare intérieurement de tous les vêtements brillants de la grâce. En même temps Dieu lui donne le gage de sa tendresse, qu'il fait sentir à son cœur ; les ai.'ges dans le ciel font la fête de cette conversion touchante, et dès cet instant fortuné cet homme ju .te marche dans le beau chemin de la vie chré- tienne, à l'extrémité duquel se trouve l'éternité bienheureuse.

2" Point. — Considérez en second lieu que, tandi3 que la voie par où se traînent les pécheurs est se*


mée de pierres carrées, comme dit l'Ecriture, hé- rissée des épines aiguës du remords et des excès, pleine de la fange et de l'infection du péché; tan- dis qu'ils sont abattus de lassitude, et qu'ils ne trouvent au bout de leur triste carrière que le mal- heur éternel ; le chemin d'une âme juste, au con- traire, est tout parsemé des belles fleurs odorifé- rantes de la piété, adouci par les consolations du Saint-Esprit, rempli des délices de l'espérance des biens éternels; la grâce y enivre quelquefois de plaisirs célestes l'âme généreuse qui a eu le bon- heur de rompre ses liens, et d'abandonner le^ es- pérances de ce monde trompeur pour se livrer entièrement à Dieu qui fait sa félicité. Qu'elle est donc heureuse cette âme ! qui nous donnera, ô mon Dieu, le bonheur de l'imiter ? C'est vous. Dieu de miséricorde, qui vous plaisez à pardonner et à recevoir les brebis égarées qui reviennent à vous.

Après tout, considérons encore à quoi sert à quelqu'un de jouir de tous les biens et de tous les plaisirs du monde, si la conscience ne lui laisse aucun repos; et même si vous le voulez encore, à quoi lui servirait la funeste tranquillité qu'il aurait acquise par la multitude de ses péchés et l'abandon de Dieu, si après tout cela il doit être damné à sa mort dont il ne sait ni l'heure ni l'instant. Hélas ! sans la grâce de Dieu, l'homme le plus heureux selon le monde, n'est donc après tout qu'un grand malheureux. Quelques biens que je possède, disait saint Augustin, si Dieu n'y est pas, je suis dans la plus profonde indigence ; tandis que d'un autre côté, l'homme le plus à plaindre selon les idées


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insensées du monde, est celui dont on doit envier le sort, s'il est bien avec Dieu. Car enfin, une âme qui jouit d'une bonne conscience et qui est en état de grâce avec Dieu, peut voir le temps s'écou- ler, le monde se renverser, et l'éternité s'appro- cher, avec un œil bien tranquille: sa vie est semée, il est vrai, de quelques croix, mais le monde ne voit pas l'onction qui est cachée dessous ; le fruit que cette âme en retire, et Tespérance de la gloire future dont les tribulations sont le germe, lui font tout oublier. Elle jouit déjà de son Dieu au fond de son cœur, et goûte une paix que le siècle ne connaît pas; elle voit venir la mort sans effroi, et même elle la désire tranquillement ; du moins la confiance en son Dieu qu'elle sert avec fidélité, tempère bien les alarmes légères qu'elle pourrait éprouver. Oui, la conscience de l'homme juste, comme nous dit le Saint-Esprit, est un festin con- tinuel en attendant les joies de l'éternité.

La résolution que vous prendrez sera de vous débarrasser au plus tôt de tout péché, si vous aviez le malheur de vous y trouver, ou de travailler plus que jamais à persévérer dans la grâce de Dieu par la fidélité à vos anciennes résolutions, et vous mettrez toutes ces précieuses pensées sous la protection de la sainte Vierge, en lui disant : Sainte Marie ^ ou Je vous salue....


Exemple.

Saint Ignace de Loyola disait que quand le» preuves de notre sainte Religion ne se seraient ja- mais fait sentir à lui, les seules consolations, les


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plaisirs ineffables qu'il avait goûtés dans le service de Dieu, dès qu'il avait rompu avec le monde, au- raient suffi pour l'affermir dans la foi jusqu'à souf- frir volontiers le martyre pour elle.

Le célèbre Thaulère nous rapporte lui-même qu'un jour, en se promenant à la campagne, il rencontra par hasard un berger, avec lequel il eut la conversation suivante, qui nous prouve bien aussi qu'il n'y a de vrai bonheur que pour les âmes qui sont bien avec Dieu. Thaulère parle au berger : Mon ami, je vous souhaite le bonjour. — Le berger. Je vous remercie ; mais je n'en ai jamais eu de mauvais. — Thaulère. Gomment, mon ami, vous n'a- vez jamais eu aucun mauvais jour, et votre état vous donne tant à souffrir ? — Le berger. Rien, grâces au Ciel, n'a troublé la paix de mon âme jusqu'à présent. — Thaulère. Gomment entendez-vous cela ? — Le berger. Je me dis à moi-même : le bon Diea règle tout en ce monde, il ne veut que notre bien, je regarde sa volonté et je m'y conforme en tout ; la consolation que j'ai de faire sa sainte volonté me rend véritablement heureux. — Thaulère. Vous avez raison ; mais si Dieu voulait vous précipiter en en- fer ? — Le berger. Ah ! je le serrerais si étroitement, qu'il faudrait qu'il vînt avec moi, et alors je serais en paradis. — Thaulère. Mais qui êtes-vous,mon cher ami ? — Le berger. Je suis roi. — Thaulère. Et où est votre royaume ? — Le berger. Il est dans mon cœur. — Thaulère. Qu'est-ce que régner? — Le berger. G'est dominer ses sujets. — Thaulère. Et quels sont vos sujets ? — Le berger. Ge sont mes passions ; je tâche de les assujettir toutes à la loi de Dieu. — Thaulèy^e. Ah ! mon ami, vons êtes heureux.^/^ berger. Gha


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cun peut commencer à l'être en ce monde, et nous le serons parfaitement en l'autre.

Thaulère se retira en adorant la volonté de Dieu, qui éclaire et rend heureuses les âmes les plus simples des qu'elles sont justes, et avoua qu'il en avait plus appris avec ce pauvre berger que dans la lecture de tous les livres.


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EXPLICATION

DE LA QUATRIÈME PLANCHE.

Vous voyez dans cette représentation un homme aux abois de l'agonie : hélas ! le visage pâle, les yeux élevés vers le Ciel, le crucifix à la main, le ministre du Seigneur l'exhorte avec zèle pour le préparer à paraître au tribunal redoutable de Dieu, selon les dispositions où il le trouve : tantôt, pour ranimer son espérance, il lui montre le Ciel ouvert ; tantôt, pour l'exciter à des sentiments de pénitence, il lui indique les abîmes éternels où les démons atten- dent le pécheur impénitent. Le tentateur, qui fait ses efforts à la mort, comme vous voyez, ne manque pas de s'y trouver aussi, ou pour l'endormir dans une fausse paix, ou pour le troubler par la défiance, ou pour l'empêcher de réparer quelque injustice ou quelque sacrilège ; tandis que la mort, qui est à son côté, attend que son heure sonne pour lui porter le coup. Sa femme, à son chevet, lui de- mande pardon, elles deux enfants que vous voyez, sont ceux de ce moribond, qu'il laisse ; car la mort n'y fait pas attention : l'un d'eux, le plus grand, se précipite sur lui et pousse les hauts cris ; il veut qu'il lui donne sa bénédiction paternelle. Celle qui est au fond, est sa sœur qui prie pour lui, et qui essuie ses larmes^qui l'aveuglent; à côté d'elle sont des personnes du voisinage qui ont accouru aux cris: elles sont saisies d'étonnement et de pitié en voyant ce pauvre mourant. Ensuite vous voyez sur le plancher les clefs qu'il a laissé tomber, parce


PL 4.



Etat effrayant d'an moribond qui se dispose à comparaître au terrible jugement de Dieu.

Awfid state of the dying on the eve of appearing at the Judgment 0/ Ood.


I


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qu'il ne se voit plus maître de rien ; vous voyez encore une bourse renversée et délaissée de sa part, parce que c'est tout fini pour lui quant à l'or et à l'argent ; il n'a pour tout bien que les vertus qu'il a eu le bonbeur de pratiquer, et les bonnes œuvres qu'il a faites.


Méditation sur la Mort.

1" Point. — 11 faut mourir absolument : monar- ques, sujets, riches, pauvres, maîtres, serviteurs ; tous y sont soumis, sans distinction d'âge et de con- dition, personne ne peut s'en racheter. Il faut mou- rir; il n'y a ni larmes, ni sanglots, ni or^, ni amis qui puissent servir de rien ici. Adieu, biens de la terre, à cette dernière heure ; adieu, belles com- pagnies du monde ; adieu, épouse ; adieu, enfants, il n'y a rien qui arrête la mort ; elle vous précipi- tera dans l'éternité sans rien entendre. Oh ! que celui-là est donc insensé qui s'attache à la vie aux dépens de son âme !

Mais quand mourrez-vous ? voilà ce qu'il y a encore de plus effrayant ; vous ne le savez pas : sera-ce à la maison, sera-ce dans les champs, sera- ce cette année, ne 'sera-ce point la semaine pro- chaine ? Vous n'avez pas une heure qui vous soit assurée ; ou plutôt, si votre conscience n'est pas en bon ordre, il est certain, dit Jésus-Christ, que vous serez surpris, et la mort viendra comme un éclair ou comme un voleur de nuit, qui cherche à sur- prendre : incertitude de la mort, adorable disposi- tion de Dieu pour vous engager à être toujours


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prêts. Ne nous flattons donc jamais, ni en santé, ni en maladie surtout, que la mort est encore éloi- gnée ; les ennemis de notre salut, en tout temyis, ne manquent pas de nous dire ce que le démon dit à nos premiers parents: Vous ne mourrez point. Nous portons la mort dans notre sein, et, vu la structure du corps humain, il est plus étonnant pour nous de vivre que de mourir même : chaque instant nous détruit en détail, et commence à no as mener vers le Juge souverain; et la mort en .'.st comme l'huissier qui nous cite à son tribunal.

vous qui méditez ceci, désirez votre salut, t7<r vaillez-y, et les approches de la mort ne seront { w si effrayantes pour vous.

2^ Point. — Puisqu'il faut mourir, il faut s'y p>'é- parer ; la vie même tout entière ne nous est d(tn- née que pour cela, sans qu'il y ail rien de trop. Je crois bien qu'il n'importe pas peu pour vous de le faire, puisque ce moment va décider de votre s)rt pour une éternité. En attendant cette heure, res- souvenons-nous qu'il n'y a qu'un moyen de bien J mourir : c'est celui de vivre chrétiennement ; le cours ordinaire des choses est que la mort ressem!)le à la vie ; l'homme alors ne recueillera que ce qu'il I aura semé pendant la vie; faites donc bien attention à ce que vous semez à présent.

Résolutions. — Tous les] jours vous penserez à la mort; dès aujourd'hui vous vous débarrasserez de tel péché, de telle habitude, de telle chose qui vous effraierait alors. C'est pour cela que vous recour- rez sans délai à la mère des miséricordes, disant ; Sainte Vierge ^ mère de Dieu


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Exemples.


Abner, roi des Indes, pour détourner son fils Josaphat de se faire chrétien, avait défendu qu'on lui parlât jamais, ni de religion, ni des misères de la vie. Malgré cela, par un coup de la Providence qui avait des desseins de miséricorde sur lui, ce prince sortant un jour de ce palais magnifique où il était retenu enfermé, il arriva que le premier objet qui se présenta et qui le frappa singulière- ment, fut un vieillard tout courbé et affligé d'infir- mités. Il demande tout étonné ce que c'est ; on lui répond que c'est l'effet des misères auxquelles tous les hommes sont assujettis ; que les princes y sont exposés comme les autres, à moins qu'ils ne meurent dans leur jeunesse. " Quoi, repartit le " prince, personne ne peut éviter la mort ! quel

    • moyen donc de vivre en repos, puisqu'on est dans
  • ' le danger continuel de perdre la vie ? Que devien-

'* drai-je après ma mort T' Cette pensée lui resta si profondément gravée, que depuis ce moment il n'eut plus que du mépris pour les biens et les gran- deurs du siècle, et il brûla du désir d'être instruit. Dieu, qui seconde toujours les bons désirs, lui en- voya un saint ermite, qui, en se déguisant, péné- tra dans son palais. Ce saint homme l'instruisit de la doctrine chrétienne, et le baptisa ; mais quelque temps après, ce prince, toujours plus dégoûté des vaines grandeurs de ce monde, profita de la mort de son père, quitta ses états et se retira lui-même dans le désert, où il mourut saintement.

Or, n'est-il pas vrai qu'il a pensé juste sur tout c« 

3


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que le monde possède, et qu'en le méprisant il a tiré une conséquence plus juste encore de cette pen- sée ? Imitons sa prudence et faisons-en autant ; ser- vons Dieu sincèrement pour finir un jour comme lui.

Un grand pécheur, détourné de la pénitence par l'horreur qu'il en avait, jusqu'à ne vouloir plus entendre parler des sacrements, rencontra enfin un confesseur qui, pour toute pénitence, ne lui ordon- na que d'employer un quart d'heure à se considé- rer comme mort, étendu sur un lit et couve^rt d*un suaire. Il accepta cette pénitence comme étant plus facile que toutes celles des autres ; mais à peine se fut-il représenté Tétat où la mort devait le réduire, que, fondant en larmes, et efî'rayé de l'horreur de ses péchés, il retourna vers son con- fesseur et lui fit une confession générale de toute sa vie ; et, bien loin de refuser la pénitence qu*on lui prescrivit, quelque sévère qu'elle pût paraître, il s'en imposa bien d'autres, et mena dès lors une vie très-sainte.

L'empereur Saladin, si renommé par ses con- quêtes, un moment avant que d'expirer, fit appeler celui qui portait son étendard devant lui dans toutes les batailles, et lui commanda d'attacher au bout d'une lance un morceau du drap mortuaire dans lequel on devait l'envelopper, de le lever comme l'étendard de la mort, et de crier : Voilà tout ce que le gimnd Saladin^ vainqueur de V Orient , em- porte de tous ses trésors et de sa gloire. Nous n'en emporterons pas davantage : n' attendons pas si tard pour nous détacher de ce malheureux monde.


PI- 5-



Etat horrible d^ un pécheur à Vheure. d&la mort et au jugement de Dieu.

Horrible state of a sinner ai the hour of death and at the Jv.dgment of God.


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EXPLICATION

DE LA CINQUIÈME PLANCHE.

Considérez avec soin, dans la représentation précédente, la mort effrayante du pécheur. Hélas I il a laissé sur le lit un corps hideux, dont les pa- rents et les amis mêmes ne peuvent plus supporter la vue. Les mains et les doigts qu'il étend encore, la bouche de travers qu'on remarque en lui, repré- sentent le désespoir qui agitait son âme lorsque le démon l'a tirée de son corps pour la citer au tribu- nal de Dieu. Un démon lui met la corde au cou, pour marquer que ce corps lui appartient, et qu'il l'aura un jour en enfer, tandis que son ange se dé- tourne pour pleurer sur son malheur. Biens du monde, vanités et compagnons de débauches, par- ties de plaisirs, vous n'êtes plus rien ; car tout est fini pour cet infortuné, et il n'est pas plus avancé pour avoir voulu en jouir. Au-dessus de ce pécheur qui a été cité au jugement de Dieu, vous voyez un démon qui, dans un livre, montre toute sa vie. Yous voyez Jésus-Christ, le souverain juge, qui a prononcé la sentence de réprobation, et la foudre qui est partie tout de suite de son tribunal pour le foudroyer et le précipiter dans les enfers, oii il tombe, et où les démons sont impatients de lui voir partager leur supplice.


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Méditation sur le jugement particulier.

i" Point. — Considérez que non-seulement il faut mourir, mais qu'après la mort il y a le jugement : point d'exemption, il faut que tous y passent. Mais quel sera ce jugement ? hélas ! une discussion sans miséricorde, un arrêt décisif, où les larmes ni les soupirs ne serviront de rien, où l'or et l'ar- gent seront inutiles, où le rang et la fortune ne seront pas connus ; un jugement sans appel, après lequel il n'y en aura plus d'autre, et qui sera porté pour une éternité. enfants des hommes, à quoi pensez-vous quand vous n'êtes pas tout consternés dans cette attente ? En ce monde, quand il y a une sentence de mort à porter dans les prisons sur quel- que parent, on s'abandonne à la douleur. Eh ! malheureux, c'est de vous-mêmes dont il s'agit ici ; vous allez bientôt sortir du cachot de la vie. Le juge est tout prêt, et le supplice l'est aussi, si vous êtes coupables...; et vous ne vivez pas dans la crainte et la frayeur, comme nous y exhorte l'A- pôtre !

2® Point. — De quoi s'agira-t-il au jugement que vous subirez après la mort ? d'y être récompensé, comme juste, du bonheur des Saints ; ou d'être condamné comme un réprouvé aux flammes de Tenfer, pour une éternité. Il s'agira d'être jugé sur toutes vos pensées, vos paroles, vos actions et vos omissions, sur l'usage de tant de grâces que vous aurez reçues, et dont vous n'aurez pas profité, puisque vous êtes créé, non-seulement pour ne pas faire du mal, mais pour faire du bien. Vous serez


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jugé sur tout le bien que vous i> aurez pas fait et que vous deviez faire ; sur tant d'œuvres sur Ica- (juclies vous vous êtes fondé, et que le souverain Jupe néanmoins vous montrera corrompues par un orgueil se:ret ou par défiiut de pure intention ; il s'agira d'être jugé sur une parole même inutile, sur tant de moments perdus, sur la sainteté de votre état, sur la patience que Dieu aura eue à vous at- tendre. 11 s'agira d'être jugé sur les péchés des au- tres, que vous deviez empêcher, ou que vous avez occasionnés par votre exemple, par vos manières ou vos paroles. Enfin, il s'agira d'y soutenir trois accusateurs effrayants : Jésus-Christ, qui sera juge et partie ; votre conscience, qui déposera contre vous ; et le démon, qui est appelé l'accusateur des âmes, qui fera tout valoir, qui exagérera tout contre vous. A ces pensées, ô mon Dieu, qui ne doit pas fiémir? Un saint Hilarion tremblait d'aller com- paraître après soixante ans de pénitence ; et un autre solitaire, après avoir médité ce jugement que Dieu lui avait fait sentir, reclus entre quatre mu- railles, 011 il ne faisait que soupirer, assure à l'heure de sa mort que si les hommes en connaissaient la rigueur, ils mourraient déjà d'épouvante. Vous prendrez donc la résolution de tout endurer plutôt que de tomber dans le péché ; mettez-vous sous la protection de la Mère des miséricordes, en lui di- sant : Sainte Vierge...

Exemple.

Un exemple qui est bien propre à nous ins- pirer de la terreur sur les jugements de Dieu à Té-


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gard de ceux qui sont impénitents, et qui en même temps nous retrace la mort du pécheur, c'est la fin effrayante de Gollot d'Herbois, principal auteur des malheurs de Lyon. Voici comme nous le rap- porte un écrivain (1) qui était , sur les : lieux : " Déporté à Cayence, nous dit-il, il s*écriait quel- quefois: Je suis puni : l'abandon oh je suis est un enfer. Dans ces entrefaites, une fièvre inflamma- toire le saisit et le dévore, il appelle Dieu et la sainte Vierge à son secours. Un soldat à qui il avait prêché l'athéisme, lui demanda pourquoi donc il s'en moquait quelques mois auparavant. Ah l mon amij répondit-il, ma bouche en imposait à mon cœur ; puis il reprenait : Mon Dieu, mon Dieu, puis-je encore espérer un pardon ? envoyez-moi un consolateur, envoyez-moi quelqu'un qui détourne mes yeux du brasier qui me consume... Mon Dieu, don- nez-moi la paix. Le spectacle de son dernier mo- ment était si afifreux qu'on fut obligé de le mettre à l'écart ; et tandis qu'on cherchait un prêtre, il expira, le 7 juin 1797, les yeux entr'ouverts, les membres retournés, en vomissant des flots de sang et d'écume. Les nègres pressés ne l'inhumèrent qu'à moitié ; son cadavre devint la pâture des co- chons et des corbeaux. " Telle fut la fin de cet impie, pour avoir abusé des grâces de la religion. Dieu nous préserve à jamais de toute impiété, et d'être abandonné de sa miséricorde à la mort.


(lî M, Pîi&oti,


Pi 6.



Le faux pénitent à la mort. The f aise pénitent at the hour of deaih. J


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EXPLICATION

DE LA SIXIÈME PLANCHE.

PÉCHEURS, qui difFércz votre conversion, ou qui abusez des sacrements jusqu'à la mort, prenez ex- emple. Voici un de vos compagnons d'imprudence, que vous voyez ici à toute extrémité, et qui a été surpris plus tôt qu'il ne s'y attendait ; toute sa vie il s'était promis qu'il réglerait sa conscience à sa der- nière maladie, et qu Dieu se contenterait de cela. Il a reçu tous les sacrements en effet, et avec une telle édification, que plusieurs de ceux qui y ont issisté ont même dit qu'il faisait une belle mort. Mais remarquez bien que ce n'est pas lui qui a quitté le péché, mais que c'est plutôt le péché qui le quitte lui-même. Le péché est encore dans son cœur, car si on venait lui assurer qu'il a encore cinq ans à vivre, il ne voudrait entendre parler ni de confesseur ni de confession. Les hommes ont été trompés : il a abandonné Dieu, Dieu l'aban- donne à son tour ; il n'est pour rien dans sa préten- due conversion. Les démons, pour se jouer encore de lui, comme de faux anges de lumière, l'endor- ment dans une fausse sécurité par tous ces dehors de religion. C'est ce qui est représenté par celui qui paraît le rassurer, tandis que l'autre s'en di- yertit déjà. C'est ce qui nous représente encore la fausse sagesse de ceux qui abordent ces sortes de ma- lades, qui, loin de les faire rentrer sincèrement en eux-mêmes, ne se contentent à leur égard que des de- hors de la piété, au lieu de leur parler à cœur ou-


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yert, de prier et faire prier pour eux ; aussi vous voyez que ce faux pénitent n'est pas réellement converti, qu'il n'a qu'un masque blanc sur son vi- sage et à ses mains, tandis qu'il est réellement tout noir, c'est-à-dire pécheur, pour aller paraître de- vant Dieu. Son ange gardien pleure son malheur ; le ministre du Seigneur, qui l'est venu trouver à sa fm, et qui sait combien il faut se défier de ces sortes de conversions, et combien peu il est changé dans l'âme, lève des mains de pitié vers le ciel, d'où il lui semble entendre venir ces effrayantes paroles de Jésus-Christ : Vous me chercherez, vous^ ne me trouverez pas, et vous mourrez dans votre péché.


Méditation sur le délai de la conversion.

1*"^ Point. — Qui que vous soyez qui différez votre conversion, apprenez ici que vous commettez l'im- prudence la plus effrayante. En effet, pouvez-vous briser trop tôt cette chaîne qui vous tyrannise, et apaiser envers vous un Dieu irrité, et un Dieu si terrible dans ses conseils ? peut-on faire trop tôt ce qu'on doit nécessairement faire pour ne pas périr, et ce qu'on ne fera pas, probablement, pour vou- loir le faire trop tard? Il y a de la peine, dites-vous, pour vous convertir, pour vous corriger de cette malheureuse habitude qui vous domine depuis si longtemps ; mais n'y en a-t-il pas plus à gémir dans l'esclavage du péché, à porter le joug du monde et du démon, et à sentir les reproches amers de la conscience? Quant à la difficulté, ne ?aut-il pas mieux supporter des peines qui, dans le


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fond, ne sont qu'imaginaires, et qui cessent dès l'instant qu'on les embrasse par un consolant re- tour à Dieu, que de se précipiter dans un ^ouirre de malheurs éternels ? Dites donc comme David : C'est lini, je l'ai dit, et je commence aujourd'hui. Oui, il y aura moins de peine pour vous à com- mencer de suite, que d'attendre que l'habitude soit plus forte ; il est plus aisé de rompre un fil qu'une chaîne.

2* Point. — Mais peut-être voulez-vous différer votre conversation jusqu'à la mort ? Ah ! si cette pensée vous venait à l'esprit, vous pouvez la re- garder comme le comble de l'aveuglement et du malheur pour vous ; car tout s'opposera, à cette heure fatale, à ce que vous vous convertissiez sin- cèrement : en effet, qui vous a promis que vous aurez le lemps de mettre ordre à votre conscience, puisque vous ne pouvez pas seulement vous pro- mettre un quart d'heure de vie ? N'est-il donc pas affreux de compter sur un peut-être pour une af- faire de si haute importance, qu'il n'y en a pas au monde de semblable ? tandis que d'un autre côté vous pouvez remarquer que les morts subites ne sont pas si rares, et que les morts inopinées sont toujours les plus fréquentes. Mais, quand le temps vous serait accordé, ce dont personne ne peut vous assurer, puisqu'au contraire l'abus du temps pro- voque le Seigneur à vous enlever ce temps même, les obstacles que vous trouverez alors dans vous- même ne doivent-ils pas déjà vous remplir d'effroi? l'accablement où vous serez alors vous permettra- t-il d'approfondir cet abîme de votre conscience, et d'exécuter ce grand ouvrage de votre conversion,


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auquel vous n'osez toucher à présent que vous avez toutes vos forces ? Que ferez-vous dans l'ardeur d'une tîèvre qui vous absorbera tout entier dans la pensée de votre mal ? comment éclaircirez-vous cet abîme d'injustices et d'impuretés, cet abîme d'in- tempérance, de sacrilèges et d'omissions criantes ? que ferez-vous avec une mémoire qui se con- fond, avec un cœur qui s'éteint et une langue qui balbutie, ressemblant plutôt à un mort qu'à une personne vivante ? Mais outre cela, comment pourrez-vous dans un moment vous former un cœur nouveau ? Cela ne peut se faire sans un mi- racle, parce que toutes vos habitudes auront formé en vous une seconde nature ; or, pouvez-vous,sans une affreuse présomption, fonder avec sécurité votre salut sur un miracle de la grâce, que Dieu ne vous doit point ? i

En second lieu, une vérité plus effrayante encore, c'est que la justice divine s'opposera en quelque façon même à votre pardon. L'Ecriture Sainte nous dit que, s'il y a un temps pour pardonner, il y en a un autre pour punir. Abraham eut beau le- ver les mains pour Sodome, il fallut que cette ville pérît : il y a une certaine mesure de grâces après lesquelles il n'y en a plus d'autres. Dieu nous avertit lui-même qu'il se rira du pécheur à l'heure de sa mort. D'ailleurs, est-il bien naturel qu'un homme qui a vieilli dans le mépris de Dieu, s'at- tende à la grâce des grâces, la persévérance finale, qui a été refusée même à de saintes âmes pour quelques infidélités ? La bonté de Dieu n'est pas une faiblesse ni une pusillanimité qui le reude


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insensible à tant d'outrages prolongés. Sa justice, sa bonté méprisées, sa providence pour que les autres pécheurs n'en abusent pas, tous ces attributs de- manderaient même que ce pécheur fût abandonné. Ce n'est pas cependant qu'il faille jamais désespé- rer des miséricordes divines, et que Dieu ne se soit réservé de faire certaines grâces extraordinaires, comme quand il pardonna au bon larron à sa mort ; mais, comme remarque ici saint Augustin, il y a bien eu un larron pardonné à sa mort, pour que personne ne désespérât ; maîa il n'y en a eu •^u'uu, pour que personne ne présumât ; et sans ioule ce n'est pas ordinairement celui qui compte

  • ur la miséricorde de Dieu, et qui s'en sert comme

d'un moyen pour continuer à l'outrager^ qui jouira de cette faveur si singulière.

Car enfin y a-t-il rien dans ce pécheur qui mé- rite son pardon ? Au contraire, n'y a-t-il pas à «raindre que sa pénitence ne soit fausse, et que ses larmes ne soient que les larmes d'un criminel qui tremble à la vue du supplice ? Il priera, mais sa prière ne sera peut-être qu'une prière intéressée. Dieu n'y sera pour rien comme il ne l'avait compté pour rien dans les jouissances de sa vie. Le minis- tre du Seigneur lui parlera des miséricordes di- vines ; mais il tremblera en même temps dans le secret, parce qu'il ne saura que trop, que, telle est la viCy telle doit être la mort, et que Jésus-Christ a laissé cet effrayant oracle de l'Evangile : Voua me cherchey^ez, vous ne me trouverez pas y et vous mour- rez dans votre péché. Ceux qu'on voit revenir des portes de la mort, sont les mêmes par la suite qu'ils étaient autrel'ois ; preuve frappante de la tei^


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rible vérité que nous offrons ici à votre méditation. mon frère, si vous avez besoin de changer, ne différez donc plus ; mais imitez saint Augustin, chargé de péchés, qui alla se jeter aux pieds de saint Ambroise pour y laisser ses chaînes, et y trouver son repos et son salut éternel. C'est là votre résolution ; la grâce de Dieu l'aida, elle vous aidera aussi. Sainte Viei^ge,...


Exemples.

Pécheurs obstinés, les deux exemples suivants sont bien faits pour nous apprendre que les appa- rences de la mort la plus pénitente peuvent être suivies de la réprobation; et que les délais de la conversion jusqu'à la mort conduisent presque tou- jours à une triste fin. L'impie Antiochus avait dé- solé le peuple de Dieu, i) avait volé et profané les vases sacrés du temple de Jérusalem. Chargé des crimes les plus énormes, la main de Dieu, pour lui donner encore le temps et le moyen de rentrer en lui-même, le frappe de plaies et des douleurs les plus vives. Antiochus reconnaît en efTet ses péchés, il les pleure, il fait amende honorable à la Majesté divine au milieu de son camp ; il fait les plus ma- gnifiques protestations de changement et de répa- ration, et il meurt dans ces agitations. En enten- dant tout cela, qui n'aurait pas cru qu'il était le premier pénitent du monde ? Néanmoins, parce qu'il n'était inspiré que par la pure crainte servile, comme sont la plupart des pécheurs qui diffèrent jus- qu'au dernier moment, l'Ecriture nous assure qu'il


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n'a obtenu aucune miséricorde, et qu'il est perdu. Un autre exemple plus moderne, et qui est bien fait pour nous inspirer du moins de reffroi, si nous nous abstenons de juger, c'est celui de Voltaire mourant. Quoiqu'il eût vécu dans une révolte continuelle contre son Dieu, il avait eu cependant dans quelques maladies certains sentiments de pé- nitence ; mais c'était surtout à la dernière qa*il attendait de déposer le fardeau de ses crimes et de ses attentats contre le Ciel. Il fait pour cela de- mander monsieur Gauthier, à qui il donne môme une rétractation de ses erreurs, datée du 2 mars 1782, en présence du marquis de Villevieille et de monsieur Mignot, son neveu ; elle est déposée chez le notaire Momet. Mais les jugements redoutables de Dieu permettent que ses funestes amis, Diderot et d'Aleml»ert, ne laissent pas rentrer le confesseur. Ils ne voulaient pas qu'il fût dit que leur coryphée eût rendu cet hommage à la religion. Dès ce mo- ment, Voltaire pendant deux fois vingt-quatre heures se livre aux accès de rage les plus effrayants: au rapport de monsieur Tronchin, son médecin, et de monsieur Duluc, il appelle de temps en temps Jésus-Christ, et puis un moment après il le maudit: il dit qu'il est abandonné de Dieu et des hommes; il déchire ses rideaux, il s'arrache les cheveux, ei se jette enfin sous son lit, où il expire en portant à sa bouche ses excréments mêmes : Comprenez ceci, vous qui oubliez Dieu ; prenez garde quun jour il ny ait plus moyen de vous arracher Centre les brof d'un Dieu vengeur.


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.tir ■• ■ .^ -• -^. , .

EXPLICATION

DE LA SEPTIÈME PLANCHE.

VoDS voyez dans cette planche une représentation touchante d'un homme juste qui vient de mourir. Tandis que l'on remarque un air féroce sur le vi- sage du pécheur mort, vous voyez au contraire la paix et la tranquillité peintes sur le visage de celui- ci ; il est mort, les mains jointes, tenant son cruci- fix et priant Dieu. Celui que vous voyez debout au pied de son lit, c'est son ange gardien, qui semble nous dire que ce chrétien va au Ciel parce qu'il a accompli toutes ses bonnes résolutions. Car en effet, c'est la constance dans la pratique des avii qu'on a reçus, qui opère la persévérance finale qui nous ouvre le Ciel. Vous voyez une image de la Mère de Dieu, envers laquelle il avait beaucoup de dévotion, et qu'il a tenue à son lit durant toute sa maladie, aussi bien qu'un livre de piété à côté de lui^ qu'il se faisait lire de temps en temps.

La représentation que vous voyez dans le haut, c'est Jésus-Christ dans sa gloire qui juge l'àme de ce juste qui est à ses pieds, les mains jointes. La sainte Vierge est là pour parler pour lui, parce qu'il a été un de ses serviteurs. C'est son ange gar- dien qui est derrière et qui le présente, en disant k Dieu qu'il l'a préfé?'é à tout. Ce spectre noir que vous voyez et qui se précipite en enfer, c'est le diable qui était aussi venu pour l'accuser; mais n'ayant rien pu montrer sur son livre qui ne fût expié et effacé, il s'en retourne en enrageant.


PL 7.



Etat crnsolard d'un juste à Vheure de la mort et au jugement de Dieu.

"Jonsoling state of a jUst man at the hour of death and at the Judgmei]i of God,


i


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C'est fini, ce juste n'a plus de larmes à verser, plus de dangers, plus d'enfer à craindre. Qu'une conversion sincère sera alors consolante ! vous qui lisez ceci, que vous serez heureux si vous finis- sez un jour de même. Adressez-vous donc à la Reine des Saints. Sainte Vierge...


Méditation sur la mort du juste.

1" Point. — Le juste mourant, dit saint Bernard, regarde la mort comme la fin de toutes ses peines. A celte heure il n'y a plus pour lui ni larmes, ni soupirs, ni travaux, ni périls ; l'hiver est passé, les orages ne se font plus sentir, la mort est pour lui un port tranquille qui le reçoit à l'abri des tem- pêtes. Il quitte le monde sans regret, parce qu'il n'y a pas été attaché ; il va paraître avec confiance au tribunal de Dieu, où le pécheur frémit d'aller se présenter. Ses bonnes œuvres l'y accompagne- ront, et il n'y a pas jusqu'à la plus petite de ses actions qui ne doive y recevoir sa récompense éter- nelle.

2* Point. — Le juste regarde la mort comme l'au- rore de son bonheur éternel, de ce bonheur qui surpasse toute intelligence, de cette joie éternelle qui n'aura jamais de fin. Le pécheur à la mort tombe tout-à-coup dans l'humiliation la plus ef- frayante ; mais le juste sent son courage se ranimer. La destruction de son corps fait sa joie, parce que, comme dit l'Apôtre, ce corps va être confié à la terre comme une semence pour la résurrection tt la gloire ; c'est sur ses ruines qu'il


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se sent élevé pour triompher et aller jouir dans le sein de Dieu de la félicité qui lui est promise. Oh î qu'une conversion sincère sera alors consolante pour le pécheur devenu pénitent et juste ! Nous pouvons tous être cet homme heureux. Dieu nous tend déjà les bras de sa miséricorde pour nous re- cevoir.

La résolution que vous prendrez donc dès ce mo- ment, c'est de penser, d'agir et de régler toutes vos affaires comme vous voudriez l'avoir fait à la mort, puisqu'il faut mourir absolument. Sainte Vierge..,


'Exemples.

On lit dans la vie des Pères du désert qu'un so- litaire averti de se préparer à la mort, parce qu'il n'y avait point d'espérance de le pouvoir guérir, répondit avec tranquillité à ceux qui lui donnaient ce charitable avis : "Je n'ai laissé passer aucun " jour de ma vie sans me préparer à la mort, con- sidérant que chaque jour pouvait être le dernier;

  • ^' ainsi, je suis tout prêt, et Dieu m'appellera

'* quand il plaira à sa divine volonté." Heureux donc le chrétien qui pourra en dire autant avec cette même confiance qu'inspire une vie passée dans le service de Dieu I

Un saint missionnaire, qui a beaucoup travaillé ces derniers temps dans les missions de la Chine, au rapport d'un de ses amis de retour en Europe, et directeur au séminaire des missions étrangères, pénétré de la rigueur des jugements de Dieu, avait eu continuellement pendant sa vie des alarmes sur


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la mort qu'il craignait tant, et ces saintes frayeurs il les épanchait dans le sein de son ami lorsqu'ils pouvaient se rencontrer. Frappé de la maladie qui l'a conduit au tombeau, son ami ne manqua pas de lui faire une visite, et avant sa fin, celui-ci lui ayant demandé s'il était toujours dans les transes de la mort comme autrefois. Ah I fort au contraire^ lui répondit l'homme de Dieu, je n* au- rais jamais cru qu*il fût si doux de mourir. Telle fui la réponse dejce mourant, qui, pour avoir vécu dans la crainte des jugements de Dieu, n'a pas manqué d'être assisté d'une manière plus particu- lière de sa grâce au jour de son extrémité.

Non, il n'est rien qui donne tant de confiance à l'heure de la mort, qu'une vie passée dans une constante observation de la loi de Dieu : c'est ce qu'éprouva encore, et ce qu'a témoigné à ceux qui assistaient à sa mort, un jeune homme au séminaire de Saint-Sulpice à Paris, qui avait été en effet le modèle des autres par sa fidélité aux règles. Avant que d'expirer, en présence de quelques condisciples qui se trouvèrent auprès de lui, levant les yeux au

Ciel, il s'écria comme le Psalmiste : Je me suis ré- joui dans ce qui m'a été dity nous irons dans la mai- son du Seigneur ; et, en achevant ces paroles, il ren- dit son âme paisiblement à son Créateur. Dieu nous fasse la grâce d'en pouvoir dire autant à notre mort 1


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m — - " ■ ■ .

EXPLICATION

DE LA HUITIÈME PLANCHE.

Ce que vous voyez dans cette gravure est bien propre à nous engager à faire de sérieuses ré- flexions. Vous voyez, hélas I tous les hommes as- semblés par le ministère des anges, pour être jugea au dernier jour. Les justes sont déjà à la droite de Jésus-Christ, juge souverain des vivants et des morts, et les pécheurs à sa gauche ; les uns avec des corps de gloire, et les autres comme des dé- mons, avec des corps si horribles qu'ils s'épou- vantent eux-mêmes : ceux-là ont la joie dans le cœur, et s'élancent vers Jésus-Christ ; et ceux-ci se désespèrent, et invoquent les abîmes de la terre.

Mais en même temps le ciel s'ouvre tout-à-coup, et voilà Jésus-Christ sur une nuée lumineuse pour venir prononcer la sentence. Les démons sont tout prêts pour enlever les réprouvés, et la cour céleste pour accompagner les élus. Les apôtres et les saints prêtres sont déjà élevés en l'air pour être as- sociés à la fonction de juges avec Jésus-Christ. Le souverain Juge, après avoir dévoilé les consciences, prononce l'arrêt éternel contre les réprouvés ; en- «uite il se retourne vers les justes, il les bénit, et les appelle à son royaume. Dans le même instant la terre s'entr'ouvre ; on voit l'enfer où les réprou- vés tombent pour une éternité, en présence des élus qui, au milieu des concerts célestes, suivent Jésus- Christ dans les Cieux, où ils vont régner dans tous les siècles. Dieu nous fasse la grâce d'y mériter une place I


PL S.



Faible représentation du fugement universel.

A slvjht représentation of the univeraal Judgmeiit,


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Méditation sur le Jugement déifier,

1" Point. — Méditons un instant sur les signes quî précéderont le jugement. La guerre allumée par- tout portera la terreur dans les cœurs. L'Anté- christ paraîtra alors sur la terre, et séduira les na- tions avec des prestiges si forts, que les élus mêmes en seront ébranlés : la famine sera si grande, que des femmes maudiront leur fécondité ; dès lors les tonnerres, les tremblements, les orages, la chute des astres, l'éclipsé du soleil et de la lune seront si effrayants, que selon l'expression du Sauveur, les hommes sécheront d'épouvante. Et saint Jean tout alarmé lui-même s'écrie par avance : Malheur pour lorSj malheur aux habitants de la terre I Enfin le feu allumé aux quatre coins de la terre consumera les villes et les habitations humaines, les hommes et tous leurs ouvrages. Pour lors ce sera tout fini; adieu, biens de la terre, adieu, plaisir du monde, adieu, les insensés qui se sont perdus avec eux. Telle sera déjà la première vengeance que Dieu tirera de la terre couverte des péchés des hommes.

2" Point. — Les choses étant ainsi, et tous les hommes étant morts, tout-à-coup les anges du Sei- gneur sonnent de la trompette aux quatre coins du monde et se font entendre jusque dans le sein de la terre et des mers ; les morts obéissent à la voix puissante; les justes ressuscitent avec des corps glorieux et l'allégresse dans le cœur ; les réprou- vés avec des corps horribles, le désespoir dans l'âme et la fureur dans les yeux, invoquant les montagnes pour en être écrasés. Mais pendant ces


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entrefaites les anges du Seigneur pressent les peu- ples dans la vallée de Josaphat, sous la montagne même du Calvaire, dont la vue ne sera pas un mé- diocre sujet de joie pour les justes et de désespoir pour les pécheurs; en même temps toutes les cons- ciences paraissent à découvert. Quel étonnement I hypocrisies, sacrilèges, abominations secrètes, in- justices inconnues, vous paraîtrez alors; péni- tences des solitaires, humiliations des justes, œuvres de charité que les hommes n'ont pas connues, votre jour de gloire est arrivé. Mais pendant ce moment, ô prodige ! tout-à-coup le Ciel s'ouvre, et le souve- rain Juge paraît dans les nues avec une grande majesté et puissance, en la compagnie de tous le» anges. Tout l'univers, la mer, les montagnes et les nations ont poussé un grand cri, dit un pro- phète. Un ange tient la croix lumineuse sur la- quelle est mort le Fils de Dieu pour le salut du monde, et saint Michel déploie dans les airs la ba- lance fatale. Enfin le Juge attendu depuis le com- mencement du monde est arrivé, sa marche fait frémir tout l'univers ; il est au-dessus des nations assemblées; il jette un regard, et déjà les bons sont portés à la droite, et les mauvais à la gauche ; les voilà séparés pour une éternité. Le fils sera sépa- ré de son père, l'épouse de son époux, et les voi- sins les uns des autres, et jamais plus ils ne seront ensemble, pour avoir vécu différemment. Quel fonds de réflexion sur ceux qui ne seront pas prêts alors, ne se préparant pas dès à présent! pensons-y un moment.

3^ Point. — Puisque nous devons tous passer par ce jugement, il est bien à propos de comprendre


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par avance quel sera ce juge avec lequel noua au- rons affaire. 4** Ce sera le Fils de Dieu, brûlant d'un désir infini de venger la gloire de son Père outragé par les péchés du monde. 2" Etant Dieu lui-même, il va faire sentir sa haine éternelle et infinie pour le péché, haine plus furieuse alors que tous les orages du monde, plus terrible que tout l'enfer. 3" Juge et partie, il va enfin tirer ven- geance des humiliations de sa vie, et des cruelles douleurs de sa mort, sur les pécheurs qui en sont les auteurs: autant sa patience a été longue, autant son bras va être pesant et terrible sur eux. 4° On ne pourra rien lui cacher ; c'est un juge qui a tout vu et qui sait tout, qui va montrer mille iniquités qu'ils n'ont pas su apercevoir eux-mêmes. 5* C'est un juge inflexible: les larmes et les sanglots seront inutiles ; sa miséricorde outragée, son sang qui a lauvé autrefois les hommes, demanderont alors leor vengeance ; le jour du pécheur sera pas- sé, celui de Dieu sera arrivé. 6° Il sera d'une si grande majesté, que tout dans la nature, et tous les peuples pcvusseront un profond gémissement. Pauvres pécheurs, que deviendrez-vous alors?

C'en est donc fait, la cause des hommes est déjà jugée. Alors Jésus-Christ, se retournant vers les pécheurs convaincus, avec des yeux plus terribles que l'éclair, et une voix plus effroyable que tous les tonnerraft, leur adresse ces effrayantes paroles déjà confi»^aées dans l'Evangile : Retirez- vous de moi, maudik, allez au feu éternel qui a été préparé au démon ut à tous ceux qui l'ont suivi. Ensuite, avec la voix d'un sauveur et les regards d'un tendre père, il «wiresse ces consolantes paroles


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aux élus : Venez y les bénis de mon Père, venez pos- séder le royaume qui vous a été préparé dès le com- mencement du monde. Il a dit, et dans un clin d'oeil, en présence des réprouvés, au milieu des concerts célestes, les élus avec Jésus-Christ s'élèvent dans les airs pour aller dans les Cieux régner éternelle- ment ; tandis qu'à la vue de cette gloire, la terre s'entr'ouvre, on voit l'enfer tout allumé, où les dé- mons précipitent les réprouvés au milieu des hur- lements effroyables, et les abîmes se referment sur eux pour une éternité. Dieu vous en préserve!

Exemples.

Celui-là est un insensé, qui étant instruit du jugement dernier où il faut qu'il comparaisse, n'opère pas son salut avec crainte et tremblement, Bogoris, roi des Bulgares, fut plus sage. Quoi- qu'instruit autrefois par des missionnaires qui lui avaient prêché la religion chrétienne, il était en- core idolâtre, et retenu par les faux plaisirs du monde. Par un effet de la Providence, un peintre chrétien à qui il avait donné la commission de peindre dans son palais la chasse la plus terrible en bêtes féroces, lui peignit au contraire le juge- ment dernier, le monde tout en feu, Jésus-Christ au milieu des tonnerres et des éclairs, l'enfer déjà ouvert pour les réprouvés, et les exécuteurs de la justice divine sous des formes épouvantables, et tout cela avec les autres circonstances du jugement dernier. Ce spectacle, auquel il ne s'attendait pas, lui fut dévoilé tout-à-coup, lorsqu'il fut achevé ; il lui fut expliqué avec énergie et une force aposto-


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llifuc. Bogoris étonné demeura un moment sans sentiments, et de suite il renonça à l'idolâtrie, et se convertit sincèrement, bien résolu de vivre dans la crainte du Seigneur le reste de ses jours. Or, je vous le demande, s'il ne s'élait pas converti, il se- rait également mort avec tous ses biens et ses plai- sirs; mais serait-il tranquille au jour terrible du jugement?

C'est la frayeur de ce jour épouvantable médité par saint Jérôme, qui lui fit quitter Home avec toute sa pompe et sa gloire ; eCfrayé de cette fatale trompette qui doit réveiller tous les morts, il laisse tout et s'enfuit dans la grotte de Bethléem ; et là, selon ce qu'il écrivait à un de ses amis, il se livrait à toutes les austérités de la pénitence la plus effray- ante. Tous les jours des larmes, tous les jours des gémissements ; sa peau, rembrunie par les ardeurs du soleil, était collée à ses os ; son corps n'était plus qu'un squelette vivant, et les mains armées de cailloux, il en frappait sa poitrine pour y éteindre jusqu'aux étincelles d'un feu étranger, et y allumer celui de son Dieu. La trompette du jour effrayant y ajoutait-il, sonne déjà à mes oreilles : il me paraît déjà l'entendre à chaque instant. Telles étaient les saintes et sages précautions qu'il prenait, et qui lui vaudront le bonheur de voir un jour avec confiance le Fils de Dieu descendre du Ciel, pour le juger et le couronner.


Notice sur les peines de l'Enfer.

Qu'il y ait en enfer la peine terrible du feu, il 6uffit d'être chrétien pour le savoir et en êtrç


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effrayé. Jésus-Christ, dans saint Matthieu, nous dit qu'il y a un feu qui ne s'éteindra jamais. Et il nous apprend qu'au jour du jugement il adressera ces effrayantes paroles aux réprouvés : Allez, maudits , dans un feu éternel. Auparavant, le prophète Isaïe avait annoncé aux pécheurs qu'il y avait un feu qui les tourmenterait un jour, lorsqu'il les avertit de la part du Seigneur, qu'wn feu est allumé dans sa fureur, quil brûlera jusqu'au plus profond des abîmes, et lorsqu'il les interroge s'ils pourront un jour habiter avec un feu dévorant.

Mais quel sera ce feu ? les Ecritures semblent aussi nous l'indiquer, lorsqu'Isaïe nous dit qu'il sera ténébreux, pour donner plus d'horreur, et pour enlever aux réprouvés jusqu'à la sensation de Ja lueur; et que la terre qu'habiteront les pécheurs sera toute changée en une poix ardente ; lorsque le saint homme Job nous dit encore que l'enfer est un lieu dJ horreur oh il n'y a que désordre éternel. Ce sera un feu ingénieux, dit saint Augustin, qui saura tourmenter le pécheur par là même où il aura péché; qui le consumera et le conservera tout à la fois éternellement. Le prophète Jérémie nous dit que la nournture du pécheur sera V absinthe, et le fiel, son breuvage ; tandis que les mêmes Ecri- tures nous parlent ailleurs des dragons, des ser- pents de feu, et des vers rongeurs qui le tourmen- teront. Mais quoi qu'on en puisse dire, il est cer- tain que toujours ces, figures seront au-dessous de la réalité, puisque ce sera un Dieu tout-puissant qui y rassemblera tous les maux sur la tête des réprouvés^ comme il nous en avertit lui-même.


PI g.



Peinture Veglre de Vètat épouvantable et éternel d\in pécheur dans V enfer.

Afaint picture ofthe dreadful and ever- lasting state of a sinner in hell.


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EXPLICATION

DE LA NEUVIÈME PLANCHE.

La représentation que vous venez de voir vous a effrayé, vous avez bien raison de l'être ; ce n'est cependant qu'une peinture bien faible d'un réprou- vé qui éprouve et éprouvera éternellement, en enfer, la fureur terrible d'un Dieu irrité et ven- geur. Vous voyez le feu qui le dévore, et qui le pénètre jusque dans l'intime de son être ; les ser- pents et les dragons qui s'unissent aux flammes pour venger Dieu ; les démons qui s'acharnent à le tourmenter, à se jouer de ses supplices, et qui ne le lasseront jamais. Mais remarquez comme il grince des dents, ainsi que nous dit Jésus-Christ dans l'Évangile, avec quelle fureur il regarde le Ciel, où il ne pourra jamais aller: il pousse des hurlements de rage qui se font entendre dans tout l'abîme ; il se déchire, il maudit Dieu et le jour de sa naissance ; mais quand il pense que toute l'éter- nité il sera là, et qu'il n'y aura jamais de fin pour lui, ah ! c'est alors que ses cris redoublent ; celte cruelle pensée lui soulève la tête, et il ne peut s'en délivrer. Regardez et frémissez pour votre compte ; c'est là que va le plus grand nombre, c'est là qu'il en tombe sans cesse ; que les rochers, que les mon- tagnes pleurent donc ce malheur, si les hommes y ••ont insensibles.


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Méditation sur V Enfer,

1" Point. — Considérez que dans l'enfer un ré- prouvé a perdu son Dieu pour jamais. C'est fini, cette beauté toujours ancienne et toujours nouvelle, qui fait les délices du Ciel et pour la jouissance de laquelle notre âme est formée, non, jamais il ne la verra. Ces délices ineffables qui inondent l'âme des bienheureux, ne seront jamais pour lui. cruel désespoir I son âme étant dépouillée de tout objet créé, se trouve dans un vide affreux ; elle sa porte vers Dieu comme vers sa fin dernière et soa souverain bien, avec une impétuosité inconcevable. Le réprouvé sent, et sentira toute l'éternité une force invincible qui le repousse, et qui lui dit comme David au perfide Absalon : Qu'il ne voie pat ma face. Et dès lors ses désirs se changent en fu- reur. Jamais il n'entrera donc dans ce beau para- dis que Dieu a préparé dès le commencement du monde, jamais il ne se trouvera à la compagnie des saints, ces âmes les plus aimables de toutes celles qui ont existé depuis le commencement du monde. Il regarde le ciel, il pâlit, il grince des dents, il se représente que tandis qu'il brûle les bienheureux se réjouissent au-dessus de lui. A cette pensée, il hurle, il se roule dans les brasiers; et c'est ce qu'il fera toute l'éternité.

2® Point. — Une autre peine du réprouvé en enfer, est celle des sens, et principalement celle du feu qui le dévore totalement, car il n'est que feu lui- même au dedans et au dehors. Mais quel est et feu de l'enfer ? ce n'est pas seulement un feu allu-


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mé dans le calme de la toute-puissance de Dieu qui est néanmoins infinie, et ce qui est déjà inconce- vable, mais un feu, dit Isaïe, allumé dans la fureur d'un Dieu irrilé qui veut une satisfaction, un feu qui brillera jusqu'au fond des abîmes. Les feux de ce monde les plus horribles n'en sont qu'une légère peinture. Tous les autres tourments se réunissent encore dans le réprouvé, ajoute l'Ecriture : la faim enragée, la soif ardente, le désespoir, le ver ron- geur ; de plus la puanteur, les spectres affreux, les horribles fracas joints aux malédictions et au déchi- rement réciproque des autres réprouvés, nous disent encore les saints Pères. Enfin Dieu, comme il nous le dit lui-même, puisque le pécheur s'est joué de lui sur la terre, loin de se laisser toucher, se réjouira à son tour de tous les tourments du ré- prouvé ; il enivrera pour ainsi dire ses armes dans son sang.

3° Point. — Mais un troisième enfer dans cet enfer même qu'endurera le réprouvé, ce sont les affreuses réflexions qu'il sera forcé d'y faire. Hélas ! dira-t- il, je suis damné par ma faute: il m'était si facile

de faire une bonne confession de restituer

pourquoi n'ai-je pas fait ce que tant d'autres ont bien fait ? je me suis perdu pour un rien ; à peine me rappelé-je d'avoir été sur la terre à laquelle je me suis attaché, au lieu de m'attacher à Dieu, ef me voilà damné.... Ah ! si du moins mes larmes pouvaient enfin apaiser la colère de Dieu irrité ; si après des millions de siècles il y avait un terme à tant de malheurs î mais non, je ne puis rien espé- rer, je suis donc là pour une éternité qui reconi- menceri toujours,


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Telles sont les affreuses réflexions qui sont ren- fermées dans la tête du damné, et dont il ne peut se délivrer; telle est cette horrible éternité, dit Tertullien, dont le réprouvé sent tout le poids à chaque instant, et qu'il portera à tous les instants de cette éternité. Horrible pensée, qui au milieu d'un abîme de malheurs lui fait endurer un autre abîme de tourments. En un mot, tourments de Tenfer si grands, si terribles, que si les vivants les voyaient un instant, ils sécheraient sur la plante des pieds et mourraient tous d'effroi. Après cela, la conscience ne doit-elle pas vous dire quelle résolu- tion vous devez prendre?


Exemples.

Rien de plus efficace pour se préserver du péché, que de se pénétrer de la pensée des peines éter- nelles. Un solitaire se sentant attaqué d'une vio- lente passion, ne se contenta pas seulement de pen- ser au feu de Tenfer, mais il se brûla les doigts à une chandelle, en se disant à lui-même : Hé quoi ! si tu ne peux soutenir ce feu de la terre, qui nest qu'une peinture de celui de l'autre vie, comment pour- ras-tu soutenir celui de V enfer pendant V éternité, ce feu qui est allumé dans là fureur et la toute-puis- sance de Dieu ? Il n'en fallut pas davantage ; en disant cela, il se sentit délivré de ce violent assaut que lui faisait le démon de Tirapureté. C'est aussi de ce feu, du moins c'est de cette pensée que tout chrétien devrait se pénétrer dans ses tentations, et il ne serait pas dans le cas de sentir un jour celui de l'enfer.


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Au chapitre xxiii de sa vie, sainte Thérèse, dont le^ écrits sont généralement respectés, nous ra- conte que Jésus-Christ hii lit voir et sentir un jour la place en enfer (ju'elle avait méritée dans sa jeu- newe, pour quelques dissipations qne le monde n'appelle que des légèretés. Ses tourments y furent si grands, et cette place lui parut si affreuse, qu'elle en parle ainsi: "Je demeurai si épouvantée, et je

  • ' le suis encore tellement en écrivant ceci, que bien

" qu'il y ait près de six ans, il me semble néan- " moins que la chaleur naturelle me manque par

    • la grande crainte qui me saisit.... Notre naturel

'* nous convie d'avoir compassion d'une personne " affligée d'un grand tourment, cela nous serre et " nous tourmente ; que sera-ce donc de voir une " âme dans le plus étrange et le plus horrible de

    • tous les travaux, pour être tourmentée toute une

'* éternité?.... je ne sais donc comment nous pou- " vous nous apaiser, voyant tant d'âmes précipitées " dans cet abîme, que le diable entraîne tous les

    • jours avec lui."


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EXPLICATION

DE LA DIXIÈME PLANCHE.

Chrétiens spectateurs, ce que vous voyez dans cette planche ne doit pas peu vous animer au bien ; cette personne que vous voyez dans le haut, n'est ^"ue l'ombre d'une âme bienheureuse qui est au del. L'innocence, la sainteté, le ravissement, la joie, l'allégresse et l'extase sont peints sur son vi- sage céleste ; elle contemple Dieu qui fait couler en elle des fleuves de délices. Oh ! qu'elle est heureuse 1 elle a trouvé celui qui fait la félicité des élus... cette beauté toujours ancienne et toujours nouvelle. Elle n'est pas moins glorieuse : la splendeur, la beauté ravissante de Dieu, l'éclat de son trône rejaillissent sur elle, et la rendent elle-même toute lumineuse et resplendissante. Les esprits célestes la félici- tent et s'entretiennent avec elle des perfections et de la gloire de leur bien-aimé. Les peines, les larmes, la mort n'aborderont jamais ce lieu du bon- heur éternel.

Ce que vous voyez dans le bas, n'est encore qu'une ombre du purgatoire, et des peines qu'en- durent les âmes qui y sont condamnées : le feu qui les dévore est le même que celui de l'enfer, dit saint Thomas ; le temps qu'elles doivent y rester est en proportion de leurs fautes ; il peut être même de plusieurs mille ans, dit Bourdaloue, parce que l'Eglise accorde des indulgences de cette durée. Voyez-vous comme elles s'élèvent en haut pour


PI ro.



'v>v;-Av\Mir- ' -i If 'iii^i'i^k'i'k.'/


Peinture lêglre de Vètat bienheureux et étemel d'un chrétien qui est sauvé.

Afaint picture ofthe happy and etemal staie of a Christian soûl saved.


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aller jouir de leur Dieu, et sortir du brasier ? mais elles sont repoussées et retenues jusqu'à ce qu'elles aient satisfait à la justice terrible de Dieu ou jus- qu'à ce que vous ayez payé pour elles sur la terre, par vos aumônes, vos prières et vos communions, par le saint Sacrilice surtout, et vos indulu:ences : leurs anges gardiens viendront alors les tirer et les conduire au ciel, où elles se rappelleront le service que vous leur aurez rendu.


Méditation sur le Paradis,

4" Point. — Représentez-vous être au milieu d'une nuit silencieuse et paisible, le ciel étant émaillé d'étoiles, et considérez quelle est la paix que l'on goûte dans le séjour des élus. Les larmes que les ierviteurs de Dieu ont versées sur la terre y sont essuyées en entrant ; les afflictions et les chagrins sont bannis de ce lieu fortuné, les misères hu- maines n'y sont pas connues, et la mort, la triste mort n'entrera jamais dans ce beau Ciel. C'est un séjour de repos et de paix ineffable que Ton goûte en la compagnie de tous les Saints, dans le sein de Dieu, ce tendre père, avec la délicieuse assurance que ce bonheur ne sera jamais ravi. Le corps même y aura sa gloire ; car Jésus-Christ nous dit \m-méu\Q ({WQ les justes brilleront comme des soleils dans le royaume de son Père. Quel bonheur après les langueurs, les peines et les amertumes de notre exil !

2® Point. — Mais quel sera ce bonheur en lui- même? La parole de l'homme ne peut le dire. La


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récompense que Dieu prépare à ceux qui raîment, dit saint Paul, va plus loin que nos pensées et nos désirs que rien ne peut satisfaire en ce monde. Le martyre souffert chaque jour pendant cent ans, nous dit saint Jean Chrysostôme, ne peut la méri- ter ; ce serait encore l'avoir pour rien, que de l'a- voir à cette condition. Ce bonheur sera celui de voir Dieu, cette beauté dont la face adorable ré- jouit tout le Ciel ; ce Dieu infini en qui les bien- heureux verront des merveilles toujours nouvelles à chaque instant de Téternité ; le bon Dieu, cet abîme de perfections ravissantes qui rassasient en même temps, et excitent toujours plus la soif de l'amour divin ; ce Dieu aimable du sein duquel découlent dans Tâme du bienheureux des fleuvei de voluptés inénarrables ; ah! ce Dieu, cet abîmt de gloire et de splendeur dont l'éclat rejaillit avec profusion sur tous les habitants de cette cité cé- leste, dont un seul rayon fit tomber par terre comme évanouis les trois disciples sur le Thabor, et leur fit oublier même les besoins de la vie. O mon Dieu, montrez-nous donc votre face un jour, et que votre règne nous arrive, et nous serons heu- reux !

S** Point, — Selon l'apôtre saint Jean, les portes de cette cité sont de pierres précieuses, d'émeraudes et de saphirs; les maisons en sont d'un or très-fin, et les rues, comme de cristal. On y voit l'humanité de Jésus-Christ triomphante sur son trône de gloire ; mais quelle gloire Dieu le Père ne lui accorde-t-il pas après les travaux de sa vie et les tourments in- finis de sa passion ! Salomon, par l'éclat de la sienne, ravit d'étonnement la reine de Saba : que


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sera-ce pour noui de voir celui dont il n'était que l'ombre? que sera-ce pour nous de partager son empire, sa splendeur et son bonheur, en qualité de cohéritiers? Que sera-ce devoir la sainte Vierg^e, que Dieu veut tant honorer, de voir les Saints, d'être eu la compagnie des Saints qui sont tous ani- més du même esprit, et d'être saint soi-même? Les damnés désireront éternellement ce bonheur, et jamais ils ne pourront en jouir; et si après mille et mille ans de tourments soufferts, ils pouvaient espérer d'entrer dans ce beau ciel et d'y voir et aimer un moment Dieu, ils seraient consolés. enfants des hommes ! jusqu'à quand courrez-vous donc après la vanité et le mensonge sur la terre? prodige de ténèbres et d'endurcissement dans les hommes qui en sont si peu touchés !

Résolution. — Nous sanctifier plus que jamais dès cet instant, par la fuite de l'ombre même du péché, et par l'acquisition et la pratique de telle et telle vertu qui nous manque. Sainte Vierge....


Exemples.

Thomas Morus, grand-chancelier d'Angleterre, précipité au fond d'un cachot à cause de son atta- chement à la religion catholique, ne tarda pas à y être mis à une seconde épreuve plus forte. Sa femme, les cheveux épars, les larmes aux yeux, et tous ses petits enfants avec elle, vint lui dire que 8*il voulait se relâcher un peu de sa fermeté, il au- rait toutes les bonnes grâces du roi, et qu'il se sau- verait, lui et toute sa famille. Tandis qu'elle le

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conjurait avec larmes, il lui dematiaa pour com- bien de temps elle croyait qu'il pourrait jouir de tout cela: Vous êtes encore dans le cas, lui répon- dit-elle, d'en jouir au moins vingt ans. « Allez, lui » répondit Morus, vous êtes une insensée, je ne » suis pas si dupe que de faire un marché sem- » blable, de vouloir perdre Dieu et le bonheur » éternel du ciel pour si peu de temps et si peu de » chose. »

Adrien, jeune soldat, étonné de la constance des martyrs au milieu de tant de supplices affreux, leur en demanda la cause, et quel bien ils espé- raient donc. « Ah ! lui répondirent-ils, nous espé- » rons des biens si grands dans le Ciel, que quand » nous aurions mille vies, nous les donnerions » toutes pour ce bonheur. » Ce jeune soldat, frap- pé de cette réponse, se déclara aussi chrétien, et eut la fermeté de souffrir à son tour le martyre pour la cause de Jésus-Christ, afin de jouir de cette félicité. Or, c'est un bonheur qui nous est promis à tous, et nous ne pouvons y aller que parle même chemin, qui est celui de préférer Dieu à tout. Qu'attendons-nous donc, puisqu'en trouvant déjà sur la terre notre félicité dans le service de Dieu, par surcroît nous aurons encore le ciel pour un* éternité?


PL Tï.



Le terme des vanités humaines, ou ^tat lugubre d^un squelette e/j^peib OAiX rifiecdone des vivants.

The end ef httman vaniéy ; or, nummful state of a skeleton expoded to the thoughts ofthe livmg.


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EXPLICATION

DE LA ONZIÈME PLANCHE.

Vous voyez dans lareprcscntatioQ précédente un caveau sombre, où est entré un jeune homme pour voir encore une fois celle pour qui il avait eu une passion démesurée, et qu'il regrettait encore plu- sieurs mois après sa sépulture : il découvre la tombe, et à la faveur du flambeau qu'il a apporté, il voit sa créature ; mais quelle créature? ô Dieu! un squelette hideux, un reste de chair puante, une tête que les vers se sont dépêchés de décharner, et même un serpent qui en sortait à ce moment. A ce spectacle il recule d'efTroi, et s'en retourne épouvanté; il va faire des réflexions sur le néant et la vanité du monde, sur le prix du salut, et le bonheur de ne s'attacher qu'à Dieu seul, cette beauté immortelle ; et puis tout-à-coup se précipi- tant à genoux, il implore la grâce de Dieu, il ré- pand des larmes de repentir et de conversion, et il va se jeter dans la solitude où il se livre à la péni- tence, et passe ses jours non pas dans les agitations cruelles du monde qu'il a quitté, mais dans le ser- vice de son Dieu, qui lui fait goûter une paix que le siècle ne donne pas ; et quelque temps après cela, il a le bonheur de faire une mort précieuse.


Méditation sur le néant et le malheur des biens du

monde,

1'^ Point. — Pour juger sainement de la valeur des biçDs du monile, il faut aller vers le lit d'un riche


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qui vient de mourir. A sa mine triste et sérieuse, il semble nous dire qu'il a été attrapé pendant sa vie, et qu'il est détrompé à présent de sa malheu- reuse folie. Insensés, nous dit-il avec le prophète, jusques à quand, vous qui êtes encore sur la terre, l'esprit aveuglé, courrez-vous donc après le néant et l'erreur? Hélas ! je ne l'ai que trop appris par mon expérience, que ce que par le plus grand de tous les mensonges on appelle les biens du monde, fait la folie et le malheur des hommes. Cependant ces biens ne s'acquièrent qu'à force de tourments, ils ne se conservent qu'avec des angoisses étranges, et il faut les quitter avec le regret le plus cuisant ; à peine les tient-on, qu'il faut partir encore plus vite qu'eux ; malgré toutes les attaches du cœur, il faut s'en arracher, et être jeté tout dépouillé dans la terre. Mais ce n'est là que le commencement des maux, et je ne le vois que trop à présent dans la région de la vérité, continue de nous dire cet homme étendu sur son lit. Ce que vous appelez biens de la terre, n'est à proprement parler qu'un funeste amas de serpents masqués qui donnent la mort à 3elui qui les tient, ils sont la racine empoi- sonnée de tous les maux. Par suite de l'étrange corruption des hommes, ils ne deviennent qu'un filet bien fatal où les démons font tomber les âmes, et les précipitent dans la mort éternelle par les pé- chés innombrables qu'ils leur occasionnent. Si vous voulez le mieux sentir, allez découvrir la bière de ce riche qui a été caché dans la terre depuis quelques années, et voyez en effet ce qu'il tient dans les mains ; ou plutôt descendez en enfer, et demandez à cet autre riche qui y brûle depuis dix-


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huit cents ans ; il vous dira encore mieux que moi ce que valent les biens du monde pour son mal- heur ; tandis que d'un autre côté Jésus-Christ dans l'Evangile fait entendre à tous les hommes ces ter- ribles paroles : Vœ divitibus, malheur aux riches. 2" Point. — Le moyen d'échapper à celte effroyable menace du Fils de Dieu, c'est premièrement de pos* séder les biens de la terre avec un cœur détaché, c'est-à-dire avec un cœur souverainement plus atta- ché à Dieu et à son salut, et cela jusque dans la pauvreté, puisque dans cet état, l'on peut être atta- ché à des riens d'une manière même criminelle ; 2° de se préserver de tant de péchés que les biens de la terre font commettre, des jurements, des haines, des injustices, des chicanes, des impa- tiences, et de la dureté envers les pauvres ; 3* de faire un usage chrétien des biens qu'on possède, en élever chrétiennement la jeunesse, soulager les pauvres de tout son superflu, orner les temples du Seigneur, aider à élever des pasteurs pour l'Eglise, etc. Enfin ne jamais passer les bornes de son état, vivre dans une sainte frugalité, pour se préparer à rendre compte des biens qu'on a possédés; voilà aussi vos résolutions. Sainte Vierge....

Exemples.

Charles-Quint avait coutume de faire porter un cercueil partout où il allait, sans qu'on sût ce que c'était ; il le faisait mettre la nuit dans sa chambre, et disait à ceux qui lui demandaient ce que c'était, que cela devait lui servir un jour pour une afiTaire qu'il méditait. Chaque soir il s'y couchait en effet, et il y méditait sur la mort afin de ne pas se laisser


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éblouir par la gloire et les faux biens de ce monde, et pour y apprendre ce que nous serons bientôt nous-mêmes. C'est ainsi qu'il se préparait à faire une bonne mort en la prévenant. Pourquoi n'y penserions-nous pas nous-mêmes tous les jours, puisque c'est un pas qu'il nous faut faire, et que si nous le faisions mal, ce serait un terrible faux pas pour une éternité entière ?

La foi nous suffit pour nous convaincre de l'autre vie, et de la résurrection de nos corps ; mais l'ex- emple suivant nous mettra cette vérité comme sous les yeux. Le fait est authentique, et il est cirrivé en présence de toute une ville assemblée en plein jour pour cela. Saint Stanislas, évêque de Prague, attaqué en justice de ce qu'il s'était mis en posses- sion d'un fonds de terre en faveur de son sémi- naire, et de ce qu'il ne pouvait produire aucun titre légal pour se défendre, ne demanda que trois jours de jeûne et de prières auxquels il invita soe peuple, et promit de faire comparaître le donateur décédé depuis trois ans. Au jour et au moment marqué, toute l'église remplie de monde, après le saint sacrifice de la messe, il va sur le tombeau de cet homme nommé Pierre ; au nom de Jésus-Christ, il l'évoque, et l'adjure de venir dire la vérité en justice. Mais, ô prodige ! dans l'instant le mort obéit à la voix du Saint ; il se lève et suit Tévêque en maison de ville, où il fait sa déposition en sa faveur, et puis se rendort dans le Seigneur, en at- tendant le jour de la résurrection générale. Il y a donc une autre vie, nous ressusciterons donc ; qu'attendons-nous de nous y préparer, et de tout faire pour un temps aussi long que celui de l'éter- nité?


PL 12,



Les tentations du Démon. The temptationr • che DeviL


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EXPLICATION

DE LA DOUZIÈME PLANCHE.

Ce que vous voyezdans cette planche n'est qu'une représentation bien faible de ce qui se passe partout invisiblement dans le monde. La guerre que les démons font aux âmes est continuelle; quand le jour ne suffit pas, ils emploient la nuit, selon les supplications que l'Eglise met dans la bouche de ses ministres tous les soirs. Si un démon ne réus- sit pas, l'Evangile nous dit qu'il en appelle sept autres plus méchants que lui, et sainte Thérèse nous ajoute que tout l'enfer accourt quelquefois pour arrêter celui qui veut avancer dans les voies de la sainteté. En un mot, chaque âme a un lion rugissant qui rôde autour d'elle pour la dévorer. Selon la vision d'Isaïe et celle qu'a eue le célèbre saint Antoine, vous voyez dans la partie inférieure de 2ette planche un filet que les démons ont étendu sur toutes les nations ; il n'y a que très-peu d'âmes qui échappent, ei c'est en montant sur la pierre ferme qui est Jésus-Christ, et en étant armées de sa croix. Effectivement, S. Antoine nous ajoute qu'il ne vit s'en dégager que quelques-unes qui étaient humbles et ferventes.

Ensuite, dans la représentation qui est au-dessus de celle-là, vous recevrez plus d'une leçon sur les pièges que vous tendent ces ennemis déclarés. Vous y voyez un pauvre chrétien placé dans le dé- sert du monde, entre un ange qui veut le sauver, et un démon qui veut le perdre en le faisant tom-


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ber dans le péché. Vous voyez qu'il lui présent» une bourse et une bouteille pour l'attirer par la eu pidité et les plaisirs de la table; mais il a bien soie de cacher les épines qui sont derrière, et qui ac compagnent toujours les faux plaisirs du monde. Pour mieux réussir il s'est associé un autre démon qui s'étudie à lui porter un coup mortel au cœur, en le faisant consentir au péché. Mais remarquez la ruse de l'esprit de ténèbres : pour mieux réussir dans son affreux dessein, il a posté la mort derrière un buisson, et il se met encore entre elle et lui, afin qu'il n'y pense point, car il sent bien que la pensée de la mort le rendrait sage ; l'autre démon en fait autant à l'égard de l'enfer qui est derrière lui, afin que les hommes ne le prévoyant point, y tombent plus sûrement. L'ange gardien de ce chré- tien fait tout ce qu'il peut pour le détromper et le sauver ; il lui présente d'une main la croix afin qu'il y ait confiance, et de l'autre il lui montre le ciel et la.couronne qui lui est préparée s'il combat généreusement. Dieu vous en fasse la grâce I


Méditation sur les ennemis invisibles de notre âme.

i" Point. — La rage du démon contre notre âme n'est rien moins que celle d'un lion en fureur qui ne se repose jamais, et qui cherche à nous faire périr par quelque endroit ; il se tient en embus- cade, disent les Ecritures, et il épie le moment et l'endroit le plus faible pour nous surprendre. Notre âme est un vaisseau au milieu des tempêtes les plus horribles ; hélas ! que le pilote s'abandonne un


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instant, ou qu'il perde la tête, le vaisseau est en- glouti dans les abîmes; car ces ennemis de Dieu et de^ âmes ne laissent tranquilles que celles qu'ils se sont déjà assurées dans leurs pièges. Jésus- Christ lui-même nous représente le démon comme agitant les âmes dans un crible avec force pour éprouver le bon grain, et précipiter dessous tout le mauvais, qui, hélas! se trouve en beaucoup plus grand nombre, c'est-à-dire, les âmes viciées par le péché et les mauvaises habitudes.

Les pièges du démon sont innombrables, et d'une adresse si subtile et si effrayante, qu'il ne faut rien moins que le secours du Ciel, et souvent un secours extraordinaire pour s'en tirer ou les éviter ; il fascine, il éblouit, il exalte, il trompe l'imagina- tion, il porte au cerveau des humeurs noires et sombres pour décourager ; il excite les passions, la Boif dans les intempérants, l'appétit dans les disso- lus, et des illusions obscènes dans les lascifs. Si vous priez, dit le célèbre M. Boudon, c'est alors précisément qu'il introduit dans votre imagination ce qui vous a affecté dans le jour, ou ce que vous avez à faire. Ecoutons là-dessus saint Léon pape (1), et nous aurons une idée plus juste encore de ses pièges. « L'ancien serpent, dit ce père, se » transfigurant en ange de lumière, ne cesse d'é- » tendre ses pièges partout ; il connaît à coup sûr » les âmes qu'il peut enflammer par les attraits de )) la cupidité, ou par les amorces de la sensualité ; » celles qu'il peut surprendre par les tentations de » l'impureté, ou empoisonner du venin de la ja-


(1) Sermon 16^ DeNat,


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» lousie ; il ^ait aussi parfaitement celles qu'il faut » ébranler par la crainte, et qu'il faut séduire par » la flatterie et les louanges ; et pour cela, il étu- )) die les habitudes de chacun, il épie ses projets^ )) et surtout il s'attache à découvrir ses inclinations, » c'est précisément là où il connaît la passion do- » minante, qu'il dirige tous les artifices pour per- » dre une âme.»

« Les malins esprits, ajoute saint Grégoire, s'ap- )) pliquent avec toute la ruse des voleurs,, à occu- )) per toutes les avenues du sentier du salut, pour » nous dépouiller. »

Oh ! combien n'est-il pas à craindre même pour les âmes qui veulent travailler à la gloire de Dieu, ou qui veulent avancer dans la piété ! il exalte leurs œuvres dans leur esprit ; comme un ange de lu- mière, il va jusqu'à donner des pensées sublimes dans l'oraison, et par un faux zèle, à faire entre- prendre quelquefois des choses qui sont belles en apparence. En un mot, il renverse tout pour perdre une pauvre âme, et quand il ne peut plus par lui-mêmC;, il suscite des tentateurs parmi nos semblables ; bien plus, comme il fit à l'occasion de Job, il se présente sans cesse devant Dieu pour ac- cuser les âmes, pour demander de nouvelles épreuves et des punitions en conséquence de leurs infidélités à la grâce. Qui sait même si cet état d'amélioration qu'éprouvent plusieurs malades avant de mourir, ne vient pas quelquefois de l'en- nemi du salut, qui demande encore cette nouvelle et dernière épreuve contre lui, pour le porter à se départir, dans l'espoir d'une guérison, des résolu- tions qu'il avait prises, et le surprendre s'il prut dans cet état?


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Enfin, à la mort des justes surtout, il redouble ses efforts, et il n'y a pas jusqu'aux saints qu'il n'essaie encore d'ébranler alors. Saint Martin et sainte Thérèse sont obligés, à leur dernière heure, de faire leurs efforts pour le conjurer: Retire-toi, cruelle bête, lui disait alors celui-là, retire-toi, tu ne trouveras rien en moi qui t'appartienne. Dieu nous fasse la grâce d'en pouvoir dire autant alors, et pour cela, méditons les avis suivants.

2® Point. — Les moyens de parer les coups de la rage infernale des démons, selon Jésus-Christ et les saints, sont d'abord la vigilance, l'observation habituelle sur son esprit, sur son cœur, et sur tous les sens de son corps par où ils cherchent à faire entrer la mort du péché ; aussi le Sauveur du monde, la nuit avant de quitter les hommes, leur a laissé ce grand avis : Veillez et priez , parce que le malin esprit est prompt j et r homme n'est que fai- blesse.

Le second préservatif, c'est la prière bien faite, comme Jésus-Christ vient de vous le dire, et une prière fréquente, comme il a ajouté : le démon craint une âme qui sait prier, dit saint Augustin ; aussi, c'est dès qu'une personne néglige la prière qu'elle devient plus faible. Le troisième, c'est l'hu- milité, parce que le démon est le père de l'orgueil : saint Antoine se croyait perdu dans les attaques du démon qui allait l'éprouver, lorsqu'il lui survenait une pensée d'orgueil (1). Le quatrième, c'est Ta-


(1) Un trait bien propre à faire sentir que l'humilité est le principal moyen de vaincre le démon, c'est la réponse que cet ennemi des âmes fit lui-même dans un exorcisme sur


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mour de Jésus-Christ ; c'est cet amour que fit va- loir sainte Thérèse à Theure du dernier combat. Le cinquième, c'est l'obéissance à un sage direc- teur, de se défier de ses propres lumières, et de s'en rapporter fidèlement et avec constance à ses avis. Le sixième, c'est la mortification intérieure et extérieure, c'est-à-dire celle de sa mauvaise vo- lonté et de son corps, en se préservant de tout ex- cès et même de toute sensualité. Il y a un genre de démon, dit le Sauveur, qui ne se chasse que par le jeûne et par la prière. Le septième moyen c'est l'assiduité à recevoir Jésus-Christ, et à le visiter dans le Saint Sacrement de l'autel. Enfin, à tous ces moyens ajoutons la dévotion envers la sainte


Marguerite Darchimoles, possession reconnue pour authenti- que par le savant Nicolas Sevin, évêquede Gahors, ainsi que parles tribunaux civils qui en condamnèrent les maléficiers. Le Père Quingui, après l'avoir conjuré inutilement depuis longtemps, lui ordonne de sortir par les mériies de saint Vincent de Paul, dont les vertus faisaient grand bruit en ce moment : Tais-toi, tais-toi, lui dit alors ce démon dans la personne possédée, en lui sautant «lu cou ; mais pressé par de nouvelles conjurations, il finit en lui disant: " Vincent

    • s'est nourri sur la terre d'un aliment qui est le poison de

"l'enfer: c'est le néant, c'est l'anéantissement de soi- -même. C'est de ce néant que Vincent a vécu, et il vit " aujourd'hui delà plénitude delà grâce; il fait mourir au '* monde, il fait vivre à la grâce." A ces paroles le Père ré- plique*: Etiamsi sis pater mendacii, dixisti verum ; c'est-à- dire, quoique tu sois le père du mensonge, tu viens de dire la vérité. Ah ! réplique encore le démon, que je voudrais bien avoir menti !

CVie de S. Vincent de P. par M. Collet, 1,9, p. 531.)


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Vierge. L'invocation de la Mère de Dieu, dit le B. Alain, met en fuite les démons, et leur fait lâcher prise. Voilà aussi vos résolutions ; faites cela, vous vivrez, et vous sortirez vainqueur du combat ; il ne sera pas long ; mais la couronne sera éternelle.


EXEMl'LES.

Un ennemi inconnu est beaucoup plus dange- reux, ses pièges sont plus funestes : recueillons donc quelques traits authentiques où le démon pa- raisse évidemment. Or, sans parler de mille en- droits où l'Ecriture Sainte nous le découvre, recon- naissons le diable dans ce récit de sainte Thérèse. « Etant un jour dans l'oratoire, dit-elle au chapitre » 31 de sa vie, le diable m'apparut au côté gauche, » ayant une abominable figure ; je pris garde par- » ticulièrement à sa bouche, parce qu'il me parla, )) mais elle était épouvantable; il me semblait » qu'autour de son corps sortait une grande flamme » qui était toute claire. 11 me dit d'une façon » horrible, que j'étais bien délivrée ^e ses mains, » mais qu'il m'y remettrait ; j'eus une grande » frayeur, je fis le signe de la croix, et il disparut ; » mais il retourna aussitôt. Ne sachant plus que » faire, je pris de l'eau bénite, je la jetai au lieu où

» il était, ensuite de quoi il ne retourna plus

D Une autre fois il me tourmenta l'espace de cinq » heures avec des douleurs si terribles que cela me » semblait insupportable.... Il plut à notre Sei- » gneur que je connusse que ceia venait du diable, tt car je vis un petit nègre, lequel grinçait les dents


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» comme désespéré de ce qu'il perdait. Voyan! » cela, je jetai de l'eau bénite au lieu où il était, et » il délogea. » Ailleurs, sainte Thérèse ajoute qu'elle en vit un gros comme une tour, d'une forme si horrible, avec des yeux tout en feu et si ardents, qu'elle assure que sans une assistance de Dieu, il faudrait mourir, et que personne ne pourrait tenir après ce spectacle. Il semblait ce Léviathan si monstrueux dont parle Job. Voilà donc ce lion dont parle le prince des apôtres, qui rôde invisi- blement autour de nous, et avec qui nous avons affaire pendant le cours de notre vie, et à l'heure de la mort. Si nous lui prêtons des armes par nos infidélités, combien ne sommes-nous pas à plaindre alors I


FI. n.



Lc8 deux chemins de Véternité, The two roads to Eternity.


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EXPLICATION

DE LA TREIZIÈME PLANCHE.

Quel nouveau spectacle se présente devant vous 1 vous voyez deux chemins : le premier qui est en bas est celui qui mène à l'éternité malheureuse ; il ne s'élève point, mais il rampe sur la terre ; ce qui signifie que ceux qui s'y trouvent, n'ont que des affections terrestres, et n'ont aucun goût pour les choses du ciel. Il est large, et va toujours plus en s'élargissant, pour nous désigner que tous ceux qui s'y trouvent vont toujours plus en se négligeant sur la science du salut et le service de Dieu. Hélas ! ils ne veulent point de gêne ici-bas, ils n'aiment que les biens, les plaisirs et la vanité. Aussi tous ceux que vous y voyez ne s'occupent que de cela ; mais les insensés ! ils ne remarquent pas que les démons qui les ont mis en jeu, rient de leur éga- rement et de leur malheur prochain. Ils ne re- marquent pas qu'à l'extrémité de ce chemin fatal est la mort qui se cache à eux, et qui les attend les uns après les autres, sans qu'ils puissent jamais lui échapper. Le démon l'a postée derrière un buisson, ce qui nous marque qu'il aveugle les m mdains sur la nécessité et l'heure de leur mort, de peur qu'ils ne changent de vie, mais une autre catastrophe qui glace le sang dans les veines à ceux qui y réflé- chissent, c'est la vue de l'enfer qui est sous leurs pieds, et qu'ils ne voient pas ; le bord en est mas- qué par les illusions du démon et du monde; ils y vont tomber sans y penser.


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L'autre chemin est celui de l'éternité bienheu- reuse ; il est étroit, il est scabreux, il va toujours en se rétrécissant dans le sens contraire des mon- dains, parce que, quand on est dans le chemin du salut et de la grâce de Dieu, on devient toujours plus exact, toujours plus sévère à soi-même et aux maximes du siècle. Il est difficile et périlleux, mais il aboutit à la porte du bonheur éternel ; il est éclairé par la lumière de Jésus-Christ qui est le soleil de justice. Mais remarquez bien qu'il y a très-peu d'âmes dans ce chemin, ce qui nous re- présente le petit nombre des élus, et que quiconque voudra suivre le grand nombre périra avec le grand nombre. Ce chemin n'est pas sans de grands dan- gers, puisqu'il n'y a point d'âme qui n'y soit ac- compagnée d'un démon qui cherche à la faire tom- ber, comme il n'a que trop réussi à Tégard d'une qui se précipite, et qu'un démon attend dessous ; ce qui nous marque encore qu'il n'y a que la per. sévérance qui nous fera passer par la porte étroite, mais bien agréable du paradis. Ceux qui sont dans ce chemin sont tous munis d'une croix, c'est-à-dire d'un grand amour et d'une grande foi envers Jésus- Christ crucifié. Mettons-nous dans le bon chemin avant que le soleil de la vie se soit couché, parce que dès cet instant chacun restera pour une éternité du côté où il se sera trouvé alors.


Méditation sur le petit nombre des Elus,

l" Point. — Beaucoup d'appelés, mats peu d'élus ^ vérité terrible, mais vérité incontestable ; c'est le


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Fils de Dieu qui nous la répète dans plusieurs en- droits de l'Evangile. Les prophètes avant Jésus- Christ avaient déjà effrayé les hommes sur ce petit nombre, en le comparant aux épis ou aux raisins laissés après la récolte. Des saints Pères, entr'autres saint Augustin, nous le comparent encore à ce pe- tit nombre qui fut sauvé du déluge au temps de Noé, et à celui qui entra dans la terre promise à la sortie de l'Egypte, qui est la figure du monde, comme la terre promise est la figure du Ciel.

Mais le seul spectacle que nous présente le monde, comparé aux obligations des chrétiens, suf- fit pour nous dévoiler ce mystère formidable. Où est en effet le grand nombre de ceux qui conservent leur innocence? oii est du moins celui des vrais pénitents qui, selon saint Ambroise, ne doivent plus vivre que pour venger sur eux les intérêts de Dieu outragé, et ne vivre que d'une vie nouvelle, en accomplissant tous les engagements du baptême? où est le grand nombre de ceux qui se font violence, comme le recommande Jésus-Christ, pour passer par cette porte étroite par laquelle il nous a avertis qu'il y en avait si peu qui entraient au ciel ? Sans compter cette multitude innombrable de péchés sensibles qui couvrent la face du christianisme même, que d'omissions effrayantes dans tous les états ! quel examen superficiel dans les confessions ! quel cercle des mêmes défauts, malgré tant de sa- crements reçus I à que d'âmes trompées à l'heure de la mort ! ô qu'il en est donc peu pour le ciel, où le péché n'entrera jamais !

2' Point. — Néanmoins Dieu veut notre salut, il a tout fait pour notre salut, il proteste qu'il ne veut

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pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse, et qu'il vive. Notre salut est donc dans nos mains ; rendez votre vocation certaine par vos œuvres, dit l'apôtre saint Pierre. La première conséquence que nous devons tirer de cette effrayante vérité du petit nombre des élus, c'est donc de nous écarter de la multitude par nos sentiments et notre vie ; c'est de nous dire tous les jours, que si nous faisons comme les autres, il nous faudra périr avec les autres. La seconde conclusion, c'est d'imiter Jésus- Christ, le modèle des prédestinés ; car il est écrit que ceux que Dieu appelle à la gloire, il les a desti- nés à être conformes à son Fils. C'est d'imiter les saints et le petit nombre des serviteurs de Dieu, qu'il s'est réservés dans tous les états ; c'est de vivre en ce monde dans la crainte et le tremblement de manquer à notre salut, et ce sont là les résolu- tions que vous prendrez en même temps. Sainte Vierge


Exemples.

Saint Chrysostome nous offre une représenta- tion bien naturelle de la différence qu'il y a entre un homme attaché au monde, et un homme con- duit par la religion. Durant mon sommeil, dit ce grand Saint, j'eus un songe extraordinaire et mys- térieux (que Dieu lui envoya pour son édification et celle des autres) ; dans ce sommeil je vis un en- droit délicieux, une vallée charmante, séjour sans pareil, une aimable verdure, des fleurs et des fruits sans nombre, un beau soleil ; tout y était pour en


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faire un endroit enchanté ; ce qui m'étonna, c'est qu'au milieu de cette vallée je vis un homme seul, l'air triste, le visage altéré, l'esprit occupé. Son maintien annonçait le trouble et l'agitation de son âme : tantôt immobile, il fixait la terre ; tantôt il marchait à grands pas d'un air égaré, poussant de grands soupirs, comme s'il eût été désespéré ; mais en considérant attentivement, j'aperçus qu'au fond de cette vallée il y avait un précipice affreux, un gouffre immense d'où il sortait des tourbillons de fumée et de flammes, et ce malheureux homme se sentait porté ou traîné à ce malheur comme par une force étrangère (par celle de ses penchants qu'il ne voulait pas efficacement combattre) ; et c'est ce qui ne lui donnait pas un moment de repos.

Mais un objet qui m'étonna de nouveau, en por- tant mes regards plus loin, continue saint Ghrysos- tome, c'est que je vis un autre endroit tout con- traire ; une vallée sombre, des montagnes escar- pées, des plages désertes, nul feuillage, nulle ver- dure, tout y inspirait la tristesse, la solitude et une espèce d'horreur. Mais ma surprise fut encore plus grande quand j'aperçus dans cette vallée un homme pâle, exténué, et cependant avec un air content, un visage serein et gai qui annonçait la paix et la joie de son âme : en continuant de con- sidérer, j'aperçus aussi qu'au bout de cette vallée déserte il y avait un endroit délicieux, plein de charmes et de plaisirs ; c'était un paradis terrestre où tous les trésors et le bonheur habitaient. Or, cet homme considérait sans cesse ce terme délici- eux, vers lequel il avançait à tous les pas ; il y tendait de toutes ses forces et passait souvent à tr((« 


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vers les épines ; mais le sang et les plaies qu'il s'y faisait, ranimaient son courage même, et sem- blaient lui donner de nouvelles forces.

Frappé de ces deux représentations différentes, je ne savais ce que tout cela pouvait signifier : un homme malheureux au milieu des délices, et un homme content au milieu des peines. Alors j'en- tendis une voix qui parla distinctement au fond de mon âme, et qui me dit : Le premier de ces hommes est le mondain esclave des plaisirs et des biens d'ici-bas, qui marche dans la voie large ; l'autre, c'est le vrai chrétien dévoué à son Dieu, qui s'est séparé du monde, et qui marche dans la voie étroite. Le monde trompe ses partisans par les joies et les délices qu'il offre en apparence ; on s'y livre, et on se laisse séduire comme des insensés ; mais on ne tarde pas d'en bien sentir le faux et le néant, et dès lors on n'y trouve plus que de l'amer- tume. Ce qu'il y a de plus triste, c'est qu'on ne peut s'empêcher de prévoir l'enfer, le terme fatal oij tout cela aboutit, la perdition éternelle ; de là les remords, les angoisses et le noir désespoir qui étaient dans Tâme et sur le vidage de ce malheu reux. Le vrai chrétien, au contraire, éprouve une situation tout opposée dans le service de Dieu. Dans le chemin du ciel il y a des peines, il est vrai, des privations, des violences, mais la joie d'une bonne conscience, les douceurs, les consola- tions du Saint-Esprit nous en dédommagent déjà ici-bas, et surtout l'espérance d'une éternité de bonheur nous anime et nous transporte de courage : on ne sent plus alors ses combats et ses plaies ; comme l'Apôtre, on surabonde déjà de contente-


— ai- ment au milieu de toutes ses tribulations, qui à la fin ne sont plus qu'en apparence. Tel est l'homme mondain et l'homme chrétien dans le différent par- taj,'e qui leur est réservé ici-bas, et dans l'enfer ou dans le ciel, après la course rapide de quelques années passées sur la terre. Dieu nous accorde cette grâce, il nous offre son secours pour cela ; la prière, les sacrements et la vigilance nous y con- duiront.

(Extrait des Histoires édifiantes,)


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EXPLICATION

DE LA QUATORZIÈME PLANCHE.

Ce que vous voyez dans cette planche, c'est le tableau allégorique des différentes espèces de com- munions. Les deux oiseaux que vous voyez aux deux côtés du tabernacle, sont le symbole le plus touchant de la charité de Jésus-Christ dans l'Eu- charistie. Le pélican qui nourrit ses petits de son sang, et le phénix qui vit dans les flammes, repré- sentent, l'un le dévouement, et l'autre le feu ar- dent dont Jésus-Christ a brûlé et brûlera toujours pour les âmes, jusqu'à donner sa vie pour elles, et les nourrir de son sang adorable.

Les personnes rayonnantes que vous voyez, ce sont celles qui communient dignement ; ces rayons figurent la grâce céleste dont elles sont remplies. Celles que vous voyez sans lumière, avec un visage rembruni, ce sont celles qui communient dans la tiédeur, sans tirer aucun profit de la sainte com- munion. Enfin, les autres que vous voyez avec le visage noir, annoncent le crime qu'elles ont com- mis, et l'état de leur âme ; vous voyez deux chauves- souris dans le premier rang, pour nous marquer que le démon entrera en elles au moment qu'elles auront communié. Celles qui tiennent le crucifix qu'elles percent, ou qu'elles martellent, annoncent la seconde passion qu'elles font soufTrir à Jésus- Christ dans leur cœur par une indigne communion, comme nous dit l'apôtre saint Paul. Dieu vous pré- serve de ce malheur l


PL 14,



Les diffcr entes sortes de cmnmunionè, The several kinds of CovimuiHona,


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Méditation sur la Communion.

\" Point. — Le mystère où le Fils de Dieu épuise en quelque façon sa toute-puissance et sa miséri- corde, est celui de l'Eucharistie. Toutes les perfec- tions divines y sont anéanties en faveur de l'homme. Empire, majesté suprême, éclat radieux, immen- sité, tout y est obscurci pour Dieu : au contraire, bonté, miséricorde, tendresse, lumière, force, con- solations, délices, paix, gloire, salut, immortalité, participation de la nature divine, tout y est prodi- gué pour nos âmes fortunées. La même parole de celui qui a tiré tous les mondes du néant par sa toute-puissance ; qui a maîtrisé toutes les créatures par les miracles les plus étonnants, lorsqu'il a paru parmi nous ; c'est cette parole qui produit tous les jours ce mystère incompréhensible de bonté en faveur des chrétiens ses enftints. L'homme s'était perdu en voulant se rendre semblable à Dieu, et en touchant au fruit défendu. Dieu aussi, pour confondra le démon, a voulu se faire semblable à l'homme pour l'élever jusqu'à lui, et lui conférer l'immortalité et la divinité, en lui ordonnant de manger de ce pain de la véritable vie. charité I ô puissance de Dieu ! ô sagesse infinie ! ô homme I combien tu es grand, combien ton âme est pré- cieuse ! amour reconnaissant, où sont tes feux et tes accents pour y répondre? Quelle grande action n'est-ce donc pas que la communion ! quel bon- heur, quelle gloire pour nous ! quel désir, quelle soif ne devons-nous pas en avoir ! 2" Point» — Or, il y a trois sortes de communion,


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comme il y a trois sortes d'état des âmes : 1° la communion digne, c'est celle des âmes qui ont le bonheur de communier dans la ferveur, ou du moins, dans les sentiments d'une sincère pénitence. Cette communion les unit intimement à Jésus- Christ, âme à âme, cœur à cœur ; elle les rend ses amies et ses épouses ; elle les divinise, et fait cou- ler dans elles l'abondance de ses grâces et de ses consolations. Dans cette âme heureuse, l'empire des passions s'affaiblit et tombe, celui de la grâce et de Jésus-Christ se fortifie ; l'intérieur s'édlaire des vives lumières célestes ; le cœur s'échauffe, et s'embrase de la charité ; l'âme et le corps devien- nent saints, et le gage de l'immortalité glorieuse s'y imprime. Enfin, le ciel avec tout son bonheur s'en approche en quelque façon ; il n'en est plus séparé que par le léger nuage de la vie, que dis- sipe la foi. Grand Dieu I quelles richesses, quel bonheur, quelle grâce, quelle espérance ne com- muniquez-vous pas ici à vos chères créatures dès qu'elles veulent vous être fidèles !

La seconde espèce de communion, c'e^t la tiède ; c'est celle de ces âmes qui communient dans ce triste état, qui n'ont pas le crime dans le cœur, si vous voulez, mais qui balancent entre le service de Dieu et du monde, végétant dans le christianisme avec l'affection au péché véniel dont elles ne se corrigent pas. C'est la communion de ces âmes qui vivent sans générosité, sans désir, sans soif de la justice, et qui communient de même. Cette com- munion n'est pas loin de la communion sacrilège, elle ne tardera pas à laisser précipiter Tâme dans l'abîme du péché, et des jugements de Dieu dont elle provoque le vomissement.


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Enfin la troisième, c'est la communion indigne et sacrilège ; c'est celle de ces âmes téméraires et aveu^'lées qui communient dans le péché, ou avec l'atrection au péché mortel ; qui allient dans leur âme le Saint des Saints avec le monstrueux péché, le Fils de Dieu avec le démon, qui réside dans de telles âmes. Les malheureuses ! elles donnent la prél'érence à Barabbas sur Jésus-Christ, elles le trahissent par leur hypocrisie, et le crucifient de nouveau dans leur cœur. C'est l'apôtre saint Paul lui-même qui nous enseigne ce mystère de mal- heur. Cette seconde passion est plus cruelle à Jé- sus-Christ que la première qu'il avait tant désirée : celle-ci a sauvé les âmes, mais l'autre les lui ar- rache d'entre les bras pour les donner à l'enfer. Arrête donc, âme criminelle, oii vas-tu ? en frap- pant de nouveau le Roi de gloire du coup du sacri- lège, dit l'Apôtre des nations, tu cours à ta con- damnation.

Or, la communion indigne ou sacrilège peut avoir lieu de plusieurs façons ; en voici les principaux cas: 1" lorsqu'on communie avec une erreur vo- lontaire contre la foi, ou dans une ignorance cou- pable des vérités fondamentales de la religion ; 2° lorsqu'on cache ou qu'on déguise un péché mortel ; 3" lorsqu'on ne déclare pas, à dessein, l'omission de ses pénitences passées, ou qu'on n'a pas l'inten- tion de faire celles qui sont prescrites, ainsi que les réparations ou restitutions enjointes, qu'on refuse de faire ; 4° enfin lorsqu'on reste attaché à quelque péché mortel, ou qu'on peut savoir qu'on a fait une mauvaise confession par quelqu'autre faute. Que Dieu nous préserve à jamais de ces criminels maa* quements 1


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Les résolutions que vous devez donc prendre, c'est de communier toujours avec les sentiments d'une sincère pénitence, avec un véritable désir de vous corriger, accompagné d'efforts pour avancer dans la voie du salut ; c'est de vous y préparer quelque temps auparavant par des prières et des bonnes œuvres faites à cette intention ; c'est de communier souvent,- parce que les communions, nous disent les hommes de la vie spirituelle, se préparent et s'enflamment les unes les autres. Alors la communion sera pour vous le trésor de toutes les grâces, et le véritable gage de Timmor- talité glorieuse, en attendant les joies de l'éternité. Ainsi soit-il.


Exemples.

Quoique la présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eucharistie soit déjà assez clairement démontrée dans l'Evangile et par l'enseignement des saints Pères, depuis l'établissement de l'Eglise jusqu'à nous ; parmi tant de faits prodigieux qui la con- firment, et dont l'histoire de l'Eglise est remplie, l'événement suivant nous la mettra encore, pour ainsi dire, sous les yeux, et ne nous inspirera pas peu de foi et de respect pour cet adorable mystère : cet événement a eu lieu en plein jour devant des milliers de personnes assemblées pour cela ; le mo- nument qui l'atteste, subsiste encore aujourd'hui dans toute sa force. Un voleur «sacrilège s'étant glissé dans une église, en dépouille le tabernacle, et charge son cheval de tous les vases sacrés. A


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Taiibe du jour il était déjà sur une place de Turin pour sortir, lorsque tout-à-coup le cheval s'abat des pieds de devant, et des coups redoublés ne peuvent le faire relever. On s'assemble, on l'en- toure ; et tandis qu'on se doute de quelque chose d'extraordinaire, on porte les mains sur la charge, on la déploie ; mais, ô crime! ce sont des vases sa- crés qu'on aperçoit ! et à l'instant une hostie ado- rable qui était restée dans un vase, s'échappe, et s'élève toute rayonnante dans l'air à quarante cou- dées. Le bruit du miracle se répand bientôt dans toute la ville ; l'Archevêque convoque de suite une procession générale, à la tête de laquelle il vient, et en présence de toute la ville assemblée, il pré- sente un calice à la sainte hostie qui y descend per- pendiculairement, et on remporte à Saint-Jean, la métropole. En mémoire et en réparation de ce grand événement, une magnifique église a été bâ- tie sur la même place; on y voit encore aujour- d'hui une balustrade en marbre, au fond de la- quelle on lit ces paroles latines : Hic stetit equus, ici s'est arrêté le cheval. Chaque année le diocèse célèbre ce prodige par une fête, et la ville de Tu- rin par une procession solennelle (1).

(1) Cet événement prodigieux, consigné dans les archives de la ville, a eu lieu en 1453, le 6 juin, sous le pontificat de Nicolas V et le règne de Louis de Savoie, père du B. Amé- dée ; Romagnano qui reçut la sainte hostie étant évêque de Turin. Outre ce que l'on a dit, le diocèse de ce nom cé- lèbre encore d'une manière plus pompeuse toutes les cin- qusjitièmes années ; et dès cette époque, il a existé un corps respectable d'ecclésiastiques destinés à célébrer cet ôvénemeat mémorabla dans une église élevée à dessein^


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Or, si le crime de ce malheureux sacrilège a été si grand que d'avoir volé les vases où était encore renfermée une hostie consacrée, quel péché ne commettent donc pas les profanateurs de la per- sonne de Jésus-Christ par leurs irrévérences, ou ceux qui le reçoivent dans une conscience souillée dépêchés; et à quels châtiments ne sont-ils pas réservés pour l'autre monde ! Dieu nous préserve de tels crimes, et nous donne la grâce de recevoir la sainte communion toujours avec une conscience si pure, que nous méritions de la recevoir de même au sortir de cette vie. Ainsi soit-il.


dite le Corpus Domini. Nombre de poésies, sculptures et tableaux de ce temps nous représentent ce miracle arrivé en présence d'une grande ville entière, qui concourt par elle-même, d'année en année et d'âge en âge, à en perpétuer la mémoire. La dernière procession qui a eu lieu ces an- nées dernières, au dernier cinquantième, a été plus belle et plus solennelle encore que jamais, pour célébrer ce prodige que Dieu accorda à ce peuple pour le prémunir contre les erreurs des Ussites et des Albigeois, qui faisaient alors de grands progrès.

Bien plus^ comme pour confirmer ce monument, tout ré- cemment, dans les premiers temps de l'invasion du Piémont, en 1803, la Providence a donné l'exemple d'une punition frappante sur un impie barbier, qui, après s'être raillé d'une personne qu'il rasait, parce qu'elle voulait se rendre à cette même procession, au moment où il se trouvait sur son por- tail pour voir passer cette cérémonie, et dans l'instant que la procession du très-saint Sacrement passait vis-a-vis de lui, fut frappé d'un coup de mort subite qui l'étendit sur la place sans sentiment. Cet événement fit une telle sensa- tion, que le commissaire le fit exposer trente-six heures de- vant la maison de ville; nombre de témoins existent encore, et racontent cet événement tel que nous venons de le citer.


PL 15'




La vérité montrée un peu par avance. Insensés, soyons enfin sages.

Truth shown a little in arhanc:. Let u$ be V;i§^ zv. lai>^


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EXPLICATION

DE LA QUINZIÈME PLANCHE.

Vous voyez ici la représentation de deux per- sonnes qui sont mises dans un état d'indécence et avec des parures de luxe et de vanité, et qui veulent se livrer à une danse frivole et voluptueuse, motif qui est assez indiqué par la manière dont elles se sont vêtues ; mais pour vous faire sentir tout à la fois le danger de cette conduite et le délire de ceux qui l'imitent, vous les voyez ici représentées à moi- tié dans l'état où elles seront réellement un jour, et peut-être plus vite qu'elles ne pensent. En effet, dans quelque temps, ces deux personnes si impru- dentes, non pas pas à moitié seulement, mais de tout leur corps, seront privées delà vie, mortes, dé- charnées, rongées par les vers, et réduites à une poignée de poussière, dans un état si triste et si hideux, que si on allait les voir après quelques mois de sépulture, on reculerait d'effroi et d'hor- reur ; et cet état sera aussi le sort de tous ceux qui les imitent aujourd'hui; il sera également celui de tous les autres pécheurs, des orgueilleux, des avares, des emportés, des voluptueux et des intem- pérants, qui doivent se voir dans cette représenta- tion comme dans leur miroir, bien persuadés que leur tête qui est si altière aujourd'hui, sera pareil- lement bientôt une tête de mort : réflexion qu'ils ne doivent pas perdre de vue, surtout quand ils se considèrent au miroir.

Cette peinture est donc bien propre à nous faire


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faire encore les réflexions les plus sages sur deux abus étranges qui égarent nombre de personnes aujourd'hui : les parures immodestes et la danse.

Sur le désordre et le délire des vaines parures, mais surtout des habillements indécents, qu'on ne saurait trop déplorer ; en premier lieu, parce que tout cela est opposé à la saine raison qui ne place le mérite que dans la vertu et la science du salut : aussi l'Esprit-Saint appelle-t-il tous ces désordres des prestiges qui obscurcissent les idées du bien et qui renversent les]sens. En second lieu, parce que tous ces artifices sont le poison et la mort de l'âme, par Torgueil et les amorces à l'impureté qu'ils occa- sionnent à ceux mêmes qui s'en servent, et à tant d'autres à qui ils sont si funestes. « Malheureuses, » disait saint Cyprien aux femmes mondaines de » son temps, vous donnez aux autres une occasion » de se perdre : votre vue est un venin subtil qui » leur donne la mort ; vos parures préparées vous » accusent des maux qu^elles causent. Il n'y en a » point, ajoutait le même saint, qui aient plus de » soin de se parer, que celles qui ont Thonneur » moins en recommandation que l'intérêt ou la vo- » lupté. »

Enfin, Tabus des habillements immodestes est si condamnable, que le Saint Père, ce Pontife si grand et si éclairé, les a frappés d'excommunica- tion dans ses états en Italie, au nombre de trois sortes ; c'est-à-dire, les nudités, les voiles transpa- rents sur nudités, et les formes du corps ressortant avec afTectation ; ainsi que tous ceux qui y co- opèrent.

L'abus de la danse n'est pas moins au grand jour


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dans cette gravure ; la seule inspection en démon- tre la vanité et la folie ; si la danse, qui de soi- même ne serait que l'expression de la joie, était déjà du temps du saint évoque de Genève, si pleine de dangers, selon son expression, que la plus ré- glée ne valait rien, vu les circonstances d'oubli de Dieu, de dissipation, d'orgueil, de scandale, de pa- rures indécentes, de provocations à des sentiments peu honnêtes, pour ne rien dire de plus, on doit penser aujourd'hui qu'elle est tout à la fois le poi- son et la mort des âmes dans les endroits où elle règne. « J'ai toujours cru les bals dangereux, dit » le comte de Bussi qui avait longtemps habité la )) cour ; ce n'a pas seulement été ma raison qui me D l'a fait croire, ça encore été mon expérience. » Quoique le témoignage des saints Pères qui les )) condamnent soit bien fort, le témoignage d'un » courtisan doit être d'un plus grand poids. Les » tempéraments les plus froids s'échauffent ; les » jeunes gens qui composent ces sortes d'assem- » blées, ont de la peine à résister aux tentations » dans la solitude, à plus forte raison dans ces » lieux-là où les objets, l'agitation de la danse et » les instruments mêmes, réveilleraient les pas- » sions dans les âmes les plus chastes: ainsi je » tiens qu'il ne faut point aller au bal si on veut )) être chrétien ; et les directeurs feraient leur de- » voir s'ils l'exigeaient de ceux dont ils gouvernent » la conscience. »

Si un homme du monde et de la cour parle ainsi des danses, quel opprobre pour quelqu'un qui se dit chrétien, de penser et d'agir autrement 1


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Méditation sur le désordre et le délii^e d'un amour profane.

1" Point. — ^Envisageons avec les yeux de la foi les effets funestes dont nous allons faire mention, et donnons-y une sincère attention. Etouffer dans son âme la flamme sacrée de cet amour divin que l'Esprit-Saint y avait allumée ; souiller son âme qui est faite à l'image de Dieu ; renoncer à Tadop- tion divine, c'est-à-dire à l'auguste qualité d'enfant de Dieu, pour descendre à la condition des brutes, et vivre encore d'une manière plus basse et plus déréglée ; honorer une créature indigne par ses sentiments, et qui dans le fond n'est qu'une idole de boue, l'honorer au mépris de Dieu qui est la beauté éternelle et qui seul est notre fin dernière ; profaner son corps qui est le temple du Saint-Es- prit, et outrager les membres de Jésus-Christ cou- verts pour ainsi dire de son sang adorable par le baptême ; introduire, en un mot, dans le sanc- tuaire de son âme, ce lieu que l'Esprit-Saint s'est choisi lors de sa consécration baptismale à l'au- guste Trinité ; y introduire, dis-je, l'abomination de la désolation, en y introduisant le plus infâme des péchés ; c'est ce que commet l'esclave du vice impur qu'on n'ose pas nommer. Est-il, on le de- mande, un désordre plus grand, est-il un outrage plus grief envers Dieu ?

2^ Point. — La passion du vice dont nous venons de méditer l'énormité, n'est pas moins funeste à celui qui en est l'esclave ; elle lui fait perdre la grâce et l'amitié de Dieu, qui est cependant l'uni- que bien pour lequel nous sommes créés, et l'uni-


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que moyen denofre bonheur; elle ternît e( dégrade en lui l'image de Dieu à laquelle il est formé, pour le rendre semblable aux bétes qui ne suivent que leur instinct, et encore d'une manière plus réglée que lui. Cette passion le couvre d'opprobre et de honte en ce monde, elle affaiblit ses forces, dimi- nue sa vie qui est déjà si peu de chose ; mais sur- tout elle pervertit son naturel, en lui faisant perdre toutes ses bonnes qualités ; elle le rend orgueilleux et emporté, le remplit de trouble et de remords, de façon que son âme est quelqufois comme un en- fer anticipé, dit saint Bernard ; sa foi s'affaiblit si fort, qu'il n'est pas loin de la perdre, et de devenir un incrédule et un impie, ainsi que tant d'autres qui ont déjà été ainsi aveuglés jusqu'à ce point par ce péché. Son espérance en Dieu n'est pas plus fondée ; à peine ose-t-il regarder le ciel. Pour ce qui est de l'amour de Dieu, il Ta perdu dès l'ins- tant qu'il s'est livré à cette abomination ; que va-t- 11 donc devenir, hélas ! s*il ne revient à Dieu ? Comme le temple de Jérusalem souillé par l'idole des païens, son âme, ce lieu saint, va devenir aussi le théâtre et la proie de tous ses ennemis, c*est-àdire, des démons, de l'aveuglement d'esprit, de l'endur- cissement du cœur, de l'impénitence finale et de la damnation éternelle. Ce péché fit abîmer dans un déluge les premiers hommes devenus charnels ; ce pécheur sera également englouti dans les feux éternels. Une âme égarée, un Dieu perdu, le ciel fermé pour toujours ; et à la place de ce bonheur, des feux qui ne s'éteindront jamais, et cela pour une idole que les vers rongeront dans un cimetière. grand Dieu, quel malheur 1 enfants des hom- mes, filii hominum^ jusques 4 quand, comme dea


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insensés et le cœur appesanti, courrez-vous après le prestige qui vous séduit ? mon Dieu, que vous êtes terrible dans vos conseils ! mais que vous êtes juste envers ceux qui vous méprisent 1 Ah I n*a- bandonnez pas cette âme infortunée ; vous ne de- mandez qu'à faire miséricorde à celui qui Tient [se jeter à vos pieds, et qui veut suivre les avis qui lui sont donnés ici.

3® Point. — ^Les moyens les plus propres pour re- venir à Dieu, ou pour se préserver du vice infâme, sont 1" de recourir souvent au sacrement de péni- tence, où l'on reçoit des lumières et des forces contre le monstre qui est près de nous perdre à tout âge et dans tous les états ; 2* la sainte Eucharistie bien reçue, où l'âme se purifie toujours plus en re- cevant cette nourriture céleste, qui a été laissée sur la terre à dessein par Jésus-Christ pour être notre remède, notre préservatif, pour affaiblir nos pas- sions et faire germer les vierges dans l'Eglise. Le troisième moyen, c'est la sobriété, l'esprit de péni- tence, la vigilance sur soi-même, la fuite des mau- vaises occasions. Le quatrième, la méditation de ses fins dernières, mais surtout de la mort qui est le terme de toutes les vanités humaines, et qui est le flambeau salutaire qui éclaire assez sur ce délire et sur ce malheur. Le cinquième, c'est de considé- rer quelquefois le mérite et la beauté ravissante de la chasteté, de se rappeler cette béatitude que Jésus-Christ a promise à ceux qui sont purs de cœur, qu'Us verront un jour Dieu. Enfin, la dévo- tion envers la Mère de Dieu qui est appelée la Mère des Vierges et le secours des chrétiens, dont le nom seul met en fuite les démons, et qu'on n'in- voque jamais iuutilemeat, disent les Saint».


PL i6.



L'enjard prodigue. Thr Prodigal Son.


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— - ' ,

EXPLICATION

DE LA SEIZIÈME PLANCHE.

Vous voyez dans ce tableau un jeune homme tout déchiré dans ses habits, avec une figure cons- ternée par le repentir, et abîmé par la profonde misère qu'il a essuyée. Il avait abandonné le meil- leur des pères pour aller vivre loin de lui et man- ger tout son bien dans la débauche. Après avoir tout dissipé, réduit enfin à garder des pourceaux que vous voyez dans le lointain, il soupirait après son retour dans la maison paternelle, songeant à l'ample nourriture dont jouissaient les domestiques mêmes, tandis qu'il était, hélas I obligé d'envier pour son compte celle des animaux qu'il gardait. Cependant, pénétré tout-à-coup d'espoir en la bonté de son père, dont il se rappelait, il se lève, se met en chemin pour aller lui demander sa grâce. Le père l'ayant vu de loin, va au-devant de lui, tressail- lant de consolation de revoir son fils qu'il croyait perdu ;il ne l'a pas plus tôt abordé qu'ill'embrasse et le conduit avec joie dans la maison paternelle, où il veut qu'on fasse un festin, et qu'on le réta- blisse dans tous ses anciens droits, quand même le dernier le ses fils en murmurait.

Méditation sur le bonheu^ et la facilité de revenir à

Dieu .

i" Point. — Imaginez-vous un pauvre voyageur harassé par de longues et pénibles routes à travers les forêts les plus affreuses, où il a été poursuivi par


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une troupe d'assassins qui l'ont couvert de bles- sures. De quels sentiments de consolation n'est-il pas pénétré lorsqu'enfin il trouve une issue, et peut rentrer dans sa famille où il est bien reçu et soi- gné ! C'est là l'histoire d'un misérable pécheur qui depuis très-longtemps mène une vie de désordre et de péchés, et qui poursuivi par les remords et les transes de la damnation éternelle, rentre enfin dans le sein de son Dieu, qui le reçoit avec grande miséricorde et lui fait goûter toute la douceur de sa grâce et de son service. Une terre abîmée par une longue sécheresse, ne reçoit pas avec plus d'a- vidité la pluie fertile qui tombe du ciel, que certte âme heureuse ne s'ouvre avec joie et reconnais- sance à la visite du Dieu des miséricordes.

Hé bien! c'est la grâce qui vous est offerte, à vous, ô mon frère, qui vivez depuis longtemps dans les sentiers du vice, vous qui gémissez sous les chaînes accablantes du démon, chargé des plaies du péché, et traînant vos jours dans les remords et l'effroi de la réprobation éternelle I Depuis long- temps Dieu vous rappelle à lui par une voix inté- rieure qui se fait entendre tous les jours au fond de votre âme. La maison paternelle vous est ouverte; c'est-à-dire, le cœur de Dieu, avec ses miséricordes infinies. « Mon fils, vous dit-il, pourquoi voulez- » vous votre malheur ? Hélas 1 pourquoi m'avez- » vous abandonné, pour boire à la citerne des eaux » bourbeuses du monde et du péché ? Ah ! revenez )) à votre Dieu ; ce n'est que dans son sein que » vous trouverez le repos et le salut. Le sentier que » vous avez tenu jusqu'à présent n'a été pour vous, » comme l'a dit un de mes prophètes^ qu'un che-


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» min parsemé de pierres carrées, où vous tous » êtes lassé inutilement, sans trouver le bonheur ; » au contraire, les épines les plus aiguës du re- » mords et les peines dues à votre vie ont conti- » nuellement affligé, accablé votre âme. Cherchez » enfin votre salut dans mes bras qui vous sont ou- » verts, et évitez les rigueurs des jugements qui » vous attendent en l'autre monde, pour jouir dès » ici-bas des consolations de ma grâce et de la paix » qu'éprouvent mes serviteurs. »

2" Point. — Tel est le tendre langage que vous tient ce Dieu sauveur, écoutez-le et ne vous laissez pas séduire par une autre ruse de l'ennemi du sa- lut qui cherchera à affaiblir en vous l'espérance en Dieu, pour vous empêcher de profiter de ses misé- ricordes, en vous exagérant les rigueurs de sa jus- tice. N'est-il pas écrit que Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive ? ne nous dit-il pas qu'il est venu chercher plutôt les pécheurs que les justes ? Magdeleine et la femme adultère, la Samaritaine, le larron et tant d'autres n'ont-ils pas trouvé grâce auprès de lui ? Gardez- vous en second lieu de vous laisser intimider par l'exagération des difficultés à revenir à Dieu ; car ce même Dieu de bonté ne nous assure-t-il pas en- core que son joug est doux et que son fardeau est lé- ger ? C'est-à-dire, qu'il sait bien les adoucir par l'onction de sa grâce. Combien de pécheurs con- vertis se sont écriés, après avoir franchi le premier pas de ce nuage imaginaire de difficultés, qu'ils n'auraient jamais cru qu'il fiit si doux de revenir à Dieu et de le servir 1 Non, encore une fois, ne soyez pas si insensés et si ennemis de vous-mêmes,


— 98 —

pour des chimères d'un instant, de vous précipiter dans un hasard de malheurs éternels ; écoutez les cris de votre âme qui vous dit de ne pas la perdre ; que vous n'en n'avez qu'une, et que, si vous la per- dez, il ne vous reste plus de ressource.

3^ Point. — Cependant, M. F., vous devez prendre garde, d'un autre côté, de ne pas abuser des misé- ricordes de Dieu, soit en différant trop de vous ré- concilier avec lui, parce que celui qui vous a pro- mis le pardon ne vous a point promis de lendemain qui a manqué à tant d'autres ; soit en négligeant les moyens qu'il veut que vous preniez avec lui. Quitter les occasions périlleuses pour votre âme, employer la prière, combattre en vous les ennemis de son règne, c'est-à-dire, vos habitudes vicieuses, et vous mettre entre les mains d'un ministre zélé de ses miséricordes, voilà les moyens efficaces qu'il TOUS recommande, et qui vous feront chanter un jour le cantique de ses bontés avec ceux qui surent être assez prudents autrefois pour les employer, et qui ne s'en repentent pas aujourd'hui.


Exemples.

Après avoir reçu de Dieu tant de bienfaits, David tombe successivement dans l'adultère et l'ho- micide ; il persévère dans l'impénitence de ces deux grands péchés durant deux années entières ; enfin, réveillé par la voix du prophète Nathan, qui vient de la part de Dieu lui reprocher ces deux crimes, il lève vers le ciel des yeux baignés de larmes, et s'écrie qu'il est un grand pécheur ^ et dès


— 99 —

lors il fait retentir l'air des cris de sa douleur, il détrempe son pain de ses larmes, il prie le jour et la nuit, et le prophète enfin le rassure et lui dit que son péché n'est plus, et que Dieu l'a oublié. « Ah 1 « mon âme, s'écrie-t-il, dès ce moment bénis le Sei- B gneur ton Dieu, et n'oublie jamais ses bienfaits ; » c'est lui qui t'a pardonné toutes tes iniquités et » qui guérit toutes tes plaies. C'est lui qui retire » des portes de la mort éternelle et qui place sur » notre tête la couronne de ses miséricordes, qui » comble tes désirs et renouvellera ta jeunesse » comme celle de l'aigle. Ce Dieu de bonté sait bien » se rappeler de notre faiblesse et de quelle argile » nous sommes pétris. Anges du Ciel, daignez vous » unir à moi pour le bénir éternellement. »

(Ps.Benedic.)

a Qu*étais-je et combien y avait-il en moi de cor- » ruption et d'iniquités, s'écrie saint Augustin dans » ses confessions ! combien y en avait-il dans mes » actions, dans mes paroles et dans ma volonté ! » Mais, Seigneur, vous avez eu pitié de moi, et, » par un effet de votre bonté, de votre miséricorde D et votre toute-puissance, vous m'avez tiré de l'a- » bîme de mort où j'étais plongé, et vous avez » purgé mon cœur de ce cloaque d'impureté dont » il était rempli, pour me faire subir votre joug si » doux et si aimable, et me faire porter votre far- » deau si léger et si heureux. Combien, tout d'un » coup, n'ai-je pas trouvé de douceur à me sevrer » des voluptés que j'avais cherchées jusqu'alors » dans les créatures, les amusements et les niaise. • ries du siècle ? car au lieu qu'un moment aupa>


— 100 —

» ravant je mourais de peur de les perdre, je me » suis fait dès ce moment un plaisir d*y renoncer » et de les quitter, parce que vous les chassiez de )) mon cœur, souveraine douceur de nos âmes, » douceur solide et seule véritable, lumière mille » et mille fois plus brillante que toute autre lu- » mière, et grandeur qui passe tout ce qu'on peut » trouver de plus élevé dans ce bas monde. » j

(Conf. L. 9, Ch. 1«.)


— lOi —


CANTIQUES

SUR LES

VÉRITÉS DE CE RECUEIL


L'importance du Salut.


Travaillez à votre salut : Quand on le veut, il est facile. Chrétiens, n'ayez point d'autre but, Sans lui tout devient inutile. Sans le salut, pensez-y bien. Tout ne vous servira de rien.


Rien n'est digne d'empressement, Si ce n'est la vie éternelle. Tout le reste est amusement ; Tout n'est que pure bagatelU.

Sans le salut, etc.


Oh I que l'on perd en le perdant, Le triste et funeste naufrage ! On se perd éternellement, Pourrait-on perdre davantage ?

Sans le salut, etc.


— 102 —


A quoi peut servir la grandeur, Les biens et la plus longue vie, Tous les plaisirs, tous les honneurs, Dont elle peut être remplie ?

Sans le salut, etc.


Que sert de gagner l'univers, Quand la mort, hélas I à toute heure. Peut nous frapper, et si l'enfer Devient un jour notre demeure ?

Sans le salut, etc.

6

Grand Dieu, qu'autant que nous vivrons Cette vérité nous pénètre, Et faites que nous nous sauvions, A quelque prix que ce puisse être ; Alors nous ne craindrons plus rien, Et nous jouirons du vrai bien.


Sur le Péché,


Oh ! si l'on pouvait bien comprendre De l'affreux péché la laideur, A ses attraits loin de se rendre L'on en serait rempli d'horreur.

2

Le mortel qui s'en rend coupable, Méprise le souverain Roi ;


— 103 —

Par une malice exécrable. Il foule aux pieds sa saiiite loi.


3


Sans être effrayé de l'injure Qu'il fait au Dieu de sainteté, Dans une vile créature Il cherche sa félicité.


Un bien passager et frivole, Un vain plaisir, un faux honneur, Voilà la aétestable idole Mise à la place du Seigneur.


Le pécheur, loin de reconnaître D'un Dieu la libéralité, Se sert contre ce divin Maître Des dons mêmes de sa bonté.


6


Hé quoi donc I l'homme, ver de terre, Vile poussière, pur néant. Ose à son Dieu faire la guerre 1 Quel attentat plus révoltant !


Tant de désordres lamentables Qui désolent tout l'univers. Les maux les plus épouvantables, péché ! sont tes fruits amers 1


— 104 —

8

Que tu renfermes d'injustice, Et d'ingratitude à la fois ! C'est pour expier ta malice Qu'il faut qu'un Dieu soit mis en croix.


9


Tu portes la mort dans les âmes Qui suivent tes trompeurs attraits, Tu leur fais mériter les flammes Qui les brûleront à jamais.


Sur la Mort»


A la mort, à la mort. Pécheur^ ce temps viendra. A la mort, à la mort,

Tout finira.

Il faut mourir, il faut mourir, Du monde il nous faut tous sortir ; Le triste arrêt en est porté, lî faut qu'il soit exécu/.é.

Les autres répondent : A la mort, etc.

2

Comme une fleur qui se flétrit. Ainsi bientôt l'homme périt. L'aff'reuse mort vient de ses jours Dans peu de temps finir le cours.

A la mort, etc.


— 105 —

3

Pécheurs, approchez du ûercueil, Venez confondre votre orgueil ; Là, tout ce Qu'on estime tant Est enfin réduit au néant.

A la mort, etc.


Esclaves de la vanité, Que deviendra votre beauté ? L'infection, la puanteur, Vous rendront un objet d'horreur,

A la mort, etc.


Vous qui vivez dans les plaisirs^ Qui contentez tous vos désirs. Songez quel affreux changement La mort va faire en un moment !

A la mort, etc.


Adieu, famille, adieu, parents, Adieu, chers amis, chers enfants ; Votre cœur s'en affligera. Mais enfin tout vous quittera.

A la mort, etc.


Du. tombeau l'obscure prison, Voilà, pécheurs, votre maisoni; Là ces corps qui vous sont chers Seront dévores par les vers,

A la mort, eto.


— 106 — 8

Yoilà Tétat de votre corps ; Mais l'âme où sera-t-elle alors ? En présence d'un Dieu vengeur. Oh ! quelle sera sa frayeur !

A la mort, etc.


9


Ses actions Dieu pèsera ; Son arrêt il prononcera ; le redoutable moment. D'où notre éternité dépend I

A la mort, etc.

10

Grand Dieu, je le dis plein d*effroi Que ferez-voas alors de moi ? Si vous me trouvez criminel, ATi ! mon malheur est étemel I

A la mort, etc.


11


S'il fallait subir votre arrêt. Chrétiens, qui de vous serait prêt ? Combien dont le funeste sort Serait une éternelle mort l

A la mort, etc.

12

Pécheurs, pour n'être point surpris, I^eurez tant de péchés commis ; Brisez tous vos malheureux liens, Commencez à vivre en chrétiens.


— 107 —


Im Mort du Pécheurm


Quoi donc, faut-il<que je meure, Et que je quitte mes biens ? cruelle et maudite heure Qui m'ôtes ce que je tiens I mort amère et terrible Qui me sépares de tout î A mes cris rends-toi sensible. De grâce, et suspends ton coup.


2


Ab 1 je suis pris dans les pièges Que Satan m'avait cachés ; Je sens tous mes sacrilèges, J'aperçois tous mes péchés. Que de grâces méprisées, Que de conseils méconnus. Que d'heures mal employée». Que de dons, hélas ! perdus 1


Hélas ! faut-il que je meure Pour être à jamais damné ? Malheureuse et maudite heure A laquelle je suis né I Ah ! puisque sous ton empira J'ai voulu porter des fers, Il faut, Satan, que j'expire Pour t'aller joindre aux enfers I


Des malheurs qui m'environnent En vain je parais touché,


— 108 —

Aux péchés qui m'abandonnent Mon cœur demeure attaché. Un pied déjà dans l'abîme, Si le temps m'était rendu, Je ferais encor le crime Pour lequel je suis perdu.


Ainsi ma propre malice Seule attire ton courroux ; Grand Dieu ! l'on voit ta justice Quand j'expire sous tes coups. Qu'on ne m'offre plus Timage D'un Dieu mourant sur la croix, D'un désespoir qui l'outrage Je n'écoute que la voix.


Je meurs dan6 l'impénitence, Pour avoir jusqu'au trépas Différé ma pénitence ; Pécheur, ne m'imite pas. Celui-là seul est vrai sage Qui se prépare longtemps A ce terrible passage. Qu'on soit sage à mes dépens I


Vis mieux que moi, je te prie, Pour avoir un meilleur sort • Telle que sera ta vie, Telle aussi sera ta mort. Mais des flammes éternelles Déjà l'horreur me saisit ; Je sens des peines cruelles, L'enfer s'ouvre, et m'engloutit.


I


— 109

La fausse Conversion,

i

On ne change qu'en apparence : Poil Je bonne conversion, Hélas ! loute la pénitence Se borne à la confession ; Peu de sincère repentance, Très-peu de satisfaction.


L'esprit malin se sert de ruse Pour entretenir nos défauts ; Il veut qu'au prêtre on s'en accuse, Mais sans douleur, sans bon propos ; Par ce moyen il nous amuse, Il nous tient dans on faux repos.

3

On se frappe en vain la poitrine, Tant qu'au mal on est engagé ; D'un pénitent on a la mine, Mais Dieu n'est point encor vengé. C'est notre cœur (ju'il examine, Et rien ne sert, s'il n'est changé.


Certain remords importun presse, On veut vite s'en décharger ; L'on court aussitôt à coniesse, L'on se rassure sans changer ; Mais si l'habitude ne cesse. N'est-ce pas de Dieu se moquer 7


— liO —


Il faut qu'un pénitent gémisse, Sur ses péchés il doit pleurer ; Autant qu'il peut, qu'il s'en punisse, Qu'il travaille à les réparer ; Qu'il prie, qu'il se convertisse, S'il veut en grâce enfin rentrer.


Pourquoi donc différer sans cesse ? Dieu vous avertit aujourd'hui ; Ah ! dans sa clémence il vous presse_ Revenez tout de bon à lui, Au doux rappel de sa tendresse, Avant votre dernière nuit.


COMPLAINTE POPULAIRE Sur la mort du Pécheur et du Juste.


Venez tous contempler, Voir un pécheur infâme Qui s'en va trépasser. Et rendre sa pauvre âme ; Voyez comment le diable Attend ce criminel, Puisque ce misérable Meurt en péché mortel.


Ce malheureux pécheur, Lorsqu'il était au monde. Blessait son Créateur D'une manière immonde.


— 111 —

Sa maudite malice, Jointe à sa vanité, Va causer son supplice En toute éternité.


Dans ce dernier assaut Il n'a aucun refuge, Car s'il regarde en liaut, Il y verra son juge Prononcer sa sentence Et sa condamnation, Sans aucune indulgence ; Quelle désolation !


Dans cet affreux moment. Après son agonie, Il aperçoit Satan Qui lui montre sa vie Ecrite dans un livre D'une énorme grosseur. Ah I qui pourrait survivre A cet objet d'horreur l


5


Ce pécheur malheureux Dans ce moment étrange, Abandonné des Cieux, Aperçoit son bon ange ; Il l'appelle à son aide. Pour chasser le démon ; Son mal est sans remède, Pour lui plus de pardon.


— 112 — 6

En vain de mon secours Tu cherches l'assistance, Tu as fini ton cours, Et subi ta sentence ; L'Eternel, mon grand maître, Te condamne à l'enfer, Va-t-en, malheureux traître, Va avec Lucifer.


Voyez donc dans ces feux, Voyez dans ces abîmes Ce pauvre malheureux Pour expier ses crimes ; Il n'est pour lui que rage Dans ses brasiers ardents ; L'enfer est son partage. Sans terme à ses tourments.


8


Sur son lit maintenant, Venez voir ce fidèle. Il rend grâce en mourant A son Dieu qui l'appellô^ Voyez la sainte flamme Qui brille dans ses yeux ; En rendant sa belle âme, 11 contemple les cieux.


9


Après avoir vécu Dans la douce innocence, Dans les bras de Jésus Il meurt plein d'assurance i


— 443 —

Voyez comme il embrasse Le très saint crucifix. Dieu nous fasse la grâce De mourir comme lui I

10

Qu'un chrétien est heureux De bien vivre en ce monde 1 Tout en servant son Dieu De délice il abonde ; Et pour sa récompense, A I heure de la mort, Il entre en jouissance ; Le beau ciel est son sort*


Le Jugement dernier.

1

J'entends la trompette effrayante, Qui crie : ô vous, morts I levez-vous. Et qui, dans un clin d'œil, d'une voix foudroyante, Au tribunal de Dieu nous rassemblera tous.

2

J'entends la trompette que l'ange Fera retentir dans les airs ;

J'entends un bruitperçantj'eutendsun bruit étrange Qui fait trembler le ciel, la terre et les enfer».

J'entends, etc.


Tremblez, habitants de la terre ; Tremblez, le Seigneur va venir ; De sa part,.ô pécheurs, nous vous faisons la guerre l: 11 paraîtra bientôt, il viendra vous punir.

J'entends, etc.


— 114 —


Rendez-vous devant votre Juge, Il va paraître en un moment : En vain pour échapper cherchez-vous un refuge, Rois, peuples, grands, petits, venez au jugement.

J'entends, etc.


Sortez du profond des abîmes, Venez, ô monstres infernaux I Saisissez les pécheurs, et pour punir leurs crimes, Préparez les tourments, assemblez tous les maux.

l'entends, etc.

6

Ouvre, pécheur, ouvre l'oreille, Préviens un si malheureux sort. Celui qu'un si grand bruit n'excite et ne réveille, Ne dort pas seulement, mais il est déjà mort.

J'entends, etc.


J'entends la trompette qui crie : morts ! levez-vous promptement ; Vous-mêmes jugez-vous ; mortels, changez de vie. Et vous ne craindrez rien au dernier jugement. J'entends la trompette qui crie : morts ! levez-vous promptement.


Sur VEnfer,

i

Malheureuse âme damnée, Qui t'a mise dans ces feux ? Qui t'a mise, infortunée. Dans ces cachots ténébreux ?


— 115 — 2

Le damné.

Ah ! c'est ma pure malice Qui m'a plongé dans ce feu Où j'éprouve la justice Et la vengeance d'un Dieu.


Ma perte est universelle ; Perdant Dieu, j'ai tout perdu. Dieu perdu, perte cruelle I Ce mot n'est point entendu.


Ah ! que je suis misérable I Jamais je ne verrai Dieu ; malheur épouvantable Qu'on ne comprend qu'en ce lieu !


Je n*ai plus Dieu pour mon père, Il est mon juge irrité ; Tout le poids de sa colère Punit mon iniquité.


Comme je fus sur la terre Contraire à ce Dieu puissant, Il me rend guerre pour guerre, 11 m'accable à chaque instant.


J'ai, pour une bagatelle, Pour un plaisir d'un moment,


— 116 —

Perdu la vie éternelle, J'en enrage incessamment.


8


Hélas ! ma vie est passée ; souvenir très-cruel 1 Je sens mon âme rongée D'un repentir éternel.


9


Je gémis sans pénitence, Je brûle sans consumer, Je souffre sans espérance, Je me repens sans aimer.

iO

Dans tout ce qui m'environne Je trouve un nouveau tourment. Je souffre sans qu'on me donne Le moindre soulagement.


il


Tous les démons me tourmentent, Tous sont mes cruels bourreaux ; Ces affreux tyrans inventent Des tourments toujours nouveaux.

12

Je ne respire que flamme, Tant au dehors qu'au dedans ; Le feu pénètre mon âme, Je suis un charbon ardent.


— Hl -

13

Le désespoir et la raeo, Et les grincements de aeirs Sont mon unique langage Au milieu de mes tourments.

14

Je me déchire moi-même, Je me dépite et maudis ; Car mon malheur est extrême, Et mes maux sont inûnis.

15

Une peine qui m*accabie C'est la longue éternité ; toujours épouvantable, terrible vérité 1

16

Pour jamais dans la souffrance Des plus affreux châtiments, Je serai sans espérance D'expirer dans mes tourments.

17

Rage, fiireur et blasphème, Puisqu'il faut toujours souffrir. Puisqu'il faut rester de même, Sans jamais pouvoir mourir.

18

Ah ! c'est trop tard que je pleure D'être mort dans le pécné ; Malheureuse et maudite heure Où mon cœur en fut taché l g


— 118 —

19

Homme mortel, deviens sage, Que ce soit à mes dépens ; Si tu n'entends mon langage, Bientôt ici tu descends.

20

quel funeste langage I J*en frémis, j'en suis touché ; Oui, je vais me rendre sage. En évitant le péché.


COMPLAINTE POPULAIRE

D*une fille damnée.

I

Ecoutons les regrets d'une fille damnée Pour avoir trop aimé la danse et la soirée. Ecoutons les sanglots, les cris de sa douleur, Soyons plus réservés, touchés de son malheur.

2

Ah ! c'en est fait de moi sans aucune espérance, Pour avoir trop aimé le plaisir de la danse ! J'ai pour mon sot orgueil le sort de Lucifer, Qui du ciel est tombé dans le fond de l'enfer.


Hélas ! qui concevrait les peines que je souffre Au millieu des démons dans ce terrible gouffre ? Je souffre à tout moment tout ce qu'on peut

souffrir ; ^e 0)eurs à tout moment, et je meurs sans mourir»


— 119 —


Je suis dans un étang de flammes abîmée, Je brûle jour et nuit sans être consumée; Mon âme est tout en feu, mon corps est embrasé ; Je brûle et brûlerai toute l'éternité.


Je n'entends plus ici de chants ni de musique, Mais le tonnerre affreux d'un juge sans réplique, D'horribles hurlements, des grincements de dents, Des sanglots, des soupirs et des gémissements.


Au lieu des jeunes gens dont j'étais entourée. Je suis de toute part de démons assiégée. Oui font tomber sur moi, quel funeste malheur I Sans jamais se lasser^ les coups de leur fureur.


souvenir cruel des péchés du jeune âge I Ma joie est maintenant toute changée en rage. L'éternité succède à de bien courts moments, Et pour de vains plaisirs, des millions de tourments.

8

Ah ! père malheureux, ah ! mère infortunée, Pourquoi ne m'avez-vous dans le sein étouffée ? Que me permettiez-vous la veillée et le bal ? Votre facilité fut cause de mon mal.


Malheur, malheur à moi I hé, pourquoi fu&-jc aa

monde ? Hélas ! pour des moments passés tout comme l'onde, Je souffre et souffrirai dans cet horrible lieu Toutes sortes de maux tant que Dieu sera Dica,


— 120 —

Le Paradis, Les Vivants,

/>, Du séjour de la gloire,

Bienheureux, dites-nous. Après votre victoire Quels biens possédez-vous ?

Les Saints.

B* Ces biens sont ineffables,

Le cœur n'a point compris Quels trésors admirables Dieu garde à ses amis.

/>. Mais daignez nous instruire

Du prix de vos vertus ; Dites ce qu'on peut dire Du bonheur des élus.

B» Loin du trouble et des larmety

Voir, aimer le Seigneur, En jouir sans alarmes, C'est là notre bonheur.

D, Martyrs, dont le courage

Triompha des bourreaux, Quel est votre partage, Après de si grands maux ?

B. Tous, la couronne en tête,

La palme dans les mains, Nous chantons la conquête Du Sauveur des humains.

/>, Docteurs, fameux oracles,

Interprètes des cieux,


— 121 —

Par quels nouveaux miraclet Dieu frappe-t-il vos yeux ?

R, Ah ! quel bonheur extrême

D'aller en sûreté Dans le sein de Dieu même Puiser la vérité !

D. Vous, humbles solitaires

Que l'Egypte a produits, De vos jeûnes austères Quels sont enfin les fruits ?

H. Pour tous nos sacrifices

Et nos saintes rigueurs Un torrent de délices Vient inonder nos cœurs.

/>. Vous, épouses fidèles

Du plus fidèle époux, Pour des ardeurs si belles Quels plaisirs goûter-vous ?

iî. Epouses fortunées,

Nous pouvons en tout liea, De roses couronnées, Suivre l'Agneau de Dieu.

/>. Vous qui du riche avare

Sentîtes les rigueurs, Compagnons du Lazare, Quelles sont vos douceurs ?

Bi Nous sommes à la table

Du Roi de Tunivers : Le riche impitoyable Est au fond des enfers.

fi. Et vous qu'un pain de larmes

Nourrissait chaque jour^


— 122 —

Quels sont pour vous les charmes Du céleste séjour ?

B, Une main secourable

Daigne essuyer nos pleurs ; Un repos désirable Succède à nos douleurs.

D. Mais quelle est la durée

D'un si charmant repos ?_ Dieu Ta-t-il mesurée Sur celle de vos maux ?

B. Dieu, qui de nos souffrance»

Abrégea les moments, Veut que ses récompenses Durent dans tous les temps,

D. Ah ! daignez nous apprendre

En cet exil cruel. Quelle route il faut prendre Pour arriver au ciel ?

R. Si vous voulez nous suivre,

Marchez en combattant. Et sans cesser de vivre, Mourez à chaque instant.

D^ Mais la peine est extrême :

Comment vivre toujours '

En guerre avec soi-même, Et mourir tous les jours ?

B, Si la route est fâcheuse, {


Le terme est plein d'appas; Une couronne heureuse pou» de légers combat*.


— 123 —


Sur la gloire du Ciel,

Ah ! que ton séjour est charmant I Paradis, Paradis ! gue ta splendeur est belle î Ta clarté nie remplit d'un saint ravissement ; Toujours ton règne est florissant, Ta beauté toujours est nouvelle. Quand viendra pour moi le moment Où j'entrerai dans la paii éternelle ?


Le Pécheur converti.


A tes pieds. Dieu aue j'adore, Ramené par mes malheurs, Tu vois mon cœur qui déplore Ses écarts et ses erreurs. Seigneur, Seigneur ! Ah ! reçois, reçois encore, Et mes soupirs et mes pleurs. Ah 1 etc.


2


Si mon crime qui te blesse, Sollicite ton courroux, Ta bonté, hélas ! te presse De me sauver de tes coups. Seigneur, Seigneur ! J'attends tout de ta tendresse ; Désarme ton bras vengeur. J'attends, etc.

3

Israël jadis coupable Pleure ses égarement8|


— 124 —

Bientôt ta main secourable. En suspend les ciiâtiments. Seigneur, Seigneur ! Jette un regard favorable Sur ce malheureux pécheur. Jette, etc.


Je oe peux rien sans ta grâce, Daigne donc me secourir ; Seul j'ai tramé ma disgrâce. Seul je ne puis revenir. Seigneur, Seigneur 1 L'espoir enfin a fait place A ma trop juste frayeur.

L'espoir, etc.


Mes soupirs sont ton ouvrage ; Puisse mon cœur douloureux Te venger de mon outrage Et de mes coupables feux ! Seigneur, Seigneur ! Que mon cœur longtemps volage N'aime plus que ta douceur !

Que, etc.


Le dégoût du Monde»

1

C'est à tes faux charmes, monde imposteur. Que je dois mes larmes Et tout mon m.ilheur. C'est ainsi, perfide,


— 125 —

Que Thomme insensé Qui te prend pour guide Est récompensé.


Tes biens nous séduisent ; Ils ont des attraits ; Mais quel fruit produisent Tes plus grands bienfaits ? Souvent dommageables, Toujours dangereux, Us font des coupables, Jamais des heureux.


Quoi de plus frivole Que tes agréments ? Ta faveur s'envole Sur l'aile du temps. L'instant qui fait naître Tes plaisirs trompeur» Les fait disparaître Et les change en pleunu


O terre, Taurore Verra ce matin Tes fleurs naître, éclore Sous un ciel serein ; Demain de ses larmes Elle baignera Les débris des charmet Qu'uD jour flétrira.


Charmante prairie Qu'arrose un ruisseau.


— 126 —

Ta rive fleurie N'en peut fixer l'eau ; Image du monde, Il hâte son cours : Tout ainsi que Tonde S'écoulent nos jours.

6

Quitte, homme frivole. Ton sombre bandeau, Viens de ton idole Ouvrir le tombeau ; Ce hideux spectacle, Qui fait fuir d'horreur. Etait le miracle Qui trompait ton cœur.


Maîtres de la terre, Que sont devenus Ces foudres de guerre. L'effroi des vaincus ? Cendres et poussière. Du temps le marteau Brise sur la terre Cabane et château.

8

J'ai vu jusqu'aux nuei L'impie insensé Etendre ses vues ; Surpris, j'ai passé. Déjà les cieux grondent, Les airs sont émus, Les échos répondent : Hélas ? il n'est plus 1


— 127 —

Les Ames du Purgatoire,

I

Vivants, écoutez-nous, Ecoutez-nous, chers frères, Nous soupirons vers vous Du fond (le nos misères ; Hélas ! que nous soufiFrons ! Qui pourrait le comprendre ? Nous pleurons, nous crions Sans qu'on nous veuille entendie.

2

Nous sommes vos parents, Vos pères et vos mères, Vos amis, vos enfants. Vos propres sœurs et frères ; Si l'amour ou le sang Peut vous rendre sensibles, Soulagez à l'instant Nos souffrances terribles.


Vous vous divertissez, Vous vivez à votre aise. Et vous nous délaissez Au fond d'une fournaise. Vous mettez votre bien En de folles dépenses, Au lieu, par ce moyen, D'adoucir nos souffrances.


Et vous, Seigneur très-doux, Vous nous êtes contraire ; Vous armez contre nous


— 128 —

Votre juste colère. Que dans votre bonté Vous vous rendez aimable ! Que dans votre équité, Vous êtes redoutable !


Le bras d'un Dieu vengeur Forme notre supplice ; Nous sentons la rigueur De toute sa justice. Il est vrai, nous l'aimons Ainsi qu'un tendre père ; Mais nous le ressentons Comme un juge sévère.


6


Il nous fait entrevoir Sa beauté souveraine, Et c'est dans ce miroir Qu'augmente notre peine, Car pour voir un moment Ses beautés infinies, Il faudrait justement Consacrer mille vies.


Quand un cœur est taché De la moindre souillure. Ah 1 pour ce seul péché Quelle horrible torture ; Point de péché petit. Point de faute légère, Puisque Dieu les punit Avec tant de colère.


— 129 — 8

Hélas 1 un feu cuisant, En dévorant notre âme, La pénètre et la rend Un charbon tout de flamme ; que ces feux sont vifs I quels maux on endure ! Vos feux les plus actifs N'en sont que la peinture.

9

Ici plus de moyen De nous aider nous-mêmes, Nous ne méritons rien Dans nos peines extrêmes. Mortels, si vous vouliez. Il vous serait facile ; Le peu que vous feriez Nous serait très-utile.

40

Tirez-nous de ces feux, Dieu même le désire ; Nous mettre dans les cieui. C'est former son empire. Vous le glorifierez D'une gloire nouvelle, Si vous nous procurez Une gloire éternelle.

11

Si vous nous délivrez. Ou donnez l'assistance, Vous nous éprouverez Pleins de reconnaissance.


— 130 —

Car ayant eu par vous Une entière victoire, Nous nous emploierons tous Pour vous mettre en la gloire.


Un verre d'eau qu'on donne,

Ont devant Dieu leur prix,

Leur gloire et leur couronne,

quel grand prix, grand Dieu î

Recevra votre aumône,

Si pour un lit de feu

Vous nous donnez un trône.

43

Ah ! si vous n'écoutez pas Notre juste demande, Le Seigneur ici-bas Fera qu'on vous le rende ; On vous mesurera A la même mesure, On vous délaissera Dans ce lieu de torture.

14

Tirez-nous de prison, Soyez-nous donc propices, Payez notre rançon Par vos saints sacrifices. Entendez-vous nos cris ? Nous crions tous : A l'aide I Sovons-en attendris ; A 1 aide, à l'aide, à l'aide 1


12 |. i

i.

l


Si des biens très-petits, *^


— 131 — 15

Prière.

Seigneur, apaisez-vous Sur tant de pauvres âmes ; Frappez plutôt sur nous, Pour éteindre leurs flammes; Retirez-les, mon Dieu, Placez-les dans la gloire, Vous aurez en tout lieu Une pleine victoire.

16

Priez pour nos parents, Sainte Vierge Marie ; Ils sont vos chers enfants. Soyez-en attendrie : Montrez-leur maintenant Que vous êtes leur mère ; Calmez le Tout-Puissant Dans sa juste colère.

Parmi les différents moyens de soulager les défunts, on peut remarquer celui qu'il est si facile de pratiquer chaque jour, c'est de leur gagner les indulgences de sept ans et sept quarantaines, que les derniers papes ont déclarées applicables aux trépassés, et cela chaque fois qu'on les prononce, dès que le motif de chaque acte y est exprimé.


L'indigne Communion.

i

Malheureux, où vas-tu ? quel démon homicide T'aveugle et te conduit jusqu'au pied de l'autel. Pour venir de nouveau par un baiser perfide Donner le coup de mort au Fils de l'Eternel ?


— 132 —


Dans un cœur hypocrite, infecté par le vice, EiXclave du démon, rempli d'iniquité, Tu vas, par un forfait digne de ta malice, Crucifier ton Dieu, le Dieu de sainteté.


Mais ne sais-tu donc pas que le Dieu redoutable Qui s'est toujours montré de sa gloire jaloux, Peut d'un mot écraser l'audacieux coupable ' Qui profane son sang et brave son courroux ?


Oh I si dans ce moment, oubliant sa clémeDce, Ce Dieu dont la justice égale la bonté, Déployait contre toi sa terrible vengeance ! S'il voulait te punir de ta témérité !


S'il allait, en t'ouvrant les portes de l'abîme, T'engloutir tout vivant jusqu'au fond des enfers, Et d'un feu dévorant te rendant la victime. Par ton juste supplice effrayer l'univers !

6

Souviens-toi de Nabal, souviens-toi de son frèr6| De l'imprudent Osa rappelle-toi la mort ; Plus sacrilège qu'eux, ô pécheur téméraire I Ne mérites-tu pas un plus horrible sort ?


Oui, du traître Judas imitateur coupable, Tu viens trahir ton Dieu par un baiser de paix. Tremble, de ce méchant le sort épouvantable Peut devenir encor ton partage à jamais.


— 133 —


Déchiré comme lui, par l'horreur de ton crime. Tu chercheras en vain le calme et le repos, De Himords dévorants tu seras la victime, Et ce tourment sera suivi de mille maux.


Bientôt le désespoir dans ton âme insensible De la religion éteindra le flambeau ; Tu vivras sans frayeur jusqu'au moment terrible Qui t'ouvrira l'enfer en t'ouvrant le tombeau.

10

Alors, 6 malheureux ! quel sera ton refuge, Lorsque de ton forfait sentant toute Thorreur, Tu ne verras plus rien que ton crime et ton juge, Lucifer ton bourreau, avec le feu vengeur ?

11

J'ai péché, diras-tu dans ta douleur profonde. J'ai trani mon Sauveur, crucifié mon Roi ; Le sang qu'il répandit pour le salut du monde, Sur l'autel profané doit-il couler pour moi ?

12

Non, mon crime est trop grand, il n'est plu» d'espérance ; Ta justice, grand Dieu, m'attend à mon trépas, Tu sauras à cette heure exercer ta vengeance, Et j'irai dans l'enfer me rejoindre à Judas.

13

Jésus, ô pasteur clément et charitable ! pour (\ue nous vécussions, vous voulûtes mourir,


— 134 —

Vous nous vivifiez à la divine table,

Nous y conduiriez-vous pour nous y voir périr ?

14

Daignez nous préserver du sort du téméraire Qui change votre sang en un poison mortel ; Faites qu'à notre mort, ce glorieux mystère Puisse nous introduire au bonheur immortel.


Pendant que le Prêtre distribue la sainte Communion,


Mille fois mon cœur vous désire, mon Jésus I hélas ! quand viendrez-vous ? Etre sans vous c'est un martyre ; Venez donc, ô mon cher époux. bis,

2

Je sens une tiédeur extrême, Mon Dieu, sans vous je languis nuit et jour ; Si vous voulez que je vous aime. Venez donc m*embraser d'amour. bis.


Je suis la brebis égarée, bon Pasteur, venez à mon secours ; Sans vous je serais dévorée, Venez donc, à vous j'ai recours, bis.


Je suis un aveugle qui crie : Seigneur Jésus, ayez pitié de moi ; ' ' Fils de David, Fils de Marie, Que je voie, augmentez ma foi» ' bis.


— 135 —


Je suis malade et misérable, Mais d'un seul mot vous pouvez me guérir ; Sans vous, médecin charitable. C'en est fait, je m'en vais mourir. bi$,

6

Seigneur, je frappe à votre porte. J'ai grand besoin, je meurs de pauvreté ; Daignez à ma voLx tendre et forte Accorder quelque charité. bis.


Venez, mon ami charitable, Mon cher trésor, mon unique bonheur, Sans vous que je suis misérable I Venez donc, entrez dans mon cœur. bis.

8

Je suis, Seigneur, je suis indigne Du grand bonheur de la communion, Dites un mot, j'en serai digne. Ah ! venee^ divine union. bis,

9

Que ce moment est plein de charmes. Lorsque l'on tient Jésus-Christ dans son cœur I Qu'il fait couler de douces larmes Quand on sait goûter sa douceur (1) ! bis.


(1) Extrait des Cantiques de M. de Montfort.


— 136 —

Avant ou pendant la Messe où Von communie.

1

prodige d*amour, ô mystère ineffable I Jésus du haut des cieux descend sur nos autels ; Il veut pour nous rendre immortels Nous donner sa chair adorable. Recherchez pleins d'espoir ce pain vivifiant, Cœurs afQigés ; et nourris dans les larmes, Vous trouverez au sein du Sacrement La paix avec tous ses doux charmes.

2

Je réprouve, ô mon Dieu I loin du banquet céleste, Mon cœur est triste, aride, inquiet, abattu, Et mon impuissante vertu Languit dans un vide funeste. Biens du monde, à mes yeux vous êtes sans attraits, Vous me laissez dans une soif extrême ; Pour contenter mon âme et ses souhaits. Il faut à mon cœur un Dieu même.


Il m*écoute, et déjà l'excès de sa tendresse Allume les ardeurs de son feu dans mon sein. Toi seul, ô breuvage divin, Peux calmer la soif qui me presse. Que de biens on reçoit à ton festin sacré I Dans les transports dont mon âme est ravie, Tu me verras, comme un cerf altéré, Courir à la source de vie.


/


— 137 —


Paroles de saint Bonaventure sur la sainte Vierge.

Ml. e ! quand ce serait un pécheur méprisable au inonde ek.tier, va-t-il se jeter à vos pieds, vous le recevez, vous raccnoilk'z avec une compassion maternelle, et vous ne r.ihandonnez pas que vous ne l'ayez mis à couvert pour le ju^'ement eftrayant de Jésus-Christ.


PRIÈRE Dh St BERNARD A LA Ste VIERGE.

Que toute perso ne qui désire de sauver son âme, fera bien de prononcer avec confiance.

Ressouvenez-vous, ô très-compatissante Mère, qu'il est inouï que celui qui a recouru à votre protection et à vos mérites, et qui a imploré votre assistance, ait été jamais abandonné. Animé d'une telle confiance, ah ! je recours à vous, je me jette à vos pieds, je vous adresse mes gémisse- ments, misérable péchsur que je suis ; 6 Mère de Dieu, vous ne dédaignerez pas ma prière, mais vous ['écouterez fa- vorablement, et j'ai la douce espérance que vous l'exaucerez.


MEDITATION ûUR LA MORT. Tirée de r Imitation de J.-C, liv. \, chap. 23.

1 . Ce sera bientôt fait de voas ici-bas, voyez en quelle disposition vous êtes. L'homme qui vit aujourd'hui ne pa- rait plus demain, et quand il a disparu à nos yeux, il s'ef- fac»» bientôt de notre pensée.

dureté stupide du cœur humain, de ne penser qpi'au présent, et de ne pas prévoir l'avenir ! Vous devriez vous comporter dans toutes vos actions et dans toutes vos pen- sées, comme si vous deviez mourir aujourd'hui.

Si votre conscience était pure, vous n.ippi'éhenderiez pas beaucoup de mourir ; et il vaudrait bien mieux éviter le péché (|!ie <!(' fuir la mort.

bi vous n'êtes pas aujourd'hui prêt à mourir, comment le serez-vous demain ? Ce demain est incertain ; et qui gavez-vous s'il y eu a uu pour vous i


— 138 —

2. Que nous revient-il de vivre longtemps, puisque nous nous corrigeons si peu ?

Hélas ! une longue vie ne sert pas toujours à nous ameii- der, elle ne fait souvent qu'augmenter nos fautes.

Plût à Dieu que nous eussions bien vécu en ce monde seulement pendant un jour !

Plusieurs comptent des années depuis leur conversion mais souvent ce temps leur a peu servi pour se corriger.

Si la mort est à craindre, il est peut-être plus dangereux de vivre longtemps. Heureux qui a toujours devant les yeux l'heure de sa mort, et qui se prépare à mourir !

Si vous avez vu quelquefois un homme mourir, songe2 que vous passerez par le même chemin.

3. Quand vous êtes au matin, pensez que vous ^n'irez peut-être pas jusqu'au soir ; et quand vous êtes au soir, ne vous flattez pas de voir le matin. Soyez donc toujours prêt, et vivez de telle sorte, que la mort ne puisse pas vous prendre au dépourvu.

Plusieurs meurent d'une mort subite et imprévue. Car le Fils de Vhomme viendra à Vheure que Von n'y pense pas. (Luc. 12, 40.)

Quand cette dernière heure sera venue, vous commence- rez à juger bien autrement de toute votre vie passée, et vous aurez un grand regret d'avoir été si négligent et si lâche.

4. Que celui-là est heureux et sage, qui tâche de devenir présenteme-it ce qu'il veut être à l'heure de sa mort.

En effet, ce qui donnera à un homme une grande con- fiance qu'il fera une heureuse fin, c'est le mépris parfait qu'il a du monde, l'ardent désir de s'avancer dans la vertu, l'an-iour de la régularité, le travail de la pénitence, la promptitude à obéir, l'abnégation 4e soi-même, et la pa- tience à souffrir toutes les adversités pour l'amour de Jésus- Christ.

Vous pouvez faire beaucoup de bien pendant que vous êtes en santé ; mais quand vous serez malade, je ne sais de quoi vous serez capable. Peu de gens s'amendent par les maladies ; de même que ceux qui font beaucoup de pèleri- nages, rarement en deviennent plus saints.

5. Ne mettez donc point votre confiance dans vos amis, ni dans vos proches, et ne différez point à un autre temps l'alfaii.j de vutre salut,; car les hommes vous oublieront plus tôl que vous ne pensez.

Il vaut mieux, maintenant qu'il est de saison, pourvoir a votre salut, et envoyer devant vous au Ciel quelques bonnes œuvres, q-io de vous attendre au secours des autres.

Si maintenant vous ne vous mettez pas en peine pour vous même, qui est-ce qui en prendra soin quaad vous ne serez plits i


— 139 —

Voici le temps le plus précieux : Voici tes jows de tanu,

\ ^îci A' trmijs favorable. (2 Cor. 9, 2.)

Mais quel malheur de ue pas mieux employer ce temps f\A\ |>out vous servir à mériter de vivre éternellement? Un lôn)ps viendra que vous demanderez seulement un jour, ou m^me une heure pour votre amendement, et je ne sais si vous l'obtiendrez.

6. Ah ! mon cher frère, de quel danger et de quelle frayeur ne vous préserverez-vous pas, si à présent vous vivez toujours dans la crainte des jugements de Dieu et des surprises de la mort !

Tâchez de vivre maintenant de telle sorte, qu'à l'heure de la mort vous ayez plus sujet de vous réjouir que de craindre.

Apprenez maintenant à mourir au monde, afin qu'alors vous commenciez à vivre avec Jésus-Christ.

Apprenez maintenant à tout mépriser, afin qu'alors vous soyez libre pour aller à Jésus-Christ.

Châtiez maintenant votre corps par la pénitence, afin qu'alors vous puissiez avoir une confiance certaine.

7. insensé que vous êtes ! pourquoi vous pr(jinettez-vous une longue vie, vous qui n'avez pas un seul jour d'assuré î

Combien de personnes ont été trom[)ées, et ont été arra- chées de cette vie lorsqu'elles y pensaient le moins !

Combien de fois avez-vous ouï dire : Un tel a été tué d'un coup d'épée ; un autre s'est noyé ; un autre, en tombant d'en haut, s'est brisé la tête ; celui-ci est mort à table, cet autre en jouant ; l'un a péri par le feu, l'autre par le fer, un autre par la peste, un autre par la main des voleurs ! Ainsi la mort est la fin de tous les hommes, et leur vie passe en un moment comme l'ombre. (Job. 14, 2 ; Ps. 143, 4.)

8 . Qui se souviendra de vous après votre mort ? Qui priera pour voua ?

Faites, faites maintenant, mon cher frère, tout ce qu'il vous est possible de faire, parce que vous ne savez ni le moment ni les suites de votre mort. Pendant que vous en avez le temps, amassez-vous des richesses immortelles. Ne pensez qpi'd votre salut, et n'ayez de soin que pour les choses de Dieu.

Faites-vous maintenant des amis auprès de Dieu, en hono- rant ses saints et imitant leurs vertus ; afin qu'après que voitS serez sorti de cette vie, ils vous reçoivent dans les taber- nacles éternels. (Luc. 16, 9.)

9. Comportez-vous sur la terre comme un voyageur et an étranger qui n'a point d'intérêt aux affaires du monde»


— 140 —

Conservez votre cœur libre, et élevez-le vers Dieu, parce que vous n'avez point ici-bas de den:ieure stable.

C'est au Ciel qu'il faut tous les jours adresser vos prières, vos gémissements et vos larmes, afin qu'après cette vie, votre esprit puisse passer heureusement au Seigneur.


PRii&E.

Etant certain, comme je le suis, que je mourrai un jour, mais ne sachant ni l'instant ni l'état où je dois mourir, je vous prie, ô mon Sauveur, par le mérite de votre sainte mort, de me disposer vous-même à bien mourir, par une exacte fidélité à mes devoirs, à vos grâces, à la prière, au bon et au fréquent usage des sacrements, aux bonnes œu- vres et aux vertus propres à mon état ; car voilà ce qui fera ma consolation et mon assurance à la mort. Faites que je me conserve toujours dans votre grâce, que je n'agisse en tout que pour vous plaire, que je ne respire que votre amour ; car en vivant ainsi, mon Jésus, de vous, pour vous et comme vous, il me sera toujours plus avantageux de mourir pour ne vous offenser jamais, et pour vous voir, vous aimer et vous posséder toujours. Ainsi soit-il


rt


TABLE DES MATIÈRES.


Pion.

Introduction 1

Notice sur les démons 6

Explication db la l""" Planche 7

Mélilation sur la perte de la grâce ^

Exemples 11

Explication de la 2° Planche 13

Méditation sur le péché 1*

Exemples 18

Explication de la 3° Planche 20

Méditation sur le bonheur d'une âme juste 21

Exemples *3

Explication de la 4° Planche 26

Méditation sur la mort 2"'

Exemples 29

Expucation de la 5® Planche SI

Méditation sur le jugement particulier 32

Exemples 33

Explication de la 6^ Planche 35

Méditation sur le délai de la conversion 36

Exemples 40

Expucation de la 7^ Planche 42

Méditation sur la mort du juste 43

Exemples 44

Explication de la 8" Planche 46

Méditation sur le jugement dernier 47

Exemples 60

Notice sur les peines de l'Enfer 51

Expucation de la 9^ Planche 5J

Méditation sur l'Enfer 64

Exemples 66

Expucation de la 10^ Planche 58

Méditation sur le Paradis 59

Exemples 61

Explication de la 11* Planche 68

Méditation sur le néant des biens du monde 68

Exemples , 65

Explication de la 1 2* Planche 67

Méditation sur les ennemis de notre âme 68

Exemples 73

Explication de la 1 8* Planche 75

Méditation sur le petïi ncmbre des élus 7C

Exemples 78


— 142 —

Pages.

Explication de la 1 4^ Planche 82

Méditation sur la Comraanion 83

Exemples 88

Explication de la 15^ Planche 89

Méditation sur le désordre d'un amour profane 9i

Explication de la 16® Planche 95

Méditation sur le t. nheur du retour à Dieu 95

Exemples 98

Cantiques 101

L'importance du salut 101

Sur le péché 102

Sur la mort 104

La mort du pécheur 107

La fausse converaion 109

Complainte sur la mort du pécheur et du juste 110

Le jugement dernier 113

Sur lEnfer 114

Complainte d'une allé damnée 118

Le Paradis 120

Sur la gloire du Ciel 123

Le pécheur converti 123

Le dégoût du monde 124

Les âmes du Purgatoire 127

L'indigne Communion 131.

Pendant la distribution de la sainte Communion 134

Pendant la Me-se où l'on communie 136

Paroles de S. Bonaventure sur la sainte Vierge 137

Prière de S. Bernard à la sainte Vierge 137

Méditation sur la mort 137

Prière pour obtenir une bonne mort 140

Table des matières 14J




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