L'Évangile de la raison  

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-'''[[l'Évangile de la raison]]'''+'''[[l'Évangile de la raison]]''' (1765) is a text by [[Voltaire]] which features extracts from the testament of [[Meslier]].
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l'Évangile de la raison (1765) is a text by Voltaire which features extracts from the testament of Meslier.

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Des Pieces conzàriue: dans ce P311177”. Tefiament' de 'Jean 'Meflîer. Catéchiſme 'de lflonnê'te-Hommtd Semen des cinquante. DFYÔÏŸWŸWÏZ Examen dé la Religion; U” …MAE saülôtDavidó PNY/Nx» u' 2_ï1153' x. ._ f. .". h- \‘ AA 5x,- UJUL( YEN “HN-ck _’ ‘A Jji_ '"4 __. ï_ i7? …ÏÛ_Yæ'J (U \X1—- .LN4' "vL. Pc; 'Û.g (__^.'~LJ‘_ \u U_’x ?j "U ſſ _L îgr*' (iii) TESTAMENT DEz JEAN MESLIER. NOUVELLE ÉDITION. -.î x.: __ABRÊGÉ DE LA VIE DE DAÛTEUR. '_ Ean Meſſier, Curé a'e Trépigny E9” de But en Champagne, natif du Village de Mazerni, dépendant_ du Duché de Mazarin était le fils d'un Ouvrier en ſerge; élevé la Campagne, il néanmoins fait ſes études E? eſt parvenu la Prëtrffi. Etant au Séminaire, où il vécut avec beaucoup Je régularité il .Wattaeba au ſy/Zéme de Deſcartes Ses mœurs ont paru irréproebables faiſant ſou-ven: l’aumóne; fail/eur.: très-ſbbre, tant ſur ſa bouche que ſur les fèlnmes. íV Mrs. Voiry C5" De Lavaux, l'un Curé ele Va, ê” (autre Curé [le Boutzicourt, étoientſtzs Confeſſeurs ET" les ſeuls qzſilfréquentoit. Il etoit flzulement rigide partiſan de laijuſlice, E9” pouſſait quelquefois ce zdle un peu trop loin. Le Seigneur !le ſim_ Village., nomme le Sr. de Touilly, ayant maltraité quelques Payſans, il ne voulut pas ._ _le recommander nommément au‘Prâne AIT. ile Mailly, Archevêque de Rlzeims, devant qui la cons_ teſlation fut portëe,zl'y condamna. Mais le Dinzaiz çbe qui ſhiivit cette deciſion, ce Cure' monta en Chaire ê” fe plaignit de la ſentence du Cardinal. .“ Voici, dit-il; le ſort ordinaire des pauvres_ Cures ele (Iam ,, Pctgfle; les Archevêque.” qui ſont de grands Sei .,, gneurayles nzéprfflnt C9” ne les écoutent pas. Re ,, _commaadons donc le Seigneur de ce lieu. Nous m. prierons Dieu pour Antoine. De ot-Lilly; quil le ,, contertiſſé, C9” lui faſſe la grace de ne point mal óz' Üïffiè'tflf le P1154717? C9”. dépouiller Forplaelin. Q8 5641457161113 preſſant cettemortiſiante recomæ 'mandation, en porta de nouvelles plaintes au même -dïçÿezéïqztenquí fit venir lo-Sieur Meſlier a' Don chery où il ſe ntaltraita [le paroles. Il n'a guère: eu eſepuis fautres événenjens dans ſa vie, ni d'autre bénéfice que celui de répigny. .Les principaux de _ſes Livres étaient la Bible, .un Ilfforeri, un Montaigne 65° quelques Peres; ce 1z'eſi que dansſa lecture [le la Bible C5” des Peres qu'il,puiſa ſes ſhntimens. .Il en fittroiscopies de ſa main, l'une deſquellesfutportée au Garde [les Sceaux de France; ſur laquelle on tiré FExtrait ſuivant. .Son MS. e/l atlreſſ? Mr. Le Roux, Procureurî? Avocat en Parlement ,' Mezieres. Il e/Z écrit autre cote d'un gros papier gris qui ſert tl'enveleppe. j'ai vu C9” reconnu les er ,, reurs, les abus, les vanités, les folies E9” les me' ,, clyancetés iles hommes; je les ai hais ê” déteſtes: ,, je ne l'ai oſe' dire pendant ma vie, mais je le n'i ,_, rai au moin.; en mourant E9” après nta mort,- E9” ,, c'eſZ afin qu'an.le ſache, que je fais ê” écris le ,, préſent Mémoire, afin qu'il puiſſe ſervir de tc' ,, ónoignage de .verité a" tous ceux qui le verront, é? qui le liront, ſi bon leur ſemble. On. auſſi trouve' parmi les Livres cle ce Cure', un imprime [les Traités a'e Mr, aïe Fenelon Archevêque de Camlaray (Edit. de 171 8.) ſur !Exiſtence de Dieu Vi ê' ſur ſe|- attributffläz” les Reÿïexions du P. our nemine, Îéſuite, ſur lZ-ítbéiſme, auxquels raités il mis ſes notes en marge ſignées de ſa main. Il avoit écrit deux Lettres 'aux Curés de ſon 'voi' finage, pour leur faire part de ſes ſentimens, Ûîc. Il leur dit qu'il conſigné au Greffe de la _Fu/lice de ſa Paroiſſe une Copie de ſon Ecrit en 366 feuil lets in~8vo., mais qu'il craint qu'on'ne la ſupprime, ſuieïant le mauvais uſage établi, d'empécber que les ſimples ne ſhient inſtruits, E? ne connaiſſent la *vé rite'. *’* Ce Curéa travaillé toute ſa wie en ſecret, pour .attaquer toutes. les opinions qu'il eroyoit fauſſes. Il mourut en 1733, âge' de 55 ans:on cru que, dégoute' de la wie il s'était exprès refuſé les alinzens néceſſaires, parce qu'il ne voulut rien prendre, pas ntéme un 'verre de uin. Par ſhn teſtament, il donné tout ce qu'ilpoſſè'- doit, qui n'était pas conſidérable, a' ſes Paroiſſiens, f5” il prié. qu'on l'enter_ra’t dans ſon Jardin. Sainte Menehoult. On dit que le Grand-Vicaire de Rheuns s'eſt emparé de 1a troiſieme Copie. (vii) zH/ANT-PROPOS VÛUs connoiſlëz', mes Freres, mon défintéreſſœ ment; je ne ſacrifie point ma croyance un vil intérêt. Si j'ai embraſſé une profeſſion ſi directement: oppoſée mes ſentimens, ce n'eſt point par cupidité; _fai obéi mes parens. Je vous aurois plutôt éclairész j'avoís pu le faire impunéinent. Vous êtes témoins 'cie ce que ſavante. Je n'ai point avili mon Miniſtere _en exigeant des rétributions qui ſont attachées. J'atteſte le Ciel; que j'ai auſſſſouverainement iné'-ñ priſé ceux qui ſe rioient de la ſimplicité des Peuples aveuglés, leſquels foumiſſoient pieuſement des ſom Înes conſidérables pour acheter des‘prîeres. Combien n'eſt pas horrible ce monopole! Je ne blâme pas le mépris que ceux qui äengraiſſent de vos ſueurs &t de vos peines, témoignent pour leurs myſtères &leurs ſuperſtitions mais je déteſte leur inſatiable cupidité.; 8c l'indígne plaiſir que leurs pareils prennent ſe rail ler de l'ignorance de ceux qu'i_ls ont ſoin 'd'enti'etenii' dans cet état d'aveuglement. Qu'ils ſe contentent'de rire de leur propre aiſance; mais qu'ils ne multiplient pas du moins les erreurs en äbuſant de l'aveugle piété 'de ceux qui par leur ſimpli cité leur procurent une vie ſi commode. Vous me rendez,_ ſans doute.; mes Freres; la juſtice qui m'eík due. La' ſenſibilité que j'ai témoigné'e pour vos pei nes, me garantit du moindre de vos ſoupçons. Cort bien de ſois ne me ſuis-je point acquitté gratuitement: des fonctions de mon Miniſtere? Combien de fois auffi ma tendreſſe n'a-t-clle pas été àfflígée de ne pouvoir yousſecourii-.auffi ſouvent &tauſſi abondamment qtreje l'aurois ſouhaité? Ne vous ai-je pas toujours prouvé que je prenois plus de plaiſir donner qu'à'recevoir?]'ai évité avec ſoin de vous exliorter la bigoterie &t je .ne vous ai parlé qu'auffi rarement qu'il m'a été poſſi ble dc nos. malheureux Dogmes. Il fitlloit bien que je mïtcquitaí’ſe’, comme Curé, de mon Miniſtere: mais àuſſi combien n'ai-je pas ſouffert en moi-même loríct que j'ai été forcé de vous prêcher ces pieux menſonges que je déteſtois dans le cœur? Quel. mépris nlavois-je pas pour mon Miniſtere &t particulièrement pour cette ſuperſtitieuſc Meſſe, &t ces ridicules adminiſtra tions de Sacrcmens, ſur-tout lorſqu'il falloit les faire avec cette ſolemnité qui attiroit votre piété &c toute votre bonne foi?'Que .de remords n'a point excités en. inoí votre crédulité? Mille fois ſur le point d'éclater pu bliquement j'allois deſſiller vos yeux; mais une crainte ſupérieure mes forces me contenoit ſoudain, 6c m3 forcé au ſilence juſqu'à ma mort.- ‘. l‘ËXTR AIT 'Z (l)ï .EXTRAIT 'DES SENTIMENS DE JEAN MESLIER, Adreſſes ſes Paroiffiens, ſur une partie des abus &ades erreurs en général 8c en particulier. l. CHAPITREI, I”. Preuve, tirée des motifs qui ont porte les hommes établir une Religion. Omme il n'y aucune ſecte particuliere de Religion, qui ne prétende être véritablement fondée ſur l'autorité de Dieu, &Z entiérement exempte de toutes les erreurs &c impoſtures qui ſe trouvent dans les autres, c'eſt ceux qui prétendent établir la; vérité de leur ſecte, faire voir qu'elle eſt d'inſtitu tion divine par des preuves &t des témoignages clairs &t convaincans; faute de quoi il faudra tenir pour certain qu'elle n'eſt que d'invention humaine, pleine d'erreurs &l de tromperîes. Car il n'eſt pas croyable qu'un Dieu _tout-puiílànt, infiniment bon auroit voulu donner des .loix &t des ordonnances aux hommes, &c qu'1l n'auro1t pas voulu qu'elles portaſſent des mar qufis pàus ſûres ſt&z _plus euſtentiqueís de vârité [que ce es es_lmpo eurs qui ont en gran nom re. Or il n'y aucun de nos Chriſiicoles, de quelque_ ’( Îecte qu'il ſoit,ïq‘ui puiſſe faire .voir, par des preuves claires, que ſa Religion ſoit véritablement d'inſtitu tion divine; &tpour preuve de cela c'eſt que depuis tant de fiecles qu'ils ſont en conteſtation ſur ce ſujet les uns contre les autres', même juſquît ſe perſécuter. feu &t ſang pour le maintien de leurs opinions il n'y eu cependant encore aucun parti d'entre eux, qui ait pu convaincre &t perſuader les autres par de tels témoignages de vérité; ce qui ne ſeroit certaine' ment point, s'il avoit de part ou d'autre des raiſons ou des preuves claires &L ſûres d'une inſtitution divine_. Car comme'perſonne, d'aucune ſecte de Religion., éclairée &t de bonne foi, ne prétend tenir &t favoriſer l'erreur &t le menſonge &t qu'au contraire chacun de ſon côté prétend ſoutenir la vérité, le véritable moyen de bannir toutes erreurs, &t de réunir tous les hom mes en paix dans les mêmes ſentimens &c dans une même forme de Religion, ſeroitde produire ces preu ves 8c ces témoignages convaincans de la vérité, &c ïde faire voir par-là que telle Religion eſt véritablement d'inſtitution' divine', &t non pas aucune des autres. Alors chacun ſe rendroit cette vérité, &t perſonne n'oſeroit entreprendre de combattre ces témoignages, ni ſoutenir le parti de Terreur &t de l'impo\'cure,qu'il ne ffit en même-tems confondu par des preuves con traites. Mais comme ces preuves ne ſe trouvent dans aucune Religion cela donne lieu aux _ímpoſteurs d'in venter &t de ſoutenir hardiment toutes ſortes de menù ſonges. Voici encore d'autres preuves quine feront pas moins clairement voir la fauſſeté des Religions hu— maines, 6c ſur-tout la fauſſeté de la nôtre; '(3)'. CHAPITRE II. IIe. Preuve tirée des Erreurs de la_ Foi. Toute Religion qui poſe pour fondement de l'es myſteres qui prend pour regle de ſa Docs trine &t de ſa morale, un principe d'erreurs', &è qui eſt même une ſource funeſte de troubles &t de diviſionè éternelles Parmi les hommes ne peut-être une véri table Religion ni être d'inſtitution divine'. Ol' leà Religions humaines', &t principalement la Catholique; poſe pour-fondement de ſa Doctrine &c de ſa morale 'un principe d'erreurs'. Donc, &tc;Je ne vois pas qu'on puiſſe nier la premiere propoſition de cet argumentâ elle eſt trop claire &t trop évidente pour pouvoir en douter. _le paſſe la preuve de la ſeconde propoſij

tion, qui eſt que la Religion Chrétienne prend pour

.regle de ſa Doctrine &t de ſa morale ce qu'ils appel lent foi; c'eſt-à-dire, une créance aveugle; mais ce' ’pendant ferme &t aſſurée, de quelques Loix ou dé 'quelques révélations divines, 6c de quelque Divinité; Il faut néceſſairement qu'elle le ſuppoſe ainſi; car 'c'eſt cette créance de quelque Divinité &t de quelques? révélations divines; qui donne tout le crédit &t toute' l'autorité qu'elle dans le monde; ſans quoi on né feroit aucun état .de ce qu'elle preſcriroit. C'eſt pour# 'quoi il n'y point de Religion. qui ne recommande expreſſément ſes ſectateurs (*) d'être fermes dans leur foi. Delà vient que tous les Chriſticoles tiennent: pour maximes que la. .foi eſt le commencement &t le' fondement du ſalut, &c qu'elle eſt la racine de tout-é juſtice &t de tou'te ſanctification ,comme il eſt marqué dans le Concile de Trente', Seſſï 6. chap. 8. (*) Eſtate fort” i” ſida; '( 4' Or i1 eſt évident qu'une cré nce aveugle de tout ce'qui ſe propoſe ſous .le nom êc l'autorité de Dieu, eſt un principe d'erreurs &t de menſonges. Pour preu ve, c'eſt que l'on voit qu'il n'y aucun impoſteur en matiere de Religion ., qui ne prétende ſe couvrir du nom de l'autorité de Dieu, neſe diſe particuliére ment inſpiré &t envoyé de Dieu. Non-ſeulement cette foi &c cette créance aveugle qu'ils'poſent pour fonde ment de leur Doctrine, eſt un principe d'erreurs, &te; mais elle eſt auſſi une ſource funeſte de troubles &t de diviſions parmi les hommes pour le maintien de .leurs Religions. Il n'y point de. méchancetés qu'ils

  1. exercent les uns contre les autres, ſous ce ſpécieux

prétexte; Or il n'eſt pas croyable qu'un Dieu tout-puiſſant, infiniment bon &t ſage, voulùt ſe ſervir d'un tel moyen ni d'une voye ſi trompeuſe pour faire connoître ſes volontés aux hommes; car ce ſeroit manifeſtement vouloir les induire' en erreur, &c leur tendre des pie ges, pour leur. faire embraſſer le parti du menſonge. Il n'eſt pareillement pas croyable qu'un Dieu quiï ai meroit l'union 6c la paix le bien &t le ſalut des hom mes, eût jamais établigpourfondement de ſa Reli gion, une ſource ſi fatale de; troubles &c de diviſions éternelles parmi les hommes. Donc des Religions pa reilles ne peuvent être véritables, ni avoir été inſti tuées de Dieu. Mais je vois bien que nos Chriſticoles ne manque ront pas de recourir leurs prétendus motifs de cré dibilité, &t qu'ils diront que quoique leur foi &leur créance ſoit aveugle en un ſens elle ne laiſſe pas néanmoins d'être appuyée par de ſi clairs &t ſi convain cans témoignages de vérité que ce ſeroit non-ſeule— ment une imprudence mais une témérité &c une grande folie de ne pas vouloir s'y rendre. Ils réduiſent ordinai. _R (s) rement tous ces prétendus motifs trois ou quatre chefs. Le premier, ils le tiennent de la prétendue ſainteté de leur Religion qui condamme le vice &c qui recom mande la_ pratique de la vertus Sa doctrine eſt ſipure, ſi ſimple, ce qu'ils diſent, qu'il eſt viſible qu'elle ne peut venirque de la pureté 6E de la ſainteté d'un Dieu infiniment bon &t ſage. Le ſecond motif de crédibilité, ils le tirent de l'in nocence êE de la ſainteté de la vie de ceux qui l'ont embraſſée avec amour, &t défendue juſqu'à ſouffrir la mort &c .les plus' cruels tourmens, plutôt que de l'a-’ bandonner n'étant pas croyable. que de ſi grands pet ſonnages le ſoient laiſſés tromper 'dans leur créance, qu'ils avent renoncé tous les avantages de la vie &c ſe ſoient expoſés de cruelles perſécutions, pour ne maintenir que des erreurs &t des impoſtures. Ils tirent leur-troiſieme motif de crédibilité des ora cles &c des prophéties qui ont été depuis ſi_ long-tems rendues en leur faveur., &c qu'ils prétendent accom plies d'une façon n'en point douter. Enfin leur quatriemç motif de crédibilité, qui eſt comme le principal de tous, ſe tire de la grandeur &C dela multitudedes miracles faits en tout tems 6c en tous lieux en faveur de leur Religion. Mais il eſt facile de rcfuter tous ces vains raiſonne mens, &t de faire connoître la fauſſeté de tous ces té moignages. Car, 1°. les argumens que nos Chriſticoles tirent de leurs prétendus motifs de crédibilité, peu vent également ſervir établir &t confirmer le men ſonge comme la vérité car l'on voit effectivement qu'il n'y point de Religion, fauſlë qu'elle puiſſe être qui ne prétende s'appuyer ſur de ſemblables mo tifs de crédibilité; il n'y ’en point qui ne prétende avoir une doctrine ſaine &C véritablÂa, 6c, au moins z‘f C6.). qu_ \à maniere,, qui ne condamne tous les vices &t ne recommande la pratique 'de toutes les. vertus; il n'y en point qui n'ait eu de doctes &t zélés défenſeurs, qui. ont ſouffert de rudes perſécutions pour le main-ſ tien 6c la défenſe de leur Religion; &t enfin il n'y'en point qui ne prétende avoir des prodiges &c des miz iſacles qui ont été faits en leur faveur. ſi ſi' Les Mahométans 'les ‘Indiens, les Païens en allez êſiljrétiens. ent en faveur Si nosdeChriſticolcs leurs Religions, ft état auſſi-bien de lursquemiraz les çles&; de leurs prophéties, il ne s'en trouve pas moins dans. les Religions Païennes que dans la leur. Ainſi l'avantage que l'on pourroit tirer de tous ces préten motifs de crédibilité, ſe trouve à-peu-près égale: ment dans toutes ſortes de Religions. Cela, étant, comme toutes les hiſtoires &c la pratió quede toutes‘les Religions le démontrent, il s'enſuit évidemment que tous ces prétendus motifs de crédi bilité dont nos Chriſticoles veulent tant ſe prévaloir, ſe trouvent également dans toutes les Religions, &c par'. conſéquent ne peuvent ſervir de preuves &t de témoiz g'nages aſſurés de la vérité de leur Religion, non plus, que de la vérité d'aucune; la conſéquence eſt claire., 2°. .Pour donner une idée du rapport des miracles du Paganiſme avec ceux du Chriſtianiſme, ne pour-. toit-on pas dire, par exemple ,_ qu'il auroit plus de raiſon de croire 'Philoſtrate, en ce qu'il récite dans le 8°. livre de la. vie d'Apo,llonius que de croire tous. les_ Evangéliſtes enſemble, dans ce qu'ils diſent des mi-. racles de J. C3? parce que l'on ſait. au moins que Phi-. loſtmte'étoit un. homme d'eſprit, éloquent 6c diſert; qu'il étoit Secretaire de l'lmpérat‘rice Julie femme de lſlî‘mp'ereur Sévere, que ç'a été àla ſollicitation de cette Impératrice qu'il écrivit la vie &t les actions uietveilleuſes d'ApollOnius: marque certaine que cet, (7) Apollonîus s'étoit rendu fameux par de giandesà ,ex traordinaires actions, puiſqu'une Impératrice étoit ſi curieuſe d'avoir ſa vie par écrit; ce que l'on ne peut nullement dire de J. C. ni de ceux qui ont écrit ſa vie: car ils n’étoient que des ignorans, gens de la lie du peuple, de pauvres mercenaires, des pêcheurs, qui rſavoient- pas ſeulement l'eſprit de raconter de ſuite. 6L par ordre les faits dont ils parlent, &c qui ſe contrediſent même très-ſouvent,&t très-groſſiérement. l'égard de celui dont ils décrivent la vie 6c les. actions s'il avoit véritablement fait les miracles qu'ils lui attribuent,, il ſe ſeroit infailliblement rendu très-re commandable. par ſes belles actions; chacun l'auroit admiré, &t on lui auroit érigé des ſtatues, comme on l'a fait en .faveur des Dieux mais, au-lieu. de cela on l'a regardé comme un homme de néant, un, fana-, tique ,, &Ce. Joſeph l'Hiſtorien,. après avoirparlé des plus grands miracles rapportés en faveur de ſa nation &t de ſa Re-, ligion, en diminue auffi~tôt la créance, êc la rend ſuſi pecte en diſant qu'il laiſſè chacun la liberté d'en. croire ce qu'il voudra', marque bien certaine qu'il n'y ajoutoit pas beaucoup de foi. C'eſt auſti ce qui donne. lieu aux plus judicieux, de regarder les hiſtoires qui. parlent de ces ſortes de choſes comme des nartations. fabuleuſes… Voyez Montai &c l'auteur de l'ApolO-. gie des grands Hommes. gifpeut auffi voir la relation des Miſſionnaires de l'Iſſe de Santorini il trois.. chapitres de ſuite ſur cette belle matiere., Tout ce que l'on peut dire à, ce ſujet, nous fait.: clairement voir que les prétendus miracles ſe peuvent' également imaginer en faveur dugvice 8c du menſonge. comme en faveur dela juſtice &c de la vérité. Je le trouve par le témoignage de ce que nos Chriſ’è ticoles. mêmes appellent la. parole de Dieu-hé; par le. Ad. 4, )_ témoignage de celui qu'ils adorent; car leurs livres qu_'ils diſent contenir la parole de Dieu, &t le Chriſt lui—même qu'ils adorent comme un Dieu fait homme, nous marquent expreſſément, qu'il y>a non-ſeulement de faux Prophetcs, Ceſt-à-dire des Impoſteurs, qui ſe diſent envoyés de Dieu &c qui parlent en ſon nom mais nous marquent expreſſément encore qu'ils font &t qu'ils feront de ſi grands de ſi prodigieux miracles, que peu S'en faudra que les Juſtes n'en ſoient ſéduits. Voyez fllatb. 24. 5. 11. 27. ailleurs. _])e plus ces prétendus faiſcurs de miracles veulent qu'on ajoute foi ,_ &t non ceux que ſont les autres d'un parti contraire au leur, ſe détruiſant les uns les autres. Un jour un de ces prétendus Prophetes nommé Sé décias, ſe voyant contredit par unï autre appellé Mi chée, celui-là_.donna un ſoufflet celui-ci, &t lui dit plaiſamment.: (*) Par quelle voye l'eſprit de Dieu ,, a-t-il paſſé de moi pour aller toi? “- ïVoyez encore 3. Reg. 18. 40. autres. lVlais comment ces prétendus miracles ſeroient-ils des témoignages de vérité, puiſqu'il eſt clair qu'ils n'ont pas été faits car il faudroit ſavoir 1°. ſi ceux que l'on dit être les premiers Auteurs de ces narra tions, le ſont véritablement; 2°. s'ils étoient gens de probité ._ dignes de foi, ſages éclairés &t s'ils n'é toíent point prévenus en faveur de ceux dont ils par lent ſi avantageuſement; 3°. s'ils ont bien examiné rou tes les circonſtances des faits qu'ils rapportent, s'ils les ont bien connues,&t s'ils les rapportent bien fidé lement; 4°. ſi les livres ou les hiſtoires anciennes qui rapportent tous ces grands miracles, n'ont pas été fal ſiſiés &t corrompus dans la ſuite du_ tems comme quantité d'autres l'ont été. (') II. Pflffll. 18.' 23. _— Que l'on conſulte Tacite &t quantité d'autres céle bres Hiſtoriens, au ſujet de Moiſe !SC de ſa nation, on verra qu'ils ſont regardés comme une troupe de voleurs &t de bandits; La Magie &l'Aſtrologie étoient pour lors les ſeules ſciences la mode; &L comme Moïſe étoit dit-on, inſtruit dans la ſageſſe des Egyp tiens il ne lui fut pas difficile d'inſpirer de la vénéra tion &t de l'attachement pour ſa perſonne aux enfans de Jacob, ruſtiques 6c ignorans, &t de leur faire em braſſer dans la miſere où ils étoient la diſcipline qu'il voulut leur donner. Voilà qui eſt bien différent de ce que les Juifs ;St nos Chriſticoles nous en veu lent faire accroire. Par quelle regle certaine connoî tra-t-on qu'il faut ajouter foi ceux-d plutôt qu'aux autres Il n'y en certainement aucune raiſon v-rai ſemblable. Il auſſi' peu de certitude ,’ &t même de vraiſem blance ſur les miracles du Nouveau Teſtament'que ſur ceux de l'Ancien pour pouvoir remplir les condi tions précédentes. Il ne ſerviroit de rien de dire que les hiſtoires qui rapportent les faits contenus dans les Evangiles, ont été regardées comme ſaintes &t ſacrées, *qu'elles ont toujours été fidélement conſervées ſans aucune altéra— tion des vérités qu'elles renferment puiſque c'eſt peut-être par-là même qu'elles doivent être plus ſuſ pectes &c d'autant plus corrompues par ceux qui pré tendent en tirer avantage ou qui craignent qu'elles ne leur ſoient pas aſlèz favorables; l'ordinaire des auteurs qui tranſcrivent ces ſortes d'hiſtoires étant d'y ajou ter, d'y changer ou d'en œtrancher tout ce que bon leur ſemble pour ſervir leur deſſein. C'eſt ce que nos Chriſticoles mêmes ne ſauroient nier, puiſque, ſans parler de pluſieurs autres graves per ſonnages qui ont reconnu les additions ,les retranchc 1° mens Gt les falfificatíons qui ont été fiaites en différens tems ce qu'ils appellent leur Ecriture Sainte leur ſain-t Jérôme fameux Docteur parmi eux dit for mellement en pluſietus endroits de ſes prologues, qu'elles ont été corrompues &t falſifiées, étant dejà de ſon tems entre les mains de toutes ſortes de perſonnes ,. qui ajoutoient &c en retranchoient tout ce que bon leur ſelmbloipſffeén ſorte qu'il yavoit, dit-il,autant.d'exem~ paires Voyez ſesrents Procllogues u'il avoit Paulinde différentes ſa Préface coſmPJoies. ſué ſon Epître Galeate, ſa Préface ſur Job, celle ſur les Evangiles au Pape Damaſe celles ſur les Pſeaumes Paul Euſtachium, Ccc., Touchant les Livres de l'Ancien Teſtament en par-. ticulier Eſdras, Prêtre de la Loi ,,, témoigne lui-mêñ me &Ityoir cqrrigé &t remis dans leur entier les préten-ñ dus ivres acrés de ſa Loi, qui avoient été en partie. perdus &t en part-ie corrompus. Il les diſtribua en XXII. Livres ſelon lp-nombre des Lettres Hébraïques, &t compoſa pluſièursautres Livres dont la doctrine ne devoit ſe communiquer qu'aux ſeuls ſa es. Si ces Li vres ont été partie perdus, partie conânpus, commc le témoignent Eſdras &t le Docteur ſaint Jérôme, en. tant d'endroits, il n'y donc aucune certitude ſur ce ,. qu Lls contiennent, &t quant ce qu Eſdras dit les avoir corrigés 6c remis en leur entier par l'inſpiration de Dieu même, il n'y aucune certitude de cela, &t il n'y point d'impoſteur qui n'en puiſſe dire autant._ Tous les Livres de la Loi de Moïſe &t des Pro phetes, qu'on put trouver, furent brûlés du. temps d'Antiochus. Le Talmud, regardé par les Juifs comme. un Livre ſaint ê; ſacré &L qui contient toutes les Loix, divines, avec les ſentences &t dits notables des Rabins leur expoſition tant ſur les Loix divines qſſhumaines,, ôëuncæiuwcité prodigieuſe dîaucxes.ſec.rets\&ñmy.flez '\ cu) res de la Langue Hébraïque eſt regardé par les Chré tiens comme un Livre farci de rêveries, de fables, d'impoſtures &t d'impiétés. En l'année 1559. ils firent brûler àRome parle commandement des lnquifiteurs de la Foi, douze cents deces Talmuds trouvés dans une Bibliotheque de la Ville de Crémone. Les Phariſiens qui faiſoîent parmi les Juifs une fa meuſe Secte, ne recevoient que les cinq Livres de Moïſe, &E rejettoient tous les Prophetes, Parmi les Chrétiens Marcion &ſes ſectateurs rejettoient les Li vres de Moiſe &les Prophetes, GC introduiſoient d'au tres Ecrituresàleur mode. Carpocrate &tſes ſectateurs en faiſoient de même &t rejettoienttout l'Ancien Teſtament, &t maintenoient que Jeſus-Chriſt n'étoit qu'un homme comme les autres. Les Marcionitcs&tles Souverains réprouvoient auſſi tout l'Ancien Teſtament comme mauvais ,. &t rejettoient auſti la plus grande par tie des quatre Evangiles &t les Epitres deſaint Paul. Les Ebionites n'admettoient que le ſeul Evangile de St. Matthieu, rejettant les trois autres ,g &t les Epitres de St. Paul. Les h/Iarcionites publioient un Evangile ſous le nom de St.. Matthias pour confirmer leur Doctrine.’ Les Apoſtoliques introduiſoient d'au tres Ecritures, pour maintenir leurs erreurs, &t pour cet effet ſe ſervoient de certains actes, qu'ils attri buoíentà St, André&t St. Thomas., Les Manichéens,. Cbron. pag. 287, écrivirent un Evangile àleur mode &t rejettoient les écrits des Pro phetes &c des Apôtres. Les Etzſaites débitoient un certain Livre, qu'ils diſoient être venu du Ciel; ils.; uonçonnoient' les autres Ecritures leur fantaiſie. Origene même avec tout ſon grandpeſprit, !ſe laiſ~ ſoit pas que de corrompre les Ecritures, &t ſorgeoit tous coups des allégories hors de propos, &t ſe dé-. çouxnoit. par_ ce moyen, duæſe,ns des Prophetçséz. des, '(1²) Apôtres, 6c même avoit corrrompu quelques-uns des principaux ’points de la. Doctrine. Ses Livres ſont maintenant mutilés &t falſifiés ce ne ſont plus que pie ces couſues &t ramaſſées par d'autres qui ſont venus depuis; auſſi rencontre-Don des erreurs &c des fautes manifeſtes. Les Allogiens attribuoient l'hérétique Cerinthus, l'Evangile &c l'Apocalypſe de St. Jean; c.'eſt pourquoi ils les rejettoient. Les Hérétiques de nos derniers ſie cles rejettent comme aprocryphes pluſieurs Livres ’que les Catholiques Romains regardent comme ſaints Gt ſacrés comme ſont les Livres de Tobie de Judith, d'Eſther, de Baruc, le Cantique des trois en fans dans la fournaiſe, l'hiſtoire de Suzanne, &t celle de l'ldole de Bel, la Sapience de Salomon, l'Ecclé ſiaſtique’, le premier &t le ſecond Livre des Mucha bées; auxquels Livres incertains-&t douteux on pourroit encore 'en ajouter pluſieurs que l'on 'attribuoit aux au-‘ tres Apôtres, comme ſont, par exemple, les actes de Saint Thomas, ſes circuits, ſon Evangile &t ſon Apo calypſe; l'Evangile de Saint Barthelemy, celui de Saint Mathias celui de SaintJacques celui de Saint Pierre, 6c celui des Apôtres; comme auſſi les geſtes de Saint Pierre, ſon Livre de la Prédication &c celui de ſon Apo-‘ calypſe; celui du Jugement, celui de l'Enfance du Sau veut, &t pluſieurs autres de ſemblable. farine, qui ſont tous rejettés comme apocryphes parles Catholiques Romains, même parle Pape Gélale &t parles SS. PP. de la Communion Romaine. Ce qui confirme d'autant plus qu'il n'y aucun fondement de certitude touchant l'autorité que l'on prétend donner ces Livres, c'eſt que ceux qui en maintiennent la divinité ſont obligés d'avouer.qu'ils n'auroient aucune .certitude pour le fixer, ſi leur foi, diſent-ils, ne les en aſſuroit, Gt ne les obligeoitabſo (13) lument de le croire ainſi. Or, comme la foi n'eſt qu'un principe d'erreur &L d'impoſture, comment la foi, Ceſt-à-dire une créance aveugle, peut-elle ren-' dre certains les Livres qui ſont eux-mêmes le fonï dement de cette créance aveugle? Quelle pitié &c 'quelle démençe Mais voyons ſi ces Livres portent en eux-mêmes quelque caractere particulier de vérité, comme pari exemple d'érudition de ſageſſe &t de ſainteté', ou de quelques autres perfections qui ne puiſſent convenir qu'à un Dieu, &L ſi les miracles qui ſont cités s'accordent avec ce que l'on devroit penſer de la grandeur, de la bonté de la juſtice &t de la ſa geflè infinie d'un Dieu tout-puiffilnt. Premiérement, on verra qu'il n'y aucune éru dition, aucune penſée ſublime, ni aucune production qui paſſe les forces ordinaires de l'eſprit humain. Au contraire on n'y verra d'un côté que des narrations fabuleuſes comme ſont celles de la formation de la. femme tirée d'une côte de l'homme, du prétendu Pa? radis Terreſtre, d'un ſerpent qui parloit, qui raiſon noir, &l qui étoit même plus ruſé que l'homme; d'une âneſlè qui parloit, &t qui reprenoit ſon maître de ce qu'il la maltraîtoit mal-à-propos; d'un Déluge univer-" ſel, &t d'une Arche où des Animaux de toute eſpece étoient renfermés;de la confuſion des Langues &t de' la diviſion des Nations ſans parler de quantité d'au tres vains récits particuliers ſur des ſujets bas &c frivo voles, &t que des 'Auteurs graves mépriſeroient de rapporter. Toutes ces narrations n'ont pas moins l'air de fables que celles que l'on inventées ſur l'induſ trie de Prométhée. ſur la boîte de Pandore ou ſur la guerre des Géans contre les Dieux, &c autres ſembla bles que les Poëtes' ont inventées pour amuſer les hommes de _leur tems. 14 \) D'un autre côté on ,n'y verra qu'un mélange de' quantité de loix &c d'ordonnances ou de pratiques ſu perſtitieuſes touchant les Sacrifices les purifications de l'ancienne Loi, le vain diſcernement des animaux, dont elle ſuppoſe les uns purs les autres impurs. Ces Loix nel ſonä pas plus reſpectables que celles des nations les us olâtres. On n'y verra encore que de ſimples hiſtoires, vraies ou fauſſes, de pluſieurs Rois, de pluſieurs Princes ou particuliers, qui auront bien ou mal vécu ou qui au ront fait quelques belles ou mauvaiſes actions, parmi d'autres actions baſles &Z frivoles qui ſont rappor tées auffi. Pour faire tout cela, il eſt viſible qu'il ne falloit pas avoir un grand génie ni avoir des révélations divines. Ce n'eſt pas faire honneur un Dieu. Enfin on ne voit dans ces Livres que les diſcours, la conduite &c ’les actions de ces renommés Prophe tes, qui ſe diſoient être tout particuliérement inſpirés de Dieu. On verra leur maniere d'agir &c de parler, leurs ſonges, leurs illuſions, leurs rêveries; &t il ſera facile de juger qu'ils reſſèmbloient beaucoup plus des viſionnaires &c des fanatiques, qu'à des perſonnes ſa es &c éclairées. gli cependant dans quelques-uns de ces livres pluſieurs bons enſeignemens &t de belles maximes de morale, comme dans les Proverbes attribués Saè lomon, dans le Livre de la Sageſſe &del'Eccléſiaſ tique; mais ce même Salomon le plus ſage de leurs Ecrivains, eſt auſſi le plus incrédule. Il doute même de l'immortalité de l'ame', il conclucſes ouvrages par dire qu'il n'y rien de bon que de jouir en paix de ſon labeur, &L de vivre avec ce que l'on aime. D'ailleurs combien les Auteurs qu'on nomme pro fanes, Xénophon, Platon, Ciccron, l'Empereur Ans is tonin ?Empereurjulien Virgile, ôtc. ſont-ils au-deiï ſus de ces Livres qu'on nous dit inſpirés de Dieu! Je crois pouvoir dire que quand il n'y auroit, par “exemple que les fables d'Eſope elles ſont certaine ment beaucoup plus ingénieuſes, &t plus inſtructives, que ne le ſont toutes ces groſſieres &c baſſes parabo les, qui ſont rapportées dans les Evangiles. Mais ce qui fait encore voir que ces ſortes de Li vres ne peuvent venir d'aucune 'inſpiration .divine, 'c'eſt qu'outre la baſſèſſe la groſſiéreté du ſtyle, 8c le défaut d'ordre dans la narration des faits particuliers, qui ſont très-mal circonſtanciés, 'on ,ne voit point que les Auteurs s'accordent; ils ſe contrediſent en pluſieurs choſes :ils n'avoient pas même aſſez de lu mieres ni de talens naturels pour bien rédiger une hiſtoire. Volci quelques exemples des contradictions qui ſe trouvent entr'eux. L'Evangéliſte Matthieu fait deſ cendre J. C. du Roi David par ſon 'fils Salomon, juſ qu'à Joſeph, pere au moins putatif de J. C., &t Luc le fait deſcendre du même David par ſon fils Nathan. juſqu'à Joſeph. Matthieu dit, parlant de Jeſus que le bruit s'étant répandu dans Jéruſalem qu'il étoit né unqnouveau Roi des Juifs, &E que des-Mages étant venus le chercher pour l'adorer, le,Roi Hérode craignant que ce pré tendu Roi nouveau ne lui ôtât quelque jour la cou ronne; fit égorger tous les enfans nouvellement 'nés depuis deux ans dans tous les environs de Bethléem, où on lui avoit dit que ce nouveau Roi devoit naître, 6c que Joſeph &t la mere de Jeſus ayant été avertis en ſonge, par un Ange, de ce mauvais deſſein, ils s'enfuirent incontinent en Egypte, où ils demeurcrent juſqu'à la mort dHérode, qui n'arriva que pluſieurs années après. (r6) Au contraire, Luc marque que Joſeph St la mere de Jeſus demeurerent paiſiblement durant ſix ſemaines dans l'endroit où leur enfant Jeſus ſur né, qu'il fut circoncis, ſuivant la Loi des Juifs huit jours après ſa naiſſànce, &t que lorſque le tems preſcrit par cette Loi pour la purification de ſa mere fut arrivé, elle &c Joſeph ſon mari le porterent Jéruſalem pour le pré ſenter Dieu dans ſon Temple, &z pour offrir en mê me-tems un ſacrifice ce qui étoit ordonné par la' Loi de Dieu; après quoi ils s'en retournerent en Galilée dans leur Ville de Nazareth, où leur enfant Jeſus croiſſoit tous les jours en grace &c en ſageſſe, &E que ſon pere &c ſa mere alloient tous les ans Jéruſalem, aux jours ſolemnels de leur fête de Pâques. Si bien que Luc ne fait aucune mention de leur fuite en Egypte, ni de la cruauté _d'Hérode envers les enfans de la' Province de Bethléem. l'égard de la cruauté d'Hérode, comme les Hiſ toriens de ce temps-là n'en parlent point, non plus que Joſeph l'Hiſtorien qui écrit la vie de. cet Hérode, 6c que les autres Evangéliſtes n'en font aucune men tion, îl eſt évident que le voyage' de _ces lVIages con duits par une étoile, ce maſſacre des petits enfans, 6c cette fuite en Egypte, ne ſont qu'un menſonge abſurde. Car il n'eſt pas croyable que Joſeph, qui blâmé les vices de ce Roi, eût paſſé ſous ſilence une action ſi noire &c ſi déteſtable, ſi ce que cet Evangé liſte dit, eûtété vrai. Sur la durée du tems de la vie publique de J. C., ſuivant ce que diſent les trois premiers Evangéliſtes, il ne pouvoir avoir eu guères plus de trois mois de puis ſon Baptême juſqu'à ſa mort, en ſuppoſant qu'il avoit trente ans lorſqu'il fut baptiſé par Jean, comme dit Luc, &l qu'il ait été né le 25 Décembre; Car de puis ce baptême, qui fut l'an 15 de Tibere Céſalë .(17) Gt ſhnnée qu Anne Gc Caïphe écoîent.Grands-Prêtre” juſqu'au premier Pâques ſuivant; qui étoit dans le mois de Mars il n'y avoit 'qu'environ trois mois. Sui vant ce que diſent les trois premiers Evangéliſtes, il fut crucífié la veille du premier Pâques ſuivant; après ſon baptême, &c la premiere fois qu'il vint Jéruſalem avec ſes Diſciples; caf tout ce' qu'ils diſent dé ſon baptême, de ſes voyages, de ſes miracles, dé ſés prédications, &t de ſa mort &t paſſion \le doit rapſi porter néceſſairement la même année de ſon bap'tê’ me puiſque ces Evangéliſtes 'ne parlent d'aucunê autre année ſuivante, Gt qu'il paroît même, par 1a narration qu'ils font de ſes actions, 'qu'il les 'toul tes faites immédiatement après ſon baptême, conſéi 'cutivement les unes après les autres, 6c en fort peu de tems, pendant lequel on ne voit qu'un. ſeul intervalle de ſixjours avant ſa tiansfigumtion', pendant leſquels ſii: jours on ne volt pas qu'il ait fait aucune choſe. On voit par-là qu'il n'auroit vécu, après ſon bapï tème, qu'environ trois mois deſquels ſi l'on vieñt ôter ſix ſemaines de 46 jours Gt 46 nuits qu'il paſſa dans le déſert immédiatement 'après ſon bap tême, il s'enſuiv‘ra que le tems de ſa vie publique, depuis ſes premieres prédications juſqu'à ſa mort, n'aura duré qu'environ ſix ſemainesi. ſuivant ce que Jean dit il äuroi't au moins duré trois 'ans &È trois mois parce qu'il paroît; par l'Evangile dé cet Apôtre qu'il auroit été pendant le cours de ſa vie publique trois, ou .quatre fois' Jéruſalem la fête de Pâques; qui n'arrivoit qu'une fois l'an: Or s'il eſt vrai qu'il ait été trois ou quatre fois depuis ſon baptême, comme Jean le témoigne; il eſt faux qu'il n'ait vécu que trois mois ,après ſon' baptême 6: qu'il ait été crucifié la premiere fois qu'il alla Jéruſalem. 18 'Si l'on clít que ces trois premiers Evangéliſtes île parlent effectivement que d'une ſeule année, mais qu'ils ne marquent pas diſtinctement les autres qui ſe ſont écoulées depuis ſon baptême ou que Jean n'entend parler que d'une ſeule Pâque quoiqu'il ſemble qu'il parle de pluſieurs ét que ce n'eſt que par anticipation qu'il répete pluſieurs fois que la ſéte de Pâques des Juifs étoit proche 8c que Jeſus alla Jéruſalem, 8c par conſéquent, qu'il n'y qu'une contrariété apparente ſur ce ſujet entre ces Evangéliſtes je le veux bien; mais il eſt conſtant que cette contrariété apparente ne viendroit que de ce qu'ils ne s'expliquent pas avec toutes les circonſ tances qui auroient été remarquer dans le récit qu'ils font. Quoi qu'il en ſoit, il toujours lieu de tirer cette conſéquence qu'ils n'étoient donc pas inſpirés de Dieu, lorſqu'ils ont écrit leurs hiſtoires. Autre contradiction au ſujet de la premiere choſe que Jeſus-Chriſt fit incontinent après ſon baptême; 'car -les trois premiers Evangéliſtes diſent qu'il fut auſſi-tôt tranſporté par l'Eſprit dans un déſert, où il jeûna quarante jours &t quarante nuits, &t où il ſut pluſieurs fois tenté par le Diable &t ſuivant ce que dit Jean, il partit deux jours après ſon baptême pour aller en Galilée, où il fit ſon premier miracle, en changeant l'eau en vin aux nôces de Cana où il ſe trouva, trois jours après ſon arrivée en Galilée i1 plusde trente lieues de l'endroit où il étoit. l'égard du lieu de ſa premiere retraite après ſa ſortie du déſert, Matthieu dit, cb. 4. ji'. 13 qu'il s'en vint en Galilée, 6c que laiſſant la Ville de Na zareth, il vint demeurer Capharnaum, Ville mari time. Et Luc, cb. 4, a. 16.' E? 41 dit qu'il vint d'abord Nazareth ëc qu'enſuite il vint Ca pharnaum r9 'Ils ſe contredífënt ſur le tems 6c la maniere done les Apôtres ſe mirentà ſa ſuite; car les trois premiers diſent que Jeſus pailânt ſur le bord de la mer de Ga lilée, il vit Simon 6c André ſon frere, 6c qu'un peu plus loin il vit Jacques &c Jean ſon frere avec leur pere Zébédée. Jean, au contraire, dit que ce ſur André, frere de Simon Pierre, qui ſe joignit premiérement Jeſus avec un autre Diſciplede Jean-Baptiſte l'ayant: vu paſſer devant eux', lorſqu'ils étoient avec leur Maï-ë' tre ſur les bords du, Jourdain; p. Au ſujet de la Cene, les trois premiers Evangéliſ tes marquent que,Jeſus-Chriſt fit l'inſtitution du Sa crement de ſon corps 6c de ſon ſang ſous les eſpe 'ces &E apparences du pain &c du vin, comme parlent nos- Chriflieoles Romains &Jean ne fait aucune menó \ion de ce myſtérieux Sacrement; Jean dit, cb. 13. ÿ. 5, qu'après cette Cene Jeſus lava les _pieds ſes Apôtres, qu'il leur. commanda expreſſément de ſe faire les uns aux autres la même choſe, &t iapporte un long diſcours qu'il leur fit dans ce même tems. 'Mais les autres Evangéliſtes ne pendent aucunement de ce lavement de pieds; ni d'un long diſcours qu'il leur fit pour lors. Au contiaire ils témoignent. quïncontié nent après cette Cene, il s'en alla avec ſes Apôtres, ſur la montagne des Oliviers, où il abandonner ſon ame la triſteſſe; 6c qu'enfinil tomba en agonie; pendant que ſes Apôtres dormirenr. un peu plus loin. Ils ſe conſſediſent eux-mêmes ſur le jour qu'ils 'di ſent qu'il fi: cette Cene car d'un côté ils marquent qu'il la fit le ſoir de la veille de Pâques cfeſt-à-dire le ſoir du premier jour des Azymes ou de l'uſage; des pains ſans levain comme il eſt marqué dans ÎExOEIe 12. 18. Lé-Uit. 25. 5. dans les Aîonzlz. S28. I6; 8E d'un autre côté ils diſent qu'il fut crucifié le len demain du jour qu'il fit cette Cene vers l'heure de. èó )' midi, après que les Juifs lui eurent fait ſon procès pendant toute 11a nuit 6c le matin, OI', ſuivant leur did re le lendemain qu'il fit cette Cene n'auroit pas dû être la veille de Pâques. Donc, s'il eſt mort la veille de Pâques vers le midi, ce n'étoit point leſoír de la veille de cette fête, qu'il fit cette Cene. Donc il erreur manifeſte. Ils ſe contrediſent auſſi ſur ce qu'ils rapportent des femmes qui &voient ſuivi Jeſus depuis la Galilée; car les trois premiers Evangéliſtes diſent que ces femmes 6L tous ceux de ſa connoiſſance, entre leſquels étoient d’larie Madeleine &t Marie, mere de _jacques &c de Joſes, &t la mere des enfans de Zébédée, regardoíènt de loin ce qui ſe paſſoit, lorſqu'il étoit pendu &L atta ché la Croix. Jean dit au contraire, 19. 25 que la mere de Jeſus, &t la ſœur de ſa mere, 8l Marie Ma deleine, étoicnt debout auprès de la"Croix, avecJean' ſon Apôtre. La contmriété eſt manifeſte; car ſi ces femmes 6c ce Diſciple étoiènt près de lui ', elles n'é toient done pas éloignées; comme diſent les autres. Ils ſe contrediſent ſur les prétendues apparitions qu'ils rapportent que _IeſusChriſt fit après ſa préten due réſurrection; car Matthieu cb. 28. ſit. i6. 'ne parle que de deux apparitions l'une lorſqu'il s'apparu't d. Marie Madeleine, une autre femme nommée auſſi Marie; lorſqu'il sïipparut ſes onze diſciples; qui s'étaient rendus en Galilée ſur l'a montagne qu'il leur avoit marquée pour le voir. Marc parle de trois ap paritions, la premiere lorſqu'il apparut Marie Ma deleine ", la ſeconde lorſqu'il apparut ſes deux Díſí ciples qui alloient Zi Emmaüs, 6C la troiſieme lorſqu'il apparut ſes onze Diſciplcs, qui il fit reproche de leur incrédulité. Luc ne parle que des deux premie res apparitions comme Matthieu 6E Jean l'Evangé liſte parle de quatre apparitions 8c ajoute aux trois C21) de Marc, celle' qu'il fit ſept ou huit de ſes Diſciñ ples, qui pêchoient ſur la Mer de Tybériade. Ils ~ſe contrediſent encore ſur le’ lieu de ces appari-ï tions; car Matthieu dit que ce fut en Galilée ſur une montagne; Marc dit que ce fut lorſqu'ils étoicnt ta ble; Luc dit qu'il les mena hors de Jéruiàlem &t qu'il les mena juſques en Béthanie, où il les quitta. en s'é levant au Ciel &c Jean dit que ce ſut dans la ville de Jéruſalem dans une maiſon dont ils avoient fermé les portes; &t une autre fois ſur la Mer de Tyfi bériade. Voilà bien de la contrariété dans le récit-de ces prétendues apparitions. Ils ſe contrediſent au ſujet de ſa prétendue Aſcenſion au Cial; car Luc'&t Marc di,. ſent poſitivement qu'il monta au Ciel, en préſence de ſes onze Apôtres mais ni Matthieu ni Jean ne font aucune. mention decette prétendue Aſcenſion. Bieñ plus, Matthieu témoigne aſſez clairement quîil- nîeſt point montez’au Ciel,, puiſqu'il. dit poſitivement que Jeſus-Chriſt aſliira ſes Apôtres qu'il ſeroit &t qu'il de meureroit toujours avec eux juſqu'à la fin des 'ſieclesk ,, Allez donc, leur dit-il, dans cette prétendue appa ,, ſition, enſeignez toutes les Nations, Gc ſoyezaſſiv ,, rés que je ſemi toujours 'avec vous juſqdàxla fin. ,, des fiecles. Luc ſe contredit luizn1ên1e.fur ce'ſujet,zzcar dans ſon Evangile cb. 24. ÿ, 50, il dit que cezfilfl: e" Bé* thanie qu'il monta au Ciel en préſence_ de ſes Apô tres; 6c dans ſes Actes des Apôtres, ſuppoſé qu'il en. ſoit l'Auteur ,, il dit que ce fut. ſuſ la.- mpntagne des Oliviers. Il ſe contredit encore lui-méme dans une :Eutre circonſtance de cette Aſcenſion; car il marque dans ſon Evangile que ce fut là jour même de ſa ré jïirrection, ou la premiere nuit ſuivante, qu'il monta. au Ciel; 6E dans ſes Actes des Apôtres, il dit que ce fut 40 jours après ſa réſurrection. Ce_ qui ne s'accorde certainement pas. Si tous les Apôtres avoient véritablement vu leur Maître monter glorieuſement au Ciel, comment Mat~ thieu &C Jean, qui l'auroient vu comme l'es autres, au 'roient-ils paſſé ſous ſilence un ſi glorieux myſtere, &c ii avantageuxàleur Maître, vu qu'ils rapportent quan tité d'autres circonſtances de ſa vie 6E de ſes actions qui ſont beaucoup moins conſidérables que celle-ci? Comment Matthieu ne fait-il pas mention expreſſe de cette Aſcenſion, Ïexplíque-t-il pas clairement de

quelle maniere il demeureroit toujours avec eux _quoi

qu'il les quittât viſiblement pour monter au Ciel? Il

ſcſt pas facile de comprendre par quel ſecret il pou

voit demeurer avec ceux qu'il quittoit. Je paſſe ſous ſilence quantité d'autres contradic tions; ce que je viens de dire ſuffit pour faire voir que ces Livres ne viennent d'aucune inſpiration divi _ne ni même d'aucune ſageſſe humaine 6c par con ſéquent qu'ils ne méritent pas qu'on ajoute aucune foi, ECM ._. CHAPITRE IL_ BÆÀís par quel privilege ces quatre Evangiles' ô: quelques autres ſemblables Livres paſlënt ils pour Saints Divins, plutôt que pluſieurs autres qui ne portent pas moins le titre d'Evangile, &c ont autrefois été comme les premiers publiés ſous le nom de quelques autres Apôtres Si l'on dit que les Evangiles réſutós ſont ſuppoſés 6c fauſſement attri bués auX Apôtres, on en peut dire autant des pre miers; ſi l'on ſuppoſe les uns falſifiés corrompus, on en peut ſuppoſer autant pour les autres. Ainſi il n'y point de preuve aſſurée pour diſcerner les uns 23 j. d'avec les autres; en dépit de l'Egliſe, qui veut en décider, elle n'eſt pas plus croyable. Pour ce qui eſt des prétendus miracles rapportés dans le vieux Teſtament, ils n'auroient été faits que pour lnarquer de la part de Dieu une injuſte 8c odieuſe acception de peuples &t de perſonnes 6c pour accabler de maux, de propos délibéré, les uns, &( pour favoriſer tout particuliérement les autres. La vacation &t le choix que Dieu fit desPatriarches Abra ham, Iſaac &l Jacob, pour de leur poſtérité ſe faire un peuple qu'il ſanctifieroit 6c béniroit par-deflùs tous les autres peuples de la Terre, en eſt une preuve. Mais, dira-t-on, Dieu eſt le maître abſolu de ſes' graces &t de ſesbienſaits; il peut les accorder qui' bon lui ſemble, ſans qu'on ait droit de s'en plain dre ni l'accuſer d'injuſtice. Cette raiſon eſt vaine; car Dieu, l'auteur de la nature, le pere de tous les hommes, doit également les aimer tous, comme ſes propres ouvrages; 6c par conſéquent, il doit égale ment être leur protecteur 8c leur bienfaiteur: car celui' qui donne l'être, doit donner les ſuites Gt les conſé quences néceílàires pour le bien-être; ſi ce n'eſt que. nos Chriſticoles veuillent dire que leur Dieu voudroit faire exprès des créatures pour les rendre miſérables, ce qu'il ſeroit certainement indigne de penſer d'un Etre infiniment bon. De plus, ſi tous les prétendus miracles, tant du vieux que du nouveau Teſtament, étoientvétitables, on pourroit dire que Dieu auroit eu plus de ſoin de pourvoir au moindre bien des hommes qu'à leur plus grand &t principal bien; qu'il auroit voulu. plus ſévé rement punir, dans de certaines perſonnes,_ des fautes légeres, qu'il n'auroit puni dans d'autres de très-,grands crimes; &c enfin qu'il n'auroit pas voulu ſe montrer ſi bicnſaiſant dans les plusprcſlans beſoins, que dans les 24 moindres. C'eſt ce qu'il eſt facile de faire voir, :ane par les miracles qu'on prétend qu'il faits, que par. ceux qu'il n'a pas faits &t qu'il auroit néanmoins. plutôt faits qu'aucun autre s'il étoit vrai qu'il en eût fait, Par exemple, dire que Dieu auroiteu la com plaiſance d'envoyer un Ange pour conſoler &t ſecou rir une ſimple ſervante pendant qu'il auroit laiſſé &c qu'il laiſſe encore tous les jours languir &t mourir de miſere une infinite d'inno_cens qu'il auroit conſervé miraculeuſement pendant quarante ans les habillements 8:, les chauſſures d'un miſérable peuple, pendantqu'il ne veut pas veiller la conſervation naturelle de tant de biens ſi utiles &t iléceflàires pour la ſubſiſtance des peuples qui_ ſe ſont néanmoins perdus &C ſe per dent encore tous lesjours par différens accidens. Quoi! i1auroit envoyé aux_ premiers Chefs du genre humain Adam Eve, un_ Démon, un Diable, ou un ſims pie Serpent, pour les ſéduire, &c pour perdre par ce moyen tous les hommes cela n'eſt pas croyable.. Quoi! il auroit voulu, par une grace lpéciale de ſa providence, empêcher que le Roi de Géraris, Païen, ne' tombâç dans une faute legere avec une femme etrangere ſaute cependant qui n'aurait cu aucune mauvaiſe ſuite; _& il_ n_'auroit pas voulu empêcher. qifAdarn_ (i: Eve. ne l'offenſaflent, 6c ne tombaſſent dan'sſſ le péché de déſobéiflànce péché qui ſelon nos Cluifficoles, devoir être fatal, 6; cauſer la perte de tout le_ ;genre humain? Cela n'eſt pas croyable. Venons amv prétendus miracles du nouveau Teila— ment, lls conſiſtent, comme on le prétend, en ce que Jeſus-Chriſt ô: ſes Apôtres guériſſoient divine ment toutes ſortes_ de maladies 6c d'infirmités; en ce. qu'ils rendoient quand ils voulaient la vue. aux aveugles l'ouie aux ſourds, la parole aux muets, qu'ils faiſoient marcher droit les boiteux, qu’ils guériſſoient 25 les paralytiques, qu'ils chaſſoient les démons des corps des poſſédés, &t qu'ils reſſuſcitoient les morts. On voit pluſieurs de ces miracles dans les Evan giles, mais on en voit beaucoup plus dans les Livres que nos Chriſticoles ont faits des vies admirables de leuis Saints car on lit, preſque par-tout, que ces prétendus bienheureux guériiſoient les maladies 8c les infirmités, chaſſoient les Démons preſqu'en toute ren? contre, &t ce au ſeul nom de Jeſus, ou par le ſeul ſigne dela Croix; qu'ils commandoient, pour ainſi dire,auX Elémens; que Dieu les ſavoriſoitſi fort, qu'il leur conſervoit même après leur mort ſon divin pouvoir, que ce divin pouvoir ſe ſeroit communiqué juſqu'au moindrede leurs habillements, 8c mêmejuſqu'à l'om bre de leurs corps juſqu'aux 'inſtrumens honteux de leur mort. Il eſt dit que la chauſſette de Saint Honoré reſſuſcita un n1ort au ſix 'de Janvier; que les bâtons de Saint Pierre, de Saint Jacques &c de Saint Bernard opéroient des miracles. On dit la même choſe de" la corde de Saint François, du bâton de Saint Jean de Dieu, de la ceinture de Sainte Mé lanie; Il eſt dit de Saint Gracilien qu'il ſut divine ment inſtruit de ce qu'il devoit croire 6E enſeigner, 8C qu'il fit, par le mérite de ſon oraiſon reculer une montagne, qui l'empêchoitde bâtir une Egliſe que du ſépulcre de Saint André il en couloit ſans ceſſe une liqueur, qui guériſſoit toutes ſortes de maladies: que l'ame de St. Benoît ſut vue monter-dau Ciel, revêtue d'un précieux manteau &c_ environnée de lampes ardentes. Saint Dominique diſoit que Dieu ne l'avoir jamais éconduit de choſes qu'il lui eût deman dées. Que St. François commandoit aux hirondelles ., aux cygnes 8c autres oiſeaux; qu'ils lui obéiſſoient; &tque ſouvent les poiſſons, les lapins &tles lievres venoient ſe mettre entre ſes mains 6c dans ſon giron. Que SE, 25 Paul GC St. Pantaleon ayant eu la tête tranchée, il en ſortit du lait au-lieu de ſang. Que -le bienheureux Pierre de Luxembourg dans les deux premieres années &après ſa mort, 388 GE 389, fit 2400 miracles, entre leſquels ily eut 42 morts reſſuſcités, non compris plus de trois mille autres miracles qu'il faits depuis, ſans ceux qu'il fait encore tous les jours. Que les cinquante Philoſophes que Ste. Catherine convertit, ayant tous étéjettés dans un grand feu, leurs corps furent après trouvés entiers, 6c pas un ſeul de leurs cheveux brûlé; que le corps de Ste. Catherine fut enlevé par les An ges après. ‘ſa mort, &z enterré par eux ſur le mont Sinaï. Que le jour de la Canoníſation de St. An toine de Padoue, toutes les cloches de la Ville de Lisbonne ſonnerent d'elles-mêmes ſims que l'on fût d'où’cela venoit; que ce Saint étant un jour ſur le bord de la mer, &c ayant appellé les poiſſons pour les prêcher', ils vinrent devant lui en ſoule &t mettant la tête hors de l'eau ils l'écoutoient attentivement. On ne finiroit point s'il falloit rapporter. toutes ces balivernes il n'y ſujet ſ1 vain Gt ſi ſt-ivole, 6.'. mê me ſi ridicule où les Auteurs de ces vies de Saints ne prennent plaiſir Œentaſſermiracles ſur miracles, tant ils ſont habiles forger de beaux menſonges. Voyez auſſi le ſentiment de Naudé ſur cette matiere, dans ſon Apologie des grands hommes Tom. 2. p. -I 3. Ce n'eſt pas ſans raiſon en effet que l'on regarde ces choſes comme de vains menſonges; car il eſt fa cile de voir que tous ces prétendus miracles n'ont été inventés qu'à l'imitation des ſables des Poëtes Païens: c'eſt ce qui paroît aſſez viſiblement par la conformité qu'il. des uns aux autres. ‘| 'C 27) ,. 'CHAPITRE III. Conformité des anciens E9” nouveaux [Miracles, SI nos Chriſticoles diſent que Dieu donnoit vérita blement pouvoir ſes Saints de faire tous les mi racles rapportés dans leurs vies, de même auſſi les Païens diſent que, les filles d'Anius Grand-Prêtre d'A pollon avoient véritablement reçu du Dieu Bacchus la faveur &L le pouvoir de changer tout ce qu'elles. voudroient en bled, en vin, en huile, &ce. Que Jupiter donna aux Nymphes qui eurent ſoin de ſon éducation une come de la chevre qui l'avoit allaité dans ſon enfance, avec cette propriété qu'elle leur fourniſſoit abondamment tout ce qui leur venoit ſouhait, Si nos' Chriſticoles diſent que leurs Saints avoient le pouvoir. de reſſuſciter les morts &t qu'ils avoient des révélations divines, les Païens avoient dit avant euX-,Y 'qu'Athalide fils de Mercure, avoit obtenu de. ſon pere le 'don' de pouvoir vivre mourir &t reſſuſ citer quand il voudroit, &c qu'il avoit auſſi la connoiſ ſance de tout ce qui ſe faiſoit au monde, &t en l'autre vie; 6c qu'Eſculape fils d'Apollon, avoit reſſuſcité des morts 6c entre autres qu'il reſſuſcite Hypolite, fils de héſé.e la priere de Diane, qu'Hercule reſſuſcita auſſi Alceſte, femme d'Admete Roi de Theſſälie pour la rendre ſon mari. Si nos Chriſticoles diſent que .leur Chriſt eſt né mi raculeuſement d'une Vierge, ſans connoiſſance d'hom-. me les Païens avoient déjà dit avant eux, ,que Ré~ mus <5c Romulus fondateurs de Rome étoient mira culeuſement nés d'une Vierge pveſiale, nommée Ilia, .af 28 du Silvia ou Rea Silvia; ils avoient déjà dit que'Mars, Arge, Vulcain &t autres avoient été engendrés de la Déeſſe Junon, ſans connoiſſance d'homme; '& avoient déjà dit auſſi que Minerve, Déeſſe des Sciences, avoit été engendrée dans le cerveau de Jupiter; &c qu'elle en ſortit toute armée, par la force d'un coup de poing, dont ce Dieu ſe frappa la tête. Si nos Chriſticoles diſent que_ leurs_ Saints faiſoienc 'ſortir des fontaines d'eau des rochers les Païens diſent de même que Minerve fit_ jaillir une fontaine d'huile, en récompenſe d'un Temple qu'on lui avoit dédié; Si nos Chriſticoles ſe vantent d'avoir reçu miracu leuſement des images du Ciel comme par exemple celle de notre Dame de Lorette ô; de Lieſſe &t plu ſieurs autres préſens du Ciel, comme_la prétendue 'Sainte Ampoule de Rheims, comme la Chaſuble blan che que St. Ildefonſe reçut de la Vierge Marie, 8c autres choſes ſemblables; les Païens ſe vantoient avant eux d'avoir reçu un bouclier ſacré pour marque de la conſervation de leur. Ville de_ Rome ;_. les Troyens ſe vantoient avant eux dÎavoir 'reçu miraculeuſement du Ciel leur Palladium ou leur ſimulacre de Pallas, qui vint diſoient-ils prendre ſa place dans le Tem ple qu'on avoit édifié l'honneur de cette Déeſſe. Si nos Chriſticoles diſent que leurJeſus-Chriſt fut vu par ſes Apôtres monter glorieuſement au Ciel, Gt que pluſieurs ames de leurs prétendus Saints furent vues transférées glorieuſement au Ciel par les Anges; les Païens Romains avoient déjà dit avant_ eux que Ro mulus, leur fondateur fut vu tout; glorieux après ſa mort que Ganimede fils de Tros, Roi de Troye, fiit par Jupiter tranſporté au Ciel, pour lui ſervir d'E chanſon; que la chevelure de Bérénice ayant été con ſacrée au Temple de Vénus, fut après tranſportée au Ciel ils diſent la même choſe dc Caſliopée &t d'Aix: dromede, &même de ?âne de Silene. _- ....____ 'C 29 Si nos Chrifiicoles diſîentque pluſieurs corps de leurs Saints ont été miraculeuſement préſervés de cor ruption aprèsleur mort 6c qu'ils ont été retrouvés paf desréxïélntions divines, après avoir été un fort long-tems perdus ſans ſavoir où ils pouvoient être; les Païens en diſent de même du corps d'Oreſte, qu'ils prétendent avoir été trouvé par l'avertiſſement de l'Oracle, &ce. Si nosChriſticoles diſent queles SeptEreresDormans dormirent miraculeuſement pendant 177 ans, qu'ilsfu rent enfermés dans une caverne les Païens diſent qu'Epiménides, le Philoſophe, dormit pendant 57 ans dans une caverne où il s'ét'oit endormi. Si nos Chriſticoles diſent que pluſieurs de leurs Saintsï parlaient encore miraculeuſement après avoir eu la tête ou la langue coupées; les Païens diſent que la tête de Gabienus chanta un long poème, après avoir été ſéparêede ſon corps. Si nos Chriſticoles ſe glorifient de ce que leurs Tem ples Egliſes ſont ornées de pluſieurs tableaux &t ri ches préſens qui montrent les guériſons miraculeuſe] qui ont été faites par l'interceſſion de leurs Saints; on voit auſſi, on _du moins on voyoit autrefois, dans le Temple d'Eſculape, en Epidaure quantité de tableaux des cures dc guériſons mſraculeuſes qu'il avoit faites. Si nos Chriſticoles diſent que pluſieurs de leurs Saints ont été miraculeuſement conſervés dans les flammes ardenïes, ſans recevoir aucun dommage dans leurs corps ni dans leurs habits; les Païens diſoient que les Religieuſes du Temple de Diane marchoient _ſur les charbons ardens pieds nuds, ſans ſe brûler ſans ſe bleflèr les pieds &t que les Prêtres de la Déeſſe Féro nie &t de Hyrpicus, marchoient de méme ſur des char bons ardens, dans les feux de joye que l'on ſaiſoit l'honneur d'Apollon. Si les Aviges bâtirent me chapelle Saint Clément_ 3° au fond dela Mer ,la petite maiſon de Baucis 6c .de Philemon fut miraculeuſement changée en un ſuperbe Temple en récompenſe de leur piété. Si pluſieurs de leurs Saints, comme Saint Jacques, Saint Maurice, (Ste. ont pluſieurs fois paru dans leurs armées, montés &équipés l'avantage combattre en leur faveur Caſtor &c Pollux ont paru pluſieurs fois en bataille combattre pour les Romains contre leurs ennemis. Si un belier ſe trouva miraculeuſement pour être' offert en ſacrifice la place d'Iſaac ï, lorſque ſon Pere Abraham le vouloit ſacrifier; la Déeſſe Veſta en' voya auſſi une geniſſe pour lui être ſacrifiée la place de Metella, fille de Metellus: la Déeſſe Diane envoya de même une biche i-i la place dffphigénie, lorſqu'elle étoit ſur le bucher pour lui être immolée, êE par ce moyen Iphigénie ſut délivrée; Si Saint joſeph fuit en Egypte, ſur l'avertiſſement de l'Ange; Simonides le Poëte évita pluſieurs dangers mortels, ſur un avertiſſement miraculeux qui lui en fut fait. Si Moïſe fit ſortir une ſource d'eau vive d'un ro-ñ cher en le frappant de_ſon bâton le Cheval Pégaſe en ſit autant; en ſrapant de ſon pied un rocher, il en ſor-. 'tît une fontaine. Si Saint Vincent Ferrier reſſuſcita un mort haché en pieces, &t dont le corps étoit déjà moitié, cuit &C moitié rôti; Pelops, fils de Tantale, Roi de Phrygie, ayant été mis en pieces par ſon pere, pour le faire manger aux Dieux, ils en mmaſſerent tous les mem bres les réunirent &t lui rendirent la vie. Si pluſieurs Crucifix &t autres images ont miracu leuſement parlé &t rendu des réponſes, les Païens di ſent que leurs Oracles ont divinement parlé &t rendu des réponſes ceux qui les conſultoient, 6c que la tête t' 31 d'Orpliée 6c celle de Policrates rendaient des oncles après leur mort. Si Dieu fit connoître par une voix du Ciel que Jeſus-Chriſt étoit ſon fils comme .le citent les Evan géliſtes c_ Vulcain fit Voir par l'apparition d'une flamme miraculeuſe, que Cœculus étoit véritablement ſon fils. Si Dieu miraculeuſement nourri 'quelques-uns de ſes Saints; les Poëtes Païens diſent que Triptoleme fut miraculeuſement nourri d'un lait divin par Cérès, qui luidonna auſſi un char attelé de deux dragons, 6c que Phénée, fils de Mars, étant ſorti du ventre de ſa mere déjà morte fut néanmoins miraculeuſement nourri de ſon lait. Si pluſieurs Saints ont miraculeuſement adouci la. cruauté &t la Férocité des bêtes les plus cruelles; il eſt dit qu'Orphée attiroit lui par la douceur de ſon chant &E l'harmonie de ſes inſtruments, les lions, les ours &t les tigres &c adouciſſoit la férocité de leur nature; qu'il attiroit lui les rochers les arbres, êc même que les rivieres arrêtoient. leur cours pour l'entendre chanter. Enfin pour abréger, car on en pourroit rapporter bien d'autres, ſi nos Chriſticoles diſent que les mu railles de la Vi1le_de Jéricho tomberent par le ſon des trompettes.: les Païens diſent que les murailles de la Ville de Thebes furent bâties parle ſon des inſtruments de muſique d'Amphion,' les pierres, diſent les Poëtes, s'étant agencées d'elles-mêmes, par la douceur de ſon harmonie; ce qui ſeroit encore bien plus miraculeux &c plus admirable, que de Voir tomber des murailles par terre. Voilà certainement une grande conformité de mira cles de part &C d'autre. Comme ce ſeroit une grandd ſottiſe dfajouter foi ces prétendus miracles du Page*: (39) 'affine ce 'n'en eſt pas moins une. d'en ajouter il ceux du Chriſtianiſme, puiſqu'ils ne viennent tous que d'un même principe d'erreur. C'étoit pour cela auſſi qué les Manichéens &c les Ariens qui étoient vers le com mencement du Chriſtianiſme ſe moquoient de ces pré; .tendus miracles, faits par l'invocation des Saints, .Gé blâmoient ceux qui les invoquoíent après leur mort, 6c qui honoroient leurs reliques. Revenonsà préſent la principale fin que Dieu ſe ſeroit propoſée en envoyant ſon fils au monde qui ſe ſeroit fait homme; ç'auroit été, comme il eſt dit, d'ôterles péchés du monde, &c de détruire entiérement les œuvres du prétendu Démon, &c; C'eſt ce que nos Chriſticoles' ſoutiennent, comme auſſi que Jeſus-Chriſt auroit bien voulu mourir pour l'amour d'eux ſuivant: l'intention de Dieu ſon Pere,, ce qui eſt clairement marqué dans tous les prétendus ſaints Livres. Quoi! un Dieu tout-puiſſànt 6c qui auroit voulu ſe faire homme mortel pour l'amour d'eux,- &t répand drejuſqu'à la derniere goutte de ſon ſang pour les ſan; ver tous, auroit voulu borner ſa puiſſance guérir ſeu' lement quelques maladies &t quelques infirmités du corps, dans quelques infirmes qu'on lui auroit préſen tés, il n'auroit pasvoulu employer ſa bonté divine guérir toutes les infirmités de nos ames c'eſt-à-dire guérir tous les hommes de leurs vices &C de leurs déré-ï glemens, qui ſont pires que les maladies du corps? Cela n'eſt pas croyable. Quoi! un Dieu ſi bon auroit voulu miraculeuſement préſerver des corps 'morts de pourriture de corruption, &t il n'auroit pas voulu de même préſerver de la contagion &t de la corruption du vice &t du péché, les ames d'une infinité de per ſonnes qu'il ſeroit venu racheter au prix de ſon ſang, 6c qu'il devoit ſanctifier par ſa grace? Quelle pitoyable contradiction! (33) CHAPITRE IV. 111°. Preuve de la fczuſſèré de la Religion, tirée des préÿemíues Viſions ES” Révélations Divines. VEnons aux prétendues Viſions &c Révélations Divines, ſur leſquelles nos Chriſticoles fondent établiſièntla vérité &t la'certitude de leurReligion. Pour en donner une juſte idée je ne crois pas qu'on puiſſe mieux faire "que de dire, en général, qu'elles ſont telles que ſi quelqu'un oſoit maintenant ſe vanter d'en avoir de ſemblables, &t qu'il voulût s'en préva loir, on le regarderoit infailliblement comme un fol, un fanatique. Voici quelles furent ces prétendués Viſions &c Ré vélations Divines. Dieu, diſent les prétendus ſaints Livres, s'étant pour la premiere ſois apparu Abraham lui dit: ,, Sortez de votre Pays (il étoit alors en Chaldée,) ,, quittez la maiſon de votre pere, &t allez-vous-en ,, au Pays que je vous montrerai. ,, Cet Abraham étant allé, Dieu, dit l'hiſtoire Gen. 12. s'apparut une ſeconde fois lui, &C lui dit: _je donnerai tout ,, ce Pays-ci'où vous êtes, votre poſtérité. ,, En re connoiſſance de cette gracieuſe promeſſe, Abraham lui dreſſà un Aurel. Après la mort d'Iſaac, ſon fils Jacob allant un jour en Méſopotamie, pour chercher une femme qui lui fût convenable, ayant marché tout le jour, ſe ſentant fatigué du chemin, il voulut ſe repoſer ſur le ſoir; couché par terre, ſa tête appuyée ſur quelques pierres pour s'y repoſer, il s'endormit, &pendant ſon ſom meil il vit en ſonge une échelle dreſſée de la terre l'extrémité du Ciel, 6c il lui ſembloit voir les Anges 34 monter &L deſcendre par cette échelle, Gt qu'il voyoi't Dieu lui-même s'appuyer ſur le plus haut bout, lui diſant; Je ſuis le Seigneur,,le Dieu d'Abraham &c ,, le Dieu d'Iſaac votre pere; je vous donnerai, vous ,., &àvotre poſtérité, tout le Pays où vous dormez; z, elle ſera auſſi nombreuſe que la pouſtiere de la ter ,, re; elle s'étendra depuis l'Orient juſqu'à l'Occi

, dent, &c depuis le Midi juſqu'au Septentrion; je

,, ſerai votre protecteur par-tout où vous irez; je ,, vous ramenerai ſain &c ſauf de cette terre, &c je ne ,, vous abandonnerai point que je n'aye accompli ,, tout ce que je vous ai promis. ,,’ Jacob s'étant éveillé dans ce ſonge fut ſaiſi de crainte, &c dit: ,, Quoi! Dieu eſt vraiment ici, &c je n'en ſavois rien; 5, Ah! que ce lieu-ci eſt terrible, puiſque ce n'eſt au ,, tre choſe que la Nlaiſbn de Dieu &c la porte du' 5, Ciel! ,, Puis s'étant levé,- il dreſſà une pierre, ſur. laquelle il répandit de l'huile, en mémoire de ce qui venoit de luiarriver, &c fit en même-tems vœu Dieu que s'il revenoit ſain &c ſauf il lui offriroit la dixme de tout ce qu'il auroit. Voici encore une autre viſion. Gardant les trou peaux .de ſon beau-pere Laban, qui lui avoit promis que tousles Agneaux de diverſes couleurs que les bre-‘ bis produiroient feroient ſa récompenſe il ſongea une nuit qu'il voyoit les mâles ſauter ſur les femelles.; qu'elles lui produiſoient toutes des Agneaux de di Verſes couleurs. Dans ce beau ſonge Dieu lui appa rut, &c lui dit *’ Regardez', Çt voyez comme les mâ ,-, les montent ſur les femelles, (Sc comme ils ſont de ,, diverſes couleurs car j'ai vu la tromperie &t l'in ,-,. juſtice que vous fait Laban, votre beau-pere; levez ,, Vous donc maintenant, ſortez de ce pays-ci, &t re ,, tournez dans le vôtre. ,, Comme il s'en retournoie Ge”. 31.- x2; @(35) 'avec toute ſa famille, .&t avec ce qu'il avoit gagné chez ſon beau-pere il eut, dit l'hiſtoire, en renconÿ tre pendant la nuit un homme inconnu contre lequel. il lui fallut combattre .toute la nuit juſqu'au point du jour; &L cet homme ne l'ayant pu vaincre', il lui de# manda qui il étoit. Jacob lui dit ſon nom Vous ne ,, ſerez plus appellé Jacob mais Iſraël; car puiſque ,', vous avez été fort .en combattant contre Dieu ,, plus ſorte raiſon ſerez-vous fort en combattant eonſi ,, Voilà' tre lesquelles hommes.furent Gen:en32;partie 25.. les 28s.rpremieres ., de,. cesj prétendues viſions &t révélations divinesí Il ne faut; pas juger autrement des autres que de celles-ci. Or quelle apparence de divinité a-t-il dans des ſonges .ſi groſſiers &t dansdes illuſions ſi vaines? Si quelques perſonnes venoient maintenant nous conter de pareil-‘ les ſornettes, &t les 'cruſſent pour de véritables révé~' lations divines; comme par exemple .ſi quelques étranſi ers quelques Allemands venus dansnotre France, êc qui auroient vu toutes les plus belles Provinces du' Royaume, venoient dire que Dieu leur ſeroitapparu' dans leur pays, qu'il leur auroit dit de venir en Fran-' ce, &c qu'il leur donneroit eux &t àtou’s leurs deſ-,' cendans toutes les belles Terres, Seigneuries, 6C Provinces de ce Royaume qui ſont depuis les fleuves du Rhin Gt du Rhône juſqu'àla Mer Océane qu'il ſeroit une éternelle alliance avec eux; qu'il multiplieroit leur race qu'il rendroit leur poſtérité auſli nombreuſe que les étoiles du Ciel &t que les grains de ſable de la mer, &tc.. qui ne rir_oit de telles ſotiſes, qui ne regarderoit ces étrangers comme des fous? Il n'y certainement perſonne qui ne les regardât comme tels, &t qui ne. ſe moquât de toutes ces bel lesviſions &c révélations divines-ff .. ,. Or il n'y attcune.raiſon de jugeë ni de penſer au# 36 Virement de tout ce qu'on fait dire ces grands préten dus Sts. Patriarches, Abraham, Iſaac &]acob, ſur les prétendues révélations divines qu',ils diſoientavoir eues. -.A Yégard de l'inſtitution des ſacrifices ſanglans, les Livres ſacrés ?attribuent manifeſtement Dieu. Com me il ſeroit trop 'ennuyant de faire les détails dégoûe \ans de ces ſortes de ſacrifices, je renvoye le Lecteur l'Exode ch. 25.1 'z 27. 1. &t 2,1 28. 29. 1: íbid. zi. 2. 4. 5. 6. 7. 8. 9. IO. 1I—. Mais les hommes n'étoient-ils pas bien Tous &E bien aveuglés de croire faire honneur Dieu de fléchi rer, tuer Gt brûler -ſes propres créatures ſous prétexte dc lui en faire des ſacrifices? Et maintenant encore comment eſt-ce que nos Chrifficoles ſont ſi extrava guns que de croire faire un plaiſir extrême leur Dieu le Pere de lui offrir 'éternellement en ſacrifice ſon divin Fils en mémoire de ce qu'il auroit été honteu ſement &t miſérablement pendu une croix où il ſe roit expiré? Ceitainement cela ne peut venir que -d'un Opiniâtre aveuglement d'eſprit. l'égard du détail des ſacrifices d'anin.ïaux il ne con fiſte qu'en des vêtemens de couleurs, en ſang, freſſures, foyes,jabots, rognons, ongles, peaux,, fiente fumée gâteaux., certaines meſures d'huile ’6c de vin; le tout Offert, &c infecté de cérémonies‘ſales &auſſi pitoyables que des opérations de magie les plus extravagantes. Ce qu'il -de plus horrible c'eſt que la Loi de ce déteſtabl.e Peuple Juif Ordonnoit auffiquel'On ſacrifiât des hommes. Les barbares (tels qu'ils ſoient) qui avoient rédigé certe-Loiaffreuſ ,ordonnoien-t., Levit. cb. 27, que l'on fît mourir ſans miſéricorde touthomme qui avoit été voué au Dieu desJuifs, qu'ils nommoient Adonaï; 8c c'eſt ſelon ce précepte exécrable que Jephté im mola ſa fille, que Saül voulut immoler ſon fils. Mais voici encore une preuve de la fauſſeté de ces

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C37) révélations dont nous avons parlé. C'eſt le- ciéſaut dëaccompliſtèment des grandes magnifiques promeſ ſes qui les accompagnoient; car il eſt conſtant queces promeſſes n'ont jamais été. accomplies, La preuve de cela conſiſte en trois choſes principa les 1°. rendre leur poſtérité plus nombreuſe que tous les autres Peuples de la terre &tc. 2P. rendre le Peuple qui viendroit de leur race le plus heureux le plus ſaint &t le plus triomphant de tous les Peuples de la terre &te. 3°'. Et auſli rendre ſon alliance éter nelle &t qu'ils poſſéderoient jamais le Pays qu'il. leur donneroit. Or il eſt conſtant que ces promeſſes n'ont jamais été accomplies. Premiéremengil eſt certain que lePeuple, Juif, ou le Peuple cſlſraëlg, qui eſt le ſeul qu'on puiſſe regarder. comme deſcendantdes Patriarches Abraham, Iſaac &c Jacob, 8c le, ſeul dans lequel ces promeſſes auroient. dû ÿaccomplir, n'a jamais été ſi nombreux pour-quïl puiſſe être comparable en nombreaux autres Peuples de la terrekbeaucoup 1n_oi_ns par conſéquentaux grains de ſable; 51e. car l'on void que dans le tems même qu'il été le plus nombreux &t,leplus floriſſant, il n'a jamais occupé que les petites Provinces ſtériles de la Paleſtine &t les environs, qui ne ſont preſque rien en comparaiſon de la vaſte étendue d'une multitude de Royaumes floriſſàns quiſont de tous côtés ſur la terre. Secondement, elles n'ont jamais été accomplies tou chant les grandes bénédictions dont ils auroient dû_ être favoriſés; caixquoiquïls ayent remporté quelques petites victoires ſur de pauvres Peuples quctils ont pil~ lés, cela n'a pas empêché qu'ils n'ayent été le plus ſouvent vaincus &t réduits en ſervitude; leur Royau me détruit auſſi-bien que leur nation, par l'armée des Romains &t maintenant encore nous voyons que le reſte de cette malheureuſe nation n'eſt regardé que 'a (N) comme' le Peuple le plus vil &z le plus mépríſable de Fonte la terre n'ayant en aucun endroit ni domination ni ſupériorité. “Troiſiémement enfin, ces promeſſes n'ont point été non plus accomplies l'égard de cette alliance éternelle que Dieu auroit dû faire avec eux, puiſque l'on ne voit maintenant &t que l'on n'a même jamais vu aucune marque de cette alliance &tqu'au contraire ils ſont depuis pluſieurs ſiecles, exclus de la poiſeſ fion du petit pays qu'ils prétendent leur avoir été pro inis de la part de Dieu pour en jouir tout jamais. Ainſi toutes ces prétendues promeſſes n'ayant point eu leur effet, c'eſt une marque aſſurée de leur fauſſeté; [ce qui prouve manifeſtement encore que ces préten dus ſaints ê: ſacrés Livres qui les contiennent, n'ont pas été faits par l'inſpiration de Dieu. Donc 'c'eſt en vain que nos Chriſticoles prétendent s'en ſervir comme d'un témoignage mfaillible pour prouver la vérité de leur Religion, \l-l- ,.., ’CHAPITRE .PÉEMIERESECTION c. De l'Ancien Teſtament. Os Chriſtiçoles-mettent encore au rang des mo tifs de crédibilité &c des preuves certaines de la vérité de leur Religion les Prophéties, qui ſont pré tendent-ils, des témoignages aſſurés de la vérité des révélations ou inſpirations de Dieu, n'y ayant que Dieu ſeul qui puiſſe certainement prédire les cho ſes ſutures ſi long-tems avant qu'elles ſoient arri vées, comme ſont celles qui ont été prédites par les Prophetes. (39) Voyons donc ce que c'eſt que ces prétendus Pro phetes, 6l ſi l'on en doit faire tant d'état que nos Chriſticoles le _prétendenn ïCes hommes n'étoient que des viſionnaires &L des fanatiques, qui agiſſoient &c parloient ſuivant les im pulſions ou les tranſports de leurs paſſions dominan tes, qui s'iinaginoient cependant que c'étoit par l'eſprit de Dieu qu'ils agiſſoient &t qu'ils parloient; ou bien c'étoit des impoſteurs qui contrefaiſoient les Pſ0? phetes, &t qui, pour tromper plus facilement les igno rans &E les ſimples ſe vantoient d'agir de parler par l'eſprit de Dieu, Je voudrois bien ſavoir comment ſeroit reçu un Ezéchiel, qui dit,cb. 3. &t 4, que Dieu lui fait man ger ſon déjeûner un livre dc parchemin lui or donné de ſe faire lier comme un fou lui preſcrit de. ſe coucher 390 jours ſur le côté droit &t 40 ſur le gauche; lui commandé de manger de la merde ſur ſon pain, &t enſuite par accommodement de la fiente de bœuf? Je demande comment un pareil extravagant_ ſeroit reçu chez les plusimbécilles mêmes de tous nos ProvinciauzfièQuelle plus grande preuve encore de !a fauſſeté de ces prétendues prédictions que les reproches violens que ces Prophetes ſe faiſoient les uns aux autres, de ce qu'ils parloient fauſſement au nom de Dieu', re; proches mêmes qu'ils ſe faiſoient, diſoient-ils, de la part de Dieu, Voyez Ezecb. 13. 1. Sap/Jon. 3. 4. &t Eram. 2. 4. __ Ils diſent tous, gardez-vous des faux Prop/dates, comme les vendeurs de Mitridate diſent, gardez-vous des Pilules contrefaites. Ces malheureux font parler Dieu d'une maniere dont un crocheteur'n'oſeroit parler. Dieu dit au 23e. chap. Ælîzecbiel que la jeune Oolla n'aime que ceux »M “A (40) qui ont membre d'âne &t ſperme _de cheval. Comment ces ſourbes inſenſés auroient-ils connu l'avenir? Nulle prédiction en laveur de leur nation Juive n'a été ac complie. Le nombre des Prophéties qui prédiſent la félicité &c la grandeur 'de Jéruſalem, eſt preſque innombrable: auſſi, dira-t-on, il eſt très-naturel qu'un peuple vaincu Gc captif ſe conſole dans ſes maux réels par des eſpé rances imaginaires; comme il ne s'eſt pas paſſé une année depuis la deſtitution du Roi Jacques, que les lrlandois de ſon parti n'ayent forgé pluſieurs prophé ties en ſa faveur. Mais ſi ces promeſſes faites aux Juifs ſe fuſſent ef fectivcment trouvées véritables, il auroit déjà long tcms que la Nation Juive auroit été &t ſeroit encore le peuple le plus nombreux, le plus puiſſant, le plus heureux &t le plus triomphant. DEUXIE ME SECTION. Du Nouveau cfflctlflcflî. faut maintenant examiner les prétendues Pro Iphéties contenues dans les Evangiles. Premiérement. Un Ange s'étant apparu en ſonge un nommé Joſeph, pere au moins putatif de Jeſus, .fils de Marie, lui dit ,, Joſeph, fils de David, ne ,, craignez point de prendre chez vous Marie votre ,, épouſe; car ce qui eſt dans elle, eſt l'ouvrage du ,, Saint-Eſprit. Elle vous enfantera un fils que ,, vous appellerez Jeſus parce que ce ſera lui qui dé ,, livrera ſon peuple de ſes péchés. Combien, dit Montaigne, a_t_íl d'hiſtoire: d: ſemblable: eos_Mage: procuré: par le: Dinëx, com” lv: pauvres [mmains, (SW. Eſ/Ï p. 500. DJ JJ JJ IJ '7J JJ 37 JJ J9 JJ JJ JJ IJ '73 97 JJ le 41 Cet Ange dit auffi’à Marie :_ 7-, Necraignezypoint, parce que vous avez trouvé grace devant Dieu. Je vous déclare que vous concevrez dans votre ſein, &t que vous enfanterez un fils que vous nom merez Jeſus. Il ſera' grand, ſera appellé le fils du Très-haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le Thrône de David ,ſon Pere; il régner-d jamais dans la mai ſon de Jacob, &t ſon regne n'a_ura point de fin. Matth. r. 20. &t Luc. 1. 3. Jeſus commença prêcher &t dire ,, Faites pénitence., car le Royaume du Ciel approche. Matth. 4. 17. Ne vous mettez pas en peine, &c ne dites pas, que mangerons-nous? ou que boi rons-nous? ou de quoi ſerons-nous vêtus? car vo tre Pere céleſte ſait que toutes ces choſes vous ſont néceſſaires. Cherchez donc premiérement le Royau me de Dieu &t ſa juſtice, &t toutes ces choſes vous ſeront données pour ſurcroit. Matth. 6. 30. 31. 32. Or maintenant que tout homme qui n'a pas perdu ſens commun, examine un peu, ſi ce Jeſus été jamais Roi, ſi ſes diſciples ont eu toutes choſes en abondance. Ce Jeſus promet ſouvent qu'il délivrera le monde du péché. a-t-il une prophétie plus fauſſe? &t notre ſiecle n'en eſt-il pas une preuve parlante? Il eſt dit que ce Jeſus eſt venu ſauver ſon peuple. Quelle façon de le ſauver? C'eſt la plus grandegpar tie qui donne la dénomination une choſe une dou zaine ou deux, par exemple', d'Eſpagnols, ou de François, ne ſont pas le Peuple François ou le Peuple Eſpagnol; &t ſi une armée de cent vingt mille hom mes étoit faite priſonniere de guerre par une plus forte armée d'ennemis, &t le chef de cette armée rache— toit ſeulement quelques hommes, comme dix douze ſoldats ou officiers, en payant leur rançon, on ne di (42) roit pas pour cela qu'il auroit délivré ou racheté ſon année. Qu'eſt-ce donc qu'un Dieu qui vient ſe faire crucifier &c mourir pour ſauver tout le monde 6c qui laiſſe tant de nations damnées? Quelle pitié &ç quelle horreur! Jeſus-Chriſt dit qu'il n'y, qu'à demander qu'on recevra, qu'à chercher &L qu'on trouvera. Il aſſure que tout ce qu'on demandera Dieu en ſon nom, on l'obtiendra, &c que ſi l'on avoit ſeulement la groſ-' ſeur d'un grain 'de moutarde de foi, l'on feroit par. une ſeule parole tranſporter des montagnes d'un en droit un autre. Si cette promeſſe eût été véritable, rien ne paroîtroit impoſſible nos Chriſticoles qui ont' la foi leur Chriſt. Cependant tout le contraire arrive. ‘‘ Si Mahomet eût fait de ſemblables promeſſes ſes ſectateurs que 1e Chriſt en fait aux ſiens ſans aucun\\ ſuccès, que ne diroit-on pas? on crieroit, ah le four be! ah l'impoſteur! ah les fous, de croire un tel im poſteurſ Les voilà, ces Chriſticoles, eux-mêmes dans le cas; il long-tems qu'ils ſont, ſans revenir de leur aveuglement. Au contraire ils ſont ſi ingénieux ſe tromper qu'ils prétendent que ces promeſſes ont eu leur accompliſſement dès le commencement du Chriſtianiſme; étant pour lors, diſent-ils, néceſſaire qu'il eût des miracles, afin de convaincre les in crédules de la vérité de la Religion; mais que cette Religion étant ſuffiſamment établie, les miracles n'ont plus été néceſſäires :où eſſ: donc la certitude de cette propoſition? D'ailleurs celui qui fait ces promeſſes ne les pas reſtreintes ſeulement pour un certain tems, ni pour certains lieux, ni pour certaines perſonnes en particu lier; mais il les faites généralementà tout le monde. ,, La foi de ceux qui croiront, dit-il, ſera ſuivie de (43) ,, ces miracles-ci ils chaſſeront les Démons en mon, ,, nom z; ils parleront diverſes Langues; ils toucheront ,, les ſerpens, &tc. l'égard du tranſport des montagnes, il dit poſi tivement que quiconque dira une montagne ôte-toi delà, ~8c te jette dans la mer, pourvu qu'il n'héſite pas en ſon cœur, mais qu'il croye tout ce qu'il com mandera,.ſera fait. Ne ſont-ce pas des promeſſes qui ſont tout-a-fait générales, ſans reſtriction de tems de. lieux, ni de perſonnes? Il eſt dit que toutes les ſectes d'erreurs &c d'impoſ tures prendront honteuſement fin. Mais‘fiJeſus-Chriſt entend ſeulement dire qu'il fondé &t établi une ſo ciété de ſectateurs, qui ne tomberoient point dans le .vice, ni dans l'erreur; ces paroles ſont abſolument fauſſes, puiſqu'il n'y dans 'le _Chriſtianiſme aucune ſecte, ni ſociété fic Egliſe qui ne ſoit pleine d'en.'eurs 6c de vices, principalement la ſecte ou la ſociété de. l'Egliſe Romaine, quoiqu'elle ſe diſe la plus pure &c la plus ſainte de toutes. ll long-tems qu'elle eſt tombée dans l'erreur; elle eſt née, pour mieux dire, elle été engendrée &c formée; 6c maintenant elle. eſt même dans des erreurs qui ſont contre l'intention, les ſentimens &t la doctrine de ſon Fondateur puiſ qu'elle a, contre ſon deſſein, aboli lesloix desJuifs qu'il approuvoit &c qu'il étoit venu lui-même, diſoit-il, pour les accomplir E9” non pour les détruire &t qu'elle eſt tombée dans les erreurs &t l'idolâtrie du Paganiſme, comme il ſe voit par le culte idolâtrique qu'elle rend ſon Dieu de pâte, ſes Saints, leurs images, &c leurs reliques. Je ſais bien que nos Chriſticoles regardent comme une groſſiéreté d'eſprit, de vouloir prendre au pied de la lettie les promeſſes 6c prophéties comme elles ſont exprimées; ils abandonnent le ſens littéral &c na C44) turel des paroles, pour leur donner un ſens qu'ils ap~ pellent myſtique &t ſpirituel, &c qu'ils nomment allégo rique &t tropologique; diſant, par exemple que par le peuple d'Iſraël &t de Juda qui ces promeſſes .ont été faites il faut entendre, non les Iſmélites ſelon la chair, mais les Iſraélites ſelon l'eſprit, deſt-à-dire les Chré tiens, qui ſont ſlſraël de Dieu, le vrai peuple choiſi. Que par la promeſſe faite ce peuple eſclave de le délivrer de la captivité, il faut entendre non une dé livrance corporelle d'un ſeul peuple captíf, mais la délivrance ſpirituelle de tous les hommes .‘ de la ſervitude du .Démon, qui ſe devoit-faire par leur divin Sauveur. Que par l'abondance des richeſſes, &t toutes les fé licités temporelles promiſe ce peuple, il faut en tendre l'abondance des graces ſpirituelles; &c qu'en fin par la ville de ]éruſalem,_il ſaut entendre, non la Jéruſalem terreſtre mais la- Jéruſalem ſpirituelle, qui eſt l'Egliſe Chrétienne. Mais il eſt facile de Voir que ces ſens ſpirituels 6C allégoriques n'étant qu'un ſens étranger, imaginaire, un ſubterfuge des Interpretes, il ne peutnullement ſer vir faire voir la vérité ni la fauſſeté d'une propoſi tion, ni d'une promeſſe quelconque. Il eſt ridicule de forger ainſi des ſens allégoriques, puiſque ce n'eſt que par rapport au ſens naturel &c véritable que I'on peut juger de la vérité ou de la ſauſſeté. Une propo fition, par exemple, une promeſſe qui ſe trouve véri table dans le ſens proprc &t naturel des termes dans leſquels elle eſt conçue, ne deviendra pas fauſſe en elle~même, ſous prétexte qu'on' voudroit lui donner un ſens étranger qu'elle n'auroit pas de même que celles qui ſe trouvent manifeſtement fauſſes dans leur ſens propre naturel, ne deviendront pas véritables en elles-mêmes, ſous prétexte qu'o.n voudroit leur donner un ſens étranger qu'elles n'auroient pas. 4s On peut dire que les prophéties de l'Ancien Teſta xnent ajoutées au nouveau ſont des choſes bien abſur des \Sc bien puériles par exemple Abraham avoit deux femmes, dont l'une, qui n'étoit que ſervante, figu roit la Synagogue, &t l'autre, qui étoit'épouſe, figu roit l'Egliſe Chrétienne.; &t ſous prétexte encore que ce tAbraham avoit eu deux fils, dont l'un qui étoit de la ſervante, figuroit le vieux Teſtament, &c l'au tre, qui étoit de ſon épouſe, figuroit le nouveau Teſ tament. Qui ne riroit d'une ſi' ridicule doctrine! N'eſt-il pas encore plaiſant qu'un morceau de drap rouge expoſé par une putain, pour ſervir de ſignal des eſpions, dans l'ancien Teſtament, ſoit la figure du ſang de Jeſus-Chriſt répandu dans le nouveau? Si ſuivant cette maniere d'interpréter allégorique ment tout ce qui s'eſt dit, fait &t pratiqué dans cette ancienne Loi des Juifs on vouloit interpréter de mê me allégoriquement tous les diſcours, toutes les actions &t toutes les aventures du fameux Don Quichotte dela Manche on trouveroit certainement autant demyſ teres 6c de figures. C'eſt néanmoins ſur ce ridicule fondement que toute la Religion Chrétienne ſubſiſte. C'eſt pourquoi il n'eſt preſque rien dans cette ancienne Loi que les Docteurs Chriſticoles ne tâchent d'expliquer myſti quement. La prophétie la plus fauſlë &t la plus ridicule qu'on ait jamais faite, eſt celle de Jeſus dans Luc. cle. 22. Il eſt prédit qu'il aura des ſignes dans le ſoleil, &c dans la lune, &t que le fils de l'homme viendra dans une nuée juger les hommes; 6L il prédit cela pour la gé nération préſente. Cela _eſt-il arrivé? Le fils de l'hom me eſt-il venu dans une nuée? 'Sjectatum adrmſſr' rzſum tenenti: amicrſij De _Arte Poëticä, ljorat. 5. ver_IJ. (46) CHAPITRE’ VI. lle. Prey've tirée des' erreurs de la doctrine E9” de la morale. LAReligion Chrétienne, Apoſtoliquè 6c Romai ne, enſeigne &t oblige de croire qu'il n'y qu'un ſeul Dieu, en même-tems qu'il trois Perſonnes divines chacune deſquelles eſt véritablement Dieu. Ce qui eſt manifeſtement abſurde; car s'il en trois' qui ſoient véritablement Dieu, ce ſont véritablement trois Dieux. Il eſt faux de dire qu'il n'y ait qu'un ſeul Dieu; ou, s'il eſt vrai de le dire il eſt faux de dire qu'il en ait véritablement trois qui ſont Dieu, puiſqu'un &c trois ne ſe peut véritablement dire d'une ſeule &t même choſe. Il eſt auſſi dit que la. premiere de ces prétendues Perſonnes divines, qu'on appelle le Pere, engendré la ſeconde Perſonne qu'on appelle le Fils, &t que ces deux premieres Perſonnes enſemble ont produit la troiſieme que l'on appelle le Saint-Eſprit, &c néanmoins 'ue ces trois prétendues divines Perſonnes ne dépen dent point l'une de l'autre, 6c ne ſont pas même plus anciennes l'une que l'autre. Cela eſt encore manifeſte ment abſurde, puiſqu'une choſe ne peut recevoir ſon être d'une autre, ſans quelque dépendance de cet au tre &t qu'il faut néceſſairement qu'une choſe ſoit, pour qu'elle puiſſe donner l'être une autre. Si donc les ſeconde &c ltroiſieme perſonnes divines ont reçu leur être de la premiere, il ſaut néceſſairement qu'el les dépendent, dans leur être de cette premiere per-. ſonne, qui leur auroit donné l'être, ou qui les auroit engendrées; &t il faut néceſſairement auſſi que cette. premiere qui auroit donné l'être aux deux autres, ait .( 47) été avant, puiſque ce qui n'eſt point, ne peut donner l'être rien. D'ailleurs il répugne &c eſt abſurde de dire, qu'une choſe qui auroit été engendrée ou pro# duite, n'auroit point eu de commencement. Or, ſelon nos Chriſticoles, la ſeconde &t la troiſieme perſonne ont été engendrées ou produites; donc elles ont eu un commencement; 8c ſi elles ont eu un commencement, 8: que la premiere perſonne n'en aitpoint eu, comme n'ayant point été engendrée ni produite d'aucune au tre, il s'enſuit de néceſſité que l'une ait été avant l'autre. Nos Chriſticoles, qui ſentent ces abſurdités, Gt qui ne peuvent s'en parer par aucune bonne raiſon n'ont point d'autre reſſource que de dire qu'il faut pieuſement fermer les yeux de la raiſon humaine, &t humblement adorer de ſi hauts myſteres ſans vouloir les compren dre. Mais comme ce qu'ils appellent foi eſt ci-devant ſolidement réfuté, lorſqu'ils nous diſent ,qu'il ſaut 'ſe ſoumettre c'eſt comme s'ils diſoient, qu'il faut aveu glément croire ce qu'on ne croit pas. Nos Déi-Chriſticoles condamnent ouvertement l'a Beuglementdes anciens Païens qui adoroient pluſieurs ieux; ils ſe raillent de la généalogie de leurs Dieux, de leurs naiſſànces, de leurs mariages&tde la généra tion de leurs enſans &c ils ne prennent pas garde qu'ils diſent des choſes beaucoup plus ridicules &c plus ab ſurdes. Si les Païens ont cru qu'il avoit des Déeſſes auſti bien que des Dieux, que ces Dieux &t’ ces Déeſſes ſe marioient, &c qu'ils engendroient des enfans, ils ne penſoient en cela rien que de naturel car ils ne s'i maginóient pas encore que les Dieux fuſſent ſans corps ni ſentimens; ils croyoient qu'ils en avoient auſſi-bien que les hommes. Pourquoi n'y en auroit-il point eu de mâles 6c de femelles? On ne voit point qiſil ait‘ (48) plus de raiſon de nier ou de reconnoître plutótPun que l'autre; &c en ſuppoſant des Dieux &t des Déeſies, pourquoi Ïengendreroient-ils pas en la maniere ordi naire? Il n'y auroit certainement rien de ridicule ni d‘abſurde dans cette doctrine s'il étoit vrai que leurs Dieux exiſtaſſent. Mais dans la doctrine de nos Chriſticoles il quelque choſe de bien plus ridicule &c de plus abſur de; car outre ce qu'ils diſent d'un Dieu qui en fait trois, &c de trois qui n'en font qu'un ,ils diſent que ce Dieu triple &c unique n'a ni corps, ni forme, ni figure; que la premiere Perſonne de ce Dieu triple&c unique, qu'ils appellent le Pere, engendré toute ſeule une ſeconde Perſonne qu'ils appellent le Fils &c qui eſt tout ſemblable ſon Pere, étant comme lui ſans corps, ſans forme &t ſans figure. Si cela eſt, qu'eſt.ce qui fait que la premiere s'appelle le Pere plutôtque la mere &c que la ſeconde ſe nomme plu tôt le fils que la fille? car ſi la premiere eſt véritable ment plutôt pere que mere, &t ſi la ſeconde eſt plu tôt fils que fille il faut néceſſairement qu'il ait quel que choſe dans l'une &c dans l'autre de ces deux per ſonnes, qui faſſè que l'un ſoit pere plutôt que mere, Gt l'autre plutôt fils que fille. Or qui pourroit faire cela, ſi ce n'eſt qu'ils ſeroient tous deux mâles non femelles? Mais comment ſeront-elles plutôt mâles que femelles, puiſqu'elles n'ont ni corps, ni forme, ni figure? Cela n'eſt pas imaginable &t ſe détruit de ſoi même. N'importe, ils diſent toujours que ces deux Perſonnes ſans corps, forme niſigure &t par conſé quent ſans différence de ſexe ſont néanmoins pere &C fils, &t qu'ils ont produit par leur mutuel amour une troiſieme Perſonne qu'ils appellent le St. Eſprit; la quelle perſonne n'a non plus que .les deux autres, ni corps ni forme ni figure. Quel abominable galimatias! Puiſque (49) Puiſque nos Chriſticoles bornent la puiſſance de Dieu le Pere n'engendrer qu'un fils, pourquoi ne veulent-ils pas que cette ſeconde perſonne aufli-bien que la troiſieme ayent comme la premiere la puiflànce &engendrer un fils qui ſoit ſemblable elles? Si cette puiſſance d'engendrer un fils eſt une perfection dans la premiere perſonne, c'eſt donc une perfection &t une puiſſànce qui n'eſt point dans la ſeconde ni dans la troi ſieme perſonne ainſi ces deux perſonnes manquant Œuneſperfection d'une puiſſance qui ſe trouvent dans la premiere elles ne ſeroient certainement pas égales entr'elles. Si au contraire ils diſent que cette puiſſànce d'engendrer un fils n'eſt pas une perfection ils ne de vroient donc pas l'attribuer la premiere perſonne non plus qu'aux deux autres parce qu'il ne fitut attri buer que des perfections un Etre qui ſeroit ſouverai nement parfait. D'ailleurs ils .n'oſeroient dire que la puiſlànce d'en gendrer une divine perſonne, ne ſoit pas une perfec tion; &E s'ils diſent que cette premiere perſonne au roit bien pu engendrer pluſieurs fils GE pluſieurs filles mais qu'elle n'auroit voulu engendrer que ce ſeul Fils, &c que les deux autres perſonnes pareillement n'en au roient point voulu engendrer d'autres on pourroit °. leur demander d'où ils ſavent que cela eſt ainſi, car on ne voit point dans leurs prétendues Ecritures Sain tes, qu'aucune de ces divines perſonnes ſe ſoient poſi tivement déclarées là-deſſus. Comment donc nos Chriſ .ticoles peuvent-ils ſavoir ce qui en eſt? lls n'en par lent donc que ſuivant leurs idées &t leurs imaginations creuſes. .. 2°. On pourroit dire que ſi ces prétendues divines perſonnes avoient la puiſſànce &engendrer pluſieurs en fans 6c qu'elles n'en vouluſlènt cependant rien faire il s'enſuivroit que cette divine puiflànce Ëemeureroit en 5° elles ſans effet. Elle ſeroit tout-a-fait ſans effet dans la troiſieme perſonne, qui n'en engendreroit &t n'en produiroit aucune &t elle ſeroit preſque ſans effet dans les deux. autres, puiſqu'elles voudroient la bor ner ſi peu. Ainſi cette puiſſànce qu'elles auroient d'engendrer &t de produire quantité d'enfans, demeu reroit en elles comme oiſive &tinutile ce qu'il ne ſe roit nullement convenable de dire de divines perſonnes. Nos Chriſticoles blâment &t condamnentles Païens de ce qu'ils attribuoient la divinité des hommes mor tels, &c de ce qu'ils les adoroient comme des Dieux après leur mort ils ont raiſon en cela; mais ces Païens ne fiiiſoient que ce que font encore mainte nant \nos Chriſticoles qui attribuent la divinité leur Chriſt, en ſorte qu'ils devroient 'eux-mêmes ſe com damner auſſi, puiſqu'ils ſont dans la même erreur que ces Païens, &t qu'ils adorent un homme qui étoit mor tel, 6c ſi bien mortel, qu'il mourut honteuſement ſur une croix. Il ne ſerviroit de rien nos_ Chriſticoles de dire qu'il auroit une grande différence entre leur Jeſus Chriſt &c les Dieux des Païens, ſous prétexte que leur Chriſt ſeroit, comme ils diſent, vrai Dieu &c vrai 'homme tout enſemble, attendu que la Divinité ſe ſe roit véritablement incarnée en lui; au moyen de quoi la nature divine ſe trouvant jointe &t unie hypoſtati quement, comme ils diſent, avec la nature humaine, ces deux natures auroient fait dans Jeſus-Chriſt un vrai Dieu êc un vrai homme: ce qui ne s'étoit jamais fait ce qu'ils prétendent, dans les Dieux des Païens. Mais il eſt facile de faire voir la foibleſtè de cette réponſe; car d'un côté n'auroit-il pas été auſſi facile aux ‘Païens qu'aux Chrétiens de dire que la Divinité ſe ſeroit incarnée dans les hommes qu'ils adoroient comme Dieux? D'un ſautre côté ſi la Divinité avoit (51') voulu s'incarner Gt s'unir hypoſtatiquement la na ture humaine dans leur Jeſus-Chriſt, que ſavent-ils ſi cette même Divin_ité n'auroit pas bien voulu auflî s'incarner &t s'unir hypoſtatiqtrement la nature hu— maine dans ces grands hommes 8c dans ces admirables femmes, qui, par leur vertu, par leurs belles quali tés ,' ou par leurs belles actions, ont excellé ſur le commun des hommes, &t ſe ſont fait ainſi adorer com me Dieux (St Déeflès Et ſi nos Chiſticoles ne veu lent pas croire que la Divinité ſe' ſoit jamaisincarnée dans ces grands perſonnages pourquoi veulent-ils nous perſuader qu'elle 'ſe ſoit incarnée dans leur Je ſus? Où en eſt la preuve? Leur foi &c lettr créance, qui étoit dans les Païens comme dans eux. Ce qui fait voir qu'ils ſont également dans l'erreur les uns comme les autres. Mais ce qu'il en cela de plus ridicule dans le Chriſtianiſme que dans le Paganifine, c'eſt que les Païens n'ont ordinairement attribué la divinité qu'à de grands hommes, auteurs des Arts &c des Sciences, &'l qui avoient excellé dans des vertus utiles leur 'pa trie :mais nos Déi-Chriſticoles, qui attribuent-ils 'la divinité? un vhomme de néant, vil 6c mépriſable, qui n'avoitni talent, ni ſcience ni adreſſe, né de pau vres parens, &c qui' depuis qu'il voulu paroître dans le monde &t faire parler dc lui n'a paſſé que pour un inſenſé &pour un ſéducteur; qui été mépriſé, mo qué, perſécuté ſouetté_, enfin qui été pendu comme la plupart de ceux qui ont voulu jouer le même rôle, quand 'ils ont été ſims courage &t ſans habileté. De ſon temps il eut encore pluſieurs autres ſem blables Impoſteurs qui ſe diſoicrit être le vrai Mcſſie promis par la Loi, entr'autres un certain Juda Gali léen, un Theodor, un Barcon, &t autres qui ſous un .a 52 vain prétexte abuſoient les Peuples &c tâchoient de les faire ſoulever pour les attirer eux, mais qui ſont tous péris. Paſſons ſes diſcours quelques_unes de ſes ac tions qui ſont des plus remarquables 8c des plus fin gulieres dans leurs eſpeces. ,, Faites pénitence diſoit ,, il aux Peuples, car le Royaume du Ciel eſt pro ,, che croyez cette bonne nouvelle: ,, &l il alloit courir toute la Galilée prêchant ainſi la prétendue venue prochaine du Royaume du Ciel. Comme perſonne n'a encore vu aucune apparence de la venue de ce Royaume, c'eſt une preuve parlante qu'il n'étoit qu'i maginaire. Mais voyons dans ſes autres prédications l'éloge &C la deſcription de ce beau Royaume. Voici comme il !parloir aux Peuples ,, Le Royau ,, me des Cieux eſt ſemblable àun homme qui ſemé ,, du bon grain dans ſon champ; mais pendant que ,, les hommes dormoient, ſon ennemi eſt venu, qui ,, ſemé la zizanie parmi le bon grain. Il eſt ſembla ,, ble un tréſor caché dans un champ un homme ,, ayant trouvé le tréſor, le cache de nouveau, &t il ,, eu tant de joye de l'avoir trouvé, qu'il vendu ,, tout ſon bien, &t il acheté ce champ. Il eſt ſem ,, blable un marchand qui cherche de belles perles, ,, &L qui en ayant trouvé une de grand prix._ va ven ,, dre tout ce qu'il a, &t achete cette perle. Il eſt ,, ſemblable un filet qui été jetté dans la mer, 8c ,, qui renferme toutes ſortes de poiſſons:étant plein, ,, les pêcheurs l'ont retiré, ont mis les bons poiſ ,, ſons enſemble dans des vaiſſeaux &z jetté dehors les ,, mauvais. Il eſt ſemblable un grain de moutarde ,, qu'un homme ſemé dans ſon champ: il n'y point ,, de grain ſi petit que celui-là; néanmoins quand il ,, eſt crû, il eſt plus grand que tous les légumes (53) ,, 6ce. ,, Ne voiIà-t-.il 'pas des diſcours dignes d'un Dieu On fera encore le même jugement de lui, l'on examine de près ſes actions. Car 1°. courir toute une Province, prêchant la venue prochaine d'un prétendu Royaume; 2°. avoir été tranſporté par le Diable ſur une haute montagne d'où il auroit cru voir tous les Royaumes du monde; cela ne peut convenir qu'à un viſionnaire car il eſt certain qu'il n'y point de mon tagne ſur la terre d'où l'on puiſſe voir ſeulement un Royaume. entier, ſi ce n'eſt le petit Royaume d'Yve tot, qui eſt en France. Ce ne fut donc que par ima gination qu'il vit tous ces Royaumes, &t qu'il fut tranſporté ſur cette montagne, auſſi-bien que ſur le pinacle du Temple. 3°. Lorſqu'il guérit le ſourd &C le muet dont ileſt parle dans Saint Marc, il eſt dit qu'il le tira en particulier, qu'il lui mit ſes doigts dans les oreilles, &qu'ayant craché il lui tira la langue; puis jettant les yeuxau Ciel, il pouſſa un grand ſoupir, 6c lui dit, app/uefa. Enfin qu'on liſe tout ce qu'on rapporte de lui, 6c qu'on juge s'il rien au monde de ſi ridicule. Ayant mis ſous les yeux une partie des pauvretés attribuées Dieu par les Chriſticoles, continuons dire quelques mots de leurs myſteres. Ils adorent un Dieu en trois perſonnes, ou trois perſonnes en un ſeul Dieu &c ils s'attribuent la pu-ifiance de faire des Dieux de pâte de farine, 6c même d'en faire tant qu'ils veulent. Car, ſuivant leurs principes, ils n'ont qu'à dire ſeulement quatre paroles ſur telle quantité' de \ver res de vin ,. ou de ces petites images de pâte,'ils en' fe ront autant de Dieux en eût-il des millions. Quclglle folie Avec toute la prétendue puiſſànce de leur Chriiſt, ils ne ſauroient faire la moindre mouche &g ils. croyent pouvoir faire des Dieux Zbmilliers. Il 'ſaut _(54) être frappé d'un étrange aveuglement pour ſoutenir des choſes ſi pitoyables &t cela ſur un ſi vain fondement que celui .des paroles équivoques d'un fanatique. Ne voyent-ils pas, ces Docteurs aveuglés que c'eſt ouvrir une porte ſpacieuſe toutes ſortes dffdolâtries, que de vouloir faire adorer ainſi des images de pâte ſous prétexte que des Prêtres auroient le pouv,oir de les conſacrer &t de les faire changer en Dieux? Tous les Prêtres des Idoles #auroient-ils pu &t ne pourroient ils pas maintenant ſe vanter d'avoir un pareil_ ca ractere? Ne voyent-ils pas auſli que les mêmes raiſons qui .démontrent la vanité des Dieux ou des Idoles de bois, de pierre &tc. que les Païens adoroient, démontrent pareillement la vanité des Dieux des Idoles de pâte de farine que nos Déi-Chriſticoles adorent? Par quel endroit ſe moquent-ils de la fauſſeté des Dieux des Païcns? n'eſt-ce ce point parce que ce ne ſont que des ouvrages de la main des hommes, des Images _muettes &c inſenſibles? Et que ſont donc nos Dieux que nous tenons enfermés dans des boîtes, de peur des ſouris? Quelles ſeront donc les vaines reſſources des Chriſti coles? Leur morale? elle eſt la même au fond que dans toutes les Religions; mais des dogmes cruels en ſont nés &l ont enſeigné la perſécution &t le trouble. Leurs miracles? mais quel Peuple n'a pas les ſiens &t quels Sages ne mépriſent pas ces ſables? Leurs prophéties? n'en a-t-on pas démontré la fauſſèté? Leurs mœurs? ne font_elles pas ſouvent inſames? L'établiſſement de leur Religion? mais le fanatifine n'a t-il pas commen -cé l'intrigue n'a_t-elle pas élevé, la force n'a-t'-elle pas ſoutenu viſiblement cet édifice? La Doctrine? mais !ſoil-elle pas le comble de l'abſurdité? (55) Je crois mes chers amis, vous avoir doríné un préſervatif ſuffiſant contre tant de folies. Votre raiſon fera plus encore que mes diſcours &t plût Dieu que nous n'euſſions nous plaindre que ci'être trom Pés-lx mais le ſang humain coule depuis le temps de Conſtantin, pour l'établiflèment de ces horribles im poſtures. L'Egliſe Romaine, la Grecque, la Proteſ tante tant de diſputes vaines, &t tant d'ambitieux hy pocrites ont ravagé l'Europe l'Afrique &t l'Aſie. Joignez, mes amis, aux hommes que ces querelles ont fait égorger, ces multitudes de Moines de Non nes, devenus ſtériles 'par leur état. Voyez combien de créatures ſont perdues, &t vous verrez que la Re ligion Chrétienne fait périr la moitié du Genre humain. Je finirai par ſupplierDieu ,ſi outrage par cette ſecte, de daigner nous rappeller la Religion Naturelle, dont le Chriſtianiſme eſt l'ennemi_déclaré; cette Religion ſimple que Dieu miſe dans le cœur de tous les hommes, qui nousapprend ne rien faire au trui que ce que nous voudrions être fait nous-mê mes alors l'Univers ſeroit compoſé de bons citoyens, de peres juſtes, d'enfans ſoumis, d'amis tendres; Dieu nous donné cette Religion en nous donnant la rai ſon. Puiſſe le fanatiſme ne la plus pervertir! Je vais mourir plus rempli de ces deſirs que .d'eſpérances. ’* ï. Voilà le précis exact du Teſtament ín-ſolio de jean Meſlier. Qſon juge de gael poids eſt le témoignage d'un Prêtre mou rant qui eman pardon Dieu. Ce 15°. Mar: 1742. F__ D4 ſ² ..’_..———‘—.…_———-. r_. '. CATÉCHISME ..DE L’HONNÊTE-HOMME

(M) CATËCHISME DE LHoNNÊTE-HOMME, OU .DIALOGUE Entre_un Caloyer E? un Houlme de bien; Traduit du Grec vulgaire, Par D. jf. jf. R. C. D. C. D. G. LE CALOYER. PUis-je vous demander, Monſieur, de quelle reli ñgion vous êtes dans Alep au milieu de cette-foule de ſectes qui ſont ici reçues &c qui ſervent toutes fairefleurir cettê grande Ville Etes-vous Nlahomé tan du rite d'Omar ou de celui d'Ali? ſuivez-vous les dogmes des anciens Parſis, ou de ces Sabéens ſi an térieurs aux Parſis, ou des Brames qui ſe vantent d'une antiquité encore plus reculée? ſeriez-vous Juif? êtes vous Chrétien du ïrite Grec ou de celui des Armé niens, ou des Cophtes, ou des Latins? UHONNÊTEHoMME” J'adore Dieu; je tâche d'étre juſte, je. cherche m'inſtruire. (W) LECÀLOYER Mais ne donnez-vous pas la préférence aux livres Juifs ſur le Zenda-Veſta ſur le Vedam ſur l'Alcoran UHONNÊTEHOMME -Je crains de n'avoir pas aſſez de l’timieres pour bien juger des livres; &c je ſens quej'en ai aſſez pour voir, dans le grand livre de la nature qu'il faut adorer 5c aimer ſon maître. LE CALOYER.' Y-a-t-íl quelque choſe qui vous embarraſſe dans les livres Juifs LTHONNETE-HOMME. Oui; j'avoue que j'ai de la peine concevoir ce qu'ils rapportent. J'y vois quelques incompatibilités dont ma foible raiſon s'étonne. .ñ 1°. Il me ſemble difficile' que Moïſe ait écrit, dans un déſert,’le Pentateuque qu'on lui attribue. Si ſon Peuple venait d'Egypte où il avait demeuré dit l'au teur, quatre cens ans, quoiqu'il ſe trompe de deux cens) ce livre eût été propablement écrit en Egyp tien; 8c on nous dit qu'il l'était en Hébreu. Il devait être gravé ſur la pierre ou ſur le bois; on n'avait pas du tems de Moïſe d'autre maniere d'écrire; c'était un art ſort difficile qui demandait de longs préparatifs', il fallait polir le bois ou la pierre il 'n'y pas d'appa rence que cet art pût être exercé dans un déſert où, ſelon ce livre même la horde Juive n'avait pas de quoi ſe faire des habits &t des ſouliers &t où Dieu fut obligé de faire un miracle continuel pendant quarante 6- années, pour leur conſerver leurs Vêtemens 6c leurs chauſſures ſans dépériſſement. 2°. Les hommes les plus verſés dans l'antiquité pen ſent que ces livres ont été écrits plus de ſept cents ans après Moïſe. Ils ſe fondent ſur ce qu'il eſt parlé des Rois ., &c qu'il n'y eut de Rois que long-tems après Moïſe; ſur la poſition des villes, qui eſt fauſſe ſi le livre fut écrit dans le déſert &t vraie s'il fut écrit Jéruſalem; ſur les noms des villes ou des bourgades dont il eſt parlé, &c qui ne furent fondées ou appellées du nom qu'on leur donncqu'après pluſieurs ſiecles &tc. 3°. Ce qui peut un peu effaroucher dans les écrits attribués Moïſe, c'eſt que l'immortalité de l'ame, les récompenſes 6L les peines après la mort, ſont en tiérement inconnues dans l'énoncé de ſes loix. Il eſt étrange qu'il ordonne la maniere dont on doit faire ſes déjections, êc qu'il ne parle en nul endroit de l'immor talité de Fame. Zoroaſtre, .antérieur au légiflateur Juif, dit, honor-ez aimez *vos parens, ſi vous voulez avoir la vie éternelle 6c le décalogue dit, honore pere C9” mere, ſi lu ?Jeux vivre lang-tems ſur la terre. Il ſemble que Zoroaſtre parle 'en homme di vin, Moïſe en homme terreſtre. 4°. Les événemens racontés dans le Pentateuque étonnent ceux qui Ont le malheur de ne juger que par leur raiſon, 6c dans qui cette raiſon. aveugle n'eſt pas éclairéepar une grace particuliere. Le premier Cha pitre de la Géneſe eſt ſi au-deſſus de nos conceptions qu'il ſut défendu chez les Juifs de le lire avant vingt cinq ans. On voit avec un peu de ſurpriſe que Dieu vienne ſe promener tous les jours midi dans le jardin d'E den; que les ſources de quatre fleuves éloignées pro digieuſement les unes des autres, forment unefontaine dans, ce même Jardin; que le ſerpent parle Eve, 62 attendu qu'il eſt le plus ſubtil des animaux, &qu'une fineſſe, qui ne paſſe pas_ pour ſi ſubtile_, parle auſſi plu ſieurs ſiecles après; que Dieu délivre de ſervitude en Egypte ſix cens mille combattans de ſon Peuple, ſans compter les vieillards, les enfans &t les femmes; que ces ſix cens mille combattans, après les plus écla tans miracles, égalés pourtant par les Magiciens d'E gypte s'enfuyent au-lieu de combattre leurs ennemis; qu'en fuyant ils ne prennent pas le chemin du Pays où Dieu les conduit ;qu'ils ſe trouvent entre Mem phis &t la Mer Rouge que Dieu leur ouvre cette mer, &t la leur faſſe paſſer pied ſec pour les faire périr dans des déſerts affreux au-lieu de les mener dans la terre qu'il leur promiſe; que ce Peuple, ſous la main &t ſous les yeux de Dieu même, demande au frere de Moïſe un veau d'or pour l'adorer; que ce »veau d'or ſoitjetté en fonte en un ſeul jour que Moïſe réduiſe cet or en poudre impalpable &t la faſlè aväler au Peuple; que vingt-trois mille hommes de ce Peu ple ſe laiſſent égorger par des Lévites en punition d'a voir érigé ce veau d'or, &t qu'Aaron, qui l'a jetté en fonte, ſoit déclaré Grand—Prêtre pour récompenſe; qu'on ait brûlé deux cens cinquante hommes d'une part, &t quatorze mille ſept' cens hommes de l'autre, qui avaient diſputé l'encenſoir Aaron; &t que, dans une autre occaſion, Moïſe ait encore fait tuer vingt quatre mille hommes de ſon Peuple. 5°. Si on s'en tient aux plus ſimples connaiſſances de la Phyſique &t qu'on ne s'éleve päsjuſqtfau pou voir divin il ſera difficile de penſer qu'il ait eu une eau qui ait fait crever les femmes adulteres &t qui ait reſpecté les femmes fidelles. On voit encore avec plus d'ét0nnement un vrai Prophete parmi les Idolâtres dans la perſonne de Balaam. (63) 6'. On eſt encore plus ſurpris que dans un .village du petit pays de Madian le Peuple Juif trouve 675000 brebis, 72000 bœufs, 6| ooo ânes, 32000 pu celles; &t on friſſonne d'horreur, quand on lit que les Juifs, par ordre du Seigneur maſſàcrerent tous les mâles z&C toutes les veuves, les épouſes &L les meres, &c ne garderent que les petites filles. 7°. Le Soleil qui s'arrête en plein midi pour don ner plus de tems aux Juifs de tuer les Gabaonites déjà écraſés par une pl-uye de pierres tombées du Ciel; le Jourdain qui ouvre ſon lit comme la mer rouge, pour laiſſer paſſer ces Juifs; les murailles de Jéricho qui tombent au \bn des trompettes; tant de prodiges de toutes eſpeces, exigent, pour être crus, le ſacrifice de la raiſon, &t la foi la plus vive. Enfin, quoi aboutiſſent tant de miracles opérés par Dieu même pendant des fiecles en faveur de ſon peuple? le rendre preſque toujours l'eſclave des Nations. 8°. Toute l'hiſtoire de Samſon ſemble plus faite pour amuſer l'imagination que pour édifier l'eſprit. Celles de Joſué &t de Jephté ſemblent barbares. 9°. L'hiſtoire des Rois eſt- un tiſſu de cruautés GC Œaſſaſſinats qui fait ſaigner le cœur. Preſque tous les faits 'ſont incroyables; le premier Roi Juif Saiil ne trouve chez ſon peuple que deux épées, &t ſon Suc ceſſeur David laiſſe plus de vingt milliards d'argent comptant. Vous dites que ces livres ſont écrits par Dieu même; vous ſavez que Dieu ne peut mentir. Donc ſi un ſeul fait eſt faux tout le livre eſt une impoſture. 10°. Les Proplietes ne ſont pas moins révoltans, pour un homme qui n'a pas le don de pénétrer le ſens caché 8c allégorique des prophéties. Il eſt tout ſurpris de voir Jérémie ſe charger d'un bât &L d'un collier, 6c ſe faire lier avec des cordes; Oſée, qui va. j' f. 64 .s'unir une femme adultere; Iſaïe, qui marche tout nud dans la place publique; Ezéchiel qui ſe couche trois cens quatre-vingt dix jours ſur le côté gauche, &c quarante ſur le côté droit qui mange un livre de par chemin qui couvre ſon pain d'excréments d'homme, &( enſuite de bouze de vache, 8cc. Certainement ſi le lecteur n'eſt pas inſtruit des uſages du pays, 6c de la maniere de prophétiſer, il peut craindre d'être ſcandaliſe'. Et quand il voit Eliſée faire dévorer qua rante enfans par des Ours pour l'avoir appellé tête chauve un châtiment ſi peu proportionné l'offenſe peut lui inſpirer plus d'horreur que de reſpect. Pardonncz-moi done ſ1 les livres Juifs m'ont cauſé quelque embarras. Je ne veux pas avilir l'objet de votre vénération j'avoue même que je peux me tromper ſur les choſes de bienſéance &c dejuſtice qui ne ſont peut-étre pas les mêmes dans tous les tems; je me dis que nos mœurs ſont différentes de celles de ces ſiecles reculósl Nlais peut-être auſſi la préférence que vous avez donnée au Nouveau Teſtament ſur l'Ancien, peut ſervir juſtifier mes ſcrupules. Il faut bien que la loi des Juifs ne vous ait pas paru bonne, puiſque vous l'avez abandonnée. Car ſi elle était réel lement bonne, pourquoi ne l'auriez-vous pas toujours ſuivie? &t ſi elle était mauvaiſe, comment était-elle divine? LE CALOYER. L'Ancien Teſtament ſes difficultés. Mais vous m'avouez donc que le Nouveau Teſtament ne fait pas naître en vous les mêmes doutes &t les mêmes ſcrupu— les que 1'Ancien? UHONNËTE-HOMME. je les ai lus tout deux avec attention; mais ſouſ l' que je vous expoſe les inquiétudes où me jette mon _A, (55) .mon ignorance; Vous l'es plaindrei, &c vous les calé merez. Je me trouve ici avec des Chrétiens Arméniens; qui diſent qu'il n'eſt pas permis de manger du lievreg‘ avec des Grecs, qui aſſurent que le St. Eſprit ne pro cede point du fils; avec des Néſioriens, qui nient qué; Marie ſoit mere de Dieu; avec quelques Latins, qui ſe. vantent qu'au bout de l'Occident les Chrétiens d'Eu rope penſent tout autrement, que ceux d'Aſie &c d'A-' frique. Je ſais que cinq ou ſix ſectes en Europe s'a nathématíſent les unes les autres; Les Muſulmans qui m'entourent, regardent d'un œil de mépris d'hor-’ reur tous ces Chrétiens, que cependant ils tolerent; Les Juifs ont également en exécration les Chrétiens &c les Muſulmans; les Guebres les mépriſent tous; le peu qui reſte des Sabéens, ne voudrait manger avec aucun de ceux que je vous ai nommés; le Brame' ne peut ſouH-'rir ni Sabéeus, ni Guebres, ni Chrétiens; ni Mahométans ni Juifs: J'ai cent fois ſouhaité que Jeſus-Chriſt; en venänñ ?incarner en Judée, eût réuni toutes ces ſectes ſous 'ſes loix. Je me' ſuis demandé pourquoi, étant Dieu, il n'a pas uſé des droits de la Divinité; pourquoi; en venant nous délivrer du péché, il 'nous laiſſés dans le péché; pourquoi, en Venant éclairer tous les hommes il 'a laiſſé preſque tous les hommes dans l'erreur? ñ. Je ſais que .je ne ſuis rien; je ſais que du fond de! mon néant je ne dois pas interroger l'Etre des Etresä mais il m'eſt permis, comme Job, d'élever mes ,reſ pectueuſes plaintes du ſein de ma miſere; .- Que voulez-vous que jer penſe Quand je Vois deux généalogies de Jeſus directement contraires l'une l'autre, &c que cos généalogies, qui ſont ſi différentes dans les nom's &S dans le nombre de ſes ancêtres, ne 66 ſont pourtant pas la ſienne, mais celle de ſon pere Joſeph qui n'ell: pas ſon pere? Je donne la torture mon eſprit pour comprendre comment un Dieu eſt mort ſi inutilement. Je lis les livres ſacrés &t les livres profanes de ces tems-là; un de ces livres ſacrés me dit qu'une étoile nouvelle parut en Orient, &t conduiſit des Mages aux pieds de Dieu qui venait de naître. Aucun livre profane ne parle de cet événement jamais mémorable, qui ſemble de voir avoir été apperçu par la terre entiere, 6c marqué dans les faſtes de tous les Etats. Un Evangéliſte .me dit qu'un Roi, nommé Hérode, qui les Romains, maîtres du monde connu, avoient donné la Judée, entendit dire que l'enfant qui venait de naître dans une étable devait être Roi des Juifs; mais comment, Gt qui ſur quel fondement entendit-il. dire cette étrange nouvelle 'Eſt-il poſſible que ce Roi, qui n'avoir pas perdu le ſens, ait imaginé de faire égor~ ger tous les petits enfans du pays, pour envelopper dans le maſſacre un enfant obſcur? Ya-t-il un exemple ſur la terre d'une fureur ſi abominable &t ſi inſenſée? J'ouvre l'hiſtoire de Joſeph auteur preſque con temporain Joſeph, parent de Mariamne \äcriſiée par Hérode, Joſeph ennemi naturel de ce Prince: il ne dit pas un mot de cette aventure; il eſt Juif &t il ne parle pas même de ce Jeſus né chez les Juifs. Que d'incertitudes m'accablent dans la recherche importante de ce que je dois adorer 8c de ce que je dois croire! Je lis les Ecritures, &t je n'y vois nulle part que Jeſus, reconnu depuis pour Dieu, ſe ſoit ja 'mais appellé Dieu je vois même tout le contraire il dit que ſon pere eſt plus grand que lui, que le pere ſeul ſait ce que le fils ignore. Et comment encore ces mots de pere &c de fils ſe doivent-ils entendre chez un Peuple où par les fils de 'Bélial on voulait dire les mê 67 .—ï- ..r~ chans, 6c -par, les fils de Dieu on déſignait les ,hom mes juſtes? ſadopte quelques maximes de. la morale de Jeſus mais quel légiſſateur enſeigna jamais une mauvaiſe morale 'dans quelle religion Padultere, le larcin le meurtre l'impoſture ne ſont-ils pas défen dus; le reſpect pour les parents l'obéiſſance aux loix la pratique de toutes les vertus expreſſément ordonnée Plus je lis plus mes peines redoublent, Je cherche des prodiges dignes d'un Dieu, atteſtés par l'univers J'oſe dire avec cette naïveté. douloureuſe qui craint de blaſphémer, que des’Diables envoyés dans le corps d'un troupeau de cochons, de l'eau changée en vin en faveur de gens qui étaient ivres, un figuier ſéché pour n'avoir pas porté des figues avant le temps, &tc. ne rempliſſent pas l'idée que je m'étois faite du maî tre de la nature annonçant &c rouvant la vérité par des miracles éclatans &t utiles. Buis-je adorer ce maîó tre de la nature dans un Juif qu'on dit tranſporté ,par le Diable ſur le haut d'une montagne dont on décou vre tous les Royaumes de la terre? Je lis les .paroles qu'on rapporte de luî j'y vois une prochaine arrivée du Royaume des Cieux, figurée par un grain de moutarde par un filet prendre des poiſ? ſons, par de l'argent mis uſure par un ſouper au quel on fait entrer par force des borgnes &c des boi teux. Jeſus dit qu'on ne met point de vin nouveau dans de vieux tonneaux, que l'on aime mieux le vin? .vieux que le nouveau. Eſt-ce ainſi que Dieu parle? Il annonce expreſſément que dans la génération pro chaine, le fils dc l'homme deſcendra dans les nuées: que ſignifie le fils de l'homme? comment deſcend-on dans les nuées? cetœ prophétie s'eſt-elle. accomplie? Enfin, comment puis-je reconnaître Dieu dans un Juif dela .populace, condamné auEdernier ſupplice 68 'pour avoir ma] parlé des Magiſtrats cette populace, 6E ſuant d'une ſueur de ſang dans l'angoiſſe 6c dans la frayeur que lui inſpirait la mort? eſt-ce là Platon eſt ce là Socrate ou Antonin, ou Epictete ou Zaleucus, ou Solon ou Confucius? Qui, de tous ces Sages, n'a écrit, n'a parlé d'une maniere plus conforme aux idées que nous avons de la fiigeíſe? Et comment pouvons nous jugep autrement que par nos idées? Quand je Vous ai dit que j'adOptais quelques maxi me-s de Jeſus, vous avez dû ſentir que je ne puis les adopter toutes. J'ai été affligé en liſant :Je ſuis 'venu apporter le gigi'De 6'99 no” la paix je ſuis 'venu di viſer Je fils &'9' le pere, la fille, la mere é? les pa reils. Je vous avoue que ces paroles m'ont ſaiſi de douleur &cdïzffroi; &t je regardais ces paroles commeune prophétie, je croirais en Voir l'accompliſſement dans les querelles qui ont diviſé les Chrétiens dès les premiers tems, &t dans les guerres civiles qui leur ont mis les armes la main .pendant tant de fieclesJ'a.voue encore que des mouvemens dîndignation &L de pitié ſe ſont élevés dans mon cœur quand j'ai vu Pierre &t Paul faire apporter leurs pieds l'argent de leurs ſectateurs. Ananie &Saphire ont gardé quel que choſe pour eux du prix de leur champ; ils ne l'ont pas dit; &t Pierre les punit en faiſant mourir ſu* bitement le mari &t la femme. Hélas! ce-n'était pas là le "miracle que j'attendais de ceux qui diſent qu'ils ne veulent pas la mort .du pécheur, mais ſa converſion. J'ai oſé penſer que ſi Dieu faiſait des miracles, ce ſe raitpour guérir les hommes, &t non pas pour les tuer; que ce ſerait pourles corriger, &non pourles perdre; qu'il eſt un Dieu 'de miſéricorde &t non un tyran ho-Y mîcide. Ce qui m'a le plus révolté dans cette hiſtoire, c'eſt que Pierre ayant ſait mourir Ananie, &c voyant -- C69) venir Saphire ſa femme ne l'avenir pas, ne lui dir pas: gardez-vous de réſerver pour- vous quelques obo les; ſi vous en avez, avouez tout, donnez tout, crai gnez le ſort de votre mari :.au contraire., il la fait tom ber dans le piege; il ſemble qu'il ſe rejouiſſe de frap per une ſeconde victime. Je vous avoue que, cette aventure m'a toujours fait dreſſèr les cheveux. Puiſque vous me permettez de vous expliquer mes penſées je continue; je dis que je n'ai trouvé aucune trace du Chriſtianiſme dans l'hiſtoire du Chriſt. Les quatre Evangiles qui nous reſtent, ſont en oppo ſition ſur pluſieurs faits; mais ils atteſtent uniformé ment-que Jeſus fut ſoumis la loi de Moïfezdepuis le moment de ſa naiſſànce juſqu'à celui de ſa mort. Tous ſes diſciples fréquenterent la Synagogue; ils prêchaient une réforme mais ils n'annonçaiernt pas une religion différente; les Chrétiens ne furent abſolument ſépa rés des Juifs que long-tems après.. Dans quel tems précis Dieu voulut-il donc qu'on ceſſât d'être Juif', &( qu'on fût Chrétien ?d qui ne voit que le tems tout fait que tous les dogmes ſont venus les uns après les autres? Si Jeſus avait voulu établir une Egliſe Chrétienne n'en eut-il pas enſeigné les loix? n'aurait-il pas lui-. même établi tous les rites? m'aurait-il pas annoncé les ſept Sacremens dont il ne parle pas? n'aurait-il pas dit: je 'ſuis Dieu, engendré &t non fillt; le St. Eſprit pro cede de, mon_ pere ſans être engendré; j'ai deux vo lontés Gt- une perſonne; ma, mere eſt mere de Dieu? Au contraire, il dit ſa mere, femme, qu'y a-t-ilen tre vous C9” moi .? Il lïétablit ni dogme, ni rit, ni hié rarchie; ce n'eſt donc pas luiqui fait ſa religion. Quand les premiers dogmes commencent ,à s'éta blir, je vois les Chrétiens ſoutenir ces dogmesïpar, des livres ſuppoſés; ils imputent aux Sibyllès desvers -(W) ncroſtiches ſur le Chriſtianiſme; ils forgent des hiſtoi res des prodiges dont l'abſurdité eſt palpable. Telle eſt, par exemple, l'hiſtoire de la nouvelle Ville de Jéruſalem bâtie dans l'air, dont les murailles avaient cinquante lieues de hauteur, qui ſe promenait ſur Fhoriſon pendant toute la nuit, &t qui diſparaiſſäit au p.oint du jour. Que de miracles puériles on forgés! que de faux Martyrs! que de Légendes abſurdes! porteflta 'J'u .daiba rides. Et quel été le but «SE la fin de toutes ces groſ fieres impoſture. De dominer ſur les eſprits, d'in fulter la crédtäté des Idiots, de ravir leurs biens, d'élever des Palais ſur les débris des maſures des pau vres, de commander avec orgueil en prêchant l'hu milite; d'avoir ſes ordres plus de ſoldats que de prêtres; de condamner la mort, du fond d'un Pa» lais ſuperbe, l'indi ent qui oſe élever les yeux &t la voix contre le faſte ic le luxe des impoſteurs, engraiſ ſés du ſang des nſíſérables. Liſez ſeulement l'hiſtoire de l'Egliſe Chrétienne, vous frémirez d'horreur, 6c vous pleurerez ſur le genre humain. LE CALOYER. Je ſuis forcé de convenir d'une partie de ceque vous dites; mais enfin convenez auſſï que parmi tant de crimes il eu de grandes vertus. Faut-il que les abus vous aigriſtënt, &t que les bonnes loix ne vous touchent pas? ajoutez ces bonnes loix des miracles qui ſont la preuve de la divinité de Jeſus-Chriſt. UHQNNÊTLHOMME Des miracles?juſte ciel! 8c quelle religion n'a pas Tes miracles? Tout eſt prodige dans l'antiquité. Quoi! ._.—ífi (W) vous ne croyez pas aux miracles rapportés par les Hérodotes &c les Tite-Lives par cent Auteurs reſpec tés des nations; 6E vous croyez des aventures de la Paleſtine, racontées, dit-on par Jean par Marc ,. dans des livres ignorés pendant trois cens ans chez les Grecs 6;, les Romains, dans des livres faits ſans doute après la deſtruction de Jéruſalemſcomme il eſt prouvé pat- ces livres mêmes, qui fourmillent de con tradictions chaque page? Par exemple il eſt dit dans l'Evangile de St. Nlathieu, que le ſang de Zacharie, fils de Barac, maſſacré entre le temple &c l'autel, retom~ bera ſur les Juifs. Or on voit dans l'hiſtoire de Flavien Joſeph, que ce Zacharie fut tué en effet entre le tem le &c l'autel pendant le ſiege de Jéruſalem par Titus,, Bouc cet Evangile ne fut écrit qu'après Titus. Et pourquoi Dieu aurait-il fait ces miracles? pour être condamnéà la potence chez les Juifs. Quoi il auroitreſi ſuſcité des morts il n'en eût recueilli d'autre fruit que de mourir lui-même, ;Sc de mourir du dernier ſupplie ce? S'il eut opéré ces prodiges, c'eût été pour faire connaître ſa divinité. SongeZ-vous bien ce que c'eſt que d'accuſer Dieu de s'être fait homme inutilement, &Æavoirreſſuſcité des morts pour être pendu? Quoi! des milliers de miracles en .faveur des Juifs pour les rendre eſclaves, &c desmiracle,s de Jeſus, pour faire, mourir Jeſus en croix! Ah, pardonn‘ezëmoi de fiémir 6c de douter! LECALOYEE_ Je ne nie pas que vos doutes ne ſoient fondés &je ſens que vous raiſonnez de bonne foi; mais enfin con~ venez qu'il faut une religion aux hommes. E4 (P) UHONNÊTBHOMME Sans doute; l'ame demande cette nourriture, mais pourquoi la changer en poiſon? pourquoiétouffer la fim "ple' vérité dans un amas d'indignes menſonges? pourquoi ſoutenir ces menſonges par le fer &t par les flammes? quelle horreur infernale! La religion entre l'homme &c Dieu eſt l'adoration &t la vertu ;’ c'eſt entre le Prince 6c les ſujets une affaire de police; ce n'eſt que trop ſouvent d'ho_mme homme qu'un commerce de four berie. Adorons Dieu fincérement, ſimplement, &t ne trompons perſonne, Oui, il ſaut une religion; mais il la faut pure, raiſonnable univerſelle; elle doit être comme_ le Soleil, qui eſt pour tous les hommes, &c non pas pour quelque petite Province privilégiée. Il _eſt abſurde, odieux, abominable, d'imaginer que Dieu éclaire tous les yeux, &t qu'il plonge preſque toutes les ames dans les ténebres. Il n'y qu'une probité commune tout l'univers, il n'y donc qu'une reli~ ion; Et quelle eſt_elle! vous le ſavez, c'eſt d'adorer 1931m &c d'étrc juſte. R. Mais comment croyez-vous donc que ma_ religion s'eſt établie! LHONNÊTDHOMME Comme toutes les autres. Un homme d'une imagi nation forte ſe fait ſuivre par quelques perſonnes diane imagination faible. Le troupeau s'augmente; le fana tifine commence, la fourberie acheve. Un homme puiſ ſant Vient il voit une foule qui s'eſt miſe une lëile _ſur le dos &c un_ mords la bouche; il monte ſur elle (7aä 6c la conduit. Quand une fois la religion nouvelle eſt reçue dans l'Etat, le Gouvernementneſt plus occupé qu'à proſcrire tous les moyens par leſquels elle s'eſt établie. Elle commencé par des aſſemblées ſecre tes; on les défend. Les premiers Apôtres ont été ex_ preſſément envoyés pour chaſſer les Diables; on dé fend les Diables. Les Apôtres ſe_ faiſaient apporter l'argent des proſélites. Celui qui eſt convaincu de pren dre ainſi de l'argent, eſt puni. Ils diſaient qu'il vaut mieux obéir Dieu qu'aux hommes &t ſur ce pré texte ils biavaient les loix. Le Gouvernement main tient que ſuivre les loix, c'eſt obéir Dieu. Enfin la politique tâche ſans ceſſe de concilier l'erreur reçue &c le bien public, LE CALOYER. Mais vous allez en Europe. Vous ſerez obligé de vous conformer quelqu'un des cultes reçus. UHONNETELHOMME. Quoi donc ne pourrai-je faire en Europe, comme ici; adorer paiſiblement le Créateur de tous les 'hom mes le Dieu de tous les hommes celui qui mis dans mon cœur l'amour de la_vérité &t de la juſtice? LECALOYEK Non vous riſqueriez trop; l'Europe eſt diviſée ca factions, il faudra en choiſir une. UHONNÊTDHOMME Des factions quand il s'agit dela vérité univerſelle! quand il s'agit de Dieu! -1 (fl3' LECALOYEK Tel eſt le malheur des hommes on eſt obligé de faire comme eux, ou de les fuir; je vous demande la ,préférence pour l'Egliſe Grecque. UHONNÊTEHOMME Elle eſt eſclave. 'LECALOYER Voulez-vous vous ſoumettre l'E liſe Romaine UHONNÊTDHOMME Elle eſt tyrannique. Je ne veux ni d'un Patriarche Simoniaque, qui achete ſa honteuſe dignité d'un grand Viſir; ni d'un Prêtre, qui s'eſt cru pendant ſept cens ans le :naître des Rois. LE CALOYER. Il n'appartient pas un Religieux, tel que je le ſuis, de vous propoſer la Religion Proteſtante. UHONNÊTEHOMME C'eſt peut-être celle de toutes que j'adopterais le plus volontiers, ſi j'étais réduit au malheur d'entrer dans un arti. LE CALOYER. Pourquoi ne lui pas préférer une religion plus an cienne 75 UHONNÊTDHOMME Elle me paraît bien plus ancienne que la Romaine. LE CALOYER. Comment! pouvez-vous ſuppoſer que St. Pierre ne ſoit pas plus ancien que Luther, Zvingle, Oecolam pade, Calvin, &t les Réformateurs d'Angleterre, de Dannemarck, de Suede, &c.? LfflHONNETE-HOMME.ï Il me ſemble que la Religion Proteſtante n'eſt ind. ventée ni par Luther, ni par Zvingle; il me ſemble qu'elle ſe rapproche plus de ſa ſource que la religion Romaine, qu'elle n'adopte que ce qui ſe trouve ex preſſément dans l'Evangile des Chrétiens, tandis que les Romains ont chargé le Culte de 'cérémonies &de dogmes nouveaux. Il n'y qu'a ouvrir les yeux, pour voir que le Légiflateur des Chrétiens n'inſtitua point de fêtes, n'ordonna point qu'on adorât des images St des os de morts, ne vendit point d'indulgences ne reçut point d'annates, _ne conféra pointde bénéfices, n'eut aucune dignité temporelle n'établit point une inquiſition pour ſoutenir ſes loix, ne maintint point ſon autorité par le fer des bourreaux. Les Proteſtans réprouvent toutes ces nouveautés ſcandaleuſes &t fu neſtes; ils ſont par-tout ſoumis aux Magiſtrats, &c l'E gliſe Romaine lutœ depuis huit cens ans contre les Magiſtrats. Si les Proteſtans ſe trompent comme les autres dans 'le principe ,_ ils ont moins d'erreurs dans les conſéquences; &t puiſqu'il faut traiter avec les hommes, j'aime traiter avec ceux qui trompent le moins. (76) LE CALOYER. Il me ſemble que vous choiſiſſez un Religion comme on achete des étoffes chez les marchands vous allez chez celui qui vend le moins cher. UHONNETE-HOMME. Je vous ai dit ce que je préſérerais, s'il me fallait faire un choix ſelon les regles de la prudence humaine; mais ce n'eſt point aux hommes que je dois m'adreſ ſer, c'eſt Dieu ſeul; il parle tous les cœurs, nbus avons tous un droit égal l'entendre. La conſcience qu'il' donnée tous les hommes eſt leur loi univer ſelle. Les hommes ſentent d'un pole l'autre qu'on doit être juſte honorer ſon pere &t ſa mere aider ſes ſemblables, tenir ſes promeſſes; ces loix ſont de Dieu, llesſimagrées ſont des mortels: toutes les religions different comme les gouvernemens; Dieu permet les uns &t les autres. _ſai cru que la maniere extérieure dont on l'adore ne peut ni le flatter, ni l'offenſer, pourvu que cette adoration ne ſoit ni ſuperſtitieuſe en vers lui, ni barbare envers les hommes. N'eſt-ce pas en effet offenſerDieu que de penſcr qu'il choiſiſſe une petite nation chargée de crimes pour ſa favorite, afin de damner toutes les autres! Que l'aſ faſlin d'Urie ſoit ſon bien-aimé &t que le pieux An tonin lui ſoit en horreur? n'eſt-c'e pas la plus grande abſurdité, de penſer que l'Etre ſuprême punira ja mais un Caloyer pour avoir mangé du lievre, ou un Turc pour avoir mangé du porc? Il eu des peuples qui ont mis, dit-on, les oignons au rang des Dieux; il en d'autres qui ont prétendu qu'un morceau de pâte étoit changé en autant de Dieux que de miettes. Ces deux extrêmes de la démence humaine font éga Ln) lement pitié; mais que ceux qui adoptent ces rêveries' oſent perſécuter ceux qui ne les croyent pas, c'eſt ce qui eſt horrible. Les Anciens Parſis, les Sabéens, les Egyptiens, les Grecs ont admis un Enfer; cet Enfer eſt ſur la terre &c ce ſont les perſécuteurs qui en ſont les Démons. LE CALOYER. Je déteſte la perſécution la contrainte, autant que vous; &c grace au Ciel, je vous ai déja' dit que les Turcs ſous qui je vis en paix ne perſécutent perſonne. _UHONNÊTDHÔMME Ah puiſſent tous les Peuples d'Europe ſuivreſexem* ple des Turcs! LE CALOYER. Mais j'ajoute qu'étant Caloyer, je ne puis vous propoſer d'autre religion' que celle que je profeflb au mont Athos. UHONNÊTEHOMME Et moi j'ajoute qu'étant homme je vo_us propoſe la religion qui convient tous les hommes celle de tous les Patriarches 6c de tous les Sages de l'antiquité, l'a~ doration d'un Dieu, la juſtice, l'amour du prochain, Pindulgence pour toutes les erreurs, &L la bienfaiſance dans toutes les occaſions de la vie. C'eſt cette religion digne de Dieu, que Dieua gravée dans tous les cœurs. Mais certes il n'y pas gravé que trois font un qu'un morceau de pain eſt I'Etr'e Eternel, 8c que Fâneſtê de Balaam parlé, (W) LJCALOYEE Ne m'emp'êchez pas d'être Caloyer. UHONNÊTEHOMME Ne m'empêchez pas d'être honnête-homme. W' LECALOYER Je ſers Dieu ſelon l'uſage de mon couvent. .UHONNETE-HOMME. Et moi ſelon ma conſcience. Elle me dit de plain dre &t d'aimer les Caloyers, les Derviches, les Bon zos &t les Talapoins, &t de regarder tous les hom mes comme mes freres. LE CALOYER. Allez, allez, tout Caloyer que je ſuis je penſe comme vous. UHONNÊTDHOMME Mon Dieu béniſſez ce bon Caloyer? R. Mon Dieu, béniíſez cet honnête-homme! 1758. 'FV ,_… '_ñ'l SERMON DIES CINQUANTE. 1749 On l'attribut- Mr. du Marraine ou du Mar fózy, d'autres la Méírie; mais i1 ell d'un grand Prince Très-inſtruit. SER _(81) 1. _. ‘,T_ .,ï ïAmi SERMON nES CINQUANTE. Inqu'ante perſonnes i'nſtruites', ’* pieuſes Si Hai: ſonnables s'aſſemblent depuis un an, tous les Dimanches, dans une Ville peuplée '&t commerçante; Elles font des prieres; après leſquelles un membre de la Société prononcé un diſcours. Enſuite on dîn‘e; après le repas on fait une Collecte pour les pauvres; chacun préſide ſon tour :' c'eſt au Préſident faire la Priere &c prononcer le _Sermoii. Voici une de ces Prieres &t un de ces Se'r'nions. Si la ſemence de ces paroles tombe dans une bonné ierre; on ne doute pas qu'elle ne fructifies Przſiefé: Ieu de tous les globes St de 'tous' les étr'es' ,. ,. I)ſeule priere qui puiſſe vousconve'nir, eſt la ſou miſſion. Car que demander celui qui tout ordonj né tout prévu, tout enchaîné depuis l'origine des choſes? Si pourtant il eſt permis de repréſenterſes be ſoins un pere; conſervez dans nos cœurs cette_ _ſou miſſion même conſervez-y votfe religion pure', écarä t‘ez de nous toute ſuperſtition. Si on peut vous inſul ier par des ſacrifices' indignes, aboliilez cſes ínfames' myſtères. Si on peut déshonorer la Divinité par_ des fables abſurdes, périſſent _ces fables_ àjamais; Si 'Ales' jours du Prince Gt du Magiſträt ſont ſins comptés Le ïfait :ſi très_vrai; iïî 3è de toute éternité prolongez leurs jours. Conſervez la pureté de nos mœurs, l'amitié que nos freres ſe por tent la bienveillance qu'ils ont pour tous les hom' mes, leur obéiſſance pour les loix, \St leur ſageſſe dans la conduite privée qu'ils vivent ê; qu'ils meurent, en n'adorant qu'un ſeul Dieu rémunérateur du bien, vengeur du mal, un Dieu qui n'a pu naître ni mou rir, ni avoir des aſſociés mais qui dans ce monde trop de rebelles; Sermon; Es freres; la religion eſt la voix ſecrete de Dieü Mqui parle tous les hommes; elle doit tous les' réunir, &t non les diviſer. Donetoute religion qui_ n'ap partient qu'à un Peuple,_ eſt fauſſe. La nôtre _eſt, dans, ſon principe, celle de l'Univers entier; car nous adoâ rons un Etre Suprême, comme toutes les Nations Padorent; nous pratiquons la juſtice que toutes les Nations enſeignent, 8c nous rejettons tous leê menî ſonges que les Peuples ſe reprochent les uns aux au tres. Ainſi d'accord avec eux tous dans le principle" qui les concilie, nous différons d'eux tous dans les choſes où ils ſe combattent. Il eſt impoſſible que lè point dans lequel tous les hommes de tousles tems ſe réuniſſent, ne ſoit l'unique centre de la vérité; SC que les points dans leſquels ils different tous, ne ſoient les étendards du menſonge. La religion doit être _coní forme la morale, &t univerſelle comme elle ainſi. toute religion dont les dogmes offenſent la morale,eſt certainement fauſſe. C'eſt ſous ce double aſpect 'de perverſité &t de fauſièté que nous examinerons dans ce diſcours 'les livres des Hébreux, &t de ceux qui leur ont ſuccédé; Voyons d'abord ſi ces livres ſont con formes la morale, &t enſuite nous ven-ons s'ils peu- vent avoir quelque ombre de' vraiſemblance. Les deux premiers __ Points_._(’83) ſeront pour l'ancien Teſtament; dt lë troiſieme pour le nouveau. Premier Point. ſaiſis Otis lorſque ſavez mes nousfreres, avon lus quelle enſemble horreurles'nous écrits _des Hébreux en portant ſeulement notre attention ſur tous les crimes contre la pureté, la charité ,la bonne foi, la juſtice &t la raiſon univerſelle, que non-ſeuleæ ment on trouve dans chaque chapitre, _mais que pour comble d'horreur on trouve conſacrés. ._ Premiérement, ſans _parler de l'injuſtice extravagante dont on oſe charger l'Etre Suprême, d'avoir donné la parole _à un ſerpent pour ſéduire une femme, &c pour perſécuter l'innocente poſtérité de cette femme, ſui vons pied pied toutes les horreurs hiſtoriques qui révoltent_ la nature &z le bon ſens. Undespremiers Patriarches, Loth, neveu d'A-F braham; reçoit chezlui deux Anges déguiſés en pé lerins les habitans _de Sodome conçoivent des deſirsÎ impudiques pour ces deux Anges; Loth, qui avoit: deux jeunes filles promiſes en mariage ,7 _Offre de les proſtituer au' Peuple la place de ces deux étrangers; Il falloit que ces filles fuſſent étrangement accoutu inées ſe proſtituer, puiſque la premiere choſe qu'el les font après que leur Ville été conſumée par une pluye de feu., que leur mere été changée _en ſtatue_ de ſel, eſt d'enivrer leur pere deux nuits de ſuite pour 'coucher avec‘lui l'une après l'autre." Cela eſt imité de l'anciennefable Arabique de Cyniras &de Myrrhaí mais dans cette ſablebien plus honnête; Myrrha eſt punie de ſon crime; au-lieu que les_ deux filles de_ oth ſont recompenſées par la plus grande &c la plug" chere desybénédictions ſelonſeſprit Juif5' elles ſont îrieres d'une nombreuſe poſtérité. _—_' e' 84 Nous n,inſiſterons pas ſur le menſonge d'lſaac, le pere des juſtes qui dit que ſa femme eſt ſa ſoeur, ſoit qu'il ait renouvellé ce menſonge d'Abraham, ſoit qu'A braham fût coupable en effet d'avoir fait de ſa ſœur ſa propre femme. Mais, arrêtons-nous un moment au atriarche Jacob, qu'on nous donne comme l'exem ple des juſtes. Il force ſon frere qui meurt de faim, lui céder ſon droit d'aineſſe pour une aſſiette de len~' tilles; enſuite il trompe ſon vieux pere Iſaac au lit de la mort. Après avoir trompé ſon pere, il trompé &t il vole ſon beau-pere Laban. C'eſt peu d'épouſer les deux ſœurs; il couche avec toutes ſes ſervantes; Et ſon Dieu bénit cette incontinence &c ces four beries’ Quelles ſont les actions des enfans d'un tel pere? Dina, ſa fille, plaît un Prince de Sichem ,g &c il eſt vraiſemblable qu'elle aime ce Prince, puiſqu'elle cou che avec lui. Le Prince la demande en mariage; on' la lui accorde condition qu'il ſe fera circoncire lui &c ſon' Peuple le Prince accepte la propoſition. Mais ſitôt que lui &c les ſiens ſe ſont fait cette opération douloureuſe,- qui pourtant leur devoit laifſer aſſez de* force pour ſe défendre, la famille de Jacob égorgc' tous les hommes de Sichem, &t faiteſclaves les enfans Gc les femmes. Nous avons dans notre enfance. en# tendu l'hiſtoire de Thyeſte &t de Pélopée. Cette in-' ceſtueufe abomination eſt renouvellée dans Juda le Patriarche &t le pere de la premiere tribu; Il cou che avec ſa belle-fille 6c enſuite il la veut faire mourih_ Le livre après cela filppoſe que Joſeph un en fant de cette famille errante eſt vendu en Egypte &.- que' cet étranger eſt établi premier Miniſtre pour" avoir' expliqué un ſonge. Mais quel premier Miniſtre qu'un' homme., qui ,dans un tems de famine, oblige C85). ,, !joute 1a nation de ſe faire eſclave pour avoir du pain? quel, Magiſtrat parmi nous oſeroitjamais, en un tems de famine, propoſer un marché ſi abominable &t quelle nation accepteroit cet infame marché? Nexaminons pas ici comment- ſoixante &c dix per.. ſonnes de la famille de Joſeph ,, qui s'établirent en Egypte purent en deux cens quinze ans ſe multiplier juſqu'à fix cens mille combattans, ſans compter les femmes, les vieillards &t les enſans, ce qui de.voit coUP. poſer une multitude de plus de deux millions d'aimes ne diſcutons point comment le texte porte quatre cens trente ans, lorſque ce même texte en compté deux çens quinze. Le nombre infini de contradictions qui ſont le ſceau de lîlnpoſture, n'eſt pas ici l'objet qui doit nous arrêter. .Ecartons pareillement les prodigev ridicules de Moïſe &; des enchanteurs de Pharaon ê; tous ces miracles faits pour donner au Peuple Juiſ' un malheureux coin de mauvaiſe terre.qu'ils achetent ena ſſuite par le ſang 6c par le crime ,pau-lieu de leur don ner la fertile. terre d'Egypte où ils étoient: tçnonsñ nous-en cette voye affreuſe d'iniq.uité par leſquelles on les fait marcher; Leur Dieu avoit fait de Jacob un, voleur, &c il fait des voleurs de tout le Peuple il ordonne ſon Peuffl ple de dérober &t d'emporter tous les vaſes d'or &( d'argent &t tous les uſtenciles. Voilà donc ces miſéra bles, au nombre de ſix cens mille combattans qui ,. au-lieu de prendre les armes en gens de cœur, s'en fuyent en brigands, conduits parleur Dieu. Si ce Dieu, avoit voulu leur donner une bonne terre, il pouvoir_ leur donner. l'Egypte; mais non, il les conduit dans un déſert. Ils pouvoient ſe ſauver par .le chemin le. plus court:ils ſe détournent de plus de trente milles pour paſſer la mer rouge pied ſec. Après ce beau miracle, le propre frere de Moïſe ?ur ſait un autre. 36 Dieu; 5E ce Dieu eſt un veau &ç pour punir ſon frere-, ce même lVlOiſe ordonne des' lîrêtres de tuer leurs fils leurs freres leurs peres &t ces Prêtres tuent vingt-trois mille Juifs qui ſe laiſſent égorgcr comme des bêtes. “Après 'cette boucherie, il n'eſt pas étonnant que ce 'Peuple abomi'nable ſacrifie des victimes humai .hes‘à ſon Dieu, qu'il appelle Adonaï, du nom d'A- 'çionis qu'ils empruntent des Phéniciens. Le vingt-neu Ÿieme‘verſet du vingt-ſeptieine chapitre du Léviti que défend expreſſément 'de racheter les hommes Ïvo'ués lanaihême, au ſacrifice; &L c'eſt ſur cette loi de Cannibales, que Jephté, quelque tems après, i_mmole ſa propre fille. Ce n'étoit pas aſſez de vingt# trois mille hommes égorgés pour un veau on nous èn compte encore vingt-quatre mille autres immolés pour avoir. eu commerce avec les filles idolâtres; di gne prélude digne exemple mes freres des perſécu tions en matiere de religion.; “Ce Peuple avance dans les déſerts êc dans les ro chers de la Paleſtine. Voilà votre beau pays leur dit leur Diet; Egorgez tous' les babitarzs, tuez tous les enfmzrmdles faites mourir les feemn-zes mariées, ré fiarvcz pour vous toutes les petizes filles. Tout. cela eſt 'exécuté la lettre ſelon les livres Hébreux. Et nous fi-émirions d'horreur ce récit, ſi le texte n'ajoutoit pas que les Juifs trouvcrent dans le camp des Madiaſi nites ſix cens ſoixante &t quinze 'mille brebis, ſoixante .Bt douze mille bœufs, ſoixante &c un mille'ânes, &E trente-deux mille pucelles. Lîibſurdité dément heu# teuſement ici la barbarie. Mais encore une fois ce n'eſt pas préſent que j'examine le ridicule &t l'impofiible, je m'arrête ce qui eſt exécrable. Après avoir paſſé le Jourdain àpied comme la mer, voilà ce Peuple dans la terre promiſe. La premiere 87 .' perſonne qui introduit par une trahiſon ce Peuple ſaint, 'eſt uneproſtituée, nommée Rahab. Dieu ſe joint 'à _cette proſtituée; il fait tomber les murs de Jericho au bruit de la trompette. Le ſaint Peuple entre dans cette zVillc, ſur laquelle il n'avoir de ſon aveu aucun droit, ÿ; il maſſacre les hommes les femmes &E les enfans. Paſſons ſous ſilence les autres carnages, &t les Rois_ crucäfi.és &t les guerres prétendues contre les géans_ de Gaza &c d'Aſcalon, le meurtre de tous ceux qui ne pouvoient prononcer le mot Shibolet, Ecoutez cette belle aventure. Un Lévite arrive ſur 'ſon âne avec ſa femme Gabaa, dans'la tribu de Ben—. .jamin, Quelqu'es Benjamites veulent abſolument com-z mettre le péché de ſodomie avec le Lévite; ils aſſou viffient leur brutalité ſur ſa femme qui meurt de ces excès. Il falloít punir les coupables. Point, Les onze tri bus maflàcrent toute la tribu de Benjamin il n'en échappe. que ſix censlhommes. Mais le's onze tribusſont enfin fâ chées de voirpérir une des douze; &c pour yremédien'ils_ exterminen't les habitans d'une de leurs propres Villes, _ëè prennent ſix cens filles pour donner aux ſix cens .Benjamites ſurvivans &t pour perpétuer cette belle race. Que de crimes commis au non1 du Seigneur! ne rap; .portons que celui de l'homme 'de Dieu, Aod. _Les Juifs venus de ſiloin pour conquérir, ſont' ſoumis mal ’gré le Seigneur aux Philiſtins; ils ont juré obéiflàn'ce_ au Roi Eglon; un ſaint Juif, cet Aod, demande par ler tête tête avec le Roi, de la part de Dieu; le Roi ne manque pas d'accorder l'audience Aod Faflâſs ſine. Et c'eſt de cet exemple qu'on s'eſt ſervitant de fois chez les Chrétiens, pour trahir pour perdre pour maſſacrer tant de Souverains. Enfin la nation chérie qui avoit été ainſi gouver née 'par Dieu même, veut avoir u_n Roi, de quoi ſe Prêtre Samuel eſt bien fâché. 'F ’' 4' .( 88 Le premier Roi Juif renouvelle la coutume d'im-. moler des hommes, Saul ordonna prudemment que perſonne ne mangeât de tout le, jour, pour mieux .combattre les Philiſtins, &t pour que ſes Soldats euſ ,ſent plus de force &t de vigueur; &L il jura au Sei gneur, dïmmoler au Seigneur celui qui auroit mangé. Le; peuple _heureuſement fut plus ſage que lui, &t ne permit pas que le fils. du Roi ſûl': ſacrifié. pour avoir mangé un peu de miel, Mais voici, mes freres, l'action la plus déteſtable ô; la plus conſacrée. I.l eſt dit que Saiil prend priſon nier un Roi du paysniommé Agag :il ne tue point ſon_ priſonnier il en agit comme chez les nations humaines &t polies. Qu'arrive-t-il? le Seigneur, en eſt irrité, &c voici Samuel, Prêtre du Seigneur, qui dit.: .vous êtes réprouvé pour avoir épargné un Roi qui .s'eſt rendu vous; &t auſſi-tôt ce Prêtre boucher coupe Agag par morceaux. Que diroit-on, mes fre, res, ſi, lorſque Charles-Quint l'Empereur eut un Roi .de France en ſes mains, ſon Chapelain fùt venu lui dire, »vous étes zlamné pour n'avoir pas tué Fra” .çois premier, &t que ce Chapelain eut égorgé le Roi ,de France aux yeux de l'Empereur, 6c en eût fait un .hachÎsŸ Mais que dirons-nous du ſaint Roi David, de ce lui qui eſt ſi agréable devant le Dieu des Juifs &c qui mérite que le Meſſie vienne de ſes reins Comme, il vient de la proſtituée Rahab &c de l'inceſtueuſe Tha mar, (car c'eſt là ſa généalogie ,) ce bon David fait .d'abord le métier de brigand. Il rançonne, il pille .tout ce qu'il trouve; il. pille entr'au_tres un homme ri che, nommé Nabal, &c il épouſe ſa femme. Il ſe refugie chez le Rois Achis, 6c va pendant la nuit .mettre ſeu ê; ſang les villages de ce RoiAchis-,' ſon bienfaiteur. Il égorge, dit le texte ſacré, hom 'r 89 mes, femmes, enfans, de peur qu'il ne reſte quelqu'un pour en porter la nouvelle. Devenu Roi, il ravit la femme d'Urie, &t fait tuer le mari; &c c'eſt de cet adultere homicide que vient le Meſſie ,. le fils de Dieu, Dieu lui-même. bla-ſ phême! ce David, devenu ainſi l'ai~eul de Dieu pour. recompenſe de ſon horrible crime, eſt puni pour. la ſeule bonne &t ſage action qu'il ait faite… Il n'y pas de Prince bon &c prudent qui ne doive ſavoir le nom bre de ſon peuple, comme tout paſteur doit.ſavoir le nombre de ſon troupeau’. David fait ce dénombrement ſans qu'on nous diſe pourtant combien il avoit de Su jets: &c c'eſt pour avoir fait ce ſage 6c utile-régle' ment, qu'un Prophete vient de la part de Dieu lui donner choiſir de la guerre de la peſte ou de la famine, ‘Ne nous appeſantiſſons pas, mes chers freres, ſur les barbaries ſans nombre des Rois deJuda&c d'lſraël, ſur ces meurtres, ſur ces attentats toujours mêlés de contes ridicules. Ce ridicule pourtant eſt toujours \an guinaire il n'y pas juſquëau Prophete Eliſée qui ne ſoit barbare. Ce digne dévot fait dévorer quarante enfans par des ours, parce que ces petits innocens l'ont appellé tête chauve. Laiſſons cette nation atroce dans ſa captivité Ba. bylone &t dans ſon eſclavage ſous les Romains, avec toutes les belles promeſſes de leur Dieu Adonis ou Azlonózï, qui avoit ſi ſouvent aſſuré aux Juifs la domi nation de toute la terre. Enfin ſous le gouvernement ſage des Romains il -naît un Roi aux Hébreux; &c ce Roi, mes freres, ce Shilo ce Meſſie vous ſavez qui il eſt. C'eſt celui qui ayant d'abord' été. mis dans le grand nombre de ces Prophetes ſans miſſion qui n'ayant pas le ſacer doce ,, ſe faiſoient un métier d'être inſpirés, été au bout de quelques centuries regardé .comme un Dieu. (90) N'allons pas plus loin voyons ſur quels prétextes, ſur quels faits, ſur quels miracles ſur quelles prédicl tions, enfin ſur quels' ſondemens eſt bâtie cette dé: goûtante &t abominable hiſtoire. Second Point. Mon Dieu! tu deſcendqis toi-même ſur la terre ſi tu me commandois de croire ce tiſſu de meurtres, de vols, daſſàſſinats, d'inceſtes commis par ton ordre&t en ton nom; je te dirois non ta ſainteté ne veut pas que Ïacquieſce ces choſes hor ribles qui Üoutragent, tu veux m'éprouver ſans doute. Comment donc, vertueux &c ſages auditeurs, pour rions-nous croire cette aſſreuſc hiſtoire ſur les témoi gnages miſérables qui nous en reſtent? Parcourons d'une maniere ſommaire ce livre ſi fauſ ſement imputé Moïſe :je dis fauſſetnent imputé. Car il n'eſt pas poſſible que ce Moïſe ait parlé de choſes advenues long-tems aprèslui; &t nul de nous ne croi roit que les mémoires de Guillaume Prince d'Orange ſont de ſa main ſi dans ces mémoires il étoit parlé de faits arrivés après ſa mort. Parcourons, dis-je, ce qu'on nous raconte ſous le nom de Moïſe. D'abord Dieu fait Ia lumiere, qu'il nomme jour, &t puis les té nebres, qu'il nomme nuit, &t ce fut le premier jour. Ainſi il‘ eut des jours avant que le ſoleil fût fait. Puis Dieu le ſixieme jour fit l'homme (St la femelle. Mais l'auteur oubliant que la femme étoit déjà faite la tire enſuite d'une côte d'Adam. Adam &C Eve ſont mis dans un _jardin dont il ſort quatre fleuves; &t parmi ces quatre fleuves il en deux, l'Euphrate &t- le Nil, qui ont leur ſource mille lieues Fun de l'arure. Le ſerpent parloit alors comme l'homme, Gt étoit le plus fin des animaux des champs.- Et ,il perſuade la '(91) femme de manger la pomme, 6c les fait ainſi chaſſer du Paradis. Le genre-humain multiplie, &t les enſans de Dieu deviennent amoureux des filles des hommes; 8c il avoit des géans ſur la terre; &L Dieu ſe repen çit d'avoir fait l'homme il voulut donc ſexterminer parle déluge; mais il voulut ſauver Noé, &c lui com inanda de faire un vaiſſeau de trois cens coudées, de bois de gopher. Dans ce ſeul vaiſſeau devoient entrer ſept paires de tous les animaux mondes, &t deux des immondes. Il falloit les nourrir pendant dix mois que l'eau fut ſur la terre or vous voyez ce qu'il eût fallq pour nourrir quatorze élephans quatorze chameaux ,‘ quatorze buffles autant de chevaux, d'âmes, d'élans ,’ de cerfs, de claims, de ſerpens ,dïiutruches &c plus de deux mille eſpeces conſidérables. Vous demande rez où l'on avoit pris l'eau, pour l'élever ſur_ toute la terre quinze coudées au-deſſus des plus hautes mon# tagnes. Le~ texte répond que cela fut pris dans les ca taractes du Ciel. Dieu ſait où ſont ces carat-actes.

’ Dieu fait après le déluge une alliance avec Noé &ç

avec tous les animaux; pour conſirmer cette alliance il inſtitue lÏArc-en-ciel. Ceux qui écrivirent cela ,n'é~‘ toient pas comme vous le voyez grands phyſiciens. Voila donc Noé qui une religion donnée de Dieu; ô; cette religion n'eſt ni la Juive, ni la Chrétienne. La poſtérité de Noé veut bâtir une tout qui aille -juſ-, qu'au Ciel: Belle entrepriſe! Dieu la craint, ,& fait parler pluſieurs Langues différentes en un momentaux' ouvriers qui ſe diſperſent. 'ſouteſt dans cet ancien gout oriental de ſables perte de vue. C'eſt une pluye de feu qui change des villes en un_ lac; c'eſt la femme de Loth changée en ſtatue de ſel; c'eſt Jacob qui ſe bat pendant toute une nuit contre' un Ange &t qui eſt bleſſé la cuiſſe; c'eſt Joſeph vendu eſclave en Egypte, qui devient premier Mmüite pour 92 avoir deviné un rêve; ſoixante 6c dix perſonnes de là_ famille s'établiſſent en Egypte &t en deux cens quinze ans elles ſe multiplient, comme nous l'avons vu, juſqu'a deux millions. Ce ſont donc ces deux millions d'Hébreux qui s'en fuyentd'Egypte, &t qui prennent leplus long chemin pour avoir le plaiſir de palier la mer pied ſec. Mais ce miracle n'a rien de ſilrprenant. Les Magiciens_ de Pharaon en faiſoient de fort beaux, _6: ils en ſa voient preſque autant que Moïſe. Ils changeoient comme lui une verge en ſerpent, ce qui eſt une choſe toute ſimple. Si Moïſe changeoit les eaux en ſang, auſſi faiſoient les Sages de Pharaon. Il faiſoit naître des grenouilles, &1 eux auſſi. Mais ils furent vaincus ſur l'article des poux; les Juifs en cette partie en ſa voient plus que les autres nations. Enfin Adonaï' fait mourir chaque premier né Egyp tien, pour laiflèr partir ſon peuple ſon aiſe. La mer_ ſe ſépare pour 'cepeuple; c'étoit bien le moins qu'on pût faire en pareille occaſion. Tout' le reſte eſt de cette force. Ces peuples errent dans le déſert. Quelques maris ſe plaignent de leurs'ſemmes auſſi-tôt il ſe trouve une eau qui fait enfler 6c crever toute femme qui forfait ſon honneur. Ils n'ont ni pain ni pâte; on leur fait pleuvoir 'des cailles 8c de la manne, leurs ha bits ſe conſervent quarante ans, 6c croiffient avec les enfans, &t il deſcend apparemment des habits du Ciel pour les nouveaux nés. Un Prophete du voiflnage veut maudire' ce peuple; mais ſon âneſiè s'y oppoſe avec un Ange, 6( l'âneſſe parle très-raiſonnablement' 6C aſſez long—'tems au Prophete. Ce Peuple attaque-t-il une Ville? les_ murailles tom bent au ſon des trompettes, comme Amphion en bâ tiſſoit au ſon de la flûte. Mais voici le plus beau. Cinq Rois Amorréens, Geſt_à-dire, cinq Chefs de Villages .M (93) 'tâchent de s'oppoſer aux ravages de joſué. Ce n'eſt pas aſſez qu'ils ſoient vaincus, &t qu'on en faffè un grand carnage le Seigneur Adonaï fait pleuvoir ſur es fuyards une pluye de groſſes pierres. Ce n'eſt pas encore aſſez il échappe quelques fugitifs; &c pour donner tout, le tems Iſraël de les pourſuivre la na Ëure ſuſpend ſes loíx éternelles; le Soleil s'arrête ſur Gabaon, &t la Lune ſur Aïadon. Nous ne comprenons pas trop .comment la Lune étoit de la partie; mais enfin le livre de Joſué ne permet pas d'en douter, &t il cite pour ſon garant le livre du droituríer. Vous re .inarquerez en paſſant que ce même livrc du droitu rier eſt cité dans les Paralipomenes. C'eſt tout commè ſi on nous, donnoit pour authentique un livre du tems de Charles-Quint, dans lequel on citeroit Puffendorfi Mais paſſons. De miracle en miracle.nous arrivons juſqu'à Samſon, repréſenté comme unfameux paillard favori de Dieu: celui-là, parce qu'il n'étoit point raſé, défait mille Philiſtins avec une ,mâchoire atta# ’che par la queue trois cens renards qu'il trouveàpoint ſnommé. Et le reſte.ï Il n'y preſque pas une pagequi ne préſente de pareils contes. I.ci c'eſt l'ombre de Samuel qui paroît la voix d'une ſorciere; là, c'eſt. l'ombre d'un cadran, ſuppoſé que ces miſérables euſſent des cadrans) la? quelle recule de dix degrésa la priere d'Ezéchías qui demande judicieuſement ce ſigne car Dieu lui don# noit le. choix de faire avancer ou reculer l'heure; &E le docte ,Ezéchias trouvoit que ce n'étoit pas une 'grande affaire d'avancer l'ombre mais bien de la re çuler. C'eſt Elie qui monte au Ciel dans un char de feu;' c’e ſont des enfans qui chantent dans une grande four naiſe ardente. Je n'aurois jamais fait ſi je vouloís en trer dans le détail de toutes les extravaganccs' inouies' (,94 .donf ce livre fourmille. Jamais le ſen‘s commun ne fut attaqué avec tant* d'indécence &t de fureur. Tel eſt d'un bout l'autre cet ancien Teſtament le pere du nouveau pere qui déſavoue ſon fils, &t qui le tient pour un enfant bâtard &t rebelle. Car les juifs fideles la Loi de Moïſe, regardent avec exécra tion le Chriſtianiſme élevé ſur les ruines de cette Loi; Mais les Chrétiens ont voulu, force de ſubtilités', juſ tifier le nouveau Teſtament par l'ancien même. Ainſ ces deux Religions ſe combattent avec les memes ar Înes. Elles appellent toutes deux en ,témoignage les mêmes Prophetes elles atteſtent les mêmes prédictions; Les ſiecles venir qui auront vu paſſer ces cultes ’înſenſés &c qui peut-être, hélas! en recevront d'au tres non moins indignes de Dieu Gt des hommes, les ſiecles venir, mes freres, pourront-ils croire que le, Judaïſme &c le Chriſtianiſme ſe ſoient- appuyés ſur de tels fondemens; ſur les prophéties: &E quelles prophé-' ties écoutez. Le prophete Eſaïa eſt appellé par Achas; Roi de Juda, pour lu’i faire quelque prédiction ſelon la coutume vaine &k ſuperſtitieuſe de tout 1"Orientí Car ces Prophetes étoient comme vous ſavez des gens qui ſe mêloient de deviner pour gagner quel-' que choſe ainſi qu'il en avoit encore beaucoup en. Europe dans le ſiecle paſſé &t ſur-tout parmi le petit Peuple. A. Le Roi Achas aſſiégé dans Jétuſalem par Salma-' hezer qui avoit pris Samarie; demande d'une au Devin Eſaïa une prophétie 6c un ſigne. Eſaïa lui dit Voici le Signe; une fille ſera engroſſëe, elle enfants-reg. -unflls qui aura nom Emmanuel. Il mnngera da beurre E? du miel, juſqzſſà ce qu'il ſache rejetïer. .le mal E9” choiſir Ze bien; C5” avant que cet enfant_ fizit en cet état, la terre que tu n: en zíéte/Zation _fè-m abandonnée par ſes deux Roíë, 'E5* l'Eternel 95 ſiffler” aux Mouches qui ſont auxborís des ruzſſſîzaasë d'Egypte c? dI-íſſùr; C9” le Seigneur prendra un raſhir de lounge, ê? ſera la barbe au Roi dl/íſſízr, ê” lui raſta-ra la téte é? les poils &les pieds. Après' cette belle prophétie rapportée dans Eſaîa; &t dont il n'eſt pas dit un mot dans le livre des Rois, le ,Prophete eſt chargé lui-même de l'exécutionñ Le Seigneur lui commande d'écrire d'abord dans un grand rouleau. Qu'on dépêche de butiner; il hâte le pil7 Inge. Puis en préſence de témoins il couche avec une. fille lui fait un enfant ;, mais, au-lieu de l'appeller Emmanuel, il lui donne nom Maher Salal as bas. Voilà, mes freres, ce que les Chrétiens ont détourné en faveur de leur Chriſt. Voila la prophétie qui étaó blit le Chriſtianiſme. La fille qui le Prophete fait U’n enfant, c'eſt la Vierge Marie. Maher Salal as bas; c'eſt Jeſus-Chriſt. Pour le beurre &t le miel, je ne ſais pas ce que c'eſt. Chaque Devin prédit aux Juifs leur délivrance quand ils ſonrcaptiſs; &c cette délivrance c'eſt, ſelon les Chré tiens, la Jéruſalem céleſte, &l'Egliſe de nos jours; Tout eſt prédiction chez les Juifs. lVIais chez les Chró-. tiens, tous ces miracles &t toutes ces prédictions ſont des figures de Jeſus-Chriſt. Voici,, mes freres, une de ces belles &c éclatant-es' figures; Le grand Prophete Ezéchiel voit un vent d'a-' quilon &t quatre animaux 6c des roues de chryſolites toutes pleines d'yeux, &c l'Eternel lui dit leve-toi, mange un livre, &t va-t-en. Enſuite l'Eternel lui com mande de dormir trois cens quatre-vingt-díx jours ſur lie côté gauche, 8c enſuite quarante ſur le côté droit: l'Eternel le lie avec des cordes. Ce Prophete étoit aſ ſurément un homme lier. Nous ne ſommes pas a1! bout. Puis-je répéter ſans vomir ce que Dieu ordonne Ezéchiel? il le ſaut: Dieu_lui ordonne de man# 96 'ger du pain d'orge cuit avec de la merde. Croiroit# on que le plus ſale faquin de nos jours pût imagi-z ner de pareilles ordures? oui, mes freres, le Prophete inange ſon pain d'orge avec ſes excrémens. Il ſe plaint que ce déjeûner lui répugne un peu. _Et Dieu, par ac commodement, lui permet de ne mêler àſon_ pain que de la fiente de vache. C'eſt donc là un type, une figure de l'Egliſe de Jeſus_Chriſt !_ Ne penſez pas mes freres, que ce ſoit la la plus horrible_ abomínation des toutes celles qui fourmillent dans les livres de ces pré tendus Prophetes. Líſez‘ le vingt_troiſieme chapitre de ce même Ezéchiel, vous verrez ces propres mots touchant la jeune Oliba ſa fureur impudique re# ,, cherché le coit de ceux qui ont des membres de ,,_ cheval, &t qui décharg… comme des ânes. Et qui Ezéchiel fait-il tenir cet exécrable diſcours! Aprés cet exemple, il eſt inutile d'en apporter d'au tres, &t de perdre notre tems combattre toutes ces rêveries dégoûtantes &t abominables qui font le ſujet' des diſputes entre les Juifs _les Chrétiens. Conten-Ê tons-nous de plaindre l'aveuglement le plus déplora ble qui jamais ait offuſqué la raiſon humaine eſpérons que cet aveuglement finira comme tant d'autres, 6è venons au nouveau Teſtament, digne ſuite de tout ce que nous avons vu. roíſieme Poínï. 'C'Eſt en‘ vain que les Juifs furent un peu plus éclaio' rés du tems d'Auguſte, que dans les ſiecles _bar-i bares dont nous venons de parler :' c'eſt en vain que les Juifs avoient commencé 'connoître l'immortalité de l'ame dogme inconnu Moïſe, &tles récompenſes de Dieu après not‘re mort pour les juſtes, comme les punitions, quelles qu'elles ſoient, pour les méchansz dogme CDTI) dogme non moins ,ignoré deMoïſe. La raiſonhÎetí perça pas davantage 'chez ce miſérable Peuple, dont eſtſortie,cette Religion Chrétienne quia été la ſource 'detant de diviſions, de guerres civiles 6c de crimes ', qui faitcouler tant de ſang, &r. qui. eſt partagéeen tant: de ſectes ennemies dans le coin de la terre 'ou elle regne; Il eut toujours' chez les Juifs des gens *dela .lie du peuple qui firent les Prophetes pour ſe diſtinguer dans la populace. Voici celuiqui fait le plus de-bruit; &ï 'dont enfin on fait un DieupVoîci le précis.de ſónjhiſ toire en peu de paroles, telle qu_elle eſt ragportéeſ'dans les livres qu'on nomme Evangile: Sî'èn ut ſavoir en quel tems' ce.s quatre Evangiles‘ ont été, écrits, il eſt ’évi 'dent qu'ils 1'ont été après la priſe' de JéruſalempCarau Chapitre vingt-troiſieme 'du livre attribué Matthieu-z Jeſus dit' aux Prêtres Serpent ,Î .race de viperes, EDU ,, tombe ſur vous tout le ſang innocent répandu depuis ,,. .le ſang d'Abel le juſtéz juſqu'au ſanâde 'Zachariég g, fils de Barach, tué entre le' temple” 'l'autel. ,, Il, n'eſt parlé mes freres d'un Zachariez fils deBarachË tué entre le temple &t l'Autel, que dans'l'híſtoire d‘u ſiege de' Jéruſalem par FlavianJoſeph. Donc‘ il eſt déſi montré que cet Evangile ne ſutécrit qu'après 1e- livrä de Joſeph. "Vous ſavez avec quelle abſurditéces quatre Auteurs ſe contrediſent z' c'eſt une preuve démonſtrative' du menſonge. Hélas! nous n'avonsupaslzeſoin 'de tant: de preuves pour' ruiner 'ce malheureux édifice; conten 'tons-nous d'un récit cour‘t Gt fidele. -' ër' 4ñ F? D'abord on fait Jeſus deſcendant &Abraham &c d'o David: Et l'Eczivain Matthieu 'compte quarante-debit générations e‘n deux 'mille ans; Mais dans ſon compté, il ne s'en trouve que naf-ante &t une. Et dans cet ara bre tompe généalogique encore lourdement, qilfill tire .des en livres donnantdesJoſias Rois, POLI' .il .pere Jéconias, 98 Luc donne audi une généalogie, mais i] met cin quan't'e-ſix générations epuis Abraham. Et ce ſont desgénérations toutes différentes. Enfin pour comble, ees généalogies ſont celles de Joſeph &t les Evangéliſtes aſſurent que- Jeſus n'eſt pas fils de Joſeph. En vérité (croit-on reçu dans un chapitre d'Allemagne ſur de telles preuves de nobleſſe? Et c'eſt du fils de Dieu dont il s'agit! Et c'eſtDieu qui eſt lui-méme l'ai1teur du livre! Matthieu dit que quand ceJeſuS, Roi desJuifs, fut né en une étable au village de Bethléem trois Ma ges ou trois Rois virent ſon étoile en Orient, qu'ils ſuivirent cette étoile, laquelle s'arrêta ſur Bethléem &c que le Roi Hérode, ayant entendu ces choſes, fit maſſacrer tous les petits enfans au-d'eſſous de deux ans. a-t-il une horreur plus ridicule? Matthieu ajoute que le pere &c la mere emmenerent le petit Jeſus en Egypte &y reſterent juſqu'à la mort d'Hérode. Luc dit formellement le contraire. Il marque que Joſeph Marie reſterent paiſiblement durant ſix ſe maines Bethléem; qu'ils allerent Jéruſalem delà Nazareth &t que tous les ansils alloient àJéruſalem. Les Evangéliſtes ſe contrediſent ſur le tems de la vie de jeſus ſurſes prédications ſur le jour de ſa Cene ſur celui de ſa mort, ſur les apparitions après ſa mort, en un mot, preſque ſur tous les faits. Il avoit quarante-neuf Evangiles faits par les Chrétiens du premier 8c ſecond ſiecle, qui ſe. contrediſoient tous encore davantage. Et, enfin on choiſit les quatre qui nous reſtent. Mais quand même ils ſeroient tous d'ac~ cord ,' que d'inepties grand Dieu, que de miſeres, que de choſes puériles, abſurdes &t odieuſes! La premiere aventure de Jeſus, c'eſt-redire du fils de Dieu conſubſtantiel Dieu, en un mot de Dieu, c'eſt d'être enlevé par le Diable; car le Diable qui n'a point paru dans les livres de Moïſe joue un grand 99 rôle dans PEVangÎlE. Le Diable donc' emporte bien ?Ur une montagne dans le déſert_, &t lui montre delà tous les Royaumes de la terre, Quelle eſt cette montagne don't on découvre tant de Pays? nous n'en ſavons rien; Jean rapporte que Jeſus va une noce., qu'il 'yehange l'eau en vin, qu'il chaſſe du parvis du tem' ple ceux qui vendoient des animaux pour les ſacrifices ordonnés par la Loi. Toutes les maladies étoient alors des pollèfliohs du Diable. Et en' effet Jeſus donne pour miflion ſes Apôtres dechaflèr les Diables: Il délivre done en paſlànt un poflëdé qui avoit une légion de Démoñsà &c il fait entrer ces Démons dans un troupeau de co* chons leſquels ſe précipitent dans la mer de 'ſibériaä de; on 'peut croire que le maître des cochons qui apparemment n'étoit pas Juif, ne fut 'pas content de cette farce il guérit un aveugle, 6c cet aveugle voii des hommes comme ſi c'étoit des arbres. Il veut manger des figues en Hyver, il éñ cherché ſur un figuier &t gen trouvant point, il maudit l'arbre &c le fait ſécher; le texte ne manque pas d'ajout‘erz avec prudence, car ce #étoit pas le tems des figues; Il ſe transfigure pendant la nuit, Bt il fait venir Moïſe &t Elie: En vérité les contes des ſorciers appro* 'chent-ils de ces impertinences? Cet homme qui diſoië continuelletnent des injures atroces 'aux Phariſiens; qui lesappelloit race de viperesz ſépulcres blanchis; eſt enfin traduit par eux la_ juſtice, eſtſupplicié avec! deux voleurs, 6L ſes hiſtoriens ont le front de nous dire qu'à ſa mort la terre été couverte d'épaiſſes té nebres en plein midi 6c en pleine Lune; comme ſi tous les écrivains de ee tems-là n'auroient pas remar qué un ſi étrange miracle! Après cela il ne coûte rien de le dire reſſuſcitéz 6c de prédire la fin du mondez qui pourtant n'eſt pas arrivée; 1oo La ſecte de ce Jeſus ſubſiſte cachée, le fanatiſme s'augmente on n'oſe pas d'abord faire de cet homme un Dieu. Mais bientôt on s'encou.rage. Je ne ſais quelle métaphyſique de Platon s'amalgame avec la ſecte Nazaréenne. On fait de Jeſus le logos, le verbe' de Dieu; puis _conſubſtantiel Dieu ſon pere. On _imagine la Trinité, &t, pour la faire croire, on falſifie les premiers Evangiles. On ajoute un paſlàge touchant cette Trinité, de même qu'on falſifie l'hiſtorien Joſeph pour lui faire dire ïun mot de Jeſus, quoique Joſeph ſoit un hiſtorien trop grave pour avoir fait mention" d'un tel homme. On va juſqu'à ſuppoſer des _vers des Sibylles. En un mot poinr_d'artifice, de fraude,d'im poſture, que les Nazaréens ne mettent en œuvre.. Au bout de trois cens ans ils viennent .à bout de faire reconnoître ce Jeſus pour Dieu, _Et non contens _de ce blaſphême, ils pouſlent_ enſuite lfextravagance juſqu'à mettre ce Dieu _dans un morceaude pâte. Ils _font diſparoître le pain. Et tandis que leur Dieu eſt mangé des ſouris, tandis qu'on le digere, qu'on le rend avec les excrémens, ilsſouticnnept qu'il n'y point de pain dans leur hoſtie, que eſt Dieu ſeul qui s'eſt mis la place du pain la voix d'un homme. Toutes les ſupèrſtitions viennent en foule inonder l'E_ gliſe. La rapine préſide on.vend la rémiffion des péchés on ve_nd les indulgences ainſi que les bénéfi ces, &t tout eſt alcnchere._ __ p, Cette_ ſecteſe partage en _une multitude de ſectes dans tous les temps on ſe bat, on s'égorge, on s'aflàſ line chaque diſpute; les Rois, les Princes ſont maſ ſacrés. Tel eſt _le fruit, mes chers freres, de l'arbre de la croix, de la potence qu'on diviniſée. Voilà çlonc pourquoi on oſe faire deſcendre Dieu ſur la terre, pour livrer l'Europe pendant _des ſiecles au meurtre &È au‘ brigandage! Il eſt vrai que nos peres ont ſecoué une (tot) partie de ce joug affreux; ils ſe ſont défaits dequelques eſt tems d'achever, &t dedétruire de fond en comble l'idole dont nous avons àpeine briſé quelques doigts. Déjà une foule de Théologiens embraſſe un Socia niſme qui approche beaucoup de l'a dotation d'un ſeul Dieu, dégagée de ſuperſtitions. L'Angleterre, l'Alle magne ~nos Provinces, ſont pleines de Docteurs ſages quine demandent qu'à éclater; il yen auſſi un grand nombre dans les autres pays. Pourquoidonc attendre plus long-tems? pourquoi nepas adorer Dieu eneſprit 8E en vérité pourquoi s'obſtiner enſeigner ce qu'on ne croit pas, &t ſe rendre coupable envers Dieu de ce péché énorme? On nous dit qu'il faut des myſteres au peuple qu'il faut le tromper. Eh mesfreres peut-on faire cet outrage au genre-humain? Nos peres‘n'ont-ils pas déjà ôté au Peuple. la tranſubſtantiation, l'adoration des créatures 6L 'des osdes morts, la confeſſion auricu laire, les indulgences les exorcîſmes, les faux mira cles les imagesridicules? Le 'Peuplelne-ÿeſt-il pas accoutumé la piivationde ces alimens de la ſuperſ tition il faut avoir le courage de faire encore quel ques pas. Le Peuple n'eſt pas ſi imbécille qu'on le penſe. Il) recevra ſans peine un culte ſage &Z ſimple d'un Dieu unique tel qu'on nous dit que les Noachi des le proſeſſoie1it., tel que tous les Sages de l'anti quité l'ont pratiqué ,,‘ tel qu'il eſt reçu àla Chine par tous les Lettrés; Nous ne prétendons point dépouil ler'IesPrêtres de ce que la libéralitérdes Peuples leur a, donné mais nous voudrions que ces Prêtres qui ſe' erreurs,’de quelques ſuperſtitions. Mais, bon DieuſÏ qu'ils ont laiſſé l'ouvrageimparfait tous nous crie qu'il? raillent preſque tous ſecrétementdës menſonges qu'ils" débitent, ſe' joigniſſent nous‘póur prêcher la vérité. Qu'ils prennent garde; 'ils offenſent ils 'déshos 3' ’I purent la Divinité; &t alors ils la glorifieront. Que de.» biens, ineſtimables ſeroient produits par un ſi heureux changement! les Princes &ç les Magiſtrats en ſeroient mieux obéis, les Peuples plus tranquilles; l'eſprit de diviſion &t de haine feroit diſiipé. On offriroit Dieu en paix les prémices de ſes travaux. Il auroit cer çainement plus de probité ſur la terre; car un grand nombre d'eſprits foibles qui entend tous les jours parler avec mépris de cette ſuperſtition Chrétienne, qui. l'entend tourner en ridicule par tant de Prêtres, sîimagine ,. ſans réfléchir qu'il n'y a. en effet aucune Religion &t ſur ce principe il s'abandonne des eX-. ces, 'Mais lorſqu'il connoîtra que la Secte Chrétienne n'eſt en effet que le pervertiſſèment de la Religion na~. turelle lorſque la raiſon libre de ſes fers apprendra au_ Peuple qu'il n'y qu'un Dieu ,r que ce Dieu eſt le pere commun de tous les hommes qui ſont freres que ees freres doiventffêtre les uns envers les autres, juſtes ê; bons, qu'ils doivent exercer toutes les vertus; que Hier; étant juſte doit rccompenſer ces vertus &c punir leg crimes; certes alors, mes freres, les hommes ſe ront plus gens de bien, en étant moins ſuperſtitiéux. Nous commençons par donner cet exemple. en ſecret ê; nous oſons eſpé.rer qu'il ſera ſuivi en public. Puiſſe ce grand Dieu qui nfécoute, ce Dieu qui aſiiirément; ne peut ni être né d'une ſille, ni être mort une po çence ni être. mangé dans un morceau de pâte ,’ ni avoir inſpiré ces livres remplis de contradictions de démence &ç’dfhorreur; puiſſe ce Dieu créateur de tous les mondes avoir pitié de cettc- Secte de Chrétiens qui le blaſphement! puiſtè-t-il. les ramener la religion ſainte &L naturelle, &c répandre ſes bénédictions ſur les QÏIÏQÆÊS que: net-is. faiſons pour le faire adore” EXAMEN DE LA RELIGION Dont on cherche l'Eclairciíl'ement de bonne foi. OUVRAGE ATTRIBUË 'A MR. DE SAINT-EVREMOND. 1745 ,G4

Cros) HJ? ::4 MH ff. J_ ‘' l' DE LA RELIGIONï .ï _a __ '_ CHAPITREI. S'il doit être permis u” chacun d'examiner ſa Religion, C9' s'il eſZ néceſſèzirède le faire ?' '_ï I. _‘ ſemble qu'il doit être permis qu'il eſt même 'nécefiairê que'chacùn examine ſa Religion car que peutñîl.y avoir depuis le commencement de notre vie,..juſqu'au moment de notre mort, qui nous in. téreſlè .davantage que l'état où nous devons être après 'laſfin de nos jours? _l'état heureux ou mal heureuxoù nous .ſommes pendant la vie, peut finir à' chaque inſtant, nous ſavons qu'il finira; &tl'état où' nous ſerons_après la mort, n'a d'autres homes que l'Eternité._ __ADans les_ premieres années de notre vie nous n'avons. pas aſſez de capacité ni de force pour nous occuper d'autres choſes que du préſent; il fait ſur nous des impreſſions qui nous empêchent d'exa— miner l'avenir cette foibleſlè nous fait croire ceuxî en qui nous trouvons le plus de lumiere; &E ce qui n'eſt en eux qu'un effet de leur expérience, nous le 106 regardons comme une ſuite d'une connoiſlänce natu rellement plus étendue que la nôtre. Ils prévoyent la vi-ciſſitude des ſaiſons, ils prennent des meſures pour nous en garantir, &ce. La Religion nous promet un bonheur éternel 6c nous menace d'un malheur ſans' fin, ſelon la différente conduite que nous aurons gardée pendant notre vie, conduite qu'elle nous preſcrit: pouvons-nous donc nous étourdir juſqu'au point de ne pas examiner qui fait ces promeſſes&t ces menaces, Gt quels en ſont les fondemens? On ne peut douter que dans toutes ſortes de Re ligions, il n'y ait des Perſonnes de bonne foi, j'en appelle au témoignage de tous les Voyageur-s. Or. un CHRETIEN de bonne ſoi ne veut pas examiner ſa Religion pourquoi voudm-t-il qu'un MAHOMETAN de bonne foi examine la fien~ ne? Celui-ci croit également que ſa Religion vient de Dieu, qui l'a révélée par lVIahome-t, comme le Chrétien croit que Dieu révélé la Religion chré tienne par Jeſus-Chriſt. Il bien de l'injuſtice parmi les Hommes; chaque Secte- chaque Cabale ſe croit infaillible, &c ne veut point s'appliquer àſoi même les objections qu'elle fait aux autres; le pré jugé ne nous laiſſe pas ſeulement entre-voir le dan ger de la rétorſiom n] Plus on examine la vérité, &c plus on la connoît; ?Examen &t l'attention ſont une Priere naturelle, di», ſent les Philoſophes, que nous faiſons Dieu, pour le porter nous découvrir la vérité. Si la Religion Chrétienne, eſt véritable, l'examen nous fortifiera dans ſa croyance. Si elle eſt fauſſè quel bonheur pour nous de ſortir de ?Erreurl 107 La Religion eſt, dit-on, un dépôt précieux que les Peres ont laiſſé leurs enſans. Si ce dépôt n'eſt pas un rien, une fiction, que craignons-nous de l'examiner? Si c'eſt une Fable quel mal aura-t-il de recon~. noître que ce qu'on donné comme une réalité, n'eſt qu'une imagination_ de nos ancêtres? 1V, Nous ne ſommes dans ,une croyance, ou dans un ſentiment, que par raiſon, ou par préjugé. Nous ſommes par raiſon, lorſque nous l'embraſſons après un ſérieux Examen &c par l'évidence de la démonſ tration. Nous ſommes par préjugé quand nous l'em braſſons par quelque autre voye que ce ſoit; comme lorſque nous croyons que quelque choſe eſt, unique ment parce que nos Peres, nos Paſteurs, nos Maî tres, nos amis nous Pont appris, &x nous ont dit que cela étoit ainſi. Ce que nous croyons par raiſon, ne ſauroit être faux, lorſque nous avons pris toutes les précautions poſſibles &c que l'on doit prendre pour former un ju gement ſolide. Ce que nous croyons par préjugé, peut être ſaux ou véritable &tnous ne devons croire qu'il eſt l'un ou l'autre, qu'après un ſérieux examen. Ainſi, lorſque nous croyons une Religion véritable ſans l'avoir examinée, &ç ſeulement parceque nous ſommes nés ,ou que ceux qui avoient quelque autorité ſur nous, nous l'ont dit, nous ne la croyons vétitable que par préjugé. Cette Religion peut donc être fauſ ſe; &c nous avons beau être de bonne foi nous ſommes menacés du dernier des malheurs, ſi nous ſommes dans Ferreur, &t les autres ſectes dans la véritable voye. Qu'un Chrétien conſidere le malheur d'un Mahome 108 ï) tan de bonne ſoi qui n'eſt dans ſa Religion que par préjugé; lc Mahométan penſe du Chrétien ce *que celui-ci penſe du Nlahométan. ‘Or ,j uſqu'à ce que le Chrétien ait. examiné. ſa Reli gio’n, qui lui dit qu'il n'eſt pàsdans la malheureuſe ſituation du Mahomctan? Qu'eſt-ce qui nous raſſure? Eſtxce notre préjugé, notre bonne foi? Mais on ne peut nier que, dans toutesles Religions, on ne trouve' ce préjugé 8c cette même bonne foi. 'Le 'Chrétien ſe flatte, lorſqu'il croit'que toutes les autres Religions 'ſont viſiblement mauvaiſes. Il n'eſt‘ pas en cela de ſi bonne foi que PEcriture, qui dit que Jeſus-Chriſt paroît une folie aux Nations &t que lesïJuifs le regardent comme leur honte, Gen Îibus ſtqltitiam _Ÿudæis ſcandqzlum; Tous les autres Peuples .de la Terre nous cro‘yent les plus déraiſon nables du monde. en matiere de Religion. Les Païens diſent que nous adorons un homme un morceau de Pain, Gt qu'ainſi.nous n'avons' rien leur repro cher. Les Turcs nous accuſent de multiplier la Di vinité. Enfin, ſi nous croyons qu'ils doivent embraſſer notre Religion cauſe que les leurs contiennent des impertinenees, ils ſoutiennent qu'il n'y rien de plus‘ extravagant que ce que nous appellons myſteres. Ainſi puiſque chacun ne juge que par préjugé du ridicule de la Religion de ſon voifin il ſemble que l'exa men ſeul,peut, ou nous raſſurer, ou nous détromper'. Je crois donc cet examen non-ſeulement' utile, puiſqu'il peut nousdétromper, ſi nous ſommes dans une fauſſe Religion, ou nous afferniir, nous ſom mes dans la véritable :mais de plus je le ciois né ceſſaire &c indiſpenſable, puiſque "nous ne voyons rien qui nous intéreſſe tant que 1'Eternité. Un nombre infini d'hommes nous crient par "leurs paroles &c par ,leur conduite que nous ſommes (1093 dans une fauſſëlReligion que nous ſouffrirons éter nellement; nous aurons l'aſſurance de demeurer tranquilles, &t de ne pas ſeulement examiner ſi tant de perſonnes ſe trompent, ou c'eſt nous qui don nons dans l'illuſion? Examinons un moment combien le nombre des Chrétiens eſt petit. La Terre .a quatre Parties ?Aſie ,l'Afrique,.l'Europe &C 1'Amérique. On doit ,comp ter pour peu de ,choſe les Chrétiens d'Aſie d'A frique &c &Amérique encore damnons-nous une partie de ces Chrétiens qui ne ,ſont pas Catholiques. Reſte l'Europe le Turc ,en occupe une. partie; le* Moſcovite, que nous damnons auffi parce qu'il eſt ſchiſmaiique pofiède un grand Royaume; nous damnons encore l'Angleterre la, Hollande, la Sue de', le Dannemarc, preſque toute lïällemagne, &r une grande partie de la Suiſſe, parce qu'ils ſont héréti ques; combien mê,nie a-t-il d'hérétiques dans.les Etats qui nous reſtent? Je ne prétends pas conclure du petit nombre,- que nous ayions tort mais je ſou~ tiens ſi je parle des perſonnes raiſonnables que ‘cela doit au moins nous porter examiner ſi nous avons raiſon. Les autres hommes ne ſont-ils pas, comme nous l'oùvrage de Dieu 3' &c .notre amour. propre peut-il nous aveugler juſqu'au point de. nous faire croire avant de l'avoir bien examiné que nous ſommes les ſeuls que Dieu ſauvera? D'ailleurs ne dois-je pas craindre de m'eXpoſer ne pas ſuivre la volonté de Dieu? Car enfin, avant Pexameti je ne ſuis pas aſſuré de la ſuivre &c je dois dire avec David [Votnm fac mibi -viam in que ambnlem doce me jnſlzficariones mas; com ment pourrai-je ſans cet examen, diſcerner les ſa blesdes' hommes d'avec la Loi de Dieu? Narra; Ôerùn: míbi iniqui Fabulationes ſhd non ut Lex !to tua. Il ſe fait dans le monde une. circulation de tou* tes choſes, &t même de Religion. L'Orient été le centre du Paganifine, enſuite de la Religion Chrétienne aujourd'hui il l'eſt de la Maê hométane. Ce qu'il de particulier,_ &c qui con vient au ſujet de ce chapitre c'eſt que les anciens Chrétiens qui ſuccéderent aux Païens, ſe moquoient de leur Religion. Les Mahométans d'aujourd'hui, qui ont ſuccédé aux Chrétiens les tournent ſans ceſſe en ridicule ils les plaignent, ils leur font pitié. Eſt- ce le Mahométan ou le Chrétien qui ſe trompe? V. L'Homme ne doit agir que par raiſon, Dieu mé me iſagit ſur nous que par cette voye; &t les Théo logiens conviennent qu'il éclaire l'eſprit avant d'ê chauffer le cœur. La Foi vient de l'ouie, dit l'Ecriture,_ Ceſt-à-díre, que la Foi vient nous, parce que les hommes nous diſent que Dieu révélé certaines vérités; la Foi ſupa poſe donc la raiſon, &t celle-ci ne doit ſe taire que lorſqu'elle eſt conduite juſqu'à la Foi Ceſta-dire, que la raiſon qui nous découvre que Dieu eſt infail lible, nous doit convaincre de la révélation, après quoi elle doit croire aveuglément. Or Dieu ne nous révélant point la Religion par lui-même, nous devons conſtamment examiner ſi celle que certains hommes diſent nous propoſer deſa part, eſt préférable celle que d'autres hommes propoſent auſſi ailleurs _en ſon nom. Car les hommes ne ſont point infaillibles 6e puiſque ce ſont les hommes qui nous apprennent la révélation il eſt certain comme dit l'Auteur de la Re cherche de la Vérité, que tout ce que les hommes nous apprennent, eſt ſoumis notre raiſon (un) Il n'eſt pas permis de croire les hommes flu* leur parole, dit le même Auteur ce n'eſt pas une preuve ſuffiſante pour croire une choſe que déſentendre dire par un homme qui parle avec zele &tavec gravité. Car enfin ne peut-on jamais.dire des fauſſetés &c des ſorti ſes, de la même maniere qu'on dit de bonnes choſes, principalement ſi l'on s'en eſt laiſſé perſuader par ſim plicité ou par foibleſſè? Tous les Auteurs de différen tes Religions n'ont-ils pas parlé de même? Dans les affaires de conſéquence on veut rendre raiſon de ſa conduite, on ne veut pas agir par hazard; pourquoi ſerons-nous moins exacts en matiere de Re* ligion? a-t-il' rien qui nous intéreſſe davantage que l'état où nous devons être éternellement? S'il ne faut rien innover en matiere de Religion, ſi l'ancienneté en eſt le caractere que devoient dire les Juifs la vue du bouleverſement que Jeſus-Chriſt vouloir faire leur Religion? Ce boulgverſement alors étoit nouveau, jamais il n'a été prédit; au contraire ils attendoient le Meſſie ſous une autre face. Luther 6c Calvin n'ont pas tant bouleverſé chez les Catholi ques, &t ils ont été traités de novateurs. Dans la Religion Chrétienne on prend Dieu pour un ſubtil ſophiſte, ou un délié chicaneur, que de lui faire envoyer ſon fils incognito un ſeul Peuple, &( puis faire le procès au reſte des hommes je _vous ai envoyé mo” fils., ÜC. VI Pour être donc dans la diſpoſition de ſuivre exac ,œment la volonté de Dieu en matiere de Religion, il faut commencer par lui ,faire un ſacrifice de ſes pré-l jugés. Preſque tous les hommes ſoutiennent avec force ôc avec zele, les choſes pour leſquelles on leur inſ piré de la vénération 8c de l'attachement dès l'Enfan ce ce que. nous avons appris des Perſonnes qui avoient (112) quelque autorité ſur nous, ou en quinous avions con fiance gravé des traces profondes dans notre cer veau; la nature lié certaines penſées ces traces; peu de perſonnes ſont en état de les effacer, &L de s'en for mer d'autres.que la ſeule raiſon excite:l'orgueil, l'in térêtët les préjugés ſont trois obſtacles en matiere de Religion, que peu de perſonnes peuvent ſurmonter; Celui qui eſt dans l'erreur de bonne foi, &t qui n'a pas le moyen d'en ſortir, eſt excuſable mais doit-on pardonner celui qui ne veut pas-ſe donner le ſoin la diligence néceſſaire pour Féclaircir? N'eſt-il pa": étonnant’ de Voir, dans toutes les Religions, des per ſonnes, d'un bon ſens merveilleux en toute autre cho ſe tomber de ſang froid dans des impertinences s'ha biller d'une certaine façon faire des tours des demi tours, habiller, tantôt haut, tantôt bas, badiner avec un morceau de Pain le montrer, lecacher, monter ſur un autel .en deſcendre, remonter, &cfâ .:. VII. .- ..- .. ;ï .Ceux qui diſent qu'ils ne riſquent rien de demeurer dans la Religion Chrétienne, ne prennent pas-garde. qu'en cela ils pechent contre cette mêmeReligiong parce qu'elle oblige-de croire, non qu'on ne riſque rien en la ſuivant, mais qu'oncſt obligé de la ſuivre, &t qu'on ſe danme en ne la ſuivant pas.‘ D'ailleurs on tient le même langage dans les autres Religions. Le Turc dit qu'il ne riſque rien en ſuivant la Religion de ſes Peres, qui eſt celle de la nature; que le Chrétienriſque tout de croire un Dieu triple. un Dieu dans un morceau 'de pain, un Dieu homme,, en un mot, bien des choſes oppoſées la droite lu‘ miere de la raiſon que c'eſt tout riſquer, de ſuivre .une Doctrine contraire cette lumiere …qui conſtam. ment vient de Dieu. Donc il ſaut examiner la Religion; VIII.' ï* C113 VIII. Les hommes ontíi bien reconnu, de tous les tems? Ia. néceſſité de la révélation, pour établir une Reli gion, que tous lesAuteurs des Sectes ſe ſont vantés' que Dieu leur avoit révélé ce qu'ils enſcignoient ante autres. Mais \i Diet'i l'a révélé un il ne lui aifroit‘ pas plus coûté 'de le révéler aux autres. Dieueſtparſi' tout, préſent quand il conſerve,- préſen't quandil ré vele; certains mouvemens, .ſont liéescertainſes in); preſſions; vous‘nïavez reçu que les inouvemens où ‘ellŸ liée l'impreſiion que. votre. Religion eſt la véritable i' vous ne.ſauriez la croire telle, qu'en examinant la ëauſc de ces mouvements. Lſonction dépend 'du tempéiament; .Üéſt le propre‘ des teinpéí-amens tendres. M. de Fenelon, Archevêqué de Cambray, écriv‘oit avec onction contre M. Boſſue'tg' Evêque deMeauxÎ S’t. .Jérôme 'écí-it avec onction' 'contre St. Auguſtin; St. Paul contre St; Pierre. Saint‘ Cyïprienzſoütènoit avec onction que le Baptême des Hérétiques ne v'aloit rienî Chacunſſcrpit parler le lan-ï gage du Saint-Eſprit :à quel caractere devróit-,on lé reconnoître? Nſais la plupart du tems la brigue fàitiai déciſion; nous qui ſommes hommes, ne ſavons-irons' pas bien juſqu'à. quel point d'autres hommes ont pt( être impoſteurs ou dupes? ‘- IX: ,d. "z ., ;J Tout le‘ monde ſait que la Religion n'eſt pas 1111i? formed'ans le monde, dans.le même climat, dans la; inême Ville; on nous enſeigne en divers endroits, ſous le nom de Religion ,Pdes Dogmes différéns &c entié rement oppoſés. Ceux qu'on enſeigne en Angleterie; ſont incompatibles avec ceux qu'on cnſei me RomeË-Ÿ la Religion des Chinois exclut celle' deISËetſans; char' 1'14 )~ que Société ſe croit infaillible, &tOfoudroye Ia Religion de ſon voifin. On ne peut imaginer &aveuglement plus extrême que celui de s'étourdir ſur un ſujet ſi intéreſſant noué n'avons que notre bonne ſoi &c le préjugé de l'éduca tion, qui nous raſſurent. Mais eſi-ce aſſez pour demeu rer tranquilles Les autres Religions ne nous offrent# elles point également des exemples d'une égale bonne. ſoi, &t d'une éducation qùi opere la même aſſurance? Que chacun donc examine ſa Religion, qu'il voye s'il n'eſt pas dans la même erreur où il aſſure qu'eſt ſon voifin; car enfin‘z la vérité ne craint point l'examen. Mais quel affreux détail, dit-on que celui d'eXaminer quelle eſt la véritable Religion Il plus de Religions que de Nations; d'ailleurs il ſaut être exact, critique judicieux, pour diſcerner le vrai d'avec le faux.‘ C'eſt ainſi qu'on s'étourdit. Mais la plupart de nos crreurs 8c de nos paralogifines viennent de ce que nous raiſonnous ſur des ,mots, avant que d'en fixer le véri table ſens. Ainſi, avant que de Voir ſi notre Religion doit être préférée celle des autres, déterminons ce que c'eſi: que Religion &c ce que c'eſt que croire :. peut-être abrégerons-nous un détail qui nous épou vante. Toutes les queſtions de la Religion ſe réduiſent celles-ci ſavoir, ſi Dieu parlé; &c quelles ſont les vérités qu'il révélées? Ce qui ſera examiné dans les chapitres ſuivans. (ns) CHJL-PITREII. Üe que c'en' que la Religion. Des preuves que la. Ref Aligion 11ai” avoir, E9” des Conditions que doivent' aeozr ces preuves. I; LA Relígïbn‘eſt le culte, ‘q'ue les hdmmës diſent que Dieu exige d'eux. On appelle'fauſſe Reli-' gion, le cultc que les ,hommes rendent Dieu ſans que Dieu l'ait révélé &E exigé. Croire c'eſt ſoumettre ſa raiſon ce que Dieu ,ä révélé; ainſi la Foi ſuppoſe l'autorité divine. Par con ſéquent, dire qu'il faut croire ſans raiſonner, c'eſt ſou tenir que Dieu nous révélé quelques Dogmes, ſans examiner s'il eſt vrai que Dieu les révélés. C'eſt ce qui ne tend pas moins qu'à autoriſer tou tes ſortes de Religions; S'il eſt de l'eſtence de la vé~; ritable Religionqtfelle ſoit révélée de Dieu, il n'y point de véritable ,Religion ſi ,Dieu nÏen point ré: vélé. Ainſipe,xaminer s'il une véritable Religion dans le monde, c'eſt examiner ſi Dieu révélé aux' hommes un culte qu'il exige d'eux. ., On ne connoît point de vérité plus évidente que celle-ci c'eſt que Dieu ne ſautoit nous tromper; non-ſeulement parce qu'il eſt ſouverainement bon mais parce que c7eſt‘une foibleſſe que' de tromper, &t que' Dieu eſt exempt de foibleſſe. Quelle Comédie fait-on jouer Dieu? Tous les fiecles ont vu. naitre .de nou~. velles Religions; chacune ſe vante d'être la véritable. 6c celle que Dieu révélée. Tant dïnconſtance &t de Ÿariété n'eſt point l'ouvrage de, Dieu ll eſt immua ble &t, incapable de tromper perſonne; 8c d'ai.lleurs eſt tout puiíſant ,. il ne peut avoirIdTItre qui opcré 116 ï' quelque choſe d'oppoſé ſa volonté. Ainſi ce qu'on croit ſur le fondement de la révélation divine on le croit par la raiſonde Dieu même par conſéquent ſur' 'un motif évidemment plus certain qu'aucune démonſ tration de Géometrie; L'autorité divine eſt_donc le fondement de la foi: auſli tous les Théologiens enſeignent avec St. Tho mas ,. que l'exiſtence de Dieu. n'eſt pas un article de Foi ſuppoſé, au coIÎEFËXÏTE no” objectzzm fizlei, ſëal _ſcíentióe qu'on eſt déjà pleinement convaincu de l'exiſtence d'un Etre incapable de_ tromper, parce que, diſent-ils, quand on demande pourquoi croyez vous? on répond, parce que Dieu l'a dit. Donc la Foi ſuppoſe: 1. Qu'on connoît Dieu' avant que de croire. 2. Qu'on eſt convaincu qu'il ait parlé. Le vulgaire qui ïn'agit que par préjugé, ne diſtingue pas ce qui eſt du reſſort de la raiſon d'avec ce qui regarde la Foi :' tantôt il ſoumet mal_'à-propos la Foi la raiſon comme quand il le donne la liberté d'cxaminer la ſubſtance des mÿſieres tantôt ilſoumet ſans diſcernement la raiſon la Foi, connue font ceux qui n'oſent révo quer en doute ce que leurs Paſteurs leur ont appris. Puiſque, pour diſtinguer la Foi véritable des er reurs il eſt néceſſaire qu'elle ait un autre fondement' quelle_même, elle ne peut en avoir de plus ſolide que la raiſon dont Dieu ſeul 'eſt l'Auteur; ainſi la rai~' ſon doit nous conduire la \ïéritable Foi, &E nous ſer# vir la diſcerner des fables que la malice des hom mes inventées. Mais quand la raiſon nous guidés juſqu'à la Foi, elle doit ſe taire; ou ſi elle parle, ce ne doit être que pour nous dire qu'elle ſait avec cer titude qu'elle doit ſe ſoumettre entiérement la Foi. La raiſon connoît Dieu &t examine avec d'autané plus de certitude la vérité del_a' révélation qu'elle! (11.7) voit qu'il n'y rien de plus dangereux que de preuz dre des fantômes pour des vérités révélées,ïou des vérités révélées pour des fantômes; maislorſqtflelle reconnu que Dieu parle, elle écoute 6: ſe taît. '" II. Nous avons dit que la Religion eſt le culte que les hommes diſent que Dieu exigé d'eux. Dieu ſeul doit_ donc avoir révélé c'e culte aux hommes ;, autrement on n'auroit aucune raiſon de prétendre que Dieu le demand_at de nous. Les preuves de cette Révéla tion' ne doiventpoint être douteuſes. Dieu eſt trop juſte, pour en agir autrement. Je ne trouve point que ma raiſon qui me vien; conſtamment de Dieu, me faſſe plus pencher pour une Religion que pour une autre; ainſi les vérités de la Religion ne .ſont point des vérités innées ê; méta: phyſiques, ni éternelles, qu'on voit &C qu'on connoîç par-tout; ce ſont des vérités qui dépendent de faits,_ Ce ſont même _des vérités que je ne dois pas croire légérement, de peur de m'expoſer rendre Dieu un culte qu'il n'approuve point; ainſi, bien-loin qu'il faille cro_ire aveuglément en matiere de Religion, on peut dire q'u'il n'y rien qui demande plus de circonſó pection, &c où l'on doive être plus difficile ſe ren dre, que, par conſéquent, les preuves de la véri table Religion doivent être claires, convaincantes &ç faciles. III.M. Si ma Religion n'a que des_ preuves qui convien nent toutes les autresfflqui ſoient équivoqucs, incer taines, d'une diſcuſſion impoſſible, j'aurois lieu de m'en défier &t de n'en rien croire. Si Dieu veut que ~je l'honore ?l'un çulte parti~_ '~ (118) culier, il eſt de ſa bonté ô: de ſa. juſtice de me le manifeſter clairement; je ne puis réſiſter cette véri té, je Papprends dela nature de Dieu même qui eſt infiniment bon; &c je trouverois de la cruauté me refuſer des preuves claires de ſa volonté moi qui ſuis entiérement diſpoſé la ſuivre, qui ne la cher che ne l'examine que dans la crainte de prendre le change &t de regarder les illuſions des hommes com me des vérités, ou de prendre des _vérités pour des illuſions des hommes. î' IV. Tout ce qui nous vient par le_ canal des hommes çſt ſujet l'erreur, parce que les hommes ne ſont pas' infaillibles ,'~Omnis 110m0 Tizcmlax. Dieu' ne doit donc' pas faire dépendre ſes vérités des traditions des homz mes; il eſt trop. juſte pour me ſoumettre un motif trompeur, 6c l'on peut dire qu'il auroit de la cruauté_ en Dieu &exiger des hommes que les hommes ſe ſou miſſent au rapport des autres hommes touchant la rai ſon, qui eſt une lumiere qui vient de lui-même, &qui nous dicte tout le contraire de ce que les hommes pu— blient. '. Les preuves de la Religion doivent être claires, parce que nous avons une raiſon qui, nous venant de Dieu, ne ſauroit étrê mauvaiſe. Or cette raiſon s'oppo iſiant Z1 ce que les hommes nous diſent de la Religion, nous ne devons pas étouffer cette lumiere ſur de ſim# plcs' probabilités. Ce ſeroit faire un très-mauvais uſage du plus précieux don que Dieu ait fait 'a l'homme; il faut des preuves certaines, exemptes de toutes con tradictions, pour ſoumettre 'une lumiere qui nous vient de Dieu, &t qui eſt ſi uniforme dans tous les hom mes. La vérité eſt exempte de toute contradiction. Bienzloin que les preuves de la Religion ſoient clai (119) res, on ne voit rien de plus embarraflé; éc quand on ne ſeroit pas convaincu d'ailleurs que la Religion Chrétienne eſt une pure invention des hommes, on ſeroit dans l'impoſtîbilité de connoître ſi_ce que l'E_ gliſe Romaine croit aujourd'hui, eſt la même choſe que ce qu'elle cru autrefois. Tous les livres de l'E criture 6c des Peres ont été ſujets une infinité de fautes de copiſtes; il plu divers particuliers, com me Eſdras, St.ïJérôme, de les réformer en divers_ tems. Les Bénédictins s'aviſent encore de nos jours, de nous donner des éditions des Peres, Il eu une infinité de ſectes différentes dans les commencement; de l'Egliſe; quand les Peres ont réfuté quelques er reurs, ils ſont tombés dans une extrémité contraire, Tout eſt confondu. Donc rien de toutes ces belles choſes n'eſt l'ouvrage delDieu qui ne ſe dément ja mais; au_lieu que les ouvrages des hommes ſont ſujet-S au changement comme les hommes mêmes l'effet n'eſt jamais plus parfait que la cauſe, V. La véritable Religion ne doit point avoir recours de fauſſes preuves: Dieu eſt immuable; tout ce qui eſt ſujet au changement, ne lui ſauroit convenir. La Religion Chrétienne changé trop de fois de culte &t de face pour avoir jamais été inſpirée de Dieu Adam; &t les anciens Patriarches honoroient Dieu d'une maniere différente de leurs deſcendans. NIoïle changé la face du Peuple Juif. Salomon apporté encore d'autres changemens. Jeſus-Chriſt ſait encore toute autre choſe. St. Paul fait voir que Dieu ne vouloit plus de victimes. Chaque_ ſiecle, chaque Con cile apporté quelque nouvelle diſcipline je pour rois même dire quelque Dogme nouveau; 6c on en conviendrait, l'on étoit de bonne foi. Non, tous ſes ehangeçnens ne ſont pas 1:0l'ouvrage de Dieu, êc ne découvrent quetrop l'ouvrage de l'homme. VI. La_ principale condition, ou plutôt le vrai caractere de 'la 'véritable Religion eſt qu'elle ne nous donne '‘pas une fauſſe idée de Dieu.'Cette condition manque entiérement la Religion Chrétienne. La raiſon pure nous donne une idée bien plus digne de Dieu que laReligion Chrétienne. Celle-cl nous re préſente toujours Dieu comme un homme :c'eſt, dit on, pour s'accommoder à. notre foibleſſe que l'Ecri ture tient ce langage. C'eſt‘ainſi qu'on'ex'cuſe le ridi cule des Expreffions dontſEcriture ſe ſert, lorſqu'elle nous parle' de Dieu: mais cette excuſe ne ſatisfait que des eſprits prévenus. Que l'Ecritt'1re s'accommode notre foibleſſe pour' nous faire entendre ce que nous ne ſavons point par la raiſon qu'elle me falſe des pa' aboles pour m'expliquer les qualités, les aecidens de l'a parole de Dieu; volontiers: mais je ne ſaurois com prendre que ce ſoit s'accom1noder ma foibl‘eſlè que _de parler de Dieu en des terlues qui répugnent àl'idée queÿen alfi' Ma raiſon me dit que Dieu voit tout également, qu'il eſt préſent par_tout, puiſqu'il conſerve tout; que pour conſerver, il faut agir; que pour agir quel que part, il faut être, l'action ſuppoſantla préſence. En un’mot Dieu eſt par-tout je le ſais; l'EcrittÎre', pour s'accommoder ma foibleſſe, me dit que Dieu cherche Adam dans le Paradis terreſtre, qu'il l'appelle: Adam, Adam, Ubi es? que Dieu s'y promene; que Dieu s'entretient avec le Diable au ſujet de Job. l\_'Ia raiſon me dit que Dieu n'eſt.qu'un pur eſpritgque 's'il étoit corps, il ſeroit ſujet la diviſion‘: &c l'Ecri~ ture, pour s'accommoder ma ſoibleílè, me dit que (121) Dieu des bras; elle en parle comme'd'un homme; 6c c'eſt pour cela que quelques anciens Peres commd 'ſertullien ont ſoutenu que Dieu étoit corporel, &ſé “ſont ſervis de l'Ecriture pour le prouver. Ma raiſon me dit que Dieu ne doit être ſujet au cune paffion, quîil doit 'avoir une prévoyance infinie, &l qu'il eſt éternellement immuable; &t la Religion nfapprend que Dieu parlant lui-même, prononcé ces belles paroles je me repens ſavoir fait l'hom me Genefe Chap. 6.; é? que ſa colere n'a pas été inef ficace. Il l'a détruit par le déluge; &t comme s'il n'a voit pas prévu que les hommes ſeroient encore les mê mes, il conſervé une famille qui én produit de tout ſemblables aux premiers. Dieu eſt foible ſelon l'hiſî toire de la Religion Chrétienne, qu'il ne peut réduire l'homme au point où il le voudroit il le punit par Peau enſuite par le feu; l'homme eſt toujours le mê me il envoye -des Prophetes l'homme ne change point. Enfin il n'avoit qu'un fils unique; il été obligé de l'envoyer &t de le ſacrifier pour l'homme &t ce pendant les hommes ſont encore les mêmes. Que de ridicules démarches la Religion Chrétienne fait faire Dieu! Ce n'eſt .pas' tout; ma raiſon me dit en vain que Dieu eſt tout puiſſant, qu'une autre volonté que la ſienne ne peut s'accomplir nulle part; la Religioà Chrétienne donne un adverſaire Dieu preſque auſſi puiſſant &auſſi grand que Dieu même. C'eſt-le Dia? ble. L'Ecriture &t la Religion font livrer un combat perpétuel entre Dieu &c lui;.le Diable ne cherche qu'à faire de la peine Dieu; ſans ceſſe il lui veut ravir les créatures Circuit quam zlcooren‘il réuſſit. peine Dieu a-t-il créé un homme g, que le Diable en fait ſon eſclave qu'il en coûté Dieu .pour arracher l'hom-. me des pattes de ſon ennemi! encore n'en a-t~il arra ché que quelques-uns il fallu qu'il ait ſacrifié ſon. (122) propre fils; ét c'eſt alors ſeulement qu'il dit num; princeps bujus mzmdi ejicietur fbras .. me voilà main tenant maître du champ de bataille. Suivant la Religion Chrétienne, nous ne péchons que par la tentation; c'eſt le Diable qui nous tente: Dieu avoit voulu, nous ſerions tous ſauvés; il 'au roit épargné la mort de ſon fils. Il devoit puiſqu'il eſt tout puiſſànt, anéantir le Diable; plus de Diable, plus de tentation donc plus de péché, par conſéquent tous ſauvés; Dieu ne veut donc pas nous ſauver. VI I. Si Dieu n'a ſait mourir ſon fils que pour ſatisfaire ſa propre vengeance,, &c que parce que ce fils bien voulu ,par bon naturel, ſe charger du péché de l'hom me, je demande fi. ce n'eſt pas encore là renverſer entiérement l'idée que la 'raiſon nous donne de Dieu? La vengeance eſt une paſſion qui ne ſauroit convenir Dieu. La Religion fait jouer Dieu la plus ridicule .de toutes les comédies. Dieu nous donne des Comman demens la Religion Chrétienne nous append que nous ne ſaurions les accomplir ſans la grace que Dieu ne donne qu'à qui il lui plaît, .& que cependant Dieu pu nit ceux qui ne les ſuivent pas. Si l'on vouloit entrer dans un plus grand détail, il ne ſeroit pas difficile de faire Voir que la Religion Chrétienne nous donne une idée plus baſſe dCi Dieu, qu'aucune autre Religion ait jamais ſait. Si les Païens n'avoient pas tant multiplié leurs Divinités, &t n'avoient pas fait leurs Dieux ſi ſenſuels, qu'aurions-nous leur reprocher? Les Chrétiens ſont Dieu triple injuſte, foible, changeant, contraire lui-même en cent ma nieres ſoit comme Auteur de la grace ou comme Auteur de la nature. Que conclure de tout cela, ſinon Mé que la _Religion Chrétienne été imaginée par des cervelles qui n'avoient pas plus d'étendue d'Eſprit, que ceux qui ont imaginé les autres Religions? .' VIII. Bien-loin que les preuves de la Religion ſoient claires &t qu'elles ayent été d'abord certaines &t dé terminées, on ne voit au contraire que trouble parz tout. La Religion Chrétienne été ſi peu certaine dès ſa naiſſance, qu'il s'eſt' élevé dans ſon ſein pluſieurs ſectes différentes, On voit que la Religion, bien-loin d'avoir été plus claire &t plus déterminée dans ſon com mencement, comme elle l'auroit été ſi Dieu l'avoir inſpirée, s'eſt a'u contraire éclaircie avec le tems; elle a_ ſait le même progrès que tout autre Etat ſéculier; Les Chefs qui n'étoient d'abord que de ſimples gueux, ſont maintenant au-deſſus des Princes, puiſqu'ils pré? tendent avoir droit de' leur commander. _je ne puis m'empêcher de faire ici une obſervation qui fait bien ſentir l'homme dans la Religion Chrétienne. Quand' on demande d'où vient que J. C. &L les Apôtres, &c les autres premiers Chefs de l'Egliſe, ont vécu dans une extrême pauvreté juſqu'à être même obligés de gagner leur vie on répond que c'étoit pour appren dre aux hommes le mépris des richeſſes &t du faſte. On venoit, dit-on, prêcher une Doctrine toute oppo ſée aux ſens; il falloit convaincre le Peuple, autant, par ſes exemples, que par ſes aroles. On demande pourquoi les Cheſs de l'Egliſe les Peres de ce tems prêchent, avec un zele inſatigable ,le mépris des richeſ ſes, lorſqu'ils les recherchent avec tant d'avidit'é &c de ſoin? Suivent-ils en cela les traces de Jeſus-Chriſt '&L des Apôtres? Que répondra-t-on _à cela? On de mande enſuite d'où vient que Jeſus-Chriſt les Apô tres n'ont point_ prêché ouvertement les myſteres de 124)" _la Religion Chrétienne, que Jeſus-Chriſt caché \bn incarnation miraculeuſe, que les Apôtres &t les anciens Peres n'ont point parlé de l'Euchaoiſtie? On répond qu'ils ont voulu ménager le Peuple, par une conduite ſage, appellée économie. On demande encore pour quoi les Cardinaux &c les Evêques, qui ſont les Chefs de l'Egliſe, ſont ſi puiſlàns &c vivent avec tantde faſte 6c de_magnificence? On répond que c'eſt pour con tenir le Peuple, qui beſoin qu'on lui en impoſe. On beau dire cette différente ſituation de la Reli~_ gion, cette différente conduite des Chefs, ne marque pas une différente ſituation dans l'eſprit du Peuple qui eſt toujours le même; mais elle marque une dif férente ſituation dans ceux qui gouvernent l'Egliſe, qui connoiſſant la folie de ceux qui abandonnoient leurs richeſſes pour vivre pauvres comme Jeſus-Chriſt font ce qu'ils peuvent pour vivre comme des Rois &t des Princes,_dans un auffi grand déréglement &t dans un auffigrand faſte. Conduite toute oppoſée celle qu'ils prêchent mais c'eſt la le vice des hommes, plutôt que de la Religion. J. 6c les Apôtres auroient été bien embarraſſés de faire les Princes. Ils ſentoient trop le ridicule de leurs myſteres, pour les prêcher publiquement d'au tres qu'à ceux donc ils avoient pu ménager l'eſprit, 6c qui ne pouvoient plus reculer après de certaines démarches. On demande encore, d'où vient qu'on prêche pu bliquement les myſteres qu'on cachoit autrefois? On répond que les myſteres étant aſſez connus, il ſeroit inutile de les diſſimuler. Ce qui eſt bien certain c'eſt qu'on n'a révélé les mÿſteres de la Religion Chrétienne qu'on cachoit autrefois, que quand on été en' état de les appuyer par la force. Si dèsle commencement Dieu avoit dicté la Religion 12S Chrétienne, comme elleétoit plus proche de ſon origi-' ne, ſes myſteres auroient été plus publics&c plus connus; &c on les auroit publiés avec plus de confiance &c de liberté. N'eſt-il pas ridicule qu'on _diſe qt1e le Peuple d'aujourd'hui beſoin d'être ſoutenu par la magnifi cence; que celui d'autrefois étoit en état de s'en paſj ſer; &t qu'au contraire le Peuple de nos jours eſt plus 'en état de ſoutenir les myſteres Pourquoi le Peuple qui s'eſt accoutumé aux myſteres, ne s'eſt_il pas accoutumé la modeſtie des Paſteurs? Si le Peuple d'aujourd'hui eſt en état de ſoutenir un Dieu anéanti, un Dieu mépri ſé un Dieu dans un morceau de pain, un Dieu expoſé toutes les injures les plus infarnes, Mrs. _les Pré lats, ne craignez rien, il vous reconnoîtra ſans peine, quand vous n'iriez pas en équipage de Princes. Voyez comme il ſe proſterne devant ſon Dieu qui court les rues en'tre les mains d'un pauvre Prêtre, qui marche en tout tems, en touslieux &c en toutes ſaiſons. Il vous rendra les reſpects _qui vous ſont dus, quand vous marcheriez comme St. Pierre, puiſque, depuis' tant de ſiecles, il n'a pas méconnu ſon Dieu qui n'a pas changé d'équipage._ l. ._ On beau dire; le déſordre des Paſteurs, leur am bition leur molleſſe, leur lubricité, eſt une preuve parlante de la ſauſlèté de la Religion, parce qu'il eſt certain qu'ils en doivent être mieux inſtruits que les autres hommes. Or s'ils en étoient bien perſuadés, ils la pratiqueroient. lls ne la pratiquent pqint. Donc elle n'a pas de preuves qui perſuadent._ X.' La Religion dû être déterminée dans le commen cement, parce qu'elle étoit plus proche de ſa ſource; c'eſt pourquoi, en matiere de Religion, on rcmarque' qu'on renvoyé toujours l'antiquité on permet_ bien' 1'26 de donner de nouvelles explications, mais avec cette Regie, cùm diras not_è, mm dira: nova; cependant on ne peut douter que les Chrétiens d'aujourd'hui, qu'0n dit être plus imparfaits ne ſoient cependant meilleurs Théologiens ne ſachent plus .de Dognies_ que les Anciens. X. La morale d'aujourd'hui eſt bien différente de celle d'autreſois;'nos Livres de Piété ſont d'un goût tout autre. St. Paul qui s'eſt vanté d'avoir été ravi au 3me; Ciel, &c qui ne devoit pas ignorer les regles des mœurs, ne 11ous pas donné, en XIV Epîtres, un ſeul_ con ſeil eſſentiel àla vie ſpirituelle de nos jours. Quel eſt le livre ancien qui ait recommandé aux Fideles la fré quentation des Sacremens Leur a-t-on apprísles con ditions d'une bonne Conſeſlion la préparation la Communion? Quel_ eſt au contraire le livre de piété de notre tems qui ne parle pas de toutes ces choſes? Il n'y rien dans toute l'antiquité qui vaille le Com bat Spirituel, ou l'imitation de Jeſus-Chriſt. Voilà ce qu'on appelle des livres de piété mais de bonne_ ſoi où en ſommes-nous? Quelle eſt donc notre regle? La Religion change-t-elle chaque ſiecle? XI; Quelques ténebres qui nous environment ici-bas &t quoique nous ſachions fort peu de choſes, il eſt certain que ce qui eſt ténébreux, je veux dire ce que nous ne concevons pas, n'a aucun droit d'exiger notre conſente ment. Il né ſaut pas dire pourquoi niez-vous les myſte res, puiſqu'il tant de choſes dans la nature qui ſont au-deſſus de notre portée? Car de ce que je ne conçois pas les myſteres de la nature, il ne s'enſuit pas qu'il doive avoir des myſteres d'un ordre ſurnaturel." Je '’ (127) i'ïo‘is qu'il des myſteres dans la nature, &le n'en ſais pas l'explication; mais je les vois, &Eje dois avouer que ces-myſteres exiſtent, quoique j'ignore comment. ils ſont exécutés, parce que le fait eſt la cauſe, pour ainſi dire que ces myſteres naturels ſonçcertains; mais je n'ai aucune raiſon qui me porte c’roire qu'il des myſteres dans l'ordre de la grace, .ſur-tout un' tel myſtere en particulier comme la Trinité l'lncarna tion car-non-ſeulement, je ne conçois pas comment cela pourroit être; mais je n'ai rien qui me convainque' que cela eſt; XII. Qu'il ſoit difficile de ſe convaincre, ou de trouver la certitude de la révélation de certaines vérités de ſpéculation, qu'il ne ſoit pas néceffiiire pour le ſ1 lut, peu m'importe mais la preuve des vérités eſſen-’ tielles tous les hommes ,doit être claire Gt facile, ou il n'y en point. Si l'éclaircíſſement de la Religion eſt difficile, c'eſt ùne preuve de l'eſprit &t de la ſubtilité des hommes, plutôt que de leur obéiſſance &t de leur fidélité. La certitude de la Foi, dit l'Auteur de la Recher che de la,VéÎ-ité, (la Théologie le dit avec lui) dé# pend de -ce principe qu'il un Dieu, qu'il n'eſt pas capable de nous tromper, &t que Dieu révélé ce qu'il veut que nous croyons. Je ne dois donc rien. croire avant que de ſavoir ſi Dieu parlé. Il auroit un péril extrême lui faire dire ce qu'il n'a pas dit; ainſi je ne dois croire que lorſque je ne pourrai plus douter que Dieu parlé. Ma raiſon me fait connoître que Dieu n'a parlé aux hommes que pour ſuppléer la foibleſſe de leur con noiſſance qui ne ſuffiroit pas i1 leur beſoin, &t que tou); ce qu'il ne leur pas ditJ' .eſt de telle haturc qu’ilssle (.123) ,. ’peuventapprendre- d'eux-mêmes, ou qu'il n'eſt pas néceſſaire qu'ils le ſachent. On ne ſe contente pas du viaiſemblable en matiere 'de ſcience,.on veut. des démonſtrations; pourquoi s'en contenter,en matiere de Religion? Deſcartes ne veut croire que ce qu'il voit, &c ce n'eſt qu'en matiere .de Religion qu'il ſe bouche les yeux plaiſantraiſonne ment S'il faut ſe boucher les yeux en matiere de Re ligion laquelle embraiſerai-je ?, Toutes ,ſe .vantent d'être la véritable; pour choiſir, il ſaut être convaincu par des preuves claires &c évidentes. Si elles n'en ont point, il faudroit en chercher une qui en ait; ſi je me bouche les yeux, comment la trouverai-je? ï. ll ,. CHAPITRE III; DE PEM-itune S/ziïzteä I; Langage de Dieu doit _être digne de lui. Lee ſadaiſes ëc les ridiculités dont ?Ecriture eſt remplie ſont bien voir qu'elle eſt l'ouvrage des hommes. ,.L'Ecriture doit être incorruptible; pourêtre la regle de notre Foi. Elle devroitêtre -écrite en un Langage qui pût être entendu de tous les hommes, parce que tous les hommes ſont indiſpenſablement obligés de ſavoir ce que Dieu demande d'eux, &c que Dieu doit 'le leur apprendre pouictavoir droit de les punir ou de les récompenſer. Or l'lîzcriture eſt ſujette l'erreur en tout ſens elle nous parle de Dieu d'une maniere ridicule, elle lui donne mille foibleſſes; elld le ſait parler avec le diable en ſujet de Job; elle eſt; ſujette aux fautës des Copiſtes, quiont bouleverſé le_ ſens (U9) ſens de pluſieurs paſſages: l'original Hébreu eſt plein d'équivoques. Telle eſt la nature des mots de cette Langue ſtérile'. Il non-ſeulement des pafläges que l'es Interpretes les plus réguliers &t les plusorthodoxes conviennent avoir' été corrompus; .mais il en a~ même d'ajoutés. Or ſi un paſſage eſt corrompu, qui m'aſſu rera que l'autre ne l'eſt pas? Qui m'aſſurer-a que les livres de l'Ecriture ont été dictés par le S't. Eſprit? Jeſus-Chriſt ne nous les point laiſſés pas un Livre du Nouveau Teſtament n'a été, commencé pendanî ſa viè. Mahomet au moins fait l'Alcoran; Id lies livres de l'Ecriture ont été non-ſeulement compoſés par des hommes en divers tems; mais ces' particuliers ne ſe ſont jamais, vantés pendant leur vie que le St. Eſprit les eût inſpirés, &c leur eût dicté ce qu'ils s'avi_ſoient d'écrire. Quoi donc! _parce .qu'il ſe. fera 'tin renverſement dans l'imagination de .Sti Paul: parce qu'il s'àviſera de ſe convertir, apres la. mort de' Jeſus-Chriſt lui qui ne s'étoi point rendu ſes prétendus miracles; enfin parce qu'il s'eſt aviſé d"écrire XIV; Epî'ttes divers Peuples; que dans la‘. ſuite des ſie-' cles‘ ces Epîtres ſe ſeront conſervées parmi ceux d'un même parti, comme une infinité ,d'autres livres des Anciens, onm'obligera de reconnoitre ces livres com.Ê me la parole de Dieu même, &t je paſſerai pour fou je n'en crois rien? III. La diviſion .des -livres de l'E.eriture en Proto-Ca !ioniques &Z Deutéro-Canoniques ne ſait-ellc pas voir que c'eſt uniquement le caprice .des hommes qui les conſacrés leur gré? Quoi donc! Il ne, dépen dra‘ que des' hommes, de déclarer qu'un livre vient dti (135) Ciel? Encore ne ſera_ce qu'après que ce'livi-'e aura fait ſon noviciat ſur la terre pendant un certain tems; Dans l'eſpace de pluſieurs ſiecles, on n'aura regardé 'ce livre que comme un ouvrage ordinaire &c tout d'un coup; parce que ce livre contiendra un paſſage propre pour être cité contre de nouveaux prétendus hérétiques, on canoniſera ce livre, &t on le mettra au rang des livres inſpirés de Dieu; ce qui eſt arrivé pluſieurs livres de l'Ecriture &è entre autres aux deux derniers livres des Machabées, parce qu'on en prend quelques paſlàges pour prouver le Purgatoire En vérité il n'y pas de folie que les' hommes ne ſoient en état de diviniſer c'eſt un moyen de ſe ren-ï dre maître de tout l'Univers, que d'avoir droit de ſe faire des titres au beſoin. IV: Non-ſeulement C. devoit donner lui-même les livres de l'Ecriture Sainte &t les déterminer pendant ſa vie mais encore il falloit qu'ils ne fuſſent pas ſujets aux ſautes des Copiſtes, &c qu'ils euſlènt quel que caractere qui les diſtinguât; autrement un Indien de bon ſens ne peut les regarder que comme des li vres ordinaires. Un tel miracle étoit plus néceſſaire 8c plus raiſonnable, que de reſſuſciter des morts. Ces divers prodiges, s'ils ſont vrais, n'ont pu être utiles qu'aux hommes qui les ont vus celui-ci opéreroit dans tous les tems, __ V._ Les Auteurs des livres ſacrés n'ont point donné' leurs ouvrages comme infaillibles; en tout cas ils au roient toujours été obligés de juſtifier leur miſſion, que c'était le St. Eſprit qui les inſpiroit :i mais' bien-loin d'avoir cette prétenèion ,_ ils nous ont laiſſé' \Si ieu'rs livr'es comme des livres ordinaires; di medie comme des ouvrages qu'ils écrivoient ou certains Peuples, ou certains Particuliers. La diſette des li~' vres, le beſoin d'autorité; enfin' un motif' humain lesa diviniſés. St. Luc écrit Théophile.;- &t dit de bonne foi, que voyant tant de perſonnes qui faiſoient des li vres ,il lui avoit pris envie d'en ſaire un ſon tour f. 'Qyonianz quidam multi .COHÆÎÎ fui” ordinaire narra tioncm, ozſ'um eſt' míbi tibi ſhribere, .optime ben' pbile; &t bien-loin de ſe vanter d'être inſpiré du St; Eſprit, il dit qu'il n'écrit rien qu'après s'être bien in formé de tout. Luc. Chap. 1. mp E9” 2; I. Pourquoi le langage de l'Ecrit'ure n'eſt-il point nai furel? Pourquoi toujours des allégories &t des myſte res? C'eſt, dit-on que les allégories &t les paraboles‘ ſont du goût &c du ſtyle des Orientau'x :l'Ecriture n'eſt donc pas pour nous; elle n'eſt que pour eux le Sti Eſprit n'eſt-il que d'Orient? VII.‘ L'Ecrîture nous don‘ne en quelques endroits une. belle idée de Dieu; l'Alcoran de même ſes beautés: mais auſſi elle nous en_ donne ſouvent une idée bien peu digne de lui elle le fait ſujet toutes ſortes deiñ paſſions, ſur-tout de reſſentiment, de repentir de .venä .geance. Dieu ſe repent d'avoir fait l'homme. Dielt' 's'entretient avec le dhable, dans le livre de Job. Il ſe donne la comé.die il cherche Adam dans le Paradis Terreſtre. Il manque ſur-tout ſouvent de' prévoyance; Il fait, il défait en bien des endroits. Il choiſit Saul; le rejette. Qued-'inconſtance que de légéretél L'Hiſtoire de Jonathas ſſeſtzelle -pas ridicule? Dieu' n'eſt irrité que .parce qué ce fils mlalheureux, qui 132 —) ‘' ignoroit le vœu de ſon pere mangea un peu dèſi miel. _L'Ecriture eſt 'pleine de contradictions, parce que l'Eſprit de l'homme, qui en eſt Auteur,_ne peut pas ſe ſoutenir, &c avoir tout préſent. Elle fait dire Dieu dans un endroit, qu'il ne punit point les enfans des crimes des peres; &t dans un autre, qu'il fera ſentir les effets de ſa 'vengeance juſqu'à je ne ſais quelle génération; .a I. Jamais on ifaccordera la généalogie que St. Mat ihieu fait de J. C., avec celle de St. Luc. Un Evangé iiſte dit que J. C. eſt mort trois heures, l'autre dit 'qu'il eſt mort ſix. Le pere Mauduit, dans ſa Diſſer tation' ſur_ l'Evangile, dit que c'eſt ici une faute de Copiſte.. Cette défaite eſt ce' qu'on peut dire de plus raiſonnable ſur cette difficulté. Les Interpretes ne ſont aucune difficulté de reconnoître des fautes de' copiſ tes .dans l'Ecriture ,‘ ſans prendre garde qu'ils s'expo ſent nous faire regarder l'Ecriture comme tous les autres livres ſujets 'aux mêmes inconvéniens. Si les 'copiſtes ſont tombés dans des ſautes ſur des faits, qui m'empêchera de croire qu'ils ſont tombés auſſi l'é gard de's Dogmes? Et notre croyance dépendra de l'i magination des Copiſtes, de leur inattention ou de leur malice? Les Peres de l'Egliſe ont ſenti toutes ces difficultés. Ils nous ont donné des explications bien ingénieuſes de l'Ecriture; mais enfin ils ſont convenus qu'il falloir beaucoup de ſoumiſſion &t d'humilité. Mais plus on de reſpect pour la Divinité plus on doit éviter de s'ex poſer de prendre des fables des hommes pour la pa* tole de Dieu; E133 -. IX. Nous liſons dans l'ancien Teſtament que Dieu S'en tretenoit avec les Patriarches il eſt même dit deMoïſe qu'il parloit Dieu ſicutſhlet amícus [aqui ad ami cum facie au' facicm non in óenígmute. Cepen dant le nouveau Teſtament, Act. cles Apôt. Chap. 7. nous détrompés, nous appris que ces entretiens ne ſe faiſoient que parle miniſtere des Anges. Le Saint Eſprit n'a donc pas .dit vrai dans l'ancien Teſtament, ouñ il ment dans le nouveau. Si les Anciens n'ont ja mais parlé avec Dieu, ils en étojent donc trompés; 'car ils ſe flattoient fort de parler lui. L'Ecriture nous apprend qu'Abraham lui parlé pluſieurs fois; entre autres qu'étant âgé de 99 ans Dieu lui apparut pour la 6"”. fois, &t lui ordonna la circonciſion, comme une marque d'alliance entre eux; puis qu'étant diſparu, Abraham ſe fit circoneire cependant ils ne parloient qu'aux Anges, qui recevoient leurs adorations comme Dieu même. Dieu eſt jaloux, dit l'Ecriture; je ne veux point ici critiquer cette expreſſion. Mais je demande pour quoi les Chrétiens Catholiques attribuent aux Saints ou paroiſſent leur attribuer les perſections de Dieu mê me, ſans Parler du culte qu'ils leur rendent? Ils leur adreſſent leurs prieres, comme ſi les Saints pouvoient voir ce qui ſe paſſe dans le cœur de l'homme. Ils n'ont pas changé de nature, pour être Saints, Gt Dieu ne partage ſon immenfité avec perſonne. Les Catholiques regardent toujours Dieu comme un Roi on ne va pas directement au Roi pour lui de mander une grace on tâche de l'obtenir par l'entre miſe de quelqu'un de ſes favoris. ll lfalloit bien don S4 .ner des favoris Dieu pour leur adreſſer la demande

les graçes qu'-on vouloit obtenir par leur interceilion,

XI, N'eſt-il pas abſurde que les moindres Théologiens fie nos jours paËent plus exactement en matiere ge eli ion, quel' criture même? C'eſt une héréſie dire Ëmplement &c ſans diſtinction que J. C. eſt moins. grand que ſon Pere. C'eſt pourtant ainfique parle l'E criture. Pat-er major me eſt. N'eſt-ce pas induire le Peuple en erreur, _&t les Anciens n'avoient-ils pas rai ſon de ſoutenir ſur ce paſſage que J. C. eſt inférieur Dieu le- Pere? L'Ecriture eſt pleine de façons de 'parler peu exactes fort oppoſées ala ſaine Théologie, gX”. I.l ne faut point être ſurpris ſi ?Ecriture fait entre tenir Dieu avec les hommes puiſqu'elle le ſait cau ſer avec le Diable. Ces converſations ſont également

oppoſées l'-idée qu'on doit avoir de Dieu. Ne ſe laſ

ſera-t-on jamais de regarder Dieu comme un Roi, çomme un Pere comme un Souverain î? Dieu ne s'en tretient qu'avec lui-même il habite dans [me lumiere inacceilible. En nous formant, il nousa donné tous les' organes qui doivent ſervir nos actions. Nous ne pou vons agir que par les regles du mouvement, dont lui ſeul peut être l'Auteur. Qu'auroit-il donc à. nous dire dans ſes entretiens, quand même ils ne répugneroient point l'idée que 'nous avons de lui? Rien n'eſt plus abſurde que ce que nous dit l'Ecriture de C. qu'il fut tenté par le Diable qui l'emporta ſur une haute mon 'cagne &tlui p'romit de le mettre en pofléſſion de tout, _ſi cadem adoraveris me. Si on liſoit une pareille ri diculité dans l'Alcoran, on ſe moqueroit des Turcs; &I parmi les Chrétiens, c'eſt .la plus belle choſe du monde;

(135 XIII. L'Ecriture nous dit d'un côté que Dieu nous dam-z nera ſi nous _n'obſervons ſes Commandements; &ç d'un autre côté, que nous ne pouvons rien faire ſans la grace ſine me ni/yil pate/lis; non eſt ralentis, neque carre-ntfs ſed mzſ-'erentis Dei. Peut-on conce voir que Dieu nous puniſſe de n'avoir point ſait ce_ que nous ne pouvons faire ſans lui? Quoi donc! Dieu nous 'dira d'un côté que nous ne_ pouvons rien ſans ſa grace, &t d'un autre il nous male traitera quand nous n'aurons pas exécuté ce que nous ne pouvons faire ſans lui; &t il nous fera même des_ reproches tendres, &c nous dira qu'il n'a pas tenu lui qu'il ne nous ait donné tous les ſecours neceſſaires! Quid palm' facere tibi eine” mea, E9" non fèci? perditio tua ex te, Iſraël? Que de contrariétés! Que l'homme ſe ſait bien ſentir dans toutes ces inventions! Quand il _veut nous faire voir la puiſſànce de Dieu, (St la dépendance où nous ſommes de lui, il nous dit que nous ne pouvons rien faire ſans un ſecours ſpé cial de ſa puiſſànte Bonté; &t lorſqu'il veut nous en~. tretenir de la juſtice de Dieu il jette ſur nous toute la faute de nos malheurs. XIV. Si Dieu parlé aux hommes, ce n'a été que pour_ leur apprendre ce qu'ils ne pouvoient ſavoir par CDX? mêmes; ainſi l'Ecriture ne doit nous apprendre que ce qu'il eſt néceſſaire que nous ſachions pour le ſa lut &t que nous ne pouvions deviner. Combien de choſes inutiles dans l'Ecriture? Dire que Dieu parle bien pourd'autres nous apprendre que nousl'hiſtoire pouvionsdeapprendre Job', de .Judith des I-Iiſto ,— riens! n'eſt-il pas ridicule de dire'que Dieu ſe donne la peine de parler pour nous apprendre ces hiſtoires? 1.4 (13_6) XV. La clarté eſt la prinfipale qualité_ que doit avoir un Ecrit dont la fin tend inſtruire, orïmrí præceprzz negcmt, concenta doceri. Il eſt étonnant que l'Eſprit de l'homme ſoit obligé de ſuppléer' dans l'Ecriture l'Eſprit de Dieu; qu'il en adouciſſe les facons de parler; qu'il avoue qu'ilſe ſeroit mieux exprimé. Je demande ſi expliquer [Ecriture, n'eſt pas faire une' injure atroce Dieu. S'il parlé il a' ſans doute bien parlé; &t ſi l'E c‘riture ne parle pas bien ſi elle un beſoin conti nuel d'explication c'eſt qu'elle n'eſt pas la parole de Dieu; &t s'il me faut croire l'explication .que_les hommes me donnent de [Ecriture, ce n'eſt plus Dieu 'qui m'inſtruit, ce 'ſont les_ hommes. 'X L'Arc=en-ciel, Dieu le donne, dit l'Ecriture, com me 'un ſigne de Paix. La belle choſe pour les Juifs ignorans! 'D'où vient donc que l'Arc-en-ciel préſent eſt vu pal' des ſcélérats ſur la terre, dans la mer, ſur les_ collines,' &t dans les déſerts, où il n'eſt ſouvent vu de perſonne 2. XVI I. Cajetan remarqué qu'au ame. Livre des Rois cha pitre t., on lit Michol au-lieu de Mérob, ainſi qu'on peut Voir ati 1°'. Livre de la même hiſtoire. St. Matthieu, ch. 27, a' été trompé, ayant écrit Jérémie au-lieu de Zacharie; St. Marc ch. aſſure que le Texte qu'il rapporte eſt écriten Eſaîe, &C il l'eſt en Malaehie; 8l quand il écrit que J. C. fut crucifié trois heures, il ſe trompe vu qu'il fut jugé ſeulement_ ſix heures par Pilate ſelon St. Jean, chap. 19. St. Luc ſe trompe èli. quand il dit que Caïnam fut fils d'Arphaxad, Salé fils de Caïnam; la Geneſç dit que Salé eſt

  • ï_ËHHM'. "'’ ñ-ññ. ñq;

13.7 fils dÏArphaxad, (chap. Io.) 6c Salé fils de Caïnaln, il ſe trompe encore quand il dit Act. des Ap. Ch. 7, que la Spelunque qu'Abraham acheta étoit ſiſe en Si chem, vu qu'elle étoit en Hébron, &c qu'il l'acheta 'des Enfans d'Hem0r, fils de Sichem, non pas d'Ephron Hétheen comme l'écrit Moïſe; &L lorſqu'il dit au même chap. qu'Hé\nor étoit fils de Sichem, vu que la Gcneſe porte' tout le 'contraire, &t dit qu'Hémor étoit pere de_ Sichem 6c non ſon fils. CHAPITRE IV._ .pD_e Jeſus-Chriſt: I. Eſus-Çhriſt étoit_ un homme comm Moïſe. L'i _' magination vive des habitans de ÙÎſie &t de l'A ſriqure_ contribue beaucoup les porter des en thouſiaſmes :_ c'eſt pourquoi Jéruſalem été ſi féconde en ProphetesQQuand on conſidere la conduite de C., il n'eſt pas pofiible de ſe perſuader qu'il ait été ce qu'on veut que nous croyions qu'il eſt. Il eſt venu, dit-on pour nous inſtruire &c pour nous ſauver; cependant il n'a fait' ni l'un ni l'autre il ne. nous point inſ truits; il n'a converti perſonne. Il avoit XlI Apôtres'; un d'eux le trahit, &t les autres l'ont abandonné quand on s'eſt ſaiſi de ſa Perſonne la réalité l'a emporté alors ſur l'imagination. I. En ſuppoſant qu'il fût poſſible que Dieu ſe fit homme, pour inſtruire les hommes, on ne ſauroit pardonnera J. C. de s'être ſi mal acquitté de ſon devoir. Il ne nous a' effectivement rien appris que quelques ſentimens de morale que les Paiens avoient enſeignés avant lui d'une C1385 rï maniere plus perſuaſive &c plus nette. Il n'a enſeigné aucun Dogme de Religion. Qu'on examine les princi pales vérités de Foi, J. C. n'en.a jamais dit un mot: jamais il n'a prêché le mirale de ſa naiſſance. Il n'a ja—_ mais parlé de la Trinité, des Sacremens, du péché originel. Voilà pourtant les quatre points fondamentaux de la Religion Chrétienne. Qu'on parle de bonne foi; il eſt certain que J. C. n'a pas inſtruit les hommes, &t que ſon voyage eſt le plus chimérique de tous les voyages! même le plus inutile. I. Mais les hommes veulent du merveilleux 6c_ du céæ leſte. Dieu ménage donc bien les hommes, qu'iln'oſe leur dire qui il eſt. J. C. été trente ans ſur la terre, ſans jamais avoir oſé dire qui il étoit. Il ne s'eſt en hardi que pendant les trois dernieres années de ſa vie; encore n'a-t-il jamais parlé clairement. J. C. comme homme étoit indiſpenſablement obligé de dire qu'il étoit Dieu autrement il trompé les hommes pendant ſa vie, &t ſur-tout pendant trente ans qu'il eſt demeuré dans le ſilence; &t il étoit coupable ſeul de tous les ſacri leges qu'on ſaiſoit en ne lui rendant aucun des devoirs dusà la Divinité &ten le mépriſant quelquefois. Quoi donc! Dieu vient ſur la terre, il n'y fait rien! il s'étoit pourtant fait homme pour faire quelque choſe il' n'a laiſſé aux hommes aucun monument de ſa venue aucuns livres, aucune trace. Dois-je m'en rapportera quelques perſonnes prévenues qui ne l'ont diviniſé &c déclaré Dieu _qu'environ 400 ans après ſa mort dans le Concile de Nicée, dans l'an 325? IV. Ma miſon qui me vient de Dieu me dit qu'il n'y en qu'un que ſa nature eſt infinie qu'il ne ſau roit faire qu'une Perſonne avec la divine; &c on me dit (139) qu’il en fait trois'. Or, pour croire que cela eſt, c'eſt bien lemoins que je demande que celui-là même qui m'a donné cette raiſon qui m'en fait voir ſi clairement l'impoſſibilité, me diſe &t m'aſſure que cela eſt. Il eſt venu ſur la terre pour nous l'apprendre; il ne nous l'a point appris. Je ne dois donc pas m'expoſerätom ber dans l'ldolâtrie ſur le rapport de quelques hommes. L'Evangile dit- que J. C. conſommé ſon Ouvrage avant de mourir; il n'y en pas pourtant de plus im parfait. 1°. Les hommes ſont dans le même état où ils éroient avant la venue de ce prétendu Meſſie. 2°. C, n'a déterminé aucun point de notre foi &c il de voit au con-traite les déterminer tous, pour avoir con ſommé ſon Ouvrage car la Religion Chrétienne n'a été dans ſa perfection que pluſieurs ſiecles après ſa i'nort. Or Dieu venant ſur la terre exprès pour nous Penſeigner, nous l'auroit enſeignée, auroit attaché un caractere incorruptible, &t qui auroit été l'abri de toute diſpute &c critique des hommes. Rien de tout cela. L'Ecriture eſt pleine d'allégories; elle beſoin d'interpretes 6c de commentateurs. Non encore un coup ce n'eſt pas là l'ouvrage de Dieu. 3". Suppo ſons encore que Dieu eût voulu nous inſtruire par les hommes il les auroit inſpirés; au contraire). C. a, laiſſé les Apôtres dans des erreurs groſſieres c'eſt un fait conſtant dans l'Ecriture. Ils ont même été ſujets l'erreur, même après avoir reçu le St. Eſprit. St. Paul convaincu St. Pierre d'erreur, Ct, pour le remarquer en paſſant, ils ont donc pu prêcher ſéparémen’t des er reurs. O1', puiſqu'ils diſputoient ſur des faits de Reli gion iLs n'étoient donc point également inſpirés du St. Eſprit. 4°. Chaque Concile écumenique nous appris quelque Dogme nouveau. Donc J. C. n'a pas. achevé ſon ouvrage. Non: tant de contrariétés ne ſour pas lſêuvtage de Dieu. (140) V. Bien-loin que C. ait été dans le Temple lui-mé»ï me prêcher l'inutilité_des ſacrifices des Juifs il fait tout comme les autres. La Sainte Vierge &l Saint _[01 ſeph ont offert avec lui des ſacrifices le jour de la Pu rification. Il all'oit dans le Temple les bonnes fêtes, our participergux ſacrifices avec le reſte du Peuple. Bien qui étoiç ſur la Terre pour inſtruire les hom mes, ne leur diſoit rien, &t gardoit avec eux la_ même conduite. I. ?N'eſt-ce que J. C., ſelon la Religion Chrétienne C'e la ſeconde Perſonne de la Trinité 'qui bien voulu ſe faire homme, 8c s'humilier‘juſqu'à la mort de la croix pour ſatisfaire la juſte colere de ſon Pere, pour être le médiateur entreDieu 6c l'homme, pour effacer le péchéde notre premier Pere, &c nous faire rendre l'avenir un Culte digne de lui quo! verba, m* errorcs. I". On ne ſauroit dire que J. C. air bien voulu ſe charger de nos péchés pourſſſatisfaire ſon Pere, ſans admettre en J. C. une volonté différente de celle de ſon Pere l'un eſt l'offenſé, l'autre la victime. Il n'a donc pas la même nature; car la diverſité' de volonté, eſt une preuve de la diverſité d'Eſl'ence. 2°. On ne peut s'empêcher de conſidérer ici le Pere comme une Perſonne bien emportée &t le Fils comme un Enfant de bon naturel, qui fait tout pour l'appai ſer: que de foibleflès! Quel perſonnage fait-on jouer Dieu? Dieu n'auroit pu ordonner la mort de ſon fils, ſans ordonner le péché des Juifs qui l'ont fait mourir. Qu'on eſt heureux quand on peut voir toutes les con~ ſéquences d'un principe! 141 4°". La médiation ſuppoſe une ſoíbleſſe mutuelle enê .tre les deux partis; on ne peut donc dire que J. C. eſt .le Médiateur entre Dieu &t l'honnne ſans admettre une imperſection, non-ſeulement en nous mais encore en Dieu, &c ſans nous rendre égaux. Les Chrétiens oublient ſouvent leurs principes, 6c n'en voyent pas toutes les conſéquences_ J. C. ne nous .a pas réconciliés .avec ſon Pere, comme avec la pre miere Perſonne de la Trinité; c'eſt avec Dieu qu'il nous réconciliés. Il eſt médiateur entre Dieu &L nous, Or). C. eſt auſſi Dieu que ſon Pere. Donc il ne peut être Médiateur avec Dieu, puiſquïl le ſeroit avec luíí même; I. J, C. dit l'Auteur de la Recherche de la Vérité! L. 5'. chap. 5. après pluſieurs Peres de l'Egliſe) con~’ noifl-Imt parfaitement la maladie &t le déſordre de la' nature, remédié de la maniere la plus utile pour nous &c la plus digne’de lui qui ſe puiſſe concevoir. Que de préjugés dans ces paroles! Dire que Dieu rej médie au déſordre de la nature, c'eſt dire que Dieu avoit mal ſaitilanature. Un Ouvrier neremédie ſon ouvrage que parce qu'il une imperſection. S'il l'a-' voit bien fait tout d'un coup, il n'auroit rien re# médier, D'ailleurs quelle eſt la réforme que C. a' faite dans le monde? Les hommes quoi qu'on en diſe, ſont les mêmes qu'autreſois. Les Philoſophes Païens nous ont enſeigné une mo rale pour le moins auſſi p'ure que celle de J. C. I/oyeâ les Offices de Cícero”. VIII'. ,Il eſt oppoſé l'idée de D~eu, 6c ridicule de diré qifil' paille être appaiſé [ar les Sacrifices. Dans le' 1.42 ſacrifice rien ne périr aux yeux de Dieu. Les hom 'mes jugent toujours de Dieu par eux-mêmes quand ils ſont offenſés, ils ſont ſatisfaits par la vengeance qui 'affoiblit &c qui _détruit quelquefois leurs ennemis. Or _croyant offenſer Dieu, &c ne vo'ulant le venger que foi~' blement ſur eux-mêmes, ils ont cru devoir lui ſacri fier des animaux en leur place. Mais Dieu demande la conſervation (St non la deſtruction de ſon ouvrage; Le Sacrifice de J. C. d'ailleurs quelque choſe de plus indigne de Dieu &t de plus oppoſé tous ſes at tributs, que les Sacrifices des Paiensz_ Les hommes lui fontjouer la comédie pendant plus de 4000 ans; ils lui ſont deman’der des ſacrifices d'a nimaux; ils lui font dire enſuite que ces ſacrifices ſont très-inutiles, Gc qu'il n'e veut que le ſacrifice de ſon fils. Il n'en avoit r'ien dit dans l'ancienne Loi; les Apôtres le publîerent dans la nouvelle. Le beau ſecret, pour écarter de l'eſprit du Peuple le mépris qu'il fait ordinairement d'un ſupplicié! __ Le ſacrifice de la Croix eſt encore une véritable eomédie. J. C. ſouffert comme homme; Paſſus eſt' _ſub Ponrio Pilaro. Il eſt mort comme homme. Or il eſt de foi ,— que dès l'inſtant de l'union de l'hu manité avec le Verbe J. C. étoit ſouverainement_ heureux. Tous les Peres nous apprennent qu'il falloir ùn efforttout puiſſànt pour empêcher la gloire de J. C; de rejaillir ſur le Temple ôc que bien-loin que la transſiguration ſoit miraculeuſe ,' elle n'eſt, au contraii re qu'une ceſſation de miracles. Comment J. C. t-il donc pu ſouffrir ſur la Croix? S'il n'a pas ſouf-’ fert comment ſommes-nous rachetés? Si on répond que ce n'eſt que par métaphore qu'il eſt dit que J. C; ſouffert, comme ce n'eſt que par figure que l'Ecri—-' ture dit que Dieu ſe repent on verra que toute la² Religion Chrétienne n'a rien de réel, qu'elle eſt toute .( 143 _inétaphoiîiqué 8c ne conſiſte par conſéquent que dansï l'imagination de ſes Sectateurs. IX. On fait faire Dieu tout ce qu'il peut pour nous ſauver. Quid parut' face-re &ſa on le fait incarner, on le fait ſouffrir hélas! s'il avoit voulu, nous ſe rions tous ſauvés; car la volonté de Dieu ne ſauroil': être inefficace. Dieu ne veut pas nous ſauver ou il joue la comédie; les Théologiens ne réſoudront cette difficulté 'que par des paroles. Si J. C. ſe fût montré au Peuple Juif après ſa pré tendue réſurrection, toutes conteſtations étoient finies. Ou ne peut concevoir que J. C. ait demeuré plus de quarante jours ſur la terre après ſa réſurrection, qu'il ait évité le Peuple. Il n'étoit venu ſur la terre que pour inſtruire les hommes &c pour leur apprendre ſa Divinité rien n'étoit plus aiſé il n'avoir qu'à ſe montrer au Peuple qui l'auroit ſans doute bien reconnu. N'eſt-il pas ridicule de dire qu'il ait ordonné ſes Apô-’ tres de prêcher la réſurrection &c qu'ils en étoient les témoins? que ne ſe ’mont'roit-il? C'étoit le Peuple qu'il falloit pour témoin cela ſeul l'au'roit convaincu de ſa Divinité. Quelle comédie dans la vie dans la mort, dans la réſurrection 6c dans l'aſcenſion deJ. C.! Il fal loit qu'il mourfit pour reſſuſciter. Il étoit venu pour s'en aller. Si J. C. eſt venu pour ſe faire connoître, pourquoi ne l'ont-il pas fait? S'il n'eſt pas venu pour ſe manifeſter, pourquoi eſt-il venu? Qu'eſt-ce quetrois ans d'inſtruction? Encore ,quelle’ inſtruction! Les hommes ſont ſujets faire jouer ces plaiſantes comédies Dieu. Ils font mourir la Vierge par for me, &c la ſont reſſuſciter quelques momens après. Ils la font monter au Ciel: mais il falloir la formalité de mourir. EM) X. .q La douleur peut-elle honorer Dieu plus quele plaiſir? Pourquoi veut-on que les douleurs de J. C. ayent ho noré .Dieu Dieu n'eſt-il pas également l'auteur du plaiſir commode la douleur? L'envie le penchant qu'ont les_ hommes de ſe reproduire, fait que jugeant de Dieu _toujours pareux-mêmes ils ont admis Dieu le Fils, &t ſe ſont même fiattés qu'il les avoit faits ſon image 6l reſſemblance. I. Pourquoi les Apôtres ont-ils attendu ?Âſcenſion la Pentecôte, pour prêcher la _réſurrection de J. CJ? ll ſalloit la prêcher quand on_ pouvoit dire, le voilà. ]._C. tout fait pour embrouiller, il négligéles voyes les plus ſimples. Les Prophéties dit-on, avoient pré dit qu'il naitroit d'une Vierge. Il eſt né d'une Vierge, dit-on encore mais quipourroit le deviner? Elle avoit un mari. Il eſt étonnant' que les Peres diſent ſé rieuſement que cela s'eſt fait ainſi pour tromper le Diable. Or, ſi le Diable même, qui tant de pou voir, ne pouvoir deviner que J. C. _étoit le Meſſie, comment veut-on que les Juifs ayent pu_ le deviner? Les prophéties étoient donc bien obſcures, puiſque le' Diable n'y entendoit goutte. J. C. étoit venu pour inſtruire une infinie poſtérité, ſans parler de la multitude qui vivdit de' ſon tems. Il ne l'a pas fait car que nous a-t-il laiſſé pour nous inſ truire? Une Egliſe, &eſt_-Ët'-dire des hommes comme nous, qui n'êtoient alors qu'un très-petit nombre de perſonnes très-déraiſonnables. Voilà la maniere hu maine avec laquelle J. C. &t les Apôtres ont commencé introduire une Religion nouvelle qu'ils ont tirée de l'ancienne No” venifſolvere, ſèa' arlimplcrc; ce pendant, quoique tout ût comſommé la mort de J: C.'; Gt (145) ZZ la Synagoäue tous les Diables, néanmoins tous les Apôtres les premiers Chrétiens alloient dans le Temple prier Dieu comme les Juifs. Petrus autem fa' _îîoaunes accedebunt ad emplum Ml boram ora zianis 720mm., Act. Chap. 3. v. 1; &t quand ils prê choient, ils diſoient encore Deus Abraham, Deus .Iſaac, Deus Jacob. v. 13. XII. Onſnous dit que la Loi de Moïſe eſt une Loi_ de Sévérité, &c la Loi nouvelle une Loi de Charité: l'exemple d'Ananie &t de Saphire prouve le contraire. Je pardonne St. Pierre_ la mort d'Ananie; mais lorſ que trois heures après Saphire vient, pourquoi St. Pierre lui demande-t-il ., Die mibi, mulier ſi Muti agrum veudidiſti .P Ne le ſavoir-il pas? l'exemple d'A nanie ne ſuffiſoit-il pas? Faut-il tuer dans la Loi de Charité? Il devoit lui dire au contraire charitable ment ma bonne Dame, ne me mentez pas, Dieu vient de punir votre mari. Act. Chap. 5. 8tc. CHAPITRE V. DE l'Egliſe 6s” des Concíles. I. L'Egliſe n'eſt autre choſe qu'une Société d'hom mes. ll autant d'Egliſes que de Religions différentes. Si vous voulez que j'e regarde l'Egliſe Chré tienne comme l'a véritable, je vous demande quel ca ractere elle a, pour exiger de moi un tel conſentement? Si l'Egliſe Chrétienne ſe prétend infaillible, elle ne peut l'être ſans avoir une connoiflànce infinie; mais, bien-loin que l'Egliſe air’ une telle colqnoiílânee, on 146 remarque mille contradictions dans ſes décrets. ;Il Yi des bulles Œexcommunicution contre ceux qui diſoient qu'il avoit des antipodes on ſe retranchc, &t on dit que l'Egliſe n'eſt pas infaillible dans le fait, mais ſeu lement dans le droit. Mais onvoit que cette diſtinction vient de la foibleſſe de l'Egliſe; on la veut faillible dans le fait, parce qu'il ſeroit lacile alors de la con vaincre de fauſſeté les faits ſe prouvent; au-lieu que-, dans le droit, chacun fon opinion. L'Egliſe devroit être infaillible dans le. fai-t, parce que le droit eſt ici lié avec le fait. C'eſt un, ſait que J. C. ſoit venu. C'eſt un fait que le St. Eſprit ſoit deſcendu. C'eſt un fait qu'il ait dicté XIV. Epîtres St. Paul. C'eſt un fait, ni plus ni moins, que de tant d'Evangéliſtes qu'il avoit au commencement, le St. Eſprit n'en ait inſpiré que quatre'. Or, ſi’l'Egliſe eſt failllble dans le fait, jai donc raiſon de douter qu'il ait une Ecriture &t un J. C. &te. L'Egliſe n'a point de caractere ſenſible qui ladiſtingue des autres Aſſemblées. Ce caractere étoit néceſtàire. Les hommes ne ſont-ils pas également l'ouvrage de Dieu? Quelle vanité, ou plutôt quelle folie de croire qu'il aime plus ceux-ci que ceux-là? On ne peut s'em pêcher ſelon ce beau ſyſteme ~de ſe repréſenter Dieu comme ces meres aveugles qui ont une pré dilection déraiſonnable pour quelques~uns de leurs ~enſans. I. Quel amour-propre de croire que Dieu nous :t choiſis pour être ſon Peuple particulier! Eſt-ce ’que les autres.Peup1es n'ont pas le même rapport-avec lui? Le choix qu'on prétend que Dieu fit de la fa mille d'Abraham pour compoſer ſeule le Peuple Juif eſt encore un étrange effet de l'amour-propre de ce 147 Peuple. Tous les commencemens de Monarchie ont toujouis quelque choſe de merveilleux, Cc le Ciel s'en mêle toujours. Pluſieurs Corps de l'Egliſe Romaine s'accuſent ré ciproquement d'avoir une Doctrine corrompue &c hé rétique. Tous ne conviennent pas où réſide l'autorité de déclarer &t d'expoſer la Doctrine ſi c'eſt dans le Pape, ou dans le Concile général; ſi ce n'eſt ni dans l'un ni dans l'autre conſidérés part ni dans tous les deux enſemble. Quand tout cela ſeroit certain, que d'embarras n'y trouveroit-on point? L'Egliſe Chré tienne prétend la gloire d'être Catholique, c'eſt-à dire univerſelle elle n'eſt pourtant qu'une très-petite Aſſemblée, par rapport tous ceux qui ſont hors de ſon ſein; &t). C. l'a appellée Puſillus Grcx. Un Indien' de bonne foi arrive en Europe il éleve ſa voix, &t demande qui m'aſſurera de la Révélation divine? qui de vous ſe prétend infaillible? L'Egliſe Romaine paroît c'eſt moi, dit-elle, 'qui ſuis infailli ble. L'Indien' s'apprête l'écouter; mais auparavant il lui demande, quelle preuve me'donnez-vous de Pin faillibilité dont vous vous flattez? C'eſt l'Ecriture, reprend l'Egliſe mais qu'eſt-ce que l'Ecriture, de mande l'lndien? C'eſt un Livre inſpiré de Dieu, ré pond l'Egliſe. quelle marque le connoîtrai-je, re plique encore l'ludien? C'eſt moi qui vous en ailiire, ajoute encore l'Egliſe. Si l'Indien eſt d'auſſi bon ſens que de bonne foi, a-t-il encore quelque choſe de mander? I. Les erreurs ne ſe réſorment pas tout d'un coup: auſti l'Egliſe ne s'eſt établie que peu-à-peu &c les Myſ ceres n'étoient pas autrefois en un auſli grand nombre qu'aujourd'hui. Dieu n'auroit pas gardé cette con '( 148 duite, s'il avoit révélé une Doctrine. Le progrès de l'Egliſe eſt tout humain. On commencé par ſéduire le Peuple, dans un tems où il n'y avoit point d'im— preſſion où l'imagination ſeule régnoit où les viſions les plus extravagantes trouvoient des ſectateurs. La diverſité d'opinions étoit du goût du ſiecle. On en d'abord impoſé par un extérieur défintéreſſé, &t par une Doctrine qui tient du merveilleux. Bien-loin que le Peuple n'embraſſe pas une Religion contraire aux ſens elle eſt de ſon goût en ce point même. Elle n'au roit rien de merveilleux, ſi elle ne révoltoit les ſens: de quelque maniere qu'on s'y prenne il ſaut du mer veilleux au Peuple, ſoit en favoriſant les ſens, ſoit en ne les favoriſant point. Il aime ce qui lui paroît au deſſus de lui, &t croit 'qu'on l'éleve quand onlui dit ce qu'il ne ſent pas. Il eſt vrai qu'on lui offroit un crucifié: mais on lui diſoit que ce cruciſié avoit fait des miracles; qu'il étoit reſſuſcité monté aux Cieux qu'il étoit Dieu, que ce n'étoit que 'pour eux qu'il étoit réduit cet étatdéplorable. C'eſt ainſi qu'on s'eſtattiré la compaſſion &t la crédulité du Peuple, incapable de réflexion &t d'examen. Les Prédicateurs parloient avec zele; la mort qu'ils ſouffroient avez conſtance, exci toit la pitié &t la confiance du Peuple le culte qu'on rendoit aux Martyrs, fiattoit ſa vanité. Quelques per— ſonnes d'eſprit ont embraſſé cette Religion dans la ſuite, ou par inconſtance ou par fingularité, ou par certaine envie de briller dans un nouveau parti, ou enfin parce qu'ils ſentoient le ridicule de leur Religion naturelle. Souvent la peur d'un mal nous fait tomber dans un pire mais lorſque par quelques circonſtances particulieres, comme par l'envie de gagner une ba taille, les Rois ont promis d'embraſſer la Religion Chré tienne; lorſque cette promeſſe réveillé leur ardeur dans le combat, que les ſoldats ont été animés par leur (149) exemple r&t que 'les ennemis ſurpris d'une nouvelle vigueur ont été vaincus; enfin quand les Rois ſe ſont faits Chrétiens leurs Peuples les ont ſuivis avec cm preſſement. C'eſt alors que l'Egliſe eſt devenue puiſ ſante, &ë abandonné inſenſiblement cet extérieur pau vre qu'elle, conſervoit avec. le Peuple. Ses Chefs ont cru devoir vivre comme des Rois ,. qui en embmffi-int leur Doctrine ſe ſoumettent leur. caprice. Enfin l'E gliſe tant fait qu'elle s'eſt emparée de Rome, &t ſe flat-te d'avoir droit de commander l'univers. IV., Il n'y rien dont l'imagination échauffée ne ſoit ca pable. Les ſorciers croyent aller véritablement au Sab bat,. St. Paul, renverſé par hazard de ſon cheval, crut ouir la voix de J. C. qui' lui' demandoit iaiſon de la perſécution qu'il faiſoit ſes Diſciples. La peur lui fit entendre ce qu'il n'entendoit pas &t de Perſécuteur il devint Apôtre, &z prêcha peut-être l'Evangile de bonne foi. Son imagination échaufféc lui fait croire dans la ſuite qu'il étoit élevé au- 3m°. Ciel. Il ſe flatte même que J. C. en perſonne l'a inſtruit il s'en vantoit parmi ceux de ſon Parti, qui le regardoient comme un des prin cipaux Chefs. Ainſi celui-qui pendant la vie de J. C. n'avoir jamais eu la curioſité d'approfondir un ſeul de ſes prétendus miracles, eſt tout d'un coup convertit par ſa chûte; il change en prodige la honte d'êtreñ mauvais Ecuyer, Vs, Il n'y point encore eu de rîdîculité qui' n'ait eu des ſectateurs ce qui doit humilier ceux que l'appro bation des hommes flatte. La Religion des Païens cou vroit autrefois la face de la terre. Elle ſe conſerve encore dans les vaſtes region de lÊrient. Donnez (150) moi une douzaine de perſonnes qui je puiſſe perſuader que ce n'eſt pas le ſoleil qui fait le jour, je ne dé ſeſpere pas que des Nations entieres Ïembraſſeænt cette opinion. Quelque ridicule que ſoit une penſée, il ne faut que trouver le moyen de la maintenir quelque tems. La voilà .qu'elle devient ancienne, elle eſt ſuf fiſamment prouvée. Il yavoit, ſur le Parnaſſe un trou, d'où ſortoit une exhalaiſon qui faiſoit danſer les chèvres‘ &t qui mon toit la tête quelqu'un qui en fut entêté ,. ſe mit parler ſans ſavoir ce qu'il diſoit &c dit par hazard quel que vérité. Auſſi-tôt il faut qu'il ait quelque choſe d_e divin dans cette exhalaiſon. Elle contient la ſcience de l'avenir on commence ne s'approcher plus du 'trou qu'avec reſpect. Les cérémonies ſe forment peu à-peu. Ainſi naquit l'Oracle de Delphes; Gt comme il devoit ſon origine une exhalaiſon qui entêtoit, il falloit abſolument que la Pythie entrât en fureur pour prophétiſer. Qu'il ait une ſois un Oracle d'établi, il va bientôt s'en établir mille. Si les Dieux. parlent bien là, pourquoi ne parleront-ils pas ici? Le Peuple frappé du merveilleux de la choſe &t avide de l'uti lité qu'il en eſpere ne demande qu'à voir naître des Qracles en tous lieux; &t puis l'ancienneté ſurvient, qui leur fait tous les biens du monde. Ajoutez tout cela que dans le tems de la premiere inſtitution 6ſt des Dieux &t des Oracles l'ignorance étoit beaucoup plus giande qu'elle ne le ſut dans la ſuite. La Philoſophie n'étoit pas encore née, &t les ſuperſtitions les plus ex travagantes n"avoient aucune contradiction eſſuyer de ſa part. eſt vrai que ce qu'on appelle le Peuple,n'eſt jamais fort éclaire'. VI. Egliſe eſt entiérement maîtreſſe dela Foi &c ne ſe ſoumet qu'en apparence l'Ecriture l'Egliſe ayant 151 ajouté, diminué comme il lui plu au Culte an. cien elle s'eſt aviſée. d'un expédient par lequel elle peut ſoutenir ce qu'elle fait ſans choquer l'autorité de l'Egliſe ._ qui eſt d'enſeigner en même-tems que c'eſt l'Egliſe d'interpréter l'Ecriture. Ainſi l'Ecri 'ture ne peut dire que ce qu'il plaira l'Egliſe de lui .faire dire &t l'Ecriture n'a qu'un vain titre d'honneur', tandis que l'Egliſe le ſouverain pouvoir &t l'indé pendance abſolue. Ce n'eſt pas ſeulement aux Chré tiens lire &t examiner l'Ecriture; l'Egliſe la lira &' ?examinera pour eux, &c leur dira que ce qu'elle en leigne eſt tiré de l'lîcriture; &L c'eſt vous le croi~. re finon vous êtes damné bel expédient dont l'E' gliſe ſe ſert pour vous faire ſuivre ce qu'elle enſeigne… Ainſi elle ne peut être jugée que par l'Ecriture inter prétée par elle-même. Une perſonne ſe ſoumet une Loi: mais elle ne veut qu'aucune autre perſonne qu'elle même puiſſe interpréter, examiner ,lire même cette Loi… I.__ _Que les riches étoient' malheureux dans lesùcoms mencemens de l'Egliſe ISI. ſelon l'Evangile Qtfils ſont heureux aujourd'hui, ſelon la pratique de l'E gliſe! Car enfin qu'un riche meure, toute l'Egliſe prie pour lui 8c prend ſes habits de deuil; les Prêtres s'en rhument force de crier; les cierges ne ſont pas épar gnés; Meſſes par-tout; 5c le tout pour de l'argent: comme ſi le Sacrifice de J. C. ne' ſuffiſhit pas une fois, on le renouvelle 'des milliers de fois. Qu'un pau vre meure une miſérable croix 'de bois ſait toute ſa pompe funebre; on le jette dans quelque recoin du Cimetiere; pas ſeulement la moindre pri'ere pour ſon ame. Il n'a point d'argent pour en acheter: c'eſt tout dire. Prendre de l'argent pour prier pour les morts ,_ &: tirer un grand revenu d'une erreur c'eſt une impoſ 152 ture impie \St une impoſition ſacrilege qu'on met ſur le Peuple ignorant GE aveugle. VIII. Les Conciles ſont une preuve 'de la fauſſeté dela Religion. Car qu'eſt-ce qu'un Concile? C'eſt une aſ ſemblée d'hommes qui, après avoir bien diſputé, con viennent entre eux qu'ils propoſeront au reſte des hommes une telle ou telle propoſition comme une vérité que Dieu révélée. Il dépend donc unique ment de la fantaiſie des hommes, dedéclarer quelles ſont les propoſitions révélées. Sommes-nous raiſonna bles, de donner aux hommes une telle autorité ſur notre raiſon? Non, puiſque la Religion Chrétienne devoit ſe tranſmettre dans la ſuite de tous les ſiecles elle -devoit être certaine en tous ſes points, tout devoit être déterminé par le Meſſie; le contraire eſt une preuve de la foibleſſe de l'homme, qui ne ſauroit tout pré voir. Si le St. Eſprit préſidoit aux Conciles, comme on le prétend, on n'y Verroit pas tant de brígues, ni tant de diſputes; ils ne dureroient pas ſi long-tems. Pourquoi le St. Eſprit ſem-t-il plus dans un Con cile général que dans un Concile national ?. Eſt-ce qu'une nation ne l'intéreſſc pas aſſez? Combien faut-il donc de Perſonnes pour Pintéreſſer? D'où vient donc que J. C. dit, où ſeront deux ou trois, &tc. Les anciens Conciles ne. valoient point une de nos aſſemblées du Clergé; cependant ils étoient infailli .bles, &t celles-ci ne le ſont pas. Puiſque Dieu agit toujours par les voyes les plus ſimples pourquoi lui fait-on chercher tant de myſte res? Ilprend la peine de s'incarnèr, ne nous ap prend rien. Il eſt avec ſes Apôtres, &t les laiſtè auſſi bêtes qu'auparavant. Des Conciles c'eſt-à-dire des hommes, nous ínſtruiſent de ce que nous, devons croi (153) re, après avoir bien diſputé entre-eux avant que de pouvoir. convenir de quelque choſe. Souvent même, par ménagement, ils s'expliquent d'une maniere équi voque qui donne gain de cauſe aux deux Parties. Eſt ce ainſi que Dieu parle? 4' L'inſpiration ou l'a\liſtanee du St. Eſprit dans l'E gliſe eſt une pure imagination. Si le St. Eſprit inſ piroit l'Egliſe, elle n'auroit jamais excommunié .ceux qui ſoutenoient qu'il avoit des Antipodes on ne ver roit pas tant de Bulles contraire les unes aux autres on n'auroit jamais vu deux Papes s'excommunier récipro quement; &c, ce qu'il de plus plaiſant, des Saints des deux partis de ces deux Papes on ne diſputeroit pas dans les Conciles avec tant de chaleur 5L d'opi niâtreté, ſi on n'y faiſoit rien que par l'inſpiration du St. Eſprit. Enfin ou ne remarqueroit pas dans l'E gliſe, toutes les mêmes foiblelſes qu'on obſerve dans toute autre ſecte que ce ſoit. X. C'eſt Porgueil des Savans qui introduit dans l'E gliſe tant de queſtions nouvelles &t épineuſes, &t qui obligéle Peuple recevoir leurs ſentimens comme des révélations anciennes, quoiqu'on n'en remarque au cune trace dans l'Antiquité. C'eſt la cupidité &c l'am bition de quelques autres, quia introduit les Dogmes qui fiivoriſoient leurs intérêts temporels. La Cour de Rome inſpire du .reſpect pour les indulgences &c. pour l'es diſpenſcs qu'on ceſſe de les acheter, on vo.us en ſeignera que Dieu n'exempte perſonne de la Loi, que le St. Eſprit dictéea ſon Egliſe. YY -U crs,i) _CHAPITRE VI.~

Des Peres de l'Egliſe Ô” des Martyrs.

I. Poſtérité conſacre les monumens de l'Antiqui té‘ &c nous avons naturellement du reſpect pour ce qui été long-tems avant nous. Que d'habiles gens qui ont écrit de nos jours avec lus d'érudition (Péloquence de juſteſſe d'eſprit,, de Force &c depréciſion, que Ies Auguſtins &c les Jérô mes Néanmoins qu'on mette dans 1:1 balance du vul gaire le nom d'Auguſtin d'un côté, ceux de quel ques modernes; combien en faudroit-il pour l'enlever? Les Peres cependant étoient des hommes comme les autres, leurs écrits ſont remplis d'erreurs; par ier même en Chrétien, il n'y en pas un qui ne ſoit tombé dans quelque opinion erronée. St. Cyprien ſoutenu que le Baptême des Hérétiques étoit inutile. St. Jérôme &t St. Auguſtin ont eu de cruelles diſputes ſur les faits de Religion. Les plus anciens eres de l'Egliſe étoient des Apoſ cats de la Religion de leurs ancêtres ils ont introduit dans la Religion Chrétienne les erreurs de leur Phi loſophie &t la plupart des coutumes du Paganiſme; un renverſement d'imagination dans un tems plein de ſec tes, où l'on faiſoit gloire de donner dans les partis, été la grace efficace de leur converſion. II. Les Peres de l'Egliſe n'ont point parlé avec exac titude &c juſteſſe d'eſprit; ils ſe ſont toujours ſervis d'un ſtyle oratoire &C allégorique; l'Allégorie plaît au (155). Peuple, cllel'amuſe &t attire ſon admiration. On ſuit toujours'le goût &t le géniede ſon ſiecle. Lorſque lïulégorie étoit la mode, tout le monde allégoriſoit: mais, encore un coup l'allégorie n'eſt qu'une figure d'imagination qui ne prouve rien. Le vulgaire ,. qui naturellement du reſpect pour l'antiquité, regarde les anciens Peres comme des hom mes extraordinaires qui avoient commerce avec le St.‘ Eſprit comme il -croit que les Patriarches s'entrete noient avec Dieu. Le Peuple n'a pas en cela aſſez bonne opinion de lui-même; il ne ſait pas qu'il n'y point en Dieu d'acception de perſonne comme-parle l-'Ecriture.) Tous les hommes lïui ſont également chers; Il eſt notre Pere commun. Il ne s'eſt pas 'plus entre tenu' avec les anciens ,qu'il s'entretient avec nous. L'Ecriture ne nous dit pas des Anges ce que les Pe res nous en diſent ſur-tout Denis dans fa. Hiérar chie. Où a~t-il pris tant de belles choſes? 111. L'imagination échauffée eſt la cauſe du martyre; pour en convenir, ilî n'y quafaire attention qu'il’n"ÿ a' point eu encore-de Religion qui- n'ait eu ſes m'ar tyrs. Les Chefs de Religion ont péri la plupart d"une mort violente. Toutes les héréſies. ont eu leurs Saints q-ui ont ſouffert la mort pour lesdéfendre. Ceux que nous appellons Fanatiques dans les Cévennes, paſſene pour des martyrs en Hollande Gt en Angleterre. Ort leur écrit des Lettres touchantes pour les animeràper-Î ſévérer dans la foi. Chacun juge des choſes ſelon la ſituation où il ſe trouve, &c ſelon ſes préjugés. La plu part de ceux qui vont au Japon ſouffrir le martyre, ne ſont pas en état de répondre i1z une difficulté que leur propoſeroitï un Indien; de bon- ſens.- I-ls -meurent pourtant pour ſoutenir leur Religion; ce qui fait Voir 156 que c'eſt l'enthouſiaſme &c non la raiſon qui les guide. IV. force d'entendre dire ou de vouloir perſuader quelque choſe, on la 'croit ſoi-même, ſur-tout quand on eſt né avec une forte imagination, telle que l'ont ceux du Pays des anciens Chrétiens. Enfin la con duite des autres n'eſt pas une regle pour nous. Si les martyrs ſont morts, ils avoient leurs raiſons je mour rois comme eux ſi j'étois perſuadé. Mais parce que je ne conçois pas le motif de leur martyre, &t que l'i magination ſeule peut en être la cauſe; que d'ailleurs cette preuve eſt équivoque puiſque je vois des mar tyis dans toutes les Religions, je ne conclurai- pas que la Religion Chrétienne eſt la véritable cauſe de ſes martyrs. Les Peres de l'Egliſe diſoient que c'étoit1a cauſe, &c non le ſupplice, qui faiſoit le martyre; &c c'eſt un axiome de Religion que, Cauſa Martin-m fac”, mm póena. Ainſi, quand on conclut que la Re ligion Chrétienne eſt véritable parce qu'elle eu des martyrs, on ſuppoſe ce qui eſt en queſtion. Puiſque nous ſavons que les premiers Chrétiens n'é toient dans leur Religion que par enthouſiaſme, 5c puiſqu'il des martyrs dans toutes les Religions, même les plus extravagantes, comme dans les Indes même de nosjours, dans la Religion réformée chaſſée de France, il faut trouver un caractere particulier qui puiſſe diſtinguer les vrais martyrs d'avec les faux. V' Bien-loin que les martyrs ſoient une preuve de la véritable Religion, au contraire ils ſont autant de té moins de la fauſſe. Car il eſt injurieux Dieu de dire qu'il livre au dernier ſupplice ceux qui croyent ce (157) qu'il révélé. D'ailleurs les martyrs ſont_ connoître que la Religion étoit mal établie, &t la révélation peu conſtante puiſqu'il avoit dans le même-tems des hommes de bonne foi qui croyoient, dit l'Evangile, rendre un grand ſervice Dieu, en tuant des ſcélérats, des impoſteurs, des perturbateurs du repos public, lorſqu'ils faiſoient mourir les martyrs. CHAPITRE VIL Des Prophetes é? des Prophéties. I. L'Avenir eſt entiérement caché aux hommes, parce ’, que n'étant point encore par rapport eux, il ne peut pénétrer dans leur eſprit par ;aucun ſens; &t qued'ailleurs cequi n'eſt pas, n'ayant aucune propriété, les hommes ne le peuvent ſavoir que par la révélation de celui par qui .tout exiſte. Nomſeulement les hom mes ignorent l'avenir, mais il eſt encore entiérement caché tout eſprit créé, &t cela par la même raiſon. Ainſi on ſe trompe_ quand on' croit que le Diable révélé l'avenir aux Païens, &t qu'il inſpire encore au jourd'hui ceux qu'on appelle ſorciers. Rien de tout cela ne peut être. Ce ne ſont que des fantômes de l'a veugle imagination des hommes. Les Juifs avoient donc raiſon quand ils défioient les Païens de leur déclarer l'avenir mais voyons s'il eu parmi les Juifs des hommes qui ayent eu cette con noiſlànce. D'abord j'obſerve une grande confuſion, un grand embarras, des équivoques &t des allégories éternelles dans toutes les Prophéties; &t il eſt ſurprenant que nos Théologiens d'aujourd'hui diſputent encore du ſens (158) qu'on doit leur donner. Oui le ſens des Prophéties_ les plus claires n'eſt point encore déterminé, ni parmi les Juifs, ni parmi les Chrétiens, comme je le vais bientôt remarquer. Où eſt donc le merveilleux des Prophéties, ſi elles ſont pleines d'obſcurité? Quel eſt donc le caractere qui les diſtingue des Oracles des Païens, &t des Prophéties des autres Peuples? Car enfin il des Prophéties par-tout; les hommes ont toujours aimé le merveilleux; plus ils ſentent leur foi bleſſe, plus ils veulent en ſortir par des prodiges. Enfin les Prophéties, pour faire quelques impreſſions ſur des eſprits ſains &t exempts de préjugés, doivent être claires débarraſſées de toute équivoque. 11. Si les Prophéties avoient été claires, les Juifs, qui en étoient les dépoſitaires, ſe ſeroient ſans doute con vertis, quand ils en auroient vu l'accompliſſement. Les Prophetes, dit-on paroiſtènt être les Evangeliſ tes de J. C. Les Juifs méditent éternellement ſur ces Prophéties; ce J. C. ſi clairement annoncé, arrive parmi eux, il demeure trente-trois ans, &t les Juifs ne le connoiſſènt pas; ils ſoutiennent même que ce n'eſt pas dc lui que leurs Prophetes ont voulu parler. Qui ſont donc les hommes qui doivent ſe rendre aux Prophéties, finon ceux qui parlent êc qui entendent la Langue naturelle en laquelle elles-ont été écrites, 6c qui en. ont toujours été les dépoſitaires? Eſt-ce donc l'Egliſe Chrétienne qui doit en detérminer le ſens? Elle eſt donc juge en ſa propre cauſe! Qu'elle ſe faſſe des titres tant qu'elle voudra ils ſatisfe ront ſon imagination, mais ils ne convaincront pas ma raiſon. Ceux qui liſent les prieres de l'Egliſe, peuvent remarquer qu'elle ſe donne une liberté entiere d'in i( 1S9 'tek-prêter les Prophéties comme il lui plaît, &t les pal' ëſages de l'Ecriture. On prétend même qu'il eſt de foi que l'Egliſe cette autorité. Ces interprétations allégoriques qui -ne prouvent rien, &t qui dépendent uniquement du génie de celui qui allégoriſe, révoltent la raiſon d'un Indien de bon ſens, bien-loin de le perſuaderzmais ce que je trouve de plus remarquable c'eſt que l'Egliſe ajoute l'E criture ce qui lui plaît. David dit, Dominus regim vit, decorem induit” e/Z, &t l'Egliſe dit que David dit aux Nations, Dominus regmwit ligne),ñ ce qui eſt faux. Impleta ſunt quæ concinit David fideli car mine, dicem in n/ztionibus, regmzoit ligno Deus. Jamais David n'a dit ces paroles de quelque verſion qu'on puiſſe ſe ſervir. III L'Ecriture nous 'apprend que J. C. après laTéſut ſection ouvajt l'eſprit ſes Apôtres pour leur donner l'intelligence de l'Ecriture. une aperuit eis ſmſum, m. intelligerent ſcrïpmras. S'il faut un tel miracle pour entendre les Prophéties, elles ne ſont d'aucune utilité puiſque la raiſon naturelle ne ſauroit les com prendre; &c Dieu. auroit plutôt fait de nous tourner tout-à-coup par miracle du côté de la Religion Chrétienne, que de nous faire marcher par tous ces degrés. Mais que dis-je? Ce n'eſt pas Dieu qui tient une conduite ſi irréguliere, ce ſont les hommes qui le font toujours agir leur maniere. -- V. Je n'entrerai point dans un grand détail pour faire voir que les Prophéties ſont très-obſcures, que tout s'y ſent de l'enthouſiaſme Aſiatique &t du myſtere des Caldéens; que ce qui paraît clair ſelon la vulgate, a' (160) uii ſens tout contraire ſelon le Texte original qui eſt le ſeul que le SainDEſprit révélé que ce qu'on nous dit aujourd'hui être une Prophétie, eſt un fait arrivé naturellement, 6L qui ne portoit avec lui aucun caractere de Prophétie; qu'ainſi il eſt ridicule de vou loir que je regarde le Peuple Juif comme un Peuple tout prophétique. Dieu 'n'a point exigé cela de moi, ſur ce pied-là je vais trouver toute la Religion de Mahomet dans la conduite du Peuple Juif. Si David, dans ſes vieux ans, demande, pour ſe réchauffer, la chaleur naturelle de la plus belle fille de ſon Peuple; St. Auguſtin &t les autres Peres de l'Egliſe n'ont point de droit de m'obliger regarder cette action comme une Prophétie de l'union de J. C. avec l'Egliſe, &de la pureté de la Ste. Vierge. ‘v. Je ne m'arrêterai pas faire voir que Dieu ne ſe conduit pas allégoriquement que les allégories ne prouvent rien, que l'allégorie eſt une figure qui tient toute ſa réalité de l'imagination de ſon Auteur 6c ſur tout en matiere ſi ſérieuſe que la Religion. L'allégo rie eſt entiérement bannie de la démonſtration, &c de tout diſcours qui! ne doit que convaincre l'eſprit. _l'exa minemi ſeulement celle de toutes les Prophéties dont on l'ait le plus de bruit, &c qu'on dit être la plus claire. La voici. Jacob, avant' de mourir, fit venir devant lui tous ſes enfans, &t leur donna tous ſa Bénédiction quand le tour de Juda fut venu, il lui dit, no” aufëretur fieptmm de Jada, dance 72min: qui nzittendus eſt. Or, dit-on, le ſceptre été enlevé de Juda quand J. C. eſt venu; donc voilà cette Prophétie accomplie; donc J. C. eſt celui qui devoit être envoyé. D'abord, il eſt certain que lesJuifs entendent diverſement le mot Hé 161 Hébreu que nous traduiſons par celui de ſtèeptre. Lei uns diſent que l'H_ébreu ſignifie perſécution, tribulaâ tion; &t; que Jacob dit ſon fils que les Juifs ſeroient toujours perſécutés, juſqu'à lavenue de celui qui de voit les délivrer de 'tous leurs maux. Quelques-uns même prétendent que ces paroles ſe ſont accomplies en la perſonne de Moïſe &t. que Jacob dit ſeulement ſes enfans qu'ils ſeroient toujours perſécutés en Egypte juſqu'à ce que fût venu celui qui devoit les délivrer de leur eſclavage. Les Docteurs Chré tiens qui veulent tous qu'on traduiſe le mot Hébreu par celuide ſceptre ne conviennent 'pas non plus 'du ſens de ce paſſage. Leur diſpute 'roule ſur 'ce qu'on doit entendre par Juda. Les uns diſent qu'on doit en tendre tout le Peuple Juif; GC que le ſceptre n'a été véritablement ôté ce Peuple, que quand les' Romains ſe ſont rendus maîtres de la Judée d'au; tres au contraire diſent qu'on ne peut raiſonnaï blement entendre ce mot du Peuple Juif, 6è qu'il ne faut l'entendre que de la Tribu de Juda en particu lier; parce que, diſent-ils, jacob prétendu' donner une bénédiction ſpéciale &c marquer 'un caractere parñï ticulier chacun de ſes enſans. Ils ajoutent que ſi l'on veut entendre ce mot; Juda, de toute la nation Juive; il eſt évident que le ſceptre en été bien des fois ôté par ſes ennemis, &t ſur-tout par la captivité de Bai bylone, ſans que le Meſſie‘ ſoit venu or; diſent-ils, s'il un temps où le ſceptre ait. été enlevé aux Juifs; 8c que le Meſſie ne ſoit point venu, cette marque étoit trop équivoque pour être une véritable Prophé gtie. Les Peres, au contraire, diſent_ qu'on ne peut in terpréter ce mot de la Tribu de Juda uniquement; parce que, diſent-ils il eſt évident, par l'hiſtoire, que le ſceptre paſſé en d'autres mains ſans que le Meſſie ſoit venu; Les Juifs ont été gouvernés par des juges; Ssiïl‘ Id 162 n'étoit pas_de la Tribu de Juda. Poſtulaecruiót Re' gem d'9” dedít illis Saiilfiliunz Cis, *virum de Tríbù Benjamin. Act. Clo. 13, v. 21. Le Royaume été diviſé, &c il s'eſt trouvé qu'onze Tribus toutes entieres n'avoient qu'un Roi particulier. Long-tems avant la venue du Meffie, le Peuple Juif étoit gouvemé parï des Pontifes, &t chacun ſait que les Pontifes étoient de la Tribu de Lévi. Les Machabées n'étoient pas de _la Tribu de Juda. Ainſi, diſent-ils, il étoit plus rai ſonnable d'entendre ces inots du Peuple Juif entier; s'il eſt vrai que ce Peuple ait été en captivité, il eſt certain, diſent-ils, que, dans ſa captivité même, il étoit toujours gouverné par des Poiitiſes de la na tion. On pourroit repliquer ceux-ci, qu'il paroît par le Nouveau Teſtament que quoiqu'Hérode fût Roi de la Judée, les_ Juifs étoient pourtant toujours gou vernés par des PonUfesi Chacun fait ce qui en arriva la mort de C. Le principal 'motif que les Juifs ont eu de le faire mourir, été qu'ils appréhendoient que les Romains venant ſavoir qu'il avoit parmi eux un Perturbateur du repos public ne leur raviſſent l'autorité qu'ils avoient encore. Vanier” Romam” ê? ſilk-verſent gentem no/Zram. ll fut conduit devant Anne &t Caïphe le ſceptre n'étoit donc pas entié rement ôté des Juifs. Enfin, de quelque côté qu'on ſe toume, un eſprit juſte ne peut faire convenir cette _Prophétie au tems que J. C. eſt venu. VI. Tout le monde ſe mêloit de prophétiſer parmi les Juifs; d'abord que Saül ſut élu Roi, il ſe mêla auſſi de faire des Prophéties. Enfin toute Prophétie qui eſt équivoque, n'a pas plus de caractere pour_ nous con vaincre que les Quatrains qu'0n voit la tête de quel ques Almanachs. 163) v”. Le myſtere eſt ordinairement une marque d'erreur, ou_ de foibleſtè. La vérité eſt claire. Quelle raiſon au roit pu avoir Dieu de dicter des Prophéties obſcures, puiſqu'il ne donnoit ces Prophéties comme on en convient, que comme une preuve convaincante de la Religion? I. Virgile fait une Eglogue la louange de Pollion, Il dit que ſous ſon Conſulat on verroit arriver mille merveilles. Tous les Commentateurs Chrétiens ſe ſont aviſés de regarder cette Eglogue comme une Prophé tie de la venue de C. Aſſurément Virgile ne croyoiç pas avoir jamais l'honneur de ſe Voir parmi nos Pro phetes &t d'avoir Iſaïe &t Jérémie pour confreres, Les Prophéties de ceux-ci regardent autant C. que ?Eglogue de celui-là. On peut appliquer C. ce que Virgile dit de Pollion on peut lui appliquer auffi ce que les anciens Prophetes ont dit en diverſes occaſions. Uallégorie applique tout mille ſujets dif férens; mais encore un coup elle ne prouve rien. On voit quantité de ces applications dans les Epîtres &c Evangiles. Ce qui eſt dit dans l'Ecriture de 1a ſa geſſe éternelle l'Egliſe l'applique la Ste. Vierge fort ingénieuſement. Les lamentations que Jérémie faiſoit autrefois au ſujet de la captivité de Babilone on les applique la derniere deſtruction de jéruſalem. Tous ce qui eu parmi les Juifs une application' littéiale e11 ſon tems l'allégorie le fait entendre de la nouvelle Egliſe; ét, pour finir par un trait bien remarquable, on applique J. C.. &t l'Egliſe, les ſales .entretiens de Salomon avec ſa maîtreſſè. J'en rapporterois volon. tiers quelques .traits mais ceux qui Ëpudront en juger '. _ï (164) par eux-mêmes, n'ont qu'à lire le 'Cantique des Cali" tiques. X. Qu'eſt-ce encore que ces prétendues ſemaines de Daniel, après leſquelles le Meſſie doit venir? On peut les expliquer comme on veut l'Egliſe dit que ce ſont des ſemaines d'années \Sc moi je dis que ce ſont des ſemaines de ſiecles de mois 61c. Le Prophete ne s'eſt point expliqué, parce qu'il n'en ſavoit rien; il parlé en homme. Si Dieu avoit dicté des Prophéties, elles auroient eu un caractere de clar‘té qui les auroit diſ tinguées des autres inanieres équivoques de deviner, dont les hommes ſe ſervent. Les Devins ont trouvé l'art de maſquer leur foibleſſe ſous _l'apparence de l'en thouſiaſme; ils ne parlent plus le langage deshommes quand ils ſont ſur le ſacré Trépied mais Dieu qui n'auroit fait ces Prophéties que pour les hommes au roit parlé avec une ſimplicité digne de lui, &l propor tionnée aux lumieres qu'il bien voulu nous donner. Xl ll a, dans l'embarras des Prophéties, un ſecond merveilleux qui plaît aux hommes; c'eſt qu'on devine des énigmes. Uenthouſiaſme des Prophetes eſt tout humain, &t tout ſemblable celui des anciens Païens &l des femmes tranſportées ſur le ſacré Trépied. Dieu n'agit pas par fureur, ni par tranſport, ni par figure. Encore un coup les Prophéties doivent être claires &c ſimples, pour perſuader. XI; La Prophétie E666' [Virgo concepiet, ne pouvoir pas être un ſigne; car lesJui regÊrdoient la Ste. Vierge comme une femme ordinaire. lle avoit un mari; qui' 165 pouvoit deviner qu'elle' n'uſât point .de la liberté con-,. jugale? Les occaſions où les Prophéties ont été ren dues,, ont. toutes eu, à-la lettre, un ſens littéral bien, différent de celui. de J. Lorſque. Xerxès fondít ſur la Grece avec toutes les, forces d'Aſie les Athéniens conſulterent l'oracle d'A pollon. La Pythie leur donna; pour réponſe, que Miz nerve protectrice &Athenes tâchoit en vain, par tou tes ſortes de moyens‘, d'appaiſer la colere de Jupiter r, cependant qu'en faveur de ſa fille., il Volllol-.t bien ſouffrirà que les Athéniens ſe ſauvaſſent‘dans des murailles de bois; &t que Salamine vert-oit la perte de beaucoup ciſenfans chers leurs meres, ſoit, quand Cérès ſeroit diſperſée ſoit quand elle ſeroit ramaſſée. Sur cela Oe-'. nomaus perd, entiérement le reſpect, pour l'oracle de Delphes. Le combat du pere &t ,de la, fille, dit-il, ſied bien à' 'des Dieux; il eſt beau. qu'il ait dans le Ciel des inclinations &t des intérêts ſi contraires. Ju-‘ piter eſt courroucé contre Athenes; il fait venir con-. tre elle toutes le's forces de l'Aſie mais s'il n'a pu la, miner autrement s'il n'avoit plus de foudres s'il'a été obligé d'emprunter des forces étrangeres, comment. a-t-il eu le pouvoir de faire venir contre cette Ville tant d'ennemis? Après celaxependant, il permet qu'on ſe ſauve dans des murailles de bois. Sur qui donc tomz, beta ſa colere? Sur des pierres? -Bcau Devin !' Tune ſais ‘point qui ſeront les enfans dont Sal’amine' verra la perte ’; s'ils ſeront Grecs ou Perſans. Il faut bien' qu'ils ſoient de l'une ou de l'autre armée mais tu. ne ſais pas du moins qu'on verra que tu ne le ſais pas. Tu caches le temps dela bataille ſous ces belles ex-_ preffions poétiques, ſoit quand Cérès ſera diſperſée, ſoit quand elle ſera ramaſiée. Tu veux nous éblouir par ce langage pompeux :mais ne ſait-on pas qu'une bataille ſe donne au tems des ſemlîilles ou de la moiſſon? Apparemment ce ne ſera pas en Hyver. Quoi qu'il arrive tu te tireras d'affaires par ce moyen ſi les Grecs perdent la bataille, ce Jupiter que Minerve tâche de fléchir, aura été inexorable; s'ils la gagnent, Jupiter s'eſ'c enfin laiſſé fléchir. Tu dis qu'on fuye dans des iuuraílles de bois; tu conſeilles tu ne devines pas moi qui ne ſais point deviner, j'en euſſe bien dit autant._ J'aurois bien jugé que l'effort de la guerre ſeroit tombé ſur Athenes, &t que, puiſque les Athé niens avoient des vaiſſeaux, le meilleur parti étoit de ſe mettre en mer. Ainſi les Chrétiens ſe tirent d'affaire, ſoit que Dieu puniſſè ou récompenſe les bons _Ôl les méchans, ou quand ils prient &c qu'ils n'obtiennent pas l'effet de leurs prieres malgré les promeſſes de J. C. Une des choſes qui marque que les hommes ſe mê— Ioient des Oracles, c'eſt l'ambiguïté des réponſes 6c Part qu'0n avoit de les accommoder avec tous les évé nemens qu'on pouvoir prévoir. St. Paul diſoit il 1720 ans 6c plus, que l'Ante-chriſ'c alloit venir, &C on l'attend encore. Refizſêitans jeſum ſîcut c? in Pfalmo 2. ſêríp tum eſt', filius meus_ es t”, ego bodie genui te. Act. Chap. 13, v. 33._ La Prophétie Weſt-elle pas claire, ſi on veut prou ver' la génération du Verbe? On cite auſſi cette Pro phétie, bodle genus' te E9” rurſum ego era illi in pairem, CF” ipſt: erít mibi infilium. Heb. Chap. l. Y. 5. ._ .'. \Le C459 ‘. 167 ') CHAPITRE VI_II. _De 14Trinité ê” du Péché _Origízzeé I. Ous avons vu dans les conditions d'une bonne Religion, qu'elle ne doit pas nous donner une' fauſſe idée de Dieu parce qu'autrement Dieu ſeroit con traire lui-méme; d'autant que l'idée naturelle que' nous avons de Dieu ne nous peut venirque de lui-même,_ de quelque maniere qu'on l'entende. Or, ſi par la révéla tion il nou_s donnoit de lui-même une idée contraireà celle qu'il nous donnée par la raiſon iley auroit dans ſa conduite une contrariété dont nous ſavons bien qu'il eſt incapable. Or la Trinité eſt entiérement oppoſée l'idée que la nature nous donne de Dieu: donc cette prétendue Trinité eſt un reſte du Paganiſme. _’Ÿ La raiſon nous fait voir que Dieu eſt un ïêtre inſig niment ſimple, donc il n'eſt pas triple; puiſque 's'il étoit triple, de quelque maniere qu'on l'entende, on pourroit conſidérer un être encore plus ſimple que lui, ſavoir un qui ne ſeroit pas triple en perſonnes. II- _…’z.'>< Les Emanations divines, ou plutôt les 'trois pré< tendues Perſhnnes de la Trinité, _ne ſont autre choſe que les divers égards, ſous _leſquels l'es habiles,'pàrmi les Anciens, concevoient un ſeul même Dieu. Platon qui n'oſoit enſeigner publiquement_ .l'unité d'un Dieu, le conſidere comme bon, comme ſage, comme puiſſant. Il ſait trois Tous de ces trois égards, la Bonté, la Sageſſe la Puiſſànce. 'Les anciens Peres_, qui étoient les diſciples de Platon, ontporté cette Doc (168) trine dans le Chriſtianiſme, &c ont ſait trois Perſonne? de trois qualités qui ne çonviennent qu'à un ſeul &t. même Dieu.; I, Plus la Trinité eſt oppqſée la raiſon &plus il faut de preuves claires pour nous convaincre que Dieu révélé ce myſtere. Je le répete une bonne ſois, pour ne le redire jamais Je croirai avec confiance ce que Dieu aura révélé parce que je ſais| que Dieu ne peut me, tromper; mais il faut qu'on me prouve clairement .la révélation, Les paroles ne ſont qu'un air battu, lorſqu'elles ne ſignifient rien: on fait parler les Peräquets. Tout ce qui n'eſt appuyé que ſur des paroles non ſur de vé ritables idées n'eſt d'aucune conſidération. C'eſt pour cela qu'on ne fait aucun cas des jeux de mots des équivoques, des faux brillans. Or tout le ſyſtéme de la Trinité n'eſt appuyé que ſur des paroles vuides de ſens, génération, proceſſion, perſonne, hypoſtaſe, Cte, DQÛÊ: &et On dit que les anciens-Peres ont parlé avec ména gement de la Divinité de J. C. &t de celle du St. Eſ prit; comme ſi Dieu avoit quelque eſpece de honte. de ſe manifeſter aux hommes ſuppoſé qu'il le vou lût; &comme ſi J. C. n'avoit pas dit qu'il rougiroit .devant ſon Pere de ceux qui auroient rougi de le con feſſèr devant les hommes. Non, ſi les Anciens n'ont point parlé de la Divinité de J. C. encore moins de 'celle du St. Eſprit, c'eſt qu'elle leurétoiç inconnue. Pourquoi, en effet n'auroit-on pas eu les mêmes égards 169 dans les ſiecles ſuivans? Eſt-ce qu'on avoit moins 'a craindre d'inſpirer le Polithéiſme; n'étoient-ce pas. des infirmes &C des novices dans la Foi, que ces pau vres catéchumenes qui les Peres des ſiecles poſtérieurs enſeignoient la Trinité? VI. Dieu eſt trop juſte pour punir les enfans du péché' de leurs peres; il le dit même dans l'Ecriture. En ef fet, il n'y auroit point de péché, s'il n'y avoit point de Loi, dit St.. Paul. Or, dit-il, comment ſaura-t-on s'il aune Loi, ſi on ne l'a point appriſe? Je demande, ſur ces paſſages qui ſont de l'Ecriture, comment les enſans qui Dieu n'a rien preſcrit avant leur naiſſance, peuvent être coupables ?. VII. Les hommes jugent toujours de Dieu par eux-mê mes. Ils n'ont d'autre voye que la douleur, pour pu: nir ceux qui les offenſent; ils croyentdonc que la dou leur eſt une punition. ainſi comme ils ſententñ qu'ils ſouffrent ils ſe perſuadent qu'ils ont commis quelques crimes qui leur ont attiré leurs ſouffrances; &c parce qu'ils éprouvent qu'on ſouffre avant que d'être en état de faire aucune action, &t que, par conſéquent, on n'a pu mériter la ſouffrance ſoi-même ,. ils ſe figurent que c'eſt quelque autre qui l'a attirée ſur eux &t ne voyent perſonne de plus propre pour. cela, que le Pere de tous les hommes. Ils retrouvent ainſi, en re montant, la. ſource .de leurs miſeres; ils ſont tellement accoutumés à, ces conſéquences, que lorſqu'ils voyent une famille malheureuſe, ou par la perte du bien, ou par la maladie qui ſe perpétue de pere en fils, ils re gardent ces accidens comme des effets de quelque pé ché particulier. Ainſi comme ils ſe voyoíent tous ſu jets àdes maux généraux, comme au froid, au chaud &L 170 la mort, ils ſe ſont imaginés que leur Pere commun leur avoit attiré tous ces beaux préſens. Ils ne ſe ſont pas ſeulement contentés de dire en gé néral que leur Pere avoit péché; ils ont voulu déter miner en particulier, la qualité de l'offenſe &L comme l'erreur ne ſe ſoutient pas, les uns ont dit que ce pre mier Pere qui s'appelloit Adam avoit mangé d'une pomme, ou d'un fruit, contre l'ordre de Dieu; d'au tres ont dit qu'il sï1ppclloit Promethée &t qu'ayant volé le feu du Ciel, les Dieux avoient envoyé Pan dore avec une boîte pleine des maux dont nous nous plaignons. Ceux qui ont eu quelque connoiilànce de l'antiquité, &t qui ne ſe laiſſent point prévenir, don viendront que les Païens n'ont point pillé les Juifs en ce point. Les Livres des Juifs n'ont été connus des Païens qu'après la verſion des 70.; on peut même aſſurer qu'ils le furent fort peu alors; le défaut d'im preſſion ne rendoit pas les livres fort communs ſur tout lorſqu'ils étoient en un auſſi gros volume que la Bible. Oril eſt certain que la fable de Promethée étoit répandue. dans le Paganiſme avant la verſion des 70. Les Auteurs Grecs les plus anciens en ont Fait 'men tion. La douleur n'e_ſt pas pourtant une punition du péché de notre Pere commun il ſeroit de la juſtice de Dieu que cette punition fût égale dans tous les hommes, parce qu'ils ont tous péché en lui égale ment; on ne peut pourtant diſconvenir de l'inégalité de la punition, même dans les' enfants. Les uns naiſ ſent aveugles, les autres boiteux, les autres muets. Non-ſeulement les maux du corps ſont bien différens parmi les hommes; mais encore la concupiſcence &c l'ignorance, ce qui eſt auſſi dit-on une punition du péché, ſont parmi nous d'un degré bien différent. Si la douleur étoit une punition le plaiſir devroit crc auſſi une récompenſe; c'eſt ce dont on ne 'con (171) ?lient pas. D'où vient donc le plaiſir, &c la douleur? Il n'eſt pas difficile de le deviner. La douleur eſt un avertiſſement que nous donne l'Auteur de la nature, pour nous faire éviter par ſentiment, c'eſt-unite,, par la voye la plus courte, ce qui pourroit nuire notre corps. Quand nous ſommes auprès du feu, ,il nous faudroit faire de grands raiſonnemens pour ſavoir s'il nous eſt ou ne nous eſt pas contraire; il nous faudroir connoître la nature du feu &t la diſpoſition actuelle de notre machine; il faudroit avoir des yeux plus per çans que ceux que nous avons le ſentiment termine toutes ces diſcuſſions. Quand nous avons froid le feu donne notre ſang le mouvement qui lui convient; nous nous plaiſons alorsànous arrêter. Si nous avons chaud le feu augmente-oil le mouvement de notre ſang, il nous incommode nous le fuyons &t tout cela machinalement, par le plaiſir &c la douleur. Le plaiſir nous eſt auſſi utile que la douleur, ſoit pour notre propre conſervation ou pour celle de l'a ſociété. Car il eſt certain que notre conſervation particuliere, &t celle de la ſociété ſont les dèux pieces mouvan tes pour ainſi dire de tout ce qui ſe paſſè dans le monde, par rapport nous. Mais pour ne pas entrer dans une autre queſtion combien faiſons-nous de cho ſes utiles .à la ſociété que nous ne ſerions point ſans le plaiſir &t la douleur? La douleur que cauſe le mé pris, le plaiſir que la louange excite, procurent mille biens la ſociété. C'eſt la douleur, encore un coup qui nous approche du feu, quand cette approche eſt néceſſaire c'eſt. le plaiſir qui nous retient c'eſt la douleur qui nous en chaſſe après nous avoir con duits. C'eſt la douleur éc le plaiſir qui nous font pren dre notre nourriture. Enfin un peu de méditation nous fera comprendre que le plaiſir &t la douleur ne ſont ni une recompenſe ni une punition t, ,&t que l'Au 172 teur de la nature ne pouvoir trouver une voye plus courte, pour nous faire éviter le mal, &t pour nous porter au bien ,_ non-ſeulement par rapport nous, mais encore par rapport la ſociété ce qui nous doit faire voir que nous agiſſons bien plus machinalemcnt qu'on ne penſe. VI I_ Le déſordre de la nature &c la réforme que Dieu auroit apportée marqueroit une imperfection en_ Dieu; on ne réforme que ce qui eſt mal fait, &tDieu eſt in capable de mal faire. L'homme n'eſt point corrompu. On ne peut point ſoutenir qu'il l'eſt, ſans attaquer la ſageſſe la puiſlànce infinie de ſon Auteur. L'homme eſt tel qu'il eſt par ſa nature. La nature eſt l'ordre 'que Dieu établi, qui, par conſéquent ne peut être mauvais, On ne ſauroit réformer l'homme., ſans tomber dans de grandsinconvéniens. La terre ſeroit elle ſuffiſante pour contenir tous les hommes, s'ils ne mouroient pas? Et que deviendroit chacun de nous en particulier? Déſabuſons_nous; la mort eſt néceſ ſaire pour l'ordre de la nature &l n'eſt pas un ſi grand mal qu'on le penſe:Dieu ſait ce que nous devenons; nous contribuons l'ordre de l'univers. Ce_ qui eſt bien ſûr, c'eſt que nous ne ſommes poin_t changés en tiſons d'Enfer. Dieu eſt tout puiſſant; mais ſa toute puiſſance n'a pas pour objet de faire des contradictions or, ſelon la nature de la matiere l'homme doit être tel qu'il eſt, &t n'a jamais pu étre autrement la nature de la matiere été déterminée avant le prétendu péché de l'homme; &t cette nature dela matiere n'eſt telle que par la volonté de Dieu ainſi l'homme n'eſt tel qu'il eſt que par la nature de la matiere. En effet, la ma tiere eſt 'divifible 8c pénétrable le plus ſolide ſépare le moins ſolide. Toute matiere eſt ſujette aux regles 173 du mouvement: l'homme eſt donc eſſentiellement moi* tel, parce qu'ayant un corps, il eſt diviſible; il eſt faux que le péché ait cauſé la mort de l'homme; &C les autres inconvéniens dont nous nous plaignons. Si nous voulions faire dc ſolides réflexions ſur l'état où nous nous trouvons ici-bas nous verrioi'is que tous _nos prétendus malheurs ne dépendent que de notre imagination nous voulons dominer ſur les autres, &c nous nous croyons malheureux quand nous n'avons pas ce qui nous éleve pour cela il faut des richeſſes, &c nous nous regardons comme infortunés quand nous en manquons. IX_ D'où nous peut venir notre prétendue inclination au mal, qu'on nous dit être une ſuite du péché de no~ 'tre premier Pere? Ou elle nous vient de Dieu, ou de nous-mêmes ou des autres Créatures? 1°. Elle ne peut venir de Dieu, parceque Dieu ne fait rien de mal; On ne 'peut dire que Dieu nous donné cette inclination pour 'nous punir de la déſobéiſſance de notre premier pere; un tel penchant ſeroit une plaiſante punition, non ſeulement parce que nous avons du plaiſir le ſuivre, mais encore parce que Dieu ne ſauroit punir en donſi nant une mauvaiſe inclinarion. Quellc idée ſeroit-ce attribuer Dieu? 2°. Elle ne peutvenir de 'nous-mêmes nous ne pou ‘vons ni nous créer, ni nous donner des inclinations, ni nous défaire abſolument de celles que nous avons. Si nous avions un, tel pouvoir nous nous réforme rions notre gré. Enfin elle venoit de nous, elle ne ſe trouveroit pas dans toüs les hommes. 3°. Les Créatures peuvent bien être l'occaſion qui nous détermine réduire nos facultés en actes; mais comme elles ſont hors de nous, .elles ne nous peu.r vent donner ni faculté ni inclination. .(174) .z Nous n'avons donc point de mauvaiſes ínclinations, tous nos penchans ſont bons parce qu'ils viennent de Dieu nous en faiſons quelquefois mauvais uſage par rapport aux Créatures; mais les circonſtances qui font trouver ces uſages mauvais, ne changent rien au fond; &c ce que nous appellons mauvais penchant, eſt un inſtinct que Dieu nous a.donné qui donne le branle tout ce que nous Faiſons, ſoit pour notre propre conſervation particuliere, ou pour celle de la ſociété. On remarque dans les autres animaux le même pen chant qu'on dit être mal en noustor ils portent donc avec nous la peine de nos crimes. Il eſt déraiſonna ble de prétendre que parce qu'on s'imagine que l'hom me eſt le chef des animaux ceux-ci ont dû reſſentir les effets de ſa mauvaiſe conduite. La nature (quand on l'interroge) nous fait ſentir le ridicule d'une ima gination groteſque. Les animaux ont donc été bien étonnés de voir changer tout d'un coup l'ordre de l'univers; car ils ont été créés avant nous. Les ani maux, au contraire, ne devoient jamais ſe reſſentir de la foibleſſe de l'homme celui-ci auroit été bien plus puni s'il les eût vus exempts de ſes maux. Dieu étant tout puiſſant, il peut faire ce qu'il a’ de meilleur &C de plus avantageux pour nous. Puiſ qu'il eſt infiniment bon &c ſage, nous ne devons pas douter qu'il ne l'ait fait ce que notre imagination trouve mal, eſt bien &t ſagement ordonné. Connoiſ ſons mieux le premier être ,nous en eſtimerons plus ſon ouvragc:il eſt de l'infinie bonté de Dieu, de n'a voir pas_ mis l'homme dans une ſituation où il pût Poffcnſer &c ſe perdre. X. Qu'eſt-ce que la nature corrompue? Eſt-ce qu'elle eſt dans un autre état qu'elle toujours été? Les eſ (175) ſences, les regles déterminées au moment de ſa créa tion ont-elles pu changer? Si l'homme aime ſentir 6c être agréablement remué, c'eſt parce que telle 'eſt ſa nature, &t non un effet du péché comment cſt ce qu'Adam auroit trouvé du plaiſir manger le fruit défendu, s'il n'avoit été tel par ſa nature que cette manducation lui pût plaire &c le déterminer? Julien l'apoſtat ne régna que deux ans ce court regne eſt regardé comme une punition de Dieu. Il vouloit détruire le Chriſtianiſme. Jovien lui ſuccede, Gt commence, au contraire, ſe porter avec zele la deſtruction du Paganiſme &t l'établiſſement du Chriſ tianiſme. ll ne regne que ſept mois. Aſſurément, dit on un homme comme celui-là étoit néceſſaire au Chriſ tianiſme! Eſt-ce une punition? Eſt-ce une récompenſe? Ce ne peut être une punition, puiſque ſelon l'opi nion, il ne faiſoit que le bien ce ne peut être une récompenſe, puiſqu'il n'a pas 'achevé .ſon ouvrage. XI. Si rien n'arrive que par les regles du mouvement déterminées, ſi le corps de l'homme ne ſe remue que conformément ces regles comment Dieu peut-il nous punir? Pouvons-nous ne pas les ſuivre? In ipſb vivimas, movemur Üſumur. Comment nousjugera t-il 1? C'étoit doimer l'homme des armes pour ſe tuer, que de lui donner une liberté telle qu'il pût offenſer Dieu. (*) Dire que le péché d'Adam étoit néceſiàire pour un plus grand bien, c'eſt faire dépendre Dieu d'autre choſe que de lui-méme. f) Lucrere Liv. 6. au cammememmt. Pourquoi le Tonnerre m! tombe p” ſur h: imyùr? la C1765 CHAPITRE IX. -D'e l'idée que nous devons avoir de Dieu. Qu'il N'a* point révélé auxbommer un mlle parfivulier dan: il ait 'voulu être honoré: I4 MA raiſon me dit que Dieu 'eſt le plus parfait de tous les êtres. ll doit contenir éminemment toutes les perfections que nous obſervons dans les Créa tures, puiſque lui ſeul peut être l'auteur de ces per ſections. Mais prenons' garde de nous tromper, quand nous attribut-ms Dieu des perfections qui ne ſont perfec tions que par rapport nous. Les_ hommes conſidérent ordinairement Dieu comme un grand Roi; ils 'diſent qu'il fait tout pour ſa gloire, ad majorem Dci glorizzm cependant l'idée de la gloire ne ſauroit convenir Dieu. La gloire eſt en tiérement reſpective, c'eſt-à-dire, que la gloire n'exiſte que dans l'imagination des autres. Chercher s'acqué rir de la gloire, c'eſt chercher paroître grand dans l'imagination d'autrui ainſi la gloire, quelque ſens qu'on puiſſe lui donner, ne peut _jamais convenir Dieu, qui eſt infiniment ati-deſſus de l'imagination des hom mes, ſes créatures. Il eſt donc abſurde de dire que Dieu récompenſe dans le Ciel pour faire éclater ſa bonté, qu'il punit dans l'Enfer pour faire éclater ſa juſtice. Qui ſont donc les ſpectateurs dont Dieu cherche attirer l'eſtime, ſoit lorſqu'il récompenſe, ſoit lorſ qu'il punit? On ne peut dire que Dieu agit pour faire éclater' quelques-unes de ſes perfections, ſans dire qu'il cherche Pad* .( 177 l'admiration d'un être égal lui; &t c'eſt avancer, ſans qu'on s'en apperçoive que Dieu n'a pas été tou jours heureux, puiſqu'il eu une éternité où Dieu n'a pas eu la ſatisfaction de Faire éclater _ſon mérite infini car avant la création du monde, il n'étoit qu'a vec lui-même. Si Dieu, comme on le dit, aime 'tant les reſpects 8c les louanges des hommes,_ s'il s'intéreſſe leurs ac tions bonnes ou mauvaiſes, juſqu'à tenir un compte détaillé de leurs moindres penſées, pourquoi a-t-il été 'une éternité ſans ſe donner cette ſatisfaction? Coni 'ment cette longue ſolitude peut-elle s'accorder avec tout ce qu'on aflure qu'il fait tous les jours pour de 'chétives créatures comme nous, juſqu'à être venu ſe faire crucifier pour de tels objets? IL C'eſt un principe de religion, qu'on ne dkoit point agir dans le doute ainſi quand je ne ſuis point affitré que la religion de mes Peres eſt véritable, je ne dois 'pas m'expoſer rendre Dieu un culte que peut-être'ï il abhorrez ÎIÈ On peut conſidérer les créatures par rapport Dieu; 8c par rapport elles-mêmes. Toutes les créatures ſont bonnes par rapport Dieu; L'Ecriture le dit; vid” Deus cuncta q'uæ feat-rat, é? Bram* 'Uctltlè 170m2. Elles ſont dans une dépendance entiere ſon égard. Oh ne peut concevoir qu'il ſe paſſe quelque choſe danslle monde', qui ſoit contraire la volonté de Dieu &c aux regles qu'il établies dans la création &t dont "tout ce qui arrive n'eſt qu'un enchaînement &t une ſuite rien, par conſéquent, ne peut être mauvais par' rapport Dieu'. Il n'a donc' 178 rien recompenſer ni punir. On ne punit que le mal, Gt il ne ſauroit en avoir par rapport Dieu; on ne recompenſe que le bien, &c on ne peut trou ver dans le monde d'autre bien que celui dont Dieu eſt l'auteur. Il n'y donc point de punition crain dre ni de recompenſe eſpérer de la part de Dieuó Il n'y donc point de religion. Les créatures conſidérées par elles-mêmes, c'eſt-à dire par les différentes relations qu'elles ont entre elles peuvent ſe nuire 6c ſe faire plaiſir; de certai nes choſes conviennenr la nature de l'homme d'au tres lui nuiſent ainſi les créatures intelligentes doi' vent être portées par la crainte de la punition ne ſe pas nuire mutuellement; 6c on doit même les ex citer, par la recompenſe, s'être utiles les unes aux autres parce qu'elles peuvent ſe nuire réciproque ment, cauſe de leur différente ſituation &c de leur nature particulîere. Or, comme il n'y a' rien qui nous intéreſſe tant que notre propre conſervation, &t que, par les regles de l'Auteur de la nature la douleur nous éloigne de ce qui nous nuit, &c le plaiſir nous fait ap procher de ce qui 'nous convient, nous devons par la douleur que cauſe la punition Cc le plaiſir que cauſe la récompenſe, exciter dans les créatures ſenſibles tous les mouvemens qui nous conviennent. C'eſt par cet art qu'on dreſſe des animaux faire tant de choſes fur prenantes. Les Rois qui ont gardé une ſemblable con duite, ont toujours enrichi leurs Etats de mille nou velles inventions; tout fleuri 'de leur tems. Ainſi une vipere qui bleſlè un homme ou un lion qui le mange dans une forêt, ne peut offenſer Dieu. Cesï animaux ne nuiſent qu'à l'homme; qu'il ſe venge d'eux qu'il les détruiſe, s'il peut ils ſont mauvais par rapport à' lui; c'eſt lui s'en défendre mais ils ſont bons par rapport Dieu. Auſſi Dieu a-t-il donné toutes les c179 créatures des armes naturelles pour' ſe défendre de celles qui lui pouvoient nuire; De même un voleur nuit la ſociété, il détruit l'ordre Gt la ſûreté-qui doit ſe trouver parmi les hommes; c'eſt une vipere qui les bleſſe. Que les hommes le puniflent, qu'ils le retran chentde la ſociété comme une machine mal réglée: mais le Créateur qui l'a fait n'a rien punir en lui. Nous Ïagiſſons encore un coup que par les regles déterminées du mouvement; nos muſcles ſont déter ininés 'a ſe mouvoir par des cauſes qui ne dépendent pas de notre caprice quelque illuſion que le vulgaire ſe faſſe 'ſur ce point; &L Dieu n'auroit pas plus de rai_ ſon de nous punir d'avoir volé que d'être devenus ſoux. Car l'Auteur _de la nature, qui tout créé, laiſſé la puiffimce l'homme de ſe l'acquérir puiſqu'il fait ces choſes pour ſon utilité; il mis en lui le plaiſir &c la douleur parce que ces deux choſes lui ſont encore néceſſaires ainſi un hom'me qui vole fait _le bien &t le mal il fait le bien par rapport lui, &E le mal par rapport aux autres &t rien par rap ort Dieu. Donc ce ſont les hommes qu'il offenſe Ec non pas Dieu donc c'eſt aux hommes le punir, puiſé qu'il les offenſe Gt qu'il peche contre les regles qu'ils ſe ſont établies; CL Dieu n'a rien punir en lui. Les hommes veulent toujours juger de Dieu par eux-mêmes ils puniŒnt ils récompenſent; ils croyent que Dieu punirï &t recompenſe de même; Ct il paroît, au contraire, être' de la nature de Dieu, &: une .véris table perfection en lui, d'être hors d'état de pouvoir' faire ni l'un ni l'autre. Sous un être infini 6L tout~puiſà ſant ,_ il ne doit ſe faire que ſa ſeule' volonté de la quelle Dieu n'a aucun compte nous rendre, &t qu'il eſt impoſſible 'que nous connoiſiions jamais Dieu n'a done" que luiämême punir 6c récompenſer; 180) IV. Il eſt de l'eſſence de Dieu de faire ce qu'il de plus parfait. Or comme c'eſt une imperfection que de pouvoir offenſer Dieu il étoit de la bonté 6c de la ſageſſe de Dieu de mettre l'homme dans une ſitua tion ne pouvoir ?offenſer &t ſe perdre; &c il ne faut pas douter que Dieu ne l'ait fait. Si Dieu avoit exigé de nous un culte particulier, dont il voulût être honoré il ſauroit révélé dès le commencement. C'eſt une ridiculité de dire que Dieu ſe ſoit manifeſté de différentes manieres en divers tems; qu'il ait traité les hommes en eſclaves dans l'an cienne loi qu'il les traite en enfans dans la nouvelle: c'eſt l'imagination des hommes qui varie; mais Dieu ne change jamais. Il eſt abſurde de dire que Dieu ait permis de certaines choſes en divers temps, aa' duri ticm cordis; &t qu'il ſe ſoit aviſé de les défendre dans d'autres. Les hommes ont toujours été les mêmes. On dit tantôt qu'ils ſe ſont pervertis de plus en plus, &t tantôt on les regarde comme plus parfaits que les Anciens. On veut qu'il ait été permis aux Anciens de répudier leurs femmes, ad durifícm corrlis ,' Gt l'on veut que les Phariſiens du tems de J. C. &c les Juifs alorsſiimparfaits, n'ayent pas eu beſoin de cette con deſcendance. Ils étoient donc plus parfaits que leurs Peres. Tant il eſt vrai _que c'eſt le propre de l'erreur, que de ſe démentir. Il des Philoſophes qui prétendent que nous voyons tout en Dieu, que nous avons des idées in nées des premiers principes, &c que ce n'eſt que par cette raiſon que tous les hommes de l'univers convien nent que le tout eſt plus grand que ſes parties. Je ne veux pas ici réfuter cette imagination; je ne veux pas leur demander pourquoi il faut tant d'attention pour (181) Certaines choſes, &c pourquoi il n'en faut point pour d'autres ni d'où vient que tous les hommes ne voyent que très-peu de choſes de la même maniere; ſi c'eſt en Dieu qu'un Mahométan de bonne foi voit que ſa religion eſt la véritable &t d'où vient qu'après une longue &t fincere attention de part &t d'autre, on ne laiſſe pas de penſer diverſement mais je leur demande d'où vient que Dieu ne nous point donné des idées innées d'une.certaine religion Etoit-il plus néceſſaire de nous apprendre que le tout étoit plus grand que ſa partie? Lesſens&t l'expérience ne nous l'auroient-ils pas appris? le mérite de la foi ſeroit le même, la certitude de la révélation ne pourroit que l'augmenter; il s'agi roit toujours de croire &E de pratiquer. Car je ne de mande pas que Dieu nous donne une idée-de la ſubſ tance des myſteres ni qu'il nous les explique; c'eſt alors qu'il n'y auroit plus de foi mais je demande ſeulement qu'il nous donne une certitude de la révélation; Dieu eſt trop juſte dt trop bon pour ne pas l'avoir fait, s'il avoit 'dans le monde quelque religion véritable. V. La croyance d'un Dieu n'eſt nullement l'effet du hazard ni de la politique, &t encore moins de l'igno lance, puiſqu'elle ſe trouve dans tous les~ hommes. Tels ſeroient tous les articles de la Religion, ſi Dieu en avoit révélé quelqu'une. Il ne convient pas àla ſa geſtè &c la bonté de Dieu d'exiger de l'homme plus qu'il n'eſt capable de faire, c'eſt-ladite, au-delà de ſes plus finceres efforts; or s'il des hommes qui ſoient ou qui ayent été dans une véritable impuiſſance de S'aſſurer de la révélation, c'eſt une preuve certaine qu'il n'y en point.. Nous n'avons que deux voyes pour connoître la volonté de Dieu; la raiſon &t la révélation. D'où vient (182) que la raiſon eſt plus ou moins dans tous les hommes, &t qu'il en tant qui ignorent la révélation qu'il n'y en eu même que fort peu qu'on nous dit en avoir été les témoins? C'eſt qu'effectivement il une rai ſon, qu'il n'y jamais eu de révélation. vt. On croit agir volontairement, lorſqu'on agit dans lapaſlion on croit penſer avec liberté, lorſqu'on rêve. Un ſou croit faire librement tout ce qu'il fait; &c nous croyons agir librement dans nos actions ordinaires: cependant un certain mouvement des liqueurs ou une certaine diſpoſition des organes fait l'homme paſſion? né une autre, l'homme ſage, &C une autre, l'homme fou. La nature eſt uniforme. Suppoſer l'homme li bre, &t qu'il ſe détermine par lili-même, c'eſt le faire égal Dieu; c'eſt ſaire ceque Dieu même ne peut pas faire. La détermination eſt une action; or ſi l'homme pouvoir ſe déterminer par lui-même, il pourroit donc agir par lui-même, il ſeroit Dieu, &t pourroit créer. Pourquoi l'homme ne pourroit-il ſe déterminer qu'en certaines occaſions? L'homme doit agir d'une maniere générale 8L uniforme, deſt-à-dire que ſes actions doi vent avoir la même cauſe; s'il ſe fitit en lui quelques actions machinales, elles ſe ſont toutes machinalement; s'il s'en fait quelques-unes librement, elles ſe font _toutes librement. La volonté de l'homme ne veut, que parce qu'elle eſt déterminée; elle ſe porte ce qui lui paroît bien, elle ne peut aimer que le bien; ainſi elle ne peut qu'ê tre déterminée, 15c il faut qu'elle ſente l'impreſſion du bien &t même du mal. L'horloge ne va que parce qu'elle eſt montée. Dí ſons_nousque nous ne devons pas monter l'horloge? Ainſi, quoique l'homme Ïagiſſe que ſelon qu'il eſt dé (ï83) terminé, il faut pourtant monter l'homme, le déter miner ſelon nos intérêts. La crainte du châtiment l'em pêche de nuire la ſociété, les récompenſes l'attircnt. La_ nature eſt uniforme dans l'univers; tout eſt ſu jet ici-bas la même viciſſitude; les feuilles tombent, les hommes meurent. VI I. Trois dbjets de la religion Dieu, le prochain &t nous-mêmes. .Dieu eſt proprement 1e ſeul (St vrai ob jet de la Religion; les autres le ſont de la ſociété: quand je veux détruire la Religion je veux ſeulement détruire un culte que Dieu n'a pas révélé aux hom mes, ôt qu'il n'exige point d'eux par rapport lui; mais je ne trouve pas mauvais que la Religion ſub ſiſte par rapport nous 6c au prochain. Pour lors, ç'eſt 'la ſociété. Il des choſes que nous ne connoiſſons que par les idées, quej'appelle des idées de reſſemblance: ainſi, avant que d'avoir été Rome, je ne connois Rome que par des idées de reſſemblance; de même nous ne connoiſſons Dieu que par une idée de reſſemblance, Tout eſt rapport. La victoire eſt bonne &L mau vaiſe; un bourreau eſt bon &t mauvais; un voleur fait le bien 6c le mal. Combien de familles perdues 6L dé ſolées, chez les ennemis, d'un même accidentqui nous fait faire des feux de joye? un voleur fait le bien par rapport lui, il augmente ſes facultés; il fait le mal par rapport la ſociété. S'il un' Dieu, dit-on, il doit avoir. un culte: l'Ecriture nous apprend que le monde n'eſt pas éter nel.. Il donc eu un Dieu, êc point de culte; les bêtes ne rendent aucun culte Dieu. S'il n'y avoit point d'hommes, il auroit un Dieu, des créatures, &( point de culte. 184) VIII. Trois choſes font voir la fauſſeté de la Religion, 1°. La fauſſeté phyſique ſur quoi elle eſt fondée, .de 2°. la liberte' La fauſſe de l'homme, idée qu'elle nous donne de Dieu, 3°. Le peu de rapport entre lesïnoyens qu'elle nous preſcrit, &t la fin de ſes moyens. 1. Si les hommes ne ſavoient pas écrire; s'ils ne s'étoient point aviſés de ce moyen qu'ils n'ont pas tou jours eu (St que Dieu ne leur a. pas appris, comment fauroient-ils‘ les points de la. Religion? Peut-on con cevoir que Dieu faſte dépendre la Religion d'un art qui n'a pas toujours été, qui n'eſt pas auſſi ancien que la Religion, &t qui eſt encore inconnu une infinité de Peuples? N'y ayant que ce ſeul moyen pour ap prendre la Religion, comment un ſourd de naiflânce peut-il l'apprendre? Puiſqu'il n'a point de Religion, il eſt donc damné? Si la Religion Chrétienne avoit trouvé les hommes dans l'état de la iaiſon, il auroit bien lieu de s'é tonner qu'elle ſe fût établie; mais elle les trouvés dans des erreurs groſſieres; une erreur fait place une autre comme il dans le cœur une circulation de paſſions, quand on connoît l'homme, rien ne ſur prend; il eſt fiiſceptible de nouveauté, &t l'embraſſe bien ſouvent ſans raiſonner, ſeulement parce que la nouveauté lui plaît, Ceux qui entendoient précher lcs Apôtres, avoient une grande pente à_ l'incrédulité. -7 o. La Religion Chrétienne nous donne une fauſſe idée de Dieu car la. juſtice humaine eſt une émanation de la juſtice divine, &t doit être en ſoi de la même, nature. Or nous ne pourrions, ſelon la juſtice humai ne que blâmer la conduite de Dieu envers ſon. fils, 185 envers Adam, envers les Peuples qui on n'a jamais prêché, envers les enfans qui meurent avant le bap tême aufli anciennement les Chrétiens ſavoient a't— traper Dieu en ſe faiſant baptiſer le plus tard qu'ils le pouvoient; le baptême effaçant tous les péchés ils alloient droit au'Ciel. La Religion Chrétienne été contredite &t réfor mée par d'habiles Chrétiens; mais on les traités d'im pies &t d'hérétiques. Dieu n'eſt point pour l'homme; l'homme ſeroit plus noble que Dieu puiſque Dieu ſeroit pour lui. L'homme n'eſt point pour Dieu parce que Dieu n'a beſoin de rien; l'homme été fait parce que Dieu l'a voulu faire commeil fait toutes les autres créatures animées &t inanimées. ...IX. L'état de foibleſſe, où nous voyons que l'homme ſe trouve dans les derniers inſtans de ſa vie nous fait dire qu'il ne peut plus agir, 8c par conſéquent plus mériter; &t comme nous le croyons immortel, nous diſons qu'il va ſubir ſon jugement. Les remords ne prouvent ni la Divinité ni la Re ligion; les remords ne ſont qu'un ſentiment intérieur. Or nos ſentimens intérietus ne prouvent rien ., finon que nous ſentons &c que nous ſommes. Les remords ne viennent que des préjugés; ſi nous étions exempts de préjugés, nous ſerions exempts de remords. Les remords ne viennent que de l'éducation &t d'une diſpoſition particuliere de nos organes; ſi les remords» provenoient d'une autre cauſe ils ſeroient les mêmes dans tous les hommes, &t pour le même fait; ils ſe roient une preuve de quelque choſe exiſtante hors de nous indépendamment de nous or les uns ont des remords de faire une choſe, que les autres n'ont point par exemple un Chrétien n'auroit aucun remords d'a. 86 voir mépriſé &c foulé aux piedsſAlcoran, &t il en auroit un très-grand d'avoir foulé le cruciſi>:; de même que le Turc n'en auroit aucun d'avoir foulé le crucifix &c en auroit un très-grand d'avoir mépriſé ou foulé l'Alcoran,_ Les remords ne proviennent donc que du préjugé. Enfin le remords ſeroit en tout tems devant_ l'action dans l'action comme après l'action; ce qui n'eſt point: mais quand notre machine eſt épuiſée des eſprits agités dans la paſſion, alors les_anciennes idées ſe réveillent, ſont très-facilement impreſſion, &c cauſent le remordsſi CHAPITRE X. Que la Religion Chrétienne n'a/Z pas néceſſaire pour la ſbciété civile, qu'elle tend zi la détruire qu'elle retient dans de légitimes 110mm moins deperſ'olz nes qu'on 71e penſe. I. la Religion étoit néceſſaire dans le monde, &E ſi chacun étoit obligé de vivre dans celle où il eſt né, il eſt conſtant que Dieu en auroit donné quelque marque certaine &t évidente. La viciſſitude des choſes humaines le changement des Langues auroit porté la juſtice de Dieu nous laiſſer une marque invariable de la vérité de la Religion. Nous ne pouvons deviner la volonté de Dieu, s'il ne nous la manifeſte clairement; 6l une des plus grandes preuves que Dieu n'a point révélé de Religion c'eſt que la Religion beſoin d'ê tre prouvée; ce qui ne devroit point être. La Religion n'eſt proprement que le culte que nous devons Dieu comme de croire la Trinité l'Incama— tion entendre la Meſſe fréquenter les Sacremens &rc. La vie civile eſt très-indépendante de ce culte; ainſi on peut remplir tous les devoirs de bon Citoyen 8E (187) de bon ami, en un mot honnête-homme, indépen damment du culte qu'on dit que nous devons Dieu. Il eſt vrai que les hommes qui veulent par intérêt, que tout le monde s'acquitte envers eux des devoirs que la lbciété exige, ont lié ces devoirs avec ceux de la Religion ont prétendu qu'une partie du culte divin conſiſtoit remplir les devoirs &t les obligations 'des Citoyens; ils multiplient ainſi les motifs qui nous portentà leur être utiles: cette politique eſtjudicieuſe, quoiqu'intéreſiëe; mais elle n'eſt point véritable parce qu'enfin il s'agit toujours de faire voir que Dieu ré vélé que tel étoit le Culte qu'il demandoit de nous. Si nous n'étions pas prévenus, nous verrions que la Religion Chrétienne eſt très-nuiſible la ſociété ci vile. Il n'y que ceux qui la pratiquent par ignorance, ou ceux qui ne raiſonnent pas conſéquemment qui ‘puiſſent s'en former une autre idée; le mépris outré que la Religion Chrétienne ordonne des richeſſes détruit entiérement le commerce, qui eſt l'ame de la ſociété; il ſuffit de vouloir devenir riche, pour tomber dans les filets du Démon, ſelon l'Ecriture. _Qui volzmtfieri divines, izzcidunt in laqueos Diaboli'. C'eſt cependant ce deſir qui lie toutes les .Nations &L les particuliers par un ordre admirable de la Providence. Si vous ôtez ce deſir de l'Univers, dans quel état d'aſſoupiſſ~ement l'allez-vous faire tomber? La Religion Chrétienne blâme encore le deſir de ſavoir, &c toute ſorte de curioſité. Dans quelle igno rance ce principe ne conduit-il pas? Elle blâme encore tout penchant d'un ſexe pour l'autre; &t ſi l'on ne peut pas ſe vaincre ſur ce point, il ſaut ſe marierzmais point~de converſations, point d'entretiens avec des perſonnes d'un ſexe différent; ſi on ne commet point d'offenſe dans ces entretiens, on s'expoſe toujours en commettre. Qui amat pcriculum, i” eo peribir. 188 Ces entretiens ne ſont donc permis qu'en des occaſions extraordinaires. Combien de conſéquences contraires la ſociété civile ne tirera.t-on pas de ce principe? Combien de mariages mal aſſortis? Que dira-t-on même de l'Auteur de la nature, de nous donner lui-même un penchant qu'il devoit condamner &I punir ?. Peut-on regarder Dieu comme juſte après cela? Pourquoi nous donnoit-il un tel penchant, s'il vouloit nous empêcher de le ſuivre? Peut-on le faire agir d'une maniere ſi peu ſage? Mais que dira-t-on, ſi l'on conſidere que la Re ligion Chrétienne regarde le mariage comme un état d'imperfection par rapport au célibat? Qu'on liſe ce qu'ont dit St. Paul &t les Peres de l'Egliſe ſur ce point; on verra que les Chrétiens devroient avoir honte de ſe marier; que deviendroit la ſociété civile, ſans le mariage Enfin la Religion Chrétienne condamne tout ce qui ſert ſatisfaire les ſens, &t ne veut point que nous ſiiivions en rien .notre volonté. On regarde cette vo lonté propre comme la ſource de tous les maux; les grandeurs ſont de véritables baſſeſſe.s; enfin tout ce qu'on appelle pompe du monde eſt condamné par la. Religion, qui nous dit que tout ce qui eſt dans le monde eſt.. Concupzſceutia oculorum com upzſcentia curnis, ſuperbia eine. Or qu'y a-t-il dans la ſociété civile qui ne ſoit compris dans ces trois choſes? Je ſais que par des diſtinctions dont on paye les eſprits ſuperficiels on prétend juſtifier la Religion Chrétienne des excès dont je la blâme ici. La Religion, diſent-ils, ne blâme que l'attachement la ſcience, aux plaiſirs, aux richeſſes, aux grandeurs, ſans blâmer toutes ces choſes en elles-mêmes mais, en vérité, ſi on me défend le deſir d'une choſe, comment la rechercherai-je? 6c ſi je ne la recherche pas, que deviendra la ſociété? Mais il faut, dit-on, les rechercher pour l'utilité que l'on (189) en tire &t non pas pour elles-mêmes. Sans examiner" ſi .ce dernier faux-fuyant n'eſt pas contraire au fond de la Doctrine, pourquoi la Religion Chrétienne me dit-elle que l'état le plus parfait eſt celui dans lequel on ſe prive entiéremenflde toutes choſes? Et pour* quoi me dit-elle que je dois faire tout ce qui dépend_ de moi pour tendre cette perfection qui eſt auſſi ſpi rituelle que celle de Dieu même, qui tout quitté en ce monde pour embraſſer la pauvreté? E/Zote per fizcti, ſieur parer tac/Ier Socle/lis perflectus eſt. Ceux qui n'ont pas aſſez de force en eux-mêmes pour ſe défaire de leurs préjugés, &c qui, ſans exa miner les principes les ſu poſent véritables_, tirent de grandes conſéquences ciela morale de la Reli gion. Ils embraſlènt la Vie"monaſtique, äeſt-à-dire, qu'ils ſe ſéparent de la ſociété civile. Leur conduite eſt très-blâmable, ſi on raiſonne ſelon l'ordre de la nature &t de la ſociété:elle eſt très-réguliere ſelon les regles de la Religion Chrétienne. Celle-ci dé— ſend de ſuivre ſa propre volonté; ils ſont vœu d'o béïflànce. Elle défend les plaiſirs ſenſuels ſur-tout ceux que le divin Auteur excite lui-même, l'oc caſion des impreſſions qu'un ſexe différent fait ſur l'au tre, ſoit par ſimple préſence, ou par une union plus étroite; ils font vœu de chaſteté, &t détruiſent même' quelquefois leur propre corps par des auſtérités con tinuelles. Elle defend l'amour des grandeurs, le deſir des richeſſes; ils font vœu de pauvreté. Quelles louan ges ne leur donneët-on pas dans le monde, ſur-tout s'ils ont quitté de grands biens ou renoncé àune naiſ ſance illuſtre pour embraſſer 'cet état? E’ſt-il rien de plus oppoſé la ſociété civile? Et la nature cede t-elle ainſi l'imagination des hommes? Les Moines ces prétendus pauvres volontaires, ne ſont pas ſeulement inutiles ä_ la ſociété civile, par la 19è vie oiſive qu'ils menent; mais ils nuiſent véritable" 'rnent comme ils font vœu de pauvreté, &t qu'ils fé font nourrir par le public pour la peine qu'ils pren ’nent de ne rien faire ils dérobent aux pauvres de né eeſſité, ce que la ſimplicité du peuple leur donne, en achetant, avec des tréſors temporels, des tréſors imaginaires d'indulgences. Ce qui fait voir l'illuſion qui ſe trouve dans cette conduite des Moines, c'eſt que ceux-mêmes qui em braſſent cet état de bonne ſoi, ne faſſent vœu de pau vreté que pour être mieux leur aiſe, pour poſſés der de plus grands biens. La plupart ſont logés ma gnifiquement. Les Ordres anciens ont acquis de vaſtes poſſeſſions. Les pauvres Hermites de l'Ordre de Sta Bruno (c'eſt la qualité qu'ils prennent dans les con tracts) ſont puiſlamment riches, ſans rien dire des Re-' ligieux de l'Ordre de St. Benoît, des Jcſuites, &c des autres dont le nombre eſt infini, la plupart deſquels, ſous prétexte de Religion, exercent une .tyrannie hon teuſe ſur le Peuple ignorant ſtupide; &t l'on peut dire avec juſtice qu'ils ſont plus puiſſans que les Sou verains mêmes, comme le ſont les Inquiſitions de Pots tugal, d'Italie d'Eſpagne. Tous les Chrétiens doivent tendre la perfection; eſtate perfccti, Stc. dit J. C. Or, puiſque la virginité, ſelon la Religion, eſt plus parfaite que le mariage, il s'enſuit que tous les Chrétiens devroient tendre la virginité c'eſt auſſi quoi on les exhorte. Qui ne re marquera pas la ſauſſeté de ce principe ſi contraire a_ la nature, &t au but que la raiſon me dit que Dieu s'eſt fait en créant l'homme, qu'il ſe multiplie? Or, ſi toute' la terre étoit Chrétienne 6c que tous les Chrétiens ſuivifllènt ce principe, on ne ſeroit pas en peine de 'ſavoir quand arriveroit la fin du monde. Cela ne tend il pas la deſtruction de Peſpeee? Voyez les louan-ï 191 ges qu'on donne St. Alexis d'avoir abandonné \à femme le jour même de ſes noces, Ct d'avoir mené une vie gueuſe &t inutile dans la maiſon de ſon pere? On nous le donne pour un grand Saint, qu'on prône comme un exemple merveilleux imiter. Que les Chré tiens Piniitent, que deviendra la ſociété? Le Peuple aime ce qui lui paroîtau-deſſus de la nature. On loue les vierges, parce qu'on regarde communément cer'. état comme très-difficile &textraordinaire Il eſt oppoſé la vie civile, de vivre ſeul, 6c de prendre ſa nourriture par un trou comme ſi elle vlenoit du Ciel. En un mot la vie des Moines nuit ſo~ ciété. Si tous les hommes vivoient chacun part ſans aucune ſociété &L ſans aucun commerce les uns avec les autres il ſeroit impoſſible qu'ils ſe fiſſent aucun bien. Or il ,plus lieu de croire que de ſe rendre mutuel lement ſervice &t s'acquitter des devoirs de bon ,citoyen, c'eſt remplir la fin que Dieu peut avoir eue en nous mettant au monde ainſi, le bien prendre, l'état monaſtique eſt le plus imparfait de tous les états. Le peuple l'admire cauſe de la' peine qu'il de ne pas ſuivre le penchant de la nature; &t c'eſt ſans doute le contraire, puiſque ce penchant habituel eſt la marque viſible que Dieu nous donne de ſa volonté C'eſt ſe défier de' la volonté de Dieu du ſoin qu'il prend de ſes créatures, que de croire que les Moines ſoient néceſſaires, pour le prier pour les au tres hommes car outre qu'il s'en ſaut beaucoup que les Moines prient toujours, le Peuple le prie auſſi, Les Moines ſont des hommes comme les autres; ils n'ont d'autre caractere ſpécial, que celui que l'imagination leur attribue, &t que leur habit particulier &t tout ri dicule leur acquis mais ils ſont comme les autres aux yeux de Dieu. S'il eſt vrai de dire que Dieu exige de nous des E92 )_ prieres, il eſt ſans doute plus agréable Dieu de lë prier ſoi-même, que de le faire prier par autrui; mais le Peuple veut toujours juger de Dieu comme d'un Roi. Les villes payent penſion de certains Courti ſans pour les protéger auprès des Souverains; le Peu‘ 'ple tient la même conduite il prie ſur la terre les Saints qu'il croit dans le Ciel, il leur fait même des préſens; &c il entretient encore les Moines pour le protéger auprès de Dieu. La Religion Chrétienne nous détache trop de la félicité préſente. Elle veut que nous rapportions tout une félicité venir, que nous ne connoiſſons pas; Or pour l'utilité de la ſociété civile, il faut ſe ren dre heureux en ce monde parce qu'il paroît la eon duite de l'Auteur de la nature qu'il eu en vue la fé licité des hommes en général, plutôt que celle de quelques particuliers. Nous devons tous entrer dans 'ce deſſein 8c nous étudier nous rendre mutuelle ment heureux. Si nous obſervons bien ce qui ſe paſlë dans le monde nous verrons que ce deſſein bien exécuté, eſt une voye ſùre pour notre ſelicité par ticuliere l'Auteur de la nature ſemble ne nous la donner qu'à ce prix. Ceux qui ne ſont bons que pour eUx—mêmes ſont ordinairement miſérables; cette miſere eſt un aiguillon dont la Providence ſe ſert pour les faire ſortir d'un état inutile la ſo' ciété plus un état nous rend utiles, plus il nous enrichit. L'amour de nous-mêmes; l'humanité enfin la' nature nous retiendra &C nous retient plus que la Religion. Qu'on ſe conſulte; la vanité les paſ ſions retiennent les hommes, &t les portent tout:' perſonne n'a pu encore faire le mal comme le mal, 8c nous ne devons pas donner lieu au vulgaire de nous confondre avec les méchansd 193 .La Religion Chrétienne eſt le tombeau de la rait ſon; elle empêche de faire du progrès dans les ſcien ces Captivanres imellectum elle tend nous ren-è dre malheureux dans ce monde, ſous les apparences d'une autre vie qu'elle nous promet. En un mot, pour être parfait Chrétien il faut être ignorant, croire aveuglément, renoncer tous les plaiſirs, aux hommes, aux richeſſes, vivre ſeul dans un déſert, abandonner ſes parens, ſes amis, garder ſa virginité, faire tout ce 'qui eſt contraire la nature, donner toutes ſes richeſſes aux gens d'Egliſe après cela, vous êtes ſûr; ce qu'ils vous promettent, d'aller 'tout droit au Ciel; .ol CHAPITRE XI. Qgfil un Etre fidpréme, qui eſt Die”. ne peux conſidérer la beauté, Pordre,&t l'harä monie de toutes les parties du monde, ſans con? clure que le monde, &c les parties qui le compos ſent été produit par un Etre ſage 6c puiſſàntzquand même la matiere ſeroit éternelle. Combien de choſes merveilleuſes n'admirdns-nous. pas dans le monde! Le flux &c reflux de la mer, la nature des corps fluides, la lumiere, les couleurs, la circulation du ſang, le jeu de chaque partie du corps des créatures animées, &z le concertadmimble de toutes enſembles; toutes' ces choſes épuiſeront, ?eſprit hue main avant qu'il en ai.t imaginé la véritable' cauſe. S'il faut tant d'attention &t de pénétration pour' les démêler, quelle ſageſſe a-Ezil fallu pour lesinventer? Il n'ya pas une plante dont la ſtructure ne ſoit u~n ouvrage admira ble qui ne demande la plus vaſte connoiſſànce dans 194 ſon Auteur. Peut-on après cela penſer que l'Univers ſoit une production du hazard? Qu'on le ſuppoſe éter nel, ſi -lon veut, on.n'évitera point la force de cet argument. La conſervation du monde eſt auſſi difficile que ſa production. Le tems qui conſume tout, l'action qui détruit continuellement les inſtrumens, détruiroit 6c dérangeroit enfin quelque reſſort, ſi ,uneſageſſè in finie ne veilloit tout &c n'avoit ſagement pourvu 'tous les accidens &c n'entretenoît continuellement les mouvemens réguliers qu'elle peut ſeule avoir impri mées la matiere, incapable d'elle-même de ſe mou voir. Les aſtres que nous voyons 6c leurs mouvemens continuels &c réguliers, ne nous convainquent-ils point de la puiſſance 6c de l'exiſtence d'un Etre Mais lorſ qu'un eſprit éclairé par l'Aſtronomie -, parcourt attenti vement exactitude &E la régularité de ces vaſtes corps dans leurs révolutions quelque ſyſtéme qu'on em braſſer, il faut recourir une cauſe-intelligente de qui vient la régularité du mouvement de ces aſtres, régula rité ſi utile la terre. Le plus ſtupide des hommes eſt convaincu que tout effet une cauſe 6c qu'un très-grand effet ſuppoſe une cauſe dont la vertu eſt grande. Le conſentement général ne ſouffre aucune exception cet égard-la. On ne trouve aucun Peuple, ni aucun particulier qui ne reconnoiſſe une cauſe de toutes choſes ': or la cauſe des choſes intelligentes, eſt l'effet d'une intelligence parfaite; un ouvraged'une ſtructure admirable où la diſpoſition des parties répond une fin, eſt aſſurément l'effet ,d'une cauſe intelligente voilà donc un Auteur intelligent reconnu. Le même ſens commun dicte qu'au cune autre cauſe n'a pu donner ni limiter la perfection de la cauſe; qu'elle eſt donc ſans bornes. Voilà donc l'Auteur du monde, reconnu pour un être infini la la ſageſſe, bonté, la puiſſance, la juſtice, en un mot (195). toutes les perſections. ſont raſſemblées dans un être infini; &t il eſt difficile de, croire qu'il ſoit infini, &c qu'il ne ſoit pas unique. C'eſt cet Etre ſuprême êc infini, que nous appellons Dieu; c'eſt lui qui nous donné pour nous conduire, la raiſon qui ſe trouve dans tous les hommes; tant que nous la ſuivrons. ſans prévention, nous ne pourrons jamais nous tromper. Il eſt de la Provi dence de Dieu d'en avoir uſé ainſi pourquoi donc ſoumettre cette lumiere, qui nous eſt naturelle 8c qui par conſéquent vient de lui, la tyrannie de celle des autres? Comment puis-je être ſûr du chemin que je dois tenir, en ſuivant les lumieres d'autrui? ma rai ſon peut errer, j'en conviens mais celle des autres hommes n'eſt-elle pas ſujette aux mêmes défauts? Un honnête homme ne doit pas donner ſon con ſentement aux diſcours dont il ne conçoit pas le ſens: il faut auſſi qu'il prenne bien garde ce qu'on dit, s'accorde avec la droite lumiere de la raiſon; carlorſqu'il conçoit que cela ne s'y accorde pas, il eſt impoſſible qu'il ſe rende, &t qu'il puiſſe conſentir ce qui ré pugne cette lumiere. Quoiqu'il ait beaucoup de choſes au-deſſus de no tre raiſon, cependant nous ne voyons pas qu'elles cho quent aucun de ces principes clairs &t évidens qui ſont gravés dans notre eſprit nous ne ſommes pas capa bles de concevoir que laplus petite partie de la ma tiere puiſſe être diviſée éteinellement; néanmoins tant s'en faut que cela ſoit contraire notre raiſon, puiſ qu'elle nous convainc que cela eſt ainſi, quoique nous ne comprenions pas comment cela ſe peut faire. -Il d'autres choſes qui ſont directement contrai res ces principes clairs &t évidens que notre iaiſon trouve dans ſa propre nature; par exemple qu'une par tie eſt égale au tout ce ſeroit renoncer aux claires idées Na 196 de la raiſon 6l de l'eſprit, ſur leſquelles la certitude de tout ce que nous croyons ou que nous connoiſſons eſt appuyée, comme ſur les premiers principes ſans leſquels nous ne ſaurions avoir nulle aſſurance, ſi nous croyions de telles choſes. C'eſt par cette raiſon que nous connoiſſons qu'il n'y rien de plus difficile que ce que Dieu déjà fait dans la création du monde, d'où nous 'pouvons conclure que Dieu peut faire tout ce qui eſt poſſible; &c c'eſt ce que nous devons entendre lorſque nous diſons que Dièu eſt tout-puiſſànt mais il n'y perſonne ſans doute, qui voulût ſoutenir que Dieu peut faire des choſes, ou qui impliquent contradiction elles-mêmes, ou qui ſoient formellement contraires ſa nature &à ſes attributs. C'eſt pourtant ce que la Religion Chré tienne lui fait faire; &c on en conviendroit, ſi l'on vou loit être de bonne foi. L'immutabilité du conſeil de Dieu eſt une ſtiite né ceſlàire de ſa ſageſſe :quiconque change de deſſein ou ſe repent de quelque choſe, fait connoître que ſa pré voyance eſt imparſaite &t ſaſageſſe défectueuſe Dieu n'eſt ſuſceptible d'aucunes imperfections. _CHAPITRE XII. De la conduite d'un Honncîte-Homme pendant ſa vie. des perſonnes qui ne croyent pas la Reli gion Chrétienne par débauche ou par impiété ceux là ne peuvent être honnêtes gens; comme dès leur' enfance, on ne leur défendu le mal que parla crainte de l'enfer, dès qu'ils ne _craignent plus cet enfer, ils ne ſont plus de difficulté de pratiquer le mal, Mais il h-ç.- (197) des perſonnes qui ne croyent point la _Keligioi Chrétienne par raiſon;& ceux-là ſont de_ trèS-honnéæ‘, tes gens l'eſprit'd'ordre les fait agir; 6c laraiſon les perſuade, par cet eſprit d'ordre combienï il leurimf porte d'avoir de l'honneur &t de la probit'é. Ïſi; ſ' Il doit avoir naturellement plus de .probi.t'é' dans une perſonne perſuadée par raiſon de la fauſſe-té de la Religion Chrétienne, que dans un Chrétien. (*) La confeſſion autoriſe le crime, par l'aſſurance d'en être abſous; on fait facilement un crime, lorſqu'on ëù eſ pere le pardon, au-lieu que l'homme d'ordre ne trouve point de reſſource pour ſe_ pardonner ſes fautes. Il des actions éternellement bonnes, &_ qu'un honnête-homme doit_ pratiquer; comme de 'reconnaî tre _un Dieu, de ne faire aux autres que ce qu'il vou droit qui lui fût fait d'où je conclus. que les autres_ ſont eſſentiellement mauvaiſes. La preuve certaine laquelle nous devons recon noître ſi nous aimons Dieu ,_ eſt de Voir ſi nous 'ſen tons une ferme &c conſtante réſolution de lui obéir: ainſi nous devons n'avoir pour guide que la raiſon qui nous vient de lui-même; 6: lorſqu'elle reconnu qu'il parle, elle doit ſe taire écouter. L'eſtime intérieure que nous avons de Dieu, doit conſiſter dans une connoiflànce convenable de ſon être &t de ſes attributs, ê; notre reſpect extérieur doit pa roître en ce que nous faiſions toutes choſes qui nous paroiflent convenables à_ ſon excellence &c notre dé pendance de lui._ _Puis donc que Dieu_ eſt le créateur &c le maître de toutes choſes, nous devons auſſi les employer toutes l'uſage pour lequel il les faites, &. nous en ſervir pour la fin qu'il s'eſt propoſée en les créant, autant (') V. Charron de la ſhgeſſe. L. 2. Mt. 28. é» 29. 198

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que, par la raiſon qu'il nous donnée, nous pouvons connoître ſon deſſein &t ſon but. Il ne faut donc pas en aucun tems abuſer de ces choſes ni en faire excès pour altérer notre ſanté ni troubler notre iaiſon, ni nous être, en quelque maniere que ce ſoit, un obſta cle faire notre devoir. De même Dieu ayant fait pluſieurs choſes pour l'uſage &t. le ſervice de tous les hommes il n'eſt pas juſte,que ces choſes ſoient accumulées entre les mains des uns avec ſuperfluité, pendant que les autres manquent de ce qui leur eſt néceſſaire la vi'-.’ L'homme n'eſt pas fait pour être oiſiſ, ilfaut qu'il s'occupe quelque choſe, &ttoujours avoir pour but la ſociété. Dieu ne ſe propoſe pas ſeulement le bon heur de quelques particuliers, mais, en général, le bien &t la félicité de tous les hommes. Ainſi les hom mes doivent ſe rendre naturellement ſervice quelque différence qu'il ait entre eux; parce qu'il n'y per ſonne tel grand &t élevé qu'il puiſſe être qui il ne puiſſe arriver, quelque heure d'avoir beſoin du ſe cours &t de l'a1nitié du plus pauvrezainſi on doit s'o bliger mutuellement. La fidélité &t la fincérité ſont très-eſſentielles la ſociété: tous les hommes peuvent tirer delà de très-grands avantages, &c cela contribue beaucoup les rendre mutuellement heureux. Nous devons aimer les autres comme nous-mêmes, avec autant de fincérité que nous nous en devons, c'eſt à-dire que nous devons toujours faire envers les autres ce que nousjugerions raiſonnable qu'ils tiſſent envers nous, ſi nous étions dans les circonſtances où ils ſe trouvent, &t qu'ils fuſſent dans celles où nous ſomme's. Celui qui eſt obligé par devoir de faire quelque choſe, eſt auſſi obligé de ſe mettre en état de l'exécuter, «St d'employer tous les moyens &ttous les inſtrumens néceſſäires pour en venir heureuſement bout. s… .,_____j (199 Telle eſt la conduite que doit garder un honnête hommedans la vie c'eſt une conduite qui aété pratiquée par les plus grands hommes de l'antiquité. Ces ſenti mens &t cette morale de Platon &c des autres Païens eſt'auſſi pure que.celle des Chrétiens. Ceux-ci ne la pratiquent que parce qu'on leur enſeigne que Dieu le veut &t l'ordonne; les autres au contraire ne la prati-.. quoient que parce que la raiſon &: la nature le leur inſpiroient. J. C. n'eſt donc pas venu pour réformer la nature qu'on nous dit qui étoit pour lors corrom pue? Les exemples de tant de ſages Paiens font bien voir qu'ils avoient une auſſi grande connoiflànce d'un Etre ſuprême, &t un aſſez grand pouvoir de faire ce que la raiſon leur enſeignoit qui étoit bon. Avoient ils d'autre Loi que celle que la raiſon inſpire naturel lement? Non; mais c'eſt que la raiſon &t la nature ſont des ouvrages de Dieu, lesreligions ſont les ouvra ges des hommes. Voilà les doutes que je propoſe, non en perſonne entêtée, &t prévenue de ſes ſentimens &l qui ſe croit infaillible;je ſais trop bien que ma raiſon peut errer: mais je les propoſe comme quelqu'un qui ſuit les 111-2 mieres de cette raiſon qui lui vient de Dieu, qui parle avec fincérité &t de bonne foi, &t qui cherche s'é claircir; Qt je proteſte de me rendre ſans entêtement, lorſqu'on me fera voir que j'ai erré, &t que ce que j'ai avancé eſt faux. Oui, Mon Dieu ,_ parlez, votre ſerviteur écoute nonzm fac mibí viam in quà am bulem; &t je la ſuivrai avec toute la ſoumiſſion &E tout le reſpect que je dois mon Créateur 8c ſouverain Maître. ~'HDF '_ .- ſi' .ï A- 'l d_ .i, .' r. 'I

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Grand Saül le plus puiſſant des Rois, vous qui c) régnez ſur les trois lacs dans l'eſpace de plus de cinq cens ſtades; vous, vainqueur du généreux Agag, Roi d'Ainalec dont les Capitaines étoient montés ſur les plus puiflàns ânes, aiiifi que les cinquante fils d'A malec; vous, qu'Adonaï fait triompherà ïla fois de Da gon &t de Beelzebul; vous qui ſans doute mettrez ſous vos loix toute la terre (comme on nous l'a .pro mis tant de fois,)faut-il que vous vous abandomiiez votre douleur, dans de ſi nobles triomphes &c de ſi grandes eſpérances? ‘l (204) SAùL. mon cher Baza! heureux mille fois celui qui con duit en paix les troupeaux bêlans de Benjamin &c qui preſſe les doux raifins de la vallée,d'Engaddi! Hélas! Je cherchais les âneſſes de mon pere je trouvai un Royaume &t depuis ce jour je n'ai connu que le trou ble &c la douleur. Plût au Ciel que j'euſſe au contraire cherché un Royaume, &c trouvé des âneſſès! j'aurais fait un meilleur marché. BAZA. Eſt-ce le Prophete Samuël eſt-ce votre gendre Da vid, qui vous cauſent ces mortels chagrins? SAüL. uil-&t l'aime. Samuël, tu le ſais m'oignit mal gré lui; il ſit ce qu'il putpour empêcher le Peuple. de choiſir un Prince, &c, dès que je ſus élu, il devint le plus cruel de' tous mes ennemis. BAZA. Vous deviez bien vous attendre; il étoit Prêtre Gt vous étiez guerrier; il gouvernait avant vous on hait toujours ſon. Succeſſeur. SAüL, Et pouvait-il eſpérer de gouverner plus long- tems? Il avoit aſſocié ſon pouvoir ſes indignes enfans, éga lement corrompus \Sc corrupteurs, qui Vendoient pu bliquement la juſtice. Toute la nation ſe ſouleva con tre ce gouvernemcnt Sacerdotal on tira un Roi au ſort. Les dès ſacrés annoncerent la volonté du Ciel, le Peuple la ratifia &c Samuël frémit. 'Ce n'eſt pas aſſez de haïr en moi le Roi, il hait encore le Prophete.; (W5) car il fait que j'ai comme lui le nom de voyant.- que j'ai prophétiſ comme lui &c que ce nouveau proverbe rcpandu dans Iſraël, .Saül eſt auſſi au rang des Pro pbetes n'offenſe que trop ſes oreilles ſuperbes. U) On le reſpecte encore pour mon malheur; il eſt Prê tre, il eſt dangereux. 'BAZA. N'eſt-ce pas lui qui ſouleve contre vous votre gene dre David? 'La Il n'eſt que trop vrai, &c je, tremble qu'il ne cabale pour donner ma couronne ce rebelle.. BAZA. Votre Alteſſe Royale eſt trop bien affermie par ſes victoires; le Roi Agag, votre illuſtre priſonnier, vous eſtïiici un ſûr garant de la fidélité de votre Peu~ ple également enchanté de votre victoire &t de votre clémence. Le voici qu'on amene devant votre Alteſſe Royale. SCENE SECONDE. sAÜL,BAzA,AGAG,SoLDAT& AGAG. DÔUX &c puiſſànt vainqueur, modele des Princes, qui ſavez vaincre &t pardonner, je me jette vos ſacrés genoux; daignez ordonner vous-même ce que je dois donner pour ma rançon. Je ſerai déſormais un voifin, un allié fidele, un vaſſàl ſoumis. Je ne vois ') Premier Liv. des Rois, Chap. 10. 206 plus en vous qu'un bienfaiteur, 8t un maître. Je vous dois la vie, je vous devrai encore la liberté; j'admire rai, j'aimerai en vous l'image du Dieu qui punit 6c qui pardonne. ii L. Illuſtre Prince, que le malheur rend encore plus rand je n'ai fait que mon devoir en ſauvant vosjours. Ï-es Rois doivent ſe reſpecter dans leurs ſemblables; qui ſe venge après la victoire eſt indigne de vaincre. Je ne mets point votre perſonne rançon, elle eſt d'un prix ineſtimable; ſoyez libre. Les tributs que vous payerez Iſraël, ſeront moins des marques de ſoumiſſion que d'amitié. C'eſt ainſi que les Rois doi vent traiter enſemble. AGAG. vertu, grandeur de courage, que vous êtes puiſſant ſur mon cœur! Je vivrai, je mourrai le ſujet du grand Saül, &t tous mes Etats ſont lui. SCENE TROISIEME. Es Perſbnnages précédents. RË TRES. L. Samuël quelles nouvelles nous apportez-vous? ve nez-vous de la part de Dieu, de celle du Peuple, ou de la vôtre? L. De la part de Dieu. 207 .- L. Qiſordonne-til? M'U L. Il m'ordonne de vous dire qu'il s'eſt repenti de vous avoir fait régner. L. Dieu ſe repentir! Il n'y que ceux qui font des fautes, qui ſe repentent. ïLa ſageffie éternelle ne peut être imprudente. Dieu ne peut faire des fautes. SAMUEL. Il peut ſe repentir d'avoir mis ſur le trône ceux qui en. commettent. L. Et quel homme n'en commet pas? parlez, de quoi ſuis-je coupable? L. D'avoir pardonné un Roi. o. Comment! la plus belle des vertus ſeroit regardée chez vous comme un crime! L. (à Agag.) Tais-toi, ne blaſphême point. ---- Saiil, ci-devant Roi desJuifs, Dieu ne vous avoit-il pas ordonné, par ma bouche, d'égorger' tous les Amalécites, ſans épar gner ni les femmes ni les filles ni les enfans mê mes la mamelle? (208) AGAG. Ton Dieu t'avoit ordonné cela? Tu t'es trompé, tu voulais dire ton Diable. L. (àſès Prëtres.) Préparez-vous m'obéir; &t vous, Saül, avez-vous Obéi Dieu L. Je n'ai pas cru qu'un tel ordre fût poſitif j'ai penſé que la bonté étoit le premier .attribut de l'E tre ſuprême, qu'un cœur compatiſlànt ne pouvoit lui déplaireó L. Vous vous êtes trompé, homme infidèle; Dieu vous répouve votre Sceptre paſſera dans d'autres mains. (à Saül.) Quelle ínſolence! Seigneur, permettez-moi de pu nir ce Prêtre barbare. SAüL. Gardez-vous en bien; ne voyez-vous pas qu'il eſt ſuivi de tout le Peuple_, &t que nous ſerions lapídés Ii je réſiſtois? car en effet, j'avais promis. A. Vous aviez promis une choſe abominable. A'ü L. N'importe; les Juifs ſont plus abominables encore, ils prendroient la défenſe de Samuël contre moi. A. 209 'B A. (à part.) Ah! malheureux Prince! tu n'as de courage qu'à la 'tête ,des armées! La Eh bien donc, Prêtre, que faut-il que, je faſſe? t.. Je vais te montrer comment on obéit au Seigneur aux Pierres.) 'Sacrés enfans de Lévi, déployez' ici votre zele; qu'on apporte une table, qu'on étende ſur cette ta ble ce Roi dont le prépuce eſt un crime devant le Seigneur. (Les Prêtres* élenzleni* C9' lient Agag ſur la fable.) o; Que voulez-vous de moi, impitoyables monſtres? SAüLl Auguſte Samuël, au nom du Selgneurl… L4 Ne l'invoquez pas, vous en êtes indigne. Demeu rez ici, il vous l'ordonne, ſoyez témoin du Sacrifice qui peut-étre expiera-votre crime; o. (à Samuel.) Ainſi donc vous m'allez donner la mort? mort, que vous êtes amere! ’ï.o (210) SAMUEL. Oui, tu es gras, &c ton holocauſte en ſera plus agréa ble au Seigneur! c. Helas! Saiil, que je te plains d'être ſoumis de tels monſtres SAMUEL (àzlgag.) Ecoute, tu vas mourir; veux-tu être Juif? veux tu te faire circoncire AGÀG. Et ſi j'étais aſſez faible pour être de ta religion me donnerais-tu la vie ti i: L. Non, mais tu aurais la ſatisfaction de mourir Juif’,' &' c'eſt bien afllèz. G. mppez donc, boum-eaux. (aux Prétresz) tandis Donnez-moi que je couperai-un cette hachebras,aucoupez nom duuneSigneur; jambe 6c ainſi de ſuite, morceaux par morceaux. (j) '( Ils frappent tous enſemble.) c. mort! tourmens! barbares! (i) Premier Lír-.cles Rois, Chap. 25. Le texte de la piece An. 'glaiſe porte, bm, him into fiere: before-tha lord; (En) SAÜL. horrible? Faut.- que je ſois témoin d'une abomination BAzA; Dieu vous punira de l'avoir ſoufferte; (aux Prêtres.) Emportez 'ce corps &c cette table; qi1'on biiile les' reſtes de cet infidele, &L que ſes chairs ſervent nour ’rir nos Servi_teurs. Et vous ,Prince apprenezàjamais qu'obéiflànce vaut mieux que Sacrifice. (ſ2- jetiant dans un fauteuil.) Je me meurs, je ne pourrai ſurvivre tant d'horà reur &t tant de honte. t_ l. _ï __ ” SCENE QUATRIE Les Perſïm‘nages précédent, UN MEssAGEK; LE MESsAGER. Eigneur, penſez votre ſûreté. David approché en armes, il eſt ſuivi de cinq cens brigands qu'il 'a ramaſſés; vous n'avez ici qu'une faible garde. BAzÃ; __ Eh bien, Seigneur, vous le voyez", Davidôt Sa-'_ muël étoient d'intelligence. Vous êtes trahi de tous' côtés. Mais je vous ſerai fidele juſqu'à Ia mort; que] parti prenez-vous? ,' n. Celui de combattre de' mourir.‘ Fi” *du premier Acte; __ .212 r, ,~,- 1H ,1 P_ ACTE SECOND. SCENE, PREMIERE. DAvIí), MICHOL. MICHoL. IMpitoyable époux, prérends~tu attent’er la vie de mon pere de 'ton bienfaiteur; de celui qui t'ayant pris d'abord pour ſon joueur de harpe (*) te fit bientôt après ſon écuyer, &c qui enfin t'a mis clans mes bras? D’A D. Il _eſt vrai, ma chere Michol; que je lui dois Ie bonheur de poſſéder vos charmes il m'en coûté aſ ſez cher; il me fallut apporter vorrepere deux cens prépuces de Philiſtins pour préſent de noces. (l) Deux cens prépuces ne ſe trouvent pas ſi aiſément. Je fus obligé de tuer deux cens hommes pour venir bout de cette entrepriſe, &L je n'avois pas la mâchoire d'âne de Samſon. Mais eût-il fallu combattre toutes les forces de Babylone &c de l'Egypte, je ſau rais faiçipour vous mériter. Je vous adomis, êc je vous adore. L. Et pour preuve de ron amour, tu en veux aux jours de mon pere!

Angiais’ dit lamp”.

Premier des Rois, Chap. 12. f\f\ ...zi \JV/ C213) DAVID. Dieu m'en préſerve! je ne veux que lui ſuccéder. Vous ſavez que j'ai reſpecté ſa vie, que lorſque je le renconnai dans une caverne, je ne lui coupai que le bout de ſon manteau. La vie du pere de ma chere Michol me ſera toujours prétieuſe; MICHoL. Pourquoi donc te joindre ſes ennemis î? pourquoi te fouiller du_ crime horrible de rébellion, &c te ren dre par-là même ſi indigne du trône où tu aſpires? Pourquoi d'un côté te joindre Samuël notre en nemi domeſtique, &c de l'autre côté au Roi de Geth Açhis ,_ notre 'ennemi déclaré DAVI_D. Ma noble épouſe, ne me condamnez pas ſans m'em tendre. Vous ſavez qu'un jour dans le village de Be tléem, Samuël répandit de l'hu_ile ſur ma tête; ainſi je ſuis Roi, &ë vous êtes la femme d'un Roi. (*) Si je me ſuis joint aux ennemis de la nation, ſi j'ai ſaitÏdu mal mes concitoyens, j'en ai fait davantage ces en nemis mêmes. Il eſt vrai que j'ai engare,ma foi au Roi de Geth, le généreux Achis. (**) .Fai raſſemblé cinq cens .malfaiteurs, perdus de dettes &t de débau ches, mais tous bons Soldats; Achis nous reçus, nous comblés de bienfaits, il m'a traité comme ſon fils, il eu_ e11 moi un'e entiere confiance :mais je n'ai jamais oublié que je ſuis Juif, &l ayant des com miſſions du Roi Achis pour aller ravager vos terres, j'ai très-ſouvent ravagé les ſiennes. ſallais dans ſes villages les plus éloignés, je tuais tout ſans miſéricorde,_ (') Premier des Rois, Cliap. 16. (") Premier des Rois, Chap._ 22._ (214) je ne pardonnais ni au ſexe ni l'âge, afin d'être pur devant le Seigneur, &afin qu'il ne ſe trouvât per ſonne qui pût me déceler auprès du Roi Achis. (f) Je lui amenais les bœuſs, les ânes, les moutons, les che _'vres des innocens agriculteurs que j'avais égorgés, Gt je lui diſais, par un ſalutaire menſonge, que détoient les bœuſs, lesânes ,les moutons &c les chevres des Juifs. Quand je _trouvais quelque réſiſtance, je ſaiſois ſcicr en deux par le milieu du_ corps ces inſolens rebelles, ou je les écraſais ſous les dents de 'leurs herſes, ou je les ſaiſois rôtir dans des ſours brique. (fi) Voyez c'eſt aimer patrie ſi c'eſt être bon_ llraélite MICHOL._ Ainſi, cruel, tu_ as donc également répandu le ſang detes freres &de tes alliés tu as trahi égalementtes deux bienfaiteurs, rien ne t'eſt ſacré; tu trahiras ainſi ta chere Michol, qui brûle pour toi d'un ſi malheu-' reux amour. D. Non je jure par la verge &Aaron par la racine de Jeſſé que je vous ſerai toujours fidele. SCENE SECONDE. DAVID, MICHOL, ABIÇAIL. BIG Aït., (en embraſſämt David.) On cher mon tendre époux, maître de mon cœur &de ma vie, venez, ſortez avec moi de ces lieux dangereux; Saül arme contre vous, &Athis vous attend. (1) Premier des Rois, Chap. 2". (TT) 2e. des Rois, Chap. 12. l'Auteur Anglais confond ici les Ammonites avec les habitans de Geth. ,( 215) MICHoL. Qu'entends-je! ſon époux! quoi! monſtre de perfi die, vous me jurez un amour, éternel, 6E vous avez pris une autre femme? Quelle eſt donc cette inſolentç rivale? D. Je ſuis confondu. ABIGAIL. Auguſte &t aimable fille d'un grand Roi, ne vous mettez pas en colere contre votre Servante. Un héros tel que David beſoin de pluſieurs femmes &c moije ſuis une jeune veuve qui ai beſoin d'un mari. Vous êtes obligée d'être toujours auprès du Roi votre pere il faut que David ait une compagne dans ſes voyages &L dans ſes travaux. Ne m'enviez pas cet honneur; je vous ſerai toujours ſoumiſe( MicHoL. ,‘ Elle eſt civile &t accorte, du moins; elle n'eſt pas comme ces concubines impertinentes, qui vont tou jours bravant la maîtreſſe de la maiſon, Monſtre, oſi as-tu fait cette acquiſition? DAv1D. Puiſqu'il faut vous dire la vérité, ma. chere Michol, j'étais la tête de mes brigands, &c uſant du droit de la guerre, j'ordonnai àNabal, mari d'Abiga'1~l, de m'ap porter tout ce qu'il avoit. (*) Nabal étant un brutal qui ne ſavoit pas les uſages du. mond.e, il me refuſa inſolemment. Abigaïl eſt née douce, honnête &c ten dre elle vola tout ce qu'elle put ſon mari pour me (') Premier Liv. des Rois Chap. 5. 216 Yapporterr_ au bout de huit jours le brutal mou ruſh" (U 1c L. Je m'en doutais bien. DAvtD.. Et épouſai la veuve. MICHOL. Ainſi Abigail eſt mon égale. Ça, dis-moi en con ſcience brigand trop cher, combien as-tu de femmes? DAvxD. Je n'en ai que dix-huit en vous comptant, ce n'eſt pas trQP Pour un brave homme. MrcnoL. Dix-huit femmes ſcélérat! &t que fais-'tu de tout cela? D. 'je leur donne ce queje peux de tout ce que j'ai pilléMICHOL. Les voilà bien entretenues! Tu es comnrejes oi ſeaux de proye qui apportent leurs femelles des co lombes dévorer. (*) Encore n'ont-ils qu'une com pagne, ôç il en_ faut dix-huit au fils de Jeſië. DAVID. Vous ne vous appercevrez jamais ma chere Michol, 'que vous ayiez des compagnes. 1*) Il dans l'Anglais, m] Nabal Hunt rich farm”. ') Dans l'Anglais, Like kit_s. (’ 'M7 ') MICHoL,. Va tu -me promets plus que tu ne peux tenir, Ecoute, puiſque tu en as dix-huit, je te pardonne; je n'avois qu'une rivale, je ſerais plus difficile. Cepen dant tu me le payeras. ABIGAÏL. Auguſte Reine toutes les autres penſent comme moi, vous aurez dix-ſept eſclaves de plus auprès de vous. SCENE TROISIEME. DAVID, MICHOL, ABIGAIL, ABIAR. ABIAR. On maître que faites-vous ici entre deux fem mes? Saül avance de l'Occident, Achis de l'O rient. De quel côté voulez-vous marcher? D. Du côté d'Achis, ſans balancer. L. Quoi ,_. malheureux contre ton Roi, contre mon Pere? DAVID. Il le faut bien. Il plus Z1 gagner avec Achis, qu'avec Saul. Conſolez-vous, lVIichol; Adieu, Abigail_ L. Non je ne te quitte pas. (218) DAvló. Reſtez vous dis-je ,ceci n'eſt pas une affaire de_ femme, chaque choſe ſon tems. Je vais combattre, priez Dieu pour moi. SCENE QUATRIEME. MICHOL, ABIGAIL. r.; Rotegez-moi noble fille de Saül; je crois une. telle action digne de votre grand cœur. David encore épouſé une nouvelle femme ce matin. Réu niſſons-nous toutes deux contre nos rivales. MLCHOL." Quoi! ce matin même! l'impudentl &c comment ſe nomme-t-elle? ADIGAÏL. Ale-inouï”. C'eſt une des plus dévergondées Co quines qui ſoient dans toute la race de Jacob. MIcHoL. C'eſt une vilaine race, que cette 1~ace de Jacob; je ſuis fâchée d'en être. lVIais, par Dieu! puiſque mon mari nous traite indignement, je le traiterai de même, je vais de ce pas en épouſer un autre. ABIGAÏL. Allez, allez, Madame, je vous promets bien d'en faire autant, dès que je ſerai mécontente de lui. (219) E. Ma'cï .SCENE CINQUIE ME. MicHoL, ABIGAIL, le Meſſàger EBIUD. EBIUD. Princeſſe, votre Jonathas, ſavez-vousí… MICHoL. Quoi donc, mon Frere_Jonathasëæh.. EBIUD. Eſt condamné mort, dévoué au Seigneur, l'a nathême. AizioAiL. Jonathas qui aimait tant notre mari? MicHoL. Il n'eſt plus! On lui arraché la vie? EB1UD.Ü Non, Madame, il eſt en parfaite ſanté. Le Roi votre pere en marchant au point dujour contre Achis, rencontré un petit corps de Philiſtins; &c comme nous étions dix contre un, nous avons donné deſſus avec courage. Saül, pour augmenter les forces du Soldat qui étoit jeun, ordonné que perſonne ne mangeât de la journée juré qu'il immolerait au Seigneur le premier qui_ déjeuneroit. Jonathas, qui ignoroit cet ordre prudent, trouvé un rayon de miel, &L en avalé la largeur de mon pouce. Saül comme de raiſon, l'a condamné mourir; (*) il ſavoit ce (') Premier des Rois, Chap. i4. __î-í Tm 9,20 qu'il en coûte de manquer ſa parole. L'aventure d'Agag l'effrayoit, il craignoit Samuël. Enfin Jonathas alloitêtre offert en victime; toute l'armée s'eſt ſoule vée contre ce parricide, Jonathas eſt ſauvé, l'armée s'eſt miſe manger boire, &, au lieu‘ de perdre jonathas, nous avons été défaits de Samuël; il eſt: mort d'apoplexie. L. Tant mieux, c'étoit un vilain homme. (j) H. A'ï L.- Dieu ſoit béni! D. Le Roi Saül vient, ſuivi de tous les ſiens; je crois qu'il va tenir conſeil dans cette cheneviere pour ſa voir comment il s'y prendra pour attaquer Achis &c les Philiſtins. SCENE SIXIEME. MICHQL, ABIGAIL, SAUL, BAZAQ Capitaines. .M1cHoL. MOn pere me faudra-t-il trembler tous les jours pour votre vie 9. Pour celle de mes Freres, &c eſſuyer les infidélités de mon mari? SAüL. Votre Frere &c votre mari ſont des rebelles; com ment! manger- du miel un jour de bataille? il eſt bien (f) Le Texte porte ſad dog. 2'21 heureux que l'armée ai-t pris ſon parti; mais votre .mari eſt cent fois plus méchant que lui. Je jure que je le Uaiterai comme Samuël traité Agag'. ‘A '1' (à Mic/aol.) Ah! Madame comme il roule les yeux! comme il grince les dents! fuyons au plus vîte; votre pere eſt fou ou je me trompe. H' L. Il eſt quelquefois poſſédé du Diable. U) SAüL Ma fille, qui eſt cette drôleſſe-là. t.. C'eſt une des femmes de votre gendre David, 'que vous avez autrefois tant aimé. SAüL. Elle eſt alſez jolie; je la prendrai pour moi au ſor tir de la bataille. 'í L. Ah! le méchant homme! On voit bien qu'il eſt ré~ prouvé: M-I L. Mon pere je vois que votre mal vous prend; ſi David était ici, il vous jouerait de la harpe; car vous ſavez que la harpe eſt un ſpécifique contre les vapeurs hypocondrîaques. 'A L. Taiſez-vous vous êtes une ſorte; je ſais mieux que vous ce que j'ai faire. (‘) Premier des Rois, Chap. 16. (Mé). ABXGAÏL. Ah! Madame, comme il eſt méchant! il eſt plus tdi que jamais; retirons-nous au plus vîte; L. C'eſt 'cette malheureuſe boucherie d'Agag qui luia donné des vapeurs; dérobons-nous ſa furie. SC/ENE SEPTIEME; sAUL,BAzA L; MEs Capitaines allez m'attendre. Baza; demeu rez. Vous me voyez dans un mortel embarras; j'ai mes vapeurs, il ſaut aller combattre; nous avons de puiſlans ennemis, ils ſont den-iere la montagne de_ Gelboë. Je voudrais bien ſavoir quelle ſera l'iſſue de la bataille. A. Eh Seigneur! il n'y rien de plus aiſé; n'êtes vous pas Prophete tout comme un_ autre? n'avez-vous pas mêmes des vapeurs qui ſont un véritable avant coureur de Prophétie? SAüL. Il eſt vrai; mais depuis quelque tems le Seigneur ne me répond plus. _le ne ſais ce que j'ai; aS-tu fait venir la Pythoniſlè d'Endor? BAzA. _Ouî, mon maître; mais croyez-vous que le Seigneur lui répondra plutôt qu'à vous? (MS) ._ SAüL. Oui, ſans doute car elle un eſprit de Pythoiii BAzA. Un eſprit de Python! mon maître, quelle eſpece' 'ù L. Ma foi, je n'en ſais rien; mais on dit que c'eſt une femme fort habile. ]'aurois envie de conſulter l'ombre de Samuël. A. Vous feriez bien mieux de vous mettre la tête de 'vos troupes; comment conſulte-t-on une ombre? SAüL. La Pythoniſſe les fait ſortir de la terre; Gc on voit, leur mine, ſi l'on ſera heureux ou malheureux. BAzA; Il perdu l'eſprit. ---- Seigneur, au nom de' Dieu; ne vous amuſez point toutes ces ſottiſes 6E allons' mettre vos troupes en bataille. .- un- ..c Reſte'ici; il Faut abſolument que nous voyions une ombre. Voilà la Pythoniſſe qui arrive. Garde-toi de nie faire reconnaître, elle me. prend pour un Capitaine de mon armée. (.2243 SCENE HUITIEME. SAUL, BAZA, la PYTHONISSE arrivant un Balai entre les jambes. LAPYTHoNIssÊ.. Uel mortel veut arracher les ſecrets du deſtin l'abyme qui les couvre? qui de vous deux s'a dreſſe moi pour connaître l'avenir? -B A‘ en montrant L. C'eſt mon Capitaine. Ne devrais-tu pas le ſavoir, puiſque tu es ſorclere? LA PYTHoNIssECËSaz'ZIſi) ') eſt donc pour vous que je forcerai la nature interrompre le cours de ſes Loix éternelles? Combien me donnerez-vous? t.. Un écu; &c te voilà payée d'avance vieille ſui# ciere. O") LAPYTHoNIssE. Vous en aurez pour votre argent. Les Magíciens de Pharaon n'étaient auprès .de moi que des ignorans. Ils ſe' bornaient changer en ſang les eaux du Nil; je vais en faire davantage. Premiérement je commande au ſoleil de paraître. A; En. plein midi, quel miracle (ïë) OM witch. LA Kaas) LA PYTHONXSSË: Je vois quelque choſe ſur la terre; (*) ii Il., Nieſt-ce pas une ombre? ’ï \LA PYTHoNISSE: 'Oui, une ombre.‘ i.; 'Commeht eſt-elle ſaite? LA PYTHónIssË'; 'Comme une ombre. 'ti L. NÎa-t-elle pas une grande barbe un grand mai? teau? __ LA 'PYTHoNlSsE.‘ Oui, un grand manteau,_ &t une grande barbe; r.; Une barbe blanche? LA PYTHof-XISÊË: Blanche comme de la neige; L; __ .. Juſtement, c'eſt l'ombre de Samuël; elle doit &ou Fair bien) méchant. LAPYTHÔNIsSE; Oh! oñ ne change jamais de caractere elle votis‘_ menace, èlle vous fait des yeux horribles; f) Premier des Rois, Chap. 22;' (’226) 'ù L. Ah! je ſuis perdu. A. Eh Seigneur, pouvez-vous vous amuſer ces faä daiſes? ifentendez-vous pas le ſon des trompettes les Philiſtins approchent. L. k, Allons donc, mais le cœur ne me dit rien de bon. LA PYTHoNIssE. Au moins j'ai ſon argent; mais voilà un ſot Ca pitaine. Fi” du ſecond Acte. ſ', ,. Î’ Α ‘‘ ACTE TROISIEME. SCENE PREMIERE. E9' ſës Capitaine.” D. Aiil donc été tué, mes amis ſon fils Jonathas auſſi! êc je ſuis Roi d'une petite partie du Pays, très-légitimement. n. Oui, Mylord, votre Alteſſe Royale très-bien fait de faire pendre celui qui vous apporté la nou* velle de la mort de Saül; caril n'eſt jamais permis de dire qu'un,Roi eſt mort; (*) Cet acte de juſtice vous (') 2e. des Rois, Chap. Iſ ,_ t'ai? bonciliera tous les eſprits; il fera voir qu'au fon’d ïvôü’s aimicz votre beau-pere, &t que vous êtes un bon homme. DAVID. Oui, mais Safil laiſſe des enfans. I‘sbbzeth, ſon filsŸ regne déjà ſur pluſieurs tribus; comment faire B. Ne vous mettez pas en peine. Je connais .deiutcoí 'quins qui doivent aſſàffiner lsbozeth; s'ils ne, l'ont déjä fait; vous les ferez pendre tous-deux, &t vous régnei rez ſur Judo. &t ſur Iſraël. b. Fort bien; dites-moi un peu voíi'saiitiîes Saft! à-t-il laiſſé beaucoup d'argent? Serai-je bien riche? R: Hélas! nous n'avons pas le ſou; Vous lavez qu'il deux ans, quand Saül fut élu Roi; nous n'avions pas de quoi acheter des armes; il n'y avait que deux làbres dans tout l'Etat; encore étaient-ils tout rouil7 liés. Les Philiſtins, dont nous avons preſque toujours .été eſclaves ne nous laiſſaient ,pas dans nos chau mieres; ſeulement un morceau de fer pour raccom~' ínoder nos charrues; auſſi nos charrues nous ſont fort inutiles dans un maudit Pays pierrcux; hériſſé de' montagnes pelées, où il n'y que quelques oliviers; avec un peu de raifins. U) Nous n'avions pris au .Roi Agag que des bœufs; des chevres &t des mou~' tons, parce que c'était-là tout ce qu'il_avait.d_]c.ne trois pas que nous puiſſions trouver dix écus dans toute la ,Judéei ll quelques uſuriers qui rognení Premier Liv.‘ des Rois, Chap: i3. r_ SE '_ (228) des eſpeces Tyr 8c Damas; mais ils ſe feraient em* paler plutôt que devous prêter un denier; DAVID. s'eſt-on emparé du petit Village de Salem êc de ſon château? B; Oui, Mylord. n. ſen ſuis fâché: cette violence peut décrier notre nouveau gouvernement. Salem appartient de tout tems aux Jébuſéens, avec qui nous ne ſommes point en guer re: c'eſt un lieu ſaint; car Melchiſedec étoit autrefois Roi de ce Villa ge. D. Il n'y point de Melchiſedec qui tienne._ J'en ferai une bonne fortereſſe; je l'appellerai Herufchalaim; ce ſera le lieu de ma réſidence nos enfans ſeront mul tipliés comme le ſable de la mer; &bons régnerons ſur le monde entiere B. Eh! Seigneur, vous n'y penſez pas: cet endroit eſt une eſpece de déſert, où il n'y que des caillouxä deux lieues la ronde; on manque d'eau; ilerſya qu'un petit malheureux torrent de Cedron qui eſtà ſec ſix mois de l'année que n'allons—_nous plutôt ſur Ies grands chemins vers Tyr,— vers Damas, vers Ba bylone? il aurait-là de beaux coups faire. D. Oui, mais tous les Peuples de ces Pays-là ſont puiſ ſans; nous riſquerions de nous faire pendre. Enfin, le Seigneur m'a donné Heruſchalaim, j'y demeurerah.êt j'y louerai le Seigneur. (229) UN MEssAc-Ex, Mylord, deux de vos Serviteurs viennent d'aſſàffi ner Isbozeth qui avait l'inſolence de vouloir ſuccéder ſon pere &t de vous diſputer le trône; on l'a jett.é par les fenêtres il nage dans ſon ſang. Les Tribus qui lui obéiſſaient, ont fait ſerment de vous obéir; &c l'on Vous amene ſa Sœur Michol, votre femme, qui vous avait abandonné, &c qui venait de ſe marier Phal t.iel, fils de Laïs. D-. .On aurait. mieux ſait de la laiſſer avec lui; (j) que veut-on. que.je ſalle de cette bégueule-là? Allez, mon cher ]oab, qu'on l'enſerme. Allez, mes amis, allez ſaiſir tout ce que poſſédait Isbozeth, apportez-le moi, nous partager-ons, Vous, Joab, ne manquez pas de faire pendre ceux qui m'ont délivré dïsbozeth, &c qui m'ont rendu le plus ſignalé ſervice. Marchez tous de vant le Seigneur avec confiance. J'ai ici quelques pe tites affaires un peu preſſées, je vous rejoindrai dans peu de tems, pour rendre tous enſemble. des actions de graces au Dieu desearmées, qui donné la force mon bras, &c qui mis ſous mes pieds. le baſilic &c le dragon. Tous les Capíminer enſemble. ("‘) Houſah, houſah, longue vie David notreñ bon Roi, l'oint du Seigneur, le pere dezſon Peuple. (à un des-ſiens.) Vous, faites entrer Betzabée. (T) 2e. des Rois, Chap. 4-. (') C'eſt le cri de joye de la populace Anglaiſe, les He breux crioient allah lui: ab, 6c par contraction ah. _(230) SCENE SECOND E. ïDAviD,EETzABÊE DAVID. chere Betzabée je ne veux plus aimer que Mvous; vos dents ſont comme un mouton qui fort du lavoir, votre gorge eſt comme une grappe de raifin, votre nez eſt comme la tour du mont Liban; le Royaume que le Seigneur n1'a donné ne vaut pas un de vos embraſlëmens; Michol, Abigail, &c toutes g'nes autres femmes ſont dignes, tout au plus d'être vos Servantes, BETZABÉE, Hélas! Mylord vous en diſiez ce matin autant la kunt; Abiseïlz D. ll eſt vrai; elle peut me plaire quelques momens; mais vous êtes ma maitreſſe de toutes les heures _je vous donnerai des robes des vaches, des chevres des moutons; car pour de l'argent, je n'en ai point en core; mais vous en aurez quand j'en aurai volé dans mes courſes ſur les grands chemins, ſoit vers le Pays des Phéniciens, ſoit vers Damas, ſoitvers Tyr. Qu'a vez-vous, ma chere Bctzabée? vous pleurezl_ E. Hélas! oui, iviyiord'. l_ i). Quelqſſune de mes femmes ou de mes concubines a-t-elle_ oſé vous iualtraiter? (231) BETzAizÉE. ſi Non, DAVID. Etes-vous fâehée de n'avoir pas les pendants d'o reilles d'Abigaïl E. ct' Non. DAVID. Avez-vous des vapeurs? BETzAEÉE. Non. DAVID. Quel eſt donc votre chagrin? BETzABÉE. Mylord, je ſuis groſſe ;mon mari Urie n'a pas cou ché avec moi depuis un mois, &t, s'il Ïapperçoit de ma groſſeſſe, je crains d'être battue. D. Et que ne l'avez-vous fait coucher avec vous? BETzAEÉE. Hélas! j'ai fait ce que j'y ai pu, mais il dit qu'il veut reſter toujours auprès de votre perſonne. Vous ſavez qu'il vous eſt tendrement attaché; c'eſt un des meilleurs Officiers de votre armée; il veille auprès de vous, quand les autres dorment; il ſe met au-devant de vous quand les autres lâchent le pied; s'il fait quel que bon butin il vous Papporte; enfin il vous préfere moi. (232) DAvrD. Voilà une inſuportable chenille; rien n'eſt ſi odieux que ces gens empreflés, qui veulent toujours rendre ſervice ſims en être priés :allez, allez je vous défe rai bientôt de cetimportun. Qu'on me donne une tax ble &c des tablettes pour écrire; ._ .g d. I. BETzABÉE. .Mylordr, pour des tables vous ſavez qu'il n'y en point ici; mais voici mes tablettes avec un poinçon; vous pouvez écrire ſur mon genou. DAVID. Allons, écrivons. ,, Notre amé _Ioab appui de ma z, couronne, &l comme moi Serviteur de Dieu, no ,, tre féal Urie vous rendra cette miffive; (*) mar ,, chez avec lui, ſitôt cette préſente reçue, contre le ,, corps des Philiſtins, qui eſt au bout de la vallée ,, d'Hebron; placez le ſéal Urie au premier rang; ,, abandonnez-le des qu'on aura tiré la premi_ere fle-' ,, che, de façon qu'il ſoit tué par les ennemis; &t s'il ,, n'eſt pas frappé par-devant, ayez ſoin de le faire ,, aſiàſſiner par-derriere le tout pour le bien de l'Etat. j, Ainſi Dieu vous ſoit en aide., Votre bon Roi David. BETzABÉE. Eh, bon Dieu! vous voulez faire tuer mon pauvre mari? p. Ma chere enfant, ce ſont de ces petites ſévérîtés_ auxquelles on eſt quelquefois obligé de fe preter; c'eſt (') 2e. Liv. des_ Rois, Chap. u, 233 un petit mal pour un grand bien, uniquement dans l'intention d'éviter le ſcandale. .BETzAEÉE. Hélas! votre Servante n'a rien repliquer; ſoit fait ſelon votre parole. =~ D. Qu'on m'appelle le. bon homme Urie E. Hélas! que voulez-vous lui dire? pourrai-je ſoute tenir ſa préſence? D. Ne vous troublez pas, n1a bonne. (U entre.) Tenez, mon cher Urie, portez cette Lettre mon Capitaine Joab, ê; méritez toujours les bonnes graces de Point du Seigneur. URIE. J'obéis avec joye àſes commandemens. Mes pieds, mon bras, ma vie ſont. à, ſon ſervice; je voudrais mouæ rit pour lui prouver mon zele. (en Pembraſſanti) Vous ſerez exaucé mon cher Urie. URIE. Adieu, ma chere Betzabée; ſoyez toujours auſſi at tachée que moi notre Maître. BETZAEÉE. C'eſt ce que je fais, mon bon mari. ſi (234) (à Betzabée. Demeurez ici, ma bien-aimée; je ſuis obligé d'aller donner des ordres peu près ſemblables pour le bien du Royaume; je reviens vous dans un moment. 'z E. Non, mon cher amant, je ne vous quitte pas. D. Ah! je veux bien que les femmes ſoient maîtreſſes au lit; mais par-tout ailleurs, je veux qu'elles obéiſſent. Fin du troiſieme Acte. ACTE Q'UATRIEME. SCENE PREMIERE. BETZABÉE. ABIGAIL. iL. Etzabée, Betzabée! c'eſt donc ainſi quevous m'enlevez le cœur de Monſeigneur? BETZABÉE. Vous voyez que je ne vous enleve rien, puiſqu'il me quitte, &t que je ne peux l'arrêter. AarGAiL. Vous ne l'arrêtez que trop, perfide, dans les filets de votre méchanceté. Tout Iſraël dit que vous êtes groſſe de lui. zss,) BETzAEÉE. Eh bien! quand cela ſera-it, Madame, eſt-ce vous _de me le reprocher? n'en avez-vous pas fait autant? B- 'í L. Cela eſt bien 'différent ,, Madame j'ai ?honneur d'être ſon épouſe. B. Voilà un plaiſant mariage! on-ſait que vous avez _empoiſonné Nabal votre mari, pour épouſer David, qui n'était alors que Capitaine. ABIGAÏL. Point de reproches, Madame, s'il vous plaît; vous en feriez bien autant du bon homme Urie pour être Reine; mais ſachez que je vais .tout lui découvrir, B_ E. T' E, Je vous en défie. ABIGAÏL. (Teſt-à-dire que la choſe eſt déjà faite. E. ,, Quoiqo'il en ſoit, je ſerai votre Reine, &je vous apprendrai me reſpecter. L. Moi, vous reſpecter Madame? E. Oui, Madame. (236) ABIGAÏL. Ah! Madame, la Judée produira ela-froment au lieu de ſeigle, .&E on aura des chevaux au~lieu d.'â.,nes pour monture, avant que je ſois réduite cette ignominie. Il appartient bien une femme comme vous, de faire Fimpertinente avec moi, ‘BETZABÉE, Si je m'en croyais, une paire de ſoufflets…. 'i L. Ne vous en aviſez pas, Madame; j'ai le bras bon, je vous roſſerais d'une maniere…. SCENE DEUXIEME; DAVID, BETZABÉE, ABIGAIL. DAVID. .Aix là donc, paix là, étes-vous folles, vous au tres? il eſt bien queſtion de vous quereller, quand l'horreur des horreurs eſt ſur ma maiſon. E. Quoi donc, mon cher amant? Qu'eſt-il arrivé? AEIGAÏLÎ' Mon cher mari, a-t-il quelque nouveau malheur? D. Voilà,t-il pas que mon fils Ammon, que vous con naiſſez, (*) s'eſt aviſé de violer ſa Soeur Thamar &Z (') 2e. Liv. des Rois, Chap. i3.. (i237) l'a enſuite chaſſée de ſa chambre grands coups de pieds dans le cu. 'i L. Quoi donc, n'eſt-ce que cela? Je croyais, votre a1r effaré, qu onpvous avait volé votre argent. DAVID. Ce n'eſt pas tout; mon autre fils, Abſalon, quand il vu cette tracaſſeríe s'eſt mis tuer mon fils Am mon; je me ſuis fâché contre mon fils Abſalon; il s'eſt révolté contre moi, m'a chaſſé de ma Ville de Hé ruſchalaim, &c me voilà ſur le pavé. Ê'. Oh! ce ſont des choſes ſérieuſes, cela. L. La vilaine famille que la famille de David? Tu n'as donc plus rien', brigand? ton fils eſt oint ta place! DAVID; Hélas! oui; &c pour preuve qu'il eſt oint, (i) il couché ſur la terraſſe du fort avec routes mes femmes l'une après l'autre. ‘ABIGA'I'L.. ciel! que n'étais-je là! J'aurais bien mieux aimé coucher avec ton fils Abſalon qu'avec toi, vilain vo leur que j'abandonne.à jamais;’(’ſ²ſ) il des cheveuic qui lui vont juſqu'à la ceinture, &tdont il vend des rognures pour deux cens écus par an, au moins. Il eſſó Eëſ) 2e. Liv. des Rois, Chap- 16; n) 2e. .Lu/- des Rois, Chap. 14,.- (W8)_ jeune, il eſt aimable, tu_n'es qu'un barbare ‘d‘ébauï ché, qui te moques de Dieu des hommes &c des femmes; va, je renonce déſormais toi, &c je me donne .à ton fils Abſalon, ou au premier Philiſtin que 5. je rencontreral. Bctzalæäe, en lui faiſant la révérence.) Adieu, Madame. (elle ſàrt.) 1s E. Votre Servante, Madame; q.. ï. SCÈNE TROISIE ME… DAv1D,BETzABEÉ D. Oilà donc cette Abigail que j'avais crue ſi douce! Ah! qui compte ſur _une femme, com te ſur le' vent. Et vous, ma chere Betzabée m'aba'nd)onnerez vous auſli? E. Hélas! c'eſt ainſi que finiſſent tous les mariages de cette eſpece; que voulez-vous que je devienne, ſi vo tre fils Abſalon regne &c ſi Urie mon mari ſait que vous avez voulu l'aſläſliner vous voilà perdu' ô‘t moi auſli. D;_ Ne craignez rien, Urie eſt dépêché; mon amiJoalâ eſt expéditif. E; Quoi! mon pauvre mari eſt done aflïtſliné! .. 239 e) IF D'. Oui,’ ma chere bonne. .BETZABÉES .' THE, hi, hi, ah, oh, hi, hi,—oh,'ahz DAVID; Quoi! vous pleurez le bon homme? E. Je ne peux m'en empêcffer. D. La ſotte choſe que les femmes! Elles ſouhaitent la mort de -leurs maris elles la demandent &c, quand elles l'ont obtenue, ellesſe mettent pleurer. BETzAEÉE; Pardonnez cet‘te petite cérémonie. SCENE QUAI_TRIE ME. DAVID; BETZ'ABBE, JOAB. D. bien, Joab', en quel état ſont les choſes? qu'eſÈ devenu ce coquin d'Abſalon? 1è. ſſ Par Sabaoth, je 'l‘ai envoyé avec Urie; je l'ai trouvé qui pendait un arbre par les cheveux, &je l'ai bra vement percé de trois dardsd ‘( 2465 a~ D. Àh Abſalon, mon fils Abſalon! hi, hi; oh, oh, m, hi_ E. Voilà-t-il pas que vous pleurez votre fils comme j'ai pleuré mon mari. Chacun ſa faibleſſe. DAVID. On ne peut dompter tout-à-fait la nature ,x quelque Juif qu'on ſoit. Mais cela paſſe; &c le_ train des af faires emporte bien vîte ailleurs; SCENE CINQUIEME. DAVID, BETZABÈE, JOAB,'le Prophet? NATHAN. BETzABÉE. H! voilàiNathan le e'ayant, Dieu me pardonne, que vient-il faire ici? ir N; Sire écoutez jugez. Il avait un riche qui poſ ſédait cent brebis, &c il avait un pauvre qui n'en poſſédait qu'une; le riche pris ſa brebis, &L tué le pauvre; que faut-il faire du riche? DAVID. Certainement, il faut qu'il rende quatre brebis: NATHAN. Sire, vous êtes le riche Urie était le pauvre, 8: Betzabée eſt la brebis. ET 241 ') BETZABÉI. .Moi,brebis! DAVID. 'Ah! j'ai péché, j'ai péché, j'ai péché. N. Bon; puiſque vous l'avouez, le Seigneur trans-ë _ſeré 'votre péché. (j) C'eſt bien aſſez qu'Abſalon ait couché avec toutes vos femmes. Epouſez la belle Betzabée; un des fils que vous aurez d'elle, régnera ſur tout Iſraë1. (*) Je le nommerai aimable, 6c les enſans des femmes légitimes &c honnêtes ſeront mai? ſacrés. E. Par Adonai! tu es un charmant Prophete viens çà, que je t'embraſſe. D. Eh! là là doucement. Qu'on donne boire au Pro phete. Réjouiſſons-nous, nous autres: allons, puiſque tout va bien, je veux faire des chanſons gailllardes; qu'on me donne ma harpe. (Il ſi: me: jouer de la harpe chante.) Chers Hébreux, par le ciel envoyés, (fi) Dans le ſang vous baignerez vos pieds; Et vos chiens s'engraiſſeront De ce ſang qu'ils lécheront. Ayez ſoin mes chers amis De prendre tous les petits, (j) 2e. des Rois, Chap. x2. () 2e. des Rois, Chap. 12 81:17. (TT) Ut intingatui' pes mus. in anguíne, lingua canum tuo rurn ex inimicis ab Ipſo. Pſeaume 63 verſetós. (D42) Encor la .mammelle~; (*)' Vous écraſïerez leur ceivelle Contre le mur de l'infidelle; Et vos chiens s'engraiſſeront De ce ſang qu'ils lécheront. E. Sont-ce là vos chanſons gaillardes? (en chantant E? en danſant.) Et vos chiens ÿengraiſſeront De ce ſang qu'ils lécheront. E. Finiſſei donc vos airs de corps-de-garde, cela eſt abominable ,il n'ya point de Sauvage qui vou] chan ter de telles horreurs. (H) Les bouchers~des Peuples de Gog &c de Magog en auraient honte. D, toujours ſautant; Et les chiens ÿengraiſſeronr. De ce ſang qu'ils écheront. BETzAEÉE. Je m'en vais ſi vous continuez chanter ainſi 6c ſauter comme un ivrogne. Vous montrez tout ce que vous portez. Fi, quelles mameres! D. Je danſeraí, oui, je danſerai, je ſerai encore plus (') Beatus qui tenebit 6c allidet parvulos tuos ad petram. Pſèaume 136. verſet x2. (TT) Ceſt cette occaſion que l'Auteur appelle David. Thx Nera nf th] 3156m” Page 87, ___.—__‘ .C à43 mépriſable, (V) je danſerai devant des Servaiites, je montreiai tout ce que je porte, 8c ce me ſera gloire devant les filles. JoAB; préſent qüevous avez bien danſé, il Faudrait ,mettre ordre' vos affaires. DAvIb. Oui ,- vous avez raiſon, il tems pour tout, reà tournons Héruſchalaim. ]oAE-. Vous aurez toujours la guerre ä. il faut avoir quel; qu'argent en réſerve,- &c ſavoir combien vous avez de Sujets qui puiſſent marcher en campagne; &c combien il, en reſtera pour la culture des terres. DAVID. Le conſeil eſt très-ſenſé fAllons, Betzabée', allons, allons régner, nſamour, (Il danſé C5' chante.) Et les chiens ÿengraiſſèront De ce ſang qu'ils lécheront. ("ÿ 2e. des Rois, Chap. 6. Fin du quatríeiize Aäes Q2’ (244) ACTE CINQUIÈME. SCENE PREMIERE. D, aſſis (levant une table, ſés Officiers autour de lui. DAVID. Ix cens quatre-vingtquatorze Schelings Gc demi, d'une part, &L de l'autre cent treize È( un quart, font huit cens ſept Schelings &c trois quarts. C'eſt donc tout ce qu'on trouvé dans mon tréſor? Par Sabaoth, il n'y pas là de quoi payer une jour née mes gens. Un Clerc de la réſbrerie.. Mylord, le tems eſt dur. D. Et vous encore davantage; il me faut de l'argentï entendez-vous JOÀB. Mylord votre Alteſſe Royale eſt volée comme tous les autres Rois. Les gens de l'échiquier, les four nifleurs de l'armée pillent tout. Ils font bonne chere nos dépens &t le Soldat meurt de faim. DAVID. Je les ferai ſcier en deux. En effet, aujourd'hui nous avons fait la plus mauvaiſe chere du monde. 245 )' JOAB. Cela n'empêche pas que ces fi-ipons-là ne vous comp tent tous les jours pour votre table, trente bœufs gras cent moutons gras (*) autant de cerfs, de che vreuils de bœufs ſauvages ï&t de— chapons trente tonneaux de fleur de farine, ſoixante tonneaux de ſay rine'ordinaire. i_ D… Arrêtez donc; vous voulez rire! il aurait là de quoi nourrir ſix_ mois toute la Cour du Roi'd'Alſyrie, 6c toute celle du Roi des lndes. B. Rien n'eſt pourtant plus vrai, car cela eſt écritdans vos livres. DAVID. Quoi! tandis que je n'ai pas de quoi payermon boucher! o. E. C'eſt qu'on vole votre Alteſſe Royale comme j'ai ou l'honneur de le lui dire. DAVID. Combien crois-tu donc que je doive avoir d'argent comptant? B. Mylord vos livres ſont ſoi que vous avez cent huit mille talents d'or, (H) deux millions vingt-quatre mille talents d'argent, &t dix mille dragmes or ce -) 2e. des Rois, Chap. 4. fi) Paralipomenes, Chap. 29. verſets 6c 7. <2 (246) qui fait juſte, au plus bas prix du change, un milliar, trois cens vingt millions, cinquante mille livres ſter lings. D; Tu es fou je penſe. Toute la terre ne pourrait fournir .le quart de ces richeſſes; comment veux-tu que j'aye amaſſé ce tréſor dans un auſſi petit Pays, qui n'a jamais fait le moindre commerce? je n'en ſais rien, je ne ſuis .pas Financier, D, Vous ne me dites que des ſottiſes tous tant que vous étes. Je ſaurai mon compte avant qu'il ſoit peu. Et yggs, Yézer, a-t-on fait le dénombrement du Peuple? .YÉzEm Oui, Mylord. C!) Vous avez onze cent mille hom». mes d'Iſraël ê; quatre. cens ſoixante &c dix mille de juda, dÏ-;nrêlés pour marcher contrevosennemis, DAvlD. Comment! J'aurais quinze cens ſoixante &E dix mille 'hommes ſous les armes! cela eſt difficile dans ,un Pays qui juſqu'à préſent n'a pu nourrir trente mille ames. Ace compte en prenant, un Soldat par dix perſon nes cela ferait quinze .millions ſix cens ſoixante &t dix mille Sujets dans mon empire! Çelui de Babylone n'en aipas tant. i3.' C'eſt-là lc miracle. f) Paralipomenes, Chap. 21. v. 5. (247) DAVID. Ah! que de balivetnesi je veux ſavoir abſhlument combien ÿaide Sujets. On ne m'en fera pas accroire :, je ne penſe pas que nous' ſoyonstrente mille. Un Officier. Voilà votre Chapelain ordinaire le révérend Doc-’ teur Gad qui vient parler de la part du Seigneur votre Alteſſe Royale. DAVXD. On ne peut pasprendre plus mal ſon tems, mais qu'il entre. _SCENE SECONDE, Les Perſêinnages précéder”, le' Proplaete ÇAD, T3 D. Vl"D. ‘i QUe me voulez-vous, Docteur Gad? ï". D? …... _ï Je viens vous dire que vous avez commis un grand péché; DAVID… Comment, &c en quoi, .s'il vous plaît? G' D. En faiſant faire le dénombrement du Peuple, r. D. Que veux-tu dire, fou que tu es? n-t-il une opé ration plus ſage &c plus utile que de ſavoir le nom Q4 248 bre de ſes Sujets? un .berger n'eſt-il pas obligé de ſa voir le qompte de ſes moutons? __ GAD. Tout cela eſt bel &t bon (j) mais Dieu vous donne choiſir, de la famine, de la guerre, ou de la eſte. DAVID. Prophete de malheur! Je veux au moins que tu puiſſes être puni de ta belle miflion. J'aurais beau faire choix de la famine, vous autres Prêtres vous faites _toujours bonne chere. Si je prends _la guerre vous n'y allez point. Je choiſis la peſte; j'eſpere que tu l'auras, &c que tu créveras comme tu le mérites. GAD. Dieu ſoit beni. (*) (Il s'en 22a en criant: la peſte, la peſte; E5' tout le monde crie dehors la peſte, la peſte.)

  • Joli B.

Je ne comprends rien _tout cela comment la peſte, pour avoir fait .ſon compte! SCENE TROISIEME. Les Perſbnnages précède/Ts. N. B' E. EH! Mylord, il faut que vous ayiez' le Diable au corps, pour choiſir la peſte. (H) Il eſt mort ſur (T) 2e. liv. des Rois, Chap; 24. (') Il dans l'original, P0x,Pox. (TT) 2e. Liv. [des Rois, Chap. 24. C249). le champ ſoixante dix mille perſonnes. Je crois que j'ai déjà le charbon; je tremble pour moi, &t mon fils Sa' lomon que je.vous amene. DAVID. _í_Ï J'ai pis que le charbon; je ſuis las de tout ceci. Il faut donc que j'aye plus de peſtiférés que de Sujets; Ecoutez. Je deviens vieux; vous n'êtes plus belle; j'ai tonjoursfroid a'ux pieds; il me faudrait _une .fille de quinze ans pour me réchauffer. Jo Aziz. 1,' Parbleu! Mylord, j'en connois une qui ſera votre fait; elle s'appelle Abiſag, de Sunam. DAVID. Qu'on me l'amene ,_ qu'on me Pamene, qu'elle m'é chauffe. E. En vérité, vous êtes unvilain débauche; fi! votre âge, que voulez-vous faire d'une petite fille? B. .. Mylord, la voilà qui vient, je vous la préſente. D. Viens çà, petite fille, me récliauffeiaS-tu bien? G. Oui-da, Mylord, j'en ai bien réchauffé d'autres, BET'zABÉE. Voilà donc comme tu m'abandonnes! tu ne m'ai mesplus! Et que deviendra mon fils Salomon, qui tu avais promis ton héritage? ('r-So) ÜAVIDO Oh! je tiendrai ma parole; c'eſt un petit garçon qui eſt tout-a-fait ſelonmon cœur. Il aime déjà les femmes comme un fou. Approche petit drôle que je t'embraſſe. Je te fais Roi, entends-tu? SALOMoN. Mylord j'aime bien mieux apprendre régner ſous vous. DAVID. Voilà une jolie réponſe. Je ſuis très-content de lui. Va, fu régneras bientôt, mon enfant; car je ſens que je m'affaiblis. Les femmes ont ruiné ma ſanté; mais .tu auras encore un plus beau ſerrail que moi. ï/ N. J'eſpere m'en tirer mon honneur. E… ?ne mon fils d'eſprir! Je voudrais qu'il fût déjà .ſur trône. SCENE QÜATRIEME. AD ONIAS E9” les Perſhnmzges précédens. AÀDONIAs. MOn Pere, je viens me jetter vos pieds. _D A'v D. Ce garçomlà ne m'a jamais plu. (251) ADoNIAS. Mon pere, j'ai deux gmces vous demander. La premiere c'eſt de vouloir bien me nommer votre Suc ceſſeur, atcendu que je ſuis le fils d'une Princeſſe, êc que Salomon eſt le fils d'une Bourgeoiſe adultere, auquel il n'eſt dû par la loi qu'une penſion alimentaire tout au plus. Ne violez pas en ſa faveur les loíx de toutes les Nations. BETZABÉE. Ce petit ourfin-là mériteroit bien qu'on le jettâ; par les fenêtres. v’1 D. Vous avez miſoTio'*"Et quelle eſt l'autre gmce que tu veux, petit miſérable? A-DoNXAS. Mylord, c'eſt la jeune Abiſag de Sung-im, qui ne vous ſert rien; (*-) je l'aime éperduement, 6c je vous prie de me la donner par teſtament. DAVID. Ce coquin-là me fera momir de chagrin; je ſens que je m'affaiblis, je n'en peux plus; réchauffe-moi un peu, Abiſag. Im' _prenant les mains.) J'y fais ce que je peux; mais vous êtes froid comme de la glace. D. Je ſens‘que je me meurs. Qu'on me mette .ſur un liç de repos.. (f) Liv. 3. des Rois, Chapſ i’er. d. 252 (ſe jezranz /ès pieds.) Roi! vivez long-tems. BETZABÊE.

  • Puiflë-t-il mourir tout-à-l'heure, le vilain ladre 6C

nous laiſſer régner en paix! DAVID. _Ma derniere heure approche :, il faut faire mon teſ tament, 8c pardonner en bon Juif tous mes ennemis. Salomon, je vous fais Roi Juif. Souvenez-vous d'ê tre clément &t doux; ne manquez pas, dès que j'aurai les yeux fermés_ daſlîtfliner mon fils Adonias, quand même il embraſlèrait les cornes de l'autel. (*) SALoMoN. Quelle ſageſſe! quelle bonté d'ame! mon pere, je n'y manquerai pas, ſur ma parole. DAVID. Voyez-vous ce Joab qui m'a ſervi dans mes guer res &c qui je dois ma couronne? (j) Je vous prie, au nom du Seigneur, de le faire aflaſſiner aufli; car il mis du ſang dans ſes ſouliers. B. Comment, monſtre! je Ïétranglerai de mes mains: va va, je ferai bien caſſer ton teſtament; &c ton Sa lomon verra quel homme je ſuis. (') Salomon fit aſſaſtilter' Adoniah ſon fiere. !ſide L. 3. des Rois, Çhap. 3. (T) LW- 3_ des Rois. Chap._2e. 253 SALOMoN. Eſt-ce tout, mon cher pere? n'avez-vous plus per ſonne expédier? D. '_ p) j'ai la mémoire mauvaiſe attendez. (j) Il en— cor un certain Sémeï, qui me dit autrefois des ſottí ſes. Nous nous racommodâmes je lui jurai par le Dieu vivant que je lui pardonnerais; il m'a très-bien ſervi, il eſt mon Conſeiller-privé vous êtes ſage; ne man quez pas de le faire tuer en traître. SALoMoN. Votre volonté ſera exécutée, mon chePpere. D. Va, tu_ ſeras le plus ſage des Rois, &t le Seigneur donnera mille femmes pour récompenſe. Je meurs: que je t'embraſſe encore. Adieu. _BETzABÉL Dieu merci, nous en voilà défaite. Un Officier. Allons vîte enterrer notre bon Roi David. ou: enſemble. Notre bon,Roi David le modele des, Princes, l'homme ſelon le cœurdu Seigneur. (H) (T) Liv. 3. des Rois, Chap. 2. (T1) The m” #fier Inf: m» bean. 254 o. Que deviendrai‘-je, moi, qui réchaufferai-je? N. Viens ça, viens ça; tu ſeras plus contente de moi; que de mon bon-homme de pere. FIN.

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