Le Latin mystique  

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De Gourmont also began a literary alliance with Joris-Karl Huysmans, to whom he dedicated his prose work le Latin mystique ("Mystical Latin").

Full text

Titre : Le latin mystique, les poètes de l'antiphonaire et la symbolique au moyen âge, miniature de Filiger / par Remy de Gourmont ; préface de J.-K. Huysmans ; miniature de Filiger

Auteur : Gourmont, Remy de (1858-1915). Auteur du texte

Éditeur : (Paris)

Date d'édition : 1892

Contributeur : Huysmans, Joris-Karl (1848-1907). Préfacier

Contributeur : Filiger, Charles (1863-1928). Illustrateur

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30529189p

Type : monographie imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : 1 vol. (XVI-378 p.) ; 26 cm

Format : Nombre total de vues : 398

Description : Appartient à l’ensemble documentaire : GTextes1

Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k55759246

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-YC-409

Provenance : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/06/2009

Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 93%. LE

LATIN

MYSTIQUE

MDGGGL^XXXII

LE LATIN MYSTIQUE

TIRAGE I)K L'ÉDITION DES SOUSGIUPTEUHS

j 1 ox. sur Wlmtman.

i

J i _. _ Van Gelder.

\ 2 — — Vergé des Vosges a la forme.

| 1 — — Japon pourpre cardinalice.

j 9 — — Japon violet'évoque.

I 10 — — Hollande.

190 — — Papier teinté.

220 exemplaires numérotés et signés par l'auteur,

LE LATIN MYSTIQVE . LES POÈTES DE L'ANTIPHONAIRE ET LA SYMBOLIQVE AY MOYEN AGE . PAR REMY DE GOVRMONT. PRÉFACE DE J. K. HVYSMANS. MINIATVRE DE FILIGER.

A PARIS ÉDITION DV « MERCVRE DE FRANCE »

ET SU V.KND CHEZ LKON VANIKR, LHJ1ÎA1HK

XIX, QVAI SAINT-MICHEL

M DCCC L XXXX II

PRÉFACE

Il parait quo lu jcunosso littérairo doviont mystique Ce bruit courut récemment dans Paris et do sagaces reporters s'empressèrent de nous annoncer cotto étonnanto aubaine.

Kilo nous fut conflrméo par d'importants témoins. A cette occasion, quelques icoglans échappés des haras do l'ficole Normalo où l'on n'avait mémo pas ou la peine do los hongrer, intervinrent pour expliquor lo néo-christianismo aux foules. L'un d'eux, uno sorto do suisse, du nom do Desjardins, constata la gestation aérienne de la jeunesse et dans un opuscule intitulé « Lo Devoir présent » il prêcha l'idéalisme gai ot prétendit apporter aux Ames ondolories un réconfort.

D'autre part, diverses revues se fondèrent pour proclamer la nécessité d'être mystique. Co fut alors une pluie do choses pieuses. Les poètes lâchèrent Vénus pour la Vieigo et ils traitèrent les Bienheureuses comme des Nymphes. Aux Déités du Paganisme si longtemps choyées par le Parnasse, on substitua Sainte Madeleine ; les autres Saintes furent épargnées, la science hagiographique des débutants étant à peu près nulle ; JfliîîBjjjtateMentèrent des hymnes laïques en l'honneur de la MirtMBBterinnovations enfantines surgirent; l'on s'empara des formes liturgiques pour les appliquer aux passions humaines et l'on rabaissa jusqu'au niveau des cuvettes ces bas pastiches. Enfin une pratique du Midi se déclara tout à la fois mage et mystique, mais nous entrons avec elle sur les territoires du Satanisme. Bornons-nous donc à constater que ses boniments servirent aux journaux à étayer leur opinion que l'art aiguillait décidément sur des stations religieuses à destination du Ciel.

MU t LK LATIN MYSllOl'i:

Toutes ces fariboles seraient, en somme, demeurées stériles, sans intérêt pour les gens qui s'occupent do la santé d'un temps, si le (lient ro no s'en était mêlé. Alors lo Mufllisme l'usa, s'épanouit en gerbe. M. Darzens commit une- « Amanto du Christ. » M. llaraucourt versilla je no sais plus quoi qui fut débité dans un cirque ; enlln M. (iruiulmougin «Ha plus loin ; il atteignit lo pursacrilègo en mettant lo Golgotha sur la scène et il trouva sans trop do peine, jo pense, un cabot qui osa représenter le Christ !

Ces gens s'imaginèrent sans doulo que la Passion était un sujet commo un autre; et, désireux d'enlever un succès, ils ramassèrent la boue des théâtres cl ils en barbouillèrent la patienlo Face.

Ce ne fut pas tout encore ; des entreprises do marionnettes et d'ombres chinoises sévirent et Ton vit, pour célébrer la Noël, des guignols qui sautaient autour d'un poupon de bois allaité par une pantinc.

Du coup, le publie fut résolument convaincu que les tendances de l'art étaient mystiques.

Kn eût-il douté que la peinture l'eût raffermi dans celte croyance. L'an dernier, M. Béraud peignit Jésus dans une salle à manger, assis au milieu de banquiers juifs. Les cigarettes étaient allumées et le café servi. A plat ventre, une fille s'hystérlsail sur les pieds du Christ. Dans la pensée du peintre, cette drôlesse représentait Sainte Madeleine. C'était, comme on le voit, d'un goût capiteux et u un tact sûr. Encouragé par l'abjection du public qui vanta cette toile, ce même individu peigaitrCéUe'année, un crucifiement à Montmartre. Lâchant lo ghetto pour la bibine, il modela un Christ en bougie qu'il fi^MélapbCT de son moule par des voyous.

De son côté, un autre peintre du nom de Blanche installa le Rédempteur dans un peignoir japonais, au milieu d'apôtres en redingotes. Représenté, après l'apéritif, je pense, au moment du repas, le Sauveur regarde les convives et rompt le pain. M. Blanche a sans doute voulu rajeunir la scène de la Paque,

MKFACK IX

la mcltro h la portéo des gens du monde. Il y a réussi et jono doulo pas quocoux-ei no halètent (lovant son oeuvra.

En faco d'aussi piètros attentai*, il n'y a pas lion do s'indignor, jo crois; il suffit do hausser les épaules; serait-on compris d'aillours si l'on déclarait quo ces torchons do couleur no sont quo do pénibles blasphèmos? laissons-los donc, mais constatons quo ces exhibitions ont, uno*fois do plus, aidé lo public h so convaincre quo décidément la piété était en hausse

Aussi quolques feuilles libres penseuses s'émurent et déplorèrent cet état d'amo. Ah! qu'elles so rassurent 1 — A colto question : l'art scra-t-il maintenant mystiquo?l'on peut répondro avec corlitudo : non 1

Et la raison eu ost bien simple.

C'est que l'on no fait pas do la mystique comme on fait du roman naturaliste, idéaliste ou psychologue. Il no suffit point d'être instruit, d'èlro ingénieux, do s'assimiler plus ou moins bien les oeuvres des autres; il no suffirait mémo pas d'être un grand, d'èlro un initial artiste; il faut d'abord et avant tout, avoir la Foi; il faut ensuite la cultiver dans une vie propre.

Sans user ici de définitions purement théologiques, l'on peut dire do la Mystique qu'ello est l'àmo et qu'elle est l'art de l'Église môme. Or, elle appartient au catholicisme et elle est à lui seul. Il ne faut pas, en effet, confondre lo vague à l'âme, ou ce qu'on appelle l'idéalismo et le spiritualisme, ou même encore lo déisme, c'est-à-dire de confuses postulations Yers l'inconnu, vers un au-delà plus ou moins trouble, voire même vers une puissance plus ou moins occulie, avec la Mystique qui sait ce qu'elle veut et où elle va, qui cherche à étreindre un Dieu qu'elle connaît et qu'elle précise, qui veut s'abîmer en Lui, tandis que Lui-même s'épand en elle.

La Mystique a donc une acception délimitée et un but net, et elle n'a aucun rapport avec les élancements plus ou moins littéraires dont on nous parle; c'est elle qui a produit les plus

LA.T. MYST. ' &

X LK LATIN MYSTIQl'K

grandes oeuvres qui oient jamais existé, les tableaux des Primitifs dans la peinturo; los oeuvres do saint Bernard, de saint Bonaventuro, do saint Thomas d'Aquin, do saint Jean do la Croix, do sainto Térèso, d'Augèlo do Foligno, do Uuysbrocck^et do combien d'autres ! dans les poésies et dans les proses ; c'est ello qui a créé lo plaiu-chant, dans la musique ; lo roman et fogothiquo, dans l'architecture.

Lo don do la graco qui est indisponsablo pour enfanter uno oeuvro mystique semble maintenant refusé aux artistes do co salo temps. Uno seulo fois, à un certain moment do sa vie, après uno criso d'amo, co don magnifiquo fut dévolu à un poèto alors repentant, à Paul Verlaine. 11 nous valut l'admirable livre qu'est « Sagesse »

A nul autro do ma connaissanco, uno tcllo faveur no fut cédée, mais il convient do lo dire aussi, poui quo lo Très-Haut la dispense celto faveur, encore faut-il qu'il trouvo une ame simple et qui croit et qui la veuille et qui no soit point délayée et louto en bouc. Or, quo sont les quelques-uns qui parlent aujourd'hui do la Mystique ou qui s'imaginent la posséder en art? 60 sont des gens fort occupés à brasser des filles, à tapoter des absinthes et à lamper des bocks; co sont des gens qui no vivent môme pas à l'écart d'une société infâme, qui subissent les honteuses promiscuités des lettres; co sont des gens qui n'ont pas compris surtout que tant qu'une femme reste dans votre Yie, aucune mystique n'est possible, que pour se rapproprier, il importe de se libérer du servage encombrant des chairs et de vivre, dans la prière, seul.

Il est donc évident que, pour qu'un artiste fasse un volume mystique,-un volume blanc, il faut tout d'abord qu'il possède ou qu'il ait retrouvé la Foi, et, pour qu'elle jaillisse hors de lui, dans une oeuvre, il est nécessaire qu'il répudie cette vaine existence que nous menons, tous, dans les lettres. A défaut de couvent, de refuge, il est indispensable de vivre dans les églises, à ces heures solitaires où des femmes prostrées demandent au Seigneur l'apaisement de leurs maux.

I1IÉPACK XI

11 importo do rononcer au véhiculo des péchés, à l'alcool, do so cogner avec sa chair et de la mater. Il sied enfin do so confesser, do s'approcher des Sacrements ot puis... et puis... il faut encoro quo lo Christ veuille bien répondro au désir do l'amo qui l'appello, il faut bien des choses, il en faut tant quo los journaux libres-penseurs peuvent dormir en paix! Ils no rencontreront pas d'artistes qui aient lo courago, même en so rendant compto do l'inanité do leurs passions et do l'absurdité do leur vie, do se renverser do fond en comble, do so renoncer, do vivre en plein Paris, dans lours cellules, commo des moines.

La littératuro mystique n'a donc aucuno chance d'écloro ; saint Jean do la Croix, Ruysbroeck rostent jusqu'à nouvel ordre sans génituro. Lo mouvement quo des pions do l'École Normale et quo des feuilles ont annoncé est donc, en somme, nul. 11 so trouvera peut-êlro do vagues dilettantes, quelques sceptiques qui rideront, en littérature, autour des choses pieuses et les saliront en y touchant, et co sera tout; il en sera de mémo pour les autres arts ; on découvrira-, comme à l'exposition des Rose-Croix, dos peintres qui choisiront l'article religieux, s'il est en vogue, et dessinerout des personnages frustes qu'ils cercleront avec du fil de fer, après les avoirs remplis do couleurs crues. Ce seront do froides singeries., de faux décalques des Primitifs ; ce sera tout ce que l'on voudra, sauf l'oeuvre de peintres originaux et croyants ; tout cela n'aura rien à voir avec la Mystique dont on invoquera, une fois de plus, lo nom.

Mes espoirs en une jeunesse littéraire qui serait mystique et qui nous sauverait au moins de l'implacable sottise de celle qui ne l'est point, sont donc bien peu vivaces, mais, on doit le déclarer aussi, l'Église qui devrait ensemencer les Ames arables se désintéresse de ces cultures; elle se détourne des tlores rares, ne prépare, ni n'aide les vocations en art. Elle encourage tout juste les oeuvres d'érudition, ne se préoccupe même pas des livres qui éclaireraient au

XII LK LATIN MYSTIQIK

moins uno parlio do la question, on étudiant les originos do la languo mystiquo, on montrant la succession ininterrompue des écrivains qui la créeront (l). Si nous motions do coté la substantiollo histoiro do la littératuro au moyen Ago d'Eberl, les fermes études sur les hymnes du Bréviaire romain do l'abbé Pimont, quelques parties tout à la fois fados et sèchos des Institutions Liturgiques du savant Dom Guémigcr, corlaines monographies d'écrivains pieux, certainos études spéciales d'Ozanam, do Léon Gautier, etc. et uno terno et mollo histoire do la poésio chrétienno do Félix Clément, paruo, autrefois, chezGaumo, nousn'aporcovons,en Franco, du moins, sur lo latin mystiquo, aucun livro qui nous permetto do lo suivro dans sa marcho et do lo voir so profiler dans son ensemble

Encore, ces ouvrages sont-ils, pour la plupart, volumineux et gastralgiques, de mastication difficilo et do rasado lourde. Co qui manquait, c'était uno étudo alerto et condensée qui no fût pas rédigéo par d'affreux cuistres ; et rien n'était plus malaisé à fuiro quo celte étude; outre, en effet, qu'il s'agissait surtout de trier des textes et do les enrober dans lo coulis d'une savoureuse et brèvo glose, il fallait aussi êtro singulièrement détaché des préjugés universitaires pour so dédiera uno semblable tâche. Il fallait encore sentir l'Ame du latin même, so convaincre de cetto vérité quo cet idiome qui fut, pendant tant de siècles, un idiome de servitude terrestre et d'esclavage sensuel, se mourait, avachi par les gaudrioles du Paganisme, exténué par les mesquines emphases de ses rhéteurs, lorsqu'au pied de la croix des Saints le recueillirent.

Il pela entre leurs mains et changea de peau. 11 abandonna l'immobile indigence de sa syntaxe, agrandit les sentiers de son lexique, usa do tournures nouvelles, d'armatures neuves,

(I) 11 faut dire, à la décharge de l'Église, que le parti catholique est inégalablement hostile h la science et bouche à l'art. Il y a quelques années, parut une Revue « Les Lettres Chrétiennes » qui contint des études vraiment remarquables sur l'archéologio, sur le latin religieux, Bur tout le moyen âge. Elle est morte, faute de lecteurs!

l'RÊFACK Xlll

parvint à foror les tréfonds do<» Ames, à rondro ces sonliments quo fit écloro la vonuo du Christ : les adorations et los puretés, los contritions et los transos.

Cotto langue qui sentait lo cautcro et la roso s'arrêta do puer ; lo christianisme la désinfecta, fit repousser sos chairs, aviva leur pâleur d'anémone avec l'orfroi des chapes.

La languo latino pavléo uu moyen Age, est assez dédaigneusement désignée sous lo nom do latin do cuisine. 11 est bien évident quo lo vocabulaire populacier est sans gloire, mais encoro no sied-il pas do lo rebuter, puisquo do nombreux mots français y cherchèrent leur origine. On no saurait, assurément, proclamer quo des. termes tels quo : « barberius », barbier, « claca » claque, v plancha » planche, « paillardus » paillard, « moustarderius » marchand do moutarde, « demanda » demande, « servietta » servielto, quo des verbes tels qu' « empoysonaro », « bêcharc», « ronfiaro » quo des synonymes ridiculement longs commo « honorificobilitudinitas » employé à la place du mot « honor » étaient d'une beauté vraiment altière, mais celle basse latinité so révèle souvent moins infirme et moins fruste; parfois elle devient ironiquo lorsqu'elle désigne la concubino d'un prêtre sous lo nom do « coquilla »; parfois e, core, elle se vêt d'images colorées ainsi quo celles do Par/v . Au pluriel, l'adjeclif « mollis » finit par signifier tout à la fois « des empreintes, des forceps et des bardaches, et le verbe « cucurbilare » poser des ventouses, prend un sens charnel et indique les ébats serrés des couples. Toule une gaieté do peuple s'ébaudit dans lo lexique qui so met à tirer la langue, à grimacer comme une gargouille.

Eh bien 1 de même qu'elle laissa se jouer do fantasques sculptures sur le porche de ses cathédrales, l'Église admit aussi quelques-uns des mots de la langue parlée, dans ses proses. Avec un tact imperturbable, avec un art indéfectible, elle fouille dans le pêle-mêle de ces rogatons et elle en sort d'indispensable*- termes. Avec eux, avec les néologismes

XIV LE-LATIN MYSTIQUE

qu'elle invente, avec les emprunts qu'elle fait aux dialectes des pays voisins et qu'elle sèmo dans le latin reprisé do la vieille Rome, elle se forge lo verbe magnifique et qui dit tout. Elle seule a atteint lo stylo grandiose et simple, définitif, dans la Vulgate et, lorsque, lasse de planer, elle vient se mettre à la portée des humbles, elle invente dos tendresses, des pitiés d'expressions, joue, maternelle, avec la série des diminutifs, trouve ces caresses de mots : « angelulus », « angelotus », le petit ange, « animola », l'Ame des nouveau-nés, crée même dans les Actes des Saints un « Jesulus » pour manifester les grAces enfantines du petit Jésus.

Certes, ces quelques remarques no sauraient attester quo le latin d'église fut toujours impeccable et qu'il atteignit, du premier coup, à la perfection do la langue mystique do saint Bonaventurc, au style glorieux de l'office du Saint Sacrement do saint Thomas, à la forme admirable do saint Bernard. Non, il resta longtemps, roide et dur comme ces figures véhémentes et glacées du moyen Age, comme ces vierges rigides dans leurs robes cassées à longs plis ou bouillonnées par de petites ondes, mais ainsi qu'elles déjà il se dresse, solennel et plaintif, sanglote de pures larmes, s'exalte en do célestes envolées, suit, sans s'évaguer, les visions du dedans. On peut lo dire, nous sommes, dès la première heure, très loin avec le latin ecclésiastique du verbe rampant du Paganisme, du langage subalterne balbutié pendant tant d'années à Rome !

Eh bien ! le livre qui devait affirmer tout cela, M. Remy de Gourmont l'a fait ; et il vient à son temps pour montrer aux gens épris de ce soi-disant départ religieux auquel nous assistons, co que fut la Mystique et quel art merveilleux elle créa au moyen Age.

M. do Gourmont n'a dans co volume abordé que les poètes catholiques, mais il complétera sans doute son ouvrage en nous donnant, un jour, l'histoire do la prose latine chrétienne.

PRÉFACE XV

Tel qu'il est,.dans sa brièveté voulue, ce compendium farci de textes enserrés dans d'essentiels commentaires, rétablit les poésies inhumées dans la palrologic do Migne, des séquences perdues dans d'inattaquables in-folios, dans des bréviaires périmés de la province. Après l'abbé Pimont, il nous présente, complètes, les hymnes abrégées pour les besoins des offices ou dépecées et altérées par le vandalisme des Santeul. Par de doctes persuasions, il nous impose de probables dates pour des chefs-d'oeuvre, tels que le Dies irae et le Stabal; dans tout le choix des pièces disparues, des oeuvres égarées, M. de Gourmont se révèle vraiment expert. Quelle sévère et puissante page d'Odon do Cluny il nous exhibe sur les vains et sur les dégoûtants appas des femmes ! quelles sagaecs éludes il écrit sur les Litanies, les horloges de la Passion, sur saint Anselme, sur Pierre le Diacre, sur saint Ambroise l Avec quelle charitable compréhension il présente et défend le grand poète que fut Prudence, l'austère mystiquo que fut Damicn ! avec quelle adresse il déterre etépoussèle le vieux traité de la chasteté de Fulbert dont il aurait bien dû réimprimer aussi les magnifiques répons pour la Nativité de la Vierge, qui no se chantent plus, hélas! que dans les églises du Mans, le jour do l'Assomption, avant la messe.

Je laisse maintenant de coté une partie du livre qui, je l'avoue sincèrement, me gêne un peu, celle des traductions. Souvent, elles me paraissent rester inertes et parfois elles no sont pas, à mon avis du moins, suffisamment littérales et exactes. Mais, sauf cette réserve, il est légitime de glorifier lo livre, car, en dehors même do »sa parfaite chimie qui parvint à condenser en de brèves pages la masse de documents épars dans de copieux bouquins, il relève et assaisonne des sujets jusqu'alors cuits à l'étuvéo et dans de l'eau do pompe par do bas cuistres.

La preuve de cette assertion est, dès les premières lignes du volume, visible. Si l'on veut bien, par exemple, se reporter à la page 10, l'on y trouvera une phrase pénétrante sur lo

XVI LE LATIN MYSTIQUE

Stabat, uno phrase qui semble tramée avec les fils en argent dédoré d'une vieille élolc. L'on peut citer encore lo début du chapitre sur saint Bernard, écrit dans uno languo vraiment haute, et, dans ce même chapitre, savourer plus loin un juste et féroce alinéa sur la peur quo suscite maintenant la mort. Nous sommes tout de même loin, avec ces passageslà, des éternelles futaines, couleur de pierre ponce, lissées dans les Sorbonnes!

M. de Gourmont a proclamé dans le vestibule do son livre que « seule la littérature mystique convenait à notre immense fatigue ». Il est, en effet, certain qu'à l'heure actuelle la littérature divague et s'abandonne dans ses langes; le naturalisme est mort et aucun des essais qui tentèrent do lo supplanter ne semble viable. Partout, dans les lettres, il y a foison de vanité et disette d'art. Lo talent n'abondo pas précisément chez les jeunes. Pour les quelques-uns qui lisent encore, il n'y a plus maintenant de délices à attendre d'un volume neuf.

Les seules soirées à Paris qui valent, celles où l'on est solitaire, chez soi, à l'abri des muftles, exigent l'alternance des lectures et des rêves. Et où les chercher sinon dans les vieux mystiques qui nous enlèvent loin du cloaque pestilentiel de ce temps, qui nous permettent d'oublier les vaincs ou les malpropres journées que nous vécûmes ?

Pour ces quelques-uns qui n'attendant plus rien des présomptions du siècle, aiment à s'isoler dans l'oubli silencieux des livres, l'ouvrage do M. de Gourmont sera propice. Il les mettra sur la piste d'oeuvres admirables et inconnues et il leur assurera — s'ils n'ont pas l'Ame par trop fétide — la joie d'inoubliables heures.

J. K. HUYSMANS.

LE LATIN MYSTIQUE

SOMMAIRES

INTRODUCTION

Le latin d'église et la superstition classique. — Les Décaderts. — L'esprit de chasteté. — Lo catholicisme en littérature.. Pago 11

I. - COMMODIEN DE GAZA

Commodien et la naissance de la poésie chrétienne. — Les Acrostiches. — Le Carmen apologcticum. — La légende do Néron. — La fin du monde. — La langue do Commodien Pogo 23

II. - HILAIRE, AMBROISE, DAMASE

Juvencus. —Lo DeJona et le De Sodoma. — Lactanco et lo De Phoenice. — Claudien. — Marius Victorinus. — Ausone et 8. Paulin do Noie. — S. Ililairo do Poitiers. — S. Ambroise et les Heures canoniales. — 8. Damase. — Le sadisme tortionaire et les outils à martyriser Page 35

LE LATIN MYSTIQUE

III.-PRUDENCE

Prudence. — Lo Cathcmerinon. — Le Peristephanon. — L'Apothéose. — La Psychomachie : Combats de la Sodomie et de la Pudicité, de la Sensualité et de .'a Sobriété. — VHamarUgeneia : Le coït légendaire des vipères et les parturitions mentales Pago 47

IV. - SIDOINE APOLLINAIRE, ORIENTIUS, MARIUS VICTOR

Sidoine Apollinairo et les invasions barbares. — Sedulius. — Paulin de Pella, le Pénitent. — Les Commonitoires d'Orientius. — Claudius Marius Victor : Les Gallo-Romaines du V* siècle. — Avitus do Vienne. — Dracontius Pago 59

V. - CLAUDIEN MAMERT ET FORTUNAT

Claudien Mameri et Forlunat. — Le Pange lingua et lo Yexilla Hegis. — Le Salve, fesla dits. — Les lcttros de Forlunat à Grégoire de Tours. — Enumération : Tyro Prosper ; llilaire d'Arles ; Prosper d'Aquitaine ; Paulin de Périgueux ; Arator ; 8. Grégoire le Grand ; Boôce et sa femme, Helpidie. — Ennodius. — L'école africaine. — Rusticus Elpidius Page 73

VI. - L'EPOQUE CARLOVINGIENNE

S. Columban et les origines de la renaissance carlovingienne. — VAntiphonaire do Bangor et YAnliphonaire do Saint-Gall. — La Liturgie mozarabe. — Ancien rit do la consécration eucharistique. — Eugène de Tolèdo. — Alcuin. — Théodulphe et lo Gloria, laus. — Adhelme et la Virginité. — Paul Diacre et Charlcmagno. — Lo diacre Flore. — Bcdo le Vénérable. — Raban Maur : Lo Vcni Creator. — Wandalbort. — Abbon. — Eimold lo Noir. — Walafrid Strabo. —

LE LATIN MYSTIQUK S

Inauthenticité du théâtre et des poèmes de Roswitha. — Odon do Cluny Page 83

VIL - LES SÉQUENTIAIRE3

Origine des séquences. — Jumioges et Saint-Gall. — Los Tropes. — Trope du Kyrie. — Notker Balbulus. — Le Panthéisme chrétien : Ennodius, Notker, Picrro deCorbeil.— Ekkehard lo Vieux. — Ekkchard le Palatin, Hucbald le Chauve et Milon. — Berno. — Godeschalk Pago 103

VIII. - LES SÉQUEN TIAIRES (Suite)

Wipo, Notker II, lo Victimae paschali laudes. — L'Ave praeclara maris Stella. — Henricus monachus, Hermanus Contractus, Albertus Magnusî — Hermanus Contractus : lo Salve Itcgina et lo Xcûfe {xot w UxstXettt do Jean le Géomôtro. — Sainte HilùVgarde. — Le culto du Saint-Esprit : S. Ambroiso, Guillaume de Couches, Robert de France, S. Jean Damascène. — Lo Liber vilae meritorum : Ilildegardo et Dante j Pago 119

IX. - LES LITANIES

Origine des Litanies. — Le Libellus Precumdo Bôde. — Litanies allemandes. — Litanies de l'école do Snint-Gall. — Litanies versillécs de S. Bernard. — Litanies fransciscaines, anglo-saxonnes, mozarabes. — Litanies des Saints du X* siècle. — Litanies dialoguées. — Code,cérémonial et litanies des pénitences publiques.—Litanies de la Bénédiction do l'huile. — Cérémonial et litanies des Jugements do Dieu. — Litanies des Laudes du Jeudi saint. — « Litanies de grande consolation ». — Litanies do la Vierge. — Le Chapelet de Virginité. — Conrad de Ilaimbourg et son florins D. M. V. — Appellations symboliques Pago 133

LE LATIN MYSTIQUE

X. — LA SÉQUENCE RÉGULIÈRE

La Séquence régulière et la poésio latine syllabique.— L'Ave, maris slclla. — L'asclépiade et l'alexandrin : le Sanctorum meritis. — Robert do France : le Veni, Sancte Spiritus. — S. Pierre Damien. — Le clergé du XIe siècle. — Le cénobite Fromond. — Rythmes singuliers : Théodule et Bernard de Morlaix. — Héribert d'Eichstad. — Alphanus. — Fulbert do Chartres : Les six degrés de la chasteté. Page 151

XL - HILDEBERT ET ALAIN DE LISLE

Uildebert de Lavardin. — Son P/iysiologus, — Symbolisme do la Sirène-Oiseau ; de l'Ilomme-Anc ; do la Panthère. — Lo Dragon, le Léviathan, la Licorne. — La Lamentation d'Ilildcbert. — Alain do Lisle, poète scolostique. — Le Liber de planctu Kalurae. — Symbolisme planétaire des gemmes. — Dialogue d'Alain et do la Nature.

Page 1G5

XII. - MARBODE

Marbode. — De Mcrelrice. — Le Livre des gemmes. — Symbolismo des pierres précieuses : l'Agate, l'Alectoire, le Jaspe, lo Saphir, l'Kmeraude, l'Onyx, la Chysolyle et la Topaze, le Béryl, l'Hyacinthe, la Chrysoprase, la Chélidoine, le Jayet, l'Aimant, le Corail, la Cornaline, l'Escarboucle. — L'Hymne des Douze pienes. — L'Urbs beata Jérusalem. — Autre symbolismo des pierres, selon Conrad de Haimbourg Page 179

XIII. - S. BERNARD

S. Bernard, abbé de Clairvaux. — Lo Verbe, l'Acte, l'Amour. Lo Carmen ad Rainaldum. — Lo Rythme sur le mépris du monde.

LE LATIN MYSTIQUE 0

S. Bernard, Jacopon de Todi et François Villon. — La Mort de saint Innocent. — Martial d'Auvergne et la Dance des Femmes. — L'IIorlus deliciarum. — S. Bernard, poète liturgique. — Lo Laelabundus. — Les Hymnes à la Vierge. — Jesu, dulcis memoria. — L'amour divin : Ulrich de Wossobrunn, S. François d'Assise. — La Hythmica oratio et ses imitations. — Les obédiences monacales, d'après S. Bernard et Thomas à Kempis Page 203

XIV. - DE S. ANSELME A PIERRE DE BLOIS

Anselme de Cantorbéry. — Pierre de Riga. — La littérature des énigmes : S. Boniface; Philippe de Harveng. — Reinier (Reinerus). — Mathieu do Vendôme. — Pierre Abailard. — Pierre lo Vénérable et S. Benoit. — Pierre lo Diacroet Pierre doBlois Pago 219

XV. - ADAM DE SAINT-VICTOR ET S. THOMAS D'AQUIN

Adam de Saint-Victor.— Ses défauts; son génio verbal et musical. — Ses séquences. — Son épitapho. — S. Thomas d'Aquin. — Lauda Sion. — Ecce panis angelorum. — Verbum supernum. — 0 Salularis Uoslia. — Pange lingua gloriosi corporis. — La poésie eucharistique : 17« coena Domini de Flavius. — Deux strophes de Rottach. — Un imitateur d'Adam et do 8. Thomas : Uenricus Pistor.. Page 233

XVI. - INNOCENT III ET S. BONAVENTURE

Innocent III. —La poésie franciscaine. — 8. Bonavcnturo. — Philomena — L'Horloge do la Passion. — Symbolisme du Lion. — Les quatre figures do Jésus-Christ. — Les Christs à tôte de lion. —' Le Recordare Sanctae Crucis. —L'Arbre-Croix. — LoPsallerium B. Mariae Virginis. — Le Sub tuum praesidium. — Adeste fidèles. — Lo Planclus de Christo Pago 253

XVII. - LE CYCLE ANONYME DE LA VIERGE

Lo Jardin de Marie. — Séquence dialoguée. — Lo Lamentum lacrymabile, la Sequcnlia contra Turcas et los Complaintes do Ruto-

0 LE LATIN MYSTIQUE

beuf. — Chronologie de quelques proses anonymes. — L'Ave, virgo singularis. —L'inviolata. — Le Mac clara*die turma festiva. — Les multiples symboles de Marie. — Los Canliones bohemicae et Ulrich Stôcklins de Rollach. — Métaphores et antithèses touchant la ViergeMère. — Comparaisons avec les hymnaires grecs, Côme de Jérusalem, Théophane, Joseph l'hymnographe. — Discussions théoîogiques sur lo rôle de l'Esprit-Saint dans l'Incarnation. — La formule Sine virili semine — Chasteté du latin mystiquo Page 2G7

XVI1L - HISTOIRE DU DIES 1RAE

Thomas de Celano. — Le Libéra et ses variantes. — Doux Proses des Morts. — Les Prophéties sibyllines. — Sources diverses : Othlonus, Hildebert, S. Pierre Damien, S. Anselme, le Rit mozarabe. — Languentibus in purgatorio. — Lo prophèto Sophonic. — Prototypes immédiats du Dies irae : Lo Terrel me dies terroris et le Cum recordor diem mortis. — Terto du Dies irae. — Traduction rythmique Pago 287

XIX. - HISTOIRE DU STADAT MATER

Jacoponc de Todi. — De compassione D. M. V. — Le Moestae pnrenlis Chrisli et autres Planctus. — De tribulatione D. M. V. — S. Bonaventure. — De pielate M. V. — Le 0 quoi undis lacrymarum et lo Planctus ante nescia. — Diverses proses touchant la Passion et le De Quinque Vulneribus. — Les Évangiles. — S. Ambroise. — Joseph l'hymnographe. — S. Bernard. — Pianlo de la Madonna. — Une terre cuite peinte du Louvre. — Texte du Stabat Mater. — traduction rythmique. — La poésie du Christ. — Le Verbe. — Hypographe.

Page 307

APPENDICE A. - THOMAS A KEMPIS POETE

Thomas a Kempis et les séquences dissimulées dans l'Imitation. — Autres oeuvres du mémo où se rencontrent des séquences irrégulières et régulières: Vallis liliorum.— Soliloquium animae.— Hortulus rosarum. — Orationes piae Pago 325

LE LATIN MYSTIQUE 7

APPENDICE B. - HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN

Formation du bréviaire romain actuel. — Liste do toutes les proses, hymnes et principales onliphones du Paroissien romain complet à l'usage de Paris, avec les noms des auteurs ; à défaut, la date approximative ou la sourco le plus anciennement connue Page 335

TABLE CHRONOLOGIQUE Pago 315

BIBLIOGRAPHIE - 319

NOTES - 359

INDEX GÉNÉRAL - 367

INTRODUCTION.

Le latin d'église et la superstition classique. — Les décadents. — L'esprit de chasteté. —■ Le catholicisme en littérature.

LE LATIN MYSTIQUE

INTRODUCTION

Les ordinaires hisloriquesde lalittérature latine se clôturent sous la main des cuistres scandalisés, vers le iv 9 siècle. Claudien, menlionnéparcondcscendance,lccompilateur orthodoxe, craint d'avoir été un peu loin et conseille, en épilogue, uno relecture de YEpître aux Pisons. Pour de telles gens, pour tous les professeurs, universitaires ou ecclésiastiques, franchir cette approximative date, c'est blasphémer, c'est attenter à une religion, c'est introduire dans le Canon les Apocryphes : — pas d'herbes fraîches : du foin.

Pendant que ceux-là broutent au rAtelier classique, quelques indépendants, libérés de 1 clablo et reprenant, comme l'Ane d'Apulée, la forme humaine, so mirent àbotaniser parmi les vastes prés do la poésie latino : do ces chercheurs le plus mémorable fut Ebcrt, dont l'oeuvre sûre s'arrête malheureusement à l'époque carlovingienne ; d'autres recueillirent des documents, prouvèrent une bonne volonté.

L'ouvrage d'Ebert est un monument d'érudition et de critique directe; les éludes que nous entreprenons a sa suite sont un travail, non d'érudition, mais do littérature, où l'exactitude a été priée, non la science ; le plan selon lequel elles se développeront est assez modeste : on voudrait établir uno anthologie do la poésie latine du me au xiv* siècle et entremêler de notes les citations et les traductions. Aucun des textes qui seront mis en français n'avaient encore été interprétés selon la méthode littéraire-littérale et la plupart n'avaient jamais été traduits : à ce point do vue, et aussi par son ensemble et sa logiquo, ce travail aura donc un intérêt

12 LK LATIN MYSTIQUE

certain pour louscouxqui no sont pas atteints do misonéismo, qui ont échappé h l'incuriosité do co sièclo, h sa stupidité, h son incapacité spirituolle.

C'ost h l'époquo préciso où on la délaisse quo la languo latino commonco h. offrir çà ot la les séductions do la décomposition stylistique,às'oxprimor non plus en unimmuablo jargon do rhéleur,mais selon lo tempérament personnel d'orientaux ou do barbaros étrangers h la discipline romaine, — jusqu'à co quo la victoiro définitive des idiomes populaires la relèguo au muséo des instruments oratoires. Définitive, cetto victoiro, mais combien tardivo : longtemps les doux langues, la mèro et la fille, vécurent côto à côto dans los pays romans, parlées l'uno ot l'autre par de différents clients : lo Libéra qui est du xt 8 siècle est écrit en une languo aussi vivanlo quo la Chanson de Roland ot encore au xive sièclo, après l'oxpansion prodigiouso du français, le latin avait gardé de. fidèles, qui n'auraient su formuler selon la mode du plus grand nombre ni leurs pensées, ni leurs prières.

Ce latin, méprisamment connu sous le nom do latin d'église, est, nous semble-t-il, un peu plus attirant que celui d'Horace, et l'âme de ces ascètes plus riche d'idéalité que celle du vieux podagre égoïste ot sournois.

Seule, que l'on soit croyant ou non, seule la littérature mystiquo convient h, notre immense fatigue, et pour nous qui ne prévoyons qu'un au delà misères de plus en plus sûrement, de plus en plus rapidement réalisé, nous voulons nous borner à la connaissance de nous-mêmes etdes obscurs rêves, divins ou salaniques, qui se donnent rendez-vous en nos âmes de jadis.

Horace, pour ce dessein, ni Térence, ne nous sera d'aucun secours et de préférence nous nous adresserons à la Psycho-. machie de Prudence, aux Séquences de sainte Hildegarde, aux Rhythmes de saint Bernard, — mais cela sans nier la valeur, dite par les siècles, de spontanés tels que. Catulle, ce Verlaine; de tendrement tragiques tels que

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Virgile ; do roués, commo Ovido; do philosophes, comme Plauto. 11 s'agit moins de détruire les vieilles admirations quo d'en créer d'autres.

Mystiques, barbaros, ou décadonts, il les a bien jugés, cet ermite (auquel no convient quo pou lo de Lande Kretni do saint Kucher), — et cela serait uno surprise pour qui no connaîtrait pas l'absolue conscienco lillérairo do M. Huysmans, qu'en dix-huit pages sur ces ténébreux auteurs, l'épluchago lo plus minutieux no puisso trouver uno épithète ou uno glose, qui no soit d'uno merveilleuso précision.

Ni pour la première périodo de cette littérature oubliée, ni pour la seconde, plus inconnue encore, nous n'avons cru nécessaires do bien particuliers détails biographiques. Moines, prêtres, évêques, ces poètes, a part quelques-uns, commo Théodulphe, comme saint Bernard, menèrent les vies les plus obscures et les plus monotones, des vies qui, écourtées, rapidement résumées, apparaîtraient toutes les mêmes, sans aventures, sans événements, sans presque do relations avec l'extérieur. Un fait général surprend, c'est qu'à partir des environs du xr 3 siècle, presque tous les poètes, presque tous les écrivains sont des abbés de monastère ou des évêques : une poésie très différente do la poésie monacale allemande, très différente aussi des inspirations mystiques des Franciscains et des Dominicains, uno poésie surgit, parénétique et sermonnaire, lyrique et pastorale. La surprise, c'est de voir qu'en des temps mal réputés, les évêques étaient choisis parmi les doctes, les doués do talent et d'indépendance d'esprit, parmi les dignes, — tandis qu'à cette heure ces fonctions très hautes sont uniquement conférées aux plus adroits quémandeurs, que les évêques ne sont plus que des préfets en robe violette, aussi peu mystiques que les autres. Les Xe et xie siècles, c'est l'époque, avec les évêques, les abbés et les moines, de la séquence, de l'allitération et de la rime intérieure ; c'est, depuis Godesehalk et les séquentiàires anonymes, une langue nouvelle, d'une simplicité magnifique-

i\ LK LATIN MYSTIQUE

mont compliquée par dos musicions barbares, quo l'amour désordonné du verbo induit parfois aux trouvailles harmoniques les plus inattendues.

L'objection éternollo et profossoralo contre ùu tols poètes, conlro tous los poètos do la Croix, o'ost co qu'on dénommo, on termes do maîtro répétiteur ou d'académîeion, l'incorrection do lour latin, c'ost-à-diro la non conformité do leur lexique et dolour grammairo avec les règles vorbalos ot syntaxiques d'usogo aux temps augustos, aux siècles n° 0 et n° 1, aux deux sièclos qui contiennent, précèdent ou suivont lo règne du premierimporoior romain. Une faut pas mentir; quelquesunes s'offorcont vers cello écrilurc-typo : co sont les médiocres, los anti-poètes, les versificateurs de prosos antérieures, les centonisles. D'autres écrivent lo latin quo l'on parlait do leur temps, du moins le latin littéraire tel qu'il s'était incessamment modifié do livre en livre : là lour mérite et leur intérêt. Il demeure difficile do lo faire admettre. C'est le bon M. Hauréau, irréprochable savant, mais classique naïvemont sorvile, geignant quo los vers do Théodulpho offrent « beaucoup do locutions inconnues au sièclo d'Augusto ». C'est un autre, navré, qu'Abbon (Abbo lo Courbé) négligo la césure, — loi émanée de Dieu mémo, loi primordiale, règle incréée. C'est un autre reconnaissant en uno thèso doctorale à Marius Victor, une louable verbalité classique. C'est encore M. Hauréau félicitant un carlovingien, le grammairien Smaragdo d'une languo « sobre d'images, plus sobre encore de subtilités ou de trivialités mystiques ». Et c'est Te môme encore qui nous affirme: « L'art gothique est élégant, subtil, ingénieux, mais il manque do stylo », — sottise que devait rééditer M. Renan.

Pas plus que lo respect du vocabulaire, ne nous séduit le culte de la prosodie.. Le poète, s'il n'est lui-même, ce qui importe peu, créateur de règles, admet celles que lui dicte son temps, ou bien les récuse et n'en reçoit aucunes: des querelles sont, à ce sujet, bien vaines ; il faut le prendre tel que sa fantaisie l'a façonné. Plus urgente encore cette nécessaire

I.K LATIN MYSTIQUE 18

bonno volonté, quand il s'agit d'uno versification aussi faclico quota latino, faclico mémo aux années dosa gloire, louto grecque, imporléo violemment, insensibloà dos oroilloslulinos faites seuloment pour la numération, l'allitération, la rimo, l'assonnanco.

Selon la plus stricto littéralilé, on entre avec lo christianisme dans un nouvel univers : les idées sont baptisées, ot les mots. « C'est, dit en son éludo très savanto sur Grégoire do Nazianze, M. A. Grenier, un dos rares dévols do l'art rénové, c'est uno languo neuve, indépendante, caractérisée, faite pour des sentiments nouveaux, ne relovant d'aucune grammaire classique d'aucun modèle, imprégnéo d'hébraïsmes, abondante en locution ot en images populairos, duro et barbare, mais grande dans sa dureté, et souvent d'uno grâce divine dans sa barbarie. Elle so forma commo lo métal do Corinlhe, merveilleux alliage dont on ignore les proportions, dans l'incendie et la fusion du vieux monde. So souvient-on do Virgile, d'Horace, d'Ovide, en écoutant lo Pangelingua? Pense-l-on à Didon ou à Ariane, en lisant le Salve Iiegina ? »

Cette langue rigoureusement neuve, le texte latin de la Vulgato la contient toute et c'est là quo vinrent, l'un après l'autre, puiser tous les écrivains nysliques,—et cotte languo est au latin classique ce quo Nolre-Damo est au Parthénon, co qu'un poème de pierres et do larmesest à une ode do Pindare, co que le Calvaire est aux jeux pythiques, co que Marie est à T;iane. Hello, en son livre, l'Homme, dit cela avec la simplicité de celui qui profère l'incontestable et le définitif : « Quant à saint Jérôme, il a créé le magnifique idiome dans lequel il a parlé. Tacite et Juvénal sont les balbutiements humains de la langue que saint Jérôme a parlée divinement. »

Plus d'un trait de figure caractéristique des poètes latins du christianisme so retrouve en la présente poésie française, — et deux sont frappants : la quête d'un idéal différent des postulats officiels de la nation résumés en une vocifération vers un paganisme scientifique et confortable (déification de la na-

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turc, do la scionco, do la force, do l'argent, do l'hygiène,cullo do l'enfant, du polit soldat ot do la gymnastique, otc.) ; ot, pour co qui est des normes prosodiquos, un grand dédain. A cause, sans douto do ces semblances vaguement perçues, lo nom nous fut donné de décadents; il no peut convenir. La décadence d'uno languo c'est sa mort lento; elle no peut être perçuo qu'après son extinction totale. Décodents furent relativement les poètes qui sculptèrent en un bois vermineux ; décadents par fatalité ; lo mot est do convention : pour en référer encore par exemplo, au Stabat Matei\ quels signes do décadenco reconnaître en ce poème oeuvré par uno main douloureuso mais sûre, selon des ligues très nobles, des voiles raidis commo par des larmes do sang, en cetto robe do deuil mais frangéo d'or vert, mais stellée d'améthystes?

No furent-ils pas bien plutôt les décadents, les Italiens qui alors, ou plus tard un peu, ovidifiaient do mythologiques lamentations?

Et on ces récentes années, quel fut l'authentique décadent, du poèto chercheur de formes, d'images, du poète forgeur do son verbe; d'un Laforgue ou d'un Sully-Prud'homme; de ce fol ivre d'impossible ou de ce rédacteur de vers, à l'âme polytechnique et morale?

« Je vous en supplie, écrivait Commodien de Gaza, apprenez à discerner le Lon, — et méfiez-vous des simulacres » :

Discite quaeso bonum, cives, simulacra cavete.

Mais nous savons et nous allons communier à des tables moins prostituées, — bien ailleurs! disait Laforgue, en mourant :

Oui, sous ces airs supérieurs, Le coeur me piaffe de génie En labyrinthes d'insomnies ! Et puis, et puis, c'est bien ailleurs Que je communie...

" Maintenant, si, au cours de cetto étude, j'ai été amené à

LE LATIN MYSTIQUE 17

des citations particulièrement afférentes au « péché do la chair », c'ost quo les poètes ecclésiastiques s'adonnent sans relâcho à panser cette largo plaio des chrétientés.

« Entro toutes los attaques du démon, dit saint Augustin dans son livro de llonestate mulientm, les plus violentes sont celles do la chasteté; les combats en sont très fréquents et les victoires très rares. »

Leurs gémissements sur lo sièclo aboutissent là. Du bélier do leurs homélies, ils battent en vain les remparts de l'éternelle chair, ot les pierres des frondes sacrées glissent sur les seins et sur les ventres, plus caressantes peut-être quo blessantes. No pouvant vaincro co péché, les théologiens, plus lard, lo codifièrent, créèrent la moechialogie; cela dovint une scienco, la scienco do la luxure (et, si Marins Victor est assez supérieur îi Stace, commo poète, Liguori, commo moraliste, peut faire oublier Sénèquo) : nos poètes n'en profèrent quo les premiers vagissements; commo théologues, n'en posent quo les premières notions : cela suffit pour qu'à la prééminence verbale sur les contemporains d'Horace, ils joignent encore celle de la clairvoyance morale.

Le passage entre l'esprit païen qui est de jouissance cl l'esprit chrétien, qui est de renoncement, n'avait été ni soudain, ni inattendu. Les Alexandrins d'avant l'évangile vantaient, souvent pratiquaient la chasteté; et après que le christianisme fut devenu quasi universel, sous les premières années du règne de Constantin, on voyait des platoniciens attardés, comme Proclos, le dernier des grands rhéteurs de l'école d'Athènes, refuser de se marier, moins par amour de la liberté que par dégoût charnel, — Proclos qui combattait les doctrines chrétiennes, qui suivait pour la science et pour les moeurs des devanciers purement philosophes.

Sans doute, le mépris de la chair est essentiellement chrétien, mais il ne fut pas imposé par le christianisme, qui ne fit que l'adopter, le prôner, l'exagérer jusqu'à la plus noble et la plus absolue haine. Saint Paul n'a pour la chair nulle man-

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suétude, ni Terlullien, ni aucun dos premiers pères : c'est à poino s'ils tolèrent lo mariago, s'ils admettent en cetto matière los verlus sacramentellos, mais co no fut qu'en la plénitude do son autorité, après l'apaisement du paganisme ot l'apaisement des invasions, quo l'Église osa entrer dans la charnalité, commo dans un laboraloiro d'anatomio, et là, dépecer vivant lo futur cadavro humain,

Odon do Cluny, lo plus violent, apparaît, en co rôle, triste et grand, d'uno hardiesso do langue qui fait polir jusqu'à l'évanouissement, rapetisse jusqu'à la puérilité, les plus osées des analyses modernes, les autopsies les plus brutales. Voici do co moino uno assez cruelle analyso do la beauté corporelle {Collationes, liv. II) :

«... Corporea pulchritudo in pello solummodo constat. Nam si vidèrent hominos hoc quod sublus pellom est, sicut lynecs in Boeotia cernero interiore dicuntur, mulieres videre nausearent. Islo décor in flogmate et sanguine et humore ac felle constitit. Si quis enim considérât quae intra nares et quae intra fauces et quao intra ventrem lateant, sordes ulique reperiet... Et si nec extremis digilis flegma vel stercus langere patimur, quomodo ipsum stercoris saccum amplecli desideramus 1 — La beauté du corps est tout entière dans la peau. En effet, si les hommes voyaient ce qui est sous la peau, doués comme les lynx de Béolie d'intérieure pénétration visuelle, la vue seule des femmes leur serait nauséabonde : cette féminine grâce n'est que saburre, sang, humeur, fiel. Considérez ce qui se cache dans les narines, dans la gorge, dans le ventre : saletés, partout... Et nous qui répugnons à toucher même du bout du doigt de la vomissure ou du fumier, comment donc pouvons-nous désirer de serrer dans nos bras un simple sac d'excréments 1 »

C'est ce quo répèle Anselme de Canlorbéry, avec non moins de précision (De Contemptu mmidi) :

... Clara facie satis est et forma venusta Et tibi non minimum lactea tota placet.

LE LATIN MYSTIQUE 10

Yiscora si patoant ocoulta ot caetera oarnls Carnesquas sordes contogat alba cutis!...

(Ello est, la femme, do facoclaireassozot déforme vonuste, ot ello no lo plaît pas médiocrement la créature louto lactéo ! Ah 1 si les viscères s'ouvraient et tous les autres coffrets de la chair, quelles salos chairs no vorrais-lu pas, sous la blanche peau I...)

Et saint Bernard, en son stylo toujours vêtu do mysticisme, donne do pareils argumonls contre le culto charnel ; ainsi, au traité De interiori Domo :

« Considéra quomodo morieris... inter longa suspiria et difficiles singultus, inter diversos dolores et timorés... Tune véniel corpus in pallorom et horrorem, in sanicm et fetorem; erit vermis et cibus vormium,.. — Considère comment tu mourras, parmi les longs soupirs et les rudes hoquets, parmi toutes les douleurs et toutes les terreurs... Ton corps s'en ira en pâleur et en horreur, en sanie et en fétidité, ver et nourriture des vers... »

Ainsi, dans son sermon sur Ylmpuretè (Immunditia) du coeur et du corps : La fornication est un appétit d'obscène commixtion. « Ello esiquadriforme... Première espèce,quand, en esprit seulement, lo concupiscent désire entrer dans les obscènes voluptés de la chair... Deuxième, lorsque l'homme, entré dans la copulation charnelle, conduit à l'apogée cetto même oeuvre de voluptueuse concupiscence... Troisième, lorsque, échauffé de désirs terrestres, il aime la créature plus que le créateur... Quatrième enfin, lorsque,vénérant les simulacre ' . ji ce do Dieu, il so livre en servitude aux démons. - - *:id'ij^amquodfornicatioquadriformisintelligitur.,. Prima îtciue hujus quadriparlitae fornicalionis species est quae quisque mente lantum obscoenis carnis voluptatibus misceri concupiscit... Altéra aulem qua ipsius voluptalis opus concupitum copula carnali admistus ad effeclum perducit... Terlia vero, qua terrenis desideriis aesluans plus creaturam

20 LE LATIN MYSTIQUE

quam Creatorem crealurarum diligit... Quarla vero, qua simulacra pro Deo venerans, daemonibus servilutom impendit.., »

Allusion, coite dernièro phrase, à la parolo do Jérémio disant de la nation juive : « Moechata est cum ligno et lapide. » C'est la fornication avec lo bois et avec la pierre, lo cullo do la matièro richo ou enrichie, l'adoration minéralo et végétale, lo veau d'or ou lo panneau, les délices d'uno copulation spirituelle, indue et vaine.

Tels, avec du lyrisme d'amour et de gloiro, do larmes et do peur, les fondements do la liltératuro catholique. Toujours ello proclama la vio intolérable et sordido ; et pour mieux nous en dégoûter, ello s'ingénio à réduire à l'orduro lo plaisir pour lequel l'humanité, qui en est flllo, travaille jusqu'au désespoir : besogne, qu'en l'absence -do l'Église, occupéo à de pauvres intrigues, il nous échoit, peut-être, à quelques-uns, do continuer, — en attendant les moines futurs :

Ah ! Seigneur ! donnez-moi la force et le courage De contempler mon coeur et mon corps sans dégoût

1

Commodien de Gaza et la naissance do la poésie chrétienne. -r- Les acrostiches. — Le Carmen Apologeticum. — La légende de Néron. — La fin du monde. — La langue de Commodien.

I. -. COMMODIEN DE GAZA

Au concilo tenu à Romo, l'an 490, par lo papo Gélase, on dressa uno lislo dos livres autorisés et des livres défendus (C'ost la premièro édition do cot Index librormn prohibitorum quo la pationco do la sainto congrégation afférento no suffit plus à tenir au courant des foudres oxcommunicatoires). Parmi les ouvrages chrétions prohibés commo apocryphes (non orthodoxes), les évêques inscrivirent les opuscules d'un certain Commodien, do Gaza, syriaque

Vers lo mémo temps, Gonnadius insèro celto note à l'articlo Commodiamts do son Catalogue des hommes illustres: « C'était un païen converti qui, voulant fairo quelque choso pour lo Christ, auteur do son salut, écrivit, en un stylo médiocre, des manières do vers contre les gentils. »

Nul no prononça plus lo nom do Commodien avant lo P. Sirmond, qui cita quelques-uns do ses acrostiches à la suito de son édition d'Ennodius, en 1011, et ses oeuvres complètes ne furent publiées qu'en co siècle, par le cardinal Pilra, d'abord, puis, à diverses reprises, sous uno critique sûro, par les Allemands.

Avec stupeur, ayant lu les acrostiches de co poète d'une si ingénieuso barbario, on apprend qu'il rédigeait en plein IIIe siècle, parmi les exemples encore récents do la plus correcte latinité, au temps do Justin et avant Quinte-Curce. 11 est vrai que l'on date de cetto époque la définitive rédaction des évangiles et les premiers efforts des chrétiens à inaugurer une littérature nouvelle. Commodien signe le prologue de la lente défaite d'uno mythologie qui ne contient plus que do symboliques gaudrioles : il s'en fait l'exorciste, l'eau bénite de ses anathèmes chasso les antiques démons, et le Christ, en spondée, clôt les lourds hexamètres. 11 semble que déjà l'on entende comme de lointains psaimodiements ; une conscience

24 LE LATIN MYSTIQUE

nouvelle crio dans les âmes: lo monde est délivré! Lo sonsualismo rentro dans la nuit (où il so confectionne en secrot d'hypocrites robes) ; les gens ont appris uno vérité mervoillouse et terrible : Celui-là est mort qui no vit pas en Dieu. C'est la naissanco do la Tristesse. L'hommo regardo autour do lui, no voit plus rien do visible et so réfugio en lui-mêmo, où l'invisiblo vient lo visiter : c'est aussi la naissonco do l'Idéalisme. Commodien do Gaza, l'esprit chrétien l'incito à un profond mépris do la traditionnollo métrique Co fut, sans doute, un évêquo qui arrangeait pour les catéchumènes un sommaire versifié du Credo. Mais l'indignation jointe à uno énergique foi impriment à son stylo uno originalité bizarre. 11 n'imito pas Virgile (lo trouvant sur son chemin, M. Gaston Boissier le lui reprocha amèrement), il so permet des assonnances et mémo des rimes, remplace par un fracas do sonorités la traditionnelle et enfantine harmonie imitativo, s'élève ainsi àuno sorte d'éloquenco toulo verbale. Voici, par exemple, un acrostiche où l'on sent déjà frémir quelques-uns des grondements du Dies irae; je lo cite entièrement, car un acrostiche no so peut couper et, d'ailleurs (que cela soit dit une fois pour toutes), je prétends mettre dans les citations multipliées de ces poètes inconnus, l'intérêt premier de celle étude :

DE SAECULI ISTIUS FINE

D at tuba coelo signum sublato leone,

E t fiunt de subito tenebrae cum coeli fragore.

S ubmittit oculos Dominus, ut terra tremescat,- A dclamat et jam ut audiant omnes in orbem : E cce diu tacui sufferens tanto tempore vestra ! G onclamantpaiïter plangentes sero gementes, U lulatur, ploratur, nec spatium datur iniquis. L actanti quid faciet mater, cum ipsa crematur ? I n ilamma ignis Dominus judicabit iniquos :

I ustos autem non tanget ignis, sed mimo delinget. S ub uno morantur, sed pars in sententia flebit. T antus erit ardor, ut lapides ipsi liquescant,

LE LATIN MYSTIQUE 28

Z n fulmine cogunt vonti, furit ira coelestts, U t, quacumquo fugit, impius occupotur ab igno ;

5 uppotlum nullum tuno erlt, neo nautlcae puppes.

P lamma tamen gontes média partitaquo servans,

I n annls mille ut ferant corpora sanctls.

N nm indo post annos mille gehennae traduntur,

6 t fabrica cujus orant cum ipsa cremantur.

(De la fin du siècle. —- Dans les doux, la trompette a donné lo signal, lo Lion s'abolit, et soudain voici les ténèbres avec un grand fracas d'en haut. Dieu regardo la lerro afin quo la terro tremble, il vocifèro afin quo tous entendent jusqu'au bout do la terro : « Jo mo suis lu longtemps, si longtemps j'ai souffert vos crimes ! » Et vocifèrent avec lui ceux qui pleurent trop tard ot trop tard gémissent. On hurle, on aboie, on implore ; en vain : pas un instant n'est accordé aux méchants. Que peut-elle pour son nourrisson la mère plongée dans les flammes ? C'est dans les flammes du feu quo lo Seigneur jugera lès méchants. Quant aux justes, lo feu no les touchera pas, ne les léchera môme pas. Les voilà tous assemblés, les hommes, et la moitié d'entre eux va pleurer sous la sentence. Si grande est la chaleur que les pierres so liquéfient, les vents sont parei-s à la foudre, la colère céleslo s'enrage, l'impie a beau fuir, le feu saura lo rejoindre ; nul secours, nul recours, nul navire pour franchir les mers. Et la flamme cependant épargnera la moitié do ces damnés, afin qu'au bout de mille ans leurs corps soient portés devant les bienheureux. Car c'est après ces mille ans qu'ils seront livrés à la gehenno et avec lo monde dont ils faisaient partie, consumés.)

Est-ce que l'effroi de la damnation, les inutiles gémissements, les aboiements sinistres des maudits ne sont pas exprimés avec quelque force e. ces vers pénibles comme des fardeaux, écrasants comme des chaînes ?

Conclamant pariterplangentes sero gementes, Ululatur, ploratur, neo spatium datur iniquis...

2

20 LE LATIN MYSTIQUE

Avec son effroyable férocité de nouveau converti, de chrétien sûr de passer à droite, convaincu d'un inéluctable salut, le barbare multiplie, sur le jour de terreur, les acrostiches et les solécismes. A l'abri des peurs qu'il évoque, do la divine rage qu'il attise furieusement, des torsions infernales où il se voudrait tortionnaire (rêve bien légitime pour une âme qui aurait moins do dégoût que de colère), le bon catéchiste, croquemitaine plus encore que bourreau, s'ingénie à faire trembler, tels que des petits enfants, son prochain : « A cause des incrédules, j'ajoute ceci sur le Jour du Jugement : Pour la seconde fois le feu du Seigneur va maîtriser le monde : la terre et les choses poussent leurs suprêmes gémissements, la terre, les gentils et tous les incrédules : seules sont épargnées les demeures des saints. La nature entière n'est plus qu'une flamme unique : la terre brûle dans ses profondeurs et les montagnes se liquéfient. De la mer il ne reste rien : elle est vaincue par la puissance du feu ; le ciel périt, la terro se transforme et surgissent une autre nouveauté de ciel, une terre éternelle. Alors ceux qui le méritent seront envoyés à une seconde mort, tandis que les justes entreront dans leurs habitacles. »

DE DIE JUDICII

D e dio judicii propter incredulos addo : E missus iterum Deo dominabitur ignis ;

D at gemitum terra rerum tune in ultima fine, I n terra gentes ut tune incredulae cunctae ; E t tamem évitât sanctorum castra suorum.

I n una flamma convertitur tota natura

U ritur ab imls terra montesquo ltquescunt,

D o mare nil rèinanet, vincetur ab igné potente,

I nterit hoc coelum et ista terra mutatur.

a omponitur alla novitas coeli terraquo perennis.

I ndo qui mereunt mittuntur in morte secunda,

I nterius autem habitaculis justi locantur.

LE LATIN MYSTIQUE 27

Le Carmen apologeticum n'est pas rédigé selon une plus respectueuse prosodie, mais bien que les dactyles de Commodien soient très hérétiques (ge \ hennae Ira \ duntur) et ses spondées (dât lu | ta), bien qu'il ne fasse pas les élisions, ses vers marchent quand même, l'oreille n'est pas choquée et rien ne démontre mieux tout ce que la versification virgilienne avait d'artificiel. Commodien n'est pas cependant illettré : il a Iules poètes classiques dont çà et là il reproduit les tours et les expressions favorites ; il connaît très bien les Écritures et les apologistes de sa religion, Hermas, Cyprien, Tcrtullien, Minucius Félix. Donc, s'il commet les plus inconcevables fautes de métrique et même do langage, c'est par mépris peut-être plus que par ignorance ; une grande part de ces incorrections doit également être dévolue à de très ignorants copistes. Les plus savants éditeurs allemands n'ont pas triomphé d'une obscurité qui rend souvent très douteuse les partielles traductions que l'on essaie ici pour la première fois.

Carmen apologeticum adversus Judaeos et gentes : cela commence par un exposé de la doctrine, par une démonstration que les disciples de Jésus sont dans la bonne voie : Rectum iter vobis. 11 affirme la résurrection, base sa créance sur la parole de Dieu et la vraisemblance de la parole do Dieu sur la renaissance du phénix :

Sicut avis Phoenix meditatur a morte renasci, Dat nobis exemplum postfunera surgere posse...

C'est ensuite une revue des prophètes, des considérations sur la vie, simples et justes, telles que : « C'est un grand tourment que do vivre en un tel siècle 1 »

Tormentum est totum quod vivimus isto sub aovo...

Après do nouvelles morales il joint enfin son vrai sujet, l'histoire de la fin du monde. 11 en donne les signes. Des bar-

28 LE LATIN MYSTIQUE

bares viendront ; il les nomme les Goths ; ils ont pour roi Apollyon :

Rex Apollyon erit cum ipsis nomine dirus Qui persecutionem dissipet sanctorum in armis. Pergit ad Romam cum multa milia gentis Decretoque Dei captivât ex parte subactos. Multi senatorum tune enim captivi deflebunt Et Deum coelorum blasphémant abarbaro victi... ... Luxuriosos et idola vana colentes Persecuntur enim et senatum sub jugo mittunt... Exurgit interea sub ipso tempore Cyrus Qui terreat hostes et liberet inde senatum. Ex infero redit, qui fuerat regno praeceptus Et diu servatus cum pristino corpore notus. Dicimushunc autem Neronem esse vetustum Qui Petrum et Paulum prius punivit in urbe. Ipse redit iterum sub ipso saeculi fine Ex locis apocryphis, qui fuit reservatus in ista... Qui cum appartient, quasi deum esse putabunt.

a Ils ont pour roi Apollyon, au renom de cruauté, qui, par la force des armes, abolira la persécution des saints. Il marche vers Rome avec beaucoup de milliers de Gentils et sur le décret de Dieu, capture une partie des vaincus. Beaucoup d? sénateurs prisonniers pleureront et vaincus par un barbare blasphémeront le Dieu des cieux...

« On poursuit les luxurieux et les adorateurs des vaines idoles, on courbe sous lo joug les sénateurs... Dans le môme temps surgit le roi Cyrus qui terrifie les ennemis et libère le Sénat. Revient de l'enfer celui qui avait été arraché à son trône et il a repris l'ancien corps sous lequel il était connu; Disons-le, il s'agit du vieux Néron, de celui qui fit périr Pierre et Paul à Rome. Il revient à la fin du monde, du fond des abîmes apocryphes, celui qui avait été réservé là...

« Dès qu'il apparaît, on le regarde comme un Dieu... »

Maître à nouveau du monde, le dur et inique roi, dont lo Très Haut a induré le coeur méchant, fait jeter les chré-

LE LATIN MYSTIQUE 29

tiens hoi de la ville, et s'étant adjoint deux lieutenants •s'excite à de plus âpres persécutions. Des édils sont lancés ; « on veut déchristianiser le monde. »

Ut genus hoc hominum faciant sine nomine Christi.

« Alors, il n'y a plus un seul jour de paix, il n'y a plus une seule oblation au Christ. Le sang partout stagne, c'est indescriptible : les larmes coulent, les mains tombent, les coeurs tremblent à ce spectacle, devant les martyrs subissant de telles angoisses. Sur les mers, sur les terres, jusqu'au fond des îles et des tanières, on les poursuit sans trêve, il faut pour victimes les ennemis mêmes du sang versé... »Cela dure trois ans, puis vient l'heure de la vengeance ; le tyran tombe...

Nulla dies pacis tune erit neo oblatio Christo, Sed cruor ubique manat, quem describere vincor ; Vincunt enim lacrimae, déficit manus, corda tremescunt, Quamquam sit martyribus aptum tôt funera ferre ; Per mare, per terras, per insulas atque latebras Scrutanturque diu, execratos victimam ducunt. Haec Nero tune faciet trienni tempore toto... Pro cujus facinore veniet vindicta letalis... Tollatur imperium...

Un autre roi se lève que suivent quatre nations ; il emplit la mer de beaucoup de milliers de navires, il s'empare d'abord de Tyr et do Sidon et quiconque lui résiste est mis à mort.

« Soudain le fracas de la trompette retentit et tous les coeurs sont profondément troublés. Un quadrige de feu apparaît dans les airs et un flambeau le précède, symbole du feu qui va dévorer les nations... » Néron, toujours nu pouvoir, marche avec ses lieutenants contre le nouveau roi, « mais ils sont occis et leur corps est donné en pâture aux oiseaux. » 11 se fait un grand carnage; Rome est détruite « et la ville se lamentera durant toute l'éternité, qui se croyait éternelle. »

Enfin, après divers incidents, les anges du Très Haut rava-

30 LE LATIN MYSTIQUE

gent la terre ; ils vont tels que dos lions, dévastant toutes choses, et comme le Seigneur est avec eux, rien ne leur résiste : c'est la fin du monde; les étoiles tombent, car il faut que les astres soient jugés, la comburation est universelle : les justes, à l'abri, regardent. La totale annihilation accomplie, les morts surgissent; le jugement dernier se déroule : la Justice règne.

Le Carmen apologeticum semble, avec Y Apocalypse > la plus ancienne prédiction d'origine chrétienne relatant la destruction de la terre par le feu; ce poème rapporte évidemment les croyances populaires répandues alors parmi « les fils du Christ » : son orthodoxie, contestée parle pape Gélase, est assez incertaine ; cependant la tradition catholique ne peut le répudier, sinon en certains détails aventureux.

Commodien ne s'érige pas toujours en furieux valicinaleur. 11 a parfois de l'esprit, surtout lorsqu'il raille les dieux dont il contourne rudement le profil ridicule.

Ainsi nous fait-il voir Mercure portant dans une sacoche de la monnaie, affublé d'une robe ouverte sous laquelle il apparaît nu, coiffé d'un casque inutile, armé d'ailes minuscules et absurdes ! « Allez, suivez-le', peut-être la sacoche crèvera-telle! Peut-être que de l'argent va pleuvoir! » Après les dieux, le constunl objet de sa moquerie et de sa haine, ce sont les Juifs, le « peuple au col roide », et il les peint, d'un seul vers, éternellement fourbes et entêtés :

Improbi semperet dura cervice recalces.

Les Gentils, ses frères de jadis, il les traite beaucoup moins durement, les engage à ne pas errer par les forêts, comme un pauvre bétail à la merci des loups, à venir retrouver lo boeuf dans l'établo :

Intrate stabulis silvestrls ad praescpla tauri, Latronibus tuti sub regia tecta manentos. In silva lupi...

LE LATIN MYSTIQUE 31

C'est un métaphoriste coutumier d'images aussi expressives que « les yeux concupiscents, poignards insatiablement avides. »

Oculorum acies nunquam satiatur avara.

Ce vers se trouve dans son acrostiche De zelo concupisccntUc. Le dernier des quatre-vingts acrostiches de ce poète singulier est fabriqué à rebours sur la légende Commodianus mendiais Chrisli est entièrement assonnancé en o. Il y exprime le regret de n'avoir pu tout dire en un si mince volume et termine par cet appel aux esprits ingénieux, aux sphynx pieux, retors et « doctes » : « Maintenant trouvez mon nom. ».

Omnia non possum comprehendere parvo libelle Curiositas docti inveniet nomen in isto.

Sa langue est toute pleine de mots nouveaux, soit qu'il les ail forgés, soit qu'il les ait empruntés au populaire : CrucistulliliaM folie de la Croix, judaeidiare^m\imoi\indisciplinattiSi monslrivorusi subsannare^ railler, victualia, victuailles. 11 écrit pour le besoin de ses acrostiches, Capelli par K, chérit les éclatants gérondifs, qui dans le style ecclésiastique remplaceront très souvent le sourd participe présent, constelle ses vers de sonorités telles que blaniïendo, clqmando, praeliando, prosequendo, xelando.

II

Juvencus. — Le De Jona et le De Sodoma. — Lactance et le De Phoenke. — Claudien. — Marius Victorinus.

— Ausone et S. Paulin de Noie. — S. Hilaire de Poitiers.

— S. Ambroisc et les Heures canoniales. — S. Damase.

— Le Sadisme tortionnaire et les outils à martyriser.

IL — HILAIRE, AMBROISE, DAMASE

Il faut franchir presque un siècle pour rencontrer un second poète chrétien, Juvencus. Celui-ci fut médiocre et illustre, expliqué jusqu'à nos jours dans les petits séminaires, car il n'avait pas craint, dit saint Jérôme, « do faire passer sous les lois du mètre la majesté de l'Evangile. » C'est en somme un pauvre paraphraseur de saint Mathieu, qui invoque à la fois Jésus et Maron, fait proférer aux saintes femmes des centons de Virgile. On trouve dans le livre IV de son poème, Historia Evangclica, une prosopopée du jugement dernier bien inférieure au tonitruant acrostiche de Commodien. Tout au plus peut-on s'arrêter un instant à de curieuses expressions dévoles, toutes nouvelles alors en latin, comme, visendi solatia, visite de consolation, dubitata fuies, foi chancelante; mais en tel autre passage, il recule devant l'évungélique scandalum, qu'il traduit par erroris laqucos, les filets de l'erreur!

Parfois, mais sans bien claire raison, deux autres poèmes lui sont attribués, le De Joua et le De Sodoma ; ce sont encore des paraphrases de l'Écriture, toutefois plus libres, môme poussées jusqu'à de curieuses créances légendaires : ainsi l'auteur affirme que la statue de sel de la femme de Loth se dressait encore de son temps sur la roule de Sodome et, commo preuve de la miraculeuse transformation, il nous apprend qu'elle avait gardé lu vérifiablc hubitude des exonérations mensuelles !

Du même siècle, le quatrième, inscrit à Tcrtullicn, à Cyprien, àLactance, lo DePhoenice^ poèmo symbolique sur la résurrection. C'est un bizarre mélange de paganisme et de christianisme, do mythes orientaux et de philosophisme alexandrin. Le phénix y apparaît tel qu'un fabuleux oiseau, prêtre d'Hélios qui offre, au lever du soleil, les douze sacrifices lavatoires; quand l'heure de sa mort provisoire est venue, il

30 LE LATIN MYSTIQUE

se construit un bûcher de parfums où de sa propre chaleur il se consume :

Tune inter varios animam commendat odores, Deposlti tanti nec timet illa fidem.

La f ji n'est pas déçue : une larve née de la cendre tiède rend le mort à la vie, — et le poète, affirme par ce mythe cet universel besoin, ce désir indiscret et presque furieux, celte irréfragable volonté d'une survie, raison d'être première, et la plus haute, du Christianisme.

Un autre Phoenix est inscrit à Claudien ; ni le poème, ni le poète n'avouent de3 âmes chrétiennes : ce sont de beaux vers et rien de plus. De Claudien encore quelques-uns affirment l'éjaculation Ad Christum Salvatorem :

Curiste potens rerum, redeuntis conditor aevi, Vox summl sensusque Dei...

(0 Christ, maître des choses, ô fondateur des siècles rénovés, ô verbe, ô sentiment du très haut Dieu...)

Mais le christianisme de Claudien est fort douteux, —- ou bien, commo tel poète quo nous connûmes, il enfermait, à l'heure des écritures, sa foi sous clef, pour qu'elle n'effarouchât Diane ou Proserpine.

Le De Deneficiis suis Christus^ d'un inconnu et les Macchabées de Marius Victorinus n'exigent pas autre chose qu'une simple mention.

Une des plus antiques éditions d'Ausone, celle que Philippe Junte donna en 1517 à Florence semble l'image même de celte cervelle trouble. Simple copie imprimée d'un manuscrit, elle entremêle dans un inquiétant fouillis les vers pieux du poète et ses légères et mêmes légèrement obscènes épigrammes. Voici au recto du feuillet seizième une édifiante série de Versus Paschales et en face une ambiguë dissertation in Puerum formosum.

LE LATIN MYSTIQUE 37#

Les vers édifiants disent :

Sancta salutiferi redeunt solemnia Christi Etdevota pii célébrant jejunia mystae...

Les vers ambigus psalmodient ce répons :

Cum dubitatnatura marem faceret ne puellam, Faetus es, o pulcher, pêne puella, puer.

Ausone est un poète curieux do tout, riche d'imagination et par conséquent de contradiction, hanté de visions charnelles dont il se débarasse en les écrivant à ses amis : « Lasciva est nobis pagina, vita proba », écrit-il à saint Paulin, auquel il inflige, non sans remords des pages telles que le dernier chapitre du Cento Nuptialis. D'un charme très spécial et tout neuf dans la poésie latine, son poème de La Moselle demeure une suite exquise comme d'aquarelles ; c'est de la littérature connue ou qui en a l'air, sans quoi il serait agréable de s'amuser, par exemple, à traduire les trente vers qui suivent celui-ci (ou d'autres, car tout le poème est lumineux et transparent) :

Spectaris vitreo per levia terga profundo, Secreti nihil amnis habens...

Sa correspondance avec Paulin nous fait revenir à la controverse religieuse, aux formes nouvelles do la poésie chrétienne. Croyant, mais d'âme païenne et do culture classique, Ausone incite son disciple à ne point mépriser les lettres profanes et Paulin répond : « Les coeurs voués au Christ se refusent aux Muses, Sont fermés à Apollon... Lo Christ est la lumière de vérité, la voie de notre vie, la force, l'esprit, la main, la vertu du Père, — soleil d'équité, fontaine de joie, fleur do Dieu, fils de Dieu, auteur du monde, vie de notre mortalité, mort de notre mort... »

Negant camoenis, neo patent Apollint Dlcata Christo pectora...

38 LE LATIN MYSTIQUE

Hic veritatis lumen est, vitae via,

Vis, mens, manus, virtus Patris,

Sol aequitatis, fons bonorum, flos Dei,

Natus Deo, mundi sator,

Mortalitatis vita nostrae, et mors necis...

Ausone mourut et Paulin eut le dernier mot contre l'impénitent virgilien. Une assez belle prière est attribuée à l'ermite de Noie :

Omnipotens, solo mentis mini cognite cultu...

Mais, la vraie poésie liturgique s'incarne alors en Hilaire de Poitiers, qui sans briser encore la métrique horatienne, sans rejeter l'asclépiade, l'ïambe, ni le choriambe, évite le remplacement permis d'une longue par deux brèves, donne à ses vers, du moins, une apparence syllabique et balance ses strophes sur le solide appui des rimes :

Jésus refulsit omnium Pius redemptor gentium : Totum genus fidelium Laudes celebret dramatum.

Quem stella natum fulgida Monstrat micans per aethera, Magosque duxit praevia Ipslus ad cunabula.

llli cadentes parvulum Pannls adorant obsitum, Verum fatentur ut Deum Munus fruendo mysticum...

(Jésus u resplendi, rédempteur pieux de toutes les nations : que le choeur entier des fidèles chante le glorieux drame divin.

— Le nouveau-né, uno éclatante étoile le signale, qui brille dans les airs et conduit les Mages jusqu'au pied du berceau.

— Et les Mogcs tombent à genoux, adorent le petit dans ses

LE LATIN MYSTIQUE 39

langes, reconnaissent sa divinité par l'offrande des dons mystiques.)

Cette hymne qui est peut-être le plus ancien noël latin se chante encore, au lieu de Yllostis Herodes impie de Sedulius en quelques églises provinciales.

Ambroise, « l'auteur d'indigestes homélies, l'ennuyeux Cicéron chrétien » comme le juge des Esseinles, écrivit cependant, selon la môme formelle charmantes hymnes. Sa languo poétique originale et hardie, aborde les métaphores les plus neuves, et l'entrecroisement de ses rimes est assez séduisant :

Veni redemptor gentium, Ostende partum virginis : Miretur omne seculum, Talis decetpartus Deum.

Non ex virili semine, Sed mystico spiramine, Verbum Dei factum est caro. Fructusquo ventris floruit.

Alvus tumescit Virginis, Claustrum pudoris permanet, Vexilla virtutum micant. Versatur in templo Deus.

Procedit e thalamo suo, Pudoris aula regia, Geminae gigas substantlae, Alacrls ut currat viam...

« Viens, Rédempteur des nations, montre l'accouchement d'une vierge, et que tous les siècles disent étonnés : C'est ainsi que devait naître un Dieu.—Sans nulle semence humaine, mais créé par un souffle mystique, le Verbe de Dieu s'est fait chair, et lo fruit du ventre a fleuri. — Le ventre de la Vierge s'est gonflé, le cloître do la pudeur demeure ; l'étendard de la puissance resplendit : Dieu se tient dans son temple. —-11

40 LE LATIN MYSTIQUE

sort do la chambro nuptiale, il sort do la royalo cour do la pudeur, géant do la double substance, tout prêt pour los activités do la vio... »

Plusieurs fois, avec d'analogues images, il évoque cetto mervoilleuso parturition; ainsi dans l'hymno, Conditor aime siderum :

Vergente mundl vespere Uti sponsus de thalamo Egressus honestissima Virginis matris clausula.

« Vers le déclin du soir du monde, comme l'époux sort de son lit, il est sorti des très honnêtes issues de la Vierge mère. »

Il trouve, pour fleurir lo choeur des vierges, de délicieuses floraisons de mots :

Jesu corona virginura... Qui pascis inter lilia Septus choreis virginum...

Quocumque pèrgis, virglnes Sequuntur, atque daudibus Post te canentes cursitant Hyranosque dulces personant.

« O Jésus, couronne des vierges... lu vas paissant parmi les lis, entouré d'une ronde de vierges... — Partout les vierges, te suivent et de louanges, en chantant, te poursuivent, et les douces hymnes résonnent. »

Saint Ambroise rédigea de courtes hymnes pour chacune des heures canoniales ; elles sont toujours d'usage, obligatoirement récitées par la lecture du bréviaire ; chantées aux ofn% ces des chanoines, moines et nonnes, et le dimanche de tous :

. AMatines: jEterne rerum conditor

Noctem diemque qui régis...

LE LATIN MYSTIQUE 41

A Primo : Jam lucis orto sidoro

Deum precemur supplices...

A Tierco : Nunc sanctenobîs Spiritus...

A Sexte : Rector potées, vorax Deus...

A None : Rerum Deus tenax vigor, Immotus in te permanens...

A Vêpres : Lucis creator optimo

Lucom dierum proférons, Primordiis lucis novao Mundi parans originem...

A Compiles : Te lucis ante terminum Rerum creator poscimus Ut pro tua clementia Sis pracsulad custodiam.

Procul recédant somnia Et noctium phantasmata Hostemque nostrum comprime Ne polluantur corpora.

(Avant la chute du jour, toi, créateur des choses, nous le supplions qu'au nom de ta clémence lu veilles sur nous lel qu'un chef de garde. — Mets en fuite les vains songes, les phantasmes de la nuit, et juliens notre ennemi afin que nos corps échappent à la souillure.)

Respectées en toutes les révolutions de l'antiphonaire, les odes de saint Ambroise sont demeurées parmi les plus exquises fleurs du symbolique jardin de la liturgie et l'on comprend celle salutation que lui adresse un vieux moine suédois : « Salut, vase du saint Amour, vase tout rempli de rosée céleste. »

Salve sancti vas Amoris Vas celestis plénum roris,

42 LE LATIN MYSTIQUE

Il y a peu de vers plus divins que co fragment do YAurora lucis rutilât, qui fait partie du Commun des Apôtres :

Tristes orant Apostoll Do neee sul Dominl Quom poena mortis crudoli Servi damnarant impii.

Sermono blando Angélus Praedixit mulieribus : In Galilea Dominus Videndus est quantocius.

Illae dum pergunt concitao Apostolis hoc dicere, Videntes oum vivere Osculantur pedcs Domini...

(Tristes étaient les Apôtres de lu mort do leur Seigneur, au tourment d'une cruelle agonie par des esclaves impies condamné. — Avec de 1res douées paroles, un ange dit aux femmes : Prochainement en Galilée lo Seigneur apparaîtra. — Et pendant qu'elles vont vite dire la nouvelle aux Apôtres, elles le voient devant elles vivant et elles baisent les pieds du Seigneur...)

A saint Ambroise (non moins qu'à saint Augustin et à d'autres) on altribuo lo Te Deum : ce psaume de gloire est de la pure poésie biblique.

Le « lapidaire », Damaso, pape et saint, est, en ses hymnes,' comme en ses épitaphes, net, clair, un peu sec. H semble pressé d'accumuler, en le nombre de mots le plus restreint, une quantité de sens divers, les uns et les autres enchevêtrés'.

Ainsi, à propos du martyre de sainte Agathe :

Fortior haec trucibusque viris Exposuit sua membra flagris, Pectore quàm fuerit valido Torta mamilla docet patulô.

LE LATIN MYSTIQUE 43

« Mais celle-ci, plus forlo quo ses tourmontours, des hommos, livra ses membres aux flagellations ; combien son coeur est valeureux, clairement lo montre à tous sa mamollo suppliciée »

Uno antienno du Bréviairo rapporto uno curiouso apostropho do la sainlo aux bourreaux, qui, au moyen do tenailles roupies, lui arrachaient les seins. Ello leur dit : « Comment, vous n'avez pas honto d'amputer une femme do cetto mamello quo vous avez sucée dans les bras do votro mèro ! » Et selon la paraphraso d'Albert do Praguo (xiv 1 sièclo) :

Non confusus est, dixisti, Amputare quod suxisti Solus tu in femina ? Me habero mammas gratns, Intégras, scias, sacratas Domino in anima.

Ah! les mamelles desvierges,« favorites, intègres, sacrées 1..» les deux mamelles do la femme rénovée, symboles do l'Ancien cl du Nouveau Testament, de mémo que les deux Lions gardiens du trône do Salomon, de même que l'Agneau et le Léopard qui surveillent i'ouverlure du livre des Sept sceaux l

A-t-on remarqué cet étonnant sadisme des tortionnaires qui, dans la femme, cherchent à faire souffrir les organes spécialement féminins, soit qu'ils torturent les seins avec d'horribles outils, soit qu'ils agrippent avec les ongles de fer d'une monslrueusebêtelessecrètesvirginitésdesaudacieusesviergesl

« On se servait principalement, dit dom Ruinart, dans ses notes aux Acta Sincera, de trois sortes d'instruments pour déchirer les martyrs : Ungulae, des ongles de fer ; c'étaient des tenailles dont les pinces étaient pleines de dents qu'on imprimait en les serrant dans la chair des martyrs ; Unciy des crocs ; c'étaient de longs bâtons dont le bout était armé d'un fer recourbé ; on arrachait avec cela les entrailles par les larges ouvertures que les fouets faisaient aux côtés ;

44 Mï LATIN MYSTIQUE

Pectines, des peignes do fer, faits à peu près commo ceux dont on peigno la laine, avec cetto différence quo les manches en étaient plus longs. »

Les crocs : quello tentation pour d'obscènes questionnaires que d'aller ravager la gaine Focréo indubitablement closo à leur lascivité! Ainsi se vengea un jugo nommé Maximin sur Valonlino deCésaréo,qui fut « profondément perforéo »; et les peignes : peigner comme une bourro saignante lo ventre déchiqueté do Théa do Gaza ; les ongles : enserrer d'uno féroce griffe les jeunes soins do la Tyrienne Théodosia, les écraser, les pressurer, grenades pitoyables, grappes douloureuses !

Virginei tumuero sinus...

dit quelque part Damaso : les seins vierges so sont gonflés do lait ; ils so sont aussi gonflés do sang. Le sang n'était pas moins nécessaire : il est baptismal et symbolique.

m

Prudence. — Le Cathemerinon. — Le Peristephanon. — VApothéose. "— La Psychomachie : Combat de la Sodomie et de la Pudicité, de la Sensualité et de la Sobriété. — Vllamartigeneia : Le coït légendaire des vipères et les parturitions mentales.

III. — PRUDENCE

Aurelius Prudentius Clemens, le prudent et fertile poète, et mallro en la métrique, commo l'appelle son compatriote Théodulphe,

Divorsoquo potons prudenter promero plura Motro, o Prudenti, nostcr et ipso parons,

Prudence, qui inaugure lo fécond cinquP mo sièclo par dos poèmes didactiques, polémiques ou panégyriques, par des hymnes imitées de saint Ambroise, le premier et lo grand fabricateur, Prudence de Sarragosse a recouvré quelque faveur près de l'érudition ecclésiastique. On ne peut plus avoir la prétention de l'exhumer; néanmoins, sico n'est jadis quelques hymnes, nulle do ses oeuvres ne fut jamais traduite. Entre toutes, les plus connues *onl lo Cathemerinon où se trouve un court fragment charn mt, lo Salvete flores martyrum et le Peristep/mnon qui renfi me une curieuse complainte sur sainte Eulalie, prototype, i ul-êlre, du plus ancien poème en langue française, la Canti< w de sainte Eulalie :

Buona pulcella fut Euh ;a.

Bel avret corps, bellezou anima.

Voldrent la veincre h dec nimi.

Voldrent la faire diavle s< h*.

Elle nor eskoltet les mais « useilliers...

Le Salvete% qui se chante le jour 'e fêle des Saints Innocents renferme une imago ingénieuse t presque touchante : que peuvent-ils faire de leurs palmes . t de leurs couronnes, les petits enfants martyrs? Ils jouent a\ oc : en mourant, ils ont conquis la possession de jouets étern -* qui toute l'éter-

48 LE LATIN MYSTIQUE

nité les amuseront. La premièro stropho symboliso lour occU sion en uno moisson do roses :

Salvoto, flores martyrum Quos lucis ipso in limine Christl insecutor substulit : Cou turbo nascontes rosas.

Vos prima Christl victlma, Grex immolatorum tonor, Aram sub ipsnm simplioos Palma et coronis luditis.

Et l'antiphono du bréviaire ajoute naïvement : « Voici ceux qui no so sont pas souillés avec la femme. »

L'hymno sur lo martyre d'Eulalio est uno véritable complainte, en quarante-quatre strophes de cinq vers, où la rime n'est ni cherchéo ni évitée, mais pleine d'intentions allitératives ot do consonnanccs intérieures. Quant au stylo, il est d'un mauvais goût délicieux cl çà et là, dans le détail des supplices, d'uno poignante éléganco : « Lo sang, paraphraso la traduction françaiso des/k/a sincera, où ce poème fut recueilli par Dom Ruinart, le sang pur et vermeil qui coule de ses blessuresne sertqu'à relever sa blancheur naturelle d'un nouveaucoloris: c'est un fard innocent qui la rend plus vive et plus belle : »

Mftmbraque picta cruore novo Fonte cutem recalente lavant.

On dirait que c'est Prudence qui paraphrase la Ct»ntilène :

In figure de colomb volât a ciel.

A l'exubérance du grand poète il faut une strophe entière pour la même image :

Emicat inde columba repens Martyris os nive candidior Visa relinquere, et astra sequi : Spiritus hic erat Eulaliae Lacteolus, celer, innocuus.

LE LATIN MYSTIQUE 40

Ce passago est ainsi rendu en uno ancionno traduction :

Sortoit do la boucho d'elle Une blancho colombollo, Qui vola tout droit aux doux : C'estoit l'esprit glorloux] Do la sacrôo pucollo.

Si, apr'.'S lo Peristephanon ou Livre des Couronnes on enlr'ouvro les grands poèmes do 1'- adenco, plus d'un passago encoro révèlo un réel poèlo; ses hexamètres roulent commo los limoneuses vagues d'un largo fleuve, tout pleins do la vio grouillanto des vieux mots régénérés. Telle, dans YApothéose, sa grande et éloquente prosopopée (. > la résurrection do Lazaro : « Lo pierre tombalo so soulèvo et la funéraire horreur revomit les vivantes funérailles d'un cadavre qui marche. Déroulez, soeurs joyeuses, les douloureuses bandelettes : c'est l'odeur des aromates dont lo soupirail laisse passer l'effluence, lo soufflo des caveaux sordides n'exhale aucuno purulente puanteur. Voilà quo la sanio qui fermait les yeux dégoullo et les prunelles ont recouvré leur éclat premier; les joues putréfiées reprennent leurs anciennes pourpres. Qui donc a rendu leur âme à ces membres fluides? Qui donc à celle âme a rendu des membres? Qui donc, sinon celui qui insuffla la vio dans les veines humides de la douve marécageuse et qui changea en sang rouge la lymphe boueuse de la putrescento argile? »

Neo mora, funereus revolutis rupibus horror Evomit exsequias gradiente cadavere vivas. Solvite jain laetae redolentia vincla sorores : Solus odor sparsi spiramen aromatis efflat, Nec de corporeo nidorem sordida tabo Aura refert, oculos sanie stillante solutos Pristinus in spéculum décor excitât, et putrefactas Tincta rubore gênas paulatim purpura vestit. Quis potuit fluidis animam sulïundere membris?

80 LE LATIN MYSTIQUE

Nimlrum qui mombra dédit, qui flctilis ulvao Porflavit vonam madldam, eut t .Mda globa Traxlt sanguineos infecto humor.» colores.

VHamartigeneia, la genèse ou la naissance du péché, est uno assez violente satire où s'accumulent les images los plus inattendues, les apostrophes les plus audacieuses contre l'abus des sens.

11 nous montre l'homme imbécile, à genoux dovant la force, lui qui méprise la Forco suprême, adorateur de sa propre méchanceté, adorant l'épieu qu'on lui enfonce dans la gueule :

Ipso suam, pudet hou! contempto Principe vitao Perniciem vencratur homo : colit ipso cruentum Carnificem, gladilquo aciem ingulandus adorât...

Lo sens du toucher, qui est répandu en toutes les parties de nolro corps, nous nous en servons pour jouir aux tendres attouchements, aux caressantes fomentations :

Ipso etiam toto pollet qui corpore tactus Palpamen tenerum blandis e fotibus ambit.

Partout, la perversion règne : nos yeux, sont-ils faits pour considérer les membres honteusement nus d'hommes-femmes emportés au vertige des danses scéniques?

...Ut turpia semivirorum Membra theatrali spectet vertigine ferri ?

Nos narines, pour renifler, en une mauvaise volupté, la teinture où une improbo catin s'est trempé les cheveux ?

Ut bibat illecebras malè conciliata voluptas Quas pigmento meretrix jacit improba crine ?

Il y a dans ce poème une bien étrange allégorie : nos vices, dit Prudence, sont nos enfants ; mais quand nous leur don-

L« LATIN MYST1QIK M

nons la vio, ils nous donnent la inorl, commo à la vipèro la parlurition do ses petits. « Ello no los mot pas on mondo par les voies naturelles ot ello no les a pas conçus par l'ordinaire coït qui distond l'utérus ; mais dès qu'elle ressent l'excitation soxuello, l'obscène femello provoque lo mâle qu'ello veut boire do sa bouche grando ouverte : lo mâlo introduit dans la gorge do sa compagno sa têto à la triple languo et tout en feu lui darde ses baisers, ejaculanl par co coït buccal, lo venin do la génération. Blesséo à la violence do la volupté, la femello fécondée rompt lo pacto d'amour, coupe de ses dents la gorgo du mâle et pendant qu'il meurt avalo les spermes infusés dans la salivo. Les semences ainsi emprisonnées coùtoront la vio à la mèro : quand elles seront adultes, quand elles commenceront, minces corpuscules, à ramper dans leur tiède caverno, à secouer de leurs vibrations l'utérus,.., commo il n'y a aucune issuo pour la parlurition, lo ventre de la mère so déchire sous les efforts des foetus vers la lumière, et les intestins déchirés leur ouvrent la porto... Les petits reptiles rampent autour du cadavro natal, lo lèchent, génération en naissant orphelino, n'ayant jamais connu leur mèro vivante, n'ayant qu'une mèro misérablement posthume. Telles, nos parturitions mentales...

Mater morte sua, non sexu fertilis, autde Concubitu distènta uterum ; sed cum calet igni Percita femineo, moriturum obscena maritum Ore sitit patulo : caput inseritillo trilingue Conjugis in fauces, atque oscula fervidus intra t, Insinuans oris coitu génitale venenum. Nupta voluptatis vi saucia, mordicus haustum Frangit amatoris blanda inter foedera guttur Infusasque bibit caro pereunte salivas. His pater illecebris consumitur ae génitrice m Clausa necat soboles : nam postquam semine adulto Incipiunt celidis corpuscula parva latebris Serpere, motatumque uterum vibrata ferire... Nam quia nascendi nullus patet exitus, alvus

82 LE LATIN MYSTIQUE

Fotibus in lucom nltentibus oxcruclata Carpitur, atquo vlam lacorata per illapandit... ... Lambunt natale cadavor Reptantes catuli, prolos dum nascitur orba, Haud exporta diom, misorao nisipostuma matris. Non dispar nostrae conceptus mentis...

Co mémo fait est narré do la panthère par Jacques do Vitry dans ses Exempta.

Feuilletons maintenant la Psychomachie, tableau allégorique du combat des vices et des vertus. C'est le plus animé des poèmes do Prudence et les symboles y acquièrent, grâce ou galop emporté des vers, uno très singulière vio factice. D'abord c'est la Foi, qui vient, vêluo do simplicité, les épaules nues, les cheveux longs, et no tarde pas à exterminer le Culte des dieux. Ensuite la viergo Pudicité s'avanco, resplendissante en sa clairo armure,'et à sa rencontre, voici la Sodomie qui chercho à l'aveugler avec d'ardentes torches do poix, des jets de soufre, à l'étouffer sous une acre fumée. Mais l'imperlubablo viergo lance vers la louve ses traits ignés, enfonce son glaive dans la gorge do la mérétrice réduite à merci :

Virgo Pudicitia speciosis fulget in armis : Quam patrias succincta faces Sodomita Libido Adgreditur, piceamque ardenti sulphure pinum Ingerit in faciem pudibundaque lumina flammis Àdpetit, et tetro tentât suffundere fumo. Sed dextram furiae flagrantis et ignea dirae Tela lupae saxo ferit imperterrita virgo, Excussasque sacro taedas depellit ab ore. Tune exarmataejugulum meretricis adacto Transfigit gladio...

Ensuite, elle lui lient un long discours, lui apprend qu'après « qu'une femme ignorante du mâle a mis au monde le Christ », son règne est clos, finit par lui crier : « Te voilà vaincue, limoneuse luxure ! »

... Victajaces lutulenta Libido!

LE LATIN MYSTIQUE B3

Succossivemenl, combattent leurs soeurs contraires, la Patienco, l'Humilité, l'Espérance, la Sobriété, etc. Celle-ci a pour adversaire la Sensualité (Luxuria) qui, o nova pugnandi species i s'écrio Prudenco, combat, la lascive ! en jetant des violettes, des fouilles do roses, on répandant des parfums, en ouvrant les bras, en faisant valoir sa beauté :

Sed violas lasclva jacit foliisque rosarum Dimicat et calathos inimiea per agmina fundit.

« Les cheveux parfumés, les yeux vagues, la voix languido, touto effusée dans la jouissance, no rêvant quo volupté, occupée à l'amollissement des roins et des âmes, à lu cueillaison des énervantes caresses, à la dissolution des caractères : pour le moment, assez fanée, ello venait roter en plein jour son souper do la nuit interrompu par lo bruit do la première bataille, et, laissant l'orgie, ello s'avançait titubante, ivre do vin et d'odeurs, écrasant sur son passago des fleurs tombées. Elle venait, non pas à pied, mais dans un fort joli cnrrosso d'où elle s'occupait à capter les coeurs et les regards des hommes... (Les fleurs qu'elle a jetées sont empoisonnées d'amour) ; leurs parfums illicites soufflent un doux venin dans la chair ébranlée et mauvaisement la tendre odeur dompte les bouches, les coeurs, les bras... Les combattantes courbent la tête, commo des vaincues mettent bas les armes honteusement, les mains défaillantes, stupéfiées devant le carrosse qui resplendit de l'éclat divers desgemmes,les cuirs plaqués d'éclatants ors,bouche bée et les yeux grands ouverts devant l'essieu dont la solidité précieuse est faite d'or massif, la série des rais d'argent quo la courbure des jantes retient dans une orbe de pâle électrum. Et voilà que toute, dans un don d'amour, l'armée trahissante incline, sans sommation, les enseignes, pressée de s'agenouiller aux pieds delà Sensualité, de subir le. joug de l'ondoyante maîtresse, d'obéir à la règle lâche des maisons de plaisir. »

84 LE LATIN MYSTIQUE

Delibuta comas, oculis vaga, languida voce, Perdita deliciis; vitae cui caussa voluptas, Elumbem mollire animum, petulanter amoenas Haurirè illecebras et fractos solvere sensus. At tune pervigilem ructabat marcida cenam Sub lucem : quia forte jacens ad fercula raucos Audierat lituos atque inde tepentia linquens Pocula, lapsanti per vina et balsama gressu Ebria calcatis ad bellum iloribus ibat.

Non tamen illa pedes sed curru invecta venusto Saucia mirantum capiebatcorda virorum...

... Ilalitus illex Inspirât tenerum labefacta per ossa venenum Et maie dulcis odor domat ora et pectora et arma... Dejiciunt animos, ceu victi, et spicula ponunt Turpiter, heu, dextris languentibus obstupefacti, Dum currum varia gemniarum luco micantem Mirantur, dum bracteolis crepitantia lora Et solido ex auro pretiosi ponderis axem Defixis inhiant obtutibus, et radiorum Argento albentem seriem, quam summa rotarum Flexura electri pallentis continet orbe. Et jam cuncta aciesin dedltionis amorem Sponte sua versis transibat perfida signis, Luxuriae servire volens dominaeque lluentis Jura patl etlaxa ganearum legetenerî.

En celle néfaste aventure, la 1res courageuse vertu de Sobriété, désolée, « déploie soudain le sublime étendard de la Croix... », réconforte par une virulente exhortation ses belligérantes et la lutte commence.

La Sensualité est vaincue, occise, gît la tôle écrasée sous une lourde pierre. Ses dénis brisées lui entrent dans la gorge, sa bouche est obstruée de sang, de lambeaux de chair, d'ossements en pâle, «insolites festins! », et la Vierge triomphante, qui est sobre, mais féroce, lui crie : « Voilà les tristes nourritures qui t'étaient réservées ; tu as bu assez do vin, bois ton sang I Tu l'es saoulée des lascives blandices de la vie, goûté maintenant à l'amertume do la mort. »

LE LATIN MYSTIQUE OO

Ebibe jam proprium post pocula multa cruorem Virgo ait increpitans. Sint haec tibi fercula tandem Tristia praeteriti nimii sub luxibus aevi. Lascivas vitao illecebras gustatus amarae Mortis, et horriûco sapor ultimus asperat haustu.

Et tout le poème s'en va en une étonnante richesse d'images, entre lesquelles bien d'autres encore pourraient être cueillies. Ce Prudence est le plus attirant de tous les poètes chrétiens, le plus ingénieux, le plus audacieusement personnel : — c'est un grand poète.

IV

Sidoine Apollinaire et les invasions barbares. — Sedulius. —- Paulin de Pella, le Pénitent. — Les Commoniloires d'Orientius. — Claudius Marius Victor : les GalloRomaincs du Ve siècle. — Avitus de Vienne. — Dracontius.

IV. — SIDOINE APOLLINAIRE, ORIENTIUS, MARIUS VICTOR

Non moins que le pape Damase, Sidoine Apollinaire se complut dans les épitaphes, les inscriptions et les éloges funènèbres. 11 emploie un étrange latin, tout bariolé, bien fuit poui' délecter des Esseintes. Tel passage resplendit comme un vitrail. Ainsi celle brève notation des effets de lumière qui l'ont charmé dans l'église que l'évoque Paliens venait de faire bâtir à Lyon :

Intus lux micat, atque bracteatum Sol sic sollicitatur ad lucunar, Fulvo ut concolor erret in métallo. Distinctum vario nitoro marmor, Percurrit cameram, solum, fcnestras : Ac sub versicoloribus figuris Vernans herbida crusta sapphiratos Flectit per prasinum vitrum lapillos.

Traduire, ce serait décolorer, et le vitrum prasinum est plus séduisant quo son équivalent exact, ici, « vert cul de bouteille » ; et quel joli assemblage do rutilances, fauves et saphyriennes.

Sidoine avait le don très rare de la vision précise et nuancée ; dans uno courte épîtro à un Lampridius, il caractérise par des distinctions do couleur, de forme et de mouvement, les différentes races de barbares qui voyagaient alors, en insolentes hordes, par l'cmpiro romain : c'est le Saxon aux yeux bleus qui, habitué au roulis, a peur de la solidité du sol; le Hérulo aux joues glauques qui habite les rivages les plus lointains de l'Océan et u fini par prendre quelque chose de la* couleur d'uno mer toute chargéo d'algues ; le Bourguignon géant, qui fléchit les genoux ; le Sicambro à la tôte rasée :

Istlo Saxona caerulum videmus Assuetum auto salo, solum timere..

00 LE LATIN MYSTIQUE

Hic tonso occipiti senex Sicamber... Hic glaucis Herulus genis vagatur, Imos Oceani colens recessus Algoso propo concolor profondo. Ilic Burgondio septipes fréquenter Flexo poplite supplicat quietem...

Dans ses panégyriques d'Anthemius, d'Avilus, de Majorien, il redessine avec les plus typiques notations, la physionomie des Barbares. Ces invasions qui semblent, à cette heure, presque mythiques, à force d'être devenues des contes quo l'on récite aux petits écoliers, des poètes étaient là, témoins. Ils virent les Huns (C/MHI)« aux têtes étroites en forme d'oeuf; au-dessous du front deux trous dont les yeux semblent absents..., et pour quo leurs narines n'empiètent pas sur les joues, no gênent pas lo casque et le masque, on aplatit vigoureusement le nez des enfants... »

... Consurgit in arctum Massa rotunda caput. Gominis sub fronte cavernis Visas adest oculis absentibus... Tum no per malas excrescat fistula duplex Obtundit teneras circumdata fascla nares Ut galeis cédant...

Les Francs, frères des Germains, ancêtres de pas mal de Français et leurs patrons, apparaissent tels quo de purs monstres, avec certaines manies de chevelure tout à fait enfantines ou peau-rouge : « Le devant de leur tête jusque sur lo front est couvert d'une chevelure rougeoyante; tout lo reste jusqu'au cou reluit comme un cuir rasé do ses soies ; leurs yeux humides ont des reflets d'un blanc verdatro; sur leurs joues grattées de près se dressent en guise do barbe de minces crêtes do poils frisottés au peigne... »

... Rutili quibus arce cerebri Ad frontem coma tracta jacet, nudataque cervix Setarum per damna nitet, tum lumine glauco Albet aquosa acies, ac vultibus undique rasis Pro barba tenues perarantur pectino cristae...

LE LATIN MYSTIQUE 01

Très civilisé, bon citoyen romain, ancien consul, favoi les empereurs, évoque, Sidoine Apollinaire méprise encore j s qu'il ne les exècre les Barbares auxquels il avait tenu tête, au milieu desquels il lui fallait vivre en sa ville épiscopale a Clermont. Il l'avoue à son ami Catullinus : ces gens à crinières, ces Burgondes ivres et gorgés, la tète plaquée de beurre rance, ces Germains qui empuantissent dès le malin l'ail et l'oignon, ces géants, ces hommes de sept pieds de haut, moins insolents qu'indiscrets, le dégoûtent profondément; il est obligé d'ânonner une languo stupide et inflexible : il s'ennuie, ah ! presqu'autunt qu'un poète moderne parmi les Vundales plus damnables que les gras compagnons de l'énorme Scrsaon !

La correspondance de cet évêque est exquise; encloué parmi les brutes, il cherche au loin une sympathie, une intelligence; ses épîtres comme celles d'un Voilure ou plutôt comme celles d'un Antoine Godeau, dont il a le dilettantisme épiscopal, sont des entrelacs de vers et de prose. 11 s'excite à tous les sujets; il chante la gloire de saint Martin à qui Pcrpeluus a élevé dans les espaces un temple Solomoncsquc :

In spatiis aedes... Quae Salomoniaco potis est confligere templo.., Nam geminis, auro, argento si splenduit illud, Istud transgreditur cuncta metolla fide.

11 s'amuse à des métaphores de lu plus ingénieuse audace, notant les multiples couleurs des mots dont il voudrait fleurir ses églogues :

Ycrnans per varil carminis eclogas Verborum violis multicoloribus.

Comme Ausone, il s'oublie à invoquer Apollon et Calliope en faveur d'épithalames où il dil les conjugales gloires do Ruricius et d'ibéric, do Polemius et d'Aranéolc. Purs artifices, pures distractions à une vie pénible. Sidoino n'est pas un

02 LE LATIN MYSTIQUE

triste ; il est gouailleur plutôt que mélancolique ; il aime l'éclat des joies extérieures, môme s'il doit souffrir de leur grossièreté, et pourtant, n'a-t-il pas résumé sa philosophie secrète en ces deux vers jaillis en une épitre au pape Lupus, Domino papae Lupo :

O nécessitas abjectanascendi, Vivendi miseria, dura moriendi I

Le type des hommes abécédaires où s'amusa Sedulius est celle où il chante la vie du Christ. Elle se compose do vingttrois strophes, qui toutes commencent par une des lettres de l'alphabet, suivant l'ordre prescrit, depuis A jusqu'à Z, à l'exclusion des lettres J et V, non encore différenciées do l'I et de l'U. David et Jérémic ont souvent procédé do môme (les Leçons du Jeudi-Saint et du Vendredi-Saint, au premier Nocturne de Matines, en donnent des exemples liturgiques) ; c'est d'ailleurs la plus ancienne forme de l'acrostiche et il paraît que les primitives sibylles rendaient leurs oracles en tirades alphabétiques. Sedulius semble un poêle correct, rarement original. A peine peut-il nous arrêter un instant par celle remarque, que « la fécondation do la Vierge mère ayant été opérée par la Grâce qui pénétra comme un souffle dans ses viscères, la Puccllo (puella) ignorait son état physique, portait en son ventre des secrets dont elle n'avait pas ou la confldenco humaine; telle, semblc-t-il, l'interprétation do cette courte strophe, qui n'est que la versification d'un passage du protoévangile do Jacques :

Castae parentis vlscera Coelestis intrat gratla, Venter puella bajulat Sécréta quae non noverat.

Tronçonnée en deux fragments, cette hymne, A solis ortus cardine, est demeurée dans l'Anliphonaire.

LE LATIN MYSTIQUE

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Son Opus paschale, paraphrase du Nouveau Testament en hexamètres assez magistraux, jouit encore d'uno grande réputation dans les maisons d'éducation religieuse.

Le « grelottant » Eucltaristicon fut composé par Paulin le Pénilent, de Pella, en Macédoine, à l'âge de quatre-vingt-dix ans. Petit-fils d'Ausone, il n'eut pas la vie dénuée de soucis du précepteur de l'empereur Gralicn. Ses mauvaises aventures, sa détresse persistante, ses deuils, non moins que les amusements, tout païens, do sa première jeunesse, sont narrés en ce poème lent et blafard, muis plein do surprenants détails de moeurs, surtout quand il se reporte à la période déréglée de sa vie, per lubrica tempora vitae. 11 montait à cheval, entretenait des écuyers, élevait des phalères et des vautours, nourrissait des chiens, jouait à la paume avec des balles dorées, revêlait des hubits parfumés de Ions les parfums de l'Arabie, paradait sur un « char rapide », enfin se ruinait; et il conte tout cela avec une froide mélancolie, dans une langue obscure et travaillée dont les périodes indéfinies semblent sortir d'un douloureux laminoir.

11 gémit d'avoir été initié aux passagères voluptés de la chair, se félicite néanmoins d'avoir été retenu au bord du suprême abîme par la main de Dieu; il semble le dire, non sans un peu de naïf pharisianisme : Dieu lui devait bien cette faveur, car il n'a péché quo par imprévoyance, il no s'est livré quo par légèreté à l'illicite :

Carnis utlllecebris breviter praesentibus expers iEternos caperem venturoin temporo fructus... Nomque et iucautus quldquld culpabile gessl Illii'itiimve, vngus per lubrica tempora vitao, Te indulgente mihl totum seio possoremitti, Ex quo me reprobans lapsum ad tua jura refugi, Et si ulla inquam pctul peccata cavere, Quao mihl majorem parèrent commissa reatum, Hoc quoque me indoptum divîno munero novl...

Ah! c'est bien Paulin le pénitent, et qui a séché l'écriture de ses nuits avec la cendre froide de sa couche d'anachorète.

04 LE LATIN MYSTIQUE

Tout autre apparaît Orientais en ses virulents Commonitoires. Que l'on écoute ses imprécations contra lasciviam et venerea (c'étaient, au cinquième comme au dix-neuvième, les péchés du siècle, les seuls d'ailleurs qui atteignent assez profondément l'âme pour intéresser réellement un poète ou un casuiste) :

... Et fuge lascivis credere deliciis. Praecipue semper famosos despice cultus,

Judiciumque tuis eripe luminibus, Nemo feret rutilas intnctis vestibus ignés,

Nemo inter lituos non trahet auri sonum, Nemo inter flores blandorum ambitus odorum

Naribus assiduam non metet ungue rosam...

Non ego nunc repetam per tôt jam saecula quantos Feminei vultus perdiderint populos...

Foi ma placens Régi letho te tradidit Aman : Forma tuum rapuitdux Oloferne caput...

Non mihl si linguae ccntum sint oraque centum Expediam quantum forma placens noceat.

Ces anathèmes contre la beauté montrent bien les profondes modifications importées par lo christianisme dans l'âme humaine : lo corps, désormais doit être, surtout si lo démon y a logé ses grâces, un objet do haino; non plus un instrument de joie, mais un moyen do méritoires souffrances : et en réalité, toute théologie dédaignée, est-il autre chose ? Que font les docteurs do l'Eglise sinon de ramener à l'état do tristes simulacres, les triomphantes et menteuses statues du plaisir?

Au milieu do l'incroyance du siècle qui le navre, il revendique pour l'homme lo droit à l'éternité. Tout n'est quo changements : une chose s'en vient, uno chose s'en va; tout n'est que renaissances : « Car notre fin n'admet aucune fin et la mprt,.qui nous fait mourir, meurt perpétuellement. ParTéler*

LE LATIN MYSTIQUE 05

nel mouvement, par l'éternel esprit, l'homme vivra perpétuellement. Perpétuité! Ah! mes paroles ici s'entremêlent de sanglots, car, je le pense, il aurait été meilleur pour l'homme de quitter avec la conscience de la vie la conscience de ses peines, et né, de devenir à l'instant pareil à ceux qui ne sont pas nés, plutôt que de vivre en ce siècle où les péchés sont rois, plutôt que do vivre au milieu de supplices qui ont pour fin, la mort!... »

Nam finis noster Ûnem non accipit, et mors

Qua primo morimur perpetuo moritur. Victuro semper motu sensuque manente,

Omnis perpetuo tempore vivet homo. Vivet homo ! Fletus ast hic mea verba sequuntur,

Nam puto, sic hominis sors melior fuerat Cum sensu vitae sensum deponere poenao

Et natum innatis consimilem fieri, Quam nunc, peccatis toto dominantibus aevo,

Exstingut vitae, vivere suppliciis...

Là, il pense à la mort éternelle qui est la forme, non pas négative, mais péjorative do la vie et s'il gémit, c'est avec uno cordiale sincérité, en songeant, la tendre âme, au « petit nombre des élus ! »

Orienlius sait relever par un joli trait le banal d'une malédiction, le lieu commun d'un mépris déjà maintes fois proféré. Ainsi ce vers, qu'un vers français peut exactement traduire :

Quippo ut flos fenl gloria carnis erit, , La gloire de la chair, c'est de l'herbe fleurie.

Je relève encore ce mélancolique conseil do l'évôquo de Collioure qui, peut-ôtre, avait, commo d'autres de ses contemporains ecclésiastiques, souffert de quelque chaîne briséo :

Da studium... Ut tlbi sit nulla femlna juncta nimis.

00 LE LATIN MYSTIQUE

Les Gommonitoins d'Orientius qui tiennent en vingthuit pages de texte in-32, furent publiés pour la première fois par le jésuite Delrio, le sombre inquisiteur des sorcières .

Avec Claudius Marius Victor, qui n'était ni évoque, ni prêtre, la langue ecclésiastique revêt une esthétique différente. Celui-ci est un maître. Rompant avec les traditionnelles injures dont les chrétiens, depuis Terlullien, cinglaient les femmes, il constate leur perversité, mais loin do les en accabler, c'est aux hommes qu'il en impose la responsabilité :

Ista quidem, Salmon, sunt nostri crimina sexus.

Vivant dans le monde, il sait quo l'homme est aussi souvent tentateur que la femme tentatrice, il sait quo c'est par les vices que la femelle pluît au mâle, et qu'elle se pare pour le capter, de la fleur même de ses plus luxurieux désirs.

Sed cur infellx in culpa est femina tantum, Quum placeat stolido conjux vitiosa marito ?

C'est nous, les hommes, qui exigeons, pour notre plaisir, qu'elles so" vêtent do soies, de broderies d'or, de pierreries, de pourpres nouvelles et de bijoux inconnus. On prétend que leur coquetterie s'acharne après nos sens, mais si nous étions vraiment supérieurs en vertu à ces naïves tentatrices, noii3 prendraient-elles à de si faciles pièges ?... Et, qu'elles soient toujours à courir, à manger, à muser, à bavarder, n'estce pas nous qui leur faisons ces loisirs, qui exigeons qu'elles n'aient qu'une occupation : se faire belles, riantes, saines pour nos plaisirs ? « C'est nous qui honteusement donnons à ces flammes do perpétuelles nourritures... » Et il ajoute, ce qui est d'un observateur fort avisé : « Les femmes ressemblent à d'excellents miroirs qui renvoient sûrement les images des objets qu'on leur présente ; tels hommes, telles femmes. »

LE LATIN MYSTIQUE 07

Le « ténébreux » traité de la Perversité des moeurs serait mal jugé par un commentaire écourlé. Il faut citer, au moins, quelques uns de ces vers « luisants comme du phosphore », quand cela ne servirait qu'à justifier des Esscintes.

C'est une dialogue entre l'auteur et son ami, un certain Salmon, abbé. Le poète inspecte l'armée familière des péchés, nomme en passant ceux des hommes, l'avarice, l'orgueil, le libertinage, l'amour désordonné des plaisirs matériels, de luxe ou de gueule, et Salmon lui objecte :

Sed levis est vestra vitiorum morbus in urbo Si non feminei magis exarsero furores.

« Le vice n'est encore chez vous qu'une assez légère peste, si les femmes ne s'en mêlent pas, si leur fureur dans le mal n'excède pas celle des hommes. »

— « Ah ! reprend Morius Victor, la nuit aurait eu le temps d'envelopper le jour dans l'humidité de ses ténèbres avant que j'aie pu dénombrer les perversités de la tourbe féminine! Mais selon l'ordre divin les femmes sont sous la tutelle de l'homme et quand elles faillent, c'est notre faute. Car si nous n'avions pas un goût si décidé pour leurs péchés, à elles, nous ne les laisserions pas partager si étroitement.nos vices, à nous... » Et il note les prodigalités de l'accoutrement féminin, la manie des rigides brocards, des tapis d'Orient, des pierreries exotiques, les jalousies do toilette, déclare quo pour un homme chaste cl sensé lo blanc de céruse n'a que peu d'attraits, non plus quo lo rouge de minium. Observation qui n'a point diminué do valeur, les Gollo-Romaines du temps de Marius Victor, sans descendre aussi bas en leurs lectures quo nos contemporaines, s'attardaient aux éternelles et seules histoires d'amour rédigées en latin i il leur fallait la sensuelle et larmoyante psychologie d'Ovide, les chatouilleuses polissonneries d'Horace, la minauderie fardée des filles de Tércnce, — et ce quatrième chant de l'Enéido si élégamment passionné, si furieusement féminin !

08 LE LATIN MYSTIQUE

Voici le texte du poète :

Ante diem, Salmon, tenebris nox humida condet, Quam possim mores hujus percurrere turbae, Quae quum lege Dei vivant sub lege virorum, ... Haud unquam sine nostro crimine peccant. Nam nisi delictis faciles traheremur earum, Haud illas vitiis Yellemus vivere nostris. Nec rigidas auro vestes, nec vellera Sérum, Ncc lapides, toto quos fort mercator ab orbe, Fundorum pretiis emerent, suspiria moesta. Jungimus at vanas, non est pudor addere, curas ; Si gravis ignotis processit Lesbia gemmis, Et decies Passina novo radiavit in ostro, Confestim ornatum sibi quaeque exposcit eumdem. Ergo quod variis studeantoccurrere formis, Atque viris alios aliosque opponere vultus, Nonne haec culpa viri est ? Quid agunt in corporo casto Cerussa et minium, centumquo venenacolorum? Mentis honor morumque decus sunt vincula sancti Conjugii.' si forma placet, venientibusannis Cedet amor; sola est, senium quae nescit, honestas.

Nam quod perpetuis discursibus omnia lustrant, Quod pascunt, quod milita gerunt, quod multaloquuntur, Non vitium nostrum est ? Paulo et Salomone relicto, Quod Maro cantatur Phoenissae et Naso Corinnae, Quod plausum accipiunt lyra Flacci, aut scena Terenti, Nos horum, nos causa sumus ; nos turpiter istis Nutrimenta damus flammis; culpftne caremus ? Nam velut acceptas referunt spécula optima formas, Sic exempla virum uxores accepta sequuntur.

Saint A vit, Avitus de Vienne, n'est pas ignoré de ceux qui ont lu les commentateurs de Milton, duquel il fut lo prototype, avec son poème de Origine mundi. Il est certainement moins mythologique, moins servilo do l'antiquité classique, moins ennuyeux. Sa description du paradis terrestre s'orne de jolis vocables, d'amusantes allitérations :

Lilia perlucentnullo fiaccentia sole, Nec tactus violât violas...

LE LATIN MYSTIQUE 09

D'autres fois, ce sont d'originales idées notées avec hardiesse. Ainsi, après le péché, il semble àAdam que soudain la terre s'est rélrécie, en môme lemps que l'immensité du ciel lui découvre des abîmes d'infini où roulent les astres gémissants :

Angustatur humus... Coelo suspensa remoto Astra gemunt.

Comme Avitus, comme lantd'aulres, comme Marius Victor, lui-môme, l'espagnol Dracontius mit la Genèse en hexamètres. 11 y a moins d'imagination dans YUexameron, mais une grâce beaucoup plus retorse que dans le de Origine mundi. La création do la femme, où il s'attarde, l'incite à des pointes dans co goût : « La côte que Dieu prend à l'homme, il la rend au mari. » 11 admire que d'un si mince morceau de chair, le Créateur ait pu former une jeune fille instantanément nubile « jolie, innocente et cependant, mûre pour l'amour, comme si les années l'avaient amplifiée peu à peu, passant, en un rien de temps, sans avoir bu le lait d'aucune pieuse nourrice, de l'état vugissant à la puberté. »

Et sine lacto pio Ut mox infantia pubes.

Fils du soleil, il uime à faire rutiler les aurores, vibrer la crinière enflammée do l'astre, à déchaîner des tempêtes do lumière :

Ast ubi purpureum surgentem ex aequoro cernunt Lueiferum vibrarojubar, flammasque clerc, Et reducem super astra dlenido sole rubentom...

V

Claudien Mamert et Forlunat. — Le Pange lingua et le Vexilla Régis. — Salve, festa dies. — Les lettres de Forlunat à Grégoire de Tours. — Énumération : Tyro Prosper; Hilaire d'Arles; Prosper d'Aquitaine; Paulin de Périgueux; Àrator; S. Grégoire le Grand; Boèce et sa femme, Helpidie. — Ennodius. — L'école africaine. — Rusticus Elpidius.

V. — CLAUDIEN MAMERT ET FORTUNAT

De Sidoine Apollinaire, en une épilre à Petreius :

Orator, dialecticus, poeta, Tractator, geometra musicusque... Psalmorum hic modulator et phonascus, Ante altaria, fratre gratulante, Instructas docuit sonare classes...

Do vieles sot et de rote, De harpe sot et de chorum, De lire et de psalterium...

Orateur, philosophe, poète, commentateur, musicien, chantre et préchantre. 11 s'agit de Claudien Mamert, lequel semble, avec Prudence, la plus remarquable cervelle du cinquième sièclo. Ce fut surtout un prosateur : il faut renvoyer à son traité de Statu animae où il exposo d'étonnantes théories idéalistes et assez subversives. On lui attribue cependant, un magnifique chant de triomphe, lo de Cruce Domini ou Pange lingua auquel saint Thomas d'Aquin emprunta les premiers mots de sa quatrième hymne eucharistique.

Qu'il soit de Claudien Mamert, qu'il soit do Forlunat, le Pange lingua est un chef-d'oeuvre de poésie théologique :

Pange, lingua, gloriosl praelium certaminîs

Et super cruels trophaeo die trlumphum nobilem

Qualitcr Redomptor orbis immolatus vlcerît.

Do parentis piotoplastl fraude factor condolens Quando poml noxtalls morsu in mortem corruit Ipso ltgnum tune notavit, damna ligni ut solveret.

Hoc opus nostrae salutis ordo depoposcerat Multiformls proditoris ars ut artem fallerct Et medelam ferret inde, hostis undo laeserat.

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74 LE LATIN MYSTIQUE

Quando vcnit ergo sacri plenitudo temporis, Missus est ab arce Patris Natus orbis conditor Atque ventre virginali carno factus prodiit.

Vagit infans inter arcta conditus praesepia, Membra pannis involuta Virgo mater alligat Et pedes manusque, crura, stricta cingit fascia.

Lustra sex qui jam peracta tempus implens corporis, Se volente, nâtus ad hoc, Passioni deditus, Agnus in cruce levatur, immolandus stipite.

Hic acetum, fel, arundo, sputa, clavi, lancea : Mite corpus perforatur, sanguis unda profluit, Terra, pontus, astra, mundus quo lavantur flumine.

Crux fidelis inter omnes, arbor una nobilis, Nulla talem silva profert fronde, flore, germine : Duke lignum dulci clavo dulcc pondus sustinet.

Flecto ramos, arbor alta, tensa laxa viscera Et rigor lentescat ille quem dédit nativitas, Ut superni membra régis miti tendas stipite.

Sola digna tu fuisti ferro pretium saeculi

Atque portum praeparare nauta mundo naufrago

Quem sacor cruor porunxit fusus Agnl corpore.

Chante, 6 ma langue, le duel glorieux de l'antinomie, Et le triomphe très noble de la Croix, trophée Du Rédempteur, et sa victoire, — l'Immolation.

A notre père, forme première, première viclimo ile lu

fraude, le créateur est coudoient. 11 mord à la pomme de nuisance, il a mordu la mort : Je dresserai l'arbre de mort en signe de résurrection.

Ainsi l'Ordre argumente lo poème de notre salut, Le Proditeur multiforme est vaincu ruse à ruse, Un seul rameau porte les poisons et les antidotes.

LEJ.ATIN MYSTIQUE 73

Quand vint donc la plénitude du temps sacré, Le fils fut des sommets envoyé par le Père El du ventre virginal il sortit incarné.

L'Enfant vagit, caché dans l'étroite mangeoire,

Ses membres involués de langes, la Vierge mère les emmaillolte

emmaillolte ses pieds, ses mains, ses cuisses, en un strict faisceau les

ligote.

Trente uns : le cercle corporel est accompli, Celui qui naquit exprès, dédié à la Passion, Agneau se lève sur la Croix du sacrifice.

Vinaigre, fiel, roseau, crachats, clous et la lance : Le corps débonnaire est perforé, le sang ondoie La terre, les mers, les astres, et le monde est lavé.

Croix fidèle entre tous les arbres, arbre de noblesse unique, Nulle forêt n'en produit de tel, par frondaison, flore ou

germes, O Bois de suavité, ô Clous de suavité, o Fardeau de suavité!

Fléchis tes branches, arbre géant, relâche un peu la tension

des viscères, Et que ta rigueur naturelle s'ulenlisse, N'écarlèle pas si durement les membres du Roi supérieur.

Seul, lu fus digne de porter la rançon du siècle, O Fanal éternel du havro permanent, Secours définitif du monde rénové par lo sang sacré de l'Agneau.

Le Vcxilla régis, que nul no conteste à Forlunat, apparaît, malgré uno certaine somptuosité douloureuse, bien inférieur au Pange lingua dont il n'est qu'une imitation; la première

70 LE LATIN MYSTIQUE

strophe seule plaît par la violente antithèse du roi et de la potence :

Vexilla régis prodeunt, Fulget crucis mysterium Quo carne carnis conditor Suspensus est patibulo...

(Les étendards du Roi se déploient, le mystère de la croix resplendit, la chair du créateur de la chair pend à la potence.)

Forlunat, d'ailleurs, n'est pas l'homme d'uno ode unique. Poète divers et fertile, il demeure l'authentique auteur d'un imposant rouleau de vers grands et petits, liturgiques ou lendres, édifiants ou familiers : de lui ce fragment exquis inséré, avec quelques médiocres retouches, au Petit Office de la Vierge :

O gloriosa domina Excelsa super sidéra Qui te creavit providè Lactasti sacro ubere.

Quod Eva tristis abstulit Tu reddis almo germine : Intrent ut astra flebiles, Coell fonestra facta es.

Tu régis altl janua Et porta lucis fulgida : Vitam datam per Virginem Gentos redemptae plaudito.

(Glorieuse Dame assise plus haut que les étoiles, tu donnas à ton créaleur le lait de la sainte mamelle. — Eve la triste avait détruit la vie, le noble germe issu do loi la restaure : ceux qui pleurent entrent dans les astres en passant par loi, fenêtre du ciel. — Par loi l'on va au Roi d'en haut, par toi, porte do fulgurante lumière : de la vie que vous rendit la Vierge, soyez, ô peuples rachetés, reconnaissants.)

LE LATIN MYSTIQUE "7

De lui le Salve, festa dies, chanté jadis à Pâques : « Salut, jour de fête, jour d'éternelle vénération, dans lequel Dieu a vaincu l'enfer et conquis les astres. Voici que la grâce du monde renaissant annonce le retour du Seigneur cl des joies qui sont son oeuvre. La saison resplendit, diversifiée en sérénités fleuries, et la porte du ciel s'ouvre aux majeures lumières... Les indulgents violiers font dans les vais des taches de pourpre, les prés d'herbe verdoient et l'herbe a des reflets de chevelure, et l'on voit surgir les yeux étoiles des fleurs, Jloraisons do sourires à chaque brin de gazon... Le triomphant Christ revenu des tristes enfers, les frondaisons et les épanouissements lo saluent... Le crucifié sur toutes les choses règne en Dieu et toutes les créatures nu créateur disent leur prière... La foi promise, rends-la moi, jo t'en supplie, ô noble puissance : voici le tierce jour, surgis, ô mon enseveli... Dépouille, je t'en supplie, ton linceul, laisse dans le sépulcre ton suaire: avec loi nous avons tout et sons toi rien n'est plus!...»

Salve, festa dies, toto venerabilis aevo

Qua Deus infernum vicit et astra tenet. Ecce renascentis testatur gratia mundi

Omnia cum Domino dona redisse suo. Tempora llorigero rutilant distincto screno

Et majore poli lumine porta patet... Mollia purpureum pingunt violaria campum,

Prata virent herbis et micat herba comis. Paulatim subeunt stellantialumina florum,

Floribus arrident gramina cuncta suis... Jamque triumphanti post tristia Tartara Christo

Undlque fronde nemus, gramina flore favent... Qui crucillxus erat Deus, ecce per omnia régnât

Dantquocreatori cuncta creata precem... Pollicitam sed reddo fidem, precor, aima potestas,

Tertia lux rediit, surge, sepulto mous... Lintea toile precor, sudaria linque sepulcro :

Tu satis es nobis et sine to nihil est!...

Ce charmant Forlunat, d'imagination tout à fait illogique et

78 LE LATIN MYSTIQUE

dévergondée, incapable de suivre une métaphore, donnant le vol à une idée pour en arrêter une autre qui passe, fut moins heureux dans son grand poème sur saint Martin qu'en de courtes odes ou des morceaux purement lyriques. Très agréables en leur pareille brièveté ses lettres en vers, lorsqu'il salue son ami Grégoire do Tours, le remercie de quelque présent, « Pro pomis et graffiolis », do fruits et de greffes ; « Pro pellibus niveis », de blanches peaux avec lesquelles il se fera des chaussures; lorsqu'il lui recommande un pèlerin, « Pro commendatione peregrini », ou une jeune fille enlevée h ses parents, « Pro commendatione puellae ».

C'esljpresque lo seul poète du vic siècle, encore que plusieurs noms pourraient, à sa suite, être cités ; mais, comme furent exprès oubliés le trop conjugal Tyro Prosper; le Irop biblique Hilaire d'Arles ; le quasi-janséniste Prosper d'Aquitaine dont on réimprima sans relâche aux deux siècles passés le Carmen de Ingratis, vainc diatribe contre ceux qui se refusent aux obscures bienveillances do la Grâce, bélier écorné dont on heurtait sournoisement le solide huis des Jésuites, texte d'ailleurs interpolé par l'hypocrite Port Royal et mis en vers plâtreux par le fils Rucinc ; Paulin do Périgueux, Paulinus Pclricorii ou Petricordiac, qui rangea ses alexandrins sous lo manteau pannonien de Martin do Sabaric, —laissons lo pape Grégoire, dont le bréviaire romain a conservé pieusement les médiocres versifications : pour les louanges malulinulcs, YEcce jam noctis tenualur timbra; pour la Quadragésimc, Y Audi, bénigne conditor; — laissons, avec d'autres, Aralor, le secrétaire modeste d'Alhalaric, pour dire qu'Ennodius,détaché par le pape Hormisdas contre les Eutychécns, rédigea sur sainte Euphémic une odo digne do la précieuse rhétorique do Prudence. Forte au milieu des supplices, infrangible presque et diamantine, les fers qui la travaillent s'émoussent ou so tordent sur son corps,

Tormenta torsit fortia corporo.

LE LATIN MYSTIQUE 79

A mesure que la douleur par son extrême acuité l'engourdit, son amour augmente pour la croix :

Lassante poena crevit amor crucis.

El il y a là une juste notation qu'à un certain degré d'excès la souffrance physique n'est plus perçue que commo dans un ensommcillement, dans une clémente et naturelle anesthésie.

Comme saint Augustin, Ennodius écrivit ses confessions ; on y apprend qu'il avait, de même qu'Ovide, un irrésistible goût pour la versification, qu'il maniait tous les mètres avec une rare habileté, grâce à un moyen mécanique do composition, assez obscur : « Poetarum me gregi indideram, delectabam carmina quadralis fabricala particulis et ordinula pcd.um varictatc solidata. » Lorsque l'on connaît trop bien les secrets de la fabrication du vers, la tentation, même à un poète chrétien, vient d'exhiber celle science presque occulte, de prouver que nul sujet ne lui est fermé, — et Ennodius s'amusa à de licencieuses épigrammes, se laissa entraîner, non moins qu'Ausone, vers les imaginations d'un paganisme, de plus en plus ridicule cl fané.

Do telles aberrations sévirent encore dans lo groupe des poètes africains do l'ère vandale au commencement du sixième siècle, chez les Florenlinus et les Movortius, les Coronalus et les Luxorius, — tandis qu'au contraire le médecin de Théodoric, Ruslicus Elpidius narrait en des vers médico-mystiques les pures joies de la communion en Jésus-Christ, conviait ses frères à le. cueillaison des simples, à la moisson des drastiques sacrés, au respect de la pharmacopée céleste qui dépure lo sang infecté par les vices, corrompu par les péchés dont il charrie, en les veines distendues, le venin et la boue, lues viliorum, crimina laesi sanguinis !

Quanl au sénateur Boècc, méchamment mis à mort par le bon Théodoric, et plus illustre que do raison, on n'en peut parler ici quo pour noter son immenso influence sur tout le

80 LE LATIN MYSTIQUE

moyen âge, — influence à la fois platonicienne et aristolélienne, influence égale à celle d'un père de l'Église, bien que son christianisme fût assez tiède pour qu'on ait pu en douter, ïl rédigea divers traités et, dans sa prison, celte fameuse Consolation de la philosophie, où des siècles puisèrent leur enseignement. Le plan de cet ouvrage est copié assez servilement du Pasteur d'Hermas et son intérêt est très modéré ; des vers y sont intercalés, un peu commo dans la Vita Nuova de Dante, lequel d'ailleurs lisait beaucoup Boèce et lui emprunta quelques pensées, le Nessun maggior dolore, par exemple.

A la femme de Boèce, Helpidie, on attribue traditionnellement quelques hymnes et le bréviaire romain en a conservé deux, YAurea luce et le Petrus beatus, peut-ôlre pour leur ancienneté, peut-ôlre pour leur médiocrité.

VI

S. Columban et les origines de la renaissance carlovingiennc. — VAntiphonaire do Bangor. — VAntiphonaire de Saint-Gall. — La Liturgie Mozarabe. — Ancien rit de la consécration eucharistique. — Eugène de Tolède. — Alcuin. — Théodulphe et le Gloria Laus.

— Adhelme et la Virginité. — Paul Diacre et Charlemagne. — Le diacre Flore. — Bèdc le Vénérable.

— Raban Maur : le Veni Creator. — Wandalbert. — Abbon. — Ermold le Noir. — Walafrid Strabo. — lnaulhenlicite du théâtre et des poèmes de Roswitha.

— Odon de Cluny.

VI. - L'ÉPOQUE CARLOVING1KNNE

Longtemps même après la définitive installation des barbares, Francs, Goths ou Lombards, il n'y avait qu'une langue, qu'une littérature, qu'une civili> .'.-m pour toute l'Europe occidentale : et le reste du monde antique était grec. Au fond du monastère irlandais de Bangor comme dans los solitudes do Saint-Gall les moines, oubliant et méprisant la langue do leurs mères nourrices, pensaient, parlaient et vivaient en latin. Nul interprète n'était nécessaire au pérégrin qui parti de chez les Scots arrivait chez les Alemans. En Irlande spécialement, la culture classique s'était très fortement enracinée et le plus illustre de tous ces jardiniers de la langue latine, saint Columban n'apporta pas seulement à Luxeuil, en Austrasie, à Bobio, en Lombardie, une règle monastique nouvelle pour le continent, quoique presque contemporaine des temps apostoliques, mais encore les règles, là un peu effarées par l'animalité barbare, de la littérature traditionnelle. Telle fut, pour une grande part, l'origine de la fausse Renaissance a laquelle devait tant s'intéresser Charlemagne, renaissance toute de phrases, toute littérale, toute d'imitation," moins grave, moins pitoyable, de moins de conséquences, mais d'intentions aussi naïvement mauvaises que celle qui au xvi* siècle fit oublier Villon pour Anacréon, saint Bernard pour Marc-Tulle, l'Angelico pour Raphaël et qui devait conclure en élevant au Christ des bâtisses à colonnes toutes pareilles à celles dont le mépris avait valu à ses premiers fidèles le martyre.

La rénovation carlovingienne fut trop inconsciente pour être dangereuse, trop factice et trop limitée pour survivre, trop ignorante pour atteindre les âmes : elle se borne nécessairement à la grammaire et à la prosodie.

Les hymnes de l'antiphonaire de Bangor et de l'anliphonaire de Saint-Gall, qui en procède assez directement, n'ont

8i LE LATIN MYSTIQUE

guère quo cet intérêt d'avoir latinisé d'assez curieux rythmes grecs, de chanter Dieu ot ses saints en tout petits versiculets analogues à ceux que chérissent les hymnaires alexandrins. Sninl Columban tient à nous faire connaître l'étendue de ses lectures en même temps que son dilettantisme et il avouo \u\ goût décidé pour l'excitante Sapho dont il calque le vers adonique :

Trojugonarum Inclytu vates Nomino Sapho Versibus istis Duloo solebat Edero carmen

(Au pays troyen, un poète insigne du nom do Sapho, en de pareils mètres avait l'habitude de chanter ses vers.) Bien plus digne du fondateur de Luxeuil l'hymne De vanitate et miseria vitae mortalis, où so retrouvent les spéciales allitérations avec hiatus, chères aux moines de Bangor :

Do terrenis éleva Tui cordis oculos : Ama amantissimos Angelorum populos.

(Laisse la terre et relève les yeux de ton coeur : Aime le très aimant peuple des Anges.)

L'Antiphonaire de Bangor, le livre des anliphones chantées aux offices du monastère illustré encore par Malachie, le saint aux inquiétantes et rassurantes prédictions, — n'est pas tout à fait à dédaigner el après l'hymne à saint Comgil, il recèle encore des prières canoniales curieusement allitératives, telle que cellc-ci,qui se disait à Sexte, el dont il faut admirer encore la grande simplicité :

Tuis parce supplicibus Sexta ora orantibu j Qua fuisti pro omnibus Christe in cruce positus.

LE LATIN MYSTIQUE 8.°»

(Pardonno à tes suppliants, qui à la sixième heure te prient, à celte heure où pour nous tous, Christ, lu fus attaché à la croix.)

L'anliphonaire de Saint-Gall, encore conservé dans la bibliothèque du très antique monastère est, quant au plainchant, une copie fragmentaire mais authentique de l'anliphonaire que Grégoire lo Grand avait compilé, puis enchaîné de chaînesd'or,tol qu'un précieux étalon musical. Les hymnes qu'il contient (oeuvre surtout d'un moine peintre, sculpteur, graveur, poète et musicien nommé Tulilo) sont quelquefois obscures el ardues à interpréter; ainsi ce chant sur l'Epiphanie où on voit, à la naissance do l'Enfant, les Anges chanter dans la nuit des symphonies d'allégresse, faire résonner très doucement les orgues...

Cujus ortu tripudians Angelorum symphonia, Sub noctis canticinio Dulei deprompsit organo...

Des mêmes temps sans doute date la Liturgie Mozarabe qui fut respectée en Espagne jusqu'au temps de Grégoire VH.

La partie dénommée Sanctorale ou Propre des Saints renferme quelques hymnes, qu'à leur forme ou juge fort anciennes puisque, souvent, elles ne sont pas rimées. De Sancta Columba :

Nardus Columbae floruit, Ligustra flagrant hortuli : Fulcite laetam floribus, Stipate malis virginem.

(Le Nard de la Colombe fleurit, les troènes s'embrasent dans les jardins : Nourrissez de fleurs la Bienheureuse, enfermez la Vierge dans une enceinte de pommiers.)

Celte poésie n'est pas médiocre. D'ailleurs grandement intéressant tout du long ce Missale Mixtion ou Breviarum Gothicum diclum Mozarabes. C'est là que l'on trouve cette forme si spéciale cl si belle de la consécration, où le prêtre

80 LE LATIN MYSTIQUE

après avoir rangé sur lo corporal les saintes parcellos selon col ordre :

coni'Oiivrio

MOriS XAT1VUAS UliSUIHUXUO

CItUXMCISlO GLORIA

AWAIUTIO NtXNl'M

se communie successivement avec chacun de ces fragments qui symbolisent les phases de l'Incarnation, de la Passion de la Mort el du Règne. « Et qu'ensuite, dit la rubrique, le Prêtre fasse ainsi. Qu'il rompe l'Eucharistie par le milieu : et qu'il en pose la moitié sur la Patène : el do l'autre partie qu'il fasse cinq parcelles et les pose sur la Patène : et qu'il prenne la première moitié et qu'il en fasse quatre parcelles el les pose pareillement sur la Patène, selon l'ordre indiqué par les ronds ci-dessus. — Et deinde faciat Presbyier sic. Frangat Euchuristiam per médium : et ponat mediam partem in Patena : et de alia parle faciat quinque parliculas et ponat in Patena : et accipiat aliam partem et faciat quatuor parliculas et ponat in Patena similiter per ordinem faclum per rotas istas quae supra sunt. »

Des poètes de l'entour de Charlemagnc, l'anglais Alcuin et l'espagnol Théodulphe sont les deux plus tourmentés de ce besoin d'imitation si développé à certaines époques littéraires, et très haussés sur leur cothurne ils ne trouvent aucun mètre digne de leur mérite que celui de Virgile et celui d'Ovide. Par de certaines répétitions qui ne sont point sottement imaginées Alcuin donne à l'éternel distique des Fastes comme un air de nouveauté ; ainsi ce huitain sur la dédicace de l'église SaintMaurice :

Victor ab hoste redit divino munere clarus Dum legione sacra victor ab hoste redit.

LE LATIN MYSTIQUE 87

Praolla paoo Dol Maurieius ardua vicit

Kxsuperans muudi ptaolia paco Dei. Haec domus coco suo titutata est nomino sanctu,

Fulgoat et moritis haec domus eceo suis; Cujus honore sacrum ot micat hoo altaro dicatum

Gaudeat ot populus cujus honore sacro.

(Vainqueur il revient de l'ennemi, tout éclatant de la divine grâce, pendant qu'avec sa légion sacrée, vainqueur il revient do l'ennemi. — Au combat, avec l'aide de Dieu, Maurice a glorieusement vaincu, il a triomphé en ce monde, au combat, avec l'aide de Dieu. —Ce dôme 1res saint, voici qu'il rst dédié à son nom, voici qu'il brille de ses propres mérites, co dôme 1res saint. — En votre honneur cet autel sacré resplendit, puisse le peuple se réjouir en votre honneur.)

Il rédigea pour la reine Hildegarde, femme deCharlemagno, et ses deux filles des épilaphes assez louchantes et d'une suffisante élévation :

Hoc tumulata jacet pusilla puellula busto

Adeled amno sacro quae vocitata fuit. Unie sator est Karolus, gemino diademate pollens...

(Sous cette tombe, enterrée là, git une tendre petite lille, qui reçut à l'ondoiement sacré ce nom, Adelède. Son père est Karolus, le roi puissant au double diadème...)

Evoque au temps où les évêques étaient l'une des forces et la décoration du royaume, Théodulphe composa des vers épiscopaux. 11 parle en maître de la morale chrétienne, c'està-dire qu'il adopte contre le pouvoir civil et les tyrannies des gens armés la cause des pauvres et de tous ceux que malmènent les détenteurs de l'autorité ; telle, la substance de ses deux exhortations versifiées aux juges et aux évêques : Paraenesis ad Judices; Paraenesis ad Episcopos. Ses moindres épitres ont un air de mandement. Celait un homme ferme, qui connaissait les devoirs de l'Église, s'inquiétait moins de plaire que de propager la justice. D'abord, les pauvres : ils ne doivent pas

88 LE LATIN MYSTIQUE

attendre, dit-il aux juges. « Prends placo ot quo la causo du pauvre soit jugéo la premièro ; les autres suivront selon l'ordre. »

Et résidons cjus primum beno discuto causam : Ordino po.'t currant singula quaequo suo.

On lit dans les missels, au dimanche des Rameaux : » La procession étant arrivée à la porte de l'Kgliso qui doit être fermée, les chantres, au dedans de l'église, chantent ce qui suit :

Gloria, laus ot honor tibi sit, Rox Christo redemptor

Cui puérile decus prompsit hosanna pium. Gloria, laus ot honor tibi sit, Rox Christo redemptor. Plebs hebraea tibi, cum palmas obvia venit :

Cum preco, voto, hymnis, adsumus ecco tibi. Gloria, laus et honor tibi sit, Rox Christo redemptor. III tibi passuro solvobant munia laudis :

Nos tibi regnanti pangimus ecco melos. Gloria, laus ot honor tibi sit, Rox Christo redemptor. Hi placuero tibi : placeat dovotio nostra,

Rex bone, Rex clemens, cui bona cuncta placent. Gloria, laus et honor tibi sit, Rox Christo redemptor.

Ces vers sont de Théodulphc :

« Gloire, honneur et los à toi, Roi Christ et rédempteur, pour qui de ce décor d'enfants s'élève un pieux hosanna. — Gloire, honneur et los à toi, Roi Christ et rédempteur. — Le peuple hébreu vint à ta rencontre avec des palmes ; avec des prières, des voeux et des hymnes nous approchons de toi. — Gloire, honneur et los à toi, Roi Christ et rédempteur. — A la victime prochaine ils offraient des dons de louanges, nous c'est au roi régnant que nous apportons nos mélodies. —Gloire, honneur et los à loi, Roi Christ et rédemteur. — Ils te plurent; le plaise noire dévotion, Roi bon, Roi clément, à qui plaisent toutes les bonnes choses. — Gloire, honneur et los à toi, Roi Christ et rédempteur. »

LE LATIN MYSTIQUE 80

D'une plus originale conlexlurc el do madère bien plus pis'cieuse, avec des étincellements de grosses et monotones pierreries, gauchement taillées, mais sorties selon l'art des nuances, les vers un peu plus anciens d'Adhelmo, abbé ^ Malmesbury, puis évoque do Slirburn, en Angleterre. Ce prélat chanta infatigablement la Virginité, et infatigablement il s'étonne que de la pourriture charnelle puisse naître et croître vers un épanouissement aussi exquis une Heur aussi délicate. Pour comprendre, il s'ingénie à des explications métaphoriques :

Aurimateriam fulvi obryzumquo motallum Glarea do gremio producit sordida torrae. Sic casta integritns, auri llaventis imago, Gignitur e spurea terreni earnoparentis... Palllda purpurcas ut gignit glarea gemmas Pulverulenta tegit quas spurei glebula ruris, Sic sacra virginitas coolorum grata colonis Corporeo de spurco sumit primordia vitae.

(La matière de l'or fauve et des plus purs métaux, c'est en un sordide minerai qu'elle sort du giron de la terre. Ainsi la chaste Intégrité, image de l'or tlavescenl, s'engendre de la chair immonde de terrestres parents... De même qu'un pâle gravier engendre les gemmes de pourpre, que recouvre la motte pulvérulente d'une terre immonde, ainsi la Virginité sacrée, si agréable aux coelicoles, reçoit d'un corps immonde les origines de sa vie.)

A la trouvaille de celte antithèse, Adhelme s'excite.

Nulle glaise ni boue dont il n'extrade triomphalement la « chaste Intégrité », el l'on croit entendre Raymond Lulle proclamer en sa Clavicule : « Tu transmueras en Lune toute espèce de métal sorti d'une mine. »

Cependant, ayant épuisé tous les humus et toutes les glèbes, il s'essaie, pour vanter la préexcellence de la Virginité, à de plus ardues métaphores. Elle est supérieure aux vignes, comme

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aux vignes lo vigneron qui les dépouille; aux astres comme lo soleil aux astres qu'il obscurcit :

Vinea fruglforis ut constat gloria campis Pnmpinus immonsos dum gignit palmlto botros, Vinitor et spoliât frondentes falcibus entos. Sidora praeclara cedunt ut lumîno solis Lustrât dum terras obliquo tramito Titan, Cuncta supornorum convincens astra polorum. Sic quoquo Yirginitas quao sanctos inclyta comit Omnia sanctorum transcendit praomia supplex.

(La Vigne, gloire des frugifères campagnes, lorsque les pampres onl engendré au bout do leurs sarments des grappes immenses, lo vigneron vient et avec ses ciseaux dépouille de leurs fruits les entes feuillues. Les très claires étoiles cèdent la place lorsque le Titan, en sa course oblique, asperge de rayons solaires la surface des terres, prouvant sa supériorité à tous les astres des pôles supérieurs. De même la Virginité insigne, parure des saints, surpasse en ses prières tous les suffrages des saints.)

Le mariage, néanmoins, n'est pas méprisable, le mariage que Grégoire de Nazianze dénomme un « élat amphibie », et voici les raisons de l'imaginatif Adhelmc :

Non ergo argenti squalescit spreta libella, Uncia bis senis quam pensât laneibus aequa, Quamvis auratis praecellat fibula bullis, Amplius aut certe llavescant petala fulva. Neolaterna tibi vilescat vitrea, Virgo, Tergore vel raso et lignis compacta salignis Seu membranarum tenui velamine facta, Quamlibet aerata praecellat forte lucerna, Aut furvas lichnus illustrans luce latebras... Nec putei laticem spernendum ducimus altuni Antlia quem sursum solet exantlare cisternis, Quamvispraecipua praecellant flumina fontis... Mergula née penitus nigris contemnitur alis, Ingluviem ventris squammosis piscibus implens, Garrulus aut etiam vilescit gracculus ater,

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Qui segotum glumas ot îaotl cespito occas Depopularo studet, carpens do messo maniplos, Quanquam versloolor flavoscat penna pavonU Et terctos rutilent plusrubro muryoocycli, Cujus formosa speclcs et fulva voaiistas Omnia fabrorum porro molimlna vincit.

(Elle n'est pas sordide, la minusculo monnaie d'argent que dans la balance enlève douze fois l'once équitable,— bien que la préexcello la llbulo aux bulles d'or, ou que plus amplement écries blondissent les fauves pétales. Et la lanterne de verre n'est aucunement vile pour toi, ô Vierge, ni celle do cuir tanné et façonnée avec la pellicule ténue des membranes, — bien quo la préexcello sans doule la lanterne d'airain ou la lampe illustrant de sa lumière de ténébreuses chapelles... Et nous n'avons pas de dédain pour la source profonde du puits qu'une pompo va pomper pour les citernes, bien quo la préexcellent les plus rares écoulements des libres fontaines... H n'est pas tout à fait méprisé pour ses ailes sombres, le plongeon qui de squammeux poissons s'emplit le ventre, ni lo bavard geai noir (le corbeau), lui-même, n'est avili pour s'étudier àdépeupler les glumes des blés et les terres grasses où passent les herses, en prélevant sa cueillette sur les moissons, — bien que la plume du paon éclate versicolorc et que ses agréables roues rulilent plus quo les rouges murex, le paon dont la belle apparence et la beauté dorée surpassent, victorieuses, tous les chefs-d'oeuvre des orfèvres.)

Pas davantage que le « plongeon aux ailes sombres », ou que le « geai noir » ce poète ne mérite un total mépris : ni plongeon, ni corbeau ; paon, non plus (s'il faut, comme Oppien, révérer le paon tel que le plus beau des volatiles, — et admettre que son incorruptible chair symbolise l'immortalité, signifie l'éternelle durée des âmes qt des oeuvres), mais, une si jolie et si logique imagination plaît, qui vagabonde par l'entière nature en quêle d'images toutes ramenées vers une démonstration unique. C'était un esprit porté à la parabole :

02 LE LATIN MYSTIQUE

il voyait en toules choses des vérités corroborant la vérité qui lui était chère, en toutes choses des allégories et des parallélismos que nul quo lui n'aurait pu soupçonner. Par ces tendances il fui induit à rédiger des énigmes ; c'était un redoutable sphynx : lo prétexte viendra en un chapitre ultérieur, de quelques notes sur cette littérature spéciale et modeste.

Vers l'époque où Adhelme s'épanouissait en métaphores, naissait en Lombardio, près du roi Didier, un homme célèbre pour avoir fourni leurs définitives appellations aux six premières notes de la gamme :

Ut queant Iaxis resonaro fibris...

L'auteur, Paul Warnefride, diacre do l'église d'Aquilée, est surabondamment connu sous le nom do Paul Diacre.

11 vivait dans une atmosphère crépusculaire encore assombrie el péjorée par la révolte des Lombards, que Charlemagne, en 77G, réprima durement. Son frère fut exilé et la femme do son frère mendiait son pain par les chemins; le diacre, en de douloureux vers, informe l'empereur et roi de ces disgrâces :

Septimus annus adest : ex quo nova causa dolores

Multipliées générât et mea corda quatit : Captivus vestris extunc germanus in oris

Est meus, aftlicto pectore, îuidus, egens... lllius in patria conjux, miseranda per omnes

Mendicat plateas oro tremente cibos.

Charlemagne fut clément : il entretenait, d'ailleurs, avec le diacre, une correspondance en vers, où il l'appelle Frater dilectus, Pater optime :

Parvula rex Carolus seniori carminaPaulo Dilecto fratri mittit honore pio...

C'est encore des guerres et des discordes que se lamente le diacre Flore, de l'église de Lyon, lorsqu'il remercie le Christ

LE LATIN MYSTIQUE Oïl

«le lui avoir assuré, loin des cruautés extérieures, un refuge dans la certitude du sanctuaire," uno placo dans son lit royal, sous les voiles sacrés » :

IHc mo nnmquo feris quum cingerer undiquo bellb, Sub proprio abscoudit thalamo, volisquo sacratis OMectum gratà minimum confovlt in timbra.

Il pleure aussi le grand sacrilège politique, lo démembrement do l'Empiro : « L'illustre diadème fleurissait un royaume unique; il n'y avait qu'un maître; il n'y avait qu'un peuple : — et voilà quo le diadème tombe, que l'empire n'a plus ni le rang, ni lo nom impérial; nu lieu du roi, des roitelets ; au lieu du royaume, des fragments de royaume, el uno illusoire paix sans aucune des grâces de la paix. »

Floruit egregium claro diademato rognum. Princeps unus erat, populus quoquo subditusunus...

... Diademato nudus Perdidit imperii pariter nomenquo decusquo : Pro rege estregulus, pro regno fragminaregni, Et pacem vocitant, nulla est ubi gratia pacis.

Ces deux poètes ayant, en leurs oeuvres, touché aux choses de l'histoire sont fréquemment allégués par les racleurs de documents.

Moins connu, mais plus illustre, est lo vénérable Bède, qui rédigea d'opulentes théologies et quelques vers, d'où çà el là, une image affolée surgit dévêtue :

Fons, flumen, irrigatio, O beata Trinitas :

(Fontaine, fleuve, arrosement, ù bienheureuse Trinité!)

Sed imbecilla pluma est velle, Sine subsidio tuo !

(Mais la volonté n'est qu'une insolide plume, sans ton subside !)

01 LE LATIN MYSTIQUE

Parolo imprudente, peut-être, adresséo encore à la SainteTrinité, dans une pièce qui a pour titre, Oratio pura. Son hymne sur lo jour du jugement, llymnus de Die Judicii, est pleine d'images atroces, d'un raffinement aigu; il invente pour les damnés des supplices tels que ceci : « Des serpents aux dents do feu leur mangeront les os. »

Et venues lacérant ignitis dentibus ossa.

Déjà sonne en ces vers la future trompcllo du Dies Irae :

Atquo omnes pariter boulines cogcntur adesso Cunctaquo cunctorum cunctis arcana patcbunt : Quld caro, quid faciès, Ma quid flebilis horâ ?

(Et tous pareillement, tous les hommes devront être là, et tous les secrets de tous seront dévoilés devant tous : que feras-tu, ô ma chair, ma lamentable chair, à cetto heure-là?)

Bède n'est incompétent ni en mystique, ni en rythmique, témoin celte strophe sur le martyre do saint André, où l'apôtre se couvre contre les sept flagellations qui lui sont infligées du septiforme bouclier des sept dons de l'Esprit Saint :

Caesus flagellis septies Tbrmenta risit omnia, Septena quem replevcrant Jam doua Sancti Spiritus.

L'abbé de Fulde, l'évêque do Mayence, Raban Maur, fut un homme de large coeur et de haut esprit. Moine, il enseignait à tous les lettres divines; évêque, il ne dînait jamais que des centaines de pauvres ne dînassent avec lui ; poète, il composa le Veni Creator (Ebert le conteste mais la Tradition l'affirme), l'un des indestructibles monuments du neuvième siècle. Ignorés, même de l'Eglise, ces rapsodes sacrés n'ont, en leur vie posthume, qu'une gloire anonyme : à nul entendant ces hymnes, ces proses, ces antiennes, ne vient aux lèvres les

LE LATIN MYSTIQUE \)T»

noms ni de Raluin Maur, ni de Claudien Mamert, ni do saint Bernard, ni d'aucun, et l'on n'esl pas loin do croire que de telles odes ont l'origine obscure des ballades populaires ou des contes de fées. Il faut rendre aux poêles do l'antiphonaire la gloire littéraire que l'ignorance leur a volée :

Veni, creator Spiritus, Montes tuoruui visita, Implo suporna gratia Quao tu creasti pectora...

Acccndo lumen sensibus, Infundo atnorotn cordibus, Infirma nostri corporis Virtuto lirmans perpeti.

Ilostom repellaslongius Paccmquo doues protinu*; Ductoro sic to praovio Vitomus omno noxium.

Da gaudiorum pracmia, Da gratiarum mimera, Dis' dvo litis viucula, Astringe pacis foedera...

(Viens, Esprit créateur, viens visiter nos coeurs, emplis de ta suprême grâce les âmes de tes créatures... Allume ta lumière en nos sens, infuse ton-amour en nos coeurs, el nos infirmes corps, affirme-les en une force perpétuelle. Repousse loin l'ennemi, donne-nous une immédiate paix ; sois le guide préventif qui nous évite toute nuisance. Accorde nous les prémices des joies, les munificences des grâces, déchire les rels du discord, renforce les mailles de la paix...)

On verra, quand sera parmi les séquen:es régulières cilée la prose de Robert de France, comment, avec d'autres mots, ces presque mêmes idées seront redites.

Il serait malséant de clore l'époque carlovingiennc sans noter des poètes tels qu'Ermold le Noir, Abbon, Walefrid Strabo

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et même Wandalberl, ce moine de l'abbaye de Priim, non loin de Trêves, qui versifia le calendrier; exemple :

Octimber

Spumanti musto pomisque Octimber onustus Qui pateras calathosquo ferat sanctos memoremus. Bios 1. — Francos qui priinus docuit domuitque féroces Remigius proprio Octimbrem praesignat honore.

(Octobre. — De vin fumant, de pommes, Octobre a le fardeau ; de ce mois qui porlc les corbeilles et les coupes, rappelons les saints. 1" Jour. — Celui qui le premier instruisit et dompta les Francs féroces, Rpmy inaugure Octobre de sa propre gloire.)

Abbon, autre moine, abbé de Saint-Germain-des-Prés, Abbo le Courbé, qui des Normands avait grand peur, tremblait quand les barques à col do cygne ceignaient la cité naufragée, l'humble Abbo a consigné ses terreurs dans un poème tenu, tel qu'un registre, à jour, où d'une tremblante écriture les méfaits des pirates sont annuellement contés : « Ils enlèvent les paysans, les enchaînent,les envoient au delàdes mers; le roi le sait, et il n'en a cure, le roi Eudes... Les voilà encore ! j'écris dans un lamentable gémissement... »

Ruricolas prendunt, nexant et trans mare mittunt :

Rex audit, nec curât, Odo...

En iterum, misero gemitu loquor...

11 a peur, mois les Parisiens n'étaient pas moins épouvantés que le pauvre moine ; il craint l'avenir, mais l'exiguë France devait bientôt céder auxécumeurs une large province qu'ils peuplèrent de leurs fils; il pleure, maisChàrlemagne avait pleuré.

C'est encore un poète chroniqueur que cet Ermold le Noir, Ermoldus Nigcllus, le Noiraud, qui envoyait de l'exil, au César débonnaire, le poème de ses exploits impériaux :

Hoc tibi, César, opus, stolida crocitnnte cicuta, Porrigit Ermoldus exul, egenus, inops.

LE LATIN MYSTIQUE 97

(Ce poème, César, chanté pai une cigale étourdie, Ermoldus te l'envoie, l'exilé, le nécessiteux, le pauvre.)

11 eut les idées ingénieuses et des sens délicats; ains», à propos de l'an nouveau qui alors s'inaugurait au printemps :

Pristinus ablatos remeans fert annus odores.

(L'ancienne année, se repliant sur elle-même, revient cl nous rapporte les odeurs qu'elle avait emportées.)

Il proféra des sentences définitives et imagées, telles que celle-ci :

Non lacrymis caruere genae, non corda dolore.

(Les joues avaient des larmes et les coeurs des douleurs.) Théologien, hagiographe, auteur de louables poèmes sur saint Mammès, sur les visions du moine Wellin, visions du ciel et visions de l'enfer, Walufrid Slrabo, l'abbé du monastère de Fulde, eut uno imagination presque aussi coureuse que l'évêquc Adhclme, un esprit non moins curieux des symboles recelés en l'inconsciente nature. Dans son monitoire sur la pétulance de la chair, de Carnis petulanlia, il nous avertit de considérer avec sagacité que celle chair humaine, cette chair très salace,habituée à la mauvaise vie, a pour analogues (à cause de leur grande promptitude à l'action) : la poupe d'un navire (il veut dire, sans doulc, la proue), la plume, le feu, la sphère, le poulain, le fleuve, l'oiseau, le fauve.

Haec carnem stolidissime Nostram respiciunt, homo, Consuetam malo vivere, Puppis, pluma, focus, sphera, Pullus, llumen, avis, fera : Haec attende sagaciter.

C'est en YHortulus, petits chapitres sur les plantes potagères adressés à Grimald, abbé de Saint-Gall, que des Esseintcs trouva ces louanges de la citrouille, qui le réjouissaient. Avec

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une exquise ingéniosité le jardinier Walafrid raconte la naissance, la croissance, les envahissements, la floraison et toule l'histoire de sa citrouille, mea cucurbita :

... Mea fragilis de stirpe cucurbita surgens Diligit appositas, sua sustentacula, furcas, Atque amplexa suas uncis tcnet unguibus alnos, Et quoniam duplicem producunt singula funem Undique fulturam dextra lovaque prehendunt, Et velut in fusum nentes cuir< pensa puellae Mollia trajiciunt, spirisque ingentibus omnem Florum seriem pulchros metantur in orbes,..

(Ma frêle citrouille, en croissance, adore les fourches suslenlaculaires apposées sous sa flexibilité, elle embrasse étroitement les aunes cl ses griffes agrippent ses tuteurs. Comme chaque filet produit un double jet, il lui faut, à droite et à gauche, un double étançon : telles des jeunes fileuses au fuseau tirent à même la quenouille chacune de leur côté, — et c'est en une immense spirale que s'inscrit la série des fleures aux larges orbes...)

Et cet entrelacs de subtiles métaphores roule indéfiniment sur lui-même, plus embrouillé quo la quenouille des jeunes fileuses, plus retors que les filets vagabonds des monacales cucurbites, — et de quelles obscures herbes se fleurit encore le jardinet de Walafrid : il cultive le marroube qui sent bon, mais n'a pas bon goût, marrubium qui dulce olet, non dulce sapit, l'amer marroube, antidote selon lui de l'aconit; selon Pline, du venin des vipères; — le glaieul (gladiola)] l'angéliquc livèchc (libisticum); — lo cerfeuil (caerefolium), qui, de cuisine et d'officine, se mange et s'applique en calaplusmcs; — lo pavot (papaver), avec l'infusion do quoi, dit Walafrid, Lalonc s'intoxiquait pour oublier ses malheurs; — l'éclairc (sclarea)', — Tache (apium), la sternutaloiro bétoinc (bettonica)', — le pouliot, celle menthe à fleurs rouges (nepeta)\ — lo raifort (raphanus)\ — que d'uulres (Macer Floridus s'en

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souviendra), et la modeste sauge (salvia), « douce d'odeur, de vertus sérieuses el d'utile infusion »,

Dulcis odore, gravis virtute atque utilis haustu.

C'est à regret que l'on délaisse les ingénieuses plates-bandes du potager de Walafrid Strabo pour entrer dans la banale el pénible littérature de Roswitha, la ivligieuse saxonne qu'entre tous les poètes de ces temps méconnus, sa médiocrité désigne naturellement à l'admiration des faux lettrés. Roswitha a si peu de naturel, elle écrit une langue d'une si humble correction, elle narre avec un tel aplomb les plus ridicules légendes et les plus dénuées de mysticisme, elle aligne de tels aphorismes, ello a une si parfaite connaissance de toute la littérature classique, — et, quant à ses comédies pieuses, leur ressemblance avec les drames religieux en langue vulgaire, allemands, italiens, français de la fin du xve siècle est si frappante (au point que lo Gallicanus i\c Roswitha, publié pour la première fois en 1501 et le San Giovani e Paolo de Laurent de Médicis, lequel mourut en 1492, sont, à part quelques détails, identiques), la vie de celle nonne est si difficile, non seulement a préciser, mais à prouver, il y a enfin, répandue sur ses écrits, vers et prose, l'ombre d'un tel je ne sais quoi d'inauthenticité, — ju'il vaut mieux la délaisser, sans plus amples commentaires, cl l'abandonner au public du théâtre des marionnettes, sa vraie place. 11 est à peu près certain, et avec quelque patience on le démontrerait, que le véritable auteur des oeuvres de Roswitha est son premier éditeur, Conrad Contés, l'un des plus habiles faussaires d'une époque où cetto manie fut aiguë, et un esprit d'une certaine jovialité, — car, je n'en puis pour ma part douter, le poème sur la mort de saint Pelage, le quatrième du recueil, l'histoire de ce jeune martyr de la pédérastie, .victime do la beauté de son visage (vullum speciosum) et de ses exquises formes (praenitidam formant), ce récit d'une naïveté laborieusement obscène, n'est, en somme,

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surtout mis sous la plume d'une religieuse,que la bizarre fumisterie d'un farceur qui veut tromper ses contemporains le plus grossièrement possible, s'amuser largement à leurs dépens et, pardessus tout, les mépriser.

Odon de Cluny n'est pas spécialement poète ; il avait l'esprit trop précis, trop imbu de théologie positive, trop porté aux réformes pratiques, aux utilités de la morale pour atteindre les subtils et inattendus rapprochements de mots et d'idées, en toute poésie essentiels. Le plus souvent il alourdit ses vers d'exactes références aux évangiles, et peu enclin à la paraphrase, abrège en quelques syllabes les éternelles vérités. Quinze mots lui suflLent à résumer symboliquement toute l'histoire de sainte Madeleine : « Elle fut, do vase de honte, changée en vase de gloire : »

Post fluxao carnis scandala Fit ex lebete phiala : In vas translata gloriae De vase contumeliae.

Voilà, si j'ai quelque notion de la valeur des vocables, un authentique texte de vers symboliques : la pécheresse n'est pas nommée ; aucun détail direct ne la désigne, — el néanmoins, par le strict choix de mots nécessairement suggéreurs, Odon fait crier à ces quatre vers le nom qu'il tail.

Vil

Les séqucnliaires. — Origine des séquences. — Jumiègcs et Saint-Gall. — Les Tropcs. — Tropes du Kyrie. — Notker Balbulus. — Le panthéisme chrétien : Ennodius, Notker, Pierre de Corbeil. — Ekkehard le Vieux, Ekkehard le Palatin et Httcbald le Chauve. — Bcrno. — Godeschalk. — Les Vierges et l'Agneau.

Vil. — LES SÉQUENTIAIRES

Il s'agit d'uno forme de la poésie latine spéciale aux dixième et onzième siUlcs; prolongée jusqu'au douzièmc.par sainte Hildegarde et d'autres, reprise tout a la fin du moyen âge par Thomas a Kempis, lequel en fit le principe occulte qui régit le style de son Imitation et de ses autres traités mysli mes.

C'est un psaume de dix à trente versets, le plus souvent, auquel des allitérations, des recherches de mots, des rimes et des assonnanecs finales ou intérieures donnent seules un air de poème. Mode si exceptionnel et si simple qu'il n'a pas été compris, art si spontanément nouveau qu'il a été méprisé; les érudits catholiques qui daignèrent s'y distraire ânonnèrenl dans cette étable sacrée tels que des ânes sans provende, sans foin, sans paille, privés, enfin, du bât bien-nimé d'une prosodie connue. Un membre de ce bétail qui a suivi trop à la lettre les conseils que lui donnait, il y a sept siècles, le pape Grégoire et surtout le moine Pierre le vénérable : « Prends la voie de la pauvreté et non pas tant de la corporelle que de la spirituelle », avoue que les séquences notkeriennes lui ont paru généralement banales, •- aveu bien inutile; car tout est banal, hormis le médiocre, on le sait d'avance, pour un esprit médiocre.

Seul, il semble, de tous, M. Léon Gautier, dont l'érudition fut touchée par l'Amour, les étudia, curieux d'en découvrir l'origine. La voici : Selon la plus ancienne liturgie romaine Y Alléluia qui s'ajoute au graduel se prolongeait en vocalises; symboliquement, des choeurs d'enfants disaient par do tels sons privés do l'appui des paroles « l'impuissance de l'homme à exprimer la louange de Dieu et ses soupirs vers la patrie éternelle. » Or, dit lui-même le bon moitié Notker, qui avait ainsi, non sans émoi, balbutié devant le seign 1 ir, « souvent,

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comme j'étais tout jeune enfant, les très longues mélodies confiées à ma mémoire fuyaient, désertaient mon inconstant petit coeur... Cum adhuc juvenculus essem el melodiae longissimae soepius memoriae commendatae inslabilo corculum aufugerent... »

A l'abbaye do Jumièges : on avait remédié, les uns, les autres, selon l'ordre ou l'inspiration, par de quelconques paroles à ces manquements; un livre de phrases adéquates aux airs connus se trouva composé. Les Normands pillèrent Jumièges, les moines se dispersèrent el l'un d'eux gagna l'abbaye de Saint-Gall où il fit adopter l'innovation. C'est là sans doute qu'a ces occasionnelles compositions fut donné le nom de Séquences. Pourquoi? L'ont-elles emprunté à la rubrique qui suit immédiatement le graduel, Sequentia sancti evangeli, ou s'appelaient-ellcs déjà cl avant d'être soumises à des paroles, sequentia ou sequela, c'est-à-dire suite, suite de notes? on ne sait : à celte heure ce sont des proses, el déjà, unciennemenl, on les dénommait prosa ou prosula. Plus généralement el en science do liturgie, on les considère comme des interpolations au texte de la messe, comme des tropes [Tropi, trophi) ; les recueils spéciaux de séquences, quelquesunes furent conservées, s'appelaient tropaires, Iropphaircs.

Principe du trope : aux jours de grandes fêtes, lorsqu'on voulait, dans les églises abbatiales, allonger par des artifices la durée des offices, on intercalait entre telle série de vocables liturgiques une phrase d'intermède; pour le Kyrie eleison, par exemple :

Cunctipotens genitor, Deus omnicreator, eleison

Kyrie eleison. Fons et origo boni, pie luxque perennis, eleison

Kyrie eleison. Salvificiet pietas tua nos bone rector, eleison

Kyrie eleison. Curiste, Dei splendor, virtus Patrisque sophia, eleison

Christo eleison.

LE LATIN MYSTIQUE 105

Plasmatis bumani factor lapsi reparator, eleison

Christo eleison. No tua damnetur, Jesu, factura, bénigne, eleison

Christo eleison. Amborum sacrum spiramen, nexus amorque eleison

Kyrio eleison. Procedens fomes, vitae fons, puriticans vis, eleison

Kyrie eleison.

(Tout puissant géniteur, Dieu créateur de tout. — Source et origine du bien, éternelle et pitoyable lumière. — Nous sauve ta pitié, o notre maître bon. — Christ, splendeur de Dieu, force du père et sa sagesse. — Fabricateur do la forme humaine et en sa chute son réparateur. — Pour que no soit pas damnée, Jésus, la créature. — Des deux personnes souffle sacré, leur bien el leur amour. — Inflammable et procédante essence, source do la vie, force purifiante, pitié, Seigneur, aie pitié.)

Telle la séquence type dont l'usage persévéra dans l'église jusqu'à la fin de xvnr 3 siècle, en même temps que se développaient les plus diverses modifications à celle primitive forme.

A la messe de la Fêle des Fous, on chantait l'épitrc farcie : Epistola cum Farcià dicetur, ordonne une charte d'Odon de Sully, évûquc de Paris. Dans les messes sérieuses les Kyrie étaient également farcis, — de latin :

Kyrie, fons bonitatis, Pater ingenite, a quobona cuncta procedunt, eleison.

Christe coelitus, adsis nostris precibus, quas pro viribus, ore, corde, actuquo psallimus, eleison.

De français :

Kyrie, le jour de Noël, naquit Emmanuel, Jésus lo doux fils Dieu éternel, eleison.

Telle encore, en sa dégénérescence, la séquence type. 11 y avait donc à Saint-Gall un moine nommé Notker Balbulus. Voici, dans une séquence spécialement composée en

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son honneur par un abbé de ce monastère, Franciscus Gaisberg, — sa vie :

Sancti Spiritus assit nobis gratia,

Quae sanctos suos semper facit esse conspicuos.

E quibus hic divinus extat Notker Balbulus,

Doctor praeclarus, stirpe regia natus...

In divi coenobio Galli primo flore pollebat,

Quem Grimaldus abbas suscepit, suum monachum fecit...

Qui doctus in brevi taliter, ut Sequentias faceret,

Quas singulas papa Nicolaus canonizavit,

Et mandavitper mundi climata canendas...

« Que la grâce du Saint Esprit nous assiste ; — c'est elle qui décore les saints qu'elle a formés. — D'entre lesquels surgit ce divin Notker le Bègue, — très lumineux docteur, né de souche royale... — En la communauté de Saint-Gall il s'épanouissait dans sa première fleur, — lorsque Grimald, abbé, en fit un do ses moines... — En peu il fut assez docte pour composer des séquences, — que toutes le pape Nicolas canonisa, — et manda que par tous les climals du monde, on les chantât. »

Donc ce divin moine ne connut jamais le monde. C'était un de ces prédestinés que les couvents abritaient dès leur enfance, tondus très jeunes, vêtus à l'âge des écoliers, d'élroilcs coules, de puérils scapulaires. Voilà toute sa vie : elle passa do l'an 840 à l'an 912.

Inauguration d'un cycle nouveau, absolument indépendant do l'ode latine, les séquences de Notker ont, en elles-mêmes, la valeur de poèmes presque toujours originaux, mais compacts et noirs, froids, rarement lyriques, si ce n'est aux courtes phrases interjectionnelles qu'il lance parfois en débutant, telles que de lourdes notes de psaltérion. Ainsi, en une prose pour le temps pascal, il fait sonner dès le premier vers ces puissantes assonnances, que renforcent encore un barbarisme très superbe :

Laudantes triumphantum Christum pangamus hymnum.

LE LATIN MYSTIQUE 107

Pour la fête de l'Ascension :

Summi triumphum régis prosequamur laude

Qui coeli, qui ternie régit sceptra. inferni jure domito...

Ou bien, avec un cordial enthousiasme :

Exultet omnis aetas, sexus uterque, virgines, sorores, plaudite, viduae, jugatae, psallite...

D'autres fois, ce sont, au contraire, d'insinuants débuts :

Christo Domine, laetifica sponsam tuam ecclesiam...

(Daigne, Seigneur Chrfc'. réjouir ton épouse l'Eglise.)

Ou bien (Octave de Pâques) :

Laeta monte canamusDeo nostro

Qui defectam peccatis semper novat ecclesiam

Et eam pallidulam de radio veri solisilluminât...

(D'une joyeuse âme chantons pour notre Dieu, qui toujours prêt à réconforter son Eglise défaillante sous les péchés, quand elle est un peu pâle la fleurit d'un rayon du vrai soleil...)

Voici de Notker une séquence complète, très simple et très dense :

De Nativitate Domini

Natus ante saecula Dei filius, invisibilis, interminus ;

Per quem lit machina coeli et terrae, maris et in bis degentium :

Per quem dies et borao labant et so iterum reciprocant ;

Quem angeli in arce poli consona semper canunt.

Hic corpus assumpserat fragile, sine labe originalis criminis, de carne Mariae Virginis, quo primi parentis culpam Evaequo lasciviam tergeret.

Hoc praesens diecula loquitur praelucida, adaucta longitudino, quod sol verus radio sui luminis vetustas mundi depulerit genitus tmebras.

108 LE LATIN MYSTIQUE

Nec nox vacat novi sideris luce, quod magorum oculos terru it scios.

Nec gregum magistris defuit lumen, quos pracstrinxit claritas inilitum Dei.

Gaude, Dei genitrix, quam circumstant obst°tricum vice, concinentes angeli gloriam Deo.

Christe, patris unice, qui humanam nostri causa formam assumpsisti, refovo supplices tuos.

Et quorum participiem te fore dignatus es, Jesu, dignanter corum suscipe preces.

Ut ipsos divinitatis tuae participes, Deus, facere digneris, unice Dei. Amen.

« 11 naquit avant les siècles, le fils du Dieu invisible el infini, par lequel est faite la machine du ciel et de la terre, de la mer et des êtres qui vivent là, — par lequel les jours et les heures tombent et de nouveau surgissent, — du Dieu que les anges dans les sommets du ciel saluent d'un chant éternel. — 11 avait pris un corps fragile, pur de la tache du crime originel, fait de la chair de la Vierge Marie, et par lequel il voulait laver la faute du premier père et la lascivité d'Eve. — Ce présent jour de répit, co très lumineux jour le dit, et l'accroissement môme de sa longueur le dit,que le vrai Soleil, par le rayonnement de sa lumière, a mis en fuite les vieilles ténèbres de la naissance du monde. — Et la nuit fut gratifiée do l'éclat d'une étoile neuve, qui épouvanta les yeux croyants des Mages. — Et furent gratifiés de lumière les pasteurs et ils furent éblouis par la clarté des soldats do Dieu. — Sois réjouie, mère de Dieu, toi entourée, au lieu des accoucheuses, par des anges qui chantaient la gloire de Dieu. — Christ, l'unique fils du Père, loi qui, pour nous, revêtis la forme humaine, réchauffe tes suppliants. — Et de ceux auxquels tu as daigné participer, daigne accueillir les prières, -— afin que, si tu le daignes, ô Dieu, en retour ils participent à ta divinité, ô toi l'unique fils de Dieu. »

Cette prière est d'une grande sévérité et presque entièrement dénuée des violentes images choyées par l'obscur moine. Sa

LK LATIN MYSTIQUK 109

prose De Redemptione en donne un bel exemple : « Jésus sauta du ciel dans le ventre virginal et de là dans l'océan du siècle...»

Saltum de coelo dédit in Virginalem ventrem, inde in pelngus saeculi....

Cela n'est pas fade, non plus que cette courte phrase sur les vierges « qui ont dompté leur corps par le frein du jeûne et fauché la luxure avec le glaive du sacrifice » ; le latin dit mieux :

Haec corpus suum domuit freno jejunii Et luxuriam secuit ense agoniae..

Le monde, que régénère la Nativité du Christ, c'est « la couleuvre qui change de peau » :

... Coluber lividus perdit spolia.

Le ciel, les vierges l'atteignent en gravissant une échelle dont le pied est entouré d'une ceinture de tourments ; un cauteleux dragon veille au premier échelon : il en défend la montée, l'Ethiopien, avec un glaive qu'il brandit comme une menace de mort :

Scalam ad coelos subrectam tormentis cinctam Cujus ima draco servare cautus invigilat jugiter... Cujus ascensus extracto .Kthiops gladio vetat exitium minitans.

Môme quand il chante Marie, en son Assomption, il ne se départit pas, pour ce thème qui fait délirer d'amour tous les séquenliaires, de sa rigidité monacale :

Congaudent angelorum chori gloriosae virgini

Quae sine virili commixtione genuit

Filium, qui suo mundum cruore medicat.

Nam ipsa laetatur, quod coeli jam conspicatur principem

In terris cui quondam sugendas virgo mamillas praebuit...

110 LK LATIN MYSTIQl'K

To coollreginn haoc plobecula plts concolobrat montibus... To plobos soxus soquitur utrlusquo vltam diligons vlrginalom coolicolas incastimonla aomulans,..

( Quo les choeurs des nnges so conjouissent avec la vierge glorieuse — qui sans virile commixtion enfanta — un Fils, lequel do son sang a guéri lo mondo. — Car, olle-mcmo est en joie de contempler le princo du ciel, — à qui sur terre jadis ello donna, viergo, ses mamelles à sucer... — 0 reine du ciel, co petit peuplo te célèbro avec do pieuses Ames...— Lo peuplo des deux soxos to suit, aimant ta virginalo vie rivalisant avec les nnges en chasteté....)

11 est cependant capablo d'attitudes presque langoureuses, après uno lecture, sons douto, du Cantiquo : «Et commo la candeur des lis resplendit en gloiro a la bienheureuse- faco du Christ, — ct.lello qu'en pleine beauté resplendit la rougeur des roses... »

Et sicut liliorum candor

In gloria splendebit

Coram Christo beato

Et seu rosarum pulchritudo rutilât

Inmagno décore...

11 no sait aucunement le grec, mais il l'aime, il le vénère, et, ayant collecté en ses lectures quelques vocables de cette langue mystérieuse alors, il les dédie aux Trois en Un, — méritoire offrande : Sotei\ puntocrator,'homoousion, etc. Voici de bien étonnant versets sur la Trinité cl d'un si naïf panthéisme que l'adoration n'en est pas troublée. Pour lui Dieu est tout, Dieu est :

Agneau, brebis, veau, serpent, bélier, lion, ver, — Bouche, verbe, splendeur, soleil, gloire, lumière, image, — Pain, Heur, vigne, montagne, porte, roches, caillou... »

Agnus, ovis, vitulus, serpens, aries, leo, vermis, Os, verbum, splendor, sol, gloria, lux et imago, Panis, flos, Yitis, nions, janua, petra lapisque.., .. ...

I.K LATIN MYS'NQIK 111

^numérations qu'avait déjà tentées Knnodius :

Fons, via, doxtra, lapis, vitulus, lco, luclfer, agnus, Janua, spos, virtus, vorbuin, sapiontia, vatos, llosth;, virgultum, pnstor, mons, veto, columba, Flamma, gigas, aquila, sponsus, patlentia, vermis, Filius excelsus, dominus deus, omnia Christus.

(Source, voie, droite, pierre, veau, lion, porto-lumière, agneau, porte, espoir, vertu, verbe, sagesse, prophète, hostie, scion, pasteur, mont, rets, colombe, flamme, géant, aigle, époux, patience, ver, fils très haut, seigneur dieu, le Christ est tout.)

Enumérations quo reprendra plus tard Pierre de Corbeil en une séquence revendiquée par lo cycle Notkérien et découverte il n'y a pas quarante ans, par Clément, sur les panneaux d'un vieux dyptique en ivoire, a Sens, — là, prière peut-être miraculeusement inscrite par les voix qui l'avaient durant des siècles cordialement chantée. C'est, pour la forme, une suite de sons ternaires, une perpétuelle trinilé de rimes intérieures, extérieurement liées par une assonnanec unique couplée en rimes riches.

Trinitas.

Trinitas, deitas, imitas aeterna.

Majestas, potestas, pietas superna.

Sol, lumen et numen, cacumen, semita,

Lapis, mons, petra, fons, flumen, pons et vita.

Tu sator, creator, amator, redemplor, salvator luxque perpétua.

Tu tutor et décor, tu candor, tu splendor et odor quo vivunt mortua.

Tu vertex et apex, regum rex, legum lex et vindex, tu lux angelica.

Quem clamant, adorant, quem laudant, quem cantant, quem amant agmina coelica.

T,u Theos et héros, dives ilos, vivens ros, rege nos, salva nos, perdue nos ad tronos superos et vera gaudia.

Tu decus et virtus, tu justus et verus, tu sanctus et bonus, tu rectus et summus Dominus, tibi sit gloria.

112 I.K LATIN NYSTIQUK

(Trinité, déité, éternello unité. — Majesté, liberté, ri piété supérieure. — Soleil, flamme, volonté, ri sommet, ri sentier. — Caillou, mont, pierre, fontaine, ri torrent, pont et vie. — 0 sauveur, créateur, ri amant, rédempteur, ri sauveur, ri lumièro perpétuelle — 0 tuteur, ri honneur, ri candour, ri splendeur, et odeur, ri toi, vie des choses mortes. — Cime, abîme, roi des rois, loi des lois, ri vengeur, ri lumièro angéliquo. — Toi que nomment et adorent, toi quo louent et quo chantent l'airjr.ur des choeurs célestes. — 0 Thcos, o héros, fleur très richo, rosée vive, régis-nous, sauve-nous, conduisnous vers les trrines supérieurs et les vraies réjouissances. — O honneur, ri vertu, loi le justo et le vrai, toi le saint et le bon, toi lo droit et lo haut, toi Seigneur, gloire à toi.)

Moins vieux quo Nolker d'une vie d'homme environ, lo moine Ekkchard lo ^rieux mourut en 973. C'est un grand amateur de mots grecs et une cervelle d'une obscurité désespérante. Principalement, il célébra la vertu de quelques saints en des proses qui atteignent çà et là une certaine grandiloquence.

Sur saint Benoit :

Cunctas lascivae carnis illeccbras domans, agio pneumati se vas exhibuit.

Cujus novas naenias et crudelissima praelia coelitus suffultus straverat...

Ce qui, je crois, s'interprète ainsi : « Domptant toutes les séductions de la chair lascive, il se dressa tel qu'un vase rempli de l'Esprit saint; — avec l'aide céleste duquel il renversa, en de tfès cruels combats, les incantations dernières.. . »

D'un autre pieux personnage :

Mentis igitur serenitas nostrae personat magnalia, quae te praediçant mirabilem omnibus sanctis, natali applaudens tyronis eximii...

I.K LATIN MYSTigUK 113

« La tranquillité do notre Ame proclame les hauts faits qui t'ont rendu admirable entro tous les saints et nous applaudissons à la naissance, ri recrue privilégiée.. »

IS'osl-il pas tout h fait joli, dans son enfantillage, co facilo jeu do mots sur saint Columbun :

Hic Columbanus nomino columbinao vitao fuit.

Lo second moine du mémo nom, Ekkchard lo Palatin, mort en 990, s'amusa, le cénobite naïf, à rédiger à la louange des saints d'énigmaliques séquences dont tous les mots sans exception commencent par la mémo lellro : à saint Pierre est dévoluo la letlro P. Loisir d'hiver dans les laborieuses solitudes do Saint-Gall! Déjà, un poèto carlovingien du neuvième siècle, Hucbald avait chanté en cent trente cinq vers uniquement formés de mots à l'initiale C l'infirmité qu'il avait, disait-il, la gloire de partager avec l'empereur Charlesie-Chauve : Carmina, ctarisonae.calvis cantate, camoenae. — Comere condigno conabor carminé, calvos; — Contra, cirrosi crines confundere colli... El Alcuin s'était ingénié à répéter dix-sept fois en Ircntc-qualro vers le mol Cuculus; et Milon, moine de Saint-Amant, chantant la gloire du môme coucou, en son bref Carmen de Conflictu Hiémis et Veris, redit près de vingt fois de suite co mot, peut-ôtre magique :

Omnes hic cuculo laudes cantare parebant... His certamen erat cuculi de carminé grande...

Berno, autre moine, mort en 1048, exige une citation, car il professe des croyances astrales et magiques d'un notable intérêt. 11 s'agit de saint Willibrord, l'apôtre des Frisons. Lors de sa naissance, la lune descendit du ciel et posa sur lui un signe : sa mère en fut avertie par une vision céleste (per coeleste horama); conséquemment cet enfant prédestiné brilla comme un astre très clair, répandit sur le monde l'éclat de son auréole, en môme temps que, par la splendeur de son

114 LK LATIN MYSTIQUK

verbe, il mettait en fuito les 1res noires ténèbres du péché accroupies dans lo coeur des hommes...

Huno coolitus delapsa onitons notavlt luna,

Quao ejus matri visa est per coolosto horama.

Ilino volut sidus clarissimum sui jubaris radium por mundi sparserat circulum,

Dum totricas peccatl tenebras cordi hominum insitas verbi splendoro fugaverat...

Do Ions les séquentaires, Godeschalk est l'un des plus superbes et l'un des moins connus biographiquement. C'était un moino du xi° siècle : on n'en sait pas davantage Supérieur à Notker comme poèlo do tendresse et do mysticisme, il n'a ni la sérénité coutumière ni les beaux élans du créateur do la séquence C'est plutôt un imaginalif, un invétéré visionnaire qui conto après lo graduel les rêves divins qui onl visité ses médilalions. Ses proses se chantaient encore au xvi* siècle, notamment, on le sait par des missels do 1504 à looO, à Cologne et à Tournai. L'uno des plus remarquables a pour sujet la Décollation de saint Jean-Baplislc, où le martyre du Précurseur est laconiquement évoqué dans co vers merveilleux :

Meretrix suadet, puella saltat, rex jubet, sanctus dccollatur.

Toulc la tendresse de l'homme s'épanche dans ses versets sur sainte Madeleine, la femme sublimée, l'unique femme qui, comme le dit Thomas à Kcmpis, fut privilégiée de la divine familiarité du Christ, — « A christo praeelecla et vocata, mullis ac magnis divinae famialiarilatis privilegiis sublima la. »

« D'enlre ceux-là (les pécheurs), comme la Chananécnne, tu as visité Marie-Madeleine; —à la môme table lu réconfortas la première avec le pain, l'autre avec le vin de la parole divine; — chez Simon le lépreux, au repas figuratif, le Phari-

Li; LATIN MYSTIQUK lia

sien murmure et, conscionto de ses failles, la Femme pleure — Le pécheur méprise sa soeur en péché : Toi qui es sans péché, tu exauces la pénitenle, tu purifies la souillée, lu l'aimes, afin qu'elle soit belle. — Elle embrasse les pieds de. son Seigneur, ello les lavo de ses larmes, elle les essuio de ses choveux, cl en les lavant cl en les essuyant,, elle les couvre de parfums, ello les enveloppe de baisers. — Tels sont les festins qui lo plaisent, ri sagesse du Père, — Fils de la Viergo qui n'as pas dédaigné les caresses do la péchoresse... »

Quorum do grego ut Chananaeam Mariam visitastiMagdalenam;

Kadem mensa verbi divini illam micis, hanc refovens poeulis;

In domo Simonis leprosi conviviis accubans typicis

Murmurât Pharisaeus ubi plorat femina criminis conscia.

Peccator contemnit compeccantem : pecc.iti neseius poenitontem exaudis, emundas foedam, amas ut pulchram facias.

Pedes amplectitur dominicos, lacrymis lavât, tergit crinibus, lavando, tergondo, unguento unxit, osculis circuit.

Haec sunt convivia quae tibi placent, ô Patris sapientia ;

Natus de Yirgine qui non dedignaris tangi de pescatrico...

« Tu l'aimes afin qu'elle soit belle, — Amas nt pulchram facias », — ri noble cervelle si avancée en idéalisme! Tout le mysticisme du moine fleurit dans sa prose In Communi Virginum curieusement rythmée et assonnancéc :

Holocaustum Domino offerunt ex integro virgines castac, corpore mundae, immortalem sponsum eligens Christum.

O felices nuptiae, quibus nullae maculae, nulli dolores partus sunt graves, neo pellex timenda nec nutrix molesta !

Lectulos harum Christo vacantes Angeli vallant custodientes, ne quis incestus polluât illas, ensibus strietis arcent immundos.

Dormit in istis Christus cum illis, felix hic somnus, requies dulcis, quo confovetur virgo fidelis inter amplexus sponsi coelestis...

llfl I.K LATIN NYSTIQUK

Ornatao tam bysslna quam ve*o purpurea, laova tonent lilia, rosas habont doxtora...

His Agnus pascitur et bis ■ cî>itur, hl lloros olecta sunt illius esca... ' Crebros saltus dat hic Agnus inter illas dlscurrendo,

Kt cum ipsis roqulescit in fervoro moridiano.

In earum pectoro cubât in meridie,

Inter mammas virginum collocans cubiculum.

Yirgo quippo cum slt ipso Yirginiquo matro natus,

Virginales supor omnos amat et quaerit recossus..,

Somnus illi placidus in earum slnibus,

No qua forte macula sua foedot velloro.

Hoc attendecanticumdovotarum Virginum insigno collogium,

Quo nostra dovotio majoro so studio templum omet Domino.

( Elles offrent au Seigneur l'holocauste do leur corporelle intégrité, les vierges chastes et mundes qui onl choisi lo Christ pour immortel époux. — O noces do félicité en lesquelles nulles taches, nulles graves douleurs d'enfantement, nullo entremetteuse, nullo ennuyeuse nourrice! — Quand le Christ est sorti de leurs lits, des anges, gardiens, les palissadent, do pour que l'inceste n'y introduise sa pollution et ormes de glaives nus écartent les impurs. — Car c'est dans ces lits, c'est avec les Vierges quo vient dormir le Christ, heureux sommeil, repos exquis qui réconforte la Vierge Adèle serrée dans les bras de l'Epoux divin... — Vêtues de lin, vêtues de pourpre, en leur senestre main des lis, en leur dextro des roses,... — fleurs dont se repaît l'Agneau, fleurs toute sa nourriture... — Il joue et court, l'Agneau, et il bondit au milieu d'elles, — et avec elles repose durant la ferveur de midi. — 11 se couche, au midi, sur le sein de ces vierges, — il fait son lit entre les mamelles des Vierges, — car vierge et né d'une vierge, — il aime et cherche avant tout les girons virginaux, — et il lui est doux de reposer sa tête sur des seins — assez purs pour que nulle souillure ne macule sa toison. — Voilà le cantique dédié à l'insigne collège des Vierges dévotes; — que notre dévotion en fasse un ornement de plus pour le temple du Seigneur. )

VIII

Wipo, Notker et le Vktimae paschali laudes. — VAve praeciara maris Stella : Henricus Monachus, Ilcrmanus Contractus, AlbertusMagnus?— Ilcrmanus Gontractus : Le Salve Regina et le Xocïps poi, w ihaftux de Jean le Géomètre. — Sainte Hildcgarde. — Le culte du SaintEsprit : S. Ambroise, Guillaume de Conchcs, Robert de France, Jean Damascène. — Le Liber vitae meritorum : Hildcgarde el Dante.

VIII. - LES SEQUKNTIAIRES.(Suite.)

Clichtovo, Daniel, d'après eux Clément et d'autres inscrivent à Notker lo Victimae paschali laudes ; sur des arguments do comparaison et do collation l'un des derniers Allemands qui collectèrent les séquences, Kehrein, affirme do Wipo celle mémorablo prose. Kehrein nomme Wipo (mort en 1030), prêtre bourguignon, chapelain des empereurs Konrad II et Henri III; or, celto dernière qualification, le catalogue manuscrit de la Bibliothèque nationale (rédigé jadis par do patients et curieux érudits) l'attribue à un Notker, lo quatrièmo du nom, qui fut abbé de Saint-Hall, ensuite évoque do Liège (Léodiensis episcopus) ; 'Wipo et ce Notker ne seraient donc qu'un seul personnage avec un nom, Wipo et un surnom Notker — c'est-à-dire Wipo, cet autre Notker. Obscures attributions car Ton a pu encore confondro Notker et Notger; admettons Wipo : on trouve sa séquence, dans tous les paroissiens, à la messe du jour de Pâques, mais abrégée et faite incompréhensible par l'omission des versets d'interrogation :

Victimae paschali laudes immolent Christiani.

Agnus redemit oves, Christus innocens Patri reconciliavit peccatores.

Mors et vita duollo conflixere mirando : Dux vitao mortuus régnât vivus.

Die nobis, Maria, quid vidisti in via ?

Sepulchrum Christi viventis et gloriam vidi resurgentis.

Die nobis, Maria, quid vidisti in vift ?

Angelicos testes, sudarium et vestes.

Die nobis, Maria, quid vidisti in via?

Surrexit Christus, spes mea. Praecedet vos in Galilaeam.

Credendum est magis soli Mariae veraci quam Judaeorum turbae fallaci.

Scimus Christumsurrexisse a mortuis vere : tu nobis, victor Rex, miserere.

1*20 LK LATIN MYSTIQL'K

(Qu'à la Viclimo pascale, les Chrétiens i mmolent un troupeau do louanges, —L'Agneau a racheté les brebis, lo Christ innocent a réconcilié les pécheurs avec son père. — La mort et la vio so sont rencontrées en un surprenant duel : lo Prince de la vio est mort et il règne éternellement vivant. — Disnous, Marie, qu'as-lu vu sur Ion chemin? — l'ai vu lo sépulcro du Christ vivant, j'ai vu la gloiro du Ressuscité. — Disnous, Mario, qu'as-tu vu sur ton chemin? — Les Angéliques lémoins, lo suaire et la robe. — Dissions, Mario, qu'as-lu vu sur ton chemin? — Le Christ, mon espérance, est ressuscité. 11 vous précèdo en fiùlilée — Plus croyable est la seule el véridique Marie que la menteuse tourbe des Juifs. — Nous savons que lo Christ est ressuscité d'entre lesmorls, vraiment: toi, victorieux Roi, aio pitié do nous.)

Colle prose dont la musique semble ancienne, pcul-ôlro traditionnellement conservéo à travers toutes* les révolutions du missel, il faut, à Pàqucsou durant le temps pascal, l'entendre, dénuée de choeurs et de vocalises adjoints par les valsomones qui détiennent les orgues riches, soit à Saini-Sulpico où le plain-chant n'est pas méprisé, soit en une église humble. Notker était musicien, composait ensemble les phrases verbales et les phrases vocales : ainsi, sans nul doute, Wipo et presque tous les séquentiaires.

Dans le Victimae, l'air, do même que le rythme, change à chaque verset; il est, comme il sied, glorieux et triomphant, et pourtant sombre, n'exprimant qu'une noble joie, non pas, comme YO Fi/iï, le contentement exubérant et populaire d'une foule ivre de la Résurrection.

Ave, praeclara maris Stella, de quel poète ? D'un certain moine appelé, sans explications, Henricus monachus, de Hermanus Contractus (1013-1034), d'Alberlus Magnus (11931290), de tout autre, on ne sait. Un registre conservé en l'église Sainte-Marie d'Osnabruck {Osnabrugensis), Hanovre, conte celle légende : Une fois l'insigne magicien, le 1res pieux auteur du Compositum de Compositis, qui invoque la Sainte

IV. LATIN MYSTIQUE 121

Trinité au seuil et au terme do son livre, donno des formules, telles que : « Au nom du Seigneur, prends uno livre d'eau prime... Prends donc, au nom de Jésus-Christ, l'eau des philosophes, l'hylo primitivo des sages,... » —- uno fois Albert le Hrand fut, en sommeillant, visité par uno viergo familière, co jour vêluo royalement, mais co jour sans tendresse, sans attention, sans respect. Froissé et attristé do cetto inexplicable déréliction, lo dormant, qui prenait en ces fréquentes apparitions un grand et bienfaisant plaisir, interrogea : « Ah ! répondit la Vierge distraite, c'est que la Vierge des vierges m'envoie comme une messogère do mécontentement : ello t'a bénéficié et lu n'as marqué nullo reconnais* sanco ; ton désir a été comblé et Ion coeur ne s'en souvient plus. » Albert le Hrand fit, pour payer sa dette, Y Ave, praeclara maris Stella. La légende est vraie, car nulle légende no'menl : cependant, si on préfère suivre une vérité inférieure, mais conforme à l'ordre vulgaire des suppositions historiques, cette séquence ne peut guère être attribuée à un écrivain du xui° siècle, fùl-il mage. Presque tout au long, la voici :

Ave, praeclara maris stella, in lucem gentium Maria divinilus orta.

Euge, Dei porta, quao non aperta, veritatis lumen, ipsum solem justitiae, indutum carne, ducis in orbem.

Virgo, decus mundi, regina coeli, praeelecta ut sol, pulchra lunarisut fulgor, agnosce omnes te diligentes...

Fac fontem dulcem, quem in deserto petra demonstravit, degustare cum sincera fide, renesquo constringi lotos in mari, anguem aeneum in cruce speculari.

Fac igni sancto patrisque verbo, quod, rubus ut flamma, lu portasti, virgo mater facta,pecuali pelle distinctos, pede,mundis labiis cordeque propinquare...

(Salut, très lumineuse Etoile de la mer, toi pour éclairer les nations, Marie, divinement née.

Viens, porte de Dieu, ô porte forclose qui donnas passage à la lumière de vérité, au soleil de justice en personne et revêtu de chair !

8

122 LK LATIN NYSTIQUK

Vierge, gloire du monde, reine du ciel, prééluo comme lo soleil, lunuircmenl belle commo l'éclair, reconnais tous les odorants...

Fais-nous boire à l'eau douco qui jaillit des picives du désert, fais quo nous buvions avec foi ot qu'après avoir ceint nos reins lavés dans la mer, nous opercovions lo serpent d'airain sur la croix.

Fuis quo du Verbe du Pèro, sainlo Flamme quo tu portas commo lo buisson porta lo feu, ô Vicrgo mère, fais quo nous approchions dénudés do notre peau d'animalité, les pieds purs, les lèvres pures, lo coeur pur...)

Plussûrement opparlienlà IIermanusContractus,la séquenco greco-lutino, De Sancta Cruce. Ello est singulièro et peut du moins prouver, que, contrairement à l'opinion universitaire, le moyen Age, mémo on ses lemps réputés les plus noirs, n'ignora jamais complètement le grec. On a démontré, par diverses exhumations, qu'il fut cultivé sans lacune dans telle abbaye normande, do même, à Saint-Hall :

Grates, honos, hierarchia et euphonizans tibi, interminable liter hymnologia,

Sacrosancta tu patris hostia, Sancte Christe, rex monarchos, omnium antistes et eulogumene...

Suavitatis spirans Deo torridus odorem cum eumandrite profunderes tuum pro erroneo grege cruorem.

Vas excoctus igné passionis ut testaceum, summe plastes physin restauras pius irae vasorum...

Tu magnus respice parvulos archiater, nos morbidulos...

Tu totus desiderium boni, totius generis generalissimum gaudimonium, tu quam verissime hyperbolicum solaque soteria clemens tui nos intima parce theoria.

Theu panta eleymon aphesis benignlcula tuton amartyon sanctimonium, jocundule, tu deliciae, portus quietis unice, archos patrum et optimas, eleyison ymas...

Celle liquéfaction verbale exhale un assez doux parfum de pourriture, mais l'analyse en est rude; on obtient ce résidu de métaphores.

LE LATIN MYSTIQUE 123

« A loi, grAces, honneur, ô hiérarchie, et l'euphonie des intoriïii.tables hymnologies,

A toi, sacro-sainte hostie du père, saint Christ, roi monarque, prêtro universel et do la bonne parole.,.

De ta chair brûlée, uno odeur de suavité s'évapora vers Dieu, lorsquo très bon berger, lu répandis pour un troupeau vagabond, Ion sang.

Vaso au feu do la Passion recuit commo uno argile, potier souverain, pieusement lu refaçonnes la nalure des vases do colère..

Toi lo grand médecin suprême, regarde vers nous, les pauvres petits malades...

Toi que les bons totalement désirent, toi l'universelle réjouissance do tout lo genre humain, toi lo plus hyperboliquement vrai et lo seul salut, sois clémenl et nourris-nous do ton intime contemplation.

Aio de nous tous pitié, donne-nous lo bienveillant acquittement de tout péché, ô loi sainteté, plaisir et délices, toi l'unique havre do quiétude, toi notre premier père, aio pitié do nous! »

A partir de Theu panta, l'interprétation est approximative, basée sur lo sens absolu des mots, leurs relations casuelles étant, pour nous du moins, fort difficiles à établir.

Deux des plus belles Antiennes à la Vierge appartiennent à ce moine oublié, Y Aima Redemptoris et lo Salve Hegina :

Aima Redemptoris Mater, quae pervia coeli Porta mânes, et stella maris, succurrere cadenti Surgere qui curât populo : tu quae genuisti, Natura mirante, tuumsanctum Genitorem, Virgo prius ac posterais, Gabrielis ab ore Sumens illudave, peccatorum miserere.

(Très haute Mère du Rédempteur, Porte du ciel toujours ouverte, Étoile de la mer, secours le peuple qui tombe et qui voudrait se relever ; toi qui engendras, à l'étonnement delà

124 LE LATIN MYSTIQUE

nature, ton saint Géniteur, Vierge avant et vierge après, reçois delà bouche de Gabriel ce salut, et des pécheurs aie pitié.) Le Salve Regina est une séquence monorime très suppliante :

Salve, Regina, Mater misericordiae,

Vita, dulcedo et spes nostra, salve :

Ad te clamamus exules filii Evae,

Ad te suspiramus gementes et fientes in bac lacrymarum valle.

Eia ergo, Advocata nostra, illos tuos miséricordes oculos ad nos converte.

Et Jesum benedictum fructum ventris tui nobis post hoc exilium ostende.

O clemens, ô pia, ô dulcis Virgo Maria.

(Salut, Reine, Mère de Miséricorde, Vie, douceur et notre espoir, salut : vers loi nous crions, fils d'Eve exilés, vers toi nous soupirons, gémissants et ploranls en celle vallée de larmes. Or donc, notre Avocate, tes yeux miséricordieux, vers nous tourne-les. Et Jésus, fruit béni de ton ventre, après cet exil, monlre-nous-le, ô clémente, ô pieuse, ô douce Vierge Marie)

Salve, Regina! chantait aussi, vers les mômes siècles, mais en grec, un autre moine, Jean lo Géomètre :

(Salut, ô Reine, grâce des vertus morales, salut, grAco des esprits, salut, grAco du Divin... Salut, toi plus haute et plus enllamméo que les chérubins, salut.)

La série des plus notables séquences irrégulières se clôt par les chefs-d'oeuvre de sainte Hildcgarde, De Sancta Maria et De Sanclo Spiritu. Femme de supérieure essence, prophétesse, illuminée, visionnaire, poète, gyrovague, conseillère du

LE LATIN MYSTIQUE 125

peuple, des margraves et des empereurs, Hildcgarde est un des esprits représentatifs du xne siècle allemand ; — et commo elle reste bien de son sexe, franchement, comme son latin est bien féminin, comme, à travers les symboles, elle va droit vers l'homme, comme elle crie du fond de son coeur et de tous ses organes, la s iergc contemplatrice : « O quam magnum est in viribus suis lalus viril » Elle fut abbessc du monastère de Rupcrtsberg et mourut en 1179.

Do Sancta Maria.

O virga ac diadema purpura© régis, quae es in clausura tua sicut lorica;

Tu frondens Jloruisti in alta vicissitudino quam Adam omne genus bumanum produceret.

Ave, ave, de tuo ventre alia vita processit, qua Adam filios suos dcnudaverat.

O flos, tu non germinasti do rore, ncc deguttis pluviae, nec aer desuper te volavit, sed divina claritas in nobilissima virga te produxit.

O virga, lloriditatem tuam Deus in prima die creaturao suae praeviderat et do verbo suo auream materiam, o laudabilis virgo, fecit.

O quam magnum est in viribus suis latus viri, do quo Deus formam mulieris produxit, quam fecit spéculum omnis orna* menti sui et amplexioneni omnis creaturao suae...

Unde, o Salvatrix, quae novum lumen humano generi protulisti, collige membra Illii tui ad coelestom harmoniam.

(O tige, diadème du roi de pourpre, ton jardin est pareil à une forteresse ;

Tes frondaisons ont fleuri en une haute prévoyance, alors qu'Adam devait produire tout le genre humain.

Salut, salut, de ton ventre une autre vie est issue, autre que celle dont Adam avait dépouillé ses fils.

O fleur, lu n'as pas germé de la rosée, ni des gouttes de la pluie et l'air n'a pas plané autour de toi, lu es née sur une très noble tige par l'oeuvre de la divine Clarté.

O tige, ta floraison, Dieu l'avait prévuo dès le premier jour

120 LE LATIN MYSTIQUE

de sa création et son verbe te fit surgir tout en or, ô très louable vierge

Oh 1 qu'il est grand dans ses forces le liane de l'homme, d'où Dieu lira la forme femme, miroir de ses divines parures, résumé de toute sa création...

Donc, 6 Salvatrice, qui as porté la nouvelle lumière du genre humain, rassemble les membres de ton fils dans la céleste harmonie)

« Dieu mit au centre du monde une Ame qu'il propagea en toutes ses parties », avait écrit Platon dans le Timèe. Un philosophe scolaslique du xu° siècle (celui qui divisait physiquement le cerveau en trois lobes communiquant ensemble par un caroncule semblable au bout de sein d'une femme, uberis capitï), Ouillaumc de Conchcs reprend et christianise l'idée platonicienne par ce mot 1res simple et très beau : « Le Saint Esprit est l'Ame du monde Opinion dont l'origine n'aurait pas été condamnée par tel père de l'Église, saint Ambroisc, qui insinuait : « Les païens ont parlé du saint Esprit en de certains termes voilés, perumbram quamdam. » C'est, semblet-il, le même Ambroisc, par qui fut le plus clairement proférée l'irrévocable malédiction contre ceux qui blasphèment l'Esprit, — car la négation de l'Esprit comporte la plénitude du saciïlègo : « Dlasphemia in Jllum nunquam remittelur... Non potest ibi exoratio esse veniae, ubi spiritum sanctum negando sacrilegii pleniludo est. » Il y eut, durant tout le moyen Age, un profond culte de l'Esprit (quo la religion moderne n'est pas loin do considérer commo un inexplicable gêneur), fréquemment invoque en ses sept dons, le septiforme Esprit, disent les séquences, et en le premier de tous, l'Inlelligcnce « O Esprit, lu es mon Dieu! » disait Grégoire le théologien. Hildcgarde a dédié au Paraclct un admirable chapelet de mystiques adorations :

De Sancto Spiritu.

O Ignis Spiritus paraclito, vita vitae omnis creaturao, sanctus es villcando formas,

LE LATIN MYSTIQUE 127

Sanctus es unguendo periculose fractos, sanctus es tergendo foetida vulnera.

O spiraculum sanctitatisl...

O lorica vitae et spes compaginis membrorum omnium et o angulum honcstatis, salve beatos!

Custodi eos qui carcerati sunt ab inimico et solvo ligatos quos divina vis salvare vultl...

Do te nube.s fluunt, aethrer volât, lapides humorem habent, aquae rivulos educunt et terra viriditatem sudat !

Tu etiam semper educis doctos, per inspirationem sapientiae laetificatos.

Unde laus tibi, qui es sonus laudis et gaudium vitae, spes et honor fortissimus, dans praemia lucis.

(O Feu de l'Esprit consolateur, vie de la vie de toute créaturc, tu es saint parce que tu vivifies les formes, — lu es saint parce que tu daignes oindre les membres périllcusement brisés, lu es saint parce que tu panses les plus fétides plaies, — ô soupirail de sainteté 1... — ô forteresse do vie, ô espoir do la solidarité humaine, ô refuge de la beauté, sauve tes bénis! — Garde ceux qui sont prisonniers de l'ennemi, déchaîne ceux qui sont enchaînés, sauve ceux que veut sauver la Force divine!... — Par toi les nuages vont, l'élherplane, les pierres transpirent, les eaux se font ruisseaux, la terre exhale do verdoyantes sueurs. — El c'est toi aussi qui guides les doctes létifiés par l'inspiration de la Sagesse — Donc, louange à toi. toi le vocable de louanges, toi la joie de la vie, l'espérance, In force et l'honneur, toi le dispensateur de la lumière!)

Paroles qui suggèrent le souvenir do la séquence do Robert de Franco :

Sancti Spiritus adsit nobis gratia : Quae corda nostra sibi faciat habitacula, Expulsis inde cunctis vitiisspiritalibus. Spiritus aime, illustrator omnium, Horridas uostrae mentis purga tenebras. Amator sanetc sensatorum semper cogitatum, Infunde unctionem tuam clemons nostris sensibus. Tu puriticator omnium flagitiorum, Spiritus. Purilîca nostrl oculum interioris hominis...

128 LE LATIN MYSTIQUE

(Nous assiste la grAce du Saint Esprit : qu'elle fasse de nos coeurs son habitacle, après en avoir expulsé tous les vices intellectuels. Très haut Esprit, lumière universelle, purge les horribles ténèbres de notre Ame, et loi qui aimes éternellement les pensées significatives, infuse, ô clément Esprit, ton onction dans nos intelligences. Toi le purificateur de toutes les souillures, Esprit, purifie l'oeil intérieur de l'homme..)

L'Esprit a pour symbole premier la Lumière; il est l'immatérielle clarté de l'Intelligence, qui se meut vers les hommes cl par l'illumination les sauve :

Salvabiliter, sm\ potestate iens, Luxper se splendida et datrix luminis...

« Salvatrice Lumière, de soi-même émanée, Lumière en soi splcndidc et donatrice de lumière », dit une traduction ancienne de l'hymne grecque do saint Jean Damascènc sur In Pentecôte

La bienheureuse prophétesse, peu adonnée au rhylhme, n'a laissé que peu de séquences; une autre est adressée à un saint, Disibodo, évèque, en ces termes d'un très haut et très herméneutique mysticisme :

O Mons clausao mentis, tu assidue pulcram faciem aperuisti in speculo columbao.

Tuinabsconso latuisti inobriatus odoro llorum, por cancellos sanctorum omicans Deo.

O culmen inclavibus coeli...

Tu magna turrls ante altarc summiDei et hujus lurris culmen obumbrasti per fumum aromatum...

(O Montagne d'esprit intérieur, assidûment tu as reflété la beauté de ta face dans le miroir do la colombe.

Tu l'es caché dans l'ombre, enivré de l'odeur des fleurs, resplendissant pour Dieu seul dans les cellules des saints.

O cime entre les clefs du ciel...

O tour dont l'altitude se dresse devant l'autel du suprême

LE LATIN MYSTIQUE 129

Dieu, et la cime de cette tour, tu l'as obombréc de la fumée des aromates...)

De cette admirable sainte, on ne peut oublier le Liber vitae meritorum, où la description des peines de l'enfer n'est pas, comme dans l'Alighieri, un prétexte à de personnelles satires. Ame trop détachée de la vie pour admettre la haine, sinon généralisée vers l'abstraction du péché, elle a conçu un enfer d'une grande magnificence de supplices, magnifié encore, en son horreur, par l'étendue de sonorité d'une langue au voisinage de laquelle l'italien n'est que le grincement d'une viole en colère :

« Et magnum ignem vidi, igneo et fervente plumbeo, sulpliuro quoque intermixto lotum inundnntcm, ne omne genus vermium igneorum in se habenlem... » Les luxurieux sont punis par la respiration de l'immonde venin qu'ils ont accumulé en eux : « Et propter deleclationem immunditiae, vcneno hoc infeclae sunt... » C'est par la fétidité encore que sont éternellement lésés les vaniteux, — comme par la fumée sordide exhalée de leurs Ames marécageuses : « Et eccc poludcmlongam, multam sordem oc pessimum foetorem de se emillentem : qui ad inanom gloriam onhclaverant foetore lacdebanlur... » Et sans cesse aux prêtres infâmes d'atroces voix hurlent :

Quare votum quod novistis Turpiter derelequistis?

Prototype, sans doute, des cris que se jettent, en se heurtant comme des béliers affolés, les avares et les prodigues,au vne chant de l'Enfer de Dante :

Percotcvonsi incontro, o poseia pur li Si rivolgea clascun voltando a rétro, Gridando : Perché tieni, o : Perché burli?

IX

Les litanies. — Origine des litanies. — Le Libellas Precum de Bèdc. — Litanies allemandes. — Litanies de l'école de Saint-Gall. — Litanies versifiées de S. Bernard. — Litanies franciscaines, anglo-saxonnes, mozarabes. — Litanies des Saints, du Xe siècle — Litanies dialoguécs. — Code, cérémonial et litanies des pénitences publiques. — Litanies de la Bénédiction de l'Huile — Cérémonial et litanies des Jugements de Dieu. — Litanies des Laudes du Jeudi saint. — « Litanies dn grande consolation ». — Litanies delà Vierge — Le Chapelet de Virginité. — Conrad de Ilaimbourg et son Ilortus li. M. V. — Appointions symboliques.

IX. - LES LITANIES

Les Litanies, ces implorations multipliées de bouches jamais lasses, de coeurs toujours en peurs et on pleurs, sans doute voilà une des plus anciennes formes de la prière Le psaume, l'éjaculation du prophète, telles, comme de toute la poésie mystique, les sources premières des litanies; mais en devenant de bibliques chrétiennes, elles ajoutent l'amour à l'adoration, à la supplication les larmes, à l'abandon vers l'absolu Pouvoir l'espoir en la mansuétude de Jésus souffrant. Manière de prier très naturelle, c'est la redite infinie d'une exoralicn aussi claire et aussi simple que « Je t'en prie! je t'en prie! » ou : « Ecoule! écoute! » ou : « Pitié! pitié ! » A cet élémentaire cri s'adjoint l'énuméralion des attributs de la personne de la Trinité, des vertus du suint que l'on invoque ; pour la vierge, c'est le registre des grAces de la Femme, des symboles par quoi se désigne la créature d'essence unique Enfin, des désirs sont exprimés soit de généralité, soit particuliers à l'état, aux besoins des orants : alors les litanies sont complètes.

11 y en a un grand nombre. Les primitives sont versifiées et toutes gardent, même en prose avérée, un souci du rythme, de l'allitération, de l'assonnance, qui en font de véritables séquences : donc, elles doivent être étudiées en appendice aux deux précédents chapitres.

Le Libellus precum de Bède donne quelques exemples de litanies affectant la forme de la séquence :

Audi, Domine, vocem to Invôcantis.

Miser© mei

Et exaudi me.

N© abscondas faciem tuam

A me, no déclinas in furoro

A servo tuo. .

134 LE LATIN MYSTIQUE

(Ecoule, Seigneur, la voix de celui qui l'invoque — Aie pilié de moi — et exauce-moi. — Ne détourne pas la face — de moi, ne le relire pas en ta colère — de ton serviteur...)

Des litanies citées dans le recueil allemand de Roth sont plus nettement rythmées :

Miserere mei, Deus, quia miser, quia reus

Delictorum omnium...

Misère mei, Deus : luctus, dolor, clamor meus

Ad to, Christ©, veniat.

Pravos actos et énormes in me deles, me reformes

Ad tuam imaginem...

Assis mihi, spes salutis, etdelicta juventutis

Meaene memineris...

(Aie pitié de moi, 6 Dieu, car je suis pauvre, je suis le coupable

De lous les crimes...

Aie pilié de moi, ô Dieu : mon deuil, ma douleur, que mon cri,

Christ, parvienne à loi.

Mes actes mauvais énormément efface-les, réformes-moi

Selon Ion image...

Viens, secours-moi, espoir de mon salut, et les délits de ma jeunesse,

Ne t'en souviens-tu pas...)

Une prose en l'honneur de saint Antoine, contient ces litanies versifiées (dont le verbe gréco-latin et les solécismes dénoncent l'écolo de Saint-Gall) :

Agios voris ros, Maï flos, audi nos : nam to Trinitas quidquid petis exaudit.

O Theos ischyros, vitae dos, salva nos, tibi pro quibus Anto* nius applaudit.

Da tempus poenitentiae, avorte morbos validos et epidemiae.

Tuos misericordiao converto in nos oculos,o flli Mariao.

( Sainte rosée du printemps, Heur de mai, écoute-nous; cor tout ce que lu demandes à la Trinité, elle to ruccorde —

LE LATIN MYSTIQUE 133

0 Dieu fort, donateur de la vie, sauve-nous, nous ceux pour lesquels Antoine le supplie — Accorde-nous la pénitence, écarte les graves maladies et les épidémies. — Tourne vers nous tes yeux de miséricorde, ù Fils de Marie.)

Telles hymnes de saint Bernard sont de véritables litanies ; fragments, extraits du De Laudibus Virginis, rosaire tout entier selon ces formules :

O beata

Miserata

Preces nostras suscipe,

Et de malis

Universis

Nos clementer eripe.

Pastor bone

A leone

Tuas oves libéra...

Sume vota

Ne remota

Tuis sis supplicibus,

Sed intende

Et défende

Nos a malis omnibus.

Mais voici le type do la litanie-séquence ; on trouve cette prière dans les anciennes Heures des Franciscains :

Anima Christi, sanctifica me. Corpus Christi, salva mo. Sanguin Christi, inebria me. Aqua lateris Christi, lavo me. Passio Christi, conforta me. O bone Jesu, oxaudi me. Intra vulnera tua absconde me. N© permittas mo soparari a te. Ab îioste maligno défende me. In hora mortts meao voca me Et jubo mo venir© ad te, Ut cum sanctis tuis laudem to In saecula saeculorum. Amen.

130 LE LATIN MYSTIQUE

(Ame du Christ, sanctifie-moi.

Corps du Christ, sauve-moi.

Sang du Christ, enivre-moi.

Eau du côté du Christ, lave-moi.

Passion du Christ, conforle-moi.

0 bon Jésus, exauce-moi.

Entre tes blessures cache-moi.

Ne permets pas qu'on me sépare de toi.

Contre l'ennemi malin défends-moi.

A l'heure de la mort, appelle-moi

El ordonne-moi de venir à loi

Afin que je te loue avec tes saints, toi,

En tous les siècles des siècles. Amen.)

Les vraies litanies se développent avec moins de pondération: ainsi ces vieilles exorations anglo-saxonnes qui implo* renl à la fois lu paix, la persévérance, la sérénité du ciel, la pluie, la charité, la vraie pénitence :

Peccatores, te rogamus, audi nos, audi nos, audi nos,

Ut pacem nobis dones,

Ut nobis in bonis operibus perseverantiam dones,

Ut coeli serenitatem nobis dones,

Ut pluviam opportunam nobis dones,

Ut charitatem nobis dones,

Ut nobis veram poenitentiam dones,

Peccatores, te rogamus, audi nos, audi nos, audi nos.

On trouve dans le bréviaire de la liturgie mozarabe de très longues et très complexes litanies dont voici un extrait :

1. Miserere, miserator, et esto placatus, miserantem te ostende et peccata dimitte,

Remitte iniquitates quas tibi poccavimus.

2. Aggravati sumus, nostra peccata ploramus, non sinas quod acquisisti ab Angelis deleri,

Remitte iniquitates quas tibi peccavimus.

LE LATIN MYSTIQUE 137

1. Miserere, miserere,

Domine, nos peccavimus, tu dimitte.

2. Nos erramus, tu emenda, Domine, nos peccavimus, tu dimitte.

3. Pro inûrmis te precamur, Domine nos peccavimus,»tu dimitte.

4. Pro defunctis te rogamus, Domine, nos peccavimus, tu dimitte.

5. Pro captivis te rogamus, Domine, nos peccavimus, tu dimitte.

G. Pro itinerantibus te postulamus, Domine, nos peccavimus, tu dimitte.

7. Pro navigantibus te rogamus, Domine, nos peccavimus, tu dimitte.

8. Pro poenitentibus to exoramus, Domine,- nos peccavimus, tu dimitte.

1. Domine, miserere nobis, Domine misère nobis Et averte iram tuam a nobis.

2. Domine, audi lacrimantes, Domine, veniampetentes, Et averte iram tuam a nobis.

1. Miserere, miserere, miserere, Jesu bone, peccatis nostris

finem pone, miserere.

2. Qui Lazarum, quiputentem de sepulchro suscitasti, miserere.

miserere.

(1. Pitié, ô pitoyable, et sois apaisé, et ceux qui demandent pilié, regarde-les, qu'ils soient absous de leurs péchés.

Remets-nous les iniquités par quoi nous avons péché.

2. Nous sommes accablés, nous pleurons nos péchés, ne permets pas que les mérites soient par les Anges mauvais effacés.

Bemets-nous les iniquités par quoi nous avons péché.

1. Pilié! pitié!

Seigneur, nous avons péché, que nous soyons absous.

2. Nous avons erré, redresse-nous, Seigneur...

0

138 LE LATIN MYSTIQUE

. 3. Pour les malades, nous to prions, Seigneur... A. Pour les défunts, nous t'implorons,

Seigneur... b\ Pour les captifs, nous t'implorons, Seigneur...

0. Pour les voyageurs, nous to supplions, Soigneur...

7. Pour les navigateurs, nous t'implorons, Seigneur...

8. Pour les repentants, nous t'exorons,

Seigneur, nous avons péché, que nous soyons absous.

1. Seigneur, aio pilié de nous, Seigneur, aie pilié de nous, Et éloigne ta colère do nous.

2. Seigneur, écoule nos sanglots, Seigneur, nous demandons

demandons Et éloigne ta colère do nous.

1. Pilié! pilié! pitié ! Jésus très bon, à nos péchés mets

une fin, pitié !

2. Toi qui Lazare, Lazare le puanl suscitas du Sépulcre,

pilié !)

Priez, disent aux Saints, à chacun en particulier, des litanies du xe siècle pour que nous soient dévolus : la componction du coeur, le don des larmes, la paix du corps, la tempérie de l'air, la destruclion des païens, de lous ennemis, de tous nos adversaires...

Ut componctionem cordis et fontemlacrymarum nobis dones, te rogamus audi nos.

Ut corpora tranquilla nobis dones, te rogamus audi nos.

Ut aeris temperiem nobis dones, te rogamus audi nos.

Ut gentem paganam confringere digneris, te rogamus, audi nos.

LE LATIN MISTYQUE 139

Ut cunctos inimlcos ot advorsarios nostros humillaro digneris, to rogamus, audi nos.

Au môme sièclo la liturgio spéciale do Reims offro un excmplo peut-ôtro unique do litanies dialoguées; elles sont intitulées : Laudes, seu Acclamationes. Fragment :

Canonici : Christus vincit, christus régnât, Christus imperat.

Pueri : Lux, via et vita nostra.

Canonici : Christus vincit, Christus imperat.

Pueri : Rex regum.

Canonici : Christe, audi nos.

Pueri : Kyrie eleison.

Canonici : Christ© eleison.

Pueri : Kyrie eleison.

(Les Chanoines : Le Christ est vainqueur, le Christ règne, le Christ commande. Les Enfants : 11 est notre lumière, notre voie, notre vie. Les Chanoines : Le Christ... Les Enfants : 11 est le roi des rois. Les Chanoines : Ecoute nous. Les Enfants : ...)

Jadis, des pénitences publiques étaient pour les péchés imposées : les empereurs s'y soumettaient comme les mendiants et de même que le plus humble des clercs, le princearchevêque Les peines, en ce qui concerne le clergé, étaient selon lo rang sacerdotal soigneusement graduées; ainsi les sodomiles, en Allemagne, vers l'an mille, étaient astreints : si évoques, à xm ans de pénitence; si prêtres, à x ans; si diacres, à vin ans ; si sous-diacres, à vu ans ; si clercs, à vi ans ; les laïques, à v ans ; et le pénilential ajoute, pour tous : « Et nunquam cum alio dormial. » Le clerc ou moine coupable « vilio gulae et ebrietate et vomitu » était condamné à xxx jours de pénitence. Tous les genres de péchés et spécialement toutes les variétés de la luxure apparaissent rangés en de précis catalogues; exemples :

140 LE LATIN MYSTIQUE

«< Pueri anlo xx onnos so invicem manibus conquinanles, xx d. poenileant. — Fraler cum frotro nalurali fornicans per commixtionem comis, xv a. poenileat ; si semcn in os miserit, vu a., alii dicunt usquo ad finem vilae — Viri inter femora fornicantes, i a. poenileat. — Vir in sommo pollulus sine volunlato, XII psalmos cantet; si in ecclosiA pollulus, m u. jejunet. »

L'état do pénitence, outre des récitations de prières, des jeunes, des macérations imposées, fermait au pécheur l'entrée de l'église, — excommunication momentanéo ; quand les portes se rouvraient, c'était selon un certain cérémonial. Le pénitent s'agenouillait aux pieds do l'évoque ou do son représentant et l'on chantait l'antienne : « Vcnite filii, audito mo, timorem Domini doccbo vos... », puis, des oraisons diles, l'absolution accordée, de spéciales litanies :

Ab omni immunditia cordis et corporis, libéra eum, Domine.

A vinculis diaboli, libéra eum, Domine.

Per crucem tuam, libéra eum, Domine.

Per passionem tuam, libéra eum, Domine...

Ut repellas ab eo omnes principes tenebrarum,

Te rogamus, audi nos, Domine...

(De toute immondice decoeur etde corps, délivre-le, Seigneur.

Des chaînes du diable, délivre-le, Seigneur.

Par la croix, délivre-le, Seigneur.

Par ta passion, délivre-le, Seigneur.

Ecarte de lui tous les princes des ténèbres, nous t'en supplions, écoute nous, Seigneur.)

La bénédiction de l'huile s'accompagnait au xe siècle, selon la liturgie de Vienne, de ces litanies assonnancées :

Audi, judéx mortuorum, una spes mortalium, Audi voces proferentum, donum pacis praevium O Redemptor,

Consecrare tu dignare, rex perennis gloriae, Hoc olivum signum jura contra demonum, O Redemptor,

LE LATIN MYSTIQUE lit

Ut novotur soxus omnis unctionochrismatis

Et inodotur sauciata dignltatis gloria,

O Redemptor.

Lota mentosacro fonto aufugantur crimina,

Uncta fonto sacrosancta influant carismata,

O Redemptor.

Corde natus ex parentis olvum implens Virginis

Praesta lucem, claudo mortem chrismatis consortibus,

O Redemptor.

(Ecouto, o juge des morts, espoir unique des vivants.

Ecoute les voix des suppliants, cl, dispensatrice généreuse do la paix,

O Rédempteur,

Daigne consacrer, roi d'éternelle gloire,

Celle huile d'olivier, signe conlre les incantalions démoniaques,

O Rédempteur,

Afin que soient rénovés les deux sexes par l'onction du chrême

Et guérie la gloire blessée de notre dignité,

O Rédempteur.

Que de l'Ame lavée à la fontaine sacrée s'enfuient les crimes,

Que de la fontaine ointe les sacrosaintes grAces nous bénéficient,

O Rédempteur.

Toi volontairement né de la femme et qui as rempli le ventre d'une vierge,

Donnelalumière,ferme la mort aux communiants du chrême,

O Rédempteur.)

Cette huile bénie par d'aussi hautes invocations, outre les usages sacramenlaires, servait aux fréquents exorcismes des énergumènes et des possédés, avec l'accompagnement de l'oraison : « Benedicat le Dominus et custodiat te XPS ab omnibus insidiis diaboli, etc. »

Aux épreuves du jugement de Dieu, par l'eau, par le fer ardent, par le pain el le fromage, etc., « per aquam, per

U2 LE LATIN MYSTIQUE

ignitos vomeres, per panent et caseum », on bénissait l'instrument do probation, et après la mcsso invocatoire, des psaumes so disaient durant l'éprouvo mémo, ainsi quo dos litanies où l'on relèvo dos versets spéciaux :

Ut justiciao non dominotur iniquitas, sed subdatur falsitas veritati, to rogamus, audi nos, Domino.

Utjustum judicium discernero dîgnerte, to rogamus, audi nos, Domine.

(Afin quo no domino pas l'iniquité do la justico, mais quo la fausseté soit soumise à la vérité, nous lo supplions, écoute nous, Seigneur.

Afin que lu daignes décerner un juste jugement, nous to supplions, écoule nous, Seigneur.)

Les litanies ne sont plus quo rarement liturgiques ; c'est la prière que disent, sans obligation, des fidèles assemblés, prière surérogatoiro et do bonne volonté. Cependant, on les retrouve encore en certains coins du missel, par exemple aux Laudes du jeudi de la semaine sainte

Durant que symboliquement brûlent au pied de l'autel les onze Apôtres, les trois Femmes et la Vierge, des voix s'élèvent :

Christo eleison, qui expansis in cruce manibus traxisti omnia ad te saecula, Christe eleison.

Kyrie eleison, Agno mitis basia cui lupus dedit venenosa, Kyrie eleison.

Christe eleison, qui prophétie© prompsisti : Ero mors tua, ô mors, Christe eleison.

(Christ, aie pilié, ô Toi qui les mains épandues sur la croix, attiras à toi tous les siècles, ô Christ, aie pilié.

Seigneur, aie pitié, ô très doux Agneau, à qui le loup donna de vénéneux baisers, Seigneur, aie pitié.

Christ, aie pilié, toi qui murmuras prophétiquement : Je serai la mort, 6 mort! Christ, aie pitié.)

LE LATIN MYSTIQUE 113

A noter encore lo Gloria in excelsis qui, surtout en sa seconde partie, appartient évidemment aux litanies, tandis quo lo début et la fin rappellent le Te Deum :

Domino Deus, Agnus Dei, qui tollls peccata mundi, miscroro nobis. Qui tollis peccata mundi, suscipo deprecationom nostram. Qui sedes ad doxteram Patris, miserere nobis.

Il y a do spéciales litanies, quo tous les manuels do dévotion propagent, Litanies do Jésus, du Nom do Jésus, de la Saintc-Faco; elles sont fort belles, mais si connues ou si faciles h connaitro quo jo préfèro citer d'anciennes litanies françaises, traduction et résumé do loules les autres.

Fragment, extrait d'un vieux bréviaire sans titre, dont je ne sais rien, sinon qu'il doit dater du xvne siècle, cl qu'il a appartenu à uno religieuse, probablement franciscaine ou Clarisse, soeur Mario do la Présentation :

Litanies de grande consolation Aux personnes qui sont en affliction. Qui les dira dévotement, En recevra soulagement.

Jésus anéanti en votre Incarnation, ayez pitié d© nous.

Jésus de riche devenu pauvre,

Jésus mal logé, mal habillé, mal nourri,

Jésus couchant sur la terre, sans lit, sans oreiller et sans couverture,

Jésus réputé fol et endiablé,

Jésus accablé d© douleur au jardin sous la charge de nos péchez,

Jésus dans l'ennui, dans la crainte et dans l'agonie,

Jésus trahi et vendu à vil prix,

Jésus traîné la corde au col,

Jésus tombé dans le torrent de Cédron, tout mouillé et transi de froid,

Jésus mocqué, baffoûé, souffleté, traité d© coups d© pieds et de poings,

H 4 LE LATIN MYSTIQUE

Jésus dépouillé tout nud quatro fois avec ignominio,

Jésus fouotté jusqu'au sang ot déchiré do coups,

Jésus détaché de la colomne et tombé dans votro sang,

Jésus couronné do poignantes épines,

Jésus vêtu d'un© méchant© robo, ot traité commo un Roi do

farce, Jésus chargé du lourd fardeau do la Croix sur vos épaules

déchirées. Jésus cloué avec d'horribles douleurs A la Croix, Jésus tout on playes depuis la plant© des pieds percez jusqu'à

la têto couronnée d'épines. Jésus, l'hommo do douleurs, ayez pitié do nous.

« Le B. Albret lo Grand, Maître do S. Thomas, ojouto le bréviaire, dit en son Traité do la Messe que lo simple souvenir ou la simple méditation do la Passion do J. C. est plus méritoire, que si quelqu'un, durant un an,jcùnoit au pain ot & l'eau tous k- vendredis, ou s'il prenoit la disciplino jusqu'au sang toutes les semaines; ou s'il récitoit lous les jours lo Pscaulier do cent cinquante Pseaumes? »

Les litanies de la Vierge sont plus douces; co sonl des chapelets do fleurs, des chaînettes et des colliers de mystiques pierres précieuses, et certainement l'un des chefs d'oeuvre de la symbolique chrétienne. Une vieille prière versifiée paraphrase ainsi le a Rosa myslica » :

O Rose très odoriférante Et vrai lys de virginité, Violette très florissante, Marguerite d'humilité, Marjolaine de pureté, Romarin flairant comme balme, Par ta grant clémence et pitié, Ayez pitié de ma povreame.

Il manque à celte énumération la « noble Soussic sur laquelle disserte le Chapelet de Virginité", livret mystique du xv 9 siècle, la soussie qui a « odeur vertueuse, tellement que nulles besles venimeuses ne l'osent approcher, par espécial

LE LATIN MYSTIQUE ! \t\

quand la flour est ou soussicr », la « soussio couleur d'or, fleur ensuyvant lo soleil, l'amoureuse soussio ».

Si l'on voulait un manuol complot du bon jardinier mysliquo, il faudrait recourir à cos moines, principalement allemands, qui, sans faliguo, énumèront les gloires du jardin clos de Marie, S. Mariae Hortus conclusus. Conrad do llaimbourg, mort vers 13G0, fut en co genro un des plus féconds, des plus variés et des plus hardis. Son Ilurtulus est bien surprenant; toutes les frondaisons ot floraisons sont des signes qu'avec bonno grAcoil nous explique Lo cèdre et lo cyprès ce sont « les sublimités de la contemplation virginale »; la vigne « la jocondité du coeur ». Là, « pleure le figuier d'édulcorolion, mûrit lo rubescent mûrier :

Rorat ficus dulcoratrix... Rubens morus maturescit.

Là, l'onglo signifie la sobriété; la myrrhe, la continence; l'encens, la dévotion; l'ambre,la pureté; lo storax,la foi et la prière?

Ungula signât sobrictatom, Myrrha continentiam, Thus dovotionem, Signât gutta puritatem, Storax confidentiam Et orationem.

La encore (en ce même « vergier », sans doute, où, au xuc siècle, Etienne de Langton fait descendre la belle Alix, symbole do la Vierge :

Bêle Alix matin leva, Sun cors vesti et para, Enz un vergier s'en entra, Cink flurettes y truva, Un chapelet fet en a...)

Là encore se récollent l'aloès (aloè), le roseau (calamus), le

lifl LE LATIN MYSTIQUE

romarin {cassia), lo galbanum [galbanus), la résino (résina), la tutio (tuta), l'hysope (hysopus), lo safran (crocus), lo sucre (inccharus), l'umando (amygdalum), lo genièvro (juniperus) lo thérébinthe, lo nard, lo cynnamone; enfin lo laurier (ligna thina). Et co merveilleux jardin n'est autro quo lo ventro do la Vierge, co ventro béni dénommé aussi palais, cellule, chapello, cloître, — lo ventro où Jésus prit chair pour réparer les dégAls causés par la chair premièro et coupoblo en un autre Jardin; — do sorto quo toutes ces métaphores d'apparence incohércnto apparaissent finalement d'uno admirablo logiquo et qu'il semble quo penser mystiquomonl — ou symboliquement — co soit lo plus haut et lo plus noblo effort do l'esprit. « Salut, Vierge, au jardin do laquello lo Seigneur descendit en personne Do là, oyant pris lo vêtement de chair, oeuvro de ses propres mains, il sortit franchissant l'enclos, emportant hors du jardin, où Adam avait péché, le glaivo lové sur les pécheurs... »

Ave, virgo, cujus hortum Dum descendens Dominus Per sevisitavit.., Indo tollens quam plasmavit Vestem carnis fragilem Clausum dereliquit Et ab horto revocavit Gladium versatilem Quo Adam deliquit...

Mais Marie n'est pas seulement le jardin spirituel des typiques floraisons; en les innombrables litanies qui lui sont consacrées elle apparaît sous toutes les métaphores, sous tous les symboles imaginables par un esprit d'enlhousiasme, par un coeur amoureux. Parmi :

Lectulus Dei floridus, Gazophylacium Ecclesiae, Sacellum Spiritus Sancti, Thuribulum aureum,

LE LATIN MYSTIQUE H7

Cythara bonosonans Dci,

Cymbalum jubilatlonls Christi,

Lainpas pion a olol coolostis,

Evangolium aoternum,

Bibllotheca testamentorum,

Promptuarium mystoriorum fldoi,

Firmamentum contomplationis, ora pro nobis.

(Petit lit do repos tout fleuri, Gardc-mcublo do l'Eglise, Chapello du Saint-Esprit, Encensoir d'or, Cylharo bicnsonnanto, Cymbalo do la jubilation du Christ, Lampo pleine d'huile céleste, Evangilo éternel, Bibliothèquo des deux Teslaments, Cellier des mystères do la foi, Firmament do la contemplation, priez pour nous.)

Plus simplement, en un adorable vers, lo Bréviairo de Naples résume les adorables tendances des chrétiens « au si tendro coeur do la Viergo Mario »,

Ad cor tain tenerum currito Virginis.

Commo Jésus, commo sa mère, des Saints et dos Saintes furent glorieusement couronnés do chapels de litanies, et la caresse y apparaît souvent 1res ingénieuse, très bien imaginée pour attendrir le bienheureux. C'est sainte Barbara appelée : « Divine amie du Paraclct » ; sainlo Geneviève : « Simulacre de mansuétude, Visible index de la toule Puissance » ; sainlo Claire : « Fille do la lumièro éternelle, Vigne à la suave odeur, Plante au très beau feuillage, Violette pénitentielle, Paranympho du Christ » :

Sancta Clara, vitis odorem spirans suavitatis, Sancta Clara, cujus folia pulcherrima, Sancta Clara, viola poenitentiae.

C'est saint François que l'on proclame : « Serviteur des lépreux, Lanterne des peuples, Prêcheur des bêles » : et si tout cela est un peu naïf, tout cela aussi est bien charmant.

X

La séquence régulière et la poésie latine syllabiquc. — VAve, maris Stella. — L'asclépiadc et l'alexandrin : Le Sanctorum meritis, — Robert de France : le Veni, Sancte Spiritus. — S. Pierre Damien. — Le clergé du xi* siècle. — Le cénobite Fromond. — Rythmes singugulicrs : Théodulc et Bernard de Morlaix. — Héribert d'Eicbstad. — Alphanus. —Fulbert de Chartres : Les six degrés de la Chasteté.

X. - LA SÉQUENCE REGULIERE

Pendant quo les moines do Saint-Goll créaient cetlo forme absolument nouvelle, en poésie, la séquonco irrégulière, l'hymno subissait des modifications intimes qui, lentement, la métamorphosaient. Moins par ignorance do la métriquo quo par raffinement musical, les poètes commencèrent, non plus à mesurer, mois à nombrer les syllabes : il n'y a plus ni brèves ni longues absolues; il n'y a quo des brèves et des longues par position; la quantité est déterminée non plus par la morphologio do la syllabe, mais par la nécessité du rythme.

VAve, maris Stella est uno des plus anciennes hymnes conçues dans ce système; ello doit appartenir au xe siècle; peutôlro mémo est-elle plus ancienne Régulièrement, chaque syllabe impaire devrait être longue; chaque syllabe paire, brève; lo poète s'est délivré d'un tel souci, confiant que le rythmo suffirait à marquer les fortes et les faibles : il faut donc, lorsque l'on chanle cette hymne appuyer la voix sur les syllabes un, trois, cinq; l'affaiblir sur les syllabes deux, quatre, six, couper presque brusquement lo souffle, faire mourir lo son dans une soudaine syncope Théorie purement idéale, car Y Ave, maris Stella est couramment chanté comme si loules les syllabes étaient longues : seules, les religieuses Bénédictines ont conservé une liturgie musicale assez purement nuancée pour auréoler ce chant d'amour de toute sa plainlivc gloire, — oh !

La clere voiz plaisant et bêle...

Oh ! les paroles

Plus douces que sons de citoles !

182 LE LATIN MYSTIQUE

Ave, maris Stella, Dei mater aima Atquo semper virgo, Félix coeli porta.

Sumens illud Ave Gabrielis ore, Funda nos in paco, Mutans nomen Evae.

Solve vincla reis, Profer lumen caecis, Mala nostra pelle, Bona cunctaposce...

Virgo singularis Inter omnes mitis Nos culpis solutos Mites fac et castos...

Cette ode n'est plus une hymne ; l'abandon de la tradionnelle métrique doit lui faire prendre le nom de prose ou de séquence régulière; mais, liturgiquement, ello reste une hymne, l'appellation de prose étant réservée aux tropes qui se chantent à la messo avant l'évangile, — encore que pourraient se noter plusieurs exceptions. A partir du xe siècle, il n'y a plus, en réalité que des proses, malgré les tentatives de saint Bernard et de saint Thomas d'Aquin à respecter partiellement la versification de Prudence et de saint Ambroisc. Quant aux réformes du bréviaire qui consistèrent en des corrections destinées à conformer les hymnes à celle même versification par des corrections de régent de rhétorique, il en sera parlé en un appendice

Contemporaine do Y Ave, maris Stella, la séquence régulière Sanctorum meritis apparaît d'un grand intérêt pour l'histoire non moins de la poésie française que de la poésie latine Elle offre, en effet, riche de tous ses éléments, notre définitif ulexandrin. Comme il est puéril d'aller lui chercher une laborieuse origine, lorsque l'asclépiade imposait depuis Horace ses

LE LATIN MYSTIQUE lu3

douze et presque immuables syllabes : que la numération remplace pour l'oreille le mètre sans valeur, que par conséquent la possibilité disparaisse de substituer au premier spondée un dactyle, que la rime surgisse et, car son ancienne contexturc lui impose la césure médiale, le vers français classique est complet; l'hymne Sanctorum meritis en donne un clair exemple; de plus, le vers glyconique qui clôt la strophe signifie avec non moins do véracité l'octosyllabique français :

Sanctorum. meritis inclyta gaudia Pangamus socii gestaque fortia, Nam gliscit animus promere cantibus Victorum genus optimum...

Hi pro te furias atque ferocia Calcarunt hominum saevaquo verbera : His cessit lacerans fortiter ungula Nec carpslt penetralia.

Une des plus anciennes séquences régulières est aussi l'une des plus illustres,le Veni, Sancte S/>IV//MS, attribué par quelquesuns à Ilcrmanus Conlractus, ce merveilleux poète, par d'autres à Robert Ier, lequel fut roi de France de l'an 990 à l'an 1031, roi exquis, aimanl l'art et l'intelligence Fort dévot au Suint Esprit, il l'invoqua encore dans l'irrégulièrc séquence qui fut, plus haut, alléguée et dans le verset : « Veni, Sancte Spiritus, replo luorum corda fldelium et lui amoris in eis ignem accendc. »

Veni, Sancte Spiritus Et emitte coelitus Lucis tua© radium.

Veni pater pauperum, Veni dator munorum, Veni lumen cordium.

Consolator optime, Dulcis hospes anima©, Dulc© refrigerium.

LAT. MY8T. 10

15 i LE LATIN MYSTIQUE

In labore requics, In aestu temperies, In fletu solatium.

O lux beatissima, Reple cordis intima Tuorumfldelium.

Sine tuo numine Nihil est in homine, Nihil est innoxium.

Lava quod est sordidum, Riga quod est aridum, Sana quod est saucium.

Flect© quod est rigidum, Fove quod est frigidum, Rege quod est dovium.

Da tuis ildelibus In te confidentibus Sacrum septenarium.

Da virtutis meritum, Da salutis exitum, Da perenne gaudium.

(Viens, Esprit Saint, envoie du ciel le rayon do la lumière. Viens, père des pauvres, viens, donateur de munificences, viens, flambeau des coeurs. Consolateur très bon, hôte très doux do l'Ame, très doux rafraîchissement : repos en le labeur, modérateur des heures torridcs, et des larmes le consolateur : O lumière bienheureuse, remplis les plus secrets coins du coeur de tes fidèles. Sans ta grAco, rien dans l'homme, rien n'est innocent. Lave co qui est sordide, arrose ce qui est aride, guéris ce qui est blessé ; fléchis ce qui est rigide, réchauffe co qui est frigide, redresse co qui a dévié. Donne à tes fidèles, à ceux qui se confient à toi, le sacré septénaire, donne la verlu et son mérite, donne ravènoment du salut, donne la joie pérennello.)

LE LATIN MYSTIQUE 155

Évoque et cardinal malgré lui, moine, abbé du monastère de Font-Avellane, Pierre Damien fut favorisé d'une âme très pure et très mystique dont la grâce présage, dès le xi° siècle, les tendresses de saint Bernard et, vers plus loin, les très hauts rêves d'amour de saint Jean de la Croix. Le rylhme suivant évoque l'inoubliable cantique de la Nuit obscure de l'Ame.

Quis est hic qui puisât ad ostium Noctis rumpens somnium? Me vocat o virginum pulcherrima, Soror, conjux, gemma splendissima : Cito surgens aperi, dulcissima.

Ego sum sumni Régis Filius Primus et novissimus, Qui do coelis in bas veni tonebras, Liberare captivorum animas Passus mortem et militas injurias.

Mox ego dereliqui lectulum, Cucurrl ad pessulum Ut dilecto tota domus pateat Et meus mea plenissimo vidcat Quem maxime vidrc desiderat.

At illo jam inde transierat, Ostium roliquerat. Quid ego miserrima, quid fnciom ? Lacrymando sum secuta juvenem Manus cujus plasmaverunt hominem.

Ces vers d'un assez abstrus symbolisme s'expliquent ainsi : L'Ame raconte que réveillée dans son sommeil charnel elle a entendu une Yoix l'appelant et lui disant : Je suis lo Fils du Roi suprême. Elle ouvre au Bien-Aimé : il n'a fail que passer, il est loin; alors elle abandonne toute vanilé, sort d'elle-même et le cherche en pleurant.

Un autre sens, plus slrict, est admissible : c'est, avant l'Annonciation, la visite mystique de Jésus à celle qu'il a choisie pour mère. Les mois, o virginum pulcherrima et le tllro do

E LATIN MYSTIQUE

ces vers, Rythmus de sanctissimâ Virgine, donnent à cette interprétation de la. vraisemblance, malgré le « Passus mortem », mais le sens symbolique n'en garde pas moins sa valeur et sa logique Traduction :

« Quel est celui qui frappe à la porte, interrompant le sommeil de ma nuit ? Il m'appelle la plus belle des vierges, soeur, épouse, gemme très splendide : Lève-toi vite et ouvre-moi, ô ma très douce

« — Je suis le Fils du Roi suprême, je suis le Premier et le Dernier venu.des cieux en ces ténèbres; j'ai libéré les unies des captifs, souffert la mort et mille injures.

« Aussitôt, abandonnant mon lit, je courus à la serrure: afin qu'au Bien-Aimé toute la maison soit ouverte et que ma volonté, lout pleinement il la voie, comme tant il le désire. Mais déjà il s'était éloigné, ayant quille la porte Oh I pauvre malheureuse, que vais-jo faire ? Toute pleurante, j'ai suivi l'Adolescent dont les mains façonnèrent le monde »

Le saint cardinal ne s'adonna pas uniquement à la théologie mystique, ni à la poésie laudative des mystères : jetant quelques regards autour de lui, il rima sa Rubrique sur tous les états,ohsont passées en revue les misères du siècle. Les moeurs changent peu ; l'homme incline toujours vers la boue son front boueux ; seul, l'orgueil s'aggrave ou diminue : tantôt la bassesse des coeurs se prélasse et s'admire dans sa propre abjection ; tantôt, elle a honte d'elle-même, admet qu'on la fouaille pour la relover cl baise les mains par qui son dos vient d'être ensanglanté. Ce que Pierre Damicn disait,il y a huit cents ans, du clergé, le clergé l'accepta ; aujourd'hui, il crierait qu'on lui manque do respect : « Le clerc illettré et adonné à l'orgueil, méprisant les mystères, gît tel qu'une slupide bête —• Il vagubonde par les églises, atteint d'une excessive vanité ; s'il consent à rester en place, c'est pour tourner la tête de tous côtés, par curiosité. — Il no distribue pas la parole de Dieu, trop occupé à des bavardages particuliers, et s'il prêche, c'est pour narrer d'inanes et vides paraboles. »

LE LATIN MYSTIQUE 457

Si l'on se souvient que les sermonaires de carême s'occupcnl spécialement à enrouler dans leurs argumentaires bandelettes tous les foelus mort-nés des objections scientifiques contre leur foi, on reconnaîtra l'à-props des « inanes et vides paraboles », — puisque nul mystère ne comporte d'explication, puisque la contradiction, par exemple, de la géologie n'a pas plus de valeur contre la Foi quo .contre l'Art, — mais le sermonaire,

Despiciens mysteria,... Verba Dei non nuntiat... Et récitât parabolas Inanes atque vacuas.

Sermonaires et prêtres auxquels signaler l'exemple do Fromond, lo cénobite de Tegernsée, qui, vers 1130, refusait par indignité, le sacerdoce, le jugeant un sacrement trop lourd pour ses épaules de pécheur :

Ordino tain celso porsons ego fungere summo Non possum pressus peccati pondère totus.

11 faut encore do l'évêquo d'Ostic noter quelques vers d'un rythme très spécial :

Ad Sanctissimam Virginem versus contra tempus nubilosum. O miscratrix, o dominatrix, praccipuo dictu. Ne devastemur, ne lapidemur grandinis ictu. Est tibi latus pontifleatus, mater ab aovo : Ergo precamur no moriamur turbine saevo. Turbida leni daquo sereni tomporls usum : Redde serenum sidus amoenum nube reclusum. Virgo, rogamus no percamus peste vel ira : Tetra diescant atquo quiescant fulgura dira. ;

(O miséralrice, ô dominatrice, bonne à invoquer, défensnous, la grêle vient nous dévaster et nous lapider. Un pontificat te fut dévolu, Mère, dons les siècles: Donc nous le prions pour ne pas mourir dans le tourbillon. Pacifie les vents, rends à l'almosphèrc sa sérénité. Rends-nous la très douce et

158 LE LATIN MYSTIQUE

sereine étoile que la nue dérobe. 0 Vierge, défends que nous périssions de peste ou colère : clarifie la nuit, fais qu'elles se reposent, les foudres divines.)

Déjà, en un rythme analogue, un certain Théodule avait écrit un poème sur le mépris du monde, où se lisent ces très beaux vers, qui auraient réjoui saint François d'Assise, le Pauvre :

Pauper amabilis et venerabilis est benedictus : Divcs inutilis, insasîabilis est maledictus.

Plus lard, et sur le môme sujet, Bernard de Morlaix, moine de Cluny, reprit et mena à la perfection co vers de dix-sept syllabes ; celui de Pierre Damien, qui en compte quinze, s'appuie, en outre, sur l'allitération :

Hora novissima, tempora pessima sunt, vigllemus. Ecce minaciter, imminet arbiter illo supremus.

Après de telles lamentations sur la prochaine fin du monde, celte curieuse description du paradis :

Pax ibi florida, pascua vivida, viva. medulla, Nulla molestia, nulla tragoedia, lacryma nulla. O sancta potio, sacra rofectio, pax animarum, O plus, ô bonus, ô placidus sonus, hymnus earum.

A cette paix fleurie sans nuls ennuis, ni tragédies, ni larmes, où l'on n'entend quo les hymnes sacrées des ûmes bienheureuses, Héribert, l'évoque d'Eichstad, en Bavière, ajoute un détail qui concerne les seules vierges. Sur lo seuil du palais do bénédiction, Marie, la mère du Seigneur, vient elle-même les recevoir, pour les conduire, fiancées saintes, à son fils, et ello leur dit : « Entrez, Vierges, au lit du Roi céleste et soyez l'éternelle joie de l'Epoux. » Il s'agit spécialement do sainte Walburgo :

Te, Mater Domini, Mater et virgo, Choreis virginum

LE LATIN MYSTIQUE 159

Virginem junxit Filioque suo Sponsa dicavit.

Ingressa thalamum Régis coelorum Audis angelicum Carmen jocundum : Intra, virgo, tui Gaudio sponsi.

Alphanus, à la fin du xe siècle archevêque de Salerne, est encore un véridique poète. 11 chanta spécialement les virginités martyres, Ursule, Lucie,— Christine,à laquelle il décerne une alléchante couronne :

Nunc grata carpe-ns gramina Inter rosarum gonaina, Gemmis micantem fulgidis Gestat coronam luminis,

(Ello cueille des herbes de grAco, dans lo jardin des jeunes roses, elle porte une couronne do lumière, lumineuse de resplendissantes gemmes.)

Pour lui, et pour plus d'un poêle chrétien, le paradis est ainsi : un jardin où l'on fait de la musique sous des ombrages parfumés :

llllc purpureus rosao

Flos et nardus inest, vernat amaranthus,

Floret cum violls crocus,

Spirant thurla, thymus, lilia, balsamum.

Hymnos angelici chorl,

Condignum résonant carmen Apostoli,

Psallunt quam beno martyres,

Et plectro ferlunt tympana Virgines.

(Là c'est la rose aux fleurs pourpres, et le nard, l'amaranthe et, fleuri parmi les violettes, lo safran, et les parfums do l'encens, du thym, des lis et du baume. Les choeurs dos anges

160 LE LATIN MYSTIQUE

chantent des hymnes, les apôtres récitent des vers de louanges, les martyrs font sonner le psaltérion et le plcctrc des vierges frappe les tympanons.)

Une strophe lue dans l'Hymnairc- de Salisbury, Hymnarium Sarisburiense précise : les vers que disent les apôlres, c'est un insatiable Alléluia : « Alléluia, ô douce incantation, ô voix de la joie éternelle 1 Alléluia, voix très suave aux choeurs célestes. »

Alléluia, dulce carmen, Vox peronnis gaudii, Alléluia, vox suavis Est choris coelestibus.

« Pauvre, je m'élevai de la boue jusqu'à la chaire épiscopalc»,

Conscendi cathedram, pauper, de sorde levatus.

Ainsi avoue son origine misérable, Fulbert, à Reims, élève do Gcrbertet mort en 1029, évèquo do Chartres. Ce fut un très s-ivant théologien et un intéressant poète, auteur de proses, d'hymnes, de Iropes liturgiques, d'une Invocation ail Dieu de paix, où ces vers, assez robustes :

Dent© saturnali restringitur

Evagata vitis.

Cultuqu© tellus senta mansuescit.

Gaudet lancea faix, gaudet spatha

Devenir© vomer :

Pax ditat imos, pauperat superbos.

Salve, summe Pater, fer et omnibus

Integram saluteni,

Qulcumquo pacis diligunt quietem.

(La dent doSaturnc rogne la vigne vagabonde Par la culturc, la lerro épineuse s'adoucit, la lance est heureuse do devenir faux, heureuse l'épécde devenir soc : ht Paix enrichit les humbles, appauvrit les superbes. Salut, Père suprême

LE LATIN MYSTIQUE 101

donne à tous une intégrale sauvegarde, car tout le monde aspire au repos et à la paix.)

.Sans plus aucune quête do métaphores, simple catéchisme mystique.à l'usage des amoureux de la chasteté parfaite, son court traité,. Castitatis gradus, est recommendablc:

Sex gradibus consummatur perfectio casta ; . . Primum dum vigilas ilëxum nescire pctulcum ; Quem sequitur lasciva diu non volvere corde ; Tum ne vel leviter speciem cernendo cupiscas ; Quartus erit nec simpliciter génitale moveri ; Quintus ob auditum Veneris nil mente vagari; Ultimus in sommis nullo phantasinate ludi : Hoc sibi nemo rapit, sed Christi gratia praestat; Est servànda tamen diuturna medela diaetae : Libra cibi solidi, simplex hemina falerni ; Praeterea labor, excubiae, rogatio cerebra, No caro languentem necet incrassata pudorem : Castus agit quem nulla libido movet vigilantem, Nec violaro potest sopitum illusio foeda.

(En six degrés se consomme la perfection chaste : d'abord, durant la veille, ignorer les coups do corne de la chair; ensuite, chasser de son esprit les lascivités diurnes ; puis, ne pas même être touché de désirs devant la beauté aperçue ; lo quatrième degré sera de ne pas même être ému génitalement ; lo cinquième do no pas être troublé par l'audition de paroles d'amour ; le dernier, de n'être en dormant le jouet d'aucun phantasme Ce degré, nul par soi-même ne l'atteint, mais seulement par la grâce du Christ; cependant, gardez pendant le jour, une certaine diète, c'est le remède : une livre do nourriture solide, uno seule chopine do vin; ensuite lo travail, lo guet, la rogation cérébralo ( méditation ou prière menlalo), afin que la choir encrassée n'écrase pas la languissante pudeur : celui-là est chaste que nul désir libidineux n'émeut durant sa veille, que nulle fétide illusion ne peut violer assoupi.)

162 LE LATIN MYSTIQUE

Ces 6ix degrés do l'échelle de chasteté apparaissent, mémo le premier, d'une difficile ascension : aussi les vieux traités de théologie morale sont-ils remplis d'exemples de manquements, de chutes en la rupture des échelons.

C'est, au rapport d'Odon de Cluny, la mémorable aventure de ce prêtre qui mourut si malheureusement, » ita divino judicio miser inleriit, ut cum semen funderet animam pariter exhalaret, sicut mulier perhibuit. »

Au môme chapitre II des Collationes, Odon narre la singulière tentation, singulière par l'ingéniosité des arguments, à laquelle, par le fait du Malin, succomba un pauvre ermite, « cul per diabolum injecta cogitatio est ut quandocumque libidine tilillarclur, sic semen de Irilu genitalis membri egererc deberet, tanquam flegma de naribus projiceret. »

Et le théologien, merveilleux à propos 1 lui appliquo la parole d'Isaïc : << Tes mains sont pleines de sang. »

XI

Hildebert de Lavardin. — Son P/njsiologus. — Symbolisme de la Sirène-Oiseau ; de l'Homme-Ane ; de la Panthère.— Le Dragon, le Léviathan, la Licorne. — La Confession de Hildebert. — Alain de Lisle, poète scolastique. Le Liber deplanctuNaturae.—Symbolisme planétairedcsgcmmes. —- Dialogue d'Alain et de la Nature

XI. — HILDEBERT ET ALAIN DE LISLE.

Hildebert, d'abord, frappe à la porte incrustée de perles de la mystérieuse cité érigée en les au delà par l'architecte de toutes les gloires, par l'auteur de la lumière, à la porte sanglante faite du bois de la croix, à la porte dont la langue de Pierre est la clef, à la porte derrière laquelle le Roi des Joies dernières agence, en leurs alvéoles, améthystes el chrysbprases bérils et hyacinthes, les Ames élues :

Me receptet Sion illa, Sion David, urbs tranquilla, Cujus faber auctor lucis, Cujus porta© lignum crucis, Cujus claveslingua Pétri, Cujus cives semper laeti, Cujus mûri lapis vivus, Cujus custos Rex festivus.

Lavardin, de ce nom qu'un Bcaumanoir illustra, évoque du Mans, puis archevêque de Tours, Hildebert captiva l'attention de quelques érudils : entre les poètes de la fin du xie siècle, c'est l'un des moins inconnus. 11 ne faut pas lui attribuer un bien insigne talent, mais c'était uno intelligence curieuse do mille choses. Son oeuvre est faite do sermons, do traités touchant la discipline ecclésiastique ou monacale, de plusieurs vies de saints; en vers, il rédigea des poèmes sur la liturgie, sur Mahomet, sur la mathématique, sur l'histoire naturelle, PhysiologuB, un débat, De Querimonia et conflictu carnis et spiritus seu animae, une Lamentatio peccatricis animae, des Carmina miscellanea.

Dans ce dernier recueil, on trouve la réponse à cette interrogation, CurDeushomo?

166 LE LATIN MYSTIQUE

Adae peccatum quae conveniens aboleret

Victima? Numquid homo? Sed et hic reus unde placere ?

Angélus? An fruges? An vacca? Sed hostia talis

Natura dispar pretio minor esset inanis...

Ergo fuit querendus homo...

« Pourquoi un Homme-Dieu? Le péché d'Adam, quelle convenante victime l'abolirait? Sans doute un homme? Mais l'homme est coupable, comment plairait-il? Un ange ? Des fruits? Uno vache? Mais une telle hostie, disproportionnée de sa nature, une hostie si minime et do si peu de prix serait vaine... Il fallait donc chercher un homme » qui fut en môme temps Dieu.

En sa prose sur le Saint Esprit, il l'implore « pour que les hommes qui peuvent pécher rémissiblement contre le Fils et le Père aussi, n'aillent pas contre lo Paraclet pécher indébilement : »

No dum peccant remlssibiliter In Filium et Patrom pariter In Spiritum peccent indebiliter.

Sa liturgie versifiée, Versus de Mystcrio Mime n'est pas d'un stylo beaucoup plus haut ; c'est du Wandalbert :

D© oblatione panis, vint et aquao :

Non sine mysterio, sine ro, vel panis ad aram

Vel vinum fertur, cui superaddis aquam. Utraque danda praesignavere Figura©, '

Traditiodocuit, sanctior usus habot...

(De l'oblation du pain, du vin, do l'eau. — Ce n'est pas sans mystère, sans but que le pain à l'autel est offert, ou le vin auquel on surajoute de Peau. Celte double oblalion, les Figures la signifièrent, la tradition l'enseigna, c'est un usage très saint, etc.).

LE LATIN MYSTIQUE 167

. Des vies de Mahomet, .mile sans doute n'est plus inadmissible et plus folle que celle que raconte Hildebert. On y voit des cardinaux de l'Islam, une constante certitude qne le mahomélisme n'est que l'imitation lointaine et baroque des dogmes et des cérémonies catholiques. Amusante surtout l'anecdote qui clôt le livre, de la fausse résurrection du Prophète au moyen d'un système de puissants aimants ; si le corps s'éleva du tombeau, comme Hildebert n'en doule pas, ce fut par la force de l'aimant et rien de plus, solo magnete.

Le Physiologus se classe dans un autre ordre de créances superstitieuses : c'est un essai de bestiaire symbolique aussi bizarre et pas moins curieux que, par exemple, celui do sainte Hildegarde. La sirène y apparaît sous une forme inattendue :

Ex ombillco constat pulcherrima virgo, Quodqu© facit monstrum volucres indo deorsum.

« Au-dessus de l'ombilic c'est une très jolie fille ; en-dessous le monstre est un oiseau », co qui rappelle plutôt la chimère ; et peut-être y a-t-il encore dans son imagination (, un rappel confus des apparences du griffon, enfanlé par l'aigle et la louve, moitié fauve (bestia) et moitié oiseau, comme lo décrit Hildegarde, qui ajoute : « La chair du griffon no se mange pas. »

La sirène allée, quoique relativement rare, n'est pas en symbolique, une représentation tout à fait inusitée : sur les pierres gravées égyptiennes elle apparaît telle que lo symbole de la Mort, et Jacques do Vitry la nomme et la compte parmi les « oiseaux do mor, bien qu'elles soient do véritables monstres. » On en voit une au Louvre, salle grecque, taillée en marbre et ainsi faite : tête, torse cl sexe de femmo ; seins aigus où se pose uno main fruste; cuisses, jambes et pâlies palmées d'oiseau ; ailes comme de génie; queue empennée; bouche qui so pince, se clôt sur l'énigme; les yeux vagues et froids.

168 LE LATIN MYSTIQUE

Il y eut aussi des sirènes-serpents : « les siraines, dit Brunello Lalini, sont manière de blancs serpents qui courent si merveilleusement que li plusiour disent qu'elles volent », des sirènes-dragons, des sirènes de toute déformation : en telle sculpture, on en voit qui ressemblent à des autruches et souvent, quand elles nagent duns une figuration de vagues, c'est avec une queue quide poisson pourrait aussi bien passer pour d'oiseau, .tellement le dessin en est rudimenlaire II est bien évident que des animaux inexistants et que nul no vit — sans doute— qu'en rêve, un art, même hiératique, est inapte à les distinguer par d'immuables formes, et rien de plus divers que les signes dont s'ornent les Bestiaires à miniatures aux rubriques sirène, monocenlaure, dragon, griffon, phénix, aletust, chambal, rosmare, cynocéphale, vivre et" guivre, slryge, paraude, basilic, sagittaire ou centaure

Le centaure d'Hildebert, homocentaurus, est tout à fait différent de la représentation classique :

Est homocentaurus itidem natura biformis,

In quibus est asinus in humano corpore mixtus.

« L'homme centaure pareillement est de nature Informe ; c'est un àne fondu dans le corps d'un homme », — indication un peu vague qui se rapporterait aux anciennes images de l'homme à lôlo d'âne, symbole de la sagesse humaine (une telle sagesse ou science n'étant qu'ignorance et ûncric), si l'évoque n'ajoutait quo co centaure est la synthèse do l'homme à double nature, de l'hypocrite

Lo véritable homme-Ane, figure 1res chère au moyen ûgo, est assez fréquemment peint ou sculpté avec l'habit et les attributs d'un maître d'école, — signifiant ainsi la doctrine vainc, semblablo à dos braiments, qui sort do telles bouches, et par avance et prophétie, signifiant le règne où nous vivons.

Au naturel, l'une symbolisait les pensées charnelles, et l'ûnesso les parties inférieures ou sexuelles.

LE LATIN MYSTIQUE 169

Sagace et mystérieuse magicienne, « la panthère, quand elle rugit, fait fuir les seuls dragons, ou Irembler si fort qu'ils demeurent inermes... C'est un quadrupède qu'il n'y en a pas un autre plus beau : il est noir, semé do petites taches blanches et rondes... Allégoriquement la panthère est dite le Christ, parce que le Christ surpasse en beauté tous les hommes », symbolisme encore différent de celui donné par Hildegarde qui déclare que la panthère est le signe de la vaine gloire.

... Soli panthera dracones, Cum sonat, aut fugiunt, aut segnes corpore fiunt... Est quadrupes quo nunquam pulchrior alter, Qui niger ex albo conspargitur orbiculato... Est autem dictus panther allégorie© Christus Qui super est homines forma collatus omnes.

Lo moyen Age ne fut jamais fixé sur l'histoire naturelle delà panthère : des auteurs la tiennent pour la femelle du léopard, né lui-môme, par adullère (advoullric), du pard et de la lionne Ces tromperies, lo lion les reconnaît à l'odeur de sa femelle; aussi la lionne pour parer à la mole aventure, a soin avant de reparaître devunt son seigneur, do se soigneusement laver en eau courante Lo P. Chcsneau, dans ses emblèmes eucharistiques, nous montre un lion qui considère, un peu surpris, sa lionne prenant un bain, — et la lionne (figure, ici, de l'Amo qui se livre aux ablutions do la pénitence), profère, pour notre édification, ce distique :

Je lave l'horreur de mon vice, De peur d'en souffrir 1© supplice.

Quant h. la créance d'Hildcbcrt que la panthère terrifie les dragons, on la relrouve çà et là peu modifiée Jean de Gênes, en son Catholicon, déclare la panthère amie do tout animal, sauf du dragon : « Quia omnium animolium sit amicus, nisi druconis », amitié qu'on lui rend volontiers, pour la bonne

LAT. MYST. 11

170 LE LATIN MYSTIQUE

odeur de sa gueule et de sa peau, ainsi que l'affirme un ancien Bestiaire cité par Du Cange :

Dont ist uno tant bonne odeur De sa bouce, pour vérité, Qu'en toute la vésinité N'a nul© beste qui se tiengne Qui maintenant A li ne viengnc.

Le dragon, en toutes ces citations, c'est lo Malin ; dragon, figuration encore peu précise, car un vieux traité le confond avec le lévialhan « qui se roule dans la mer du siècle avec une astuce pleine do volubilité 1 » De tout temps, celle bête apocalyptique symbolisa l'esprit du mal: <• Le dragon s'approche,dit,en des vers, Grégoire de Nazianze, ô mon Christ, donne les mains, tes deux mains, liens-moi, liens-moi I » Entre les animaux avec lesquels ello partage co rôle, on trouve dans la Bible, et Introït du dimanche des Rameaux, la licorno : « Libéra me de ore Leonis et a cornibus Unicornium humilitatem meam. »

La licorno biblique signifie la puissance dans le bien comme dans le mal.

Plus ordinairement la licorno symbolise la pureté et la virginité. Jusqu'au xvne siècle, le Codex vantait commo antidote, ou plutôt comme purification do l'eau empoisonnée, la corne de licorne ; et l'on vendait sous co nom et l'on faisait servir à cet office, avec uno entière bonne foi, des défenses de narval que les Hollandais importaient mystérieusement. Cctlo fantastique bôto — qui tout de même exista, puisque son existence étuit cruo — se concevait généralement do la forme d'un cheval, blonchc, avec la tôle pourpre et dos yeux bleus ; la corne issue du front était longue d'une coudée et do couleur tripartito, blanche, noire et à la pointe, rouge. Uno variété de licornes, l'églisserion, assumait l'apparence d'un imposant cerf.

Le Tesoro délie gioie do Cléandre Arnobe, revu par Archangclo Riccio, affirme cinq sortes d'unicornos: lo cerf choval ou monoccros, l'ûno sauvage de l'Inde, la chèvre sauvage d'Afrique, lo

LE LATIN MYSTIQUE 171

boeuf do l'Inde et le rhinocéros ; ces animaux qui, selon cette nomenclature, semblent 1res raisonnables, sont en réalité, dans Cléandre Arnobe, purement apocalyptiques: heureux temps des notions imprécises, où le pape Grégoire, commentant Job, identifie avec certitude le rhinocéros et la licorne amie des vierges I Quant à l'incohérence de certaines symbolisations, elle est 1res logiquement et très naïvement expliquée dans ce passage du Bestiaire de Hugues de Saint- Victor : «Si quelqu'un demande pourquoi le Christ esl parfois signifié par des animaux immondes, tels que le serpent, le lion, le dragon, l'aigle et autres semblables : qu'il sache quo lo lion, quand il s'agit de fortitude, représente lo Christ, et quand il s'agit de rapacité, le diable... » En sa Lamentation, en sa confession suprême, là seulement, à vrai dire, Hildebert se révéla poète et doué aussi d'une Ame très humblement noble A l'approche do la mort il avoue ses péchés : « Quand viendra le jour de la mort, quand la mort commencera ses menaces, je n'aurai plus la force de rire, et, tardivement I ce sera l'heure des larmes... J'ai méprisé la vie supérieure, j'ai dédaigné les divins monitoircs... Je n'ai jamais vécu chastement, si salement je me suis pollué ! Je voulus passer pour vierge, je ne sus pas même être pudique Je voulus êlre pris pour un abstinent et tellement je farcis mon ventre l Du boire et du manger bien trop jo nourris à l'excès ma chair... Celle vie, pourtant finira et il viendra, le jour delà mort. »

Cum dies mortis venerit,

Cum mors urgero ceperit,

Tune mihi risus deerit,

Tune sero luctus aderit...

Vitam contempsi supornam...

Sprovidivina monita...

Nunquam mo caste colui,

Sed foedo nimis pollui.

Virgo putari volui, s

Pudicus esse nolui,

Jejunam dici cupio

Sed ventrem nimis farcio.

172 LE LATIN MYSTIQUE

Cibo potuque nimio Carnom plus aequo nutrio... Hune tamen vitam finiam Ad mortis diem veniam.

El songeant au jugement dernier il rougit d'une belle honte en s'aposlrophant: «Alors les gestes mauvais, tes secrètes turpitudes, les verront en détail des milliers de milliers d'hommes... »

Tune tua gesta noxia Sécréta quoque turpia Videbunt circumstantia Virorum mille millia.

Pour ne pas briser le cycle des poètes latins qui furent principalement jardiniers au parterre du symbole ou de l'allégorie, il convient d'éludicr ici les imaginations d'un rêveur un peu moins ancien, Alain de Lisle, Alanus de ïnsulis.

Très savant docteur, abbé, puis évoque d'Auxerro, il voulut mourir sous l'habit d'un simple moine, à Citeaux. Ce fut un grand écrivain mystique, curieux de découvrir les analogies cachées au fond des choses, adonné plus quo nul autre à la quête do l'invisible Son imagination, dénuée de timidité, lui permit de rédiger un opuscule sur les Six Ailes des Chérubins. Au texte, une image est jointe, explicative : Des trois paires d'ailes, une s'en va et monte on forme do flabelles compliquées; uno autre s'évase et tombe comme les pans d'un manlcau d'archimandrite ; la dernière passe sur la poitrine, en croix de même qu'une élole,puis descend en guise de jambières jusqu'aux pieds. Les six ailes sont tuyautées comme des jeux d'orgues; chacune se calamistré en cinq tuyaux et chaque tuyau porte un nom : Temperantia, Castimonia^ Pudicitia, Rectitudo, Sanctitudo, etc.

Ce traité n'est que de prose; à celui-ci je veux un peu m'allarder, qui est do prose et do vers : Liber de planctu Saturne.

In lacrymas risus, in fletumgaudia verto,

In planctutï. plausus...

Cum sua Naiurom video sécréta sllere...

LE LATIN MYSTIQUE 173

(En larmes le rire, en deuil le plaisir se change ; en déploration la joie... quand je vois que la Nature se tait sur ses secrets...).Compatissante, l'implorée surgit. Elle n'est pas désagréable : « Cujus crinis non mendicala luce sed propria scinlillans... In stellare corpus caput cffigiabatpuellao... Des cheveux, non d'une lumière de mendicité, mais d'un personnel éclat scintillaient... Sur un corps slcllairo la tôle se dressait, effigie de vierge » 11 s'étonne du contraste de la chevelure dorée et de la blancheur do la peau : « Cela formait un vrai paralogisme... Paralogismum visuè concludebanl. » Ses mamelles préceintes, fermes pommes, affirment la grAce d'une juvénile maturité : « Mamillarum pomula graliose juvenlutis malurilalem spondebant. » De son accoutrement la pièce principale est un diadème adorné de gemmes — Corona gemmarum scintillata choreis. » Les pierres de ce diadème sont au nombre de sept :

Lapis sitperiov ) Adamas J Symbole :

(Pierre supérieure) \ (Diamant) j Saturne.

Lapissecundus ) Achates ) Symbole :) Aster Jo(Douxièm©

Jo(Douxièm© ) (Agate) [ Jupiter. \ vialis.

Lapis tertius ) Astroites J Symbole :

(Troisième pierre) j (Astroïte) [Mars.

Lapis quartus 1 Carbunculus. ) Symbol© : (Quatriômo pierro) j (Escarbouclo) ( Le Soleil.

Lapis quintus ) Sapphirus i Symbole :

(Cinquième pierre) j (Saphir) j Mercure.

Lapis sextus ) Jfyacinthus i Symbole ù Aster Dio(Sixièmo

Dio(Sixièmo j (Hyacinthe) \ Vénus. ) naeus.

t Vltima lapis Margarita, qui a \

Carbunculo luminis mendicabat j gvmv,0ie .

suffragia. — La pierro ultime était > ^ Lune

la Perle, qui mendiait les suffrages \

do YEscarboucle. » /

La Nature, avec celle couronne planétaire, commence à se préciser; ses vêtements achèvent la différenciation : tout y est

174 LE LATIN MYSTIQUE

symbole Voici les soulier*, en leur scolasliquc subtilité. « Calci autem,ex allulea pelle traducentcsmatcriam, itafamiliariler pedum sequcbanlur idcas, ut in ipsis pedibus nati, ipsisque mirabiliter viderenlur inscripli. — Les souliers, faits do peau alunée, si familièrement suivaient les idées (les formes) des pieds, qu'on les eût dit nés sur les pieds mêmes et là merveilleusement inscrits.)

Closes les descriptions, commence le dialogue :

La Nature parle à Alain (Natura Alano loquitur). Elle est belle et parée, c'est pour plaire h son seigneur, l'Esprit : « Ut sic totius corporis malcria nobilioribus nalurao purpuramentis ornata, ad nuptias gradiens, marito Spirilui gratius jungcrelur, ne marilus suae conjugis deformitatcm faslidicns ejus refutaret conjugium. — En toute la matière de son corps ornéo des plus nobles pourpresccnces do la nature, c'est, marchant aux noces, pour qu'elle s'unisse plus agréablement à son mari, l'Esprit, et quo le mari n'aille pas, répugné par la déformité de sa femme, lui refuser la co-union. »

Suivent d'assez prolixes explications, que borne celle déclaration : « Deus imperans, Angélus opérons, Homo oplempcrans. —■ Dieu impère, l'Ange opère, l'Homme obtempère », — en d'autres termes : Dieu imprime à l'Acte le mouvement initial et l'Ange le transmet à l'Homme, qui lo subit.

Alain répond :

O Del proies genetrlxque rerum, Vinculum mundi stabilisquo nexus, Gemma terrenis, spéculum caducis, Lucifer orbis,

Pax, amor, virtus, regimon, potestas, Ordo, lux, finis, via, dux, origo, Vita, lux, splendor, species, figura, Régula mundi,

Quao votîç pluros recolens ideas, Singulas rerum species monotans,

LE LATIN MYSTIQUE 175

Res togas formis chlamidemque forma© Pollice formas,

Cujus ad nutum juvenescit orbis, Silva crispatur folii capillo, Et tua florum tunica veste Terra superbit.

(0 lignée de Dieu et génitrice des choses, lien du monde, noeud très stable, gemme pour les humains, miroir de la caducité, porte-lumière du monde,

Paix, amour, vertu, gouvernail, pouvoir, ordre, lumière, fin, voie, têle, origine, vie, lumière, splendeur, beauté, figure, règle du monde,

Toi, de l'Esprit lu cultives les idées (formes) nombreuses, lu monnayes la spéciosité des choses, lu revêts d'habits les choses et ta chlomydo a la forme que lui donne ta volonté.

Au signe de la tète se rajeunit le monde, la forêt se couvre des frisures do ta chevelure do feuilles et loulo fleurie, la luniquo est le vêlement dont s'enorgueillit la terre)

A cet épithalame, qui n'est pas d'une médiocre poésie, Alain ajoute des interrogatoires :

Alani prima Quaestio :

Tu viae causam resera petonti : Cur petis terras, peregrina coelis ? Cur tua© nostris deitatis offers Munera terris ?

Alani Quaestio secunda :

Ora cur iletus pluria rigantur ? Quid tul vultus lacrymao prophetant ? Fletus interni satis est doloris Lingua fidelis ?

(Première question d'Alain : Dévoile-moi la cause do ton voyage, réponds : Pourquoi viens-tu sur la terre, pérégrinc des cieux ? Pourquoi nous répartis-tu, à nous, les humains, les munificences do ta divinité ?

176 LE LATIN MYSTIQUE

Deuxième question d'Alain : Pourquoi tant do visages sontils inondés par les pleurs ? Que prophétisent les larmes que je vois sur ta face ? les pleurs sont-ils le très fidèle signe de la douleur intime ? )

La Nature répond par d'assez obscures raisons : que répondre? En passant, elle métaphorise avec originalité, qualifie par exemple de sophisme, d'hyperbole et de paralogisme le coït du laureau et de Pasiphaé : « Pasiphoe etiam hipcrbolicac Veneris furiis agilata, sub facio sophistice cum brulo bestiales nuptias celebrans, paralogismo sibi turpiori concludens, slupendo bovis conclusit sophismate— Pasiphaé par une hyperbolique Vénus agiléo de fureurs, célébrant sous une apparence sophistique de bestiales noces avec une brute, concluant par un honteux paralogisme, commit avec le taureau un stupéfiant sophisme.)

Finalement, elle foit un peu de morale, indique des remèdes contre les vices, vanle la sobriété : « Ancilla fiet sic Caro Spiritus. — Que la Chair soit la servante do l'Esprit. »

A ce moment, entrent en scène l'Hyménée, la Chasteté et divers personnages de môme consistance et, nnrès d'abstruses discussions scolastiques, un certain Génie so dresse et profère de nominatives excommunications contre les vices, closes par celle-ci, qui vise la sodomie: «Qui autem a régula Veneris exceplioncm facit anormalem, Veneris privelur sigillo. — Celui qui, contro la règle, se livrera à d'exceptionnelles amours, qu'il soit privé du sceau do Vénus l »

Assentiment général, et retour du bon poêle Alain do Lisle à la vie réelle, moins ingénieuse, moins originale, moins, de beaucoup, délectable, quo co rôvo d'un Péripatéticien du xiu° siècle.

XII

Marbode — De Merctvke. — Le Livre des gemmes. — Symbolisme des pierres précieuses : l'Agate, l'Alecloire, le Jaspe, le Saphir, l'Emeraudc, l'Onyx, la Chrysolilhe et la Topaze, le Béril, l'Hyacinthe, la Chrysoprase, la Chélidoinc, le Jayet, l'Aimant, le Corail, la Cornaline, l'Escarbouclc. — VHymne des douze pierres. — VUrbs beata Jérusalem. —Autre symbolisme des pierres, selon Conrad de Haimbourg.

XII. — MARBODE

Mort en 1125 à l'âge de quatre-vingt-huit ans, Marbodo clôt un siècle, inaugure le suivant, — façon de parler qu'entacheraient à la fois l'étourderic et le pédantisme si on prétendait donner à de telles expressions uno valeur autre que mnémotechnique De la famille, croit-on, des Marbeuf, Bretagne et Anjou, il enseigna diverses sciences à l'université d'Angers, diverses et pcut-ôlre toutes, puisqu'il savait tout, fut, en 1096, élu évoque do Rennes, après des années d'épiscopat alla demander la paix qui doit précéder la mort au monastère de Saint-Aubin d'Angers que régissait la règle de saint Benoît.

Marbode est le poète pour qui tout est symbole, analogie et concordance 11 sait que si l'émeraude est l'antidote des tempôles, elle apaisera de même les luxures qui sont les plus violentes tempêtes émues par les démons en les Ames humaines. 11 sait pourquoi la prostituée est avide et dissolvante; c'est un animal spécial dont il n'ignore ni la physique ni lu symbolique : De Meretrice.

Innumeros inter laqueos quos callidus hostis Omnes per mundi colles camposquo tetendit Maximus est, et quom vix quisquam fallere possit, Femina, triste caput, mala stirps, vitiosa propago, Plurima quao totum per mondum scandala gignit... Femina, dulce malum, pariter favus atquo venenum, Melle linens gladium cor confodit et sapiontium. Quis suasit primo vetitum gustare parentl ? Femina. Quis patrem natas vitlaro coegit ? Femina. Quis fortom spoliatum crin© peromit ? Femina. Quis justi sacrum caput eus© recidit? Femina, quao matris cumulavit crimino crimen, Incestum gravom graviorl caedo notavit...

... Chimeram Cui non immorito fortur data forma triformis, Nam pars prima lco, pars ultima cauda draconis,

180 LE LATIN MYSTIQUE

Kt medlao partes nil sunt nlsl fervidus ignls. Hucc nd naturam merctricis ludit imago, Ut praedam rapiat quao praefert ora leonis, Egredio simulans quiddam quasi nubile vultu : Hac spccio captos tlammis oxurit amods.

(La Prostituée. — Des innombrables filets quo l'ennemi très malin, par les monts et par les vais, nous tend, lo plus dangereux, celui auquel presquo personne no peut échapper, c'est la femmo, — Irislo lige, mauvoiso racine, vicieux jet, qui dans lo monde tant do scandales engendre.. Femme, ô très doux mal, h la fois miel et poison, toi qui oins de heaume le glaive dont lu perces le coeur mémo des sages l Qui persuada à l'homme do goûter au premier fruit défendu? — La femme Qui força le père à déflorer ses filles? — La femme. Qui dompta le fort par la spoliation de sa chevelure? — La femme. Qui trancha par l'épée lo chef sacré du juste? — La femmo, celle qui ou crime de la mère ajouta son propre crime, illustra l'inceste par le rr jurtre... Chimère, on lo donna très justement une forme Informe, antérieurement d'un lion, postérieurement d'un dragon,et au milieu rien qu'un très ardent feu: image qui donne la claire illusion de la nature de la prostituée, car, pour emporter sa proie, elle avance une gueule de lion, tandis que par derrière, elle singe comme une apparence do nubilité : ayant par cette spéciosité capté des victimes, elle les dévore en les flammes de son amour.)

Femina dulce malum, pariter favus atque venenum.

Cet agréable vers rappelle telles expressions d'une diatribe anonyme : « Mulier est confusio hominis, bestia insanabilis... felens rosa, tristis paradisus, dulce venenum... poena delectabilis, dulcor amarus... — La femme, confusion de l'homme, bêle inguérissable, rose fétide, paradis lamentable, poison très doux, délectable supplice, amère douceur... »

Tout entier de symboles et des plus étranges créances, le

LE LATIN MYSTIQUE 181

Livre des Gemmes fut dès son aurore célèbre traduit en vers français par un contemporain. Un commentaire mènerait loin s'il fallait méthodiquement, dos hymnes orphiques, do Solin et d'isidoro do Sévillo et de Plino même et do Théopbrnsto citer les imaginations concordantes ou contradictoires; on se borne à contresigner les citations de Marbodo do l'autorité de sainte llildegardo, ou çà et là de telle autre, et d'y joindre la correspondante interprétation en vieux français.

DE ACHATE (Agate). — Hildegarde dit : L'agate naît du sol humide; quoique chaudo et enflammée, l'air et l'eau ont plus que lo feu part à sa nature

Salon Marbodo : « Commo on le rapporto, fut pour la première fois trouvéo la pierro d'agalo, sur les bords d'un fleuve nommé de nom pareil... Elle conforto qui la porte, entrelient sa vigueur, lui donne la faconde, la grAco et de bonnes couleurs. »

Ut perhibent primum lapis est inventus Achates In ripis fluvii qui nomino dictus eodem... Portan' :n mun*t viresquo ministrat Achates Facumu imquo J.icit gratumquo bonique coloris...

Acate est cette apelee Par un eve u cl est truvée... Mais la force do li est grand. Unie défent e fait poissant, Culur li fait aveir vermeil.

Transparente ou demi-transparente, noire, brune ou grise, rayée, tachetée, pointillée, mouchetée, souvent Iri ou qualricolore, l'agale a reçu mille noms différents et on ne sait de quelle variété il est ici question.

DE ALLECTORIO (Alectoire). — Pierre imprécise; selon Dom Pernely « espèce de pierre brillante et presque transparente comme du cristal », — ce qui paraphrase simplement Pline : cristallina specie.

Marbode : « Dans le ventricule d'un coq, éveuvé de ses tes-

182 LE LATIN MYSTIQUE

ticules, qu'il ait vécu Irois ans au moins en eunouque, prend naissanco celto pierro dont ce n'est là quo la première gloire. El pondant doux fois deux ans, ello se met à croître, sans quo pourtant sa grosseur puisso excéder celle d'uno fève. Celto pierro rend invincible quiconque la porte, ello rend l'orateur disert en paroles, elle rend constant el en tout agréoblo à tous. Elle donne la verdeur, excite aux choses de Vénus. Elle est commode pour la femmo qui veut plaire à son mari. Pour qu'elle ait ces bons effets, on la porto close en la bouche »

Ventriculo galli, qui tostibus est viduatus, Cum tribus, ut minimum, foetus spado, vixorit annis, Noscitur illo lapis, cujus non ultima laus est, Et per bis binos capit incromentn sequentos Mensuramquo fabae crescens excedeio nescit... Invictum reddit lapis hic quemeumquo gerentem, Ilio oratorem verbis facit esso disertum, Constantem reddens cunctisquo per omnia gratum. Iîiccirca Veneris facit incentiva vigentes. Commodus uxori quao vult foro grata marito. Ut bona praestet clausus portatur in ore.

Alectoiro tenent a bon Ki creist el ventro del chiapun Treis anz coes pois est chiastrez, Tan vit ke set ans a passez. En son ventre trovent la pierro Ke mut est précieuse e chiere. D'une fève a lu grandeur... Ki la garde o la tient en mémoire Vertu li dune e gran victoire, Amer le fait e bien parlant. Femmo livre de son enfant Et fait de sun senior amer. Et en bûche se voit porter.

DE JASPIDE [Jaspe). — Plus sûrement que l'alecloire (le traducteur ne semble pas avoir compris les incentiva Veneris),

LE I vTIN MYSTIQUE 18!!

le jaspo « apposé sur lo ventro soulage la femmo en gésino. »

Appositus juvat muliorom parturionteni. A fenio ko travallo aie

Mais de quel jaspo s'agit-il el comment s'y reconnaîtront les sages-femmes : la candide galactile, la corsoïdo tonte chenue, la très rouge sanguine, la glauque héliotrope ponctuée de pourpre, la jaunâtre térébenthine, la pscudo-malachile aux phosporescences vertes do chair putréfiée, lapseudoprase, rubanée, commo un mois u Marie, de blanc ou de bleu, la pierro d'azur, granulée de blanc cl piquetée d'or, la pierre d'Arménie d'un vert bleu clair, semé de presquo invisibles goutles de lait, le pseudo-saphir pareil à un ciel de nuit d'hiver étoile d'or, la panthère mouchetée d'oerc, la grommolite qui porte de gueules au pal d'argent, la polygramme dont la peau rouge s'écorcho de lettres pales — autant de jaspes.

DE SAPNURATO (Saphir). — Hildegui.'dc : Le saphir est chaud. « 11 croît versle temps de midi, alors que le soleil en son ardeur arde si fort que de celte ardeur l'air se trouve un peu obstrué. — Secundum tempus meridianum crescit, cum sol in ardore suo lam forliter ardet quod aer aliquanlum de ardore ejus obstrualur. »

11 a, selon Marbodo, de bien agréables spécialités, guérissant les sueurs profuses, les ulcères, les maux d'yeux ; mais pour qu'il départisse ses bénéficences « il faut que celui qui lo porte, très chastement se comporte »

Sed quis gestat eum castissimus esse jubetur. Porter se volt mut chiastement.

Bleu de ciel (c'est le mâle), bleu de médilerranée (c'est la femelle), lo saphir esi quelquefois d'un très pâle vert d'eau, ou blanc, ou diamantin, ou laiteux; il s'agit ici du saphir bleu, couleur du firmament, dont il est une condensation.

181 LE LATIN MYSTIQUE

DR SMAUAODO [Emeraude). — llildegardo : « L'émoraude croit au malin du jour el au lever du soleil, alors quo la viridité do la lerro et dos gazons sont à l'extrême, alors quo les herbes sucent aussi fort la viridité do la lerro qu'un agneau le lait do sa mère — Smaragdus in mono dio crescit el in ortu solis... et lum viriditas torrao et gramina maxima vigent... el tune horbao viriditalem fortiter lam sugunt ut agnus qui lac sugit, » — co qui expliquo à merveillo pourquoi l'émeroudo est vcrle

Marbodo : « On croit qu'elle peut éloigner les lempêtes. On dit qu'ello peut comprimer les mouvements do lascivité. »

Et tompestates avorter© poss© putatur. Fertur lascivos otiam compescero motus.

Si toilt tempesto o luxure

AUégoriquemcnt les alchimistes appelaient emeraude la rosée de mai, mais cette rosée de mai n'était-elle même que le symbole de la rosée mercuriellc, du métal en fusion au moment où dans la cornue il se sublime en vapeurs ; c'est le produit de la putréfaction, quatrième degré des opérations alchimiques. Peut-être que cette note obscurcira un peu, pour celle fois, les imaginations do l'adorable nonne de Rupertsberg.

DE ONYCE (Onyx). « Onychinus calidus est et circa terliam horam diei in spissa nube crescit cum sol valde ardet. — L'onyx, dit sainte Hildegarde, est chaud et croît vers la troisième heure du jour dans une épaisse nuée quand le soleil fortement chauffe »

Marbode : « Suspendu au cou ou passé au doigt, l'onyx évoque pendant le sommeil les lémures et toules les tristesses. »

At collo suspensus onyx digitove ligatus In sommo lémures et tristia cuncta figurât.

Onice fait grès sunges aveir Tenciuns e fantosmes veir.

LK LATIN MYSTIQUE |8u

Cos mauvais songes, la sarde {sardius, dit Marbodo ; sardine, selon le vieux poèlo français) les éloigno et les vainc. C'est une pierro rougeatro ou orangée, parfois très polo, « qui naît dans les après-midi d'automne, après les grandes pluies, lorsquo tombenl et périssent les feuilles des lauriors, —- folio laubrorum ». L'onyx simulo assez bien un oeil vaguo sous uno paupière morne, oeil blanc, oeil rouge ; quelquefois côte à côte Irois yeux diaboliques dardent leurs prunelles folles : d'où la peur et les rêves tristes.

DE CIIRYSOLITIIO [Chrysolithe, en réalité : Topaze). — Ardento liquéfaction d'or, flavcscent polyèdre, la topaze « épouvante les démons, lorsque percée d'un trou, enfilée d'une soie d'Ane, on la porte suspendue au bras gauche »

Pertusus setus si transpiciatur aselli Daemones oxterret et eos agitare putatur. Trajectumlaevodecethunc portaro lacerto.

Ki la perco o dune i met Sei d'asne cl pertuisée Al senestr© bras la pendra, Le diablez ne l'attendra.

DE BERYLLO (Béril). — C'est la glauque aigue-marine, la

pierre céladonne « faite do la quintessence des eaux ». Marbode

la recommande « pour faire passer les rots et les soupirs. »

Portataque ructatus simul et suspiria tollit. E le li toldra suspir e rut.

DE TOPAZIO (Topaze, en réalité: Chrysolithe).— Cette pierre, la chrysolythe, qui simule les lopozes avec quelque peu de vert, en reflet, dans le jaune pâle de sa chair, entre en composition dans de puissants magistères ; de plus, « elle apaise les eaux bouillantes. »

Ferventes etiam compescer© dicitur undas. Desboillir fait levé boillant.

LAT. MYST. 12

180 LE LATIN MYSTIQUE

DE HYACYNTUO (Hyacinthe). — Uougoatro avec, selon l'occasion, dos tendances au violet, à l'ombre, au miel, ou lait (c'esl l'hyacinthe fomello), au safran (c'osl lo mole) : Marbodo contredit un peu à ces nuances : « Il y en a do gratuites (couleur do gronal), do cilrinos (citron), de lurquines (bleu mat do la turquoiso, bleu do Vcniso). Toulcs sont do vertu confortative, chassent lo tristesse et los vaines suscipions. »

... Sunt granati, sunt citrini venotiquo, Confortativao cuncti virtutlshabentur, Tristitiamquo fugant et vanas suspicioncs.

Jaguncos sunt de trois manoros Et sunt mut preclusos pieres. Liiiu est granate, lallro cirine, Laltre ovage si unt modicino. Tûtes confortent par vigur, Vains pensera toilent et tristur.

A Rome, jadis, l'hyacintho était la baso d'un électuaire fameux conlre les fièvres; on pulvérisait ensemble, puis on incorporait à du sirop de limon sucré de « sucre fin », des gemmes et divers ingrédients; en voici la formule traduite du pharmaceutique, latin de Cléandre Arnobe, « academico ardente ctereo » :

Hyacinthe oriental© (selon .

d'autres, dragm. ii) j

Emeraude orientale /

Saphir or. \ aa. scrupul. ii.

Topaze or. y

Grenat or. j

Perles (non perforées) /

Corail rouge )

Item blanc > aa. scrup. ii, 5.

Corne de licorne )

Raclure d'ivoiro.... dr. 5.

Bois d'aloès.... dr. ii, G. Os de coeur de cerf... n° 9.

LE LATIN MYSTIQUE 187

Corne do corf préparéo ù \

l'eau rosato j

Somonco d'osoillo {

— do chardon bénit > aa. dr. i.

— do ruo caprino I

— do corlandro I Sandalum rougo et blanc / Racino do dictamo \ Tormontillo J Angéliquo I

rorvcncho \ aa. dr. i. scr. ii.

Bistorto /

Terro bolairo I

Terro sigillôo l

Roses rougos

Sem. d© citron . scr. iiii

Crocus gr. xv.

Fouilles d'or n° xxx.

Bois do Cobar... dr. ii.

Ambro scr. i.

Musc gr. viii.

DE CIIRYSOPRASO (Chrysoprase). — C'est uno prase plus verte et plus jaune, où se confondent la viriditô des émcraudes cl lo doré dos topazes solaires. Marbode, d'après Pline : « Ello a la couleur du suc de poireau ; goultelée d'or, elle reluit autant que de la pourpre. Quant à ses propriétés, je n'ai pu les savoir. »

Hic porri succum refercns mistusque colore Aursolis guttis quasi purpura tincta renidet. Quas habeat vires potui cognoscere nonduni.

De jus de purret en a culur. Gutte est d'or e teinte purpurie. Altres vertus na ici mie.

DE AMETUYSTO (Améthyste). — La notation de Marbode est parfaite : « Pourpre ou violette est l'amé'.hysle, on dirait une goutte de vin pur, on dirait une rose monde. D'autres, un peu

188 LE LATIN MYSTIQUE

fanées s'évanouissent vers lo blanc; c'osl commo cos mélanges où l'eau corrompt la rougeur du vin. »

Purpurous color ao violacous est nmothysto, Vel quasi gutta meri solet aut rosa muuda vider!. Quidam marcldior volut ovanesoit in album Ut corruptus aqua vini rubor inosso putctur.

Ametlsto a culur purpurin O telo cumo guto do vin. Daltro tel cum© violette, Ou cumo roso mundeo nette Luno turno al kos a blanchur, Laltro a di vinmeslorouur.

DE CHELIDONIO (Chélidoine). — Pierre d'hirondelle, parce qu'on la trouve dans lo ventricule de ces oiseaux, quand la lune est ou croissant, la chélidoine est en réalité un très petit grain d'agate, blanc, gris, bleuâtre, roux, noir, etc. « La chélidoine rousse guérit la folie lunatique : »

Cedit gestato lunatica passio rufo.

La ruige toilt la passium

Ke prent a urne per luneisum.

DE GAGATE (Jayet ou Jais). — « Par suffumigation, le jayet rend aux femmes leurs régler1... On croit qu'il est contraire aux démons... Il vainc les prestiges et résout les enchantements; c'est, dit-on, la pierre de touche de la virginité. »

Par suffumigium mulieri menstrua reddit... Idem daemonibus contrarius esse putatus... Vincit praestigia et carmina dira resolvit Et solet (ut perhibent) deprehendere virginitatem.

Dessuz se se nestuv© feme Ses natures li rend la geme. Quant est ars mut est mirables Chaice serpent, destruit diables, Charmes malvais, sorz e poisuns. De feme set virginité.

LE LATIN MYSTIQUE |80

DE MACNETE (/limant). — Plein do sympathio pour l'acier, l'aimant est l'ennemi des femmes adultères : « Celui qui veut, dit Marbode, savoir si safommo est adultère, n'a qu'à lui attacher pendant qu'elle dort cetlo pierre à la tète Si lo femmo est chaste, elle viendra s'offrir aux baisers do son mari, sans so réveiller. »

... Qui sciro cupit sua nuni sit adultéra conjux Suppositiim capitl lapidem stertentis adaptet. Mox quao casta manet petit amploxura maritum Non tamen evigilans....

Si vorito voilt un savoir Si sa femo aime altro pur veir La piero sur sun chief métro En dormant ko el no saura. Si chast est en sun dormant Do H user li fera semblant.

Dans l'épigrammc de Claudien, de Magnete, l'aimant de môme représente le principe femelle,

Ferrea Martis Forma nitet, Venerem magnetica gemma figurât.

Et, do même encore, c'est, par un renversement des règles, la femelle qui se jette sur le malc :

Hic mirum consurgit opus, Citheraea maritum Sponte rapit.

Ce bref chapitre du grand poète est une merveille de poésie et d'ingéniosité.

DE CORALLO (Corail). — « La pierre de corail est pendant sa vie dans la mer une sorte d'osier... Contractée par l'air, elle devient dure et se lopidifie Du vert sa couleur passe au ponceau. »

Corallus lapis est dum vivit in aequore vimen... Aère contractus fit durior et lapidescit, Cuique color viridis fuerat modo puniceus fit.

190 LE LATIN MYSTIQUE

Corals cum arbro nalst en mer, Vorz nalst o mul fait a omor. Quant lairo la tucho si dovlont duro Ruizo devient do sa nature.

DE CORNEOLO (Cornaline). — C'est uno chair rose ; « c'est, dit Marbode, uno pierro couleur do chair lavée.. Ello mitigo les conlestotions et les colères. »

In dlsceptando surgontos mitlgat iras Quiquo lavaturao carnis paresse vidotur...

Ello toilt ireso rancuins. Umofait parler par rusuins. Icelo est do meillur naturo Ko do chiar semble lavuro.

DE CARBU.NCULO (Escarboucle) > — C'est l'oeil qu'au milieu du front* unique et rougeoyant, porto le dragon ou, selon d'autres, la vivre, celte t- cudosirèno qui no doit pas so confondre avec la guivre, variété du griffon : un joyau doué d'une certaine rareté. Do ce non h - anciens appelaient pèlemôle toules les pierres d'un éclatant rouge ou rose, nommément le grenat et le rubis : « L'escarboucle surpasse toutes les pierres les plus ordcnlcs, jette des rayons lois qu'un charbon allumé dont les lénèbres no peuvent venir à bout d'éteindre la lumière. »

Ardentes gemmas superatcarbunculus omnes, Nam velut ignitusradios jacit undique carbo. Hujus nec tenebrae possuntextinguerelucem.

Scherbuncles gette de sei rais. Plus ardent piere ni a mais. De sa clarté la noit resplent Mais le jour nen fera neient.

On trouvera longue cette nomenclature et on la trouvera brève : Marbode disserte encore de quelques gemmes, le dia-

LE LATIN .MYSTIQUE 10Ï

mont, la perlo, etc., mais quo (Vautres où il est muet. Il no connaît, et qui nous en dira les socrots? —ni la rose-rouge. Almandino; la bruno Aromatito,qui fleure la myrrhe; lo (lirasol, un pou do bleu et un peu do jaune dans du luit; la sanglante Hématite qui,broyée,se résout en poussière do sang desséché; ni lo Jargon, ou diamant jouno ; ni l'encoro jauno Marcassite; ni les grasses Ollaircs : la Serponlino toute marbrée, la g»hi' Colubrine, et la Tarqieuso piquéo do laïc et de mica; ni ia Paronite, cette améthyste bleue ; ni le Smaragdo-Prose, couleur d'herbe roussie; ni la Tourmaline qui simule uno opale dorée; ni les Bufonites, où d'azur, do bleu jaune, de glauque, so rangent les Turquoises.

Et il resterait encore à nommer la Pierre qui n'est pas une pierre, la Pierro par cxccllcnco fixe et inévaporablo, la Pierro fermentative, qui Ironsmuo les formes, les couleurs et les densités, la Pierro essentielle cl philosophale!

Un poète anglo-normand du xiv* siècle, le frère mineur Nicholos Bozon, inclina vers la galanterie, Bernis ou Grécourt déjà, lo symbolique des gemmes : ou catalogue de Marbode il en ajoute une, bien inattendue, la Femme :

Ja n'est trovéo en tero ou on mer Piere preciouso nul© si chère

Quo vaylo a femme, No charbuche q'est si clcr Ne diamand que dure entier

Ne autre gemme.

Marbode en ce Livre des Gemmes se révèle aussi superstitieux que mystique, aussi crédule quesymbolique, — mais il a écrit, en commentaire aux versets 19 et 20 du xxe chapitre de l'Apocalypse une prose qui est tout un traité d'herméneutique chrétienne lapidaire. Il s'agit, selon saint Jean, de la Jérusalem nouvelle, qui sous des firmaments nouveaux, sur une terre renouvelée, apparaîtra parée comme l'Epouse « Les fondements du mur de la cité sont ornés de toutes les pierres pré-

102 LE LATIN MYSTIQUE

ciousos ot il y a douzo fondements. Fondement premior, lo jaspo ; second, lo saphir ; troisièmo, la calcédoino; quatrième, l'émeraudo ; cînquièmo, sardoino ; sixièmo, sardo ; septième, chrysolithe; huitième, béril ; neuvième, lopazo ; dixièmo,chrysopraso; onzième, hyacinthe ; douzième, améthyste »

Jaspls coloro viridi Praefert virorum fidoi, Quao in perfoctis omnibus Nunquam marcessit penitus, Cujus fort! pracsidio Resistitur diabolo.

Sapphirus habet speciem Coelestl throno similem : Désignât cor simplicium Spo certa praestolantium Quorum vita et moribus Fort© fulget virtutibus.

Pallensqu© chalcedonius Ignis habet eflîgiem : Subrutilat in publico, Fulgorcm dat in nubilo : Virtutem fert fidelium Occulte formulantium.

Smaragdus virens nimium Dat lumen oleaginum : Est fides integerrima Ad omne bonum patula Quae nunquam scit deficere A pietatis opère.

Sardonyx constat tricolor : Homo fertur interior Quem désignât humilitas Per quem albescit castitas : Ad honestatis cumulum Rubet quoque raartyrium.

LE LATIN MYSTIQUE 103

Sardlus est puiiicous ^ Cujus color sangulnous, Dccus ostondat martyrum Rite agonisandum : Soxtus est In cotologo, Crucis haorot mystorio.

Auricolor chrysolitus s

Scintillât velut clibanus : Pi'Dtondit mores hominum Perfecta© sapientiao Qui septiformis gratioo Sacro splendesclt jubart.

Beryllus est lymphaticus Ut sol in aqua limpidus : Figurât vota mentium Ingenio sagacium : Quod magts libet mysticum Summa© quietls otium.

Topazius quo rarior Eo est pretiosior. Extat nitore griseo Adspectu et aethoreo : Contemplativa© solidum Vitao praestat officium.

Chrysoprasus purpureum Imitatur concilium. Est intertinctus aureis Miscello quodam guttulis : Haec est perfecta charitas Quam nulla sternit feritas.

Jacinthus est caeruleus Nitore medioximus, Cujus décora faciès Mutatur ut temperies : Vitam signât angelicam Discrétion© praeditam.

194 LE LATIN MYSTIQUE

Amethystuspraecipuus Décor© violaceus, Flammas emittit aureas Notulasque purpureas : Praetendit cor humilium Christo commorientium.

N'en est-il pas de Marbode ainsi que du subtil empereur d'Auricr :

Qu;ind je parle, on dirait qu'il tombe de ma bouche Des anges, des saphirs,des fleurs et des rubis...

(Le jaspe est de verte couleur : il signifie la foi humaine qui en tous ses accomplissements jamais entièrement ne se fane, et par son solide bouclier permet de résister au diable

Lo saphir a une beauté pareille au céleste irônc : il désigne le coeur des simples, de ceux que meut un espoir certain, de ceux dont la vie brille par les moeurs et par les vertus.

La pâlissante calcédoine apparaît à l'effigie du feu : elle subrulile à la lumière et fulgure en l'obscurité : telle est la vertu des fidèles occuHcmcnt formulée .

L'émeraude, trop verte, donne des lueurs oléagineuses: c'est la foi 1res intègre, ouverte à tout ce qui est bien, qui jamais ne s'écarte de l'oeuvre de piété.

Le sardonyx est tricolore, — symbole de l'homme intérieur que l'humilité caractérise, par qui s'affirment les chastes candeurs : il signifie encore par son rouge la suprême excellence du martyre.

La sarde est couleur de pourpre : sa couleur sanglante exprime l'honneur des martyrs en leur noble agonie : sixième du catalogue, elle symbolise le mystère de la croix.

Couleur d'or, la chrysolithe scintille lel qu'un four embrasé : elle est le signe des hommes où la parfaite Sagesse fait resplendir le nimbe sacré do sa grâce septiforme

Le Béril est lymphatique, tel qu'un soleil clair aperçu dans

LE LATIN MYSTIQUE 193

l'eau : il figure les désirs des esprits ingénieux etsagaecs, et de plus le mystique repos de la paix suprême

La lopaze est rare, pour cela précieuse Elle est d'une luminosité grise avec des apparences éthérées, — symbole de l'immuable solidité d'une vie contemplative

La chrysoprase ressemble à un concile de cardinaux. Elle est est toute ponctuée de gouttelettes d'or: c'est la parfaite charité que nulle méchanceté ne décourage.

L'hyacinthe est d'un bleu mitoyen, et son décor change avec la température : signe d'une Ame angélique très adonnée à la discrétion mystique

L'améthyste est surtout violette ; elle émet des flammes d'or et de pourprcsccnles étincelles : symbole des humbles coeurs qui avec le Christ se crucifient.)

(Quelques notes paraissent nécessaires : 1° de la mystérieuse calcédoine, Marbode donne une description qui fait songer à l'opale ; 2° les trois couleurs du sardonyx ou sardoinc sont lo noir, le blanc et le rouge ; 3° la sarde est quelquefois confondue avec la cornaline; la chrysolithe dont parle ici Marbode, est la pierre que nous nommons maintenant lopaze, et réciproquement ; ce renversement o déjà élé signalé plus haut, dans l'analyse du Livre des Gemmes.)

Marbode n'est pas le premier poète chrétien qui ait, d'après l'Apocalypse, érigé une Jérusalem céleste toute de pierres précieuses. Dans le Rythme sur les joies du Paradis, que l'on attribue à saint Augustin, le texte de saint Jean est ainsi allégué :

Ubi vivis margaritis surgunt acdiûcia, Auro celsa micant tecta, radiant triclinia.

Solis gemmis pretiosis haec structura nectitur, Auro mundo tanquam vitro urbis via sternitur...

(Là tout en perles vives surgissent des édifices, l'or sur les toits étincelle, l'or rayonne dans les salles. Rien que de pierres précieuses s'ordonne la structure de cetlo ville unique, les

196 LE LATIN MYSTIQUE

rues sont pavées d'or monde plus transparent que le verre...)

Cette cité céleste, une hymne liturgique des environs du Xe siècle, la chante en un grandiloquent mysticisme; en voici quelques strophes selon le texte exact; les correcteurs du bréviaire l'ont mutilé avec une inintelligence qui va jusqu'à substituer partout au mot lapis, pierre précieuse, le mot petra, caillou, ce qui enlève à ces vers tout caractère mystique et môme toute signification :

Urbs beata Jérusalem Dicta pacis visio, Quae construitur in coelis Vivis ex lapidibus, Et angelis coronata Ut sponsata comité :

Nova veniens e coelo Nuptiali thalamo Praeparata, ut sponsata Copulotur Domino : Plateae et mûri ejus Ex auro purissimo.

Portao nitent margaritis, Adytispatentibus...

Tunsionibus, pressuris, Expoliti lapides Suis coaptantur locis Per m anus artificis; Disponuntur permansuri Sacris aedificiis.

Angularo fundamentum Lapis Christus...

(Cité béatifiée, Jérusalem, toi dont le nom dit vision de paix, toi qui aux cieux es bâtie avec de vivantes pierres et d'anges, couronnée commo une épousée par son époux : —

LE LATIN MYSTIQUE 197

Vierge, elle descend du ciel, toute pour le lit nuptial parée, l'épousée qui va s'unir à son Seigneur : ses rues et ses murs sont en un or très pur. — Les portes ouvertes du sanctuaire s'adornent de perles... —Par les coups, par les épreuves chaque pierre bien polie est à sa place insérée par les mains de l'Artisan : elles sont disposées pour éternellement permoner en les sacrés édifices. — La pierre angulaire est la pierre Christ...)

Le De variis mansionibus urbis coeleslis Hierusalem, manuscrit du xtve siècle conservé à Corlsruhc donne quelques détails sur les habitants de la cité unique, spécialement sur les couleurs de leurs vêtements définitifs : ainsi les martyrs en souvenir de leur sang versé éclatent tels que les rouges rubriques des vieux évangéliaires, fulgent rubricati; les vierges s'adornent de blanches perles ; les confesseurs, de l'étoile blanche et rouge ; les docteurs, du lortil d'or, auream tor< quem.

Vers le môme temps, Conrad de Haimbourg esquissa, en son AnnulusB. M. V., une symbolique des pierres précieuses un peu différente de celle que Marbode expose.

L'anneau de fiançailles de Marie est incrusté de jaspe, signe de foi :

Quam jaspidis Color mon itrat viridis Plenam fide pia.

De saphir, signe d'espérance, de calcédonic, signe de charité, d'émeraude, signe de pureté.Le sardonyx, selon Conrad, symbolise limpidement la gestation virginale. Cela n'est pourtant pas très clair ; voici le texte :

Sardonyx inturbidus Ruber, niger, candidus T© désignât limpide Convorsatam placide Gestu virginal!.

198 LE LATIN MYSTIQUE

La sanglante sarde, rubenssardius, remémore le moment où le glaive des douleurs transfixa lo Vierge au pied de la Croix. La chrysolithe, aux flamboyantes étincelles, c'est la gloire des miracles et le don de Sagesse :

Exprimit chrysolithus Prao fulgore inclytus Flammeis scintillulis Claram te miraculis Ac dono Sophiae.

Eclatant ou pâle,

Beryllus pallidus Seu nitens fulgidus,

Le béril signifie l'humilité intérieure et l'amour du prochain; et la topaze,

Cunctis gemmis gratior,

c'est la contemplation. L'amour divin s'exprime par la chrysoprase, tachetée d'or et do pourpre,

Ecce mine qui rubeas Guttas jacit aureas Chrysoprasus...

L'hyacinthe est la charité active ; la perle, l'angélique perfection; l'agate, l'humilité; lo diamant, la force en la souffrance; l'améthyste, celle qui est rose et rouge, roseus color et purpureus (encore une pierre bien difficile à identifier, peutêtre s'agit-il de l'almandino ?), l'amour de prédilection ; l'onyx, enfin, résume l'union de toutes les vertus.

La symbolique des pierres est commo celle des animaux, comme celle des plantes, un peu chaotique.

Les gemmes nombrées dans l'Écriture ont, d'après Vexé-

LE LATIN MYSTIQUE 199

gèse mystique, des significations diverses mois précises. Voici leurs correspondances avec les milices célestes :

La Sarde signifie les Séraphins ;

La Topaze — les Chérubins;

L'Emeraudo — les Anges ;

Lo Rubis — les Archanges;

Le Saphir — les Vertus ;

Le Jaspo — les Trônes ;

L'Hyacinthe j signifient les sièges

L'Agat© ? vides où reviendront

L'Améthyste ) s'asseoir les égarés ;

La Chrysolithe signifio les Dominations ;

L'Onyx — les Puissances ;

Le Béril — les Principautés.

Avec les Apôtres, les correspondances sont :

Barthélémy la Sarde ;

Jacques la Topaze;

Jean l'Emeraude ;

Simon l'Hyacinthe ;

André le Saphir ;

Pierre le Jaspe;

Thadée la Chrysoprase;

Philippe la Sardoine ;

Mathias l'Améthyste ;

Thomas la Chrysolithe ;

Jacq. lo Mineur la Calcédoine ;

Matthieu lo Béril.

Outre ces pierres on trouve encore, alléguée dans l'Exode et dans Ezéchiel, l'escorbouclc, qui pourrait bien symboliser, suggère Cléandre Arnobe, la « Face de Dieu. »

XIII

Saint Bernard, abbé de Clairvaux. — Le Verbe, l'Acte, l'Amour. — Le Carmen ad Rainaldum. — Le Rythme sur le mépris du monde — Saint Bernard, Jacopone de Todi et François Villon. — La Mort Saint-Innocent. — Martial d'Auvergne et la Dance des Femmes. — L'IIortus deliciarum. — Saint Bernard poète liturgique — Le Laetabundus. — Les Hymnes à la Vierge. — Jesu, dulcis memoria. — L'amour divin, Ulrich de Wessobrunn, S. François d'Assise — La Rhythmica oratio et ses imitations. — Les obédiences monacales d'après saint Ber« nard et Thomas a Kcmpis.

LAT. MY8T. 13

XIII. — SAINT BERNARD

Grand par la parole, orateur, poète et créateur verbal en latin et en fronçais, trouveur de formes, de rythmes et de nombres; — homme d'action, fondateur de plus do cent soixante monastères, sous la règle de saint Benoît par lui réformée, vrai pape d'Occident sous dix papautés nominales, théologien et directeur d'âmes ; — saint : c'est-à-dire, embrassant on ces trois modes, tout : le verbe, l'acte, l'amour; créature si complexe et si vaste qu'elle effraye et attendrit comme un signe visible des complaisances de Celui qui est l'Art absolu : tel nous apparaît saint Bernard, abbé de Clairvaux.

A le considérer seulement comme poète, il se dresse dans sa robe de moine, parmi les plus grands. Ne le voit-on pas, do même qu'en la transparence d'un vitrail, lo tète un peu penchée sous le Souffle, une moin sur la Règle, sons laquelle toute vie choit au bon plaisir des sens, une main d'acier trempée ainsi qu'un braquemart, mais gantée d'amour ; et de l'autre main les doigts s'allongent sur la mince plume de corbeau qui grave de si fins alphabets. Il écrit ses sermons, analyse les tourments auxquels se voue patiemment et librement le luxurieux pour l'accomplissement total de sa volupté : « Vigilat tola nocle luxuriosus non solum patienter sed et libenler, ut suam cxplcat voluplatem. » (Sermon p. a la /K° Féerie de la Semaine sainte). Comme Odon de Cluny, avec lo même audace stylistique, mais avec bien plus de personnalité dans le mépris, il vilipende la chair; c'est le sujet de son Carmen paraeneticum ad Rainaldtim :

Quisquis amat Christum, mundum non diligit istum :

Sed quas! fetores spernit illius amores,

Aestimat obscoenum quod mundus crédit amoenum

201 LE LATIN MYSTIQUE

Et sibi vilescit totum quod in orbe nitescit... Nec modo laetaris, quia forsan cras morieris : Cur caro laetatur, quao vermis esca paratur ?

(Qui aime le Christ ne peut aimer le monde : et il méprise telles que des fétidités ses amours ; il tient pour obscène ce que le monde croit amène, et vil ce qui resplendit humainement... Ne t'éjouis pas maintenant, car peut-être demain seras-tu mort : Pourquoi la choir s'éjouit-clle, celte pâture préparée pour les vers ?)

Le Rythme sur le mépris du monde développe logiquement la môme idée :

O miranda vanitas ! O divitiarum

Amor lamentabilis 1 O virus amarum !

Cur tôt viros inficis, faciendo charum

Quod pertransit çitius quam flamma stuparum ?

Homo miser, cogita : mors omnes compescit, Quis est ab initio, qui morti non cessit? Quando moiïturus est, omnis homo nescit : Hic qui vivit hodie, cras forte putrescit.

Qui de morte cogitât, miror quod laetatur : Cum sic genus hominum morti deputatur, Quo post mortem transeat homo, nesciatur : Unde quidem sapiens, ita de se fatur :

Die ubi Salomon, olim tam nobilis Vel ubi Samson est, dux invincibilis ? Vel pulchrior Absalon, vultu mirabilis ? Vel dulcis Jonathas, multum amabilis ?

Quo Caesar abiit, celsus imperio ? Vel Dives splendidus, totus in prandio ? Die, ubi Tullius, clarus eloquio ? Vel Aristoteles, summus ingenio ?

O esca vormium ! o massa pulveris I O roris vanitas, cur sic extolleris I Ignorans penitus utrum cras vixeris, Fac bonum omnibus, quamdiu poteris.

LE LATIN MYSTIQUE 20o

(0 surprenante vanité! 0 des richesses le lamentable amour! 0 virus très amer! Pourquoi tant de coeurs infesles-lu, en leur rendant cher ce qui passe plus vite qu'une flambée d'étoupcs ?

Songe, ô pauvre homme : la mort fauche tout le monde ; qui donc, ayant eu naissance, à lo mort échappera? L'heure à laquelle il mourra, tout homme l'ignore : mais celui qui aujourd'hui vit, demain peut-être pourrira.

Celui qui pense à la mort, je m'étonne qu'il puisse s'éjouir: car si tout le genre humain est voué à la mort, quel sera le lendemain son sort éternel, chacun l'ignore : Voici ce que profère un certoin sage :

Dis, où est Solomon, le roi si mémorable ? Ou bien où est Samson, capitaine indomptable ! Ou le bel Absalon, au visage admirable ? Ou le doux Jonathos, lequel fut tant aimable ?

Où est allé César, maître du grand empire? Ou le riche splendide, toujours en mangerics? Dis, où est-il, Marc Tulle, illustre en éloquence? Dis, où est Aristote, au suprême génio ?

Nourriture des vers ! ô masse de poussière ! ô chair plus vaine que rosée, de quoi l'enorgueillir ? Tu ne sais même pas si lu vivras demain, homme, sois donc bon pour les frères, pendant que lu le peux.)

Même thème en le Pianto de la Chiesa reducta a mal stato, de Jacopone de Todi :

0 son li patri pieni di fede 0 son li propheti pien di speranza 0 son li apostoli pien di fervoro 0 son li martyri pien di fortezza 0 son li prelati justi e severi O son li doctori pien di prudenza Molti n© veggio saliti In scienza Ma la lor vita non ma convenza.

Le poète italien apparaît plus satirique que mélancolique, mais le mouvement est pareil, au moins matériellement.

206 LE LATIN MYSTIQUE

Du Rythme de saint Bernard et peut-être de ces vers de Jocopon, Villon, le grand poète en qui vient agoniser l'esprit du moyen âge, tira ses trois illustres ballades, des Dames, des Seigneurs du temps jadis, et l'autre « à ce propos en vieil fronçois » :

Mais où sont les sainetz apostoles, D'aulbes vestuz, d'amiz coeftez, Qui sont ceincts de sainctes estoles...

0

Voire, où sont de Constantinobles L'emperier aux poings dorés...

Ce « vieil françois » de Villon no diffère pas beaucoup de la langue do son temps ; ce n'était pas un poète comme en voit à celle heure, habiles à d'un peu hétéroclites marqueteries, à d'adroits, mais bien saugrenus pavages, où de nobles dalles aux lions passants de sinople alternent avec des grès arrachés aux alvéoles des rues de Montmartre. 11 n'usait quo du fronçais de vers 14G0, comme saint Bernard du latin de vers 1140, et tous deux également synthétisent la plus magnifique poésie de leurs siècles. Le bon « raillart » n'est pas très loin, en esprit, de l'abbé de Clairvaux. Tous deux le savent, que « mort saisit sans exception : pauvres cl riches »,

Sages et folz, prebstres et laiz, Noble et vilain, larges et chiches, Petit/, et grans, ot beaulx et laids, Dames à rebrassez colletz... Portant attours et bourreletz...

Et comme lo moino vierge, l'ahoiiti cliquepalin voulait bien trépasser, môme « à doulour »,

Puys que papes, roys, fils de roys, Et conceuz en ventres de royncs Sont enseveliz mortz et froidz.

LE LATIN MYSTIQUE 207

Saint Bernard ne dit pas autre chose :

O sors gravis ! o sors dura ! O lex dura, quam natura Promulgavit miseris ! Homo, nascens cum moerore Vitam ducis cum labore Et cum metu moriris.

(... Homme, tu nais en la douleur, la vie se passe en le labeur et quand tu meurs, en quelle terreur !)

A l'époque où nous vivons, de blague exaspérée, lo peur de la mort sévit bien plus qu'au moyen age : seulement, par lâcheté on n'en parle pas. Cette peur occulte, grAco aux bienfaisantes épidémies, ainsi que sous l'orage une vase d'égout, on la voit parfois teindre do vert les abjectes faces qui encombrent les rues.

Jusqu'à la Renaissance, jusqu'à cette monstrueuse jobarderie du classicisme, sorte de terreur intellectuelle qui courbe encore l'humanité sous le couperet métaphysique des grammairiens, jusqu'à la fin du xv 8 siècle, les poètes tant latins que de toutes vulgaires langues s'ingénièrent à diversifier le diadème de la très laide el inéluctable Reine : et non moins les enlumineurs et tailleurs de pierres. Caractéristique, la Mort Saint-Innocent au sexe liquéfié et la peau du ventre vide tombant sur des cuisses pareilles à de vieux os rongés par un chien ; caractéristiques, les Danses des Morts et celle-ci, notamment, de Martial d'Auvergne : la Dance des Femmes (où dans les vignettes la Mort n'est pas un pur squelette mais la hideuse putréfaction Saint-Innocent, reconnaissablc en la diversité, vraiment prodigieuse, des altitudes) ; c'est encore du saint Bernard :

O vous, mes seigneurs et mes dames, Qui contemplés cest© pointure, Plaise vous prier pour les aines D© ceulx qui sont on sepulturo.

208 LE LATIN MYSTIQUE

Do mort noschappo créature Allez, venez, après mourez. Cesto vie cy bien potit dure Faictos bien ot lo trouvoroz.

Mais lo latin est allé bien plus loin qu'aucune longuo dons lo peinturo des putréfactions dernières. Il faut liro co passago extrait do YHortus Deliciarum, Le Jardin des Délices, do Herrodo, ou xu« sièclo obbesse do llohenbourg : « Sicquc homo vernies, bestias, serpontos heraditabit. Coronamquo ejus partim in vcrmes verlilur, portim ab ipsis consumitur, portim in pulrctudinem ; deindo in pulverem redigilur. Mcdulla ejus in serpentes, cerebrum dicitur verti in bufoncs ; et quia homo scrpenti ad pcccandum consensit, morilur; ot post mortcm in serpentes verlilur. — Ainsi l'homme a pour héritiers les vers, les vilaines bêtes, les crapauds, les serpents. Sa chair, en effet pour uno partie se change en vers, pour uno aulro partie est absorbée par les vers eux-mêmes, pour le reste, s'en va en putréfaction ; enfin ello est réduite en poussière Sa moelle, diton, se change en serpents, sa cervelle en crapauds; cl c'est parce que l'homme est tombé au péché par le serpent qu'il meurt et qu'après sa mort il est changé cn% serpents. » . Après la Mort, l'Amour : ce sont les deux cordes, presque les seules, du psaltérion monacal do l'abbé do Clairvaux.

Naguère encore, en do certaines églises, le Laetabundus so chantait à Noèl, noél oublié pour des rapsodies d'opéra-comique ; celto séquence si noblement mesurée pour dire une joie extrême et divine, une joie de renaissance de la lumière, uno joie de nativité commo le monde n'en éprouva qu'une, cetlc prose de la Messe du Jour, tombée en désuétude, je la retrouve en un ancien paroissien de Lille, pays, comme les Flandres belges, rebelle à Sanleul et aux poêles abbés romains :

Laetabundus exultet fidel's chorus. Alléluia. Regem Regum intactae profudit thorus, res miranda. Angélus Çonsilii natus est de Virgine, Sol destella.

LE LATIN MYSTIQUE 200

Sol occasum nescions, stolla somper rutilons, semper clara. Sicut sidus radium, profert Virgo filium, pari forma. Nequo sidus radio, nequo Virgo fllio fit corrupta..,

(Vers la joio oxulto lo choeur fidèle Alleluio. — Lo roi des rois, du lit do l'Inlocto est sorti, choso étonnante — L'ango du Conseil est né do la Vierge, Soleil issu d'une étoile. — Soleil qui no so coucho jamais, étoile toujours rutilante, toujours claire — Commo do l'astre un rayon s'émano, la Viergo a produit un fils do pareille beauté. — El ni l'aslro par le rayon, ni la Vierge par lo fils ne furent souillés.)

La Vierge, saint Bernard la chanta en un rosoiro d'hymnes d'uno poésie très pure, d'un rythme très spécial; ainsi, ces variations sur lo Cantiques des Cantiques :

Tu praeclarus Es thésaurus Omnium charismatum, Sano plenus Et amoonus Hortus es aromatum.

Fons signatus Non turbatus Bestiarum pedibus, Non confusus Sed conclusus Divinis virtutibus.

Exquisitis Margaritis Ornantur monilia, Sed tuorum Plane morum Extat major gratia.

Tua fama Thymiama

Balsamumque superat; Dum ûagrescit Mentes pascit . Et a morte libérât.

210 LE LATIN MYSTIQUE

(Tu es lo très illustro trésor do toutos les grâces, jardin tout amèno et loul plein d'aromoles. — Fontoino scellée, quo no troublent les piétinements dos bêtes, sourco inagitéo, sourco enlouréo d'uno haio do vertus divines. — Do très oxquises perles finos s'adornent les colliers, mais do les moeurs pures la grAco oxalto un plus clair rayonnement. — Ta gloire est plus odoranto quo les thymiames et quo lo baumo ; car ello cmbaumo, car ello nourrit les ftmes et do la mort les présorve)

Lo nom do Jésus l'induit à des sourires et à d:s pleurs surnaturels, à des effusions qui spontanément so rythment et so riment :

Jesu, dulcis memoria, Dans vera cordl gaudia, Sed super mei et omnia Ejus dulcis praesentia.

Nil canitur suavius, Nil auditur jucundius, Nil cogitatur dulcius Quam Jesu Dei filius...

Nec lingua valet dicere, Nec littera exprimer©, Expcrlus potest credero Quid sid Jesum diligere.

Jesum quaeram in lectulo, Clauso cordis cubiculo : Privatim et in populo Quaeram amore sedulo.

Cum Maria diluculo Jesum quaeram in tumulo, Cordis clamore querulo, Mente quaeram, non oculo.

Tumbam perfundam fletibus Locum replens gemitibus, Jesu provolvar pedibus, Strictis haerens amplexibus...

LE LATIN MYSTIQUE 211

Desidero to millies, Ml Jesu : quando ventes? Mo laotum quando faciès Ut vultu tuo satles?..

O Jesu, ml dulcissimo, Spes suspirantis animao, To piao quaorunt lacrymao Et clamor mentis intimao.

Quocumquo loco fuero Moum Jesum desidero : Quam laetus quum invenero ! Quam felix quum tenuero !

Tune amplexus, tune oscula Quae vincunt mellis pocula : Quam felix Christi copula ! Sed in his parva marula.

(O Jésus doux à la mémoire, tu donnes les vraies joies du coeur, plus quo le miel et plus que tout ta présence est douce. — Rien à chanter de plus suave, rien à entendre de plus délec-v toble, rien à penser de plus doux que le nom de Jésus, fils do Dieu... — Lo langue ne peut dire ot l'écriture ne peut exprimer, celui-là seul qui l'a senti peut comprendre ce que c'est que d'aimer Jésus; — Jésus, je le chercherai dans mon sommeil, en la cellulo close de mon coeur : en secret et parmi le monde, je le chercherai d'un diligent amour. — Avec Marie, ou crépuscule, j'irai le chercher au sépulcre, mon coeur a des clameurs plaintives, jo lo cherche en esprit et j'ai fermé les yeux. — Sur lo tombeau mes larmes lombent et mes gémissements redondent, je me roule aux pieds de Jésus, jo les embrasse do toutes mes forces... — Mille fois je te désire, mon Jésus : quand Yicndras-lu ? El quand me feras-tu la joie de me rassasier de la face ?... — O Jésus, ô mon très doux,espoir de l'Ame soupirante, mes larmes d'amour le demandent, te demande la clameur de mon intimité. — Où quo je puisse

212 LE LATIN MYSTIQUE

mo trouver, Jésus, jo to veux avec moi : Oh ! la joio quand jo l'aurai 1 les délices, quand jo lo tiendraiI — Oh! alors quels ombrassements 1 O quels baisers plus délectables quo des jarres do miel! Oh! les délices do l'union avec lo Christ! Mois hélas 1 quo l'heure est donc brèvo !)

Tels, dits par l'hommo qui, avec saint François d'Assise, o lo plus aimé, les désirs, les appels, les suprêmes et brefs plaisirs de l'Amour divin; Thomas a Kempis, lui-même, n'est pas allé si loin en adoration passionnée ; ses cris do délectation, parfois no sont que des réminiscences do saint Bernard, commo en la séquonco de Dulcedine Christi :

O dulcissimo Jesu, Qui de coelo descendisti Etvitam mundo contulisti, Legam de te, scribam de to, Quaeram do te, cantem do te, Jesu, puer dulcissimo. Nam suavis es et mitis Humilis plenusque virtutibus, Fili Deialtissime.

(O très doux Jésus, qui du ciel descendis et souffris la vie commur-*:. je lirai do toi, j'écrirai do toi, je m'enquerrai do toi, je chanterai do toi, û Jésus très doux enfant. Car lu es suave et débonnaire, humble et plein de vertus, ô Fils très haut de Dieu.)

Et Ulrich de Wessohrunn, deux siècles plus tard :

Jesu, ave, fax amoris, Dulcis recordatio, Melos auris, favus oris, Cordis jubilatio, Solamen mi doloris, Mea exaltatio, Humani merces laboris, Tu ad te confugio

(Jésus, salut, flambeau d'amour, douce recordation, musi-

LE LATIN MYSTIQUE 21 il

quo pour l'orcillo, miol pour lo boiHio, jubilation du coeur, consolation do ma doulour, mon oxallotion, récompense du labeur humain, vers toi jo mo confugio.)

Et, entre ces deux poètes do l'amour divin, l'essentiel amouroux, S. François d'Assiso :

In foco l'amor mi miso, In foco l'amor mi mise, In foco d'amor mi miso Il mlo Sposo novello, Quando Panel mi miso l'Agnello amorosello : Poicho in prigion mi miso Ferimmi d'un coltollo, Tutto il cor mi divise In foco l'amor.

D'amour encore mais do très douloureux amour, et à classer parmi les plus nobles éjaculations sorties du coeur humain, la Rhythmica Oratio ad wmm quodlibel membrorum Christi patientis et a Cruce pendentis; on en a douté, mais elle appartient, pourquoi pas ? — à saint Bernard :

Ad Manus :

Manus sanctae, vos aveto, Rosis novis adimpletae, Hos ad ramos duré junctae Et crudeli ferro punctae. Tôt guttis decurrentibus Ecce fluit circumquaqtie, Manu tua de utraquo, Sanguis tuus copiose, Rubicondus insatar rosae Magna© salutis pretium. Manus clavis perforatas Et cruore puvpuratas Cor de primo pra© amore, Sitibundo bibens or© Cruoris stillicidium.

21 i LE LATIN MYSTIQUE

„ Ad Faclom :

Salve, caput cruontatum, Totum spinis coronatum, Conquassatum, vulneratum, Arundtno vorberatum, Facio sputis illita.,.

In hao tua passiono Meagnosco, Pastor hone...

Non mo roum aspernoris Nec indignum dcdtgneris : Morto tibi jam vicina, Tuuin caput hic inclina, In meis pausa brachiis.

Tuao sanctae passloni Mo gauderem interponi, In hac cruco tecum mori : Praesta cruels omatori Sub tua cruco moriar.

(Aux Mains: O saintes Mains, jo vous salue, pleines de roses nouvelles, vous si durement crucifiées, et do clous méchants Irouécs. En larges gouttes voilà quo de chacune do les mains ton sang coulo abondamment, plus vermeil quo les roses, prix sacré du grand salut. O mains do clous perforées el de sang tout empourprées, de tout mon coeur en grand amour, je bois d'une bouche altérée la profusion du sang sacré.

A la Face : Salul, ô Tète ensanglantée, d'épines toule couronnée, toulo brisée, toute flagellée, toute battue à coups de roseau, salut, ô Face, toule souillée de crachats... En cette heure de ta passion, reconnais-moi, Pasteur très bon... Ne méprise pas le pécheur, ne dédaigne pas l'indigne : au moment que lu vas mourir, incline un peu vers moi ta tête, repose-la entre mes bras. En ta passion sacrée je voudrais tant intervenir, et sur le calvaire mourir avec toi : oh ! les amants de la croix, permets qu'ils aillent au pied de ta croix mourir!)

Le Salve caput cruentatum a été plusieurs fois imité et si douloureusement belle est l'idée de cette salutation au chef

LE LATIN MYSTIQUE 21 îi

sanglant du Roi suprômo quo les variantes so peuvent prosquo toutes admirer.

Avo, caput Christi gratum, Dlris spinis coronatum...

dit l'oraison do quatorzo vers à laquelle un papo attacha cinquante ans d'indulgenco, telloment il la trouva touchante

Avo, caput incllnotum, Dospectlvo coronatum Spinis intldclium, Multis locis perforatum, Circumquaquo cruentatum, Exemplar humilium.

(Salut, dit Conrad do Ganning, salut, tôlo inclinée, dérisoirement couronnéo d'épines par les infidèles, en millo endroits toute perforéo et toute ensanglantée, ô modèle des humiliés.)

On lit enfin en une des séquences recueillies dans le si précieux Paradisus animae.

Caput spinis coronatum Totum languet cruentatum, Pugnis livet conquassatum, Sputis horret deformatum.

(La tôte d'épines couronnéo, languit toule ensanglantée, toute brisée, toule livide de blessures, toute salie de crachats, toute déformée.) — Ces vers, de date incertaine, sont peut-être contemporains du Christ de Griinewald.

Saint Bernard avait rédigé pour ses moines, afin, sans doute, de mieux l'inscrire en leurs lobes, une règle en vers, imposant le travail perpétuel, le chant des hymnes et des psaumes, le silence, l'oraison et la lecture, —- cette nourrice des cloîtrés :

Omnem horam occupabis Hymnis, psalmis et amabis Tenere silentium.

210 LE LATIN MYSTIQUE

Supor hoo orationom Dlligos ot lcctlonom, Nutrlcom claustrallum.

Co qui roppollo immédiatement lo polit traité do Thomas a Kempis, Vita boni Monachi, neuf petits chapitres en vers infirmes exprès ; lo vin* les résumo :

De exercitiis monachorum

Monachorumest orare, gomlscero ot oraro pro suis defectibns;

Carnom suam castigaro, vigilaro, jejunaro a Yoluptatibus;

Linguam refronaro, aures obturaro a vanltatibus ;

Oculos custodire, pedes praemuniro aboxeursibus;

Manibus laborare, labiis ©xultare, corde jubilare in Deo laudibus;

Caput denudare, basse inclinai'©, genua curvar© cruciûxi pedibus;

Prompte obedlr©, nunquam contradicor© suis majoribus;

Libenter servir©, cito subvenir© infirmisfratribus;

Curas mundi abicere, coelestibus intendero totis conatibus.

Prier, gémir, châtier sa chair, veiller, jeûner de toute volupté, réfréner sa langue, so boucher les oreilles h toute vanité, fermer les yeux, lier ses jambes, travailler manuellement, louer Dieu, aller le chef nu, baisser la tète, courber les genoux aux pieds du crucifix, promptement obéir, no jamais contredire ses supérieurs, librement servir, promptement subvenir à ses frères malades, mépriser les soucis du monde, de tous ses efforts tendre au ciel : telles donc, les obédiences du moine.

Dans le chapitre VI du même opuscule, saint Bernard est donné en exemple :

Quaere Jesum cum Bernardo.

Et dans un cantique du même auteur, Devotum Carmen cantandum in laude Jesu Clmsti, ces deux vers se lisent, qui sont toute la vie mystique de l'abbé de Clairvaux :

De nato Jesu cane dulciter, De passo Jesu dole graviter.

XIV

Anselme deCantorbéry. — Pierre de Riga. — La Littérature des énigmes : Philippe de Harveng. — Reinier (Reinerus). — Matthieu de Vendôme. — Pierre Abailard. — Pierre le Vénérable. — Pierre le Diacre et Pierre de Blois.

LAT. MYST. 14

XIV. — DE SAINT ANSELME A PIERRE DE BL01S

Parmi lant et lant d'ouvrages dogmatiques, parénétiquos ou ascétiques, Anselme, qui fut au xiV sièclo, archovêquo do Cantorbéry, composa uno suito d'hymnes sur la Vierge, des Heures do lo Viergo, adroitement versifiées, enfin deux petits Imités intitulés Carmen de contemptu mundi.

Du premier la lecture amuse el presquo surprend par une raro connaissanco du caractère féminin. Mieux quo loi romancier de nos contemporains, accoucheur d'Ames en éternelle gésino d'identiques adultères et qui s'ébaubit qu'une damo soil une femme Anselme a démonlé lo mécanismo do cet êtro si naïvement immoral, jouet favori du primordial Démon, instrument aussi médiocre que la médiocrité môme de la Ruse inférieure :

Intrat compta satis cellarum femina claustra,

Suspirans dicit : « Discere sancta volo. Accedo ad monachos peccatrix femina, namque

Hi monita et sancta© dant documenta viae. » Compta venis et sancta placent : quis credere possit ?

Suspectant to habeo ; credo nocere venis. Lascivi risus, ardentis nutus ocelli

Et tua garrulitas displicuere mihi. Pastores, vigilate, lupos arceto rapaces

A gregibus vestris : claustra negentur eis. Occidunt animas multosquo ad tartara mittunt,

Et monachis pestis nulla timendamagis... Crede mihi, frater, miser est quicumque maritus :

Vis dicam quantum triste sit istud onus? Si quis habet sponsam turpem, fastidit et odit :

Si pulchram moechos anxius ipse timet. Cernis enim quantum sibi forma pudorque répugnent,

Raraque de pulchris essepudicapotest... Si fiât praegnans accessit et altéra cura

220 LE LATIN MYSTIQUE

Aceroseuntquo tibi multlpllcanda mala. Hino illam metuls no quis corrumpat adultor

Et parlât quorum non erls ipse potor... Ista dat amplexus molles ot dulcla figit

Oscula, sed taclto cordo vonona promit... Fraudibus uxorum multi perioro virorum :

Femina nil horret, cuncta licero putat. Audot quidquid eam jubet imperiosa libido

Et motus et radio cedit et Ipso pudor. Haec loges sacras contemnit et omnia jura,

Turpe sit aut saevum, dum juvot, illud amat.

(Toulo compointe, elle pénètre au monastèro, soupire et dit : « Jo mo destine à la sainteté, jo viens, pécheresse, Irouver les moines, car n'est do leur bouche que l'on apprend les règles et les moniloires de la vie sanctifiée » Ta componction ? Tu aimes la sainteté? A qui lo faire croire ? Je mo méfie de toi : tu viens nous troubler. Tes sourires engageants, les oeillades de tes yeux vifs, ton bavardage, tout cela me déplaît fort. Pasteurs, veillez, écartez du bercail les ropaces louves : que les cloîtres leur soient fermés. Elles égorgent les âmes, elles ont ouvert l'enfer à plus d'un homme : aucune peste n'est pour un moine plus redoutable...

Crois-moi, frère, bien malheureux est l'homme marié : veuxtu que je dise combien lourd est un tel fardeau? Celui qui a une femme laide, elle lo dégoûte et il la hait : si elle est jolie, il a peur des adultères. Remarque, en effet, combien la pudeur et la beauté répugnent à vivre ensemble : il est bien rare qu'une jolie femme soit chaste... Si ta femmo est féconde, autres soucis et multiplications de tous les ennuis. D'abord, tu redoutes qu'elle ne soit corrompue par un libertin et qu'elle n'aille accoucher d'enfanls dont tu n'es pas le père... Il y a encore ce genre de femmes qui embrassent tendrement leur mari, mignotement le baisent, et en dedans amassent contre lui une vénéneuse haine....

Bien des hommes furent victimes des ruses de leur femme : la femme ne recule devant rien, elle croit que tout lui est per-

LE LATIN MYSTIQUE 221

mis. Ello oso tout co quo lui commando Vimpéluosilé do so luxuro ; lo croinlo ot la pudeur, tout cèdo à son caprice Ello mépriso les plus sacréos lois, lous les sorments : quo cela soil honteux, quo cola soit féroco, du moment qu'ollo jouit, ello est contonle)

Cos dernières remarques, principalement, no sont pas dénuées do perspicacité. Ingénieux observateur, Anselme eut encoro lo don do la grâce poétique On lui a parfois, à tort, attribué lo Salve Regina, décidément plus ancien et probablemont l'oeuvro du bon poèto moino, Hermanus Contraclus, mais, en sa paraphraso do Y Ave Maria, c'est un Irouvour exquis do métaphores charmantes, un semeur infatigable do profusions fleuries :

Ave, virgo singularis, Placens aula virginalis.

Ave coelestis mansio, Ave coeli introïtus.

Ave vellus puritatis, Ave terra virginea.

Ave terra benedicta, Avo régis sacrarium.

Ave, stella^virginalis Cujus partus singularis De cythara nos docuit In crue© quando obiit.

Ipsi tune benepsalliraus Dccem chordis psalterii Ad ipsum cum referimus Decalogum mysterii.

Ave gemma singularis Habens scriptamysteria.

Ave lamina aurea,

In te ipsà circumscripta.

222 LE LATIN MYSTIQUE

(Salut, Vierge singulière, plaisant palais virginal. — Salut, céleste manoir,salut, cxorde du ciel. — Salut, toison de pureté, salut, terre vierge. — Salut, terre de bénédiction, salut sanctuaire du Roi. — Salut, étoile virginale: ton fils, unique enfantement, nous enseigna la cythare sacrée, lorsqu'il mourut sur la croix. -- Cytharisons pour lui, et que les dix cordes du psallérion symbolisent le décalogue de ses gloires et de ses douleurs.

— Salut, gemme singulière où des mystères sont écrits dans la pierre. — Salut, lingot d'or pur enchâssé dans la gemme..)

Son hymne ou Saint-Esprit ne vaut ni celle de Raban Maur, ni celle de Robert, mais elle n'est pas méprisable :

Veni, fortutido fragilium, Relevator labentium.

Veni, spes pauperum, Refocillator deficientium.

(Viens, force des fragiles, viens relever ceux qui tombent. Viens, espoir des pauvres, viens, réconfort des défaillants.)

Du môme siècle, Pierre de Riga, chanoine régulier do SainlAugustin, à Reims : sa gloire est d'avoir rédigé des Récapitulations de l'Ancien Testament en vingt-trois courts chapitres ainsi ordonnés : le premier est sans A, ne contient cette lettre en aucun de ses vocables; le deuxième est sans B, etc. Récréation ingénieuse — moins cependant que les périlleux mots en losange, en escalier, en quadrillurc, en étoile, en autel, en double et triple croix qu'avait exécutés, non sans dextérité, un contemporain de Juvencus, Optatien Porphyre,

— modèles vénérables de ces exercices que les journaux dérobent sous la rubrique : Partie littéraire 1

Symphosius Coelius, dès le iv° siècle, avait eu la monomanie des énigmes. Modeste, il no croyait pas avoir imaginé d'impérissables chefs-d'oeuvre, car il nous a Iransmis ses heures de loisir précédées do co vers :

Haec quoque Symphosius de carmin© lusit inopto.

LE LATIN MYSTIQUE 223

Plus tard, l'archevêque de Mayencc, Boniface, tortilla, lui aussi, quelques énigmes, JËnigmata de Virlutibus. Il les dédie et les expédie à sa soeur; ce sont « dix pommes d'or, dix oranges qu'il a cueillies à l'arbre de sa vie où elles mûrissaient, filles de très aimes fleurs. Douces, elles s'inclinaient tombantes des rameaux sacrés, pendant que l'arbre de sa vie s'inclinait en arbre de mort. »

Aurea nam decem transmisi poma sorori, Quae in ligno vitao crescebant iloribus almis. Illius saevis pendebant dulcia ramis, Cum lignum vitae pendebat in arboro mortis.

Adhclme,dont furent antérieurement cités de séduisants vers, s'adonna parfois aux énigmes. Celle-ci affère à l'oiseau entre tous cher à ce poêle :

Pulcher et excellens, specie mirandus in orbe, Ossibus et nervis et rubro sanguine cretus, Cum mihi vita cornes fuerit, nihil aurea forma Plus nltet : et moriens numquam mea pulpa putrescit.

(Excellent et très beau, d'une grâce unique au monde, d'os et de nerfs et de sang rougo sommé, rien, du jour où je suis né, n'a eu plus d'éclat que ma forme dorée : et après la mort ma pulpe ne pourrira jomuis.)

Des fubricateurs d'énigmes latines, d'aulres encore sont célèbres, tels quo Tatwine et Eusèbc, mois, pour ne pas plus longtemps errer loin du xn* siècle, quo suffisent ces deux vers de Philippe de Harveng, mort en 1182, abbé des Prémontrés de l'abbaye de Bonne-Espérance (De Bonae Spci), dans lo Hainaut cambrésien :

Amplector corpus, vestes astringo iluentes : Zo vertltur in M, succendo cupidino mentes.

« J'embrasse le corps, j'étreins les vêtements flottants : Changez Zo en M, j'allume dans l'esprit la cupidité. » Le mot est

224 LE LATIN MYSTIQUE

évidemment Zona, ceinture, qui devient Mna, abrégé de mina, mine (cent drachmes, variété de monnaie, mesure agraire et do jauge).

Reinier, Reinerus, moine de Saint-Laurent de Liège, écrivain mystique non sans mérite, n'a laissé que peu de vers: un obscur et 1res étrange poème De conflictu duorum Ducum et animarum, mirabili revelatione, ac de Milite captivo per salutarem Hostiam liberato (Du conflit des deux Ducs et des âmes, merveilleuse révélation, et d'un Soldat captif qui par la salutaire Hostie fut délivré), et un Office du Saint-Esprit versifié selon un agréable rythme :

Ad Laudes Umlna noctisinclinatur, Terris dies reformatur, Repubescit sol aureus, Splondor gliscit aethereus.

Vitiorum fuliginem, Peccatorum rubiginem Tergas, o sancto Spiritus, Expiesqu© nos penitus.

Sic cum Pâtre, cum Filio Perpes tibi laudatio, Nos ut per to hnovati Per to si mu s et beati.

(L'ombre de la nuit décline, sur la terre le jour so restaure la barbe d'or du soleil repousse, et s'avive la splendeur de l'éther. — Que la noire fumée des vices, que la laide rougeur des péchés par loi soient effacées, ô Saint-Esprit, et purifienous pleinement. — Nous t'offrons commo au Père, comme au Fils, une perpétuelle laudalion, afin que par toi renouvelés, nous soyons par loi béatifiés.)

Les poètes abondent en ce grand xn* siècle d'une si belle variété; comment ne pas citer quelques vers de Matthieu de Vendôme, pleins do jolies images et imaginations, constellés

LE LATIN MYSTIQUE 225

de précieux mots ; c'est tiré d'un poème simplement appelé : Descriptio Loci, en français moderne : Paysage .

Quod gustu commendat ovis vel dama popello, In triviis, raiïs crinibus, herba viret.

Lilia sectantur vestis candore; ligatur Ad vulnus : faciens lanceolata jacet.

Pallescit rubor in violis, mediusque videtur Nescio quis neuter inter utrumque color.

Oris deliciae gingember prodit acutus.

Pomus progreditur, dans succimentia rauco Hersula carboni coniicienda mero.

Cerasa plena rubent sed jactnram brovitatis Illorum redemit deliciosus honor.

Foeniculus crispato viret quo dives odore Castigare solet spirituale malum.

(L'herbe quo pour son gonl le mouton ou le daim signale aux pauvres gens, en les carrefours, cheveux rares, verdoie —- Les lis sont coupés pour la blancheur de leur robe ; blessés on les engerbe ; gisent à terre des fers de lance — Le rouge en les violettes blanchit : c'est comme un je no sais quoi do neulre mitoyen entre doux nuances. — Délices de la bouche, ô gingembre aigu. — La pomme mûrit, dont les abondants sucs donneront sous le pressoir un vin rauque — Les pleines cerises rougissent et leur gloire exquise rachète la brièveté de leur vie. — Lo riche fenouil se crispe en son parfum, avec lequel on cosloio le mal spirituel.)

De Pierro Abailard, lo théologue hérétique, l'adversaire maté do l'abbé do Clairvoux, le rhéteur dont la subtilité affolait les générations, l'orateur dont le verbe inouï d'éloquence attirait autour de sa chaire, à Saint-Denis, des trois mille auditeurs à la fois, du pauvre amoureux

... qui fust chastrô et puis moyno,

226 LE LATIN MYSTIQUE

et alla mourir en 1H2 au monastère de Saint-Marcel, près de Chalon-sur-Saône, il n'est question ni de narrer la gloire, ni les disgrâces.

Poète, il conserva, comme tel de ses contemporains, le culte des anciennes métriques, rédigea, ainsi qu'Anselme de Canlorbérj ou Matthieu de Vendôme, des vers régularisés selon le patron d'Ovide, mais son amour est pour la rime et pour le rythme syllabique

Cependant, il a soin que la pénultième soit toujours brève, même en des formes do vers aussi radicalement neuves que ces décasyllabes (où il compare saint Paul à un rhinocéros, qui, attelé à une charrue, laboure en quelques bonds le champ du Seigneur) :

Ut rhinocéros est indomitus Quem ad aratrum ligans Dominus Glebas vallium frangit protinus.

Les vers d'Abailard sont élégants et ingénieux ; sur la Nativité :

Vitae viam in via peperit, Hospitium non domum habuit, Regum proies et coell domina, Pro cameris intravit stabula.

Obstetrices in partu deerant Sed angeli pro eis aderant Quorum statim chorus non modica Hujus ortus eduxit gaudia.

(Elle o, la Vierge, enfanté en chemin le Chemin do la vie ; elle trouva un abri et non une demeure ; lo Fils des rois et lo Dame du ciel ont eu pour chambre une étable — Les accoucheuses manquaient, mais les anges les remplaçaient, et dès que l'Enfant fut venu, ils chantèrent abondamment les joies d'une telle naissance)

LE LATIN MYSTIQUE 227

Sur les noces spirituelles :

Adorna, Sion, thalamum, Quae praestolarls Dominum : Sponsum et sponsam suscipo Cum cereorum lumine.

Prudentes illae virgines Vestras aptate lampades Et occurrentes Dominae Surgant adolescentulae.

(Orne, Sion, le lit nuptial, toi qui attends le Seigneur : l'époux et l'épouse, reçois-les à la lueur de tes cierges. — Et vous, ô très sages vierges, préparez vos lampes, et que pour aller au-devant de la Dame, se lèvent les Adolescentes.)

Sur la parallèle résurrection du Christ et do lo Nature, même idée que le Salve festa dics de Fortunal :

Veris grato tempore Resurrexit Dominus...

Cunctis exultantibus Resurrexit Dominus : Herbis renascentibus, Frondent arbores, Odores ex floribus Dant multipliées.

(En l'agréable temps du renouveau le Seigneur est ressuscité... — Dans l'exultation universelle le Soigneur est ressuscité : Voici les herbes renaissantes et la frondaison des arbres, des odeurs multiples s'exhalent des floraisons.)

Le bénédictin Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, condensa en une hymne l'histoire de la vie et les miracles de l'illustre saint Benoit, l'infatigable thaumaturge Plus que toutes les merveilles énumérées, ce fait nous touche quo lo fondateur do l'abbaye du Mont-Cassin fut aussi, par ses moines priants et défrichants, le fondateur do l'Europe chrétienne, agricole et intellectuelle II ressuscita un mort :

228 LE LATIN MYSTIQUE

0 quam mira potentia !

11 ressuscita uno morte plus notoire que l'anonyme de la légende, — la Vie spirituelle Réfection, selon le mouvement de l'animalité, d'une pourriture défunte, — c'est peu devant la rénovation de l'Esprit.

Lors de la translation de ses restes à Fleury-sur-Loirc (c'était en hiver), dès que la châsse eut touché la terre, des fleurs surgirent du sol attendri par son contact et un printemps partiel se mit à sourire :

Eductum fluvio sensit ut arida Non curans gelidi frigora temporis Vestit cuncta novis illico floribus Mutatà facie soli.

Voilà, dite en une strophe symbolique, l'oeuvre do saint Benoit.

Sans être un bien mémorable poète, Pierre lo Vénérable a néanmoins loissé d'intéressants rythmes ; tels :

Coelum terrao fundit rorem, Terra gignit Salvatorcm.

Chorus cantat angelorum Cum sit infans rex eorum.

Venter ille virginalis Dei cella speclalis Fecundatur spiritu,

Et ut virgo parit florem Sic et virgo redemptorem Carnis tectum habitu.

(Le ciel arrose la terre de rosée, la terro engendre son Sauveur. — Le choeur des anges s'est exalté à la naissance de l'Enfant-Roi. — Voici le ventre virginal, voici 1* cellule spéciale fécondés par l'Esprit. — La verge so fleurit de deurs, la Vicrgo porle un Rédempteur, à l'abri dans sa chair.)

LE LATIN MYSTIQUE 229

Il reste, avant de rejoindre des noms moins inconnus, à noter (c'est bien la première fois) l'admirable et mélacolique complainte du plus humble, du plus ignoré, du plus douloureux des moines, Pierre le Diacre (Petrus Diaconus), qui vécut et mourut au Mont-Cassin.

C'était peut-être un millénaire, mais il faut prendre ses futuritions comme des tableaux de la vie qui se déroulait autour de son cloître, et dont des bribes d'images, des fins de bruits arrivaient jusqu'à la cellule de l'oranl. En cette diatribe contre les mauvaises moeurs de l'église et du cloître, deux vers, extrêmement touchants, sont à la fin d'une strophe jetés,

Ignoravi et nescivi Corpus tuum, mulier.

Et dans cet aveu apparaît, non l'orgueil d'un pharisien, mais, un peu voilée peut-être par le regret des ignorances charnelles, la joie du bon moine à qui sa conscience no reproche aucune forfaiture contre lo règle, le contentement de s'être enfoncé dans les reins des pointes de fer, avec, demeurée parfois cuisante, la souvenance des tortures anciennes, des luttes contre lo désir, des solitaires inquiétudes, des mourantes confessions, des hontes à la pénitence imposée ; — mais enfin il a vaincu et il est chaste : « Je l'ai ignoré, moi, je no l'ai pas connu ton corps, ô Femme 1 »

Voici avec quelques coupures, les uniques vers do Pierre le Diacre ; ils sont barbares et d'uno âpre saveur :

Saevit ferrum, ira, dolus Et furta sacrilcgia : Clericorum vero jura Erunt epycurea : Linquebunt divina jura, Obtinebunt cynica.

Foeminas diligunt omnos,

Foeminas praejudicant,

Passim currunt, passim quaorunt

230 LE LATIN MYSTIQUE

Hue illucque foeminas : Ignoravi et nescivi Corpus tuum, mulier.

Deum linquunt, Deum pellunt Ut te solam habeant : /Epulas diligunt magnas, Vina pura ambiunt : Fores observare jubent Pauper ne ut veniat.

Caesares verosalutant, Pauperes despiciunt : Praevident, procurant namque Aurum et pecuniam. Proditores accusabunt, Proditores diligent.

Aurum ligat, aurun solvit Datque sacros ordines.

Malorum origo horum, Papa est erroneus, Callidus, vald© perversus Ultra omnes homines,

Exutus, alienatus Bonis a coelestibus : Lucra quaorit vero sua In dlvinis ovibus, Antychristi qui praecursor Fuit a principio...

Le reste a trait au règne de l'Antéchrist el n'est qu'une paraphrase do l'Apocalyse Traduction :

« Le fer sévit et la colère, le dol et les vols sacrilèges : le clergé, pour règle a la morale d'Épicuro : il abondonnera les règles divines pour suivre celles du cynisme. — Tous, ils aiment les femmes, ils cherchent les femmes, ils vont, ils vien-

LE LATIN MYSTIQUE 231

nent, toujours en quêle de femmes : moi, je l'ai ignoré et je ne l'ai pas connu ton corps, ô Femme 1 — Dieu, ils le laissent, ils le chassent, ils ne veulent que toi, Femme : il leur faut de larges festins, il leur faut des vins choisis : ils font garder les portes pour que le pauvre n'entre pas. — Ils sont aux genoux des Césars, mais ils méprisent les pauvres : ils amassent, ils collectent l'or et la monnaie : Ils dénoncent les apostats et ceux qu'ils vénèrent, ce sont les apostats. — L'or lie, l'or

délie, l'or confère les ordres sacrés. — Origine de tous

ces maux, le Pape est hérétique, rusé, extrêmement pervers au-dessus de tous les autres hommes. — Il est sorti, il s'est éloigné des biens célestes, il ne cherche que son bénéfice dans ses ouailles sacrées : c'est bien le précurseur de l'Antéchrist, tel qu'il a été décrit dè> k commencement.)

Pierre de Blois qui écrivait en Angleterre, répète les mêmes plaintes, anathématise on presque les mêmes termes le sordide clergé qui déshonorait l'Église :

Irreverenter confluunt Omnes ad sacrum ordinem, ..... sed hominem Veterem nunquam exuunt, Nec foetiditatis diluunt Antiqua© turpiludincm. Hi calicis dulcedinem Dant in amaritudinem Et in venenum aspidis, Jesumque magnum sordidis Vestimentis induunt, et polluunt Testamenti sanguinem... Damnabilo commercium 1 Fit membrum rneretricium Qui membrum Christi fuerat.

(En foule irrespectueuse, ils se ruent vers les ordres sacrés..., mais lo vieil homme, jamais no lo dépouillent, ni jamais ne lovent l'ordure do leur ancienne fétidité. Lo douceur du calice, ils lo muent en amerlume et en venin d'aspic,

232 LE LATIN MYSTIQUE

et le grand Jésus ils le revêtent de sordides vêtements, et ils polluent le sang du Testament... Damnable commerce! Il est devenu le membre des prostituées, celui qui fut le membre du Christ...)

Si l'opinion du reclus du Mont-Cassin manque d'autorité, on ne contestera pas la valeur de celle d'un théologien tel que Pierre de Blois; et avant d'être archidiacre de Balh et de Londres, il avait voyagé en plusieurs pays, jusqu'en Sicile. Le passage cité est extrait de son traité Contra clericos voluptati deditos.

11 faut être juste cl ajouter que l'on trouverait, moins fréquentes que les vitupérations, d'occasionnelles glorifications du clergé des temps passés ; ainsi, en celle pièce où un anonyme voudrait enseigner aux curés le sens du coq qui gire et se pavane en haut des clochers. C'est du latin de petit intérêt et qui sent son xv° siècle :

Multi sunt presbyteri qui ignorant quare Super Domum Doinini gallus solet stare...

Et après avoir louange l'oiseau de sa bonne vigilance, qui lui coûte souvent la beauté de ses plumes :

Quasi rex in capite gallus coronatur; In pede calcaribus, ut miles armatur; Quanto plus fit senior, pennis deauratur; In nocte du m concinat, ut leo conturbatur...

Il conclut :

Sic Deus per omniamundos et ornatos Fecit suos clericos esse coronatos. Sic sacerdos corrigat legis trangressiones Vorbis et Uagltiis, ut liant meliores.

XV

Adam de Saint-Victor. '— Ses défauts ; son génie verbal et musical. —Ses Séquences. — Son épithaphe. —Suint Thomas d'Aquin. — Lauda Sion. — Ecce panis angelorum. — Verbum supernum. — O salularis Ilostia. — Range lingua gloriosi corporis. — La poésie eucharistique : 17w coena Domini de Flavius ; deux strophes de Rottach. — Un imitateur d'Adam el de S. Thomas : Henricus Pistor.

LAT. MV8T. 15

XV. — ADAM DE SAINT-VICTOR ET SAINT THOMAS D'AQUIN

Le grand fabricatcur de séquences régulières fut Adam, chanoine régulier de l'abbaye de Saint-Victor-lez-Paris ; il mourut dans les dernières années du xn* siècle. Poète et non pas seulement de bonne volonté, mais de fait, très excellent versificateur, incomparable musicien, il lui manqua peu de dons, pour ôlre, en vérité, le plus grand poète'lyrique du moyen Age ; il lui manqua de joindre à son génie d'artiste un peu de la folie de l'amour, un peu de l'envol du mysticisme; il lui manqua encore une originalité réelle de pensée, et l'antithèse dont il abuse ne parvient pas a en voiler l'absence sous les plis trop symétriques des tentures de fôte ; en excès, il eut un goût assez puéril pour les jeux de mots, auxquels il est d'ailleurs agréablement adroit; ainsi de la Vierge :

A dilecto praeelecta. Ab electo praedilecta.

De la vie éternelle :

Tu post vitam hanc mortalem Siye mortem hanc vitalem Vitam nobis immortalem Clemens restitue...

De la rédemption :

Fons illimis

Munde nimis,

Ab immundo

Munda mundo

Cor mundani popull...

Si l'on veut bien ne le considérer que comme un musicien

2110 1.K LATIN MYSTIQUK

érigeant a l'aide do mots des symphonies; ne lui demander—- et c'est beaucoup — quo lo charmo matériel des agencements rythmiques, lo plaisir do la rimo richo et merveilleusement sonoro, du vers plein et atteignant en soi touto sa valeur de phraso musicalo, valeur qui, en la strophe, va se multipliant sur ollo-mômo pour départir, avec sa conclusion, lo contentement parfait do la parfailo eurythmie, alors Adam do SaintVictor nous opparalt tel quo lo plus magiquo artisan verbal qui ait fait sonner le psaltérion latin.

Sa désinvolture parmi les méandres des rythmes est prodigieuse; on peut citer presquo au hasard : De Sancto Spiritu :

Lux jocunda, lux insignis, Quft de throno missus ignis In Christi discipulos Corda replet, linguas ditat, Ad concordes nos invitât Linguae cordis modulos

Christus misit quod promisit Pignus sponsae, quam revisit Die quinquagesimft, Post dulcorem melleum Petra fudit oleum Petra jam firmissima.

In tabellis saxeis Non in linguis igneis Lex de monte populo ; Paucis cordis novitas Et linguarum unitas Datur in coenaculo...

Consolator aime veni, Linguas rege, corda leni, Nihil fellis aut veneni Sub tua praesentiâ.

Nil jocundum, nil amoenum, Nil salubre, nil serenum,

LH LATIN MYSTIQIK 237

Nihil dulco, nihtl plonum Nisltuagratla.

Tu lumon es et unguontum, Tu coelesto condimontum Aquao ditans clomentum Virtuto mysterli

Nova facti creatura, To laudamus mento pura, Gratiao mine, sed natura Prius irao fllii.

(Lumière aimable, lumière insigne, par laquelle lo feu descendu du trône sur les disciples du Christ remplit les coeurs, enrichit les langues, nous invite a l'harmonie des concerts intérieurs. — Lo Christ envoya lo signe promis a son épouse et lo cinquantième jour la revisita : après le miel de douceur, la pierre a émis de l'huile, ô pierre très inébranlable! —Sur des tables do pierre et non par des langues de feu la loi du haut de la montagne fut apportée aux peuples : à quelques-uns la rénovation du coeur et l'unité des langues fut donnée cénaculairement... — Très haut consolateur, viens, régis les langues, pacifie les coeurs : nul fiel, nul venin ne dure en la présence.— Rien d'aimable, rien d'amène, rien de salubre, rien de pur, rien de doux, nulle plénitude sans la grâce. — Tu es lumière et tu es baume, tu es le céleste condiment, lu es le ferment qui enrichit l'eau de la vertu du mystère. — Créatures de la rénovation, nous te remercions à plein coeur, fils maintenant de la grAce, jadis et par nature enfants de colère.)

11 est bien évident que de tels vers,noblement récités, imposeraient à des oreilles, môme ignorantes, une forte impression do musique et môme de poésie ; il est à peine besoin de les comprendre pour en subir le charme.

La signification de celle ode au Saint Esprit n'est pas sans doute méprisable; c'est une très ingénieuse paraphrase du Vto», Sancte Spiritus, mais rien de plus. Adam n'apporte de

238 I.K LATIN' MYSTIQIK

neuf en poésio latine, quo lo rythmo ; lo reslo, à qui l'éludic, dcmeuro secondaire Non moins admirable, la proso De Assumptione :

Salve, mater Salvatoris, Vas olectum, vas honoris, Vas coelestis gratiae : Ab aeterno vas provisuni, Vas insigne, vas excisum Manu sapientiae.

Salve, Verbi sacra parens, Flos de spinis spinft carens, Flos, spinetigloria. Nosspinetum, nos peccati SpinA sumus cruentati Sedtu spinae nescia.

(Salut, 6 mère du Sauveur, vase d'élection, vase honorable, vase de célestes grâces : vase choisi do toute éternité, vase insigne, vaso que cisela la main delà Sagesse. — Salut, mère sacrée du Verbe, Heur d'épine sans épines, fleur, gloire du buisson d'épines. — Nous, tout couverts d'épines, nous sommes ensanglantés par les épines du péché : loi tu ignoras les épines.)

Malheureusement des jeux de mots gâtent cette strophe si purement dessinée. Le poète continue, brisant insensiblemant le rythme, avec uno science musicale qui déconcerte :

Porta clausa, fons hortoruni, Cella custos unguentorum, Cellapigmentaria, Cinnamomi calamum, Myrham, thus et balsamum Superas fragrantià...

(Porte close, fontaine des jardins, coffre gardien des huiles et des essences, tu surpasse en parfum la lige de oinnamome, la myrrhe, l'encens et le baume.)

LK LATIN MYSTIQUE 230

Encore, do lu proso pour lo dimancho dans l'oclavo de NoPl :

Splendor Patris et figura Se conformans homini, Potestato, non naturA Partum dédit Virgini...

Eva luctum, vitae fructum Virgo gaudens edidit Nec sigillum propter illum Castitatis perdidit.

Si crystallus sit humecta Atque soli sit objecta, Scintillât igniculum, Nec crystallus rumpitur, Nec in partu solvitur Pudoris signaculum...

(Splendeur du Père et figure de conformité humaine, par volonté, non par nature, tu rendis mère une vierge,.. — Eve enfanta lo deuil, la Vierge joyeuse émit le fruit de vie, sans perdre en un tel acte le sceau de la chasteté. — Lo crislal trempé dans l'eau et soumis au soleil scintille en rais de feu, sans se briser : l'accouchement n'a point rompu le signe do la pudeur...)

La séquence Mundi renovatio, toute édifiée sur le nombre sept (strophe do sept vers de sept syllabes), offre des arrangements de rimes d'une très audacieuse variété (comparer pour le sens avec le Salve festa dies et le Verisgralo tempore) :

Mundi renovatio Nova paiït gaudia : Resurgenti Domino Corresurgunt omnia. Elementa serviunt Et auctoris sentiunt Quanta sint solemnia

240 LK LATIN MYSTIQl'K

Ignis volât mobilis, Kt aër volubilis, Finit aqua labilis, Terra manet stabilis, Alta potunt lovia, Centrum tenent gravia : Renovantur omnia.

Coelum fit serenius Et mare tranquillius ; Spirat aura leviùs, Vallis nostra floruit, Revivescunt arida Recalescunt frigida, Post quae ver intepuit...

(La rénovation du monde enfante do nouvelles joies : lo Seigneur ressuscite et tout avec lui ressuscite Les éléments esclaves comprennent la grandeur do la fête où leur créateur est adoré. — Le feu subtil vole et l'air est volubile, l'eau s'en va en fluidités, la terre demeure stable : les choses légères s'élèvent, les choses lourdes gardent leur centre do gravité : tout est renouvelé. — Le ciel devient plus pur et la mer plus tranquille; les vents soufflent plus légers, notre val a fleuri, les aridités reverdoient, les frigidités se réchauffent sous la tiédeur du renouveau.)

Ces généralités sur le printemps dénotent une bien médiocre imagination ; il est presque cruel de les avoir mises en français, de les avoir dévêtues de leur agréable robe latine toute brodée do syllabes plus fines que des perles, — mais cela peut servir à le démontrer par un exemple : Adam est un musicien et presque rien de plus.

En la prose sur saint Jean-Baptiste, celte forme strophique inattendue :

Contra carnis quidem jura, Joannis haec genitura : Talem gratia Parturn format, non natura.

LK LATIN MYSTIQl'K 241

(Elle trangrcsso les lois do la chair, la génération de Jean : un tel enfantement est l'oeuvro do la graco et non celle do la nature)

El colles-ci :

Martyr Doi, licet rei

Simus, nec idonoi

Tuao laudi,

To laudantes et sperantes

Do tua clementia

Nos exaudi.

Vcneramur et miramur In to tôt mysteria : Per te frui Christus su A Dot nobis praesentia.

(Martyr do Dieu, bien que coupables et incapables do dire tes louanges, nous venons le louer en espèreul être exaucés par ta clémence. — Nous vénérons et admirons en toi tant de mystères : que par toi le Chrisl nous accorde de jouir de sa présence.)

Et encore, le Salve dies, qui jadis, se chantait, au diocèse de Paris, le dimanche de Quasimodo :

Salve, dies, dierum gloria,

Dies felix, Christi Victoria,

Dies digna jugi laetitia,

Dies prima !

Lux divina caecis irradiât

In quà Christus infernum spoliât,

Mortem vincit et réconciliât

Summis ima.

(Salut, jour, gloire des jours, jour heureux, victoire du Chrisl, jour digne d'une éternelle joie, jour premier! La lumière divine s'irradie vers les aveugles en ce jour, le Christ dépouille les enfers, et vainqueur de la mort réconcilie les abîmes et les sommets.)

2i2 LK LATIN MYSTIQIK

Et ce fragment du Laudes Crucis attollamus, paraphraso d'un verset des litanies du Jeudi saint, a Laudos :

Haeo est scala peccatorum Per quam Christus rox coelorum Ad se traxit omnia : Forma cujus haeo ostendit Quae torrarum comprehondit Quatuor confinia...

Nulla salus est in domo Nisi cruco munit homo Superliminaria...

(La croix est l'échelle des péchés par laquelle le Christ, roi des cicux, les fait tous monter vers lui : sa forme so montre telle qu'ello embrasso la lerre entière en ses quatre orients... Nul salut dans la maison, si l'homme n'a muni do la croix les linteaux de sa porte...)

Enfin, et là ce n'est plus de la virtuosité, — l'âme toute pure et nue du bon moino s'inscrit sur la plaque de cuivre de la tombe, — voici rédigée par lui-môme en la formo classique son épilapho :

Haeres peccati, naturA ûlius irae,

Exiliique reus nascitur omnis homo. Unde superbit homo, cujus conceptio culpa,

Nasci poena, labor vita, necesse mori? Vana salus hominis, vanus décor, omnia vana :

Inter vana, nihil vanius est homine. Dum magis alludunt praesentis gaudia vitae,

Praeterit, imô fugit : non fugit, imô périt. Post hominem vermis, post vermem fit cinis, heu! heu !

Sic redit ad cinerem gloria nostra suum. Hic ego qui jaceo miser et miserabilis Adam,

Unam pro summo munere posco precem : Peccavi, fateor, veniam peto, parce fatenti :

Parce, pater, fratres, parcite, parce, Deus.

(Héritier du péché, par nature enfant de colère, tout homme

LK LATIN MYSTIQUK 243

naît condamné a l'exil. Do quoi l'homme peut-il so glorifier, lui dont la concoption est un péché, la naissanco un châtiment, la vio un labeur, la mort uno nécessité? Vaino la sanlé do l'hommo, vaino sa beauté, tout est vain : enlro tout co qui est vain, rien do plus vain quo l'homme. Au moment que l'allèchent davantage les joies de vivre, il s'en va, il court; il court : non, il meurt. D'hommo il devient ver, do ver il dovicnt poussière Ah! Ah! El notre gloiro aussi retourno à sa poussière. Ci-git le pauvro et misérabloAdam, qui pour suprcmo aumône demande uno prière : J'ai péché, jo lo confesso, jo demande ma grAce Pardonnez a qui avoue ses fautes; pardonne, père; frères,pardonnez; pardonne,ô Dieu!) Adam, lo « pauvre et misérablo Adam », maintenant glorieux, eut un disciple, Thomas d'Aquin. Celui-ci est un homme do génie el, comme son mallre, un versificateur d'une indéniablo science En ses hymnes, comme en ses séquences, lo théologien a recours à quelques-uns des procédés du chanoine de Saint-Victor, mais il les transforme en méthode originale, enveloppe sous de larges anlilhèses une pensée d'une magnifique densité. Continuellement, l'Église redit les chants sacrés du grand poète scolastique : le Sacris solemniis, où so trouve le Panis angelicus ; le Verbum supernum dont les deux dernières strophes forment YO Salit taris; VAdoro te supplex; lo Tantum ergo, fragment du Pange lingua gloriosi ; le Lauda Siony enfin, ce résumé merveilleux de toute la poésie, do tout lo dogme, de tout le symbolisme eucharistique

Lauda, Sion, salvatorem, Lauda ducem et pastorem In hymnis et canticis, Quantum potes, tantum aude Quia major omni laude Nec laudare sufficis.

Laudis thema specialis Panis vivus et vitalis

2 H LK LATIN MYSTIQUE

Hodio proponitur, Quem in sacrao monsa coonao Turbao fratrum duodonao Datum non ambigltur.,.

(Sion, louo ton Sauveur, loue ton chef et ton pasteur on des hymnes, en dos cantiques. Fais pour sa gloire tous les efforts, car il est plus haut quo toutes louanges et lu no lo loueras jamais assez. —- En spécial Ihème de louange, lo pain vivant et vital est offert aujourd'hui, lo pain qui, lors du repas sacré, A l'assembléo des douzo frères fut donné, le môme absolument...)

Ne sont-ils pas, ces vers de bronze, d'uno plénitudo syllabiquo égalo à tels nobles vers do M. Leconto do Lislo? — Et comment soutenir, A moins do congénitale et indélébile aberration, quo cetlo poésio rythmée comme par lo coup de marteau d'un baltant do clocho s'inscrit après — combien après! — le Non erat in votis?

Saint Thomas d'Aquin est toujours d'un égal génie et son génie est fait surtout de force et de certitude, do sécurité et de précision. Tout ce qu'il veut dire, il l'affirme, et avec une telle sonorité verbale que le doule, apeuré, fuit :

Ecce panis angelorum Factus cibus viatorum Vere panis filiorum Non mittendus canibus. In figuris praesignatur Quum Isaac immolatur, Agnus Paschae deputatur, Datur manna patiïbus,

(Voici le pain des anges, devenu le pain des voyageurs, c'csl le vrai pain des enfanls, qu'il ne faut pas jeter aux chiens. Il est en figures présignifié quand Isaac est immolé, quand l'Agneau de la PAque est envoyé,quand la manne ànos pères futdonnée.)

Et encore :

Verbum supernum prodiens Nec Patris linquens dexteram

Ï.K LATIN MYSTIQUK 243

Ad opus suum oxions Venit ad vitao vesperam.

In mortom a discipulo Suis tradendus aemulls, Prius in vitao ferculo So tradidlt discipulis...

0 Saîutaris Ilostia Quao coeli pandis ostium, Rolla premunt hostilia : Da robur, for auxilium.

(Lo Verbe suprême so manifestant au monde sans quitter la droite du Père, pour achever son oeuvre est venu sur lo soir de la vie. — Allant être par un disciple livré pour mourir A ses ennemis, lui-mémo A ses disciples se livra en un festin de vie... 0 salutaire hostie, loi qui du ciel ouvres la porte contre les ennemis qui nous poursuivent, donne-nous la force et le secours do ta grAce)

Tout entier le Pange lingua gloriosi est admirable. En voici les deux premières et les deux dernières strophes :

Pange, lingua, gloriosi corporis mysterium, Sanguinisque pretiosi quem in mundi pvetium, Fructus ventris generosi Rex elludit gentium.

Nobis datus, nobis natus ex intactA Virgine Et in mundo conversatus, spârso Verbi semine, Sui moras incolatùs miro clausit ordino...

Tantum ergo sacramentum veneremur cernui, Et antiquum documentum novo cedat ritui ; Praestet fides supplementum sensuum defectui.

Genitori genitoque laus et jubiiatio;

Salus, honor, virtus quoque sit etbenedictio;

Procedenti ab utroque compar sit laudatio.

(Chante, ô ma langue, le mystère du corps glorieux et du précieux sang que répandit, pour le rachat du monde, le fruit du ventre généreux, le Roi des nations. — 11 nous fut donné,

240 LE LATIN MYSTIQUE

il naquit pour nous d'uno intacte vierge, ilso mêla au monde, il répandit la semence do son Vorbo, et achovanl les jours de sa vie torrcstro, il institua un mystèro admirable.. — Un si grand sacrement, vénérons-le, prosternés, et quo les anciens préceptes cèdent A un nouveau rilo ; quo la foi suppléo A la faiblesse des sens. — Au Père et au Fils louango et gloiro ; salut, honneur, puissanco aussi et bénédiction; et A Celui qui des deux procède pareille laudation.)

L'office cnlier du Saint-Sacrement fut sur l'ordre d'Urbain IV, composé par Thomas d'Aqùin ; u choisit les textes de l'Écriture et des Pères et rédigea toute la partio qui devait ôlre neuvo, les hymnes, les proses, les oraisons, quelques versets et répons. Il n'est pas, cependant, le créateur do la poésie eucharistique.

Après les folies manichéennes des Albigeois, il était urgent d'insister sur ce point du dogme quo, presque seul jusqu'alors, l'hérésiarque Rérenger avait, au \* siècle, contesté; mais si la présenco réelle n'avait pas encore été nommément célébrée en une fête solennelle, si cette vérité, égale en certitude pour un catholique à celle môme do l'Incarnation, n'était pas l'objet d'une affirmation extraordinaire, elle était universellement reçue, quotidiennement jurée par l'oblalion du sacrifice, et des poètes chrétiens l'avaient signifiée sans équivoque

Il est possible que saint Thomas d'Aquin uit eu connaissance de l'hymne In coena Domina attribuée A Flavius, en 580 évoque de ChAlons; et certainement pour son Lauda Sion il s'était servi du Laudes crucis altollamus, plus ancien d'un siècle. L'hymne de Flavius n'est pas sans intérêt; en voici les quatre premières strophes :

Tellus ac aethera jubilent In magni coena Princlpis, Qui protoplasti pectora Vitae purgavit ferculo : — Tellus ac aethera jubilent In magni coena Principis.

LE LATIN MYSTIQUE 247

Hao noctefactor omnium Potentls ao mystorll Carnem suam cum sanguine In oscam transfert anlmae : — Qui protoplastl pectora Vitao purgavit forculo.

A cuisis surgens dapibus Praebet formam mortalibus, Humilitatis gratiA Pétri petens vestigia ; — Tellus ac aethera jubilent In magni coena Principis.

Pallet sorvus obsequio Cum angelorum Dominum Ferendo lympham et linteum Cernit coeno procumbere, — Qui protoplasti pectora Vitae purgavit ferculo.

(Que la terro et le ciel se réjouissent en la cène du très haut Prince, qui purifia le coeur do sa créature avec le pain de vie : — quo la terre et le ciel se réjouissent en la cène du très haut Prince — Ce soir, l'universel créateur, l'instauraleur du grand mystère, a changé sa chair et son sang en nourriture spirituelle ; — il purifie le coeur de sa créature avec le pain de vie — Délaissant les agapes célestes, il apparaît sous une forme visible et, par la grAco de l'humilité, il se baisse vers les pieds de Pierre : — que la terre et le ciel se réjouissent en la cène du très haut Prince — Lo serviteur pAHtde respect lorsqu'il voit le Seigneur des anges, portant l'aiguière et les linges, se pencher vers l'ordure, — lui qui purifia le coeur de sa créature avec le pain de vie)

Plus tard, bien après saint Thomas d'Aquin, un moine allemand du XYC siècle, Ulrich SlOcklins de Rothch exprima douloureusement sous le pressoir de la croix et le sang de Jésus

248 l.E LATIN MYSTIQUE

et lo vin do la vigne ; c'est en un do ces infinis rosaires voués A la Mère do Dieu :

Qui botrus oxprimitur In crucis torculari, Quo vinum conflcitur Calicis praeclari.

(Grappe expriméo sous lo pressoir du calvaire, grappe d'où sort lo vin uniquo du calice.) Et un autre rosairo du mémo poète redit encore :

Qui do coeli vinea Botrus est egressus Ac per torcularia Crucis fuit pressus.

(Grappe de la céleste vigne jetée pour êlre écrasée sous le pressoir do la Croix.)

Cette métaphore, enviable môme par le grand poète eucharistique, n'appartient pas exclusivement A l'imagination de Roltach ; la plupart des écrivains mystiques l'ont esquissée,en se souvenant du biblique sang de la vigne, de la grappe d'Engaddi et des paroles do Jésus, suivant saint Jean; Pierre Damien avait môme proféré, s'adressant A la Vierge :

Ex te botrus egreditur Qui crucis prelo pressus Vino rigat arentes Sancti Spiritus mentes.

D'où qu'elle vienne, elle est admirable et méritait d'être ici consignée.

A propos du Lauda Sion, il faut noter que la strophe de six vers, telle qu'elle domine en celte prose, semble avoir été créée, du moins très perfectionnée par Adam de Saint-Victor, qui en donne le type dans son Heri mundus exultavit ; on la retrouve un peu plus tard dans le Stabat mater, où son rhythme brisé devient l'expression définitive de la douleur.

LE LATIN MYSTIQUE 240

Au commencement du xv* siècle en co mémo monastère où avait vécu Adam, un chonoino régulier, nommé Henricus Pistor, inséra dans cetto formo son élogo do saint Jean-Baptiste; il imito, non sans un certain talent d'arrangeur do mots, A la fois Adam et Thomas d'Aquin : « 0 lampo où lalumièro est lo verbo do Dieu, conduis-nous vers les luminaires éternels : Quo vers lo port hors do cetto mer ; quo vers la joio, hors de co deuil, ta grAco nous dirige enfin ! »

0 lucerna verbi Dei

Ad coelestis nos diei

Perdue luminaria :

Nos ad portum ex hoc tluctu,

Nos ad risum ex hoc luctu

Tua trahat gratia !

LAT. MYST. 16

XVI

Innocent III. — La poésie franciscaine. —S. Bonaventure— P/iiiomena. — L'Horloge de la Passion. — Symbolisme du Lion. — Les quatre Figures de Jésus-Christ. — Les Christs h tête de lion. — Lo Jlecordare sanctae crucis.

— L'Arbre-Croix, — Le Psalterium B. Mariae Virginis.

— Le Sub tuum praesidium. — Adeste, fidèles. — Le Ptanctus de Ghristo.

XVI. — INNOCENT III ET SAINT BONAVENTURE

Il y eut des papes de toutes sortes ; il y en eut d'humbles et de hauts, de médiocres et de bas, de mondes et de sordides; il y en eut de simoniaques, comme Léon X ; il y en eut de satanisanls, comme Grégoire VI et Benoist IX ; il y en eut de très grands, comme Grégoire I" et Grégoire VII, imperalors absolus des Ames ; de très piteux, comme Adrien VI ; il y en eut un exquis et pur entre tous, probe et doux, fort et pieux, doué d'intelligence et do grAce, de science et de poésie : Innocent III. Tel qu'un poème, par la plénitude rythmitique du style son traité De contemptu mundi se développe selon la noble tristesse des coeurs mystiques ; et dans ses vers c'est la tendresse amoureuse de saint François d'Assise, sertie ainsi qu'une précieuse gemme en de fines orfèvreries. Telle, sa prose pour la fôte do l'Assomption :

Ave, mundi spes, Maria, Ave, mitis, ave, pia, Ave, plena gratiA. Ave, virgo singularis Quae per rubum designaris Non passum incendia.

Ave, rosa speciosa, Ave, Jesse virgula Cujus fructus nostrl luctus Relaxavit vincula...

Ave, virglnum lucema Per quam fulsit lux superna. His quos umbra tenuit... Ave, gemma, coell luminarium, Ave, Sancti Spiritus sacrarium...

0 quam sancta, quam serena, Quam benigna, quam amena Esse virgo credltur,

254 LE LATIN MYSTIQUE

Per quam servitus finitur, Porta coeli aperitur Et libertas reddltur.

0 Castitatis lilium, Tuuni praecare filium Qui salus es humilium, Ne nos pro nostro vitio Inilebili judicio Subjiciat supplicio :

Sed nos tuA sanctA precc, Mundans a peccati feco, Collocet in luéis domo : Amen dicat omnis homo.

(Salut, espoir du monde, Marie; salut, douceur; salut, piété, salut, pleine de grAce Salut, vierge singulière, signification du buisson qui brûle sans se consumer. — Salut, rose spécieuse, salut tige de Jessé, dont le fruit a brisé les chaînes de notre désolation... — Salut, lampe des vierges, par qui fut allumée la lumière supérieure pour ceux que détenaient les ombres... — Salut, gemme, luminaire du ciel, salut, tabernacle de l'Esprit Saint... —Oh! combien sainte et sereine, et benoilo et amène esl.celte Vierge, par qui fut clos notre esclavage, ouverte la porte du ciel, par qui nous fut rendue notre liberté. — 0 lys de chasteté, daigne prier ton fils, qui est le sulut des humbles, quo pour nos péchés, au jour du rigoureux jugement, il no nous .soumelto A l'éternel supplice : — Mais, par ta sainto prière qui nous lave des fèces du péché, qu'il nous installe en la maison do lumièro : quo toutes les bouches disent amen.) *

Saint Bonaventuro, mort en 1274, est commo un autre saint Bernard,, mais plus humble et plus doux, né en des temps religieux profondément différenciés du précédent siècle par l'avènement de saint François d'Assise Nul homme depuis saint Paul n'influença autant l'orientation de l'esprit humain que lo fondateur des Frères Mineurs : une poésie

LE LATIN MYSTIQUE 233

nouvelle, un art nouveau, une religion renouvelée, s'irradiant de l'humble couvent de la Portioncule, régnent dans le monde chrétien depuis vers l'an 1210 jusqu'A celle époque indécise que l'on dénomme la Renaissance et qui fut l'un des reculs" les plus mémorables en l'histoire de la civilisation.

La poésie franciscaine de langue italienne et dialectale, Ozanam, en un admirable livre, l'étudia : qu'il y soit donné ici un supplément — que compléteront les deux derniers chapitres du présent travail — en ce qui se réfère A la poésie latine.

Poème écrit en strophes monorimes, quatre vers de treize syllabes, la Philomena de saint Bonavenlure est l'histoire mystique do l'Ame pour qui la vie, pas plus longue qu'une ordinaire journée, s'écoule représentative, en chacune de ses heures, des phases de la vie de Jésus Dieu et Homme. L'auroro, c'est la création; prime, l'incarnation du Chrisl; tierce, sa vie publique; sexte, la passion; none, la mort; vêpres, la sépulture :

Sextam quum a perûdis voluit ligari, Trahi, caedi, conspui, dire cruciari, Crucifigi, denique clavis terebrari Caputque sanctissimum spinis coronari.

Nonam die quum moritur, quando consummatus Cursus est certaminis, quando superatus Est omnino zabolus, et hinc conturbatus. Vespera quum Christus est sepulturae datus.

Diem istum anima meditansin hortls, Suae facit terminum spiritalis mortis, Scandons crucis arborem, in quA leo fortis Vicl.t adversarlum, fractis portis mortis.

Statim cordis organa sursum elevando Suum a diluculo cantum ihehoando, Laudat et glorlûcat Deum, repllcando . Sibi quam mlriûcus fuit hano creando...

256 LE LATIN MYSTIQUE

(Sexte, c'est quand, par des perfides, il voulut être lié, trahi, flagellé, conspué, cruellement déchiré, crucifié, enfin transpercé de clous, et sa très sainte tôle couronnée c opines. — None, c'est quand il meurt, quand se consomme enfin la carrière et la lutte, quand le diable est tout A fait vaincu et culbuté. Les vêpres, c'est quand le Christ reçoit la sépulture — Méditant au jardin sur cette journée, l'Ame y trouve le terme de sa mort symbolique, elle vole sur l'arbre de la croix, où le très fort Lion a vaincu l'Adversaire et brise les portes do la mort. — Aussitôt, élevant vers le ciel la voix de son coeur, inaugurant ses chants dès le crépuscule, elle loue et glorifie Dieu et se répète combien il fut munificent en lui donnant la vie.)

Ce poème, en sa forme surélevée, rappelle les anciennes Horloges de la passion, où les heures canoniales symbolisent chacune des phases de la longuo agonie du Christ. En voici une, réduite au premier vers do chaque strophe; le texte semble du xtv* siècle; on y a joint uno ancienne traduction française, teintée de dialecte normand :

Hora prima ductus est Jésus ad Pilatum.

(A houre de Prime devant Pilât Crist estoit mené.)

« Crucifiée ! » clamitant hora tertiarum.

(A houre de Tierce crient : « Soit A la crois attaché! »)

Jesu hora sexta est cruel conclavatus.

(A houre de Sexte le meyns à la crois sount encloce.)

Hora nona dominus Jesu expiravlt.

(A houre de Noune Jhesu de cestè vie est trépassée.)

De cruce deponitur hora vespertina.

(A houre de vespres le cors Crlst do la crois est oustée.)

Hora completorii datur sepulturae.

(A houro dereyne de complye le cors est enterée.)

Les horloges de la passion (il y en eut un grand nombre)

LE LATIN MYSTIQUE 257

sont une des plus ingénieuses conceptions du moyen Age : saint Ambroise, en ses hymnes pour les heures canoniales, ne s'était point préoccupé de telles concordances. C'est évidemment là l'origine des chemins de la croix, pratique peu ancienne sous sa forme actuelle.

Scandens crucis arborem,in quA Léo fortis Vicit Adversarium...

Est-il inutile de noter que le Lion qui a vaincu sur la croix l'Adversaire, c'est Jésus-Christ, pendant tout le moyen Age ainsi symbolisé? Cette signification mystique, empruntée A l'Apocalypse (V. 5), devient, dans les auteurs populaires, purement matérielle et de superstition; confondu alors, soit avec le léopard, soit avec la panthère, le lion n'a plus que des effets de magie : « Pendu ou cloué A un arbre, disent les Gesta lîomanorum, la panthère fait fuir le Dragon (le Diable) qui dévorait les Ames. » Dans un Évangéliairc du xi' siècle, écrit au monastère de Luxeuil, une 1res curieuse explication est donnée de l'origine de cette assimilation symbolique de Jésus au Lion :

Convenit omnimodis Christo natura Leonis, Cujus ad occursum timet omnis turba ferarum... Non oculos claudit cum membris somnia tradit : Sic, caro cum Christi requievit in ore sepulchri, Spiritus infernum vigilans confregeret imum.

(Convient de toutes manières au Christ la nature du lion, A la venue duquel tremble le troupeau entier des fauves... Le lion ne ferme pas les yeux lorsqu'il livre ses membres au sommeil : ainsi lorsque la chair du Christ reposa en la gueulo du sépulcre, son esprit qui veillait alla briser les enfers inférieurs,..)

On a vu, principalement dans les séquontiaires, le presque infini nombre do noms donnés A la Trinité et A Jésus-Christ; quatre sont typiques et représentatifs î Homme, Boeuf, Lion,

258 LE LATLV MYSTIQUE

Aigle; Saint Jérôme, commentant saint Marc, précise ce mystique quaternaire : Homme par la naissance, Boeuf par la mort, Lion par la résurrection, Aigle par l'ascension. — Homo nascendo, Vitulus moriendo, Léo rcsurgendo, Aquila ascendo. » Et de ces quatre symboles aucun n'est plus fréquent que le troisième qui souvent synthétise tous les autres : Anastase le Bibliothécaire décrivant une miniaturo de la Crucifixion, note : « Signum Christi habet historiam in modum leonis incapillatam. — L'image du Christ a une figure de lion avec une crinière. » Il faut d'ailleurs le répéter : la symbolique chrétienne, toujours abstruse et confuse, est aujourd'hui fermée, presque, A peu près indéchiffrable. Comment expliquer, si le Lion est la représentation deJé.;us-Christ,que Sedulius, au cinquième siècle, il est vrai, ait pu dire, dans son hymne, A solis ortus cardine :

Zelum draconis invidi Et os leonis pessimi Calcavit unicus Dei, Seseque coelis reddidit.

(La jalousie du dragon envieux et la figure du lion très mauvais, le Fils unique les écrasa, puis au ciel il so rendit. )

Une seule réponse est possible, c'est qu'il y a eu autant de symboliques que d'époques, qu'elles ont varié avec les. temps, les pays, les hommes; le symbole est un langage secret qui perd toute valeur dès qu'on en met la clef aux mains des profanes : — ainsi de toute science et de tout art, de toute beauté et de toute originalité.

Achevant la lecture du Philomena, on y recueille do précieuses notes sur l'Ame môme du poète. Le voici en extase; la vision du Christ mourant l'excite à des désirs de mort, en un abandon de tout autre désir : « Alors l'Ame, plus énamourée et plus fervescente, défaille toute, et la voilà toute labescente. Elle ne peut' plus parler, à peine, mais croissant en passion, elle finit par tomber sur son lit, en grando langueur.

LE LATIN MYSTIQUE 259

— L'organe de son amoureuse voix s'est brisé, sa langue palpite encore, elle ne peut plus parler, ses paroles sont des larmes, son coeur blessé se lamente sur les souffrances du Seigneur. — Et si étroitement le Seigneur l'a fascinée qu'elle se croit en la contemplation du Bien-Aimé mourant : ses regards restent fixés sur la croix, et partout où ses yeux regardent, elle voit son amour. — Gémissements, soupirs, larmes, lamentations, tels sont ses délices, sa nourriture, ses aliments, et ainsi son martyre est incessamment renouvelé, et les douleurs qui la font vivre augmentent sa douleur. — En cet état elle méprise tout ce qui est lerréslrc et les consolations du monde lui semblent empoisonnées : A none, elle meurt tout A fait : la force de l'amour a rompu le dernier fil.

— Car, lorsqu'elle so souvient qu'A la neuvième heure le Christ, en expirant, murmura : « Tout est consommé », elle jette un cri comme si ce cri était entré dans son coeur et l'avait lacéré, et comme le Christ, la voilA morte... — Salut, Ame très douce, salut, très douce rose, lis des vallées, gemme précieuse, à qui la chair ne fut rien qu'une fétidité méprisée, que ta fin est heureuse et précieuse la mort! — Heureuse, qui jouis enfin du repos désiré, entre les bras de l'Époux doucement assoupie, et à son esprit fermement unie, et qui de ses lèvres reçois des baisers de miel. »

Post haec dulcis anima plus et plus feryescens Sensu toto déficit, corpore tabescens. Jam vix loqui sufûclt, sed affectu crescens Suo lecto decubat utpote languescens.

Ergo dulcis gutturis organo quassato Lingua tantum palpitât, sonitu sublato ; Sed pro verbis pia mens fletu compensato, Lamentatur Dominum corde sauciato.

Sic est autem animus illius illectus, Quasi ei praesens sit moriens dilectus, Et a cruce minime retrahlt aspeotus, Quia ibi est oculus, ubl est afféetus.

260 LE LATIN MYSTIQUE

Gemitus, suspiria, lacrymae, lamenta Sibi sunt deliciae, cibus, alimenta, Quibus nova martyr est intérim inventa, Sic suo martyrio praebent incrementa.

In hoc statu respuit quod est terrenum Mundique solatium reputat venenum ; Sed ad nonam veniens moritur ad plénum, Quum amoris impetus carnis rumpitfllum.

Nam quum « consummatum est » recolit clamasse HorA nonA Dominum, et sic expirasse, Quasi simul moriens clamât penetrAsse Vocem istam suum cor atque lacerAsse...

Eia, dulcis anima, eia, dulcis rosa, Lilium convallium, gemma pretiosa, Cul carnitas foedilas extitit exosa, Félix tuus exitus morsque pretiosa !

Félix quae jam frueris requiete cupitA. Inter sponsi brachia dulciter sopita, Ejusque spiritui flrmiter unita, Ab eodem percipis oscula mellita!

Après cet hymne A la Mort délivrante, saint Bonaventure, assuré de ne plus aimer la vie, se prit d'amour pour la souffrance et il voulut so délecter aux pieds du Christ en une très haute et très noble plainte; c'est lo Laudismus de S. Cruce :

Recordare sanctae Crucis Qui perfectam vitam ducis Delectare ju gîter. Sanctae Crucis recordare Et in ipsA meditare Insatiabiliter.

(Souvenez-vous sans cesse de la sainlo Croix, vous qui espérez en les éternelles joies do la vie bienheureuse Do la sainte

LE LATIN MYSTIQUE 2GI

Croix souvenez-vous sans cesse, et méditez sur elle insaliablement.) Il multiplie les appellations et les accumule :

Crux est navis, crux est portus, Crux deliciarum hortus In quo llorent omnia : Crux est fortis armatura Et protectio secura Conterens daemonia

(La croix est lo navire, la croix est le port, la croix est ' le jardin des délices, le jardin de toutes les floraisons : la croix est la solide armure et la protection sûre qui préserve des démons.)

Puis, comme en l'hymne de Claudien Mamcrl, la croix s'érige tel quo l'arbre fécond et protecteur ; c'est l'arbre portrait en do vieux missels, l'arbre dont les branches recourbées portent lié et troué le Christ, tandis quo des oiseaux, — nous tous — ont cherché sous les feuilles un coin do repos, en attendant la Résurrection qu'un phénix éployé signifie :

Crux est arbor decorata, Christi sanguine sacrata, Cunctis plena fructibus...

(La croix est un arbre de beauté; sacré par le sang du Christ, il est plein do tous les fruits...) Mais l'arbre salutifero porte un agonisant :

Cujus oculi beat! Sunt in cruce obscurati Et vultus oxpalluit. Suo corpori tuno nudo Non remansit pulchritudo, Décor omnis aufugit.

(Les yeux bénis du Christ sur lu croix se sont obscurcis cl

2G2 LE LATIN MYSTIQUE

son visage a pâli : A son corps maintenant nu, la beauté n'est pas restée, toute la grAce humaine est partie)

Et, comme le précédent poème, saint Bonaventure termine son ode au Crucifié par l'aveu de ses désirs, toujours tels en leur permanence : « Souffrir avec Jésus sur la croix ».

Tecum volo vulnerari.

Plus original que les Laudes B. M. V., poème traduit par P. Corneille, en vers dont quelquesruns sont heureux, redisant moins toujours la môme chose, nous séduit le Psalterium Beatae Mariae Virginis, auctore seraphico Doctore S. Bonaventura, ord. Minorum. C'est un petit livre d'heures que saint Bonaventure rédigea en entier « ingénieusement, dit une préface, A l'imitation du Psautier do David » : cent cinquante psaumes dont les premiers mots sont empruntés au texte biblique et qui célèbrent la Vierge en une série de charmants poèmes en prose Psaume XXIII :

c Domini est terra, et plenitudo cjus : tu autem sanctissima Mater ejus, cum eo régnas in aeternum.

Gloriam et decorem induistl : omnis lapis pretiosus est amictus et operimentum tuum.

Splendor solls super caput tuum : et lunaris pulchritudo sub pedibustuis.

' Sydera micantia ornant sedile tuum : astra te glorlûcant, à stella matutlna.;

Mémento nostri, Domina, in beneplacito tuo : et mo nos dlgnos gloriûcandi nomen tuum.

Gloria tibi sit orphanorum Mater; fac nobis benevolus sut omnipotens Pater. »

(La terre est au Seigneur et su plénitude lui appartient: mais toi, sa très sainte Mère, tu règnes avec lui en l'éternité.

Tu as revôtu la gloire et la beauté : et la grAce do la lune ■ost sous tes pieds.

LE LATIN MYSTIQUE 263

Les étincelants astres adornent ton trône : les astres le glorifient, 6 matulinale Étoile

Souviens-toi de nous, Reine, selon ton bon plaisir : et rendsnous dignes de glorifier ton nom.

Gloire A toi, Mère des orphelins ; fais que nous soit bénévole le Père omnipotent.)

De cet opuscule une antiphone a été gardée par la liturgie le Subtuum praesidium. Saint Bonaventure, en son culte spécial pour la Mère de Dieu, fut l'initiateur doYAngelus :ce litre de gloire est authcntiquemcnt consigné dans les Actes de sa canonisation.

Adeste, Fidèles!

Quand nous serons enfants de choeur, — bientôt, —

Nous aurons des robes écarlates

Et nous génufléchirons en tenant la chapo

Des grands vieillards sacerdotaux

Dont les paroles latines

Montent vers le petit Jésus

Qui sourit, les bras tendus,

Dans les chapelles byzantines.

Alléluia.

La prose de la nativité — qui me suggère le souvenir de ces vers do Louis Denise — est parfois attribuée A saint Bonaventure :

Adeste, fidèles, Laetl, triumphantes...

Elle est sans doute beaucoup moins ancienne. Plus réellement lui appartient lo Planctus de Christo,

0 crux salviûous...

Ce sont des strophes, en forme do litanies, qui ont quelque parenté, quoique moins typiques, avec les Litanies de grande

204 LE LATIN MYSTIQUE

consolation, qui furent plus haut citées. On y trouve des invocations d'une langue singulière, telles que :

Jesu concisus alapis, Jesu colaphizatus.

Jesu punctus aculeis Jesu dire ligatus...

(Jésus déchiré de soufflets, Jésus assailli de coups. — Jésus poigne d'épines, Jésus lié cruellement...)

Ici finit l'esquisse de saint Bonaventure, le poète des larmes mystiques.

XV11

Le Cycle anonyme de la Vierge. — Le Jardin de Marie — Séquence dialoguéc. — Le Lamentum lacrymabile, la Séquentiel contra Tttrcas et les Complaintes de Rutebeuf.

— Chronologie de quelques proses anonymes. — VAve, virgo singularis. — Vlnviolata. — Le Hac clara die turma festiva. — Les multiples symboles do Marie. — Les Caniiones Bohemicae et Ulrich Stocklins de Rotlach.

— Métaphores et antithèses touchant la Vierge-Mère. — Comparaisons avec les hymnaircs grecs, Côme de Jérusalem, Théophane, Joseph l'hymnographe. — Discussions théologiques sur le rôle de l'Esprit Saint dans l'Incarnation. — La formule Sine virile semble. — Chasteté du latin mystique.

LAT. MY8T. 17

XVII. — LE CYCLE ANONYME DE LA VIERGE

Die, paraphonista, Cum mera symphonia, Tuba et canora, Palinodias canta...

« Dis-nous, paraphoniste, d'allègres symphonies, [chante, avec les trompettes éclatantes, des séquences nouvelles... »

C'est pour la nativité de la Vierge qu'un moine réclame des chantres un soin spécial, les prie d'aller bien en mesure et d'accord avec les trompettes, sans doute les orgues, d'interpréter avec recueillement sa musique nouvelle sur de nouvelles paroles. Et, en la chapelle assombrie do vitraux de quelque vieux cloître (selon la notation do Laurent Tailhade) :

L'orgue éployant le vol clair des antiphonaires Môle aux séquences des préchantres ses tonnerres...

Entre dix séquences, il y en a une en l'honneur do Marie. Co cycle, pour une grande part anonyme, ce jardin, plutôt, so fleurissait sans relAchc, d'épanouissements charmants ou bizarres, capricieux ou exquis, adorables ou saugrenus. Un inconnu explique par uno bien étrange comparaison, comment dans la chair de Jésus enfant demeure occulte la divinité : « En prenant forme humaine la divinité demeuio immuable, et c'est l'humanité qui est glorifiée en Dieu. Ainsi la mortalité voile l'hameçon do la divinité ; ainsi du vorace Léviathan la voracité est déjouée : il ouvre la gueule pour engloutir l'appAt, mais c'est lui qui va ôlre pris et mangé... »

Co n'est pas d'une indéniable clarté ; voici lo latin :

Neo mutatur dum assumit Hominem dWinitas Sed assumpta gloriatur In Deum humanitas.

268 LE LATIN MYSTIQUE

Sic hamum divinitatis Occultât mortalitas. Sic voracis leviathan Luditur voracitas,

Qui dum capit glutiendum Nostri vermen generis Ipse captus inescatur.

Une autre prose dédiée A la Vierge, le Surgit radix Jesse, était un,chant dialogué entre le choeur et, dit le texte, « trois écoliers doués de voix puissantes. »

CHORUS :

Die, Maria, quando scisti Te electam matrem Christi ?

TRÈS SCHOLARES BENE VOCIFERATI :

Vidi virum vultu blando Sic intrantem, non laxando Seras suis manibus.

Mais pourquoi fallait-il que les réponses de Mario fussent proférées par trois bons vociférateurs ?

Très anciennement, elle fut invoquée contre les Sarrasins, les Arabes, les Turcs, « gent impitoyable, ennemis cruels, adversaires do la croix, gent perfide, pleine do dol, polluée par de profanes rites, plongée on un lac de crimes, sordide, souillée do fèces et do fango », — comme il est dit dans le Lamentum lacrymabile inspiré par la prise do Jérusalem en 1097 :

Vos Sarraceni, gens impvoba, saevior hostts, Vos Arabes, Turci, genus inimica crucis, Perlida, plena dolo, ritu polluta profano, Mersa lacu scelcrum, sordtda fece, luto...

La prose insérée A la messo do l'Office du Saint-Rosaire témoigne de la puissance de Marie A refréner lo double Monstre, l'Infidèle et l'Hérétique : « Par sa faveur fut trucidé lo

LE LATIN MYSTIQUE 269

double rîionstre maléficieux : le Turc impie est vaincu, tombe la gent hérétique »

Ipsa favente, coeditur Monstrum duplex maleficum : Impius turca vincitur, Cadit genus haereticuin.

Elle ne daigna, cependant, s'opposer A la prise de Constanlinople, qui fut pour les derniers séquentiaires un sujet où la prose se fait complainte Innégligeable parmi les singularités liturgiques, la Sequentia contra Turcas qui date de vers 1453. (Donc, moins ancienne d'un siècle que la Complainte de Constantinople, où Rutebeuf crie déjA : « Constantinoble est perdue », et : « Sainte Yglisc est éperdue ; » quo la Complainte d'Outre-mer, où il déplore la lAcheté des Chrétiens A ne pas aller sauver le tombeau du Christ ; lo Christ, au jour du Jugement, leur en demandera compte :

Tornoieor, vous que direz

Qui au jor du juyse irez ?

Devant Dieu que porrez respondre ?

Car lors no se porront répondre

Ne gent clergies, no gent laies,

Et Diex vous montrera ses plaies I

Se il vous demande la terre

Où por vous vout la mort soufferre,

Que direz vous ? — Je ne sais qoi. —

Ll plus hardi seront si qoi

C'on les porroit penro A la main :

Et nous n'avons point de demain

Quar 11 termes vient et aproucho

Quo la mort nous clorra la bouche.

Ha I Antioche, terre sainte,

Com cl a dolereuse plainte

Quant tu n'as mes nus Godefroiz !

Li feus de charité est froiz

Eu chascun cuer de crestien..,)

Elle était chantée dans les messes votives contro les païens,

270 LE LATIN MYSTIQUE

afin que Dieu préservât les fidèles de la rage des Turcs, a Turcarum rabie. Ils ont commis mille crimes; énuméralion : déprédé les églises, ravi les vases sacrés, égorgé les prêtres, exhumé les os bienheureux des saints, jetés aux chiens. « Ils ont défloré sur les autels et dévasté les vierges pudiques, chères A Dieu ; les murs où le Christ avec sa mère était en peinture, ils les ont délavés incontinent. Il ont chassé tous les saints, cl les cloches et les chaires, ils les ont données au silence. »

Deflorarunt inter aras Et vastarunt Deo caras Et pudicas virgines : Parietes ubi Christus Cum sua matre erat pictus Deleverunt continuo. . Deturbarunt sanctos omnes, Et campanas et ambones Dederunt silentio.

Mais co sont 1A des curiosités. Plus intéressantes, les hymnes et proses en un latin moins fané, quo des anonymes, A partir du xi° siècle, insérèrent dans l'antiphonairo spécial de la Vierge :

0 quam gloriflcA luce coruscas, Stirpis Davidicae regia proies, Sublimis residens Virgo Maria Supra coeligenas aetheris omnes I

(Oh ! do quelle glorifiante lumière lu resplendis, tige royale émergée do la souche de David, toi qui résides, Vierge Marie, dans les éthers supérieurs et qui règnes sur tous les cocligènes.)

Du xie siècle encore le Gaude visceribus mater in intimis, et du xn« cette charmante paraphVaso do la Salutation :

Ave Maria, gratlA plena, Dominus tecum, virgo serena.

LE LATIN MYSTIQUE 271

En descendant d'Age en Age, selon une chronologie, 'peutêtre bien incertaine, on trouve :

Ave, virgo gfatiosa, Mater Dei gloriosa, FP.VO mellis dulcior, Rubicunda plus quam rosa, Lilio candidior.

"(Salut, Vierge très gracieuse, étoile plus que le soleil lumineuse, mère glorieuse do Dieu, douco plus qu'un rayon de miel, rubiconde plus qu'une rose, et blanche plus que le lis.) Ou encore, le très beau poème qui commence ainsi :

Salve, mater salvatoris, Vas electum creatoris, Decus coeli civium : Salve, virgo benedicta Per quam terra maledicta Meruit remedium.

Salve mundi lux et vita, Pretiosa margarita Per quam mors occiditur : Salve mater gloriosi Per quam caput venenosi Serpentis conteritur...

(Salut, ô mèro du Sauveur, vase élu par le créateur, joie du peuple d'en haut : Salut, Vierge de bénédiction par qui la terre maudite a mérité son remède — Salut ô vio et lumière du monde, perle très précieuse, par qui fut empoisonnée la Mort : Salut, mère du Glorieux, par qui la této du venimeux serpent fut écrasée...)

Dans uno forme analogue mais plus ample encore, quelque moine de Saint-Qall érigea la merveilleuse séquence, De Assomptions, disparue du missel :

Ave, virgo singularis, Mater nostri salutarls,

272 LE LATIN MYSTIQUE

Quae vocaris Stella maris, Stella non erratica : Nos in hujus vitae mari Non permette naufragari Sed pro nobis salutari Tuo semper supplica...

Tu perfusa coeli rore, Castitatis salvo flore, Novum florem novo more Protulisti saeculo : Verbum patri coaequale Corpus intrans virginale Fit pro nobis corporale Sub ventris umberaculo.

Jésus, sacri ventri fructus, Nobis inter mundi fluctus Sis via dux et conductus Liber ad coelestia : Tene clavum, rege navem, Tu procellam sednns gravem Portum nobis da suavem Pro tua clementia.

(Salut, vierge souveraine et mère de notre salut, toi qu'on appelle étoile de la mer, étoile pas vagabonde : En celle mer de la vie, no nous laisse pas faire naufrage, mais au nom de ton salut, no cesse pas de prier pour nous. — Imprégnée de la rosée du ciel, sauve la fleur de ta chasteté, tu'donneras au siècle, par un moyen nouveau, une fleur nouvello : Le verbe coégal au Père, entrant dans ton corps virginal, y devient pour nous, corporel, sous l'ombre de ton ventre. — Jésus lo fruit du ventre sacré, parmi les fluctuations du monde, sois nôtre chef et noire guide vers l'éternité : Tiens lo gouvernail, régis la nef, et apaisant la lourde tempête, conduis-nous au port do suavité, par ta clémence)

VInviolata, comme tant d'autres chefs-d'oeuvre liturgiques, est encore une épave où lo nom do l'auteur fut ciïacé par les

LE LATIN MYSTIQUE 273

vagues séculaires. Ce sont des vers bien exquis et comme en rêve et comme en fait Albert Samain :

Des vers silencieux, et sans rythme et sans trame, Où la rime sans bruit glisse comme une rame.

Inviolata, intégra et casta es Maria, Quae es effecta fulgida coeli porta. O Mater aima, Christo carissima, Suscipe pia laudum praeconia Nostra ut pura pectora sint et corpora : Te nuno flagitant devota corda et ora. Tua per precata dulcisona Nobis concédas veniam per saecula, O benigna, o benîgna, o benigna Quae sola inviolata permansisti.

(Inviolée, intègre et chaste, Marie, toi qui devins la fulgidc porte du ciel. O noblo mère, très chère au Chrisl, accepto la clameur de nos louages dévotes afin que purs soient nos coeurs et nos corps : telle est la supplication dont nous voulons pieusement t'importuner. Que par l'agréable musique do tes prières maternelles, le pardon nous soit pour l'éternité concédé, ô très douce, ô très douce, ô très douce, et la seule inviolée)

Au même système d'assonnances monophones appartient la prose Bac clara die, qui jadis fuisail partie de la liturgie spéciale de Sainl-Sévorin :

Hac clara dio turma festiva dat praeconia,

Mariam concrepando simphonia nectarea :

Mundi Domina quao es sola castissima virginum reglna,

Salutis causa, vitae porta, atquo coeli referta gratia :

Nam ad illam sic nuntia olim facta angelica :

Ave Maria gratia Del plena per saecula,

Mulierum pia agmina intra semper benedlcta;

Virgo et gravida mater intacta proie gloriosa.

Cui contra Maria haeo reddit foeniina :

In me quomodo tua jam lient nuntia,

Viri novi nullam certe copulam

274 LE LATIN MYSTIQUE '

Ex quo atque nata sum incorrupta.

Diva missus ita reddit aflata :

Flatu sacro plena fies Maria,

Nova aiïerens gaudia coelo, terrae nati per exordia,

Intra tui uteri claustra portans qui gubernat aethera,

Omnia qui dat tempora paciflca.

Amen.

Les qualifications sont immobrablcs dont, en les séquences, on gratifie la Vierge; il yen a, devenues banales, qui mémo en ce temps l'étaient; d'autres expriment un réel effort d'imagination et d'amour.

Surgis et virguncula Et ut saliuncula Inchoata...

« Tu surgis et to voilA, ptrecletfo, pareille A un brin de lavande A peine en fleur...)

Elle est ; un puits d'honnêteté, puteus honestalis; un très doux gAteau de charité, favus dulcis charitatis; uno gemme noble et rare, gemma potens et nobilis; lo miroir de la Trinité, Trinitatis spéculum} plus précieuse quo l'or fin, plusobryzo pretiosa; la cellule du verbe, cella verbi; lux eclypsim nesciens, la lumière sans éclipse; baume 1res pur, opobalsamum; cella plena vino mero, la cave pleine d'un vin do joio; et son Jésus devient, en toute sainte mignardise, uno grappo do Chypre une branche do myrte,

Ille Cyprl botrus, Myrrae fasciculùs.

Elle est encore, pèle-môle, le candélabre A sept branches ; la toison de Oédéon, toison do brebis et non de chèvre, où so refuserait A descendre la pluie qui arroso lo Juste, A cause do l'inchastetô de cet animal; — lo lit do la pudeur, thalamus pudoris; la fontaine de l'édulcoralion sacrée, sacrifons dulcoris; lo halo éthéré,/uftar aethereum; la lanterne du siècle, lucema saeculi; la cour royale, aula regalis; lu porto de

LE LATIN MYSTIQUE 27î>

cristal, porta chrystallina; l'officine du Pain vivant, vivi panis offlcina, — c'est-A-dire que son ventre est la boulangerie où s'élabora Jésus Christ, le pain éternel; la tour de guerre, par laquelle lo hommes sont entrés dans la Cité définitive, turris per quam transit gens (cette image se trouve en les Cantiones Bohemicae) ; conque pleine de la rosée céleste de la grâce, concha roris coelestis gratiae. Si nous sortons un peu des anonymes, co sera pour noter les spécieuses métaphores dont la voile le poète allemand du xv° siècle, Ulrich StOcklins de Rottach :

Vitae pabulum, Pauperis umbraculum, Radix pudlcitiae, Gratiae pincerna, Veniae lucerna, Turtur nubilis, Virgo columbina !

(Paturo vitale, parasol des pauvres, racine de la pudicilé, échanson do la grAce, lanterne de l'absolution, tourterelle nubile, ô Vierge colombine!)

On trouve encore dans Rottach cette imago très ancienne qu'il affectionne : Summi régis triclinium, et Trinitatis triclinium co qui revient A dénommer la Vierge : Salle de festin du roi suprême, salle de festin où s'ultablc la Trinité I

El on allongerait indéfiniment celle liste de symboles si l'on voulait dépouiller tous les Jardins, tous les Rosaires, tous les Anneaux, tous les Chapeaux cl Chapelets mystiques consacrés, selon un amour presque désordonné, A la Mère du Chrisl.

Elle inspire des jeux do mots tout philosophiques et presque galants, allilératifs et cadencés :

Sic flos llori placuisti, Pietatis gratia : Verbum verbo concepisti Rcgom regum peporisti Virgo viri nescia...

276 LE LATIN MYSTIQUE

(Ainsi, fleur, tu plus A la fleur, par la grAce de la piété : par le verbe tu as conçu le verbe; le roi des rois tu enfantas, vierge du mâle insciente.. »

Castitatis in tenorem Plasma gignit plasmatorem, Virgo parit amatorem, Lactat patrem filia....

« En teneur de chas'eté, la forme engendre son formateur; la vierge enfante son amant; la fille allaite son père... »

Triste fuit in Eva vae Sed ex Eva format ave Versa vice, sed non prave, Intus ferens in conclave Verbum bonum et suave. Nobis mater virgo favo Tua frui gratia.

Jeu de mots intraduisible sur ce quo Eva signifiait vae (malheur), mais aussi ave (salut), — signification dernière et consolatrice que le nom de la première femme tenait cachée et que Mario a dévoilée Ce mystique calembour so retrouve A chaque instant, notamment dans Y Ave maris Stella, et il a souvent été symbolisé en images : tel lo frontispice du Paradisus animae où l'on voit côte A côte, une femme nue appelée Eva, et une femme drapée, appelée Ave :

Sumens illud Ave Gabrlelis ore Funda nos in pace Mutans nomen Evae.

Les séquentiaires, pour vanter et prouver sa virginité, descendent aux détails mêmes de la fécondation :

Nec gravidata viscera Sunt tamen per ulla Patris membra,

LE LATIN MYSTIQUE 277

Sed ex fide sola.*..

Haec est virgo non.irrigata

Sed Dei gratiA florigera...

« Et ses viscères gravides ne le furent par l'opération d'aucun membre générateur, mais par celle de l'unique foi... Voici la vierge qui ne fut pas arrosée : c'est par la grAce de Dieu qu'elle porte des fleurs... »

Engrossée, elle le fut divinement, « par la Rosée de miséricorde qui, elle-même humidifia la tige et la féconda pour la fructification... »

Ipse virgam humidavit Et in fructum fecundavit Ros misericordiae...

Uno séquence monorime et d'une facture de litanies donne sur ce point do plus amples détails :

Sancti Spiritus assit nobis cjratia,

Quo fecundata Deum peperit virgo Maria,

Per quem sacrata floret virginitas in Maria.

Spiritus aime quo repletur Maria,

Tu rorem sacrum stillastt in Maria.

Amator sancto quo Intacta impregnatur Maria...

Tu cellam sacrasti sic benedictl ventris in Maria,

Ut tumeret et mater fieret virgo Maria.

Sic pareret, nefoetu perderet llorem Maria...

Qui sine semino et rigante nemine te fecundavit Maria.

Hune Deum nobis plaça Maria.

(Quo nous assiste la grâce du Saint Esprit,

Par lequel fécondée engendra Dieu la vierge Marie,

Par lequel, consacrée, fleurit la virginité en Marie.

Aime Esprit dont est remplie Marie,

Tu us distillé la roséo sacrée en Marie,

Amant très saint par qui, indélloréo, fut plénifiéoMarie...

Tu as sacré la cellule du ventro béni de Marie,

Afin qu'elle portât et devint mère, la vierge Marie.

278 LE LATIN MYSTIQUE

Afin quo cela fût, que par sa grossesse elle ne perdit sa fleur, Marie...

Celui qui sans semence et sans éjaculation t'a fécondée Morio,

Co Dieu, opaiso-nous-lo, Marie)

Pour trouver l'origine do ces manières de dire il faudrait remonter jusqu'aux hymnaires grecs, A Côme do Jésusalem qui appelle Marie « la mère ignorante du mâle » ; A Théophaue et A son ode ulphubéliquo sur l'Annonciation ; A Joseph l'hymnographe qui en plus de trois cents hymnes revient, toujours divers, sur ces périlleux détails; au latin Mérobaudes, enfin, oui écrivait vers le einquièmo siècle :

Proies vera Dei cunctisquo antiquior annis, Nunc gonitus qui semper eras lucisquo repertor, Ante tuao matrisquo parens, quem misit ab astris JEqimevus genitor, Verbique in semina fusum Virgineos habitaro sinus et corporis artus Jussit inire vias, par vaque in sede morari...

( O Progéniture vraie de Dieu, plus ancienno quo toutes les années 1 to voilà engendré, toi qui fus toujours, toi l'inventeur de la lumière et père d'abord de ta mère, — toi que missionnn du haut des astres le géniteur que tu égales en âge, toi qu'il envoya, Verbe réduit en semence, habiter un sein virginal et entrer dans la forme de corporels membres et demeurer en un humble réduit...)

On alla plus loin ; ce fut le culte des mamelles, du ventre, de l'utérus ; ces vers sont parfois attribués A Hildebert et intitulés : Oratio llildeberti :

Félix venter Quo clementer Deus formant induit, Félix pectus In quo tectus Rex virtutum latuit, Félix alvus

I.K LATIN MYSTIQUE 270

Quo fit salvus

Homo fraudo perditus,

Félix sinus quo divinus

Requlovit spiritus,

Félix thorus et decorus

Illius puerporao

Quom mniitus

Ut est ritus

Non praesumit tangerc...

O mamilla cujus stilla

Fuit ojus pabulum...

« Heureux venlre où, en sa clémence, Dieu revêtit lu forme, houleuse poitrine, sous le toit do laquelle lo Roi des vertus so déroba. Heureuses entrailles où fut sauvé l'homme perdu par la Fraude, heureux sein où reposa l'Esprit divin. Heureux lit, et charmant, de celte accouchée, lit que nul mari, selon le rit, n'osa loucher... O mamelles dont la distillulion fut sa nourriture... »

Rottach ajoute : « Salut, toi dont le ventre virginal fut le trône d'ivoire du Christ. »

Ave, cujus venter virgineus Thronus Christi fuiteburneus.

Et JulesII, dans son oraison testamentaire : « O gloriosissima Regina misericordiae, salulo venerabilo lemplum uteri lui, in quo requievit Dominus Deus meus... »

A force de quintessencier, les moines collaudaloircs en arrivent A prêter A Dieu des imaginations do sensualismo anthropomorphique gênantes. La Trinité la désire : le père la veut pour fillo ; le fils pour mère, le Saint-Esprit pour femme ; le Roi des rois éprouve A voir Marie, si belle, de la concupiscence •

Quem rex regum concupivit.

280 LE LATIN MYSTIQUE

El uno hymno précise :

Tu rosa, tu lllium Cujus Del Filium Carnls ad connubium Traxit odor.

Occasion vraiment de rappeler lo dit cité par Gcrson en la xixe notulo do son Traité de la simplification du coeur : « 11 n'y a rien de plus suspect quo l'amour, même envers Dieu » ; et Gcrson ajouta : « Surtout en des femmes ou en des hommes A tempérament do femme, — viros muliebriler comploxionatos. » L'amour en do telles natures tend toujours, même dans l'inconscience, au final aboutissement, et lo mystère le plus chargé do méditations c'est celui-là qui seul évoque, et en ubondunce, des images d'une certaine suavité.

<« Les éléments ne peuvent être engendrés que par leur propre sperme», dit Arnauld de Villeneuve en son Semita Semitae. Dieu, qui est par excellence l'Élément, ne put être humainement engendré que par un sperme divin, émané de son essence : c'est ce que vulgairement l'on dénomme le Souffle du SaintEsprit. Très anciennement une grande dispute théologique s'éleva sur le point de savoir par où, par quel pertuis, ce Souffle ou ce Sperme essentiel avait pénétré dans les viscères sacrés de la Vierge. Malgré l'opinion douteusement exprimée, il est vrai, de saint Augustin et de saint Éphrem, un hérétique du nom d'Élien fut condamné au concile du Nicée pour avoir dit : « Le verbe est entré par l'oreille de la Vierge. » L'opinion contraire, celle qui admet la pénétration par les voies naturelles, est donc probable. Néanmoins l'Église, préférant que ce sujet ne fût pas trop approfondi, ne s'est plus prononcée dogmatiquement et elle a laissé Ennodius reprendre la thèse d'Élien ; elle a permis que le Missel de Salzbourg s'appropriât ces deux vers du poète :

Gaude, Virgo, mater Christi, Quae per aurem concepisti.

LE LATIN MYSTIQUE 2S1

(Sois enjoie, Vierge, mèro du Christ, toi qui par l'oreilio as conçu.)

LeRréviuiro des Maronites (ces catholiques pour lesquels Homo u des tolérances qui vont jusqu'A autoriser le mariage des prêtres) contient encore une ontiphono où on lit :« Verbum Putris per aurcm Renedictno inlravit. »

11 est clair que, touto théologie A part, de telles naïvetés sont cruellement indécentes, outro qu'elles tendent A détruire lo symbole do la Vierge-Mère, A supprimer la moitié du mystère do l'incarnation, A fuiro mépriser un dogme qui suscite do telles controverses. Je pense qu'il est également irrévérencieux de se demander, commo tel casuislo do la compagnie de Jésus, si, selon uno théologie et uno physiologie également surannées. « dum in eam intrnbat verbum Dei,Virgo semen emiserit vol senserit nalurale delectamen. » Peut-être est-il prudent de s'en tenir A l'opinion toute négative du concile do Nicée

Les poètes, dont lo mysticisme un peu sensuel et naturaliste nous a rappelé le souvenir de ces ridicules discussions, ne tombent que bien rarement en de tels excès d'imagination. Encore, môme en leurs écarts de langage, sont-ils justifiables. L'art n'était pas jadis, comme aujourd'hui, officiellement sanglé dans la robe montante d'une civilisation anglicane et bourgeoise; on pouvait tout représenter, on pouvait tout dire ; les choses avaient toutes un nom que l'on employait, sans prétention et sans intention. Au dixième chapitre du Livre II de son Divin Maître, saint Clément d'Alexandrie réclamait déjA ce droit : « Je nommesans honte, pour l'utilité de mes lecteurs, ces parties du corps où le foetus se forme et se nourrit. Comment, en effet, aurais-je honte de les nommer puisque Dieu n'en a pas eu de les créer? » Ceci pourrait répondre A la timidité de l'Eglise moderne quia fait expurger ses hymnes et ses proses par de classiques cardinaux et de douteux abbés de lettres. Cela fut stupide, car en somme, tout le christianisme est 1A, dans la conception de Jésus par une vierge,

LAT. MYST. 18

282 LE LATIN MYSTIQUE

sine virili semine. Ces simples mots, ou tels aulros, sine humana connectione, sine virili copula, etc., suppriment le doute précisent lo fait : aussi les anciens poêles liturgiques les ramenaient-ils sans ccsso, comme pour bien proclamer la liaulo absurdité de co mystèro, son illogisme, son invraisemblance, c'est-A-diro sa vérité, car, A bien réfléchir, l'Absurde est pout-èlro (il est permis do commenter ainsi saint Augustin) lo critérium du Vrai.

11 faut do plus noter qu'en ces proses qui effarent les sots, lo poète a cherché lo mot juste, non pas l'imago : en de seuls esprits anti-mystiques ces lectures pourraient appeler d'irrespectueuses représentations. Lo mystère de la conception par lo Souffle évoquait les ordinaires manoeuvres do la fécondation humaine, mais non commo do désirables opérations. La plus merveilleuse gloire de Marie, elle les avait évitées pour, néanmoins, atteindre la maternité, et, A bout do métaphores empruntée 0 A la fructification végétale, il fallait bien en arriver A des comparaisons précises, A l'acte animal. D'ailleurs le moyen Age, « énorme et délicat », ignora ce qui est pour notre hypocrisie la suprême délicatesse, la pudeur. Il ne comprit jamais en quoi il pouvait bien être indécent déparier librement de l'oeuvre de chair ; il concevait que la chasteté était l'abstention réelle et non la pudibonderie des périphrases, dissertait de la génération, qui n'est selon Boèce que l'entrée dans la substance, ingressus in substantiam (des Vierges révérées pour telles le firent en leurs écrits, mystiquement), comme du boire ou du manger; jugeait que l'ignorance, s'il n'est le plus grave, est le plus sot de tous les péchés, le plus irrévérencieux pour l'Esprit Saint.

Il est vrai, la parole est identique A l'action, mais elle ne se réalise en mouvement que selon la valeur même de l'intelligence qui la conçoit. La vision des choses, d'après saint Thomas d'Aquin et Duns Scot, s'accomplit en un double et successif mode : l'image, par l'intermédiaire du phantasme, se rend possible ; cette possibilité, l'intelligence l'admet ou la repousse,

LE LATIN MYSTIQUE 28!1

oninlorprèlo souverainement la signification. Miroir, dont la planiludo originairo retravaillée, la courbure nuturello fléchie pur noire liberté, l'esprit no reçoit les rayonnements extérieurs quo selon la constilulion même do sa substance et de sa formo personnelles. La chasteté, ce n'est pas d'avoir peur, c'est do créer uno Amo refaçonnee «le telle sorto quo rien de bas et do laid ne puisse s'y pavaner, que l'immonde y passe sans y laisser de fumées, que lo cerfdéshonnête, si la meute des vices aboyants le relance, ait fui introuvable, sons pistes fraîches, sans l'ombre même de son massacro brisée dans les rivières cluiros ou remuanto parmi les donses ramures.

XVIII

Le Dies irae. —■ Thomas de Cclano. — Le Libéra et ses variâmes. — Deux Proses des Morts. — Les prophéties sibyllines. — Sources diverses: Olhlonus, Hildeberl, S. Pierre Damicn, S. Anselme, le Rit mozarabe. — Languentibus in purgatorio. — Le prophète Sophonic. — Prototypes immédiats du Dies irae : le Terret me dies terroris et le Cum recordor diem mortis. — Texte du Dies irae. — Traduction rythmique

XVIII. — HISTOIRE DU « DIES IRAE »

Effloresconces suprêmes, lu poésie triste et pénitente du moyen Age se déploie en doux sombres fleurs amerluméos de cendres, soléos de larmes, le Dies irae et le Stabat Mater, lu Peur, la Douleur, peur et douleur tempérées pur l'adoration, pur l'amour.

La croyance qui produisit des oeuvres aussi profondément humaines peut vraiment avec des yeux innocents do toutes ténèbres affronter lo reproche d'avoir avili l'esprit : et la simplicité des moyens employés étonne noire byzuntinisme! Et, autre confusion, c'est A peine si ces deux séquences ont le mérite élémentaire de l'originalité.

Le Dies irae se lit tout seul, lentement cristallisé pendant des siècles, en des Ames tremblantes et adorantes. Le définitif poète fut, selon la tradition, un frère mineur, compagnon de saint François d'Assise, fra Tommaso da Celano. Des versels sur le Jour de colère gisaient épandus dans la liturgie, dons la Bible, dans des poètes, dans des théologiens : il les collecta, les mit en rythme et en rimes. Sa plus notable source fut évidemment le Libéra :

Libéra me, Domine, de morte aeterna, in die illa tremenda :

Quando coeli movendi sunt et terra.

Dies illa, dies irae, calamitatis et miseriae, dies magna et amara valde,

Quando coeli movendi sunt et terra.

Tremens factus sum ego et timeo : dum discussio venerit atque ventura ira,

Quando coeli movendi sunt et terra.

Contrement Angeli et Archangeli ; impii autem ubi parebunt,

Quando coeli movendi sûnt et terra ?

Vix justus salvabitur; et ego miser ubi parebo,

Quando coeli movendi sunt et terra ?

Quid ergo miserrimus, quid dicam, vel quid faciam, dum nihil boni perferam ante tantum Judicem,

288 LE LATIN MYSTIQUE

Quando coeli movondi sunt et terra ?

Vox do coelis ; O vos mortui, qui jacotls in sopulchris, sur* gito et occurrito ad judiclum S'.\lvatoris,

Quando coeli movondi sunt et terra !

Croator omnium reruni, Dons qulmo do limotorrae formasti et mirabilitcr proprio sanguine redomisti, corpusquo mcum licct modo putrescat, do sepuloro fades in die Judicii resuscitari,

Quando coeli movondi sunt et terra.

Libéra me, Domino, do morte aeterna, in dio illa tremonda,

Quando coeli movendi sunt et terra,

Dum venoris judicaro seculum por ignem.

(Libère moi, Seigneur, do la mort éternelle, en ce jour où tout tremblera,

Dans le tremblement du ciel et de la terre.

Jour, celui-là, jour do colère, jour de calamité, jour de misère, jour très grand et très amer,

Dans le tremblement du ciel et de la terre.

J'ai peur et je tremble tant, j'entends l'interrogatoire, je vois s'avancer la colère,

Dans le tremblement du ciel et delà terre

L'ange est épouvanté, l'archange ausssi, comment donc feront les mauvais,

Dans le tremblement du ciel et de la terre?

La juste A peine sera sauvé, pour moi, le méchant, comment faire,

Dans le tremblement du ciel et de la terre ?

Moi, si méchant, que dire, moi qui n'aurai que du mal A l'offrir, ô juge si grand, que devenir,

Dans le tremblement du ciel et de la terre ?

La Voix du ciel profère : ô vous les morts, gisant dans les sépulcres, levez-vous et venez, le Sauveur va vous juger,

Dans le tremblement du ciel et de la terre !

Père de toutes choses, Dieu qui m'as formé du limon de la terre et admirablement de ton propre sang m'as racheté, fais que mon corps tout putréfié, fais que du sépulcre, au jour du uigement, il sorte ressuscité,

LE LATIN MYSTIQUE 289

Dans lo tremblement du ciel et de la terre. Libère moi, Seigneur, de la mort éternelle, en c jour où tout tremblera, Dans le tremblement du ciel et de la terre, Quand lu viendras juger lo siècle par lo feu.) Celle séquence, qui fait pAlir d'effroi et pleurer de joie esthétique, date sans doute des premières années du xi* siècle et non pas des noirs avant-jours de l'An Mille. C'est seulement après, celle date fatidique, quand les terreurs auraient dû s'apaiser, que la littérature de l'effroi surgit do toutes parts dans l'Eglise. Avant, sons doute, on priait pour oublier la peur : après, on chanta la peur et l'esprit humain en demeura marqué A tout jamais. C'est en ce sens qu'on a pu diro que l'An Mille était une pure légende ; en effet les témoignages d'une crainte universelle de la lin du monde sont tous postérieurs A l'époque où celle crainte dominait les Ames et les écrasait. La fin du monde, le moyen Age l'attendit sans cesse; Jésus avait dit : « Je viendrai A l'improvistc, comme un voleur » — et la stupéfaction aurait été modérée si tout A coup, A l'heure triste de l'aube, les trompettes sacrées avaient sonné dans le ciel pAlc (cette surprise peut-être nous est réservée, de voir pleuvoir sur l'ignominie de notre basse civilisation les étoiles insultées, enfin farouches). Aussi les textes sont-ils sans nombre où le Jour de colère est allégué. 11 y a d'abord, du Libéra, plusieurs variantes ou paraphrases. Voici une variante du xi* siècle :

Audi, tellus, audi, magni maris limbus, audi, homo, audi, omne quod vivit sub sole :

Veniet, prope est dies irae, dies invisa, dies amara,

In qua coelum fugit, sol erubescit, luna fugabitur, sidéra super terram cadent.

Heu, heu, quid nos peccatores et miseri in die illa tremenda,

Quando movendi sunt coeli et terra !

(Terre écoule, et toi, rivage de la grande mer, et toi, homme, et tout ce qui vit sous le soleil.

200 LE LATIN MYSTIQUE

11 vient, il approche le jour do colèro, lo jour qu'on n'a jamais vu, le jour amor,

Lo jour où lo ciel s'enfuira, où lo soleil rougira, où h luno s'en ira, où les étoiles tomberont sur la terre

Ah ! ah ! quoi de nous, pécheurs et méchants, en co jour où tout tremblera,

Dans lo tremblement du ciel et de la terro ?)

On lit dans uno ancicnno Bythmica Oralio :

In tromonda mortis hora Veni, Jesu, absquo mora Tuero me et libéra.

(En cetto terrible heuro do la mort, viens, Jésus, et sans relard prolègc-moi, libère-moi.)

Un peu moins Agés, les vers suivants, extraits des Versus de moriuis super responsario : Libéra me, présagent plus nettement encore le Dies irae :

Lacrimosa dies illa Qua resurgens ex favilla Homo reus judicandus : Justus autem coronandus.

(Oh ! ce jour lamentable, où resurgi d'entre les cendres, l'homme coupable est jugé, — et le juste couronné !)

La Prose de Montpellier, même époque, donne A la quatrième strophe :

Dies illa tain amara, tam tremenda,

Dies illa dira nuntiabit signa : rugient maria sicut leo in silva...

Heu miseri !

Heu miseri !

Quid, homo, ineptam sequeris laetitiam?

(Jour si amer, ô jour de tremblement, Jour annoncé par les signes effroyables : les océans rugiront tels que les lions dans les forêts...

LE LATIN MYSTIQUE 201

Ah ! Malhonreux !

Ah ! Malhoureux !

Homme, pourquoi choisis-tu la stupidité do la joie ?)

Codornicr vers rappollo la méprisanto admonostalion d'Odon do Cluny, qui écrivait au x# siècle : « Etrungo ou plutôt bion misérable la démenco qui nous fait préférer la modique et brèvo jouissonco d'un chatouillement mendié et quémandé A la gloire multipliée des saints dans l'éternité »

Pareillement, en In Prose des morts do Saint-Martial de Limogos, on lit aux sixième et seplièmo strophes :

Cum ab igno rota mundi Tota coeporlt ardoro, Saeva flamma concremare, Coelum ut liber plicaro, Sidéra tota cadoro, Finis secull venire,

Dies irae, dies illa, Dies nebulao et caliginis, Dies tubao et clangoris, Dies luctus et tremoris, Quando pondus tenobrarum Cadet super peccatores...

(Quand par lo feu la roue du monde commencera toute A brûler, dans une impitoyable flamme A se consumer, comme un livre le ciel en deux se replier, et toutes les étoiles tomber, et la fin du siècle arriver — jour do colère, jour, celui-là, de nuée et de fumée, jour de trompetle et de clameur, jour de sanglots et jour do peur, quand le fardeau des ténèbres tombera sur les pêcheurs. )

Thomas de Celano puisa encore dans la prophétie sibylline qui énumère chaque « signe du jugement, » Judicii signum :

Coelo adveniet per secla futurus

Scilicet in carne presens ut judiect orbem,

Judicii signum...

292 LE LATIN MYSTIQUE

Et coram hoc Domino reges sistentur ad unum, Decidet e coelo ignis et sulphuris amnis, Judicii signum,.

« Il surgira dans le ciel, celui qui vit dans tous les siècles, surgira visible corporellement pour juger le globe, — Signe du jugement.

« Et devant ce maître les rois se tiendront comme un seul roi, et il pleuvra du feu et un fleuve de soufre tombera, — Signe du jugement. »

La Sibylle était une autorité égale à celle de l'Ecriture Déjà, A la fin du xi" siècle, Olhlonus, moine dp Saint-Emmeramme, invoquait ensemble la Sibylle et les Prophètes :

Porro dies illa complebit vota sibyllae Atque prophetarum comprobat indicium.

(Et ce jour accomplira les voeux de la Sibylle et comprouvera le témoignage des prophètes.) Le môme moine songe au jour de colère.

Illa dies mirae pravis advenerit irae.

(Co jour adviendra d'étonnante colère contre les méchants.)

La quinzième strophe du Dies irae est verbalement dans

Saint Matthieu, cli. xxv, v. 33 : « Et slatuet oves, quidem a

dexlris suis, haedos autem a sinistris. — Et il placera les

brebis à sa droite et A gauche les boucs. »

Pour ce souvenir évangélique, non moins que pour ses violents appétits, le bouc fut, durant tout lo moyen Age, le plus fréquent symbole du péché, spécialement de l'impureté. C'était un lieu commun. On voit, au xne siècle, Serlon, évoque de Séez et parfois poète, reprocher A Henri I" d'Angleterre et A sa cour, dans l'église de Carentan, de porter de longs cheveux et une longue barbe « qui les font ressemblera des boucs, dont les libertins imitent turpidement l'ignoble lubricité... Ils évitent do se raser pour ne pas blesser par une rude barbe les femmes qu'ils baisent. »

LE LATIN MYSTIQUE 293

La deuxième et la sixième strophes du Dies irae furent pressenties par saint Pierre Damien :

O quam dira, quam horrenda Vocejudex intonat.

(Combien véhémente, combien terrible, s'élève la voix du Dieu juge 1 ) Egalement, la cinquième :

Mox occulta singulorum Cunctis patent cordium.

(Tout ce qui se cache au fond de chaque coeur sera devant tous dévoilé.)

Mais elle vient peut-être plus directemet de l'Apocalypse (xx, 12.):

« Et vidi mortuos magnos et pusillos, stantes in conspectu throni, et libri aperti sunt : et alius liber apertus est qui est vitae : et judk'ati sunt mortui ex his quae scripla erant in libris, secundum opéra ipsorum. — Et je vis les morts, les grands et les petits, se tenant face au trône, et les livres furent ouverts : et un autre livre fut ouvert, qui est le livre de vie : et furent jugés les morts selon les choses écrites dans les livres, selon leurs oeuvres. »

La septième et la onzième, outre ce qu'elles prennent au Libéra, empruntent quelques mots A un passage du traité de saint Anselme, De Similitudine mundi : » Desuper, judex iratus ; foris, mundus ardens ; inlus, consciencia urens ; ibi, vixjustus salvabilur... — En haut, le juge en colère ; dehors, le monde en flammes ; dedans, la conscience en feu ; 1A, le juste A peine sera sauvé... »

L'avant-dernièro :

Oro supplex et acclinis, Cor contritum, quasi cinis : Qere curam mei finis

294 LE LATIN MYSTIQUE

« Je le le demande en ma prière, le front penché, le coeur conlril comme de la cendre, prends soin de ma fin dernière, » se retrouve, avec ses images, dans l'office des morts du Rit mozarabe : « Expandi manus meas ad te, Domine ; anima mea velut terra sine aqua : cilô exaudi mo. — J'ai étendu mes mains vers loi, Seigneur, mon Ame est pareille A de la terre sèche : au plus vile, exauce-moi. »

Adam de Saint-Victor avait dit dons sa prose, de Inventione sanctae crucis :

... Sed quum dies erit irae Confer nobis et largire Sempiterna gtuidia.

« Quand viendra le jour do colère, fais nous participer aux joies éternelles. »

La Lamentation d'Hildebert, Lamentalio peccatricis animae renferme quelques expressions qui se retrouveront presque textuelles dans ia prose de Thomas de Celano ; et le rythme est le même :

Quid boni Christo deferam, Quid me fecisse referam ?...

Tune ille rex altissimus Qui nunc extat piissimus Judex erit justissimus...

Postquam nil quibo facere Quo poenas possim fugero Sed consumât in cinere...

Quid tune diceshomuncio ?.,.

(Quoi do bon présenter au Christ, laquelle do mes actions lui offrir ?... Alors le très haut Roi, maintenant très pitoyable, sera 1res juste juge... 11 n'y aura plus rien à faire, le chAliment sera infuyable, je serai consumé en cendre... Alors, que diras-tu, pauvre homme do rien? )

LE LATIN MYSTIQUE 29o

S. Bernard, qui avait le génie du rythme, rencontra un presque définitif Dies irae. DéjA, on lit de telles phrases éparscs dans sa prose (Liber de modo bene vivendi, ch. 71) : « Quid in illa die dicturi sur.ms... si in die judicii vix salvabitur justus... Nullus homo sine timoré polerit esse illa die... » — « En ce jour que dirons-nous... si à l'heure du jugement le juste A peine est sauvé... Nul homme ne sera sans terreur en un tel jour. »

En vers, il formula :

ingens metus

Aque lletus

Meam turbat animdm ;

Pavet sensus

Dum susponsus

Iloram pensât ultimam.

Quis futurus

Et securus

In illo examine,

Quando patent

Quae nunc latent

Arguente lumine !...

Ululatus

Et ploratus

Frustra dabunt perditi

Quum maligni

Saovo igni

Scmel erunt tradiii...

Ad quid tendam Ut tremendam Evadam sententiam ?

Quem requiram, Per quem iram Judicis elïugiam?...

(La crainte m'écrase et des sanglots troublent mon Ame ;

29G LE LATIN MYSTIQUE

mon coeur s'épeure lorsqu'on suspens il pense à sa dernière heure.— Qui donc alors, qui sera sûr de ses réponses, quand surgiront tous nos secrets, A l'argument de la lumière ?... — Les hurlements, les larmoiements, damnés, seront inutiles, quand les méchants au feu barbare seront livrés tous d'un seul coup... — Par où m'enfuir pour échapper à la sentence épouvantable ? A quel secours avoir recours contre la colère de mon juge ?...)

La prose Languenlibus in purgatorio, prière que l'on adresse A Marie en quelques églises, est-elle antérieure au Dies lraeï Il faut, dans le doute, en citer les cinq dernières strophes ; d'un beau rythme et de rimes très riches, elle apparaît assez inférieure d'idée et d'élocution :

Intr aendo Dei judicio Quando fiet stricta discussio, Tune etiam supplica Filio Ut sit nobis cum Sanctis portio, O Maria.

Dies illa, dies terribilis, Dies mnlis intollerabilis : Sed tu mater semper amabilis Fac sit nobis Judex placabilis, O Maria.

Illa dies tantus servabitur Vigor quod vix justus salvabitur, Nemo reus justificabitur Sed singulis jus suum dabitur, O Maria.

Nos timemus diem judicii Quia maie do nobis conscii : Sed tu mater summi consilii Para nobis locum refugii, O Maria.

Tune iratus Judex adveniet, Singulorum causa discutiot

LE LATIN MYSTIQUE 297

Personamque nullam accipiet Do singulis juste deffiniet, O Maria.

(A comparer avec Rottach, cinquantième strophe d'un Acrostiche sur Y Ave Maria, qui en compte plus de cent :

Rogo, mater, plorabundis Aurem praebo vocibus, Opem ad te de profundis Miserere precantibus. Per te gratiarum undis Absolvantur citius Poena purgatoria.)

Traduction du Languentibus :

« En le terrible jour du jugement suprême, quand viendra l'heure de l'interrogatoire, alors va et supplie ton fils qu'il nous place parmi ses saints, ô Marie. — Jour, celui-là, jour effroyable, jour aux méchants intolérable : par toi, mère toujours aimable, le juge nous soit favorable, ô Marie — Ah ! ce jour-là, ce jour aura tant de sévérité qu'à peine le juste sera sauvé, et nul coupable justifié, mais à chacun sera donné le sort qu'il aura mérité, o Marie — Craignons le jour du jugement, car notre conscience n'est pas tranquille : mais toi, mère du très haut conseil, prépare-nous quelque lieu do refuge, ù Marie — 11 viendra le juge en colère, discutera lu cause de chacun, et sans égard pour n'importe quelle personne, do chacun il jugera avec justice, 6 Marie... »

Enfin, l'origine authentique du Dies irae, du Libéra et de tous les précédents vers et versets est antérieure au christianisme Le Dies irae se trouve, en ses essentielles idées et assonnunces, dans un polit prophète (petit sans doute, parce qu'il proféra de courtes prophéties), dans Sophonie (Prophetia Sophoniae, 1) :

15. Die3 irae, dies illa, dies tribulationis et angustiae, dies

LAT. MYST. 19

298 LE LATIN MYSTIQUE

calamitatis et miseriae, dies tenebrarum et caliginis, dies nebulae et turbinis.

16. Dies tubae et clangoris super civitates munitas et super angulos excelsos.

17. Et tribulabo homines et ambulabunt ut coeci, qui Domino peccaverunt : et effundetur sanguis eorum sicut humus et corpora eorum sicut stercora.

18. Sed et argentum eorum et aurum eorum non poterit liberare eos in die irae Domini : in igné zeli ejus devorabitur omnis terra, quia consummationem cum festinatione faciet cunctis habitantibus terrain.

(lu. Jour de colère, jour, celui-là, do tribulalion et d'angoisse, jour de calamité et de misère, jour de ténèbres et de fumée, jour de nuée et do tourbillon.

10. Jour de trompette et de clameur sur les cités fortifiées et sur les angles des montagnes.

17, Et je tourmenterai les hommes et ils marcheront comme des aveugles, ceux qui péchèrent contre le Seigneur : et leur sang sera épandu comme de la terre molle et leur corps comme du fumier.

18. Mais ni leur argent, ni leur or ne pourront les libérer au jour de la colère du Seigneur : par le feu do sa jalousie toute la terre sera dévorée, et la consoi *mation s'accomplira avec hAte de tous les habitants de la terre)

Quelques autres allusions au jour de colère et de feu sont faites dans Jérémie, dans Joël et dans Amos, mais discrètes, sans précision et sans détails.

Avant de donner le texte du Dies irae lui-môme, il convient encore de citer deux proses qui le précédèrent immédiatement et auxquelles Thomas de Celano a directement emprunté des vers, des rimes, des strophes presque entières. Toutes deux semblent du xu' siècle, de très peu antérieures A la rédaction franciscaine :

Terret me dies terroris,

Irae dies et furoris,

Dies luctus et moeroris

Dies ultrlx peccatoris.

LE LATIN MYSTIQUE 299

Expavesco quidcm multum Venturi judicis vultum Cui latebit nil occultum Et manebit nil inultum.

Et quis nostrum non timebit Quando Judex apparebit Ante quem ignis ardebit, Peccatores qui delebit.

Veniet Judex do coelis Testis verax et lidelis, Veniet et non silebit, Judicabit nec timebit.

Juste quidem judicabit Nec personam ncceptabit, Pretio non corrumpetur Sed nec precibus floUitur.,,

(Il m'atterre, le jour de terreur, le jour de colère et de fureur, le jour do deuil et de douleur, jour de vengeance sur le pécheur. — J'ai peur, j'ai grand'peur A l'idée de voir la face du Juge qui doit venir, de celui auquel rien ne sera caché, de celui qui ne laissera rien d'invengé. —Lequel de nous ne tremblera lorsque le Juge apparaîtra, lorsque le feu s'enflammera pour détruire les pécheurs. — Il viendra du ciel, le Juge, témoin vérace et fidèle, il viendra et ne se taira pas, il jugera et no s'effraiera pas. — Il jugera très justement, sans acception de personnes, rien ne pourra le corrompre ni nulle prière le fléchir...)

Le nec personam acceptabit se trouve déjà dans Amalarius, Régula sanctimonialum,Yi\VQ II, 10 : « Quia personarum acceptor non est Deus. »

La seconde prose a pour titre : Medilatio animae fldelis :

Cum recordor diem mortis Et extremao diem sortis, Sic me terrent isti dies Ut sit mini nulla qules.

300 LE LATIN MYSTIQUE

Cum recordor quod sum cinis Et quod cito venit finis, Sine fine pertimesco Et ut cinis refrigesco.

Cum recordor moriturus, Quid post mortem sim futurus, Terret me terror venturus Quem expecto non securus.

Terret me dies terroris, Irae dies et furoris Dies luctus et moeroiïs Dies ultrix peccatoris...

Quid tune faciet peccator Et quid corporis amator Et quid agere valebit Cui nihil jam licebit.

Siquldem tune apparebit Et quod fuit non latebit, Quisquis sit juré pavebit Donec sciât quid habebit.

(Quand je pense au jour de la mort, et au jour du dernier sort, si tant m'atterrent ces jours-là que je n'ai plus aucun repos. — Quand je pense que je suis cendre et que bientôt viendra ma fin, sans fin je me mets à trembler et je deviens plus froid que cendre — Quand je pense, moi qui dois mourir, à ce que me réserve la mort, m'atterre la terreur future, et j'attends, et je ne suis pas sûr. — 11 m'atterre le jour de terreur, le jour de colère et de fureur, le jour de deuil et do douleur, jour de vengeance sur le pécheur... — Alors, que fera-t-il, le pécheur, et quoi le charnel amateur, et que deviendrons-nous, quo nulle contrition ne sera plus permise? — Puisqu'A celte heure apparaîtra et se dévoilera tout ce qui fut caché, il faudra bien que chacun tremble jusqu'A ce qu'il sache le sort qui lui sera réservé.)

Le Dies irae va maintenant donner la sensation d'une oeu-

LE LATIN MYSTIQUE 301

vre connue en presque tous ses éléments et pourtant inattendue.

De die judicii

Dies irae, dies illa, Solvet saeclum in favilla, Teste David cum Sibylla.

Quantus tremor est futurus Quando judex est venturus Cuncta stricte discussurus!

Tuba mirum spargens sonum Per sepulchra regionum Coget omnes ante thronum.

Mors stupebit et natura Quum resurget creatura Judicanti responsura.

Liber scriptus proferetur In quo tolum continetur Unde mundus judicetur.

Judex ergo quum sedebit Quidquid latet apparebit : Nil inultum remanebit.

Quid sum miser tune dicturus, Quem patronum rogaturus Quum vix justus sit securus?

Rex tremendae majestatis Qui salvandos salvas gratis, Salve me, fons pietatis I

Recordare, Jesu pie,

Quod sum causa tuae viae :

No mo perdas illa die.

Quaerens me sedisti lassus : Redemisti crucem passus : Tantus labor non sit cassus.

302 LE LATIN MYSTIQUE

Juste judex ultionis Donum fac remissionis Ante diem rationis.

Ingemisco tanquam reus, Culpa rubet vultus meus : Supplicanti parce Deus.

Qui Mariam absolvisti Et latronem exaudisti Mihiquoque spem dedisti.

Preces meae non sunt dignae, Sed tu bonus fac bénigne Ne percnni cremer igné.

Inter oves locum praesta Et ab haedis me séquestra Statuens in parte dextra.

Confutatis majedictis, Flammis acribus addictis, Voca me cum benedictis.

Oro supplex et acclinis, Cor contritum quasi cinis : Gère curam mei finis.

Lacrymosa dies illa, QuA resurget ex favilla Judicandus homo reus :

Huic ergo pprce Deus ! Pie Jesu, Domine, Donaeis requiem.

On en a essayé une traduction, respectueuse du texte et surtout du rythme :

Le Jugement dernier

Jour de colère, en ce jour-lA, Comme David lo prophétisa, Le monde en cendres s'en ira.

LE LATIN MYSTIQUE 303

Quels cris alors, quel tremblement : Dieu descendra du firmament Pour juger tout très strictement.

La trompette éclate et redonde Et va chercher au fond des tombes Tous les sujets du Roi du monde :

Mort, quelle stupeur ! Et la nature A peur de voir la créature Affronter sa judicature.

Le livre éternel est ouvert, Juste écriture où s'énumère Les gestes de tout l'univers.

Et quand le Juge parlera

Le fond des coeurs apparaîtra :

Rien d'invengô ne restera.

Que dire alors, où me sauver ; De quel patron me réclamer? Le juste à peine est rassuré.

Roi do terrible majesté, Clément pour qui l'a mérité, Epargne-moi, dans ta pitié !

Jésus très bon, ne m'oublie pas, Moi qui fus lo but do tes pas I Ne me perds pas en ce jour-h\.

Pour moi tu pris la forme humaine Et de la croix souffris la peine : Que tant de peine ne soit pas vaine !

Maître do justice et do gloire, Daigne nous être absolutoire, Avant le jour expiatoire.

Je viens A toi en gémissant, Le front de honte rougissant : Seigneur, pardonne au suppliant.

304 LE LATIN MYSTIQUE

Madeleine a touché ton coeur, Tu pardonnas à un voleur : C'est mon espoir, A moi, pécheur.

O toi si bon, à l'heure dernière, Reçois mes indignes prières, Que je ne brûle pas en enfer!

Fais-moi place en ta bergerie, Que j'entre en la maison de vie, Parmi les bons que tu choisis.

Quand tu confondras les maudits, Jetés en proie uux flammes pies, Appelle-moi au paradis.

«

Je t'en supplie, daigne m'entendre : Mon coeur est plus contrit quo cendre, Daigne A mon salut condescendre.

O jour de larmes, en co jour-lA, Quand la poussière s'en viendra Affronter ta judicature,

Pardonne à ta créature, Seigneur, ô Jésus très bon, Et donne-lui le repos.

Le Jugement dernier et l'enfer, sa conséquence pour les mauvais, c'était le souci et aussi la consolation du moyen Age; c'était le recours suprême contre les injustices et les tribulations de la vie,-—le recours suprême et le seul, aujourd'hui comme jadis. Illusion pour illusion, celle-là valait mieux quo la vaine justice humaine dont on nous leurre, que les vagues compensations qu'on nous promet éternellement pour demain. Isidore do Séville, dans son De Contemptu mundi libellus aureus, ajoute ce conseil : « Propone libi ndversus presentis carnis ardorem fuluri supplicii ignem. Superel eslum incendii recordatio eterni incendii, memoria ardoris géhenne ardorem excludat luxurioe. »

XIX

Le Stabat Mater. — Jacoponc da Todi. — De Compassione B. M. V. — Le Moestae parentis Christi et autres Planctus. — De Tribulatione B. M. V. — S. Bonaventure. — De PietateM. V. — Le O quoi undis lacrymarum et le Planctus ante nescia. — Diverses proses touchant la Passion et le De Quinque vulneribus. — Les Évangiles. —• S. Ambroisc. — Joseph l'hymnographe. — S. Bernard. — Pianlo de la Madonna. — Une terre cuite peinte du Louvre — Texte du Stabat Mater. — Traduction rythmique — La poésie du Christ. — Le Verbe — Hypof.raphe.

XIX. - HISTOIRE DU « STABAT MATER »

L'histoiro du Stabat est touto pareille Jacopono do Todi (mort en 1306) n'inventa do cetto lamentation ni tout lo rythme-, ni toutes les paroles, mais avec des intentions primitivement éparses, il créa un poèmo définitif et parfait comme la douleur supra-humaino dont les plaintes lui avaient frappé lo coeur : et visité lui aussi presque corporellement par les pointes aiguës des sept Glaives, ingemuit et cantavit.

Quelques-uns des textes où il puisa des mots; lo plus ancien, uno séquenco nolkérienne, no peut guère être moins vieux quo lo xie siècle :

De Compassione beatae Mariae Virginis : «. — ... Quam mater anxia stetisti, quando passionem innocents filii compexisti inclyti cruci affixi I

b. — Cor matris lancea filio mortuo transfixit, passionem filius dumgustavit corpore, mater anima...

c. — O quam tristis et afflicta fuit illa benedicta mater unigeniti. Quod moerebat et dolebat, perpendebat hoc quaevis genetrix...

d. — Eia mater nobilis, quam vehementem dolorem gustaveras, tamen hune tua fide temperans...

e. — Laus ejus filio...

f. — Laus quoque matri, quae condolet cruciûxo.

Spécialement se retrouve dans lo Stabat le verset c, qui en forme la deuxième strophe :

O quam tristis et afflicta Fuit illa benedicta Mater unigeniti ! Quae moerebat et dolebat Et tremebat, quod videbat Natipoenas inclyti...

308 LE LATIN MYSTIQUE

Do dalo un peu plus récente, sans doute, la très longuo séquenco connue sous lo nom do Planctus beatae Mariae virginis :

Mocstao parontis Christ! Mariae lacrymas eia nuno recita, plebs, Agnis mitis cruore redempta.

Qui generis humanl collapsi maculas purpurea lavavit in cruce, vulnera passus cruenta :

Sputa, clavos atque ludibria, spinas tulit et saeva verbera.

Mater cemens tanta supplicia Ilot discerpens pectus et ubera...

Inter omnes mulieres me dixlsti benedictam,

Omnes nuno videre possunt me gementem et afflictam.

De hoc senex Symeon prophetat,

Dicens, ut Evangelista narrât :

Ecce positus in ruinam tuus iste filius

Et tuam animam ipsius pertransibitgladius...

Sic stat mater desolata

Jam non mater sed orbata

Dulci suo filio.

Pia- -it, plorat, praestolatur

Quoadusque deponatur

Corpus de patibulo.

O lacrymosus intuitus! Sedti ^mimortua parens et extincti funeris in gremio tenet exuvias.

Omnia pererrat stigmata locaque cruenta clavorum et plagas cruentas, videt spinoso praecincta tempora

Serto, et in latero ; atentes cordis

Januas, ô gravis dolor et gemitus !

Nati quondam speciosi membra modo livida tractât mater inter manus teneras.

Manus extorquens exclamavit fletuque corpus irrigavit, stillans ut voseffundens lacrymas...

Quis potest lacrymas tenere, licet sit corde saxeo,

Et non simul condolere in hoc planctu virgineo?

Qui cum ipsanescit flere, non estei compassio...

Ergo mater Jesu Christi

Propter poenas quas tulisti

Pro tuo dulci filio

Des ut tecum hic ploremus

Et cor nostrum perforemus

LE LATIN MYSTIQUE 309

Compasstonls gladlo. Sic, o Virgo dolorosa, Fao nos tecum lacrymosa Sentire susplria, Ut post vitam infelicem Habeamus te duotrlcem Ad aeterna gloria.

(Do la tristo mèro du Christ, de Mario, raconto maintenant les larmes, ô peuple quo racheta lo sang du doux Agneau. — Du genre humain déchu, il lava les taches avec lo sang do sa sanglante croix ; il souffrit do sanglantes blessures : —- 11 souffrit los crachats, les clous, les railleries, les épines, les verges très cruelles. — Devant do tels supplices, sa mèro pleure et so déchire la gorgo et la poitrine... — « Entre toutes les femmes vous m'avez proclamée bénie, — Tous peuvent A celte heure me voir gémissanto et do peine accabléo ». — De cela le vieillard Siméon prophétise, — en disant, comme l'Évangile le rapporte : — Voici quo ton fils glt tout brisé et ton Ame est transpercée par un glaive... — Ainsi elle est 1A, debout, la mèredésolée, — Mère, non plus, mais dépouillée — De son fils très doux. — Elle se lamente, elle s'éplore, elle attend — Quo l'on décloue — Le corps du gibet. — O spectacle à pleurer! La mèro s'affuisse et presse sur son giron, demi-morte, co que lui a laissé la mort. — Sa main tAte tous les stigmates et les saignants trous des clous et les saignantes plaies; les tempes sont ceintes du torlil — D'épines et sur le côté voici du coeur — Les portes ouvertes, ôtrop lourde peine, ô gémissements! — Son fils très beau naguère, la mère à cette heure de ses tendres mains en caresse les membres livides. — Elle tord ses bras, elle sanglote, elle mouille le corps de ses pleurs, elle fond en larmes et l'arrose comme d'une rosée...—Ah! qui pourrait retenir ses larmes, quel coeur de pierre? —Comment ne pas se condouloir devant ces virginales lamentations ? — Celui qui est incapable de pleurer avec elle, il n'a au coeur nulle compassion'... — Or donc, mère de

310 LE LATIN MYSTIQUE

Jésus-Christ, — Au nom des peines quo tu supportas — Pour ton fils très doux, — Fais qu'ici nous pleurions avec loi ! — Quo nolro coeur soit transpercé — Par lo glaivo do la compassion ! — Et fuis, ô Vierge do doulour, — Fais quo nous parli• ipions A tes larmes, — A tes soupirs, — Afin qu'après celte vio d'infélicité, — Nous méritions do t'avoir pour guide — Vers les glorieuses éternités.)

Uno autre version do co Planctus Mariae, manuscrit du xii* siècle, contient, presque textuelle, uno demi-strophe du Stabat ;

Quis est homo qui non florot Christi matrem si videret In tanta tristitiA...

D'un autre Planctus, cité par Mono :

Prolem in cruce pendentem Moesta Mater aspiciens Lacrymatur incessanter Pectus suum percutions.

Plures movit ad dolorem Suo ploratu querulo, Natum videns cruentatum Tonsum crucis patibulo.

Animam moestae parentis Tune pertransivit acrius Juxta verbum Simeonis Compassionis gladius.

(Son fils pendu A la croix, quand la triste mère l'aperçoit, elle pleure incessamment, se frappant le coeur. — Plusieurs partagent sa douleur A entendre les si plaintives éploralions de la mère qui voyait son fils sanglant cloué au gibet de la croix. — L'Ame de la triste mère, très douloureusement la transperça, selon la parole de Siméon, le glaive de la Compassion.)

LE LATIN MYSTIQUE 311

Dans la séquonco intituléo De Tribulatione B. M. V., so lit, selon le rythme définitif :

Hlo est agnus qui pendobat Et in cruce redimebat Totum gregem ovium : Qui cum nullus condolobat Matrem ejus consumebat Doloris incondium...

Le téraphiquo Bonaventure, le doux et chaste franciscain avait trouvé dans son Recordare sanctae crucis quelques vers excellemmeut rythmés quo Jacopon ne modifia guère :

Inter magnos cruciatus Est in cruce lacrymatus Et emtsit Spiritum. Suspiremus et fieamus, Toto corde doleamus Super Unigenitum.

Crucifixe, fac me fortem Ut libenter tuam mortem Plangam donec vixero. Tecum volo vulnerari, Te libenter amplexari In cruce desidero,

La séquence De Pietale Mariae Virginis semble plutôt une imitation qu'un prototype du Stabat. Elle est imprimée dans le Missel d'Angers de 1523.

Festinemus omnes vere Matri Christi condolere In ejus martyrio... Virgo mater stat sub cruco Triumphante Christo suo Per mortem turpissimam... Lanceatus, depositus Est a cruce et sepultus. Sic torquetur filius...

312 LE LATIN MYSTIQUE

La parité du rythme rond l'infériorité plus évidente 11 en est do mémo du O quoi undis lacrymarum, proso du Bréviaire romain qui so chanto A l'ol'i'on dos Sept Douleurs. Plus ancien ot fort remarquable, lo Planctus ante nescia est d'une vorbalilô touto différente ; on no trouverait également quo do rares concordances enlro lo Stabat ot los divers proses de Corona spinea, de Lance o, deS. Sudario, in (esta Faciei, etc., accueillies par los anciens missels. On lit cependant dans un rythme de Quinque Vulneribus x

Corpus quidem mortuum Jam nil sentiebat, Sed militis lancea Matrem transfigebat.

On se souvient des deux versets des Évangiles point de départ de cette littérature de suprême désolation : « Stabat aulem juxta crucem Jesu mater ejus. » (S. Jean, xix, 5) ; et : « Et tuam ipsius animam pertransibit gladius» (S. Luc, H, 35). Ils furent souvent commentés en prose et c'est 1A la source directe de tous les Planctus. Ainsi, saint Ambroise en son de Institutione Virginis (vu, 49) : « Stabat ante crucem mater et fugientibus v'iris stabat intrepida. Spectabat piis oculis filii vulnera ; pendebat in cruce filius, mater se persecutoribus offerebat. » D'après un autre passage du même Père (De Obitu Valentiniani, 39), la Vierge no pleurait pas : « Stabat sancla Maria juxta crucem filii et spectabat virgo sui unigeniti passionem. Stantem illam lego, flentem non lego. »

Cependant, celte intrépide impassibilité n'était pas traditionnelle, et même les hymnaires grecs, les moins tendres et les moins passionnés des poètes chrétiens, la font pleurer ; témoin ce Stabat grec du moine basilieh, Joseph l'hymnographe, qui commence par ces mots : « "EXeyev -îj «avayvoç xXaiWa... — La très chaste disait en pleurant... »

LE LATIN MYSTIQUE 313

Pour saint Bernard, Marie au pied do la Croix symbc'yso la plénitude des douleurs humaines :

Quot angores, Quot doloros Tua sensit anima, Quum in crucem Summum ducem Gens levavit pessima.

Et il ajoute, en son Liber de Passione Christi et ploribus et planctibus matris ejus : « Cogitaro libet quantus dolor interfuit malri, cum sic dolebat... Juxta crucem Christi stabat emorlua Virgo... Ibi stabat dolens, confccta saevo dolore, expeclans Christi corpus deponi do cruce...Haec plorabat dicens atquo plorando dicebat... »

Comme Thomas de Colano pour lo Dies irae, Jacopone de Todi avait donc, sans avoir besoin de les imaginer lui-môme, tous les éléments do son oeuvre lorsqu'il composa le définitif Planctus qui devait faire oublier tous les autres, et dont la perfection engagea A croire qu'un tel poème était une création toute personnelle et spontanée. Lui-même avait déjA écrit en italien une complainte dialoguéo sur l'agonie du Christ et les douleurs de la mère du Christ. Les principaux personnages sont la Vierge, demeurée chez elle, et un Messager mystérieux qui voit ce qui se passe au Calvaire et le raconte A Marie ; le Peuple cA et 1A intervient. En voici un fragment :

Pianto de ta Madonna de la passione del figlio Jesu Christo.

Donna del paradiso Lo tuo figliolo e preso Jesu Christo beato. Accurre, donna, et vide Che la gente lallide Credo chello loccide Tanto Ion flagellato.

LAT. MYST. 20

314 LE LATIN MYSTIQUE

Comme osser porrla Cho non feco mai follla Christo la spemo mia Homo lavesse pigliato.

Madonna egli o traduto Iuda si la venduto Tronta denari navuto Facto na grau mercato. Succurri madonna aiuta Chai tuo figllo so sputa Et la gento lo muta Hando dato a Pilato.

O Pilato non fare Lo figlio mio tormentare Chio te posso mostrare Como a torto o accusato.

Crucifige, crucifige Homo che so fa rege Secondo nostra lege Contradice al senato.

O figlio, figlio, figlio Figlio amoroso giglio Figlio cui da consiglio Al cor mio angustato...

Madonna ecco la cruce Chez la gento la duce Ove la vera luce Dei esser levato...

Donna la man gli e stesa Cun un ballon gli e fesa Tanto cilon ficciato.

Haltra man se prende Nella croce se stende Et la dolor saccende Che piu e multiplicato.

LE LATIN MYSTIQUE 3lu

Donna H pie si prono Et chtavollanse al loAo Omne iontura aproAo Tutto lan desnodato.

) Et io comoncio el corotto...

(— Damo du paradis, il est pris, ton fils, Jésus-Christ lo béni. Viens, damo, vois que les gens l'ont lié : jo crois qu'ils l'ont tué, tant ils l'ont flagellé.

— Comment cela so pourrait-il, car il ne fil jamais aucun mal, lo Christ mon espérance, que les hommes l'aient pris?

— Madame, il est livré. Judas l'a vendu, trente deniers il en a eu, et en a fait grand marchandage. Viens A son secours, Madame, car sur ton fils on crache, et les gens l'emmènent, car il est donné A Pilale

— O Pilato ne pas faire tourmenter mon fils, car je puis te montrer comme A tort il est accusé.

{Le Peuple) — Cruciflez-lo, crucifiez-le, l'homme qui se fait roi, selon notre loi est l'ennemie du Sénat.

— • O fils, ô fils, ô fils, ô fils, ô mon amoureux lis, ô fils qui donnes réconfort A mon coeur en angoisse !...

— Madame voici la croix et les gens la dirigent vers où la vraie lumière doit être levée... Dame, sa main, on l'a tirée cl avec un clou on l'a fendue, si fort a-t-on martelé. L'autre main on prend et sur la croix on la tend et la douleur s'avive, car la voilA multipliée Dame, les pieds on lui prend et on les encloue sur le bois et toutes les jointures se fendent tant on l'a écartelé.

— Et moi je commence le chant funèbre...)

Il y a eu au Louvre, dans les salles de la sculpture du moyen Age un bas-relief italien du XY* siècle, terre cuite peinte, ainsi ordonné :

Sur champ d'or la vierge et l'enfant Jésus tous deux tsffarés en leurs auréoles où en lettres pures se gravent les prophéties. L'un et l'autre regardent dans le noir, dans l'infini et devant

310 LE LATIN MYSTIQUE

leurs prunollos so dresse lo calvairo. L'enfant aux fins chevoux d'orramèno A sa gorgo astrictéo sa monolto trcmblanlo; il est A moitié dévêtu : sa chemisetto blancho, seméo do sanglantes étoiles, lui tombo do l'épaulo ot sous sa brassière rougo ponctuéo d'or, remontéo par lo roulis dos muscles, lo ventro so dénudo et paraît son soxo puéril do Dieu chaste L'attiludo est la pour nerveuso du nourrisson, ot s'il no so rejette pas au sein maternel, c'est quo, —• raison et amour infinis en un corps d'enfançon, — il no veut pas la faire pleurer. Ello ne pleure pas : ello est transfixée par do la terreur. Ello voit. Toute sa face porto les effroyables stigmates do l'hallucination douloureuse L'oeil fixe est terrifié par l'indéniable apparition. Il y a dans cet oeil l'agonie au Jardin, la trahison do Judas, le reniement de Pierro, la verbération au poleau, les crachais, la croix traînée comme uno chalno lo long du Golgolha, les mains fendues par les clous, les pieds déjointurés, lo sang qui coule do la cribluro des ironiques épines et aveugle les yeux, obstrue la bouche, lo sang des mains, lo sang des pieds, le sang du côté et lo sang des sacrifices futurs, la mort en ignominie et la mort en gloire qui est encore la mort. La bouche est selon la courbe de la douleur la plus avérée et quelle pAleur ! La tète se penche un peu comme fascinée. A peine la mèro sentelle le présent fardeau de l'enfant ; c'est l'homme qu'elle porte et qu'elle soutient, cadavre sur ses genoux pitoyables. Sa main gauche, qui sort d'une étroite manche dorée et damassée, soutient A peine le bambin, et tout entière la femme s'affaisse dans la chaise aux volutes d'or. La robe bleue étreint une poitrine où l'angoisse, s'il n'était divin, ce lait de vierge, lo ferait tourner, commo aux nourrices qui ont eu grand frayeur. Les cheveux, — et cela a un air de lamentation symbolique, un mouchoir sombre les recouvre et retombe en pleurant sur les oreilles, — coiffure peut-être de conladine, peut-être authentique de dame florentine, mais qui, 1A, accentue et remémore le deuil de l'Ame. La merveille, c'est la tristesse absolue de la Mère et du Fils,— n'osant se regarder, se connaissant tous

LE LATIN MYSTIQUE 317

les deux voués A un supplico ineffable et sans rémission : mais la naturo humaino, naturello en la mèro, imposée au flls par l'ordro suprômo, so crispo un instant sous l'inéluctablo réalité ; ils ont peur, peur l'un do l'autre, peur du spectaclo visible en leurs yeux, ils ont éternellement peur, et ils savent, les inconsolables, qu'ils no doivent pas êlro consolés.

Tollo est celto offroyablo et gloriouso oeuvre d'un inconnu, qui a eu lo génio d'évoquer avec rien quo cela, une mèro et son nourrisson, les xiv stades do la Passion du Sauveur. (Avec les mêmes éléments RaphaoT donno A satiété l'impression do l'uni, malo joio do la poulicho et do son poulain.) Jo no crois pas quo l'on puisse aller plus loin dans la représentation do l'invisible par lo visible, — co qui est l'art tout entier.

Lo Stabat, (lovant celto polychromie, s'égrèno naturellement dans la mémoire.

Planctus B. Virginis.

Stabat mater dolorosa Juxta crucem lacrymosa Dum pendebat Filius. Cujus animam gementem Contristatam et dolentem Pertransivit gladius.

O quam tristis et afflicta Fuit illa benedicta Mater Unigeniti ! Quae moerebat et dolebat, Et tremebat, quum videbat Nati poenas inclyti.

Quis est homo qui non fleret, Matrem Christi si videret In tanto supplicio ? Quis non posset contristari, Piam Matram contemplari, Dolentem cum Filio ?

318 LE LATIN MYSTIQUE

Pro peccatls suao gontls Vidlt Josum in tormentis, Et tlagollis subdttum. Vldit suum dulcom Natum Moricntem, desolatum Dum eroisit spiritum.

Eia mater, fons amoris, Mo sentire vim dolorls Fac, ut tecum lugeam. Fac, ut ardeat cor meum In amando Christum Deum, Ut sibi complaceam.

Sancta mater, istud agas, Crucifixi figo plagas Cordi meo valide. Tui Nati vulnerati, Tarn dignati pro me pati, Poenas mecum divide.

Fac me tecum vere flere Crucifixo condoloro, Donec ego vixero. Juxta crucem tecum stare, Te libenter sociare Inplanctu desidero.

Virgo virginum praeclara, Mihi jarn non sis amara : Fac me tecum plangere. Fac ut portem Christi mortem, Passionis facconsortem Et plagas recolere.

Fac me plagis vulnerari, Cruce hAc inebriari, Ob amorem Filii. Inflammatus et accensus Per te, Virgo, sim defensus In die judicii.

LE LATIN MYSTIQUE 319

Fao me cruce custodiri, Morto Christi praomunirl, Confoveri gratiA. Quando corpus morietur, Fao ut animao donotur Paradisigloria.

Plaintes de la B. Vierge

La Môro était 1A, tout en pleurs Au pied de la croix dos douleurs,

Quand son fils agonisa : Son Amo hélas! tant gémissante, Tant contristéo ot tant dolente,

Un glaive la transperça.

Oh l qu'ello fut triste et affligée, La bénie, la prédestinée,

La môro du fils unique S'apitoyait, s'adolorait, Si fort tremblait, quand ello voyait

Des peines si véridiques.

Quels yeux pourraient garder leurs larmes A voir la mère de l'Adorable

Sous le poids d'un tel supplice : Quel homme au monde sans se contrire Pourrait contempler le martyre

De la mère et de son fils ?

Pour nos péchés, ô race humaine, Elle vit Jésus en grand géhenne

Très durement flagellé : Elle vit son fils, son fils très doux Baisser la tête, mourir pour nous

Et mourir abandonné.

Source d'amour, douloureux coeur, Fais que je souffre à ta douleur,

Fais que je pleure avec toi : Fais que mon Ame soit tout en feu, Que je plaise A Jésus, mon Dieu,

Fais que j'adore avec toi.

320 LE LATIN MYSTIQUE

O mère très sainte, daigne enfoncer Les clous sacrés du Crucifié

En mon coeur très fortement : Je veux pAtir de ses blessures Et je veux que ma chair endure

La moitié de son tourment.

Verser de vraies larmes, ô Mère, Avec toi gémir au calvaire

Jusques à ma dernière heure ! Permets qu'à l'ombre de la croix, Debout, côte à côte avec toi,

Je me lamente et je pleure.

Vierge entre toutes claire et insigne, Oh! laisse-moi, coeur très indigne,

Me lamenter avec toi : Fais que je meure la mort du Christ, Qu'A si grand deuil je me contriste,

Que ses plaies saignent en moi I

Des plaies do Jésus tout blessé, Je veux A la croix m'enivrer

Pour l'amour de ton doux fils : Pour tant d'amour daigne me prendre O Vierge, et daigne me défendre

A l'heure delà justice.

Que la croix m'enchaîne et me tienne, Jésus mo garde et me soutienne

Au nom do son agonie : Fais qu'A mon Ame, après ma mort, Advienne, quand mourra mon corps,

La gloire du Paradis

Désormais, la poésie du Christ est morte et les lamentations do Mario laissent froids les coeurs populaires aussi bien que les Ames distinguées. La poésie du Christ est morto méprisée des oblateurs do sa chair et do son sang, —- et j'ai peur qu'il ne s'en trouve plus d'un pour prendre en pitié, alors qu'Horace et Tibullo sont encore si peu connus, un égaré qui, au lieu de

LE LATIN MYSTIQUE 321

regralter ces deux pannes célèbres, exhume des reliques de Notker, d'Hildegarde ou de l'anonyme du Planctus!

Elle serait morte, la poésie du Christ, si le plus méprisé d'entre les poètes parias, si le poète qu'un malin, malade et ne pouvant fléchir les genoux, un ecclésiastique jeta hors d'une sacristie où il demandait la faveur de se confesser debout, si Verlaine n'avait écrit des lamentations aussi douloureusement belles que les plus eplorées des lamentations latines :

Mon Dieu m'a dit : Mon fils, il faut m'aimer. Tu vois Mon flanc percé, mon coeur qui rayonne et qui saigne, Et mes pieds offensés que Madeleine baigne De larmes, et mes bras douloureux sous le poids

Do tes péchés et de mes mains ! Et tu vois la croix, Tu vois les clous, le fiel, l'éponge, et tout t'enseigne A n'aimer, en ce monde amer où la chair règne, Que ma chair et mon sang, ma parole et ma voix.

Ne t'ai-jo pas aimé jusqu'à la mort moi-même, O mon frère en mon Père, ô mon fils en l'Esprit, Et n'ai-je pas souffert comme c'était écrit?

N'ai-je pas sangloté ton angoisse suprême Et n'al-jo pas sué la sueur do tes nuits, Lamentable ami qui me cherches où je suis?

(... Et tu vois la croix, Tu vois les clous, le fiel, l'éponge..,

Agnus in cruc«., levatur...

Hic acetum, fel, arundo, sputa, clavi, lancea...

dit Claudien Mamcrt, — et le vieux psalmorum modulalor et phonascus n'a pas un sentiment plus profond ni plus pieux du supplice divin.)

Et cette plus rare paraphrase de YAgnus Dèi est bien du mémo cycle (ello fait penser A YAgnello amorosello de saint François d'Assiso) :

L'Agneau cherche l'arido bruyère,

C'est le sel et non le sucre qu'il préfère.

Son pas fait le bruit d'une averse sur la poussière.

322 LE LATIN MYSTIQUE

Quand il veut un but, rien ne l'arrête ; Faible, il lutte avec de grands coups de sa tête ; Puis il bêle vers sa mère accourue et inquiète.

Agneau de Dieu, qui "auves les hommes,

Agneau de Dieu, qui nous comptes et nous nommes,

Agneau de Dieu, prends pitié de ce que nous sommes.

« Quaerit anima verbum, cui consenliat ad correptionem, quo illuminetur ad cognitionem, cui innitalur ad virtutem, quo reformetur ad sapientiam, cui conformelur ad decorem, cui mariclur ad fecundilalem, quo fruatur adjucunditalcm.» (Saint Rcrnard, Sermones in Cantica, 85.) Traduction : « L'Ame cherche le Verbe, avec lequel elle s'accorde vers la compréhension, par lequel elle est illuminée jusqu'Ala connaissance, avec lequel elle s'efforce vers la sagesse, par lequel elle est réformée selon la sapience, avec lequel elle se plie A la beauté, avec lequel elle se marie en vue de fécondité, par lequel elle cnlre en jouissance dejocondité. »

Contemple, coeur mondain, lavé par tant de larmes, La triste passion de ton très doux Seigneur, Demande-lui pardon de ton ancienne erreur : De la malice et du péché Jésus te garde/

APPENDICES

A. — Thomas a Kcmpis et les séquences dissimulées dans Y Imitation. — Autres oeuvres du même où se rencontrent des séquences irrégulières et régulières : Vallis liliorum, — Soliloquium animae, — Ilortulus rosarum, — Orationes piae.

A. — THOMAS A KEMPIS POÈTE

C'est, je crois,universellement admis Acette heure; Thomas a Kempis, le moine de Windesheim,est l'auteur de Y Imitation de Jésus-Christ; s'il y avait encore un doute, il me conviendrait de le transpercer d'un ou deux mortels arguments. Le style de ce livre apparaît très spécial, plein d'assonances, souvent rythmé avec une grande décision : une attentive analyse, la transcription manuelle de tels passages, coupés selon la rime et selon le nombre, conduisent nécessairement A cette constatation, que, du commencement A la fin, sauf en des passages, ressouvenances probables d'antérieurs écrits sur le même sujet, Yimitation est écrite en vers, en vers libres, un peu A la manière des proses de l'école de Saint-Gall, et notamment oelon le modo du Viclimae paschali laudes. Tel vers s'isole do la courante assonance, tel autre, qui porte une citation ou une référence aux Écritures, s'abslient du rythme ; parfois, les finales en an (prononciation ou la pénultième annihile le son ultime) riment avec les finales en are, — et il y a plusieurs autres particularités dont uno patienle élude seule laisserait clarifier les apparentes incorrections. Des exemples sont, en un tel sujet, des prouves (la traduction citée est celle, un peu modifiée, du sieur do Deuil, prieur de Saint-Val) :

Liber primus. — Caput I.

1. Qui sequitur me, non ambulat in tenebris, sed habebit lumen vitae. (Joan., c. XII.)

Haeo sunt verba Christi, quibus admoneinur Quatenus vitam ejus et mores imitemur, Si volumus veraciter illuminari Et ab omni caecitate cordis llberari, Summum igitur studium nostrum sit in vita Jesu Christi meditari.

32G LE LATIN MYSTIQUE

(Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il possédera la lumière de la vie. (Jean, ch. xii.) — 1. VoilA les paroles du Christ, par lesquelles il nous exhorte d'imiter sa conduite et sa vie, si nous voulons être éclairés de la véritable lumière et être entièrement délivrés de la cécité du coeur. Ainsi notre souveraine occupation doit être de méditer sur la vie de Jésus-Christ.)

Liber primus. — Caput XXIII.

1. Melius est peccata cavero Quam mortem fugere. Si hodie non es paratus, Quomodo cras cris ? Cras est dies incertus : Et qui scis si crastinum habebis?

6. Disce nunc mori mundo,

Ut tune incipias vivero cum Christo.

Disce nunc omnia contemnero

Ut tune possis libero

Ad Christum pergero.

Castiga nunc corpus tuum per poenitentiam

Ut tune vales certain habere confidentiam.

7. Ah ! Stulte qui cogitas To diu victurum,

Cum nullum diem habeas

Hic securum !

Quam multi sunt decepti

Et insperate de corporo extraeti !

(1.11 vaut mieux éviter le péché que fuir la mort. Si lu n'es pas prêt aujourd'hui, comment le seras-tu demain ? Demain est un jour incertain, et sais-tu si tu auras un demain? — C. Apprends dès maintenant A mourir au monde afin de commencer alors A vivre avec lo Christ. Apprends dès maintenant A mépriser tout, afin de pouvoir librement aller au Christ. CliAtie dès maintenant ton corps par la pénitence, afin que te soit possible la certitude et la confiance — 7. Ah! Insensé qui

LE LATIN MYSTIQUE 327

comptes sur une longue vie, quand tu n'es pas môme assuré d'un seul jour! Qu'il y en a donc de déçus, qu'il y en a de tirés de leur corps A l'improvisle!)

Liber secundus. — Caput XI.

1. Habet Jésus nunc multos amatores Regni sui coelestis, Sed paucos bajulatores Suae crucis.

Habet multos desideratores Consolationis, Sed paucos tribulationis. Plures invenit socios mensae, Sed paucos abstinentiae.

Omnes volunt cum Christo gaudere,

Sed pauci volunt pro ipso aliquid sustinere.

Multi sequuntur Jesum usque ad fractionem panis,

Sed pauci usque ad bibendum calicem passionis.

Multi miracula ejus venerantur,

Sed pauci ignominiam crucis sequuntur.

( 1. Jésus a maintenant beaucoup d'amateurs de sa gloire et de son royaume, mais peu de porteurs pour sa croix. 11 y en a beaucoup qui désirent ses consolations, mais peu ses tribulations. 11 trouve plus d'un compagnon de table, mais peu d'abstinence Tous veulent se réjouir avec lo Christ, mais peu veulent endurer n'importe quoi pour lui. Beaucoup suivent Jésus jusqu'à la fraction du pain mais peu jusqu'à boire avec lui le calice de la passion. Beaucoup révèrent ses miracles, mais peu le suivent dans l'ignominie de sa croix.)

Liber tertius. — Caput IV (V, dans quelques éditions).

4. Amans volât, currlt et Jaetatur : Liber est et non tenetur : Dat omnia pro omnibus Et habet omnia in omnibus : Quia in uno summo bono super omnia quicscit,

328 LE LATIN MYSTIQUE

Ex quo omne bonum Huit et procedit :

Non respicit ad dona,

Sed ad donantem se convertit super omuia dona.

5. Deus meus ! Amor meus !

Tu totus meus et ego totus tuus !

Dilata me in amore,

Ut discam interiore

Cordis ore degustare

Quam suave est amaro

Et in amore liquefleri et natare.

(4. L'amant vole, court et se rejouit : il est libre et rien ne le retient : il donne tout pour tous et possède tout en tous : parce qu'il so repose uniquement en ce souverain bien, d'où découlent et procèdent tous les biens : il ne regarde pas A ce qu'on lui donne, mais il s'élève de tout son coeur vers celui qui donne — 5. Mon Dieu 1 mon amour! Tu es tout A moi et je suis tout A toi 1 Dilate moi en amour, afin que par l'intérieure bouche de mon coeur j'apprenne A goûler combien il est suave d'aimer, et de se fondre et nager dans l'amour.)

Soumis au môme traitement, le livre IV s'est presque révolté, n'a laissé issir que des vers lourds et informes; cette partie, d'ailleurs surérogaloirc, n'est évidemment pas de la même main; le moine contemplatif et mystique fait place A un directeur do conscience, A un confesseur, A un médecin spirituel qui disserte des effets do l'eucharistie sur les Ames. Le continuateur a peut-être travaillé sur des notes do Thomas a Kempis : c'est tout ce qu'on peut accorder; mais j'admettrais plutôt une addition postérieure par un écrivain imitatif et do bonne volonté. Les autres ouvrages mystiques en prose do Thomas a Kempis (lesquels ne sont pas sensiblement inférieurs A l'Imitation, quoiquo rédigés pour un petit nombre d'élus mystiques) sont au contraire remplis do séquences ; ainsi :

LE LATIN MYSTIQUE 329

Vallis Liliorum. — Caput XXV C'est la séquence A rimes intérieures et finales :

3. En hodie rex vivit et imperat, Et cras non invenitur, nec auditur. Hodie in alto solio sedet et aureo pallio vestitur, Et cras sub terra sepelitur et amplius non videtur. Hodie a multis honoretur, Et cras a nullo curatur.

(2. Voici qu'aujourd'hui le roi rit cl commande, et demain où est-il? Nul ne l'entend. Aujourd'hui assis sur un trône élevé il s'enveloppe du pallium d'or et demain le voilà sous la terre et nul jamais no le verra plus. Aujourd'hui beaucoup lo révèrent et demain nul no s'occupera de lui.)

Poésie basée sur le parallélisme, de forme identique au § 1 du chapitre XI de l'Imitation, cité plus haut. Qui rédigea le Vallis Liliorum rédigea aussi Y Imitation. La prose suivante incite encore, semble-t-il, A la même conclusion :

Soliloquium animae. — Caput V.

2. O vitam pauperem et miserabllem, Vitam fragilem et lamentabilem, Quam boni magls patiuntur quam diligunt : Mali autem, etsi multum eam diligunt, Tamen diu in ea sustinere non possunt !

O quando finieris

Et quando cessabis

Universa vanitas mundi ?

Sed veniet tempus quando liberantur

A servitute corruptionis omnes electi

Qui jam soepo lamentantur

Quia longe sunt a regno Christi.

(2.0 vie do pauvreté etdo misèrc,viede fragilité elde lamentation, vie que les bons supportent, plutôt qu'ils ne l'aiment : les mauvais au contraire, bien qu'ils l'aiment beaucoup, ne

LAT. MYST. 21

330 LE LATIN MYSTIQUE

peuvent longtemps s'y maintenir. — Oh ! quand finiras-tu et quand cesseras-tu, universelle vanité du monde ? Il viendra le temps où seront libérés de la servitude de la corruption tous les élus qui no cessent de se lamenter d'être éloignés du royaume du Christ.)

Hortulus rosarum. — Caput XIII.

2. Caritas nunquam est otiosa, Operatur enim magna Et sublimia,

Inclinât se etiam libenter ad humilia Et abjecta.

Ipsa perficit diligenter honesta, Delectatur viliora Sibi injungi ex obedientia. Non abhorret tangero infirmorum vulnera Lavare pedes,

Sternare lectulos, purgare vestes, Tergere sordes. Ita patienter fert aspera, Laetatur inter opprobria.

(2. La Charité n'est jamais oisive, elle opère en effet des choses grandes et sublimes et s'incline encore volontiers vers les humiliations et les abjections. Elle accomplit diligemment les choses décentes et elle so délecte lorsque les plus viles lui sont par obéissance imposées. Elle n'abhore pas do toucher aux blessures des infirmes, de laver les pieds, do faire leslils, de purifier les vêtements, do nettoyer les ordures. Ainsi patiemment elle souffre les duretés do la vio et elle s'éjouit au milieu de l'opprobre)

La séquence suivante extraite d'un traité en prose est rigoureusement régulière : '

Orationes piae, — Oratio X.

Gaude, Agnes, virgo Christi Quae in mundo dum fuisti Jesum dilexisti.

LE LATIN MYSTIQUE 331

Gaude, Agnes, virgo mitis

Quae moribus redimitis

Deo placuisti.

Gaude, Agnes, gemma castitatis

Quae candorem tuae puritatis

Nunquam amisisti.

Gaude, Agnes, pulchra facio

Quae a nulla mundi specie

Vinci potuisti.

Gaude, Agnes, rosa speciosa

Quae accepta morte pretiosa

Coelos conscendisti.

(Triomphe, Agnès, vierge du Christ, loi qui pendant ta Yie humaine aimas Jésus. — Triomphe, Agnès, ô vierge douce, toi qui ceinte de vertus, plus au Seigneur. — Triomphe Agnès, gemme très chaste, A la candeur toujours si pure, toujours pareille —- Triomphe, Agnès, car la beauté par nulle autre beauté mondaine ne fut vaincue — Triomphe, Agnès, rose précieuse, ta mort exquise de martyre t'ouvrit lo ciel.)

N'est-ce pas bien toujours, de même qu'en Ylmitaiion, la phrase passionnée, mais un peu lasse, proférée comme avec regret par un moine qui sait que la parole véritable est la parole intérieure, par un moine qui a écrit un Traité sur le Silence, qu'il qualifie do sacré, « sacrum scilicet silentium! »

B. — Formation du Bréviaire romain actuel — Liste de toutes les proses, hymnes et principales antiphoncs du Paroissien romain complet à l'usage de Paris, avec les noms des auteurs ; à défaut, la date approximative ou In source la plus anciennement connue.

B. — HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN

Commo maintes fois il lo fut, au cours do cette étude, noté, il no faut pas s'altendro A trouver dans les missels actuellement liturgiques les textes authentiques des hymnes, des proses, des antiphoncs dues aux poètes latins mystiques du moyen Age; ils ont été A différentes reprises mutilés.

Voici, succinctement, l'histoire du Bréviairo romain, aujourd'hui en usage dans l'Eglise universelle 11 dato de 1568, fut la conséquence du Concile de Trente, clos en 1562. Promulgué par Pic V, il eut A subir plusieurs corrections ultérieures. Sous Clément V11I (1002), une commission composée du cardinal Bellarmin, de Baionius et de Silvius Antonianus le remania; Urbain VIII, en 1031, délégua pour un nouveau et grave bouleversement, les jésuites Faminiano Strada, Hieronimo Pclrucci et Tarquino Galucci. Ces trois réformateurs corrigèrent les hymnes et les proses dans le sens d'uno latinité classique (oeuvre tentée en vain, dès 1523, par Zacharie Ferreri, avec l'approbation de Clément VII) et d'une conformité aux mètres d'Horace Celle seulo préoccupation leur fit faire aux texles anciens plus de 900 adultérations : tel est le bréviaire actuel, et c'est dire qu'on ne peut avouer pour ce recueil un absolu respect littéraire, — encore qu'en son ensemble il demeure l'un des plus enviables livres de lecture et do relecture qui soient au monde.

Quant au Bréviaire de Paris, il fut revisé pour la première fois en 1680, puis en 1736, sous l'inspiration janséniste et la direction de l'abbé Coffin. De cette dernière réforme sortit un ouvrage d'une abjection sans pareille d'une infamie A faire pleurer. Dans ce témoin de la basse stupidité où était chuo l'Église au xvm' siècle, la haine du mysticisme et la folie classique sont aiguisées A un tel point que dans l'office du Saint Nom de Jésus, par exemple, on lit A deux pages de distance le divin

330 LE LATIN MYSTIQUE

chef-d'oeuvre- do saint Bernard Jesu, dulcis memoria (qu'on n'osait encoro renier) ot uno amplification qui débuto ainsi :

Huo triomphantls proceres Olympi.,.

Toutes les paroisses do Paris n'accepteront pas uno réforme où do pures poésios étaiont remplacées par des odes do régent do collègo. Les Propres do Saint-Séverin, Saint-Merry, SaintJacques-du-Haut-Pas, Saint-Élionnc-du-Mont, etc., conservèrent lours proses traditionnelles dont quelques-unes sont fort belles; tollos, laproso do l'Offico do la Réparation (SaintMerry) :

Plange, Sion, muta vocem, Da lamentum et atrocem Die furorem hominum...

La proso do S. Jacques et S. Philippe (Saint-Jacques- duHaut-Pas) :

Vos una laeti canimus Orbis sacri praesidia...

Il fallut, pour que le sacrilègo fût accueilli universellement, le Concordat : alors, depuis le premier Empire jusque vers 1870, régna un bréviaire contenant 88 hymnes de Santeul, uno centaine de l'abbé Coffin, — le reste ayant pour auteurs Guillaume de la Brunetièro, Claude Santeul, frère du Victorin, Nicolas Lo Tourneux, Isaac Habert, Sébastien Besnault, etc. L'actuel bréviaire est le romain; quant au Propre de Paris, il est toujours conforme, A peu près, au texte réformé do 1736.

On a cru intéressant, au moins pour quelques personnes, de dresser uno liste de toutes les hymnes, proses et antiphones, non du Bréviaire entier, mais du Paroissien romain complet, avec indication des modifications subies par les textes, le nom des auteurs; A défaut de nom connu, la date approximative de leur composition, ou la source la plus anciennement connue

LE LATIN MYSTIQUE 337

A

Ad coenam agni providi S. AMBROISE.

Adeste, fidèles S. BONAVENTURE.

(Attribution.—Pout-étro du xv« ou

mémo du xvia siècle)

Ad Jesum accurrite Bvév* Paris.

Adoro te dévote S. THOMAS D'AQUIN

A d regias agn i dajies.

(Hymne modifiée— V. Ad coenam

agni providi.)

sterne rerum conditor S. AMBROISE.

Aima redemptoris mater HERMANUS CONTRACTUS.

A solis ortus cardin>- SEDULIUS.

Attribué aussi A S. AMBROISE.

Auctor béatesaeculi Brév. romain.

Audi bénigne conditor S. GRÉGOIRE LE GR.

(4« str. modifiée.)

A urea luce et décore roseo HELPIDIE.

Aurora lucis rutilât S. AMBROISE.

A ve, maris stetla ( VIII* — X* siècles.)

Ave, regina coelorum Brév. franciscain.

Ave, verum corpus natum S. THOMAS D'AQUIN.

B

Bonepastor, panis vere. (Fragment de: Lauda, Sion, Salvalorem.)

G

Christe, redemptorgentium S. AMBROISE.

Christe, redemptor omnium (A'° siècle.)

Christe, sanctorum decus angelorum

angelorum MAUR.

Coelestis agni nuptias FR. LORENZINI.

Coelestis tirbs Jérusalem.

(Hymne modifiée.— V. Urbs beata

Jérusalem.) Coelo quos eadem gloria consecrat. J.-B. SANTEUL.

Conditor aime siderum S. AMBROISE.

Creator aime siderum.

338 LE LATIN MYSTIQUE

(Hymno modifiée. — V. Conditor

aime siderum.) Crudelis Ilerodes Deum.

(Hymno modifléo. — V. Hostis

Ilerodes impie.) Custodes hominum psallimus angelos

angelos

(Attribution.)

D

Décora lux aeternitatis aureàm (Hymnemodifiée.—V, Aurea Utce et décore rosco.)

Deus creator omnium S. AMBROISE.

Deus tuorutn mililum S. AMBROISE.

(2o str. modifiée.)

Dies irae, dies illa THOMAS DE CELANO

Doctor egregie Paule. (Fragment de : Aurea luce et décore roseo.)

E

Ecce panis angelorum.

(Fragment de : Lauda, Sion, Salvalorem.)

Salvalorem.) doctor Paule.

(Hymne modifiée. — V. Doctor

egregie Paule.)

Exile, filiae Sion Brév. romain.

Exultet coelum laadibus (Xe — XII* siècles.)

Exultet Ecclesia, dum.

(Hymne modifiée. — V. Gaude,

proie graecia.) Exultet orbis gaudiis.

(Hymne modifiée. — V. Exultet

coelum laudibus.)

F

Fas sit, Christe} mysteria Brév. Paris.

Festivis resonent compila vocibus. Brév. romain.

LE LATIN MYSTIQUE 339

Fortem virili pcctore SYLVIUS ANTONIANUS.

Funcri ne date planctum , liituel romain.

G

Gallicae custos Genovefa gentis.... Brév. Paris.

Gaude,proie Graccia ADAM DE S.-VICTOR.

Gaudii primordium et salutis .... Brév. Paris.

Genovefae praeconia Brév. Paris.

Genovefae solemnitas ADAM DE S.-VÎOTOR.

Gentis Polonae gloria Brév. romain.

Gloria, laus et honor THÉODULPHE.

(Hymno abrégée.)

H

Hostis Herodes ir^ie

(Fragment de : A sjlis ortus cardine.)

cardine.) generis cessant suspiria. Missel de Paris.

I

Iste confessor Domini colentes. (Hymne modifiée. — V. Iste confessor Domini sacratus.)

Iste confessor Domini sacraitts.... ilX* — X* siècles.)

Induant justitiam Brév. Paris.

Inviolata, intégra et casta Ecole de S.-Gall.

J

Jam sol reccedit igneus.

(Hymne modifiée. — V. O lux

beata Trinitas.)

Jam surgit hora tertia S. AMBROISE.

Jérusalem et Sion fliae ADAM DE S.-VICTOR.

Jesu corona virginum S. A MBROISE.

Jesu dulcis memoria S. BERNARD.

Jesu nostra redemptio S. AMBROISE.

Jesu redemptor omnium ABBÉ COFFIN.

(Hymne corrigée. — V. Christe

redemptor gentium.)

310 LE LATIN MYSTIQUE

L

Languentibus inpurgatorio (XIV* siècle.)

Lauda, Sion, salvatorem S. THOMAS D'AQUJN.

Libcra me, Domine, de morte

aelerna {XI* siècle,)

Lignum crucis mirabile Brév. Paris.

Lucis creator optime S. AMBROISE.

Attribué aussi è. S. GRÉGOIRE.

Lux de luce, Deus, fons J..B. SANTEUL.

M

Martyr Dei Venantius Brév. romain.

Mémento, rerum conditor.

(Hymne modifiée. — V. Mémento,

salutis auctor.) Mémento, salutis auctor.

(Fragment de : Christe, redemptor

gentium.) Miris modis repente liber.

(Hymne modifiée. — V. Petrus

beatus catenarum laqueos.)

N Nunc, sancte, nobis, Spiritus S. AMBROISE.

O

O filii et filiae (XII* siècle.)

O gloriosja domina.

(Fragment de : Quem terra, pontus,

pontus, OglQ^iosa virginum.

(Hymne corrigée. — V. O gloriosa

domina.) O invidenda martyrum, opoena.. Brév. Paris.

O lux beata, Trinitas S. AMBROISE.

O quot undis lacrymarum Brév. romain.

O salutaris Uostia.

LE LATIN MYSTIQUE 341

(Fragmont do : Verbum sxtper* mon prodiens, nec Patris.) O vos unanimes christiamon chori, J.-B. SANTEUL. (D'après un texto anclon.)

P

Pange, lingua, gloriosi corporis

mysterium S. THOMAS D'AQUIN.

Pange, lingua, gloriosi lauream

certaminis (Hymne modifiée — V.

Pange, lingua, gloriosi praelium

certaminis.) Pange, lingua, gloriosi praelium

certaminis CLAUDIEN MAMERT.

Panis angelicus.

(Fragment de: Sacris solemniis.)

Pater superni luminis BELLARMIN.

Petrusbeatus catenarum laqueos. HELPIDIE. Placare, Christe servulis.

(Hymno modifiée, — V. Christe,

redemptor omnium.) Praeclara custos virgimon Brév. des Servîtes.

Q

Quam pulchre graditur filia principis

principis romain.

Quem terra,pontus, aethera FORTUNAT.

Quem terra,pontus, sidéra.

(Hymne corrigée. — V. Quem

terra, pontus, aethera.) QuicumqueChristum quaeritis.... PRUDENCE.

(Hymne abrégée.) Quid nunc in tenebris tristis aberras

aberras Paris.

Qui mutare solet grandibus infima. Brév. Paris. Quis novus coelis agitur triumphus Brév. Paris. Quodcumque in orbe nexibus.

tHymne corrigée. — V. Quodcumque vinclis super terram.) Quodcumque vinclis super terram. Brév. romain.

312 LE LATIN MYSTIQUE

11

Hector potens, verax Deus S. AMBROISE.

liegina coeli laetare (XIV* siècle.)

lierum creator optime S. AMBROISE.

Iierum% Deus, tenax vigor S. AMBROISE.

Rex gloriose martyrum ........... (X* siècle.)

(2« et 3« str. modifiées.)

Rex gloriose praesulum Brév. Paris.

Bex sionme région Brév. Paris.

S

Sacris solemniis : S. THOMAS D'AQUIN.

Sacpe dum Christi populus Brév. romain.

Salutis humanae sator. (Hymno corrigée.—V. Jesu, nostra redemptio.)

Salve, regina , HERMANUS CONTRAOTUS.

Salvete, flores martyrum, (Fragment de : Quicumque Christian quaeritis.)

Sanctorum meritis inclyta gaudia (VIII* siècle,) (Hymne entièrement modifiée.)

Solemnis haec festivitas Brév. romain.

Sponsa Christi quae per orbem Missel de Paris.

Stabat mater dolorosa JACOPON DE TODI.

Sub tuton praesidium S. BONAVENTURE.

T

Tantum ergo sacramentum.

(Fragment de : Pange, lingua,

gloriosi corporis mysterium.)

Te deprecante cotponon Brév. romain.

Te Deum laudamus S. AMBROISE .

Attribué aussi à S. AUGUSTIN.

et à S. HILAIRE.

Te Joseph célèbrent Brév. romain.

Te laudamus, o regnator Brév. romain.

Te lucis ante terminian S. AMBROISE.

LE LATIN MYSTIQUE 313

Te sancte rursus Lud>.>'ico praelia, Brév. Paris.

Tjsjilendor et virtuspat, is Brév, romain.

Tibi, Christe, splendor pat, * RABAN MAUU.

Tristes erant apostoli.

(Fragment do : Aurora lucis r.'ti*

lat,)

U

Urbs beata Hierusalem ( V7/A — Xe siècle.)

Ut queant Iaxis PAUL DI: ORE.

V

Veni, creator Spiritus RABAN MAUR.

(lr«, 2* et 3Q str. modifiées.)

Veni, redemptor gentium S. AMBROISE.

Veni, sancte spiritus ROBERT DE FRANCE.

Attribué aussi A HERMANUS CONTRACTUS.

Verbion superman prodiens, nec

Patris S. THOMAS D'AQUIN.

Verbum supernumprodiens a Pâtre S. AMBROISE. Verbum supermon prodiens a Patris Brév. romain.

Vexilla régis prodeunt FORTUNAT.

(Ire, 2°, 3°, 59, Gc et 7« str. modifiées.)

Victimaepaschali laudes NOTKER BALBUIAS.

Attribué aussi A WIPO.

(Prose abrégée.)

Votispater annuit Brév. romain.

TABLE CHRONOLOGIQUE

NOTA. — Bien qu'on ait suivi autant quo possible la chronologio, :! a été parfois nécessaire, on colla éliuio, do rapprocher pour plus d'intérêt, dos auteurs un pou éloignés l'un de l'autre. Cette table rétablira l'ordre. Los dates indiquent soit la naissanco et la mort, soit l'époque où il est fait mention du personnage, soit seulement la mort.

III* SIÈCLE

Commodion do Gaza.

IV* SIÈCLE

Juvencus (330). — Oplatien Porphyre (324). — Antonius. — Lactance (290-324). — Fortunatus. — Symphosius Goelius. — Marius Victorinus (372). — S. Uilairo do Poitiers (3Q8). — S. Damai j (366-384). — S. Ambroise(310-307). — Scdutius (392). — Asterius (392). — Severius ou Soverus sanctus Endelcchius. — Fallonia Proba (400). — Ausone (379-392). — S. Jérôme (331-420). - Marcellus Empiricus.

Ve SIÈCLE

Tyro Prosper (407). — S. Gaudence (420). — S. Augustin (354-430).

— S. Hilaire d'Arles (429-449). — S. Prosper d'Aquitaine (403). — Claudien Mamert (470). — Sidoine Apollinairo (482). — Avitus do "Vienne (494). — Prudenco (405). — Dracontius (440). — S. Paulin do Noie (410-431). — Marius Victor (425-455). — Mérobaudes. - S. Orienlius (440). — S. Auspicius (470). — Paulin do Périgueux (490). — Amoenus (495). — Secundinus. — Paulin le Pénitent (376-466). — Drepanus Florus. — Arator.

VI* SIÈCLE

Rusticus Helpidius(520). — Florenlinus. — Mavortius. — Coronatus.

— Luxorius. — Ennodius (521). —Boèco (475-525). — Helpidie (525).

— S. Remy (533). — Frédégairo. — S. Martin de Dûmes (572). — AnLAT.

AnLAT. 22

340 Mî LATIN MYSTIQUK

tipltonairc de llangor. — S, Grégoire (500-COi). — Flavius do Cha« Ions (5S0). — Priscion.

vu* SIÈCLE

Fortunat (600). — Marc du Mont-Cassin (612). — S. Columban (015). — llonorius I" (625-638), — Isidore do Sévillo (570-638), — Liturgies mozarabes. — Bernard, moine. — Columban, molno. — Hartman. — Notker l'ancien. — Notkor medicus. — Ratport. — Antiphonaire de S.-Gall. — Tutilo. — Waldram. — S. Livinius. — S. Eugéno do Tolède. — S. Frucluosus. — S, Domnus Ier.

VIIIe SIÈCLE

Adhelmo. — S. Bonifaco, de Maycnco (747). — Cyprien, moine. — Bôde lo Vénérable (735). — S. Ilildofonso. — Paul Diacro. "— Pierre do Piso.

IX* SIÈCLE

Lo Poète saxon. —S. Paulin d'Aquilée (804). — Dagulf (809). — Charlomagno (814). — Joseph (801). — Fardulf (809). — S. Angilbort (814). — Alcuin (790-864). — S. Agobard (779-810). — Eginhard (810). — Théodulphe (821). - Bernowin (834). — S. Adalhard (826).

— Ermold le noir (826). — Hildéric (834). — Raban Maur (788-850). ~ Walafrid Strabo(849). — Andrad (851). —S. Prudence, do Troycs (861). — Ebbo (850).— Hartman (850). — Ermanric (850). — Lo Diacro Flore (860). — Servatus Lupus (862). — Engelmod. — Gotteschalc (868). — Alvarôs do Cordoue (869). — Wandalbert. — Milo (872). - Jean Scot Érigôno (872). — Héric (881). — Ilincmar (882). — Harmot (834). — Aimoin (888). — Ratpert (890). — Angilbert do Corbie (890).

— S. Tutilo (898). - Wolfard (898). - Halduin (849). — Sigloard. - Gosbert. — Ottfrid. — Loup de Ferrières (862). — Sedulius Scotus. — Ilibernicus Exul. — Macer Floridus.

X* SIÈCLE

S. Notker Balbulus (810-912). - Ratbod (918). — Salomon (920). — Waldram (920). — Abbon 923). — Cyprien de Cordoue (928). — Hucbald (030). — Odon do Cluny (942). — Cosmas Japigus (950). — Frédôgod (963). - Flodoard (966). - Théoderic (984). — Erkembald (991). — Roswitha (999). - Agio (999). — Ekkehard le Vieux (973). — Ekkehard lo Palatin (990). — Gunzon.

TADLK CHRONOLOGIQUE 347

XI» SIÈCLE

Henricus monachus. —Gorbort (1003).— Surchard (1003), — Abbon doFloury (1001). - Aimoin do Fleury (1008). — Iloriger (100S). — Adomar (1029). — Fulbert do Chartres (1020). — Guido Aretinus (1034). - Dudo (10*20). — Adalboro (1030). - Robert do Franco (1031).

— Fromond (1040). — Héribert d'Kichstad (1012). — Odilon do Cluny (1049). — Rerno (1018). - Wlno (1051). — Hermanus Conlractus (1054). — Godeschalk. — Adelman (1001). — S. Plerro Damicn (1006. 1072). - Olhlonus (1073). — Guido d'Amiens (1076). — Rénal (1080). — Folcard. - Alphanus do Salorno (1085). - Gaiferius (1084).

— Domnizon (1130). — S. Anselme do Lucques (1085). — Guillaumo Apulus (1099). — Théodoric (1090). - Fulcoius .(109S). - Guillaumo do Poitiers (1093). — Jean do Garlandia (1040). - Gudin (1025). — Ansellus, — Zacharius. — Walphelm (1091).

XIIe SIÈCLE

S. Anselme deCantorbery (1033-1109). — Radulfus Torlarius (1115).

— Camenus (1115). — Laurent do Vérone (1119). — Rupcrt doS.-llôribert (1135). — Odon do Bayeux. — Udascalo (1135). — Ilildebert de Lavardin (1131). — Marbodo(U23).— Piorro lo Diacro (1138). —Serlon. -Abailard (1079-1142). — Hilairc d'Angleterre (1125). — S. Bernard (1091-1153).—Guillaume doS.-Denys(U52).— Pierre lo Vénérable (1158).

— Regilindo et Herrade, abbesses do Hohenbourg..— Adam do S.-Victor (1173). - S. Hildegardo (1100-1181). — Jean do Salisbury (1180). — Arnulfo de Lisieux (1181). — Philippe de Harveng (1182). — Rcinier (1188). — Pierre de Riga (1170). — Pierre de Blois (1200). — Léonius de Paris. — Bernard de Cluny. — Jean do Hauteville. — Guillaume de Blois.

XIII' SIÈCLE

Mathieu de Vendôme (1200). — Gautier de Castillon (1200). — Alain de Lisle(1203). — Innocent III (1198-1216). - Pierre de Corbeil (1222). — Thomas de Celano 11226). — S. Thomas d'Aquin (1226-1274).

— S. Bonaventure (1221-1274).- Albert le Grand (1193-1290). - Godefroi do Saint-Victor. — Jean d'Antville.

XIV* SIÈCLE

Jacopon de Todi (1306). — Albert de Prague. — Conrad de Haimbourg (1360). — Jean Hondem (1350).

348 LE LATIN MYSTIQUE

XV* SIÈCLE

Henricus Pistor (1415). — Thomas a Kcmpis (1380-1471). — Conrad doGanning. — Ulrich Stûcklins de Rottach. — Ulrich de Wessobrun.

XVP SIÈCLE

Bréviaire romain do Pie V.

XVIIe SIÈCLE

Bréviaire romain do Clément VIII. — Bréviairo romain d'Urbain VIII. — Bréviaire de Paris do M. do Ilarlay.

XVIIP SIÈCLE Bréviaire de Paris de l'abbé Coftin (1736).

BIBLIOGRAPHIE

Liste des prlnoipaux ouvrages consultés

A. — OUVRAGES GÉNÉRAUX, RECUEILS D'CCUVHES, DOCUMENTS, CtC.

ADDÉ U. CHEVALIER. Bio-Bibliographie.

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(Lyon, 1677 et Paris, 1703-1705, 29 vol. in-folio). MAÏ, Scriptorum vetentm nova colleclio (Home, 1825-1889,10 vol. in-4. Corpus scriptorum ecclcsiasticorum (Vienne, en cours do publ.). DOM MARTKNE. Velcrum Script. amplissima colteclio. MIONB, Patrotogie latine (222 vol. in-4). MIONK, Palrologie grecque (166 vol. In-4). MAuniEn, Bibliothcca Cluniacensis (Paris, 1611, in-folio). ELLIES DUPIX, Nouvelle Bibliothèque ecclésiastique (Paris, 1690, 3 vol.

in-4). 0. FADRICIUS, Poetarum vetentm ecclesiasticorum Opéra Christiana et

Operum reliquiae atque fragmenta (Baie, 1504, in-4). A. EBERT, Histoire générale de la littérature du moyen âge en Occident. Traduit de l'allemand (Paris, 1883-81,2 vol. in-8). L. DACHERIUS, Spicitegium veterum aliquol scriptorum (Paris, 1723,

3 vol. in-folio). DOM MADILLON, Vetera Analecta (Paris, 1723, in-folio). LE MÊME, Muséum italicum, seu colleclio vêler, scriptorum (Paris,

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In-folio). ANACLET SKCCIII, llymnodia ecclesiaslica (Anvers 1631, in»8), VORAOINE, Legenda aurea (Lyon, 1505, in-folio). DURAND, nationale Divinorum officiorum (Baie, 1488, in-folio). Nie. SERRARII Opuscuta (Mayence, 1611, in-folio). J. GRETSRRI Opéra (Ingolstadl, 1734, 17 vol. in-folio). SIRMONDI Opéra (Paris, 1696, 5 vol. in-folio). CARDINAL BONA, Hentm lilurgicarum libri duo (Rome, 1071, in-4). LE MÊME, De divina Psalmodia (Paris, 1663, in-i). TOMMASII Opéra (Rome, 1751, 7 vol. in-4).

350 LE LATIN MYSTIQUE

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in-4). DOM MARTIN* GERDERT, Velus Liturgia aiemanica (Saint-Biaise, 1774

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Ulm, 1777-79, 2 vol. in-1). Missale mixlum secundum rcgulam D. lsidon\ diclum Mozarabes

pracfatione, notis et appendice ab Alex. Lesbeot S. J. (Rome, 1755,

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(Paris 1741, in-3). GIJANCOLAS, Commentaire historique sur le Bréviaire romain (Paris

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— Offices propres de Saint-Etienne-du-Mont (P., 1771, in-12). — Offices propres de Saint-Séverin (P., 1738 in-12). — Offices propres de Saint-Jacques du Haut-Pas (P., 1760, in-12). — Pèlerinage du Calvaire sur le Mont-Valdrien (P., 1745, in-12). — Officia propria SS. Ecclesiae Masstliensls (Marseille 1732, in-16). — Office divin à l'usage de Borne (Lille, 1819, in-12). — Office des Morts complet (Paris, 1850, in-12). — Heures à l'usage des personnes régulières et séculières des trois Ordres do N. P. S. François (Paris, 1769, in-12).

— Anciens Bréviaires do Burgos, Tournay, Paris, Jlildcshein, Salzbourg, etc. — Anciens Missels d'Amiens, do Cluny, do Novlon, de sainto Brigitte, etc. — Missale secundum rcgulam S. Ambrosii (Milan, 1504, in-folio).

ADUB U. CHEVALIER, Bibliographie des Hymnes et Proses de l'Église (En cours do publication dans les Analccta Bollandica).

B. — OEUVRES SÉPARÉES OU I-UULIÉES DANS MIGNE, DRKVES, I.B conas DE VIENNE, ETC.

(NOTA. — M., suivi d'un chiflVe, signifia Collection Migne, tel tome.) AUUON. — M. 132. — Le Siège de Paris par les iXormands, poème d'Abbon, avec la traduction en regard (Paris, 1831, ln-8).

352 . LE LATIN MYSTIQUE

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CYPRIEN DE CORDOUE. — M. 132.

CYPRIEN LE MOINE. — M. 89.

DAGULF. — M. 99.

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351 LE LATIN MYSTIQUE

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EKKBIIARD LE VIEUX. — Kehrein,

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ENGELMOD. — M. 120.

ENNODIUS. — Ennodii opéra (Paris, 1611, in-8). — M. 63.

ERKEMDALD.— M. 137.

ERMANRIC — M. tl6.

ERMOLD LE NOIR. — M. 105.

EUGÈNE DE TOLÈDE. — M. 87.

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350 LE LATIN MYSTIQUE

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— Kehrein. — M. 87. NOTKER MEDICUS. — M. 87. ODILON DE CLUNY. — M. 142.

ODON DE CLUNY. — Odonis Ctuniacensis opéra (Dans Marrier, Diblioth.

clun. — M. 133. ODORANNUS. — M. 142. OPTATIEN PORPHYRE. — Poetae latini minores (Paris, 1824-28, 8 vol.

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- M. 61. OTHLONUS. — M. 146.

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PAULIN DB NOLB. — S. Pautini Nolani opéra aucta notis, etc. (Vérone, 1736, In-folio). - M. 61.

PAULIN DE PELLA ou LE PÉNITENT, —Corpusscript, ccclesiast. t. XVI.

PAULIN DE PÉRIGUEUX OU PAULINUS PETROCORIUS ou PETRICORDIAE. — Corpus script, ccclesiast., t. XVI. — Poemata (Leipzig, 1686, in-8).

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PIERRE DE BLOIS. — M. 207.

PIERRE DE CORDEIL. — Clément.

S. PJEBRE DAMIEN. — S. Pétri Damiani opera omnia (Paris, 1G63, infolio). - M. 144-145.

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S. PRUDENCE DE TROYES. —M. 115.

PURCIIARD. — M. 139.

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RADULFUS TORTARIUS. — M. 160.

RATROD. — M. 132.

RATPERT. — M. 87.

RATPERTUS. — M. 126.

REGILINDE et HERRADE. — V. Herrade.

REINIER. — M. 204.

S. REM Y. — M. 65.

RÉNAL. — M. 147.

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iv STICUS ELPIDIUS. — M. 67.

RUPERT DE SAINT-HÊRIBERT. — Huperii Tuitensis opéra (Cologne, 1602, 2 vol. in-folio). - M. 167.

SALOMON L'ÊVÊQUB. — M. 132.

J. SCOTT ÉRIOÈNE. — M. 122.

SECUNDINUS. — M. 6t.

SKCUNDUS. — M. 61.

BEDULIUS. — Sedulii opéra omnia cd F, Arevalo (Itomo, 1794, in-i). — M. 19.

SERVATUS LUPUS. — Servati Lupi opéra (Anvers, 1710, in-8). — M. 119.

SBVBRIUS OU BEVERUS SANCTUS. — Severii Sancli id est Endeleichi rhelorlsde Mortibus boum carmen (Leyde, 1715) in-8). — M. 19. — Poetae latini minores (Paris, 1824-20, 8 vol. ln-8).

SIDOINE APOLLINAIRE. — Cad Solii Apollinaris Sidonii Anernorum episcopi opéra (Paris, 1597, in-8). — M. 58.

SIGLOARD. — M. 129.

SYMPUOSIUS COELIUS. — M. 7. — A^nigmata et Griphi vetentm ac recenlium, etc. (Douai, 1601, in-8). — V. Notes du. chap. XIV. — Poetae latini minores (Altembourg, 1780-98).

358 LE LATIN MYSTIQUE

THÉODERIC L'ÉVÉQUE. — M. 137. THÉODERIC LE MOINE. — M 150. THÉODULE. — Duffleld. — Auctores oclo continentes libros videlicel

Calhonem, Theodulum de contemptu mundi, Alanum de Parabolis,

etc. {S. t., 1501, in-4). — Ecloga (Altenbourg), 1773, in-8). S. THOMAS D'AQUIN. — 5. Thomae Aquinatis opéra omnia (Rome,

1570 et suiv., 17 vol. in-folio). — L'Office du S. Sacrement en latin

et en françois (Paris, 1681, in-16). THOMAS DE CELANO. — Kehrein. — Clément. THOMAS A KEMPIS. — Venerabilis Thomae a Kempis opuscula recognovit

F.-X. Kraus (Trêves, 1868, 2 vol. in-16). TUTILO. — M. 87. S. TUTILO. — M. 129.

TYRO PROSPER. — Clément. — Poetae la t. minores (Altenbourg, 1780-98). UDASCALC. — M. 167. ULRICH STOCKLINS DE ROTTACH. — Drcve3. ULRICH DE "WESSOBRUN. — Dreves. WALAFRID STRABO. — M. 113-114. WALDRAM LE MOINE. — M. 87. WALDRAM L'ÊVÊQUE. — 132. WANDALDERT. — M. 121. WARNEFRID. — V. Paul Diacre. VVIPO. - Kehrein. - M. 142. WOLFARD. — M. 129. WOLPHELM. — M, 151. ZACHARIUS. — M, 152.

NOTES

INTRODUCTION

De laude eremi. — D. Eucherii de laude eremi Ubellus (Anvers 1621, in-16). — Cf. A rebours, de J.-K. Huysmans (chap. III).

A. Grenier. — V. Notes du chap. VIII.

Les écrivains mystiques. — 11 y aurait à chaque instant à noter les emprunts des mystiques latins à la Bible et au toxte mémo de la Vulgate. Les Prophètes, lo Cantique des cantiques et l'Apocalypse sont les trois sources les plus fréquentées par les poètes.

Hello. — L'Homme, par Ernest Hollo (Paris, 1872, in-8).

Proclos. — A. Hertzborg, Histoire de la Grèce sous la domination romaine (Paris, 1883, 2 vol. in-8).

CHAPITRE I

Commodien. — A. Aube, Essai d'interprétation d'un fragment du Carmen Apologelicum (Paris, 1883, in-8). — Cf. Ebert, Moehler et l'édition Ludwig.

Le Pape Gèlase. — M. 59.

Gennadius. — M. 58.

M. Gaston Dotssler, — Dans la Fin du Paganisme, ouvrago d'une grando valeur, malgré les préjugés classiques de l'auteur.

Apoltyon. — Cf. Apocalypse, IX, i et 2.

CHAPITRE U

Détona, De Sodoma, De Phoenke. — Elbert, t. I.

De Ùeneficiis suis christ us. — Clément.

Ausone, — Cf. C. J. Julllan, Ausone et son temps (Rev. hlst. 1891-1892).

Salvele, sancti vas amoris, — llymni et Cantiones Sueciae.

CHAPITRE III

Ùuona Pulcella, — Elnonensia, 2» éd. (Gond, 1815, ln-8). Prudence. — V. sur Prudenco s A ROselcr, Der Kalholische Dkhler Aur. Prudentius (Frlbourg en Brisgau, 1886, ln-8) ; A Puech, Pru-

3G0 LE LATIN MYSTIQUE

dence, étude (Paris, 1888, in-8); F. Kennel, De Aur. Prudentii Clem. re metrica (Rudolstadt, 1884, in-8) ; E. Faguet, De Aur. Prudentii Clem. carminibus lyricis (Bordeaux, 1883, in-8) ; H. Breidt; De Aur. Prudentio Clem. (Heidelberg, 1887, in-8).

CHAP1TIIE V

Claudien Mamert. — S. P. N. Claudiani Marnerti de Statu animae

(Cygneae, 1655, in-16). Forlunat, — V. Augustin Thierry. Grégoire de Tours. — Cf. pour sa correspondance avec Fortunat le

Livre des Miracles (Ed. Société de lllisl. de France; P. 1864, in-8). Boèce. — V. sur Boèco : II. Fraser Stowart, Boelhius, an essay

(Londres, 1891, in-8). Le groupe des poètes africains. — Elbert, t. I.

CHAPITRE VI

S. Columban. — Cf. Montalombert, Moines d'Occident.

Malachie. — Cf. lo P. Menestrier, Sur les prophéties attribuées à saint Malachie. — V. aussi : saint Bernard, De la vie et des gestes de saint Malachie (M., patr., lat.).

Théodulphe. — Cf. Hauréau, Sigularilés.

Pclalum. — Ancien ornement épiscopal, lame d'or qui descendait sur le front, vers le nez [Ou Gange).

C'est à regret,.. — Sur les vertus des plantes et la médecine analogique, voir : Macer Floridus, De viribus herbarum (Paris, 1815, in-8) et J.-B. Porta, Phylognomica (Francfort, 1591, in-4).

Boswitha. — Sur Roswilha, Conrad Cenlès, Laurent de Medicls, voir Etienne, Hisl. de la Littér. italienne,

CHAPITRE vu

Notker. —V. Bévue de Musique sacrée, 1862.

Godeschalk. — Sur S. Jean-Baptiste dans la poéslo latine du moyen

ûge, voir la légende de N.-D., par l'abbé Darras. Ennodius. — G. Tanzl. La Oronologia dcgli scritti di Magno Felice

Ennodio ; Trieste, 1889, ln-8.

CHAPITRE vin

Notker. — Il y eut encoro plusieurs autres Notker, dont Notker Labeo, qui traduisit, au xi* siècle, Boeco en haut allemand (Cf. Stewart, Boelhius, — V. Notes du chap. V).

NOTES 361

0 Filii. — V. Appendice D.

Ave, praeclara maris Stella. — Kehrein.

Jean le Géomètre. — Migne, Pair, grecque, t. 106.

Guillaume de Gonches.—cr. Hauréau, Singularités.

Grégoire te Théologien. — Grégoire do Nazianze. V. Migne, Patr. grecque, t. 35-38. — Cf. A. Grenier, La vie et les poésies de S. Grégoire de N. (Clermont-Ferrand, 1858, in-8).

CHAPITRE IX

Les Litanies. — Cf. Paradisus animae.

Une prose en l'honneur de S. Antoine. — Kehrein.

Ces vieilles exorations. — M. 138.

CHAP1TRB X

Ave, maris Stella. — Clément. " Sanctorum meritis. — Clément. IsaXe. — Lo Talmud dit aussi, à propos des mômes pratiques

(Traité Jebamoth, livro IV) : « C'est comme si tu versais du sang

humain *•

CHAPITRE XI

llildebert. — Cf. Hauréau, Us opuscules d'Hildebert deLavardin.

Jacques de Vilry. Le P. Chesneau. Jean de Gènes. — Ces autours sont cités d'après : Bapport de M. te comte A. de Dastard sur une crosse du XII* siècle. (Dans Bull, du Corn, de la langue, 1857.)

CHAPITRE XU

Uulter est confusio. — Auzeiger f. Kunde der d. vorzeit, nov. 1871.

Hymnes orphiques. — 'Opç&oç 'Apyovautixit, "VJAVOI, X*\ ntpl AtOwv, curante A. V. Eschenbachio. Acccdunt //. Stephani et J, ScaUgerinolae. (Trêves. 1689, in-16.)

L'Agate. — Selon les Hymnes orphiques, l'agate a également des propriétés fortifiantes et excitantes, et do plus peut i rendre tel hommo agréable aux femmes ». Il y a dans ces hymnes tout un traité des croyances relatives & l'agate.

Le Jaspe, — « Quand on porte sur soi uno plerro de jaspe, on devient agréable aux Dieux ((Aocxâptov), on est apte aux oeuvres sacrées, on peut faire pleuvoir... (Hymnes orphiques.)

L'Èmeraude. — « 'AiyX^ivT* |A«p«Y$0Vi — l'émeraudo qui brille pareille à l'air pur ". {Hymnes orphiques.)

Le Jayet. — « Les reptiles fuient lo malodorant Jayet, disent les Hymnes orphiques ; il guérit diverses infirmités des femmes ». —

LAT. MY8T. 23

362 LE LATIN MYSTIQUE

Cela concorde avec ce quo dit Marborde, mais de quelle pierre, au juste, entend parler le poète grec en décrivutit ainsi le jais : « Lo jais est couleur de feu, poli, pas très gros, il brûlo en donnant uno llamme telle quo celle du pin bien sec ?» Do telles définitions, moitié fausses, moitié vraies prouvent bien que tous ces poètes rapportent simplement do traditionnelles superstitions et que, pour ce qui est dwjayel, par exemple, ils n'en ont jamais vu.

Le Corail. — « Le corail, selon le grec, est primitivement uno herbo verte, une sorte d'algue... Vieillissant, elle se corrompt,se détache, surnago et à l'air so pétrifie tout en conservant sa forme végétale. » C'est ce quo dit Marborde.

Nicholas Bozon. — Edition do la Société des Anciens Textes.

Un manuscrit de Carlsruhc. — Mono.

Bubens Sardius.— Hymnes Orphiques: « Lo Sarde sanglant... SipSia S'atjAato'evTB. »

Cléandre Arnnbe — Il Tesoro délie Gioie, iraltado maraviglioso. Per Gleandro Arnobio, Et hora in questi novelli giomi dato alla luce delMondo... da Archangelo tiiecio (Venise, 1602, in-16). — Cf. sur les pierres précieuses, leurs vertus, leur symbolique : Pline, Hist. nat. ; Solin, Polyhislor. ; Avicenne, De virtute cord. ; Isidorn de Sévllle, Elymologies ; Albert le Grand, Comm. sur la Physique d'Aristote ; Camillus Leonardus, De fonte lapidum; Lod. Dolco, Dialogo dette Gemme (Trad. du De fonte Lap.) j Denys lo Chartreux, Comm. sur lExode ; Arius Monlanus, Comm. sur l'Exode ; Diverses dissertations que Ton trouvera aux oeuvres do Grégoiro le Grand, Bèdo lu Vénérable, Cardan, etc.

CHAPITRE XIII

S. Bernard. — On n'est pas d'accord sur l'attribution des poésies latines qui sont données ici à S. Bernard ; question trôs secondairo pour qui jugo les oeuvres en soi et non d'après la célébrité des auteurs ; voir à ce sujet Hauréau ; Des poésies latines attribuées à S. Bernard (Paris, 1890, iu-8).

Le Mort Saint-Innocent. — Au Louvre. Cf Lenolr, Musée, et Le Livret de l'Imagier, dans lo Mercure de France, mars 1892.

Herrade. — Bibliothèque de l'École des chartes, 1.1".

S. François d'Assise. — Voir Ozanam, Les Poètes franciscains.

Ave, Caput Christi. — Mono.

Caput spinis coronatum, — Paradisus animne.

CHAPITRE xtv

Littérature des énigmes, — On peut consulter le recueil suivant : JSnigmata cl griphi velerum ac recentium, cum notis Josephi Castalionis in Symposium, etc. (Douai, 1604 in-8).

NOTES 363

Talwine et Eusèbe. — Ebert.

Hersula. — Co mot n'ost donné ni par Forcellini ni par du Cange.

Mttltisunt. — E. duMéril.

CHAPITRE XV

Epitaphe d'Adam et de S. Victor. — Clément.

CHAPITRE XVI

Horloges de la Passion. — Mone.

Anastase le Bibliothécaire. — M. 127.

LausB. Virginis. — OEuvres diverses de P. Corneille (Amsterdam,

1740, in-32). Planclus de Chrislo. — Mono.

CHAPITRE XVII

Die paraphonista. — Kehrein.

Nec mutatur. — Kehrein.

Die, Maria. — Kehrein.

Lamenlum lacrymabile. — M. 155.

Office du S. Rosaire. — (Paris, 1770, in-16.)

Sequentia contra Turcos. — Kehrein.

Rutebeuf. — La Complainte d'oulre-mer et celle de Constantinople

(Paris, 1833, ln-8). 0 quam glorifica. — Mono. Gaude visceribus. — Clément. Ave, Maria. — Clément. Salve, mater Salvatoris. — Mono. Ave, virgo singularis. — Kehrein, Inviolata. — Mono. Surgis et virguncula. — Kehrein. Puteus honestatis, etc. — Kchroin. Ello est encore, pôle-mélo, etc. — Mone. — Pour lo reste du chapitre :

Mono ; Kehrein; Rottach; Jean de Hondem ; Barras, Légende de

N. D. ', Selecla pietalis ; Missel de Saltbourg, etc.

CHAPITRE XVIII

Audi Tellus... In tremenda... Versus de Mortuis. — Mone. La Prose de Montpellier ; La Prose de Limoges. — Coussemaket. La prophétie sibylline. — F. M. Leoni, Sibylt. Languentibus in purgatorio. — Office divin à l'usage de Rome (Lille, Lefort, 1819, in-12).

361 LE LATIN MYSTIQUE

Terret me dies terroris. — Mone. Meditalio animae. — Mone.

Dies irae. — On trouve fréquemment dans les missels reformés cette correction à la lf* strophe :

Dies irac, dies illa, Crucis expandens retilla, Solvet saeclum cum favilla.

Et celle-ci à la 13*

Petatricem absolvisti Et latronem...

De plus, généralement, la ponctuation est défectueuse.

CHAPITRE XIX

De Compassione D. M. V. — Kehrein.

Planclus D. M. V. — Kehrein.

Positus in ruinam — La Séquentiairo donne évidemment au positus

in ruinam un sens positif tout à fait différent du sens symbolique

do ce verset do S. Luc (II, 34) : « Ecce positus est in ruinam et in

resurrectionnem multorum in Israël. » Une autre version. — Clément. D'une autre Planclus. — Mono. De Tributatione B. M. V. — Kehrein. S, Donaventure. — V. Chap. XVI, 0 quoi undis lacrymarum, — V. Appendice B. Planctus ante nescia, — Mone.

De corona spinea... jusqu'à Dequinque vulneribus. — Mone. Joseph l'hymnographe. — Migno, Pair, grecque, t. 105 Jacopon de Todi. — Cf. A. d'Ancona, Origine del Teatro ilaliano,

2« éd. (Turin, 1891,1 vol. in-8). Il y a au Louvre. — Ce morceau, jusqu'au Slabat, a été Imprimé dans

le Mercure de France do janvier 1892 (Livret de l'Imagier.) Stabat mater... Les corrections faites à cette prose dans les missels

réformés sont souvent nombrouses ;

Strophe S : Quao mocrebat et dotebat Via mater, dum videbat...

Strophe 3 : Quis est bomo qui non fleret CAM'*/I' matrem si vlderct In lanto supplieio. Quis potul non conlristari...

Strophe 6 : In amando Christutn Deum Vaili complaeeam...

Strophe 7 : FacmepUtecumûtte...

Et metibitùthtc...

NOTES 36Î

Stropne 9 : A> flammis urar succrnsus Per te, Virgo

Contemple. — Traduction de Yexplicil qu'au dernier feuillet de son Jacopone (1490) inscrivit l'imprimeur Florentin, Scr Francesco Bonaccorsi :

Contempla cor mondan facto devoto La passion del tuo dolec Signorc Chicdi perdono di tuo anticho errore D'ogni peccato et di malitia voto.

On attribue à Jacopon une contre-partio du Slabat mater, un cantique sur les joies de Marie adorant Jésus nouveau-né. En voici la première strophe, d'après lo texte donné par Ozanam (Les poêles franciscains).

Stabat mater speciosa Juxta (oenum gaudiosa Du m jacebat parvulus. Cujus animam gaudentem. Lactabundam et ferventem Pcrtransivit jubilus.

APPENDICE A

Thomas A Kempis. — D'entre les innombrables travaux sur l'auteur do VImitation lo plus complot semble celui do Mgr Malou, évéquo do Bruges (1856). 11 est favorable au moino allemand. L'étudo donnée dans la Revue des Questions historiques, avril 1873, est intéressante, mois elle conclut faussement quo l'Imitation n'est l'oeuvro de personne, qu'cllo so forma lentement dans les cloîtres, etc. On peut consulter un travail do Thomas Brunton, Thomas A Kempis, notes, matériaux et recherches... (Paris, Pion 1873, in-4*, — suivi d'un Appendice outographié), contenant plusieurs renseignements historiques importants. — L'édition de l'Imitation suivie ici est celle do J. Volart (Paris, Barbou, 1773, in-12) ; la traduction du sieur do Bcull (do Sacl) est correcte dans la réimpression do 1745 (Paris, G. Dcsproz) ; pour les autres oeuvres du mémo auteur on a suivi : Vcner. Thomae a Kempis opuscula recognovit F.-X. Kraus, (Trêves, 1868, in-16). — Il y a au Musée Plantin, a Anvers, une letlro autographo de Thomas a Kompis, signée : Thomas a Campis.

APPENDICE B

Voici succinctement. — Cf. Dom Guéranger, Duffleld et la Bibliographie A.

366 LE LATIN MYSTIQUE

TABLE CHRONOLOGIQUE

Nombre de poètes mentionés à cette table no sont pas étudiés dans le cours do l'ouvrage ; on les a écrits parmi les autres, en manière de complément. Leurs oeuvres sont notées dans la Bibliographie B.

BIBLIOGRAPHIE

Ces deux listes d'ouvrages n'épuisent aucunement la bibliographie des poètes latins du moyen âge. — Consulter la Bio-bibliographie de l'abbé U. Chevalier.

INDEX GÉNÉRAL

Lo texte seul, à l'exclusion de l'Appendice B, des Tables, do la Bibliographie et des Notes, est indexé. — On trouvera les noms d'animaux, do Heurs, plantes, pierres précieuses sous les rubriques Bestiaire, Plantaire, Lapidaire. — Les chiffres indiquent les pages.

A

Aballard, 225 à 227. Abbon, 14, 95, 96. Abécédaires (Hymnes), 62. - (Poèmes), 113.

Absalon, 205.

Acrostiches, V. Commodien. Acla sincera, 43, 44, 48. Adam, 69, 125. 140, 166. Adam do St-Victor, 235 ù 243,

248, 219, 294. Adolôde, 87. Adeste, fidèles, 263. Adhelme, 89 à 92, 97, 223. Adorna. Sion, thalamum, 227. Adrien VI, 253. /Eterno rorum conditor, 40. Agathe (Ste), 42, 43. Agnès (Ste), 331. Alain do Lisle, 172 à 176. Albert do Prague, 43. Albert lo Grand, 120, 121, 114. Albigeois, 240. Aleuin, 86 à 87, 113. Alchimie, 120, 121, 184. Alomans,83. Alexandrins (les), 17. Alix (la belle), 145. Aima redemptoris, 123, 124. Alphanus, 159, 160. Amahirius, 299. Aman, 61. Ambrolso (S.), 39 a 42, 152, 257,

312. Auios, 293. Anacréou, 83,

Anastaso le Bibliothécaire, 258.

André (S.). 91.

Angelico (1'), 83.

Animaux, V. Bestiaire.

An Mille, 28'J.

Anselme (S.), 18,219 à 222, 226,

293. Antéchrist (D, 230,231. Anthemius, 60.

Antiphonaire de Bannor, 83 à 85. Anliphonaire de S.-Gall, 35. Antoine (S.), 134. Apocalypse (V), 191, 195, 257,

293. -Apollon, 37, 61. Apollyon, 28. Apothéose (!'), 49 à 50. Apôtres (les), 42, 112, 159 a 160. Apuléo, 11. Arnbos (les), 268. Arunoolo, 61. Arator,78. Arbre-Croix, 261. „ Ariane, 15. Aristote, 205.

Arnaud do Villeneuve, 280. A solis ortus cardine, 62, 258. Astrologie, 113, 114. Athalnric, 78. Audi bcniqne conditor, 78. Audi, tellùs, 289. Augustin (S.), 42, 79, 125, 280,

282. Aurea luce, 80. Aurier (Albert), 194. Ausone, 36 h 38, 01,63,79. Avc,liva, V. Eve. Ave, maris stella, 151, 152. Ave, mundi spes, 253.

368

LE LATIN MYSTIQUE

Ave, preaclara maris Stella, 120

à 122. Ave, virgo singularis, mater,

271. Ave, virgo singularis, placens,

Avitus, 60, 68 à 69.

B

Barbara (Ste), 147.

Barbares (les), 59 à 61.

Bôdo lo Vénérable, 93 à 94,133,

134. Bellarmln, 335. Bénédictines, 151. Bénédiction de l'huile, 140 à 141. — des instruments de

probation, 140. Beneficiis suis Christus (de), 36. Dunott (8.), 112, 179, 203, 237,

228. Benoit IX, 253. Bérenger (l'hérésiarque), 246. Bernard (8.), 12, 13, 19. 83, 95,

135, 152, 155, 203 a 216, 254,

295, 313. 322, 336. Bernard do Morlaix, 158. Berno, 113. Besnault (Sébastien), 336.

BESTIAIRE

Agneau, 110.

Agneau (Symbollsmo do 1'), 43,

Aiglej 111,167, 171,

- (Symbol.), 257. Aletust, 168.

Ane (Symb.), 168. Anosso (Symb.), 168. Basilic, m. Bélier, 110. Boeuf, 30.

- (Symb.), 257. Brobis, 110.

-Centaure, 168. Chambal, 168.

«- Chimère, 167. Chimèro(Symb. do la prostituée),

180. Colombe, 111.

— (Symb.), 48, 49. Coq_ de clocher (Symb.), 232. Corbeau, 91. fcCouleuvre (Symb.), 109. Cynocéphale, 168. Daim, 225. Dragon (Symb.), 168 à 171, 180,

190, 257, 258. Eglisserion, 170. Geai noir, 91.

GrifTon (Symb.). 167, 168, 100. Gulvro, 168, 190. Homme-Ane, 168. Homme-Centaure, 168. Léopard (Symb.), 43, 169, 257. Lôviathan, 170, 267. -Licorne (Symb.), 170,171. Lion. 24, 25, 110, 111, 169, 171,

180, 256. Lion (Symb. de J.-C.), 257.

— (Christs à tôto de), 258. Lionne (Symb. eucharistique),

169. Lions (Symb. des Deux), 43. Loup, 30, 142. Louvo, 167. Lynx, 18. Monocentauro, 168. Monoceros, 170. Mouton, 225.

Panthère (Symb.), 52, 170, 257.

- (Symb. do J.-G.), 169.

Panthôro (Symb. do la vaino

gloire), 169. Paon, 223.

- (Svmb.), 91. Paraude, 168. Pard, 169. Pholére, 63.

Phénix (Symb.), 27, 35, 36, 168,

261. Plongeon, 91. Poulain (Symb.), 97. Pseudosirène, 190. Rhinocéros, 171, 226. Rosmaro, 168. Sagittaire. 168. -Sirène, 167. Sirôno ailée ou Sirène-Oiseau,

167, 168. Sirène-serpent, 168. 8irène-dragon, 168. Sirôno-poisson, 168. Stryge, 168. Unicorno. V. Licorne. Vautour, 03.

INDEX GÉNÉRAL

369

Veau, 110, 111. Ver, 110, 111. Vipère (Symb.), 51 à 52. Wivro, 168, 190.

Beuil (lo sieur de). V. Saci/. Bible (la), passim, 15, 43, 69. etc. Mobio (Monastère do), 83. Boèce, 79 à 80. Boissier (Gaston), 21. Bonaventure(S.), 254 à 261. Bonlfaco(S.),223. . Bourguignons (les), 459. Bréviaire (le), 40, 43, 48, 335 à

343. Bréviairo corrigé, 152, 335 à 313.

— romain, 335 à 313.

— de Paris, 335 a 313.

— do Naples, 147.

— des Maronites, 281. Brunetto Lallni, 168. Burgondes (les), 61.

G

Aîalliope, 01.

Calvaire (lo), 15. V. Stabal mater.

Cantilène de sainte Eulalic, 47, 48.

Carmen apologcticum, 27 à 30.

Carmen ai conflklu hiemis et veris, 113.

Carmen de inqratit, 78.

Castltalis gradus, 161.

Catalogué det hommes illustres (lo), 23.

Cathemerinon, 47 à 48.

Cathoticon (lo) do Jeau do Oônos, 169. « Catulle, 12.

Contés (Conrad), 99,100.

Cento nuptialis, 37.

Cerf (corno de), 187.

— (os de coeur do), 186.

Céruse. 67,68.

Chair (la), 17 à 20, 04 à 06, 97, 203 a 208.

Chananéenno (la), 114, 115.

Chanson de Roland (la), 12.

Chapelet de virginité (lo), 141, 145.

Charlemagne, 83, 86, 87, 92, 06.

Charles le Chauve, 113.

Chasteté, 161.

Chesneau (lo P.), 169.

Christine (Ste), 159.

Cierges du Jeudi saint (Symb.),

142. Citeaux (Monastère do), 172. Cicéron, 83, 205. Claire (Ste), 147. Clairvaux (Monastère de), 203,

206, 208, 216.

- Claudien, 11, 36, 189. Claudien Mamert, 73 à 75, 261,

321. Clavicule (la), 89.

Cléandro Arnobe, 170, 171, 187, 199

Clément (Félix), 111, 119.

Clément d'Alexandrie (S.), 281.

Clément VII. 335.

Clément VIII, 335.

Clergé (moeurs du), 156, .157,229

à 232. Clergé (pénitences publ. du),

- Clichtove, 119.

Cluny (Monastôro de), 158, etc. Colfln (abbé), 335, 336. Collationes, 18. Colombe (Symb.), 48, 49. Colombo (Ste), 85. Columban (S.), 83, 84, 113. Cômo do Jérusalem, 278. Comgil (S.), 81. Commodien, 16, 21 à 31. Commonitoires, 64 à 66. Compassione, B. M. V. (de), 307. Composilum de composais, 120Conditor

120Conditor siderum, 40. Consolation de la philosophie,

80. Constantin, 17. Conrad do Ganning, 215. Conrad do llaimbourg, 115, 197. Corinne, 68. Cornelllo (P.), 262. Coronatus, 79. Couronnes (le Livre des), 19. Crocs, 43, 41. Croix (la), 14, 51, 73 à 75, 78,

Croix (échelle des péchés), 212. Cum recordor diem mortis, 299. Cymbale, 147. Cyprien (S.), 27, 35. Cyru8, 38. Cytharo, 117.

370

LE LATIN MYSTIQUE

D

Damase (S.), 42 à 44.

Daniel l'hymnographo, 119.

Dante Alighieri, 80, 129.

David, 62, 262.

Décadents, 16.

Delrio, 66.

Denise (Louis), 263.

Diable (le), 109, 141, 162, 170,

171, etc. Diane, 36. Didier le roi), 92. Didon, 15, 68. Dies trac, 24, 94, 287 à 304.

— (Toxto du), 301.

- (Trad. du), 302. Disibodo (S.), 128. Dominicains (les), 13. Dracontius, 69.

Du Cange, 169. Duns Scot, 282.

E

Ebert, 11,94. Eccejam noclis, 78. Ecce panis angelorum, 244. Ekkchardlo Palatin, 113. Ekkehard lo Vieux, 112, 113. Elien (l'hérésiarque), 280. ■ Enigmos, 92, 222 à 224. Ennodius, 23, 78, 79, 111, 280. Ephrem (S.) 280. Epiphanie, 85. Ermold le Noir, 95.à 97. Etienne de Longton, 145. Eucharislicon, 63. Eucharistique (Poésie), 243 à

249. Eucher (S.), 13. Eudes (lo roi), 96. Eulalte (Ste), 47 à 49. Euphémlo (Ste), 78. Eusèbe, 223. Eutychéens, 78. Eva-Ave, 276.

Eve, 69, 76,107,108, 124,276. Evoques (les), 13. Exempla (les), 52. Exode, 199. Ezéchiel, 199.

F

Femina dulce malum, 180.

Femme (la), 18, 04, 66 à 68, 179 à 180, 191, 219 à 221.

Femmes (Saintes), 42, 142.

Ferreri (Zacharie), 335.

Fin du Monde (la), V. Jugement dernier.

Flavius, 246.

Fleurs, V. Plantaire.

Flore lo Diacre, 92, 93.

Florcntinus, 79.

Fornication, 19 à 20.

Fortunat, 73. 75 à 78.

Fous (Fête des), 105.

Franciscaine (Poésie), 254 à 255.

Franciscains (les), 13.

François d'Assise (S.). 147, 158, 212,213,253,254, 287,321.

Francs (les), 60, 83, 96.

Frisons (les), 113.

Fromond, 157.

Fulbert do Chartres, 160 à 102.

Fuldo (Monostôro de), 94, 97.

G

Gaisberg (Frnnciscus), 106. Galticanus (le), 99. Gallo-llomaines (les), 07 à 68. Galuccl (Tarquino), 335. Gaude vtsceribus, mater, in intimis,

intimis, Gautier (Léon), 103. Gélasc, 23. Geneviève (Ste), 147. Gennadius, 23. Gerbert, 160. Germains (les), 60, 61. Gersop, 280. Gloria in excelsis, 113. Godeau, Gi.

Godescholk, 13, 114 & 110. Golhs (les), 28, 83. Gratien, 03. Grégoire le Grand, 78, 85, 103,

253. GrégôiroVII, 85, 171,253. Grégoiro do Nazlanze, 15, 90,

ifo, 170. Grégoire de Tours, 78. Grenier (A.), 15. Orimald, 97, 106. Grunewald, 215. Guillaumo de Conçues, 126.

INDEX GÉNÉRAL

371

II

Habert (Isaac), 336.

Hac Clara Die, 273.

Hamarligeneia, 50 à 52.

Hauréau, 14.

Hello, 15.

Helpidio, 80.

Henri III (l'empereur), 119.

Henricus Monachus, 120.

Henricus Pistor, 249.

Héribertd'Eichstad, 158.

Hermanus Contractus, 120, 122

à 124, 153. Hermas, 27, 80. Herrade, 208. Hérules (les), 59. Heures canoniales, 40 à 41,255

à 257. Heures franciscaines, 135, Hexameron, 69. Hllairc d'Arles (S.). 78. IIilaire de Poitiers (S.), 38 à 39. Hildegarde (la reino), 87. Hildegardo (Ste), 13, 124 a 129,

167, 109, 181, 183 à 184, 187,

321. Hildebcrt do Lavardin, 165 à

172, 278, 294. Holopherne, 61. Homme (V), 15. •Horace, 12, 15, 17, 67, 68, 152,

320, 335. Horloges de ta Passion, 256. Hormisdas. 78. Ilortus deliciarum, 208. liorlulus rosarum, 330. Hoslis Herodes impie, 39. Hucbald, 113. Hugues doSt-Vlctor, 171. Huilo (!'), 140, 141. Huns (les), 60.

Huysmans, 13, 39, 59, 07, 97. Hymnarium sarisbuviense, 160. 'Hymne des douze pierres, 192.

. I

Initiation (Y), 325 à 331. Impureté, 19.

Incarnation, V. Saint Esprit. Index librorum prohibitorum, 23.

Innocent III, 253 à 254.

Irlande, 83.

Inleriori domo (De), 19.

Inviolala, 273.

Isaïe, 221.

Isidore do Séville, 181, 301.

Islam (Cardinaux do I'), 167.

Ivoiro (Raclure d'), 186.

J

Jacopon de Todi, 205, 206. 307

h 320. Jacques do Vitry. 52, 167. Jam lucis orto sidere, 41. Jardin des délices (le), 208. Jean (S.), 191, 195, 241, 312. Jean-Baptiste (S.), 111,240. Jean Damascône (S.), 128. Jean do Gènes, 169. Jean de la Croix (S.), 155. Jean la Géomôlro, 124. JérémlO, 20, 62, 298. Jérôme (S.), 15, 35, 258. Jérusalem céleste (la), 165, 191,

105 ù 198. 227. Jesu corona virginum, 40. Jesu dulcis memoria, 210. Jesu ave fax amoris, 212. Jésus refulsil omnium, 38. Jésus (Compagnio do), 281.

Jiîsis-Cimisï

J.-C, passim.

— valiinuour d'Apollon, 37.

— ligure parlouto la naturo :

agneau, brebis, serpent, pierre, flamme, monlagne, vigne, fleur, etc., 110 à 111.

— litanies, 143 à 144.

— pourquoi homme, 166.

— résurrection, 227, 239,

240.

— incarnation, 267.

— symboles et métaphores !

couronno des vierges, - 40; agneau paissant les lis, 10, les fleurs, 116 ; agneau sur la croix, 74, 7o ; agneau dormant au

372

LE LATIN MYSTIQUE

lit des vierges, 115, 116 ; agneau se reposant dans les girons virginaux, 116; mains du Père, 37 ; géant do la doublo substance, 39 ; prince de la vie, 119. 120 ; serpent d'airain, 121 ; Yase recuit, 122 ; panthère, 169 ; lion, 171. 257 ; dragon, 171 ; aigle, 171, 257 ; boeuf, 257 ; serpent, 257 ; homme, 257 ; pierre angulaire, 197 ; sol de Stella, 209 ; grappe do Chypre, 274 ; branche de myrte, 274 ; grappe écrasée sous lo pressoir de la Croix, 248.

Job, 171.

Joël, 298.

Jona (De), 35.

Jonathas. 205.

Josoph l'hymnographo, 278, 312.

Jugement do Dieu, 141 à 142.

Jugement dernier, 21, 24 à 30,

V. Dies trac. Juifs (les). 30, 119,120. Jules II, 279.

Jumiègos (Abbayode), 104. Junte (Philippe), 36. Justin, 23. Juvénal, 15. Juvencus, 35, 222.

K

Xoiïpé uot 6 RotffOei*, 124. Kehrein, 119. KonradII, 119.

L

La Brunctière (Guillaume de),

336. Lactance, 35. Laetabundus, 208.

Laforgue, 16.

Lamentalio peccalricis animae,

165, 171 à 473. Lamentum lacrymabile, 268. Languentibus, 296.

LAPIDAIRE

•Agolo, 173. 181, 361.

— (Symb.), 198, 199. Aigue-marine, 185. Aimant, 167, 189. Alcctoire, 181 à 182. Almandino, 191, 198. Ambre, 145, 187. Améthyste, 187, 188, 192.

- (Symb.), 194, 195,

198,199. Arménio (Pierre d'), 183. Aromatite, 191. Astroïte, 173. Azur (Pierre d"), 183. Béril, 185.

— (Symb.), 192,193,194,198,

199. Bufonile, 1.91. Calcédoine, 192, 195, 197.

- (Symb.), 192, 191,

199. Chélldoino, 188. Chrysollthe, 185, 186.

- (Symb.), 192, 193,

194, 198, 199. Chrysoprase, 187, 193, 195.

- (Symb.), 199. Corail, 186, 189 a 190, 302.

— blanc, 186. Cornaline, 190. Corsoïdo. 183. Diamant, 173, 190.

— (Symb.), 108.

— jaune. V. Jargon. Electrum, 53, 51. Emeraude, 184, 301.

- (Symb.), 192, 191,

197, 199.

— Orientale. 180. Escorboucle, 173, 100.

— (Symb.), 199. Galaclito, 183.

Girasol, 191. Grammatite, 183. Grenat, V. Escarboucle.

— oriental, 186. Héliotrope, 183. Hématite, 191.

INDEX GÉNÉRAL

373

Hirondelle (Pierre d'), V. Chélidoine.

Chélidoine. 173, 186, 192.

— (Symb.). 193 à 195,

Ï98 199.

— (Electuairo'd'), 1S6.

— orientale, 186. Jais, 188, 361, 362. Jargon, 191.

Jaspe, 182 û 183, 192,361.

- (Symb.), 192, 194, 197,

199. Jayet, V. Jais. Marcassitc, 191. Mica, 191. Ollairo. 191. Onyx, 184 à 185.

- (Symb.), 198, 199. Opale, 195.

- dorée, 191. Panthère, 183. Paranlte, 191.

Perle, 173, 186,191, 195, 210.

- (Symb.). 198. Polygramme, 183. Pseudomalachite, 183. Pseudoprase, 183. Pseudosaphir, 183. Rubis, V. Escarboucle.

- (Symb.), 199. Saphir, 173, 183, 192.

- (Symb.), 192, 191,199.

- oriental. 180. Sarde, 192, 362.

- (Symb.), 192 à 194, 198,

199. Sardoino, 192, 195.

— (Symb.), 192, 191. 197,

Sardonyx, V. Sardoine. Serpentine, 191. Smaragdo-prase, 191. Talc, 191. Tarqueuse, 101. Tôrôbonthlne, 183. Topaze, 185, 186, 192.

- (Symb.), 193, 195, 199.

— orientale, 186. Tourmaline, 191. Turquoise, 191.

Latin d'Egliso, 12 a 15. Lauda Sion, 243. Laude Eremi (De) 13. Laudes crucis, 242. Laudes D. M. V., 262.

Laudibus Virqinis (De), 135.

Lazare, 49, 137, 138.

Leconle do Lisle, 244.

Lémures, 184.

Léon X, 253.

Lesbia, 68.

Lo Tourneux (N.), 336.

Libellus precum, 133.

Libéra (In), 12,287.

Liber de planctu nalurae, 172 à

176. Liber vitae meritorum, 129. Licorne (Cornodc), 170, 186. Liguori, 17. Litanies, 113 à 147.

— orlgino, 133.

— rythmées,versiflées,133

à 135.

— gréco-latines, 131 à

135.

— séquences, 135,136.

— diverses, 136 à 139,

142 à 143.

— dialoguées, 139.

— des pônitoncos publiques,

publiques,

— du Jugemont do Dieu,

141 a 142.

— do Grande consolation,

143.

— do la sainlo Viergo,

144 h 147.

— do Ste Claire, do S.

François, etc. 147. • Liturgie, 41,62.

— Mozarabe, 85 à 86, 136,

137.

— des pénitences publi—

publi— 110.

— de lu Bénédiction do

l'huile, 140 à 141.

— des Jugements de

Dieu, 141 a 142.

— (les Proses en), 104,

152.

— musicale, 151.

Livre des Gemmes (le), 181 à

191. Lombards (les), 83, 92. Lorenzini, 337. Loth (la femme do), 35. Louis le Débonnaire, 90, 97. Luc (8.), 312. Lucie (Sto), 159. Lucis creator optlme, 41. Lupus (le pape), 62. Luxcuil (Monastère de), 83, 81. Luxorius. 179. Macchabées (les), 36. Macor Floridus, 93,

374

LE LATIN MYSTIQUE

Madeleine (Ste), 100, 114, 115

302, 304. Mages (les), 38, 108. Mahomet, 165, 166. Maiorien, 60. Malachie, 84. Mamelles (Symbolisme des), 43

à 44. Mammès (S.), 97. Manus sanctae, vos aveto, 213. Morbode, 179 à 195, 197. Marc (S.). 258. Mariage (le), 90.

MARIE (LA ViEnoK)

Marie, passim.

— 267 à 283.

— vierge et mèi. W, 40,52,

62, 107 à- 121 à 126, 146, 209, >, 228, 239 ; — mélaj», res à ce sujet, 272 a 283 ; — discussions tlu'olo' giques sur la fécondation par lo Salnt-L'sSrit, et la formula ine virili scmine, 280 h 283.

— préside aux épousailles

célestes, 158 a 159.

— son anneau Incrusté de

gemmes, 197 à 193.

— mero do son père ot

mère de son umant (amalorem), 270.

— (culte du ventre, des mamelles,

mamelles, l'utérus de), 278 à 279.

— (Métaphoros sur) : fenôtre

fenôtre ciel, porte do la lumière, 70 ; étoile, 121 a 124, etc. ; porto close, 121 ; belle comme l'éclair, 121,122 ; graco du Divin, 124; tige, diadème, miroir, 125 ; marjolaine do pureté, romarin, etc., 144 ; lit do ropos, garde-meuble, chapelle, encensoir, cytharo, cymbale, lampe, bibliothenuo, celtier,etc, 147 ; trésor,

jardin, fontaine, source, etc., 210 ; palais, manoir, oxorde, toison, terre viergo.saiicluaire, gemme, lingot d'or, etc., 222 ; fleur d'épine sans épines, 238 ; buisson ardent, rose, luminaire, tabernacle, lis, etc., 254; nuits, gâteau, cellule, lumière sans éclipse, baume, cave, toison de brebis, candélabre, lit de la pudeur, fontaine d'édulcoralion, halo élhéré , lantorno, cour royale, etc., 274 ; porto do cristal, oflicino du Pain vivant, tour do guerre, conque, pâture, parasol, racine, echanson, tourterelle, viergo colombine, salle do festin, etc., 275.. (Ventre de), jardin oîi l'on récolte : myrrhe, encens, ambre, slorax, aloès, résine , tutie, galbanum, safran, genièvre, térébintho, etc., 146 à 147.

Mario do la Présentation (Soeur),

143. Kfarius Victor, 14, 17, 66 à 68,

.9. Marius Vlctorlnus, 36. Mon'al d'Auvergne, 207,208. Martii (S.), 61,78. Martyrscr (Outils à), 43 à 44. Martyrs (les). 159 a 160. Matthieu (S.). 35, 292. Matthieu do Vendôme, 224 à 225,

220. Maurico (8., 87. Mavorllus, 79.. Maxlmin (le juge), 44. Médici8 (Laurent de), 99. Mercure, 30.

Me receptel Ston ilta, 105. Merelrice(De), 179. Mérobaudes, 278. Métrique, 27, 151,152. Mllton, 68.

INDEX GENERAL

375

Minium, 67, 68.

Minucius Félix, 27.

Missale mixlum, V. Liturgie mozarabe.

Missel de Salzbourg, 280.

Moeslae parenlis, 308.

Moines, 13.

— (Règle3 des), 215 à 21G.

Mort (la), 167, 203 à m — mystique do l'âme, 259.

Morts (Danse des), 207 à 208.

Mort Saint-Innocent (la), 208 à 209.

Moselle (la), 37.

Musc, 187.

Muses (les), 37.

N

Nord, 85.

Nature (la), 173 à 175.

Néron, 21, 28, 29.

Nicéo (Concile de), 280, 281.

Nicholas Bozon, 191.

Noël, 39, 208.

Normands (les), 96, 101.

Notgor, 119.

Notker Bolbulus, 103 à 110, 119,

120,321. Nolker de Liège. 119. Nuit obscure de l'dme (la), 155.

O

Odon do Cluny, 18, 100, 162, 203,

291. OdQU do Sully, 105. O dulcissime Jesu, 212. Office de la Vierge (Petit), 70. Ofilii, 120.

Ogloriosa Domina, 76. Omiranda vanitas. Omiseratrix, 157. Ongles, 43, 44. - Opplen, 91.

Optatlen Porphyre, 222. Opus paschale. 03. Or (Feuilles A\ 187. Oratione piae, 330. Oriontlus, 64 à 66. Origine mundi(Da), 68. Orphiques (Hymnes), 181.

Othlonus, 292. ," Ovide, 15, 67, 68, 79, 86, 226. Ozanam, 255.

P

Panne Imgua gloviosi corports,

245. Pange lingua gloriosi praelium, 73. '-Panthéisme, 110 à 212. Pâques, 77, 119, 120. Paraclet, V. Saint-Esprit. , Paradis (Description du), 158 à

Paradisus animac, 215. Paul (S.), 17, 28, 68, 226, 254, Paul Diacre, 92. Paulin do Noie, 37 à 38. Paulin do Pella,63. Paulin do Pôrigueux, 78. Pauvre (lo), 87 n 88, 94, 158. Pierre (S.). 28, 113. Pierre Damien, 155 à 157, 248,

293. Pierre do Blois, 231 à 232. Pierre do Corbcil, III. Pierre lo Diacro, 229 à 231. Pierro lo Vénérable, 103, 227 à

228. .. Pierro philosophale, 191. Pierres précieuses, V. Lapt»

daire. Peignes, 43, 41. Pelage (S.), 99 h 100. Pénitences publiques, 139 à 140. Pentecôte, 128. Peristephanon, 47 à 49. Pornety (Dom), 181. Perpétuas, Gl. Petreius, 73. Perversité des moeurs (Do la) 60

à 68. Petrucci (H.), 335. Pharisiens, 114, 115. Philippe do Harveng, 223. Philomena, 255 à 260. Phoenix. 36. Phoenke (De), 35 à 36. Physologus (le) d'Hildobort, 165

n 171. Pio V, 335.

Piante de la Madona, 313. . Pierro do Riga, 222. •♦Plndare, 15. Planclus B. M. V.t 308.

376

LK LATIN MYSTIQUE

PLANTAIHK.

Aoho, 98. Ah-ès, 145, 180. Amaraiitho, 159. Angélique». 1S7. Baume, 150. Hétolne, 98. Historié, 1«7. Cèdre, 115. Correuil, 98. Chardon bénit. 187. Cinnamomo, 110. Cobar(Boisdo), 187. Coriandre, 187. Crocus, 187. Cyprès, 145. Dictamo, 187. l)ouvo,49. Eclaire, 03. Encens, 145, 159. Fenouil, 225. Figuier, 145. Gaibanum, 146. Genièvre, 146. Gingembre, 225. Glaïeul, 98. Hysopo, 146. Laurier, 146,185. Livèche, 98. Lys, 40,03, 144,159,225. Marguerite, 141. Marjolaine, 144. Maroube, 98. , Mûrier, 145. Mvrrho. 145, 191. Nàrd, 146,159. Ongle, 145. Oseille, 187. Pavot, 98. Pervenche,187. Pouliot, 98. Raifort, 98. Résine, 146. Romarin, 144, 14G. Rose, 48, 53, 144,159,187. Roseau, 145. Rue caprine, 187. Safran, 140, 159. Sandalum, 187. Sauge, 99. Souci, 144, 145. Storax, 145. Térébinthe, 146. Thym, 159. Troène, 85. Tormentille, 187.

Tulto, 116.

Vigno.OO, 110,147. 160.

Violette, 53, 68, 141, 117,225.

Platon, 126.

Plante. 13.

Piiuo l'Ancien, 181, 187.

Polomius, 61.

Port-Royal, 78.

Proclos, 17.

Prosorplno, 36.

Proses, V. Séquences.

Prosodlo, 14.

Prosper d'Aquitaino, 78.

Protoévangile do Jacques, 62.

Prudence, 12, 45 à 55. 73, 78,

152. Prïnn (Monastôro do), 90. Psaltérlon, 159, 160. PsalteriumD. M. V., 202. Psychomachie, 12, 52 à 55.

R

Raban Maur, 91 à 95, 222. ftacino (Louis), 78. Rameaux (les), 88. Raphaél, 83. Raymond Lulle, 89. Recordare sanclae Crucis, 260. Rector potens verax Deus, 41. Reinier, 224. Remy (S.), 96. Renaissance (la), 81,207,255.

— Carlovingienne, 81. Renan, 14.

Rerum Deus tenax vigor, 41. Rythme, 111, 115,151. Rylhmusde sanctissima Virgine,

155 à 156. Riccio (A.), 170.

Robert de France, 95, 127, 153,

222. Roswitha, 99 à 100. Rottach (Ul. St. de), 247, 248,

279, 297. Rôth, 134. Rubrique sur tous les états,

156 a 157.

INDEX GÉNÉRAL

377

Ruinait (Dom), 43, 13. Rurielns, 01. Rusticus Elpidius, 79. Rutobeuf, 209.

S

Sacy (M. do). 325. Sadlsmo, 43 à il. Saint-Esprit (lo), 91,95, 112,121 à 127,147. -222,221, 236 à 237.

— appellations diverses, 127, 153, loi.

— ftmo du monde, 120.

— lumièro, feu, 127, 158.

— baumo, condiment, forment, 237.

—*(Cnlto du), 126.

— (Péché contre lo), 126, 166.

— son rôle dans 1 Incarnation, 280 à 283.

Saint-Gall (Abbayo do), 83 à 85, 97, 101,105, 113,122, 131, 151.

Saint-Sacrement (Office du), 240.

Salomon, 68, 205.

— (Trône do), 43.

Salve caput cruentalum, 214. Salve dies, 211. Salve festa dies, 77. Salve mater Salvatoris, 238,271. Salve regina, 15, 123, 125,221. Salvete flores martyntm, 47 à 49. Sanctorum meritis, 152, 153. Sang (le), 41, 48. Santeul, 208, 33G. Santeul (Claude), 336. Sa "ho, 84. Sarrasins (les), 268. Saxons (les), 59. Scots(les), 83. Sedulius, 39, 62, 258. Sénèque, 17.

Séquences irrégulières, 102, a 129.

— régulières. 152 à 153.

— greco-latines, 122,123. Sequentia contra Turcas% 269. Séquenliaires (les\ 13, 103 à

129. Sères (les), 68. Serlon, 292. Sersaon, 61.

Sibylles (les), 291 à 292, 301. Sicambres (les), 59.

LAT. MYST.

Sldoino Apollinaire, 59 a 62, 73. Silvlus Aiitonianus, 335, 339. Sirmond(loP.), 23. Sir ailes des Chérubins (les)

172. Smoragdo, 14. Sodomo, 35. Sodoma (De), 35. Sodomie, 110, 176. Soliloquium animae, 329. Sophonie, 297. Stabat mater, 10,307 à 320.

— loxto, 318.

— tiad., 319. ■Stace, 17.

Statu animae (De), 73.

Strada (F.), 335.

Stttcklins, V. Rotlach.

Sub tuum praesidium. 263.

Sullv-Prud'hommo, 16.

Symboliquo (la), obscure et incohérente 171, 198, 258.

Symbolique (lo langage), 146.

Symboliques (Vers), 100.

Symbolisme, passim. V. Bestiaire, Lapidaire, Marie (la Vierge), Jésus-Christ, etc.

— planétaire dos gemmes, 173.

Sympliosius Coeliu3, 222.

T

Tacite, 15. Tailhado (L.), 267. Tantum ergo, 245. Tatwine, 223. Te Deum,\î, 143. Te lueisante terminum, 41. Térence, 12, 07,68. Terre bolairc, 187.

— sigillée, 187. Terret me dies terroris, 298. Tertullien, 18, 27, 31,65. ThéadeGaza.44. Théodoric, 79. Tbéodosia (la Tyrienne), 44. Théodule, 158.

Théodulphe, 13, 14, 47, 86 à 98. Théophane,278. Théophraste, 181. Thomas a Kempis, 103. 114, 212

à 213, 214, 32a & 331. Thomas d'Aquin, 73, 144, 152,

243 à 249, 282.

24

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LE LATIN MYSTIQUE

Thomas do Colano, 287 a 301,

313. Tibullo, 320. Timée (lo), 120. Tronto (Concilo do), 335. Trinité (la Saiuto), figurée par

touto la Nature : soleil, cimo,

soutier, îùerr»», fonloino, rosée,

etc., Ut à 112. Tristes eranl Apostoli, 42. Tropos, Y. Séquences. Turcs (les), 268 a 270. Tutilo, 85. Tympanon, 159. Tyro Prosper, 78.

U

Ulrich do Wossobrun, 212.

Umbra noelis inclinatur, 224.

Urbain IV, 240.

Urbain VIII. 335.

Vrbs beala Jérusalem, 195, 19G.

Ursulo (Sto), 159.

V

Valentino do Césarée, 44. Vallis liliorum, 329. Vandales (les), Cl.

Veni crcator, 91.

Veni redemptor qcntium, 39. • Veni Sancte Spiritus, 151. Yerbo (lo), 322.

Verbum supernum prodiens nec Pat ris, 211.

Veris grato tempore, 227.

Vorlaino, 12,321.

Vers français (Origino du), 152.

Vexilla régis, 75.

Victimae paschali, 119. Viergi' (la Saiuto), V. Mûrie. Viorgos (les), 40.

— leurs plaisirs au Ciel, 115,110.

— jouent et cohabitent avec l'Agneau. 115. 116.

— vêtues do lin et do pourpre, 116.

— jouont du tympanon, 159,160. -Virgile, 13, 15,21. 35, 86.

Villon, 83, 200 à 207. Virginité (la), 89 à 91.

W

Walafrid Slrabo, 95, 97 a 99. Walburgo (Ste), 158. Wandalbert. 90, 100. Warnerrid (Paul), Y, Paul DiaWiilHbrord

DiaWiilHbrord 113, 114. Wipo, 119, 120.

FIN

ACHEVÉ D'IMPRIMER

LE 20 SEfTEMonii 1892

SUR LKS PRESSES DE EDMOND MONNOYKR

Au MANS (SAIUHE)






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