Le Testament de Jean Meslier (volume 1 of Rudolf Charles edition)  

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"Il souhaitait, disoit-il, par raport au sujet dont je parle, que tous les grands de la terre et que tous les nobles fussent pendus et [[étranglés avec les boïaux des prêtres]]." "Il souhaitait, disoit-il, par raport au sujet dont je parle, que tous les grands de la terre et que tous les nobles fussent pendus et [[étranglés avec les boïaux des prêtres]]."
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-"On trouve l’[[Extrait du Testament du Curé Meslier]] dans [[l'Évangile de la Raison]],[3] 1766 in-8o et 1768 in-18o ; il figure également dans le [[Recueil nécessaire]], Londres (Paris) 1768, 2 vol. in-12o, tome II, p. 209–300 ; [[Naigeon]] l’a fait imprimer en 1791 dans l’[[Encyclopédie méthodique]][4]. Il fut joint pour la première fois aux œuvres de Voltaire dans une édition in-12o, publiée en 1817. M. Beuchot l’a reproduit dans l’édition qu’il a donnée en 1830.[5] De nombreuses réimpressions ont été faites depuis, surtout de 1828 à 1835, presque toutes imprimées sur du papier d’une qualité très inférieure. Les éditeurs ont généralement ajouté l’extrait de Voltaire à la suite d’un autre extrait du Testament, fait par le Baron d’Holbach, sous le titre de "Bon Sens du Curé Meslier, et publié pour la première fois en 1772, chez M. Rey à Amsterdam, in-12o." En 1789, parut le Catéchisme du Curé Meslier, de la main de Sylvain Maréchal[1]. L’Extrait du Testament de J. Meslier fut, par arrêt du parlement de Paris, condamné à être brûlé et, par decret du 8 Février 1775, la cour de Rome le mit à l’index. La destruction du Bon Sens du Curé Meslier, pour cause d’Outrage à la morale publique et religieuse, fut ordonnée : 1o. par jugement du tribunal correctionnel de la Seine, du 20 Août 1824 ; 2o. par arrêt de la cour d’assises du Nord, du 22 février 1835 ; 3o. par arrêt de la cour royale de Douai, du 1er Septembre 1837 ; et 4o. par arrêt de la cour d’assises de la Vienne, du 12 Décembre 1838."--[[Le Testament de Jean Meslier (volume 1 of Rudolf Charles edition) ]]+"On trouve l’[[Extrait du Testament du Curé Meslier]] dans [[l'Évangile de la Raison]], 1766 in-8o et 1768 in-18o ; il figure également dans le [[Recueil nécessaire]], Londres (Paris) 1768, 2 vol. in-12o, tome II, p. 209–300 ; [[Naigeon]] l’a fait imprimer en 1791 dans l’[[Encyclopédie méthodique]]. Il fut joint pour la première fois aux œuvres de Voltaire dans une édition in-12o, publiée en 1817. M. Beuchot l’a reproduit dans l’édition qu’il a donnée en 1830. De nombreuses réimpressions ont été faites depuis, surtout de 1828 à 1835, presque toutes imprimées sur du papier d’une qualité très inférieure. Les éditeurs ont généralement ajouté l’extrait de Voltaire à la suite d’un autre extrait du Testament, fait par le Baron d’Holbach, sous le titre de "[[Bon Sens du Curé Meslier, et publié pour la première fois en 1772, chez M. Rey à Amsterdam, in-12o]]." En 1789, parut le [[Catéchisme du Curé Meslier]], de la main de [[Sylvain Maréchal]]. L’Extrait du Testament de J. Meslier fut, par arrêt du parlement de Paris, condamné à être brûlé et, par decret du 8 Février 1775, la cour de Rome le mit à l’index. La destruction du Bon Sens du Curé Meslier, pour cause d’Outrage à la morale publique et religieuse, fut ordonnée : 1o. par jugement du tribunal correctionnel de la Seine, du 20 Août 1824 ; 2o. par arrêt de la cour d’assises du Nord, du 22 février 1835 ; 3o. par arrêt de la cour royale de Douai, du 1er Septembre 1837 ; et 4o. par arrêt de la cour d’assises de la Vienne, du 12 Décembre 1838."--[[Le Testament de Jean Meslier (volume 1 of Rudolf Charles edition) ]]
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"Il souhaitait, disoit-il, par raport au sujet dont je parle, que tous les grands de la terre et que tous les nobles fussent pendus et étranglés avec les boïaux des prêtres."


"On trouve l’Extrait du Testament du Curé Meslier dans l'Évangile de la Raison, 1766 in-8o et 1768 in-18o ; il figure également dans le Recueil nécessaire, Londres (Paris) 1768, 2 vol. in-12o, tome II, p. 209–300 ; Naigeon l’a fait imprimer en 1791 dans l’Encyclopédie méthodique. Il fut joint pour la première fois aux œuvres de Voltaire dans une édition in-12o, publiée en 1817. M. Beuchot l’a reproduit dans l’édition qu’il a donnée en 1830. De nombreuses réimpressions ont été faites depuis, surtout de 1828 à 1835, presque toutes imprimées sur du papier d’une qualité très inférieure. Les éditeurs ont généralement ajouté l’extrait de Voltaire à la suite d’un autre extrait du Testament, fait par le Baron d’Holbach, sous le titre de "Bon Sens du Curé Meslier, et publié pour la première fois en 1772, chez M. Rey à Amsterdam, in-12o." En 1789, parut le Catéchisme du Curé Meslier, de la main de Sylvain Maréchal. L’Extrait du Testament de J. Meslier fut, par arrêt du parlement de Paris, condamné à être brûlé et, par decret du 8 Février 1775, la cour de Rome le mit à l’index. La destruction du Bon Sens du Curé Meslier, pour cause d’Outrage à la morale publique et religieuse, fut ordonnée : 1o. par jugement du tribunal correctionnel de la Seine, du 20 Août 1824 ; 2o. par arrêt de la cour d’assises du Nord, du 22 février 1835 ; 3o. par arrêt de la cour royale de Douai, du 1er Septembre 1837 ; et 4o. par arrêt de la cour d’assises de la Vienne, du 12 Décembre 1838."--Le Testament de Jean Meslier (volume 1 of Rudolf Charles edition)

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Le Testament de Jean Meslier (volume 1 of Rudolf Charles edition).

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LE TESTAMENT JEAN MESIIER, cubé d'étrepigny et DE BUT ES CHAMPAGNE, DECEDE ES 1733 OUVRAGE INEDIT PRÉCÉDÉ D'UNE PRÉFACE, ONLINE ETUDE BIOGRAPHIQUE ETC. PAS RUDOLF CHARLES. Tome 1. p^tn*) 'flF AMSTERDAM, LA LIBRAIRIE ÉTRANGÈRE raison R. C. MEIJER, Kalverstraat, E. 246. 1864. jâo* ^* iL IMPRIMERIE DE W. J. DE ROEVER KROBER. PREFACE. L'ouvrage, que je présente aujourd'hui au public, est un dt ceux, que tout le monde connaît, mais que personne n'a lu, ou, si ce mot est considéré comme un peu trop exclusif, qui ont eu moins de lecteurs encore que n'en compte la fa meuse Messiade de Klopstock, ce qui n'est pas peu dire, il me semble. -/ Et cependant j'ose présager au Testament du Curé Meslier un avenir d'immense durée. Les siècles Se succéderont, la Mes siade sera oubliée, son héros sera relégué dans quelque coin du Panthéon parmi les grandes figures mythiques des siècles passés, l'ombre du puissant Buddha peut-être, et l'oeuvre du vé nérable curé d'Estrepigny sera encore consultée et étudiée, ne fut-ce que comme une curiosité dans les annales de la libre pensée. Cette conviction est toute personnelle, j'en conviens aussi ne veux-je la poser que comme telle mais j'avais besoin de la mettre en avant, ainsi que je le fais, par ce que je me crois II obligé de dire quelle considération le public doit surtout la préface que voici. Il existe en Hollande depuis quelques années un parti ra tionaliste, qui grandit de jour en jour. Ce parti ne proclame aucun système, puisqu'il les résume tous; il n'exclut personne puisqu'il ne demande de ses membres que l'amour de la vé rité et de la justice, que, le désir d'être utile au progrès intel lectuel et moral de l'homme et de la société. Je veux que l'oeuvre de ce parti fasse époque dans l'histoire; c'est pour cela surtout que j'attache au livre de l'éminent pen seur, la préface qu'on va lire. Que le lecteur ne s'imagine donc pas qu'en l'écrivant, j'aie été guidé par le vain désir de me voir imprimé; je n'ai eu d'autre motif que de dire ce que j'ai dire, de le dire un public infiniment plus nombreux que celui auquel j'ai l'habi tude de m'adresser dans ma langue maternelle, et de le dire l'époque qu'il est, époque que je considère comme éminemment propice pour la transition de la foi et de son exclusivisme, la science et son universalité. Ma préface n'a aucunement la prétention d'être une oeuvre d'art ou d'avoir aucun mérite littéraire. Le style en manque complè tement de cette élégance et de ce raffinement, qui caractérisent la littérature française contemporaine. Je connais parfaitement ma faiblesse sur ce point; je suis persuadé même que, tout en m'efforçant d'être clair et logique, j'aurai souvent de la peine faire comprendre distinctement ce que je veux dire. Aussi n'ai-je pris la plume que parce que d'autres, qui seraient plus com pétents, ne le faisaient pas. Le sentiment de l'utilité et de la nécessité du présent mani feste été pour moi un stimulant plus actif pour parler cette heure, que ne le serait en toute autre occasion mon dé faut de mérite littéraire pour garder le silence. Je prie donc le lecteur, sans fatuité aucune et sans la mo destie habituelle, mais ordinairement hypocrite, de la plupart des auteurs, modestie qui d'ailleurs serait très-déplacée dans III l'oeuvre d'un homme de conviction et de coeur, je prie le lec teur de lire attentivement ce que j'ai lui dire, tout en lui promettant de ne pas abuser de sa patience. La préface que j'ai lui soumettre, sera divisée en quatre chapitres, dont voici le contenu a. Histoire du mouvement rationaliste en Hollande en dehors de l'église. b. Quelques mots sur la Théologie protestante, dite moderne. c. Jean Meslier et son oeuvre. d. Lettres de Voltaire, où il est fait mention du fameux Testament. A* a. HISTOIRE DU MOUVEMENT RATIONALISTE EN HOLLANDE, EN DEHORS DE L'ÉGLISE, DEPUIS 1850. Je suis fâché, que faute d'un autre, j'aie écrire moi-même l'histoire d'un mouvement, dans lequel je joue un rôle de quel que importance. Je ne connais rien de plus désagréable que d'avoir parler de soi, surtout quand il est question d'une cause sé rieuse et sacrée. Cependant, comme il est urgent, pour la bonne intelligence des faits que j'ai constater, que je surmonte mon aversion, je tâcherai d'y arriver. Le mouvement rationaliste, dont je parle ici, se rattache di rectement, aux manifestations unitaires, déistes, saint-simonistes et positivistes, qui se font abondamment en Hollande, depuis 1850; mais il est pourtant en dehors ou, pour mieux dire peut-être, au-dessus de tous ces systèmes. Il une sorte de coalition entre les apôtres qui les propagent, une coalition qui est en train de former le parti officiel du progrès dans un sens vraiment libéral. Raconter aussi brièvement que possi ble l'origine et l'histoire de cette coalition, voilà ce que je me propose de faire dans le présent chapitre. Arrivé Batavia en 1847, l'âge de 21 ans, rempli d'en thousiasme pour tout ce qui est beau, grand et noble, doué d'un coeur tendre et aimant, instruit l'école du malheur, vic time des injustices humaines, j'y fus trompé dans toutes mes attentes, et désillusionné au point de devenir misanthrope et de prendre ma vie en horreur, jusqu'à ce qu'après la perte d'une année de vie intellectuelle, passée dans un découragement complet, je sentis enfin le besoin de reprendre le cours de mes études mo raies et littéraires. Je fondai alors, de concert avec quelques jeunes gens bien intentionnés, la société dite Salve *. Le but principal de cette société était de nous préserver d'un assoupis sement complet, et de fournir d'autres Européens, nouvellement débarqués et encore en possession de toute leur activité et de tout leur amour de l'étude, l'occasion de se garantir des pre mières atteintes de l'indifférence en fait de culture de l'esprit, par suite du défaut de coopération et d'émulation que nous avions vu démoraliser complètement une foule de jeunes gens, si intelligents, si nobles et si généreux au moment de leur ar rivée en l'île de* Java. Parmi les membres de cette société, mon ami E. W. King était le plus orthodoxe et le plus militant. Aucune soirée ne se passa que lui et moi nous n'eussions ensemble de chaudes dis cussions sur quelques sujets de théologie ou de philosophie. Les effets de ces discussions ne se sont pas fait attendre. Plusieurs années après, en 1859 je crois, j'ai revu le digne garçon Amsterdam. Il venait se faire confirmer comme missionnaire; mais, ne trouvant pas la foi qu'il cherchait, même parmi les dissidents les plus arriérés de la Hollande, il passa en Ecosse, le seul pays, comme il m'assurait, ou la foi antique eût été conservée dans toute sa pureté. Quant moi, je ne me rap pelle pas trop bien le cercle d'idées dans lequel je me mouvais lors de la constitution de la société Salve" mais je sais bien qu'en 1844 j'avais déjà rejeté comme absurde le dogme de la divinité de Jésus, et qu'en 1852 j'admettais encore un Dieu spirituel, âme universelle de l'univers et son créateur. Ces huit années se passèrent dans une lutte continuelle entre les préju gés de mon éducation, et mon bon-sens naturel. Les discus sions avec King surtout me fournirent contre la foi des argumens d'une telle force, que souvent, après une soirée un peu ora geuse, lorsque je revenais dans mon modeste logis et que je méditais sur la justesse de tout ce que j'avais dit en défense Au mois de Mai 1848. VI de ma thèse, ces mêmes arguments avaient la force logique de me convaincre moi-même que je ne m'étais pas laissé emporter trop loin par mon raisonnement et qu'en vérité je ne m'étais rendu coupable d'aucune attaque sacrilège la vérité divine. La société salve" continua d'exister tant que je restai Ba tavia; mais il me fut impossible d'en faire cette véritable loge franc-maçonnique, cette école philosophique et humanitaire, ce foyer du progrès que j'avais rêvé et dont j'avais déjà ar rêté par écrit l'organisation et le but. Ses membres partageai ent si peu mes idées que mon // Essai sur la valeur réelle de l'homme," que je considère toujours encore comme le point de départ de tous mes raisonnements subséquents, la base de toute ma philosophie postérieure, fut unanimement reconnu comme in compréhensible, et même fut très-spirituellement parodié par l'un d'eux, la grande hilarité des autres. Je ne puis quitter avec le lecteur la ville de Batavia, sans parler en passant du scandale que produisirent mes paroles nje ne vais pas jau-devant de bourreaux," prononces l'occasion d'une invitation d'aller au-devant des héros, revenants de la troisième expédition Balinaise, invitation adressée la garde-civique, dont j'avais le malheur d'être membre, malgré ma myopie, et du ridicule que je rejetai sur quelques officiers qui me demandèrent en public et au nom de toute l'armée indignée, l'explication de ces paroles téméraires, explication que je leur donnai claire et précise, au point de leur arracher l'aveu, qu'en vérité ils n'étaient que des bourreaux, exécutant les arrêts d'un tribunal suprême. Je revins des Indes, le 17 Septembre 1850. Peu de mois seulement après ce retour, je parvins fonder Amsterdam une société analogue celle de Batavia, que je nommai Thot; mais qui décéda après trois ou quatre séan ces, faute d'un nombre suffisant de membres collaborants. J'entrepris alors la publication d'une revue scientifique, philo sophique, romantique etc., mais, sous toutes ces formes différentes, humanitaire et progressiste; l'inactivité de mon éditeur me fit perdre mon temps et mes frais. Peu de temps après, je faisais VII la connaissance de Mr. F. Gûnst, le Secrétaire de la □""" P.\ N.\ L.\ *. Les discours sur différents sujets que nous eûmes ensemble et plus que tous tces discours la lecture de mou Essai sur la valeur réelle de l'homme, le firent me pousser me faire membre de la dite □.-. Je fus reçu comme tel et je reconnus dans la □.\ une société dans le genre de celle que j'avais rêvée depuis tant d'années, sauf de graves erreurs dans sa constitution et les fautes impardonnables de sa direction. Du jour de ma réception dans la □.\, j'y fus tant soit peu regardé comme un des chefs du parti libéral, une réputation exagérée m'y ayant devancé. Nous arrivons maintenant l'année 1854, l'année de la publication des Licht en Schacluwbeelden uit de Binnenlanden van Java, door de gebroeders Dag' en Nacht." Intimidé par les menaces des prêtres, l'éditeur original céda mon ami Gûnst tous ses droits sur la livraison de cet ouvrage déjà publiée et sur toutes celles qui pourraient suivre. La sensa tion que fit cette publication fut immense, une deuxième et troisième livraison suivirent de près la première. Je ne tardai pas faire la connaissance du savant auteur, le Dr. Fr Jung huhn, si connu par son ouvrage sur le sol de l'île de Java, etc., etc. et le lien spirituel qui existait déjà entre nous fut resserré par sa réception comme membre de la □.\ P.1. N.\ L.\ Une couple de mois se passa, les travaux scientifiques rappelèrent Mr. Junghuhn dans l'Inde; peu de jours avant sou départ il vint me dire adieu. J'eus alors l'heureuse idée de lui parler de l'urgence de compléter son oeuvre en nous aidant fonder une revue rationaliste, qui perpétuerait l'influence salutaire qu'il avait conquise par la publication de son livre. Mr. Giinst seconda ma prière, et, loin de refuser, Mr. Junghuhn nous promit qu'il réfléchirait mûrement notre proposition, d'autant plus que d'autre part on lui avait déjà suggéré la même idée. Le len demain de ce jour, nous étions déjà en possession d'un manuscrit Fondée en 850, mais non reconnue par le gr.\ 0.\ des Pays-Bas. VIII de la main de l'illustre savant, et ce manuscrit fut le célèbre prospectus de la Revue dite // de Dageraad" (le Point du Jour) que Mr. Giinst publia au mois d'Août 1855. La première li vraison de la Revue suivit de près la publication du prospectus, elle parut le 15 Octobre de la même année. Chacun de nous avait fourni la hâte son contingent. Notre idée commune, concor dant avec celle de Mr. Junghuhn, était ébauchée par différents petits essais, tous attaquant ouvertement le fanatisme et les men songes de l'église dite chrétienne, tous tendant à.propager l'amour du vrai et briser le joug de la foi aveugle. Depuis ce mo ment, notre publication, aux prises avec les mille et mille ob stacles suscités par les cléricaux, et l'aide du faible appui d'un nombre très-restreint de gens dévoués notre cause, continua de paraître mensuellement et nous avions la satisfaction de voir la fin de la première année que notre influence commençait se faire sentir et que le cercle de nos amis s'élargissait gra duellement. Il en résulta que, simultanément avec la publica tion de la première livraison de la deuxième année, nous an nonçâmes par les journaux que le Octobre 1856 nous aurions le plaisir de rassembler, dans une des plus vastes salles publi ques de la ville d'Amsterdam, tous ceux qui, sympathisant avec notre oeuvre, désiraient se rapprocher personnellement. Au jour convenu, nous étions nous quatre, collaborateurs de la revue, attendre l'effet de notre annonce, et nous avions la satisfaction de voir répondre notre appel une cinquantaine de personnes, parmi lesquelles nous recrutâmes trente- cinq signataires comme membres de l'association, dite de Dageraad," dont nous pro posions la fondation. Une fois l'association fondée, nous nous occupâmes sérieuse ment de la rédaction définitive de ses statuts; le but que nous nous proposions fut décrit en ces termes Art. 1. Le But de l'association est: 1°. La Recherche de la Vérité, par l'organe de la Nature et de la Raison et la publication des résultats obtenus. IX 2°. Le rapprochement et la fraternisation de tous ceux qui aiment ces recherches sérieuses. 3°. La coopération pratique au bonheur social. On voit pleinement que nous avions profité de l'étude de l'histoire de l'humanité, et que nous évitions autant que pos sible tous les écueils sur lesquels, d'après notre opinion, les associations antérieures avaient fait naufrage. Nous avions remarqué que les systèmes philosophiques se développent et se succèdent sous l'influence des climats, des scènes de la nature, des conditions et des facultés des peu ples qui les embrassent successivement; que la civilisation et l'étude des sciences exactes mûrissent et détruisent ces systè mes que le progrès agit sur les idées humaines eu prouvant par les effets la valeur des causes, qui sont comme les assises de ces systèmes, et en poussant l'esprit humain créer conti nuellement de nouvelles théories hasardées pour remplacer les anciennes devenues arriérées que les vérités, posées priori et se fondant sur une autorité quelconque, érigées en dogmes inattaquables et indiscutables même, tendent cultiver la par tialité, l'intolérance et la persécution, et tout en formant un lien fraternel entre un petit nombre de croyants, excitent en eux l'indifférence, l'aversion et l'animosité contre tous ceux qui n'appartiennent pas leur coterie, qui n'acceptent par leurs autorités et qui partant refusent d'embrasser leur foi nous concluions de tout cela que, pour fonder une association dura ble, nous devrions nous abstenir de proclamer aucun système comme croyance absolue; que la vérité ne se fait connaître que postérieurement, par de longues études, par des recherches assi dues et par une controverse amicale; que l'unité de but seul, au milieu de la diversité d'opinions sur le chemin prendre pour arriver ce but, peut être le lien qui unit tous les hom mes, sans en excepter un seul; et que toutes les facultés doi vent être mises l'oeuvre, toutes les convictions respectées, toutes les libertés individuelles qui ne portent pas atteinte au bien-être universel garanties, pour arriver la coopération so ciale, et par là la fraternité parmi les hommes et l'avan cement du bonheur social et individuel. Voilà ce que j'ai voulu exprimer par l'article 1er des sta tuts; mes cofondateurs de l'association ont-ils compris dès lors toute la portée de mes vues et des conséquences qui seraient les résultats de ces principes fondamentaux j'en doute mais n'anticipons pas. Une fois constituée, notre association s'accrut rapidement une grande partie des lecteurs de la Revue de Dageraad s'y fit enrôler; les assemblées furent beaucoup fréquentées et de temps en temps un théologien, pénétrant jusqu'à nous, nous sermona tant bien que mal, ou essaya ses propres dépens, de pren dre la défense de la bible et du dogme chrétien. Tout mar chait admirablement bien. Mais de temps en temps il se montra parmi nos membres de ces personnes qui ne comprennent la liberté que pour eux et le rationalisme que pour leur système. Ces gens-là essayèrent en vain de nous faire adopter leurs opinions, comme étendard d'une société neutre. Après plusieurs escarmouches de cette sorte, le parti déiste p. ex. fit une motion formelle (5 Juillet 1857) pour obtenir le remplacement de l'article 1er par la for mule qui suit. // Les membres de l'association de Dageraad recon naissent l'existence d'un seul Dieu, qu'ils adorent." Cette motion fut rejetée par 25 voix contre 6, après une lutte sérieuse et acharnée, mais respectueuse pour les convictions les plus dispara tes ce qui n'empêcha pas que l'association eût ce même jour déplorer la perte de de ses membres. Quelque petit que fût ce nombre, cette perte fut d'autant plus douloureuse pour l'as sociation, que par là le parti déiste, malheureusement déjà le plus faible de beaucoup avant cette catastrophe, perdit ses meil leurs orateurs et qu'il devint craindre que l'influence que Mr. B., le plus âgé de nos membres, exerçait par des lectures con tinuelles sur son Panthéisme-Socialisme, ne fît perdre nos travaux ce caractère d'impartialité qui les distinguait si avan XI tageusement. C'est depuis cette époque que date mon habitude d'encourager de préférence les déistes à. mettre le pied dans l'arène, afin de retablir autant que possible dans l'association du // Dageraad" l'équilibre de la discussion perdu. L'anniversaire de la fondation de l'Association fut célébré, le Octobre 1857, par un premier congrès universel de libres penseurs, un congrès dont le National (de Bruxelles) du 18 Décembre 1857 et la Tribune (de Liège) du 21 Décembre 1857 ont reproduit et conservé le rapport. Voici quelques extraits de ce document si précieux pour l'histoire de notre oeuvre. Pour fêter l'anniversaire de sa fondation, la Société de libres pen- // seurs avait réuni Amsterdam un. petit congrès où se trouvaient // 65 personnes, dont 25 environ des autres villes de la Hollande. Dans un discours d'ouverture le président, M. d'A s'est appli- // que développer le principe fondamental de l'Association, tel qu'il resuite du véritable sens de l'Article Ier de ses statuts; cet article // est conçu peu près en ces termes //L'Orateur développe surtout le premier point, il déclare que toutes les idées ont reçu et recevront un même accueil dans l'Association qui doit rassembler les forces jusqu'alors éparses de la pensée, délivrée des chaînes de la foi, pour former un corps d'armée, qui puisse résister glorieusement aux doctrines qu'on veut //imposer l'esprit humain de par la révélation. ii Le Président croit que ce premier principe interdit la société ff d'accepter aucune thèse, aucun dogme, qui bornerait ou limiterait ses études, ou tendrait exclure ou écarter de la Société toute // personne qui aurait des vues différentes. Réunis pour chercher // la vérité, il serait, dit-il, contradictoire de commencer l'ad- // mettre priori. Après ce discours fort applaudi, l'ancien Secrétaire lit le procès- // verbal des travaux de l'année écoulée. Les délégués des autres villes font part de leurs travaux. Le secrétaire rend compte des relations de l'Association avec //l'étranger: avec la Revue philosophique de Paris; avec les Revues Voir page vin. XII ii hebdomadaires de Londres The Reasoner, The London Investiugator, The Humanistic Journal; avec les Humanistes et les Sécularistes anglais, avec la Ragione de Turin, avec la Revue Triii mestrielle, le National, le Congres libéral, de Bruxelles, etc. //M. M. Héribert Eau de Francfort et le Professeur Leutbecher de Erlangen, qui s'étaient promis d'assister la Réunion se sont «fait excuser. «Le Secrétaire lit une lettre d'adhésion de Dom Jacobus (Ch. // Potvin). L'assemblée charge son président de présentcr des remerciements //collectifs aux membres correspondants et décidc que ces relations // seront étendues et resserrées autant que possible. // La discussion est ouverte sur le projet de fonder des écoles //rationalistes. Un membre fait remarquer que la nouvelle loi entre // dans les vues de la Société, puisque la- religion est dorénavant // exclue de l'enseignement de l'Etat. Mais, comme tout dépend des // premières impressions, comme aucun instituteur n'ose encore suivre //la loi la lettre, il demande et l'assemblée arrête que l'on s'oc- // cupera immédiatement de réaliser ce projet. //Le président soumet l'assemblée divers autres propositions, // qu'il désire voir l'ordre du jour de l'association ce sont, entrc // autres La Kéunion d'un Congrès philosophique européen. // La Fondation d'associations dans les principales villes de la // Hollande. La publication d'un petit journal populaire et d'une revue, «fondée sur le principe du libre débat philosophique. L'Etablissement de bibliothèques populaires. // La rédaction d'ouvrages élémentaires mis au concours. // L'Institution d'une université libre, et en attendant la recom- // mandation de l'université de Bruxelles, comme point central // de l'éducation supérieure des fils des libres-penseurs de la // Hollande. «L'Institution de cours publics. //L'Assemblée décide que ces propositions seront insérées au // procès-verbal et recommandées l'attention de tous les membres. //Après des paroles éloquentes de Mr. H. de Gorinchem sur la // tolérance, et un discours chaleureux ct enthousiaste du nouveau XIII // secrétaire sur la propagande et le dévouement aux idées, la séance ii est levée. wLes membres se sont réunis ensuite dans un banquet fraternel, où le noble était assis côté de l'homme du peuple, le riche // auprès du prolétaire, et chacun se félicitait d'un premier pas fait vers l'union et le progrès." La deuxième année de l'existence de l'association fut beaucoup moins heureuse que la première. Le nombre des membres di minua presqu'aussi rapidement qu'il s'était accru l'année pré cédente *. De tous côtés, les malheurs fondirent sur notre tête. Tantôt, c'était un déménagement forcé dans une salle de beaucoup inférieure, par suite du refus de renouveler le bail des incrédules comme nous. Une autre fois, c'était la désertion de plusieurs mem bres, las d'entendre les articles de notre vieux apôtre d'une nou velle orthodoxie. 11 nous était absolument impossible de publier des rapports, faute d'argent. La caisse était sec et chargée de dettes au marchand de papier, l'imprimeur etc., grâce notre imprudence nous charger de l'impression des quelques essais que nous avait promis Mr. B., mais qui formèrent bientôt un ouvrage volumineux qui décimait les rangs de nos membres au lieu de nous en procurer de nouveaux. Mais plus que de tout cela, nous avions souffrir de l'animosité d'un homme qui de puis la fondation de l'Association avait été des nôtres. Je voudrais pouvoir me dispenser de parler ici d'un fait aussi déplorable, mais la clarté de mon récit exige impérieusement que je con state les faits tels qu'ils sont arrivés. Un acte arbitraire, réprouvé par l'ensemble des membres me paraît avoir éveillé ce désir de vengeance qui tua pour des années tout sentiment sympathique pour nous dans la poitrine de l'homme en question. Mes trois cofondateurs même se retirèrent, l'un parceque sa po sition sociale et son avenir surtout demandaient cette démarche, l'autre parcequ'il prétendait que je dirigeais trop rationellement l'associa tion, d'après les principes que nous avions posés lors de la fon dation de notre association, le troisième parceque ....... XIV dater de ce jour, il se déclara ouvertement l'ennemi juré de l'Association, il lui suscita des disputes, il dénatura des faits pour porter des accusations ignobles contre la direction, dans l'espoir de lui faire perdre la confiance de l'assemblée; il nous menaça de détruire l'Association et ce dessein il empêcha l'insertion de nos rapports dans la Eevue //de Dageraad" dont il était un des redacteurs, il raya tout ce qui avait rapport nous dans les articles qu'adressaient la direction de cette Eevue jusqu'aux plus éminents de ses collaborateurs, il nous attaqua ouvertement dans ses propres essais, espérant par là nous por ter une reponse inconsidérée qui, par son aigreur et son ca ractère de personnalité, compromettrait la cause du progrès en général et nous-mêmes en particulier. Il détourna nos amis de leur projet de visiter nos assemblées, en se faisant des discours panthéistes de notre vieux Mr. B. un prétexte pour nous accuser de n'être qu'un club de fanatiques, qui ne craignaient pas d'arborer ouvertement l'étendard de l'impar tialité, de la liberté individuelle, et de la coopération mutuelle, tout en mentant leur devise, et pour ne prêcher sous main que l'athéisme, c'est-à-dire un de ces mille systèmes individuels qui, érigés en dogmes, divisent l'humanité en autant de camps ennemis. Et pour mettre le comble son oeuvre hostile, il ne se gênait pas pour dire quiconque lui demandait des ren seignements sur l'association ,/de Dageraad," que cette associa tion avait cessé d'exister. Tous ces manèges, bien qu'impuissants pour nous tuer, nous faisaient des torts immenses; les mensonges qu'on aurait repu diés avec dédain, s'ils étaient provenus du parti adverse, fu rent acceptés comme des vérités indubitables, maintenant que c'était un des principaux apôtres du rationalisme qui les dé bitait; presque tous les membres correspondants que nous avions dans la province prêtèrent l'oreille ses calomnies et nous retirèrent leur coopération. Ce fut un véritable temps d'épreuve pour nous que ce temps-là. Notre courage, notre activité et le sentiment de notre valeur morale nous préservé XV *— rent seuls du sort qui nous menaçait. Divers moyens furent proposés pour porter remède notre déplorable situation, mais dans l'état d'épuisement où nous nous trouvions, tous ces moyens furent jugés impratiquables ou impuissants; nous pré férâmes alors nous borner provisoirement resserrer davantage le lien qui unissait le petit nombre de ceux qui étaient restés fidèles la cause du véritable progrès et travailler tranquil lement au rétablissement de nos finances, en attendant un temps plus propice pour reprendre publiquement notre oeuvre de pro pagande morale et intellectuelle et pour revendiquer la place qui nous était due en réfutant les calomnies les plus malveil lantes par le simple exposé de notre histoire. Mais, tout en conseillant mes amis cette route suivre, je résolus de hasarder personnellement une entreprise qui, si elle n'entrainait pas de sacrifices, pourrait sauver l'Association, mais que momentanément elle-même ne put se permettre, embarrassée qu'elle était par les engagements contractés auparavant. Je com pris que, pour la relever plus promptement de son état de lan gueur, il lui fallait un organe elle, et je fondai cet effet la Revue Het Verbond der Vrije Gedachte" (La Ligue de la Libre-Pensée), entièrement vouée aux intérêts de notre associ ation. Cette revue, ainsi que deux autres que je publiai en La première livraison parut le 15 Janvier 1858, quatre jours après l'expédition de la lettre suivante, que pour être conséquent, je crus devoir adresser au consistoire de l'Eglise Wallonne d'Amster dam, avant de me poser publiquement comme redacteur de Kevues rationalistes Messieurs. J'ai l'honneur de vous prier formellement de ne plus me con sidérer comme membre de votre église. Depuis que le libre examen m'a donné la conviction person nelle que les dogmes, les fictions, le surnaturalisme tout entier enfin, ne font que nuire la morale qu'ils obscurcissent et que diviser les hommes qui sont appelés la solidarité, j'ai cessé d'être chrétien et partant d'être membre de toute secte chrétienne. XVI même temps, ne vécurent malheureusement qu'une seule année; les fonds me manquaient pour en continuer la publication avec une soixantaine de souscripteurs seulement. Je suis heureux de constater ici que, malgré tous nos revers, l'esprit de dévouement au bien-être et au progrès individuel et social qui caractérisait notre oeuvre ne se démentit pas une seule fois chez ses fidèles adhérents. Au moment le plus pé nible même, elle se manifesta par une protestation unanime d'adhésion la cause et de sympathie pour ma personne, et par une promesse renouvelée de fidélité aux principes libéraux des sta tuts de notre association, principes que nous nous efforçâmes, cha cun de son côté, de répandre autant que possible dans le monde. Cest vers cette époque que la Revue //de Dageraad" aban donna sa direction rationaliste et que par un nouveau prospectus sa rédaction déclara que dorénavant la Revue proclamerait le Déisme et ferait la guerre autant contre le Panthéisme et le Matérialisme que contre le Trinitarisme et le Jéhovisme. Il est presque superflu de dire qu'alors je cessai d'être du nombre de ses collaborateurs. Le principe exclusif qui régnait dans la P.*. N.\ L.\ et quelques actes du V.*. M.*., joints l'inertie des membres du Conseil suprême, mes collègues, me déterminèrent aussi rompre complètement avec la dite □. Cinq années se passèrent alors paisiblement: la libre pensée gagna beaucoup de terrain, les penseurs se rapprochèrent de plus en plus, l'Association réussit solder ses dettes, elle continua ses réunions sans interruption aucune, le nombre de ses membres s'accrut de nouveau considérablement, et de mon côté, je fis ce que je pus pour être de quelque utilité au progrès. Le seul incident, digne de mention pendant ce temps fut la venue en Hollande Vous m'obligerez infiniment de prendre bonne note de ma pré sente rénégation. Agréez Messieurs, l'assurance de ma parfaite considération etc. Juillet 1858. XVII de Mr. J. Ronge, le célèbre fondateur du Eongisme, (au-jourd'hui les // Communes libres" de l'Allemagne), ses discours, les difficultés que lui suscita la haine des croyants, et l'échec qu'éprouva son projet de fonder une commune Amsterdam. L'association de Dageraad, bien que libre de tout credo, fit preuve en cette occasion de sa sympathie pour tous les systèmes qui tendent avancer le progrès. Elle fit ce qu'elle put pour être utile au reformateur et pour l'aider la fondation de sa commune rationelle, qui, cependant, depuis le départ du fondateur est tou jours encore donner son premier signe de vie. Les cinq années, dont je viens de parler, apportèrent éga lement une grande modification dans la rédaction de la Revue de Dageraad. Malgré le retour passager au déisme, proclamé par son second prospectus, malgré ses graves défauts de rédac tion et tout ce que l'Association souffert d'un de ses rédacteurs, tant directement qu'indirectement, la Revue de Dageraad tou jours été mes yeux d'une grande puissance contre la foi aveu gle de l'église et mérité cet égard la vive reconnaissance de tous ceux qui prennent coeur le développement moral et intellectuel de l'homme. Si l'on considère que pendant tout le temps de sa réaction, je ne cessai de reconnaître sa valeur, et que, même dans ma circulaire de 1858, adressée aux revues et aux journaux libéraux de tous les pays, je plaidai ouvertement sa cause, tout aussi bien que celle de mes propres revues que je n'avais fondées que pour compléter son oeuvre d'émancipation, on comprendra facilement que je remarquai avec une vive satis faction que peu peu l'esprit de recherche libre et rationnelle de la vérité et de la justice, qui- avait présidé sa fondation, reparaissait dans sa rédaction et se traduisait de nouveau de plus en plus dans la diversité des directions qui signalaient les essais qu'elle offrait ses lecteurs. Aussi je ne tardai pas, lorsque la publication du Manuel d'Instruction religieuse de Mr. Reville m'eut fait reprendre la plume, de présenter la rédaction de la Revue1 ma petite critique ce sujet, et preuve que je Voir plus loin, page xxv. XVIII ne m'étais pas trompé ces essais, pour lesquels je n'avais de mandé qu'une petite place dans la partie non officielle de la Bevue, furent accueillis avec une bienveillance marquée et ran gés parmi les articles de la rédaction. Le rapprochement entre la rédaction de la Revue et la direction de l'Association, qui fut le résultat de l'insertion de ces essais, ne tarda pas se faire sentir. Mais un nouveau succès m'attendit, une nouvelle preuve m'était réservée que ma persévérance n'avait pas été vaine, que mon oeuvre avait porté des fruits. Ce fut vers le mois d'Octobre 1868 que je reçus une visite officielle de mon ancien ami Gùnst. Le but de cette visite n'é tait ni plus, ni moins que de me communiquer, de la part du parti libéral de la P.-. N.\ \, que ce parti avait embrassé et désirait reconnaître ouvertement dans la les principes pour lesquels je combattais depuis tant d'années, et qui, d'a bord mal compris par plusieurs de ses Fr.\, alors membres de l'Association de Dageraad, avaient un jour été pour eux un mo tif pour déserter notre drapeau. Mr. Gùnst termina cette communication par une invitation rentrer dans la □, comme représentant de ces principes: Impartialité complète, Respect pour toutes les convictions, Liberté absolue, restreinte seulement par l'intérêt social dans sa plus haute conception, Emancipation morale et intellectuelle, Coopération universelle l'avancement du Règne de la vérité et de la justice, et partant du Bonheur social et individuel. J'acceptai cette proposition la condition que la direction, qui allait être choisie pour la nouvelle année maç.\, serait com posée de gens avec lesquels je pourrais agir de concert, que la chaire du Vén.\ M.-, surtout ne serait plus occupée par un homme, dont les vues restreintes et les actions arbitraires m'a vaient jadis forcé donner ma démission; que les principes que XIX li-ci avait -posés (le Déisme et ses conséquences) seraient idonnés, et la revision complète des Statuts décidée. Je ré assurance que tel était le but du parti libéral, et que ce Rrti devant triompher dans la prochaine élection, son premier cte serait de proposer la revision des statuts, de les mettre d'ac cord avec le principe de coopération universelle et d'impartialité complète et partant d'ôter de dessus le frontispice du temple les mots //à Dieu et l'immortalité." Ce but fut atteint. Peu de semaines après la visite que m'avait faite Mr. Gûnst, lui-même devenait Vén.\ M.-, de la O.-. P.-. N.\ L\ *, la place de son fondateur qui avait occupé la chaire jusqu'à ce jour, c'est-à-dire pendant seize années consécutives; la revision des Statuts était arrêtée, la disparition de l'ancienne légende décidée et je rentrais dans la comme membre effectif. Depuis ce temps, une nouvelle ardeur s'empara des esprits, les réunions furent plus fréquentées et le nombre des membres accrut sensiblement. Enfin, l'heure qu'il est, la régénération de la P.*. N.\ L.\ est complètement achevée, et un manifeste officiel vient d'être adressé aux □□ les plus considérables de l'Europe et de l'Amérique, pour apprendre la Fr.\ Mac.\ actuelle, que la P.". N.\ L.-. s'est constituée comme une indépendante, et qu'elle sera charmée d'entrer en relation avec les CDD, qui lui en témoigneront le désir. Ses principes, son but etc. sont défiais dans ses nouveaux Statuts par les articles suivants Article I. La P.-. N.\ L.-. est une corporation maçonnique indépendante. L'élection de la Direction annuelle pour 1864/5 vient d'avoir Heu, Mr. Giinst refusé de se poser inéligible, et l'auteur de ces été choisi sa place. XX Article IL La P.-. N.\ L.\ reconnaît comme unique Principe de l'O.-. l'amour de la, vérité et de la justice. Elle pour But le pro grès MORAL ET INTELLECTUEL DE L'HOMME ET DE LA SOCIETE. Article III. Les travaux des Frères, l'avancement de ce but, consistent pro visoirement en l'étude de la Science de l'Individu et de la Société, avec leurs intérêts et devoirs réciproques. Des assemblées seront convoquées pour fournir aux Frères l'occasion d'échanger leurs idées sur des sujets de cette catégorie, et des cours seront donnés, pour les munir, par le moyen de la franc-maçonnerie et de la science, des connaissances requises pour conférer de pareille matière d'une manière digne d'elle. Il est forcément enjoint aux Fr.\ de fréquenter régulièrement ces assemblées et ces cours. Article IV. En vertu du Principe et du But ci-dessus énoncés, la P.-. N.\ L.*. ne reconnaît que les Gr.\ d'A.\ de C.\ et de M.*. avec les P.-. S.-, et A.-, appartenant, comme les seuls propres l'être origiual de l'O.*., les seuls utiles et nécessaires. Article V. Les Gr.". de C.\ et de M.', sont oiferts gratuitement par la r— ses membres, comme preuves de mérite et de progrès dans l'Art Royal et après un examen régulièrement passé. Article VI. La repartition des sujets d'études, pour les trois grades sera en conformité avec le caractère des trois voyages indiqués sur le tableau. Tandis que mes opinions prévalaient dans la P.*. N.\ L.\ et qu'un parti zélé et plein de courage s'y rangeait mes côtés, mes anciens adhérents, les membres de l'Association de Dage- XXI raad avaient de nouveau subir une épreuve de constanbe et de fidélité. J'ai parlé ci-dessus de notre vénérable membre Mr. B. le panthéiste-socialiste, qui sans le vouloir, mais toujours un peu par son obstination fanatique propager ses idées, bongré malgré, était devenu le prétexte, sur lequel on accusait faus sement l'Association de n'être qu'un club d'athées, de gens idée fixe. Eh bien, ce même Mr. B., qui était le plus chaleureux de mes alliés, lorsqu'il s'agissait de faire face au mouvement déiste, qui cherchait supplanter nos principes larges et rationels de liberté pleine et entière pour toutes les convictions, et qui, une fois le calme rétabli, après la perte d'un grand nombre des membres jadis les plus zélés pour la cause du progrès, n'a vait cessé de faire pour son panthéisme, ce qu'il condamnait dans les partisans du déisme; ce même Mr. B. qui par son fanatisme, socialiste avait paralysé long-temps mes efforts dans la lutte con tre la partialité et l'intolérance, et m'avait forcé par sa loquacité refouler en moi les idées personnelles que j'ai sur certains sujets abstraits, comme la vie, etc. de peur de compromettre ce ca ractère d'impartialité et de respect pour toute les opinions in dividuelles, qui font la gloire de notre association, en posant sa conviction et la mienne, si sympathiques en divers points, comme une sorte d'autorité; ce même homme, loin d'être corrigé par les observations amicales que je lui faisais sans cesse et les marques nombreuses de mécontentement, qu'il recevait cha que instant de la plupart de nos membres, essaya un dernier effort pour accomplir l'oeuvre de nos ennemis et des déistes, ses adver saires, la destruction de notre association, afin d'ériger sur ses ruines le temple de quelque culte individuel. Après les échecs qu'avaient soufferts ses propositions antérieures, il se jeta dans la route de la diplomatie et s'attaqua la rédaction des articles fondamentaux de nos Statuts, afin d'ouvrir par là une porte au triomphe de son système; mais, pénétrant facilement ses vues, je m'opposai son exclusivisme, comme je m'étais opposé celui des déistes et lorsqu'il s'obstina ne vouloir rester' membre que moyennant l'adoption des changements qu'il XXII proposait, je dus sacrifier au bien-être de l'association neutre, ce combattant fanatique avec lequel j'avais le plus de sym pathie en ce qui regarde les convictions personnelles, comme dans le temps j'avais sacrifié les déistes, dont les idées m'é taient parfaitement antipathiques. La plupart de mes adhé rents comprirent cette preuve décisive de l'amour pour la vérité et la justice au-dessus de tous les partis, que j'avais posé et prêché comme base de notre oeuvre, et leur approbation fut pour moi une douce satisfaction dans la tâche ordinairement pénible et ingrate que je poursuis. L'Association de Dageraad et la P.-. N.\ L.\ propagent depuis ce moment, ardemment et de con cert, les idées ci -dessus exposées de fraternité et de coopération unanime, pour lesquelles j'ai combattu pendant tant d'années, et qui, d'après ma conviction intime, sont les seules, qui puissent résoudre le problème de tous les siècles et de toutes les reli gions, celui d'établir l'unité de l'oeuvre au milieu de la diver sité des opinions. Les générations venir jugeront nos idées, notre oeuvre et ses résultats. Ce seront elles qui nous vengeront des pitoyables calomnies de nos détracteurs *. Je renvoie le lecteur qui désirerait prendre connaissance d'un petit échantillon des mensonges, débités sur le compte de l'association de Dageraad, l'ouvrage de A. J. C. Kremer, intitulé: Een steen des aan~ stoots, of het godsdienstig leven in Nederland (une Pierre d'achoppe ment, ou la vie religieuse en Hollande). Schiedam, H. A. M. Eoelants 1862. Pas un mot de vrai dans tout ce que l'auteur dit au sujet de l'Association, manque total même de connaissance des localités et des moeurs Amsterdamoises. De pareilles misères ne méritent natu rellement aucune réfutation; ceux qui voudront assister quelques unes de nos séances, pourront se convaincre par eux-mêmes du crédit qu'on peut donner aux jugements et aux contes-bleus de critiques de la force de Mr. Kremer. b. QUELQUES MOTS SUR LA THEOLOGIE PROTESTANTE, DITE MODERNE. Le XIXe siècle, il faut en convenir, est un véritable temps de réveil spirituel. Ce réveil se manifeste partout, on dirait presque qu'on respire, avec l'air, l'éther rafraîchissant qui le produit. Le précédent chapitre été consacré au récit du réveil laïque en Hollande, le présent me fournira l'occasion de dire quelques mots du réveil de l'église et de la philosophie, tant en Hol lande qu'en France. L'église qui se réveille, c'est la jeune église protestante, cette église qui, la fondation de la Revue //de Dageraad" poussa son cri de guerre, fondit sur son hardi antagoniste et fit sem blant de vouloir l'étrangler dans un suprême effort, la même église qui, après huit ans de lutte, est arrivée prêcher les idées que proclamait la Revue, lorsque jadis elle la harcelait. Une foule de causes ont contribué amener cet heureux changement. Citons d'abord les travaux scientifiques du professeur F. Chr. Bauer et de son beau-fils Zeller, de Hilgenfeldt, et de tant d'au tres; de cette phalange courageuse et infatigable enfin, qu'on désigne généralement sous la dénomination collective de l'E cole de Tubingue. Ces travaux, s'alliant l'oeuvre du Dr. D. Pr. Strauss, et la rectifiant souvent, furent d'abord cités avec hor reur par le clergé hollandais; l'épithète de Thubingien fut long temps pour lui une terme d'outrage, qu'on appliquait aux jeu nes théologiens, qui osaient parfois soumettre à, une critique scientifique et éclairée des livres si long-temps considérés comme XXIV sacrés et dictés leurs auteurs par le Dieu des Juifs anciens et modernes. Mais, l'impulsion une fois donnée, la vérité ne manqua pas de se faire jour jusques dans les cervelles des es claves de la doctrine synodale de Dordrecht. Deux théologiens éminents se hasardèrent enfin apposer aux travaux des cri tiques allemands le sceau de leur autorité hollandaise; ce furent les professeurs Scholten et Kuenen de l'université de Leide, qui par leurs écrits et leurs cours de théologie transplantèrent chez nous cette nouvelle école, qui en fait de progrès dévancé et totalement éclipsé l'ancienne école de théologie libérale, dite de Groningue, fondée par le professeur Hofstede de Groot. Mais ce qui contribua au réveil de notre église protestante, plus même ou plus radicalement du moins que l'amour renaissant de la vérité des susdits professeurs, ce fut l'étroite orthodoxie de la faculté théologique l'université d'Utrecht, qui, incapable de gagner la sympathie des jeunes gens qui suivaient les cours de professeurs conservateurs, négligeant complètement de fixer l'attention des élèves sur les travaux des hommes du progrès, devint pour ceux-ci un puissant stimulant pour s'adonner l'étude des critiques avancés, et pour les juger sans préjugé, libres du joug spirituel d'aucune autorité telle que celle que les savants professeurs de l'université de Leide, imposaient involon tairement l'intelligence des étudians dont ils guidaient les études. Ajoutons ces influences directes le développement de l'esprit des laïques par la lecture de la Eevue de Dageraad et de pareils écrits, développement qui comblait de plus en plus la distance intellectuelle entre les ministres de la foi et les croyants, affaiblissait par-là journellement l'autorité et l'in fluence des premiers, et les poussait se mettre la tête du courant, afin de ne pas être brisés comme des digues im puissantes, et afin de conserver leur raison d'être' et leur gagne-pain qui en dépendait. Malheureusement ce réveil, qui se manifeste en Hollande depuis quelques années seulement, est celui d'un peuple libre, "il est vrai, mais d'un peuple flegmatique et calculateur, après un sommeil tranquille mais assez lourd. XXV Toute langoureuse que puisse être la manifestation générale du réveil parmi le clergé protestant en Hollande, il faut avouer que depuis très-peu d'années un changement étonnant s'est opéré dans le ministère de la nouvelle génération surtout, et quoique les sermons et les écrits de ces théologiens hollandais dits mo dernes, puissent être rangés plus ou moins dans la catégorie de // la Vie de Jésus" de Mr. Renan, des oeuvres de Mess. Coquerel, Martin- Paschoud, Pécaut, E. Scherer, avec moins de mérite artistique, moins de conception, moins de logique, et trop souvent moins de clarté et de conviction dans le style, on ne peut contester quelques uns de ces théologiens modernes un amour du progrès et un noble courage, dignes d'une meilleure cause que la défense des débris vermoulus d'une baraque de charla tan, qu'eux-mêmes rougissent d'être, appelés occuper et qu'ils démolissent aux trois quarts pour avoir le droit de se faire une guérite des faibles planches qui leur en restent, guérite en plein champ de bataille. Parmi les plus avancés de cette école, ou, pour mieux dire peut-être, parmi ceux qui sont déjà censés avoir quitté l'école pour être aux avant-postes de ce corps de chevaux-légers de la foi, Mr. A. Béville occupe, pour sûr, une des places les plus honorables. La Revue des deux mondes accueille ses articles, c'est assez dire. Monsieur Béville plus qu'aucun autre était donc l'homme pourvoir au besoin réel de l'école, faire le manuel d'in struction religieuse, si ardemment désiré; aussi est-il tout na turel que la publication de son oeuvre ait été saluée de grands cris d'applaudissement de la part de ses coréligionnaires, de mépris et de vengeance de la part de ceux qui sont restés fidèles la foi de leurs pères et aux dogmes synodaux. L'intérêt que je porte tout ce qui peut contribuer au dé veloppement de l'esprit de vérité parmi le genre humain m'en gagea prendre connaissance de cette nouvelle oeuvre d'un écrivain déjà célèbre par ses écrits antérieurs et par la largeur de ses vues sur des sujets de dogmatique chrétienne. J'étais curieux XXVI surtout de connaître plus particulièrement ses opinions sur ce qu'on nomme Religion, Dieu etc. Je lus avidemment ce qu'il croyait devoir enseigner sur ces sujets abstraits, et je trouvai que lui aussi, tombant dans la faute assez grave de presque tous ceux qui prétendent briser avec un passé plein d'ignorance et d'erreur, s'embrouillait dans les mots dont il se servait pour exprimer ses idées, que lui aussi conservait la phraséologie usée de ces prédécesseurs dont il combattait les théories, que lui aussi se perdait dans un dédale de mots qui rendaient obscur et indécis le sens de ses paroles et qui cachaient ses pensées au lieu de les mettre en évidence d'une manière claire et pré cise. Etait-ce de propos délibéré, ou séduit par l'habitude qu'il exprimait ses opinions modernes en des termes empruntés au dictionnaire de l'ancienne croyance calviniste, je n'ose le décider, et cela ne changerait absolument rien aux conséquences que je tirai de ce galimatias il me suffit de me persuader que de cette manière le but ne pourrait être atteint, que l'esprit de vérité ne pourrait être servi, et que je ferais une oeuvre méritoire en m'opposant un procédé qui me révoltait et que je considérais comme pernicieux la cause du progrès. Je l'essayai dans les articles que j'offris la redaction de la Re vue de Dageraad, et qui parurent dans les livraisons de Juillet, d'Août et d'Octobre 1863 de la dite revue. J'ai la prétention de considérer quelques uns des raisonnements que je fais dans ces articles comme si utiles et si justes, que je ne puis m'empêcher d'en traduire et d'en insérer ici les plus marquants, tout en me réservant le plaisir de reproduire ces articles en entier, dans un choix de mes Essais et de mes Paradoxes, si on veut donner ce nom la série d'idées que je collectionne de puis quelque temps, que je me propose de présenter un jour au public français, quand ce public voudra se donner la peine de faire connaissance avec les observations mal stylées d'un pen seur étranger, non breveté. »La Religion," dit Mr. Réville, //c'est la croyance qu'au-dessus xxvn ou au-dessous des apparences premières des choses il un être ou des êtres supérieurs l'homme, dont celui-ci dépend et qu'il se sent porté adorer." D'après mon avis le mot de religion" n'a rien de commun avec la //croyance à" ou même la conception //d'un être ou d'êtres supé rieurs l'homme." Le sentiment reliant et commun, qui fait de l'homme un être social et qui lui fait coopérer sciemment au procédé vital, comme une partie inaliénable d'un tout vivant, se manifeste en amour du vrai, du bien et du beau. Ce sentiment religieux peut s'être assimilé chez Mr. Réville et chez des milliers de personnes comme lui, avec la tendance une croyance un être supérieur, dont l'homme dépend etc.; mais pour cela il n'est pas inséparable de cette tendance, ni par conséquent un avec cette tendance. Moi-même, par exemple, je préteuds être trèsreligieux, quoique je ne puisse aucunement accepter l'existence de l'être ou des êtres dont parle Mr. Réville et moins encore les adorer. L'injuste acception, dans laquelle on se sert ordinairement du mot religion, induit en erreur Mr. Réville. La définition qu'il doune s'applique au mot Latrie, et non pas Religion. Le Sentiment religieux en soi un élément de vénération, d'attrac tion vers l'objet de la vénération, de tendance vers le perfectionne ment; il est inné l'homme, il est commun tous et constitue ainsi l'état normal de l'esprit. Le Sentiment lâtre porte eà l'adoration, la sacrification de soimême l'objet de l'adoration, l'extase hystérique; il se développe ehez l'homme par l'exaltation, il est personnel, local et temporel, et eonstitue de cette façon l'état anomal de l'esprit. Le Sentiment religieux se développe par la science, le sentiment lâtre par la foi. l'égard du mot dieu, il chez Mr. Réville un embrouille ment d'idées non moins palpable qu'à l'égard du mot religion. Dieu est la cause indéfinie du premier effet défini. La circonfé rence de l'indéfini, perdant mesure que gagne la circonférence du défini, Dieu, l'antithèse de la Nature, perd de son domaine chaque victoire que la science remporte. Dieu serait tout pour un peuple complètement ignorant; Dieu ue serait plus rien pour un peuple' omni-scient. XXVIII L'indéfini Dieu et le défini la Nature forment en semble l'unité, l'omni-être. L'espace que je me suis reservé dans cet ouvrage ne me permet pas de faire plus de citations de ma susdite critique. Ces quelques passages auront cependant suffi, je pense, faire connaître la méthode que j'ai suivie pour arriver débrouil ler les idées de Mr. Réville et de la majeure partie des pen seurs actuels. Le lecteur comprendra facilement que le livre de Mr. Renan, qui parut un peu plus tard que le Manuel et qui est un produit de cette école philosophique qui marche en France de pair avec la théologie moderne, été très, très-loin de trou ver grâce mes yeux. Grâce Bien au contraire, je souscris des deux mains aux paroles suivantes que je trouve page XI (introduction) de l'Histoire élémentaire et critique de Jésus par Mr. A. Peyrat. La tempête, qu'a soulevée le livre de M. Renan fait peu d'honneur notre temps. Quand on pense qu'après le XVIIIe siècle, après Voltaire et Préret, après Diderot et Montesquieu ., un livre, où la divinité de Jésus est niée avec tant de ménagements et de si habiles circonlocutions, été considéré» non seulement comme un scandale, mais comme nouveauté. on reste confondu d'étonnement." Et malgré tout cela, jamais peut-être un livre n'a eu autant de succès en si peu de temps, que n'a eu l'Histoire de Jésus par Mr. E. Renan, et jamais mon avis, un livre ne l'a moins mé rité. Monsieur Renan, il n'y pas en douter voulu faire un chef-d'oeuvre de critique et de bon-sens; le public ac cueilli son oeuvre comme un fanal lumineux, qui menait en ligne directe la perdition ou la science, selon la mesure de la foi du juge, tandis que moi je trouve que la vie de Jé sus de Mr. Renan, ayant complètement manqué au but que l'auteur s'était probablement tracé, est devenu, malgré lui une charmante conception, propre faire époque dans la littérature romantique. XXIX Si on voit maintenant qu'un pareil ouvrage, en plein XIXe siècle, est considère' par le clergé et par les laïques comme une production très-scientifique et très-dangereuse l'ancienne foi chrétienne, on convient facilement avec M. Peyrat que le succès de cette étude romantique parmi la classe civilisée de la société actuelle, fait peu d'honneur notre siècle, mais si on remonte aux sources de ce succès, on ne s'en étonne pas, comme le fait Mr. Peyrat; on le trouve tout naturel dans la France de 1863. La classe civilisée, en France surtout, tellement dégénéré, grâce au venin de la réaction, que cent ans après le siècle d'un Meslier, d'un Holbach, d'un Helvétius, d'un la Mettrie, des grands auteurs de la grande Encyclopédie enfin, les hommes les plus avancés, les grands penseurs du temps, les porte-drapeau du parti libéral pâlissent et se récrient chaque fois qu'à la moin dre imprudence de leur part, leurs antagonistes aux abois leur jettent dédaigneusement au visage l'épithète d'athée ou l'accu sation d'athéisme. Tant que les plus éclairés n'osent s'avouer athées, s'ils le sont, et qu'ils n'ont pas le courage de leurs opinions, on n'a pas s'éton ner que les rêveries moitié mystiques, moitié fantastiques de Mr. Renan aient eu ce succès prodigieux. En France plus qu'ailleurs, la forme étouffé la pensée, les mots ont conservé leur prestige long-temps après que l'idée est abandonnée, et ceux qui ignorent complètement l'histoire des religions, du christianisme com pris, croient aveuglement aux dogmes de leur église, l'infail libilité du pape ou l'inspiration divine de la Bible, un créateur de leur imagination, une vie éternelle après une vé gétation plus que suffisante, la réalité personnelle de la res piration, ce signe de vie dont le temps et l'ignorance ont su fabriquer l'àme. Et, quoique le clergé se plaigne du peu de piété de ses ouailles, et quoique les libéraux se glorifient de leur incrédulité en brisant les vitres' d'une église ou en insul tant un vieux prêtre, le progrès fort peu de défenseurs, la foi est encore terriblement encrassée dans l'esprit de l'humanité actuelle, ses vestiges se retrouvent partout, et quoique la XXX conviction soi-disant religieuse, la foi mititante, ne fasse plus de chefs-d'oeuvre d'art, quoiqu'elle ne produise plus de saintes victimes du fanatisme et de l'hystérie, quoiqu'elle n'élève plus de bûchers ou de poteaux, la foi tatente règne comme par le passé, elle règne soit dans les pensées, soit dans les mots, elle règne par l'ignorance, par la cupidité ou par la lâcheté. Tout croit en Dieu ou fait semblant d'y croire, un siècle après Meslier, Diderot et d'Alembert. Le peuple croit tout bonnement parceque son labeur de cha que jour ne lui laisse pas le temps de s'occuper d'un autre but que de celui de prolonger son existence l'aristocratie croit par paresse ou bien elle fait semblant de croire, parcequ'elle trouve son compte l'ignorance du peuple. Je comprends tout cela et je le déplore; mais je ne m'en indigne pas. Si au contraire, parmi les gens du peuple et parmi les gens du monde, je vois de ces individus qui ont la prétention de vouloir faire exception, qui se posent en moralistes, eu législateurs, en prophètes, qui combattent les préjugés, qui s'attaquent aux moeurs et aux usa ges de leurs temps, qui s'indignent des abus de pouvoir, des mensonges officiels, de l'anthropomorphisme systématique des doc teurs et de la servitude spirituelle des laïques, je rougis de ceux-là qui se disent appelés régénérer la société! car tout ce qu'ils font par la pression naturelle de leur bon-sens, ils ne le fout qu'avec les ménagements et les circonlocutions nécessaires des succès plus bruyants qu'utiles ils ont peur de dire la vérité, pleine et entière, le courage leur manque pour se servir des mots qui seuls expriment leurs idées. De là, ces disputes inutiles sur le sens d'un mot, ces dissentiments sur l'opinion du maître, entre les disciples d'un penseur défunt, cette guerre ouverte entre les apôtres du progrès, de là enfin la lenteur désespérante dans la marche de la civilisation. Tandis que l'Allemagne actuelle semble vouloir expier l'obscu rité des oeuvres de ses philosophes par la critique scientifique de ses théologiens modernes, et nommément par les travaux de l'école de Tubingue et par la secousse qu'elle donnée la popularisation XXXI des sciences naturelles, la France du XIXe siècle renie son glo rieux passé, sa grande ère des encyclopédistes, et tout en s'associant aux travaux des naturalistes allemands et en les surpassant même pour ce qui regarde la forme élégante, attiayante et vrai ment populaire de ses écrits scientifiques, elle reste loin en ar rière de la franchise simple et naïve de ses philosophes du siècle passé, loin en arrière de cette clarté de style, de cet amour sincère de la vérité et de la justice, parfois, de ce gai badinage qui caractérisaient les écrits de ses libres penseurs d'il cent ans. Retrempée par l'étude des sciences positives, la jeune Allemagne secoue graduellement le fardeau des théories et des systèmes de sa philosophie spéculative indigeste, et les petits-fils des ency clopédistes recueillent pieusement cette défroque informe, et se font les imitateurs de ceux qui n'ont su marcher de front avec leurs courageux ancêtres. Enfant du XIXe siècle, j'ose le dire hautement, et je veux par-là faire acte de mon amour de la vérité et de la justice: le siècle actuel en soi le germe des grandes choses, que le XVIIIe siècle déposé dans une terre fertile et généreuse; mais les frimas de la restauration ont passés par-là, et la lourde croûte qu'ils ont déposée sur ce sol fécondé, oppresse encore le germe et entrave son développement. La génération actuelle regarde l'ère des d'Alembert et des Helvetius travers l'époque de Joseph de Maistre et de Chateaubriand. Les successeurs des encyclopédistes viennent seulemeut de naître en France ou tout au plus ils reposent encore emmaillottés dans les langes de la réaction mais ils grandiront vue d'oeil, ils marcheront grands pas vers l'âge de la maturité, et alors ils ressaisiront le sceptre de leurs aïeux, ce vieux esprit gaulois, ce bon-sens français, cet amour de la vérité, que les évenements peuvent paralyser pour un temps, mais que le fanatisme et le mensonge de la réaction ne sauraient jamais détruire; car le XIXe siècle devant lui un avenir brillant, autant que le XVIIIe lui fait dans les annales de la libre pensée un passé plein d'éclat. XXXII Ce n'est pas une prophétie que je viens de faire, c'est un calcul. L'état actuel de la société proclame haute voix la vé rité de ce que j'avance; les lois d'harmonie et de progrès, qui régissent la nature, le démontrent d'une manière irréfutable. Tout ce qui existe tend au développement, l'avenir provient du présent, comme le présent est le résultat du passé. L'Histoire n'est que la connaissance des filiations de causes et d'effets, de la marche de la vérité et de la justice travers les sentiers tortueux et les labyrinthes de l'égoïsme vulgaire; cette marche est tantôt ouverte et triomphante, tantôt couverte et pénible mais toujours elle avance, jamais elle ne retrograde. Rompu, brisé par l'impé tueux élan des dernières années du XVIIIe siècle, l'esprit hu main, l'esprit de vérité et de justice, s'est affaissé pour un temps sous l'ivraie et les broussailles qui encombrent sa route sa mar che est lente et saccadée, l'oeil scrutateur ne la suit qu'avec le plus grand effort, tant que suivre lui est possible. Elle se montre tantôt sous une forme mystique, tantôt dans une oeuvre sociale, elle se révèle un jour par la suppression, l'amendement ou l'adoption de quelque loi, l'autre jour par les discussions soulevées l'occasion d'une canonisation ou de quelque décret théocratique semblable. Les encyclopédistes sont morts, leurs os sont tombés en poussière, leurs livres ne se réimpriment plus, mais leur esprit vit toujours et prépare dans le monde des idées de notre époque, la grande ère qui va venir. Je ne suis ni SaintSimonieu, ni Positiviste, je ne suis ni Socialiste, ni Commu niste, mais je suis convaincu que tous ces systèmes, plus ou moins mystiques, sont les fruits du siècle qui suit la glorieuse époque des encyclopédistes, et que tous ces systèmes, malgré les formes maladives de l'époque d'épuisement d'abord et de tran sition ensuite, qui les vus naître, sont les preuves irrécusables et les manifestations de la marche du progrès pendant le XIXe siècle. Donc cette marche n'est pas interrompue, mais elle s'est ralentie; l'armée des défenseurs de la vérité et de la justice n'est pas détruite, mais démoralisée par l'oppression, sous laquelle elle se courbe, depuis l'aveu de son démembrement et de sa fai XXXIII blesse, elle ne combat plus avec la franchise et la loyauté qui la caractérisèrent un jour et qui seules lui conviennent elle cache ses armes et se rend ridicule par des efforts impuissants, ou bien elle emprunte les armes de ses adversaires, et tache d'op probre la sainte cause qu'elle est appelée défendre. Au lieu de combattre le parti conservateur par des arguments puisés dans la science, ou dictés par le bon sens, des arguments cohérents» d'une logique implacable, d'une clarté immaculée, au lieu de prouver la fausseté des croyances en mettant nu les racines de l'arbre dont elles sont les fruits, on fouille le magasin de verbiage des plaideurs de tribunal, on fausse le sens des mots, on forge des phrases double entente, on veut tout dire, mais on craint le monde, On s'efforce dono de parler et de ne se faire comprendre que par un petit nombre d'initiés, et même de façon pouvoir donner un démenti ces initiés mêmes, si quelqu'intérêt personnel demande ce reniement sacrilège. Et ce pendant on dit que parmi ces gens-là, il en de sincères et même de très- respectables. Je ne veux pas dire le contraire et porter un jugement précipité, injuste peut-être, contre qui que ce soit; mais j'avoue franchement que je n'y comprends rien, moins qu'on n'accepte chez eux l'absence complète de bon sens, ou l'endoctrinement méthodique des théories creuses et obscures de leurs professeurs. Ces soi-disant libres penseurs du siècle actuel et la théologie protestante dite moderne, me sont parfaitement antipathiques; je ne vois en eux que les hybrides d'un époque de réveil après un engourdissement complet, réveil si l'on veut, mais réveil plein de délire. Je sais respecter toutes les convictions, j'estime tous ceux qui parlent et qui agissent d'après la leur, je ne fais pas de reproche de leur foi ceux qui ne savent que croire, mais j'ai en horreur le mensonge et l'hypocrisie, et je ne sau rais marcher avec ceux en qui je n'ai aucune confiance. eux, aux philosophes et aux théologiens modernes, la lutte contre l'or thodoxie par la diplomatie, par la ruse et par le poison moi XXXIV la guerre pour le progrès la façon des encyclopédistes je ne dis pas du prince des penseurs la visière levée et la lance au poing, la guerre la façon de Jean Meslier que voici. C. JEAN MESLIER ET SON OEUVRE. La petite histoire du grand homme, dont il m'est réservé d'exécuter le Testament, est bientôt racontée *. Jean Meslier, ou proprement Mellier, comme portent les ré gistres baptistaires t. naquit en 1678, d'après Voltaire, ou le 15 Juin 1664, d'après Bouitliot, au village de Mazerny §, dépendant du Duché de Eéthel en Champagne. Il était fils de Gérard Mellier, ouvrier en serge **, ou propriétaire et fabri quant en laine ft et de Symphorienne Braidy. Un curé du voisinage lui enseigna les humanités, et le plaça ensuite au séminaire de Châlons-sur-Marne, où il vécut avec beaucoup de régularité, et où il s'attacha au système de Des cartes. Après les études nécessaires au sacerdoce, il fut initié en 1688, l'âge de 24 ans §§. Il vicaria la campagne jusqu'au mois de Janvier 1692, Voir Voltaire, //la Vie de J, Meslier"; Bouilliot. Biographie ardennaise; Quérabd. Superchéries littéraires; Michaud. Biographie universelle; S. Maréchal. Dictionnaire îles Athées; Lalande. Sup plément au Dictionnaire des Athées; Encyclopédie méthodique de Panckoucke, philosophie t. IIL; Dictionnaire de la Conversation et de la Lecture; Chaudon et Delandine. Nouveau Dict. historique. etc. etc. etc. Il signait cependant Meslier. Bouilliot. Mazerny, dernier village (nord) du Canton de Tourteron, arron dissement de Vouziers, département des Ardennes, est situé sur la route de Paris Stenay par Pierrepont, aux sources d'une petite ri vière, qui se jette dans l'Aisne Attigny.

    • Voltaire. ff Bouilliot. §§ Bouilliot.

XXXVI époque où il fut pourvu de la cure d'Etrépigny et de But t» sa succursale §. Le premier acte, revêtu de sa signature, ins crit dans les registres d'Etrépigny, porte la date du Jan vier 1692. Comme curé d'Etrépigny, il se fit remarquer par l'austérité de ses moeurs; la retraite absolue dans laquelle il vivait, augmenta ses dispositions naturelles la mélancolie; sensible et charitable d'ailleurs, il employait en aumônes la presque totalité de son revenu, et il se fit aimer de ses parois siens, qui il ne communiqua jamais les doutes que de longues rêveries et une lecture assidue de Bayle et de Montaigne avaient fait naître dans son esprit **. Quelques biographes disent qu'il s'acquitta de ses fonctions ecclésiastiques avec zèle et exactitude. M.M. Voiri et Delavaux, l'un curé de Varq ft. l'autre curé de Boulzicourt §§, étaient ses confesseurs et les seules personnes qu'il fréquentait. Il passait son temps relire le petit nombre d'ouvrages qui composaient sa bibliothèque. Dans un voyage que Meslier fit Paris, vers 1723, il se trouva un jour dîner chez le Père Bassier, jésuite, son ami. La conversation roula sur le Traité de la Beligion, publié par Houteville en 1722. Un jeune homme, esprit fort plutôt par vanité que par principes, et qui sans doute était du nombre Étrépigny est deux lieues de Mazerny, au canton de Flize, arrondissement de Mézières, département des Ardennes, une demilieue droite de la nouvelle route de Mézières Sedan. But ou Butz, village du même canton que le précédent, une lieue et demie du chef-lieu, est situé la naissance d'un ruisseau qui se jette dans la Meuse Flize. La forêt de Mazarin couvre au sud Étrépigny et But. Entre ces deux villages, on trouve celui de Balèvre. Le bon sens du Curé Meslier. Bruxelles in-12. Voltaire tort en parlant ici de Butz comme de la succursale d'Etrépigny c'était Balaives Butz étant alors la succursale de Villersle-Tilleul. Bouilliot.

    • Biographie générale, pages 144 146.

ft Varq est une lieue de Mézières et deux lieues d'Etrépigny. §§ Boulzicourt n'est qu'à trois quarts de lieue d'Etrépigny. XXXVII de ces incrédules, que Boileau caractérisait si bien en disant, que Dieu avait en eux de sots ennemis, s'abandonna des sorties malignes. Le curé lui répliqua avec un grand sangfroid // qu'il ne fallait pas beaucoup d'esprit pour se railler de //la religion; mais qu'il en fallait beaucoup plus pour la soutenir et la défendre." Le curé Meslier était sévère partisan de la justice, et pous sait quelquefois son zèle un peu trop loin. Le seigneur de son village ayant maltraité quelques paysans, il ne voulut pas le recommander au prône; mais le cardinal de Mailly, alors arche vêque de Reims, devant qui la contestation fut portée, l'y con traignit le dimanche qui suivit cet ordre, le curé monta en chaire, se plaignit de la sentence du cardinal, et dit ;/ Voilà ffle sort ordinaire des pauvres curés de campagne; les arche vêques, qui sont de grands seigneurs, les méprisent et ne les //écoutent pas; ils n'ont des oreilles que pour la noblesse. Recommandons donc le seigneur de ce lieu et prions Dieu pour c/M. de Clairy *. Demandons Dieu sa conversion, et qu'il //lui fasse la grâce de ne point maltraiter le pauvre et de ne point dépouiller l'orphelin." Le seigneur d'Étfépigny, qui avait été présent cette mor tifiante recommandation, en porta de nouveau plainte au même archevêque, qui fit venir le curé Meslier Donchery, où il le maltraita en paroles. dater de ce moment le curé et son seigneur semblent avoir vécu en guerre ouverte. La tradition du' pays est, qu'ayant

  1. eu des difficultés avec M. de Clairy, seigneur de sa paroisse,

//concernant des droits honorifiques que ce dernier prétendait //et qui n'avaient point été accordés ses prédécesseurs, il en //fut reprimandé l'archevêché de Reims; que cette reprimande, //qu'il ne croyait, pas mériter, et quelques outrages particuliers //qu'il recevait du Seigneur, dont les jardins étaient contigus //à l'église, outrages qui furent poussés si loin, que M. de Voltaire nomme ce seigneur, Antoine de Touilly. XXXVIII // Clairy venait donner du cor sous les fenêtres de l'église, où //le curé officiait ou prêchait, son esprit s'était aigri au point // de lui rendre insulte pour insulte; que sur les plaintes du Seigneur, M. de Rohan-Guemené, archevêque de Eeims, crut devoir faire venir Meslier au séminaire qu'irrité de ce traite z/ment, il s'était laissé mourir de faim en 1729 *), après avoir //pris des mesures pour qu'un testament, où il abjurait sa foi //religieuse, fût en même temps porté au greffe de Saintez/Ménéhould, lieu de la juridiction, l'archevêché de Eeims, et //à Mézières. Cette affaire ayant éclaté, M. Lavaux, curé de // Boulzicourt et M. Voiry, curé de Guignicourt, se rendirent // Étrépigny, et inhumèrent le corps de leur confrère dans la sacristie, sans inscrire son acte mortuaire sur les registres de // la paroisse. En effet, on n'y trouve rien qui constate le décès z/'de Meslier. Le dernier acte, revêtu de sa signature, est du // Mai 1729, et le premier qui ait été signé par l'abbé Guilz/lotin, son successeur immédiat, est du 27 Août suivant", // sa mort," dit Voltaire, // il donna tout ce qu'il posséii dait (ce qui n'était pas considérable) ces paroissiens, et pria // qu'on l'enterrât dans son jardin". Quoiqu'il ne soit ici question que de deux exemplaires du fameux Testament du Curé Meslier, tous les biographes de ce grand penseur s'accordent raconter qu'après sa mort on en trouva chez lui deux exemplaires, écrits de sa main, tandis qu'un troi sième avait été déposé par lui-même de son vivant au greffe de la justice de Sainte-Ménéhould. Ces trois exemplaires de trois cent soixante six feuillets chacun, étaient tous trois écrits de sa main et signés par lui. Ils portaient pour titre Mon Testament" et étaient adressés ses paroissiens et M. Leroux, Voltaire prétend que le Curé Meslier ne mourut qu'en 1733. J'ai maintenu cette date sur le titre du présent ouvrage, comme le plus généralement acceptée. E. C. Renseignements pris sur les lieux par M. l'Eguy, général de l'ordre de Prémontré. XXXIX procureur et avocat au parlement Mézières. Des deux exem plaires qu'on trouva dans sa demeure, l'un fut retenu par le grand vicaire de Eeims, et l'autre fut envoyé M. Chauvelin, garde des Sceaux. Le Comte de Caylus eut quelque temps entre les mains une de ces trois copies, et bientôt après il en eut plus de cent dans Paris, que Ton vendait dix louis la pièce *. Le Curé Meslier avait écrit sur un papier gris qui envelop pait l'exemplaire destiné ses paroissiens, ces paroles remar quables: J'ai vu et reconnu les erreurs, les abus, les vanités, vies folies et les méchancetés des hommes; je les ai haïs et //détestés; je ne l'ai osé dire pendant ma vie, mais je le dirai »au moins en mourant et après ma mort, et c'est afin qu'on le sache que je fais et écris le présent mémoire, afin qu'il i, puisse servir de témoignage de vérité tous ceux qui le verront et qui le liront, si bon leur semble." La bibliothèque du vénérable curé était pauvrement pourvue. La Bible, Moreri, Montaigne, quelques Pères, voilà les princi pales sources où il puisait ses idées libres sur le Christia nisme et sur Dieu. Parmi ces livres, on trouvé un exemplaire des Traités de Fénélon, archevêque de Cambrai, sur l'existence de Dieu et sur ses attributs, (Paris, Delaulni 1718, in-12, reliure fauve ancien,) suivi des Eéflexions du Jésuite Tournemine, sur l'athéisme, avec des annotations en marge signées de sa main. L'exemplaire original était dans 'la riche bibliothèque de St. Martin de Laon, ordre de Prémontré. Monsieur Ch. Nodier parle de quatre autres exemplaires de cet ouvrage annoté: le premier est porté sous le N° 758 au Catalogue de Mirabeau; le second est indiqué la page 106 du Tome du Catalogue de Mr. Eenouard, qui ne supposait pas qu'il en existât d'autres. Le troisième esjt inscrit, sous le N° 935, au cabinet La Bibliothèque de l'Arsenal en possède deux, sous les N°. 129 et 130. Ch. Nodier, Mélanges tirés d'une petite bibliothèque ou variétés littéraires et philosophiques. 1829, pages 178—182. XL des livres précieux de la Bibliothèque de l'Arsenal. Le quatrième, ou si l'exemplaire de Mirabeau figure en double dans ce compte, le troisième, était en la possession de M. Ch Nodier lui-même; tous les quatre reliés en veau fauve, le second et le troisième terminés par cette note: Ex libris Joannis Meslier. Voici ce que Monsieur Nodier dit du dernier Exemplaire L'écriture de mon exemplaire paraît un peu plus ancienne elle est d'une finesse presque microscopique et d'une telle perfection que j'ai vu peu de chefs- d'oeuvre de calligraphie lui comparer, ce qui s'accorde merveille avec la réputation du Curé Meslier, célèbre par les productions de ce genre, dont il parait ses autels, et qui il ne restait guère, de toutes les qualités requises dans un ecclésiastique par les saints canons du moyen âge, qu'une singulière aptitude la transcription des manus crits. Une autre remarque faire, c'est que cette écriture, beaucoup plus soignée que celle des deux autres exemplaires, et dont la régularité, digne du burin, atteste un travail fait, comme on dit, avec amour, est cependant moins nette, et que des surcharges qui n'ont été rendues nécessaires que par la modification même de l'idée ou du mot, semblent montrer ffçà et là la plume de l'auteur, qui se corrige en se copiant. ,/Je n'ai pas besoin d'ajouter que l'intérêt de cette petite // discussion ne repose pas du tout sur le mérite des notes de //Meslier; c'est dans toute sa hideuse sécheresse le matérialisme //lourd, diffus, inintelligible de cette coterie d'Holbach, une des //plus nulles en talent, et des plus pernicieuses en doctrines, qui aient influé sur le sort du monde. Certainement, le Curé //Meslier ne se revoltait pas sans raison contre l'immortalité; il ne pouvait pas même ambitionner celle d'Erostrate. Je me proposais d'en citer quelque chose mais la plume m'est tom- // bée des mains, moins encore de dégoût et d'indignation que d» ennui. Je laisse pour compte de M. Nodier cette déclamation contre le Curé Meslier et ses oeuvres, contre les Encyclopédistes et le XLI matérialisme. On ne peut pas attendre d'un croyant qu'il fasse grand cas des oeuvres de penseurs de la trempe de notre ami le curé. Mais je constate, par cette tirade, ainsi que par tout ce que la foule innombrable des biographes ennemis dit de désobligeant pour l'auteur et de défavorable pour ses oeuvres, que pas un d'eux n'a jamais démenti les éloges de probité, de sim plicité, de désintéressement, de sobriété et de charité, que font de lui les libres penseurs du XVIIIe siècle. Il existe de la main du Curé Meslier, outre le Testament et les annotations du Traité de Eénélon 1°. Une liasse de Prônes manuscrits, ,/ que nous avons vus //dans la bibliothèque de St. Martin de Laon; ils sont parsemes de traits hardis du reste, ce sont des instructions ordi naires, écrites d'un style rude et incorrect *." 2°. La Traduction du Cantique des Cantiques, trouvée dans ses papiers, Manuscrit curieux f. Sous le règne de la Convention, le 17 Novembre 1793, Anacharsis Clootz, le fougeux démocrate- matérialiste, proposa Bouilliot, Biographie Ardennaise. Catalogue de Boutdurlin N' 1918. Paris 1805, in-8". Jean Baptiste de Clootz, baron prussien, naquit Clèves, le 24 Juin 1755. Il était neveu du savant Chanoine Cornelius Paw, qu'il parait avoir voulu surpasser par la hardiesse et l'originalité de ses plans de réformation universelle. Devenu, jeune encore, maître d'une fortune considérable, il parcourut successivement l'Allemagne, l'Italie, et l'Angleterre. Londres, il se lia intimement avec Ed. Burke, un des chefs de l'opposition parlementaire. De retour en France, (où il avait fait ses études) au commencement de la revolution de 1789, il changea ses prénoms contre celui d'Anacharsis et ne tarda pas se faire remarquer par ses idées republicaines, et par les diverses péti tions que sous le titre d' Orateur du genre humain, il adressait l'assem blée constituante. Il figura dans l'immense cortège de la fédération de 1790, avec la dcputation du genre humain, qu'il avait organisée. Il vota la mort de Louis XVI, au nom du genre humain, il'fit l'éloge d'Ankerstrôm, et demanda qu'on mit prix la tête du roi de Prusse il offrit de lever ses frais une légion prussienne, qui prendrait le XLI1 d'ériger une statue Meslier, qu'il nomma l'Intrépide, le Gé néreux, l'Exemplaire, comme au premier prêtre qui avait abjuré les idées religieuses; la proposition fut renvoyée au comité d'instruction publique, mais on ne lui donna pas de suite. Il parait que l'Histoire dn Testament laissé par le vénéra ble curé d'Etrépigny, bien que très-populaire en Champagne, eut de la peine percer jusqu'à Paris, et faire quelque sensation. Ce fut Thiériot qui le premier parla de Meslier nom de Légion vandale; il publia un petit traité intitulé République vniverselle, et se déclara hautement l'ennemi personnel de Jésus- Christ. Clootz aurait été un excellent apôtre du progrès, si malheureusement ce caractère fougeux n'avait eu se développer dans un centre d'idées exaltées et de haines farouches tel que dut l'être Paris dans les an nées qui précédèrent la grande révolution et se manifester au millieu de l'agition fiévreuse d'un cataclysme social. Il ne fut alors qu'un fanatique pétulant, ridicule, parfois coupable, par un amour aveugle de la justice; il eût été un tiran cruel force de prin cipes humanitaires, s'il eût eu gouverner. Malgré tous ses dé fauts, Clootz est cependant une de ces grandes figures, de ces hom mes d'une pièce, qui ne se développent que par exception et qui sont le produit de puissantes influences extérieures agissant sur des con stitutions d'élite. Sa mort rachète une grande partie des extrava gances de sa vie. Au moment suprême, il montra ce qu'il valait, il sut être sublime Arrêté comme hébertiste et traduit devant le tribunal révolutionnaire avec Hébert, Montmoro, Eonsin et douze autres, il fut condamné mort, avec ses compagnons. l'exception de Marie-Anne Latreille, femme Quétineau, qui déclara être enceinte /- et obtint un sursis, ils furent tous immédiatement exécutés, le »Germinal, an II (23 Mars 1794). En allant au supplice, Clootz prêchait le matérialisme Hébert il voulut même être exécuté le dernier, afin, disait-il, d'avoir le temps de constater certains principes, pendant que l'on ferait tomber les têtes des autres condamnés. Il mourut avec beaucoup de courage ou assure qu'au moment suprême il en appela au genre humain du supplice injuste qu'il allait subir. (Dufey, de l'Yonne)" XLIII Voltaire *; celui-ci n'attacha d'abord aucune importance cette communication; vingt-sept ans après seulement, il se décida publier un extrait de la première partie du fameux Testa ment, le courage ou la franchise lui manquant pour rendre en peu de mots ce que, dans la seconde partie, l'humble curé, dont il sauva le nom de l'oubli, avait démontré largement et distinc tement et ce que lui n'a jamais osé avouer. L'extrait de Vol taire parut au commencement de 1762, avec là date de 1742, sous le titre de //Sentiments du Curé Meslier f" il formait 68 pages in-8°. Six mois après, cette édition étant epuisée, Vol taire en fit. tirer une seconde, de 64 pages in-8°, cinq 'mille exemplaires, qu'il fit précéder d'un avant-propos de sa façon. On trouve l'Extrait du Testament du Curé Meslier dans l'Évangile de la Eaison, 1766 in-8° et 1768 in 18°; il figure également dans le Recueil nécessaire, Londres (Paris) 1768, vol. in-12°, tome II, p. 209—300; Naigeon l'a fait impri mer en 1791 dans l'Encyclopédie méthodique **. Il fut joint pour la première fois aux oeuvres de Voltaire dans une édition in-12°, publiée en 1817. M. Beuchot Ta reproduit dans l'édi tion qu'il donnée en 1830. tt ^e nombreuses réimpressions ont été faites depuis, surtout de 1828 1835, presque toutes imprimées sur du papier d'une qualité très inférieure. Les édi teurs ont généralement ajouté l'extrait de Voltaire la suite d'un autre extrait du Testament, fait par le Baron d'Holbach, sous le titre de // Bon Sens du Curé Meslier, et publié pour la première fois en 1772, chez M. Rey Amsterdam, in-12°." En 1789, parut le Catéchisme du Curé Meslier, de la main de Lettre du 30 Novembre 1735. Baebieh, Diction. des livres anonymes et pseudonymes. Sous la direction de Voltaire selon les uns et de l'abbé du Laurens selon les autres.

    • Philosophie. Tome III, p. 218.

tt Tome XL, p. 390. XLIV Sylvain Maréchal *. L'Extrait du Testament de J. Meslier fat, par arrêt du parlement de Paris, condamné être brûlé et, par decret du Février 1775, la cour de Rome le mit l'index. La destruction du Bon Sens du Curé Meslier, pour cause d'Outrage ta morate publique et religieuse, fut ordonnée: 1°. par jugement du tribunal correctionnel de la Seine, du 20 Août 1824; 2°. par arrêt de la cour d'assises du Nord, du 22 fé vrier 1835; 8°. par arrêt de la cour royale de Douai, du 1er Septembre 1837; et 4°. par arrêt de la cour d'assises de la Vienne, du 12 Décembre 1838. Malgré les cent copies manuscrites du ^Testament du Curé Meslier, qui existaient Paris vers la fin du XVIIIe siècle, malgré les trois extraits que Voltaire, d'Holbach et S. Maréchal en avaient fait et dont plusieurs éditions avaient été successivement mises en vente, l'ouvrage original, manquant d'éditeur, commen çait devenir de plus en plus rare, lorsque le hasard me fit trouver chez un antiquaire de la Hollande un exemplaire du précieux document. Cette trouvaille fut pour moi une bonne fortune, et, bien que les publications rationalistes que j'avais faites jusqu'à ce jour m'eussent causé des pertes considérables et eussent exércé sur mon commerce une influence des plus funestes, je résolus immédiatement d'exécuter la volonté du vé nérable défunt, et de publier, bien qu'un peu tard, le Testament qu'il avait laissé. Cependant, comme le passé m'avait appris d'une manière si onéreuse, qu'en fait de secours je n'avais rien attendre de cette foule insouciante qui l'impudence de s'ar roger le titre honorifique de Libre-penseur, et qui ne sait que battre des mains au spectacle d'un apôtre de la vérité qui sacrifie in fructueusement sa vie et ses biens pour procurer aux enfants de ces mêmes insouciants un avenir plus radieux, une existence plus normale, et que mes calculs me prouvaient que dans l'intérêt de Voir le Dictionnaire des honnêtes gens. in-12°. Paris 1791, pag. 73 et 126. XLV ma cause, je devais permettre ma prudence de brider mon en thousiasme tant que mes moyens ne me permettraient pas de lui laisser un libre cours, je résolus de publier l'ouvrage de façon ce que, même sans la moindre marque de sympathie et malgré l'an tipathie la plus active, je pusse l'achever sans achever en même temps ma ruine. C'est cette considération qu'on doit le prospectus que je lançai au Ier Septembre 1860, peu de temps après que la copie-manuscrite fût tombée en ma possession. Voici ce qu'après avoir donné une rapide esquisse de la vie de Meslier et des extraits de son oeuvre, publiés par Voltaire et par d'Holbach, je disais dans ce prospectus et ce que je ne crois pas hors de saison de répéter ici. «Un siècle peu près s'est écoulé depuis que Voltaire ré- «vélé au monde l'existence de l'auteur, et celle de son œuvre. L'humble curé de village, immortalisé par cette volonté toutepuissante, atteint les dimensions d'un athlète de première «force. Son nom, vénéré par tout ce qui pense, abhorré par tout ce qui croit, est connu jusqu'aux recoins les plus obscurs, jusqu'aux confins les plus éloignes du monde civilisé. Les deux extraits de «son œuvre, anathématisés par les Christicoles, le second supprimé net confisqué même par les Tyrans, sont lus avidement ... et le «manuscrit, le précieux Testament, écrit de sa main, est encore là dans sa demi-obscurité, sans avoir trouvé un éditeur, au risque «de devenir un jour pour les savants et les érudits un sujet de «discussion et de recherches laboricuses, afin de déterminer s'il «réellement existé, ou bien si le Curé Meslier n'a été qu'uu prete- «nom Voltaire et d'Holbach. «Parmi les causes de cette négligence des éditeurs, on peut mettre sur la première ligne la peur des poursuites qu'avait subies «l'extrait du baron d'Holbach, et qui ne manqueraient pas d'être «renouvelées d'une manière plus acharnée encore la publication «de l'œuvre originale. Aussi, est-il naïf dans ses raisonnemens, le «bon curé d'Étrépigny. Il dit tout bonnement tout ce qu'il pense, et encore le dit-il comme il lc pense, simplement, crûment même, jsans se soucier de l'impression que produiront ses paroles. Il ne «serait donc pas étonnant, que lcs gouvernements et les sacerdo- «ces, jaloux de leur monopole de la vérité, pussent bien encore XLVI nue pas trouver leur gré la publication d'un pareil écrit, et en ii témoigner leur dépit au malencontreux éditeur, d'une manière par ii trop significative. C'est pourquoi j'absous pleinement tous ceux qui ont eu une copie du manuscrit en leur possession, et qui n'ont pas osé le publier mais je ne m'absoudrais jamais moi-même, si, une fois que j'en tiens une copie manuscrite, vivant dans un //pays libre, étant éditeur par dessus le marché, j'avais la lâcheté de ne pas la publier. Je la publie donc et je la publierai jusqu'au »bout, dussé-je n'en vendre pas un seul exemplaire. Je la terminerai comme j'ai terminé la //France Mystique", qui elle aussi //courait risque d'être perdue jamais. Je sais d'avance que des milliers de croyants crieront au scanvdale, quand ils apprendront ce nouvel acte de témérité de ma // part mais que me fait le mépris de tout un monde, si je marche //dans la route, que m'a tracée mon amour de la justice et de la //vérité? Je reconnais chacun le droit de dire son opinion, je «sais respecter toutes les convictions, c'est pourquoi je prétends //avoir le droit de dire tout ce que je pense, c'est pourquoi je »demande voix au chapitre pour l'honnête curé d'Étrépigny. Loin // de vouloir prôner mon auteur, comme arbitre souverain de la // vérité, je ne demande pour lui que l'attention respectueuse que //réclame et que mérite tout penseur sérieux. S'il tort, qu'on le // réfute, moi-même j'ai trouvé dans son ouvrage des endroits que //je pense réfuter; mais s'il raison, quelle que soit la clarté de la lumière, qui émane de ses écrits, qu'on ne craigne pas alors de la mettre en évidence, et de reconnaître, en face d'un monde //hostile, que cette lumière c'est la vérité. Vous savez donc maintenant ce que c'est que le testament du // cubé mesmer, mais il me reste encore vous parler de mon édition. ff Je vais reproduire consciencieusement le manuscrit en ma possession, sans altération aucune dans l'orthographe ou dans le // style, sans autre correction même que celle des fautes qui ne peuvent être imputées qu'aux copistes. //L'ouvrage paraîtra en livraisons de 12 feuilles environ, for mulant chacune un demi-volume. La première livraison paraîtra //dans le courant de l'année 1861. Tant que le nombre des sous cripteurs ne sera pas assez élevé pour couvrir les frais de publi cation, les livraisons paraîtront de six mois en six mois; mais /^aussitôt que ce chiffre sera atteint, elles se suivront avec autant //de célérité qu'une impression soignée peut le permettre." XLVII Quatre années se sont écoulées depuis que ces lignes furent écrites, la publication du Testament continué sans interrup tion, bien qu'ait eu lieu ce que j'avais prévu et que le petit nombre de libéraux, qui m'ont prouvé leur sympathie en me prêtant l'appui de leur souscription, ne m'ait pas permis d'accélérer la mise en vente des livraisons au delà du semestre d'inter valle que d'avance j'avais fixé tant que la publication conti nuerait d'être un nouveau sacrifice apporter au progrès. L'a mour de la vérité et de la justice ne m'a pas abandonné, la conviction et le courage ne m'ont pas fait défaut, la vie m'a été épargnée, et j'ai maintenant la douce satisfaction, que, grâce tout cela, le monument le plus précieux du bon sens français avant le temps des Encyclopédistes, été mis au jour d'une manière durable, que l'impression du Testament du Curé Meslier été terminée par mes soins, et que par-là j'ai conservé l'His toire de la pensée humaine un document non moins précieux, que ne l'est la célèbre France mystique de mon ami Erdan, dont j'ai publié précédemment une nouvelle édition. Pour ce qui regarde l'édition de l'oeuvre éminente que je livre actuellement la publicité, j'ai fait ce que j'ai pu pour la rendre telle que je l'avais promise. Mainte heure de sommeil été sacrifié la correction des épreuves, chaque fois que les occupations journalières de ma profession ne pouvaient m'accorder le temps nécessaire pour m'en occuper. Très souvent aussi, la correction s'est faite au milieu de ces occupations, et si un certain nombre d'erreurs défigurent encore mon édition, c'est aux nombreuses interruptions imposées par les affaires, qu'on doit les imputer. J'aurais aimé faire mieux, mais une idée me con sole, c'est que, dans les circonstances données, je n'aie pas fait pis. La tâche que je m'étais imposée, n'était d'ailleurs pas des plus faciles je m'étais engagé conserver toute l'originalité du style et le caractère de l'orthographe de mon auteur, ne corriger que les fautes de ses copistes. Or, l'orthographe n'étant pas ré gulière et les fautes des copistes étant par-là très difficiles reconnaître, il m'a souvent fallu beaucoup réfléchir avant de me XLVIII permettre la moindre correction. J'avoue volontiers qu'au début surtout j'ai été un peu trop scrupuleux peut-être, craignant quelquefois de rétablir un nom propre évidemment erronné ou respectant en général une ponctuation extrêmement négligée, qui pour sûr ne pouvait être du fait de l'auteur, mais qui devait plutôt être attribuée la nonchalance du copiste; qu'on me pardonne ce scrupule, il est dû mon respect de la forme choisie par le profond penseur dont j'ai le bonheur de repro duire l'oeuvre. Une seule chose me reste encore faire, un seul engagement remplir. J'ai dit dans mon prospectus que, tout en sous crivant généralement aux raisonnements du Curé Meslier, je ne désirais pas prôner mon auteur comme arbitre souverain de la vérité, mais que moi-même j'avais trouvé dans son ouvrage des endroits que je pensais réfuter; je ne veux pas terminer cette préface avant d'avoir éclairci ces pa roles. Si en général on doit considérer l'homme et ses oeuvres comme le produit de leur temps et du cercle d'idées au mi lieu duquel ils se sont développés, Meslier et son Testament demandent spécialement être jugés de ce point de vue. Les isoler serait une acte d'injustice, si ce n'est de démence. Meslier fut fait curé au temps des dragonnades, six ans après que Louis XIV eût rendu son fameux édit contre les magi ciens, et trois ans après l'infâme révocation de l'édit de Nantes par le même monarque. Jeune, il avait pris des engagements dont il ne connaissait pas la portée; depuis ce temps, il était resté cloué pour sa vie au bagne du monde intellectuel il avait dû cesser d'être homme pour ne devenir que machine ses actions, ses paroles, ses pensées ne lui apartenaient plus; l'Église, le droit du plus fort par le mensonge et l'hypocrisie, avait vivre en lui, parler de lui, agir par lui; sa conscience? il était sommé de ne connaître que la volonté de ses supérieurs sa volonté la volonté de ses supérieurs ses amours, ses amitiés, ses aspirations, ses sentimens généreux, son intelli IL gence la volonté de ses supérieurs tout était là il était rivé sur le banc des condamnés perpétuité. Malheur lai si, au contact de l'avilissement, sa conscience avait éclaté; malheur lui si, en face de l'opprobre, sa bouche avait dé noncé sa pensée secrète; malheur lui si, au moment de la souillure, son coeur avait repoussé l'obéissance aveugle Hon nête, noble, sublime, il avait souvent flétrir ce qui est honnête, noble et sublime; juste, il avait fouler aux pieds la justice; véridique, il avait prôner le mensonge, ses supérieurs étaient là pour le tancer, pour l'humilier, pour le briser, s'il avait osé un instant oublier en public qu'il n'était que leur créature, et portait leur stygmate. Mais alors si, au milieu de la tyrannie et de l'injustice, au milieu du men songe et de l'hypocrisie, dont il est victime s'il refuse d'en être complice, son coeur s'enflamme et qu'un cri d'indigna tion et d'angoisse, refoulé dans sa poitrine durant de lon gues années, se fasse jour enfin dans son souffle suprême, oh! n'allez pas alors lui reprocher ce cri si long-temps refoulé. Et si les paroles de son Testament sont âpres et rudes, et si les pensées qu'il énonce sont sauvages et cruelles, n'allez pas les mesurer d'après ,vos pensées et vos paroles et lui imputer comme un forfait ou une ignominie, ce qui n'est que l'écho fidèle des forfaits et de l'ignominie des autres, qui ont déchiré son âme de juste, et qui en ont chassé la sérénité pour porter le délire. Bonheur vous si du fond du coeur vous n'avez jamais senti s'éveiller que des pensées douces et suaves, pleines d'amour et de pardon, parce que vous n'avez jamais connu l'esclavage de l'esprit sous la main despotique du prêtre ou du législateur; mille fois bonheur vous si, après la lutte contre le mensonge et la tyranie, vous avez su dominer votre esprit et recouvrer la sérénité de votre âme au point de pouvoir aimer et pardon ner de nouveau, de ce divin amour, de ce sublime pardon du juste éprouvé. Vous tous dont le calme ne s'est jamais dé menti, et vous surtout dont la sérénité est comme le couronne ment de la lutte, vous saurez pardonner la véhémence de l'homme qui essaie en vain de briser le joug qui l'oppresse, vous saurez comprendre l'indignation bouillante du juste aux prises avec une carrière qui le dégrade ses yeux, avec une destinée qui lui impose la prostitution de la pensée et l'avilissement du coeur. Et vous qui voudriez jeter la pierre au lutteur que l'indigna tion aveugle, gardez-vous de l'insulter. Commencez par le com prendre avant de lever la pierre, qui pourrait retomber sur vous; car l'insulte une fois lancée, témoignerait du froid qui règne en votre coeur et de l'absence chez vous de cet amour de la justice et de la vérité qui engendre les justes colères, mais que parfois une impuissante indignation porte aux âpres paroles et aux pensées sauvages et cruelles. N'allez pas croire cependant qu'en défendant la cause de l'homme, je veuille par là sanctionner ses arrêts, prononcés dans un moment d'indignation délirante. Non, je condamne avec vous ses jugements partiaux, ses pensées, cruelles je regrette avec vous que son indignation l'ait porté parler de Jésus le Na zaréen comme d'un misérable pendard et exalter le régicide. Moi qui jouis d'une liberté complète de dire tout ce que je pense et chez qui l'indignation par conséquent ne va pas jusqu'à la fureur, l'aveuglement et la partialité, je puis et je dois blâmer l'injustice de l'insulte et l'excès de la passion chez le Curé d'Étrépigny, mais en comprenant les causes de son égarement et en pardonnant des fautes involontaires qui en ont été les résultats. Défendre et pardonner Meslier, l'honnête prêtre exaspéré, c'est faire acte de justice; me taire lorsqu'il s'oublie et qu'il devient injuste force de souffrance et d'indignation ce serait manquer au devoir. Meslier tort, grand tort, d'insulter la mémoire du Dieu incarné des Chrétiens, en parlant de lui comme d'un //misérable pendard." Je ne crois pas, il est vrai, l'existence corporelle d'un Jésus dit le Christ; c'est-à-dire que le résultat de mes recherches sur ce sujet été que plusieurs traits historiques de différentes personnes, que des paroles de différents penseurs et que des LI légendes indiennes, élaborées par un ou plusieurs auteurs, pé nétrés des théories philosophiques de leur siècle et des dogmes de leur entourage, ont servi former ce type que les Chré tiens nomment Jésus le Christ. Mais part quelques côtés acces soires assez faibles, je trouve que le type réellement de la majesté. Je ne suis pas de ceux qui prononcent avec mépris les noms de Zoroastre, de Kong-Fou-Tseu, de Bouddha, de Jésus. Mais supposons même pour un instant que le prophète de Naza reth, dont les Evangiles des Chrétiens contiennent l'histoire, ait véritablement existé et qu'en effet il ait été crucifié, sa mort ne jetterait aucune ignominie sur sa vie, et l'oeuvre humani taire qu'il aurait rêvé élèverait le fanatique au rang des bien faiteurs de l'humanité. Il n'est pas contester que, sa vie ne nous étant connue que par des opuscules peu anthentiques et ré digés longtemps après la date assignée sa mort, tous les écrits anti—chrétiens des premiers siècles de notre ère ayant été soigneusement détruits, la biographie que nous possé dons n'a aucune valeur historique, et que même eu acceptant l'existence réelle du héros, elle ne nous offre qu'un tableau très-in complet et très-partial de ses moeurs et de ses actions. Mais l'absence de documents contemporains, reconnus indubitablement authentiques, la perte d'écrits contradictoires que nous savons avoir existé, ne nous donnent pas le droit d'insulter un homme, auquel nous ne pouvons imputer avec certitude, ni crimes, ni vices, ni méchanceté, ni mauvaise foi un homme qui après tout ne pourait être responsable des crimes commis en son nom, de la dépravation des prêtres et de l'effet démoralisateur des dogmes d'un culte qu'il n'a pas même institué. Pour ce qui regarde le régicide, tout républicain que je suis, je suis loin de partager les idées de Meslier ce sujet. Je ne regrette pas, comme lui, le temps des Jacques Clément et des Ravaillac, parce que j'ai en horreur le meurtre, et que je déteste tout acte de violence sauvage et barbare. Sanctionner le meurtre du tyran le plus sanguinaire, de même que sanction ner l'acte du juge qui signe l'arrêt de mort du meurtrier, ce n* LU serait pousser la démoralisation de l'homme, ce serait tra» vailler la retrogradation du progrès. La civilisation demande de l'homme qu'il s'éloigne toujours de plus en plus de son état primitif de bête féroce et qu'au lieu de continuer détruire, il s'humanise graduellement en apprenant conserver et pro duire. L'instinct du bipède pousse l'animosité, la rancune, la vengeance; la raison de l'homme se manifeste par l'amour fraternel, le pardon, l'assistance. Nous tous, tant que nous som mes, nous tenons encore du bipède par l'instinct, presqu'autant que nous nous développons l'état d'homme par la raison. La raison, c'est l'instinct perfectionné au moyen des organes de la pensée et de la parole; l'homme c'est le bipède parvenu un degré supérieur de développement, parvenu l'état d'Etre con scient. Tout acte qui se fait spontanément est un acte instinctif, comme tout acte qui est le résultat d'un choix fait après dé libération sur les effets attendre des causes produire, est un acte raisonnable. L'ivrognerie qui abrutit, la passion qui aveugle, la colère qui paralyse la raison replongent momenta nément l'homme en plein état de bipède, et c'est dans cet état que l'être humain redevient sanguinaire, en même temps qu'il cesse d'être responsable de ses actions. RUDOLF CHARLES. Ut. Il'AllLAIKO VAN GlESSEHBCBG). "\ d. CORRESPONDANCE DE VOLTAIRE, AU SUJET DU TESTAMENT DU CURÉ MESLIER, ETC. A. JTHIERIOT. Cirey, le 30 Novembre (1735). Je suis enchanté de la bonne fortune que vous avez depuis six mois, avec Locke. Vous me charmez de lire ce grand homme qui est dans la métaphysique, ce que Newton est dans la connaissance de la nature. Quel est donc ce curé de village dont vous me parlez? Il faut le faire évéque au diocèse de Saint-Vrain. Comment! un curé, et un Français, aussi philo sophe que Locke? Ne pouvez-vous point ra'envoyer le manuscrit? Il n'y aurait qu'à l'envoyer, avec les lettres de Pope, dans un petit paquet, Demoulin; je vous le rendrais très-fidèlement. A. M. DAMILAVILLE. Février (1762). Mon cher frère saura que je lui ai écrit toutes les postes, que j'ai déterré les deux exemplaires de tOriental, avec les Sentiments du curé, dont j'ai fait trois envois trois postes différentes. Je suis frère fidèle et frère exact. Au Même. Février (1762). .... Mon frère aura un Meslier dès que j'aurai reçu l'ordre il parait que mon frère n'est pas au fait. Il quinze vingt LIV ans qu'on vendait le manuscrit de cet ouvrage huit louis d'or. C'était un très-gros in-quarto; il en plus de cent exem plaires dans Paris. Frère Thiériot est très au fait. On ne sait qui fait l'extrait mais il est tiré tout entier, mot pour mot, de l'original. Il encore beaucoup de personnes qui ont vu le Curé Meslier; il serait très utile qu'on fît une édition nou velle de ce petit ouvrage Paris; on peut la faire aisément en trois ou quatre jours. A. M. Dalembert. Février (1762.) On imprimé en Hollande le Testament de Jean Mestier; ce n'est qu'un très petit extrait du Testament de ce curé. J'ai frémi d'horreur la lecture. Le témoignage d'un curé qui, en mourant, demande pardon Dieu d'avoir enseigné le christia nisme, peut mettre un grand poids dans la balance des liber tins. Je vous enverrai un exemplaire de ce Testament de l'Antéchrist, puisque vous voulez le réfuter. Vous n'avez qu'à me mander par quelle voie vous voulez qu'il vous parvienne il est écrit avec une simplicité grossière qui, par malheur, ressemble la candeur. Au Même. Ferney, 25 Février (1762). Meslier est curieux aussi. Il part un exemplaire pour vous; le bon grain était étouffé dans l'ivraie de son in-folio. Un bon Suisse fait l'extrait très-fidèlement, et cet extrait peut faire beaucoup de bien. Quelle réponse aux insolents fanatiques qui traitent les sages de libertins Quelle réponse, misérables que vous êtes, que le testament d'un prêtre qui demande pardon Dieu d'avoir été chrétien! LV Quoi! Meslier, en mourant, aura dit ce qu'il pense de Jésus, et je ne dirai pas la vérité sur vingt détestables pièces de Pierre, etc. De M. Dalembert. Paris, ce 30 Mars (1762). Un malentendu été cause, mon cher philosophe, que je n'ai reçu que depuis peu de jours l'ouvrage de Jean Meslier, que vous m'aviez adressé il près d'un mois; j'attendais que je l'eusse pour vous écrire. Il me semble qu'on pourrait mettre sur la tombe de ce curé: Ci-gît un fort honnête prêtre, Curé de village, en Champagne, qui, en mourant, demandé pardon Dieu d'avoir été chrétien, et qui prouvé par là que quatre-vingt-dix-neuf moutons et un Champenois ne font pas cent bêtes". Je soupçonne que l'extrait de son ouvrage est d'un Suisse qui entend fort bien le français, quoiqu'il affecte de le parler mal. Cela est net, pressant et serré, et je bénis l'auteur de l'extrait, quel qu'il puisse être. C'est du Seigneur la vigne travailler. J. B. Rousseau, épigr. obsc. A. M. Damilaville. 17 Avril (1762). J'ai l'honneur de vous envoyer, Monsieur, de la part de M. Friche Baume, libraire, .la brochure ci-jointe. Vous êtes assez affermi dans notre sainte religion pour lire sans danger ces impiétés; mais je ne voudrais pas que cet ouvrage tombât entre les mains de jeunes gens qu'il pourrait séduire. A. M. le Comte d'Argental. Aux Délices, 15 Mai (1762). Je crois ne pouvoir mieux remercier Dieu de mon retour la vie qu'en vous envoyant cet ouvrage édifiant. On devrait bien l'imprimer Paris. LVI Madame de Fxobian, Honroi. Aux Délices, 20 Mai (1762). Ma chère nièce, il est triste d'être loin de vous. Lisez et relisez Jean Meslier; c'est un bon curé. A. M. le Comte d'Argental. Aux Délices, 31 Mai (1762). Il est juste de vous envoyer un exemplaire de la seconde édition de Meslier; on avait oublié, dans la première, son avant-propos, qui est très-curieux vous avez des amis sages qui ne seront pas fâchés d'avoir ce livre dans leur arrièrecabinet; il est tout propre d'ailleurs former la jeunesse. liin-fotio qu'on vendait en manuscrit huit louis d'or, est inlisible; ce petit extrait est très-édifiant. Remercions les bonnes âmes qui le donnent pour rien, et prions Dieu qu'il répande ses bénédictions sur cette lecture utile. A. M. Damilaville. Juin (1762). Permettez que je vous adresse un exemplaire d'une brochure plus abominable que tous les livres de Jean-Jacques-Eousseau elle est pour M. le Marquis d'Argeuce. Au Même. Juin (1762). Le dernier (paquet) partit, le Juin et contenait deux exemplaires d'Etrépigny et de But *. Étrépigny. Le Testament, de Meslier, cure' d'Etrépigny. But. Sans doute un pamphlet sur lord Bute *. Je prie le lecteur de ne pas me tenir compte de cette profonde et judi cieuse remarque. chacun son bien. C'est M. Alphonse François qu'on LVII A. M. le Marquis d' Argence de Dibac. Aux Délices, 11 Juin (1762). Vous avez dû recevoir, monsieur, un ouvrage fort curieux et qui peut servir de commentaire celui que vous lisez actuelle ment, ou plutôt que vous ne lisez plus. Car tout admirable qu'est ce livre, il lasse un peu la fin, et l'uniformité des beautés ennuie. A. M. Damixaville. 15 Juin (1762). Avez-vous reçu un Meslier de la nouvelle édition? Au Même. 25 Juin (1762). Je suis toujours en peine d'un Meslier envoyé mon frère pour le marquis d'Argence, en son Château de Dirac, près d'Angoulème: je prie mon frère de m'en donner des nouvelles* Je répète que le Despotisme Oriental pourrait bien avoir été pincé, pour avoir été indiscrètement envoyé en forme de livre. La Mort de Socrate est un beau sujet dans une république où l'on peut mettre sur le théâtre l'injustice, l'ignorance, la sottise, et la cruauté des juges. Je souhaite que ce sujet réus sisse en France. Voulez-vous des Meslier et autres drogues? J'en pourrai découvrir dans les greniers du pays. A. M. Dalembert. Aux Délices, 12 Juillet (1762). paraît, que le Testament de Jean Meslier fait un plus grand effet: tous ceux qui le lisent demeurent convaincus; cet la doit. La note me parait trop curieuse de naïveté poor qne je puisse m'empêcher de la reprodnire ici. Elle se trouve dans les Lettres inédites de Voltaire recueillies par M. de Cayrol et annotées par M. Alphonse Fran çois". vol in-8°. Paris. Didier C°. 1856. Tome I, page 349. B. C. LVIII homme discute et prouve. Il parle au moment de la mort, au moment où les menteurs disent vrai: voilà le plus fort de tous les arguments. Jean Meslier doit convertir la terre. Pourquoi son évangile est-il en si peu de mains? Que vous êtes tièdes Paris! vous laissez la lumière sous le boisseau. De M. Dalembert. Paris, le 81 Juillet (1762). Vous nous reprochez de la tiédeur mais je crois vous l'avoir déjà dit, la crainte des fagots est très-rafraîchissante. Vous voudriez que nous fissions imprimer le Testament de Jean Mes lier, et que nous en distribuassions quatre ou cinq mille exem plaires; l'infâme, puisque infâme a, n'y perdrait rien ou peu de chose, et nous serions traités de fous, par ceux mêmes que nous aurions convertis. A. M. Dalembert. Au Château de Perney, par Genève, 15 Septembre (1762). Il d'ailleurs plus de Jean Meslier et de Sermon des Cin quante dans l'enceinte des montagnes qu'il n'y en Paris. Ma mission va bien, et la moisson est assez abondante. Tâchez de de votre côté d'éclairer la jeunesse autant que vous le pourrez. A. M. Damilaville. 18 Septembre (1762). Je désire chrétiennement que le Testament du Curé se mul tiplie comme les cinq pains, et nourrisse les âmes de quatre cinq mille hommes; car j'ai plus que jamais Fin/ en horreur, et j'aime plus que jamais mon frère. LIX Au Même. 10 Octobre (1762). Helvétius eu le malheur d'avouer un livre qui l'empê chera d'en faire d'utiles: mais je reviens toujours Jean Meslier. Je ne crois pas que rien puisse jamais faire plus d'effet que le testament d'un prêtre qui demande pardon Dieu, en mourant, d'avoir trompé les hommes. Son écrit est trop long, trop ennuyeux, et même trop révoltant mais l'Extrait est court, et contient tout ce qui mérite d'être lu dans l'original. Quoi la Gazette ecclésiastique s'imprimera hardiment, et on ne trouvera personne qui se charge àeMeslier? J'ai vu Woolston Londres vendre chez lui vingt mille exemplaires de son livre contre les miracles. Les anglais, vainqueurs dans les quatre parties du monde, sont encore les vainqueurs des préjugés; et nous, nous ne chassons que les jésuites, et nous ne chassons point les erreurs. Qu'importe d'être empoisonné par frère Berthier ou par un janséniste? Mes frères, écrasez cette canaille. Nous n'avons pas la marine des Anglais, ayons du moins leur raison. Mes chers frères, c'est vous donner cette raison nos pauvres Français. M. le Marquis d'Argence de dirac. Ferney, Décembre (1762). Une espèce de colporteur suisse m'a dit qu'il vous avait 'envoyé, il un mois une brochure. Je soupçonne par le titre que vous n'en serez pas content. C'est, dit-il, l'ouvrage d'un curé; et ce n'est pas un prône. Vous lisez tout, bon ou mauvais et vous pensez que, dans les plus méchants livres, il tou jours quelque chose, dont on peut faire son profit. De l'Esprit. LX A. M. Damilaville. Décembre (1762). Mes frères, les Pensées tirées des objections diverses etc. sont un excellent ouvrage. Il faut en tirer quelques exemplaires pour les sages; mais je crois que rien ne fera jamais plus d'impres sion que le livre de Meslier. Songez de quel poids est le té moignage d'un mourant et d'un prêtre homme de bien. A. M. le Marquis d'Argence de dirac. Ferney, le Mars (1763). J'ai trouvé un Testament de Jean Meslier que je vous envoie. La simplicité de cet homme, la pureté de ses moeurs, le par don qu'il demande Dieu et l'authenticité de son livre, doivent faire un grand effet. Je vous enverrai tant d'exemplaires que vous voudrez du Testament de ce bon curé. A. M. Damilaville. le Mars (1763). On demande dans les provinces des Sermons et des Mes lier: la vigne ne laisse pas de se cultiver, quoiqu'on en dise. A. M. le Marquis d'Argence de dirac. 22 Avril (1763). Je suis bien fâché de n'avoir plus de Sermons, mais vous aurez des Curé Meslier tant que vous en voudrez. Je ne sais si le dernier ouvrage de J. J. Rousseau, intitulé Emile, est parvenu jusqu'à vous. Il est vrai que dans ce livre, qui est un plan d'éducation, il bien des choses ridicules et absurSermon des Cinquante. LXI des. Il un jeune homme de qualité élever, et il en fait un menuisier: voilà le fonds de ce livre; mais il introduit au troisième tome un vicaire savoyard, qui sans doute était vicaire du curé Jean Meslier. Ce vicaire fait une sortie contre la reli gion chrétienne avec beaucoup d'éloquence et de sagesse. A. M. Helvétius. Le ler Mai (1763). On m'a envoyé les deux extraits de Jean Meslier; il est vrai que cela est écrit du style d'un cheval de carosse; mais qu'il rue bien propos! et quel témoignage que celui d'un prêtre qui demande pardon en mourant d'avoir enseigné des choses absurdes et horribles quelle réponse aux lieux communs des fanatiques qui ont l'audace d'assurer que la philosophie n'est que le fruit du libertinage! A. M. Damilaville. Mai (1763). Je rouvre ma lettre pour vous dire, mon cher frère, qu'il est important que vous alliez voir M. Janel. Je suis au déses poir de ce contretemps. Vous offrirez le payement du paquet qu'on retenu. C'est une bagatelle qui ne peut faire de diffi culté; mais le point essentiel est qu'on vous rende la lettre pour M. le Comte de Bruc, l'un de nos frères, très zélé. Il faut au moins obtenir que M. Janel ne nous fasse pas de la peine; c'était, ne vous déplaise, un Meslier dont il s'agissait; c'était un de mes amis qui envoyait ce Meslier M. de Bruc: ni la lettre, ni la brochure ne sont parvenues. Au Même. 15 Juin (1763). Voici deux Meslier que je hasarde sous enveloppe de M. de Courteilles et de M. d'Argental. Envoyez en donc un M. le lxii Comte de Bruc, notre adepte, chez M. le Marquis de Rosmadec, rue de Sèvres. Il ne faut pas mettre la chandelle sous le boisseau. A. M. Marmontel. 19 Juin (1763). Je voudrais vous faire parvenir deux exemplaires d'un Extrait de Jean Meslier; cet ouvrage m'a toujours frappé. Il est né cessaire qu'il soit connu, et vous pourriez le mettre en bonnes mains. Il faut servir la raison autant qu'on le peut c'est notre reine, et elle encore bien des ennemis Paris. Elle s'est formé beaucoup de sujets dans le pays où je suis, parce qu'on plus le temps de penser. Je tâcherai de vous envoyer Jean Meslier par voie bien sûre. A. M. Damilavjlle. 12 Juillet (1763). Admirez la Providence. L'auteur de l'Oracle des Fidèles, livre excellent, trop peu connu, était un valet de chambre d'un con seiller-clerc de la seconde des enquêtes, nommé Nigon de Berty, cloître Notre-Dame: il est venu chez-moi, il est; c'est une espèce de sauvage comme le Curé Meslier. A. M. Helvétius. 25 Auguste (1763). Ces petits livres se succèdent rapidement les uns aux autres. On ne les vend point, on les donne des personnes affidées qui les distribuent des jeunes gens et des femmes. Tantôt c'est le Sermon des Cinquante, qu'on attribue au roi de Prusse; tantôt c'est un Extrait du Testament de ce malheureux Curé Jean Meslier, qui demande pardon Dieu en mourant d'avoir enseigné le christianisme; tantôt c'est je ne sais quel Catéchisme de thonnête homme, fait par un certain abbé Durand. LXIII A. M. Damilaviixe. Décembre (1763). Quand trouvera- t-on quelque bonne âme qui donne une jolie édition du Meslier, du Sermon, et du Catéchisme de l'honnête homme *? Ne pourrait-on pas en faire tenir, sans se compro mettre, au bon Merlin? Je ne voudrais pas qu'un de nos frères hasardât la moindre chose; mais quand on peut servir son prochain sans risque, on est coupable devant Dieu de se tenir les bras croisés. Au même. 19 Décembre (1763). Je me souviens d'un petit bossu qui vendait autrefois des Meslier sous le manteau; mais il connaissait son monde et n'en vendait qu'aux amateurs. Au même. Juillet (1764). Sachez que Dieu bénit notre Eglise naissante trois cents Mes lier, distribués dans une province, ont opéré beaucoup de con versions. De M. Dalembert. Paris, ce Juillet (1764). propos, on m'a prêté cet ouvrage attribué Sant-Evremont, et qu'on dit de du Marsais, dont vous m'avez parlé il long temps: cela est bon; mais le Testament de Meslier par extrait vaut encore mieux. A. M. Dalembert. 16 Juillet (1764). Le Testament de Meslier devrait être dans la poche de tous les honnêtes gens. Un bon prêtre, plein de candeur, qui de mande pardon Dieu de s'être trompé, doit éclairer ceux qui se trompent. J'y peuse. E. C. LXIV A. M. Damilaviile. 29 Septembre (1764). Vos prophètes sont muets, les oracles ont cessé. trop peu de Mesliers, trop peu de Sermons et trop de fripons. Au Même. Octobre (1764). Les noms nuisent la cause, ils réveillent le préjugé. Il n'y que le nom de Jean Meslier qui puisse faire du bien, parce que le repentir d'un bon prêtre, l'article de la mort, doit faire une grande impression. Ce Meslier devrait être entre les mains de tout le monde. DECRET. de la convention nationale sur la proposition d'ériger une statue au curé J. MESLIER. du 27 Brumaire an II (17 Novembre 1793). La Convention nationale renvoie son Comité d'Instruc tion publique la proposition faite par l'un de ses membres, d'ériger une statue Jean Meslier, Curé d'Etrépigny en Cham pagne, le premier prêtre qui ait eu le courage et la bonne foi d'abjurer les erreurs religieuses. Les Président et Secrétaires, Signé: p. a. laloy, Président. BAZLRE CHAULES DUVAL PHILIPPEAUX FKECINE et merlin {de TMonville), Secrétaires. Certifié conforme l'original. Les Membres du comité des Décrets et Procès-verbaux: batellier; eschasseriaux; monnel becker vernetey; pérard; vinet; bouillerot; auger; cordier; delecloy et cosnard. MEMOIRES DES PENSEES ET DES SENTIMENS J. PRÊTRE, CURÉ d'eSTREP*. ET DE BUT. SUR UNE PARTIE DES ABUS ET DES ERREURS DE LA CONDUITE ET DU GOUVERNEMENT DES HOMMES, OU L'ON VOIT DES DEMONSTRA TIONS CLAIRES ET EVIDENTES DE LA VANITE ET DE LA FAUSSETE DE TOUTES LES DIVINITES ET DE TOUTES LES RELIGIONS DU MONDE, POUR ÊTRE ADRESSÉS SES PAROISSIENS APRÈS SA MORT, ET POUR LEUR SERVIR DE TEMOIGNAGE DE VERITE EUX ET TOUS LEURS SEMBLABLES. In testimotuum tl/is et gentibus. Matth. X: 18.

I. AVANT-PROPOS, DESSEIN DE L'OUVRAGE. Mes très-chers amis, comme il ne m'auroit pas été permis, et qu'il auroit été d'une trop dangereuse et trop facheuse conséquence de dire ouvertement, pendant ma vie, ce que je pensois de la conduite et du gouverne ment des hommes, de leurs religions et de leurs mœurs; j'ai résolu de vous le dire après ma mort. Ce seroit bien mon inclination de vous le dire de vive voix, avant que je meurs, si je me voïois proche de la lin de mes jours, et que j'eusse encore pour lors l'usage libre de la parole et du jugement. Mais comme je ne suis pas sûr d'avoir, dans ces derniers jours, ou dans ces derniers raomens-là, tout le tems, ni toute la présence d'es prit, qui me seroient nécessaires, pour vous déclarer alors mes sentimens; c'est ce qui m'a fait maintenant entreprendre de vous les déclarer ici par écrit, et de vous donner en même tems des preuves claires et con vaincantes de tout ce que j'ai dessein de vous'en dire, afin de tâcher de vous désabuser au moins tard, et autant qu'il seroit en moi, des vaines erreurs, dans les quelles nous avons eu tous, tant que nous sommes, le malheur de naître et de vivre; et dans lesquelles même j'ai eu le déplaisir de me trouver obligé de vous en tretenir. Je dis le déplaisir, parceque c'étoit véritable 1* ment un déplaisir pour moi de me voir dans cette obli gation-là. C'est pourquoi aussi je ne m'en suis jamais acquité qu'avec beaucoup de répugnance et avec assez de négligence, comme vous aurez pû le remarquer. Voici ingenuement ce qui m'a prémièrement porté concevoir le dessein, que je me propose d'exécuter. Comme je sentois naturellement en moi-même, que je ne trouvois rien de si doux, de si agréable, de si aimable et de si désirable dans les hommes, que la paix, que la bonté, que l'équité, que la vérité et la justice, qui devoient, ce me sembloit-il, être pour les hommes mêmes des sources inestimables de biens et de félicité, s'ils conservoient soigneusement entr'eux de si aimables vertus que celles-là; je sentois natu rellement aussi en moi que je ne trouvois rien de si odieux, de si détestable et de si pernicieux que les troubles et les divisions, que la malice du mensonge, que l'injustice, l'imposture et la tirannie, qui détrui sent et amortissent dans les hommes, tout ce qu'il pouroit avoir de meilleur en eux: et qui, pour cette rai son, sont les sources fatales, non-seulement de tous les vices et de toutes les méchancetés, dont ils sont remplis; mais aussi les causes malheureuses de tous les maux et de toutes les misères, dont ils sont ac cablés dans la vie. Dès ma plus tendre jeunesse, j'ai entrevu les er reurs et les abus, qui causent tant de si grands maux dans le monde. Plus j'ai avancé en âge et en connoissance, plus j'ai reconnus l'aveuglement et la mé Hoc sentite in vobis. Sentez aussi cela en vous-mêmes. Philip. IL 5. chanceté des hommes; plus j'ai reconnu la vanité de leurs superstitions, et l'injustice de leur gouvernement. De sorte que, sans avoir jamais eu heaucoup de com merce avec le monde, je pouvois dire après le sage Salomon, que j'ai vu, et que j'ai vu même avec étonnement et avec indignation, l'impiété régner par toute la terre, et une si grande corruption dans la justice, que ceux-là mêmes, qui étoient établis pour la ren dre aux autres, étoient devenus les plus criminels, et avoient mis en sa place l'iniquité *. J'ai connu tant de méchancetés dans le monde, que la vertu même la plus parfaite, et l'innocence la plus pure n'étoient pas exemtes de la malice des calomniateurs. J'ai vu et on voit encore tous les jours une infinité d'innocens mal heureux persécutés sans raison, et oprimés avec in justice, sans que personne fut touchée de leur infor tune, et sans qu'ils trouvassent aucun protecteur cha ritable pour les secourir. Les larmes des justes affli gés, et les misères de tant de peuples tiranniquement oprimés par les riches et par les grands de la terre, m'ont donné aussi bien qu'à Salomon, tant de dégoût et tant de mépris pour la vie, que j'estimai comme lui, la condition des morts beaucoup plus heureuse, que celle des vivansj et ceux, qui n'ont jamais été, plus heureux millefois, que ceux qui sont et qui gé missent encore dans tant de si grandes misères f. Et ce qui me surprenoit encore plus particulière Vidi sub sole in loco judicii impietatem et in loco justitiœ iniquitatem. Eccl. III. 16. Laudavi magis mortuos quam viventes: et feliciorem utroque judieavi,qui née dura natiis est, nec vidit mala quœ sub solcfiunt. Eccl. IV, 2. ment dans l'étonnement, où j'étois de voir tant d'er reurs, tant d'abus, tant de superstitions, tant d'impos tures et tant de tirannie en règne; étoit de voir que, quoiqu'il eût grand nombre de personnages, qui passoient pour éminens fn sagesse, en doctrine et en pieté, cependant il n'y en avoit aucun qui s'avisât de parler, ni de se déclarer ouvertement contre tant de si détestables désordres. Je ne voïois personne de distinction, qui les reprit et qui les blâmât; quoique les pauvres peuples ne cessassent point de se plain dre, et de gémir entr'eux dans leurs misères commu nes. Le silence de tant de personnes sages et même d'un rang et d'un caractère distingués, qui devoient, ce me sembloit-il, s'oposer au torrent des vices et des superstitions, ou qui devoient au moins tâcher d'aporter quelques remèdes tant de maux, me paroissoit avec étonnement une espèce d'aprobation, dont je ne voïois pas encore bien la raison, ni la cause. Mai* aïant depuis examiné un peu mieux la conduite des hommes, et aïant depuis pénétré un peu plus avant dans les mistères secréts de la fine et rusée politique de ceux, qui ambitionnent les charges, et qui affec tent de vouloir gouverner les autres, et d'avoir de l'au torité sur eux, ou qui veulent plus particulièrement s'en faire honorer et respecter; j'ai facilement reconnu non seulement la source et l'origine de tant d'erreurs, de tant de superstitions et de tant de si mauvais gouvernemens; mais j'ai reconnu encore la raison pourquoi ceux, qui passent pour sages et éclairés dans le monde,, ne disent rien contre tant de si détestables désordres, quoiqu'ils connoissent suffisamment les misères des peu ples séduits et abusés par tant d'erreurs, et oprimés par tant d'injustices. II. PENSEES ET SENTIMENS DE L'AUTEUR SUR LES RELIGIONS DU MONDE. La source donc, mes chers amis, de tous les maux, qui vous accablent et de toutes les impostures, qui vous tiennent malheureusement captifs dans l'erreur et dans la vanité des superstitions, aussi bien que sous les loix tiranniques des grands de la terre, n'est autre que cette détestable politique des hommes, dont je viens de parler; car les uns voulant injustement dominer sur leurs sem blables et les autres voulant acquérir quelque vaine ré putation de sainteté et quelquefois même de divinité; ils se sont les uns et les autres adroitement servis, nonseulement de la force et de la violence, mais ont encore emploïé toutes sortes de ruses et d'artifices pour séduire les peuples, afin de parvenir plus facilement leurs fins, de sorte que les uns et les autres de ces fins et rusés po litiques abusant ainsi de la foiblesse, de la crédulité et de l'ignorance des plus faibles et des moins éclairés, ils leur ont facilement fait accroire tout ce qu'ils ont voulu, et ensuite leur ont fait recevoir avec respect et soumis sion, de gré ou de force, toutes les loix, qu'ils ont voulu leur donner, et par ces moïens, les uns se sont fait ho norer et respecter ou même adorer comme des divini tés, ou autrement comme des personnages d'une sain teté extraordinaire et spécialement députés de quelques divinités, pour faire connoître leur volonté au reste des hommes, et les autres se sont rendus riches, puissan et redoutables dans le monde, et s'étant les uns et les autres, par ces sortes d'artifices, rendus assez riches, assez puissans, assez vénérables ou assez redoutables pour se faire craindre ou obéir, ils ont ouvertement et tiranniquement assujetti leurs semblables leurs loix. quoi leur ont grandement servi aussi les différends, les quèrelles, les divisions et les animosités, qui nais sent souvent entre les particuliers, car la plupart des hommes se trouvent fort souvent d'humeur, d'esprit et d'inclination fort différentes les uns des autres, ils ne sauraient s'accommoder longtems ensemble sans se brouiller et sans se diviser. Et lorsque ces troubles et ces divisions arrivent, pour lors ceux, qui se trouvent les plus forts, les plus hardis, et peut-être mêmes aussi les plus méchans, ne manquent point de profiter de ces occasions, pour se rendre plus facilement les maî tres absolus de tous. Voilà, mes chers amis, la vraïe source et la véri table origine de tous les maux qui troublent la société humaine et qui rendent les hommes malheureux dans la vie. Voilà la source et l'origine de toutes les er reurs, de toutes les impostures, de toutes les super stitions, de toutes les fausses divinités et de toutes les idolatries quie se sont malheureusement répandues par toute la terre. Voilà l'origine et la source de tout ce que l'on vous propose comme de plus saint et de plus sacré, dans ce que l'on vous fait apeller pieuse ment religion. Voilà la source et l'origine de toutes ces prétendues saintes et inviolables loix que l'on veut, sous prétexte de pieté et de religion, vous faire si étroitement observer, comme des loix qui viennent de la part de Dieu-même. Voilà la source de toutes ces pompeuses, mais vaines et ridicules cérémonies, que vos prêtres affectent de faire avec faste dans la cé lébration de leurs faux mistères, et de leur faux culte divin. En un mot voilà la source et l'origine de tout ce que l'on vous fait respecter et adorer comme des divinités, ou comme des choses toutes divines. Voilà aussi l'origine et la source de tous ces superbes titres et noms de seigneur, de prince, de roi, de monarque et de potentat, qui tous sous prétexte de vous gou verner en souverains, vous opriment en tyrans: qui sous prétexte de bien public, vous ravissent tout ce que vous avez de plus beau et de meilleur: et qui, sous prétexte d'avoir leur autorité de quelque suprême divinité, se font eux-mêmes obéir, craindre et respec ter comme des dieux. Et enfin voilà la source et l'ori gine de tous ces autres vains noms de noble, de gen tilhomme, de comte etc. dont la terre fourmille, comme dit un auteur, et qui sont presque tous comme des loups ravissans qui, sous prétexte de vouloir jouir de leurs droits et de leur autorité, vous foulent, vous maltraitent, vous pillent et vous ravissent ce que vous avez de meilleur. Voilà pareillement la source et l'ori gine de tous ces prétendus saints et sacrés caractères d'ordre et de puissance ecclésiastique et spirituelle, que vos prêtres et vos evêques s'attribuent sur vous: 40 qui, sous prétexte de vous conférer les biens spirituels d'une grace et d'une faveur toute divine, vous ravis sent finement des biens qui sont incomparablement plus réels et plus solides que ceux qu'ils font sem blant de vouloir vous conférer; et qui, sous prétexte de vouloir vous conduire au ciel, et vous procurer un bonheur éternel, vous empêchent de jouir tranquilement d'aucune véritable félicité sur la terre; et qui enfin, sous prétexte de vouloir vous garantir dans une autre vie des peines imaginaires d'un enfer qui n'est point, non plus que cette autre vie éternelle dont ils entretiennent vainement pour vous, mais inutilement pour eux vos craintes et vos espérances, vous rédui sent souffrir dans cette vie, qui est la seule que vous aïez prétendre, les peines réelles d'un vérita ble enfer. Et comme la force de ces sortes de gouvernemens tiranniques ne subsistent que par les mêmes moïens et les mêmes principes qui les ont établis, et qu'il est dangereux de vouloir combattre les maximes fondamen tales d'une religion, aussi bien que d'ébranler les loix fondamentales d'un état ou d'une république; il ne faut pas s'étonner, si les personnes sages et éclairées se conforment aux loix générales de l'état, si injustes qu'elles puissent être, ou s'ils se conforment, au moins en aparence, l'usage et la politique d'une religion qu'ils trouvent établie, quoiqu'ils en reconnoissent suffi samment les erreurs et la vanité, parce que telle ré pugnance qu'ils puissent avoir s'y soumettre, il leur est néanmoins beaucoup plus utile et avantageux de vivre tranquilement en conservant ee qu'ils peuvent 11 avoir, que de s'exposer volontairement se perdre euxmêmes, en voulant s'oposer au torrent des erreurs com munes, ou en voulant résister l'autorité d'un souve rain qui veut se rendre maitre absolu de tout: joint d'ailleurs que dans de grands états et gouvernemens, comme sont les roïaumes et les empires, étant im possible que ceux, qui en sont les souverains, puissent seuls par eux-mêmes, pourvoir tout, et maintenir leur puissance et leur autorité dans de si grandes éten dues de païs, ils ont soin d'établir partout des officiers, des intendans, des gouverneurs, et quantité d'autres gens, qu'ils paient largement aux dépens du public, pour veiller leurs intérêts, pour maintenir leur auto rité, de sorte qu'il n'y personne qui osât se mettre en devoir de résister, ni même de contredire ouverte ment une autorité si absolue, sans s'exposer en même tems un danger manifeste de se perdre. C'est pour quoi les plus sages et les plus éclairés sont contraints de demeurer dans le silence, quoiqu'ils voïent manifes tement les abus et les désordres d'un gouvernement si injuste et si odieux. Ajoutez cela les vûes et les inclinations particu lières de tous ceux qui possèdent les grandes, lesmoïennes ou même les plus petites charges, soit dans l'Etat civil, soit dans l'état ecclésiastique, ou qui aspirent les posséder. Il n'y certainement guères de tous ceux-là qui ne pensent beaucoup plus faire leur pro fit, et chercher leur avantage particulier, qu'à se procurer sincèrement le bien public des autres. Il n'y en guères «qui ne s'y portent par quelques vûes d'am bition ou d'intérêt, ou par quelqu'autres vues qui flat 12 tent la chair et le sang. Ce ne seront point ceux qui ambitionnent les charges et les emploïs dans un état qui s'oposeront l'orgueil, l'ambition ou la tirannie d'un prince qui veut tout soumettre ses loix au contraire ils le flattent bien plutot dans ses mauvaises passions et dans ses injustes desseins, dans l'espérance de s'avancer et de s'agrandir eux-mêmes sous la fa veur de son autorité. Ce ne seront point non plus ceux qui ambitionnent les bénéfices ou les dignités dans l'église, qui s'y oposeront: car c'est par la faveur et par la puissance même des princes qu'ils prétendent parvenir, ou s'y maintenir, quand ils seront parve nus: et bien loin de penser s'oposer leurs mau vais desseins, ou de leur contredire en aucune chose, ils seront les premiers les aplaudir et les flatter dans tout ce qu'ils font. Ce ne seront point eux non plus qui blâmeront les erreurs établies, ni qui décou vriront aux autres les mensonges, les illusions, ni les impostures d'une fausse religion puisque c'est sur ces erreurs et ces impostures-là, qu'est fondée toute leur dignité, et toute leur puissance avec tous les grands revenus qu'ils en tirent. Ce ne seront point de riches avares, qui s'oposeront l'injustice du prince, ni qui blâmeront publiquement les erreurs et les abus d'une fausse religion; puisque c'est souvent par la faveur même du prince, qu'ils possèdent les emploïs lucratifs dans l'état ou de riches bénéfices dans l'église. Us s'apliqueront bien plutôt amasser des richesses et des trésors, qu'à détruire des erreurs et des abus pu blics, dont ils tirent les uns et les autres* de si grands profits. Ce ne seront point encore ceux qui aiment la 15 vie douce, ou les plaisirs et les commodités de la vie qui s'oposeront aux abus dont je parle; ils aiment bien mieux jouir tranquilement des plaisirs et des douceurs de la vie que de s'exposer souffrir des persécutions, pour vouloir s'oposer au torrent des erreurs communes. Ce ne seront point les devots hipocrites qui s'y oposeront, parce qu'ils n'aiment qu'à se couvrir du man teau de la vertu et se servir d'un spécieux prétexte de pieté et de zèle de religion, pour cacher leurs plus méchans vices, et pour parvenir plus finement aux fins particulières qu'ils se proposent, qui est toujours de chercher leurs intérêts et leurs satisfactions, en trom pant les autres par de belles aparences de vertu. En fin, ce ne seront point les foibles ni les ignorans qui s'y oposeront, parce qu'étant sans science et sans au torité, il n'est pas possible qu'ils puissent déveloper tant d'erreurs et d'impostures dont on les entretient, ni qu'ils puissent résister la violence d'un torrent, qui ne manqueroit pas de les entrainer s'ils faisoient difficulté de le suivre: joint d'ailleurs qu'il une telle liaison et un tel enchainement de subordination et de dépendance entre tous les différens états et con ditions des hommes; et il aussi presque toujours entr'eux tant d'envie et tant de jalousie, tant de per fidie et de trahison, même entre les plus proches pa rons, que les uns ne sauroient se fier aux autres; et par conséquent ne sauroient rien faire, ni rien entre prendre, sans s'exposer en même tems être decou verts, et trahis par quelqu'un. Il ne seroit pas même sûr de se fier un ami, ni un frère, dans une chose de telle conséquence, que seroit celle de vouloir 14 reformer un si mauvais gouvernement. De sorte que n'y aïant personne qui puisse ni qui veuille ou qui ose s'oposer tant d'erreurs, tant d'impostures, et la tirannie des grands de la terre, il ne faut pas s'éton ner, si ces vices régnent si puissamment et si uni versellement dans le monde. Et voilà comme les abus, les erreurs, les superstitions et la tirannie se sont éta blis dans le monde. Il sembleroit, au moins dans un tel cas, que la re ligion et la politique ne devroient pas s'accommoder, et qu'elles devroient pour lors se trouver réciproque ment contraires et oposées l'une l'autre, puisqu'il semble que la douceur et la pieté de la religion de vroient condamner les rigueurs et les injustices d'un gouvernement tirannique; et qu'il semble d'un autre côté, que la prudence d'une sage politique devroit con damner et reprimer les abus, les erreurs et les im postures d'une fausse religion. 11 est vrai que cela devroit se faire ainsi; mais ce qui devroit se faire, ne se fait pas toujours. Ainsi, quoiqu'il semble que la re ligion et la politique dussent être si contraires et si oposées l'une l'autre, dans leurs principes et dans leurs maximes; elles ne laissent pas néanmoins de s'ac corder assez bien ensemble, lorsqu'elles ont une fois fait alliance, et qu'elles ont contracté amitié ensem ble: ou pouroit dire qu'elles s'entendent pour lors, comme deux coupeurs de bourses; car pour lors elles se défendent et se soutiennent mutuellement l'une l'au tre. La religion soutient le gouvernement politique si méchant qu'il puisse être; et son tour le gou vernement soutient la religion si sote et si vaine 15 qu'elle puisse être. D'un côté les prêtres, qui sont les ministres de la religion, recommandent sous peine de malédiction et de damnation éternelle, d'obéir aux magistrats, aux princes et aux souverains, comme étant établis de dieu pour gouverner les autres; et les princes de leur côté, font respecter les prêtres, leurs font donner de bons apointemens et de bons re venus, et les maintiennent dans les fonctions vaines et abusives de leur faux ministère, contraignant le peu ple de regarder comme saint et comme sacré tout ce qu'ils font et tout ce qu'ils ordonnent aux autres de croire ou de faire, sous ce beau et spécieux prétexte de religion et de culte divin. Et voilà, encore un coup, comme les abus et comme les erreurs, les su perstitions, les illusions et la tromperie se sont établis dans le monde, et comme ils s'y maintiennent au grand malheur des pauvres peuples, qui gémissent sous de si rudes et si pésans jougs. Vous penserez peut-être, mes chers amis, que dans un si grand nombre de fausses religions qu'il dans le monde, mon intention seroit d'excepter au moins de ce nombre la religion catholique, dont nous fai sons tous profession, et laquelle nous disons être la seule qui enseigne la pure vérité, la seule qui reconnoit et adore comme il faut le vrai dieu, et la seule qui conduit les hommes dans le véritable chemin du salut et d'une éternité bienheureuse; mais désabusezvous, mes chers amis, désabusez-vous de cela et gé néralement de tout ce que vos pieux ignorans, ou vos moqueurs et intéressés prêtres et docteurs s'empres sent de vous dire et de vous faire accroire, sous le 1G faux prétexte de la certitude infaillible de leur pré tendue sainte et divine religion. Vous n'êtes pas moins séduits ni moins abusés que ceux qui sont les plus séduits et abusés. Vous n'êtes pas moins dans l'erreur que ceux qui sont les plus profondement plongés. Votre religion n'est pas moins vaine, ni moins super stitieuse qu'aucune autre; elle n'est pas moins fausse dans ses principes, ni moins ridicule et absurde dans ses dogmes et maximes; vous n'êtes pas moins idola tres, que ceux, que vous blâmez et que vous condam nez vous-même d'idolatrie. Les idées des païens et les votres ne sont différentes que de nom et de figure. En un mot tout ce que vos docteurs et vos prêtres prêchent avec tant de zèle et d'éloquence, touchant la grandeur, l'excellence et la sainteté des mistères qu'ils vous font adorer, tout ce qu'ils vous racontent avec tant de gravité de la certitude de leurs prétendus miracles, et tout ce qu'ils vous débitent avec tant de zèle et d'assurance touchant la grandeur des récom penses du ciel, et touchant les effroïables châtimens de l'enfer, ne le sont dans le fond que des illusions, des erreurs, des mensonges, des fictions et des im postures, inventées prémièrement par des fins et rusés politiques, continuées par des séducteurs et des im posteurs; et ensuite reçues et crues aveuglément par des peuples ignorans et grossiers et puis enfin main tenues par l'autorité des grands et des souverains de la terre qui ont favorisé les abus, les erreurs, les su perstitions et les impostures, et qui les ont autorisés par leurs loix, afin de tenir par là le commun des hommes en bride et faire d'eux tout ce qu'ils voudroient. 17 Voilà, mes chers amis, comme ceux, qui ont gou verné ou qui gouvernent encore, maintiennent les peu ples, abusent présomptueusement et impunément du nom et de l'autorité de Dieu pour se faire craindre et respecter eux-mêmes, plutôt que pour faire adorer et servir le Dieu imaginaire de la puissance duquel ils vous épouvantent. Voilà comme ils abusent du nom spécieux de piété et de religion pour faire accroire aux foibles et aux ignorans tout ce qu'il leur plait: et voilà enfin comme ils établissent par toute la terre un dé testable mistère de mensonges et d'iniquités, au lieu qu'ils devroient s'apliquer uniquement les uns et les autres établir partout le règne de la paix, de la jus tice et de la vérité, qui rendroit tous les peuples heu reux et contens sur la terre. Je dis qu'ils établissent partout un mistère d'ini quité; parce que tous ces ressorts cachés de la plus fine politique, aussi bien que les maximes et les cé rémonies les plus pieuses de la religion ne sont effec tivement que des niistères d'iniquité. Je dis mistères d'iniquité pour tous les pauvres peuples, qui se trou vent misérablement les dupes de toutes ces momerieslà, aussi bien que les jouèts et les victimes malheu reuses de la puissance des grands: mais pour ceux qui gouvernent ou qui ont part au gouvernement des autres, et pour les prêtres, qui gouvernent les consciences, ou qui sont pourvus de quelques bons bénéfices, ce sont comme des mines ou des toisons d'or; ce sont comme des cornes d'abondance, qui leur font venir souhait toutes sortes de biens: et c'est ce qui donne tous ces beaux messieurs le moïen de se divertir et de se 18 donner agréablement toute sorte de bon tems, pendant que les pauvres peuples abusés par les erreurs et par les superstitions de la religion, gémissent tristement, pauvrement et paisiblement néanmoins sous l'opression des grands, pendant qu'ils souffrent patiemment leurs peines, pendant qu'ils s'amusent vainement prier des Dieux et des saints qui ne les entendent point, pendant qu'ils s'amusent des dévotions vaines, pendant qu'ils accomplissent dévotement les pœnitences et les morti fications, qui leur ont été enjointes après la vaine et superstitieuse confession de leurs péchés, et enfin pen dant que ces pauvres peuples s'épuisent jours et nuits au travail en suant sang et eau pour avoir chétivement de quoi vivre pour eux, et pour avoir de quoi fournir abondamment aux plaisirs et aux contentemens de ceux, qui les rendent si malheureux dans la vie. Ah Mes chers amis, si vous connoissiez bien la va nité et la folie des erreurs, dont on vous entretient, sous prétexte de religion, et si vous connoissiez com bien injustement et combien indignement on abuse de l'autorité, que l'on usurpé sur vous, sous prétexte de vous gouverner, vous n'auriez certainement que du mé pris pour tout ce que l'on vous fait adorer et respec ter, et vous n'auriez que de la haine et que de l'in dignation pour tous ceux, qui vous abusent, qui vous gouvernent si mal, et qui vous maltraitent si indigne ment. Il me souvient ce sujet d'un souhait que fai— soit autrefois un homme, qui n'avoit ni science ni étude; mais qui, selon les aparences ne manquoit pas de bon sens pour juger sainement de tous les détestables abus et de toutes les détestables cérémonies, que je blâme -" 19 ici. Il paroit par la manière d'exprimer sa pensée, qu'il voïoit assez loin et qu'il pénétroit assez avant dans le mistère d'iniquité, dont je viens de parler, puisqu'il en reconnoissoit si bien les auteurs et les fauteurs. Il sou haitait, disoit-il, par raport au sujet dont je parle, que tous les grands de la terre et que tous les nobles fus sent pendus et étranglés avec les boïaux des prêtres *. Cette expression ne doit point manquer de paroître as sez rude et grossière, mais il faut avouer qu'elle est franche et naïve. Elle est courte, mais elle est expres sive; puisqu'elle exprime assez en peu de mots tout ce que ces sortes de gens-là méritent. Pour ce qui est de moi, mes chers amis, si j'avois un souhait faire sur ce sujet (et je ne manquerois pas de le faire, s'il pouvoit avoir son effet) je souhaiterois d'avoir les bras et la. force d'un Hercule pour purger le monde de tout vice et de toute iniquité, et pour avoir le plaisir d'as sommer tous ces monstres d'erreurs et d'iniquité, qui font gémir si pitoïablement tous les peuples de la terre. Ne pensez pas, mes chers amis, que je sois poussé ici par aucun désir particulier de vengeance, ni par aucun motif d'animosité ou d'intérêt particulier; non, mes chers amis, ce n'est point du tout la passion, qui m'inspire ces sentimens-là, ni qui me fait parler et écrire ainsi: ce n'est véritablement que le zèle que j'ai pour la jus tice et pour la vérité que je vous vois d'un côté si indignement oprimée, et l'aversion que j'ai du vice et Erganes, Eoi d'Ethiopie, fit mourir tous les prêtres de Jupiter dans une de ses villes, parce qu'ils avoient remplis la ville d'erreurs et de superstitions. Dict. Histor. Le Eoi de Babylone fit la même chose aux prêtres de Bel. Dan. XIV: 21. 2* 20 de. l'iniquité, que je vois d'un autre côté si insolem ment régner partout. On ne sauroit trop avoir de haine ni trop d'aversion pour des gens, qui causent partout tant de si détestables maux et qui abusent si univer sellement les hommes. Quoi! n'auroit on pas raison de banir et de chasser honteusement d'une ville et d'une province des charlatans trompeurs, qui, sous prétexte de distribuer charitablement au public des remèdes et des médicamens salutaires et efficaces, ne feroient qu'a buser de l'ignorance et de la simplicité des peuples, en leur vendant bien chèrement des drogues et des onguens nuisibles et pernicieux? Oui, sans doute, on auroit raison de les banir et de les chasser honteuse ment comme des infames trompeurs. De même n'auroit-on pas raison de blâmer ouvertement et de punir sévèrement tous ces brigands et tous ces voleurs de grands chemins, qui se mêlent de dépouiller, de tuer et de massacrer inhumainement ceux, qui ont le mal heur de tomber entre leurs mains? Oui, certainement, ce seroit bien fait de les punir sévèrement, on auroit raison de les hair et de les détester; et ce seroit même très-mal fait de souffrir qu'ils exerçassent impunément leurs brigandages. plus forte raison, mes cbers amis, aurions-nous sujet de blâmer, de hair et de détester, comme je fais ici tous ces ministres d'erreurs et d'ini quités, qui dominent si tiranniquement sur vous, les uns sur vos consciences, les autres sur vos corps et sur vos biens, les ministres de la religion, qui dominent sur vos consciences, étant les plus grands abuseurs de peuples, et les princes et autres grands du monde, qui dominent sur vos corps et sur vos biens, étant les plus grands 21 voleurs et les plus grands meurtriers, qui soient sur la terre. Tous ceux, qui sont venus, disoit Jesus-Christ, sont des larrons et des voleurs. Omnes quotquot venerunt, fures sunt et latrones. Jean, X: 8. Vous-direz, peut-être, mes chers amis, que c'est en partie contre moi-même que je parle, puisque je suis moi-même du caractère et de la même profession de ceux, que j'apelle ici les plus grands abuseurs de peu ples. Je parle, il est vrai, contre ma profession, mais nullement contre mon inclination, ni contre mes pro pres sentimens: car, comme je n'ai jamais guères été de légère croïance, ni guères enclin la superstition, et que je n'ai jamais été si sot, que de faire aucun état des mistérieuses folies de la religion; je n'ai ja mais eu non plus d'inclination d'en faire les exerci ces, ni même d'en parler avec honneur, ni avec aprobation; au contraire j'aurois toujours- bien plus volontiers témoigné ouvertement le mépris que j'en faisois, s'il m'eût été permis d'en parler suivant mon inclination et suivant mes sentimens. Et ainsi, quoique je me sois laissé assez facilement conduire dans ma jeunesse l'état ecclésiastique, pour complaire mes parens, qui étoient bien aises de m'y voir, comme étant un état de vie plus doux, plus paisible et plus honorable que celui du commun des hommes; cependant je puis dire avec vérité que jamais la vûë d'aucun avantage tem porel ne m'a porté aimer l'exercice d'une profession si pleine d'erreurs et d'impostures. Je n'ai jamais pu me faire au goût de la plupart de ces gaillards et plaisans messieurs, qui se font un si grand plaisir de prendre et de recevoir avec avidité les grosses rétri 22 butions des vaines fonctions de leur ministère. .Fa vois encore plus d'aversion de l'humeur railleuse et boufone de ces autres messieurs, qui ne pensent qu'à se donner agréablement du bon tems avec les gros re venus des bons bénéfices, qu'ils possèdent, qui se rail lent plaisamment entr'eux des mistères, des maximes et des cérémonies de leur religion, et qui se moquent encore de la simplicité de ceux, qui les croïent et qui dans cette croïance leur fournissent si pieusement et si abondamment de quoi se divertir et vivre leur aise. Témoin ce pape *, qui se moquoit lui-même de sa digni té, et cet autre -J*, qui disoit en plaisantant avec ses amis, ah! que nous sommes enrichis par cette fable de Christ. Ce n'est pas que je blâme les risées, qu'ils font agréablement de la vanité des mistères et des momeries de leur religion, puisqu'ils sont effectivearsent dignes de risées et de mépris, (bien simples et bien ignorans sont ceux, qui n'en voïent pas la vanité), mais je blâme cette apre, cette ardente et cette insatiable cu pidité, qu'ils ont de profiter des erreurs publiques, et cet indigne plaisir, qu'ils prennent de se railler de la simplicité de ceux, qui sont dans l'ignorance, et qu'ils entretiennent eux-mêmes dans Terreur. Si leur pré tendu caractère, et si les bons bénéfices, qu'ils pos sèdent, leur donnent lieu de vivre si grassement et si tranquilement aux dépens du public, qu'Us soient donc au moins un peu sensibles aux misères de ce même public, qu'ils n'agravent point la pesanteur du joug des pauvres peuples, en multipliant par un faux zèle, comme Jules III. Boniface VIII. ~\ 25 vfont plusieurs, le nombre des erreurs et des supersti tions, et qu'ils ne se moquent point de la simplicité de ceux, qui, par un si bon motif de piété leur font tant de bien, et qui s'épuisent pour eux. Car c'est une ingratitude énorme et une perfidie détestable que d'en user ainsi envers des bienfaiteurs, comme sont les peu ples envers les ministres de la religion, puisque ce n'est que de leurs travaux et de la sueur de leur corps, qu'ils tirent toute leur subsistance et toute leur abondance. Je ne crois pas, mes chers amis, vous avoir jamais donné sujet de penser que je fusse dans ces sentimenslà, que je blâme ici; vous auriez pû au contraire avoir remarqué plusieurs fois, que j'étois dans des sentimens fort contraires et que j'étois fort sensible vos pei nes. Vous auriez pû remarquer aussi que je n'étois pas des plus attaché ce pieux lucre des fonctions de mon ministère, les aïant assez souvent faites sans en recher cher les rétributions, comme j'aurois pû faire, et n'aïant jamais été un couveur de gros bénéfices, ni un cher cheur de messes et d'offrandes. J'aurois toujours pris beaucoup plus de plaisir donner qu'à recevoir, si j'eusse eu le moïen de suivre en cela mon inclination; et en donnant j'aurois toujours eu volontiers plus d'é gards pour les pauvres que pour les riches, suivant cette maxime du Christ, qui disoit, qu'il vaut mieux donner que recevoir, beatius est magis dare quam accipere *, et suivant cet autre du Sr, de Montagne, qui recommandoit son fils de regarder toujours plu tôt vers celui, qui lui tendroit le bras, que vers celui Acte XX: 35. Essai de Montagne, Livr. III, Ch. 13. 24 qui lui tourneroit le dos. J'aurois volontiers fait comme faisoit le bon Job* dans le tems de sa prospérité, j'étois, disoit-il, le père des pauvres, j'étois l'œil de l'a veugle, le pié du boiteux; oculus fui cœco etpes claudo, pater eram pauperum J'aurois volontiers ravi aussi bien que lui, la proie des mains des méchans, et je leur aurois, aussi volontiers que lui, cassé les dents et les machoires conterebam malas iniqui, et de dentiltus illius auferebam prœdam f. Il n'y que les grands coeurs, disoit le sage Mentor Telemaque §, qui cher chent combien il de gloire être bon. Et l'é gard des faux et fabuleux mistères de votre religion, et de tous ces autres pieux, mais vains et supersti tieux devoirs et exercises 'que votre religion vous im pose, vous savez bien aussi, ou du moins vous aurez pû assez facilement remarquer, que je ne m'attachois guères la bigoterie, et que je ne faisois guères d'é tat de vous en recommander la pratique. J'étois néan moins obligé de vous instruire de votre religion et de vous en parler au moins quelque fois, pour m'acquiter comme de ce faux devoir auquel je m'étois engagé en qualité de curé de votre paroisse, et pour lors j'avois le déplaisir de me voir dans cette facheuse né cessité d'agir et de parler entièrement contre mes pro pres sentimens, d'avoir le déplaisir de vous entretenir moi-même dans de sotes erreurs et dans de vaines super stitions, que je haïssois, que je condamnois et que je détestois dans le coeur mais je vous proteste que ce Job. XXIX: 15, 16. Ibidem, ibid. 17. Telem. Tome: 2, pag. 84. 25 n'était jamais qu'avec peine, et avec une extrême ré pugnance, que je le faisois; c'est pourquoi aussi je haïssois grandement toutes les vaines fonctions de mon ministère, et en particulier toutes ces idolatriques et superstitieuses célebrations de messes, et ces vaines et ridicules administrations de sacremens, que j'étois obligé de vous faire. Je les ai mille et mille fois mau dites dans le coeur, lorsque j'étois obligé de les faire, et particulièrement lorsqu'il me falloit les faire avec un peu plus d'attention et avec un peu plus de solemnité qu'à l'ordinaire: car voïant pour lors que vous vous rendiez avec un peu plus de dévotion vos Églises, pour assister quelques vaines solemnités, ou pour en tendre avec un peu plus de dévotion, ce que l'on vous fait accroire être la parole de Dieu même, il me sembloit que j'abusois plus indignement de votre bonne foi, et que j'en étois par conséquent d'autant plus digne de blâme et de reproche; ce qui augmentait tellement mon aversion pour ces sortes de vaines cérémonieuses fonctions, que j'ai été cent et cent fois sur le point de faire éclater publiquement et indiscrètement mon indignation, ne pouvant presque plus dans ces occa sions-là cacher mon ressentiment, ni retenir dans moimême l'indignation que j'en avois. J'ai cependant fait en sorte de la retenir, et je tâcherai de la retenir jus qu'à la fin de mes jours, ne voulant pas m'exposer durant ma vie l'indignation des prêtres, ni la cruauté des tyrans, qui' ne trouveroient point, ce leur sembleroit-il, de suplices assez vigoureux, pour punir une telle prétendue témérité. Je suis bien aise, mes chers amis, de mourir aussi paisiblement que j'ai vécu, et d'ail 26 leurs ne vous aïant jamais donné sujet de me souhai ter du mal, ni de vous réjouir s'il m'en arrivoit aucun, je ne crois pas que vous seriez bien aise de me voir persécuté et tirannisé pour ce sujet: c'est pourquoi j'ai résolu de garder le silence. Mais puisque cette raison m'oblige présentement de me taire, je ferai au moins ensorte de vous parler après ma mort: c'est dans ce dessein que je com mence écrire ceci, pour vous désabuser, comme j'ai dit, autant qu'il seroit en mon pouvoir, de toutes les erreurs et de toutes les superstitions dans lesquelles vous avez été élèvés et nourris et que vous avez, pour ainsi dire sucés avec le laict. Il assez longtems que les pauvres peuples sont misérablement abusés de tou tes sortes d'idolatrie et de superstitions; il assez longtems que les riches et les grands de la terre pil lent et opriment les pauvres peuples: il seroit tems de les désabuser par tout, et de leur faire connoître par tout la vérité des choses. Et si, pour adoucir l'humeur grossière et farouche du commun des hommes, il fallu autrefois, comme on le prétend, les amuser par de vai nes et superstitieuses pratiques de religion, afin de les tenir plus facilement en bride par ce moïen-là, il est certainement encore plus nécessaire maintenant de les désabuser de toutes ces vanités-là, puisque le remède dont on s'est servi est devenu avec le tems pire, que n'étoit le premier mal. Ce seroit faire tous les gens d'esprit et aux personnes les plus sages et les plus éclairés penser sérieusement, et travailler fortement une si importante affaire, en désabusant partout les peuples des erreurs, où ils sont; en rendant partout -\ 27 odieuse et méprisable l'autorité excessive des grands de la terre en excitant partout les peuples secouer le joug insuportable des tyrans, et en persuadant gé néralement tous les hommes ces deux importantes vérités: que pour se perfectioner dans les arts, qui sont utiles la société et quoi les hommes doivent principalement s'emploïer dans la vie, ils ne doivent suivre que les seules lumières de la raison humaine; et que pour établir de bonnes loix, ils ne doivent sui vre que les seules règles de la prudence et de la sa gesse humaine, c'est-à-dire les règles de la probité, de la justice et de l'équité naturelle, sans s'amuser vai nement ce que disent des imposteurs, ni ce que font des idolâtres déicoles; ce qui procureroit généra lement tous les hommes mille et mille fois plus de biens, plus oje contentement et plus de repos du corps et de l'esprit, que ne sauroient faire toutes les faus ses maximes, ni toutes les vaines pratiques de leurs superstitieuses religions. Mais puisque personne ne s'avise de donner cet éclaircissement-là aux peuples, ou plutôt puisque per sonne n'ose entreprendre de le faire, ou même, puis que les livres et les écrits de ceux, qui auroient déjà voulu l'entreprendre, ne paraissent pas publiquement dans le monde, que personne ne les voit, qu'on les suprime dessein, et qu'on les cache après aux peu ples afin qu'ils ne les voïent pas, et qu'ils ne décou vrent pas, par leur moïen, les abus, les erreurs et les impostures, dont on les entretient, et qu'on ne leur montre au contraire que les livres d'une multitude de pieux ignorans ou hipocrites séducteurs qui, sousom 28 bre de piété, ne se plaisent qu'à entretenir et même multiplier les abus, les erreurs et les superstitions, puis, dis-je, que cela est ainsi, que ceux qui, par leur science et par leur bel esprit, seroient les plus pro pres entreprendre, et exécuter heureusement pour les peuples, un si beau, un si bon, un si grand et un si louable dessein, que seroit celui de désabuser les peuples, ne s'attachent eux-mêmes dans les ouvrages, qu'ils donnent au public, qu'à favoriser, qu'à mainte nir et augmenter le nombre des erreurs, et d'agraver le joug des superstitions, au lieu de tâcher de les abo lir, et de les rendre méprisables, et qu'ils ne s'atta chent aussi qu'à flatter eux-mêmes les grands, et leur donner lachement mille louanges indignes, au lieu de blâmer hautement leurs vices, et de leur dire gé néreusement la vérité, et qu'ils ne prennent un si lâche et si indigne parti, que par des vues de basse et d'in digne complaisance, ou par de laches motifs de quel que intérêt particulier, pour mieux faire leur cour, et pour en mieux valoir eux et leurs familles ou leurs associés etc, j'essaierai, moi, tout foible et tout petit génie que je puisse avoir, j'essaïerai ici, mes chers amis, de vous découvrir ingénuement la vérité, et de vous faire clairement voir la vanité et la fausseté de tous ces prétendus si grands, si sains, si divins et si adorables mistères, que l'on vous fait adorer, comme aussi la vanité et la fausseté de toutes les prétendues grandes et importantes vérités que vos prêtres, vos prédicateurs et que vos docteurs vous obligent si indispensablement de croire, sous peine, comme ils vous disent, de damnation éternelle. J'essaïerai, dis-je, de 29 vous en faire voir la vanité et la fausseté: que les prê tres, que les prédicateurs, que les docteurs, et que tous les fauteurs de tels mensonges, de tels erreurs et de telles impostures s'en scandalisent et qu'ils s'en fâ chent tant qu'ils voudront après ma mort; qu'ils me traitent alors s'ils veulent d'impie, d'apostat, de blas phémateur et d'athée; qu'ils me disent pour lors tant d'injures et qu'ils me chargent de tant de malédictions qu'ils voudront, je ne m'en embarasse guères, puisque cela ne me donnera pas la moindre inquiétude du monde. Pareillement qu'ils fassent pour lors de mon corps tout ce qu'ils voudront; qu'ils le hachent en pièces, qu'ils le rotissent ou qu'ils le fricassent et qu'ils le mangent encore, s'ils veulent, quelle sausse ils voudront, je ne m'en met nullement en peine. Je serai pour lors entièrement hors de leurs prises; rien ne sera plus ca pable de me faire peur. Je prévois seulement que mes parens et mes amis pouront, dans cette occasion-là, avoir du chagrin et du déplaisir, de voir ou d'enten dre tout ce que l'on pourra faire ou dire indignement de moi après ma mort. Je leur épargnerois effective ment volontiers ce déplaisir; mais cette considération, si forte qu'elle soit, ne me retiendra cependant pas: le zèle de la vérité et de la justice, le zèle du bien public, et la haine et l'indignation, que j'ai de voir les erreurs et les impostures de la religion, aussi bien que l'orgueil et l'injustice des grands si impérieuse ment et si tiranniquement dominer sur la terre, l'em porteront dans moi, sur cette autre considération par ticulière, si forte qu'elle puisse être. D'ailleurs je ne pense pas, mes chers amis, que cette entreprise-ci me 50 doive rendre si odieux, ni m'attirer tant d'ennemis, que l'on pouroit penser. Je pourois même me flatter que si cet écrit tout informe et tout imparfait qu'il est (pour avoir été fait la hâte et écrit avec précipi tation) passoit plus loin que vos mains, ou qu'il eût le sort de devenir public, et que l'on examinat bien tous mes sentimens et toutes les raisons, sur lesquel les ils seront fondés, j'aurai peut-être, au moins parmi les gens d'esprit et de probité autant d'aprobateurs, que j'aurai aflleurs de mauvais censeurs; et je puis dès maintenant dire que plusieurs de ceux qui, par leur caractère ou par leur profession de juges et de magis trats, ou autrement seroient par respect humain obli gés de me condamner extérieurement devant les hom mes, nraprouveroient intérieurement dans leur coeur. III. TOUTES LES RELIGIONS NE SONT QU'ERREURS, ILLUSSIONS ET IMPOSTURES. Sachez donc, mes chers amis, que tout ce qui se débite et que tout ce qui se pratique dans le monde, pour le culte et l'adoration des dieux, n'est qu'erreur, abus, illusion, mensonge et imposture; que toutes les loix et les ordonnances, qui se publient sous le nom et l'autorité de Dieu ou des dieux ne sont véritable ment que des inventions humaines, non plus que tous 51 ces beaux spectacles de l'êtes et de sacrifices, et que toutes les autres pratiques de religion et de dévotion, qui se font en leur honneur. Toutes ces choses, disje, ne sont que des inventions humaines, qui ont été, comme j'ai déjà marqué, inventées par de fins et ru sés politiques, puis cultivées et multipliées par de faux prophètes, par des séducteurs et par des imposteurs; ensuite reçues aveuglement par des ignorans, et enfin maintenues et autorisées par les loix des princes et des grands de la terre, qui se sont servis de ces sortes d'inventions, pour tenir plus facilement par ce moïen-là, le commun des hommes en bride et faire tout ce qu'ils voudroient; car dans le fond toutes ces inventions-là ne sont que des brides veaux, comme disoit le Sr. de Montagne *, mais elles ne servent qu'à brider l'es prit des ignorans et des simples. Les sages ne s'en brident point, et ne s'en laissent point brider; parce qu'il n'apartient en effet qu'à des ignorans et des simples d'y ajouter foi, et de se laisser conduire parlà. Et ce que je dis ici en général de la yanité et de la fausseté des religions du monde, je ne le dis pas seulement des religions païennes et étrangères, que vous regardez déjà comme fausses, mais je le dis égale ment de votre religion chrétienne, que vous apellez catholique, apostolique et romaine, parce qu'en effet elle n'est pas moins vaine ni fausse qu'aucune autre; parce qu'il n'y en peut-être point de si ridicule, de si absurde dans ses principes et dans ses principaux points que celle-là, ni qui soit si contraire la na Essai de Montagne, Livr. II, Ch. VI, pag. 345. 52 ture même et la droite raison. C'est ce que je vous dis, mes chers amis, afin que vous ne vous laissiez pas tromper davantage par les belles promesses, qu'elle vous fait des récompenses éternelles d'un paradis, qui n'est qu'imaginaire; et que vous mettiez aussi- votre esprit et votre coeur en repos contre toutes les vaines crain tes, qu'elle vous donne des châtimens effroïables d'un enfer qui n'est point. Car tout ce que l'on vous dit de si beau et de si magnifique de l'un, et de si ter rible et de si effroïable de l'autre, n'est que fable. Il n'y plus aucun bien espérer, ni aucun mal crain dre après la mort. Profitez donc sagement du tems en vivant bien, et en jouissant sobrement, paisiblement et joïeusement, si vous pouvez, des biens de la vie, et des fruits de vos travaux, car c'est le meilleur parti que vous puissiez prendre, puisque la mort mettant fin la vie, met également fin toute connoissance et tout sentiment de bien et de mal. Mais comme ce n'est point le libertinage, comme l'on pourrait penser, qui m'a fait entrer dans ces sentimens-là, et que je ne demande pas et que je ne voudrois pas même que personne de vous ni aucun autre me crut seulement sur ma parole en chose, qui seroit de si grande importance, et que je désire au contraire de vous faire connoître vous-même la vérité de tout ce que je viens de dire, par des raisons et par des preuves claires et convaincantes, je vais vous en pro poser ici d'aussi claires et d'aussi convaincantes, qu'il en puisse avoir en aucun genre de science. Je tâche rai de vous les rendre si évidentes et si intelligibles que, pour peu que vous aïez de bon sens, vous com ÛO prendrez aisément que vous êtes dans l'erreur, et que l'on vous en impose grandement au sujet de la reli gion, et que tout ce qu'on vous oblige de croire, comme par foi divine, ne mérite seulement pas que vous ajoutiez aucune foi humaine. Voici la première de mes raisons et de mes preuves. IV. PREMIÈRE PREUVE DE LA VANITÉ ET DE LA FAUSSETÉ DES RELIGIONS, QU'ELLES NE SONT QUE DES INVENTIONS HUMAINES. Il est clair et évident, que c'est abus, erreur, illu sion, mensonge et imposture, que de vouloir faire pas ser des loix purement humaines, pour des loix et des institutions toutes surnaturelles et divines; or il est certain que toutes les religions, qui sont dans le monde, ne sont, comme j'ai dit, que des inventions et des in stitutions pûrement humaines; et il est certain que ceux, qui les ont premièrement inventées, ne se sont servi du nom et de l'autorité de Dieu, que pour faire d'au tant mieux et plus facilement recevoir les loix et les ordonnances, qu'ils vouloient établir. Que cela soit au moins l'égard de la plupart des religions, il faut né cessairement en convenir, ou il faut reconnoître que la plupart des religions sont véritablement instituées de Dieu. On ne peut pas dire que la plupart des reli 54 gions soient véritablement d'institution divine, car comme toutes ces différentes religions sont contraires et oposées les unes aux autres, et qu'elles se condamnent même les unes les autres, il est évident qu'étant con traires dans leurs principes et dans leurs maximes, elles ne peuvent être en même tems véritables, ni par con séquent venir d'un même principe de vérité, qui seroit divine. C'est pourquoi aussi nos chrislicoles ro mains reconnoissent et sont même obligés de reconnoître, qu'il ne peut avoir au plus qu'une seule véritable re ligion, qu'ils prétendent être la leur; en conséquence de quoi ils tiennent pour maxime fondamentale de leur doctrine et de leur croïance, qu'il n'y qu'un seul Seigneur, qu'une seule foi, qu'un seul batême, qu'un seul Dieu, et qu'une seule église, qui est la catholi que, apostolique et romaine, hors de laquelle ils pré tendent qu'il n'y point de salut. D'où je tire évi demment .cette conséquence, qu'il est donc certain, qu'au moins la plupart des religions du monde, ne sont purement, comme j'ai dit, que des inventions humai nes, et que ceux, qui les ont premièrement inventées, ne se sont servis du nom et de l'autorité de Dieu, que pour mieux faire recevoir les loix et les ordon nances, qu'ils vouloient établir, et pour se faire en même tems eux-mêmes plus honorer, plus craindre et plus respecter des peuples, qu'ils avoient conduire et auxquels ils vouloient en imposer par cette ruse. Voïez comme un auteur judicieux parle ce sujet*. «Quand je vois," dit-il, »le genre humain divisé en Esp. Turc, T. III. Lett. 78. Éciit. de 1715. 35 »tant de religions, qui se contrarient et se condam nent les unes les autres; quand je vois/' dit-il, «que «chacun travaille vigoureusement la propagation de »la sienne, et qu'il emploïe ou l'artifice ou la vio lence, et que cependant il si peu de gens, pour »ne pas dire personne, qui fassent connoître par leur «pratique, qu'ils croïent et qu'ils professent avec tant «d'ardeur, peu s'en faut, dit-il, que je ne croïe que «tant de cultes différens ont été d'abord inventées par «les politiques; chacun accommodant son modèle l'in- «clination des peuples, qu'il avoit dessein de tromper. «Mais lorsque je considère, ajoute-t-il, d'un autre côté, «qu'il paroit quelque chose de si naturel et de si peu «fardé, dans le zèle furieux, et dans l'opinion insur- «montable de la plupart des gens; je suis prêt, dit- »il, de conclure après Cardan, que toute cette variété «de religions dépend de la différente influence des as- «tres et il a, dit-il, dans chaque religion une «si égale aparence de vérité et de fausseté, qu'il ne «sauroit, selon la raison humaine, en faveur de la- «quelle il pouroit se déterminer." On sait que ç'a été par cet artifice et par cette ruse, que Nnma Pompilius, roi des Romains, adoucit les mœurs rudes et fa rouches de ce peuple, amolissant peu peu, dit un auteur, la dureté et la férocité de leur cœur, par de doux et pieux exercices de religion, auxquels il les accoutumoit par fêtes, danses, chansons, processions et autres semblables exercices de religion, qu'il leur faisoit faire et qu'il faisoit aussi lui-même, sous prétexte d'honorer leurs Dieux. Il leur enseigna aussi la ma nière de sacrifier; il institua pour cela des cérémo 3* 56 nies toutes particulières, qu'il apella saintes et sacrées, et établit des prêtres, pour vaquer tout ce qui regardoit l'honneur et le service des Dieux, leur faisant accroire que tout ce qu'il faisoit, et que tout ce qu'il commandoit, venoit de la part des Dieux, et que c'étoit sa nymphe ou sa déesse Egerie, qui les lui révéloit. Pareillement on sait que Sertorius, faux chef des armées d'Espagne, se servoit d'un semblable artifice pour disposer de ses troupes sa volonté; ce qu'il fit facilement en leur persuadant que la biche blanche, qu'il tenoit toujours auprès de lui, lui aportoit de la part des Dieux tous les conseils qu'il prenoit. Zoroastre, roi des Bactriens, pratiqua la même chose l'é gard de ses peuples, en leur persuadant que les loix, qu'il leur donnoit, venoient du Dieu Oromazis. Trismegiste, roi des Egyptiens, leur donna pareillement ses loix sous le nom et l'autorité du dieu Mercure. Zamolxis, roi des Scithes, publia les siennes ses peu ples, sous le nom de la déesse Vesta. Minos, roi de Candie, publia les siennes sous le nom du dieu Jupi ter. Charandas, législateur de Cholcides, publia aussi ses loix sous le nom du dieu Saturne. Licurgue, lé gislateur des Lacedemoniens, publia les siennes sous le nom du dieu Apollon. Dracon et Solon, législateurs des Atheniens, publièrent aussi leurs loix sous le nom de la déesse Minerve, etc. Car il n'y avoit presque point de nation en ce tems-là, qui n'eût ses dieux sa fantaisie. Moise, législateur des Juifs, publia aussi ses loix sous le nom d'un dieu, qui lui étoit, disoitil, aparu dans un buisson ardent. Jésus, fils de Marie, surnommé le Christ et le chef de la secte et religion 57 chrétienne, dont nous faisons profession, assuroit pa reillement les siens, c'est-à-dire ses disciples, qu'il n'étoit point venu de lui-même, mais qu'il avoit été en voiè de Dieu, son Père Ego ex Deo processi et veni, neque me ipso veni, sed Me me misit. Joan. VIII: 42, et qu'il ne faisoit que dire et faire que ce que son Père lui avoit ordonné de dire ou de faire, sicut dixit mihi Pater sic loquor. Joan. XII: 50. Et sicut mandatum dedit mihi Pater sic facio, disoit-il, Joan, XIV: 31. Simon surnommé le magicien abusa longtems les peuples de Samarie en leur persuadant, tant par ses paroles, que par ses artifices et enchantemens, qu'il étoit quelque chose de grand, de sorte que tous ceux, qui l'entendoient depuis le premier jusqu'au dernier, l'apelloient la grande vertu de Dieu Hic est virlus Dei quœ vocatur magna, Act. 8, 9, 10, disoient-ils. Ménandre, son disciple, se disoit être le sauveur envoïe du ciel pour le salut des hommes. Enfin sans parler de plusieurs autres, c'a été aussi par ce même artifice de tromperie et d'imposture, que ce renommé faux pro phète Mahomet établi ses loix et sa religion par tout l'Orient, faisant accroire ses gens, qu'elle lui avoit été envoïée du ciel par l'ange Gabriel, etc. Tous ces

  • exemples et plusieurs autres semblables, que l'on pouroit raporter, montrent assez clairement que toutes ces

différentes sortes de religions, que l'on voit ou que l'on vu dans le monde, ne sont véritablement que des inventions humaines, pleines d'erreurs, de menson ges, d'illusions et d'impostures: ce qui donné lieu au judicieux Montagne* de dire: »Que ce moïen été Essai de Montagne, Livr. II, Ch. 16. pag. 601. -58- «pratiqué par tous les législateurs et n'est police, où «n'y ait quelque mélange ou de vanité cérémonieuse, «ou d'opinion mensongère, qui serve de bride tenir «le peuple en office. Que c'est pour cela que la plu- «part ont leur origine et commencement fabuleux et «enrichis de mistères supernaturels; et que c'est cela «même, qui les fait adopter aux gens d'entendemens." V. RAISONS POURQUOI LES POLITIQUES SE SERVENT DES ERREURS ET DES ABUS DES RELIGIONS. Et conformément cela le grand cardinal de Ri chelieu remarque dans ses réflexions politiques que les princes ne sont en rien plus industrieux qu'à trouver des prétextes, qui rendent leurs demandes plausibles, et comme celui de la religion, dit-il,, fait plus d'im pression sur les esprits que les autres; ils pensent avoir beaucoup avancé lorsqu'ils en peuvent couvrir leurs desseins. C'est sous ce masque, dit-il, qu'ils ont souvent caché leurs plus ambitieuses prétentions (il auroit pu ajouter encore et leurs plus détestables ac tions) et l'égard de la conduite particulière que Nuroa Pompilius tint envers ses peuples, il dit, que ce roi n'eut point de meilleure invention pour faire agréer ses loix et ses actions aux peuples romains que de leur dire qu'il les faisoit toutes par le conseil de la nymphe 39 Egerie, qui lui communiquoit la volonté des Dieux. Il est remarqué dans l'histoire romaine que les principaux de la ville de Rome après avoir emploïe inutilement toutes sortes d'artifices, pour empêcher que le peuple ne fut élevé aux magistratures, eurent enfin recours aux prétextes de la religion, et firent accroire aux peu ples qu'aïant consulté les Dieux sur cette affaire, ils avoient témoigné que c'étoit prophaner les honneurs de la république que de les communiquer la populace; et que cela étant ils les suplioient instamment de re noncer cette prétention, feignant le desirer ainsi, plu tôt pour la satisfaction des Dieux, que pour leur inté rêt particulier. Et la raison pourquoi tous les grands politiques en usent ainsi envers les peuples, c'est, sui vant leur dire, après celui de Scevola, grand pontife, et après celui de Varron, grand theologien en leur tems, c'est parce qu'il est besoin, disent-ils, que le peuple ignore beaucoup de choses vraïes et en croïe beaucoup de fausses *. Et le divin Platon lui-même, parlant sur ce sujet, dit tout détroussément en sa République que pour le profit des hommes, il est souvent besoin de les piper, comme le remarque le Sr. de Montagne *J*. Il semble néanmoins que les premiers inventeurs de ces saintes et pieuses fourberies avoient encore au moins quelque reste de pudeur et de modestie ou qu'ils ne savoient pas encore porter leur ambition si haut, qu'ils auraient pu la porter, puisqu'ils se conténtoient pour lors de s'attribuer seulement l'honneur d'être les dé positaires et les interprêtes des volontés des Dieux, Essai de Montagne, p. 503. Idem, p. 479. 40 sans s'attribuer de plus grandes prérogatives. Mais plu sieurs de ceux qui sont venus ensuite, ont porté bien plus haut leur ambition; ç'auroit été trop peu pour eux de dire seulement qu'ils auroient été envoïés ou inspi rés des Dieux mêmes. Ils sont venus jusqu'à cet excès de folie et de présomption que de vouloir se faire re garder et honorer comme des Dieux. C'est ce qui étoit autrefois assez ordinaires aux em pereurs romains, et entr'autres il est marqué dans l'his toire romaine que l'empereur Héliogabale, qui étoit le plus dissolu, le plus licentieux, le plus infame et le plus éxécrable qui fut jamais, osa bien néanmoins se faire mettre au rang des Dieux dès son vivant même, ordonnant que parmi les noms des autres Dieux, que les magistrats invoquoient en leurs sacrifices, ils recla massent aussi Heliogabale, qui étoit un nouveau Dieu que Rome n'avoit jamais connu. L'empereur Domitien eut la même ambition; il voulut que le senat lui fit ériger des statues toutes d'or, et commanda aussi par ordonnances publiques, qu'en toutes lettres et mandemens on le publia seigneur Dieu. L'empereur Caligula qui fut aussi l'un des plus méchans, des plus infames et des plus détestables tyrans qui aïent jamais été, voulut aussi être adoré comme un Dieu, fit mettre ses statues devant celles de Jupiter, et ôter la tête plu sieurs d'icelles pour mettre la sienne, et même envoïa sa statue pour être colloquée au temple de Jeru salem. L'empereur Commodus voulut être apellé Her cule, fils de Jupiter, le plus grand des Dieux, et pour cela il se vêtoit souvent de la peau d'un lion et tenant en ses mains une massue, il contrefaisoit Hercule, et 41 en cet équipage alloit rodant tant de jour que de nuit et tuant plusieurs personnes. Il s'est trouvé non seulement des empereurs, mais aussi plusieurs autres de moindre qualité, et méme des hommes de basse naissance et de basse fortune qui ont eu cette folle vanité et cette folle ambition de vou loir se faire croire et se faire estimer Dieux; et enIr'autres on dit d'un certain Psaphon Libien, homme inconnu et de basse naissance, qu'aïant voulu passer pour un Dieu, il s'avisa de cette ruse: il amassa plu sieurs oiseaux de diverses contrées auxquels il aprit avec grafid soin de répéter souvent ces paroles-ci: Psaphon est un grand Dieu, Psaphon est un grand Dieu. Puis uïant laché et mis ces oiseaux en liberté, ils se dispersèrent dans toutes les provinces et lieux circonvoisins, les uns d'un côté et les autres d'un autre, et se mirent dire et répéter souvent dans leur ramage Psaphon est un grand Dieu, Psaphon est un grand Dieu. De sorte que ces peuples entendant ainsi parler ces sortes d'oiseaux et ignorant la fourbe, commencèrent adorer ce nouveau Dieu et lui offrir des sacrifices, jusqu'à ce qu'enfin ils découvrirent la fourberie et ces sèrent d'adorer ce Dieu. On dit aussi qu'un certain Annon Carthaginois voulut pour la même fin, se servir d'une pareille ruse, mais qu'il ne lui réussit pas de même qu'à Psaphon, parce que ses oiseaux qui il avoit apris répéter ces mots: Annon est un grand Dieu, oubliè rent incontinent après qu'ils furent lachés, les paroles qu'ils avoient aprises. Le cardinal du Perron parle, si je ne me trompe, de deux certains docteurs en theo logie dont il dit, que l'un se croïoit être le pere éter 42 nel, et que l'autre se croïoit être le fils de Dieu éter nel. On pouroit citer plusieurs autres exemples de ceux qui ont été ainsi frapés de semblables folies, ou de sem blables témérités, et il -aparence que le premier commencement de la croïance des Dieux, ne vient que de ce que les hommes vains et présomptueux, se sont voulu aussi attribuer la qualité de Dieu ce qui est bien conforme ce qui est raporté dans le Livre de la Sa gesse touchant le commencement du règne de l'idolatrie *. VI. LES ANCIENS AVOIENT COUTUME DE METTRE AU RANG DES DIEUX LES EMPEREURS ET LES GRANDS HOMMES. L'ORGUEIL DES GRANDS, LA FLATTERIE DES UNS ET L'IGNORANCE DES AUTRES ONT PRODUIT ET AUTORISÉ CET ABUS. Mais s'il s'est trouvé des hommes assez vains et assez présomtueux pour vouloir s'attribuer la qualité de Dieu, il s'en est certainement trouvé encore plus qui ont été assez sots pour vouloir bien la leur attribuer, soit par flatterie, soit par politique ou par lacheté: car ce n'est ordinairement que par flatterie et par politique ou par lacheté, que les hommes se laissent aller de si bas ses complaisances. Les flatteurs d'Alexandre le grand Voïez le 14 chap. du Livre de la Sagesse. 43 vouloient lui persuader qu'il étoit de la race et du sang des Dieux, et qu'il étoit même fils de Jupiter. Après que Romulus premier roi des Romains eût disparu, sans savoir ce qu'il étoit devenu (on cru néanmoins que les senateurs l'avoient fait mourir, et qu'ils l'avoient mis en pièces parce qu'il s'étoit rendu trop odieux) ils le mirent au rang des Dieux, sous le nom de Quiiïnus, sur le raport d'un nommé Proculus, qui le disoit s'être aparu lui tout glorieux et armé l'avantage. Pareillement le senat mit l'empereur Claudius II au rang des Dieux, et lui fit dresser une statue d'or auprès de celle de Jupiter *. Marc Aurèle, l'un des meilleurs empereurs qui furent, fit néanmoins mettre Lucius Antoninus Verus son col lègue au rang des Dieux; il fit bâtir un temple sa femme Faustine toute impudique qu'elle étoit: et le se nat lui aïant même décerné les honneurs divins, il l'en remercia. L'empereur Trajan, qui fut un très bon et très excellent prince, fut, après sa mort, par ordre du senat, mis au rang des Dieux. Mœsa, aïeul de l'em pereur Alexandre Severe, fut mis, après sa mort, au rang des Dieux. Antonin le débonnaire, le plus juste et le plus modéré des princes qui aïent jamais tenu l'empire, fut, après sa mort universellement regretté de tout le monde; le senat lui décerna les honneurs di vins, et tout le monde estima dit, l'Hist. Rom. T. o, pag. 445, que jamais cette gloire n'a voit été adjugée aucun des Princes de la terre qui l'eut si bierf mé ritée que lui, cause de sa bonté, de sa pieté, de sa Hist. Kom. Tom. III. 44 clémence, de son innocence et de sa modération au gouvernement de la république. L'empereur Hadrien suporta avec tant de douleur la mort d'Antinous qu'il aimoit tendrement, qu'il fit bâtir une ville, qu'il nomma du nom de ce favori Antinopolis, lui dédia des autels et des statues comme un Dieu et emploïa toutes les plumes de la Grèce célébrer ses louanges; et même la flatterie passa si avant, que pour lui complaire, les grecs l'aïant mis au rang des Dieux, publièrent qu'il rendoit des oracles dans son temple: et pour comble de vanité osèrent assurer que son ame avoit été changée en une étoile qui s'étoit montrée dans le ciel incon tinent après sa mort: raison de quoi Hadrien qui étoit bien aise de voir flatter sa passion, nomma cette étoile l'astre d'Antinous, et aima grandement ceux qui don nèrent cette misérable consolation sa douleur, Hist. Rom. Tom. o, pag. 408. Du tems de l'empereur Claude, Simon le Magicien étant venu Rome, entra en tel crédit par ses impostures et ses illusions qu'on lui dressa une statue avec cette inscription Simon Dieu saint. L'empereur Auguste, dit le Sr. de Montagne eut plus de temples que Jupiter et fut servi avec autant de re ligion et croïance de miracles. Le roi Herode s'étant un jour revêtu de ses habits roïaux, faisant sa haran gue son peuple, étant assis sur son trône, le peuple fut si charmé de son éloquence et de l'éclat de sa ma jesté qu'il le regardât comme un Dieu et s'écriât en disant: c'est là le discours d'un Dieu et non pas d'un homme, dei voces et non hominis "J*. Enfin c'étoit l'or Ess. de Montag. Liv. II, Ch. 12, p. 498. -f Act. XII, 21, 22. 45 dinaire des empereurs romains de se faire mettre au rang des Dieux: les plus médians et les plus détesta bles s'y faisoient mettre comme il est marqué dans l'Hist. Rom. Tom. 5. VII. ILS CROÏOIENT, QUE LES HOMMES POUVOIENT DEVENIR DES DIEUX APRÈS LEUR MORT. Pareillement c'étoit anciennement la coutume des peu ples de deïfier ou de mettre au rang des Dieux ceux, qui avoient excellé en quelque rare vertu, ou qui avoient rendu quelque notable service ou fait quelque bien con sidérable leur païs. C'est ce qui donné lieu au Sr. de Montagne de dire fort judicieusement *, que l'homme est bien insensé: il ne sauroit forger un ciron et il forge des dieux douxaines, et non-seulement les forge douxaine, mais il les forge même promtement mil liers et marque jusqu'où s'étend leur puissance. Qui de ces dieux ou de ces saints si plaisamment forgés par l'antiquité sont vieux et cassés, dit-il, qui sont mariés, qui ne le sont point, qui sont jeunes et vigoureux f, qui guérit les chevaux, qui les hommes, qui la peste, qui la teigne, qui la toux, qui une sorte de galle, qui une autre, qui fait naître les raisins, qui les aulx, qui Ess. de Montag. p. 498. Ibid. p. 502. 46 la charge de la paillardise, qui de la marchandise: chaque race d'artisans un Dieu il en est de si chétifs et populaires (car le nombre en étoit autrefois si grand, qu'il montoit bien au moins jusqu'à 50 mille), qu'ils en entassoient bien mille produire un seul épie de bled, ils en mettoient une porte, un l'ais, un aux gonds et un au seuil, un enfant, un qu'ils faisoient protecteur de son maillot, un autre de son boire, un autre de son manger et un autre de son tette lesquels étoient tous adorés par diverses sor tes d'adorations. De sorte que c'est pitié, dit le Sr. de Montagne, de voir que les hommes se pipent eux-mêmes de leurs propres singeries et inventions, comme les enfans, dit-il, qui s'effraïent de ce même visage, qu'ils ont barbouillé et noirci leur compagnon. 11 n'y chose, dit Pline qui démontre plus l'irabécilité des hommes que de vouloir assigner quelqu'image ou effigie la divinité. C'est grande folie, dit-il, de croire qu'il en ait, et encore plus grand rage d'état blir des Dieux selon les vertus et les vices des hom mes, comme chasteté, concorde, courage, espérance, honneur, clémence, foi etc., mais toutes ces déités vien nent, ajoutent-ils, de ce que les hommes fragiles et chargés de travaux aïant devant les yeux leur pauvreté et infirmités, adoroient respectivement les choses dont ils avoient plus de besoin. De là vient, contipue-t-il, que les Dieux commencèrent changer de nom, selon la dévotion des régions, et qu'en une même région, on trouvoit une infinité de Dieux, entre lesquels même on Pline, Liv. 2, 7. 47 mettoit les Dieux infernaux, les maladies et toutes sor tes de pestes, de la crainte que l'on en avoit. De ces superstitions, dit le même auteur, sont sortis les tem ples de la fièvre, qui fut fondé et consacré au Palais, et celui d'Orbona qui faisoit mourir les petits eni'ans. Auprès du temple des genies et esprits familiers, continue-t-il, est le temple de mauvaise fortune, qui est sur le mont Esquilin et par ainsi ce n'est pas mer veille si l'on trouve plus de Dieux au ciel que d'hom mes sur la terre, attendu, dit-il, que chacun forge autant de Dieux que sa fantaisie lui porte et que les hom mes prennent et choisissent pour patrons plusieurs Dieux auxquels ils donnent les noms et titres de Jupiter, de Saturne, de Junon, de Mars et de quantité d'autres: car anciennement, dit ce même auteur, on avoit cou tume de colloquer au rang des dieux ceux ou cel les, qui s'adonnoient particulièrement bien vivre au monde, en signe de reconnoissance de leurs bienfaits. Et de là sont venus tous les différons noms des dieux et des déesses, que les Romains ont adorés sous les noms de Saturne, de Jupiter, de Mars, de Mercure, d'Apollon, d'Esculapc etc., et sous ces autres noms de déesses, qu'ils adoroient sous les noms de Junon, de Diane, de Pallas, de Minerve, de Vénus, de Céres; car il est certain que toutes ces belles divinités-là ne sont que des productions de la vanité et de la sotise des hommes, et il s'est trouvé même des nations si pro digieusement aveuglées dans la superstition, qu'ils ont attribué la divinité de vilaines et sales bêtes, comme des chiens, des chats, des moutons, des bœufs, des serpens etc., et même des choses inanimées. 48 comme au feu, au soleil, la lune, aux étoiles, aux pierres, au bois etc., et de toutes ces vaines opinionslà le Sr. de Montagne n'en trouvoit pas, disoit-il, de plus folle et de plus ridicule, que celle qui attribue la divinité l'homme; par quoi, disoit-il, de faire de nous des dieux comme l'ancienneté fait *; cela sur passe l'extrême foiblesse de discours. J'eusse, disoitil, encore plutôt suivi ceux, qui adoroient le serpent, le chien et le bœuf: d'autant que leur nature et leur être nous est moins connu, et avons plus de loi d'i maginer ce qu'il nous plait de ces bêtes-là et leur attribuer des facultés extraordinaires. Mais d'avoir fait des dieux, dit-il, de notre chétive condition de laquelle nous devons connoître l'imperfection, leur avoir attri bué le désir, la colère, les vengeances, les mariages, les générations et les parenteles, l'amour et la jalou sie, nos membres et nos os, nos fièvres, nos plaisirs, nos morts et nos sépultures, comme aussi d'avoir at tribué la divinité non-seulement la foi; la vertu, l'honneur, la paix, la concorde, la liberté etc., mais aussi la volupté, fraude, mort, envie, vieillesse, misère, la peur, la fièvre, la malfortune et autres misères de notre vie frêle et caduque, il faut, dit-il, que cela soit parti d'une merveilleuse yvresse de l'en tendement humain. C'est de quoi Agesilaus, surnommé le grand, roi de Thessalie se moquoit assez plaisamment, car les Thessaliens lui étant venu dire un jour qu'en reconnoissance des bienfaits qu'ils avoient reçus de lui, ils l'aEssai de Montagne, pag. 484. 49 voient canonisés et rais au rang des Dieux *. Votre nation, leur dit-il, a-t'-elle ce pouvoir de faire Dieu qui bon lui semble? Si cela est, faites-en pour voir l'un d'entre vous, et puis quand j'aurai vû comme il s'en sera trouvé, je vous dirai grand merci de votre offre Les Egyptiens défendoient sur peine de la hart que nul eut dire que Sérapis et Isis, qui étoient leurs Dieux, eussent autrefois été Hommes: et nul n'ignoroit qu'ils ne l'eussent été. Et leur ef figie représentée le doigt sur la bouche signifioit, dit Varron, cette ordonnance mistérieuse leurs Prêtres de taire leur origine mortelle, comme par raison né cessaire, afin de ne point anéantir leur vénération §. VIII. ORIGINE DE L'IDOLATRIE. On dit que le premier inventeur de ces fausses Divini tés fut un nommé Ninus, fils de Belm, premier Roi des Assiriens, (environ le tems de la naissance d' lsaac, vers l'an du monde selon les Hébreux 2101) qui, après la mort de son Père, lui érigea une idole, qui prit peu après le nom de Jupiter, et qu'il voulut Ess. de Montag. pag. 498. Ess. de Montag. pag. 485. Les Chrétiens sont dans des sentimens bien contraires; ils font gloire de prêcher la naissance et la mort de leur Dieu Christ. 50 qu'elle fut adorée de tous comme un Dieu. De-là, dit-on, sont provenus toutes les idolatries qui se sont répandues dans le monde. Cécrops, premier Roi des Athéniens fut ensuite le premier qui invoqua ce Ju piter, ordonnant de lui faire des sacrifices dans ses Etats, et ainsi il fut auteur de toutes les autres ido latries qui furent depuis reçues. Janus, qui étoit un très ancien Roi d'Italie, fut, selon Macrobe, le pré mier, qui dédia des temples aux Dieux, et qui leur fit offrir des Sacrifices et comme il étoit le prémier qui avait donné la connoissance des Dieux ses peu ples, il fut pareillement après sa mort reconnu d'eux et adoré comme Dieu, de telle façon que les hommes ne sacrifioient jamais d'autres Dieux, qu'ils n'invo quassent prémièrement ce Janus. Les auteurs mê mes que nos Christicoles apellent saints et sacrés, par lent peu près de la même maniere touchant l'in vention et l'origine de toutes ces fausses Divinités, et non seulement ils en attribuent l'invention et l'origine aux Hommes, mais ils disent même que l'origine et l'invention de toutes ces fausses Divinités sont la cause, la source et l'origine de toutes les méchan cetés qui se sont répandues dans le monde, car il est dit dans leur Livre de la Genese que ce fut un nommé Enos, fils de Seth et petit-fils du prémier Homme, Adam selon eux, qui commença invoquer le nom de Dieu, iste cœpit invocare nomen Domini. Et dans leur Livre de la Sagesse, il est dit ex pressément que l'invention et que le culte des idoles Gencse 4. 26. 51 ou des fausses Divinités est l'origine, la source, le commencement, et la fin de tous les maux qui sont dans le monde: infandorum enim idolorum cultura omnis mali causa est et initium et finis *. Voici comme les mêmes prétendus saints et sacrés livres parlent de l'invocation de ces fausses Divinités et de leur commencement. Un Père, marque l'Au teur du Livre de la Sagesse, -J* se trouvant extrême ment affligé de la mort précipitée de son fils, fit faire son image pour tacher de se consoler de sa perte, en regardant cette image qu'il ne consideroit d'abord que comme l'image d'un fils bien aimé, que la mort lui avait enlevé; mais s'étant peu après laissé aveu gler par un excès d'amour envers ce fils et envers l'image et le portrait qu'il en avoit fait tailler, il com mença regarder et adorer comme un Dieu ce qu'il ne regardoit auparavant que comme l'image d'un homme mort, ordonna ses domestiques de l'honorer, de lui offrir des sacrifices, et enfin de lui rendre des honneurs divins §. Cette mauvaise pratique s'étant ensuite communiquée et répandue partout ailleurs, passa bientôt en coûtume, l'erreur particulière devint bientôt une erreur publique, et enfin cette coutume passa si bien en forme de loi, qu'elle s'est confirmée et autorisée par les commandemens des Princes et des Tyrans, qui obligèrent leurs sujèts sous de rigoureuses peines d'adorer les statues de ceux qu'ils mettoient au rang des Dieux. Cette idolatrie, disent les mêmes Livres **, s'étendit si loin que les peuples éloignés du Prince, Sap. 14. 27. Sap 14. 27. 16. ** 17. 4* 52 se faisoient aporter son image, se consolant de son absence par la présence de sa statue laquelle ils rendoient les mêmes honneurs et les mêmes ado rations qu'ils auroient fait leur Prince, s'il eut été présent. La vanité et l'adresse des Peintres et des Sculpteurs, continuent les mêmes Livres, ne contribua pas peu au progrès de cette détestable idolatrie: car comme ils travailloient l'envi les uns des autres, pour faire de belles figures, la beauté do leur travail attira leurs ouvrages l'admiration et l'adoration des foibles et des ignorans, de sorte que les peuples, dont il est facile d'abuser la simplicité, se laissèrent aisément séduire par la beauté de l'ouvrage, s'imaginant qu'une telle statue ne pouvoit être que la représentation d'un Dieu, et pensoient que celui qu'ils n'avoient estimé que comme un Homme jusqu'alors, devoit être adoré et servi comme un Dieu. Voilà, disent ces saints et sacrés Livres de nos Christicoles même, comme l'idolatrie, qui est la honte et l'oprobre de la Raison humaine, est culte dans le monde par l'intérêt des Ou vriers, par la flatterie des Sujèts, et par la vanité des Princes et des Rois, qui ne peuvent retenir leur autorité dans de justes bornes, ont donné le nom des idoles de Pierre ou de Dois, d'Or ou d'Argent, l'honneur desquelles idoles ils célèbrent des Fêtes pleines d'extravagance et de folie, et auxquelles ils offroient des sacrifices pleins d'inhumanités en leur immolant cruellement leurs propres Enfans, et apelloient paix l'ignorance où ils étoient quoiqu'elle les 18. 53 rend et plus misérables et plus malheureux que n'auroit pu faire une méchante guerre, tot et tanta mala pacem apellant *. Enfin disent les mêmes Livres de la Sagesse, le culte et l'adoration de ces détestables idoles est la cause, le commencement, le progrès et le com ble de tous les vices et de toutes sortes de méchan cetés: infandorwiï enim idolorum cultnra omnis mali musa est et initium et finis *J*. Tous ces temoignages que je viens de raporter nous font clairement voir non seulement que toutes les Reli-, gions, qui sont ou qui ont été dans le monde, ne sont et n'ont jamais été que des inventions humaines; mais ils nous font encore clairement voir que toutes les Divinités que l'on adore ne sont que de la fabrique et de l'invention des Hommes, et que c'est de l'ado ration même de ces fausses Divinités que procèdent tous les grands maux de la vie omnis mali causa est el initium et finis. Et ce qui confirme d'autant plus cette vérité, c'est que l'on ne voit nulle part qu'aucune Divinité se soit publiquement et manifestement montrée aux Hommes, ni qu'aucune Divinité leur ait publique ment et manifestement donné par elle-même aucune loi, ni fait aucun précepte. Regardez, dit le SrMontagne §, le Registre que la Philosophie tenu deux «mille ans et plus des Affaires célestes: les Dieux, dit-il, n'ont jamais agi, n'ont parlé queparl'Hom- »me et même par quelques Hommes particuliers; en core n'était-ce qu'en secrét et comme en cachète; Sap. 14. 22. ibid. 14, 27. Essai pag. 501 liv. 2. Ch. 12. 54 »et le plus souvent même ce n'étoit que la nuit par «imagination et en songe;» comme il est clairement marqué dans les Livres mêmes de Moïse, reçus et aprouvés par nos Christicoles *. Voici comme ils font parler leurs Dieux s'il quelqu'un qui soit prophète entre vous, leur dit-il, je lui aparoitrai en vision ou je lui parlerai en songe. Ce fut effectivement ainsi qu'il est dit qu'il apella Samuel -J* et qu'il lui parla c'est ainsi qu'il est marqué qu'il aparut et parlé plusieurs au tres, si on en veut croire nos Déicoles et nos Christico les qui chantent dans une de leurs solemnités ces paroles qu'ils tirent de leur Livre de la Sagesse Pendant la nuit lorsque tout est dans le silence, «votre Parole, Seigneur, se fait entendre du plus haut «des cieux. Cùm quietum silentium contineret omnia, et nox in suo cursu medium iter haberet omnipotens Sermo ntmis de cœlo regalibus sedibus prosilivit, venit §. Mais si c'étoit véritablement des Dieux qui par lassent ainsi aux Hommes, comme on voudroit le leur faire accroire, pourquoi affecteroient-ils de se cacher toujours ainsi en leur parlant, et pourquoi au contraire ne manifesteroient-ils pas plutot partout leur gloire, leur Puissance, leur sagesse et leur suprême autorité; s'ils parlent, ce n'est, du moins ce ne doit être, que pour se faire entendre, et s'ils veulent donner des loix, des préceptes et des ordonnances aux Hommes ce ne doit être que pour les faire suivre et observer, et pour cela auront-ils si besoin de l'organe et du ministere des Hommes, qu'ils ne sauroient s'en passer Num. 12. v. 6. Reg. III. 3. 10. au Dimanche de l'Oct. de la Nativité de J. C. Sap. 18. 15. 55 Ne sauroient-ils parler ni se faire entendre par euxmêmes tous les Hommes? Ne sauroient-ils publier leurs loix et les faire observer immédiatement par eux-mêmes? Si cela est, c'est déjà une marque cer taine de leur faiblesse et de leur impuissance, puis qu'ils ne sauroient se passer du secours des Hommes en ce qui les regarde, et si c'est qu'ils ne veulent, ou qu'ils ne daignent pas se montrer ni parler mani festement et publiquement aux Hommes, c'est vouloir leur donner tout sujèt de défiance, c'est vouloir leur donner sujèt de douter de la vérité de leurs paroles; car toutes ces prétendues visions et revelations noc turnes dont les Déicoles se flattent sont certainement trop suspectes et trop sujètes illusion pour qu'on ajoute beaucoup de foi, et il n'est nullement pro bable ni croïable que les Dieux qui seroient parfaite ment bons et parfaitement sages, voudroient jamais se servir d'une voie si suspecte que celle-là pour faire connoitre leurs volontés aux Hommes, et non seulement ce serait leur donner lieu de douter de la vérité de leurs paroles, mais ce seroit même leur vouloir don ner aussi tout sujèt de douter de la vérité de leur existance, et leur donner sujèt de croire qu'ils ne sont nullement eux-mêmes: car il n'est nullement croïable que s'il avoit véritablement des Dieux, ils voudroient souffrir que des imposteurs abusassent de leurs noms et de leur autorité pour tromper si impunément les Hommes. D'ailleurs s'il ne tenoit qu'à quelques simples particuliers de dire que Dieu leur est paru en songe ou en secrét, et qu'il leur auroit parlé et qu'il leur auroit révélé en secrét tels ou tels misteres et qu'il 56 leur auroit donné en secrèt telles ou telles loix et ordonnances, s'il ne tenoit, dis-je, qu'à quelque par ticulier de dire cela, et même de suposer encore s'il falloit quelques prétendus miracles pour qu'ils soient crus sur leur parole, il est clair et évident qu'il n'y auroit point d'imposteur qui n'en pouroit faire autant en leur faveur, et qui ne pouroit dire avec autant d'assurance les uns que les autres qu'ils auroient eu des visions et des révélations du Ciel, que Dieu leur auroit parlé et qu'il leur auroit révélé tout ce qu'ils voudroient faire accroire aux autres. Ainsi ceux qui prétendent avoir eu des révélations secrètes des mistères, des loix, des ordonnances ou des volontés de Dieu ou des Dieux, si on veut, ne sont nullement croïables dans leur dire, et ils ne méritent pas d'être écoutés dans ce qu'ils en disent, parce qu'il n'est pas croïable, com me j'ai dit, que des Dieux qui seroient parfaitement bons et parfaitement sages comme on. les supose, voudroient jamais se servir d'une voïe si trompeuse et si suspecte que celle-là pour faire connoitre leurs volontés aux Hommes. Mais, comment donc, dira-t'-on, comment est-ce que tant d'erreurs et tant d'impostures ont pû s'étendre si généralement par tout le monde et comment ont-ils pû se maintenir si longtems et si fortement dans l'esprit des Hommes? Il auroit effectivement bien lieu de s'en étonner pour ceux qui ne savent juger des choses humaines que par l'extérieur, et qui ne voïent point tous les ressorts cachez qui les font mou voir; mais pour ceux qui savent en juger autrement et qui regardent les choses de près, qui voïent jouer 57 les ressorts de la fine politique des Hommes et qui commissent les ruses et les artifices dont les impos teurs sont capables de se servir pour venir bout de leur dessein, ce n'est plus pour eux un sujèt d'étonnement. Ils sont revenus de toutes leurs fines ses et de toutes leurs subtilités. Ils savent d'un côté ce que l'orgueil et l'ambition sont capables de faire dans l'esprit des Hommes. Ils savent d'un autre côté que les Grands de la Terre trouvent toujours assez de flateurs qui par des laches complaisances approuvent tout ce qu'ils font et tout ce qu'ils ont dessein de faire ils savent encore que les imposteurs et les Hypocrites emploïent toutes sortes de ruses et d'artifices pour par venir leurs fins, et enfin ils savent que les peuples étant foibles et ignorans, ils ne sauroient voir ni dé couvrir par eux-mêmes les ruses et les artifices dont on se sert pour les tromper, et qu'ils ne sauroient ré sister contre la Puissance des Grands qui les font plier comme ils veulent sous le poids de leur autorité et c'est justement par ce moïen-la, c'est-à-dire par l'auto rité des Grands, par les laches complaisances des Fla teurs, par les ruses et les artifices des imposteurs, et par l'ignorance et la foiblesse des Peuples, que toutes les erreurs, toutes les idolatries et toutes les supersti tions se sont répandues sur la Terre, et c'est par ce même moïen-là qu'ils s'y maintiennent et qu'ils s'y fortifient encore tous les jours. Mais rien ne prête plus beau jour l'imposture et aux progrès qu'elle fait dans le monde que cette avide curiosité que les peuples ont ordinairement d'entendre parler des choses extraordinaires et prodigieuses, et 58 cette grande facilité qu'ils ont de les croire car com me on voit qu'ils prennent plaisir en entendre par ler, qu'ils les écoutent avec étonnement et avec ad miration et qu'ils regardent toutes ces choses com me des vérités bien constantes, les hipocrites de leur côté et les imposteurs du leur .prennent plaisir leur forger des fables et leur en conter tant qu'ils veulent. Voici comme le Sr de Montagne* parle de ceci: »Le «vrai champ et le sujèt de l'imposture, dit-il, sont les choses inconnues d'autant qu'en prémier lieu »l'étrangeté même donne crédit; et puis n'étant point «sujètes nos discours ordinaires, elles nous ôtent «les moïens de les combattre. cette cause, dit Platon, »est-il bien plus aisé de satisfaire, parlant de la nature des Dieux, que de la nature des Hommes parce que «l'ignorance des auditeurs prête une belle et largo «carrière, et toute liberté au maniment d'une matière «cachée. Il advient de là qu'il n'est rien cru si fer- «mement qne ce qu'on sait le moins, ni gens si assurés que ceux qui nous content des fables. Et «quoique la varieté et discordance continuelle des «Evénemens les rejette de coin en coin et d'Orient «en Occident, ils ne laissent de suivre pourtant leur «brisée et du même craïon peindre le blanc et le «noir. a-t'-il, dit il, opinion si bizarre (je laisse «à part la grossière imposture des Religions de quoi «tant de grandes nations et tant de suffisans personnages se sont vus enivrés) a-t'-il, dit-il, opinion si bizare et si étrange que la coutume et imposture Ess. de Montagne Liv. 1. Ch. 31. pag. 182. ibid. pag. 78. 59 «n'ait planté et établi par loix es régions que bon lui »a semblé*. J'estime, continue-t'il, qu'il ne tombe »en l'imagination humaine aucune fantaisie si force- »née qui ne rencontre l'exemple de quelque usage «public et par conséquent que notre raison n'étaïe et «ne fonde sur quelque aparence de raison ou sur des «pretendus miracles, car les miracles, dit-il, sont selon «l'ignorance en quoi nous sommes, des choses de la «nature et non pas selon l'être de la nature même. «En effet, il n'y point eu d'opinion si fausse et si «erronée qu'elle puisse être, qui n'ait trouvé des fa u- «teurs, ni de pratique si extravagante qui n'ait été autorisée celle des augures est de cette condition; et «la raison de cela est que la vérité et le mensonge ont «leur visage conforme, le port, le goût et les allures «pareilles, nous les regardons de même oeil§.... «d'où vient que la plupart des hommes aiment mentir et qu'ils ne se contentent pas de débiter des «mensonges, mais sont bien aises aussi d'en entendre «et triomphent quand on les entretient de choses qui «ne sont que sornettes, ou qu'ils en content eux-mêmes. «C'est qu'ils trouvent leur profit. «Plusieurs et même de très grands personnages »ne se plaisent pas seulement tromper les autres, «mais se tromper aussi eux-mêmes; ce qui me don- »ne de l'étonnement mêlé de quelque indignation, dit «Lucien; car pour ne rien dire des Poetes qui ne «disent presque que des fables, n'avons nous pas, dit-il, des Historiens comme Ctesias, Herodote et Ess. de Montagne. Liv. I, Ch. 31, pag. 79. Eecueil des Conter Tom. 5, pag. 375. Ess. de Montagne 1036. 60 «plusieurs autres qui non contens d'abuser ceux de «leur siècle, ont voulu encore consigner leurs fables »à la Posterité, mais peut-on, dit-il, souffrir dans les «Poètes mêmes que Saturne chatre son Père, que «Venus soit engendrée de l'écume de la Mer, que «Promethée soit attaché une Croix sur le mont «Caucase où il est exposé un Aigle qui lui ronge «continuellement le foïe, que les Geans fassent la guerre aux Dieux, sans parler de leurs tragedies, des «Enfers, et de diverses métamorphoses de Jupiter, et «infinies autres sotises, outre ce qu'ils disent des chimeres, des gorgones, des Cyclopes et autres semblables reveries pour faire peur aux petits enfans. Encore passe, dit-il, pour les Poetes et les anciens «Historiens qui n'avoient rien de meilleur en ce tems-là »à nous débiter; mais que peut-on dire ou penser «des nations entières, comme les Candiots lorsqu'ils «montrent la sépulture de Jupiter et les Athéniens quand ils disent qu'Ericton et leurs prédécesseurs «naquirent de la Terre, comme si c'étoient des choux, «encore faudroit-il les semer. Les Thebains, dit-il, «sont encore plus extravagans lorsqu'ils se font venir «des dents d'un serpent: cependant ceux qui parmi eux ne croïent pas ces choses et autres telles impertinences, passent pour impies, comme s'ils s'attaquoient aux Dieux et qu'ils doutassent de leur pouvoir; tant le mensonge trouvé de croïance parmi les «Hommes; Pour moi, dit le même Lucien, je le pardonne aux villes qui le font pour rendre leur origine «plus auguste; mais de voir, dit-il, des Philosophes qui travaillent la recherche de la vérité, se plaire 61 »ù conter et entendre conter des Fables de cette «nature, comme si c'étoient des vérités infaillibles, «c'est ce que je ne puis comprendre et que je trouve «tout fait ridicule et insuportable; car je viens, «dit-il, tout présentement de Thebes, où j'ai oui tant »de fadaises, que j'ai été contraint de sortir, ne pou vant souffrir ceux qui les débitoient, ni ceux qui «prenoient 'plaisir les entendre." Au commencement de l'Eglise Chrétienne les En chanteurs et les Heretiques la troubloient beaucoup par diverses impostures, dit l'Auteur des Chroniques; il seroit trop long de rapporter ici quantité d'autres semblables témoignages. Ce que je viens de vous dire suffit pour vous faire clairement voir que toutes les Religions ne sont que des inventions humaines et par conséquent que tout ce qu'elles nous enseignent et nous obligent de croire comme surnaturel et divin n'est qu'erreur, mensonge, illusion et imposture; des erreurs dans ceux qui croïent trop légèrement des choses qui ne sont point et qui ne furent jamais, ou qui sont autrement qu'ils ne les croient; des illusions dans ceux qui s'imaginent voir et entendre des choses qui ne sont point; des mensonges dans ceux qui par lent de ces sortes de choses contre leur propre science et connoissance, et enfin des impostures dans ceux qui les inventent et qui les débitent, afin d'en imposer et d'en faire accroire aux autres, ce qui est certainement et si évidemment vrai que nos idolatres Déicoles et nos Chrislicoles eux-mêmes n'en sauroient disconvenir, c'est pourquoi aussi ils avouent chacun de leur part d'un commun consentement que ce n'est effectivement 62 qu'erreur, illusion, tromperie et imposture dans toute autre religion que la leur; cela étant, voilà déjà com me vous voïez, bien certainement la plus grande par tie des Religions reconnues pour fausses. Il ne s'agit donc plus maintenant que de savoir si dans un si grand nombre de fausses sectes et de fausses Religions qu'il dans le monde, il en au moins quelques-unes qui soient véritables ou que l'on puisse assurer plus véritable que les autres et être véritablement d'institution divine. IX. AUCUNE DES RELIGIONS QUI SONT DANS LE MONDE N'EST D'INSTITUTION DIVINE. Mais comme il n'y aucune secte particulière de Religion qui ne prétende être véritablement fondée sur l'autorité de Dieu, et qui ne prétende être en tièrement exemte de toutes les erreurs, de toutes les illusions et de toutes les tromperies et impostures qui se trouvent dans les autres, c'est affaire ceux qui prétendent établir ou maintenir la vérité de leur secte, de faire voir qu'elle est véritablement d'institution divine, et c'est qu'ils doivent chacun d'eux respec tivement faire voir par des preuves et par des témoi gnages si clairs, si sûrs et si convaincans que l'on n'en puisse raisonnablement et prudemment douter: par ce que si les preuves et les témoignages qu'ils en pouroient donner n'étoient pas tels, ils seroient du 65 moins, toujours suspects d'erreurs, d'illusions et de tromperies; et par conséquent ne seroient pas de suffisans témoignages de vérité, et personne ne seroit obligé d'y ajouter foi. Desorte que si aucun de ceux qui disent que leur Religion est d'insitution divine, ne sait en donner des preuves et des témoignages clairs, sûrs et convaincans, c'est une preuve claire, sûre et convaincante qu'il n'y en aucune qui soit véritablement d'institution divine, et par conséquent il faudrait dire et tenir pour certain qu'elles ne sont toutes que des inventions humaines, pleines d'erreurs, d'illusions et de tromperies. Car il n'est nullement croire ni presumer qu'un Dieu tout-puissant et qui seroit, comme on dit, infinement bon, infiniment sage, eut voulu donner des loix et des ordonnances aux hommes, et qu'il n'eut pas voulu qu'elles portas sent des marques et des témoignages plus sûrs et plus autentiques de vérités que celle des imposteurs qui sont en si grand nombre dans le monde; or il n'y aucun de nos Déicoles ni de Christicoles, de quelque bande et de quelque secte de Religion qu'il soit, qui puisse faire voir par des preuves claires, sûres et con vaincantes que sa Religion soit véritablement d'in stitution divine: et pour preuve de cela, c'est que depuis si longtems, et depuis tant de siècles, qu'ils sont en débats et en contestations sur ce sujèt, les uns contre les autres, et même jusqu'à se persécuter les uns les autres feu et sang, pour le maintien de leur opinion, il n'y cependant encore aucun par ti d'en tr'eux qui ait pû convaincre et persuader les autres partis advers par de tels témoignages de vé 64 ritè: ce qui certainement ne seroit point, s'il avoit de part ou d'autre des raisons, c'est dire des preuves ou des témoignages clairs, sûrs et convaincans d'une institution divine. Car, comme il n'y personne dans aucun parti, ni dans aucune secte de Religion, (je dis personne de ceux qui sont sages et éclairés et qui agissent de bonne foi) comme il n'y a, dis-je personne de ceux-là qui prétende soutenir et favoriser l'erreur et le mensonge, et qu'ils prétendent au con traire chacun de leur côté soutenir la vérité, le vé ritable moïen de bannir toute erreur, et de réunir tous les hommes en paix dans les mêmes sentimens et sous une même forme de Religion, seroit de pro duire ces preuves et ces témoignages clairs, sûrs et convaincans de la vérité, et de leur faire voir par cette voie, que c'est une telle ou telle Religion qui est véritablement d'institution divine, et non pas aucune des autres. Alors chacun ou au moins toutes les personnes sages se rendroient ces clairs et convain cans témoignages de vérité, et personne n'oserait en treprendre de les combattre, ni soutenir le parti de l'erreur et de l'imposture qu'il ne fut en même teins convaincu par des témoignages clairs, sûrs et con vaincans d'une vérité contraire. Mais comme ces clairs, sûrs et convaincans témoignages d'une insti tution divine, ne se trouvent dans aucune Religion et qu'ils ne se trouvent pas plus d'un côté que de l'autre, c'est ce qui donne lieu aux imposteurs d'in venter et de soutenir hardiment toutes sortes de men songes et d'impostures; c'est ce qui fait que ceux qui les croient aveuglement, s'opiniâtrent si forte- -- 05 ment chacun dans son parti la défense de leur Religion; et c'est en même tems une preuve claire et convaincante que toutes leurs Religions sont fausses et qu'il n'y en aucune qui soit véritablement d'in stitution divine, et par conséquent j'ai eu raison de vous dire, mes chers amis, que toutes les Religions qui sont dans le monde, ne sont que des inventions humaines, et que ce n'étoit qu'erreur, abus, vanité, illusion, tromperie, mensonge et imposture de tout ce qui se débitoit, et de tout ce qui se pratiquoit dans le monde pour le culte et l'adoration des Dieux. Voilà la prémière preuve que j'avois vous en donner, la quelle est certainement dans son genre, aussi claire, aussi forte et aussi convaincante qu'il en puisse avoir. Mais en voici encore d'autres qui ne le seront pas moins et qui ne feront pas moins clairement voir la faus seté des Religions et particulièrement la fausseté de notre Religion Chrétienne. Car comme c'est par celle-là, mes chers amis, que l'on vous tient captifs dans mille sortes d'erreurs et de superstitions et que je souhaiterois pouvoir vous désabuser et pouvoir vous donner lieu de mettre vos esprits et vos consciences en repos contre les fausses craintes et les fausses espérances que l'on vous donne des biens et des maux d'une autre prétendue vie, je m'attacherai principalement vous faire voir clairement la vanité et la fausseté de votre Religion; ce qui suffira pour vous désabuser en même tems de toutes les autres, puisque voïant la fausseté de la votre que l'on vous fait accroire être si pure, si sainte et si divine, vous jugerez assez facilement de la vanité et de la fausseté de toutes les autres. 66 X. La Foi qui sert de fondement toutes les Religi ons n'est qu'un principe d'erreurs, d'illusions et d'im postures. Voici comme je m'y prends. Toute Religion qui pose pour fondement de ses mistères et qui prend pour règle de sa Doctrine et de sa Morale un principe d'erreurs, d'illusions, d'impostures et de divisions éter nelles parmi les hommes, ne peut être une véritable Religion, ni être véritablement d'institution divine, or toutes les Religions et principalement la Religion Chre tienne posent pour fondement de leurs mistères et prennent pour règle de leur Doctrine et de leur Mo rale un principe d'erreurs, d'illusions et d'impostures. Donc etc. je ne vois pas que l'on puisse nier la pre mière Proposition de cet argument, elle est trop claire et trop évidente pour pouvoir en douter. Je passe donc la preuve de la seconde, qui est que toutes les Religions et principalement la Religion Chrétienne posent pour fondement de leurs mistères et prennent pour règle de leur Doctrine et de leur morale un prin cipe d'erreur, d'illusion et d'imposture; c'est ce qu'il me paroit assez facile de faire clairement voir; car il est visible et constant que toutes les Religions et prin cipalement la Chrétienne posent pour fondement de leurs mistères et prennent pour règle de leur Doctrine et de leur morale ce qu'ils appellent la Foi, c'est dire une croïance aveugle, mais cependant une croïance ferme et assurée de quelque Divinité, comme aussi une croïance aveugle mais ferme et assurée de quel 67 ques loix ou de quelques révélations divines. Et il faut nécessairement qu'elles la suposent ainsi; car c'est cette croïance de quelque Divinité et de quelque ré vélation divine, qui leur donne tout le crédit et toute l'autorité qu'elles ont dans le monde, sans quoi on ne feroit aucun état de ce qu'elles enseigneroient ni de ce qu'elles ordonneroient de faire et de pratiquer. C'est pourquoi il n'y point de Religion qui ne recommande par dessus tout ses sectateurs d'être fermes dans leur foi; c'est dire d'être fermes et immobiles dans leur croïance. De là vient que tous les Deicoles et principalement nos Christicoles tiennent pour maxime que la foi est le commencement et le fondement du salut et qu'elle est la racine de toute justice et de toute sanctification, comme il est marqué dans le Con cile de Trente *. Us disent que sans la Foi il est impossible de plaire Dieu; d'autant qu'il faut, ajou tent-ils, que celui qui veut s'aprocher de Dieu, croïe prémièrement qu'il un Dieu et qu'il recompensera ceux qui le cherchent f, 11 est donc visible et con stant, comme j'ai dit, que toutes les Religions et principalement la Religion Chrétienne posent pour fon dement de leurs mistères et prennent pour règle de leur Doctrine et de leur Morale la Foi, qui est, comme j'ai dit, une croïance de quelque Divinité et même une croïance aveugle de quelques loix ou de quelques révélations divines; elles veulent même que cette croïance soit ferme et assurée afin que leurs secta teurs ne se laissent pas facilement aller au changement. Sess. G. ch. 8. Hebr. 11: 6. 68 Cette croïance néanmoins est toujours aveugle; parceque les Religions ne donnent et ne sauroient même donner aucune preuve claire, sure et convaincante de la vérité de leurs prétendus saints mistères, ni de leurs prétendues révélations divines. Elles veulent que l'on croïe absolument et simplement tout ce qu'elles en disent, non seulement sans en avoir aucun doute, mais aussi sans rechercher, même sans désirer d'en connoitre les raisons: car ce seroit, selon elles, une im pudente temerité et un crime de lêze Majesté Divine, de vouloir curieusement chercher des raisons et des preuves de ce qu'elles enseignent, et de ce qu'elles obligent de croire, comme venant de la part de Dieu, alléguant pour toute raison cette maxime qu'ils tirent d'un de leurs prétendus saints Livres, et qu'ils regar dent comme une sentence formidable, où il est dit que ceux qui veulent trop éplucher et trop sonder les secrets de la Divine Majesté de Dieu, se trouveront oprimés par l'éclat de sa gloire *. Qui scrutator est Majestatis oprimettir gloriâ. La Foi "f, disent nos pieux Christicoles, est le soutient des choses qu'ils espèrent, et la raison persuasive de celles qu'ils ne voïent point. Leur foi, suivant ce qu'ils disent, n'auroit point de mérite, si elle s'apuïoit sur l'expérience des sens et sur des raisonnemens humains. Le plus pres sant et le plus puissant motif, selon eux, de croire les choses les plus incompréhensibles et les plus incroïables, est de n'en avoir point d'autre que celui de leur foi, qui est, comme j'ai dit, une croïance aveugle Prov. 25, 27. Hebr. 11 1. 69 de tout ce que la Religion les oblige de croire. De-là vient qu'ils tiennent encore pour maxime qu'il faut renoncer cet égard toutes les lumières de la Rai son et toutes les aparences des sens pour captiver leur esprit sous l'obéissance de leur Foi. En un mot ils tiennent que pour croire fidèlement, il faut croire aveuglement, sans raisonner et sans vouloir chercher des preuves. Or il est évident qu'une croïance aveugle de tout ce qui se propose sous le nom et l'autorité de Dieu, est un principe d'erreurs, d'illusions et d'im postures; puisque l'on voit effectivement qu'il n'y aucune erreur, aucune illusion, aucune imposture en matière de Religion qui ne préteude se couvrir du nom et de l'autorité de Dieu, et qu'il n'y aussi aucun des imposteurs qui les inventent ou proposent, qui ne se disent tous particulièrement inspirés et en voïés de Dieu. Donc toutes les Religions posant pour fondement de leurs mistères et prenant toutes pour régle de leur Doctrine et de leur Morale qu'il faut croire aveuglement tout ce qu'elles proposent de la part de Dieu, elles posent pour fondement de leurs mistères et prennent pour règle de leur Doctrine et de leur Morale un principe d'erreurs, d'illusions et d'impostures: Donc etc. 70 XL ELLE N'EST AUSSI QU'UNE SOURCE ET UNE CAUSE FATALE DE TROUBLES ET DE DIVISIONS ÉTERNELLES PARMI LES HOMMES. Et non seulement cette foi ou cette croïance aveu gle qu'elles posent pour fondement de leur Doctrine et de leur. Morale, est un principe d'erreurs, d'illu sions et d'impostures, mais est aussi une source fu neste de troubles et de divisions éternelles parmi les hommes: car comme ce n'est point par raison, mais plutôt par opiniatreté qu'ils s'attachent les uns et les autres la croïance de leur Religion et de leurs pré tendus saints mistères, et qu'ils croïent aveuglément chacun de leur part être au moins aussi bien fondés que les autres dans leur croïance, et dans le maintient de leur Religion, et que cette croïance aveugle qu'ils ont chacun de leur côté de la prétendue verité de leur Religion, les oblige de regarder toutes les autres comme fausses, et qu'elle les oblige même maintenir cha cun la leur au péril de leurs vies et de leurs fortu nes et aux dépens de tout ce qu'ils auroient de plus cher: c'est ce qui fait qu'ils ne peuvent s'accorder entr'eux, sur le fait de leur Religion, et qu'ils ne s'y accorderont jamais: et c'est ce qui cause aussi per pétuellement entr'eux, non seulement des disputes et des contestations verbales, mais aussi des troubles et des divisions funestes. C'est pourquoi aussi on voit 71 tous les jours qu'ils se persécutent les uns les autres feu et sang pour le maintient de leurs folles croyan ces et Religions, et qu'il n'y point de maux et de mechancetés qu'ils n'exercent les uns contre les autres, sous ce beau et spécieux prétexte de défendre et de maintenir la prétendue verité de leur Religion, les foux tous autant qu'ils sont! Voici ceque dit le S1', de Montagne* sur ce sujet: »il n'est point, dit-il, d'hos tilité excellente comme la Chrétienne. Notre zèle, dit-il, fait merveille, quand il va secondant notre «pante vers la Haine, la Cruauté, l'Ambition, l'Avarice, »la Détraction, la Rébellion. contrepoil, continue-t'-il, «vers la bonté, la bégnité, la tempérance, si, comme »par miracle, quelque rare complexion ne s'y porte, «il ne va ni de pié, ni d'aîle. Notre Religion, ajoute-t'-il, est faite pour extirper les vices, elle »les couvre, les nourrit, les incite." En effet on ne voit point de guerres si sanglantes et si cruelles que celles qui se font par un motif ou par un prétexte de Religion: car pour lors chacun s'y porte aveugle ment avec zèle et avec fureur et chacun tâche de faire de son Ennemi un sacrifice Dieu, suivant ce dire d'un Poëte *J" inde furor vulyo, quod numina vicinorum odit uterque locus, quum solos credat habendos esse Deos quos ipse colit; jusqu'où les Hommes ne se portent-ils pas, dit Mr. de la Bruyère pour l'intérêt de la Religion dont ils sont si peu persuadés et qu'ils pratiquent si mal. Essai de Montagne, p. 408. Juv. Sat. 15. 36. Caractère, p. 573, 72 Cet argument me paroit jusqu'ici tout évident; or il n'est pas croïable qu'un Dieu Tout-puissant qui seroit infiniment bon et infiniment sage, voudrait jamais se. servir d'un tel moïen, ni d'une voïe si trompeuse que celle-là pour établir ses loix et ses ordonnances, ou pour faire connoitre ses volontés aux Hommes; car ce seroit manifestement vouloir les in duire en erreurs, et vouloir leur tendre des pièges, pour leur faire prendre aussitot le parti du menson ge que celui de la verité. Ce qui n'est constam ment pas croïable d'un Dieu, qui seroit tout-puissant, infiniment bon et infiniment sage. Pareillement il n'est pas croïable qu'un Dieu, qui aimeroit la paix et l'union, qui aimeroit le bien et le salut des hommes, tel que seroit un Dieu infiniment parfait, infiniment bon et infiniment sage, et que nos Christicoles euxmêmes qualifient de Dieu de paix, de Dieu d'amour, de Dieu de charité, de Père de miséricorde et de Dieu de consolation etc., il n'est pas croïable, dis-je, qu'un tel Dieu auroit jamais voulu établir et mettre pour fondement de Religion une source si fatale et si funeste de troubles et de divisions éternelles parmi les Hommes, comme est cette croïance aveugle dont je viens de parler, laquelle seroit mille et mille fois plus funeste aux Hommes, que ne fut jamais cette pomme d'or que la Déesse Discorde jetta malicieuse ment dans l'Assemblée des Dieux aux noces de Pélée et de Thetis, et qui fut cause de la ruine de la ville et du Roïaume de Troïe, suivant le dire des Poètes. Donc des Religions qui posent pour fondement de leurs mistères et qui prennent pour règle de leur Doc 75 trine et de leur Morale une croïance aveugle; qui est un principe d'erreurs, d'illusions et d'impostures, et qui est encore une source fatale de troubles et de di visions éternelles parmi les Hommes, ne peuvent être véritables, ni avoir été veritablement instituées de Dieu, et comme toutes les Religions posent pour fondement de leurs mistères et prennent pour règle de leur Doc trine et de leur Morale une croïance aveugle, comme je viens de le montrer, il s'en suit evidemment qu'il n'y aucune véritable Religion, et qu'il n'y en même aucune qui soit véritablement d'institution divine, et par conséquent j'ai eu raison de dire qu'elles étoient toutes des inventions humaines et que tout ce qu'elles veulent persuader des Dieux, de leurs loix et de leurs ordonnances ou de leurs mistères, et de leurs préten dues révélations, ne sont que des erreurs, des illusi ons, des mensonges et des impostures. Tout cela suit évidemment. Mais je vois bien que nos Christicoles ne manque ront pas de recourir ici leurs prétendus motifs de crédibilité, et diront que quoique leur Foi ou leur Croïance soit aveugle en un sens, elle ne laisse pas néanmoins d'être apuïée et confirmée par tant de si clairs, si sûrs et si convaincans témoignages de vérité, que ce seroit non seulement imprudence, mais aussi une témérité et une opiniâtreté et même une folie très-grande de ne vouloir pas se rendre. Ils rédui sent ordinairement tous ces prétendus motifs de cré dibilité trois ou quatre chèfs. Le premier ils le tirent de la pureté et de la pré tendue sainteté de leur Religion qui condamne, disent 74 ils, toutes sortes de vices, et qui récompense la pra tique de toutes les vertus. Sa Doctrine est si pure et si sainte, ce qu'ils disent, qu'il est visible parlà qu'elle ne peut venir que de la pureté et de la sainteté d'un Dieu infiniment bon et infiniment sage. Le second motif de crédibilité ils le tirent de l'in nocence et de la sainteté de ceux qui l'ont prémiè rement embrassée avec tant d'amour, de ceux qui l'ont avancée avec tant de zèle, qui l'ont maintenue si con stamment et qui l'ont si genereusement défendue au péril de leur vie, jusqu'à l'effusion de leur sang, et même jusqu'à souffrir la mort et les plus cruels tourmens, plutôt que de l'abandonner, n'étant pas çroïable, disent nos Christicoles, que tant de si grands person nages, si saints, si sages, si éclairés, se seroient laissé tromper dans leur croïance, ou qu'ils auroient voulu renoncer, comme ils ont fait, tous les plaisirs, tous les avantages et toutes les commodités de la vie et s'exposer encore eux-mêmes tant de peines et de travaux, et même tant de si rigoureuses et cruelles persecutions, pour maintenir seulement des erreurs et des impostures. Ils tirent leur troisième motif de crédibilité des Pro fêtes et des Oracles qui ont été en différens tems, et depuis si longtems rendus en hpur faveur, tous les quels oracles et Propheties se trouvent, ce qu'ils disent, si manifestement et si clairement accomplis dans leur Religion, qu'il n'est pas possible de douter que ces oracles et prophéties ne viennent véritable ment d'une inspiration et d'une révélation toute di vine, n'y aïant qu'un seul Dieu qui puisse si claire 75 ment et si sûrement prévoir et prédire les choses futures. Enfin leur quatrième motif de crédibilité, et comme le principal de tous se tire de la grandeur et de la multitude de miracles et prodiges extraordinaires et surnaturels, qui ont été faits en tout tems et en tous lieux en faveur de leur Religion, comme sont par exemple de rendre la vûë aux aveugles, l'ouië aux sourds, faire parler les muèts, faire marcher droit les boiteux, guérir les paralitiques et les démoniaques et généralement guérir toutes sortes de maladies et d'in firmités en un moment et sans apliquer aucun re mède naturel, et même ressusciter les morts, et enfin faire toutes sortes d'autres oeuvres miraculeuses et surnaturelles, qui ne se peuvent faire que par une Puis sance toute divine; lesquels miracles et prodiges sont, comme disent nos Christicoles, des motifs et des té moignages si clairs, si sûrs et si convaincans de la vérité de leur croïance, qu'il n'en faut point chercher davantage pour se persuader entièrement de la vérité de leur Religion; en sorte qu'ils regardent non seule ment comme une imprudence, mais aussi comme une opiniâtreté et comme une témérité et même comme une très-grande folie de penser seulement vouloir contredire tant de si clairs et de si convaincans témoi gnages de vérité. C'est une grande folie, disoit un fameux personnage d'entr'eux *, c'est une grande folie de ne pas croire l'Evangile, dont la doctrine est si pûre et si sainte, dont la vérité été publiée par Pic de la Mirand. 76 tant de si grands, si doctes, et si saints personnages, qui été signée par le sang de tant de si glorieux martyrs, qui été embrassée par tant de si pieux et si savans docteurs, et qui été enfin confirmée par tant de si grands et si prodigieux miracles, qui ne peuvent avoir été faits que par la toute-puissance d'un Dieu. l'occasion de quoi un autre fameux per sonnage d'entr'eux adressoit hardiment ces paroles son Dieu. Seigneur, lui disoit-il, si ce que nous croïons de vous, est erreur, c'est vous même qui m'avez trompé; car tout ce que nous croïons, disoitil, été confirmé par tant de si grands et si prodi gieux miracles, qu'il n'est pas possible de croire qu'ils aïent pû avoir été faits par d'autres que par vous. XII. Mais il est facile de réfuter tous ces vains raisonnemens, et de faire clairement voir la vanité de tous ces prétendus motifs de crédibilité et de tous ces pré tendus si grands et si prodigieux miracles que nos Christicoles apellent des témoignages clairs et assurés de la vérité de leur Religion. Car 1°. il est évident que c'est une erreur de prétendre que des argumens et des preuves, qui peuvent également et aussi faci lement servir établir ou confirmer le mensonge Rich. de S. Victor. 77 et l'imposture, comme établir ou confirmer la vé rité, puissent être des témoignages assurés de la vé rité; or les argumens et les preuves que nos Christicoles tirent de leurs prétendus motifs de crédibilité, peuvent également et aussi facilement servir établir et confirmer le mensonge et l'imposture comme établir et confirmer la vérité. Pour preuve de quoi c'est que l'on voit effectivement qu'il n'y point de Religion si fausse quelle puisse être, qui ne prétende s'apuïer sur de semblabes motifs de crédibilité; il n'y en point qui ne prétende d'avoir une Doctrine sainte et véritable, il n'y en point qui ne prétende, au moins en sa manière, condamner tous les vices et re commander la pratique de toutes les vertus, il n'y en point qui n'ait eu des doctes et zélés défenseurs, qui ont souffert de rudes persécutions, et la mort même pour le maintien et pour la défense de leur Religion; et enfin il n'y en point qui ne prétende avoir des miracles et des prodiges qui ont été faits en leur faveur. Les Mahometans, par exemple, en alle guent en faveur de leur fausse Religion, aussi bien que les Chrétiens. Les Indiens en alleguent en faveur de la leur et tous les Païens aussi en alleguoient quantité en faveur de leur fausse Religion; temoins toutes ces merveilleuses et miraculeuses metamorpho ses sont comme autant de prodigieux miracles qui se seroient faits en faveur des Religions païennes. Si nos Christicoles font état des Oracles et propheties, qu'ils prétendent avoir été faites en leur faveur et en faveur de leur Religion, il ne s'en trouve pas moins dans les Religions Païennes que dans la leur, et ainsi 78 l'avantage que l'on pouroit tirer de tous ces préten dus motifs de crédibilité se trouve peu prés éga lement dans toutes les Religions. C'est ce qui donné lieu au judicieux Montagne de dire »que toutes «aparences sont communes toutes Religions: espé- «rance, confiance, évênemens, ceremonies, pénitences, «martyrs etc. *J* Dieu, dit-il, recevant et prenant en «bonne part l'honneur et la réverence que les hu- «mains lui rendent, sous quelque visage, sous quelque «nom et en quelque manière que ce fut. Ce zèle, «dit-il, universellement été vû du ciel de bon oeil. «Toutes Polices, ajoute t-il, ont tiré fruit' de leur «dévotion." Les Histoires païennes reconnoissent, dit-il, de la dignité, ordre, justice et des prodiges et des oracles emploïes leur profit et instruction en leurs Reli gions fabuleuses §. Auguste, dit-il, encor, comme j'ai déjà marqué, eut plus de temples que Jupiter et fut servi avec autant de religion et croïance de miracles. Delphes, ville de Reoce, il avoit autrefois un Temple très-célèbre dédié Apollon, où il rendoit ses oracles, et pour ce étoit-il fréquenté de toutes les par ties du monde, enrichi et orné d'infinité de voeux et offrandes de très-grande valeur. Pareillement en Epidaure, ville de Peloponése ou Dalmatie ** il avoit autrefois un Temple très-célèbre dédié Esculape, Dieu de la Médecine, où il rendoit des oracles, et où les Romains eurent recours lui, lorsqu'ils furent affligés de la peste, faisant transporter ce Dieu en forme de Essai de Montagne, pag. 406. Ibid. 48. Ibid. pag. 498. ** Dict. Hist, 79 Dragons dans leur ville de Rome; et l'on voïoit dans son temple d'Epidaure quantité de tableaux, où étoient représentées les cures et les guérisons miraculeuses qu'il avoit faites et plusieurs autres semblables exem ples, qu'il seroit trop longs de raporter ici. Cela étant, comme toutes les histoires et les pratiques de toutes les Religions le démontrent, il s'en suit évidemment que tous ces prétendus motifs de crédibilité, dont nos Christicoles veulent tant se prévaloir, se trouvent éga lement dans toutes les Religions et par conséquent ne peuvent servir de preuves ni de témoignages as surés de la vérité de leur Religion, non plus que de la vérité d'aucune autre. La conséquence est claire et évidente. XIII. 2°. Il est évident que c'est une erreur de prendre pour témoignages assurés de la verité et de la sain teté d'une Religion des signes ou des effets qui peu vent venir également du vice comme de la vertu, ou de l'erreur comme de la vérité, ou qui peuvent avoir été aussitot faits par des imposteurs et des trompeurs, comme par des personnes de piété et de probité. C'est ce qu'il est facile de prouver evidemment tant par les exemples de ceux que l'on dit avoir été faits autre fois dans les fausses Religions que par le temoignage de ce que nos Christicoles apellent la parole de Dieu, 80 et par le témoignage même de celui qu'ils adorent comme leur Dieu et leur Sauveur lesquels témoigna ges nous marquent expressément que ces sortes de signes et de prétendus miracles ont été faits, et qu'ils peuvent encore se faire en faveur de l'erreur et du mensonge par de faux prophetes et par des impos teurs. 4°. Pour ce qui est des exemples de ces pré tendus miracles on en voit, si on veut les croire, presque une infinité dans les fausses Religions du Pa ganisme: on en voit pour ainsi dire un million dans les métamorphoses d'Ovide et dans toutes les autres fables des Païens; on en voit quantité qui sont raportés par Philostrate dans la vie d'Apollonius de Thiane ville de Capadoce. On voit dans les Actes des Apotres que Simon surnommé le Magicien faisoit dans la ville de Samarie des oeuvres si merveilleuses que chacun disoit de lui qu'il étoit la grande vertu de Dieu. Pareillement il fit Rome, comme j'ai déjà remarqué, tant de prodiges et de miracles qu'on lui dressa une statue avec cette inscription: Simon Dieu saint. Tite-Live raporte que Tuccia vierge vestale aïant été accusée d'inceste, fit preuve de sa chasteté en portant du Tibre au Temple de la Déesse Vesta un crible plein d'eau. Ovide raporte pareillement que Claudia, autre vierge vestale, pour faire preuve de sa virginité fit voguer avec son simple ceinturon le vais seau ou étoit le simulacre de la Déesse Cybele qui étoit si fortement ancré au quai, que plusieurs mil liers de personnes n'a voient pu le faire voguer. Ta Ovide au IVme Liv. de ses Fastes. 81 cite raporte que l'Empereur Vespasien étant Alexandrie guérit un aveugle en un instant en lui tou chant seulement les yeux, et qu'il guérit aussi un manchot en le touchant seulement de la plante du pié. JElius Spartianus dit que l'Empereur Adrien guérit aussi un Aveugle né en lui touchant seulement les yeux. On dit que l'Empereur Aurelien fait aussi de sem blables cures merveilleuses par son simple attouche ment. Pyrrus, Roi des Epirotes, guérissoit, dit Plutarque, tous les Rateleux en leur touchant seule ment la rate avec le gros doigt de son pié droit; et il ajoute que son corps aïant été brûlé après sa mort, le dit gros doigt de son pié l'ut trouvé encore tout entier sans avoir aucunement été endommagé par le feu. Strabon dit que ceux qui sacrifioient la Déesse Féronie marchoient piés nuds sur des char bons ardens sans se brûler; il en dit autant des Re ligieux de la Déesse Diane. Coelius raporte que le Dieu Bacchus donna aux Enfans d'Anius Grand Prêtre d'Apollon le pouvoir de changer tout ce qu'ils voudroient en bled, vin, huile etc. par leur seul attouchement. Ovide dans ses Fastes, Diodore Sicilien ** et Strabon "ff raportent que Jupiter donna aux Nymphes qui l'a voient nourri, une corne de la chevre qui l'a voit alaité; laquelle corne avoit cette proprieté qu'elle leur fournissoit abon damment tout ce qu'elles avoient souhait, laquelle fut pour ce sujèt apellée Corne d'abondance. Tacite. Hist. lib. 4°. N°. 81. Confess. T. V. p. 297. Ovide. Liv. des Fastes. ** Diod. Liv. Ch. et Liv. Cli. 2. tf Str. Liv. 10. 82 Si les eaux de la Mer Rouge se sont séparées et divisées d'elles mêmes pour laisser aux Israëlites un passage libre lorsqu'ils fuïoient devant les Egyptiens qui les poursuivoient, comme il est marqué dans l'His toire des Juifs, la même chose, dit Joseph Historien juif, est arrivée longtems depuis aux Macedoniens quand ils passèrent la Mer de Pamphilie sous la con duite d'Alexandre, lorsqu'il alloit subjuguer l'Empire des Perses. Enfin les Magiciens de Pharaon dont il est parlé dans les livres de Moïse faisoient devant lui les mêmes miracles que faisoit Moïse. Si Moïse faisoit changer son bâton en serpent, les magiciens en faisoient de même des leurs.. Si Moïse fit changer les eaux en sang, les Magiciens en firent autant. Si Moïse eut le pouvoir de faire naitre des grenouilles en quantité, les Magiciens l'eurent aussi. Si Moïse fit venir des vermines et des mouches, autant en firent les Magiciens fecerunt autem et malefici per incantationes suas similiter eduzerunt que ranes super ter rain Egypti. Et s'il est marqué ensuite que les Ma giciens de Pharaon furent enfin vaincus par Moïse dans l'art de faire ces sortes de prodiges, quand cela seroit, il ne faudroit pas s'en étonner ni assurer pour cela que Moïse agissoit par une Puissance surnatu relle et divine puisque l'on voit tous les jours que dans toutes sortes d'Arts et de Sciences, il des ouvriers et des docteurs plus habiles, plus savaos et plus subtils les uns que les autres. Quand il ne s'agiroit que de danser et de voltiger sur une corde, ou Exod. 8:7. 83 de faire des tours de gibecière, il se trouverait des hommes plus adroits et plus subtils les uns que les autres faire ces beaux exercices-là. Et ainsi quand on suposeroit que Moïse aurait effectivement fait ce que les autres Magiciens n'auraient pû faire, il ne s'en suivroit pas de-là, qu'il aurait agi par une Puis sance divine, mais seulement qu'il aurait été plus habile, plus savant ou plus adroit, et plus expérimenté dans son art que les autres. On pouroit raporter une infinité d'autres semblables exemples qui prouveraient la même chose, mais il est inutile d'en raporter ici davantage. Nos Christicoles ne voudraient pas dire que tous ces prétendus miracles des Magiciens de Pharaon aïent été des preuves claires et convaincantes de vérité, ni qu'ils aïent été faits par de saints personnages: il faut donc malgré eux qu'ils reconnoissent que ces sortes de signes et effets peuvent également venir du vice comme de la vertu, de l'erreur comme de la vérité, et qu'ils peuvent se faire comme avoir été faits par des trompeurs et par des imposteurs, aussi bien que par des personnes de probité, et par consé quent qu'ils ne sont point des preuves ni des témoigna ges certains et assurés de la vérité d'une Religion. S'ils disent que tous ces prétendus miracles faits par les Magiciens de Pharaon, ou ceux qu'on dit avoir été faits dans le paganisme en faveur de l'erreur, ou en faveur de quelque fausse Religion, ne sont que de faux miracles, ou que ce ne sont que des fables et qu'il ne faut pas ajouter foi ceux qui les raportent, on leur répondra 1°. qu'il est aussi facile d'en dire 6* autant des leurs, et qu'il n'y pas plus de raison de croire les uns que les autres, ou du moins il est certain qu'on ne sauroit discerner par aucune voïe certaine s'il plus de raison de croire les uns que les autres, et on pouroit même dire dans un doute de cette nature qu'il auroit peut-être moins d'aparence de raison de croire les miracles que l'on dit avoir été faits dans le commencement du Christianisme. Et la raison de cela est que ceux du Paganisme sont pour la plûpart raportés par plusieurs graves Histo riens qui ont été connus et estimés dans leur tems; au lieu que ceux du commencement du Christianisme ne sont raportés que par des gens ignorans, gens de bas aloi, et qui n'étoient ni connus ni estimés dans leur tems et dont on ne connoit encore maintenant que les noms: encore n'est il pas sûr qu'ils portoient pour lors les noms qu'on leur donne. XIV. On pouroit dire par exemple qu'il auroit plus d'aparence de raison de croire Philostrate dans ce qu'il récite dans le VIII livre de la vie d'Apollonius que de croire tous les Evangelistes ensemble dans ce qu'ils disent des miracles de J. C. parceque l'on sait au moins que Philostrate étoit un homme d'esprit, Dict. Hist. 85 éloquent et discret, qu'il étoit favori et Secrétaire de l'Impératrice Julie, femme de l'Empereur Severe, et que ç'a été la sollicitation de cette Impératrice qu'il écrit ses livres de la vie et des actions merveil leuses d'Apollonius; marque certaine que cet Apollo nius s'étoit rendu fameux par quelques grandes et extraordinaires Actions puisqu'une Impératrice étoit si curieuse d'avoir sa vie et ses actions par écrit. Ce que l'on ne peut nullement dire de J. C. ni de ceux qui ont écrit sa vie, car ils n'étoient, comme je viens de dire que des ignorans, des gens de la lie du peu ple, de pauvres mercenaires et de pauvres pécheurs qui n'avoient pas seulement l'esprit de raconter de suite et par ordre les faits dont ils parlent, et qui se contredisent même assez souvent dans le récit qu'ils en font. Et l'égard de celui dont ils décrivent la vie et les Actions, s'il avoit véritablement fait tous les miracles qu'ils disent, il se seroit infailliblement rendu recommandable et illustre par toutes ses belles Actions, et n'auroit pas manqué de s'attirer par là l'admiration des Peuples, comme ont fait tous les Grands Hommes, et notamment comme ont fait cet Apollonius et ce Simon dont je viens de parler, que l'on regardoit dans, leur lems comme des Hommes tous divins, et auxquels on érigeoit des Statues, comme des Dieux. Mais au lieu de cela le Christ des Chré tiens n'a été regardé pendant sa vie que comme un homme de néant, comme un homme méprisable, comme un insensé fanatique, et enfin comme un miserable Pendart: quelle aparence donc de croire qu'il ait vé ritablement l'ait tant de si beaux miracles! Il au 86 contraire bien plus d'aparence de croire qu'il n'étoit véritablement qu'un insensé fanatique, et ainsi que le Christianisme n'étoit dans son commencement qu'un pur fanatisme; c'est ce que j'ai dessein aussi de faire plus amplement voir dans la suite. Secondement on leur répondra que les mêmes livres qui parlent par exemple des miracles de Moïse, par lent aussi des miracles des Magiciens de Pharaon, et disent expressément que les Magiciens faisoient les mêmes miracles, c'est dire les mêmes choses que faisoit Moïse, fecertmtque similiter etc. Cela étant, nos Christicoles ne sauroient nier que ces prétendus mi racles ne se fassent aussi bien par les médians que par les bons, et qu'ils ne se fassent aussitôt en fa veur du vice et du mensonge, qu'en faveur de la vérité et de la vertu, et par conséquent il est clair et évident que ces prétendus motifs de crédibilité ne sont point des preuves ni des témoignages assurés de la vérité. 11 ne serviroit de rien de dire, comme ils font ordinairement, que les Magiciens de Pharaon furent enfin vaincus par Moïse et qu'ils ne purent plus lui résister, cela pouroit bien être; mais il ne s'en suit pas de-là, comme j'ai dit, que son pouvoir ait été plus surnaturel et divin que celui des Magiciens, puis qu'il dans toutes sortes d'Arts et de Sciences des ouvriers plus habiles et plus subtils les uns que les autres. Et d'ailleurs si Moïse dans cette occasion vaincu les Magiciens, il auroit peut-être pû être lui-même vaincu par eux dans une autre, ou vaincu par quelques autres Magiciens plus habiles que lui s'ils se fussent trouvés dans la même occasion; et 87 ainsi la preuve qui se tire de ces prétendus miracles est une foible preuve de la vérité, et elle est d'autant plus foible qu'il n'y pas même lieu d'ajouter pru demment foi ce que les auteurs en disent. C'est pourquoi Joseph lui même faux Historien des Juifs, après avoir parlé des plus grands miracles que l'on disoit et que l'on croïoit avoir été faits en faveur de sa Nation et de sa Religion, il en diminue aussitôt la croïance et la rend suspecte en disant qu'il laisse chacun la liberté d'en croire ce qu'il voudra, mar que bien certaine qu'il n'ajoutoit pas beaucoup de foi lui-même ce qu'on en disoit; et c'est aussi ce qui donne lieu aux plus judicieux de regarder les His toires qui parlent de ces sortes de choses comme des narrations fabuleuses qui ne méritent pas qu'on ajoute aucune foi. Voici comme l'Auteur de l'Apologie des grands hommes en parle: »ce seroit, dit il, per dre le tems credit que de couper des branches au lieu de la racine; il faut, dit-il, commencer par icelle la ruine de toutes les fabuleuses narrations et mon trer que tout ce que l'on dit de la Magie et des Démons ne se peut prouver ni par raison, ni par ex périence, et quant ce qui est des extases, évoca tions et autres miracles de certains personnages *, dont on parle, on ne doit pas prendre la peine de les ré futer parce qu'elles se détruisent assez d'elles-mêmes par les absurdités qui les accompagnent, et par le doute que fait Eunapius d'être pris pour un imposteur en nous les racoutant. Des faux miracles, des fausses Apolog. des Gr. Hom. T. 1. p. 244. 88 possessions et des fausses résurrections qui se font parmi les Schismatiques Grecs, il faut voir la relation des Missionnaires de l'Isle de Santerini, il trois chapitres de suite sur cette belle matière." C'est merveille, dit le Sr de Montagne de com bien vains commencemens et frivoles causes naissent ordinairement si fameuses impressions que celles de la croïance des miracles Notre vue, dit-il, repré sente aussi souvent de loin des images étranges qui s'évanouissent en s'aprochant. Plus jusqu'à cette heure tous ces miracles et événemens étranges se cachent, Plus, dit-il, devant moi j'ai vu, dit-il, la naissance de plusieurs miracles de mon tems. Encore qu'ils s'étouffent en naissant, nous ne laissons pas de voir le train qu'ils eussent pris s'ils eussent vécu leur âge. Car, il n'est, dit-il, que de trouver le bout du fil, on en dévuide autant qu'on veut. Et plus loin de rien la plus petite chose du monde, qu'il n'v de celle-là jusqu'à la plus grande. Or les premiers qui sont abreuvés de ce commencement d'étrangeté, venant, dit-il, semer leur Histoire, sentent par les opositions qu'on leur fait, où loge la difficulté de la persuasion et vont calfeutrant ces endroits de quel ques pieces fausses. Outre que nous faisons nouvelle ment conscience de rendre ce qu'on nous prête sous quelque usure et accession de notre crû. L'erreur particulière fait prémièrement l'erreur publique: et son tour après, l'erreur publique fait l'erreur parti culière. Ainsi va tout ce bâtiment s'étouffant et for Ess. de Monlag., pag. 1038. Ess. de Montag., pag. 1036. 89 niant de main en main, de manière que le plus éloigné témoin en est mieux instruit que le plus'voisin; et le dernier informé mieux persuadé que le premier. C'est, dit-il, un progrès naturel *. Il n'est rien, continue-t-il, quoi communément les hommes soient plus tendus qu'à donner cours leurs opinions. Où le moïen or dinaire nous faut, nous ajoutons le commandement, la force, le fer et le feu. Il du malheur d'en être-là, que la meilleure touche de la vérité, ce soit la multitude des Groïans, en une presse, où les fous surpassent de tant les sages en nomhre. Pour moi, ajoute-t-il, de ce que je n'en croirai pas un, je n'en croirai pas cent même. Et ne juge pas, dit-il -J* les opinions par les ans. L'imposture se tapit plus aisé ment sous le voile de la pieté. Il s'engendre beaucoup plus d'abus au monde ou pour dire plus hardiment tous les abus du monde s'engendrent de ce qu'on nous aprend craindre, faire profession de notre ignorance, et sommes tenus d'accepter tout ce que nous ne pouvons réfuter. Tous ces exemples et ces raisons que je viens de joindre, nous font clairement voir que les prétendus miracles se peuvent également faire, comme j'ai dit, par des médians et par des bons aussi bien en faveur de l'erreur et du mensonge, qu'en faveur de la justice et de la vérité et par conséquent qu'il ne faut pas les regarder comme des preuves ou comme des témoigna ges certains et assurés de vérité. C'est ce que je vais prouver encore evidemment par Ess. de Mont., p. 1037. Ess. de Mont., 1038, 1039. 90 le témoignage de ce que nos Christicoles mêmes apellent la parole de Dieu et par le témoignage même de celui qu'ils adorent comme leur Dieu et comme leur Sauveur. Car les livres qu'ils disent contenir la parole de Dieu et le Christ lui-même qu'ils adorent comme un Dieu fait Homme, nous marquent et nous montrent expressément qu'il non seulement de faux Pro phêtes,* c'est dire des imposteurs, qui se disent faussement envoïés de Dieu et qui parlent faussement en son nom; mais ils nous marquent encore expres sément qu'ils font et qu'ils feront des signes et si prodigieux miracles que peu s'en faudra que les justes n'en soient séduits. Ne vous laissez pas séduire, car plusieurs *, leur disoit-il, viendront en mon nom, qui diront: je suis le Christ, et qui séduiront beaucoup de gens et feront de si grands prodiges que les Elus mêmes, s'il se pouvoit, en seroient séduits. Le fa meux Paul dit dans une de ses Epitres que Dieu luimême envoïera un Esprit d'erreur qui, par de puis santes impostures persuadera le mensonge ceux qui n'auront pas voulu recevoir la vérité de sa religion, et il dit que des impies séducteurs viendront et feront toutes sortes de prodiges, de signes et de mi racles trompeurs afin d'engager par toutes sortes de séductions les Enfans de perdition l'injustice. Voilà des témoignages clairs et évidens; nos Christicoles ne sauroient les récuser, puisqu'ils sont formellement tirés de la parole même de leur Christ, et de la pa role d'un de ses principaux Apôtres. Il faut donc né Matth. 24:5, 11, 24. Epit. ïhessal. II. 2, 9, 10. 91 cessairement qu'ils reconnoissent que ces prétendus miracles et prodiges se peuvent l'aire en faveur de l'erreur et du mensonge, aussi bien qu'en laveur de la justice et de la vérité, et par conséquent ils doivent reconnoitrc qu'ils ne sont pas des témoignages certains de la vérité. Et ce qu'il de particulier remar quer encore en cette occasion, est que tous ces pré tendus faiseurs de miracles veulent que l'on ajoute foi leurs prétendus miracles, et qu'on n'en ajoute aucune ceux que font les autres, qui sont d'un Parti contraire oposé au leur. Pareillement tous les préten dus Prophêtes veulent que l'on ajoute foi leur pa role, et ils veulent que l'on regarde tous les autres qui leur sont oposés comme des faux Prophêtes et comme des imposteurs, et par-là on voit manifeste ment qu'ils se condamnent et détruisent les uns les autres; et ainsi c'est folie d'ajouter foi ni aux uns ni aux autres. Un jour un de ces prétendus Prophè tes, c'étoit un nommé Sedecias, se voïant contredit par un autre prétendu Prophête qui se nommoit Michée et qui étoit d'un sentiment contraire au sien, lui donna un souflet et lui dit plaisamment ces paroles par quelle voie l'esprit de Dieu t'il passé de moi pour aller toi? Per quam viam transivit spiritus domini rne, ut loqueretur tibi? Les Prophêtes de Samarie, qui étoient Prophêtes du Dieu Baal, ne s'accordoient point avec les Prophêtes de Judée et de Jerusalem qui se disoient pareillement les Prophètes du Seigneur Dieu; et si Jezabel fit mourir les Prophètes du L. Parai. 18, 28. Keg. 22, 24. 92 Seigneur, Elie pour se venger, fit mourir 450 Pro phêtes de Baal. Le Christ des Chrestiens vouloit que chacun crut sa parole, et ajouta foi ses prétendus miracles; mais il ne vouloit pas que l'on crut d'autres que lui, ni que l'on ajoutât foi aux miracles de ceux qui lui seroient contraires. Moïse de même vouloit que son peuple crut sa parole et ses miracles, mais il ne vouloit pas qu'il en crut d'autres que lui, ni qu'il se laissât séduire par les miracles des autres, qu'il leur commandoit de regarder comme de faux Prophètes et comme des Séducteurs. Aaron cependant et sa soeur Marie ne prétendoient pas cela et vouloient faire entendre que Dieu leur parloit aussi bien qu'à Moïse num per solum Moïsem locutus est Dominus? Nonne et nobis similiter est locutus? Voilà donc nos prétendus Prophètes et nos prétendus faiseurs de mi racles qui se contredisent et qui se condamnent ma nifestement les uns les autres, et c'est par là-mème qu'ils se confondent et qu'ils se détruisent les uns les autres, marque certaine et évidente que leurs pré tendus miracles ne sont point des peuvres ni des témoignages assurés de vérité, et par conséquent que ce n'est point par ces motifs de crédibilité qu'il faut juger de la vérité d'une Religion. Mais comment ces prétendus miracles seroient-ils des preuves et des témoignages assurés de la vérité d'une Religion, puisqu'il n'est pas certain, qu'ils aïent veritablement été faits, et qu'il n'y pas de certitude dans les recits que l'on en fait: car pour qu'il ait quelque certitude dans les récits que l'on en fait, il faudroit savoir 1°. si ceux que l'on dit ou que l'on 95 croit être les premiers auteurs de ces sortes de nar rations, en sont véritablement les auteurs: car il est sur que fort souvent, on attribue faussement des personnes bien des choses qu'elles n'ont ni dites ni. faites, et bien souvent de mauvais auteurs se couvrent du nom de quelque fameux personnage pour donner crédit leurs mensonges et leurs impostures. 2°. 11 faudroit savoir si ceux qui sont ou qui ont été véritablement les prémiers auteurs de ces sortes de narrations, étoient des personnes de probité et dignes de foi, s'ils étoient sages et éclairés, et s'ils n'étoient point prévenus en faveur de ceux dont ils parlent si avantageusement: car il est sûr que s'ils n'étoient pas gens de probité, il ne faudroit ajouter aucune foi ce qu'ils disent. Pareillement si ce n'étoient point des personnes sages et éclairées, ils ne seroient pas non plus dignes de foi, parce que n'aïant pas toutes les lumières ni toute la prudence requise pour juger sainement des choses, ils peuvent trop facilement se laisser tromper: de même s'ils étoient prévenus en faveur de ceux dont ils parlent, [il ne faudroit pas encore ajouter beaucoup de foi ce qu'ils disent, empêchés de juger sainement des choses et portés même fort souvent dire ou faire et tourner par flatterie et par faveurs les choses autrement qu'elle ne sont. C'est que l'on voit tous les jours par expé rience et c'est ce que l'on pouroit prouver s'il étoit besoin par une infinité d'exemples. 5°. Il faudroit sa voir si ceux qui raportent ces prétendus miracles ont bien examiné toutes les circonstances des faits qu'ils raportent, s'ils les ont bien connus, et s'ils les ra- 94 portent toutes comme elles sont: car il est certain que pour peu que l'on change, soit par dessein, soit par erreur les circonstances particulières d'un fait, pour peu que l'on en retranche ou que l'on ajoute quelque circonstance qui n'y soit point, on le fait paroitre tout autre qu'il n'est en lui-même. C'est ce qui fait que l'on admire souvent des choses que l'on cesseroit incontinent d'admirer, si on savoit vérita blement ce qui en est. Les miracles, dit fort judi cieusement le Sr. de Montagne sont, selon l'igno rance en quoi nous sommes de la nature, non selon l'être de la nature. C'est merveille, dit-il, de combien vains commencemens et frivoles causes naissent ordi nairement si fameuses impressions, que celle de la croïance des miracles f. Notre vûë, dit-il, nous re présente souvent de loin des images étranges qui s'évanouissent en s'aprochant. 4°. Il faudroit savoir si les Livres ou les Histoires anciennes qui raportent tous ces grands et prodigieux miracles que l'on pré tend avoir été faits au tems passé, n'ont pas été falsifiés et corrompus dans la suite du tems comme quantité d'autres Livres ou Histoires qui ont été indu bitablement falsifiés et corrompus, et l'on en falsifie encore tous les jours dans le siècle où nous sommes. Or il est constant qu'il n'y aucune certitude que ces prétendus miracles aïent été véritablement faits, il n'y aucune certitude de la probité et de la sin cérité de ceux qui les raportent, ou qui disent les avoir vus; il n'y aucune certitude qu'ils en aïent Essai de Montagne, pag. 79. Ibid. pag. 1038. 95 bien connu et bien remarqué toutes les circonstan ces; il n'y point de certitude que les histoires que l'on en voit soient véritablement de ceux-là mêmes qui on les attribue; et enfin il n'y point de cer titude que ces histoires n'aïent point été falsiiiées et corrompues comme on en voit tant d'autres qui l'ont été; il n'y a, dis-je, aucune certitude sur tous ces différens points-là, car quand on sauroit par exemple le nom de Moïse on ne connoit pas certainement pour cela qu'il étoit homme de probité et qu'il n'auroit pas voulu écrire des fables ou des mensonges au lieu d'écrire des vérités. Simon le Prophête apelloit le Divin Platon un grand forgeur de miracles, parce qu'il étoit, disoit-il, hardi ouvrier joindre les opé rations et les révélations divines partout ou l'humaine force lui manquoit. Quelle certitude a-t-'on que le faux Moise n'en faisoit pas de même et qu'il n'étoit pas un aussi habile forgeur de miracles que le divin Platon auroit pu l'avoir été; on n'en certainement aucune assurance. Bien loin de cela, il paroit au con traire qu'il auroit beaucoup plus de raison de le re garder comme un insigne brigand et comme un in signe imposteur, que de le regarder comme un véritable Prophête. Voici comme un auteur judicieux parle de lui et de toute sa nation, qui est la nation juive. »Si nous montons, dit-il, plus haut et que nous allions «jusqu'à leur origine et jusqu'à leur célèbre sortie »hors d'Egypte dont leurs Historiens font tant de bruit, »et qu'ils accompagnent de tant de miracles fabuleux, Essai de Montagne, p. 601. Esp. Turc. Tom.4, Lettre 83. 96 «nous trouverons, dit-il," que les Auteurs Egyptiens et «ceux des autres Nations, gens d'aussi grande autorité «que Joseph ou tout autre Historien Juif en ont parlé «avec beaucoup de mépris, et ont fait d'eux un portrait «peu avantageux. Manethon, dit-il, Prêtre Egyptien, «les apelle une troupe de gens sales et lépreux et dit «qu'ils furent chassés du Païs par Amenophis qui «régnoit alors, et qu'ils s'en allèrent en Sirie sous la «conduite de Moïse Prêtre Egyptien. Charemon, auteur «célèbre parmi les Grecs raporte peu près la même «chose. Il dit que sous le régne d'Amenophis deux «cent cinquante mille lépreux furent bannis d'Egypte «et en sortirent sous la conduite de Tisithen et de «Pétéseph, c'est dire Moïse et Aaron *, Quoique les «autres écrivains varient sur le nom du Roi qui ré- «gnoit alors en Egypte, tous néanmoins disent unani- «nement que les Israëlites étoient un vilain peuple, tout «couvert de galles et d'aposthumes infectés et regardés «comme l'écume et l'ordure de la nation Egyptienne. «Tacite, Historien Romain d'une autorité incontestable «ajoûte que Moïse, l'un de ces lépreux exilés, étant «un homme d'esprit et qui avoit parmi eux de la ré- «putation, voïant l'accablement et la confusion de ses «Frères, les pria d'avoir bon courage et de ne confier «ni aux Dieux des Egyptiens ni aux Egyptiens mêmes, «mais de se fier seulement en lui et d'obéir ses «conseils, qu'il étoit envoïe du ciel pour être leur «conducteur, pour les tirer de la calamité, sous laquelle ils gémissoient, et pour les protéger contre Chaeremon ne nomme pas ici Aaron, mais bien Joseph. (Josué) E. C. 97 «tous leurs ennemis; sur cela le peuple ne sachant «que faire, s'abandonna entièrement sa conduite. Dès »lors il fut leur Capitaine et leur Législateur, il les «fit passer par les deserts d'Arabie, ou ils commirent «des grands vols et brigandages, passèrent au fil de «l'épée, les hommes, les femmes et les enfans; bru- «lérent les villes et ruinèrent tous les lieux où ils «purent mettre le pié. Que pouroit on dire de pis «d'une Troupe de Voleurs et de Bandits. La Magie et «l'Astrologie ètoient alors les seules sciences la «mode. Et comme Moïse étoit parfaitement bien versé «dans tous les mistéres et secrets de la Sagesse des «Egyptiens, il ne lui fut pas difficile d'inspirer de la «vénération et de l'attachement pour sa personne aux «Enfans de Jacob rustiques et ignorons, et de leur «faire embrasser, dans l'opression ou ils étoient, la «discipline qu'il voulut." Voilà qui est bien diférent de ce que les Juifs et de ce que nos Christicoles nous en veulent faire accroire. Par quelle règle certaine connoitra-t-'on qu'il faut ajouter foi ceuxci plutôt qu'aux autres? il n'y en certainement aucune raison vraisemblable. XV. Pareillement il aussi peu de certitude et aussi peu de vraisemblance sur les miracles du nouveau Testament, que sur les prétendus miracles de l'oncien. 98 Quelle assurance par exemple et quelle certitude t'on que ces quatre Evangiles qui raportent les pré tendus Miracles de Jesus Christ soient véritablement de la composition de ceux qui on les attribue? Et quand ils seroient véritablement de leur composition quelle certitude t'on qu'ils étoient des hommes de probité et dignes de foi? Pour savoir quels étoient leurs noms et que l'un s'apelloit Mathieu, le second Marc, le troisième Luc et le quatrième Jean, on ne connoit pas pour cela si c'étoient des personnes.de probité dignes de foi; on ne connoit pas pour cela si c'étoient des personnes sages et éclairées; on ne sait pas pour cela s'ils ne se seroient pas laissés tromper eux-mêmes, et s'ils n'auroient pas voulu trom per les autres, et il lieu de se défier tout fait de leur témoignage, puisqu'on convient que ce n'étoient que des hommes grossiers et ignorans, auxquels par conséquent il auroit été facile d'en imposer. Et enfin quelle certitude t'on que ces quatre Evangiles qui paroissent sous leurs noms n'ont pas été corrompus et falsifiés, comme nous voïons que tant d'autres histoires l'ont été et qu'elles le sont encore tous les jours; on ne sauroit presque ajouter foi aux relations que l'on fait des choses mêmes qui se sont passées dans nos jours et presque sous nos propres yeux, de 20 personnes qui en feront le recit, il n'y en aura pas quelque fois deux qui les réciteront fidèlement comme elles se sont passées. Quelle certitude donc peut-il avoir dans le recit des choses qui sont si anciennes et qui se sont passées depuis plusieurs siècles, et depuis plusieurs milliers d'années, et qui ne nous 99 sont raportées que par des Etrangers, par des gens inconnus, gens sans caractère et sans autorité, et qui nous disent des choses si extraordinaires et si peu croïables ou plutôt si incroïables. Certainement il n'y aucune certitude, ni même aucune probabilité dans ce qu'ils nous disent et ainsi ils ne méritent pas que l'on ajoute aucune foi. Il ne serviroit de rien de dire ici comme on fait quelque fois que les Histoires qui raportent ces sortes de faits, ont toûjours été re gardées comme des Histoires saintes et sacrées et par conséquent qu'elles ont toujours été fidèlement et inviolablement conservées sans aucune altération des vérités qui sont renfermées il ne serviroit de rien, dis-je, d'alleguer cette raison en leur faveur, puis que c'est peut-être pour cette raison-là même, aussi bien que pour plusieurs autres qu'elles doivent être plus suspectes, et qu'elles auront peut-être été d'au tant plus falsifiées et corrompues par ceux qui pré tendent en tirer quelque avantage, ou qui craignent qu'elles ne leur soient pas assez favorables, l'ordinaire des auteurs qui transcrivent ou qui font imprimer ces sortes d'Histoires étant d'y ajouter et d'y changer ou même d'en retrancher tout ce que bon leur semble pour servir leur dessein. Voici comme un auteur judicieux du dernier Siècle nous explique sa pensée et son sentiment sur ce sujét. L'homme, dit-il, est né menteur, il n'aime que son propre ouvrage, la fiction et la fable. Voyez le peuple, dit-il, il controuve, il augmente, il charge par grossièreté ou par sotise; demandez même au plus honnête homme, s'il est toujours vrai dans ses discours, s'il ne se sur 7* 100 prend pas quelquefois dans des déguisemens, où en gagent nécessairement la vanité et la légereté, si pour faire un meilleur conte, il ne lui échape pas souvent d'ajouter un fait qu'il récite une circonstance qui manque. Une chose arrive aujourd'hui et presque sous nos yeux, cent personnes qui l'ont vûë la racon tent en cent façons différentes: celui-ci, s'il est écouté, la dira encore d'une manière qui n'a pas été dite Quelle créance donc, poursuit ce judicieux Auteur quelle créance pourrois-je donner des faits qui sont si anciens, éloignés de nous par plusieurs siècles? Quel fondement dois-je faire sur les plus graves Historiens? Que devient l'Histoire? Caesar a-t-il été massacré au milieu du Sénat? t-il eu un Caesar? Quelle con séquence me dites-vous? Quel doute! Quelle demande! Vous riez, dit-il, vous ne me jugez pas digne d'au cune réponse, et je crois même, ajoute-t-'il, que vous avez raison. Je supose néanmoins, continue-t'-il, que le Livre qui fait mention de Caesar, ne soit pas un Livre profane écrit de la main des hommes qui sont menteurs, trouvé par hazard dans les Bibliotheques parmi d'autres manuscrits qui contiennent des Histoi res vraïes ou apocrifes, qu'au contraire il soit in spiré saint et divin, qu'il porte en soi ces caractères, qu'il se trouve depuis près de deux mille ans dans une societé nombreuse qui n'a pas permis qu'on ait fait pendant tout ce tems-là la moindre altération et qui s'est fait une religion de le conserver dans toute son intégrité, et qu'il ait même un engagement Caract. Ch. des ouvrages d'esprit 8. 101 religieux et indispensable d'avoir de la foi pour tous les faits contenus en ce volume où il est parlé de Caesar et de sa Dictature; avouez-le Lucille, conclut ce judicieux auteur, avouez-le, vous douterez alors qu'il ait eu un Caesar. Voilà une véritable image de l'idée qu'il faut se former de l'incertitude des Histoi res, et non seulement des Histoires profanes, mais plus particulièrement aussi de celles que l'on veut faire passer pour les plus saintes et les plus sacrées: car comme celles-là sont plus intéressantes que toute autre en matière de Religion, chacun tache aussi de s'en prévaloir et d'en fortifier son parti autant que faire se peut, et pour ce sujèt chacun veut produire de son côté des vraies ou fausses, et ensuite pour se les rendre d'autant plus favorables chacun ajoute, et chacun change ce que bon lui semble pour favori ser son parti. XVI. C'est ce que nos Christicoles eux-mêmes ne sau raient nier, puisque sans parler de plusieurs autres graves personnages qui ont reconnu les additions, les retranchemens et les falsifications qui ont été faites en différons tems ce qu'ils apellent leur Ecriture sainte. Leur S. Jerôme, fameux docteur parmi eux, dit formellement, en plusieurs endroits de ses Prologues sur les dites prétendues Ecritures saintes, qu'elles ont 102 éto corrompues et falsifiées, étant déja de son tems entre les mains de toutes sortes de personnes qui ajoutoient, dit-il, et qui en retranchoient tout ce que bon leur sembloit, de sorte qu'il avoit autant d'exem plaires1 différens qu'il avoit de différentes copies de ces Ecritures. Banc, dit-il *, parlant de sa prétendue Ecriture sainte, hanc garrula anus, hanc delirus senex, hanc Sophista verbosus, hanc universi praesumunt, lacerant, docent antequam discant.... et ne parum hoc sit, qua dam facilitate verborum, imo audacia edisserunt quoi ipsi non intelligunt. Taceo, dit-il, de meis similibus, qui si forte ad scripturas sanctas post saeculares liiteras venerint et sermone composito aures populi mulserint, quidquid dixerint, hoc legem Dei putant. nec scire dignantur quid Prophetae, quid Apostoli senserint, se ad suum sensum incongrua optant testimonia. Quasi grande sit et non viciosissimum docendi genus depravare sententias et ad voluntatem suam scripturam trahere repugnantem. Puerilia sunt haec et circulatorum ludo similia docere quod ignores: imo ut cum stomacho loquor, ne hoc quidem scire quod nescias Les artisans, dit le Docteur St. Jerôme dans son Epitre Paulin, les Laboureurs, les Maçons, les Char pentiers, les Ouvriers en laine, les Foulons et tous gens de metiers ne se mêlent de leur art sans faire aprentissage de leur metier; mais l'art de lire, d'ex pliquer et d'interpréter l'Ecriture sainte est le seul art dont chacun veut se mêler, les ignorans, dit-il, Dans son prologue Paulin. 103 s'en mêlent comme les savans, de vieux radoteurs d'hommes, de vieilles insensées de femmes et de ba billards sophistes la dechirent tous les jours et se mêlent de l'enseigner avant de l'aprendre et ce qin est encore plus honteux est que des femmes se mê lent d'enseigner les hommes, et ont les uns et les autres la présomption de vouloir aprendre aux autres ce qu'ils n'entendent point eux-mêmes; et d'autres qui sous prétexte d'avoir étudié les sciences humaines et de savoir chatouiller les oreilles de leurs auditeurs de beaux discours, s'imaginent que tout ce qu'ils di sent, est la loi de Dieu-même, quoi qu'ils ne dai gnent aprendre ce que les Prophetes et ce que les Apotres ont écrit, mais savent seulement apliquer leur fantaisie des témoignages qui ne conviennent pas au sujet comme si c'étoit quelque grande mer veille de cela et que ce ne fut pas au contraire un très-grand vice de corrompre ainsi les sentences de l'Ecriture et de vouloir les tourner sa fantaisie en lui donnant un sens forcé.... ce sont-là des puéri lités vaines et des momeries semblables celles des joueurs de farces et de comédies, enseigner ce que l'on ne sait pas et ne savoir pas même, que l'on ne le sait pas. Et dans sa Préface sur Josue il dit: apud Latinos tôt sunt exemplaria quot codices et unus quisque pro arbitrio suo vel addiderit vel subtraxerit quod ei visiim est, et utique verum esse non posse quod dissonet quae stultitia post quam vera dixerint proferre quae falsa sunt. Et dans sa Préface sur Josué il dit que parmi les 104 Latins il eu autant d'exemplaires que de volu mes, chacun ajoutant ou retranchant ce que bon lui semble, étant sûr que ce qui se contredit ne peut être vrai.... Quelle folie, dit-il, d'ajouter ce qui est faux après avoir dit ce qui est vrai,... Et dans son Prologue Galeate voici ce qu'il dit: Si septuaginta interprehm pura, et ut ab eis in Graecum versa est, editio permanserit, superflue me Chromati Episcoporum sanctissime atque doctissime impelleres ut haebrea tibi volumina latino sermone transferrem et quod enim semel aures hominum occupaverat et nascentis ecclesiae roboraverat fidem justum erat ctiam nostro silentio comprobari, nunc vero cum pro varietate Regionum divcrsa ferantur exemplaria et germana Ma antiqua quae translatio corrupta sit atque violata, nostri arbitre putes aut operibus judicare quid verum sit aut novum opus in veteri opere ludere, illudentibus que judaeis cornicum ut dicitur oculos figere.... certe Apostoli et Evangelistae 70 inter pretes noverant, et unde eis haec quae in 70 interpretibus non habentur. Et dans sa Préface Galeate, il dit: que si la version des 70 étoit encore pure et entière comme les dits Septante interprêtes l'ont traduite de l'Hebreu en Grec, que ce seroit en vain que le St. Pere le Pape l'obligeroit de faire une nouvelle Traduction Latine du même livre sur ceux qui l'ont écrit en Hebreu, d'autant qu'il auroit été propos et juste d'aprouver par son silence, ce qui auroit déja été autorisé par l'usage dans le com mencement de l'Eglise naissante mais que pour le pré sent aïant autant de différens Exemplaires qu'il 105 de différentes nations, et que cette première et ancienne version est corrompue et falsifiée, pensez-vous, dit-il qu'il ne tienne qu'à moi de choisir et de discerner comme je voudrois le vrai d'avec le faux et qu'il ne tienne qu'à moi de fabriquer un nouvel ouvrage dans un vieux pour n'en faire qu'un des deux et m'exposer par-là la risée des juifs qui se moqueroient de moi en disant que ce seroit vouloir crever les yeux aux corneilles, comme on dit, certes, dit-il, les Apostres et les Evangelistes connoissent la version des 70 d'où vient donc qu'ils alleguent ce qui n'est pas dans les 70 d'où cela vient-il? Et dans sa Préface sur le même livre Domnion et Rogation: il dit que ce livre est tellement cor rompu dans les versions grecques et latines que ce ne sont pas tant des noms en Hebreux que des noms barbares et inconnus que l'on mis; ce qu'il ne faut pas, dit-il, attribuer aux 70 interprêtes qui étoient remplis du St. Esprit; mais la faute des Ecrivains et des Copistes qui n'écrivoient pas correctement, et qui souvent de ou mots n'en faisoient qu'un, en retranchant quelques sillabes du milieu et souvent au contraire faisoient ou mots d'un seul parce qu'ils étoient trop longs prononcer. Libere cum vobis loquor, ita in Graecis et Latinis Codicibus hic nominum liber viciosus est ut non tam hacbrea quam barbant quaedam et Sarmatica nomina conjecta arbitrandum sit. Nec hoc 70 interpretibus, qui spiritu sancto pleni, ea quae vera fuerunt transtulerant, sed scriptorum culpae adscribendum, dum de emendatis inemendata scriptitant: et saepe tria nomina subtractis medio 106 sillabio, in unum vocabulum cogunt, vel regione unum nomen, propter latitudinem suam in duo vel tria vocabula dividunt. Sed et ipsae apellationes, non nomines ut plaerique existimant, sed urbes et regiones et saltas et Provincias sonent et oblique sub interpretatione et figura eorum quaedam narrantur historiae. Et dans sa Preface sur Job voici ce qu'il dit en parlant de ses ennemis: que mes chiens sachent donc et aprennent que si j'ai travaillé ce volume, ce n'a pas été pour blâmer l'ancienne version, mais bien pour éclaircir par notre interprétation ce qu'il avoit d'obs cur, et ce qui avoit été omis et même ce qui avoit été vicié et corrompu par la faute des Ecrivains. Audiant que propter canes mei idcirio in hoc volumine laborasse non ut interpretationem antiquam reprehenderem sed ut ea quae in Ma aut obscura sunt aut omissa, aut certe scriptorum vitio depravata, manifestiora nostra interpretations fierent.... quod si apud Graecos post 70 Editionem tam Christi Evangelio coruscante Judaeus Aquila et Symmachus ac Theodotis, judaizantes haeretici sunt recepti qui multa misteria Salvatoris subdola interpretatione celarunt, et tamen habentur apud Ecclesias et explanantur Ecclesiasticis viris quanto magis ego Christianus etc. Et dans sa Préface sur les Evangiles au Pape Damase, voici ce qu'il dit. Il s'est certainement glissé un très-grand abus dans nos volumes, en ce que là où sur un Manuscript un Evangeliste dit quelque chose de plus qu'un autre n'en dit, les Interprêtes ou Traducteurs ont cru devoir ajouter ce qui manquoit tous les autres et ont cru devoir corriger tous les autres sur le modele de 107 celui des Evangelistes, qu'ils avoient lu le premier, d'où il est arrivé, dit-il, que tout est melangé parmi nous et qu'il dans S. Marc plusieurs choses qui sont de S. Luc, et dans S. Mathieu plusieurs choses qui sont de S. Marc et de S. Jean et dans les autres plu sieurs choses qui sont particulières aux autres. Magnus siquidem hic in nostris Codicibus error inotescit, dum quod in eâdem re alius Evangelista plus discit, in alio quia minus putaverint addiderunt, vel dum eundem sensum alius aliter expressit: ille qui unum quatuor primum legeret ad ejus exemplum caeteros quoque et existimaverint emendandos unde accidit ut apud nos mixta sunt omnia et in Marco plura Lucae, atque Mathaei rursum in Mathaeo plura Joannis et Marci, et in caeteris reliquorum quae aliis propria sunt inveniantur. Et enfin dans sa Preface sur les Pseaumes voici ce qu'il en dit Paule et Eustochium. Etant ci-devant Rome je commençai corriger ce livre sur la version des Septantes, et j'en avois déja corrigé une grande partie quoiqu'à la hâte, mais parceque vous voïez en core Paule et Eustochium que ce livre est encore corrompu par la faute des Ecrivains et que l'ancienne erreur plus de vogue et de crédit que la nouvelle correction, vous m' obligez comme si je cultivois de nouveau une terre, qui auroit déjà été labourée, et comme si j'en arrachois de nouveau les épines renais santes, étant necessaire, comme vous dites, de cou per d'autant plus souvent les mauvaises herbes qu'el les croissent plus volontiers. Psalterium Romae dudum positus emendaram: et 108 juxta 70 interpretes licet cursim, magna tamen ex parte correxeram. Quod quia rursum videtis, Paula et Eustochium, Scriptorum vitio depravatum, plusque antiquum errorem, quam novam emendationem valere: me cogitis, ut veluti quodam novali, scissum jam arvum exerceam, et obliquis sulcis renascentes spinas éradicem: aequum esse dicentes, ut quod crebro maie pullulât crebius succidatur. Et touchant les livres de 1' ancien Testament en particulier, Esdras Prêtre de la loi, témoigne luimême avoir corrigé et remis dans leur entier les prétendus livres sacrés de sa Loi, qui avoient été, dit-il, en partie perdus et en partie corrompus; les distribua en 22 livres, selon le nombre des lettres hebraïques et composa plusieurs autres livres dont la doctrine ne devoit se communiquer qu' aux seuls sages. Si ces livres ont été en partie perdus et en partie corrompus, comme le témoigne le dit Esdras, et comme le témoigne en tant d'autres endroits le docteur S. Jerome, il n'y donc certainement point de certitude sur ce qu'ils contiennent. Et quant ce que le même Esdras "J* dit les avoir corrigés et remis en leur entier par l'inspiration de Dieu même, il n'y aucune certitude de cela, et il n'y point d' imposteur qui n'en pouroit dire autant. Tous les livres de la Loi de Moïse et des Prophètes qu'on put trouver, furent brulés du tems d' Antiochus. Le Talmud qui est regardé par les juifs comme un livre saint et sacré, et qui contient toutes les loix et or Esdras Ch. 4: 14. Chion. pag. 162. 109 donnances divines, ensemble les sentences et dits no tables des Rabins avec leur exposition tant sur les loix divines qu' humaines et infinis autres secrets et niistères de la langue Hebraïque est regardé par les chrétiens comme un livre farci de rêveries, de fables, d'impostures et d'impietés, En l'année 1559 ils firent brûler Rome par le commandement des Inquisiteurs de la Foi 12 de ces Talmuds trouvés en une Bibliothèque de la ville de Cremone. Les Pha risiens qui faisoient parmi les juifs une fameuse secte ne reeevoient que les cinq livres de Moïse et rejettoient tous les Prophètes. Parmi les Chrétiens Marcion et ses sectateurs rejettoient les livres de Moïse et les Prophètes et introduisoient d'autres Ecritures leur mode. Carpocrates et ses Sectateurs en faisoient de même et rejettoient tout l'ancien Testament et maintenoient que Jesus Christ n'étoil qu'un homme comme les autres. Les Marcionites et les Severians réprouvoient aussi tout l'ancien Testament comme mau vais et rejettoient aussi la plus grande partie des Evangiles et les Epitres de S. Paul. Les Ebionites n'admetoient que le seul Evangile de S. Mathieu, rejettant les trois autres et les Epitres de St. Paul. Les Marcionites publioient un Evangile sous le nom de S. Mathias pour confirmer leur Doctrine. Pareillement les Apostoliques introduisoient d'autres Ecritures pour maintenir leurs erreurs, et pour cet effet se servoient de certains Actes qu'ils attribuoient S. André et S. Thomas. Les Manichéens "f écrivirent un Evan Dict. Hist. Chron. pag. 237. HO gile leur mode et rejettoient les Ecrits des Pro phetes et des Apotres. Les Elcesaites avoient un cer tain livre qu'ils disoient être venu du ciel et rejet toient presque tous les livres de l'ancien et du nou veau Testament ou les trouvoient leur fantaisie. Origenes lui-même avec tout son grand esprit, ne laissoit pas de corrompre les Ecritures, et forgeoit, dit-on, tous coups des allegories hors de propos et se détournoit par ce moïen tous coups du vrai sens des Prophètes et des Apotres, et même avoit corrompu quelqu'un des principaux points de la Doctrine "f. Ses livres sont maintenant mutilés et falsifiés; ce ne sont plus que pièces cousues et ramassées par d'autres qui sont venus depuis, et aussi rencontre-t-'on des er reurs et des fautes manifestes. Les Alogiens attribuoient l'heretique Cerinthus l'Evangile et l'Apocalipse de S. Jean, c'est pourquoi ils les rejettoient. Les hérétiques de nos derniers Siècles rejettent comme apocrifes plusieurs livres que nos Catholiques regar dent comme saints et sacrés, comme sont les livres de Tobie, de Judith, d'Esther, de Baruch, le cantique des trois Enfans dans la fournaise, l'histoire de Susanne et celle de l'idole de Bel, la sapience de Salomo, l'Ecclésias, le premier et le deuxième des Machabées, tous lesquels livres sont regardés comme sains et sacrés par les Catholiques Romains, tous lesquels livres incertains et douteux ou pouroit encore ajouter plusieurs autres d'aussi peu de valeur que l'on attiïbuoit aux autres Apotres, comme ceux par exem Niceph. L. 4, Ch. 24. Chr. pag. 5. 4H ple: les Actes de S. Thomas, ses circuites, son Evan gile et son Apocalipse. Pareillement l'Evangile de S. Barthelemi, celui de S. Mathias, celui de S. Jacques, celui de S. Pierre et ceux des autres Apôtres, comme aussi les gestes de S. Pierre, son livre de la prédica tion, et celui de sou Apocalipse et celui du jugement, celui de l'Enfance du Sauveur et plusieurs autres de semblable farine qui sont tous rejettés comme apocrifes par les Catholiques Romains, même par le pape Gelase et par les saints Pères de la communion Romaine. Cela étant ainsi nos Christicoles eux-même ne sau raient le nier. 11 est constant, clair et évident qu'il n'y aucun fondement, ni aucune aparence de certi tude, touchant l'autorité que l'on prétend donner ces livres, ni touchant la vérité des faits qui sont con tenus, et s'il n'y aucun fondement ni aucune apa rence de certitude sur ce sujet, il est constant, clair et évident, que les prétendus miracles qui sont re portés ne peuvent servir de preuves ni de témoignages sûrs et certains de la verité d'une Religion. Et ce qui confirme d'autant plus cette vérité, c'est que ceux-làmêmes qui maintiennent le plus fortement l'autorité di vine de ces prétendus saints et sacrés livres et qui sou tiennent le plus fortement la vérité des prétendus mi racles qui sont raportés sont obligés de reconnoitre et d'avouer eux-mêmes qu'ils n'auroient aucune certi tude de l'autorité divine et de leurs livres, ni de la vérité des faits qui sont contenus, si leur foi, comme ils disent, ne les en assuroit, et ne les obligeoit ab solument de le croire ainsi or cette foi étant, comme j'ai dit, une croïance aveugle des choses que l'on ne 112 voit point et que l'on ne connoit point, c'est, comme j'ai dit aussi un principe d'erreurs, d'illusions et d'impostures; de sorte que les susdits prétendus mi racles et les susdits prétendus sains et sacrés livres, n'aïant de l'aveu même de ceux qui les soutiennent, aucune autre certitude de vérité que celle que l'on croit qu'ils ont par une croïance aveugle, il est con stant, clair et évident qu'ils ne peuvent servir de té moignages certains de la vérité d'une Religion. XVII. Mais voïons un peu si ces prétendus saints et di vins livres portent en eux-mêmes quelques caractères particuliers de Divinité, comme par exemple d'érudi tion, de science, de sagesse ou de sainteté ou quelqu'autre perfection qui ne puissent convenir qu'à un Dieu, et si les prétendus miracles qui sont impor tés s'accordent parfaitement avec ce que l'on devroit penser de la grandeur, de la bonté, de la justice et de la sagesse infinie de Dieu Tout-puissant; car il n'est pas croire que des livres qui auroient vérita blement été faits par la direction ou inspiration de Dieu, ne dussent contenir une science, une sagesse, et une érudition toute parfaite, ou au moins il n'est pas croire que l'on trouveroit les mêmes défauts, les mêmes erreurs et les mêmes impostures qui se trouvent ordinairement dans les autres livres, soit par 115 la négligence, soit par l'ignorance ou par l'insuffisance des Hommes qui en sont les auteurs. Pareillement il n'est pas croire que les miracles qui seroient raportés dans ces livres ne dussent pas s'accorder et être entièrement convenables avec ce que l'on devoit penser de la grandeur, de la bonté, de la justice et de la sagesse infinie d'un Dieu qui les avoit faits; car il est assez clair et évident qu'il ne faut pas attribuer un Etre infiniment par fait des choses qui ne seroient pas convenables la souveraine perfection de sa nature, ni la souveraine perfection de sa volonté. Or il est clair et évident que les prétendus saints et divins livres ne portent en eux-mêmes aucun caractère d'érudition, ni de science, ni de sagesse, ni de sainteté, ni d'aucune autre per fection que l'on puisse dire ne pouvoir venir que d'un Dieu. Bien loin de cela on trouve manifeste ment les mêmes défauts, les mêmes erreurs et les mêmes imperfections qui se trouvent manifestement dans les autres livres par la négligence, par l'ignorance et par l'insuffisance des hommes qui en sont les auteurs. Par conséquent il n'y point d'aparence que ces sor tes de livres viennent véritablement de Dieu, ni qu'ils aient véritablement été faits par une inspiration par ticulière de son Esprit. Pareillement les prétendus miracles qui sont raportés ne s'accordent nullement avec ce que l'on doit penser de la grandeur, de la bonté, de la justice et de la sagesse infinie d'un Dieu qui les auroit faits: donc il ne faut pas les attribuer la Toute-puissance d'un Dieu ni croire qu'il les ait aucunement faits. 114 Premièrement pour ce qui est des susdits préten dus saints et divins livres dont j'ai dit qu'ils ne por tent en eux-mêmes aucune marque ni aucun caractère d'autorité, ni d'inspiration divine, il est facile toute personne tant soit peu éclairée de s'en convaincre soi-même il n'y qu'à les lire, et on verra, comme j'ai dit, qu'il n'y aucune érudition, aucun fond de science, aucune pensée sublime, ni aucune autre pro duction de l'Esprit qui passe les forces humaines. Au contraire on n'y verra d'un côté que des histoires et narrations fabuleuses, comme sont celle de la création du monde, celle de la formation et de la multiplication des hommes, celle d'un prétendu Paradis terrestre, celle d'un serpent qui parloit, qui raisonnoit, et qui étoit même plus fin et plus rusé que l'homme, celle d'une anesse qui parloit et qui reprenoit son maî tre de ce qu'il la maltraitoit mal propos, celle d'un déluge universel et d'une Arche ou des animaux de tou tes espèces étoient renfermés, celle de la confusion des langues et de la division des nations, sans parler de la quantité d'autres vains, bas et frivoles contes que des auteurs graves méprisoient de raporter, lesquel les histoires ou narrations n'ont certainement pas moins l'air de fables que celle que l'on inventées sur l'in dustrie de Promethée, sur la boîte de Pandore ou sur la guerre des Geans contre les Dieux et plusieurs au tres semblables que les anciens Poetes ont inventées pour amuser les hommes de leur tems. D'un autre côté on n'y verra qu'un mélange de quantité de loix et d'ordonnances ou de pratiques vaines et supersti tieuses touchant les sacrifices et les purifications de 115 l'ancienne Loi, et touchant le vrai discernement des animaux dont elle supose les uns purs et les autres impurs, lesquelles loix et ordonnances ne sont pas plus respectables ni moins vaines et superstitieuses que celle des Nations les plus idolatres. On n'y verra encore que de simples histoires vraïes ou fausses de plusieurs Rois, de plusieurs Princes ou de plusieurs autres particuliers qui auront bien ou mal vécus, ou qui auront fait quelques belles ou mauvaises actions, parmi quantité d'autres actions basses indifférentes ou frivoles qui sont raportées aussi; pour lesquel les Histoires faire, comme elles sont raportées dans les susdits prétendus saints et sacrés livres tant du vieil que du nouveau Testament, il est visible qu'il ne falloit pas pour cela avoir un grand génie, et par conséquent qu'il n'étoit pas besoin d'avoir pour cela des révelations divines. Ce n'est pas faire honneur un Dieu que de vouloir le faire auteur de tant de si sottes et si vaines narrations; il s'amusoit bien peu de choses, s'il s'amusoit révéler des choses si fri voles. Enfin on ne voit dans les susdits livres que les discours, la conduite et les actions de ces tant renommés et fameux Prophètes, qui se disoient tout particulièrement envoïes et inspirés de Dieu. On verra leur manière d'agir et de parler, leurs songes, leurs illusions et leurs rêves, et il sera facile deju ger par leurs discours et par leur manière d'agir qu'ils ressembloient beaucoup plus des visionnaires et des fanatiques qu'à des personnes sages et éclai rées. Quoiqu'il ait cependant dans quelques uns de ces dits livres plusieurs bons enseignemens et plusi 8* H6 eurs bonnes ot belles maximes de morale comme dans les Proverbes de Salomon, dans le Livre de la Sagesse et de l'Ecclésiast; mais rien nulle part qui surpasse la portée ni la capacité de l'esprit humain ni de la sagesse humaine. Bien loin de cela on voit ordinairement qu'il beaucoup plus d'esprit, plus de science, plus d'éloquence, plus d'ordre, plus de clarté, plus de politesse, plus de suite, plus d'exac titude et même plus de sages et plus de solides in structions dans les Livres des Philosophes, des Historiens et des Orateurs prophanes, que dans aucuns de ces prétendus saints et sacrés livres, tant de l'ancien que du nouveau Testament, dont la principale sagesse ne consiste qu'à faire croire pieusement des erreurs et faire religieusement observer de vaines superstitions. De sorte que sans parler en particulier de plusieurs graves auteurs qui ont composé quantité de livres tant sur les sciences humaines que sur le bon règle ment des moeurs et pleins de beaux exemples et pleins de bons avis, je crois pouvoir dire que quand il n'y auroit par exemple, que les Fables d'Esope, elles sont certainement beaucoup plus ingénieuses et plus in structives que ne le sont toutes ces basses et grossières paraboles qui sont raportées dans les prétendus saints Evangiles. 117 XVIII. Mais ce qui fait encore d'autant plus clairement voir que ces sortes de livres ne peuvent venir d'au cune inspiration divine, c'est qu'outre la grossièreté et la bassesse du stile dont ces Evangiles sont com posés, outre le défaut d'ordre et de suite qu'il dans la narration des faits particuliers qui sont raportés et qui sont bien mal circonstanciés, on ne voit point que les auteurs s'accordent bien les uns avec les autres, puisque les uns raportent leurs his toires d'une façon, les autres d'une autre. On voit même qu'ils se contredisent manifestement les uns les autres en plusieurs choses, ce qui manifestement fait voir qu'ils n'étoient pas inspirés de Dieu et qu'ils n'avoient pas même assez de lumière ni assez de talens naturels pour bien rédiger une histoire. Voici quelques exemples des contrariétés et des contradictions qui se trouvent entr'eux. L'Evangeliste S. Mathieu fait descendre Jesus-Christ du Roi David par son fils Salomon, et par tous les Descendans du dit Solomon jusqu'à Joseph, père au moins putatif de Jesus-Christ. Et l'Evangeliste S. Luc le fait descen dre du même David par son fils Nathan et par tous les descendans du dit Nathan jusqu'à Joseph; en quoi il contrarieté et erreur manifeste; car il est certain et évident que si ce Joseph et Jesus-Christ sont descendus de David par son fils Salomon et par tous les Descendans du dit Salomon, ils ne peuvent être descendus encore du même David pas son autre 118 fils Nathan et par tous les Descendans du dit Nathan qui sont manifestement tous autres que les Descen dans de Salomon. D'ailleurs de quoi sert ces Evangelistes de faire la Généalogie de ce Joseph et de le faire descendre de ce David pour montrer que leur Christ seroit fils de David, puisque leur Christ n'est pas véritablement fils de Joseph qui pouroit être descendu de David? Il est manifeste que ni l'un ni l'autre de ces Evangelistes ne peut prouver que le Christ auroit été fils de David qu'autant qu'il auroit été fils de ce Joseph, qu'ils font descendre de ce David quoique par différentes voies. Or nos Christicoles ne veulent pas que leur Christ ait été fils de ce Joseph ainsi ce seroit mal propos que ces Evan gelistes auroient fait la généalogie de ce Joseph pour montrer faussement que Jesus-Christ auroit été fils de David, ou si l'un ou l'autre de ces Evangiles prouve qu'il ait été véritablement fils de David il faut reconnoitre aussi qu'il étoit véritablement fils de ce Joseph; en quoi il paroit manifestement encore qu'il de l'er reur de part ou d' autre. Mais quoi que se soit, c'est sans doute de la vanité de ces généalogies-là même que parle leur S. Paul lorsqu'il dit son disciple Timothée qu'il ne faut point s'arrêter des fables et des généalogies qui n'ont point de fin et qui sont plutôt un sujet de dispute que d'édification, et lorsqu'il dit son autre disciple Tite -J* qu'il faut fuir les questions impertinentes et vaines généalogies, les dis putes et les contestations sur la loi comme étant vai nes et inutiles. Timothée I. Tit. 3. 9. 119 2°. Il contrariété et contradictions dans ce qu'ils disent touchant ce qui arriva, ou touchant ce qui se fit peu de tems après la naissance de ce Christ, car l'Evangeliste S. Mathieu dit qu'aussitôt après sa nais sance le bruit s'étant répandu dans Jerusalem qu'il étoit né un nouveau Roi des Juifs et que des Magi ciens l'étant venus chercher pour l'adorer, le Roi llerodes craignant que ce prétendu nouveau Roi ne lui ôtàt quelque jour la couronne, fit égorger et mas sacrer tous les Enfans nouvellement nés depuis deux ans dans tous les environs de Bethleem où on lui avoit dit que ce prétendu nouveau Roi devoit naitre et que Joseph et la Mère de Jesus aïant été avertis en songe par un Ange de ce mauvais dessein que le Roi llerodes avoit de l'aire mourir les Enfans, ils s'enfuirent incontinent en Egypte où ils demeurèrent, dit cet Evangeliste, jusques la mort du Roi llero des qui n'arriva que plusieurs années après. Au con traire de cela l'Evangeliste S. Luc marque que Joseph et la mère de Jesus demeurèrent paisiblement durant six Semaines dans l'endroit où leur Enfant Jésus fut né, qu'il fut circoncis, suivant la Loi des Juifs huit jours après sa naissance, et que lorsque le tems prescrit par la Loi pour la purification de sa mère fut arrivé, elle et Joseph son Mari le portèrent Jerusalem pour le presenter Dieu dans son temple, et pour offrir en même tems en sacrifice ce qui étoit ordonné par la susdite loi de Dieu; après quoi, sui vant ce que dit ce même Evangeliste Joseph et Marie, mère de Jésus, s'en retournèrent en Galilée dans leur ville de Nazareth où leur Enfant Jesus croissoit tous 120 les jours en âge et en sagesse et en grace et que son Père et sa Mère alloient tous les ans Jerusa lem au jour solemnel de leur fête de Pâque, Si bien que cet Evangeliste ne fait nulle mention de leur fuite en Egypte ni de la susdite cruauté de Herodes envers les Enfans de la Province de Bethleem. Par où il est clair et évident qu'il de la contrarieté et de la contradiction dans ce que disent ces deux Evangelistes, et non seulement en ce que l'un dit de la cruauté d'Herodes et de la fuite de Joseph et Marie en Egypte avec leur enfant Jesus, et dont l'autre ne parle aucunement, mais aussi parcequ'il faut nécessairement que l'une ou l'autre de ces deux nar rations soit fausse puisqu'il ne se peut faire que Joseph et Marie soient retournés si paisiblement en leur ville de Nazareth et qu'ils soient allés tous les ans Je rusalem la Fête solemnelle de Pâques comme l'un dit, et qu'ils aient été obligés de s'enfuir en Egypte et d'y faire un si long séjour, comme l'autre le dit. l'égard de la cruauté d'Hérodes envers les Enfans de Bethleem et des environs comme les Historiens de ce tems-là n'en parlent point, que Joseph même, His torien juif, qui décrit la vie et les méchancetés de cet Herodes n'en parle point, et que les autres Evangelistes n'en parlent non plus dans leurs Evangiles, il toute aparence de croire que ce qui en est raporté dans l'Evangile de S. Mathieu n'est qu'une imposture, et que ce qu'il est dit de la fuite en Egypte n'est qu'un mensonge: car il n'est pas croïable que Joseph, Historien juif qui blâmé et décrit les vices et les méchancetés de ce Roi eut passé sous 121 silence une action si noire et si détestable que celle de faire massacrer inhumainement tant de petits innocens, si ce que cet Evangeliste en dit eut été véritable. 5° Il contrariété et contradiction entre les susdits Evangelistes sur la durée du terns de la vie publi que de Jesus-Christ, car, suivant ce que disent les trois prémiers Evangelistes, il ne -paroit avoir eu guéres plus de trois mois depuis son Daptéme jusqu'à sa mort, en suposant qu'il voit 50 ans ou prés de 50 ans lorsqu'il fut baptisé par S. Jean, comme il est marqué dans l'Evangile de S. Luc et qui'il ait été né le 25e Décembre, suivant l'opinion communé ment reçue par nos Deichristicoles. Car depuis ce Bap tême qui fut l'an XV de l'Empire de Tibere Caesar et l'année qu' Anne et Caiphe étoient Grands-Prétres, jusqu'au moi de Mars, il n'y avoit qu'environ trois mois; et suivant ce que disent les trois premiers Evangelistes, il fut crucifié la veille du prémier Pâ ques suivant après son baptême et la prémière fois qu'il vint Jerusalem avec ses disciples comme il est marqué dans les susdits Evangelistes. Car tout ce qu'ils disent de son baptême, de ses volages, de ses prédications, de ses miracles et de sa mort et pas sion se doit nécessairement raporter la même année de son baptême, puisque ces Evangelistes ne parlent d'aucune autre année suivante, et qu'il parroit même par la narration qu'ils font de ses actions, qu'il les toutes faites immediatement après son baptême et consécutivement les unes après les autres et en fort Luc. 3: 21. 122 peu de tems, pendant lequel tems on ne voit qu'un seul interval de six jours avant sa transfiguration, pendant lesquels six jours, on ne voit pas ce qu'il fait, ni qu'il ait fait aucune chose *. Par où l'on voit claire ment qu'il n'auroit vécu après son baptême qu'environs trois mois, desquels trois mois si on veut en retrancher six semaines de 40 jours et de 40 nuits qu'il passa dans le desert immédiatement après son baptême, il s'en suivra que le tems de sa vie publique depuis ses prémières prédications jusqu'à sa mort, n'aura duré qu'environs six semaines. Et suivant ce que Jean l'Evangeliste marque, il auroit, comme on le prétend duré au moins trois ans et trois mois, puisqu'il paroi par la lecture de l'Evangile de cet Apotre, qu'il auroit été pendant le cours de sa vie publique trois ou même fois Jerusalem la fête solemnelle de Pâques, qui n'arrivoit cependant qu'une seule fois l'an, en quoi il est constant qu'il con trariété et contradiction visible. Car s'il est vrai, comme les autres Evangelistes le marquent, qu'il été crucilié la veille du prémier Pâques après son Baptême qui étoit, comme ils marquent l'an 15 de l'empire de Tibere-Cesar, et l'année qu'Anne et Caïphe étoient Souverains Sacrificateurs, il est faux qu'il ait été trois ou fois depuis son Baptême Jerusalem la Fête soleninelle de Pâques, puisque cette Fête n'arrivoit, comme je viens de dire qu'une seule fois l'an, ou s'il est vrai qu'il ait été ou fois depuis son baptême comme Jean l'Evangeliste *J* semble le témoigner, et Math. 17: 1. Marc. 9: 2. Luc, 28. Jean: 2: 13 et et 6: et 7: 2, 10 et 11: 5: et 12: 12. 125 comme nos Christicoles le prétendent ordinairement, il est faux qu'il n'ait vecu que mois après son Bap tême et qu'il ait été crucifié la prémière fois qu'il fut Jerusalem après son Baptême, comme les trois prèmiers Evangelistes le témoignent. Si on dit que ces trois prémiers Evangelistes ne parlent effectivememt que d'une seule année, mais qu'ils ne marquent pas distinctement les autres années qui se sont écoulées depuis son Baptême, ou que Jean l'Evangeliste n'en tend véritablement parler que d'une seule Pâques, quoiqu'il semble qu'il parle de plusieurs, et que ce n'est que par anticipation qu'il dit et qu'il répète plusieurs fois que la Fête de Pâques des Juifs étoit proche, et que Jesus alla Jerusalem; et par consé quent qu'il n'y qu'une contrariété et une contra diction seulement aparente sur ce sujèt entre les sus dits Evangelistes, je le veux bien. Mais il est constant que cette contrariété et contradiction aparente ne vien draient que de ce qu'ils ne s'expliquent pas bien et qu'ils ne marqueraient pas suffisamment toutes les circon stances qui seraient ou qui auraient été remarquer dans le récit qu'ils font de leurs Histoires. Mais soit qu'ils se contredisent ou soit qu'ils ne s'expliquent pas assez bien dans le récit de leur Histoire; il tou jours lieu de tirer cette conséquence qui est qu'ils n'étoient donc pas inspirés de Dieu lorsq'ils ont écrit leurs Histoires: car s'ils eussent été pour lors véri tablement inspirés de Dieu, ils ne se seraient pas contredit les uns les autres, et ils auraient eu tous assez d'esprit et assez de lumière pour bien s'expli quer, et pour marquer suffissamment de suite et par 124 ordre toutes les circonstances et toutes les particula rités de leurs Histoires sans en omettre aucune des principales et sans en confondre et pervertir l'ordre comme ils ont fait en plusieurs rencontres. On ne peut nier même qu'ils ne se contredisent encore en plusieurs autres occasions. 1°. Ils se contredisent d'abord sur la première chose que J. C. fait incontinent après son Baptême, car les trois prémiers Evangelistes disent qu'il fut aussitot après son Baptême transporté par l'esprit de Dieu dans un Desert où il jeûna pendant 40 jours et 40 nuits et où il fut par plusieurs fois tenté par le Diable et suivant ce que dit S. Jean *J* l'Evangeliste il partit deux jours après son Baptême pour aller en Galilée plus de 50 lieues de-là où il étoit eto jours après il se trouva des noces qui se faisoient en Cana de Galilée, où il lit, dit-il son prémier mi racle en changeant l'eau en vin. Voilà une con trarieté et une contradiction assez manifeste, car s'il jeunoit véritablement dans un desert, il n'est pas croire qu'il auroit été en même tems 30 lieues de là dans un festin de noces; ou s'il étoit véritablement dans ce Festin de nôces, il n'est pas croire qu'il auroit été en même tems plus de 50 lieuës de-là dans un desert. 2°. Us se contredisent sur le lieu de sa prémière retraite après sa sortie du desert. Car Mathieu PEvangeliste dit qu'il s'envint en Galilee et que laissant la ville de Nazareth, il vint demeurer Capharnaum,

  • Math. 4: 1. Marc. I: 12. Luc. 4: 1. Jean 2: ll.f Math.

4: 13. 125 ville maritime; et Luc l'Evangeliste dit qu'il vint d'abord Nazareth et qu' ensuite il vint Capharnaum. 5°. Ils se contredisent sur le tems et la manière dont ses Apôtres se mirent sa suite, car les trois prèmiers Evangelistes disent que Jesus-Christ pas sant sur la Mer de la Galilée, il vit Simon et André, son Frère qui péchoient sur la dite Mer, et qu'un peu plus loin il vit Jacques et Jean son Frère avec leur Père Zébédéé qui racommodoient leurs filèts parce qu'ils étoient aussi pécheurs, et que les aïant apellés, ils laissèrent incontinent leurs filèts et le suivirent Et Jean l'Evangeliste au contraire dit que ce fut An dré, frère de Simon Pierre qui se joignit prémierément Jesus avec un autre disciple de Jean Baptiste, l'aïant vu passer devant eux lorsqu'ils étoient avec leur Maitre sur les bords du Jourdain et qu'ils se joignirent lui sur ce que Jean, leur Maitre, leur dit, voïant passer Je sus devant eux Voilà l'Agneau de Dieu, voilà celui qui ôte les péchés du monde et qu' André aïant ensuite trouvé son frère Simon il l'amména Jesus, et que ensuite Jesus voulant aller en Galilée, il trouva Philippe et puis Nathanael qui vinrent lui en quoi il contrariété et contradiction, car si ces disciples de Jesus-Christ se sont joins lui de la manière que Jean l'Evangeliste le dit, ils ne se sont pas joins lui de la manière que les autres Evangelistes le disent. 4°. Ils se contredisent sur le récit qu'ils font dans la dernière cène que Jesus-Christ fit avec ses Apô tres; car les trois prémiers Evangelistes marquent Luc. 4: 16, 31. Math. 4: 18; Marc. 16; Luc. 5. Jean 6, 40, 45. 126 qu'il fit dans cette derniere cène l'institution du sa crement de son corps et de son sang sous les espèces et aparences du pain et du vin, comme parlent nos Deicatholiques Romains; et Jean l'Evangeliste dit qu'après cette cène Jésus lava les piés ses Apôtres, qu'il leur recommanda expressément de faire les uns et les autres la même chose, et raporte un long discours qu'il dit que Jesus leur fit dans le même tems. Mais les autres Evangelistes ne parlent aucunement de ce lavement de piés ni d'aucun long discours qu'il leur fit pour lors. Au contraire ils témoignent qu'inconti nent après cette cène il s'en alla avec ses Apôtres sur la montagne des olives, que là s'étant un peu éloigné de ses Apôtres, il se mit tout seul en prières, qu'.il aban donna son Ame la tristesse et qu' enfin il tomba en agonie pendant que ses Apôtres dormoient un peu plus loin: en quoi il contrariété et contradiction: car si ce que ces trois Evangelistes marquent est vé ritable, il n'y point d'aparence qu'il leur eut lavé les piés, ni qu'il auroit eu le tems de leur faire pour lors un si long discours puisqu'il étoit déjà nuit avant qu'ils eussent achevé la cérémonie de leur cène, comme il est marqué dans S. Jean do: 50 en qu'ils s'en al lèrent aussitôt après les graces dites, sur la montagne des Oliviers "f comme Math, et Marc, le disent. Il n'y pas d'aparence non plus qu'il leur ait fait un si long discours sur la dite Montagne, puisqu' étant-là il se retira d'eux pour se mettre en prières, et qu'il fut abattu de tristesse pendant que les disciples étoient Jean. 13: 5. Math. 26: 43. Marc. 14: 37. Luc, 22: 45. 127 d'un autre côté abattus do sommeil, comme les autres Evangelistes le marquent. Mais comment est ce que S. Jean l'Evangeliste se seroit si bien souvenu après un si grand nombre d'années d'un si grand nombre de paroles qui sont raportées dans ce discours, lui qui ne fait point mention de plusieurs autres choses beaucoup plus rémarquables, non plus que de plu sieurs discours paraboliques, qu'il auroit du lui avoir oui dire, aussi bien que les autres Evangelisles? D'où vient une si grande diversité entre les uns et les autres? Si ce n'est que ce n'est point l'esprit de vérité qui les conduisoit, mais l'esprit d'erreur et de mensonge. En effet on voit bien que le stile même de leurs narrations n'est qu'un stile de fables, et même de fables mal conçues, mal suivies et mal raportées. 5°. Ils se contredisent eux-mêmes sur le jour qu'ils disent qu'il fit cette cène; car d'un coté ils marquent qu'il la fit le soir de la veille de Pâques, c'est dire le soir du prémier jour des azimes ou de l'usage des pains sans levain lorsqu'il falloit, suivant la Loi des Juifs, manger l'Agneau pascal. Car c'étoit le soir de la veille de cette grande Fête de Pâques qu'ils de voient manger l'Agneau pascal et le pain sans levain comme il est marqué dans l'Exode 12: 18; Lev. 25: 5; Num. 28: 10 et d'un autre côté ils marquent qu'il fut crucifié le lendemain du jour qu'il fit cette cène vers l'heure du midi après que les Juifs lui eurent fait son procès toute la nuit et le matin. Or suivant leur dire le lendemain qu'il fit cette cène f, n'auroit pas Non in die festo ne... Mattli. 26: 5. Math. 26: 17. Marc, 14: 12. Luc. 26: 7. 428 dû être le lendemain de Pâques, mais le jour même de la grande Fête de Pâques: donc s'il est mort la veille de Pâques vers le midi ce n'étoit point le soir de la veille de cette Fête qu'il fit cette cène, et s'il fait cette cène la veille de cette Fête, ce n'a point été la veille de cette Fête qu'il été crucifié, mais le jour même de cette Fête, en quoi il est manifeste qu'il de l'erreur de part ou d'autre, c'est dire qu'il n'a pas fait la cène la veille de cette Fête ou même qu'il n'a pas fait la cène la veille de cette fête, qui étoit le jour qu'il la falloit faire et qu'il fut cru cifié le lendemain qu'il le fit; et c'est en quoi aussi ces Evangelistes se coupent et se contredisent. G0. Ils se contredisent sur ce qu'ils raportent des Femmes qui avoient suivi Jesus depuis la Galilée, car les trois prémiers Evangelistes disent que ces femmes et tous ceux de sa connoissance, entre les en quelles étoit Marie Magdelaine, Marie mère de Jaques et de Joseph et la mère des Enfans de Zébédée qui regardoient de loin ce qui se passoit lorsqu'il étoit pendu et at taché la croix, et Jean -J* l'Evangeliste dit au contraire que la mère de Jesus et la soeur de sa mère et Marie Magdelaine étoient debout auprès de la croix avec Jean son Apôtre, que Jesus voïant sa mère et auprès d'elle le disciple qu'il aimoit, il dit sa mère: Femme voilà votre fils, et qu'il dit son Disciple: voilà votre mère, en quoi il contrariété et contradiction: car si ces femmes et ce disciple étoient proche de lui comme dit Jean l'Evangeliste, Math. 27: 55. Marc. 15: 40. Luc. 23: 49. Jean 19: 25. 129 ils n'étoient donc pas éloignés, comme disent les autres, ou s'ils en étoient éloignés, comme ces trois le disent, ils n'en étoient proche comme ce dernier le dit. 7°. Ils se contredisent sur les prétendues aparitions qu'ils raportent de Jesus-Christ après sa prétendue resurrection car Mathieu ne parle que de deux aparitions, l'une lorsqu'il s'aparut Marie Magdelaine et une autre femme nommée aussi Marie, l'autre lorsqu'il s'aparut ses onze disciples qui s'étoient rendus en Galilée sur la Montagne qu'il leur voit marqué pour le voir 'f. Marc. parle de trois apari tions; la première lorsqu'il aparut Marie Magde laine, la deuxième lorsqu'il aparut deux de ses Disciples lorsqu'ils alloient Emmaiis et la troisième et dernière lorsqu'il aparut ses onze Disciples, aux quels il fit reproche de leur incrédulité. Luc ne parle que de deux aparitions, savoir de celle qu'il fit deux de ses diciples qui alloient Emmaus, et de celle qu'il fit ses 11 disciples et plusieurs autres qui étoient assemblés avec eux dans la ville de Jéru salem. Et Jean ** l'Evangeliste parle de aparitions, savoir de la prémière qu'il fit Marie Magdelaine, d'une deuxième qu'il fit ses onze disciples qui étoient assemblés Jerusalem dans une maison dont ils avoient fermé les portes, d'une troisième aparition qu'il fit jours après aux mêmes disciples assemblés encore de la même manière dans une maison dont ils avoient fermés les portes, et enfin d'une quatrième aparition Math. 28: 9, 17. Marc. 16: 9, 12,14. Luc.24: 13,36.

    • Joan. 20: 15, 19, 26.

130 qu'il fit ou de ses Disciples qui pechoient sur la mer de Tybériade *. 8°. Ils se contredisent encore sur les lieux de ces pretendues aparitions, car Mathieu "J* dit que ce fut en Galilée que ses disciples le virent, savoir sur une Montagne où il leur avoit dit de se rendre pour le voir. Marc dit qu'il s'aparut eux losqu'ils étoient table. Luc ** dit qu'il les mena hors de la ville de Jerusalem et qu'il les mena jusques en Béthanie où il les quitta en s'élevant au ciel: et Jean -| J" dit que ce fut dans la ville de Jérusalem qu'il s'aparut eux dans une maison dont ils avoient fermé les portes, et une autre fois sur la Mer de Tybériade. Voilà bien de la contradiction dans le recit de ces prétendues aparitions; elles ne peuvent être toutes véritables; car s'il est vrai, comme dit Jean l'Evangeliste qu'il aparut le soir du jour même de sa re surrection ses disciples assemblés Jerusalem dans une maison dont ils avoient fermé les portes, com ment pouroit être vrai ce que dit Mathieu que ce fut en Galilée que ses Apotres le virent sur une Montagne, où il leur avoit ordonné do se rendre pour ce sujèt et qu'ils allèrent effectivement aussitôt après que les femmes leur eurent dit qu'il étoit ressuscité; si c'étoit Jerusalem qu'il vouloit se montrer eux le soir du jour même qu'il ressuscita, comme Jean l'Evangeliste dit qu'il fit effectivement, qu'étoit-il né cessaire qu'il les envoïât si promtement 50 lieues de-là pour le voir? Et pourquoi leur faisoit-il dire Joan. 21: 1. Math. 28: 16. Marc. 16: 14.

    • Luc. 24: 50. ft Joan. 20: 19 et 21: 1.

431 que ce seroit-Ià qu'ils le verroient et qu'il seroit même avant eux au lieu où il leur avoit dit de se rendre comme Mathieu le reporte. Car puisque c'étoit Je rusalem même qu'il devoit se montrer ce jour-là eux, il n'avoit que faire de les envoïer pour cela en Galilée 30 lieues de Jerusalem: ou si au contraire ce n'étoit qu'en Galilée qu'il devoit se montrer eux et qu'ils partirent aussitôt après sa Résurrection pour se rendre l'endroit qu'il leur avoit marqué, comme Mathieu le raporte, comment se montra-t'-il eux dans Jerusalem? puisque s'ils étoient partis pour aller en Galilée, comme le même Mathieu le raporte, il est visible qu'il de la contradiction en cela, et il faudroit multiplier ici des miracles pour accorder cela. Mais comment est ce que Mathieu lui-même qui étoit un des onze Apôtres et qui auroit par conséquent été avec les autres Apôtres dans la même maison Je rusalem et lorsque Jes\is-Christ vint et se montra au milieu d'eux les portes étant fermées, comment estce, dis-je que cet Apôtre qui auroit été témoin de cette aparition auroit pu dire et marquer dans son Evangile que c'étoit en Galilée qu'ils le devoient voir et qu'ils partirent promtement pour se rendre au lieu qu'il leur avoit marqué sans faire mention qu'ils l'auroient vu le jour même au soir dans Jerusalem? Et il n'y point d'aparence que cet Apôtre auroit pu dire cela sans faire mention de cette prétendue aparition faite Jerusalem si elle eut été véritable. Pareillement comment est ce que S. Jean l'Evangéliste qui étoit aussi un des onze Apôtres et qui par con séquent auroit aussi été avec les autres Apôtres en 9* 432 Galilée, et qui auroit vu comme les autres JesusChrist ressuscité, comment est-ce, dis je, qu'il auroit été et qu'il auroit vu Jesus-Christ ressuscité sans faire mention de ce voïage ni de cette aparition qui détruit la vérité de celle qu'il raporte dans le récit qu'il fait de son Histoire, Il n'y certainement point d'aparence qu'il auroit fait ce voïage et qu'il auroit vû son Maitre sans en faire mention dans son Evangile, si ce voïage et si cette aparition eussent été veritables, ainsi il faut qu'il ait de l'erreur ou du mensonge de part ou d'autre. 9°. Ils se contredisent encore au sujet de sa pré tendue Ascension dans le Ciel, car les Evangelistes Luc et Marc disent positivement qu'il monta au Ciel en présence de ses onze Apôtres: mais ni Mathieu ni Jean ne font aucune mention de cette prétendue Ascension. Bien plus Mathieu PEvangeliste témoigne assez clairement qu'il n'est point monté au Ciel, puis qu'il dit positivement que Jesus-Christ assura ses Apôtres dans cette Aparition qu'il dit qu'il leur fit qu'il seroit et qu'il demeureroit toujours avec eux jusqu'à la fin des siècles. Allez donc, leur dit-il, dans cette prétendue aparition, allez enseigner toutes les Nations, et soïez assurés que je serai toujours avec vous jusqu'à la fin des siècles *. Et Luc se contredit lui-même sur ce sujet, car dans son Evangile il dit que ce fut en Bethanie qu'il monta au Ciel en pré sence de ses Apôtres, et dans ses Actes des Apôtres §, suposé qu'il en soit l'Auteur, comme on le dit, il dit Math. 28: 20. Luc. 24: 50. Act. 1: 12. 133 que ce fut sur la montagne des Oliviers. Il se con tredit encore lui-même sur une autre circonstance de cette Ascension, car il témoigne dans son Evangile que ce fut le jour même de sa resurrection ou la prèmière nuit suivante qu'il monta au Ciel, et dans ses Actes des Apôtres "J* il dit que ce fut 40 jours après sa Résurrection: ce qui ne s'accorde certaine ment pas. Si tous les Apôtres avoient certainement vu leur iMaitre monter glorieusement au Ciel, comment est ce que Mathieu et Jean l'Evangeliste qui Pauroient vu comme les autres, auroient pu passer sous silence un si glorieux mistère et ne point parler d'une chose si glorieuse et si avantageuse leur Maitre; vû d'ailleurs qu'ils raportent quantité d'autres circonstances de sa vie et de ses actions qui sont beaucoup moins con sidérables que celle-ci, et notamment encore comment Mathieu auroit-il pû dire, comme il fait dans son Evangile, que Jesus-Christ assura ses Apôtres lorsqu'il s'aparut eux qu'il seroit avec eux jusqu'à la fin des siècles; s'il étoit vrai qu'il l'eut vu monter au Ciel: car s'il l'eut vu monter au Ciel, il auroit dû, comme Historien fidèle, faire mention expresse de cette pré tendue Ascension, et non seulement en faire mention expresse, mais aussi expliquer clairement de quelle maniere il demeureroit toujours avec eux, quoiqu'il les quittât visiblement pour monter au Ciel parcequ'il n'étoit pas facile de comprendre par quel secret il demeureroit avec eux qu'il qui ttoit cependant cet Luc. 24 13, 29, 51. Aot. 3. 154 Evangeliste ne fait ni l'un ni l'autre: c'est ce qui fait manifestement voir qu'il de l'erreur, de la contrarieté et de la contradiction dans leurs préten dues histoires et que ce ne sont que fables. Je passe sous silence quantité d'autres semblables contradictions qui se trouvent dans ces prétendus saints et divins livres, parce qu'il seroit trop long de les raporter toutes: mais ce que je viens de dire suffit pour faire clairement voir que ces livres ne viennent, d'aucune inspiration divine, ni même d'aucune sagesse humaine et par consequent qu'ils ne méritent pas qu'on ajoute foi. Mais encore par quel privilège ces Evangelistesci et quelques autres semblables Livres passent-ils pour Sts et divins plutôt que plusieurs autres qui portent comme ceux-ci le titre d'Evangile, ou qui ont été autrefois, comme ceux-ci, publiés sous le nom de quelques autres Apôtres, comme je l'ai déjà re marqué. Il plusieurs autres Evangiles et autres Ecrits que l'on voulu faire passer autrefois pour canoniques, je veux dire pour des livres Sts et divi nement inspirés, comme sont par exemple l'Evangile qui est selon les Apôtres et dont parle S. Augustin Liv. contre Adimante ch. 17 lequel Evangile étoil reçu des Manichéens, un autre des Nazaréens, qui étoit selon S1 Pierre et dont parle Theodoret Liv. des fables des Hérétiques, un autre qui étoit selon l'Apôtre André, un autre qui étoit selon S. Jacques Apôtre, un autre selon S1 Thomas, un autre selon S1 Mathias dont parle S. Innocent Ep. et S. Ambroise sur la préface de l'Evangile selon S. Luc. Un autre selon 135 les Egyptiens dont Clément Alexandrin s'est servi, comme il le témoigne lui même Liv. des Tapis ch. 7. Un autre selon les Hebreux dont parle encore Theodoret. Un autre selon Judas Iscariote dont le même Theodoret parle Liv. des Fables des Hérétiques. Un autre selon S. Philippe l'apôtre. Un autre selon S. Barthelemi, et enfin un autre selon S. Basilide dont parle S. Ambroise et plusieurs autres semblables livres que l'on vouloit faire passer autrefois pour canoniques et divins; par quel privilège, dis je, les Evangelistes cidessus nommés ont-ils été préferés tous ces autres? Par quelle règle, par quel endroit et par quel té moignage sait-on, que Mathieu, que Marc, que Luc et que Jean l'Evangeliste étoient véritablement inspirés de Dieu lorsqu'ils écrivoient leurs Evangiles et que les autres Apôtres ne l'étoient pas lorsqu'ils écrivoient les leurs. Si on dit que les Evangiles de ceux-ci sont suposés et qu'ils sont faussement attribués aux Apôtres, on seroit en droit de demander encore par quelle règle, par quel endroit, et par quel témoignage on sait que c'est faussement que les autres Evangiles ont été attribués aux Apôtres et que ces quatre prémiers ne sont pas faussement attribués ceux dont ils portent le nom? Certainement si les uns de ces Apôtres se sont vantés faussement d'être inspirés de Dieu lorsqu'ils écrivoient leurs Evangiles, les autres peuvent bien s'en être vantés aussi faussement que leurs compagnons; et si les uns de tous ces autres Evangiles ont été faussement attribués aux Apôtres, les quatre prémiers pouroient avoir été aussi faussement attribués ceux 156 dont ils portent les noms; et enlin si les uns de ces Evangiles ont été falsifiés et corrompus aussi facile ment, les autres peuvent-ils l'avoir été moins. Et ainsi il n'y point de régle, point de preuve, point de témoignage assurés par où l'on puisse discerner en cela les uns d'avec les autres. Mais, dira-t-on, c'est l'Eglise elle-même qui fait ce discernement et qui levé tout sujèt de doute sur cette matière, en déclarant, comme elle fait dans ses Conciles quels étoient les livres qui avoient été inspirés de Dieu et quels étoient ceux qui ne l'avoient pas été, recevant les premiers comme autentiques et rejettant les autres comme apocrifes. C'est ce qu'elle déclaré, dit-on, dans le troisième Concile de Carthage sous le Pape Cirile au canon 49 vers l'an 597, où en les paroles des Pères de ce Concile, il nous plû d'ordonner qu'on ne liroit dans l'Eglise que les seuls Livres canoniques sous le nom d'Ecritures saintes et divines. Or les Livres canoni ques, disent ces Pères sont ceux-ci: le Genese, l'Exode, le Levitique etc. La même chose été réglée dans le Concile de Trente qui dressé un Catalogue de tous ces livres que l'Eglise veut que l'on regarde comme divins, prononçant anatheme contre tous ceux qui ne les recevront pas comme tels. Il est vrai que l'Eglise l'a jugé et determiné ainsi; mais de bonne foi peut on dire et se persuader pour cela que les livres qu'elle s'est ainsi choisis et qu'elle veut que l'oi regarde comme saints et divins aïent été véritable Oll Session, 4. "N 157 ment et certainement inspirés de Dieu, vu particu lièrement qu'elle n'en aporte d'autre preuve, ni d'autre raison, ni d'autre témoignage que celui de dire il nous plaît, il nous plu de le juger et determiner ainsi. Placuit, Censuit etci Qui est ce qui ne voit pas que dans toutes les Religions, dans toutes Sec tes et dans toutes Societés de personnes, les Hommes pouroient avec la même facilité se faire et se forger des livres prétendus saints et divins? Ils le pouroient sans doute, et c'est aussi effecti vement ce qu'ils font: mais comme les gens d'esprit savent que les Hommes ne sauroient se faire et se forger que de fausses Divinités comme sont celles qu'ils adorent, ils savent aussi qu'ils ne sauroient se faire ni se forger que faussement des livres inspirés de Dieu comme sont tous ceux que nos Christicoles re gardent et qu'ils voudroient faire regarder comme di vins. Ainsi c'est en vain qu'ils prétendent tirer avantage de l'autorité qu'ils donnent ces livres, et c'est en vain qu'ils en prétendent tirer des preuves ou des témoignages assurés de la vérité de leur Religion, puisqu'ils ne portent en eux-mêmes aucun caractère de Divinité, ni même aucune marque extraordinaire de sagesse humaine. 158 XIX. J'ai dit encore que les prétendus miracles qui sont raportés dans ces prétendus saints Livres ne s'accor dent pas avec ce que l'on de voit penser de la gran deur, de la sagesse et de la justice d'un Etre infiniment parfait et par conséquent que ces prétendus miracles n'étoient pas croïables en eux-mêmes. C'est ce que je vais faire voir assez clairement par ce raisonnementci. Il ne faut penser de la grandeur, de la bonté, de la sagesse et de la justice d'un Etre qui seroit infiniment parfait que ce qui seroit convenable toutes ces divines perfections-là. Or seroit-il par exemple convenable une souveraine bonté, une souveraine sagesse et une souveraine justice de vouloir se re paître de chair et de sang par de cruels et sanglans sacrifices? Leur seroit-il convenable de vouloir faire une injuste et odieuse acception de personnes ni même aucune injuste et odieuse acception des peuples? Leur seroit-il convenable ces divines Perfections de vou loir de sangfroid et de propos déliberé détruire les uns et les accabler de misères pour favoriser les autres sans aucun merite et les accabler heureuse ment de tous biens? Non, sans doute, car ces Livreslà, dont je parle et qui passent pour saints et divins parmi nos Christicoles défendent expressément toute injustice, toute iniquité et notamment toutes sortes d'injustes acceptions des personnes. Vous n'aurez point d'égard dit la Loi l'aparence de la personne en Deut. 1: 17. 159 jugement, mais vous écouterez également le petit comme le grand. Et dans un autre endroit il est dit*: Vous ne pervertirez point le droit et n'aurez point d'égard l'aparence des personnes et ne prendrez aucun présent, parce que les présens aveuglent les yeux des sages et renversent les paroles des justes. Et dans le Levitique il est dit vous ne ferez point d'iniquité en jugement, vous n'aurez point d'égard la personne du pauvre, ni la personne du riche et du grand, mais vous jugerez justement vrotre pro chain. Les mêmes Livres témoignent et disent en plu sieurs endroits qu'il n'y point d'iniquité en Dieu, qu'il ne fait acception de personnes et qu'il ne consi dère point les présens, c'est ce qui est expressement marqué dans les susdits livres. Gardez soigneusement les commandemens de votre Dieu, dit la Loi parce que le Seigneur votre Dieu est le Seigneur des Sei gneurs, le Dieu des Dieux, le Dieu très-grand, trèsfort, très-puissant et terrible, lequel n'a point d'égard l'aparence de personne et ne reçoit point de pré sent. La même chose est marquée en plusieurs autres endroits des susdits livres, comme dans les Prover bes 19: **, Eccles. 55: 15, Act. 10:54, Rom. 2: 11, Gal. 2: 6, Eph. 6: 9, Colloss, 5:24; ils disent, ces mêmes saints et sacrés livres, -J~J* que Dieu ne craint point les Grands et qu'il ne méprise point les Petits, mais qu'il un soin égal des uns comme des autres. Ils disent qu'il aime toutes ses créatures, et qu'il ne hait rien de tout ce qu'il fait §§. Dent. 16: 19. Levit. 19: 15. Deut. 10: 17.

    • Il erreur dans la citation de ce texte. K. c. ff Sap. 8.

§§ Ibid. 11: 25. 140 En effet si Dieu étoit Dieu, c'est dire, s'il avoit véritablement un Dieu, comme nos Christicoles l'entendent et le disent, il seroit également l'auteur de toutes les créatures, également l'auteur de tous les Hommes et de tous les Peuples; il ne seroit pas seulement le Dieu des Juifs ou des Grecs, mais aussi le Dieu de tous les Peuples et de toutes les Nations de la Terre, et partout il seroit également le Pro tecteur de tous et leur Bienfaiteur. Or les prétendus miracles qui sont raportés dans ces prétendus Sts et sacrés Livres et particulièrement ceux qui sont raportés dans les livres du vieux Testament, n'auroient été faits, suivant leur raport, que pour marquer de la part de Dieu une injuste et odieuse acception de peuples et de personnes, et pour détruire et accabler de maux et de misères comme de sang froid et de propos déliberé les uns, et pour favoriser tout particulièrement les autres: car cette acception de peuples et de personnes préférablement des uns aux autres se voit manifestement dans les susdits li vres du vieux Testament, et notamment dans ceux qui raportent la vocation et le choix qu'ils disent que Dieu lit des Patriarches Abraham, Isaac et Jacob pour de leur postérité se faire tout particulièrement un peuple qu'il sanctifieroit et béniroit par dessus tous les autres peuples de la Terre, car ces livres mar quent expressément que Dieu apella le premier de ces Patriarches, qu'il lui commanda de sortir de son Païs, de quiter tous ses parens et amis et de s'en aller dans un autre Païs, qu'il lui montreroit, lui promet Gen. 12: 1. 141 tant en même tems de multiplier et de bénir tout jamais sa postérité. Il s'aparnt une seconde et troi sième fois lui, disent ces mêmes livres, et lui dit: se suis le Seigneur Dieu tout-puissant, marchez droit devant moi et soïez parfait, car je mettrai mon al liance entre moi et vous, je multiplierai amplement votre Postérité, je la rendrai aussi nombreuse que les grains de poussière qui sont sur la Terre *. Voïez, lui dit-il, si quelqu'un peut compter les grains de poussière qui sont sur la Terre, ce sera de même de votre Postérité, car celle-ci sera aussi nombreuse que la .poussière de la Terre. Vous serez, lui dit-il, le Père de beaucoup de Nations, vous ne vous apellerez plus Abram, mais Abraham, parceque je vous ai établi Pere de beaucoup de Nations, et même des Rois sortiront de votre sang. Je mettrai mon Alliance entre moi et vous et votre Postérité après vous pour être une Alliance perpetuelle, afin que je sois votre Dieu et le Dieu de vos Descendans après vous, et voici, lui dit-il, l'alliance que je ferai avec vous, et que vous garderez vous et votre postérité après vous: "J* vous circoncirez entre vous tous vos Enfans mâles, vous circoncirez le prépuce de votre chair, ce sera la marque éternelle de mon alliance avec vous et avec votre Postérité §. Tout enfant mâle sera circonci au huitième jour. Je vous donnerai, lui dit-il, encore vous et vos descendans la terre où vous êtes comme étranger, ** je vous donnerai toute la terre de Ghanaan et vous posséderez tout le païs qui Gen. 13: 16. Ibid. 17: 10, 12. Ibid. 17: 11.

    • Ibid 17: 8.

142 est depuis le fleuve d'Egypte jusqu'au grand fleuve de l'Euphrate, et toute la terre qui est depuis une mer jusqu'à l'autre *. Levez vous, lui dit-il encore, parcourez tout ce païs, voïez-en la longueur et la largeur, car je vous le donnerai pour vous et pour vos Descendans pour en jouir tout jamais, car je serai éternellement leur Dieu. Dieu réitera ces mêmes promesses aux deux autres Patriarches Isaac et Jacob, qui étoient les prémiers Descendans de cet Abraham et leur dit, suivant qu'il est marqué dans les sus dits livres, qu'il rendroit leur postérité aussi nom breuse que le sont les Etoiles du Ciel et que le sont les grains de sable de la Mer, il leur dit qu'il béniroit ceux qui leur seroient amis, qu'il maudiroit ceux qui seroient leurs ennemis, et qu'en leur considéra tion il béniroit toutes les Nations de la Terre, les quelles promesses leur furent faites plusieurs fois de la part de lui-même, comme il est marqué dans les susdits livres. Genese 12: 1, 2, 5; 18:18; 20:4; 22:17; 28:14. Elles furent même confirmées par jurement et par serment de la part de Dieu, comme il est marqué aussi dans les susdits livres Gen. 22: 10; Psal 89: 4; Eccl. 44: 22; Hebr. 0: 15, 14; et c'est en con séquence de toutes ces belles prétendues Promesses divines que le peuple juif, autrement dit le peuple d'Israël, qui étoit descendu de ces trois Patriarches est apellé en plusieurs endroits des susdits livres le Peuple choisi, le Peuple de Dieu, le Peuple saint Gen. 15: 18. Gen. 143 et le Peuple bénit *. Si vous obéïssez la loi de Dieu, disoit Moïse ce Peuple et si vous gardez fidèlement l'alliance, qu'il faite avec vous, vous serez de tous les peuples le plus aimé, le plus choisi et le plus favorisé de Dieu; vous lui serez comme un Roïaume de Sacrificateurs et comme une Nation sainte; il vous envoïera, leur disoit-il, son ange afin qu'il vous préserve de tout danger et qu'il vous con duise heureusement au lieu qu'il vous préparé, il bénira vos travaux, il n'y aura point de stérilité dans votre pais ni de maladie contagieuse parmi vous et il accomplira favorablement le nombre de vos jours il se déclarera l'Ennemi de ceux qui seront contre vous; il jettera la terreur et l'épouvante parmi vos ennemis, et leur fera honteusement tourner le dos pour prendre la fuite devant vous. Vous ne ferez point d'alliance ni de société avec les autres Peuples, leur disoit-il encore et vous ne leur ferez aucune grace, au contraire vous les détruirez, vous briserez leurs images et leurs idoles, parce que vous êtes un peuple saint votre Dieu qui vous choisi afin que vous lui soïez un peuple plus précieux que tous les autres peuples de la Terre. Ce n'est pas, leur disoit-il, parceque vous étiez le plus fort ou en plus grand nombre que tous les autres peuples qu'il vous choisi, puisque vous êtes le plus petit en nombre, mais parce qu'il vous aimé et qu'il vous garde le serment qu'il fait vos Pères de vous prendre tous sous sa divine protection et de Exod, 19 5, 6. Exod. 23 20, 26, 27. Deut. B, 6, 7. 144 vous bénir par dessus tous les peuples de la Terre; ne mangez rien d'impur, leur disoit-il encore, parce que vous êtes un peuple saint et un peuple que Dieu s'est choisi entre tous les Peuples de la Terre afin que vous lui soïez un peuple précieux; enfin, leur disoit-il, encore dans une autre occasion: *J* Dieu vous choisi afin que vous soïez tout particulière ment son peuple et afin que vous observiez tous ses commandemens §, il vous élevera en honneur, en renommée et en gloire par dessus toutes les nations de la terre, afin que vous lui soïez un peuple saint, ainsi qu'il l'a promis vos Pères. On ne peut nier qu'il n'y ait eu dans un tel choix une veritable ac ception de peuple de la part de Dieu, puisqu'il n'en choisissoit qu'un seul préférablement tous les autres; et on ne peut nier qu'il n'y ait de l'injustice dans une telle acception de peuple et de personnes, puis qu'elle se faisoit seulement par faveur et sans avoir égard au mérite des uns ni des autres et enfin on ne peut nier qu'une telle acception de peuples et de personnes n'ait été odieuse tous les autres peuples, puisqu'elle se faisoit leur prejudice, et ne tendoit qu'à leur ruine. Comme donc il ne seroit pas convenable une souveraine bonté, ni une souveraine sagesse et justice de vouloir faire aucune injuste et odieuse ac ception de personnes ou de peuples, il ne faut pas penser qu'un Dieu infiniment bon, infiniment sage et infiniment juste auroit jamais voulu faire une telle Deut. 14. Deut. 14: 2. Deut. 26: 18, 19. 145 acception du peuple juif au préjudice de tous les autres peuples de la Terre, ni qu'il auroit voulu si particulièrement emploïer sa toute-puissance pour fa voriser et confirmer une telle acception de peuples et de personnes: et par cette raison il paroit encore assez manifestement que les prétendus miracles que l'on dit avoir été faits pour ce sujèt, ne sont nullement croïables. Que l'on ne prétende pas dire ici qu'il n'y auroit aucune injustice en Dieu de se choi sir ainsi des personnes ou quelques peuples entiers préférablement aux autres, parce que Dieu étant le Maître absolu de ses Graces et de ses Bienfaits, il peut les accorder qui il lui plait, sans que personne ait droit de s'en plaindre, et sans que personne puisse lui en faire aucun reproche, ni l'accuser d'aucune injustice; que l'on ne prétende pas, dis-je, alléguer une si vaine raison car si Dieu est véritablement l'auteur de la nature, s'il est véritablement l'auteur et le Père de tous les Hommes et de tous les Peuples, comme le disent nos Christicoles et tous les Deicoles, il doit également les aimer tous comme ses propres ouvrages et par conséquent il doit être également aussi leur Protecteur et leur Bienfaiteur. Car celui qui donne l'être, doit donner aussi, suivant la maxime qui est véritable, les conséquences et les suites nésessaires pour le bien-être. Qui dat esse, debet consequentia adesse, si ce n'est que nos Christicoles veuillent dire que leur Dieu voudroit faire exprès des créatures pour les rendre misérables et malheureuses: ce qu'il seroit certainement encore indigne de penser d'un être qui seroit infiniment bon. Et par conséquent 10 \w si ce Dieu donné l'être tous les Hommes et tous les Peuples, il doit pareillement aussi leur don ner également tous le bien-être et par conséquent aussi il doit les favoriser également tous de sa divine bienveillance et de ses bonnes graces sans faire au cune injuste et odieuse acception de personnes ni de peuples, comme celle qu'on prétend qu'il faite en faveur d'Abraham, d'Isaac et de Jacob et de leur Postérité qui se trouve dans le peuple juif. Si l'on dit que Dieu aimeroit et favoriseroit égale ment tous les Peuples et tous les Hommes, s'ils méritoient également d'être aimés et d'être également favorisés de ses graces et de ses bienfaits, mais que comme ils ne méritent pas tous cette faveur, et qu'au contraire la plûpart des Hommes et des Peuples s'at tirent eux-mêmes par leurs vices et par leurs méchan cetés la disgrace et les châtimens de Dieu, il ne faut pas s'étonner, dira-t'-on, si Dieu aime les uns plus que les autres, et s'il choisit plutot les uns que les autres pour leur communiquer plus particulièrement ses faveurs, n'y aïant aucune injustice dans une telle acception de peuple préférablement tous les autres. cela il est facile de répondre que tous les Hommes et tous les Peuples étant également l'ouvrage de Dieu comme on le supose, ils seroient tous tels qu'il les auroit fait et qu'il les auroit voulu faire, et pourtant n'auroient ni les uns ni les autres qu'autant de vertu, qu'autant de mérite et qu'autant de perfections qu'il leur en auroit voulu donner, de sorte que s'il avoit voulu donner aux uns plus de vertu, plus de mérite et plus de perfections qu'aux autres, afin de les fa- 147 voriser plus particulièrement de ses graces et de son amitié, ou comme dit S. Paul, afin de faire paroitre sur eux les richesses de sa grandeur et de sa miséricorde, comme sur des vaisseaux de prédestinations et de bénédictions qu'il auroit voulu destiner sa gloire et qu'il auroit au contraire voulu donner aux autres moins de vertu, moins de mérite et moins de perfections, et même les priver entièrement de tous ces avanta ges-là afin de les exclure de son amitié et de ses bonnes graces, ou, comme dit le même Sf. Paul, afin de montrer en eux les effets de sa colère et de sa puissance, comme sur des vases d'abjection et de réprobation qu'il auroit destiné être éternellement malheureux; il est évident qu'il auroit toujours en cela-même une injuste et odieuse acception de per sonnes. Et comme il n'est pas convenable d'attribuer un Etre infiniment parfait une si injuste et si odieuse acception de personnes, il s'ensuit evidemment que les miracles que l'on supose avoir été faits en conséquence et en faveur d'une telle acception de personnes, ne s'acordent point avec ce que l'on doit penser de la Grandeur, de la Bonté, de la' Sagesse et de la Justice d'un Etre infiniment parfait et par conséquent que ces prétendus miracles ne sont nullement croïables en eux-mêmes. D'ailleurs, puisqu'il ne faut, comme j'ai dit, penser de la Grandeur, de la Bonté, de la Justice et de la Sagesse d'un Etre infiniment parfait, que ce qui seroit convenable ces divines perfections-là, il ne faut point penser qu'un Dieu qui seroit infiniment parfait, auroit voulu si particulièrement emploïer sa Toute 10* 448 puissance faire des miracles dans de légères occasions et pour des sujèts de légère conséquence et qu'il n'auroit pas voulu s'emploïer de même dans des oc casions qui étoient beaucoup plus considérables, ni pour des sujèts qui étoient de beaucoup plus grande importance. Car il ne seroit pas convenable une souveraine Sagesse de s'apliquer de petites choses et de négliger les grandes, il ne seroit pas convenable une souveraine Sagesse de pourvoir plus particuliè rement l'accessoire qu'au principal d'une chose. 11 ne seroit pas convenable une souveraine Justice de punir sévèrement des fautes légères et de laisser de grands et d'abominables crimes impunis. Et enfin il ne seroit pas convenable une souveraine Bonté et une souveraine Sagesse de ne pas vouloir être aussi bonne et aussi bienfaisante aux hommes dans leurs plus pressans besoins, comme elle témoigneroit l'être dans les moindres. Je dis au moins parce que c'est dans les plus pressans besoins que la Bonté se doit plutôt manifester; de sorte qu'une souveraine Bonté qui seroit accompagnée d'une souveraine Sagesse et d'une souveraine Puissance, comme seroit la Bonté souveraine d'un Dieu Tout-puissant et infiniment sage, elle ne pouroit manquer de se rendre ni de se mon trer du moins aussi bonne et aussi bienfaisante aux hommes dans leurs plus pressans que dans leurs moin dres besoins. Or si les miracles qui sont raportés dans les susdits prétendus saints et divins Livres tant du vieux que du nouveau Testament, étoient véritables, on pouroit dire que Dieu auroit plus particulièrement emploie 149 sa Toute-puissance et sa Sagesse en de petites choses qu'il n'auroit fait en de plus grandes et de plus im portantes; on pouroit véritablement dire qu'il auroit eu plus de soin de pourvoir au moindre bien des Hommes que de pourvoir leur plus grand et prin cipal bien: on pouroit véritablement dire qu'il auroit voulu plus sévèrement punir dans certaines personnes des fautes légères, qu'il n'auroit puni dans d'autres de très-grands et de très-méchans vices ou crimes. Et enfin on pouroit véritablement dire qu'il n'auroit pas voulu se rendre ni se montrer aussi bienfaisant aux hommes dans leurs plus pressans besoins, comme il auroit voulu témoigner l'être dans les moindres de leurs besoins. C'est ce qu'il est facile de faire voir tant par les miracles que l'on prétend qu'il fait, que par ceux qu'il n'a pas fait, et qu'il auroit néan moins bien certainement fait plutôt qu'aucuns autres, s'il étoit vrai qu'il en eut fait aucun. Premièrement pour ce qui est des miracles que l'on prétend qu'il fait par l'entremise de Moyse son Prophète, en quoi consistoient-ils? changer, par exemple, son bâton en serpent et ce serpent en bâton; changer des eaux en sang, et faire venir une quantité de grenouilles, de sauterelles, de mou ches etc., et autres vilains et mauvais insectes dans tout un Roïaume; faire venir des maladies contagieuses sur les animaux faire venir de vilains ulcères sur le corps des hommes et des bêtes; désoler, si on le veut croire, un Roïaume entier par des grêles et par des tempêtes furieuses, et tout cela pour l'amour et en faveur d'un seul vil et misérable petit peuple 150 d'Israël! En quoi consistent-ils encore? diviser les eaux de la Mer pour faire passage ce vil petit peuple qui fuïoit; et pour engloutir un autre peuple qui le poursuivoit; faire tomber la manne du Ciel pour nourrir ce peuple qui fut pendant 40 ans vaga bond dans un désert; faire sortir de l'eau d'un Rocher pour rassasier ce peuple qui étoit altéré, faire venir de de-là les mers une multitude prodi gieuse de cailles pour contenter la gourmandise et la sensualité de ce peuple, qui désiroit de manger de la chair; empêcher miraculeusement que les habits et les souliers ne s'usassent pendant les susdites 40 années et enfin du tems de Josué de faire tomber par terre les murailles de quelques villes par le son des cors, et "J* arrêter le cours du soleil pen dant un jour entier, afin de donner ce peuple le tems de combattre et de vaincre ses Ennemis. Voilà une bonne partie de ces grands miracles du vieux Testament que l'on affecte de tant vanter. Mais quoi tendoient tous ces beaux miracles? Et pour quel fin pretend-t-'on que Dieu les ait faits? Ce n'étoit que pour délivrer ce peuple de la servitude, où l'on supose qu'il étoit en Egypte, et pour le faire entrer dans la possession d'un Païs que l'on prétend que Dieu avoit promis leurs Pères de leur donner. Il est marqué dans les susdits livres que Dieu envoïa un Ange dans un désert pour consoler et reconforter la servante d'Abraham, que sa femme Sara auroit congédiée de sa maison par un motif de jalousie. Il Josué 6: 4—20. Ibid: 10 13. Gen. 16 7, 0. 151 est marqué dans ce livre que Dieu lui-même aparut Abimelech, Roi de Géraris pour l'avertir de ne point toucher la femme qu'il avoit prise, parce qu'elle étoit la femme de cet Abraham et lui dit qu'il l'avoit empêché de pécher avec elle, afin qu'il ne l'offensât point. Il est dit dans ce même livre que Dieu envoïa deux Anges "f exprès pour sauver Loth et ses enfans de l'émbrazement de Sodome. Il est mar qué que Dieu envoïa un Ange au Père et la Mère de Samson pour les avertir qu'ils auroient un fils, et qu'il ne hoiroit ni vin ni bière, parce qu'il ser'oit Nasaréen du Seigneur, dès son enfance. Il est dit dans un autre endroit que Dieu envoïa ,un Ange **, qui ma dans une nuit 185 mille hommes de l'armée de Sennacherib, qui assiégeoit la ville de Jerusalem. Il est dit que plus de 50 mille moissonneurs, qui moissonnoient dans leur champ de Bethsames furent, par punition de Dieu, tués, parce qu'ils avoient regardé l'Arche d'Alliance jf que des vaches menoient l'avanture sur un chariot sans savoir où elles alloient. 11 est marqué que Dieu fut un jour tellement irrité de ce que le Roi David §§ avoit fait nombrer son peuple par un motif de vaine gloire, qu'il fit mourir plus de 70 mille personnes de son peuple par une peste qu'il envoïa exprès pour punir cette faute, et plusieurs autres semblables exemples qu'il seroit trop long de raporter. Il est facile de voir par tous ces exemples et par Gen.20:fi. Gen. 19:14. Judic. 13: 3—5. ♦*4Kog. 19:35. ft llcS- 6: 19- §§ B«g. 24: 15. 152 tous les miracles que je viens de ra porter que Dieu auroit effectivement dans ces occasions-là plus parti culièrement emploïé sa puissance faire du mal qu'à faire du bien, puisque les miracles que je viens de citer, ne tendoient qu'à affliger des peuples, qu'à ra vager des Provinces, des Villes et des Roïaumes, et détruire des peuples et des armées entières: il est facile de voir par ces exemples et par ces miracles qu'il auroit eu plus de soin de pourvoir au bien cor porel du peuple juif qu'à sa véritable perfection, qui auroit été son plus grand bien puisque tous ces mi racles d'Egypte ne se croïent faits que pour les mettre en possession d'un Païs étranger, sans rendre pour cela ce peuple plus sage ni plus parfait. Car ce peuple pour avoir été en cela [dus favorisé de Dieu que tous les autres peuples, n'en devint pas pour cela plus sage, ni plus parfait, ni plus reconnoissant envers son bienfaiteur, comme ces mêmes livres le témoignent par ce reproche qu'ils disent que Moïse leur en faisoit. Vous avez vu, leur disoit-il, tous les miracles et les prodiges que Dieu opérés en votre faveur dans l'Egypte et devant Pharaon; vous avez vû toutes les victoires qu'il vous fait remporter sur vos Ennemis et tous les autres bienfaits dont il vous comblés: cependant il ne vous pas donné l'esprit d'entende ment pour comprendre la grandeur des merveilles qu'il faites pour vous, ni l'esprit de sagesse pour en savoir bien user *. Et non dedit vobis Dominus cor intelligens et oculos videntes et aures quae possunt Deut. .21) 4. 155 andire usque in praesentem diem. Il est facile de voir par ces exemples et par ces miracles qu'il auroit ef fectivement puni plus sevèrement dans certaines per sonnes et mêmes dans des innocens, des fautes légères et même des fautes qu'ils n'auroient pas commises, qu'il n'auroit puni dans des médians de très-grands vices et de très grands crimes puisqu'il auroit si sé vèrement puni dans un peuple la faute légère qu'un Roi pouroit avoir commise en faisant faire par curi osité ou par vaine gloire le dénombrement de ses sujèts, et qu'il auroit si sévèrement puni les Bethsaroites pour une si légère faute, pendant qu'il souffroit d'ailleurs et qu'il souffrirait encore présentement et tous les jours que quantité de très méchans crimes demeurassent impunis. Enfin il est facile de voir par ces exemples et par ces miracles qu'il se serait rendu et montré plus bienfaisant dans de légères occasions qu'il ne fait et qu'il ne ferait dans une infinité d'autres occasions incomparablement plus pressantes èt plus importantes, puisqu'il auroit eu d'un côté la complai sance d'envoïer un Ange pour consoler et secourir une" simple servante pendant qu'il auroit laissé et qu'il laisse encore tous les jours languir et mourir de misères une infinité d'innocens malheureux, sans secours et sans assistance de personnes dans leurs besoins, et d'un autre côté il auroit eu si bon soin de conserver miraculeusement des habits et des sou liers dans leur entier, pendant qu'il auroit laissé et qu'il laisse encore tous les jours perdre malheureuse ment tant de si grands biens et tant de si grandes Richesses par des incendies et par des naufrages ou 154 par d'autres accidens facheux qui arrivent si souvent dans le monde. Quoi! une souveraine Bonté, une souveraine Sagesse, un Etre infiniment parfait auroit voulu miraculeuse ment conserver pendant 40 ans les habits et les chaussons d'un vil et misérable peuple en les em pêchant, de s'user leurs piés et leur dos; et il n'auroit pas voulu et ne voudroit pas encore mainte nant veiller la conservation naturelle de tant de biens et de tant de richesses qui auroient été ou qui seroient si utiles et si nécessaires pour la subsistance des peuples et qui se sont néanmoins perdus et qui se perdent encore tous les jours par diverses sortes d'accidens facheux; et il ne préserveroit pas même les plus riches ni les plus précieux ornemens de ses temples ni ses temples mêmes si le feu s'y mettoit. Ces prétendus miracles ne sont nullement croïables. Quoi! une souveraine Bonté, une souveraine Sagesse, un Etre infiniment parfait auroit envoïé exprès ses Anges pour conserver ou préserver de danger quelques femmes, quelques enfans ou quelques autres personnes particulières! il auroit voulu envoïer Tobie et quelques autres particuliers des Anges pour les con duire dans leurs voïages, pour les préserver des dangers et pour leur donner de bons conseils dans le besoin, et il auroit envoïe aux prémiers chefs du Genre hu main, Adam et Eve, un Démon ou un Diable sous la figure d'un serpent pour les séduire, et pour perdre par ce moïen tout le genre humain! cela n'est pas croïable. Quoi! il auroit voulu par une grace spéciale de sa Providence empêcher .que le Roi de Geraris ne 155 l'offensât et ne tombât dans une faute légère avec une femme étrangere, faute qui n'auroit cependant eu aucune mauvaise suite et il n'auroit pas voulu emploïer cette même Providence pour empêcher qu'Adam et Eve ne l'offençassent et ne tombassent dans le péché de désobéissance, péché néanmoins qui selon nos Christicoles devoit être si fatal, et attirer, suivant ce qu'ils disent, et causer la perte de tout le genre humain! Cela n'est pas croïable. Il est dit dans un de ces pré tendus saints et divins livres que Dieu conduit le juste dans des voïes droites et par des voies droites et qu'il lui montre le Roïaume de Dieu, qu'il lui donne la science des saints justum deduxit Deus per vias rectos et ostendit Mi Regnum Dei et dedit Mi scientiam santorum. honestavit illum in laboribus et complcvit labores illius. Quel juste donc auroit-il dû conduire par des voïes droites, si ce n'étoit ces prémiers hom mes qu'il auroit, comme disent nos Christicoles, créés dans la justice. Ç'auroit été certainement ces prémiers justes qu'il auroit dû principalement conduire par des voïes droites et auxquels il auroit dû montrer le Roïaume du ciel et leur donner la sagesse des saints, puisque tout le bonheur ou le malheur du Genre hu main dépendoit de leur bonne ou mauvaise conduite. Cependant c'est ce que Dieu n'a pas fait, puisque ces prémiers hommes sont sitôt tombés dans le péché. Quoi encore! Une souveraine Bonté, une souveraine Sagesse, un Dieu infiniment juste et parfait auroit voulu si sévèrement punir dans les Bethsamites et Sap. 10: 10. 150 dans des peuples innocens du tems de David des fautes légères, ou mêmes des fautes qu'ils n'auroient pas commises, pendant qu'il auroit voulu et qu'il voudroit encore laisser sans punition tant de si abo minables crimes et tant de si abominables méchance tés qui se sont commises en ce tems-là et qui se commettent encore tous les jours dans le monde! Cela n'est pas croïable. Quoi! une souveraine Bonté, et une souveraine Sagesse, un Dieu infiniment juste et parfait auroit voulu se choisir tout particulièrement un Peuple pour le sanctifier, pour le protéger, et pour emploïer tout particulièrement sa toute-puissance en sa faveur, et il ne lui auroit pas voulu donner l'esprit de Bonté, l'esprit d'Entendement et de Sagesse pour savoir se bien conduire et se bien gouverner, ni même pour savoir suffisamment reconnoitre les graces et les faveurs de son Dieu bienfaiteur! Cela n'est pas croïable. Quoi! Un Dieu auroit voulu graver avec son doigt les Commandemens de la Loi sur des tables de pierre, et il n'auroit pas voulu les graver intérieure ment dans le coeur ni dans l'esprit de ses peuples pour les leur faire observer avec plaisir et avec amour, quoiqu'il eut choisi ces peuples pour les sanctifier et pour les combler de ses graces et de ses bienfaits! Cela n'est pas croïable. Enfin une souveraine Bonté, une souveraine Sagesse, un Dieu infiniment parfait auroit voulu endurcir le coeur et aveugler l'esprit des Rois et de plusieurs peuples considérables, comme on prétend qu'il fait, afin d'avoir occasion ou sujet de les perdre et les détruire en faveur d'un miséra ble petit peuple d'Israël! Cela n'est pas croïable. Où 157 seroit la Bonté? Ou seroit la Sagesse? Et où seroit la Justice d'un Etre infiniment parfait dans une telle conduite Venons aux prétendus miracles du nouveau Testa ment. Us consistent, comme l'on prétend, principa lement en ce que Jesus-Christ et ses Apôtres guérissoient miraculeusement et divinement toutes sortes de maladies et d'infirmités, en ce qu'ils rendoient par exemple, quand ils vouloient la vûë aux aveugles, l'ouie aux sourds, la parole aux muèts; qu'ils faisoient marcher droit les boiteux, qu'ils guérissoient les paralitiques, qu'ils chassoient les Démons des corps des possédés et qu'ils ressuscitoient les morts. On voit plusieurs de ces miracles dans les prétendus saints Evangiles. Mais on en voit beaucoup plus et même quantité d'autres sortes d'oeuvres miraculeuses dans les Livres que nos Christicoles ont fait des vies ad mirables de leurs saints. Car on voit dans ces beaux Livres, si on les veut croire, presqu'une infinité de choses toutes miraculeuses et divines en toutes sortes de manières. On voit comme ils guérissoient toutes sortes de maladies et d'infirmités et chassoient les Démons presqu'en toutes sortes de rencontres, et ce, au seul nom de Jesus, ou par le seul signe de la croix. Ils commandoient pour ainsi dire aux élemens qui obéissoient leurs voix, ils n'avoient qu'à dire et tout étoit fait. Dieu les favorisoit si bien de ce souverain pouvoir, qu'il le leur conservoit même jusqu'après leur mort, rendant favorablement la santé ceux qui alloient ou venoient pieusement honorer leur tombeau, leurs os et leurs cendres. Bien plus, 158 si l'on croïoit tout ce qui en est ra porté dans leurs Livres, ce pouvoir de faire ainsi des miracles se seroit communiqué jusques aux moindres de leurs habillemens, et même jusqu'à l'ombre de leurs corps et jusqu'aux instrumens honteux de leur mort et de leurs souffrances. Car il est dit de l'Apôtre S. Pierre, par exemple que l'on aportoit les malades dans les rues, afin que Pierre venant passer son ombre couvrit du moins quelqu'un d'eux et qu'ils fussent guéris. 11 est dit des chaines dont ce même Apôtre fut enchainé dans la prison Jerusalem que par leur moïen se sont fait plusieurs miracles. Que n'est-il pas dit du bois de la croix de Jesus-Christ! Il est dit que cette croix fut miraculeusement retrouvée 500 ans après sa mort, et qu'elle fut reconnue entre les autres croix où des voleurs avoient été crucifiés avec lui par des miracles et même par la résurrection de quelques morts qu'on leur fit toucher. 11 est dit que l'on conserve pieuse ment le Bois de cette Croix que nos Christicoles apellent par excellence la vraie croix, que l'on en donne, comme de précieuses reliques, quelques mor ceaux tous les Pelerins qui vont l'honorer Jéru salem; mais que cependant elle ne diminue jamais de rien pour cela, qu'au contraire elle est toujours dans son entier, comme si l'on en eut rien ôté, "f ce qui est, disent nos Christicoles, tout fait miracu leux, puisque l'on voit par tout le monde tant de pièces et de morceaux de cette prétendue vraïe croix, que si on les rassembloit on trouveroit suffisamment Act. 5: 15. Voïez au 3me Mai la vie des Saints. 159 de quoi faire plusieurs grandes croix. Il est dit que la chaussette de S. Honoré ressuscita un mort au Janvier, que le Bâton de S. Pierre, celui de S. Jacques, celui de S. Bernard opéroient des miracles. On en dit de même de la corde de S. François, du bâton de S. Jean de Dieu et de la ceinture de Ste Mélanie. Il est dit de S. Gracilien qu'il fut divinement instruit de ce qu'il devoit croire et enseigner et qu'il fit par les mérites et la puissance de son oraison réculer une montagne qui l'empêchoit de bâtir une Eglise. 11 est dit de S1 Hommebon qu'il changeoit l'eau en vin et que souvent les portes de l'Eglise s'ouvroient d'elle-raêmes lorsqu'il alloit. Il est dit du Sépulchre de S. André qu'il en découloit sans cesse une liqueur qui guérissoit toutes sortes de maladies; que l'ame de S1 Bènoît fut vûe monter au ciel revêtue d'un précieux manteau et environnée de lampes ardentes; que S1 Christophe aïant fiché son bâton en terre, il reverdit et fleurit incontinent comme un arbre; que S. Clément Pape aïant été jettè la Mer avec un ancre au col, il finit sa vie, mais que les Anges lui bâtirent une chapelle au fond de la Mer. S. Jean Damascene aïant eu le poing coupé, il lui fut, dit-on, miraculeusement remis, la nuit suivante en dormant et si bien qu'il n'y paroissoit rien. S. Dominique disoit que Dieu ne l'avoit jamais esconduit des choses qu'il lui eut demandées. Il est dit que les Sts Fercolas ou Ferunins parloient encore après avoir eu la tangue coupée; que S. François commandoit aux Hirondelles et aux cignes et autres oiseaux, et qu'ils lui obéissoient, et que souvent les poissons, les lapins et lièvres se 160 venoient mettre entre ses mains et dans son giron. Que le corps de Ste Editrude fut trouvé entier 100 ans après sa mort. Que celui de Ste Thérese demeure toujours incorruptible; qu'on l'habilloit, qu'on le déshabilloit comme s'il étoit vivant et qu'il se tenoit debout pour peu qu'on l'apuïat. On en dit de même du corps de Rose de Viterbe. Il est dit que tous ceux qui buvoient de l'eau ou Ste Godeline fut noïée, étoient guéris de leurs maladies; que Sle Hedunige étant en prières devant un Crucifix, ce Crucifix leva la main et lui donna sa bénédiction en signe d'assurance qu'il exauçoit sa prière. Que le Docteur angelique S1 Thomas d'Aquin étant en prières Naples devant un Crucifix, ce Crucifix lui parla par plusieurs fois, lui disant qu'il avoit bien écrit de lui. Bene scripsisti de me Thoma. Que S1 Ildefonse Archevêque de Tolede reçut miraculeusement du Ciel une belle chasuble blanche que la vierge Marie lui donna pour avoir bien défendu l'opinion de sa virginité. Que S1 Antonin reçut pareil lement une belle chape du Ciel. On dit de S. Lau rent et de plusieurs autres Sts qu'ils guérissoient les aveugles et autres infirmes en faisant sur eux le signe de la croix. Que le corps de S' Lucien après avoir eu la tète tranchée, se leva et porta sa tête plus de demie lieue près de Beauvais, et que son corps fut après miraculeusement retrouvé. Il est dit que l'image de Notre-Dame de Liesse fut miraculeusement faite et envoïée du ciel par les Anges. Que S. Melon res suscita une bête d'un Troupeau qui avoit été tuée par mégard par un Serviteur, qu'il changea l'eau en vin et un caillou en pain. Que S. Paul et S. Pantalon 161 aïant eu leur tête tranchée, il en sortit du lait au lieu de sang. On lit dans la vie du bienheureux Pierre de Luxembourg, que dans les deux premières années d'après sa mort, 1588, 1589, il fit mille 400 mi racles, entre lesquels il eu 42 morts ressuscités, non compris plus de 5000 autres miracles qu'il fait depuis. Il est dit que les 50 Philosophes, que S. Ca therine convertit, aïant été jettés dans un grand feu, leurs corps furent après trouvés entiers, et pas un de leurs cheveux brûlés, que le corps de la dite S. Catherine fut enlevé par les Anges après sa mort et enterré par eux sur le mont Sinai, que S. Quentin aïant eu la tête tranchée, on jetta son corps d'un côté de la rivière de Somme, et sa tête de l'autre, lesquels après 50 ans furent miraculeusement retrou vés, et que sa tête se réunit d'elle même son corps, que S. Reine aïant eu la tête tranchée, son ame fut portée au ciel par les Anges la vûe d'un chacun, et qu'un pigeon lui aporta sur sa tête une précieuse couronne, que S. Vincent Ferrier ressuscita un mort, qui avoit été haché en pièces et dont une partie du corps étoit moitié rotie et moitié cuite, que son man teau avoit la vertu de chasser les diables et de gué rir diverses maladies, que lespaniers que faisoit S. Ju lien, Evêque de Mans, guérissoient aussi les maladies de ceux, qui les manioient, que S. Yves allant un jour prêcher et trouvant le pont d'une rivière, par où il devoit passer, rompu, il fit le signe de la croix sur les eaux, qui incontinent se divisèrent et se réu nirent dès qu'il fut passé, de S. Julien de Brioude, que des vieillards aïant honorablement enterré son il 162 corps, ils recouvrèrent incontinent la force et la vi gueur, qu'ils avoient dans leur plus florissante jeu nesse, que le jour de la canonisation de S.Antoine de Padoue toutes les cloches de la ville de Lisbonne sonnèrent d'elles mêmes, sans que l'on sût d'où cela venoit, que ce S', étant allé un jour sur le bord de la Mer et aïant apellé les poissons pour les prêcher, ils vinrent en foule- devant lui, et que, mettant la tête hors de l'eau, ils écoutoient attentivement. Il est écrit aussi que le jour de la translation de S. Isidore, du moment que l'on commençât ôter la terre qui le couvroit, toutes les cloches de la ville de Madrid son nèrent d'elles mêmes; la même chose arriva aussi, dit-on, la mort de S. Eleasar et celle de S. Ennemond, laquelle sonnerie continua pendant tout le tems de leur sépulture. Au procès-verbal, qui fut fait pour la canonisation de S. Hyacinthe, il près de mille miracles opérés sur des personnes, que l'on pré tend avoir reçu la santé par l'intercession de ce Saint, étant atteintes de diverses dangereuses maladies, comme de douleurs de tête, du mal des yeux, des machoi res, de la gorge, de dents, des fièvres, de coliques, du mal caduque etc., bréf, il n'y avoit sortes de ma ladies, dont ce Saint n'auroit fait des cures considé rables; il ressuscita aussi plusieurs morts durant et après sa vie; les animaux aussi, dit-on, se ressenti rent de son intercession enfin, disent nos Christicoles, il sembloit que Dieu l'avoit fait Seigneur de la santé et de la maladie, de la vie et de la mort, puisqu'il les obtenoit si facilement par ses prières. Il passoit, disoit-on, sur les eaux comme sur la terre; 165 et ce qu'il de plus particulier est, qu'aïant un jour passé sur le fleuve Céristhenes, les vestiges de ses pies demeurèrent imprimés sur les eaux comme une piste, que l'on voïoit d'un côté de la rivière l'autre par où il avoit passé. On dit encore qu'une image de la Vierge lui parla. Voïez au long sa vie au 16 Avril. 11 est dit que S. François fit presque une infinité de miracles pendant sa vie et après sa mort; il chassa, dit-on, plusieurs Diables des corps des Possédés, il rendit la vûë aux aveugles, il guérit les boiteux et les affligés, il ressuscita des morts, il donna des enfans aux femmes stériles, le pain que ce Saint bénisaoit, les pièces et les morceaux de son habit rapétassé, la corde qui lui servoit de ceinture, l'eau dont il lavoit ses piés et ses mains, brèf tout ce qu'il touchoit, servoit de remèdes aux maladies et adversités, et de soulagement aux travaux; il parloit familièrement aux animaux comme aux personnes, il les apelloit également ses frères et ses soeurs, témoins la brebis et la cigale qu'il apelloit ses soeurs, qui lui obéissoient tout ce qu'il leur commandoit; et ses frères les oiseaux, auxquels il prêchoit comme s'ils eussent eu de l'intelligence de ce qu'il leur disoit. Le corps de ce Saint, dit-on, demeure toujours tout droit sur ses piés sans être apuïé de côté ni d'autre, il les yeux ouverts comme un homme plein de vie, et un peu tournés vers le ciel. Pareillement on dit que son corps est saint et entier, sans aucune cor ruption beau et vermeil, comme s'il étoit encore vif. Il est dit encore que Dieu favorisa S. François de Paule d'une si grande abondance de graces, qu'il sem 11* 164 bloit, qu'il l'eut fait Seigneur de toutes les créatures qui lui obéissoient entièrement, le feu, l'air, l'eau et la terre, la mort, les animaux, les hommes et les diables étoient sujèts la volonté de ce S. Person nage, car il délivra, dit-on, plusieurs possédés, ren dit la vûë aux aveugles, fit parler les muèts, guérit les maladies incurables, ressuscita les morts, les élemens même lui obéissoient; le feu perdit sa force envers lui, marchant dessus et le tenant en ses mains sans se brûler. Il entra, dit-on, dans une fournaise ardente et en éteignit les flammes, qui ne l'osèrent toucher; il passa la mer de Calabre jusqu'en Sicile, lui et son compagnon, sur son habit qu'il voit étendu sur les eaux pour leur servir de barque assurée, et avec cela eut encore le don de Prophétie, et une in finité d'autres semblables miracles, qu'il seroit trop long de raporter ici. Enfin il n'y sujèt si vain et si frivole et même si ridicule, là où les auteurs de ces vies des saints ne prennent plaisir d'entasser mi racles sur miracles, tant ils sont habiles forgeurs de ces beaux mensonges. Voici comme un auteur judicieux parle de ces au teurs et de leurs pieuses et fabuleuses histoires de la vie de leurs saints; et son autorité ne doit pas être suspecte nos Christicoles, puisqu'il étoit lui-même de leur prétendue sainte Religion, Catholique, Apostoli que et Romaine. Voici ce qu'il dit dans son Apologie des Grands Hommes *: «Tous les Historiens, dit-il, «excepté ceux qui sont parfaitement hérétiques, ne Apolog. des Grands Hommes, Tom. 1, pag. 13. 165 «nous représentent jamais les choses pures, mais les «inclinent et les marquent selon le visage, qu'ils leur «veulent faire prendre, et pour donner crédit leur «jugement et attirer les autres, prêtent volontiers »de ce côté-là la matière, l'alongent et l'amplifient, «la biaisent et la déguisent, suivant qu'ils le jugent «propos. L'expérience, continue-il, nous apprend que «presque toutes les histoires depuis ou 800 ans «(c'est de même plus forte raison de celles qui sont «plus anciennes) sont si grosses et si boursouflées «de mensonges, qu'il semble que leurs tuteurs se soient «entrebattus qui emporteroit le prix d'en forger da- «vantage. Il est constant, dit-il, que tous nos vieux «Romans ont pris leur origine des chimères de l'évê- «que Turpin, la salvation de Trajan, d'un Jean Le- «vite, et l'opinion que Virgile étoit un Magicien, du «moine Helivandus. La trop grande facilité ou lége- «reté de croire toutes choses et toutes sortes de mensonges, dit ce même auteur, ont donné lieu la composition de quantité d'Histoires fabuleuses, qui se «succèdent les unes aux autres: car la sotise avec la «folie des hommes a. passé jusqu'à un tel excès, comme «disoit S. Agoar, Evêque de Lyon en 835, qu'il n'y «a maintenant si absurde chose et si ridicule qu'elle «puisse être, que les Chrétiens ne croïent avec plus «de facilité, que n'auroient jamais fait les païens dans «les erreurs de l'Idolatrie. Toutes lesquelles histoi- »res, dit notre auteur, furent suivies des Romans, qui «commencèrent immédiatement sous le règne de Louis «le Débonnaire et se multiplièrent de telle façon parmi «l'ignorance du siècle, qui se laissoit très- volontiers 166 «charmer toutes ces faussetés prodigieuses, que tous «ceux qui se méloient d'écrire l'histoire de ce tems-là, «voulurent aussi pour la rendre plus agréable, entre «mêler beaucoup de semblables narrations; comme l'a «remarqué fort propos un Docteur en Théologie, qui «confesse ingénuement, que c'étoit la vûë ordinaire «des auteurs de ce tems-là de croire qu'ils n'auroient «pas assez savamment écrit, ni avec assez d'éloquence «et de politique, s'ils n'eussent mêlé parmi leurs discours quantité de fictions des Poètes. C'est une chose «étrange, dit le même Auteur, que Delrio, le Loye, «Bodin, de Lavere, Goderman qui ont été et sont en- «core personnes de crédit et de mérite, aient écrit «avec si peu de circonspection et si passionnement «sur le sujèt des Démons, Sorciers et Magiciens, que «de n'avoir jamais rebuté aucune histoire quoique fa- «buleuse et ridicule de tout ce grand nombre de «fausses et d'absurdes, qu'ils ont mises pêle-mêle sans «distinction parmi les vraïes et légitimes, vû, comme «le remarque S. Augustin, que le mélange des mensonges fait tourner la vérité en fables, et que, sui- «vant le dire de S. Jérome, les menteurs font en «sorte qu'on ne les croit point, lors même qu'ils di- «sent la vérité. Témoin ce] pasteur d'Esope, qui voit «si souvent crié au loup, lorsqu'il n'en étoit point be- «soin, qu'il ne fut pas cru ni secouru de personne «lorsque cet animal ravageoit son troupeau: ainsi, con tinue noire auteur, on peut dire que toutes les his- «toires ridicules, tous les contes forgés plaisir et «4es faussetés si manifestes que ces auteurs laissent «glisser si facilement dans leurs livres, tournent in 167 failli blement leur préjudice, et qui pis est, au mé- «pris de la vérité du sujèt qu'ils traitent, quand il prend fantaisie quelque Esprit curieux de les «examiner avec plus de diligence et de circonspec- »tion que ne font pas les auteurs. Tout ainsi, ajoute «cet auteur *, que nous voïons depuis cent ans que «les Hérétiques se sont servis de nos propres armes »et des contes de Légende dorée, et des vies des «Saints, des aparitions de Tundalus, des sermons de «Maillard, Menot et Bodette et d'autres semblables «pièces écrites non avec moins de superstitions que «de simplicité, pour se confirmer en l'opinion qu'ils «maintiennent de la nullité et fausseté de nos miracles." XX. Ce n'est pas sans raison en effet qu'ils les regar dent comme des faussetés et comme des mensonges, car il est facile de voir, que ces prétendus miracles n'ont été inventés qu'à l'imitation des fables et des fictions des Poètes Païens; c'est ce qui paroit assez visiblement par la conformité qu'il des uns aux autres. Si nos Christicoles disent que Dieu donnoit véritablement pouvoir ses Saints de faire tous les miracles qui sont rapportés dans leurs vies, de même aussi les Païens disent que les filles d'Anius, grand Prêtre d'Apollon, avoient véritablement reçu du Dieu Apologie des Grands Hommes, Tom. 2, pag. 458. 108 Bacchus la faveur et le pouvoir de changer tout ce qu'elles voudroient en bled, vin, huile etc. Pareille ment, disent ils, que Jupiter donna véritablement aux Nymphes, qui eurent soin de son éducation, une corne de la chêvre, qui l'avoit alaité dans son enfance, avec cette proprieté qu'elle leur fourni roi abondamment tout ce qui leur viendroit souhait. Ne voilà-t'-il pas de beaux miracles? Si nos Christicoles disent que leurs Saints avoient des révélations divines, pareille ment les Païens avoient dit avant eux, que Athalides, fils de Mercure, avoit obtenu de son père le don de pouvoir vivre, mourir et ressusciter quand il voudroit, et qu'il avoit aussi la connaissance de tout ce qui se faisoit en ce monde et en l'autre; pareillement ils avoient dit qu'Esculape, fils d'Apollon avoit ressuscité des morts, et entr'autres qu'il ressuscita Hipolite, fils de Thesée, la prière de Diane, et qu'Hercules res suscita aussi Alceste, femme d'Àdmete, Roi de Thessalie pour la rendre son Mari. Si nos Christicoles disent que leur Christ est né miraculeusement d'une vierge, sans connaissance d'hommes, pareillement les Païens avoient déjà dit avant eux que Remus et Romulus, prémiers fondateurs de la ville de Rome étoient miraculeusement nés d'une vierge vestale nommée Ilia, Sylvia ou Rea Silvia. Ils avoient déjà dit que Mars, Argé, Vulcain et autres avoient été engendrés de la Déesse Junon, sans connoissance d'homme, et que Mi nerve, Déesse des Sciences avoit été engendrée dans le cerveau de Jupiter et qu'elle en sortit toute armée par la force d'un coup de poing, dont ce Dieu se frapa la tête. Si nos Christicoles disent que leurs Saints 169 faisoient sortir des fontaines d'eau des Rochers, pa reillement les Païens disent que Minerve fit jaillir une fontaine d'huile, en récompense d'un temple qu'on lui avoit dédié. Si nos Christicoles se vantent d'avoir reçu miraculeusement des images du ciel, comme par exem ple celle de notre Dame de Lorrette et de Liesse et qu'ils ont miraculeusement reçu plusieurs autres pré sens du ciel, comme la prétendue S. Ampoule de Rheinis, comme la Chasuble blanche, que l'on prétend que S. Ildephonse reçut de la vierge Marie et autres choses semblables, les Païens pareillement se vantoient avant eux d'avoir reçu du ciel un bouclier sacré, pour marque de la conservation de leur ville de Rome, et les Troïens se vantoient aussi d'avoir reçu miraculeu sement du ciel leur Palladium ou leur simulacre de Pallas, qui 'vint lui-même, disoient-ils, prendre sa place dans le Temple que l'on avoit édifié en l'hon neur de cette Déesse. Si nos Christicoles disent que leur Jesus-Christ fut vû par ses Apôtres monter glo rieusement au ciel et que plusieurs Ames de leurs prétendus Saints furent vûes transférées glorieusement au ciel par les Anges, les Païens Romains voient dit avant eux que Romulus, leur fondateur, fut vû tout glo rieux après sa mort. Pareillement ils disent que Ganimède, fils de Tros, Roi des Troïens, fut par Jupiter transporté au ciel pour lui servir d'Echanson, ils di sent même que la chevelure de Rérenice, aïant été consacrée au temple de Venus, fut peu après trans portée au ciel; ils disent la même chose de Cassiopée, et d'Andromède, et même de l'âne de Silène. Si nos Christicoles disent que plusieurs corps de leurs Saints 170 ont été miraculeusement préservés de corruption après leur mort, et qu'ils ont été miraculeusement retrou vés par des révélations divines, après avoir été un fort long tems perdus, sans savoir où ils pouvoient être; les Païens en disent de même du corps d'Oreste, qui fut miraculeusement, selon eux, trouvé par l'aver tissement de l'Oracle. Si nos Christicoles disent, que les 7. Frères dormans dormirent miraculeusement pendant 177 ans, qu'ils furent enfermés dans une ca verne, les Païens)[disent qu'Epiménides, le prophète, dormit pendant 57 ans dans une caverne, où il s'étoit endormi. Si nos Christicoles disent que plusieurs de leurs Saints parloient encore miraculeusement après avoir eu la langue ou la tête coupée, les Païens di sent aussi que la tête de Gabienus chanta un long poëme, après être séparée de son corps. Si nos Chris ticoles se glorifient de ce que leurs temples et égli ses sont ornés de plusieurs tableaux et riches présens, qui montrent les guérisons miraculeuses qui ont été faites par l'intercession de leurs Saints, on voit aussi, ou au moins on voïoit aussi autrefois dans le temple d'Esculape en Epidaure quantité de tableaux des cures et guérisons miraculeuses qu'il voit faites. Si nos Christicoles disent que plusieurs de leurs Saints ont été miraculeusement conservés dans les flammes ar dentes, sans recevoir aucun domage dans leur corps, ni dans leurs habits, les Païens disoient que les Religieuses du Temple de Diane marchoient sur les charbons ardens, piés nuds, sans se brûler et sans se blesser les piés; ils disoient aussi la même chose des Prêtres de la Déesse Féronie et des Hyrpieux qui 171 marchoient piés nuds sans se brûler sur les charbons ardens des feux-de-joïe, que l'on faisoit l'honneur d'Apollon. Si les Anges, comme disent nos Christi coles, batirent une chapelle S. Clément au fond de la mer, les Païens disent aussi que la petite maison de Baucis et Philémon fut miraculeusement changée en un superbe temple en récompense de leur piété. Si nos Christicoles se vantent d'avoir leurs Saints pour protecteurs et que plusieurs entr'eux, comme par exem ple S. Jacques, S. Maurice et autres ont plusieurs fois parus dans leurs armées, montés et équipés l'avan tage, pour combattre en leur faveur contre leurs en nemis, les Païens disent aussi que Castor et Pollux ont paru plusieurs fois, en bataille, combattre pour les Romains contre leurs ennemis. Si nos Christicoles disent qu'un bélier se trouva miraculeusement, pour être offert en sacrifice la place d'Isaac, lorsque son Père Abraham le vouloit sacrifier, les Païens disent aussi que la Déesse Vesta envoïa miraculeusement une génisse pour lui être sacrifiée la place de Metella, fille de Metellus: ils disent pareillement que la Déesse Diane envoïa miraculeusement une biche la place d'lphigenie, lorsqu'elle étoit sur le bucher pour lui être immolée, au moïen de quoi Iphigenie fut mira culeusement délivrée. Si nos Christicoles disent que S. Joseph s'enfuit en Egypte sur l'avertissement qu'il en reçut d'un Ange du ciel, les Païens disent que Simonides, le poète, évita plusieurs dangers mortels sur des avertisseinens miraculeux qui lui en furent faits. Si Moïse fit sortir une source d'eau vive de son Ro cher en le frapant de son bâton, le cheval Pégase, 172 disent les Païens, en fit bien autant, puisqu'en frapant de son pié un Rocher, il en sortit une fontaine. Si nos Christicoles disent que S. Vincent Fevrier ressus cita un mort qui avoit été haché en pièces et dont une partie du corps étoit rotie, et cuite; les Païens pareillement disent que Pélops fils de Tantale, Roi de Phrigie, aïant été mis en pièces par son Père, pour le faire manger aux Dieux, eux aïant reconnu cette barbare cruauté d'un Père envers son fils, ramassè rent tous les membres, les réunirent et lui rendirent la vie. Si nos Christicoles disent que plusieurs de leurs crucifix et autres de leurs images ont miraculeusement parlé et rendu des réponses; les Païens disent aussi que leurs oracles ont divinement parlé et qu'ils ont rendu des réponses ceux qui les consultoient. Ils disent aussi que la tête d'Orphée et celle de Policrates rendoient des miracles après leur mort. Si Dieu fit connoitre par une voix du ciel que Jésus-Christ étoit son Fils, comme le disent les Evangelistes, les Païens disent aussi que Vulcain fit voir, par l'aparition d'une flamme miraculeuse, que Coeculus étoit vérita blement son fils. Si nos Christicoles disent que Dieu quelquefois miraculeusement nourris quelques-uns de ces Saints, pareillement les Poetes Païens disent que Triptolème fut miraculeusement nourri d'un lait divin par Cèrés, qui lui donna aussi un char attelé de Dragons. Pareillement ils disent que Phécée, fils de Mercure, étant sorti du ventre de sa mère déjà morte, fut néanmoins miraculeusement nourri de son lait. Si nos Christicoles disent que plusieurs de leurs Saints ont miraculeusement adouci la cruauté et la férocité 173 des bêtes les plus cruelles et les plus féroces, les Païens disent aussi, qu'Orphée attiroit lui, par la douceur de son chant et de l'harmonie de ses instrumens, les lions, les ours et les tigres, adoucissant la férocité de leur nature par la douceur de leur har monie; ils disent aussi qu'il attiroit lui les rochers, les arbres et que mêmes les rivières arrètoient leur cours pour l'entendre chanter. Enfin, pour abréger et passer sous silence quantité d'autres semblables exem ples, que l'on pouroit raporter, si nos Christicoles di sent que les murailles de la ville de Jéricho tombèrent miraculeusement par terre par le son des trompêtes; les Païens disent aussi que les murailles de la ville de Thébes furent bâties par le son des instrumens de musique d'Amphion, les pierres, disent les Poètes, s'étant agencées d'elles-mêmes, la construction des dites murailles, par la douceur de son harmonie, ce qui seroit encore bien plus miraculeux et bien plus admirable, que de voir seulement tomber des murailles par terre. Voilà certainement une grande conformité de mi racles de part et d'autre, c'est dire, de la part de nos Christicoles et du côté des Païens. Il n'y certainement pas plus d'aparence de vé rité d'un côté que de l'autre, et comme ce seroit une grande sotise d'ajouter foi maintenant ces pré tendus miracles du Paganisme, c'est pareillement une grande sotise d'ajouter foi ceux du Christianisme, puisqu'elles ne viennent, les uns et les autres, que d'un même principe d'erreurs, d'illusions et de mensonges. C'étoit pour cela aussi que les Manichéens et les 174 Ariens qui étoient, vers le commencement du Chris tianisme, se moquoient de ces prétendus miracles, faits par l'invocation des Saints, et blâmoient ceux qui les invoquoient après leur mort et qui honoroient leurs reliques. Il bien aparence que M. de Fénélon, ci-devant Archevêque de Cambrai, ne faisoit guères d'état de ces prétendus miracles, et qu'il n'y ajoutoit guères de foi lui-mçme, puisqu'il n'a pas seulement daigné d'en dire un mot dans son livre, qu'il fait de l'Existence de Dieu: car comme cet auteur pré tendu donner dans .son dit livre les plus fortes preu ves, qui se pouvoient donner de l'Existence de Dieu et qu'il n'a pas seulement parlé de celle-ci, qui eut été néanmoins une des plus fortes preuves, si les sus dits miracles eussent été bien véritables et bien sûrs, n'en aïant pas, dis-je, parlé, c'est une marque assez visible, qu'il ne faisoit guères d'état et qu'il n'ajoutoit guères de foi tout ce que l'on dit de ces pré tendus miracles. XXI. Mais pour découvrir d'autant mieux la vanité, la fausseté et la ridiculité de ces prétendus miracles du Christianisme, examinons les un peu de plus près, et voïons s'ils répondent la fin principale qu'une sou veraine Bonté, qu'une souveraine Sagesse et qu'une souveraine Puissance se seroit proposée en les faisant; 175 et s'il est croïable, qu'elle auroit voulu se borner seu lement faire si peu de chose, que de faire de tels miracles en faveur des hommes. Mais pour en bien juger, il faut nécessairement remarquer et se souvenir toujours de ce que nos Christicoles eux-mêmes suposent pour principal fondement de toute leur doctrine et de toute leur religion car c'est sur ce fondement, qu'il faut maintenant raisonner, pour juger sainement si leurs prétendus miracles répondent véritablement la fin principale, qu'une souveraine Bonté, qu'une sou veraine Sagesse et qu'une souveraine Puissance se seroit proposée en les faisant, et s'il est croïable qu'elle auroit voulu se borner seulement si peu de chose, que de faire de tels miracles. Car si ces pré tendus miracles ne repondent pas parfaitement la fln principale qu'elle se seroit proposée ou qu'elle auroit dû se proposer, et s'il n'est pas croïable qu'elle auroit voulu seulement se borner-là, il n'est pas croïa ble non plus qu'elle les ait fait. Or voici le principal fondement de toute la Doc trine, de toute la croïance et de toute la religion de nos Christicoles; ils posent pour principal fondement que leur Jésus-Christ, qu'ils apellent leur divin Sau veur, est un Dieu tout-puissant, fils éternel d'un Dieu tout-puissant, et qui, par un excès de son Amour et de son infinie Bonté pour les hommes, bien voulu se faire homme lui-même, comme eux, pour les rache ter, disent-ils, et les sauver tous, c'est-à-dire, pour les délivrer tous du péché et de la damnation éter nelle, qu'ils disent que tous les hommes avoient mé rité pour leurs péchés, et notamment par le péché 176 et par la désobéissance de leur premier Père Adam, et non seulement pour délivrer tous les hommes du péché et de la susdite damnation éternelle, mais aussi pour les réconcilier parfaitement et les remettre tous en graces avec Dieu, son Père tout-puissant, et pour leur procurer encore tous, après cette vie, un bon heur et une béatitude éternelles dans le Ciel. Et c'est, ce qu'ils disent, que leur Jésus-Christ véritablement fait, en donnant sa vie pour tous les hommes et en mourant honteusement sur une croix pour leur salut. C'est sur ce fondement qu'il est marqué dans un de leurs Evangiles *, que Jésus-Christ lui-même disoit, que Dieu son Père avoit tant aimé le monde, qu'il avoit donné son propre fils unique, afin que quiconque croiroit en lui, ne périt pas, mais qu'il ait la vie éter nelle. Car ce n'a pas été, ajoute-t-'il, pour condamner le monde, que Dieu envoié son Fils dans le monde, mais afin que le monde soit sauvé par lui *f Je suis, disoit-il, le bon Pasteur; un bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis, et je donnerai ma vie pour mes brebis, parce que je suis venu afin qu'elles aïent la vie et qu'elles l'aïent avec plus d'abondance. Et ail leurs, il disoit encore §, qu'il étoit venu pour cher cher et pour sauver ce qui étoit perdu **. Et comme tous les hommes étoient perdus, suivant la doctrine de nos Christicoles, c'étoit donc aussi, suivant leur principe, pour les sauver tous, qu'il étoit venu au monde. C'est sur ce même fondement principal de leur Doctrine, qu'il est dit dans leurs prétendus S. Evan Jean, 3:6. Jean, 10: 10. Math. 18: 11. ** Luc. 19: 10. 177 giles que Jesus-Christ était celui, qui ôtoit les pé chés du monde et qu'il étoit venu pour détruire les oeuvres du monde "J* et qu'il étoit venu pour détruire les oeuvres du Demon qui ne sont autres que les péchés et toutes sortes de malice et d'iniquités. C'est pourquoi il est dit ailleurs dans leurs prétendus S. Livres que la Grace de Jesus-Christ, leur sauveur, été découverte tous les hommes, pour leur aprendre renoncer l'impiété et aux mauvais desirs du siècle, pour vivre en ce monde sobrement, justement et religieusement, dans l'attente de l'avènement de la gloire de Jesus-Christ, leur grand Dieu et sauveur de leurs ames, qui s'est, disent-ils, livré lui-même pour tous les hommes, afin de les racheter de leurs péchés et en les purifiant, se former par lui même un peuple chéri et zélé pour les bonnes oeuvres. Et dans un autre endroit des mêmes livres, il est dit encore que ce même Jesus-Christ, aimé son église, c'est dire son peuple, s'étant lui-même livré pour elle **, afin de la santifier, en la purifiant par l'eau du bapteme, avec la parole de vie, et afin de se ren dre glorieux, sans tâches et sans rides et sans qu'elle ait aucun defaut, mais au contraire qu'elle soit sainte et sans souillure. C'est pourquoi nous chantons tous les jours, dans nos prétendus S. Mistères, ces belles paroles du symbole de notre foi: Qui propter nos ho mmes et nostram salutem descendit de coelis, et ces autres: Qui tollit peccata mundi suscipe deprecationem noslram. Jean, 1: 19. Jean, 3: 7. Tit. 2:11. ** Eph. 5: 25. 12 178 Cela étant, il est manifeste que la principale fin que leur Dieu et que leur Dieu Sauveur Jesus- Christ se seroient proposée, l'un en envoïant son divin Fils au monde, et l'autre en se faisant homme comme les autres hommes, leur principale fin, dis-je, en cela auroit été de sauver le monde, comme il est dit; et pour cela leur principale fin auroit été aussi, comme il est dit, d'ôter les péchés du monde, et de détruire entièrement les oeuvres du Demon, c'est dire d'ôter entièrement du monde tous vices, toutes malices et toutes méchancetés; leur principale fin auroit été en core, comme il est dit, de sauver tous les hommes qui s'étoient perdus 'dans les vices et dans le péché; leur principale fin auroit été, comme il est dit en core, de se santifier un peuple, afin qu'il fut sans taches et sans rides, c'est dire sans aucun vice ou défaut. Et enfin, ce qui se raporte toujours au même, leur principale fin ou intention auroit été de sauver les ames en les délivrant de l'état malheureux du péché, en les rachetant de la damnation éternelle, et en leur procurant dans le ciel une vie éternellement heureuse. Nos Christicoles ne sauroient nier, que ce ne soient-là les principales fins que leur Divin sauveur Jesus-Christ se seroit proposées en se faisant homme comme eux, et en voulant bien mourir, comme ils disent qu'il fait, pour l'amour d'eux; ils ne sauroient, dis je, nier que ce n'ait été sa principale fin et la fin principale de Dieu son Père, puisqu'elle est si clairement marquée dans tous leurs prétendus Sts. Livres. Or on ne voit nullement aucun effet, ni aucune aparence réelle de cette prétendue rédemption des hom 179 mes, on ne voit aucune aparence que le péché soit ôté du monde, comme il auroit du être ôté, ni même qu'il soit en aucune manière diminué, au contraire, il serableroit plutôt qu'il seroit augmenté et qu'il augmenteroit même encore tous les jours de plus en plus, les hommes devenant tous les jours de plus en plus vicieux et méchans, et qu'il comme un dé luge de vices, d'iniquités dans ce monde on ne voit pas même que nos Christicoles puissent se glorifier d'être plus saints, plus sages, plus vertueux et mieux réglés dans leur police et dans leurs moeurs que les autres peuples de la terre; et enfin on ne voit aucune aparence qu'il doive avoir plus d'ames sauvées, ni moins de réprouvées qu'il n'y en avoit auparavant cette prétendue rédemption, puisqu'il n'y en pas plus qui prennent le chemin du Ciel, et qu'il n'y en pas moins qui prennent le chemin de l'Enfer, comme le disent nos Christicoles, si tant est néanmoins que le vice soit le chemin de l'Enfer, et que la vertu soit véritablement le chemin du Ciel. Par ainsi il est évi dent, que les susdits prétendus miracles ne répondent aucunement la fin principale, que la prétendue sou veraine Bonté et la prétendue souveraine Sagesse d'un Dieu tout-puissant, qui les auroit fait, se seroit pro posé. Et il n'est nullement croïable qu'un Dieu toutpuissant, si bon et si sage, comme on le supose, auroit voulu se borner faire seulement si peu de chose pour le salut de ceux, pour qui il seroit venu pour les sauver, pour les santifier et pour les rendre tout jamais bienheureux. Quoi! un Dieu tout-puissant qui seroit infiniment 12* 180 bon, infiniment sage, et qui auroit voulu se faire homme mortel pour l'amour des hommes et qui auroit même voulu répandre jusqu'à la dernière goute de son sang pour les sauver tous, auroit voulu se borner et borner sa puissance, sa bonté et sa sagesse guérir seule ment quelques maladies et quelques infirmités du corps, dans quelques malades et dans quelques infirmes qu'on lui avoit présentés; et il n'auroit pas voulu emploïer sa Toute-puissance, sa divine Bonté et sa souveraine Sagesse guérir efficacement toutes les maladies et toutes les infirmités de leurs ames, c'est dire, guérir tous les hommes de leurs vices et de leurs déréglemens, qui sont pires que les maladies du corps! Cela n'est pas croïable. Quoi! Un Dieu tout-puissant, si bon et si sage, auroit voulu miraculeusement pré server des corps morts de toute pourriture et de toute corruption du vice, et il n'auroit pas voulu de même emploïer sa Toute-puissance et sa Sagesse pour pré server de la contagion et de la corruption du vice et du péché les ames d'une infinité de personnes, qu'il seroit venu racheter au prix de son sang, et qu'il venoit santifier pas sa grace! Cela n'est nullement croïable. Quoi! Un Dieu Tout-puissant, si bon et si sage auroit bien voulu rendre miraculeusement la vûë quelques aveugles, l'ouie quelques sourds, la pa role quelques muèts, faire marcher droit quelques boiteux et guérir quelques paralitiques et il n'auroit pas voulu de même éclairer les pécheurs des lumiè res de sa grace, comme parlent nos Christicoles, il n'auroit pas voulu de même fortifier les foibles pé cheurs du secours tout-puissant de sa grace; il n'auroit 181 pas voulu de même les retirer effectivement des erreurs et des égaremens de leurs vices, pour les ramener heu reusement dans le chemin de la vertu et les faire marcher droit dans la voie de ses divins commandemens! Cela n'est pas croïable. Quoi encore! Un Dieu tout-puissant, si bon et si sage, auroit bien voulu, par une faveur toute particulière, ressusciter quelques morts, pour les remettre seulement pour quelque tems dans une vie mortelle, et il 'auroit pas voulu et ne vou drait pas encore maintenant retirer de la mort éter nelle du péché une infinité d'ames, qu'il auroit créées pour le ciel, qu'il seroit venu racheter par son sang et qu'il auroit dû santifier par ses graces! Cela n'est pas croïable! Quoi! un Dieu tout-puissant, si bon et si sage, auroit bien voulu retirer ou préserver mira culeusement quelques personnes du naufrage des eaux de la mer ou des rivières, et il n'auroit pas voulu et ne voudroit pas encore maintenant retirer, ni préser ver du naufrage de l'enfer une infinité d'ames qui tombent malheureusement tous les jours, suivant le dire même de nos Christicoles! Cela n'est pas croïa ble. Quoi! un Dieu tout-puissant, si bon et si sage, auroit bien voulu, par une grace spéciale, préserver les corps de ses Saints et même les moindres de leurs habillemens, comme aussi leurs poils et leurs cheveux, ce qu'ils ne soient point endommagés du feu, au milieu des incendies et des flammes, et il n'auroit pas voulu de même et ne voudroit pas encore maintenant préserver des flammes éternelles de l'Enfer une infi nité d'ames qu'il auroit cependant rachetées au prix de son sang! Cela n'est nullement croïable. Car, comme 182 dit leur Apôtre S. Paul, si un Dieu n'avoit pas épargné son propre fils, et qu'il eut voulu le donner aux hom mes, pour les sauver tous, se pouroit-il faire que leur aïant donné son propre fils, il ne leur auroit pas donné aussi toutes autres choses qui leur auroient été né cessaires pour leur salut, et si cc prétendu divin fils avoit bien voulu donner sa vie pour le salut des hom mes, comment auroit-il pû, ensuite, leur refuser aucune grace, ni aucun autre bien! Cela n'est pas croïable. Quoi encore! Un Dieu tout-puissant auroit voulu mi raculeusement faire sonner d'elles mêmes toutes les cloches, tantôt d'une ville, tantôt d'une autre, pour honorer la mort ou la sépulture de quelques corps morts; il auroit voulu user de sa Toute-puissance pour rassassier miraculeusement, avec quelque peu de pain et de poissons, quelques milliers de personnes qui étoient sa suite; il auroit voulu user de sa Toute-puissance pour attirer miraculeusement les bêtes sauvages, les oiseaux et même les poissons de la mer ou des ri vières, pour venir entendre les prédications de quel ques un de ses Saints; et enfin, pour abréger, il auroit voulu user de sa Toute-puissance en mille et mille autres vains et légers sujets ou occasions pour changer l'ordre et le cours ordinaire de la Nature, et il n'auroit rien voulu faire et ne voudroit encore maintenant rien faire de particulier pour procurer et opérer efficace ment la conversion et la santification de tant de mil liers et même de tant de millions de pécheurs, qui le loueroient et qui le béniroient éternellement dans le Ciel, s'il avoit voulu ou s'il vouloit seulement les re garder d'un oeil favorable, c'est dire, s'il avoit voulu 183 ou s'il vouloit seulement leur toucher bénignement le coeur et leur ouvrir charitablement les yeux de l'Es prit pour leur faire connoitre et aimer leur véritable bien. Il n'est pas croïable qu'un Dieu tout-puissant, infiniment bon et infiniment sage, en auroit jamais voulu user ainsi l'égard des hommes, qu'il auroit tant aimés, que d'avoir voulu donner son sang et sa vie pour eux; il n'est pas croïable qu'il auroit jamais voulu négliger le principal de son dessein, pour s'at tacher seulement quelques légers accessoires, comme sont les prétendues guérisons miraculeuses de quel ques infirmités corporelles, ou autres semblables pré tendus miracles, qui ne sont que de très-légère con séquence. Seroit-il descendu du ciel et seroit-il venu sur la terre, seulement ou principalement pour guérir quelques malades des infirmités du corps? Sereit-il venu seulement et principalement pour rendre la vûë du corps quelques aveugles? pour rendre seulement l'ouïe quelques sourds? pour rendre seulement la parole quelques muèts? la faculté de marcher quelques boiteux et quelques paralitiques? Seroit-il venu seulement et principalement pour rendre la santé du corps quelques malades et pour ressusciter quel ques morts? Seroit-il venu seulement ou principale ment pour préserver quelques corps morts de la cor ruption et pour faire miraculeusement sonner des clo ches d'elles mêmes? Et enfin, seroit-il venu seulement et principalement pour empêcher miraculeusement des habits, des poils et des cheveux de ses saints de brû ler dans les flammes ardentes? Et ainsi de tous ces 184 autres vains et ridicules miracles dont on fait néanmoins tant de cas? Seroit-il venu seulement pour cela? N'auroit-ce pas été plutôt pour guérir tous les hom mes de toutes les maladies et de toutes les infirmi tés de leurs ames, aussi bien que de leurs corps? N'auroit ce pas été plutôt pour les retirer tous de l'esclavage du vice et du péché? pour les rendre tous sages et vertueux et. pour les santifier tous? puisqu'il seroit venu pour les racheter tous et pour les sauver tous. Il témoignoit un jour, ce prétendu divin sau veur, il témoignoit un jour avoir compassion de ceux qui le sui voient, parce qu'ils n'a voient pas de quoi manger, si je les renvoïe chez eux en cet état, ils tomberont en défaillance sur le chemin, et pour les préserver de ce danger, il auroit bien voulu, disent nos Christicoles, faire un miracle de sa Toute-puis sance en multipliant miraculeusement des pains pour les rassassier tous, et pour les empêcher par ce moïen de tomber foibles en chemin, et il n'auroit pas voulu de même et ne voudroit pas encore maintenant, faire de semblables miracles de sa toute-puissante Grace, pour santifier tous les pécheurs et pour les sauver tous. Il verroit tous les jours leur faiblesse et leur infir mité, et il ne voudroit par les fortifier du secours efficace de sa toute-puissante Grace, pour les empêcher de tomber dans le vice et dans le péché Il les ver roit tomber tous les jours milliers dans les flammes effroïables de l'Enfer, et il n'auroit point compassion de leur perte, d'une perte si terrible, si effroïable que celle-là? Cela n'est nullement croïable, cela se dé 185 truit de soi-même, et il est tout-à-fait indigne d'avoir cette pensée-là d'un Etre qui seroit infiniment bon et infiniment sage. Le prémier donc de ces miracles, le plus grand et le plus glorieux pour lui et en même tems le plus nécessaire et le plus avantageux pour les hommes, auroit certainement été de les guérir véritablement tous de toutes les maladies et infirmités de leurs ames, qui sont les vices et les mauvaises passions. Le pre mier, le plus beau et le plus grand de ses miracles, auroit été de rendre tous les hommes sages et parfaits, tant du corps que de l'esprit. Le premier et le prin cipal de ses miracles auroit été de santifier vérita blement tous les hommes et de les sauver effective ment tous, en les rendant tous parfaitement bienheu reux dans le Ciel. G'étoit-là, certainement, Messieurs les Christicoles, le prémier, le plus beau, le plus grand, le plus glorieux, le plus avantageux, le principal et le plus nécessaire de tous les miracles, que votre pré tendu divin Christ auroit dû faire, puisque c'étoit pour cela même qu'il auroit descendu du ciel et qu'il se roit venu au monde, comme il le disoit lui-même, ainsi qu'il est marqué dans son Evangile. Lorsque je serai élevé de terre, disoit-il, j'attirerai de toutes choses moi. Et ego si exaltatus fuero terra omnia traham ad me ipsum. Le voilà qui été élevé, et il l'a été en deux manières, me disent nos Chris ticoles, il été élevé, lorsqu'il été attaché la croix et il l'a été, lorsqu'il est monté au Ciel, si c'étoit de Jean, 12: 82. 186 l'une ou de l'autre, ou même de toutes les deux élé vations ensemble qu'il entendoit parler. Le prémier donc, le plus beau, le plus grand et le plus favora ble miracle qu'il auroit pû faire, et qu'il auroit dû faire, suivant sa parole, après avoir été ainsi élevé de terre, étoit d'attirer véritablement et glorieusement tout lui, et comme il est marqué qu'il étoit venu pour ôter le péché du monde, pour détruire les oeu vres du Démon, pour santifier les hommes, pour cher cher et pour sauver tout ce qui étoit perdu, et en un mot, qu'il étoit venu pour racheter tous les hom mes du péché, de la damnation éternelle et pour les sauver tous, le prémier, encore un coup, le plus grand, le plus glorieux, le plus favorable, le plus nécessaire et en même tems le plus désirable et le plus impor tant de tous les miracles, qu'il auroit pû et qu'il auroit dû faire, suivant son prémier et principal dessein, étoit d'ôter effectivement tous les péchés du monde, étoit d'en ôter tous les vices, toutes les injustices, toutes les iniquités, toutes les méchancetés et tous les scandales. Le prémier, le plus grand et le plus avan tageux miracle qu'il auroit pû et qu'il auroit dû faire, suivant son prémier et principal dessein, étoit de dé livrer effectivement tous les hommes de l'esclavage du vice et du péché, de les guérir de toutes les ma ladies de leurs ames et de les santifier et sauver ef fectivement tous, puisqu'ils s'étoient tous perdus dans le péché et qu'il étoit venu exprès pour sauver tout ce qui étoit perdu. Mais, comme il est tout évident et tout certain qu'il n'a pas fait ces sortes de mira cles, il n'y aussi aucun lieu de croire qu'il ait fait, 187 ni lui, ni ses prétendus Saints aucun de ces autres miracles dont je viens de parler, et c'est ainsi bien en vain que nos Christicoles prétendent prouver la vérité de leur Religion par la certitude de leurs pré tendus miracles, qui ne sont véritablement, comme j'ai dit, qu'erreurs, qu'illusions, que mensonges et qu'impostures. Tout ce que je viens de dire le dé montre assez manifestement pour devoir n'en plus faire aucun doute. XXII. TROISIÈME PREUVE. Venons aux pretendues Visions et Révélations di vines, sur lesquelles nos Christicoles prétendent encore fonder et établir la vérité et la certitude de leur Re ligion. Pour donner une juste et véritable idée de ces Visions et Révélations divines, je ne crois pas que l'on puisse mieux faire que de dire en général qu'el les sont telles, que si quelques-uns osoient mainte nant se vanter d'avoir de telles ou de telles Visions et Révélations divines, et qu'ils voulussent s'en pré valoir, on les regarderoit infailliblement tous, tant qu'ils seroient, comme des fous, comme des visionnai res et comme des insensés fanatiques. Voïez quelles furent ces prétendues visions et révélations divines. Dieu, disent les prétendus Sts. Livres, dont j'ai cidevant parlé, s'étant pour la première fois aparu 188 Abraham, il lui dit ceci *: Sortez de votre païs (c'étoit en Chaldée qu'il étoit), quittez la maison de votre père, et allez-vous en au Païs que je vous montre rai; cet Abraham étant allé, Dieu, dit l'Histoire, s'aparut une seconde fois lui, et lui dit: je donne rai tout ce païs-ci où vous êtes votre Posterité: et en reconnoissance de cette gracieuse promesse, Abra ham lui dressa un Autel -J*. Quelque tems après, Dieu lui aparut encore dans une vision, pendant la nuit; il lui sembloit voir un four d'où sortoit une grande fumée **. Alors Dieu faisant alliance avec cet Abra ham, il lui dit: je donnerai tout ce païs-ci votre Posterité depuis la fleuve d'Egypte, jusques au grand fleuve de l'Euphrate ff. Abraham, étant âgé de 99 ans, Dieu s'aparut encore lui et lui dit: je suis le Dieu tout-puissant, marchez droit devant moi et soyez parfait §§, car je mettrai mon alliance avec vous, et je multiplierai grandement votre semence ***, vous serez le père de beaucoup de nations -J"J"J* Vous ne vous apellerez plus Àbram, comme ci-devant, niais vous vous apellerez Abraham, parceque je vous ai établi Père de beaucoup de nations §§§. Je ferai avec vous et avec votre semence une alliance éternelle, afin que je sois votre Dieu, le Dieu de votre Postérité après vous ****. Voici l'alliance que je ferai avec vous et avec tous vos Descendans: vous circoncirez, lui dit Dieu, la prépuce de tous vos enfans mâles f*ff Ce Gen. 12: 1. f- Ibid. 12: 7. Ibid. 15: 1.

    • Ibid. 15: 17. tt Ibid. 15: 18. §§ Ibid. 17: 1.
      • Ibid. 17: 2. ttt Ibid. 17: 4. §§§ Ibid. 17: 5.
        • Ibid. 17: 7. tttt Ibid. 17: 10.

189 ser? là, lui dit-il, la marque de mon alliance perpé tuelle avec vous *. Tout enfant mâle sera circonci au huitième jour, car je veux que vous portiez la marque de mon alliance dans votre chair §. Sur quoi cet Abraham commença se circoncire lui-même et circoncire tous les mâles de sa maison **. Après cela Dieu, dit l'histoire, voulant tenter cet Abraham, pour voir s'il seroit obéissant ce qu'il lui ordonnait, s'aparut lui et lui dit "J"J*. Prenez votre fils unique, Isaac, que vous aimez et allez-vous en l'offrir vousmême en sacrifice en l'endroit que je vous montre rai §§. Aussitôt et la nuit même Abraham partit avec son fils Isaac, pour l'aller sacrifier ***. Et étant au troisième jour parvenu l'endroit où il devoit l'offrir en sacrifice, Abraham aïant tout disposé pour le sa crifice, prit son épée, et comme il tendoit le bras pour donner son fils le coup de la mort, il enten dit une voix du ciel, qui lui dit, Abraham, Abraham, ne frappez pas votre fils et ne lui faites aucun mal, je connois maintenant que vous n'auriez pas pardonné votre fils pour l'amour de moi, et maintenant puis que vous avez fait cela et que vous ne lui auriez point pardonné, afin d'obéir ma parole, je vous jure par moi-même que je vous bénirai, que je multiplie rai votre posterité comme les Etoiles du Ciel, et comme les grains de sable de la Mer, vos descendans seront victorieux de tous leurs ennemis et toutes les nations de la terre seront bénites dans votre semence, parce Ibid. 17: 11. Ibid. 17: 12. Ibid. 17: 13.

    • Ibid. 17: 22, 27. ft Ibid. 22: 1.

§§ Ibid. 22; 2. *** Ibid. 22: 3. 190 que vous avez obéi ma voix *. Après la mort de cet,, Abraham Dieu s'aparut pendant la nuit son fils Isaac et lui dit: Je suis le Dieu de votre Père Abra ham, ne craignez rien parce que je suis avec vous pour vous bénir. Je multiplierai votre Posterité pour l'amour de mon serviteur Abraham "f en reconnoissance de quoi Isaac dressa là un Autel Dieu, qui lui étoit aparu. Après la mort de cet Isaac, Jacob, son fils, allant un jour en Mésopotamie pour chercher une femme qui lui seroit convenable, après avoir mar ché tout le jour, se sentant fatigué du chemin, il voulut se reposer sur le soir, et s'étant couché par terre, et aïant mis sa tête sur quelques pierres pour s'y reposer, il s'y endormit, et pendant qu'il dormoit, il vit en songe une échelle, dressée sur sa tête, dont l'extrémité alloit toucher jusqu'au Ciel, et il lui sembloit voir que les Anges de Dieu montoient et descendoient par cette échelle et qu'il voïoit Dieu lui même qui s'apuïoit sur le plus haut bout de cette échelle, qui lui disoit: je suis le seigneur, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'lsaac votre père, je vous don nerai vous et votre Posterité tout le païs où vous demeurez, votre Posterité sera aussi nombreuse que la poussière de dessus la terre, elle s'étendra depuis l'Orient jusqu'à l'Occident et depuis le Septemtrion jusqu'au Midi et toutes les nations de la terre seront bénites cause de vous et de votre Posterité. Je se rai votre protecteur partout où vous irez, je vous ramenerai sain et sauf de cette terre, je ne vous Gen. 27: 1. Gen. 26: 4, 24. 191 abandonnerai point, que je n'aie accompli tout ce que je vous ai promis. Jacob s'étant éveillé dans ce songe, il fut saisi de crainte et dit: Quoi! Dieu est vrai ment ici, et je n'en savois rien, ah, dit-il, que ce lieu est terrible, puisque ce n'est autre chose que la main de Dieu et la porte du Ciel *. Puis s'étant levé, il dressa une pierre, sur laquelle il répandit de l'huile, en mémoire de ce qui lui étoit arrivé là, et fit en même tems un voeu Dieu que, s'il revenoit sain et sauf, il lui offriroit la dixième de tout ce qu'il auroit. Voici encore une belle vision qu'il eut quelques années après, comme il s'étoit mis garder les troupeaux de son beau-père Laban et qu'il étoit convenu avec lui, qu'il auroit pour récompense de son service, tout ce que les brebis produiroient d'agneaux de diverses couleurs. Etant grandement desireux de son profit, comme il est assez naturel, il souhaitoit passionné ment que ses brebis fissent beaucoup d'agneaux de diverses couleurs, aïant donc passionnément ce desir coeur, il songe agréablement une nuit qu'il voïoit -J* les mâles sauter sur les femelles et qu'elles lui produisoient toutes des agneaux de diverses couleurs. Ravi qu'il étoit dans un si beau songe, Dieu lui aparut et lui dit: regardez et voyez comme les mâles montent sur les femelles et comme ils sont de diverses cou leurs, car j'ai vû, lui dit-il, la tromperie et l'injustice que vous fait Laban votre beau-père; levez-vous donc maintenant, lui dit Dieu, sortez de ce païs-ci et re tournez en votre païs. Comme il s'en retournoit en Gen. 28: 11, 18. Ibid. 31: 12. 192 son païs, avec toute sa Famille et avec tout ce qu'il avoit gagné chez son Beau-père, il eut, dit l'Histoire, (ou la fable) pendant la nuit en rencontre un Homme inconnu, contre lequel il lui fallut combattre toute la nuit jusqu'au point du jour; et cet homme ne l'aïant pû vaincre, il lui demanda, qui il étoit, et Jacob lui dit son nom; alors cet inconnu lui dit, vous ne serez plus apellé Jacob, mais Israël, car puisque vous avez été fort en combattant contre Dieu, plus forte rai son, lui dit-il, serez vous fort en combattant contre les hommes *. Voilà quelles furent les prémières de ces belles prétendues visions et révélations divines; il ne faut point juger autrement des autres que de celle-ci. Or, quelle aparence a-t'-il de Divinité dans des songes si grossiers et dans des illusions si vaines? Si quel que homme rustique et grossier, ou si quelque bon homme de berger de la campagne, comme pouvoit être ce Jacob, dont je viens de parler, venoit nous dire qu'il auroit convenu avec un beau-père ou avec quelqu'autre personne de garder seul ses troupeaux condition que tous les fruits qui en proviendroient et qui seroient de diverses couleurs, seroient pour lui en récompense de son service, et que 'pour témoi gnage que Dieu voudroit le favoriser et lui procurer une ample récompense de ses services, il se seroit aparu lui en songe, lui auroit parlé, et lui auroit dit toutes ces paroles: Je suis le Dieu qui vous déja aparu en un tel endroit; j'ai vu la tromperie et Gen. 32: 25, 28. 195 l'injustice que l'on vous faite, vous ne serez point frustré de votre récompense, j'accomplirai vos sou haits; regardez et voïez comme les mâles de vos trou peaux montent sur les femelles; elles vous produi ront toutes leurs fruits de diverses couleurs, et ainsi votre récompense sera grande, si, dis-je, quelque per sonne venoit maintenant nous conter telles sornettes, et que ceux qui nous les conteroient, crussent véri tablement avoir eu quelques visions et révélations di vines de ce qu'ils nous diroient, ne regarderions-nous pas ces gens-là comme des fous, comme des vision naires ou comme des simples d'esprit? Nous les re garderions certainement comme tels, et si ces mêmes personnes continuoient encore nous dire qu'ils auroient eu la nuit, la rencontre des inconnus contre lesquels ils auroient été obligés de combattre toute la nuit, et que ces gens inconnus, ne les aïant pu vaincre, ils leur auroient dit qu'ils auroient combattu contre Dieu ou contre des Dieux, et si sur une telle vision, ces personnes-là regardoient ces victoires imaginaires, comme un présage divin, ou comme une assurance divine de la force victorieuse, avec laquelle ils combattroient quelques jours Contre leurs ennemis, ne ririons-nous pas des sottes imaginations de ces pau vres gens-là? Nous n'en ferions certainement que rire. Pareillement si quelques étrangers, quelques Allemans, par exemple, ou quelque Suisse qui seroient venus dans notre France, et qui auroient vû les plus belles Provinces du Iloïaume, venoient dire que Dieu leur seroit aparu dans leur Païs, qu'il leur auroit dit de venir ou de s'en aller en France et qu'il leur don 13 494 neroit eux et leurs descendons toutes les belles Terres, Seigneuries et Provinces du Roïaume, qui sont depuis les grands fleuves du Rhin et du Rhone, jus qu'à la Mer Océane, qu'il feroit une éternelle Alliance avec eux et avec leurs Descendans, qu'il multiplieroit leurs races, qu'il rendroit leur postérité aussi nom breuse que les étoiles du ciel et que les grains de sable de la mer, et qu'enfin ce seroit avec eux que Dieu béniroit toutes les Nations de la terre, et que, pour marque de son Alliance avec eux, il leur aurait ordonné de se circoncire eux-mêmes et de circoncire tous leurs Enfans mâles, qui naitroient d'eux et de leurs Descendans, etc. Qui est-ce encore qui ne riroit de telles sotises et qui ne regarderait ces Etrangers comme des fous, comme des visionnaires et comme des insensés fanatiques? 11 n'y certainement per sonne, qui ne riroit et ne se moqueroit de toutes ces belles visions et de toutes ces belles prétendues ré vélations divines. Or il n'y aucune raison de juger autrement, ni de penser plus favorablement de tout ce que disent ces grands prétendus saints patriarches Abraham, Isaac et Jacob touchant les visions et les pretendues Révé lations divines qu'ils croïent ou au moins qu'ils disent avoir eues, et ainsi elles ne méritent pas qu'on en fasse plus d'état que de celles de cesj étrangers, dont je viens de parler, parce qu'elles n'étoient véritable ment qu'erreurs et illusions ou mensonges et impos tures, comme seroient celles de ces étrangers, dont je viens de parler; et il est sûr même, que quand ces trois bons Patriarches reviendraient maintenant nous 195 dire eux-mêmes, qu'ils auraient eues de telles visions et de telles révélations divines, nous n'en ferions en core maintenant que rire et nous ne manquerions cer tainement pas de regarder toutes ces prétendues vi sions et révélations divines autrement, que comme des erreurs et des illusions, ou comme des mensonges et des impostures. Je dis comme des erreurs et des illusions, si ces personnages nous paroissoient croire véritablement avoir eu de telles visions et de telles révélations; et en ce cas nous les regarderions eux comme des visionaires et comme des gens, qui auroient l'esprit foible; mais nous les regarderions comme des menteurs, comme des fourbes et comme des imposteurs, si nous jugions autrement de leurs personnes et de leurs intentions. Mais soit que ces Patriarches aïent eu dessein en cela de tromper les autres, ou soit qu'ils se soient trompés eux-mêmes les premiers, il est facile de con cevoir la vanité et la fausseté de toutes leurs préten dues visions et révélations divines; elles se décou vrent assez manifestement d'elles-mêmes, non seule ment par cette injuste et odieuse acception de peupies ou de personnes, dont j'ai ci-devant parlé et en faveur de laquelle on prétend néanmoins que les sus dites révélations auroient été faites, parce qu'il n'est pas croïable qu'un Dieu qui seroit infiniment bon, in finiment parfait et infiniment juste auroit jamais voulu, ni ne voudroit jamais faire, ni autoriser une chose si injuste et si odieuse que seroit une telle acception de personnes et de peuple, mais elles se découvrent en core par la vanité et la fausseté des susdites visions 13* 496 et révélations; elles se découvrent encore assez mani festement par trois autres différens endroits. 1°. Elles se découvrent par cette vile, ridicule et honteuse mar que de la prétendue Alliance que Dieu auroit faite avec les hommes; 2°. par la cruelle et barbare institution des sacrifices sanglans de bêtes innocentes et que Moïse attribue ce même Dieu, et notamment par ce cruel et barbare commandement, qu'il dit aussi que Dieu dit Abraham de lui sacrifier son fils, 5°. Par le défaut manifeste d'accomplissement des promesses si belles et si avantageuses qu'il dit pareillement avoir été faites de la part de Dieu aux trois susdits Patri arches. Car la marque de cette prétendue Alliance étant tout-à-fait vile et ridicule, l'institution des sa crifices sanglans de bêtes innocentes, étant cruelle et barbare, aussi bien que le susdit commandement un père de sacrifier son fils, et enfin les susdites si gran des, si magnifiques promesses prétendues, faites de la part de Dieu aux susdits Patriarches, se trouvant sans effet et sans accomplissement, sont autant de preuves certaines et évidentes de la vanité et de la fausseté des susdites prétendues visions et révélations divines. Prémièrement pour ce qui est de la marque de çette prétendue Alliance de Dieu avec les susdits Pa triarches et tous leurs Descendans, elle est manifes tement ridicule, puisqu'elle consiste dans un vain et ridicule retranchement de chair ou de peau de la plus honteuse partie du corps humain. Quoi! Un Dieu tout-puissant et parfaitement sage s'amuseroit ou se seroit amusé vouloir faire porter tout un peuple la marque de son Alliance avec lui dans la plus hon- ^\ 197 teuse partie de leur corps; et il auroit voulu faire consister cette marque dans un si vain et si ridicule retranchement de chair ou de peau? Cela n'est nul lement croïable. Si un Dieu tout-puissant voit vé ritablement voulu se choisir tout particulièrement un peuple, et qu'il eut voulu lui faire porter la marque de son alliance sur son corps, il auroit indubitable ment choisi une marque plus convenable, plus digne et plus honorable que celle-là, et il Pauroit indubi tablement aussi placée dans la partie la plus noble, la plus considérable et la plus aparente du corps, afin de rendre, par cette gratification particulière de sa bonté, son peuple plus beau, plus parfait, plus hono rable et plus considérable que tout les autres peu ples. Mais qu'il aurait voulu choisir une si vaine et si vile marque de son Alliance que celle que l'on pré tend qu'il ait choisie, et quil auroit voulu la placer dans la partie la plus honteuse du corps? Cela est indigne de la grandeur et de la souveraine Majesté d'un Dieu, et il seroit même indigne de penser qu'il l'auroit jamais voulu faire ainsi. XXIII. Secondement, l'égard de l'institution des Sacrifi ces sanglans des bêtes innocentes, les prétendus Sts. 198 et Sacrés Livres, qui contiennent les susdites révé lations, l'attribuent manifestement Dieu, comme aussi l'institution des autels et la consécration des Prêtres pour lui offrir des sacrifices sur les susdits Autels. Ils marquent ces mêmes Livres et ces mêmes préten dues Révélations divines, ils marquent que Dieu avoit ordonné que ces Prêtres répandroient autour de son autel le sang des Animaux, qu'ils lui offriroient en Sacrifice, qu'ils écorcheroient ces animaux, qu'ils les mettroient en pièces et qu'ils feraient brûler leur chair sur son autel. Dieu promettoit de son côté d'avoir pour très-agréable l'odeur de la fumée des victimes, qu'ils lui offriroient de la sorte, et, conformément cela, nous voïons aussi dans ces mêmes livres, qu'a près le Déluge, Noé étant sorti de l'Arche, où il s'étoit renfermé avec sa femme et ses enfans et avec des animaux de toutes sortes d'espèces, pour éviter les eaux du Déluge, aussitot qu'il fut sorti de cette Arche sain et sauf, il dressa un autel Dieu, et pour action de grace lui offrit des animaux en sacrifice sur cet autel, et Dieu, disent ces mêmes Livres, té moigna avoir pour très-agréable la fumée de ce sacri fice, en conséquence de quoi, il promit qu'il ne mau dirait plus la terre cause des hommes, parce qu'ils sont enclins, dit-il, au mal dès leur enfawice. Voici, selon les mêmes Livres, ce que Dieu ordonnoit dans sa loi, touchant les sacrifices des animaux et touchant la consécration des Prêtres. Le Seigneur, disent ces pré Exod. 29. 9. Gen. 8. 21. 199 tendus Sts. Livres, parla Moïse et lui dit: Ordonne aux Enfans d'Israël de me faire des offrandes; vous recevrez mon offrande de toute personne qui l'offrira volontiers, .* ils me feront aussi un Sanctuaire ou Ta bernacle pour demeurer au milieu d'eux. "J* Et en outre tu me feras un autel de bois de Setim aïant cinq coudées de long et cinq coudées de large, lequel sera quarré, et sa hauteur sera de trois coudées. Tu prendras Aâron ton frère et ses enfans, pour exercer la charge de sacrificateur. Tu leur feras des vêtemens saints pour gloire et honneur. Et voici ce que tu feras, quand tu les consacreras et que tu les santifieras, pour exercer la sacrificature; tu prendras un veau du troupeau et deux moutons sans tache et des pains sans levain,... ** lors lu feras aprocher Aâron et ses fils l'entrée du Tabernacle, puis tu prendras les vê temens et feras vêtir Aâron la chemise et le ro quet de l'Ephod et le pectoral et le ceindras par des sus, avec le ceinturon exquis de l'Ephod; puis tu met tras sur sa tête la Thiare, et la couronne de Sainteté sur la thiare, et tu prendras l'huile de l'onction et la répandras sur sa tête; puis tu feras aprocher ses (ils et leur feras vêtir les habits sacerdotaux et les ceindras de baudriers, savoir Aâron et ses fils, et leur atta cheras des calottes et ainsi tu les consacreras, et la santification leur sera en ordonnance perpétuelle. Ce qui étant fait, tu feras aprocher le veau devant le Ta bernacle; alors Aâron et ses fils poseront leurs mains sur la tête du veau, et tu égorgeras le veau devant Exod. 25. 1. ibid. 25. 8. ibid. 27. 1.

    • ibid. 29. 1.

200 le Seigneur, l'entrée du Tabernacle; puis tu prendras du sang de ce veau et le mettras avec ton doigt sur les cornes de l'autel puis tu répandras (tout le reste du sang au bas de l'autel; puis tu prendras toute la graisse qui couvre les entrailles et la taïe qui est sur le foïe et les deux rognons et la graisse qui est sur iceux, et tu les feras fumer sur l'autel, mais tu brûleras au feu la chair du veau, sa peau et sa fiente hors du temple; et ce sacrifice sera pour l'expiation des péchés; puis tu prendras l'un des moutons, et Aaron et ses fils poseront les mains sur la tête de ce mouton; puis tu l'ègorgeras et prenant le sang d'icelui, tu le répandras sur l'autel tout l'entour *, après quoi tu dépiéceras ce mouton par quartier, tu laveras ses entrailles et ses jauibes et les poseras sur les membres et sur la tète et feras fumer et brûler tout le mouton sur l'autel; et c'est là le sacrifice d'holocauste que tu offriras au Seigneur, lequel sa crifice lui sera d'une odeur très-agréable; puis tu prendras l'autre mouton, et Aaron et ses fils poseront les mains sur la tête de ce mouton, que tu égoro-eras et prendras du sang d'icelui et le mettras sur le mol de l'oreille droite et sur le gros orteil du pié droit et répandras le reste du sang sur l'autel tout l'entour, et prendras du sang qui est sur l'autel et de l'huile d'onction et feras aspersion sur Aaron et sur ses vêtemens, sur ses fils et les vêtemens de ses fils avec lui, et ainsi ils seront santifiés et con sacrés Et. ceci sera en ordonnance perpétuelle pour Exoci 29. 1-—20. 201 Aàron et pour ces fils .... tu sacrifieras pour l'ex piation du péché tous les jours un veau Voici encore, lui-dit-il, ce que tu feras sur l'autel, tu of friras par chacun jour continuellement deux agneaux, tu sacri lieras -l'un des agneaux le matin et l'autre agneau vers le soir et j'habiterai au milieu des Enfans d'Israël et je serai leur Dieu etc. Voici encore ce qui est écrit dans ces mêmes li vres, touchant ces sortes de sacrifices. Le Seigneur parla Moïse et lui dit: Parles aux Enfans d'Israël et leur dis ceci, quand quelqu'un d'entre vous offrira offrande en sacrifice au Seigneur, vous offrirez votre offrande ou votre sacrilice de vos troupaux, tant du gros que du menu bétail; si son offrande est du gros bétail pour l'holocauste, il offrira un mâle sans tâche et l'offrira l'entrée du Tabernacle, de son bon gré en la présence du Seigneur, et posera la main sur la tête de l'holocauste, et il sera acceptable pour lui et pour la propitiation de ses péchés, puis on égorgera le bon veau en la présence du Seigneur; et les fils d'Aàron, sacrificateurs, en offriront le sang et le ré pandront sur l'autel et tout l'entour, et puis on écorebera l'holocauste et on le couperas en pièces. Les fils d'Aàron, sacrificateurs, mettront le feu sur l'autel et arangeront le bois sur le feu. Pareillement ils rangeront sur le bois les quartiers, la tête et la fressure de l'animal, et le sacrificateur, offrira toutes ces choses au Seigneur, sur l'autel, où il les fera fu mer et brûler en holocauste; et ce sacrifice étant fait ainsi, il sera d'une très-agréable odeur au Seigneur. "J* Èxod. 29, 21, 29, 36, 38, 44, 45. Levit. 1, 1—10. 202 Que si son offrande est de menu bétail pour holo causte, savoir d'entre les agneaux ou d'entre les chè vres, il offrira un mâle sans tache, on l'égorgera côté de l'autel vers le Septentrion en présence du Seigneur, et les fils d'Aàron sacrificateurs en répan dront le sang sur l'autel et l'entour, puis on le coupera en pièces, et sa tête, sa fressure et sa graisse, et le Sacrificateur les rangera sur le bois au dessous duquel il doit mettre le feu. Mais il lavera les en trailles et les jambes, puis le sacrificateur offrira tou tes ces choses en sacrifice, les fera fumer et brûler sur l'autel en holocauste, et ce sacrifice étant fait ainsi, il sera d'une irès-agréable odeur au Seigneur. Que si son offrande est de la volaille pour holocauste au Seigneur il offrira son offrande de tourterelles ou de pigeonneaux, et le sacrificateur l'offrira sur l'autel et lui entamera la tête avec l'ongle afin de le faire fumer sur l'autel et fera couler son sang côté de l'autel; il ôtera son jabot avec ses plumes et les jettera côté de l'autel, là où sont les cendres, il lui brisera les ailes sans les diviser et les fera fumer sur le bois qui sera au feu, et ce sacrifice étant fait ainsi, il sera d'une odeur très-agréable au Seigneur. Holocaustum est et oblatio suavissimi odoris etc. Une autre fois, comme il est marqué dans les susdits livre?, Dieu parla Moïse et lui dit ceci "f: Quand quelque personne aura commis quelque faute ou quel que péché contre la loi, ou contre les céremonies de son Dieu, si c'est par erreur qu'il l'a commise, il aportera au Seigneur une offrande pour son péché, sa Levit. 1. 11—16. Levit. 5. 15. 205 voir un mouton sans tache, que le Prêtre sacrifiera au Seigneur pour l'expiation de son péché: de même, si quelqu'un pèche par ignorance, faisant quelque chose qui seroit défendue par la Loi, il offrira un mouton sans tache, et le Sacrificateur, l'offrant Dieu, priera pour lui, et son péché lui sera remis. Une autre fois, comme il est marqué dans les susdits Livres, Dieu parla Moïse et lui dit ceci: Parle aux enfans d'Is raël et leur dis ceci: Quand vous serez entré au païs où vous devez demeurer, et où je vous ferai entrer, et que vous voudrez faire sacrifice d'holocauste au Seigneur, vous ferez votre offrande d'un animal du gros ou du menu bétail, par chacun agneau vous offri rez au Seigneur en sacrifice un gâteau de fleur de farine, avec une certaine mesure de vin; par chaque mouton vous offrirez aussi. un gâteau de fleur de fa rine, avec une certaine mesure d'huile et de vin pour l'aspersion, et par chaque taureau vous offrirez avec le bon veau un gâteau de fleur de farine et certaine mesure d'huile et de vin, que vous offrirez au Seig neur en sacrifice, ainsi sera fait pour chaque bœuf, pour chaque mouton et pour chaque petit d'entre les brebis et les chèvres, et vos sacrifices seront d'une très-suave odeur au Seigneur: in oblationem suavissimi odoris -J*. Tous ces témoignages, qui sont tirés des préten dues Ecritures et même des susdites prétendues ré vélations divines, marquent expressément et manifes Voyez encore sur ce sujet le IX ch. du Levit et le XVI. ch touchant le Bouc émissaire, et encore en plusieurs endroits, Num'. 15. 1— 11. 204 tement, que les cruels et sanglans sacrifices, que les hommes font des bêtes innocentes, étoient d'institution divine, au moins dans la loi des Juifs et qu'ils avoient été autrefois au moins très-agréable Dieu. Or comment s'imaginer et se persuader qu'un Dieu, qui seroit infiniment parfait, infiniment bon et infi niment sage, auroit voulu jamais établir de si cruels et de si barbares sacrifices? Car c'est cruauté et bar barie de tuer, d'assommer et d'égorger, comme on fait, des animaux, qui ne font point de mal. Car ils sont sensibles au mal et la douleur aussi bien que nous, malgré ce qu'en disent vainement, faussement et ridiculement nos nouveaux Cartesiens qui les re gardent comme de pures machines sans ames, et qui pour cette raison et par un vain raisonnement, qu'ils font sur la nature de la pensée, dont ils prétendent que la matière n'est pas capable, les disent entière ment privés de tout sentiment de plaisir et de douleur. Ridicule opinion! mauvaise maxime et détestable doc trine! Puisqu'elle tend manifestement étouffer dans le coeur des hommes tout sentiment de bonté, de dou ceur et d'humanité, qu'ils pouroient avoir pour ces pauvres animaux et qu'elle leur donne lieu et occasion de se faire un jeu et un plaisir de les tourmenter et de les tiranniser sans pitié, sous prétexte qu'ils n'auroient aucun sentiment du mal qu'ils leur feroient, non plus que des machines qu'ils jetteroient au feu et qu'ils briseroient en mille pièces, ce qui seroit ma nifestement une cruauté détestable envers ces pauvres animaux, lesquels étant vivans et mortels comme nous, et étant faits comme nous de chair, de sang et d'os, 205 et aïant comme nous tous les organes de la vie et du sentiment, savoir: des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, des narines pour flairer et discerner les odeurs, une langue et un palais pour discerner le goût des viandes et de la nourriture qui leur convient, et des piés pour marcher; et voïant d'ailleurs comme nous voïons en eux toutes les marques et tous les effets des passions que nous sentons en nous mêmes, il faut indubitablement croire aussi qu'ils sont sensi bles, aussi bien que nous, au bien et au mal, c'est dire au plaisir et la douleur; ils sont nos domesti ques et nos fidèles compagnons de vie et de travail, et par ainsi il faut les traiter avec douceur. Bénites soïent les Nations qui les traitent bénignement et fa vorablement et qui compatissent leur misère et leur douleur. Mais maudites soient les nations qui les traitent cruellement, qui les tirannisent, qui aiment repandre leur sang et qui sont ardens manger leur chair. Il est dit en quelques endroits des Ecri tures apocrifes qu'un mauvais grain de méchanceté, ou qu'un grain de mauvaise semence été semé, dès le commencement, dans le coeur d'Adam Gramen seminis mali seminatum est in corde Adam ab initio. 11 semble en effet que ce mauvais grain de méchan ceté, ou que ce grain de mauvaise semence se trou ve encore maintenant dans le coeur de tous les hommes, et que c'est ce grain de méchanceté qui leur fait encore tous les jours trouver du plaisir mal faire et particulièrement exercer, comme ils font, leur cruauté envers ces pauvres, douces et innocentes bêtes Esdnis, 4, 30. 200 en les tirannisant, en les tuant, en les assommant et en les égorgeant impitoïablement, comme ils font tous les jours, pour avoir le plaisir de manger leur chair. Pour moi, quoique je ressente assez dans moimême les mauvaises influences et les mauvais effets de ce maudit grain de mauvaise semence, je puis néanmoins dire que je n'ai jamais rien fait avec plus de répugnance, que lorsqu'il me fallait, dans certaines occasions, couper ou faire couper la gorge quelques poulets ou pigeonnaux, ou qu'il me fallait faire tuer quelques porcs; je proteste que je n'ai jamais fait cela qu'avec beaucoup de répugnance et avec une certaine aversion et si j'eusse été tant soit peu su perstitieux et enclin la bigoterie de Religion, je me serois infailliblement mis du parti de ceux qui font religion de ne jamais tuer des bêtes et de ne jamais manger de leur chair. Je haï de voir seule ment les boucheries et je n'ai jamais su penser qu'avec horreur cet abominable carnage et sacrifice des bétes innocentes que le Roi Salomon fit faire pour la Dédidace de son Temple, où il fit égorger jusqu'à 22 mille boeufs et 120 mille moutons ou brébis, quel carnage! que de sang répandu! Comment s'imaginer et se persuader qu'un Dieu infiniment grand et infi niment sage n'auroit voulu prendre pour ses sacrifi cateurs que des Egorgeurs et des Ecorcheurs de bêtes, et qu'il n'auroit voulu faire qu'une vilaine boucherie de son Tabernacle et de son Temple? Comment s'ima giner et se persuader qu'il auroit pris plaisir voir et faire cruellement égorger tant d'innocentes bêtes? Comment s'imaginer et se persuader qu'il auroit plai 207 sir voir couler leur sang ct les voir si pitoïablement expirer? Et enfin, comment s'imaginer et se persuader qu'il auroit pris plaisir sentir l'odeur et la fumée de tant de chairs brûlées? Si cela étoit comme les susdits prétendus livres et les prétendues révélations- divines le témoignent, il seroit vrai de dire qu'il n'y auroit jamais eu de tiran si sanguinaire, ni de bête sauvage si carnaciére, qu'àuroit été un tel Dieu; ce qui est indigne et tout fait indigne de penser d'un Etre qui seroit infiniment parfait, infini ment bon et infiniment sage. D'où il s'ensuit évi demment, que l'institution de tels sacrifices est fausse ment attribuée un Dieu, et que les prétendues révélations qu'ils lui attribuent, ne sont que de fausses révélations, c'est dire qu'elles ne sont qu des erreurs et des illusions, ou des mensonges et des impostures: ce qui fait manifestement voir que ces sortes de sacrifices, non plus que tous les autres ne sont que de l'institution et de l'invention des hommes. XXIV. Voici d'où un Auteur judicieux tire l'origine de ces abominables sacrifices d'animaux et de bêtes inno centes. «Les Historiens, dit-il, disent que les pré- »miers habitans de la terre vécurent durant deux «mille ans des productions des végétaux, c'est dire Esp. Turc Tom. 3. Lettre 40. 208 «des fruits de la terre, dont ils offraient les prémices »à Dieu, passant pour un crime inexpiable de répan- »dre le sang d'aucun animal, même en sacrifice; et »à plus forte raison d'en manger la chair. C'est pour »cela qu'ils disent, ajoute cet auteur, que ce fut Athenes que le prémier Taureau fut tué. Le Prêtre »de la ville, qui s'apelloit, dit-il, Diomus, faisant sur «l'autel l'oblation des fruits en pleine campagne, «selon la coutume, parce qu'alors on ne parloit point «encore de temple, un taureau, s'étant séparé d'un «troupeau qui paissoit tout auprès, vint et mangea «de l'herbe consacrée. Le Prêtre Diomus, irrité du «prétendu sacrilège, prit l'épée d'un des spectateurs «et en tua le taureau. Mais sa colère étant passée, «et aïant considéré le crime énorme, qu'il avoit com- «mis, il craignit la fureur du peuple, et lui fit accroire, que Dieu lui étoit aparu et lui avoit commandé «d'offrir ce taureau en sacrifice, et d'en brûler la «chair sur l'autel pour expier le péché qu'il avoit «fait de manger les fruits consacrés. La dévote mul- «titude, ou plutot la sote et ignorante populace crut «son Sacrificateur comme un oracle: de sorte que le «taureau aïant été écorché et le feu mis sur l'autel, «tout le monde assista ce nouveau sacrifice. Les «Athéniens ont depuis sacrifié tous les ans un taureau, »et ont fait passer, dit-il, cette pieuse cruauté, non «seulement par toute la Grèce, mais même encore «chez toutes les Nations du monde. Il arriva ensuite, «continue l'auteur, qu'un certain Prêtre, au milieu de «son sacrifice sanglant, aïant pris une pièce de chair >) bouillie qui de l'aulel étoit tombée terre, et que 209 »s'étant brulés les doigts, il les porta incontinent »la bouche pour en diminuer sa douleur. Il n'eut pas «plutot goûté la douceur de la graisse, dont ses doigts «étoient pleins, que non seulement il souhaita d'en «avoir davantage, mais il en donna même un morceau »à son collègue, qui en fit part aux autres, qui tous, «ravis qu'on eut trouvé cette nouvelle friandise, se «mirent manger de la chair avec avidité! Et c'est «de là, dit le même Auteur, que les autres mortels «ont apris cette espèce de cruelle et sanglante gour- «mandise de tuer les animaux pour les manger. Les «Juifs, continue-t'-il, disent contre ces autorités que «les enfans d'Adam sacrilioient des créatures vivantes «dès le commencement du Monde; mais on sait, »ajoute-t'-il, qu'il s'est glissé quantité d'erreurs dans «la Loi écrite, d'où ils ont tiré ce fait. «Les Anciens, continue cet Auteur, disent aussi «que la première chèvre, qui tomba par la main des «hommes, fut tuée en vengeance du tort qu'elle avoit «fait au propriétaire d'une vigne, qu'elle avoit brou- «tée, n'aïant jamais entendu parler d'une action si «impie. Il est certain, poursuit-il, que les Egyptiens, «le peuple du monde le plus sage et le plus ancien, «aïant reçu des premiers habitans de la terre une tra- «dition, qui défendoit aux hommes de tuer aucune créa- «ture vivante, pour donner plus de force cette pre- «mière loi de la nature, représentèrent leurs Dieux sous «la forme de bêtes afin que le vulgaire, respectant «ces sacrés symboles, aprit ne pas ôter la vie et »à ne faire même aucun mal aux animaux. LesBrach- «mans des Indes Orientales, au lieu de sacrifier des 14 210 «bêtes, ils bâtisent des hôpitaux pour elles, aussi «bien que pour les hommes ce qui passe chez eux «pour des actions de très-grande vertu. Il dans «toutes les villes un grand nombre de ces Prophêtes «qui passent, dit-il, toute leur vie prendre soin des «animaux malades ou blessés, et de ceux qui ne peu- «vent vivre que par leur moïen. Cette institution «n'est pas nouvelle chez eux; ils l'ont reçu par tra- «dition de tems immémorial." Voici ce que ce même Auteur dit des Juifs, par rapport ce sujet: «Les prêtres des Juifs, dit-il, of- «froient Dieu un sacrifice d'animaux de plusieurs »espèces> comme boeufs, moutons et selon qu'il leur «étoit prescrit dans leur loi, qu'ils disoient avoir reçu «de Dieu même. Les Prêtres aïant égorgé les animaux «destinés au sacrifice, ils en répandoient le sang autour «de l'autel et en arrosoient particulièrement les qua- «tre coins avec beaucoup de cérémonies, puis, aïant «vuidé les entrailles et ôté la peau de ces animaux, «ils en brulaient la chair et la graisse dans un feu, «qui étoit allumé sur l'autel, et pensoient que Dieu «a voit pour agréable la fumée de ces sortes de sacri- «fices, et qu'il prenoit un grand plaisir, selon qu'il «est écrit dans leurs Livres." S'il n'y point d'évidence ni de certitude entière sur ce que dit cet Auteur, touchant l'origine et le progrès de ces sacrifices sanglans d'animaux domesti ques, on ne peut nier au moins qu'il n'y ait une très grande aparence de vérité dans ce qu'il en dit, et quant ce qu'il ajoute de la douceur et de l'huma nité, que les premiers hommes exerçoient envers les N. 2H dits animaux, et de la. défense, qui étoit de les tuer et de leur faire mal propos aucun mal, on ne peut douter que cette défense de leur mal faire, et que cette douceur que l'on exerçoit leur égard, ne fus sent bien conformes et très-convenables la droite raison et la justice? naturelle et même ce qui est marqué dans la Genèse *, où il est dit, que Dieu ne donna d'abord aux hommes que la permission de man ger seulement les herbes et les fruits de la terre. Mais il n'y aucune aparence de vérité dans ces prétendues Révélations divines, ni aucun fondement de raison et de justice dans ces cruels et barbares sacrifices de bêtes innocentes; il n'y que de la cruauté et de la barbarie dans ces sortes de sacrifi ces, et c'est ce qui fait manifestement voir, que leur institution ne vient que de la folie et de la méchan ceté des hommes et non pas d'aucunes ordonnances divines. Mais les hommes n'étoient-ils pas bien fous et bien aveuglés de croire faire honneur et plaisir en cela Dieu? N'étoient-ils pas bien fous et bien aveuglés de croire qu'un Dieu prendroit plaisir voir couler le sang des pauvres animaux et voir brûler leur chair? N'étoient-ils pas bien fous et biens aveuglés de croire apaiser sa colère et mériter ces bonnes grâces par de si abominables sacrifices? Ç'auroit été au contraire le moïen d'irriter sa colère et d'attirer sur eux sa ven geance et sa malédiction. Qui est-ce qui penseroit jamais faire honneur et plaisir un habile et excel Gen. 1: 29. 14* 212 lent ouvrier de déchirer et de brûler en sa présence les plus beaux ouvrages qu'il auroit fait, sous pré texte de lui en vouloir faire un sacrifice? Qui est-ce qui penseroit faire honneur et plaisir un Souverain, un Prince de déchirer et de brûler en sa présence ce qu'il auroit de plus beau, 'de plus riche dans son Palais, sous prétexte de lui en faire un sacrifice? Il n'y certainement personne, qui soit assez fou pour vouloir jamais faire telle chose, ni même en avoir la pensée. D'où vient donc que les hommes sont si fous, que de croire faire honneur et plaisir leur Dieu de déchirer, de tuer, et de brûler ses propres créatures, sous prétexte de lui en faire des sacrifi ces? Et maintenant encore, d'où vient et comment est-ce que nos Christicoles sont si fous et si aveu glés, que de croire faire un extrême honneur et plai sir leur Dieu, le père, que de lui présenter et de lui offrir, même tous les jours, son divin Fils, en mémoire de ce qu'il auroit été honteusement et misérablement pendu une croix, où il auroit expiré? Comment estce, dis-je, qu'ils peuvent avoir telle pensée et telle croïance que de croire faire plaisir et honneur un Dieu de lui offrir ainsi son propre Fils en sacrifice? Certainement cela ne peut venir que d'un extrême aveuglement d'esprit. Voïez ce que dit Montagne*. «L'ancienneté, dit-il, pensa, ce crois-je, faire quelque chose pour la gran- »deur divine, de l'aparier l'homme, la vêtir de ses «facultés et étrenner de ses belles humeurs et plus Essai de Montagne, p. 488. 213 «honteuses nécessités, lui offrant de nos viandes «manger, de nos danses, mommeries et forces la «réjouir, de nos vèteraens se couvrir et maisons «loger, la caressant par l'odeur des encens et sons «de la musique, festins et bouquets, et pour l'accom- «moder nos vicieuses passions, flatant sa justice «d'une inhumaine vengeance, l'éjouissant de la ruine «et dissipation des choses par elles créées et conser- »vées, comme fit, dit-il, Fiberius Sempronius qui fit «brûler pour sacrifice Vulcain les riches dépouilles «et armes qu'il avoit gagnées sur les ennemis en la «Sardaigne. Et Paul Emile celles de Macedoine Mars »et Minerve. Et Alexandre, arrivé l'Océan Indique, «jetta en mer en faveur de Thetis, plusieurs grands «vases d'or, remplissant en outre ses autels d'une «boucherie non de bétes innocentes seulement, mais «d'hommes aussi, ainsi que plusieurs Nations, et en- «tr'autres, dit-il, la notre avoit en usage ordinaire, »et croit qu'il n'en est aucune, ajoute-t'-il, exemte «d'en avoir fait essai. Les Gètes, dit-il, se tiennent «immortels et leur mourir n'est que s'acheminer vers «leur Dieu Zamolxis. De cinq en cinq ans ils dépc- «chent vers lui quelqu'un d'entr'eux pour le requérir «de choses nécessaires Amestris, mère de Xerxes, «devenant vieille, fit pour une fois ensevelir tout vifs »14 jouvençeaux, des meilleures maisons de Perse, «suivant la religion du Païs, pour gratifier quelque «Dieu Souverain. Encore aujourd'hui, dit-il, les ido- «les de Femixtitan se cimentent du sang des petits «enfants et n'aiment sacrifice que de ces puériles et «pures âmes: justice, dit-il, affamée du sang de l'in 214 «nocence. Pareillement les Cartaginois immoloient «leurs propres enfans Saturne, et ceux qui n'en «avoient point en achetaient, étant cependant le Père »et la Mère tenus d'assister cet office avec conte nance gaie et contente. Ceux du Pérou* sacrifioient »à leurs Dieux ce qu'ils avoient de plus beau et de «meilleur: l'or et l'argent, le grain, la cire, les ani- «tnaux. Ils faisoient ordinairement des sacrifices de «cent moutons au moins, de diverses couleurs et avec «différentes cérémonies. Ils sacrifioient tous les jours «au soleil un mouton tondu et le brûloient vêtu d'une «chemise rouge. Mais il n'y voit, dit-il, chose plus «horrible que les sacrifices d'hommes, qui se faisoient «au Pérou et encore plus au Mexique. Au Pérou ils «sacrifioient des enfans, depuis 14 ans jusqu'à 10 et «ce principalement pour la prospérité de leur Inca «aux entreprises de guerre, et au jour de son cou- «ronnement le nombre d'enfans que l'on sacrifioit, «étoit de 200. Ils sacrifioient encore un bon nombre «de filles, que l'on tiroit des monastères pour le ser- «vice de l'Inca. Quand cet Inca étoit grièvement ma- «lade et hors d'espérance de guérison, ils sacrifioient «son fils au soleil ou bien leur Dieu Viracoca, en «le supliant qu'il s'en contentât au lieu du Père. Mais «les Mexiquains "J* ne sacrifioient que des hommes «pris en guerre, ils les faisoient mettre genoux «par ordre devant la porte de leur temple, ensuite «le Prêtre alloit Pentour d'eux avec l'idole de leur «Dieu, et le montrant, il disoit chacun d'eux voilà Nouveau Théâtre du monde, Tom. 2: pag. 1329. Ibid. 215 »tOD Dieu; après quoi ils étoient menés au heu, où »on les devoit sacrifier, et là six des très-grands «Prêtres, destinés ce Ministère, s'y trou voient avec «des laçons si étranges, qu'ils sembloient plutôt être «des Diables que des Hommes." Suivant le rapport des Ambassadeurs du Roi de Mexique ce Prince faisoit tous les ans sacrifier aux Dieux 50,000 de ses prisonniers et entretenoit tou jours la guerre avec quelques peuples voisins, afin d'avoir toujours de quoi fournir ses sacrifices. Amurat, la prise de l'Isthme, immola, dit Montagne 600 jeunes hommes Grecs Pame de son Père, afin que ce sang servit de propitiation l'expiation des péchés du trépassé. Les Chinois sacrifioient non seu lement leurs Dieux, mais aussi aux Diables, quoi qu'ils sçussent qu'il étoit méchant et réprouvé, afin, disoient-ils, qu'il ne leur fit aucun mal en leurs per sonnes ni en leurs biens. Ceux de Calicut en faisoient de même; ceux de Martingue adorent les Diables, quoiqu'ils les reconnoissent auteurs de tout mal, et leur offrent des sacrifices, et leur bâtissent des tem ples, plus qu'au Créateur même. Les Jnponois aussi adorent le Diable, comme aussi ceux de l'Amerique, et lui font des sacrifices, non pour obtenir quelque bien d'eux, mais afin qu'ils ne leur fassent aucun mal. Nos anciens Gaulois, habitans de notre France, n'étoient pas cet égard plus sages que les autres Nations, puis qu'ils sacrifioient des hommes leurs Dieux. Ceux qui étoient attaqués de grièves maladies immoloient des Essai de Montagne, pag. 167. I^id. 216 hommes, ou ils s'obligeoient par voeu de le faire, et tels sacrifices se faisoient par les mains des Druydes, qui étoient leurs Prêtres en ce tems-là, et se persuadoient que les Dieux pouvoient être apaisés par la vie d'un homme, pour sauver celle d'un autre, quelquesfois ils les faisoient brûler tout vifs, quelquesfois ils les faisoient mourir coups de flèches. C'est pour quoi, quand quelqu'un étoit en extrémité de maladie, ils apelloient et faisoient venir vers eux quelqu'un de ces Druydes afin de sacrifier Drye, Dieu des Enfers et ennemi de là vie, quelqu'un de ceux qui avoient mérité la mort, ou faute de ceux-ci quelque pauvre misérable, croïant que ce Dieu, avide de sang humain, seroit rassassié par la mort d'un tel homme, et que la vie du malade seroit prolongée. Sur quoi Plutarque dit fort bien, qu'il eut mieux valu que les hom mes n'eussent jamais eu la connoissance des Dieux, que de croire, comme ils faisoient, qu'il en eut qui se repussent et qui, fussent avides du sang humain. En effet, c'étoit une étrange fantaisie, comme dit Montagne f, c'étoit une étrange fantaisie des hom mes, de vouloir païer la bonté divine de notre afflic tion, comme faisoient, dit-il, les Carthaginois qui immoloient leurs propres enfans Saturne; et qui n'en avoit point, en achetoit et le faisoit brûler tout vif, étant cependant le Père et la Mère tenus d'assister ce cruel office avec une contenance gaïe et contente. Et comme les Lacédémoniens, dit-il, qui mignardoient Théâtre du monde, Tora. 1, pag. 121. Essai de Mon tagne, pag. 489. î\l leur Diane par bourrellement des jeunes garçons. qu'ils faisoient fouetter en sa faveur, souvent jusqu'à la mort. La Rèligion, dit-il, étant capable d'inspirer tant de si grandes et si cruelles méchancetés aux hommes, tantum Religio potuit suadere malorum. C'étoit, continue-t'-il, une humeur bien farouche, de vouloir gra tifier l'Architecte de la subversion de son bâtiment, et de vouloir garantir la peine, dûë aux coupables, par la punition des non-coupables, et que la pauvre Iphigenie déchargeât, dit-il, par sa mort, et par son im molation, l'armée des Grecs des offenses qu'ils avoient commises: et ces deux belles et généreuses ames des deux Décius, père et fils, allassent se jetter corps perdu travers le plus épais des ennemis pour pro pitier la faveur des Dieux envers les affaires Romai nes *. Quelle pouroit être, dit-il, cette occasion? quelle pouroit être cette monstrueuse iniquité des Dieux, de ne vouloir s'apaiser en faveur du peuple Romain que par la mort de ces deux grands hommes? Quae fuit tanta Deorum iniquitas ut placari populo Romano non possent nisi taies viri occidissent? Quelle folie dans les hommes de croire que les Dieux ne pouroient s'apaiser que par la mort violente des innocens? Quelle folie, dis-je, et quel aveuglement en eux d'avoir de telles pensées et de croire religieusement exercer tant de si exécrables cruautés? Voilà néanmoins ce que la Religion inspire, voilà ce que la folle croïance des Dieux fait faire, tant il est vrai de dire que la Religion même aprend souvent des méchancetés aux Essai de Montagne, p. 490. 218 hommes et qu'elle leur fait souvent faire, sous pré texte de piété, des actions impies et détestables, sui vant ce dire de Lucrèce*: quae saepius olim Religio peperit scelerosa atque impia facta, et cet autre que j'ai déjà cité, tantum potnit Religio suadere malorum. Plutarque avoit bien raison de dire qu'il auroit beau coup mieux valu que les hommes n'eussent jamais eu aucune connoissance des Dieux, que de faire tant de folies et tant de méchancetés, qu'ils en font sous pré texte de les honorer, de les craindre et de les servir. Ceux qui les font adorer sont cause de tous ces dé testables maux; il ne faut point s'en etonner, puisqu'il est écrit que c'est des Prophètes même de Jerusalem que la corruption s'est répandue par toute la Terre f: prophetis enim Jerusalem egressa est pollutio super omnem lerram. Nos Christicoles ne sont pas encore tout fait exemts de cette folle persuasion de la vertu et efficacité de ces cruels sacrifices; car quoiqu'ils n'en fassent plus maintenant, ils ne laissent pas que d'aprouver ceux qui se faisoient autrefois, et la Loi qui les ordonnoit; et ils croient même avoir été délivrés du péché et remis en grace avec leur Dieu par les mérites infinis du sang de leur Dieu sauveur Jésus-Christ, qui s'est, disent ils, livré et offert lui-même en sacrifice sur l'arbre de la croix pour l'expiation de leurs péchés. De là vient, qu'ils disent que ce prétendu divin Sau veur les lavés dans son sang des ordures de leurs péchés §, Lavit nos peccatis nostris in sanguine suo. Lucrèce, L. 1: 88. Jercmie, 23: 15. Apoc. 15. 219 Et qu'il les reconcilié Dieu par les mérites de son sang et de sa mort, et vont même jusqu'à dire que, selon cette loi, qu'ils regardent comme divine, tout se devoit purifier par le sang, et qu'il n'y auroit point eu de rémission pour les hommes, sans l'effusion du sang do leur divin Sauveur. Omnia, disent-ils, in sanguine secundum legem mundantur et sine sanguinis effusione non fit remissio. Attribuant leur Dieu même la volonté de sacrifier ainsi son divin (ils, par les mains des hommes mêmes qui l'avoient si grièvement offen sés par leurs péchés, afin de s'apaiser lui même en vers eux, pour toutes les offenses qu'ils lui avoient faites et qu'ils devoient lui faire jusqu'à la fin des siècles; et si c'étoit, comme je viens de dire, une si grande folie aux Païens de croire que des Dieux ne pouroient s'apaiser envers les coupables, que par la punition des non coupables, comme dit le Sr. x\Iontagne, quelle folie n'est ce pas nos Chrétiens, de croire que leur Dieu le Père n'auroit pas voulu s'apaiser envers les hommes, que par la punition et la mort sanglante de son divin Fils? Qu'il n'auroit pas voulu s'apaiser en vers eux, s'ils n'eussent persécuté, outragé et fait hon teusement indignement et cruellement mourir son cher et divin Fils unique, leur Dieu et leur Sauveur? Quelle sotise d'avoir une telle pensée? Et si ç'avoit été une si monstrueuse iniquité dans des Dieux de ne vouloir s'apaiser envers les hommes pécheurs, que par la pu nition et par la mort sanglante et honteuse de son innocent et divin fils, quelle folie, dis-je, d'avoir seu lement une telle pensée! Les paroles me manquent pour exprimer l'excès d'une telle folie. Voilà néan '220 moins ce que la Religion fait croire nos Christicoles, de sorte qu'elle ne leur fait pas faire comme autrefois des sacrifices cruels et sanglans, elle leur fait néanmoins aprouver les accidens et révérer celui qui se seroit cruellement fait en la personne d'un Dieu, et leur fait croire les choses les plus absurdes et les plus ridicules que l'on puisse imaginer, comme je le ferai plus amplement voir dans la suite. XXV. Revenons au prétendu commandement, que l'on veut que Dieu avoit fait Abraham, de lui sacrifier son fils unique: cela, je l'avoue, ne doit pas paroitre fort étrange nos Christicoles, puisqu'ils croïent bien que ce même Dieu auroit fait commandement son pro pre divin Fils, de s'immoler lui-même pour le salut des hommes et qu'ils croïent que ce commandement été véritablement accompli. Mais dans le fond ce prétendu commandement n'étoit-il pas horrible; com ment est ce qu'un Père et même toute autre per sonne de bon sens peut s'imaginer qu'une telle in spiration ou qu'un tel commandement puisse venir d'un Dieu, c'est dire d'un Etre infiniment parfait, infi niment bon et infiniment sage. Gela ne seroit pas concevable, si l'on ne voïoit d'ailleurs que la super stition est capable d'inspirer aux hommes les sentimens les plus cruels et les plus inhumains et qu'il 221 n'y rien qu'ils ne soient capables de faire aveuglé ment, sous ce vain, sous ce faux et sous ce malheu reux prétexte de religion, puisqu'en faisant les actions mêmes les plus blâmables et les plus détestables, ils s'imaginent faire encore en cela les actions les plus louables et les plus excellentes vertus. En voici un exemple dans cet Abraham même, qui sans consulter et sans hésiter sur un tel songe ou sur une telle vision, si l'on veut, se proposa incontinent d'exécu ter ce prétendu commandement, en donnant adroite ment, ou plutôt sotement et indiscretement, un spécieux tour de piété, une action qui auroit dû lui faire horreur. Voici comme on tient qu'il parla sur ce sujet son fils Isaac, après avoir tout disposé pour le sacrifice *. Mon fils, lui dit-il, je vous ai demandé Dieu par d'instantes prières, il n'y point de soins que je n'aie pris de vous depuis que vous êtes venu au monde, et je considérois comme le comble de mes voeux, de vous voir arriver un âge parfait, et de vous laisser en mourant l'héritier de tout ce que je possède, mais puisque Dieu, après vous avoir donné moi, veut maintenant que je vous perde, souffrez généreusement que je vous offre lui en sacrifice; rendez lui, mon fils, cette obéissance et cet honneur, pour lui témoi gner notre gratitude des faveurs, qu'il nous faites pendant la paix, et de l'assistance qu'il nous donnée pendant la guerre. Comme vous n'êtes né que pour mourir, quelle fin vous peut être plus glorieuse que Joseph, Histoire des Juifs, Tom. 1, Ch. 13. -" 222 d'être offert en sacrifice par votre propre père au sou verain Maître de l'Univers, qui, sfu lieu de terminer votre vie par une maladie dans un lit, ou par une blessure dans la guerre, ou par quelqu'autre de tant d'accidens, auxquels les hommes sont sujets, vous juge digne de rendre votre ame entre ses mains au milieu des prières et des sacrifices, pour être jamais lui? Ce sera alors que vous consolerez ma vieillesse en me procurant l'assistance de Dieu, au lieu de celle que je devois recevoir de vous, après vous avoir élevé avec tant de soins. Isaac, qui étoit un si digne fils d'un si admirable Père, écouta ce discours non seu lement sans s'étonner, mais même avec joie et lui répondit qu'il auroit été indigne de naitre s'il réfusoit d'obéir sa volonté, principalement lorsqu'elle se trouvoit conforme celle de Dieu. En achevant ces pa roles, il s'élança sur l'Autel pour être immolé, et ce grand sacrifice, dit Joseph, Historien Juif, alloit s'ac complir, si Dieu ne l'eut empêché. Voilà certainement une assez belle et assez favo rable interprétation; voilà un assez beau et assez favorable prétexte pour éxécuter religieusement et pieusement un commandement et une action de cette nature; mais voilà aussi comme les ignorans et les simples d'esprit se laissent facilement tromper et pren nent le mal pour le bien, lorsqu'il est revêtu de quel ques aparences trompeuses de vertu et de piété. C'est ainsi que nos pieux Christicoles couvrent des plus bel les aparences de piété toutes les vaines et supersti tieuses pratiques et cérémonies de leur Religion, c'est par de semblables discours de piété vaine et trom 225 peuse, qu'ils exaltent par dessus tout la prétendue sainteté de leurs mistères et de leurs sacremens. C'est par de semblables interprétations vaines et ridicules, qu'ils tournent comme ils veulent leurs prétendues Ecritures saintes, qu'ils leur donnent tel sens qu'ils veulent; qu'ils font trouver des mistères là où il n'y en point, qu'ils font trouver blanc ce qui est noir et noir ce qui est blanc; et c'est ce qu'ils font prin cipalement par la subtile invention de leur sens mistique et figuré, et dont ils font comme une selle tous chevaux, ou comme une chaussure tous piés, comme étoit le soulier de Theramnes: car par cette subtile invention de leur sens spirituel et mystique, ils donnent, comme je viens de dire, tel sens qu'ils veulent leurs prétendues Ecritures saintes, et leur font dire allégoriquement et figurativement tout ce qu'ils veulent, semblables en cela aux enfans qui font (lire aux cloches tout ce qu'ils veulent, quand ils les entendent sonner. Mais comme ce seroit sotise des hommes faits de vouloir serieusement s'arrêter ce que des enfans font dire aux cloches quand elles sonnent, où ce qu'ils disent, quand ils badinent et qu'ils jouent en semble, de même ce seroit sotise des hommes sa ges et éclairés, de s'arrêter sérieusement aux vaines explications et aux vaines interprétations, que nos Christicoles font mistiquement, allégoriquement et figura tivement de leurs prétendues Ecritures saintes, puis que ces sortes d'explications et d'interprétations ne sont, dans le fond, que des fictions de leur esprit et des imaginations creuses. 224 Si un homme, par exemple, se mettoit aujourd'hui dans l'esprit que Dieu lui auroit fait un commande ment exprès, semblable celui qu'on prétend qu'il fit cet Abraham, dont je viens de parler, c'est dire de lui sacrifier un fils, qu'il auroit et qu'il consultât là-dessus nos plus religieux Christicoles, je m'assure qu'il n'y en auroit pas un qui ne regardât avec hor reur une telle imagination et qui ne la regardât comme une illusion, comme une tentation du Démon et une pensée damnable, qu'il diroit cet homme de rejet ter bien loin et dont il l'avertiroit bien soigneusement de se donner de garde. Et si, nonobstant cet avertisse ment, cet homme étoit assez mal avisé que de faire effectivement, ce qu'il croiroit que ce prétendu com mandement de Dieu lui auroit ordonné, je laisse penser ce que l'on diroit de cet homme-là éT ce que la justice en feroit: que l'on juge par-là si l'on doit regarder comme des révélations divines, celles qui or donnent de faire des sacrifices de cette nature. Que si maintenant nos Christicoles mêmes obligeoient ab solument de regarder une telle vision, une telle ima gination ou une telle révélation comme une illusion et comme une tentation du Diable, et qu'ils regarderoient eux-mêmes comme une chose abominable et comme un crime digne de punition exemplaire dans un Père, qui seroit assez fou que d'égorger son enfant, sous prétexte de l'offrir Dieu en sacrifice et sous prétexte que Dieu lui en auroit fait un commande ment exprès, comment peuvent ils regarder dans cet Abraham, comme une véritable révélation divine, le commandement, qu'il prétendoit lui avoir été fait de 225 la jiart de Dieu de lui sacrifier son fils! Et comment peuvent-ils regarder son obeïssance aveugle, en ce point, comme l'action de la plus grande et la plus héroïque vertu, et par conséquent comme l'action la plus digne des graces et des bénédictions de Dieu? Cela se con fond et se détruit de soi-même, et il ne seroit pas besoin d'en dire davantage, pour faire voir la fausseté de ces prétendues révélations divines, vu d'ailleurs, qu'il est marqué dans plusieurs de ces susdits pré tendus saints livres des Prophètes, que Dieu commençoit réprouver ces sortes de sacrifices cruels et sanglans: témoin ce qui est dit dans le prophète Esaie, qui parloit aux Juifs, comme si c'étoit Dieu lui-même, qui leur parlât. Qu'ai-je faire, leur disoit-il de la part de Dieu, qu'ai-je faire de la multitude de vos victimes? Je suis saoul de vos holocaustes, je suis dégouté de la graisse et du sang de vos boeufs, de vos moutons, de vos veaux, de vos agneaux et de vos boucs *. Ne m'offrez plus en vain de tels sacrifices vos encens me sont en abomination; je haïs vos fê tes et vos solemnités et je ne saurois plus les suporter. La même chose se trouve, presque dans les mêmes termes, dans le prophète Jeremie *J* et dans le prophète Amos §, et dans le Pseaume du Roi David, que nos Christicoles chantent tous les jours dans leurs Églises, il est dit que Dieu parloit au même Peuple en cette sorte: pensez-vous, leur disoit-il, que je mangerai la chair des taureaux et que je boirai leur sang? Comme s'il teur eut dit, se pouroit-il faire que Isaïe 1. 11. Ji'rcmie 6. 20. Amos 5. 21, 22. 15 226 vous eussiez une opinion si grossière d'un Dieu, que de croire qu'il mangerait la chair des taureaux et des boucs, et qu'il boiroit leur sang? Sacrifiez, leur ditil, sacrifiez louanges Dieu, et rendez fidèlement vos voeux au Seigneur, et m'invoquez au jour de votre affliction, alors vous me glorifierez, leur disoit-il, et je vous secourerai dans vos besoins. Voilà certaine ment des Révélations prétendues divines, qui seroient bien contraires celles que Dieu auroit fait Abra ham et Moïse, puisqu'il condamneroit et rejetteroit par celle-ci, ce qu'il auroit établi par les autres. D'où viendroit un tel changement dans un Etre immuable et infiniment parfait? Se seroit-il avisé, après un mil lier d'années, de vouloir réformer ce qu'il auroit mal établi? Dira-t-'on de Lui, ce que l'on dit ordinaire ment d'un homme léger et inconstant qu'il fait, qu'il défait et qu'il reprend ce qu'il laissé, destruit, re petit, quod nuper amisit? Que nos Christicoles le pen sent, s'ils veulent, passons leur cette folie, si bon leur semble, ou si cela ne leur plait pas, qu'ils reconnoissent avec nous la vanité et la fausseté des susdites révélations divines, puisqu'elles se contredisent et se détruisent elles-mêmes les unes les autres, et qu'elles sont si peu convenables la souveraine Majesté et l'infinie perfection d'un Dieu. Bien plus sagement fit Numa Pompilius, second Roi des Romains *, qui, pour amuser paisiblement et agréablement son peuple, n'institua que' des sacrifices de vin, de lait, de farine et autres pareilles choses légères, accompagnées de danses et de chansons récréatives. Apol. des Gr. hommes, pag. 192. 227 XXVI. Mais voici encore une preuve manifeste de la faus seté des susdites prétendues révélations divines: C'est le défaut de l'accomplissement des grandes et magni fiques promesses, qui accompagnoient les susdites pré tendues révélations divines, car il n'est pas croïable, qu'un Dieu toutpuissant et infiniment bon ne vou drait pas, ou n'auroit pas voulu accomplir des pro messes, qu'il auroit véritablement faites, qu'il auroit plusieurs fois réitérées et qu'il auroit voulu même confirmer par jurement et par serment, comme il auroit fait. Or il est constant et manifestement visi ble, par les- témoignages des Histoires, et même par celui de leurs prétendus saints livres, que les promes ses, ci-dessus raportées, et que l'on supose avoir été faites de la part de Dieu même aux susdits Patriar ches, n'ont jamais été accomplies etc Pour voir clairement ce défaut d'accomplissement des promesses et la force de cette preuve, il faut remarquer que ces promesses consistent principalement en trois choses *, \". rendre la Postérité de ces Patriarches plus nom breuse que tous les autres Peuples de la Terre; car elles portent expressément, que Dieu multiplieroit tel lement leurs Descendans, qu'ils égaleraient en nombre les étoiles du Ciel, les grains de sable de la Mer et Gen. 12. et 22. 17 et 28. 14. Exod. 23. 25—27. Deut. 7. 14. Gen. 26. 3. Deut. 26. 19.- Gen. 26. 24. Deut. 15. 4. Exod. 20. 24. Gen. 28. 14. Gen. 17. et 13. 15 et 18. 18. Psal. 110. S. 15* 228 les grains de poussière, qui sont sur la Terre, et par conséquent, que leur Postérité seroit plus nombreuse et plus puissante que tous les autres Peuples de la Terre; 2°. rendre ce Peuple, qui viendroit de leur race, le plus heureux, le plus saint et le plus triom phant de tous les Peuples de la terre; car ces pro messes portent expressément aussi, que Dieu seroit tout particulièrement leur protecteur, qu'il les béniroit par dessus tous les autres peuples, qu'il les favoriseroit tout particulièrement de ses graces, et que ce seroit même en leur nom, qu'il béniroit toutes les autres Nations de la terre: elles portent, qu'il exalteroit leur nom, qu'il les éleveroit en louanges, en hon neur et en gloire par dessus toutes les autres Nations, et enfin elles portent, que Dieu les rendroit victorieux de tous leurs Ennemis, qu'il les mettroit en fuite et en déroute et qu'il étendroit leur domination depuis l'Occident, jusqu'à l'Orient et depuis le Septentrion, jusqu'au Midi. 5°. Ces promesses consistent, de la part de Dieu, rendre son Alliance éternelle avec leur Postérité, car elles portent expressément, que Dieu feroit avec eux une Alliance éternelle, et qu'ils posséderoient jamais le païs qu'il leur donneroit. Or, il est constant, que ces prétendues promesses n'ont ja mais été accomplies. Premièrement il est certain, que le Peuple Juif ou le Peuple d'Israël, qui est le seul que l'on puisse regarder comme descendans des sus dits patriarches Abraham, Isaac et Jacob, et le seul dans lequel les susdites promesses auroient dû s'ac complir, n'a jamais été si nombreux, pour qu'il puisse avoir été comparable en nombre aux autres Peuples 229 de la terre, beaucoup moins par conséquent aux grains de sable de la mer, ni aux grains de poussière, qui sont sur la terre, et que ce même peuple se seroit en ou cents ans qu'il demeura en Egypte, mul tiplié si fort, qu'il est marqué dans leur Histoire (ce qui n'est cependant guères croïable); cette multiplica tion néanmoins n'étoit pas capable de faire un nom bre comparable aux grains de sable de la mer, ni aux grains de poussière qui sont sur la terre; si ce peu ple s'étoit effectivement multiplié, comme il auroit du faire, suivant les susdites promesses prétendues divi nes, il ne lui auroit certainement pas fallu moins que toute la terre pour l'habiter. Et on voit, que dans le tems même qu'il été le plus nombreux et le plus florissant, il n'a jamais occupé que les petites Pro vinces de la Palestine et des environs, qui ne sont presque rien, en comparaison de la vaste étendue d'une multitude de Provinces, de Uoïaumes et d'Empires florissans, qui sont de tous côtés sur la terre, et qui ne feroient, en comparaison d'un seul Roïaume de France, que comme les Provinces de Champagne ou de Picardie, en comparaison do tout le susdit Roïaume de France. Par où il est évident, que ce peuple n'a jamais été fort nombreux et n'a même toujours été qu'un fort petit peuple, en comparaison des autres Peuples de la terre; et ainsi les prétendues promes ses divines, touchant la multiplication prodigieuse et innombrable de ce peuple, ne se sont jamais trouvées accomplies. Secondement, elles n'ont jamais été accom plies non plus, touchant les grandes et surabondantes bénédictions, dont ils auroient dû être favorisés par 250 dessus les autres Peuples de la terre. Quoiqu'ils aïent eu quelques victoires sur leurs ennemis, et qu'ils aïent ravagé leurs campagnes et pris plusieurs de leurs vil les, et qu'ils aïent même conquis ou usurpés, la pointe de l'épée, les Provinces de la Palestine et des environs, cela n'a pas néanmoins empêché qu'ils n'aïent été, presqu'en tout tems, le plus souvent vaincus par leurs ennemis et réduits misérablement sous leur ser vitude. Et quoiqu'ils aïent été aussi pendant quelque tems assez paisibles et assez florissants sous le règne de quelques-uns de leurs Rois, cela n'a pas empêché non plus que leur Roïaume n'ait été détruit, qu'ils n'aïent été même en captivité et que leur Nation n'ait été presqu'entièrement détruite par l'armée des Ro mains, sous les empereurs Tite et Vespasien, et main tenant encore nous voïons, que ce qui reste de cette misérable Nation n'est regardé, que comme le peu ple le plus vil et le plus méprisable de toute la terre, n'aïant nulle part aucune domination, ni supériorité. Et ainsi il est encore évident de ce côté-là, que les susdites prétendues promesses divines n'ont jamais été accomplies. Troisièmement enfin, elles ne l'ont pas été non plus l'égard de cette alliance éternelle, que Dieu auroit dû faire' avec eux, suivant les susdites promesses, puisque l'on ne voit maintenant, et que l'on n'a même jamais vu, aucune marque certaine de cetle prétendue alliance, et qu'au contraire on voit manifes tement, qu'ils sont, depuis beaucoup de siècles, exclus de la possession des terres et païs, qu'ils prétendent leur avoir été promis et donnés de la part de Dieu, pour en jouir tout jamais. Omnem terram quam con 23i spicis tibi dabo et semini. tuo usque in sempiternum Dabo tibi et semini tuo terram peregrinationis tuae omnem terram Chanaan in possessionem aeternam, ero Deus eorum *. Et ainsi ces prétendues promesses, n'aïant eu point leur effet, ni leur accomplissement, comme il est évident, c'est une marque assurée et évidente de leur fausseté, et par conséquent c'est aussi une preuve assurée et évidente, qu'elles ne venoient pas de la part d'un Dieu; ce qui prouve manifeste ment encore que les susdits prétendus saints et sa crés livres qui les contiennent, n'ont pas été faits par l'inspiration de Dieu, puisqu'ils contiennent des promesses, qui se trouvent manifestement fausses, et les dits livres, n'aïant point été faits par l'inspiration de Dieu, ils ne peuvent nullement servir de témoi gnage assuré de la vérité; et ainsi c'est en vain que nos .Christicoles prétendent s'en servir, comme d'un témoignage infaillible, pour prouver la vérité de leur Religion. XXVII. QUATRIÈME PREUVE. Nos Christicoles mettent encore au rang des motifs de crédibilité et au nombre des preuves de la vérité de leur Religion, les prophéties, qui sont, comme ils prétendent, des témoignages assurés de la vérité des Gen. 13. 15, 17. 8, 35. 12. 252 Révélations ou Inspirations de Dieu, n'y aïant, disentils, que Dieu seul qui puisse certainement prévoir et prédire les choses futures, si longtems auparavant qu'elles soïent arrivées, comme sont, prétendent ils, celles qui ont été prédites par les Prophètes, qui les ont anoncées, si longtems avant qu'elles n'arrivassent. C'est de ce prétendu témoignage de vérité, que parle un Archichristicole Apôtre de Jesus-Christ. Car cet Apôtre, après avoir ra porté ce qu'il croïoit, ou du moins ce qu'il suposoit avoir vu et entendu de plus admira ble et de plus avantageux pour la gloire de son Maitre, il ajoute ce témoignage-ci, comme un témoignage plus ferme et plus assuré de ce qu'il disoit et de ce qu'il croïoit avoir lui-même vu et entendu. Nous avons *, disoit-il ses compagnons, la parole des Pro phètes, qui est plus établie, plus ferme et plus sûre; vous ferez bien, leur disoit-il, de vous arrêter, comme une lampe qui luit dans un lieu obscure jusqu'à ce que le jour paroisse; car vous savez "f, leur disoit-il encore, que ce n'a point été par la volonté des hom mes, que la prophétie été autrefois aportée; mais c'a été par l'inspiration du S. Esprit, que les saints hommes de Dieu ont parlé. Voïons donc quels étoient ces prétendus Prophètes et ces prétendus saints hommes de Dieu, qui ont ainsi parlé par l'inspiration du S. Esprit, et si on doit en faire tant d'état, que nos Christicoles le prétendent. Ces hommes §, proprement parler, n'étoient certaine ment que des visionnaires et des fanatiques, qui agis Pctr. 1. 19. Ibid. 21. Viri illusores, comme dit un de ces prétendus prophètes. 235 soient et parloient suivant les impressions et les trans ports de leurs passions dominantes, et qui s'imaginoient cependant, que c'étoit par l'esprit de Dieu qu'ils agissoient et parloient, ou bien, c'étoient des impos teurs, qui contrefaisoient les Prophètes, et qui, pour tromper plus facilement les ignorans et les simples, se vantoient d'agir et de parler par l'esprit de Dieu *; quoiqu'ils sussent fort bien que*ce n'étoit pas l'esprit de Dieu, mais l'esprit de mensonge et d'imposture qui les faisoit agir et parler. Il ne faut point douter, qu'il n'y en ait eu effectivement de l'un et de l'autre de ces deux différens caractères d'esprit; car de même que l'on en voit plusieurs, qui contrefont les fous et les insensés, quoiqu'ils ne le soient pas, de même aussi en a-t-'il eu plusieurs, qui ont contrefait autre fois les Prophètes, et qui, pour ce sujet, ont contre fait ce que les prétendus Prophètes avoient coûtume de dire et de faire; de sorte que, s'ils venoient paroitre maintenant parmi nous, quelques-uns de ces pré tendus Prophètes (et quand se seroit même quelquesuns des plus fameux du tems passé), il est sûr, qu'ils ne passeroient parmi nous, que pour des visionaires et pour des fanatiques, ou, comme, j'ai dit, pour des trompeurs et des imposteurs, qui ne cherçheroient qu'à trouver des sots pour les tromper. 11 feroit beau maintenant voir de ces prétendus Prophètes, il feroit beau maintenant les entendre dire des Haec dicit Dominus; on se moquerait d'eux, et il est certain que nos Christicoles eux-mêmes s'en moqueraient, et ils lsaie 28. H. Judc 18. 234 ne sauroient nier, que parmi ces prétendus Prophètes du teras passé, il n'y en ait eu effectivement plu sieurs qui n'étoient que des visionnaires et des fana tiques, ou de méchans imposteurs, qui abusoient ex près du nom et de l'autorité de Dieu, dans le dessein de tromper les hommes, ou dans le dessein de parve nir quelqu'autre fin particulière, par cet artifice trom peur. C'est, dis-je, et que nos Christicoles ne sauroient nier, puisque l'on voit manifestement, par leurs pré tendus saints et divins livres, qu'il avoit parmi le peuple d'Israël quantité de faux Prophètes, qui se méloient de parler au nom de Dieu, et qui disoient les Haec dicit Dominus avec autant de hardiesse et d'as surance, que, si leur Dieu leur eut effectivement parlé, et qu'il leur eut véritablement mis les paroles la bouche. C'est ce qui se voit encore manifestement par les reproches violens, que ces prétendus prophè tes se faisoient les uns aux autres, de ce qu'ils parloient faussement au nom de Dieu, reproches mêmes qui se faisoient, disent-ils, de la part de Dieu même. »La parole du Seigneur," disoit un de ces prétendus Prophètes, »la parole du Seigneur s'est adressée »moi et m'a dit: va dire aux Prophètes d'Israël, »ces Prophètes, qui s'ingèrent d'eux-mêmes de prophé- »tiser, va leur dire: écoutez la parole du Seigneur. Voici ce que dit le Seigneur Dieu. Malheur aux Prophètes insensés, qui suivent leur propre esprit et «qui ne voïent rien. Tes Prophètes, Israël, sont «comme des renards dans les déserts -f ils ont des vi Soph. 3. 4. Ezechiel 12. 1—4. 235 »sions vaines; ils devinent et prophétisent le raensonge, en disant: Le Seigneur dit ceci, quoique »le Seigneur ne les ait point envoïés, et qu'il ne leur »ait point parlé; et nonobstant cela ils persistent «toujours assurer leurs mensonges. C'est pourquoi, »dit le Seigneur, je mettrai ma main sur ces Pro- »phètes, qui n'ont que des visions vaines, et qui ne profétisent que le mensonge: ils n'assisteront point »au conseil de mon peuple, ils ne seront point écrits »aux Règistres de la maison d'Israël, et ils n'auront «point de part dans l'héritage de leurs Pères, parce «qu'ils séduisent mon peuple et vous saurez par-là, »que je suis le Seigneur Dieu"*. Le Prophète et le prêtre, disoit un autre, sont souillés et corrompus dans leurs moeurs; j'ai trouvé, dit le Seigneur, les maux qu'ils causent dans ma maison et parmi mon peuple f, je ne les ai point envoïès, et ils ont couru, je n'ai point parlé eux et ils ont prophétisé §. J'ai vu, continue-t-'il, de la folie dans les Prophètes de Samarie, car ils profétisent au nom de Baal, et ils trompent- par-là mon peuple d'Israël. ** Et dans les Prophètes de Jérusalem, (c'est toujours Dieu, qui parle par la bouche de ce Prophète) j'ai vû, dit-il, des iniquités, semblables celles de ceux, qui commettent adultère; ils cheminent en mensonge, ils favorisent les méchans, ils souffrent les désordres et les déréglemens •J-J* C'est ce qui fait que personne ne se corrige de ses vices et de ses méchancetés; ils sont tous Ezechiel 13. 6, 8, 9. Jeremie 23. 11. 21. ** 13. ft 14- 236 devenus aussi vicieux et corrompus, que l'étoient autre fois les habitans de Sodome et de Gomorre. C'est pourquoi, continue ce Prophète, voici ce que dit le Seigneur de ces méchans Prophètes: je les nourrirai d'absynte et je les abreuverai de fiel et je les ferai périr, parce que c'est des Prophètes, de Jérusalem, qu'est sortie l'iniquité et que c'est par eux que la corruption s'est répandue par toute la terre. prophetis enim Jerusalem egressa est pollutio super omnem terram. Voici, suivant ce même Prophète f, comme Dieu parloit encore par sa bouche: Les Prophètes, disoit-il, prophétisent faussement en mon nom: je ne les ai point envoïes et je n'ai point parlé eux; ils n'anoncent que de fausses visions et des divinations vaines et que de trompeuses séductions de leurs coeurs. C'est pourquoi, voici ce que dit le Seigneur, de ces Prophè tes qui prophétisent en mon nom et que je n'ai point envoïè, ils périront par le glaive et par la faim. N'écou tez point vos Prophètes §, disoit-il, en parlant au peu ple, n'écoutez point vos songeurs, vos devineurs, ni vos pronostiqueurs, qui ne vous profétisent que des mensonges, car je ne les ai point envoïés, dit Dieu. C'est faussement qu'ils profétisent en mon nom. C'est pourquoi, n'écoutez point leurs paroles. Il leur donnoit encore ce même avertissement, dans une autre occa sion. Voici, leur disoit-il **, ce que dit le Seigneur des Armées, le Dieu d'Israël: Que vos Prophètes, vos devineurs, qui sont au milieu de vous, ne vous sé Jerero. 23. 15. Jcrcm. 27. 15. §Jcrem. 27. 9. ** Jerem. 29. 8. 257 (luisent point; ne vous arrêtez pas vainement des songes, parce que c'est faussement qu'ils prophétisent en mon nom, puisque je ne les ai point envoïes. Enfin ce même Prophète *, déplorant la destruction malheu reuse de Jerusalem, attribue en quelque façon la cause de son malheur ces faux Prophètes. Tes Prophètes, disoit-il, dans ses Lamentations, tes Prophètes ont eu pour toi des visions fausses et extravagantes; ils t'ont donné de fausses espérances et ne te découvroient pas ton iniquité, pour te faire entrer dans des sentimens de poenitence, qui auroit peut-être détourné ton mal heur. Et Jesus-Christ disoit expressement ses Dis ciples f, qu'il viendroit de faux prophètes, qui séduiroient beaucoup de personnes,, et qui feroient même de si grands miracles et de si grands prodiges, qu'ils seroient capables, si cela se pouvoit, de faire tomber les Elus dans l'erreur; c'est pourquoi il les avertissoit de s'en donner soigneusement de garde et de ne s'y point laisser séduire. C'est pourquoi les prémiers auteurs ,de ces prétendues Loix divines, sachant bien qu'il étoit facile de se prévaloir ainsi du nom et de l'autorité de Dieu, pour en imposer aux ignorans et aux simples, et prévoïant bien aussi, qu'il ne manqueroit pas d'en venir après eux de semblables eux, qui voudroient faire comme eux, et qui se disoient aussi bien qu'eux les Prophètes du Seigneur, ils ont ordonné de punir sévèrement ceux qui entreprendroient de faire les Pro phètes et de vouloir parler au nom de Dieu, contre ce qu'ils auroient fait et établi. C'est ce que Moïse, Laraent. Jer. 2. 14. Matth. 24. 4, 11, 24, 25. 258 l'archiprophète des Juifs, ordonné dans sa loi, qui est regardée comme divine; car il fait un comman dement exprès de punir sévèrement ceux, qui entreprendroient d'eux-mêmes, de parler au nom de Dieu et de faire les prophètes. S'il s'elève parmi vous quelque prophète, qui dise avoir eu quelque songe ou quelque vision et révélation divine, pour vous porter servir et adorer des Dieux étrangers et des Dieux que vous ne connoissez pas, et si, pour vous persuader que ce qu'il dit est véritable, il vous prédit quelque signe ou miracle, qui arrive effectivement, comme il vous l'aura dit, ne croïez pas néanmoins ce que dit ce prophète, ce songeur ou ce visionnaire, parce que c'est votre Dieu qui le permet ainsi, pour vous éprou ver et pour voir si vous l'aimez véritablement de tout votre coeur, et pour ce qui est de ce Prophète, ou de ce songeur de songes et de visions, vous le ferez mourir, vous ne lui pardonnerez pas, vous n'aurez point de compassion de lui, chacun de vous lui jettera aussitôt la pierre, et il sera incontinent assommé, parce qu'il aura voulu vous détourner du service de votre Dieu. Et ailleurs, voici ce que dit cette même loi et ce même Moïse: Le Seigneur, dit-il, vous suscitera un autre prophète comme moi, d'entre vos frères, c'étoit de Josué, son successeur, dont il parloit; vous 'écou terez, leur disoit-il ensuite voici comme il fait par ler son Dieu lui-même: je leur susciterai, du milieu de leurs frères, un prophète, semblable vous; je mettrai mes paroles en sa bouche, et il leur dira ce Deut. 13. 1, 5. 259 que je lui aurai commandé. Quiconque n'écoutera pas ce qu'il dira en mon nom */ j'en tirerai vengeance. Mais le Prophète, dit-il, qui aura la témérité de vou loir parler en mon nom et de dire ce que je ne lui aurai point commandé de dire, ou qui parlera au nom de quelque autre Dieu, sera puni de mort. Quant la manière dont ces mêmes livres disent que Dieu parloit et se faisoit connoitre ses prophètes, voici ce qu'ils en disent. Dieu étant descendu dans une colonne de nuées, il se tint l'entrée du Tabernacle et apellant Aâron et sa soeur Marie, il leur parla ainsi et leur dit: Ecoutez mes paroles. S'il parmi vous quelques Prophètes du Seigneur f, moi qui suis le Seigneur, je me ferai connoitre lui par vision et lui parlerai par songes; il n'en est pas ainsi de mon ser viteur Moïse, qui est fidèle en toute ma maison, je parle lui bouche bouche, et il me voit véritable ment découvert et non pas seulement par obscurité et par représentation. Pourquoi donc, leur dit-il, avez vous oser parler contre Moïse, mon serviteur. Ce fut ainsi, par vision nocturne et par songe, qu'il s'aparut Abraham §, lorsqu'il lui commanda de sortir de son païs; ce fut aussi par vision nocturne et en songe qu'il s'aparut lui **, lorsqu'il lui commanda d'aller sacrifier son fils Isaac; et enfin ce fut ainsi qu'il s'apa rut lui et qu'il lui parla, lorsqu'il lui dit de descen dre en Egypte *J"J*; ce fut ainsi qu'il parla Nathan et Samuel §§. lsaie, lui-même, qualifie ces prophéties du Deut. 18. 15, 18—20. Num. 12. 5—8. Gen. 15. 1—17.

    • Gen. 22. 3. ft Gen. 46. 2. §§ Parai. 17. 3—14.

240 nom de vision *. Jeremie les apelle des visions fausses et des divinations trompeuses "J\ Ezechiel, Daniel, Ozée et tous les autres prétendus prophètes apellent leurs prophéties des visions, qu'ils voient presque toujours la nuit et pendant leur sommeil. C'est pourquoi il est marqué dans Job, que Dieu parle par des songes dans des visions nocturnes, quand le sommeil abat les hom mes, dit-il, et qu'ils dorment dans leur lit, c'est pour lors qu'il ouvre les oreilles et qu'il parle ceux qu'il veut instruire. Et le grand Paul **, vase d'élection, parlant de son ravissement au ciel, il disoit qu'il ne savoit pas, si ç'avoit été en corps ou en esprit, qu'il avoit été ainsi ravi, qu'il avoit néanmoins vu et en tendu des choses admirables, qu'il n'y avoit moïen de les exprimer pas discours. Et pour ce qui est de la manière, dont ces prétendus Prophètes recevoient et publioient leurs prétendues visions et révélations di vines, c'étoit ordinairement en la manière, avec les mêmes transports, les mêmes grimaces et mouvemens que l'on coutume de voir dans les fanatiques. Les Prêtres ou les sibilles, aussi bien que tous les autres Prophètes et Prophétesses des Païens étant saisis d'une espèce de fureur, ils proferoient, dit Rocoles, "f"f leurs oracles avec une impétuosité de voix et avec des con torsions violentes et pareilles celles des possédés. C'en étoit de même de la plupart de nos prétendus Prophètes; car lorsque cette manie de vouloir profétiser les prenoit, ils étoient comme dans des trans Isaïe 1. 1. Jerem. 14. 14. Job. 33. 15.

    • II Cor. 12. 2. ft Recueil des Con. Tom. 5. pag. 201.

241 ^- ports et faisoient des gestes et des mouvemens ex traordinaires et ridicules, comme faisoient de véritables fanatiques. Nous en avons manifestement des exem ples dans Saul, premier roi des Juifs, et dans ceux qu'il envoïa un jour pour prendre David, car ce Roi, aïant envoïe des archers pour prendre ce David, qu'il vouloit pendre, lorsqu'ils le virent avec une troupe de Prophètes, qui prophctisoient et Samuel leur tête, l'esprit du Seigneur, dit cette Histoire, se saisit des Archers, qui commencèrent eux-mêmes prophétiser comme les autres; ce qui obligea Saûl d'y en cnvoïer d'autres encore, auxquels la même chose étant arrivée, Saûl s'en mit dans une grande colère et voulut aller lui-même, pour se saisir de celui, qu'il vouloit faire pendre. Mais étant arrivé au lieu, où il étoit, il se trouva lui-même aussitôt saisi de l'esprit de Dieu, se dépouilla de ses habits, marcha comme un fou, en prophétisant avec les autres, puis s'étant jetté par terre tout nud, il demeura ainsi tout le jour et toute la nuit; d'où vient que l'on commença dire, comme en proverbe: Quoi Saul aussi se mêle de pro phétiser, Num Saul inter prophetas? Ne sont-ce paslà de véritables visions, de véritables mouvemens et de véritables transports de fanatiques? Oui certaine ment, car il n'apartient effectivement qu'à des fanatiques, de faire de telles extravagances et il n'y personne qui n'en jugeroit de même, si on voïoit maintenant semblables choses: et ainsi ces troupes de Prophètes n'étoient véritablement que des troupes de fanatiques. Tous ces exemples et témoignages, que je viens de raporter, sans parler de plusieurs autres sembla 16 -*- 242 bles, pour n'être pas trop long, nous font manifeste ment voir, que tous ces prétendus Prophètes n'étoient véritablement, comme j'ai dit, que des fanatiques, des visionnaires ou de méchans imposteurs, puisqu'ils apelloient eux-mêmes leurs prétendues Prophéties des vi sions, et que ces visions n'étoient au moins pour la plupart que des visions nocturnes, que des visions imaginaires, des illusions et des songes; ce qui les faisoit aussi apeller, dans leur tems même, des son geurs ou des faiseurs de songes, comme on le peut voir par les témoignages, que je viens de citer. Ce n'étoient enfin que des fanatiques, ou contrefaisant les fanatiques, puisqu'ils parloient et qu'ils agissoient de la même manière, qu'auroient fait des fanatiques, comme on le voit par les mêmes témoignages et qu'en fin ce n'étoit au moins, pour la plupart, que des im posteurs, puisqu'il en avoit tant, qui prophétisoient faussement au nom de Dieu, pour tromper les ignorans et les simples, et qu'ils se reprochoient les uns aux autres cette fourberie avec tant d'animosité. Je dis, que ce n'étoit au moins pour la plupart que des imposteurs et des fanatiques, parceque nos Christicoles eux-mêmes ne sauroient nier, que le nombre des faux Prophètes n'ait été beaucoup plus grand que celui de ceux, qu'ils pouront prétendre avoir été de vrais Prophètes, puisque l'un de ces prétendus vrais Prophètes, c'étoit Elie *, fit par un seul jour mourir 450 de ces faux Prophètes, non compris plusieurs autres, que Jehu et Josias firent mourir dans leurs Reg. 18. 19, 22, 40. 243 *- tems, au lieu que du côté des prétendus vrais Pro phètes, qui auroient été pendant tout le tems de la loi Mosaïque, peine nos Christicoles pouroient-ils en compter deux douzaines; ce qui fait voir une trèsgrande différence du nombre des uns aux autres, et l'ait juger que le nombre des faux Prophètes étoit incomparablement plus grand que celui des prétendus vrais Prophètes. Et l'égard des reproches, qu'ils se faisoient les uns aux autres, avec tant d'animosité, s'accusant les uns les autres de prophétiser faussement au nom de Dieu, on pouroit, ce semble, assez convenablement apliquer le reproche, que le chauderon noir faisoit la marmite: Voe tibi, voe nigroe dicebat cacabxis olloe; car il paroit manifestement, qu'ils n'étoient cet égard guères moins faux, ni moins trompeurs, les uns que les autres. Et puisque nos Christicoles sont obligés de reconnoitre, que la plupart et que même presque tous ces prétendus Prophètes n'étoient effectivement que des visionnaires, des fanatiques ou des impos teurs, ce seroit maintenant eux de montrer par des raisons et par des preuves claires, sûres et convain cantes, que ceux qu'ils prétendent excepter, n'étoient pas des faux Prophètes comme les autres, mais qu'ils étoient divinement inspirés de Dieu, et c'est ce qu'on pouroit les défier absolument de pouvoir faire par aucune véritable et solide raison. Mais je vais au contraire prouver, par un raisonne ment solide, qu'ils étoient aussi faux Prophètes que les autres, et voici ma raison Tout Prophète, qui se dit inspiré de Dieu, et qui ne se trouve pas vérita 16* 244 ble, ou qui même se trouve faux, dans ce qu'il prédit de la part de Dieu, n'est pas un véritable Prophète; c'est la véritable marque et même la marque que nos Christicoles prétendent que Dieu donnée pour connoitre les faux Prophètes. Voici comme ils le font parler dans sa loi *: Le Prophète qui aura la témé rité de parler en mon nom, et de dire, ce que je ne lui aurai pas commandé de dire, sera puni de mort, et si vous dites en vous-mêmes, comment connoitronsnous la parole que Dien n'aura pas dite, voici, dit Dieu, quoi vous la connoitrez. Quand le Prophète aura parlé en mon nom, et quand ce qu'il aura dit en mon nom ne sera pas arrivé, vous connoitrez en cela que le Seigneur n'a point parlé; mais que ç'à été par arrogance et par témérité que le Prophète parlé. Et dans Jeremie il est dit, que lorsqu'un Pro phète annoncera la paix, au nom du Seigneur, et que sa parole se verra accomplie, on saura pour lors qu'il est un véritable Prophète et qu'il été véritablement envoïè de Dieu. La vraïe marque donc pour connoitre les faux Prophètes et quand ils prédisent fausse ment au nom de Dieu, et que les choses qu'ils pré disent en son nom, n'arrivent pas comme ils les ont prédites. Or cela suposé, il est facile de faire voir que les prétendus Saints Prophètes, puisque l'on voit en eux, c'est dire, dans leurs écrits et dans leurs prophé ties, la vraïe marque des faux Prophètes, et que les plus grandes et principales choses, qu'ils ont prophé Peut. 18. 20. lbid- 22- Jerem. 28. 9. 245 tisées au nom du Seigneur, en faveur do leur nation Juive, ne sont pas arrivées, comme ils les avoient prédites, et que l'on voit au contraire manifestement, que tout est tourné leur désavantage et leur con fusion. Pour preuve de quoi, il n'y qu'à raporter mot mot ce qu'ils ont prophétisé de plus glorieux et de plus avantageux leur Nation, et faire ensuite une comparaison de ce qu'ils ont prédit, avec ce que l'on voit être arrivé, et par ce moïen on verra faci lement et clairement si leurs prophéties sont vraïes ou si elles sont fausses. Premièrement Moïse, ce fameux Moïse, qu'on pré tend avoir été l'Archiprophète de Dieu et qui, en cette prétendue qualité, étoit le chef et le conducteur du peuple d'Israël, qui se disoit être le peuple de Dieu même et le peuple choisi et chéri de Dieu, promis et prophétisé ce peuple de la part de Dieu, qu'il seroit un peuple tout particulièrement choisi de Dieu, que Dieu le sanctifieroit et qu'il le bèniroit par des sus toutes les autres Nations de la terre et païs des Chananéefls et autres païs voisins en possession éter nelle. Lesquelles promesses et prophéties se trou vent néanmoins manifestement fausses, puisque l'on ne voit et que l'on n'a jamais vû dans ce peuple aucune marque particulière de sainteté, ni aucune marque spéciale de particulière élection, ni de parti culière protection divine, et que l'on voit manifeste ment d'ailleurs, que ce peuple est, depuis plusieurs siècles, entièrement exclus de la possession des terres et païs, qu'ils auroient dû posséder tout jamais, si les promesses et prophéties, qui leur en avoient été 240 faites, eussent été véritables. Mais, véritables ou non, les peuples qui elles s'adressoient, se sont tellement fié aux prétendues promesses et révélations divines, qu'ils ont cru effectivement, qu'ils étoient le peuple uniquement chéri et choisi de Dieu, et dans cette croïance ils se sont facilement persuadés, que Dieu n'a voit que leur bien et leur bonheur en tête, et que toutes les graces et les bénédictions du ciel leur étoient réservées. C'est pourquoi aussi ceux qui, après ce Moïse se trouvèrent les plus zélés pour la gloire de leur Dieu et pour le maintien de sa prétendue loi, croïant devoir entretenir et même fortifier, dans l'esprit des peuples, des espérances convenables de si grandes et de si avantageuses promesses, les assuroient toujours que Dieu accompliroit ses promesses. Mais voïant qu'il tardoit toujours les accomplir, ces zélés s'avisèrent de dire, que les peuples se rendoient indignes, par leurs vices et par leur mauvaise vie, de voir l'accomplissement de tant de si belles et si avan tageuses promesses, qui leur voient été faites de la part de Dieu: C'est pourquoi ils se mirent décla mer fortement contre leurs vices et contre leurs dés ordres, menaçant horriblement les peuples et ceux qui les gouvernoient si mal, de rigoureux châtimens de Dieu, s'ils ne s'amandoient et ne se corrigeoient de leurs vices. Et pour donner, en même tems, plus de poids et d'autorité leurs paroles, ils se sont mis, comme l'envie les uns des autres, faire les Pro phètes, forger des révélations et prophétiser merveille, tant sur les châtimens temporels que Dieu feroit de leurs vices, que sur les grandes et excessives '247 bontés, qu'il auroit pour eux, après qu'il les auroit suffisamment châtiés de leurs vices et qu'il les auroit entièrement et parfaitement convertis lui; car ces prétendues prophéties marquent expressément, que Dieu les puniroit sévèrement de leurs vices, qu'il les rejetteroit de son amitié et qu'il les abandonneroit la puissance et la fureur de leurs ennemis, qu'il les détruiroit et qu'il les mèneroit honteusement en captivité, hors de leur païs, et qu'ils seroient miséra blement dispersés parmi les nations étrangères. Mais elles marquent, particulièrement aussi, ces prophéties, qu'après cela Dieu apaisera sa colère leur égard et qu'il tournera toutes ses vengeances contre ceux, qui les auront affligés; elles marquent, que Dieu les re prendra dans son amitié et dans sa grace, en consi dération de l'alliance éternelle, qu'il faite avec eux et avec leur postérité, et qu'alors il les favorisera, plus qu'il n'a jamais fait, de ses graces et de ses bé nédictions. Que pour cet effet il leur envoïera un puis sant libérateur, qui les délivrera de leur captivité, qui les purilieroit de leurs péchés, qui rassembleroit tous ceux, qui auront été dispersés et qu'il les feroit glo rieusement retourner et rentrer dans la possession de leurs terres et païs, là, où ils demeureroient perpé tuellement en paix et en sureté, jouissant abondam ment de toutes sortes de biens et de félicité, avec assurance de ne plus être jamais troublés par la crainte d'aucuns ennemis; ajoutant encore cela que tous les autres peuples viendraient avec plaisir leur rendre honneur et qu'ils viendraient avec joie reconnoitré et adorer la souveraine Majesté de leur Dieu 248 en lui offrant, dans son temple, des sacrifices, ainsi qu'il est ordonné par sa Loi. Toutes ces belles et avantageuses promesses et prophéties se trouvent ma nifestement fausses. Voici en propres termes quelles sont ces belles prétendues prophéties, ou au moins, en partie, quelles elles sont, car il seroit trop long de les raporter toutes. Le Seigneur est plein de miséricorde, dit le Pro phète Roi David *, c'est lui-même, dit-il *f, qui ra chetera Israël de toutes ses iniquités. Les oeuvres de Dieu, dit-il, ne sont que justice et vérité; il envoïera rédemption son peuple et son alliance avec lui sub sistera éternellement. Que les cieux et la terre se réjouissent, dit-il encore §, que les champs soient dans la joïe, que les arbres et les forêts-mêmes sautent de joïe, parce que le Seigneur vient et qu'il vient pour gouverner la terre, il gouvernera tous les peuples se lon justice et vérité. Vous tous, qui craignez le Sei gneur, louez le, dit ce même Prophète, et vous, peu ples d'Israël, exaltez-le. Tous les peuples de la terre, dit-il **, se convertiront au Seigneur et ils adoreront partout sa divine Majesté, parceque le Seigneur est le Roi de tous les Rois et qu'il soumettra tout le monde ses Loix. Le Seigneur, dit le Prophète Isaie, élevera l'en seigne parmi les Nations et il rassemblera de tous côtés les Israëlites, qui avoient été dispersés, et leurs ennemis périront. Ce qui avoit déjà été prédit long Psalm 130. 7. Psalm 111. 7, 9. Psalm 96. 11, 12.

    • Psalm 22. 27—30. jf Isaie 11. 12.

249 tems auparavant par Moïse même, dont voici les pa roles, et comme il parloit au peuple d'Israël: Quand le Seigneur, dit-il, t'auroit abandonné la puissance de tes ennemis, cause de tes péchés et qu'il t'auroit dispersé parmi toutes les nations, cause de tes mé chancetés, cependant il te ramenera dans le païs de tes pères et tu le posséderas en bénédictions et en paix le Seigneur te fera croitre et multiplier plus qu'il n'a fait tes Pères, il circoncira ton coeur et le coeur de tes descendans, afin que tu l'aime de tout ton coeur et de toute ton me, il ôtera de toi tou tes malédictions, et les fera tomber sur tes ennemis et sur ceux qui te haissent et qui t'auront persécu tés, et tu retourneras au Seigneur ton Dieu, tu obéiras sa parole, et lui t'envoïera toutes sortes de biens en abondance; il bénira les travaux de tes mains; il bénira le fruit de ton ventre et le fruit de tes ani maux et le fruit de tes terres, que tu recueileras en abondance, parce que le Seigneur se réjouira, et pren dra plaisir te combler de toutes sortes de biens. Voilà les belles et avantageuses promesses, que ce Moïse faisoit, de la part de Dieu, au peuple d'Israël et c'est sur ce fondement, que tous les autres Pro phètes suivans ont parlé comme ils ont fait. Voici dit l'un de ces prétendus Prophètes, voici la parole qu'Isaïe, fils d'Amos, vu touchant Juda et Je rusalem, (c'est dire touchant tout le peuple juif qui étoit le peuple d'Israël) il aviendra au dernier jour, que la montagne de la maison du Seigneur sera affer mie au sommet des monts, et sera élevée par dessus les côteaux, et toutes les nations aborderont. Plu 250 sieurs peuples iront et diront, venez et montons la montagne du Seigneur, la maison du Dieu de Ja cob, il nous enseignera ses voïes, et nous chemine rons par ses sentiers; car la loi sortira de Sion et la parole du Seigneur de Jerusalem. Il gouvernera les nations et reprendra plusieurs peuples, ils forgeront leurs épées en hoïaux et leurs lances en serpes; une nation ne s'élèvera plus contre l'autre, ils ne s'adon neront plus la guerre; l'orgueil des hommes sera déprimée; ceux qui s'élèveront seront abaissés, et le Seigneur seul sera glorifié et exalté, et quant aux idoles, elles seront entièrement détruites. Idola penitus contérentur *. Que ceux qui se croïent abandonnés, se réjouissent, dit ce même Prophète, que ceux qui sont foibles, prennent courage, que ceux qui ont peur, se rassu rent, et qu'ils ne craignent plus rien. Car voici votre Dieu, qui vient prendre vengeance de tous vos enne mis. Dieu viendra lui-même et vous délivrera: il vous conduira par un chemin droit et par un chemin sûr, où rien ne se trouvera pour vous nuire, et tous ceux que le Seigneur aura rachetés, viendront en Sion avec prospérité et joïe, la douleur et la tristesse ne les affligeront plus; mais ils seront perpétuellement en joie f. Toutes ces belles et magnifiques promesses et prophéties se trouvent manifestement fausses. Consolez-vous, consolez-vous, mon peuple, dit Dieu par ce même Prophète, consolez-vous; dites Jeru salem que sa punition est accomplie, que ses iniqui Isaïe 2. 1, 2, 3, 4, 17, 18. Isaïe 35. 4—10. '\ 251 tés lui sont pardonnées, et que Dieu pris double ment vengeance de ses péchés. Elevez votre voix, anoncez aux villes de Judée de bonnes nouvelles: dites lui, voici le Seigneur, qui vient avec force et puissance, et qui aporte ses récompenses avec lui, il défendra son peuple, comme un berger défend son troupeau. Il le portera lui-même dans son sein *. Israël, dit ce même Prophète, sera sauvé par un salut éternel et il ne sera plus jamais exposé la honte et la confusion qu'il reçue "J\ Levez-vous, levez-vous, reprenez vos forces, Jerusalem, ville de sainteté, revétez-vous de vos habits de joïe, par ce que les incirconcis et les souillés ne passeront plus dorénavant par le milieu de- vous. Vous avez bû le calice de mon indignation, vous l'avez épuisé, mais dorénavant vous ne le boirez plus §. C'est moi-même, c'est moi-même, dit Dieu, qui efface vos péchés; je les effacerai pour l'amour de moi, et n'aurai plus souvenance de vos péchés, je ferai cela pour l'amour de moi; je ne souffrirai point que mon nom soit blasphemé, et je ne donnerai ma gloire un autre **. Réjouissez vous, vous qui êtes stérile, éclatez de joie avec des chants de triomphe, vous qui étiez abandonnée, car vos enfans seront en plus grand nom bre que les enfans de celle qui n'étoit pas abandon née; ne Craignez point, parceque vous n'aurez plus de confusion,. ne craignez point, parceque le Seigneur Dieu, qui est votre Rédempteur et le Dieu de toute Isaïe 40. 1, 10, 11. Isaïe 45. 17. Isaïe 52. 1.

    • Isaïe 43. 25.

252 la terre, régnera au milieu de vous. Il vous aban donné pour un petit teras, mais il vous rassemblera en grande miséricorde; il s'est caché de vous et vous montré son indignation pendant un petit tems; mais il aura éternellement compassion de vous: car de même qu'il juré Noé, qu'il n'envoïeroit plus le déluge sur la terre, de même aussi il juré, qu'il ne se mettroit plus en colère contre vous, et qu'il ne vous puniroit plus. Les montagnes et les collines pouroient s'ébranler et changer de place, mais la miséricorde de Dieu ne s'éloignera point de vous et son alliance demeurera ferme avec vous, dit le Seigneur, qui compassion de vous. Les murs de ces villes seront bâtis de jaspe et de saphïre et de toutes sortes de pierres précieuses, tous vos enfans seront enseignés de Dieu-même, la justice sera le fondement de vos loix, vous ne craindrez point l'oppression, ni la ca lomnie, et toute crainte sera éloignée de vous *. Levez vous, Jerusalem et soïez illuminée, car voire lumière va venir et la gloire du Seigneur va se lever sur vous. Les ténèbres couvriront la terre et les peuples seront dans l'obscurité; mais le Seigneur va paroitre sur vous, et sa gloire se manifestera sur vous. Les nations ne marcheront qu'à la clarté de votre lu mière, et les Rois mêmes ne suivront que les raïons de votre splendeur. Levez les yeux et regardez comme toutes les nations s'assemblent autour de vous, pour vous servir. Vos fils et vos filles viendront de loin; vous serez dans la joie, lorsque vous verrez que tou tes les richesses de la mer viendront vous. Vous Isaie 54. 255 verrez venir vous abondance de chameaux et de dromadaires des Païs de Madian et d'Epha et même tous ceux de Saba viendront vous faire hommage et vous porter or et encens et en publiant les louanges du Seigneur, votre Dieu. Les étrangers édifieront vos murailles et leurs Rois s'emploïeront votre service, vos portes seront continuellement ouvertes, et ne se ront fermées ni jour ni nuit, afin d'amener au milieu de vous toutes les forces des nations et que leurs Rois soient conduits: car toute Nation et tout Roïaume qui ne vous serviront point, périront. Les enfans de ceux qui vous auront affligés, viendront s'humilier devant vous et vous apelleront la ville du Seigneur, la ville du saint d'Israël: et pour ce que vous aurez été délaissée et haïe, tellement que per sonne ne passoit plus parmi vous, le Seigneur vous établira en hauteur éternelle et en réjouissances con tinuelles, de génération en génération, et vous verrez par-là que le Seigneur vous aura sauvée et qu'il est votre Rédempteur; il vous fera venir l'or au lieu d'ai rain, l'argent au lieu de fer, et de l'airain au lieu de bois et du fer au lieu de pierres; il établira la jus tice et la paix parmi vous et parmi ceux qui vous gouverneront; ainsi on n'entendra plus parler de vio lence, ni d'opression; mais on parlera que de lou ange, que de salut, que de paix et que de bénédic tions. Vous n'aurez- plus besoin de la lumière du soleil pendant le jour, ni de celle de la lune pendant la nuit, parceque le Seigneur sera votre lumière et votre gloire éternelle, ainsi votre soleil ne se cou chera plus et votre lune ne se retirera plus, mais le 254 Seigneur vous sera pour lumière éternelle et alors les jours de votre affliction finiront. Ceux de votre peu ple seront tous justes et posséderont éternellement la terre; ils seront comme le germe des plantes, plantées du Seigneur et comme l'ouvrage de ses mains. Le moindre d'entre vous croîtra et multipliera milliers et le plus petit deviendra comme une nation puis sante *. Toutes ces belles et magnifiques promesses et prophéties se trouvent manifestement fausses. Tous les Rois et toutes les Nations de la Terre, dit ce même Prophète, verront la gloire de Jerusa lem, lorsque son sauveur l'aura délivrée, et alors on l'apellera d'un nom nouveau, que la bouche du Sei gneur aura expressément nommé, et sera comme une couronne d'ornement en la main du Seigneur et comme un diadème roïal, en la main de son Dieu, on ne l'appellera plus la délaissée, ni sa terre la désolée; mais on l'apellera le bon plaisir du Seigneur, parceque le Seigneur prendra plaisir en elle: car il juré par sa droite et par la force de son bras qu'il ne donneroit plus ses ennemis son froment manger, ni aux Etrangers son vin boire; parceque ceux qui auront amassé le froment, le mangeront en louant le Seigneur, et que ceux qui auront fait le vip, le boi ront au parvis de sa sainte Maison *J\ Voici, dit Dieu encore par le même Prophète, je vais créer de nouveaux cieux et une nouvelle terre et les choses précédentes seront oubliées: vous vous réjouirez et vous vous égaïerez tout jamais dans ce que je Isaïe 60. Isaïe 62. 255 vais faire: Je m'en vais créer Jerusalem pour n'être plus que joïe et son peuple pour n'être plus qu'en réjouissance. Je me réjouïrai moi-même, dit Dieu, sur Jérusalem, je me réjouirai sur mon peuple et on n'entendra plus parmi eux de pleurs, ni de gémisseraens, ils bâtiront des maisons et ils les habiteront, ils planteront des vignes et ils mangeront les fruits; il ne sera plus dit qu'ils bâtiront des maisons et que d'autres les habiteront, ni qu'ils planteront des vignes et que d'autres en mangeront les fruits, car les jours de mon peuple seront comme les jours des arbres, et mes élus verront vieillir les ouvrages de leurs mains; ils ne travailleront plus en vain et n'engendront plus d'enfans, pour être exposés la fraïeur, car ils seront la prosperité des bénits du Seigneur et ceux qui sor tiront d'eux avec eux, je les exaucerai avant même qu'ils me prient. Le loup et l'agneau paîtront en semble, le lion et lo boeuf mangeront paisiblement la paille, le serpent se nourira de la terre, ils ne se nuiront aucunement les uns les autres et on ne par lera plus de tuer aucun animal, dans toute la mon tagne de ma Sainteté *. Toutes ces belles et magni fiques promesses et prophéties se trouvent manifeste ment fausses. Et Jesus-Christ disoit ses disciples, qu'ils pleureroient et qu'ils gémiroient, quand le monde seroit dans la joïe et qu'eux seroient dans la tris tesse: Amen dico vobis quia plorabitis et flebitis vos, mundus autem gaudebit "f, qu'ils seroient persécutés et mis mort §, ce qui est bien contraire toutes ces belles promesses-ci. Isaïe 6B. 17—25. Joan. 16. 20. Matth. 10. 17. Luc. 21. 16. 17. 256 Réjouissez-vous avec Jerusalem, dit encore ce même Prophète, réjouissez-vous avec elle, vous tous qui l'aimez, réjouissez-yous tous qui êtes dans la tristresse et dans l'affliction, afin que vous goûtiez les douceurs du Seigneur et que vous soyez rassassiés des mamelles de ses consolations. Car voici, dit le Sei gneur, que je vais faire couler sur elle un fleuve de paix, et la gloire des nations viendra sur elle comme un torrent débordé, je vous caresserai pour vous con soler, comme une mère caresse son enfant pour l'a paiser. Car vous serez consolé en Jerusalem, c'est ce que vous verrez. Votre coeur s'en réjouira, car la puissance du Seigneur se fera connoitre envers ses serviteurs, en leur faisant toutes sortes de biens, mais elle se fera sentir leurs ennemis par son indigna tion *. Ecce servi mei comedent et vos esurietis, ecce servi mei bibent et vos sitietis; ecce servi mei laetabuntur et vos confundemini; ecce servi mei laudabunt prae exultatione cordis et vos clamabitis prae dolore cordis et prae contritione spiritus ululabitis -f. En ce tems-là, dit Dieu, par le Prophète Jeremie, quand vous serez crûs et multipliés en terre, je vous donnerai des pasteurs, qui vous paitront de science et d'intelligence, en ce tems-là on apellera Jerusalem le Trône du Seigneur, toutes les Nations s'assemble ront vers elle, au nom du Seigneur, qui est en Jeru salem, et ne suivront plus les mauvais désirs de leurs coeurs §. Voici les jours qui viennent, dit le Seigneur, que je convertirai mon peuple d'Israël et de Juda, je les ferai revenir au païs, que j'ai donné leurs Pé Isaïe 66. 11, 16. Isaie 65. 13, 14. Jerein. 3. 15, 16, 17. 257 res et ils le posséderont. Dans ce jour, dit le Sei gneur des Armées, je briserai leur joug et je rom prai les liens qui les tenoient captifs; ils ne seront plus sous la domination des Etrangers, mais ils ser viront seulement le Seigneur et David leur Roi, que je leur susciterai. Vous donc, mon peuple de Juda, et vous, mon peuple d'Israël, ne craignez point, dit le Seigneur, car je vais vous délivrer et votre postérité des Pays, ou vous êtes captifs. Jacob retournera et se reposera en paix, il jouira abondamment de tou tes sortes de bien et il n'y aura personne qui lui fasse peur, ils seront mon peuple et je serai leur Dieu Voici ce que dit le Seigneur, dit le même Pro phète, réjouissez- vous, car le Seigneur va délivrer son peuple, il les rassemblera des extrémités de la terre, ils viendront avec joie et louange posséder les biens, que le Seigneur leur donnera en abondance, en froment, en vin, en huile et en multitude de gros et menu bétail, leur ame en sera rassasiée, ils ne souf friront plus la faim, j'enivrerai aussi de graisse l'ame des prêtres et mon peuple sera comblé de biens *J\ En ce tems-là, dit le Seigneur, je peuplerai d'hom mes et de bestiaux la maison d'Israël et de Juda, et comme j'ai veillé sur eux pour les punir, pour les affliger et pour les perdre, je veillerai aussi sur eux pour les rétablir. En ce tems-là on ne dira plus: les pères ont mangé des fruits aigres et les dents des enfans en sont agacées; mais chacun mourra de son iniquité. Voici les jours qui viennent, dit le Seigneur, JeTem. 30. 8, 9, 10. .Tcrcm. 31. 7, 12. 17 258 je ferai une nouvelle alliance avec la maison d'Israël et avec la maison de Juda, non selon l'alliance que j'ai faite avec leurs pères, au jour que je les ai dé livrés de l'Egypte, et que leurs pères n'ont pas gar dée. Mais voici l'alliance que je ferai avec eux, dit le Seigneur Je mettrai ma loi au dedans de leur coeur, je l'écrirai en leur coeur, je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Un chacun n'aura plus be soin d'enseigner son prochain, ni le frère d'enseigner son frère en lui disant: connoissez le Seigneur, car ils me connoitront tous, depuis le plut» petit d'en tr'eux, jusqu'au plus grand; parceque je pardonnerai leurs iniquités, je n'aurai plus souvenance de leurs péchés; toutes les nations de la terre périront plutôt, que la postérité d'Israël vienne manquer devant moi *. Voici ce que dit le Seigneur, vous dites que cette ville (c'est de Jerusalem qu'il parle), vous dites que cette ville sera livrée entre les mains du Roi de Babylone, et que les habitans périront par la famine, par l'épée et par la peste: Voici, dit le Seigneur, que je vais les rassembler de tous les païs, auxquels je les ai dispersés dans ma colère, je les ferai retour ner en ce lieu et je les ferai demeurer en sûreté, ils seront mon peuple et je serai leur Dieu; je leur donnerai un même coeur, je les conduirai par un même chemin, afin qu'ils me craignent toujours et que je leur fasse bien, eux et leurs enfans après eux. Je ferai avec eux une alliance éternelle, que je ne cesserai point de leur faire du bien. Je mettrai Jerem. 31. 27—37. 259 la crainte de moi dans leur coeur, afin qu'ils ne se détournent point de moi. Je me réjouirai sur eux par leur faire du bien, je les établirai en ce païs-ci, de tout mon coeur et de toute mon âme, dit le Sei gneur, car, de même que j'ai fait venir sur ce peuple tout le mal qu'il souffre, de même je ferai venir sur eux tout le bien que je leur promets *. Voici ce que dit le Seigneur, le Dieu d'Israël, aux maisons de cette ville, qui sont détruites; je m'en vais fermer leurs plaïes et leur donner une entière guérison et je leur serai une abondance de paix et de vérité, je ferai retourner les captifs de Juda et les captifs d'Israël et les rétablirai comme ils étoient auparavant; je les nettoïerai de toutes leurs iniquités, par lesquelles ils ont péché contre moi, je leur par donnerai toutes leurs iniquités f. Voici ce que dit le Seigneur, dit le Prophète Ezechiel §, quand j'aurai rassemblé la maison d'Israël de tous les peuples, auxquels je les avois dispersés, je serai santifié en eux, la vue de toutes les nations et ils habiteront la terre, que j'ai donné mon ser viteur Jacob; ils demeureront en sûreté, ils édi fieront des maisons et planteront des vignes et ils demeureront en sûreté, quand j'ai envoïe mon juge ment contre ceux, qui les auront allligés et ils sau ront que je suis le Seigneur éternel, et leur Dieu **. Voici ce que dit le Seigneur, je sauverai mon trou peau, tellement qu'il ne sera plus en proïe; je ban Jerem. 32. 36. Jerem. 33. 6, 7, 8. Ezech. 28. 25. ** 17* 260 nirai de leurs païs toutes sortes de mauvaises bêtes, en sorte qu'ils demeureront en sûreté dans les lieux déserts et qu'ils dormiront en sûreté dans les forêts. Ils ne seront plus en proïe aux nations étrangères. Les bêtes de la terre ne leur feront aucun dommage et n'y aura personne pour les épouvanter. Voici ce que dit le Seigneur la maison d'Israël, je santitierai mon nom, qui est grand, lequel vous avez pro fané parmi les nations, et sauront les dites nations que je suis le Seigneur, quand je serai santifié en vous en leur présence; car je vous retirerai d'entre les natious et je vous rassemblerai de tout Païs, et je vous ramènerai dans vos terres; alors je répandrai sur vous des eaux nettes, et vous serez nettoyés, je vous nettoïerai de toutes vos souillures et de tous vos Dieux de fiente, et je vous donnerai un nouveau coeur, et mettrai dedans vous un esprit nouveau et ôterai le coeur de pierre hors de votre chair et vous donnerai un coeur de chair, je mettrai mon esprit au dedans de vous, je ferai que vous marcherez dans la voïe de mes commandemens et que vous les accomplirez. Vous demeurerez au païs, que j'ai donné vos pères, et ainsi soïez mon peuple et je serai votre Dieu et de toutes vos iniquités je vous délivrerai, je multiplierai les fruits de vos arbres et le revenu de vos champs, afin que vous ne portiez plus l'oprobre de la faim parmi les nations *. Toutes ces belles et magnifiques promesses et prophéties se trouvent manifestement fausses. Ezechiel 39. 25, ibidem 34, 24 et 36. 23. 261 Voici ce que dit le Seigneur, je ramenerai la cap tivité de Jacob et aurai pitié de toute la maison d'Is raël. Je serai jaloux de la gloire de mon saint nom, après qu'ils auront porté leur ignominie et toute la peine de leurs iniquités, d'autant que je les ramene rai d'entre les peuples et les rassemblerai des païs de leurs ennemis. Je serai santifié en eux, la vue de plusieurs nations, je ne cacherai plus ma face ar rière d'eux, parceque je répandrai mon Esprit sur toute la maison d'Israël, dit le Seigneur *. Voici ce que dit le Seigneur, je vais prendre les enfans d'Israël d'entre les nations, auxquelles ils sont allés et je lés rassemblerai de tous côtés et les ferai entrer dans leur terre, ils ne seront plus qu'une seule nation et eux tous n'auront qu'un Roi pour leur Uoi et ne seront plus deux nations et ne seront plus di visés en deux roïaumes. Ils ne se souilleront plus par le culte des Idoles, ni par leurs abominations et ini quités, car je les délivrerai de leurs iniquités et les nettoierai de toutes leurs souillures. Ils seront mon peuple et je serai leur Dieu. Ils suivront mes ordon nances et observeront fidèlement mes commandemens. Ils habiteront perpétuellement, eux et leurs enfans, dans la terre, que j'ai donnée mon serviteur Jacob. Je ferai avec eux une alliance de paix et une alliance qui sera éternelle, parceque je les multiplierai et que je mettrai mon sanctuaire au milieu d'eux, pour être éternellement, afin que les nations sachent que je suis le Seigneur qui santifie Israël f. Ezechiel 39. 25. Ezechiel 37. 21. 262 Voici les jours qui viennent, dit le Seigneur, je susciterai un germe de la semence de David, qui sera un germe juste, il régnera comme Roi, il sera sage et fera jugement et justice en terre; en ce tems-là Juda sera sauvée, et Israël sera en assurance et voici le nom de ce germe juste, on l'appellera le Seigneur, notre juste. Dominus justus noster *. Au tems de ces Rois, dit le Prophète Daniel, c'està-dire après le tems des rois de Babylone, dont il parloit, le Dieu des cieux suscitera un roïaume qui ne sera jamais dissipé, et ce roïaume ne sera point delaissé un autre peuple, ainsi il brisera et consu mera tous ces autres roïaumes-là, et lui subsistera éternellement. Que le règne, la seigneurie et la gran deur des roïaumes, qui sont sous tous les cieux, soit donné au peuple des saints du Souverain, duquel peu ple le roïaume sera un roïaume éternel, et tous les rois lui serviront et obéiront. Il septante semai nes déterminées sur ton peuple et sur la ville sainte, pour mettre fin la déloïauté, pour mettre fin au péché et effacer l'iniquité et pour amener la justice et la faire éternellement régner -f*. Les enfans d'Israël, dit le Prophète Osée, demeu reront plusieurs jours sans rois, sans gouvernement, sans sacrifices, sans autels, sans Ephod et sans Teraphim: mais après cela les enfans d'Israël retourne ront au Seigneur leur Dieu, et craindront sa puissance au dernier jour §. Dans ce tems-là, dit le Seigneur, Jerem. 23. 5. 6. Daniel 2. 44. et 7. 27 et 9. 24. Osée 3. 4. 5. 265 je ferai alliance avec les bêtes des champs et avec les oiseaux des cieux et avec les reptiles de la terre. Je briserai l'arc et le glaive; je mettrai fin la guerre et je les ferai dormir en sûreté. Dans ce temslà, dit le Seigneur, j'exaucerai les cieux et les cieux exauceront la terre, et la terre produira le froment, le vin et l'huile, je ferai miséricorde celle qui étoit sans miséricorde et j'apellerai mon peuple celui, qui n'étoit pas mon peuple *. Toutes ces belles et magni fiques promesses et prophéties se trouvent manifeste ment fausses. Le Seigneur est jaloux de la terre, dit le Prophète Joël, il est touché de compassion envers son peuple; il dit son peuple, voici que je vous envoïerai du froment, du vin et de l'huile et vous en serez rassassiés, et je ne vous exposerai plus l'oprobre des nations. Voici les jours et le tems, dit le Seigneur, auquel je ferai retourner ceux qui auront été amenés captifs de Juda et d'Israël. J'assemblerai toutes les nations et les ferai descendre en la vallée de Josaphat et là entrerai en jugement avec eux, cause de mon peuple et de mon héritage d'Israël, qu'ils ont dispersé par les nations et qu'ils ont jettè le sort sur mon peuple. Vous avez pris mon or et mon argent, dit-il, ses ennemis; vous avez emporté en vos tem ples mes choses les plus précieuses et meilleures, et avez vendu les enfans de Juda et les enfans de Je rusalem, afin de les éloigner de leur contrée; mais voici que je vais les faire lever du lieu, où ils ont Osée 2. 18, 21, 22, 23, 24. 264 été transportés après que vous les avez vendus, et je me vengerai sur vous de ce que vous les avez trai tés ainsi, je vendrai vos fils et vos filles aux enfans de Juda, qui les vendront d'autres nations plus éloi gnées, car le Seigneur parlé. Publiez hautement ceci parmi les nations, aprêtez la guerre, réveillez les forts, que tous les gens de guerre s'aprêtent et qu'ils marchent, forgez des épées de vos hoïaux et des lances de vos serpes, que celui qui est foible, dise qu'il est fort, car le Seigneur rugira de Sion et fera descendre sa voix de Jerusalem, et les cieux et la terre seront ébranlés et le Seigneur sera l'espé rance et la force des enfans d'Israël. Alors vous sau rez que je suis le Seigneur qui habite en Sion, mon tagne de majesté; et les étrangers n'y passeront plus. Dans ce tems-là les montagnes distileront la douceur des liqueurs; le lait et la crème couleront des co teaux, les eaux couleront agréablement dans tous les ruisseaux de la terre de Juda et sortira même une fontaine de la maison du Seigneur, qui arrosera les torrens des épines, l'Egypte sera en désolation, et l'Idumée sera en désert de perdition cause des maux, qu'ils auront injustement fait aux enfans de Juda, et la Judée sera habitée éternellement, et Jerusalem sub sistera de génération en génération car je nettoïerai les taches de leur sang, que je n'avois pas nettoïes, et le Seigneur habitera en Sion *. Voici, dit le Prophète Amos, voici le tems qui vient, dit le Seigneur, auquel le laboureur et le moisson Joël 2. 18 et 3. 1. 265 neur se trouveront ensemble et auquel celui qui fera vendange et qui semera la semence se trouveront en semble et les montagnes distilleront la douceur des liqueurs et tous les coteaux seront cultivés, je rame nerai tous ceux de mon peuple qui voient été mènés captifs, ils rebâtiront leurs maisons, qui étoient tom bées en ruine et les habiteront, ils planteront des vignes et ils en boiront le vin, ils feront des jardins et ils en recueilleront et mangeront les fruits; car je les établirai sur leurs terres et ils n'en seront plus chassés, dit le Seigneur Dieu *. Le salut se trouvera en la montagne de Sion (c'est Jerusalem) elle sera sainte et la maison de Jacob pos sédera ceux qui les tenoient captifs, et la maison de Jacob sera comme un feu et la maison de Juda comme une flâme, qui consumeront leurs ennemis, comme le feu consume la paille f. Je rassemblerai entièrement la Maison de Jacob, je rassemblerai entièrement les restes d'Israël et les met trai ensemble comme un troupeau dans une bergerie, ils seront en foule pour la multitude d'hommes qui seront, leur chef montera devant eux, pour leur ouvrir le chemin: ils renverseront tout ce qui s'oposera leur passage et le Seigneur sera lui-même leur tête. 11 arrivera qu'aux derniers jours la montagne de la maison du Seigneur sera affermie au sommet des mon tagnes, et elle sera élevée par dessus tous les côteaux; les peuples viendront en foule; plusieurs nations accourront et diront: venez et montez la montagne Amos 9. 13. Abdias 17. 266 du Seigneur et la maison du Dieu de Jacob; il nous enseignera touchant ses voïes et nous chemine rons par ses sentiers; car la loi sortira de Sion et la parole du Seigneur de Jerusalem. Il gouvernera plusieurs peuples, et réduira plusieurs fortes nations jusques bien loin et elles forgeront leurs épées en hoïaux et leurs lances en serpes, une nation ne le vera plus l'épée contre une autre Nation et ne se feront plus la guerre, mais chacun se reposera agréa blement sous sa vigne et sous son figuier et n'y aura plus personne pour donner la crainte ou l'épouvante eux, car la bouche du Seigneur parlé *. Toutes ces belles et magnifiques promesses et prophéties se trouvent manifestement fausses. Les restes de la maison de Jacob, dit le même Pro phète, seront au milieu des nations, comme une rosée qui vient du Seigneur et comme une pluie douce qui tombe sur l'herbe, quand on ne s'y attend point, et les restes de Jacob seront au milieu des Nations et des peuples comme un lion parmi les hêtes des fo rêts et comme un lionceau parmi un troupeau de bre bis, qui ravage tout ce qu'il rencontre: car ils pour suivront leurs adversaires et tous leurs ennemis péri ront. Je retrancherai, dit Dieu, toutes les idoles, et ôterai du milieu de toi toutes les images taillées, et tu ne te prosterneras plus devant les ouvrages de tes mains. Qui est-ce qui est semblable vous. Seigneur, vous qui ôtez l'iniquité et qui effacez les péchés du reste de votre héritage. Il ne vous châtiera plus dans Mich. 2. 12 et 4. 1. 267 sa colère, parce qu'il veut vous faire miséricorde, il aura compassion de vous, il mettra vos iniquités bas et jettera tous vos péchés au fond de la mer, il main tiendra la vérité de ses promesses, comme il juré vos Pères *. Voici, dit le Prophète Nahum, voici les piés de celui qui vient vous aporter de bonnes nouvelles et qui vient vous anoncer la paix. Célébrez, peuples de Juda, célébrez joïeusement vos Fêtes et rendez solemnellement des voeux et des louanges Dieu: car il ne souffrira plus que les méchans passent parmi vous; ils périront tous "f. Les restes du peuple d'Israël ne feront plus d'ini quités, dit le Prophète Sophonie, ils ne proféreront plus de mensonges et leur bouche ne se trouvera plus une langue trompeuse, ils se reposeront et se ront repus en paix; personne n'osera plus leur faire peur. Réjouissez-vous, filles de Sion, réjouissez-vous, filles d'Israël, réjouissez-vous de tout votre coeur, et sautez de joïe, filles de Jerusalem, car le Seigneur aboli les jugemens de rigueur votre égard, il dissipé tous vos ennemis, vous ne craindrez plus l'avenir aucun mal, le Seigneur est au milieu de vous, comme un Dieu tout-puissant pour vous sauver, il se réjouira en vous, il vous chérira et vous fera triom pher de joïe §. Louez le Seigneur, dit le Prophète^ Zacharie, ré jouissez-vous, filles de Sion, parceque le Seigneur va venir pour demeurer au milieu de vous. Plusieurs Na Mich. B. et 7. 18. Nahum. 1. 15. Sophonie 3. 14. 268 tions se joindront au Seigneur, ils seront son peuple, il demeurera au milieu de vous, il santifiera Jerusa lem, pour faire sa demeure. Réjouissez-vous, filles de Sion, louez le Seigneur, filles de Jerusalem, parcequ'il vous vient un Roi qui sera juste et qui sera votre sauveur, quoiqu'il soit pauvre et qu'il soit monté sur une anesse (ce qui été ajouté mal propos par il dissipera les guerres et ne parlera que de paix aux nations, sa puissance s'étendra depuis une mer jusques l'autre et depuis les fleuves jusques au bout de la terre. En ce tems-là, dit-il, des eaux vives sortiront de Jerusalem; la moitié d'icelles vers la mer d'Orient, et l'autre moitié vers la mer d'Occident, et il en aura en été et en hyver, et le Seigneur Dieu sera Roi sur toute la terre et son nom sera de même partout. Toute la terre se con vertira au Seigneur, ils l'habiteront paisiblement, il n'y aura plus de malédictions et Jerusalem demeurera en sûreté *. Voici ce que dit le Seigneur, je sauverai moi-même mon peuple des terres d'Orient et d'Occident, je les ramenerai et les ferai habiter au milieu de Jerusalem, ils seront mon peuple et je serai leur Dieu, en vérité et en justice. Prenez courage et confortez vous, vous qui entendez ces paroles par la bouche des Prophè tes; je ne ferai plus comme auparavant, lorsqu'il n'y avoit de récompenses pour les hommes, ni pour les bêtes, point de paix pour les allans ni pour les venans, chacun étant dans la crainte et dans l'inquié Zach. 2.- 10; 9. 9; 14. 8. 269 tude, lorsque je les laissois se persécuter les uns les autres. Ce ne sera plus cela, je mettrai par tout une semence de paix pour mon peuple. La vigne pro duira ses fruits, la terre produira ses biens, et autant que j'ai été ardent pour les affliger, lorsque j'étois dans ma colère, autant je serai maintenant zélé pour leur faire du bien. Autant que vous avez été en malé diction, autant vous serez en bénédiction. C'est pour quoi, prenez courage, Maison de Juda et Maison d'Is raël, confortez-vous et ne craignez plus *. Toutes ces belles et magnifiques promesses et prophéties se trou vent manifestement fausses. Et l'égard du Libérateur ou Sauveur qui leur étoit promis, voici ce que les mêmes prétendues pro phéties en disent: Voici ce que dit le Seigneur, dit le Prophète Nathan au Roi David, quand vos jours seront finis et que vous dormirez avec vos pères, je susciterai votre se mence après vous et j'affermirai son règne; ce sera lui qui me bâtira une maison et j'établirai son Trône et son règne, pour durer jusqu'à la fin des siècles. Je lui tiendrai lieu de père et lui me tiendra lieu de fils; s'il vient faire quelque chose qui ne soit pas bien, je le corrigerai, mais je n'ôterai point ma miséricorde arrière de lui, comme j'ai fait Saul, il sera fidèle dans ma maison, son Trône demeurera toujours ferme et son règne sera éternel -J*. J'ai juré David par ma sainteté et je ne menti rai point. Sa semence subsistera éternellement devant Zach. 8. 7. Sam. 7. 12. 270 moi, comme un soleil clair et comme une lune par faite. Le Seigneur gouvernera toute la terre, il don nera l'empire son Roi et exaltera la puissance de son fils Christ, il conservera ses saints et ses élus, pendant que les impies demeureront confus dans les ténèbres. Le Seigneur donnera l'empire au fils du Roi, c'est dire Salornon, fils du Roi David, qui est la figure du Christ, il sauvera les pauvres et hu miliera les pécheurs, il régnera aussi longtems que le soleil et la lune subsisteront dans toutes les géné rations. La justice commencera régner avec lui, et il aura abondance de paix, tant que la lune sub sistera: il dominera depuis une mer jusqu'à l'autre, et depuis le fleuve jusqu'aux extrémités de la terre. Les Ethiopiens viendront lui rendre leurs hommages, ses ennemis seront contraints de lécher la terre. Les Rois de Tharse et des Isles viendront lui offrir leurs présens. Les Rois d'Arabie et de Saba lui feront aussi des présens. Tous les Rois de la terre l'adore ront, toutes les Nations le serviront et toute la terre sera remplie de l'éclat de sa Majesté Le Seigneur préparé la force de son bras la vûë de toutes les nations et on verra de toutes les extrémités de la terre le salut de votre Dieu. Le Sei gneur envoïé rédemption son peuple, il fait son alliance, pour être éternelle et il se souviendra tout j'amais du Testament de sa sainte loi: Mandavit in aeternum Testamenlum snum §. Un enfant nous est né, dit le Prophète Isaïe, un Psalm 89. 36. Psalm 72. 1, 7, 9. Psalm 111. 9. Isaïe 52. 10. 271 Fils nous été donné, il aura le gouvernement de l'empire; on apellera son nom l'admirable, le conduc teur, le Dieu fort et puissant, le père du siècle venir et le Prince de paix. Son empire multipliera toujours et il n'y aura point de fin la paix. 11 sera assis sur le Trône de David, il régnera dans son Royaume, pour l'affermir et l'établir en jugement et en justice dès maintenant et toujours, c'est ce que fera le zèle du Seigneur*. Il sortira un rejetton de la racine de Jessé (c'étoit le Père du Roi David), l'esprit du Seigneur reposera sur lui, l'esprit de sagesse, l'esprit d'intelligence, l'es prit de conseil et de force, l'esprit de science et de crainte du Seigneur. Il ne jugera point sur la vûë de ses yeux ni sur l'ouïe de ses oreilles, mais il ju gera en justice et en vérité. La justice sera la cein ture de ses reins et la fidélité sera la ceinture de ses flancs. Le loup habitera avec l'agneau, le léopard gî tera avec le chevreau, le veau et la licorne et autre bétail que l'on engraisse, seront ensemble, si bien qu'un seul enfant les conduira... on ne nuira point, et on ne fera aucun dommage dans toute l'étendue de ma sainte montagne "J\ Toutes ces belles et magnifiques promes ses et prophéties se trouvent manifestement fausses. Voici des jours qui viennent, dit le Seigneur, que je ferai lever David un germe juste, qui régnera comme Roi et comme un Roi sage, qui fera justice et jugement en la terre. Dans ce tems-là même Juda sera sauvé et Israël habitera en assurance: voici le nom qu'on lui donnera, il sera apellé le Seigneur, Isaïe 9. 5, 6. Isaïe 11. 1. 272 notre justice: car je rassemblerai les restes de mon troupeau de tous les païs où je les aurai chassés, je les ferai revenir dans leurs terres, ils croîtront et multiplieront, je leur donnerai des Pasteurs qui les paîtront, ils n'auront plus de crainte de rien et pas un d'eux ne périra. Voici des jours qui viennent, dit le Seigneur, que je mettrai en effét la bonne parole, que j'ai prononcé touchant la maison d'Israël et touchant la maison de Juda. En ces jours-là et en ce tems-là je ferai ger mer David le germe de justice, qui exercera juge ment et justice en terre. En ces jours-là Juda sera délivrée et Jerusalem habitera en assurance. Et voici comme on l'apellera le Seigneur notre justice. Car voici ce que dit le Seigneur: La posterité de David ne manquera pas, qu'il n'y en ait toujours quelqu'un qui régnera sur le trône de la maison d'Israël. Les Prê tres et les Lévites ne manqueront point, il en aura toujours, qui m'offriront des sacrifices, des parfums et des victimes tous les jours *. Je sauverai mon peuple, si bien qu'il ne sera plus en proie, je susciterai sur mes brebis un pasteur qui les paîtra, savoir mon serviteur David, qui sera leur pasteur et moi je serai leur Dieu et mon serviteur David sera leur Prince. Je ferai un pacte avec eux et je ferai cesser toutes les mauvaises bêtes de la terre, en sorte qu'ils habiteront les deserts en sureté et qu'ils dormiront en assurance dans les deserts f. Dans peu de tems j'émouverai le ciel et la terre, .lerem. 33. 14. Ezechiel 34. 28. 24. 275 la mer et le feu, et j'émouvrai toutes les nations, afin que le Désiré d'entre toutes les Nations vienne, et je remplirai cette maison-ci de gloire, et la gloire de cette maison-ci sera plus grande que celle de la pré mière; (c'est dire du temple du Seigneur) je met trai la paix en ce lieu-ci, dit le Seigneur des Armées *. Ecoute maintenant Jesu. grand-sacrificateur, toi et tes compagnons, car en sont des gens sages et prudens. Je m'en vais faire venir mon serviteur. Voici un homme dont le nom sera l'Orient, il édifiera un Temple au Seigneur et lui-même sera rempli de ma jesté, il sera assis et dominera sur son Trône, aura aussi son sacrificateur, assis sur son Trône et aura conseil de paix entre les deux. Réjouissez-vous, filles Je Sion, réjouissez-vous, filles de Jerusalem, car voic votre Roi qui vient, un Roi juste, qui sera votre sau veur, il sera pauvre et assis sur un ane; il dissipera néanmoins la guerre et parlera de paix aux Nations et sa puissance s'étendra depuis une mer, jusqu'à l'au tre et depuis le fleuve, jusqu'aux extrémités de la terre Voici que je vais envoïer mon Ange et incontinent le Seigneur que vous cherchez entrera dans son tem ple avec l'Ange de l'Alliance que vous souhaitez. Qu\ est-ce qui poura porter le jour de sa venue Et qui est-ce qui poura subsister quand il partira? Car il sera assis, comme celui qui rafine et qui purifie l'ar gent, il nettoïera les enfans de Levi; il les épurera comme l'or et l'argent, et ils offriront en toute justice Agg. 2. 7—9. Zachar. 8. 8; 6. 12; 9. 9. 18 274 et sainteté des sacrifices au Seigneur. Et alors l'oblation de Juda et de Jerusalem sera plaisante au Sei gneur, comme dans les premiers siècles et comme dans l'ancien tems *. Toutes ces belles et magnifiques pro messes et prophéties se trouvent manifestement fausses. Je ferai bientôt justice, ma délivrance ne tardera point venir, ma délivrance sera en Sion et en Je rusalem qui est le siège de ma gloire "J*. Voici ce que dit le Seigneur. Je ferai cesser ce proverbe-ci et on n'en usera plus pour proverbe en Israël. Vous dites que l'accomplissement des promesses est longtems venir, que les jours tirent en longueur et que le tems se prolonge toujours et qu'enfin les prophéties et les promesses se trouveront vaines et s'en iront rien. Vous ne direz plus cela, car les jours de l'accomplis sement de mes promesses sont proches, ils ne tarde ront plus: car il n'y aura plus dorenavant de visions vaines, ni aucune prophétie ambiguë, au milieu des Enfans d'Israël. Car c'est moi-même, qui suis le Sei gneur, qui parle et toute parole que j'aurai prononcée sera mise en éxécution et ne sera plus différée; ce sera même dans vos jours que j'accomplirai mes pro messes, incrédules que vous êtes, dit le Seigneur §. Voila certainement des prophéties et des promesses, qui sont bien claires et bien nettes, bien expressives et qui sont des plus avantageuses, que l'on sauroit penser pour le peuple d'Israël, c'est-à-dire pour le peuple Juif et pour la ville de Jerusalem, qui étoit leur ville capitale. Et si ces promesses et prophéties Malachie 3. 1—4. Isaïe 46. 13. Ezech. 12. 23. 275 se fussent effectivement trouvées véritables qu'elles eussent eu leur effet, il déjà longtems que le peu ple ou la nation juive auroit été et seroit encore main tenant, non seulement le peuple le plus nombreux, le plus fort et le plus puissant de tous les peuples de la terre, mais seroit aussi le plus riche, le plus glorieux, le plus béni, le plus heureux et le plus triomphant de tous les peuples. Il seroit aussi le plus sage, le plus parfait, le plus saint et le plus accompli de tous les peuples, puis qu'ils seroient tous purs et saints, et qu'il n'y auroit aucun impur parmi eux, et que personne d'entr'eux ne feroit d'injustice et d'iniquités, que personne d'en tr'eux ne nuiroit son prochain, et que personne même d'entr'eux ne proféreroit de mensonges. Pareillement si ces promesses et prophéties se fussent trouvées vé ritables et qu'elles eussent eu leur effet, la ville de Jerusalem auroit été, il longtems et seroit encore maintenant et toujours la plus illustre, la plus belle, la plus grande, la plus riche, la plus aimable, la plus glorieuse, la plus triomphante, la plus heureuse et la plus sainte de toutes les villes du monde, puisque Dieu l'auroit choisi lui-même pour établir tout jamais le trône de sa gloire et de sa sainteté, que rien d'impur et de souillé n'y entreroit, et que de toutes les parties du monde on aporteroit en foule toutes sortes de biens et de richesses en abondance. Mais autant qu'il est certain et évident que ces promesses et que ces prétendues prophéties-là ne sont nullement accomplies et qu'il n'y même aucune as surance qu'elles dussent jamais s'accomplir, autant il 18* 276 est certain et évident qu'elles sont fausses et par con séquent que ceux qui les ont inventées et forgées n'étoient, comme j'ai dit, que des visionnaires et des fanatiques, qui parloient seulement suivant la passion qui les poussoit, ou des imposteurs qui vouloient amu ser par-là les peuples et leur en imposer, afin de les tromper et de les séduire. XXVIII. Il en est de même des promesses et des prétendues prophéties qui sont contenues dans nos prétendus St. Evangiles, il en faut faire le même jugement de ceux qui les ont prémièrement avancées. Je vais les rap porter aussi comme elles sont mot pour mot dans les susdits Evangiles. 1°. Un Ange s'étant aparu en songe un nommé Joseph, père au moins putatif de JesusChrist, fils de Marie. Il lui dit: Joseph, fils de Da vid, ne craignez point de prendre chez vous Marie votre Epouse, car ce qui est né dans elle est l'ou vrage du St. Esprit. Elle vous enfantera un fils que vous apellerez Jesus, parceque ce sera lui qui déli vrera son peuple de ses péchés. Cet Ange dit Ma Combien, dit le Sr. de Montagne, a-t'-il des histoires de pa reils coeuages, procurés par les Dieux contre les pauvres humains. En la Religion de Mahomet, il se trouve par la croïance de ce peu ple, assez d'enfans sans père spirituel, nés divinement au ventre de9 pucelles. Essai pag. 500. 277 rie: ne craignez point, parceque vous avez trouvé grace devant Dieu. Je vous déclare que vous concevrez dans votre sein et que vous enfanterez un fils que vous nommerez Jesus. Il sera grand et sera apellé le fils du Très-Haut, le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père, il régnera jamais dans la mai son de Jacob, et son Règne n'aura point de fin *. Jésus commença prêcher et dire: faites péni tence, car le Roïaume du ciel est proche *J*, ne vous mettez pas en peine, disoit-il, et ne dites pas que mangerons-nous, ou que boirons-nous, ou de quoi se rons-nous vêtus; car votre Père céleste sait que tou tes ces choses vous sont nécessaires, cherchez donc premièrement le Roïaume de Dieu et la justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroit §. Demandez, disoit-il, ses Disciples et il vous sera donné, cherchez et vous trouverez et l'on ouvre celui qui frappe la porte. Qui est celui d'entre vous, disoit-il au peuple, qui donne une pierre son fds, lorsqu'il lui demande du pain, ou s'il lui demande un poisson, lui donnera t- il un serpent? Que si vous autres, qui êtes mauvais, continue t-il, yous savez néanmoins bien donner de bonnes cho ses vos enfans, combien plus votre Père céleste, qui est dans le ciel, donnera t-il de vrais biens ceux qui les lai demanderont **. Au lieu, où vous irez, dit-il ses Apôtres, prêchez que le Roïaume du ciel est proche, rendez la santé aux malades, res Matth. 1. 20 et Luc. 1. 30. Matth. 4. 17. Maltli. 6. 33. ** Matth. 7. 7—11. 278 suscitez les morts, guérissez les Lépreux, chassez les Démons *. Le Fils de l'homme, dit-il, en parlant de lui-même, envoïera ses Anges, qui enlèveront hors de son Roïaume tous les scandaleux et tous ceux qui commettent l'ini quité, et ils les jetteront dans la fournaise de feu, où il aura des pleurs et des grincemens de dents. Alors les justes, dit-il, luiront comme le soleil dans le Roïaume de leur Père "J*. Et moi, dit Jesus-Christ son Apôtre Pierre, je vous dis que vous êtes Pierre et que sur cette Pierre j'édifierai mon église et que les portes de l'enfer ne prévauderont point contre elle. Je vous donnerai, lui dit-il, les clefs du Roïaumc du ciel, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel §. Le Fils de l'homme, c'est Jesus-Christ lui-même qui s'apelloit ainsi, le fils de l'homme, dit-il, viendra avec ses Anges dans la gloire de son Père, et alors il rendra un chacun selon ses oeuvres **. Je vous dis en vérité, leur dit-il, qu'entre ceux qui sont ici, il en quelques-uns qui ne mourront point, qu'ils n'aient vu venir le Fils de l'homme dans son Règne ff. Lorsqu'il en quelque lieu deux ou trois per sonnes assemblées en mon nom, dit Jesus-Christ, je suis au milieu d'eux. Je vous dis en vérité, disoit-il ses Apôtres, qu'au jour de la régéneration, lorsque le fils de l'homme sera assis sur le trône de sa Ma Matth. 10. 8. Matth. 13. 41. Matth. 16. 18, 19.

    • Matth. 16. 27. ft Matth. 16. 28.

279 jesié, vous qui m'avez suivi, vous serez assis sur 12 Trônes pour juger les 12 tribus d'Israël et quicon que aura quitté pour l'amour de moi sa maison, ou ses frères, ou ses soeurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses en fans, ou ses terres, il en re cevra cent fois autant en cette vie et aura la vie éternelle *. Toutes ces belles et magnifiques promes ses et prophéties se trouvent manifestement fausses. Vous savez, dit Jesus-Christ ses Apôtres, que les Rois et les princes des Nations dominent sur elles et que les grands les traitent avec autorité; pour vous autres, leur dit-il, vous n'en userez point ainsi. Mais que celui d'entre vous qui voudra être le plus grand, qu'il soit votre serviteur et que celui qui voudra être le prèmier parmi vous, qu'il soit le dernier et le ser viteur de tous f. Plusieurs, dit-il, viendront en mon nom qui diront: je suis le Christ et qui séduiront beaucoup de per sonnes Il s'élevera aussi, dit-il, plusieurs faux Prophètes qui séduiront beaucoup de gens et pareeque l'iniquité sera augmentée, la charité de plusieurs se refroidira Cet Evangile du Roïaume sera préchée dans toute la terre, pour servir de témoignage aux Nations et alors la fin viendra L'affliction de ce tems-là, dit-il, sera si grande que depuis le commen cement du monde, il n'y en aura point eu, et il n'y en aura jamais de pareille. En ce tems-là, il s'éle vera de faux Christ et de faux Prophètes qui feront de si grands miracles et de si grands prodiges que Matth. 19. 2S, 2*J. Malth. 20. 25-27. 280 les Elus même, s'il se pouvoit, en seroient séduits. Après ces jours-là, le soleil deviendra obscur, la lune ne rendra point sa lumière, les étoiles tomberont du ciel et les puissances des cieux seront ébranlées; en ce moment toutes les Tributs de la terre déploreront leur malbeur, elles verront venir le Fils de l'homme dans les nuées du ciel, avec une grande puissance et une grande majesté; il envoïera ses Anges qui, avec le son de la trompette, assembleront tous les élus, depuis les coins du monde, et depuis une extrémité du ciel, jusqu'à l'autre. Lorsque vous verrez toutes ces choses, sachez, leur dit-il, que le Fils de l'homme est proche et qu'il est la porte et que votre Re demption est proche, car je vous dis en vérité, continue-t'il, que cette génération-ci ne passera pas, que toutes ces choses n'arrivent. Le ciel et la terre pas seront, mais mes paroles, dit-il, ne passeront point sans avoir leur effét. Pour ce qui est du jour et du moment que cela arrivera, personne ne le sait, non pas même les Anges du ciel, il n'y que mon Père seul qui le sache *. Viola, dit-il, après sa résurrection, que je serai tou jours avec vous jusqu'à la fin des siècles j. Tout ce que vous demanderez avec foi dans la prière, vous sera accordé. Il leur dit encore: aïez la foi en Dieu, car je vous dis en vérité, que quiconque dira cette montagne: ôtes-toi de-là et te jettes dans la mer, pourvu qu'il n'hésite point dans son coeur, mais qu'il croïe que tout ce qu'il commandera sera fait, il lui Malth. 24. -j- Mallh. 28. 281 sera accordé. C'est pourquoi je vous dis, continuoit-il, que quoique ce soit, que vous demandiez dans la prière avec foi, vous l'obtiendrez *. La Foi, dit-il, de ceux qui croiront en moi sera suivie de tous ces miracles-ci: ils chasse ont les dé mons en mon nom, ils parleront des langues, qui leurs étoient inconnues, ils toucheront les serpens, sans péril, et s'ils boivent du poison, ils n'en recevront aucun mal, et en imposant les mains aux malades, ils leur rendront la santé f. Marie, mère de Jesus, dit: mon âme glorifie le Seigneur, car il déploié la puissance de son bras, il dissipé les desseins que les hommes superbes formoient dans leurs coeurs, il fait tomber les mo narques de leurs Trônes et élevés les petits; il comblé de biens ceux qui étoient pressés de la fain et réduit la disette ceux qui vivoient dans l'abon dance; il pris en sa protection Israël, son serviteur, se souvenant de sa miséricorde, ainsi qu'il l'a voit pro mise nos Pères Abraham et toute sa Postérité pour jamais §. Toutes ces promesses et ces prophé ties se trouvent manifestement fausses, vaines et trom peuses. Beni soit le Seigneur Dieu d'Israël de ce qu'il est venu visiter et rechercher son peuple et qu'il nous suscité un puissant sauveur dans la maison de son serviteur David, ainsi qu'il l'avoit promis par la bou che de saints Prophètes, qui sont venus dans les siè cles passés, pour nous délivrer de la puissance de nos Matth. 21. 22 et Marc. 11. 23. Marc. 16. 17. Luc. 1. 46 53. 282 Ennemis et de la main de tous ceux qui nous haïs sent, afin d'exercer sa miséricorde envers nos pères et de se souvenir de la Ste. Alliance, selon le ser ment qu'il avoit fait notre père Abraham, qu'il nous l'eroit cette grace, qu'étant délivrés de la main de nos ennemis, nous le servirions sans crainte, marchant devant lui dans la sainteté et dans la justice tous les jours de notre vie *. Or il avoit dans ce tems-là dans Jerusalem un homme juste et craignant Dieu, nommé Simeon, qui attendoit la consolation d'Israël et qui le St. Esprit, qui étoit en lui, avoit révélé qu'il verroit le Christ du Seigneur avant que de mourir, il vint donc au tem ple par l'inspiration du St. Esprit, lorsque le père et la mère de l'enfant Jesus l'y portèrent pour accom plir son égard ce qui étoit prescrit par la Loi, et il le prit entre ses bras et bénit Dieu en disant: Maintenant, Seigneur! vous permettrez votre servi teur de mourir en paix, selon votre parole, puisque j'ai vu de mes yeux le Sauveur, que vous avez des tiné pour être découvert toutes les Nations, et pour être la lumière qui doit éclairer les Gentils et être la gloire de votre peuple d'Israël f. Mon Père m'a donné toutes choses, disoit JesusChrist ses disciples §. Lorsqu'on vous livrera de vant les Rois et devant les Gouverneurs ou devant les juges, ne pensez point, leur disoit-il, ce que vous aurez dire, ni comment vous le direz, ne vous mettez pas en peine de cela, parce qu'à l'heure même Luc. 1. 68. 75. Luc. 2. 25. Luc. 10. 22. 285 Dieu vous inspirera ce que vous devrez dire, car ce ne sera pas vous qui parlerez, leur disoit-il, mais ce sera l'esprit de votre Père qui parlera en vous *. Je vous ai préparé mon Roïaume, leur disoit-il, comme mon Père me l'a préparé, afin que vous mangiez et buviez ma table et que vous soïez assis sur des trônes pour être les juges des 12 Tribus d'Israël f. Il est dit dans l'Evangile de S. Jean que JesusChrist donné ceux qui l'ont reçu le pouvoir ou la puissance de devenir les enfans de Dieu tous ceux, qui croïent en lui, qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais qui sont nés de Dieu §. En vérité, en vérité, disoit Jésus-Christ, je vous dis que vous verrez le ciel ouvert et les Anges de Dieu qui monteront et qui descendront sur le fils de l'homme **. L'heure viendra, disoit-il, et elle est déjà venue, que vous n'a dorerez plus mon Père sur cette montagne, ni Je rusalem "J*f. En vérité, en vérité, disoit-il, je vous dis, qui écoute ma parole et croit celui qui m'a envoïè, la vie eternelle, il ne sera pas condamné, mais il est passé de la mort la vie. En vérité, en vérité, continuoit-il, je vous dis que l'heure viendra et qu'elle est même déjà venue, que les morts enten dront la voix du Fils de Dieu, et que ceux qui l'en tendront, auront la vie. Ne vous en étonnez pas, disoit-il, car l'heure viendra, que tous ceux qui sont dans le tombeau, entendront la voix du Fils de Dieu Matth. 10. 19. Luc. 22. 30. Joan. 1. 12.

    • Joan. 1. 51. ft Job- *• 21.

'284 et ceux qui auront fait le bien, ressusciteront pour posséder la vie, et ceux qui auront fait mal, ressus citeront pour leur condamnation *. Toutes ces pro messes et ces prophéties se trouvent manifestement vaines et trompeuses. La volonté de mon Père, qui m'a envoïe, disoit-il, est que quiconque connoit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour "J*. Celui, dit-il, qui mange ma chair et boit mon sang, la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour. En vérité, en vérité, ajoutoit-il, je vous dis, que ce lui qui croit en moi, la vie éternelle. Je suis, di soit-il, le pain de vie §. Au dernier jour de la grande Fête, Jesus, se tenant de bout au milieu de la place, il crioit tout haut, si quelqu'un soif qu'il vienne moi et qu'il boive; il sortira des fleuves d'eau vive des entrailles de ceux, qui croiront en moi **. Je suis la lumière du monde, disoit-il, celui qui me suit ne marche point dans les ténèbres, mais il aura la lu mière de vie "J"J\ Moi et mon Père nous ne sommes qu'un, disoitil §§; je suis la résurrection et la vie, disoit-il, celui qui croit en moi vivra, quoiqu'il soit mort, et qui conque vit et croit en moi, ne mourra jamais ***. En vérité, en vérité, disoit-il ses disciples, vous pleu rerez et gémirez et le monde se réjouira, vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie; vous êtes maintenant dans l'affliction, mais je Joan. 5. 25. Joan. 6. 40. Joan. 6. 48. ** Joan. 7. 37. |f Joan. 8. 12. ǧ Joau. 10. 80. *** Joan. 11. 25. 285 vous reverrai encore et votre coeur se réjouira et personne ne vous ravira votre joie *. Lorsque je serai élevé de terre, disoit-il, j'attire rai toutes choses moi *J\ Hommes de Galilée, pour quoi vous arrêtez vous regarder ainsi en haut, ce Jésus, qui du milieu de vous été élevé dans le ciel, en descendra de la même manière, que vous l'y avez vû monter §. Nous aussi, disoient les Apôtres aux Peuples, nous vous anonçons l'effet de la promesse, qui été faite nos Pères, c'est nous, qui sommes leurs enfans que Dieu en fait voir l'événement, en ressuscitant Jésus **. Ainsi que la mort est venue par un homme, de même la résurrection viendra par un homme, et comme tous meurent en Adam, tous aussi revivront en Jésus-Christ, chacun paroitra en son rang, JésusChrist le prémier, ensuite ceux qui sont lui: et la fin viendra, lorsque Jésus-Christ aura mis son Roïaume entre les mains de Dieu son Père, lorsqu'il aura fait cesser toute Principauté, toute Puissance et toute vertu, car il doit régner, jusqu'à ce que tous ses ennemis aïent été réduits sous ses piés, par l'ordre de son Père ff. Je vous découvre un mistère, dit S. Paul, qui est que nous ressusciterons tous, mais nous ne serions pas tous changés en un instant, en un clin d'oeil, au son de la dernière trompette: car une trompette son nera, alors tous les morts ressusciteront pour être immortels, et c'est alors que nous serons changés, car ce corps mortel et corruptible doit être revêtu d'im Joan. 1G. 20. Joan. 12. 32. Act. 1. 11.

    • Act. 13, 32. ft Cor. 15. 21.

280 mortalité et lorsqu'il en sera revêtu, la mort sera dé truite sans ressource *. Si quelqu'un, dit cet Apôtre, est en Jésus-Christ, il est une nouvelle créature; tout ce qui étoit de l'an cien est passé, tout été rendu nouveau et tout en vient de Dieu, qui nous reconcilié avec lui par Jésus-Christ, car Dieu étoit en Jésus-Christ, réconci liant avec soi le monde et n'important pas aux hom mes leurs péchés f. Il n'y plus de Juif, dit-il, ni de Grec, ni de libre, ni d'esclave d'hommes ni de femmes, mais vous êtes tous un corps en JésusChrist; que si vous êtes en Jésus-Christ, vous êtes donc les enfans d'Abraham et ses héritiers, selon la promesse. Jésus-Christ donné ses grâces, pour être les uns Apôtres, les autres Prophètes, les autres Évangelistes, les autres Pasteurs et Docteurs, afin de ren dre les saints parfaits, jusques ce que nous soïons tous parvenus l'unité de la Foi et de la connoissance du Fils de Dieu **. Toutes ces promesses et prophéties se trouvent manifestement vaines et trom peuses. Le Seigneur, dit l'Apôtre St. Pierre, ne tarde point l'effet de ses promesses, comme quelques-uns se l'ima ginent, mais il attend avec patience pour l'amour de vous, voulant qu'aucun ne périsse, mais que tous se convertissent lui par la pénitence ff. Or le jour du Seigneur, dit-il, viendra comme un larron, quand on n'y pensera pas, alors, dit-il, les cieux passeront avec grande impétuosité; l'ardeur du feu fera fondre les Cor. 15. 51. Cor. 5. 17, 18, 19. Gai. 3. 29.

    • Eph. 4. 11—13. ft Petr. 3. 9.

287 élémens, la terre et les ouvrages qu'elle contient bruleront nous espérons aussi, dit-il, selon ses promesses, de nouveaux cieux et une nouvelle terre dans lesquels la justice habitera *. Celui qui croît au Fils de Dieu, dit l'Apôtre St. Jean, dans soi-même le témoignage de Dieu; ce témoi gnage consiste en ce que Dieu nous donné la vie éternelle, et cette vie est en son Fils. Celui qui le Fils la vie, et celui qui n'a pas le Fils, n'a point la vie. 11 en trois dans le ciel, qui rendent témoignage que Jésus-Christ est la vérité, le Père, le Verbe et le St. Esprit et ces Trois sont une même chose. Et trois rendent le même témoignage dans la terre, l'esprit, l'eau et le sang, e't ces trois sont une même chose "f. Toutes choses, dit S. Paul, leur sont arrivées, (sa voir aux Juifs) pour la figure de ce qui devoit se passer parmi nous, qui nous trouvons la fin des siècles §. La patience vous est nécessaire, disoit-il, afin que vous jouissiez de l'effet des promesses de Dieu. Encore un peu de tems, ajoute-t'-il, celui qui doit venir, viendra et il ne tardera point **. L'Apocalypse ou la vision de Jésus-Christ, qu'il reçue de Dieu pour découvrir ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt, car le tems est proche. Voici, dit-il, que je viendrai bientôt, tenez bien ce que vous avez, de peur que votre couronne ne soit donnée un autre -f"f. Les animaux et les 24 vieillards se prosternèrent devant l'Agneau, aïant chacun des har Petr. 3. 10. Joli. 5- 7—12. Cor. 10. 11. ** Hebr. 10. 37. ft Apoc. 1. et 3. 11. 288 pes et des vases d'or pleins de parfums, qui sont les premières des Saints, et ils chantoient un cantique nou veau, en disant: Seigneur, vous êtes digne de rece voir le livre et d'en ouvrir les sceaux, pareeque vous avez souffert la mort et que vous nous avez racheté pour Dieu par votre sang de toutes Tribus, de tou tes Langues et de toute Nation et nous avez rendus Rois et Prêtres pour notre Dieu, et que nous régne rons sur la terre *. L'Ange jura, par celui qui vit dans les siècles, qu'il n'y aufoit plus de tems Le septième Ange sonna la trompette, et l'on entendit dans le ciel des voix puissantes, qui disoient le Roïaume de ce monde est acquis notre Seigneur et son Christ, et il régnera dans les siècles des siècles §. Je vis encore une Bête, qui mon toit de la terre et qui avoit deux cornes, semblables celles de l'A gneau, mais qui parloit comme le dragon, elle exerça toute la puissance de la première Bête en sa pré sence, et elle fit que la terre et ses habitans adorè rent la première Bête, dont la blessure mortelle avoit été guérie. Les prodiges, qu'elle fit, furent si grands, qu'elle fit même descendre le feu du ciel sur la terre, devant les yeux des hommes. Elle séduisoit les habi tans de la terre par les prodiges,] qu'elle reçut pou voir de faire en présence de la Bête, ordonnant aux habitans de la terre d'ériger une image la Bête, qui n'étoit pas morte de ses blessures du coup d'épée, qu'elle avoit reçu. Il lui fut même donné pou Apoc. 5. 8—10. Apoc. 10. G. Apoc. 11. 15. 289 voir de faire respirer l'image de la Bête et de don ner la parole cette image et de faire condamner la mort tous ceux, qui n'adoreroient pas l'image de la Bête *. Toutes ces belles prophéties se trouvent manifestement vaines et trompeuses. Alors je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre, car le premier ciel et la première terre voient dis paru et il n'y avoit plus de mer. Je vis la ville sainte et la nouvelle Jerusalem, qui venoit de Dieu et descendoit du ciel, étant ornée et préparée comme une épouse, qui s'est préparée pour recevoir son époux; en même tems j'entendis venir du Trône une voix forte, qui disoit c'est ici le Tabernacle, où Dieu demeurera avec les hommes; ils seront son peuple et Dieu lui-même sera leur Dieu, Dieu essuïera tou tes les larmes de leurs yeux, il n'y aura plus de mort, ni de gémissemens, ni de cris, ni de douleur, parceque ce qui étoit autrefois, sera passé! Alors ce lui qui étoit assis sur le trône, dit je m'en vais faire toutes choses nouvelles et il me dit: écrivez; ces paroles sont très-fidèles et très-véritables. L'Ange me transporta en esprit et me fit voir la ville sainte de Jerusalem, qui descendoit du ciel et venoit de Dieu. Elle étoit vêtue de la clarté de Dieu, et sa lumière étoit semblable une pierre précieuse, une pierre de jaspe, transparente comme le cristal ... ses murailles étoient bâties de pierres de jaspe, la ville même étoit d'or pur... les 12 portes étoient 12 per les; la place de la ville étoit d'or pur. Au reste je Apoc. 13: 11—15. 19 290 ne vis point de temple dans la ville, parceque le Sei gneur tout-puissant en étoit le Temple *. L'Ange me montra aussi son fleuve d'eau vive, qui sortait du Trône de Dieu et de l'Agneau. Au milieu de la place de la ville étoit l'arbre de vie, qui portoit 12 fruits et qui rendoit son fruit chaque mois, et les feuilles de l'arbre servoient pour guérir les na tions. Il n'y aura plus là aucune malédiction, mais le trône de Dieu et de l'Agneau sera et ses serviteurs le serviront, ils verront son visage et ils auront son nom écrit sur leurs fronts; il n'y aura plus de nuit,' et ils n'auront pas besoin de lumière de lampe, ni de celle du soleil, parceque le Seigneur les éclairera et ils régneront dans les siècles des siècles Moi, Jésus, j'ai envoïé mon Ange, pour vous rendre témoi gnage de ces choses, dans les Eglises. C'est moi qui suis sorti de la racine du sang de David, qui suis l'Étoile luisante, qui paroit le matin "f. Et plusieurs autres semblables visions, révélations, prophéties ou promesses, qui se trouvent dans les prétendus saints et sacrés livres de ce qu'ils apellent le NouveauTestament et qu'il seroit trop long de ra porter ici. Or il n'y pas une de ces prétendues prophéties, visions, révélations ou promesses, qui ne se trouve absolument fausse, ou vaine, ou même ridicule, ou absurde. Et il est facile d'en faire voir clairement la vanité et la fausseté. Premièrement il est dit que le Christ délivrera son peuple de ses péchés, on ne voit dans aucun peuple Apoc. 21: 1—5, 10, 18, 21, 22. Apoc. 22: 1—5,16. 291 aucune marque de cette prétendue délivrance, puis qu'ils ont toujours été ce qu'ils sont encore mainte nant, aussi sujets toutes sortes de vices et de pé chés, et aussi esclaves de leurs mauvaises passions, que le seroit aucun autre peuple et qu'ils ne sont pas moins vicieux, qu'ils pouroient l'avoir été avant cette prétendue délivrance et avant la venue de leur pré tendu Rédempteur ou Sauveur. Et en ce sens il est évident, qu'ils ne sont point délivrés de leurs vices et de leurs péchés, et par conséquent il est évident, que cette promesse ou prophétie est fausse, puisqu'elle ne se trouve pas véritable. Si on dit que cette déli vrance ne s'entend pas ainsi, mais qu'elle s'entend seulement de la délivrance des peines et des châtimens éternels, que les hommes méritoient et auroient mérité par leurs péchés; et que Jésus-Christ les effectivement délivré de cette peine par les mérites infinis de sa mort et passion. cela je réponds: 1°. que si cela étoit la prophétie ou promesse touchant cette prétendue délivrance, on ne devoit donc pas dire qu'il délivreroit son peuple de ses péchés; mais qu'il les délivreroit des châtimens ou des peines qu'ils auroient mérités ou qu'ils mériteroient pour leurs pé chés. Quand quelque Seigneur, par exemple, voudroit ou auroit vouIu racheter du suplice de la mort quel ques criminels qui auroient mérité la mort, on ne parleroit, ce semble, pas juste, si on disoit que ce Sei gneur les auroit délivré de leurs vices et de leurs mé chancetés, puisque leurs vices et que leurs méchancetés pouroient encore leur demeurer, mais bien, disoit-on, qu'il les auroit délivrés de la potence ou de la roue, 19* 292 s'ils l'avoient mérité, parce qu'ils auroient effective ment été pendus ou roués, s'il ne les avoit rachetés. Pareillement ce ne seroit, ce semble, pas parler juste que de dire que le Christ délivrerait son peu ple de ses péchés, s'il devoit les laisser toujours dans leurs vices et dans leurs péchés, et s'il devoit seu lement les racheter de la peine éternelle, qu'ils auroient méritée pas leurs péchés, car ce n'est pas véritable ment délivrer quelqu'un d'un vice, que de le délivrer seulement de la peine qu'il auroit mérité par son vice. Quand un Médecin guérit des malades, et qu'il guérit, par exemple, ceux qui voient des fièvres, ou des pleu resies etc., etc., qu'ils s'en trouvent tout-à-fait quites, on peut véritablement dire qu'il les délivrés de leurs maladies, de leurs fièvres et de leurs pleuresies. Mais il est sûr aussi, que tant qu'ils ne sont point quites de leurs maladies, on ne pouroit point véritablement dire qu'il les auroit délivrés de leurs maladies, puis qu'ils les auroient encore. De même aussi, tant que les hommes sont ou seront sujèts, comme ils sont, leurs vices et leurs péchés, on ne peut pas véri tablement dire qu'ils en soïent délivrés, et par con séquent la prophétie ou la promesse, qui dit que le Christ délivrera son peuple de ses péchés, ne se trou vant pas véritable, elle est évidemment fausse, ou il faut attendre un autre Christ, pour voir s'il délivrera plus véritablement les hommes de leurs vices et de leurs péchés. Il seroit fort souhaiter, qu'il en vienne effectivement un, qui puisse faire aux hommes une si belle grâce et un aussi grand bien, que seroit celui de les délivrer véritablement de tous leurs vices, aussi 295 bien que celui de les délivrer véritablement de la tirannie des Princes et des Grands de la terre; car ils ont grand besoin d'être délivrés de ces détestables maux. Et ce qui confirme, que cette prétendue déli vrance des péchés se doit entendre, comme j'ai dit, c'est qu'il est dit en plusieurs autres semblables pro messes ou prophéties, qu'ils seront tous saints et qu'il n'y en aura plus aucun d'eux qui commettra l'iniquité, ni qui dira aucun mensonge. D'ailleurs, si ce prétendu divin sauveur avoit voulu faire aux hommes une si belle grâce, que celle de les délivrer de leurs péchés, il les auroit en même tems rendu tous saints, tous sages et vertueux; car il n'est pas croire, qu'il auroit voulu les laisser toujours aussi esclaves et aussi cou pables de leurs vices et de leurs péchés, qu'ils l'étoient auparavant: mais il les auroit véritablement délivrés de toutes ces méchantes maladies-là, et les auroit véritablement rendus tous purs et nèts et tous saints, sans quoi cette prétendue délivrance ne leur auroit de rien servi, puisqu'ils auroient toujours demeuré aussi esclaves et aussi coupables de leurs vices et de leurs péchés, qu'ils l'étoient auparavant. Or les pré miers Chrétiens ne prétendoient pas cela, ils croïoient bien véritablement être délivrés et nettoïés de toutes ordures de péchés: c'est pourquoi ils se qualifioient tous de saints, de santifiés et de bien aimés de Dieu, comme il se voit par les Epitres de leur grand Mirmadolin Paul: Omnibus qui sunt Romae dilectis Dei vocatis, sanctis. Rom. 1: 7. Sanctificatis in Christo Jesu, vocatis sanctis. Cor. 1:2. Ecclesiae quae est Corinthi cum omnibus sanctis. qui sunt in Achaia. 294 Cor. 1:1. Omnibus sanctis qui sunt Ephesi. Ephes. Omnibus sanctis qui sunt Philippis. Phil. Christus dilexit ecclesiam et se ipsum tradidit pro eâ, utillam santificaret mundans lavacro aquae in verbo vilae, ni exhiberet ipse sibi gloriosam non habentem maculam aut rugam aut aliquid hujusmodi, sed ut sancta et immaculata. Ephes. 5: 25, c'est dire, comme dit S. Paul, que Jésus-Christ aimé son église, s'étant lui-même livré pour elle, afin de la santilier, en la purifiant par l'eau du Baptême, avec la parole de Dieu, et afin de la rendre glorieuse, sans tâche et sans ride et sans qu'elle ait aucun autre défaut semblable, mais au contraire, quelle soit sainte et sans souillures. Voïez aussi Tit. 1: 14 Ce qui fait manifestement voir, que tous nos Christicoles devroient véritablement être tous saints, tous purs et sans aucune tâche de péché, et c'est ainsi que leur prétendu divin sauveur les auroit du délivrer de leurs péchés. Ce qui est cependant manifestement faux, et partant la susdite promesse et prophétie se trouve manifestement vaine et fausse. Secondement, il n'est pas vrai que le prétendu Christ ait véritablement délivré les hommes de la peine éter nelle qu'ils auroient méritée par leurs péchés, puisque, selon le dire de nos Christicoles mêmes, il en tous les jours presque une infinité et même des leurs qui tombent malheureusement dans les flammes éter nelles de l'enfer, pour souffrir tout jamais la peine de leurs péchés. Car ils tiennent pour certain que, tous ceux qui meurent dans le péché mortel, comme ils l'appellent, seront éternellement reprouvés et mal heureux dans les Enfers, et comme il en beau 295 coup plus de médians que de bons, et beaucoup plus, selon eux, qui meurent dans le péché mortel, que de ceux qui meurent dans la bonne grâce de leur Dieu, il s'en suit de leur doctrine, qu'il en auroit incom parablement plus, qui ne seroient pas délivrés de la peine de leurs péchés, que de ceux qui en seroient véritablement délivrés. Et c'est sans doute ce que le prétendu Christ vouloit lui-même faire entendre ses disciples, lorsqu'il leur disoit, qu'il en auroit beau coup d'apellés, mais qu'il en auroit peu d'élus, ce qui auroit assez de rapport ce qui auroit été pré dit de ce Christ, par le bon homme Siméon le juste, lorsqu'il dit de lui, étant encore dans sa première enfance, qu'il seroit quelques jours en but la con tradiction des hommes, et qu'il seroit la cause de la ruine, aussi bien que du salut de plusieurs en Israël. Ecce positus est hic in ruinant et suivant cela il auroit autant de raison de dire qu'il seroit venu pour perdre les hommes, que de dire qu'il seroit venu pour les sauver. C'est ce que nos Christicoles ne vou droient cependant pas dire: mais si, selon eux-mêmes, il en si peu de délivrés de la peine de la dam nation éternelle, il n'est donc pas vrai de dire qu'il délivreroit son peuple de ses péchés, c'est dire de la peine éternelle, qu'ils auroient méritée par leurs pé chés, moins que nos Christicoles ne veuillent en tendre par son peuple, seulement un peu d'élus, qui seroient par lui délivrés de la damnation éternelle, ce qui ne peut s'entendre ainsi; car ce peu de person nes-là, en comparaison de tout un peuple, ne sont pas et ne doivent pas êtrc apellés le peuple; c'est la 296 plus grande partie, qui donne la dénomination une chose. Une douzaine ou deux, par exemple d'Espag nols ou de François, ne sont pas le peuple François, ni le peuple Espagnol. Et si une armée, par exemple de 100 ou six vingt mille hommes, étoit faite prison nière de guerre par une plus forte armée d'ennemis; et si le Roi, ou le chef de cette armée prisonnière, rachetoit seulement quelques hommes de son armée, comme par exemple dix ou douze soldats ou officiers, en païant leur rançon, on ne diroit pas pour cela, qu'il auroit délivré ou racheté son armée, et il serait faux et même ridicule de dire, qu'il l'auroit rachetée ou dé livrée, s'il n'en délivroit qu'un si petit nombre d'hom mes. Pareillement donc, il seroit faux et ridicule aussi de dire, que le Christ auroit délivré son peuple de la peine et de la damnation éternelle, qu'il auroit méritée par" ses péchés, s'il n'y en avoit seulement que quel ques-uns, qui en fussent délivrés par son moïen. En core nos Christicoles, tous tant qu'ils sont, ne sauroient-ils montrer, qu'il en ait seulement un, qui jouisse véritablement du bienfait de cette prétendue délivrance: car, comme la prétendue peine éternelle ne se voit point, et que la prétendue délivrance n'est aucunement visible, ils ne sauroient faire voir, qu'il en ait seulement un qui soit véritablement délivré, ni un qui soit véritablement réprouvé, et condamné souffrir éternellement les peines d'enfer. Dire cette occasion-ci, comme font ordinairement nos Christicoles, qu'il ne faut point chercher, ni de mander des preuves, ni des témoignages sensibles des choses de la foi, mais qu'il faut les croire aveuglé 207 ment, sans les voir, sous prétexte qu'elles ne laisseloient pas, que d'être très-véritables et très certaines en elles-mêmes, quoique l'on n'en puisse donner, ni apercevoir aucune preuve, ni aucun témoignage visible et sensible, c'est une foible raison et qui est entiè rement vaine, puisque ce seroit vouloir poser pour fondement de certitude un principe d'erreurs, d'illu sions et d'impostures. Car il est visible qu'il n'y auroit aucune erreur, aucune illusion, ni aucune im posture, que l'on ne pouroit prétendre de voir, croire ou faire croire, sous ce prétendu prétexte de foi di vine, s'il falloit y. avoir aucun égard. Or il est évi dent, comme j'ai dit ci-devant, qu'un principe d'er reurs, d'illusions ou d'impostures, comme celui-là, ne peut servir de fondement pour établir, ni pour éclaircir aucune vérité, et par conséquent ne peut servir pour montrer ni pour prouver, qu'il ait seulement un seul homme, qui jouisse véritablement d'un bien fait de cette prétendue délivrance, qui n'est bien cer tainement qu'une délivrance et une rédemption ima ginaires. Pareillement, il ne sert de rien nos Christicoles de dire, comme ils font encore, que leur Christ véritablement satisfait Dieu pour tous les péchés des hommes, et que, s'ils ne sont pas effectivement delivrés tous de la peine et de la damnation éternelle, ce n'est pas la faute de leur Rédempteur, mais la faute des pécheurs-mêmes qui s'abandonnent volontai rement aux vices, et qui meurent dans leurs péchés, sans vouloir se convertir Dieu et sans vouloir faire des fruits dignes de pénitence, étant nécessaires, comme 298 ils disent, de vivre dans la vertu, ou de faire une digne pénitence de ses péchés, et de mourir dans la grâce de Dieu, pour jouir du bienfait de la délivrance et de la Rédemption du Christ. Il ne leur sert de rien, dis-je, d'alléguer ces raisons, parceque, si cela étoit, comme ils le disent, ce seroit premièrement une injustice manifeste en Dieu, s'il punissoit encore dans aucun homme des péchés, pour lesquels il auroit déjà reçu une entière satisfaction, car, de même que ce seroit une injustice dans un créancier de faire païer son débiteur une dette, pour laquelle son ami auroit déjà satisfait pour lui, en païant tout ce qu'il pouvoit devoir, de même ce serojt manifestement une injustice, et même une espèce de cruauté en Dieu, de punir encore sévèrement dans les hommes, par des supplices éternels, des péchés pour lesquels son Christ auroit déjà en tièrement satisfait, car ce seroit vouloir exiger deux satisfactions pour les mêmes offenses, ce qui ne conviendroit nullement la justice, ni la volonté ni la bonté d'un Dieu infiniment bon et miséricordieux. Secondement, s'il falloit, comme disent nos Christicoles, que les hommes vécussent toujours bien dans la vertu ou qu'ils fassent dignement pénitence de leurs péchés, avant que de mourir, pour profiter de ce pré tendu bienfait de la délivrance, ou rédemption du Christ, il s'en suivroit que cette prétendue délivrance, ou ré demption du Christ, ne déchargeroit de rien les hom mes envers Dieu, et ne les soulagerait en rien et par conséquent, qu'elle auroit été entièrement vaine et ridicule. C'est de quoi nos Christîcoles no voudraient certainement pas convenir; cependant cela s'en sui 299 vroit évidemment, de ce qu'ils disent touchant l'appli cation, qui se feroit aux hommes, du bienfait de leur prétendue délivrance ou rédemption, faite par JésusChrist. Car il est constant, et la droite Raison nous fait clairement voir qu'un Dieu qui seroit infiniment bon, juste et miséricordieux ne pouroit justement et bénignement exiger des hommes, qui ne l'auroient pas offensé, que ce qu'ils seroient capables de faire pour l'honorer, comme, par exemple, de l'aimer, de l'adorer, de le servir et de vivre dans la vertu, selon ses loix et ses ordonnances. Pareillement, la même droite liaison nous fait clairement voir, qu'il ne pou roit avec justice exiger des pécheurs, qui l'auroient offensé, que tout ce qu'ils seroient capables de faire pour satisfaire leurs péchés, comme par exemple, de se convertir lui de tout leur coeur, de haïr et détester leurs vices et leurs péchés, de les quitter entièrement, et de faire dignement pénitence de leurs péchés, en la manière qu'il pouroit leur prescrire, et c'est en effet tout ce que l'on prétend, que Dieu demanderoit dans sa Loi, comme il paroit par les té moignages mêmes de cette loi, et par les témoignages de tous les Prophètes. Si donc, disoit Moïse au peu ple d'Israël, de la part de Dieu, si vous écoutez la voix du Seigneur, votre Dieu, si vous l'aimez de tout votre coeur et de toute votre âme, et si vous obser vez fidèlement tous ses commandemens *, toutes ces bénédictions-ci viendront sur vous et vous accom pagneront partout, vous serez bénits dans vos villes Dcut. 28. et 11. 13. 500 et dans vos champs, bénits dans vos enfans et dans vos troupeaux, bénits dans les fruits de vos terres et de vos jardins, bénits dans tout ce que vous ferez et vous entreprendrez, etc. Et l'égard des pécheurs, qui l'auroient offensé, il ne leur demandoit aussi, avant la venue de Jésus-Christ, et avant qu'il ait fait aucune prétendue satisfaction pour leurs péchés, qu'ils fissent justice et miséricorde leur prochain, que la conver sion de leur coeur, qu'ils quittassent leurs vices et leurs péchés, et qu'ils observassent fidèlement tous .les commandemens, promettant de faire grâce et mi séricorde tous ceux, qui se convertiroient lui de tout leur coeur, qui quitteroient leurs vices et leurs péchés, qui feroient justice et miséricorde leur pro chain, et qui observeroient fidèlement tous les com mandemens, leur promettant même pour lors, de ne plus se souvenir de leurs péchés et de les oublier entièrement *. Voilà, suivant cette loi prétendue divine, tout ce que Dieu exigeoit effectivement des hommes, avant la venue de Jésus-Christ et par conséquent avant qu'il les ait délivrés de leurs péchés et qu'il ait fait aucune satisfaction pour eux, comme nos Christicoles le pré tendent. Si donc Dieu n'exigeoit que cela des hom mes, avant la venue de Jésus-Christ, et qu'il en exi geroit encore autant, ou même davantage, depuis la venue de ce Christ et depuis qu'il auroit délivré les hommes de leurs péchés, comme nos Christicoles le prétendent, il est évident, que cette prétendue déli Ezcch. 18: 21. 301 vrance et que cette prétendue satisfaction de JésusChrist ne déchargeroit de rien les hommes, et ne les soulageroit en rien, puisqu'ils ne doivent rien moins faire maintenant, pour obtenir grâce et miséricorde, que ce qu'ils auroient dû faire avant cette prétendue dé livrance, et qu'avant cette prétendue délivrance, ils auroient aussi facilement et peut-être même plus fa cilement qu'après, trouvé grâce et miséricorde. Je dis, qu'ils Tauroient peut-être trouvé plus facilement de vant qu'après, parce qu'avant cette prétendue déli vrance Dieu ne demandoit des pécheurs, comme je viens de dire, qu'une véritable conversion de leur coeur, avec la pratique des bonnes oeuvres de justice et de miséricorde, et une fidèle obéissance ses commandemens, au lieu que depuis cette prétendue délivrance du Christ, les pécheurs seroient obligés, non-seulement de faire ce qu'ils auroient dû faire auparavant, mais outre cela, seroient encore obligés, suivant les maxi mes du Christianisme, de renoncer eux-mêmes, de porter leur croix, de faire de grandes pénitences et de rigoureuses mortifications de leur chair, ce qu'ils n'auroient pas été obligés de faire avant la prétendue délivrance du Christ. Cela étant, il est évident que cette prétendue dé livrance ne décharge de rien les hommes et qu'elle ne les soulage en rien. Et si elle ne les décharge de rien, et si elle ne les soulage en rien, il est évi dent qu'elle est entièrement vaine et inutile en quel sens qu'on la puisse prendre. 2*. Il est dit qiJe ce Christ seroit apellé le Fils du Très-Haut, que Dieu lui donneroit le Trône de 302 David, son Père, qu'il règnerok. jamais dans la mai son de Jacob et que son Règne n'auroit point de fin *. Qu'il soit, si on veut, apellé le Fils du Très-Haut, passe pour cela, puisque nos Christicoles le regardent effectivement comme le Fils tout-puissant d'un Dieu tout-puissant, quoiqu'il n'ait été regardé dans son tems que comme un misérable fanatique. Mais que Dieu lui ait donné le Trône de David et qu'il règne ou qu'il ait régné dans la maison de Jacob, c'est dire sur le peuple d'Israël, qui est entendu par la maison de Jacob, et que son règne ne doive jamais avoir de fin, c'est ce qui est évidemment faux: car il est constant, qu'il n'a jamais été sur le Trône de David, et qu'il n'a jamais régné sur le peuple Juif, qui est le peuple d'Israël, et maintenant nous voïons évidemment qu'il ne règne aucunement nulle part, moins que l'on ne veuille prendre le culte et l'ado ration, que nos Christicoles lui rendent, pour une es pèce de règne et le Christianisme pour une espèce de Roïaume mais en ce sens il n'y auroit point d'im posteurs, qui ne pouroient se flatter de régner d'une semblable manière, si on vouloit ajouter foi leurs impostures et les adorer comme des Divinités. D'ail leurs, la promesse et la prétendue prophétie de l'Ange dit clairement et expressément, que Dieu donneroit Jésus-Christ le Trône de David, son Père et qu'il règneroit jamais dans la maison de Jacob. Or le Chris tianisme n'est pas le Trône de David et n'a jamais été le Trône de David. Pareillement, le peuple ChréLuc. 32. 505 tien n'est point la Maison de Jacob et n'a jamais été la Maison de Jacob, et ainsi le Christ, n'aïant jamais eu le Trône de David et n'aïant jamais régné dans la Maison de Jacob, il est évident, que cette promesse ou que cette prophétie se trouve entièrement fausse. 5°. 11 est dit que ce Christ seroit comme une lu mière, qui éclaireroit les nations, et qu'il seroit la gloire du peuple d'Israël, c'est dire du peuple Juif *. Cette promesse ou prophétie est encore absolument fausse, puisqu'il, n'a paru dans sa personne, que comme un objet de mépris et que sa doctrine, sa vie et sa mort n'ont passé que pour une folie devant les Nations, et comme un scandale devant les Juifs. Et si mainte nant il est en honneur parmi les Chrétiens, ce n'est point par persuasion, ni par connoissance de vérité que cela s'est fait, mais plutôt par opiniâtreté et par séduction de fausseté, comme cela se fait dans toutes les autres Religions. Et pour preuve de cela, c'est que suivant la susdite promesse ou prophétie, il auroit dû également être la gloire du peuple d'Israël, comme la gloire ou la lumière des Nations, qui sont mainte nant le peuple Chrétien. Mais au lieu d'être la gloire du peuple d'Israël, comme il été prédit et promis, nous voïons manifestement qu'il seroit plutôt sa honte et sa confusion, ce qui fait manifestement voir la faus seté de la susdite promesse ou prophétie. 4°. Il est dit que Jésus-Christ commença prêcher et dire: faites pénitence, parceque le Roïaume du ciel est proche Si ce prétendu Roïaume eut été Luc. 2. 32. Matth. 4. 17. 504 véritablement proche, comme il le disoit, il longtems qu'il auroit dû paroître, et qu'il auroit dû être arrivé. Car depuis prés de 2000 ans, qu'il est pro mis et qu'il est prédit devoir bientôt arriver, si la promesse et la prédiction eussent été véritables, il longtems que l'on en auroit vû l'accomplissement. L'on n'en voit encore maintenant aucune aparence, c'est une preuve manifeste de la fausseté de la pro messe et de la prédiction, et il faut être merveilleu sement séduit, abusé, aveugle et crédule, pour croire que ce Roïaume doive arriver. Dire, comme font quelques-uns de nos Christicoles, que le Roïaume du ciel, dont Jésus-Christ parle, n'est autre chose que la Doctrine et la Police ou Gouvernement de son Eglise, qui conduit véritable ment les ames au Roïaume du ciel, c'est une pure illusion, puisqu'il n'y auroit point de' peuples qui ne pouroient de même apeller leurs Religions, leur Po lice et leur Gouvernement un Roïaume du ciel, et qu'il n'y auroit point d'imposteurs qui ne pouroient semblablement promettre la venue d'un Roïaume du ciel. Mais si on savoit qu'ils n'entendissent rien autre chose par leur Roïaume du ciel, on ne feroit certaine ment pas grand cas de leurs promesses, ni de leurs prétendus Roïaumes, qui ne seroient bien certainement regardés, que comme des Roïaumes imaginaires. 5°. Jésus-Christ dit lui-même, qu'il ne faut pas s'in quiéter, ni se mettre en peine pour le boire ni pour le manger, ni pour les vêtemens dont on besoin dans la vie, mais qu'il faut sur cela se reposer en tièrement sur la Providence de son Père céleste, qui 505 nourrit, dit-il, les oiseaux du ciel, quoiqu'ils ne sè ment point et qu'ils ne fassent point de gréniers, et qui revête les fleurs et les lys des champs, quoiqu'ils ne travaillent point et qu'ils ne filent point, assurant ses disciples, que si son Père céleste tant de soin des oiseaux du ciel et des fleurs des champs, qu'il aura, plus forte raison, beaucoup plus de soin des hommes, et qu'il ne les laissera pas manquer de rien, pourvû qu'ils cherchent premièrement le Roïaume de Dieu et sa justice *. Il feroit certainement beau, de voir les hommes se fier une tdle promesse, que celle-là. Que deviendroient-ils, s'ils étoient seulement un an ou deux sans travailler, sans labourer, sans sémer, sans moissonner et sans faire de gréniers, voulant en cela imiter les oiseaux du ciel, ils auroient ensuite faire les Dévots et chercher pieusement ce prétendu Roïaume du ciel et sa justice; ce père cé leste pourvoïeroit-il pour cela plus particulièrement leurs besoins? Viendroit-il leur aporter miraculeuse ment boire et manger, lorsqu'ils auroient faim, et viendroit-il leur aporter miraculeusement des linges et des habits, lorsqu'ils en auroient besoin? Ils auroient beau reclamer leur Père céleste, quand ils crieroient pour lors aussi forts et aussi longtems, que faisoient les prophètes de Baal, quand ils invoquoient l'assis tance de leur Dieu, pour faire paroitre sa puissance dans les besoins, où ils étoient; il ne seroit certai nement pas moins sourd leurs clameurs, que le fut ce Dieu aux clameurs de ses Prophètes. C'est pour Matth. 6. 25—34. 20 506 quoi aussi on ne voit point de peuples assez sots, et non pas même parmi nos Christicoles, on n'en voit pas, dis-je, d'assez sots, pour. vouloir se fier une telle promesse, et s'il parmi les peuples quelques particuliers, quelques familles, ou même quelques com munautés de Prêtres, de Moines et de Moinesses, qui ne travaillent point, et qui ne s'occupent qu'au vain culte de leurs fausses Divinités, c'est qu'ils savent bien qu'il en d'autres, qui travaillent plus utile ment qu'eux, sans quoi il faudroit bien, qu'ils missent la main l'oeuvre, comme les autres. G°. Jésus-Christ dit, qu'il n'y qu'à demander et qu'on recevra, qu'il n'y qu'à chercher et qu'on trouvera, il assure, que tout ce qu'on demandera Dieu, en son nom, qu'on l'obtiendra, et que, si on avoit seulement la grandeur d'un grain de sénevé de foi, que l'on feroit, par une seule parole, transporter les montagnes d'un lieu en un autre *. Si cette promesse étoit véritable, ou qu'elle eut véritablement son effet, personne, et particulièrement personne de nos Christicoles, devroit jamais manquer de rien de ce qui lui seroit nécessaire, il n'auroit qu'à chercher et il trouveroit, il n'auroit qu'à demander et il recevroit. Pareil lement rien ne devroit leur être impossible, puisqu'ils ont la foi leur Christ. Cependant on ne voit aucun effet de ces belles promesses-là, au contraire on voit tous les jours, parmi eux, une infinité de pauvres mal heureux, qui sont dans le besoin, qui cherchent et qui ne trouvent point, et qui demandent et qui ne reçoiMatth. 7. 7. Luc. 11. 9. Marc. 11. 24. Jean 14. 13. Matth. 17. 20. Marc. 11. 23. Luc. 17. 6. 507 vent rien. On voit même que toute l'Église Chrétienne s'empresse demander Dieu, par des prières» publi ques et souvent réiterées, plusieurs choses qu'elle n'a pu encore obtenir. Il 1000 ans et plus, qu'elle demande Dieu, par des prières publiques et parti culières, l'extirpation, par exemple, des herésies, la conversion des infidèles et de tous les pécheurs, la santé du corps et de l'ame pour tous ses enfans, l'u nion et la paix entre tous les fidèles, l'esprit d'obéis sance, pour le servir toujours avec crainte et avec amour, l'esprit de sagesse, pour choisir, en toutes cho ses, ce qui seroit le meilleur et le plus salutaire, et pour rejetter tout ce qui seroit contraire sa gloire et au salut de l'ame. Elle demande et fait demander tous ces enfans, que la volonté de Dieu soit faite en terre comme au ciel et plusieurs autres choses semblables, que l'Eglise Chrétienne demande tous les jours par des prières publiques et particulières; cepen dant elle ne les obtient pas; les herésies subsistent toujours et multiplient même, plutôt que de s'étein dre; il toujours une infinité de méchans pécheurs et d'infidèles, qui ne se convertissent point, et tou jours une infinité de gens, qui sont véritablement affli gés des maladies du corps et de l'esprit. La discorde continue toujours de troubler et de diviser miséra blement les hommes, et enfin l'esprit de sagesse ne les conduit guères leur bien véritable, et leur in spire encore moins la crainte et l'amour de Dieu, de sorte qu'il ne paroit guères que la volonté de Dieu se fasse en terre, comme ils s^imaginent qu'elle se fait dans le ciel, et ainsi l'Eglise même, l'Eglise 20* 308 Chrétienne, Catholique-Romaine, qui se qualifie d'E pouse bienaimée de son Dieu et de son Christ, n'ob tient pas elle-même, ce qu'elle demande tous les jours si instamment Dieu, quoiqu'elle lui fasse toutes ces demandes au nom de son bon Seigneur Jésus-Christ, qui promis que l'on obtiendroit infailliblement tout ce qu'on demanderoit Dieu, en son nom. Ce qui l'ait voir évidemment la fausseté de cette Promesse. Qui est-ce encore, par exemple, de nos Christicoles et même des plus religieux et des plus qualifiés d'entr'eux, qui, en commandant aux montagnes de se transporter d'un lieu un autre, ou en commandant des arbres de s'arracher et de s'aller jetter dans la mer, oseroit s'assurer de faire voir l'effet et l'ac complissement de leurs commandemens? Il n'y cer tainement personne de bon sens qui voudroit l'entre prendre. Cependant leur Dieu et leur Tout-Puissant Christ leur dit positivement, que, s'ils avoient seu lement la grandeur d'un grain de senevé de, Foi, rien ne leur seroit impossible, que s'ils disoient une Montagne: ôte-toi de là et va-t'-en là, qu'elle s'ôteroit et qu'elle iroit, où ils lui commanderoient d'aller, et que, s'ils disoient un arbre: arrache-toi et vat'-en te planter dans la mer, qu'il lui obéiroit. Pa reillement il leur dit, que ceux, qui croiroient en lui, chasseroient les- Démons en son nom, qu'ils par leroient diverses langues, qu'ils toucheroient les serpens sans danger, qu'ils boiroient du poison et qu'ils n'en recevroient aucun mal, et qu'enfin ils rendroient la santé aux malades, en leur imposant seulement les mains et en faisant toutes ces merveilles, ils donne- 509 roient une preuve certaine de la vérité de leur Foi et de la vérité des Promesses de leur Christ. Mais aussi, s'ils ne peuvent faire ces merveilles, c'est une preuve assurée qu'ils manquent de foi, et qu'ils ne croïent point que les susdites promesses sont fausses. Si c'est qu'ils manquent de foi, pourquoi ne l'ont-ils pas, cette foi? Et pourquoi ne croïent-ils pas, ces maladroits-là? Puisqu'il leur seroit si glorieux et si avantageux de croire et de faire de si grandes et si admirables choses. Mais s'ils prétendent avoir la Foi, et qu'ils ne puissent néanmoins faire les susdites mer veilles, il faut nécessairement qu'ils reconnoissent la vanité et la fausseté des dites promesses, et qu'ils se tiennent eux-mêmes pour dupes. Si Mahomet, par exemple, eut fait de semblables promesses ses sectateurs, et qu'ils ne pussent en faire voir aucun effet, non plus que nos Christicoles, ils ne manqueroient pas, nos Christicoles, decrier: Ah le fourbe! Ah l'imposteur! Ah les fols, de croire un tel imposteur! Les voilà eux-mêmes dans le cas, il longtems qu'ils sont, encore ne sauroient-ils, ou ne veulent-ils pas reconnoitre, ni avouer leur er reur et leur aveuglement. Et comme ils sont ingénieux se tromper eux-mêmes, et qu'ils se plaisent même l'entretenir et se confirmer eux-mêmes dans leurs erreurs, disant pour raison, que les susdites promes ses ont eu leur effet et leur accomplissement dans le commencement du Christianisme, étant pour lors né cessaire, disent-ils, qu'il ait des miracles, pour con vaincre les infidèles et les incrédules de la vérité de la religion Chrétienne; mais que, depuis que leur re 510 ligion est suffisamment établie, les susdits miracles n'aïant plus été nécessaires, il n'a par conséquent aussi plus été besoin, que Dieu laissât ses fidels croïans la puissance de faire des miracles. Ce qui n'empêche pas, suivant ce qu'ils prétendent, que les susdites promesses ne soïent très-véritables, puisqu'el les ont suffisamment eu autrefois leur accomplisse ment. Mais que savent-ils, si elles ont jamais eu vé ritablement leur accomplissement, ils veulent bien peut-être le croire ainsi, mais ils n'en sauroient pro duire aucun témoignage assuré, comme je l'ai cidevant démontré. D'ailleurs, celui qui fait les dites promesses ne les pas restreint seulement pour un certain tems, ni pour certains lieux, ni pour certai nes personnes en particulier, mais il les fait géné rales et sans restriction de tems, ni de lieu, ni de personnes en particulier. La foi de ceux qui croiront, dit-il, sera suivi de ces miracles, et ils chasseront les Démons en mon nom, ils parleront diverses lan gues, ils toucheront les serpens sans danger, s'ils boivent du poison, il ne leur fera aucun mal et gué riront les maladies, en leur imposant seulement les mains *. Et parlant de la prière, il dit positivement, qu'il fera tout ce que l'on demandera, en son Nom, son Père f. Si deux d'entre vous, dit-il, s'accordent sur la terre, quoique ce soit qu'ils demandent, ils l'ob tiendront §. Quiconque demande, reçoit, dit-il encore. Que si vous autres, tous méchans que vous êtes, sa vez néanmoins bien donner de bonnes choses vos Marc. 16. 17, 18. Joan. 14. 13. Matth. 18. 19. 511 enfans, combien plus, dit-il, votre Père céleste, qui est dans le ciel, donnera-t'-il un bon esprit ceux, qui le lui demanderont *. Et l'égard du transport des Montagnes, il dit positivement, que quiconque dira une Montagne: ôte-toi de là et te jette dans la mer, pourvu qu'il n'hésite point dans son coeur, mais qu'il croïe que tout ce qu'il commandera, sera fait, il lui sera accordé, et que, quoique ce soit que l'on de mande dans la prière, avec foi, on l'obtiendra etc. "J•. Voilà des promesses, qui sont tout-à-fait générales^ il est évident qu'elles sont sans restrictions de tems, ni de lieu, ni de personnes, elles demandent seule ment que l'on ait la foi: pour être donc véritables, il faut qu'elles soient véritables dans toute leur éten due, c'est-à-dire, sans restriction de tems, ni de lieu, ni de personnes, et par conséquent, pour être véri tables, il faut qu'elles aïent leur effet et leur accom plissement l'égard de tous ceux et celles, qui auroient la foi et qui demanderoient au nom de Jésus-Christ, et comme il est évident, qu'elles n'ont maintenant leur effet nulle part, et que personne n'oseroit même s'en gager de faire voir l'effet, qu'à sa honte et sa con fusion, il est évident aussi qu'elles sont fausses. 7°. Jésus-Christ dit ses Disciples, qu'il leur donneroit la clef du Roïaume des cieux, et que tout ce qu'ils lieroient sur la terre, seroit lié dans le ciel §. Comme personne ne sauroit aller au ciel, pour voir ce qui s'y fait, et que ces prétendues clefs du Roïaume des Cieux et cette prétendue puissance de lier ou de Luc. 11. 13. Marc. 11. 23, 24. Matth. 16. 19. 512 délier, dont parle le Christ, ne sont que des ciels imaginaires et une puissance imaginaire, ou puissance spirituelle, comme disent nos Christicoles, il n'y point d'imposteur, ni de fanatique qui ne puisse fa cilement faire de telles promesses; mais il est facile aussi d'en découvrir la vanité. Aussi la vanité de ces autres promesses-ci, que le même Christ faisoit ses disciples, de les faire boire et manger sa table, lors qu'il seroit dans son Roïaume *, de les faire asseoir sur 12 Trônes, pour juger les 12 tribus d'Israël et qu'il promettoit tous ceux, qui quitteraient pour l'amour de lui leurs père, mère, frères, soeurs, fem mes, enfans, maisons, terres et autres héritages, de leur donner 100 fois davantage' -|*. Qu'il promettoit encore de donner la vie éternelle ceux, qui garde raient sa parole, ou qui mangeroient, comme il disoit, sa chair et qui boiroient son sang, et qu'il les ressusciteroit au dernier jour etc. **. Comme il remet l'accomplissement de toutes ces belles promesses un tems indéterminé, qui est long venir, et au tems d'une prétendue nouvelle, régéneration, qui bien clai rement ne viendra jamais, il n'y point d'imposteur non plus, ni de fanatique, qui ne puisse facilement faire de semblables promesses; mais il est facile aussi par-là d'en voir la vanité, puisqu'elles se détruisent d'elles-mêmes. 8°. Jésus-Christ dit ses disciples, qu'il fondoit son Eglise sur la pierre, qu'elle subsisteroit tou jours, et que les portes de l'enfer ne prévaudroient Luc. 22. 30. Matth. 19. 28, 29. Marc. 10. 29. Joan. 8. 5J. ** lbid. 6. 54. û\o jamais contre elle *. Si, par ces paroles, il entendoit, que sa secte subsistera toujours et qu'elle ne sera jamais détruite, c'est ce que l'on verra dans la suite du tems: car quoiqu'il ait déjà longtems qu'elle subsiste, ce n'est pas une preuve assurée qu'elle sub sistera toujours, les hommes ne seront pas toujours si sots et si aveugles, qu'ils sont, au sujet de la Re ligion; ils ouvriront peut-être quelques jours les yeux, et reconnoitront peut-être tard que ce fut leur erreur: et si cela arrive, ce sera pour lors qu'ils rejetteront avec indignation et avec mépris, ce qu'ils auront le plus religieusement adoré, et pour lors toutes ces sectes d'erreurs et d'impostures prendront honteuse ment fin. Mais si, par ces paroles, il entend seulement dire, qu'il fondé et établi une secte, ou société de sectateurs, qui ne tomberoierft point dans le vice, ni dans l'erreur, ces paroles sont absolument fausses; puisqu'il n'y dans le Christianisme aucune secte, ni aucune société et Eglise qui ne soit pleine d'erreurs et de vices, et principalement la secte ou société de l'Église Romaine, quoiqu'elle se dise être la plus pure et la plus sainte de -toutes; il longtems qu'elle est tombée dans l'erreur, que dis-je, tombée dans l'erreur, elle est née, elle été engendrée et formée et maintenant elle est et même dans des erreurs, qui sont manifestement contre l'intention et contre les sentimens et la doctrine de son Fondateur, puisqu'elle a, contre son dessein et contre son inten tion, aboli les loix des Juifs, qu'il aprouvoit, et qu'il Matth. 16. 18. 514 étoit venu, disoit-il lui-même, pour l'accomplir et non pour la détruire, et qu'elle est tombée dans les erreurs et dans les idolatries du Paganisme, ou semblables celles du Paganisme, comme il se voit manifestement par le culte idolatrique qu'elle rend son Dieu de pâte, ses saints, leurs images et leurs reliques. Voici comme un savant et judicieux Auteur parle de ceci: «Jésus, Fils de Marie, étoit, dit-il, descendu «d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Il fut élevé dans «la loi de Moïse, qu'il ne viola jamais. Ne vous imagi- «nez pas, disoit-il, durant son séjour au monde, que «je sois venu pour ruiner la loi de Moïse, je suis «venu au contraire pour la perfectioner "f. Ses A- «pôtres, dit ce savant, ont fait la même chose, et «en toutes choses ils ont été de rigides observateurs «des préceptes établis. Les premiers Chrétiens, con- «tinue t-il, en ont usé de même. Ils ont même ob- •> servé le sabbat des Juifs, sans compter le prémier «jour de la semaine, assigné pour célébrer publique- «ment leurs mistères. Ils s'abstenoient de sang et des «choses étouffées, des viandes souillées et de celles «que l'on sacrifioit aux Idoles." C'est ce qui fut dé terminé et arrêté dans leur prémier Concile, qu'ils tinrent Jerusalem et où le prémier Apôtre de JésusChrist, nommé Pierre, présida. Il semblé bon au Saint Esprit et nous, disent-ils, de ne vous pas imposer aucun autre fardeau, que ces choses qui sont nécessaires, savoir, que vous vous absteniez des viandes immolées aux Idoles, du sang des animaux et des Esp. Turc Tome. VI. Lettre VI. Matth. 5. 17. 516 bêtes suffoquées et de la fornication, desquelles cho ses vous ferez bien de vous garder *. «Ils n'avoient, «dit cet Auteur, dans leurs Églises, ni images, ni «peintures, ni chapelles, ni oratoires. Ils observoient «enfin toutes les purifications nécessaires etadoroient «tous un seul Dieu. C'est aujourd'hui toute autre «chose, dit cet Auteur, et l'Église Romaine suit des «maximes toutes contraires. Elle donne le démenti «à la déclaration formelle du Christ, et dit positive- «ment qu'il est venu pour abolir la loi, et pour mettre tout le monde en liberté, que nous pouvons aujourd'hui «nous régaler du sang des Bêtes égorgées, avec la «même liberté que nous le pouvons faire du lait des «Bêtes vivantes, manger de la chair de pourceau et «autres viandes abominables, et n'être pas plus cri- «minels, que si nous mangions des agneaux et autres «Bêtes nettes, permises par la loi de Dieu. Comment, «dit-il, cela peut-il s'accorder, ou comment un homme «raisonnable peut-il ajouter foi? Il n'est pas sur- «prenant, dit-il, qu'il ait dans le monde tant de «libertins et d'Athées, puisque le Christianisme est »un tissu de contradictions palpables. Tu répondras «à cela, dit cet Auteur, ce que les Théologiens ré- «pondent d'ordinaire, que durant les prémiers tems, «les Apôtres et les autres Chrétiens observoient la «loi de Moïse, de peur de scandaliser les Juifs, qui «avoient embrassé la Foi Chrétienne et qui auroient «trouvé mauvais, s'ils avoient vu qu'on se fut éloigné «des institutions des Anciens et des Statuts de la Act. 15. 29. 31G «Maison de Jacob; mais qu'après que l'Evangile eut «été prêché pas toute la terre, et qu'un grand nom- «bre de Païens furent entrés dans l'Eglise, on ju- »gea qu'il n'étoit plus nécessaire de scandaliser tous «les autres Chrétiens, pour une Nation aussi contemptible que la Juive, et de leur imposer un jong, qu'ils «n'étoient pas accoutumés de porter, et qui auroit «pû les obliger abandonner le Christianisme même, «plutôt que de se soumettre un fardeau si insuportable. L'Eglise donc, pour faciliter autant qu'il «lui étoit possible la conversion de l'empire Romain, «qui comprenoit la plus grande partie de la terre, «accommoda ses loix, ses préceptes, ses moeurs et «les cérémonies de la Religion l'esprit et la mode «de ces tems-là. Et comme les Païens mangeoient «indifféremment de tout, on leur fit entendre que «cela étoit conforme la volonté de Jésus-Christ, «qui étoit venu délivrer les hommes de l'esclavage «et de la servitude des superstitions Mosaïques. Ce «fut par la même condescendance, qu'on introduisit «dans l'Eglise l'usage des images et des peintures: «les habits sacerdotaux, les ornemens des autels, les «cierges, les lampes, l'encens, les pots fleurs et «autres religieuses gentillesses ne s'établirent, que «sur les modèles qu'on reçut des Prêtres de Jupiter, «d'Apollon, de Venus, de Diane et d'autres Divinités «Païennes. De-là vient que les Fêtes des Dieux et «des Déesses furent changées en Fêtes de Saints, et «que les Temples, auparavant consacrés au Soleil, «la Lune et aux Etoiles, furent dédiés tout de nouveau «aux Apôtres et aux Martyrs. Le Panthéon même, ou 517 »Ie Temple de Ions les Dieux, qui étoit Rome, fui «par succession de tems, et par l'adresse des Ec- «clésiastiques, changé en une Eglise, qui est consacrée »à tous les saints. 11 sembloit en un mot, que le Christianisme n'étoit, en toutes choses, que le Pa- «ganisme déguisé. Encore falloit-il croire que c'étoit «une fraude pieuse, d'attirer hongré malgré dans le «sein de l'Eglise, tant de millions de pécheurs... En «quoi on peut véritablement dire, que l'Eglise Romaine «a bien autant paganisée de Chrétiens, qu'elle auroit «christianisée de Païens. L'Eglise Ethiopienne est «un témoin vivant contr'elle; car les Chrétiens d'Ethio- «pie ont observé de toute ancienneté, et même du «tems des Apôtres, cette partie de la loi de Moïse, «qui regarde la pureté et l'impureté et qui prescrit «le choix que nous devons faire des viandes, dont il «est permis de mangef, défendant celles qui sont «défendues par cette Loi de Moïse. De là vient, dit «cet Auteur, qu'il dans ce pays-là plus de Juifs «convertis la Foi Chrétienne, que dans tout le reste »du Monde. Les Chrétiens d'Orient sont, ce semble, dit-il, moins condamnables que les Chrétiens Romains; «car, quoiqu'ils n'observent pas aussi ponctuellement, «que ceux d'Ethiopie, les loix de la pureté et de «l'impureté des viandes et des liqueurs etc., ils ne «mangent pas néanmoins de sang, ni d'aucune chose «étouftée. Leurs Ecclésiastiques s'abstiennent de toute «sorte de chair, durant tout le cours de leur vie, ils «observent quantité de purifications et de saintes ma- «nières de vivre. Mais les Chrétiens Romains se plongent, dit-il, comme des pourceaux dans toutes 518 sortes d'ordures et ne laissent pas de se persuader, »qu'ils sont les seuls vrais Catholiques, les seuls Elus »de Dieu, et le seul peuple de la terre, qui soit «dans le grand chemin du ciel. Je ne sais, dit cet «Auteur, quel jugement faire de cela, il n'y aucune «aparence de voir les Juifs se convertir, que ces acho- «pemens ne soient ôtés. Qui ne riroit, dit ce même «Auteur, de voir la sotise des hommes, de rendre des «honneurs divins un épouvantail de jardin, un «arbre, un. pourceau, un chien, un cheval, «un serpent etc., ou la prémiere chose, que l'on voit «le matin, comme font les Laponois et tant d'autres «idolâtres. Mais, d'un autre côté, qui pouroit s'empê- «cher, dit-il, de pleurer de voir des gens, qui font «profession de croire la Loi de Moïse et celle «du Messie, qui ont tous deux prêché l'unité d'un «Dieu, des gens, qui se vantent d'avoir la plus pure «et la plus sainte Religion du Monde (qui sont les «Chrétiens Romains), qui pouroit, dis-je *, s'empêcher «de pleurer de voir ces gens-là adorer le bois et la «pierre, des peintures et des images, des doux, des «haillons, dos os, des cheveux, des morceaux de vieux «bois et en général, tout ce que les Prêtres artificieux «leur proposent, comme digne de leur admiration." Toutes ces erreurs et tous ces abus-là se voïent ma nifestement dans l'Eglise Romaine, ils sont entière ment contraires la prémière institution de la Religion Chrétienne et contraires l'institution même de JésusChrist, son premier fondateur, de sorte, que si c'est Esp. Turc. Tome. 5. Lettre 25. 319 par raport aux vices, ou par raport aux erreurs et aux abus, qu'il dit que les Portes de l'enfer ne prévaudroient point contre son Eglise, ou contre ce qu'il établissoit, sa promesse se trouve manifestement fausse dans l'Eglise Romaine, puisqu'elle enseigne plusieurs erreurs et plusieurs abus, qu'il auroit con damnés lui-même. Et présentement encore il est fa cile de voir, qu'elle n'est pas infaillible dans sa doc trine, puisqu'elle condamne maintenant, par la consti tution Unigenihis, qu'elle reçoit et qu'elle oblige par tout de recevoir, la doctrine, qu'elle avoit ci-devant reçue, qu'elle avoit ci-devant établie dans ses conciles et dans ses décrèts, et qui est formellement contenue dans ses prétendus saints et sacrés livres. 9". Jésus-Christ dit*: Voici l'heure qui vient, que tous ceux, qui sont dans les sépulchres ou dans les tombeaux, entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux, qui l'entendront, auront la vie. Il près de 2000 ans que cela été dit, et par conséquent il près de 2000 ans, que cette heure auroit dû ve nir, et cependant on ne voit point encore cette heure. C'étoit donc bien faussement qu'il disoit: Voici l'heure qui vient, puisque cette heure n'a pas encore été ve nue, et qu'il n'y pas même encore d'aparence qu'elle doive bientôt, ni même jamais, venir. 10°. Le même Jésus-Christ "J* disoit ses Disciples, qu'ils n'avoient que faire de se mettre en peine de ce qu'ils diroient, ni de ce qu'ils répondroient, lors qu'ils seroient menés devant les Juges et devant les Joan. 5. 25. Matth. 10. 19. Luc. 12. 11. 520 Gouverneurs, ou même devant les Rois, parce qu'il leur donneroit pour lors, disoit-il, une sagesse et des paroles auxquelles leurs Ennemis ne pouroient ré sister, ni contredire. Si cette promesse eut ea son effèt, ils auroient facilement convaincu, par leur sa gesse et par la force de leurs raisons et de leurs discours, tous ceux, qui auroient voulu s'oposer eux. Or on ne voit nulle part, ni dans leurs discours, ni dans leurs Ecrits, qu'ils aïent jamais convaincu par raison aucun de leurs ennemis, ni aucun infidèle; on ne voit, dis-je, nulle part aucune marque de cette sagesse divine, ni même aucune force de raison, ca pable de convaincre, ni même capable de persuader aucune personne sage et éclairée; au contraire, on voit qu'ils ont toujours été confondus eux-mêmes et qu'ils ont toujours été regardés avec indignation et mépris, comme des misérables fanatiques. C'est pour quoi aussi ils étoïent persecutés, comme on le voit par toutes les Histoires *. 11°. Jésus-Christ disoit ses Disciples, qu'il étoit la Lumière du monde, qui éclairoit tout homme qui vient au monde, et que celui qui le suivroit, nemarcheroit point dans les ténèbres; on ne voit cepen dant point d'autre lumière, qui éclaire tous les hom mes, que celle du soleil, encore ne sauroit-elle éclai rer les aveugles. Il est dit dans S. Jean, qu'il don neroit tous ceux, qui croiroient en lui, le pouvoir de devenir, les enfans de Dieu, qui ne sont point nés, dit-il, de la volonté de la chair, ni du sang, ni Act. 5. 41. 521 de la volonté de l'homme, mais qui sont nés de Dieu. Où sont-ils, ces divins enfans de Dieu, et qui sont nés d'une si divine manière, sans la coopération de l'homme? On n'en voit certainement point d'autres, que ceux qui viennent par la voïe naturelle de la chair et du sang. 12°. Jésus-Christ disoit, qu'il étoit- la voïe, la vé rité et la vie *, qu'il étoit la résurrection même, que celui qui croiroit en lui ne mourroit jamais *J*. De même aussi il disoit, que si quelqu'un gardoit sa parole, qu'il ne mourroit jamais §. Il n'y donc per sonne, qui ait encore gardé sa parole, ni qui ait vé ritablement cru en lui, et non pas même ses plus lidèles Disciples, puisqu'il n'y en aucun de ce temslà, ni de tous les siècles suivans, qui ne soient morts et que nous voïons encore tous les jours mourir les hommes, qui croïent en lui, sans qu'aucun d'eux puisse échaper, ni éviter la mort. Mais comment auroit-il pû empêcher aucun homme de mourir, puisqu'il n'a pu lui-même se conserver en vie, ni éviter la mort? Où est donc la vérité de toutes ces promesses? Qui ne riroit de les entendre et d'en voir si peu d'ef fets? Si on ne peut en montrer la vérité, il faut conclure qu'elles sont absolument fausses et même tout-à-fait ridicules. Dire que ces paroles et que ces sortes de promes ses doivent s'entendre dans son sens spirituel, et qu'el les sont véritables dans ce sens spirituel, quoiqu'elles ne le soïent pas dans le sens littéral des paroles mê Joan. 14. 6. Joan. 11. 25. ,§ Joan. 8. 51. 21 522 mes, c'est une pure illusion, puisque ce prétendu sens spirituel n'est qu'un sens forgé et un sens ima ginaire, que l'on peut apliquer et tourner comme l'on veut toutes sortes de sujets, comme le soulier de Theracunes, qui convenoit tous les pies, n'y aïant aucunes promesses ou propositions si fausses, si absurdes et si ridicules qu'elles puissent être, aux quelles on ne puisse donner quelque sens spirituel, allégorique et iiguré, si on vouloit faire trouver seulement quelques vérités spirituelles et imaginaires, comme celles que nos Christicoles prétendent trouver dans les paroles et dans les promesses de leur Christ, si bien que le sens spirituel, qu'ils leur donnent, n'étant qu'un sens imaginaire, les vérités aussi qu'ils prétendent trouver, ne sont que des vérités ima ginaires, auxquelles il seroit ridicule de vouloir sérieu sement s'arrêter. D'ailleurs, comme les susdites pro messes et paroles ne se trouvent pas plus véritables dans le sens spirituel, qu'on veut leur donner, que dans le sens naturel et littéral des paroles, il s'en suit qu'elles sont aussi fausses dans un sens que dans l'autre. 13°. Jésus-Christ disoit, qu'on le verroit descen dre du ciel et qu'on le verroit venir dans les nues du ciel avec une grande Puissance et une grande Ma jesté, qu'il envoiëroit ses Anges, qui, avec le son puis sant d'une trompette, assembleroient tous les élus des quatre coins du monde, et depuis une extrémité du ciel jusqu'à l'autre, que le soleil deviendroit obscur, Matth. 24. 30. Luc. 21. 27. 525 que les Etoiles tomberoient du ciel et qu'alors toutes les Nations de la terre déploreroient leur malheur, et il assuroit que toutes ces choses arriveroient dans fort peu de tems après, c'est-à-dire, pendant la vie même des Hommes, qui étoient en ce tems-là. En vérité, disoit-il ses Disciples *, je vous ai dit que cette génération-ci ne passera pas, que toutes ces choses n'arrivent. Et dans une autre occasion, voici ce qu'il disoit ses Disciples: En vérité je vous die, qu'entre ceux, qui sont ici présens, il en quel ques-uns, qui ne mourront point, qu'ils ne voïeni ve nir le Roïaume de Dieu dans sa puissance, et qu'ils ne voïent venir le Fils de l'homme dans son régne -f Voilà une prophétie bien expresse, et qui se devoit faire, peu de tems après qu'elle été faite. Cepen dant il est évident, que rien de tout cela n'est arrivé. Voilà, depuis cette prophétie, bien des Générations, qui se sont passées, il n'y plus aucun de ceux, qui devroient voir l'accomplissement de cette prophétie, il près de 2000 ans, qu'ils sont tous morts, et ainsi autant qu'il est évident que cette prophétie n'a point eu son accomplissement, autant il est évident qu'elle est fausse. 14°. Jésus-Christ disoit §, que lorsqu'il seroit élevé de terre, il attireroit toutes choses lui, c'est-à-dire, comme disent nos Christicoles, qu'il attireroit tous les hommes lui, c'est-à-dire sa connoissance et son amour. Il s'en faut beaucoup que cette parole Matth. 24. 34. Miitth. 16. 28. Marc. 8. 38. Joan. 12. 32. 21* 524 ne se trouve véritable, puisque le nombre de ceux, qui le connoissent et qui l'adorent, n'est presque rien en comparaison de ceux, qui ne le connoissent pas et qui ne le servent point. Si on prétend que ces paroles sont suffisamment véritables, parcequ'il en attiré lui de tout âge, de tout sexe et de toute condition, c'est une interprétation vaine, puisqu'il n'y point d'imposteurs, qui n'en pouvoient dire et faire autant. 15°. Il est dit que de même, que la mort est venue par un seul homme, de même aussi la résur rection et justification viendroient par un seul homme; que de même, que tous les hommes sont morts en Adam, qu'ils revivroient aussi tous en Jésus-Christ. Il est prédit et annoncé, comme un mistère de foi divine, que "J- tous les morts ressusciteront pour être immortels, et que ce corps mortel doit être revêtu d'immortalité, et il est dit que Dieu feroit de nou veaux cieux et une nouvelle terre, dans laquelle la justice habiteroit. Toutes ces promesses et prédictionslà se trouvent manifestement fausses, puisque l'on n'en voit aucun effet, ni aucune apparence de vérité; il est dit avec cela que Dieu ne tarde point ses pro messes, mais n'est-ce pas assez longtems tarder que de différer pendant plusieurs milliers d'années l'exé cution des choses, qui se doivent faire. 46". Enfin il est parlé de la venue ** et de la nais Eom. 5. 17. Cor. 15. 51. Pet. 3. 13.

    • Act. 13. 32 et 10. 42, 43. Christus nos redemit de maltdicio

legis.... ut in Gentibus benedictio Abraham fierci in Cliristo Jem.... ut promissio ex fide Jesu Christi donetur credentibus. Gai. 3. 3, 14, 22. 525 sance de Jésus-Christ, comme de la venue et de la naissance de celui, dans lequel Dieu devoit accomplir toutes les belles et avantageuses promesses, qu'il avoit l'ait aux anciens Patriarches Abraham, Isaac et Ja cob, c'est pourquoi aussi Marie, sa mère, se croïant enceinte d'un enfant tout divin, dans lequel Dieu feroit paroître des merveilles toutes extraordinaires de sa Toute-Puissance, se réjouissoit en elle même et glorifioit le Seigneur, en disant, qu'il avoit fait de grandes choses en elle, qu'il alloit deploïer la puis sance de son bras, pour dissiper les mauvais desseins des hommes orgueilleux et superbes, pour foire tom ber les Monarques de leurs Trônes et élever les hum bles leur place; qu'il alloit combler de biens, ceux qui étoient pressés de la faim et reduire la disette, ceux qui vivoient dans l'abondance, et qu'enfin il alloit prendre en sa protection le peuple d'Israël, son serviteur, se souvenant de sa miséricorde, qu'il avoit promise leur Père Abraham et sa postérité pour tout jamais Et Zacharie *, Grand Prêtre, disoit au même sujet: Béni soit le Seigneur, Dieu d'Israël, de ce qu'il est venu visiter et racheter son peuple, et qu'il nous suscité un puissant sauveur, dans la maison de son serviteur David, ainsi qu'il l'avoit pro mis par la bouche de ses saints Prophètes, qui ont vécu dans les siècles passés, pour nous délivrer de la puissance de nos ennemis el de la main de tous ceux, qui nous haïssent, afin d'exercer sa miséricorde At ubi reirit plenitudo temporis miut Deus Filium suttm, ut eos, qui sub hcje erant, redimerct. Gai. 4. 4. Luc. 1. 67. 526 envers nos pères, et de se souvenir de sa sainte Al liance, selon le serment qu'il avoit fait notre père Abraham, qu'il nous feroit cette grâce, afin qu'étant délivrés de la main de nos ennemis, nous le servions sans crainte, marchant devant lui dans la sainteté et dans la justice, tous les jours de notre vie *. C'étoit pour cela aussi, que Paul l'Apôtre, prêchant la foi de Jésus-Christ aux Juifs d'Antioche, leur disoit c'est vous, mes Frères, qui êtes les enfans de la race d'A braham, que la parole de salut est adressée; nous vous annonçons l'effet de la promesse, qu'il faite nos Pères; c'est nous, qui sommes leurs enfans, que Dieu en fait voir l'événement, en ressuscitant JésusChrist. Sachez donc, mes Frères, leur disoit-il, que c'est par celui-là, c'est-à-dire par Jésus-Christ, que je vous annonce le pardon des péchés et la rémis sion de toutes choses, dont vous n'avez pu être justi fiés par la loi de Moïse; quiconque croît en lui est justifié. Et Jésus-Christ lui-même, parlant ses Apô tres du sujet de sa venue, leur disoit, que tout ce qui étoit dit de lui dans la loi de Moïse, dans les Prophètes et dans les Pseaumes fut accompli, et que la pénitence et la rémission des péchés fut prêchée en son nom, parmi toutes les Nations. Et c'étoit par raport ce prétendu accomplissement des promesses, qu'il annonçoit lui-même, et qu'il commandoit ses disciples, d'annoncer ** partout la venue prochaine du Roïaume des cieux, entendant par ce Roïaume des Luc. 1. 68, etc. Act. 38, 39. Luc. 24. 44.

    • Novissimis diebus ùtis, locutus est nobis Deus in filio quem con

stitua haeredem universorum. Hebr. 1. 2. 527 cieux l'accomplissement de toutes ces belles et magni fiques promesses, qu'il croïoit avoir été faites de la part de Dieu leurs anciens Pères; par où il est évident que la venue et la naissance de Jésus-Christ étoit regardées dans ce tems-là, au moins par ses Disciples, comme la venue de celui, qui devoit faire l'accomplissement de toutes ces belles promesses, que l'on prétend avoir été faites de la part de Dieu aux anciens Patriarches Abraham, Isaac et Jacob. C'étoit pour cela aussi, que ce Disciple lui demandoit un jour, si ce seroit bientôt qu'il rétabliroit leur Roïaume d'Israël, Domine si de tempore hoc restitues regnum Israël *. XXIX. Or est-il évident, qu'il n'a nullement accompli les susdites promesses, et que leur accomplissement ne s'est nullement fait en lui; c'est ce qu'il est facile de montrer, en faisant comparaison de ce qui est porté par les susdites promesses, avec ce que Jésus-Christ été et avec ce qu'il fait. Les promesses portent expressément, comme j'ai remarqué ci-dessus, que Dieu feroit une Alliance éternelle avec le peuple d'Is raël, qui est maintenant le peuple Juif; que quand il disperseroit ce peuple parmi toutes les Nations de la terre, en punition de leurs péchés, qu'il les déli vrera de leur servitude, qu'il les rassemblera de tous Act. 1. 6. 528 les endroits du monde, où il les auroit dispersés, et que pour cet effet il leur envoïeroit son puissant li bérateur, qui les délivreroit, qui les rassembleroit de toutes les nations de la terre, et qui les feroit glo rieusement rentrer dans la possession de leur païs, où ils serviront fidèlement tout jamais leur Dieu, et où ils jouiront tout jamais, en sûreté et en paix, de toutes sortes de biens et de félicité, sans craindre d'être plus jamais exposés aux insultes de leurs en nemis. Ces promesses portent expressément aussi, comme je l'ai remarqué, que la ville de Jerusalem, qui est la ville capitale de ce peuple, seroit la ville sainte, la ville choisie de Dieu, pour établir tout jamais le Trône de sa gloire; que pour ce sujèt il la rendroit la plus belle, la plus riche, la plus glo rieuse et la plus florissante ville de tout le monde. Ces promesses ont été plusieurs fois réitérées par les prétendus Prophètes, qui ont prédit et annoncé des merveilles sur ce sujèt, comme je l'ai aussi marque ci-devant, et, suivant toutes ces belles promesses et prédictions, .le peuple Juif devroit maintenant être, nonseulement délivre de toute servitude, mais il devroit être encore le plus saint, le plus béni, le plus heu reux, le plus puissant, le plus glorieux et le plus triomphant de tous les Peuples de la terre, et la ville de Jerusalem devroit être maintenant la plus sainte, la plus glorieuse, la plus heureuse, la plus riche et la plus triomphante ville de tout l'univers. Et comme il est évident qu'il n'est rien de tout cela, et que rien de tout cela ne s'est fait, et n'a paru se devoir faire depuis la naissance et la venue de Jésus- 529 Christ, non plus que devant sa naissance et sa venue, il est évident aussi que l'accomplissement des dites promesses ne s'est nullement fait en lui, ni dans aucun autre que lui, et par conséquent il est évident que les dites promesses et prophéties soïent entière ment vaines et fausses. Je sais fort bien, que nos Christicoles regardent comme une grossièreté d'esprit, de vouloir prendre au pie de la lettre les susdites promesses et prophéties, comme elles sont exprimées, et croïent, eux, bien faire les subtils et les ingénieux interprêtes des desseins et des volontés de leur Dieu, de laisser le sens litté ral et naturel des paroles, pour leur donner son sens, qu'ils apellent mystique et spirituel, et qu'ils nom ment allégorique et tropoliogitique, disant par exem ple, (jue par le peuple d'Israël et de Juda, auxquels ces promesses ont éjé faites, il faut entendre non les Israëlites selon la chair, mais les Israëlites selon l'es prit, comme ils disent, c'est-à-dire les Chrétiens, qui sont, suivant ce qu'ils disent eux-mêmes, l'Israël de Dieu, c'est-à-dire, le vrai peuple choisi, et auquel l'accomplissement de toutes les susdites promesses étoit réservé, pour s'y accomplir d'une manière toute spirituelle et divine; que par la délivrance promise au peuple, de les délivrer de la captivité de tous ses ennemis, il faut entendre, non une délivrance corpo relle d'un seul peuple captif, mais la délivrance spi rituelle de tous les hommes de la servitude du Démon et du péché, qui se devoit faire par Jésus-Christ, leur divin Sauveur, qui s'est livré lui-même, comme ils disent, pour le salut de tous les hommes; illusions vaines et ridicules interprétations. 330 Que par l'abondance" des richesses, des biens et de toutes les félicités temporelles, promises ce peuple, il faut entendre l'abondance des grâces et bénédic tions spirituelles, que Dieu communique dans la Re ligion Chrétienne aux âmes saintes, par les mérites de Jésus-Christ, leur divin Sauveur. Et enfin, que par la ville de Jerusalem, dont il est si avantageusement parlé dans les susdites promesses et prophéties, il faut entendre non la Jerusalem terrestre, mais la Je rusalem spirituelle, qui est l'Eglise Chrétienne ou la Jerusalem céleste, qui est le ciel même, et qui est, suivant ce que disent nos Christicoles, la véritable demeure de Dieu, le lieu, qui est le Trône de sa gloire et de sa souveraine Majesté, le lieu, où se trouvent éminemment tous les biens, que l'on peut souhaiter et toutes les félicités, dont on peut jouir, où rien de souillé ne peut entrer, et où les vérita bles Elus seront éternellement bienheureux, sans plus jamais craindre aucun mal. Et ainsi, suivant cette in terprétation spirituelle et mystique des promesses, fai tes aux susdits anciens Patriarches: Abraham, Isaac et Jacob, quand Dieu leur promettoit de bénir et de multiplier leur race et leur postérité, comme les grains de sable de la mer, ou comme les grains de pous sière, qui sont sur la terre, c'étoit seulement une expression figurée, par laquelle il vouloit ou auroit voulu faire entendre, qu'il béniroit et qu'il multiplieroit les Chrétiens, qui étoient spirituellement enten dus par cette postérité des anciens Patriarches; lors qu'il leur promettoit de faire une Alliance éternelle avec eux, cela s'entendoit de l'Alliance éternelle et spirituelle, qu'il feroit avec l'Eglise Chrétienne, en 551 lui donnant la loi Evangélique, qui subsisteroit jusqu'à la fin des siècles. Quand il leur promettoit, eux et toute leur postérité, de leur donner un Rédempteur, qui les délivreroit de toute servitude et de toutes mi sères, qui les rassembleroit de tous les païs du monde, où ils auroient été dispersés et menés captifs, et qui les ramèneroit victorieux et triomphans dans la pos session de leurs terres et païs de Chanaan et de la Palestine, cela s'entendoit non littéralement, d'un Ré dempteur temporel, mais spirituellement, d'un Rédemp teur, qui délivreroit spirituellement les hommes de la captivité du Démon, du péché, qu'il les ramèneroit tous la connaissance du vrai Dieu, et non d'un Ré dempteur, qui dût délivrer seulement le peuple Juif de leur captivité temporelle. Et quand il leur promettoit de les faire jouir abondamment de toutes sortes de biens, dans leur païs, après leur délivrance, et qu'il leur promettoit abondance de froment, de vin, d'huile, de lait, de miel et de toutes autres sortes de biens, cela s'entendoit, non des biens temporels de la terre, comme sont le froment, le vin et les autres richesses temporelles, mais des biens spirituels de la grâce, qui étoient figurés par les biens temporels, et que le Sauveur spirituel des âmes devoit aporter aux hom mes, après les avoir délivrés de leurs péchés. Illu sions vaines et ridicules interprétations. Et enfin, quand il promettoit de rendre la ville de Jerusalem si sainte, si riche, si abondante, si florissante et si heureuse; cela s'entendoit non de la Jerusalem terrestre, mais de la Jerusalem spirituelle, qui devoit être l'Eglise Chrétienne, ou de la Jerusalem céleste, qui est la vé- 352 ritable demeure de Dieu et le véritable séjour des Ames bienheureuses Et ainsi de même de toutes les autres Promesses ou Prophéties, qui ont été fai tes en faveur de ce peuple d'Israël et en faveur de leur ville de Jerusalem. Lesquelles promesses on pro phéties, se trouvant manifestement fausses dans leur sens propre naturel, et nos Christicoles ne voulant pas néanmoins reconnaître ouvertement leur fausseté, parce que c'est sur ces prétendues promesses et pro phéties, que leur Religion est fondée, ils ont été obli gés de leur donner un sens qu'elles n'ont point, afin de tacher de couvrir leur fausseté et d'y faire trou ver, s'ils peuvent, une vérité, qui n'y est pas et qui n'y sera jamais. Mais il est facile de voir, que ce prétendu sens allégorique n'étant qu'un sens étranger, un sens ima ginaire et un sens forgé la fantaisie des interprê tes, il ne peut nullement servir faire voir la vérité, ni la fausseté d'une proposition, ni d'une promesse ou prophétie, et il est même ridicule de forger ainsi des sens spirituels; car il est constant que ce n'est que par raport au sens naturel et véritable d'une proposition, d'une promesse ou d'une prophétie, que l'on peut juger de sa vérité ou de sa fausseté! Une proposition, par exemple, une promesse ou une pro phétie, qui se trouve véritable dans le sens propre et naturel des termes, dans lesquels elle est conçue, ne deviendra pas fausse en elle-même, sous prétexte, que l'on voudroit lui donner un sens étranger, qu'elle n'auroit pas. De même, une proposition, une promesse ou une prophétie, qui se trouve manifestement fausse 533 dans le sens propre et naturel des termes, dans lesquels elle est conçue, ne deviendra pas véritable en ellemême, sous prétexte, que l'on voudroit lui donner un sens étranger, qu'elle n'auroit pas» Ainsi quand il a, et que l'on voit dans un discours, dans une pro messe ou dans une prophétie un sens clair et net, un sens propre et naturel, par lequel on peut facile ment juger de sa vérité ou de sa fausseté, c'est un abus et folie de vouloir lui forger des sens étran gers, pour chercher des vérités ou des faussetés, qui n'y sont pas, et il est ridicule, comme j'ai dit, de vouloir quitter la vérité d'un sens clair, d'un sens propre et naturel, pour chercher dans un sens forgé et imaginaire des vérités, qui ne seroient qu'imaginaires. C'est ce que font néanmoins nos Christicoles, lors qu'ils quittent le sens propre et naturel et le sens véritable des promesses et des prophéties, dont je viens de parler, pour leur forger des sens spirituels et mystiques, qui ne sont certainement que des sens imaginaires et des sens ridiculement imaginés, car en quittant ainsi, comme font nos Christicoles, le sens propre et naturel des susdites prophéties et promes ses, ils quittent le sens réel et véritable, pour s'at tacher des sens, qui ne sont qu'imaginaires et qui ne servent qu'à établir de nouvelles erreurs, pour couvrir les anciennes. Je dis que ces sens spirituels et allégori ques ne sont qu'imaginaires, pareequ'il ne dépend effec tivement que de l'imagination des interprêtes, de leur donner tel sens spirituel et mystique qu'ils voudront; de sorte que s'il ne tenoit qu'à forger ainsi des sens spiri tuels, allégoriques, et mystiques, pour rendre despromes 534 ses ou de prétendues prophéties véritables, on pouroit facilement, 'par ce moïen, rendre véritables toutes celles qui seroient les plus fausses et les plus absurdes, ce qu'il seroit encore très ridicule de vouloir faire. D'ailleurs, vouloir donner des promesses ou des prophéties, prétendues divines, d'autre sens que celui qu'elles contiendroient manifestement en elles-même, c'est une témérité et une présomption, qui n'est pas suportable dans les hommes, parce que c'est absolu ment changer, altérer et corrompre, et même anéantir en quelque façon, les susdites promesses et prophé ties, c'est, dis-je, les anéantir au moins en tant qu'el les seroient de Dieu, on ne prétend pas néanmoins que le sens spirituel, allégorique et mystique, que nos Christicoles leur donnent, soit véritablement de Dieu, ni des Prophètes mêmes. Car on ne prétend pas que ce soit Dieu lui-même, ni les Prophètes, qui aïent dit qu'il falloit les entendre et les interpréter spiri tuellement, allégoriquement et mystiquement, comme font nos Christicoles. Ainsi ce sont nos Christicoles eux-mêmes, qui forgent, comme ils veulent, ou qui ont forgé, comme ils ont voulu, tous ces beaux pré tendus sens spirituels, allégoriques et mystiques, dont ils entretiennent et repaissent vainement l'ignorance des pauvres peuples; et ainsi quand ils nous propo sent d'une part les prétendues promesses et prophé ties, comme venant de Dieu même, et qu'ils nous les expliquent ensuite, non dans leur sens propre et na turel, mais dans un sens forgé et dans un sens suposé, qu'ils apellent allégorique, spirituel et mysti que, ou dans un sens analogique ou tropologique, 335 comme il leur plaira de dire, ce n'est plus la parole de Dieu, qu'ils nous proposent et qu'ils nous débitent sous ce sens-là; mais ce sont seulement leurs pro pres pensées, leurs propres fantaisies et les idées creuses de leurs fausses imaginations, et ainsi elles ne méritent pas que l'on ait aucun égard. Et ce qui nous fait encore voir l'illusion et la vanité de ces prétendus sens spirituels et mystiques, c'est qu'il n'y auroit point de sectes et de nations, qui ne pouroient également se servir de ces mêmes prétendues pro messes et prophéties en faveur de leur fausse Reli gion, comme font nos Christicoles en faveur de la leur, s'ils vouloient, comme eux, leur donner des sens spirituels et mystiques convenables leur croïance, leurs mistères et leurs cérémonies: car on peut en inventer et en forger tant que l'on veut, et les apliquer comme on veut tout ce qu'on veut, cela ne dépend que du génie et de l'imagination de ceux, qui veulent leur donner ces sortes de significations ou d'interprétations. Il paroit que c'a été ce grand Mirmadolin, vase d'élection de Jésus-Christ, nommé S. Paul, qui trouvé le premier l'invention de ces beaux sens spirituels et mystiques; car voïant d'un côté, que les choses qu'il croïoit devoir arriver, conformement aux susdites pro messes et proféties prétendues divines, n'arri voient pas et que le tems .de leur accomplissement se passoit, sans que l'on vit aucune aparence qu'elles dussent véritablement s'accomplir, comme il le croïoit; et d'un autre côté, ne voulant pas reconnoitre, ni avouer sin cèrement son erreur en cela, de crainte sans doute 5ot) d'avoir la honte de passer pour dupe, il s'avisa, pour déguiser l'erreur, de quitter le sens littéral, le sens propre et naturel des susdites promesses et prophé ties et de leur donner un nouveau sens, auquel on ne s'attendoit point et auquel on n'avoit pas encore pensé, qui fut d'interpréter spirituellement, allégoriquement et mystiquement les susdites promesses et prophéties, disant pour cet effet, que tout ce qui avoit été dit et que tout ce qui s'étoit fait et passé, ou pratiqué dans la loi de Moïse, n'avoit été dit ou fait, qu'en figure de ce qui devoit s'accomplir et de ce qui devoit se faire dans le Christianisme. Voici comme il s'explique dans sa première lettre aux Corinthiens: Mes Frères, leur dit-il, je ne veux pas que vous ignoriez que nos Pères marchèrent sous la nuée et que tous passèrent la mer; que tous man gèrent la même viande spirituelle, et que tous bu rent le même breuvage spirituel. Or ils buvoient tous, dit-il, de la pierre spirituelle, qui les suivoit, et cette pierre, dit-il, étoit Jésus-Christ. Petra autem erat Christus. Mais, continue-t'-il, plusieurs d'entr'eux ne furent pas agréables Dieu, puisqu'il les fit mourir dans le désert; or ces choses, continue-t'-il, nous ont servi de figures et d'instructions, afin que nous ne suivions pas, comme eux, nos désirs déréglés, et que vous ne tombiez pas, comme quelques-uns d'eux, dans l'idolatrie, selon ce qui est écrit, que le peuple s'assit pour manger et pour boire, et qu'il se leva pour danser, et que nous ne commettions point des Cov. 10. 1. "\ ool fornications, comme quelques-uns d'eux en commi rent, ce qui causa la mort 23 mille en un jour, que nous ne tentions point Jésus-Christ, comme quel ques-uns d'entr'eux, qui, l'aïant tenté, périrent par les serpens, que vous ne murmuriez point, comme firent quelques-uns d'entr'eux, qui furent, exterminés par l'Ange. Car toutes ces choses leur arrivèrent, pour être, dit-il, la figure de ce qui se devoit pas ser parmi nous, que nous trouvons la fin des siècles, et elles ont été écrites pour notre instruction. Et dans sa lettre aux Galates, voici comme il parle sur ce sujèt Dites-moi, vous qui voulez encore vous soumettre la loi, n'avez-vous point lu ce qui est écrit dans la loi, qu'Abraham eut deux fils, l'un d'une servante et l'autre d'une femme libre, mais le fils de la servante, dit-il, naquit selon la chair, et le fils de la femme libre naquit selon la promesse, ce qui est dit par allégorie, dit-il, car ces deux mères, dit-il, sont les deux alliances, c'est dire les deux testamens, dont l'un été fait sur la montagne de Sinai et ne produit que des esclaves, c'est celui qui étoit signifié par Agar qui étoit la servante. Car Sinai, dit-il, est une montagne d'Arabie, qui du rapport avec la Jérusalem que nous voïons mainte nant, et qui est esclave avec ses enfans. Mais la Jérusalem d'en haut,' dit-il, est libre et c'est celle qui est notre mère et de laquelle il est écrit: ré jouissez-vous, vous qui êtes stériles et qui n'avez point d'enfans, élevez votre voix et poussez des cris Gai. 4: 21. 22 558 de joie, vous qui n'enfantez point, parceque la femme, qui étoit délaissée, plus d'enfans que celle qui un mari. Or pour nous, mes frères, continue cet Apôtre, nous sommes comme Isaac, les enfans de la promesse, et comme alors, celui qui étoit né selon la chair, persécutoit celui qui étoit né selon l'esprit, ainsi, dit-il, la même chose se voit encore mainte nant: mais que dit l'écriture, ajoute-t-il, chassez la servante et son fils, car le fils de la servante ne sera point héritier avec le fils de la femme qui est libre. Or, mes frères, conclut-il, nous ne sommes pas les enfans de la servante, mais de la femme libre, et c'est Jésus-Christ, dit-il, qui nous mis en cette liberté, Dieu aïant envoïé son fils dans la plénitude des tems, afin qu'il fut, dit-il, le Redempteur de ceux, qui étoient sous la loi, et que l'adoption des enfans fut accomplie en nous. C'est dans ce même sens, qu'il dit dans son Epitre aux Romains, que tous ceux qui descendent d'Israël ne sont pas pour cela les vrais Israelites, ni tous ceux qui sont nés d'Abraham ne sont pas pour cela ses vrais enfans, parce, disent-ils, que c'est seulement par Isaac que l'on doit regarder sa postérité, c'est dire que ce ne sont point les enfans de la chair qui sont les vrais Israëlites et les vrais enfans de Dieu, mais que ce sont les enfans de la promesse, comme ceux d'Isaac, qui sont censés, être les vrais enfans d'Abraham, et par conséquent les héritiers des promesses, qui apartient,. comme il Eom. -. 6. 559 dit, l'adoption des enfans de Dieu, la gloire, l'alli ance, la loi, le culte de Dieu et les promesses qui, selon lui, doivent s'accomplir, non littéralement, mais spirituellement en Jésus-Christ. C'est pourquoi il dit dans son Epitre aux Galates, que Jésus-Christ nous délivré de la malédiction de la loi, afin que la bénédiction, promise Abraham, fut accomplie dans les Gentils par Jésus-Christ, et que par la foi nous reçussions l'Esprit, qui nous avoit été promis. Or Dieu, dit-il, fit ces promesses Abraham et son fils Isaac. Il ne lui dit pas, dit-il, vos fils, comme s'il eut parlé de plusieurs, mais votre fils, comme parlant d'un seul, qui est Jésus-Christ, dit-il, de sorte que la loi, qui été donnée 400 ans après les dites promesses, nous servi, dit-il, comme d'un Précepteur pour nous conduire Jésus-Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi, et depuis que la foi est venue, nous ne sommes plus, dit-il, sous le Précepteur, parce que vous êtes tous enfans de Dieu, par la foi en Jésus-Christ. Ainsi continue-t-il, il n'y plus de Juifs, ni de Grecs, ni de libres, ni d'esclaves, ni d'hommes, ni de femmes; mais vous êtes tous un en Jésus-Christ. Vous êtes donc, leur disoit-il, les enfans d'Abraham et par conséquent les héritiers selon la promesse: laquelle promesse ne doit cependant, selon lui, s'accomplir que spirituel lement en Jésus-Christ. C'est pourquoi il dit dans son Epitre •{• aux Ephésiens, que Dieu nous béni en Jésus-Christ de toutes les bénédictions spirituelles Gai. 3: 13. Ephes. 1: 13. 22* 340 au-dessus des cieux et que Jésus-Christ nous ac quis la rémission de nos peines par les richesses spirituelles de sa grâce, en qui, dit-il, dans son Epitre aux Colossiens, tous les trésors de la science et de la sagesse sont renfermés. Que personne donc, leur disoit-il, ne vous blâme pour le boire et le manger, ni pour les jours de fêtes, ni pour les nou velles lunes ou pour les jours de Sabath, qui n'étoient que l'ombre des choses venir, et dont Jésus-Christ est le corps. Si donc, ajoute-t-il, vous êtes ressus citès avec Jésus-Christ, cherchez les choses, qui sont en haut, où Jésus-Christ est assis la droite de Dieu. Aimez f, leur dit-il, ce qui est au ciel, et non pas ce qui est sur la terre, voulant leur faire entendre par ces paroles et par cette interprétation de la loi et des promesses, qu'ils ne doivent point s'arrêter seulement aux biens charnels et temporels de la terre, et qu'ils ne doivent pas attacher leur coeur et leur affection; mais qu'ils doivent principalement désirer et rechercher ceux du ciel, .comme étant les seuls biens qui leur avoient'été promis par la loi et par les susdites promesses, sous la figure des biens char nels et temporels de cette vie, dont il est parlé. Et pour faire d'autant mieux recevoir cette nou velle interprétation de la loi et des Prophètes, et voulant même faire passer sa doctrine et tout ce qu'il disoit sur ce sujèt, pour une sagesse toute sur naturelle et divine, voici comme il parloit dans sa première Epitre aux Corinthiens. Nous prêchons, Colos. 2: Ibid. 16. Colloss. 3: 1. Cor. 2: 6. 541 dit-il, la sagesse, non pas la sagesse de ce monde, ni celle des princes du monde qui périssent; mais nous prêchons la sagesse divine, qui est cachée dans son mistère et qu'il prédestinée avant tous les siècles, pour nous élever la gloire. Sagesse, dit-il, qui n'a été connu d'aucun Prince du monde, mais que Dieu nous révélée par son esprit, n'y aïant rien de si caché, que cet esprit ne sonde, jusqu'aux plus profonds secréts de Dieu. L'homme charnel, dit-il, ne comprend point les secrèts de Dieu *, il n'est pas capable de les comprendre, par ce que c'est par l'esprit de Dieu qu'ils se discernent. C'est pour cela encore, qu'il disoit que la lettre tue, mais que l'esprit vivifie, comme voulant dire que l'interpréta tion littérale de la loi et des promesses se détruisoit d'elle-même, et qu'elle confondoit ceux qui vouloient s'y attacher; mais que l'interprétation spiritu elle, qu'il leur donnoit, étoit le véritable sens, dans lequel il falloit les entendre. Et comme si ceux, qui il prêchoit une si belle et si subtile doctrine, eussent du pour cela lui fournir abondamment tout ce qu'il ■lui falloit pour sa nourriture et son entretien Vous étonnez-vous, leur disoit-il f, si nous recueil lons de vos biens temporels, après avoir semé parmi vous les biens spirituels. Si vobis spiritualia seminavimus magnum est si carnalia véstra metamus Ainsi, suivant la doctrine admirable de ce Doc teur des Gentils, les deux femmes d'Abraham et ses deux fils nous figuroient spirituellement deux mistèCor. S: 6. Cor- 9: IL 542 res. Celle qui n'étoit que servante figuroit l'Alliance de Dieu avec la Sinagogue, qui n'étoit elle-même que servante et qui n'engendroit, comme disoit cet Apôtre, que des esclaves, et celle qui étoit épouse figuroit l'Alliance de Dieu avec l'Eglise Chrétienne, qui est la libre et qui est l'épouse de Jésus-Christ, suivant le dire de ce même Apôtre. Pareillement le fils de la servante, qui étoit né seulement selon la chair, figuroit le vieux Testament, qui n'étoit que pour les Juifs charnels, réputés par le fils de la ser vante; mais le fils de la femme libre, qui étoit né selon la promesse de Dieu, figuroit le nouveau Tes tament, qui est pour les Chrétiens, qui sont les vrais enfans, réputés par Isaac, qui étoit né suivant la pro messe. Pour preuve de quoi, dit cet Apôtre, (re marquez bien ceci) est que Sina, où la loi ancienne été donnée, est une montagne d'Arabie, qui est conjointe celle, qui est maintenant la Jérusalem ter restre, qui est esclave avec tous ses enfans, au lieu que la Jérusalem d'en haut, qu'il apelle notre mère, est celle qui est libre" et qui engendre des enfans, qui sont selon la promesse. De sorte, qu'en suivant la Doctrine de cet Apôtre, la Jérusalem terrestre ne seroit pas la Ville Sainte, ni la ville toute particu lièrement choisie et chérie de Dieu, comme le disent les écritures, mais ce seroit seulement la Jérusalem d'en haut, comme dit cet Apôtre, ou la Jérusalem céleste. Pareillement, suivant la doctrine de cet Apôtre, les vrais Israélites ne seroient pas ceux, qui sont veri tablement Israëlites, selon la naissance de la chair, 343 mais seulement ceux, qui le seroient selon l'esprit de la foi des anciens Patriarches. Suivant la Doctrine de cet Apôtre, la promesse de leur donner ,un puissant Rédempteur, qui les délivreroit de la captivité de tous leur ennemis, ne s'entend point d'un Rédempteur, qui doit être puissant selon le monde, ni même d'une délivrance corporelle d'ennemis visibles, comme sont les hommes, mais seulement d'un Rédempteur, qui seroit puissant selon Dieu et d'une délivrance spiri tuelle d'ennemis invisibles, qui sont le Démon, les vices et le péché. Et enfin, suivant la Doctrine de cet Apôtre, la promesse de les faire glorieusement et victorieusement rentrer dans la possession de leurs terres et pays, où ils seroient pour tout jamais comblés de bonheur et de félicité, dans l'abondance de tous biens, ne s'entend point d'un retour glorieux et triomphant, qu'ils dussent jamais faire dans la Judée et dans la Palestine, où ils demeuroient, ni de la jouissance des biens temporels de cette vie; mais de la jouissance spirituelle des biens célestes et éternels, dont les justes doivent, selon cette belle doctrine, jouir éternellement dans le ciel, et où Jésus-Christ, leur Sauveur et Rédempteur, les conduira glorieux et triomphans, après qu'ils auront généreusement vaincu le Démon, les vices et les passions, qui seroient les plus grands ennemis de leur salut, toutes lesquelles choses, aussi bien que plusieurs autres semblables, qu'il seroit trop long de raporter, nous étoient, suivant la belle doctrine de cet Apôtre, divinement et mistérieusement figurées dans tout ce qui se faisoft et dans tout ce qui se passoit dans cette ancienne 544 loi, et tout cela, fondé sur cette belle raison, que Sina, où la loi ancienne été donnée, est une montagne d'Arabie, qui est conjointe celle, qui est mainte nant la Jérusalem terrestre, qui est esclave avec tous ses enfans, et sous prétexte qu'Abraham auroit eu deux femmes, dont l'une, qui n'étoit que servante, figuroit la sinogague et l'autre, qui étoit épouse, figuroit l'Eglise Chrétienne; et sous prétexte encore, que cet Abraham auroit eu deux fils, dont l'un, qui étoit de la servante, figuroit le vieux Testament et l'autre, qui étoit de son épouse, figuroit le nouveau Testament. Qui est-ce qui ne riroit d'une si vaine, d'une si sotte et d'une si ridicule doctrine que cellelà? Spectatum admissi risum teneatis amici? Apol. T. 2, 350. Si, suivant cette belle manière d'interpréter allégoriquement, figurati vement et mistérieusement tout ce qui s'est dit, tout ce qui s'est fait, et tout ce qui s'est pratiqué dans cette ancienne loi des Juifs, si on vouloit de même interpréter allégoriquement et figurativement tous les discours, toutes les actions et toutes les avantures de ce fameux Don Quichote de la Manche, on trouveroit certainement autant de mistères et autant de figures mistérieuses que l'on voudroit; on forgeroit autant d'allégories que l'on voudrait, et on trouveroit même une sagesse toute surnaturelle et divine, aussi bien que dans tout ce qui s'est fait dans cette anciene loi mais il faut être merveilleusement simple, ou merveilleusement crédule, pour ajouter pieusement foi de si vaines interpré tations, de si vaines promesses. C'est néanmoins 345 sur ce vain et ridicule fondement, que toute la Re ligion Chrétienne subsiste, et c'est sur ces vaines et ridicules interprétations spirituelles et allégoriques, que nos Ghristicoles font de leurs prétendues Ecri tures Saintes, qu'ils fondent tous leurs mistères, toute leur doctrine et toute ces belles espérances, qu'ils ont d'une vie éternellement bienheureuse dans le ciel. C'est pourquoi, il n'est presque rien dans toute cette ancienne loi, que leurs docteurs ne tachent d'expliquer mistiquement et figurativement de quelque chose qui se fait dans la leur; ils trouvent et voïent presque partout, comme feroient des visionnaires, la figure de leur Christ et la figure de ce qu'il été et de ce qu'il fait; ils trouvent sa figure, et ils la voïent dans plusieurs personnes de cet ancien Testa ment, comme dans Abel, dans Isaac, dans Josué, dans David, dans Salomon et dans plusieurs autres, car ils prétendent que tous ces personnages-là étoient la figure de leur Christ; ils trouvent et voïent aussi sa figure dans les animaux et dans les bêtes, car ils la trouvent dans l'agneau paschal, dans le lion de la tribu de Juda, et même dans les boucs, dont il est parlé dans le 16e Chapitre du Lévitique. Enfin, ils la trouvent et ils la voïent même dans des choses inanimées, comme dans le rocher que Moïse frapa de sa verge, dans la montagne où Dieu parla Moïse, et dans le serpent d'airain que ce même Moïse fit dresser dans le désert: car ils prétendent que toutes ces choses et plusieurs autres semblables, que je passe sous silence, étoient la figure de leur Christ*; et ainsi, suivant cette belle manière de parler et 546 d'interpréter allégoriquement tout ce qui se faisoit dans cette ançienne loi, ils trouvent que tout répre sentait leur mistères. La délivrance des Juifs de la captivité d'Egypte et leur passage de la Mer rouge étoient, suivant les Péres de l'église et les Docteurs christicoles une ex cellente figure de la délivrance du genre humain de la captivité du Diable et du péché, par les eaux du Baptême. Les Egyptiens, qui furent submergés et noïés dans les eaux de la Mer, en poursuivant les Israélites, sont une figure que les passions déréglées, les cupidités et tous les mauvais désirs dans les Chré tiens doivent être submergés et noïés sous les eaux de la pénitence. Le passage des Juifs travers la Mer rouge et la nuée qui les couvroit, étoit la figure du baptême et de la loi nouvelle. La manne qu'ils ont mangé dans le désert, étoit une figure de l'Eucharistie. L'eau que Moïse fit sortir de la pierre, qu'il frapa, étoit une figure de Jésus-Christ même, et ceux qui furent pu nis dans le désert, étoient une figure de la punition que Dieu fera des mauvais Chrétiens. La naissance, ou la venue de Jésus-Christ été figurée, disent les mêmes Pères de l'Eglise, par la se mence de la femme Eve, qui devoit écraser la tête du Serpent. Les bénédictions, que Dieu promit Abraham et toute sa postérité, qui devoit être aussi nombreuse que les Etoiles du ciel et que les grains de sable de la Mer, étoient une figure des bénédic tions spirituelles, que Jésus-Christ devoit aporteraux hommes, et une figure du grand nombre de fidèles, 347 qui se réuniroient sous la loi. Voyez l'épitre aux Galates, ci-dessus raportée. Abel, disent ces mêmes St. Pères, étoit une figure de Jésus-Christ, et sa mort la figure de la mort de Jésus-Christ, et Caïn qui tua son Frère Abel, étoit la figure des Juifs, qui firent mourir Jésus-Christ. Isaac, offert en sacrifice, étoit, disent-ils, une figure de Jésus-Christ, immolé sur la croix. Le bois, que portoit cet lsaac pour son sacrifice, lorsqulil alloit avec son Père, pour être sacrifié, étoit une figure de Jésus-Christ, portant sa croix. L'alliance, que Dieu fit avec Abraham et son fils Isaac, étoit une figure de l'alliance de Dieu avec les hommes, par son fils Jé sus-Christ, et les deux enfans d'Abraham, savoir Ismaël, qui étoit né d'Agar, sa servante, et Isaac, qui étoit né de Sara, sa femme, étoient une figure, comme j'ai déjà dit, de deux Testamens, dont l'ancien étoit figuré par Ismaël, fils de la servante, et le nouveau figuré par Isaac, fils de l'épouse. Les enfans, qu'Abra ham eut de ses concubines, figuroient, dit S. Augustin, les hommes charnels du nouveau Testament, et les présens, qu'Abraham leur fit avant que de mourir, fi guroient, dit le même S. Augustin, les dons naturels et les avantages temporels, que Dieu fait en ce monde-ci aux hommes charnels, aux hérétiques et aux infi dèles. Mais, faisant son fils Isaac héritier de tout, cela figuroit, dit-il, que les vrais Chrétiens, qui sont les enfans bien aimés de Dieu, seroient les héritiers de sa grâce, de son amitié et de la vie éternelle. Le serment, qu'Abraham fit faire son serviteur, en lui touchant la cuisse, lorsqu'il l'envoïa chercher 348 une femme son fils Isaac, figuroit, dit S. Augustin, que Jésus-Christ devoit naître de sa chair et, pour ainsi dire, descendre de cette cuisse, qu'il lui faisoit toucher. C'est pourquoi,' emploïent tigurativement toutes les cir constances de cette mission, il dit qu'Abraham figurait le Père éternel, qu'Isaac, son fils, figuroit le fils de Dieu, que Rebecca, qui devoit être l'épouse d'Isaac, figu roit l'Eglise de Jésus-Christ, que le serviteur, qui joignit Rebecca auprès de la fontaine, figuroit les Apôtres de Jésus-Christ, qui font l'alliance de l'Église avec son Chèf, qui est le même Jésus-Christ, que la fontaine, où se faisoit la rencontre du serviteur et de Rebecca, figuroit les eaux du Baptême, où se faisoit le, com mencement de l'alliance spirituelle, que l'on contracte avec Jésus-Christ, dans le baptême. Les joïaux, que le serviteur donna Rebecca, figuroient l'obéissance et les bonnes oeuvres des fidèles, que Laban, frère de Rebecca, qui reçut le serviteur, et qui eut soin de lui fournir la nourriture, aussi bien qu'à ses bes tiaux de la paille et du foin, figuroit ceux, qui don nent une partie de leurs biens temporels, pour faire subsister les prédicateurs de l'Evangile, et enfin, que Isaac, sortant de la maison, pour aller au devant de sa Maitresse, figuroit le fils de Dieu, qui quitte pour ainsi dire le ciel, pour venir au monde. Voilà cer tainement de belles imaginations. Est-il possible qu'un docteur, et qu'un si fameux docteur que celui-là, ait pu s'amuser dire de telles sotises Ce n'est pas tout! La collision, qui se fit des deux enfans dans le Geu. 24. 549 ventre de Rebecca, auparavant que d'accoucher, fi guroit, dit le même Docteur Augustin, la collision, c'est dire la mauvaise intelligence, les débats et les contestations, qui sont entre les bons et les mé dians, dans le ventre de Rebecca, c'est-à-dire dans le sein de l'Eglise, qui est leur mère commune. Ser mon. 78 de temp. Les deux enfans mâles, qui sortoient de son ventre, figuroient, dit Dieu lui-même, deux peuples, qui en devoient naître et qui seroient divisés, et sur ce qui est dit, que le plus grand ser viroit le plus petit, cela figure que les méchans, qui sont en plus grand nombre et les plus forts, serviroïent les bons et les élus, qui sont en plus foibles et les plus pe tits en nombre mais comment les méchans, qui sont en plus grand nombre et les plus forts, servent ils les bons, qui sont les plus foibles et les plus petits? Il semble au contraire, qu'ils s'élèvent au-dessus d'eux et qu'ils les opriment. C'est, dit S. Augustin, en ce que les méchans exercent la vertu et la patience des justes, et qu'ils leur donnent souvent occasion de mériter beaucoup et de faire un grand progrès dans la vertu. Augustin. Epist. 157 et Serm. 78 de temp. L'action, que fit Jacob, "J* en se revêtant de peau de bouc, pour paroitre velu, comme son frère Esaû, et pour tromper, par ce moïen, son père Isaac, qui avoit perdu la vue, figuroit Jésus-Christ, qui s'est volontairement revêtu d'une chair humaine, pour por tes les péchés des autres. Et en ce qu'il dit ensuite son père, qu'il étoit son premier né et son fils Gen. 25. Md. 27. 550 Esaù, il figuroit le peuple des Gentils, qui devoient entrer en l'héritage du Seigneur, en la place des Juifs. Orig. hom. 5. Hilarius in Psalm 154. Ambrois. liv. tit (îontra Marcianum, et August. en plu sieurs endroits. Les bénédictions, qu'Isaac donna Jacob, en lui disant: det tibi Deus de rore coeli et depinguedine abundantiam frumenti et vini.... et celle qu'il donna ensuite Esaù, disant in pinguedine terrae et in rore coeli desuper erit benedictio tua, ne furent pas sans mistères, disent les St. Pères. Car Jacob figuroit l'Eglise Chrétienne, laquelle est promis, prémière ment le Roïaume du ciel et ensuite les biens tempo rels, et Esaû figuroit les Juifs, auxquels sont promis, prémièrement les biens temporels et ensuite les éter nels. Voilà qui est bien subtil L'échelle, *J* que vit Jacob, en dormant, par laquelle les Anges montoient et descendoient, figuroit la des cente du fils de Dieu en ce monde-ci, par son incar nation. Les divers dégrés de cette échelle sont les diverses générations de Jésus-Christ, qui nous sont marquées par S. Mathieu et par S. Luc, l'un faisant sa généalogie en descendant, et l'autre en montant, depuis Jésus-Christ jusqu'à Dieu, qui créa Adam. Theod. Thers. et Aug. Serm. de temp. La pierre, que ce même Jacob dressa en cet en droit-là, en mémoire de ce qu'il avoit vu et enten du, et l'huile, qu'il versa sur cette pierre, figuroit Jésus-Christ, qui été oint d'une onction préféra Gen. 27. 28, 39. Gen. 28. 351 blernent tous les autres. Prae consortibus suis. Aug. in Ps. 44 et Serm. de temp. 79. Le nom, que Jacob donna ce lieu, en Tapellant Bethel, c'est-à-dire Maison de Dieu, flguroit la véri table Eglise des Fidèles, qui toujours été la de meure et la porte, par laquelle on entre dans le ciel. Lia et Rachel, qui étoient les deux femmes de Ja cob, figuroient la sinagogue et l'Eglise Chrétienne. -Lia, qui étoit laide et chassieuse, figuroit la sinagogue, qui étoit pleine d'imperfection, et Rachel, qui étoit belle, iiguroit l'Eglise Chrétienne, qui est sans rides et sans taches, et Jacob, qui servit longtems pour avoir ces deux femmes, figuroit Jesus-Christ, qui servi sur la terre, pour gagner lui la Sinagogue, aussi bien que son Eglise. Justin. Dial. contra Triph. Hieron. Epist. 11. Joseph, fils de Jacob, été, disent les St. Pères, presque dans toutes ses actions, une figure de JésusChrist. Il est né, disent-ils, dans la vieillesse de ses Parens, pour marquer que Jésus-Christ naitroit vers la fin des siècles, dans la vieillesse du monde. Il étoit plus aimé que ses frères, pour marquer l'amour infini du Père éternel envers son divin Fils unique. Il étoit revêtu d'une robe de diverses couleurs, pour marquer, que le fils de Dieu seroit revêtu d'une nature humaine, ornée de toutes sortes de perfections et vertus. Il va ses frères, pour figurer que le fils de Dieu viendroit visiter les hommes, qui sont ses frères selon la chair. Les récits de ses songes Geu. 37. 552 lui attirent la haine de ses frères, de même JésusChrist s'est attiré la haine des Juifs, par les reproches qu'il leur faisoit de leur vie et de leur aveuglement, les songes qu'il eut et qui lui représentèrent qu'il seroit élevé en gloire et adoré, figuroient la Résurrec tion et l'Ascension glorieuse de Jésus-Christ dans le ciel et qu'il seroit adoré par les nations. Ses frères pensèrent le faire mourir, de même les Juifs pen sèrent faire mourir Jésus-Christ. Ils le depouillèrent de sa robe et la teignirent de sang, pour faire accroire leur père qu'une bête sauvage l'avoit dévoré, figure du même Jésus-Christ dans sa mort, qui fut dé pouillé de son humanité, qui fut teint de son propre sang. Ils le jettent dans une citerne, figure de Jé sus-Christ, mis dans le sépulchre et qui descend dans les enfers. Ils le vendent pour 20 pièces d'argent des étrangers, figure de Jésus-Christ, vendu par Judas 50 pièces aux Juifs. Il est conduit en Egypte par ces étrangers, figure de Jésus-Christ, conduit par les Nations étrangères, par la prédication de sa pa role. Après beaucoup de traverses et de souffrances il est élevé aux prémiers honneurs dans l'Egypte, figure de Jésus-Christ, élévé au plus haut des cieux, après beaucoup de traverses et de souffrances dans ce monde-ci. Hieron. lib. adversus Jovin. Tertul, lib. contra Jud. cap. 10 et lib. contra Marc, cap. \8. Ambros. lib. de Joseph, et Aug. Serai. 81 de temp. Voilà bien des sotises, que disent tous ces grands hommes. FIN DU PKEMIER VOLUME.








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